Bleu Rouge 19 Noir Jaune

Demi-finales

COUPE DU MONDE SAMEDI DIMANCHE 2007 ANGLETERRE - FRANCE AFRIQUE DU SUD - ARGENTINE RUGBY (21 heures) (21 heures) La longue route des Pumas Les Argentins sont déjà rentrés dans l’histoire de leur rugby. Ont-ils les ressources pour continuer leur belle aventure ? LES PUMAS sont touchés, mais trèsloind’être coulés.Après unmois de compétition, ponctué par cinq victoires en cinq matches, leurs organismes commencent à ressentir les efforts consentis. La grande car- casse de Joe Gomez, le préparateur physique rencontré à Pensacola (Floride) lors du stage de prépara- tion, est donc revenu hanter le quo- tidien des Argentins. Sa mission est simple : que ses poulains retrouvent toutes leurs forces pour la grande bataille annoncée du 14 octobre. LE PHYSIQUE C’est le grand point d’interrogation. Dimanche soir, quelques minutes après la victoire contre l’Écosse, Agustin Pichot n’a pas caché que les Pumas étaient un peuatteints physi- quement : « Lors de l’échauffement, on a senti que nos jambes étaient plus lourdes. On a donc revu notre stratégie. L’Écosse nous a imposé un groscombat. On a une semaine pour retrouver tout notre peps. » , le marqueur d’essais n° 1 des Pumas (3) lors de ce Mondial, explique cette petite baisse de régime par une première phase éprouvante : « On a eu deux très gros matches contre la France et l’Irlande. Lors de ce dernier, on a couru plus que la normale. C’est doncassez logique qu’onsoit un peu émoussés, mais on s’est très bien préparés, et, au final, on a battu l’Écosse. Donc, pas de soucis. » , touché à un pied contre l’Écosse, n’est vraiment pas inquiet sur lacondition physique des siens : « C’est normal de sortir d’un quart un peu touché, mais c’est seu- lement de la fatigue. Le principal, c’estquepersonne ne soit blessé. On va préparer notre prochain match à trente, et il n’y a pas beaucoup

Noir Bleu d’équipes dans ce cas-là. »

L’EFFECTIF Noir Bleu peut certes se tar- guer d’avoir un effectif épargné par Rouge Jaune lesblessures,maisdepuisdeux Rouge matches, il ne le fait pas beaucoup Jaune tourner à l’heure du coup d’envoi. C’est le même quinze qui a affronté l’Irlande, puis l’Écosse. Et certains joueurs (Ledesma, Albacete, Juan Fernandez Lobbe, Felipe Contepo- mi, , Hernandez ou Corleto) n’ont pas vraiment souf- flé depuis le début de la compéti- tion. En clair, les Pumas jouent à vingt-deux, pas à trente. Mais là encore, docteur Roncero y voit un avantage : « Ça nous permet de pro- gresser, de trouver des automa- tismes et d’être dans le rythme de la compétition. Je préfère jouer pour jouer plutôt que de jouer à moitié Après avoir éliminé les Écossais (Brown à gauche et Paterson à droite), les Argentins, emmenés par Hernandez (au centre avec le ballon) et Fernandez Lobbe (à l’arrière) se sentent prêts à relever pour ne pas me fatiguer. Et puis, on le défi des Sud-Africains dimanche. (Photo Pascal Rondeau) s’est préparés pour réaliser un match par semaine. » Lucas Borges LES AMBITIONS plus belle page de leur histoire, les commencé une nouvelle histoire. ont en effet perdu leurs 14 face-à- s’entraîner sérieusement, commen- a remarqué que « désormais, toutes Pumas ne veulent pas baisser leur Aucun ne veut encore parler d’une face depuis 1956. Tiens, tiens, les cer à penser de quelle manière on Les Argentins au repos les équipes vont s’appuyer sur la Croire que la performance mitigée garde. « Arriver en finale, ça serait hypothétique finale. Rodrigo Ronce- Argentins vont une nouvelle fois peut battre les Boks, affirme Nani HIER, LES PUMAS ont déménagé vers leur bunker d’Enghien-les-Bains. même ossature. Regardez les Sud- des Pumas contre l’Écosse annonce vraiment fou, affirme Corleto. On ne ro : « Pour jouer une finale, il faut endosser le maillot du plus faible, Corleto. Dimanche, on sera prêts Comme après chaque match, le staff a donné quarante-huit heures de liberté Africains, ils n’ont pas autant tourné le