Entre Afrique Et Égypte. Les Installations Hydrauliques Dans Le Désert Et Le Prédésert À L’Époque Romaine Michel Reddé

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Entre Afrique Et Égypte. Les Installations Hydrauliques Dans Le Désert Et Le Prédésert À L’Époque Romaine Michel Reddé Entre Afrique et Égypte. Les installations hydrauliques dans le désert et le prédésert à l’époque romaine Michel Reddé To cite this version: Michel Reddé. Entre Afrique et Égypte. Les installations hydrauliques dans le désert et le prédésert à l’époque romaine. Entre Afrique et Égypte : relations et échanges entre les espaces au sud de la Méditerranée à l’époque romaine, 2011, Limoges, France. halshs-01410212 HAL Id: halshs-01410212 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01410212 Submitted on 6 Dec 2016 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Entre Afrique et Égypte Stéphanie Guédon est maître de conférences en histoire romaine à l’Université de Limoges. Ausonius Éditions — Scripta Antiqua 49 — Entre Afrique et Égypte : relations et échanges entre les espaces au sud de la Méditerranée à l’époque romaine sous la direction de Stéphanie GUÉDON Ouvrage publié avec le concours du Centre de recherches interdisplinaires en histoire, art et musicologie (CRIHAM, EA 4270) – Institut de recherche Sciences de l’Homme et de la Société, Université de Limoges, et du Partner University Fund “Oasis Maior” Diffusion De Boccard 11 rue de Médicis F - 75006 Paris — Bordeaux 2012 — AUSONIUS Maison de l’Archéologie F - 33607 Pessac cedex http://ausoniuseditions.u-bordeaux3.fr/fr/ Diffusion De Boccard 11 rue de Médicis 75006 Paris http://www.deboccard.com Directeur des Publications : Olivier Devillers Secrétaire des Publications : Nathalie Tran Graphisme de Couverture : Stéphanie Vincent © AUSONIUS 2012 ISSN : 1298-1990 ISBN : 978-2-35613-077-8 Achevé d’imprimer sur les presses de l’imprimerie BM Z.I. de Canéjan 14, rue Pierre Paul de Riquet F - 33610 Canéjan décembre 2012 Illustration de couverture : Charles-Théodore Frère (1814-1888), “A Caravan Crossing the Desert” ©Photo courtesy of : Rehs Galleries, Inc., New York City. Entre Afrique et Égypte. Les installations hydrauliques dans le désert et le prédésert à l’époque romaine Michel Reddé Ayant eu le privilège de participer autrefois aux prospections françaises du prédésert libyen, dans le cadre de l’Unesco Libyan Valleys Survey1, puis de fouiller les premières qanāts de Douch, dans l’oasis de Khargha2, je me suis souvent, après bien d’autres, interrogé sur l’origine de ces techniques de maîtrise de l’eau et sur leur importance effective pour l’économie du monde antique. La découverte ultérieure de qanāts perses près de Douch3, puis de foggaras qui sont, pour certaines, antérieures à l’époque romaine, dans le Fazzān4, invite à reprendre cette question dans le cadre d’un colloque consacré aux relations entre l’Égypte et l’Afrique du Nord. Dans le même temps nos connaissances sur l’agriculture irriguée au Proche-Orient et dans la péninsule arabique ont beaucoup progressé et nous disposons aujourd’hui de plusieurs exemples archéologiques qui prouvent sa grande ancienneté chronologique. Pourtant les coupures académiques traditionnelles entre “Africanistes”, “Égyptologues” et “Orientalistes”, entre protohistoriens et historiens, conduisent chacun d’entre nous à une assez large ignorance de la bibliographie étrangère à son propre champ de compétence. Je tâcherai donc de reprendre ici, à l’aide d’une documentation qui ne sera pas limitée à l’Afrique et à l’Égypte, ni d’ailleurs à la période romaine, la vieille question de la diffusion de ces différentes techniques d’irrigation. Pour les Africanistes français, jusqu’à une époque récente, l’une des raisons principales de la prospérité des marges désertiques de l’Afrique du Nord romaine reposait sur une maîtrise technique importée par la puissance colonisatrice et mise en place par l’armée. Ainsi Baradez5: “Le plus magnifique exemple de compartimentage [de champs irrigués en damiers] que je puisse citer, écrivait en 1949 le colonel-archéologue, est celui qu’avait découvert et photographié en vol le regretté capitaine Schneider, dans la région est de Sidi Okba. On y lit le plan précis des canaux d’irrigation et des délimitations régulières dues à un partage et à un bornage très poussés : c’est le type même des travaux de centuriation qui présidaient à la répartition des terres entre légionnaires ou tribus ralliées. Ce cliché est donc précieux pour nous : il nous montre non seulement la perfection de la distribution et de l’utilisation de l’eau, mais il prouve de quelle façon Rome est arrivée à fixer ici et à nourrir ses limitanei dont nous retrouvons à chaque pas les constructions routières ou militaires : c’est la colonisation militaire dans toute sa rigueur (p. 193)... L’ensemble des travaux que je viens d’énumérer rapidement permettait sans doute 1 La publication essentielle est évidemment celle de Barker et al. 1996. On ignore le plus souvent qu’il y eut aussi des prospections françaises, sous la responsabilité de R. Rebuffat, qui sont restées largement inédites. Pour un aperçu modeste et géographiquement limité, voir Reddé 1988. 