Recherches Sur Jean Anouilh (1910-1987)
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Document généré le 23 sept. 2021 14:03 Études littéraires Recherches sur Jean Anouilh (1910-1987). État des lieux Recent research on Jean Anouilh (1910-1987) Bernard Beugnot Aragon théoricien/praticien du roman Résumé de l'article Volume 45, numéro 1, hiver 2014 Depuis la publication de deux volumes de la Bibliothèque de la Pléiade (2007) et le centenaire en 2010, Anouilh a occupé, après ce qui peut apparaître comme URI : https://id.erudit.org/iderudit/1025943ar un purgatoire, une place nouvelle tant sur les scènes parisiennes, provinciales DOI : https://doi.org/10.7202/1025943ar et étrangères que dans la recherche (monographies, revues, articles). La documentation le concernant (manuscrits, études critiques, iconographie) s’est Aller au sommaire du numéro donc beaucoup enrichie, et le temps était venu d’en dresser un premier bilan. Éditeur(s) Département des littératures de l’Université Laval ISSN 0014-214X (imprimé) 1708-9069 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Beugnot, B. (2014). Recherches sur Jean Anouilh (1910-1987). État des lieux. Études littéraires, 45(1), 105–117. https://doi.org/10.7202/1025943ar Tous droits réservés © Université Laval, 2014 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ zzzzzzzzzz Recherches sur Jean Anouilh (1910-1987). État des lieux BERNARD BEUGNOT i les scènes françaises ont un temps boudé l’œuvre dramatique de Jean Anouilh (pour des raisons, il est vrai, parfois financières), les scènes étrangères ne l’ont S jamais ostracisée et les lecteurs ne lui ont jamais fait défaut non plus que la recherche universitaire (thèses, monographies, articles et communications). Outre ce paradoxe, s’attache à cette œuvre, véritable tunique de Nessus, un bouquet de lieux communs critiques qui, malgré leur part de vérité, la trahissent et l’amputent : attachement à la tradition contre toute modernité, virtuosité inspirée du théâtre de boulevard, artifice et facilité, positions politiques conservatrices que signeraient les écrits des années de guerre (voire Antigone, aux yeux de certains). Sa condamnation des excès de la Libération, son antigaullisme valurent à Anouilh les éloges appuyés d’un Jacques Vier ou d’un Jean Dutour aussi bien que les critiques insistantes d’un Guy Dumur. Le renouveau Le changement de cap, inauguré dès 1995 par le livre de Christophe Mercier émaillé de formules enthousiastes et suggestives (Pour saluer Jean Anouilh), s’opère au cours de la dernière décennie1. Avec l’édition d’un Théâtre dans la Bibliothèque de la Pléiade (2007) et la floraison de publications autour du centenaire de sa naissance, Anouilh a cessé d’être « un monument qu’on ne visite plus » (Christophe Mercier). Le renouveau s’est amorcé avec des reprises marquantes. En 2000, le Théâtre de Paris présente Becket ou l’Honneur de Dieu dans une mise en scène de Didier Long, avec Bernard Giraudeau dans le rôle du roi et Didier Sandre dans celui de Becket2. En 2003 le Théâtre Marigny-Robert Hossein monte Antigone dans une mise en scène de Nicolas Briançon, avec Barbara Schulz en Antigone et Robert Hossein en Créon ; le programme reproduit, en fac-similé et en transcription, un manuscrit inédit, Comparaison entre l’Antigone de Sophocle et celle d’Anouilh, rédigé par 1 Christophe Mercier, Pour saluer Jean Anouilh, Paris, éditions Bartillat, 1995. 2 Voir le programme de Becket ou l’Honneur de Dieu au Théâtre de Paris (L’Entracte, n˚ 128 [2000]). ÉL 45,1 Aragon 105 2014-06-25 14:17 106 • Études littéraires – Volume 45 No 1 – Hiver 2014 Anouilh pour sa fille Colombe alors collégienne3. En 2010, la Comédie des Champs- Élysées affiche Colombe (mise en scène de Michel Fagadau, avec Anny Duperey et Sara Giraudeau), puis, en 2011, Le Nombril (mise en scène de Michel Fagadau, avec Francis Perrin). En 2012, le film d’Alain Resnais Eurydice, inspiré de la pièce d’Anouilh, est présenté au festival de Cannes. Plus récemment, L’Alouette, avec Sara Giraudeau, retrouve le Théâtre Montparnasse, lieu de sa création, et Antigone passe au Théâtre du Vieux-Colombier avant de s’inscrire au répertoire de la Comédie française. En 2013, Le Voyageur sans bagages est en tournée en France et en Suisse tandis que les initiatives se multiplient tant à l’étranger qu’en France, où Anouilh réoccupe les scènes : La Petite Molière (Théâtre de Ménilmontant), Eurydice (Théâtre 14 Jean-Marie Serreau), Pauvre Bitos (Salle Asiem, compagnies Le nombre d’or et Pamplemousse). Même s’il s’agit parfois de petites troupes venues de province et que le spectacle ne dure qu’une ou deux semaines, il y a là les signes d’une renaissance. L’année 2010 voit aussi la