déclin de cette équipe serait une regarde pas derrière nous, on est déjà gagner une demi-finale. celui de l’outsider. « C’est un cos- pour le combat. C’est certain. Car ce et de repos à ses joueurs. Nombreux sont tout de même ceux passés sous les que ça ». Même si la situation est grave erreur. Quelques minutes dans la compétition, concentrés sur L’Afrique du Sud, c’est le match le tume qui nous va mieux, assure genre de rencontre se joue à 80 % mains des kinés, qui travaillent à plein régime. Les « Parisiens » (Pichot, Ron- certainement difficile à vivre pour après la victoire, Juan Martin Her- cero, Hernandez, Borges et Corleto) ont profité de la journée pour passer un notre prochain match. Et c’est sûr plus important de notre histoire. » Lucas Borges. Car tu rentres sur la dans la tête. Ce match contre les « coiffeurs » argentins, ils ne nandez a commencé à sortir ses peu de temps à leur domicile. Certains sont partis se promener dans la capitale l’Afrique du Sud ressemble à celui pipent pas mot. Car le groupe est griffes : « Atteindre les demi-finales, quetous, on croiten nos chances, on LES SPRINGBOKS pelouse avec un peu plus d’appré- et d’autres ont passé le plus clair de leur temps à se reposer au fond de leur lit. une force majeure de cette équipe. c’est déjà historique pour l’Argen- a le potentiel pour arriver encore Dimanche, les Pumas auront une hension et de peur. Et ça, ça à ten- contre la France. Personne ne nous Juan Manuel Leguizamon, blessé lors du match contre l’Écosse, souffre d’une « On tire tous vers la même direc- tine. Mais je pense qu’il y a quelque plus loin. Il y a un match dimanche, véritable montagne de muscles et dance à nous transcender. » Les voit sortir vainqueurs, pour beau- entorse du coude droit, qui ne devrait pas l’empêcher de participer à la demi- tion, avoue Nani Corleto. Et on est chose à faire contre l’Afrique du Sud et on veut le gagner. » Comme d’histoire face à eux. Au regard des Pumas se conditionnent avec coup l’histoire est déjà écrite, et finale. RodrigoRoncero a gardé les stigmates d’un crampon d’un de ses adver- arrivés là grâce à cela et c’est tous et qu’on peut aspirer à plus. » Qua- depuis le début de la compétition, statistiques, ils n’ont aucune chance l’intime conviction que tout est pos- pourtant…tout est possible. » saires sur le cou du pied gauche et est encore affaibli par la ensemble qu’on arrivera plus loin. » rante-huit heures après avoir écrit la les Pumas ont clos un chapitre et de mettre à terre les Springboks. Ils sible, surtout la victoire : «Onva ALEXANDRE JUILLARD grippe qui l’a cloué au lit la semaine dernière. – A. Ju. AFRIQUE DU SUD Vous avez dit Juan Smith ? Juan SMITH (AFS) Un petit marché… Brillant dans l’ombre, le troisième-ligne fut l’un des rares Boks à la hauteur face aux Fidji. AU FOND, c’était un match pour lui. Heureusement,Juan Smithveillait. Pas partenaire Andre Venter, l’ancien troi- que pour son dévouement sans qui entend le rester ! Avec sa formidable capacité de briller le plus volubile, pas le plus étincelant, sième-ligne exemplaire bok nuance au front des mêlées, on lui a dans des équipes ordinaires, Juan pas le plus coté des Springboks, la aujourd’hui cloué dans un fauteuil à la trouvé un surnom : « l’assassin tran- HISTORIQUEMENT, le rugby est demeuré amateur des clubs profession- Smith ne pouvait que ressortir valeur sûre avait encore su jouer en suite d’une infection virale. On se quille du rugby springbok ». pendant 172 ans (jusqu’en 1995), alors que le football nels, et donc un mar- (Cheetahs Bloemfontein) e indemne d’une rencontre Afrique du troisième ligne d’une partition dans reconnaît facilement dans ce proto- devenait professionnel dès le début du XX siècle. Et, ché.Dèslors, comment Sud - Fidji marquée par la déconcer- l’ombre efficace, au point d’éviter de type quipasse son temps libre à pêcher « Son aura défensive 26 ans, contrairement aux événements majeurs du calendrier s’étonner de la modes- tante banalité du jeu bok. Si les Fid- plusdouloureuses remises en question dans la Modriver, près de Bloemfon- est très intimidante » Né le 30 juillet 1981 international (les premiers Jeux Olympiques datent de tie des ventes de maté- jiens avaient cumulé dimanche dans le clan sudaf. Juan Smith ne dis- tein, avec le pilier C.J. Van der Linde et à Bloemfontein (AFS). 