2 Les résultats de la mission sont exposés dans Reddé 2004, mais l’étude de l’agriculture et des systèmes d’irrigation a été réalisée par Bousquet 1996. 3 Ces qanāts de ‘Ayn Manâwîr avaient été repérées mais non étudiées à l’époque des fouilles de Douch, et leur chronologie n’était pas connue. Leur exploration est désormais conduite par M. Wuttmann qui en publie régulièrement les principaux résultats dans la chronique annuelle du BIFAO. On verra en outre deux rapports préliminaires : Wuttmann et al. 1996 ; Wuttmann et al. 1998. La publication principale sur ces qanāts reste celle de Wuttmann 2001. 4 Mattingly 2003. Voir notamment le chapitre rédigé par A. Wilson et D. Mattingly (Wilson & Mattingly 2003) ; Wilson 2009. 5 Baradez 1949. 146 de faire vivre une population nombreuse et d’expédier à Rome l’huile et le grain toujours plus indispensable au corps anémié de l’Empire (p. 202)... Mais l’ensemble des travaux d’hydraulique agricole antique n’avait pas une moindre importance sous l’angle politique et militaire que sous l’angle économique. Ils permettaient à Rome d’établir des populations sédentaires, de “grignoter” le nomadisme et de le refouler vers le sud, c’est-à-dire de repousser artificiellement vers le sud la frontière d’équilibre entre les nomades et les sédentaires (p. 207)”6. Cette vision classique est celle qui a dominé la recherche jusqu’aux travaux de l’Unesco Libyan Valleys Survey, qui ont commencé en 1979, et nous l’avons tous plus ou moins implicitement partagée à un moment donné. Elle a été exprimée à maintes reprises sous des formes diverses et n’a guère été sérieusement critiquée avant un article essentiel publié en 1984 par B. D. Shaw dans Antiquités Africaines7. Dans cette étude fondamentale qui rassemble toute la bibliographie antérieure sur le sujet, l’auteur, au terme d’une analyse serrée, critiquait l’interpretatio romana de tous les ouvrages de petite hydraulique découverts en Afrique du Nord. Il contestait l’idée très répandue selon laquelle un pouvoir impérial centralisateur avait diffusé dans les provinces africaines des techniques qu’on retrouve aussi en Israël et au Levant. Il mettait en cause, au passage, les théories bien connues de K. Wittfogel pour qui la domination des états “totalitaires” reposait sur le contrôle des ressources agricoles, donc de l’eau8. Publiées en 1996, mais diffusées sous forme de rapports préliminaires dès le début des prospections, les recherches britanniques sur les wâdîs de Tripolitaine ont achevé de ruiner les thèses traditionnelles, mais elles n’ont malheureusement pas été suivies par d’autres travaux de terrain publiés sur les zones steppiques, ce qui fait qu’elles restent isolées et ont tendance à devenir à leur tour un modèle, généralisé de manière abusive par les utilisateurs secondaires de cette bibliographie archéologique9. Rappelons seulement qu’elles concernent une région précise et limitée dans le temps et l’espace. S’agissant cette fois-ci des qanāts (les foggaras d’Afrique du nord), les découvertes d’‘Ayn Manâwîr, bien datées de l’époque de la domination Perse en Égypte, ont semblé confirmer la thèse développée par H. Goblot qui croyait à une origine iranienne de ces techniques10. Quoique très critiqué dans le détail, ce dernier travail a fait date et a reçu une forme de caution de la part de géographes de renom. X. de Planhol plaidait ainsi pour un centre de diffusion unique, à partir de l’Iran, arguant, pour l’Afrique du nord, du rôle joué par les comptoirs puniques comme intermédiaires avec l’Orient11. Faut-il songer, au contraire, depuis les découvertes de Douch et surtout de Manâwîr, que des relations caravanières d’une oasis à l’autre aient pu conduire à diffuser la technique des qanāts depuis Kharga vers le Fezzan, puis, au-delà, vers l’Afrique du Nord ? Face à ce genre de questions, pour les qanāts comme pour les systèmes de “run-off and floodwater irrigation” par effet d’impluvium dans des bassins versants, la précision des descriptions archéologiques et la chronologie des installations constituent des éléments essentiels du raisonnement. Or rien n’est plus difficile à dater, en soi, qu’une qanāt ou qu’un muret de 6 J. Baradez a lui-même repris cette étude dans Baradez 1957. 7 Shaw 1984. 8 Wittfogel 1957. 9 Voir par exemple les généralisations un peu rapides de Cherry 2007. 10 Goblot 1979. 11 De Planhol 1992. Cette théorie apparaît déjà en 1970 (soit avant la soutenance de la thèse de H.
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