fondation d’une Société des amis de Jean Anouilh dont le site Internet accueille un document illustré, « André Barsacq met en scène les pièces de Jean Anouilh ». En juin, Canal Académie diffuse deux émissions (aujourd’hui disponibles sur son site) : un entretien à plusieurs voix (Colombe Anouilh, Bernard Beugnot, Philippe Gaxotte et Christophe Mercier) qu’anime Virginia Crespeau ; et la reprise d’une émission de Claude Santelli en 1997 («Jean Anouilh, 1910-1987»), comprenant une lecture d’Antigone par l’auteur et un entretien de Crespeau avec Anca Visdei, qui venait de publier sa première biographie d’Anouilh. À l’automne, à la mairie de ce 1er arrondissement où Anouilh résida longtemps, rue du 29 Juillet, Colombe Anouilh d’Harcourt et Carla Arigoni montent une exposition de documents visuels et de manuscrits tirés des archives familiales. Le 16 décembre, la chaîne Histoire rend hommage à Anouilh : un entretien de Patrick Buisson avec Michel Bouquet précède la diffusion de Le Jeune Homme et le Lion et de La Belle Vie4. L’Oratoire du Louvre, enfin, propose en mars 2011 Vive Henri IV ou la Galigaï, et le 21 mai 2013 une conférence sur «Les fables de Jean Anouilh». Le boisseau de publications des années 2010 n’est sans doute pas étranger à cette activité scénique : brève notice (avec un beau portrait de 1971 dû à Louis Monier) dans la brochure des Célébrations nationales 2010 (Paris, Direction des archives de France), texte repris dans les deux programmes de la Comédie des Champs-Élysées ; deux livraisons spéciales de revues universitaires, les premières consacrées à Anouilh : Études littéraires à Québec et Revue d’histoire littéraire de la France ; colloque tenu à l’Université de Paris-Est–Créteil ; monographie de 3 Repris dans Jean Ahouilh, Théâtre I, édition établie par Bernard Beugnot, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2007, p. 1216-1221. Signalons, à propos d’Antigone, que Le Quatrième Mur de Sorj Chalandon (Goncourt des lycéens, 2013) replace une mise en scène de la tragédie dans le contexte troublé du Liban. 4 Voir Bruno de Cessole, « Jean Anouilh ou l’honneur du théâtre », Valeurs actuelles [en ligne], 16 décembre 2010 [http ://www.valeursactuelles.com/culture/actualit%C3%A9/jean-anouilh- ou-l%E2%80%99honneur-th%C3%A9%C3%A2tre20121026.html]. ÉL 45,1 Aragon 106 2014-06-25 14:17 Recherches sur Jean Anouilh (1910-1987). État des lieux de Bernard Beugnot • 107 Jacqueline Blancart-Cassou et biographies par Anca Visdei5. Une telle convergence est significative : elle signe non des gestes convenus, de nature simplement cérémonielle ou patrimoniale, mais bien la consécration d’une œuvre qui appartient désormais de plein droit au panthéon littéraire français. Biographie Comme si la fameuse déclaration faite à Hubert Gignoux en 1945 (« Je n’ai pas de biographie») avait découragé toute entreprise biographique, malgré la vogue du genre, les monographies ont inlassablement repris les mêmes dates et les mêmes événements. La première, Anca Visdei, en souvenance de liens tissés avec Anouilh en ses dernières années suisses, a cru devoir lui rendre cet hommage. Sa contribution à Études littéraires6 amorçait la «biographie affective» qui devait résulter deux ans plus tard en un beau volume dont l’intérêt doit beaucoup à la griffe de la romancière et de la dramaturge. Fruit d’une grande familiarité avec les textes et les archives, animé d’une vigoureuse et intelligente sympathie, ce récit obéit au rythme allègre d’une valse à trois temps (Le temps des pères, 1910-1937 ; Le temps des frères d’armes, 1938–printemps 1953 ; Le temps pour soi, été 1953–1987). C’est dire qu’il s’impose comme une borne miliaire dans les recherches sur Anouilh, non sans laisser la voie ouverte à une entreprise plus large encore qui étofferait l’analyse proprement littéraire des pièces, réveillerait aussi autour d’elles l’histoire des théâtres, spécialement parisiens, et brosserait le panorama de la diffusion et de la réception étrangère de ce théâtre. Mais, en l’état actuel, ce que la critique soupçonnait depuis longtemps se trouve magistralement confirmé, soit le caractère sourdement autobiographique de bien des pièces, la transmutation dramatique des expériences personnelles7. S’en dégage le portrait d’un homme sensible, généreux, pudique et finalement étranger à beaucoup des valeurs de droite, personnalité secrète, aisément et sans doute souvent blessée, attachante figure d’une tendresse qui se cache. Texte et archives Aux Éditions de la Table ronde, au format de poche, plus rarement en édition commentée, les pièces d’Anouilh ont toujours été très accessibles ; en revanche, les paratextes (articles, entretiens, lettres) l’étaient beaucoup moins.