1896, le Tour de France de 1903, la Coupe du monde de riels et d’équipe- Toujours dans l’ombre, il a démarré 1,94 m ; 106 kg. audace, grinta et vista, les Sud-Afri- pose évidemment pas de la fougue qui rêve de bâtir une ferme pour son dans une petite école (la JBM Hertzog) football de 1930), le rugby a attendu 1987 pour lancer ments : 130 millions cains, contestés jusque dans leurs charismatique de « Scalla » Burger. futur. « Pour moi, le jour parfait serait sa Coupe du monde. d’euros chaque année de Bloemfontein, là où le passage obli- Troisième-ligne points forts dans les zones de contact, Mais au pays, on l’estime justement d’être dans ma ferme avec toute ma gé des bons joueurs potentiels conduit De fait, on dénombre 3,5 millions de licenciés en rugby contre 2 milliards en n’avaient même pas pu élaborer pour cette réserve laissée juste de côté famille, mon père, ma mère, ma au Grey College. Il fut donc privé de la 39 sélections.lections contre 250 millions en football. De plus, leur concentra- football ? dignement l’ « ugly rugby » (affreux au moment où sonne l’heure des rucks femme et mes enfants, pour le réveil- Craven Week, cette semaine d’élite du 45 points (9 essais). tion dans quelques pays européens (56 %) explique la Pour parvenir à une mondialisation complète du rugby, rugby) qu’ils avaient promis de déve- et des mauls. On aime sa filiation lon de Noël. Ça, oui, ceserait parfait. » rugby scolaire dans la Mecque du rug- faible présence decette discipline surdes continentstels l’IRB doit absolument mettre en œuvre une stratégie lopper face aux bondissants îliens. revendiquée avec son modèle et ex- Tant pour ses si paisibles aspirations Première sélection : by, à Stellenbosh, où il fait bon être vu. Afrique du Sud - Écosse (29-25) que l’Amérique (3 %) et l’Asie (9 %). d’expansion. Autrement dit, il serait judicieux de choisir « Mais ce n’est pas plus mal d’avoir le 7 juin 2003 à Durban. Legrand déséquilibre durugby international se retrouve de nouveaux territoires à conquérir (le Japon, l’Amé- LesBokss’yvoienttoujours démarré comme ça, dit-il. Ça m’a per- Dernière sélection : également dans le faible poids démographique des rique du Nord ou l’Argentine par exemple) pour organi- mis de me forger un sacré caractère. » Afrique du Sud - Fidji (37-20), vingt équipes participant à la Coupe ser la Coupe du monde, comme leCIO Chahutés par les Fidji, les Sud-Africains continuent d’afficher leur assurance. Encore à l’écart des zones tapageuses, 7 octobre 2007 à (CM). dumonde (12 %de la planète avecles l’a fait pour les JO (Séoul en 1988, il pointe aujourd’hui dans son berceau CHRONIQUE Participations en Coupe du monde : États-Unis et le Japon, pays où le rug- Pékin en 2008) ou la FIFA pour la DEPUIS HIER, on sait officiellement que la Fédération sud- passés par de nombreuses épreuves ces quatre dernières des Cheetahs de Bloemfontein, évi- by est un sport mineur). Sur ces vingt nations, une Coupe du monde de football (États-Unis en 1994, africaine cherche un entraîneur pour les Springboks. L’appel années qui font que l’on peut éviter ce genre de déconve- demment pas la franchise la plus fun ni 2 (2003, 2007). dizaine sont de petite ou très petite taille (Samoa, Ton- Afrique du Sud en 2010). Et il conviendrait de redistri- àcandidatures estlancé. JakeWhite,encontratjusqu’àlafin nues. Et c’est pourquoi je suis plein de confiance avant la la plus aboutie d’Afrique du Sud. Mais ga, Fidji, Namibie, Irlande, Nouvelle-Zélande, Géorgie, buer l’essentiel des 135 millions d’euros de profit aux de l’année, peut postuler. Et s’il gagne la Coupe du monde, il demi-finale. » À l’instar de certains journaux sud-africains avec sa moyenne de 20 plaquages par petites équipes au lieu de ne redonner que 225 000 lui serait difficile de ne pas être le favori. Mais le simple fait propulsant le pays au rang de « favori », le coach sudaf n’a match (« Quand c’est quinze, ce n’est Portugal…) ou appartiennent au tiers-monde. euros à chacune d’elles… de devoir faire acte de candidature semble l’agacer. Il aurait effectivement pas l’air de s’en faire. « Si m’on avait deman- pas assez »), cela ne l’empêche nulle- l’excellence, fait monter le niveau des Désormais, le business dans le sport est constitué par un se félicitait Naka préféré être reconduit tacitement au vu de ses résultats dé il y a quelque temps si j’aurais voulu rencontrer l’Argen- ment de se forger une légende à sa gars de 10 à 15 % », maillage indissociable de produits, de capitaux, Bref, le marché du rugby est trop petit et beaucoup trop Drotske,lecoachdesCheetahs. Quand depuis quatre ans. En attendant, le sémillant sélectionneur tineendemi-finales de laCoupedu monde, j’auraisdit oui. » mesure. S’il a du mal à franchir le mur d’images et de modèles de consommation qui se répan- concentré. C’est pourquoi l’IRB serait bien avisé de parade dans cette compétition avec une inaltérable delacélébrité, ses pairs sont unanimes il l’arepéré en 2002 lors dela Coupedu dent sur les cinq continents. Plus de 80 % du chiffre dépasser sa logique purement financière de court terme confiance dans le potentiel sudaf. Jake White dit aussi ceci : « Quand on veut gagner la Coupe à respecter sa technicité sans tache, monde des moins de 21 ans, Jake d’affaires de l’ensemble des marchés du sport, estimé à pour stimuler l’émergence de nouvelles équipes de haut Auxlimites entrevues dimanche faceaux Fidji et cette sensa- du monde, il faut toujours au moins battre le pays hôte. » ses courses senties et ses lumineuses White l’avait trouvé « plus mûr que les 600 milliards d’euros, sont réalisés par le triangle Amé- niveau. L’argent doit rester un moyen au service du Battre la France, donc. Et forcément en finale. Comme si la tion de déclin bok au fil des rencontres, il préfère faire le sorties balle en main. «Sonaura autres ». Moins d’un an après ses rique du Nord - Union européenne - Asie du Sud-Est. sport et non la finalité ultime, aurait proclamé Pierre de demi-finaledimanche« faceàun pays(Argentine)que l’ona débuts en Currie Cup, en septembre constat d’une équipe mûre n’ayant pas grand-chose à défensive est très intimidante », Or, l’économie du rugby est localisée sur de petits mar- Coubertin. Mais, actuellement, le lobby anglo-saxon craindre sous la pression. « L’Australie et la Nouvelle- toujours battu » était pliée ou presque. Hier, les Sud-Afri- racontait Laurie Fisher, le mentor aus- 2002, il était déjà international. Et à despaysfondateursentendconserverlepouvoir, cains ont quitté Marseille dans l’après-midi pour rallier Paris vingt-six ans, on se demande chés à l’écart de cette dynamique mondiale avec un Zélande pensaient qu’elles étaient les meilleures équipes du tralien des Brumbies, pendant la cam- espace de compétition étroit. Seules huit nations sur les l’accueil de la Coupe du monde et ses bénéfices… tournoiet beaucoupestimaientqu’ellespratiquaientlemeil- en TGV. Ils se sont installés dans le quartier de Bercy et pagne du Super 14. « C’est le genre de aujourd’hui s’il a déjà été crédité d’un leurrugby.En attendant,ellessont toutes lesdeuxrentréesà retrouveront le terrain de « Noisy the Great » (Noisy-le- capitaine qui, par sa seule présence, mauvais match. 95 membres de l’International Rugby Board (IRB) ont JEAN-FRANÇOIS BOURG la maison, chambre-t-il un brin. Nous, nous sommes déjà Grand) pour l’entraînement, comme lors des poules. – F. Ra. est à la recherche permanente de FRANCK RAMELLA MARDI 9 OCTOBRE 2007 PAGE 19

Bleu Rouge Noir Jaune