L’exp´erimentation num´eriquedans les sciences : une br`eve histoire

Jean-Ren´eChazottes ,∗ Marc Monticelli † 4 novembre 2014

R´esum´e Cet article retrace bri`evement quelques ´etapes marquantes de l’his- toire de l’exp´erimentation num´eriqueen math´ematiqueet en physique. Les exemples que nous abordons montrent une ´evolution rapide du statut des ordinateurs : de simples  moulins `acalculs  au d´epart,ils sont de- venus de v´eritablesinstruments de recherche permettant des d´ecouvertes impossibles par d’autres moyens. Le choix des exemples refl`etenos goˆuts et nos connaissances. Nous nous sommes efforc´es de citer le nom des or- dinateurs et des programmeurs dans chaque exemple.

1 Introduction

L’´emergencedes ordinateurs, acc´el´er´eepar la seconde Guerre mondiale, a donn´eune nouvelle dimension aux  math´ematiquesexp´erimentales , c’est-`a- dire l’exploration des propri´et´esd’objets math´ematiquespar des calculs. Cette approche, qui a toujours exist´eavait vu son importance diminuer progressive- ment `apartir du XVIIe si`ecle en raison de la place grandissante de l’abstrac- tion. Au-del`ade l’extension stup´efiante du domaine des calculs possibles, de leur vitesse et de leur pr´ecision,les ordinateurs ont fourni un outil puissant : la visualisation, qui permet une exploration et la d´ecouverte de ph´enom`enesqui passeraient inaper¸cusautrement. Les sciences physiques ont tir´eun b´en´eficedes ordinateurs encore plus grand et plus profond que les math´ematiques.En effet, les ordinateurs permettent de faire des exp´eriencesnum´eriques`apartir des ´equationsgouvernant les ph´enom`e- nes que l’on d´esire´etudier,alors que les exp´eriences classiques peuvent ˆetretrop compliqu´ees,trop coˆuteuses,voire impossibles `ar´ealiser(comme en astrophy- sique, par exemple). Des exp´eriences– dans le monde  r´eel  – ont mˆeme´et´e suscit´eespar des exp´eriencesnum´eriques.Le terme anglo-saxon pour qualifier cette approche est  simulation , qui est ´egalement utilis´epar les francophones,

∗Centre de Physique Th´eorique,UMR 7644 du CNRS, Ecole´ polytechnique, Palaiseau †Laboratoire de Math´ematiquesJ.A. Dieudonn´e,UMR 7351 du CNRS, Universit´ede Nice Sophia Antipolis

1 mais le mot  exp´erimentation  correspond beaucoup mieux `ace qu’est effec- tivement l’utilisation du num´eriquedans ces sciences. L’objet de cet article est d’illustrer comment l’exp´erimentation num´erique, devenue interactive au fil du temps, a permis des d´ecouvertes impossibles sans elle, ainsi que le renouvellement, voire la renaissance, de certains do- maines des math´ematiqueset de la phy- sique. Au-del`ade la recherche scienti- fique, les ordinateurs ont influenc´ela J. von Neumann et l’ENIAC (1952) didactique des math´ematiqueset de la physique. Citons comme exemple les livres de Hubbard et West [14] qui sont une introduction aux syst`emesdynamiques. Les grands inspirateurs de l’utilisation de l’exp´erimentation num´eriquesont Stanislas Ulam, John von Neumann et Alan Turing. Partant de ces figures incontournables, nous ´evoquerons plusieurs exemples, plus ou moins c´el`ebres,qui illustrent cette d´emarche. Note. Cet article est une adaptation d’un article originellement con¸cupour tablette tactile, avec des exp´eriencesnum´eriquesinteractives. Il en existe ´egale- ment une version con¸cuepour l’Internet qui contient des exp´eriencesnum´eriques interactives. 1 Nous remercions des relecteurs anonymes de la Gazette qui ont contribu´e`al’am´eliorationde ce texte.

2 John von Neumann & Stanislas Ulam : les pr´ecurseurs

John von Neumann et Stanislas Ulam sont les premiers `aavoir compris le potentiel des ordinateurs en math´ematiqueet en physique. Voici ce qu’´ecrit Ulam :

 Presque imm´ediatement apr`esla guerre, John von Neumann et moi-mˆemeavons commenc´e`adiscuter la possibilit´ed’utiliser les ordinateurs de fa¸conheuristique, pour essayer d’obtenir quelques lumi`eressur des questions de math´ematiquespures. En produisant des exemples et en observant les propri´et´esde certains objets math´e- matiques, on peut esp´ererobtenir des ´el´ements de r´eponse quant au comportement des lois g´en´erales.Lors des ann´eesqui ont suivi j’ai sugg´er´e,et dans certains cas r´esolu,une vari´et´ede probl`emesde math´ematiquespures en exp´erimentant ou mˆemetout simplement 2 en observant. . (Extrait de l’autobiographie de S. Ulam, Adventures of a Mathe- matician, 2d ed., Berkeley, 1991)

1. http://experiences.math.cnrs.fr/L-experimentation-numerique-dans-50.html 2. Il sous-entend bien sˆur  `al’ordinateur 

2 Ulam propose d’utiliser les ordinateurs non pas comme un simple  moulin  `acalculs mais comme un outil d’exp´erimentation permettant d’explorer les solutions des ´equationsque l’on ´etudie. La vision d’Ulam a ´et´einfluenc´eepar la physique, plus pr´ecis´ement l’´etudenum´eriquede mod`elessimplifi´esde diffusion des neutrons, en lien avec la bombe atomique. Notons que les premiers calculs pour une r´eactionen chaˆınesont r´ealis´espar Nicholas Metropolis en 1947, sur l’ENIAC. Dans un texte ´ecriten 1947 intitul´e  The Mathematician , von Neumann fait le bi- lan de ses travaux et se demande si les math´ematiquessont une science empirique. Il tente de r´epondre `acette question par une confrontation avec les d´emarches de la phy- sique th´eorique.Pour lui, il y a une base em- pirique aux math´ematiquesqui a ´et´eoccult´ee par leur d´eveloppement. Mais  quand des tendances `adevenir baroque se font jour, le signal de danger doit ˆetre´emis  et le seul S. Ulam rem`edeest, selon lui, la r´e-injectiond’id´eesplus ou moins directement empi- riques. Dans cet esprit, Ulam cherche `ad´evelopper une pratique des exp´eriences num´eriques,d’abord dans le domaine de la combinatoire et de la th´eoriedes nombres. Avec ses collaborateurs, il s’int´eresseensuite `al’exploration du com- portement d’it´erationsde transformations non lin´eairesqui sont le pendant en temps discret des ´equationsdiff´erentielles. Ils utilisent un syst`emeconnect´e`a l’ordinateur permettant la visualisation des it´erations.C’est une nouvelle fa¸con d’´etudierles it´erationsnon lin´eairesqui nous paraˆıtaujourd’hui ´evidente. Ces analyses posent de nouveaux probl`emes et ouvrent de nouvelles perspectives.

3 , , Stanislas Ulam & Mary Tsingou

A` Los Alamos, au d´ebutdes ann´ees 1950, Enrico Fermi, John Pasta et Stanislas Ulam proposent un mod`elepour comprendre l’´evolution vers l’´equilibrethermique dans un cristal. Leur mod`eleest suffisamment simple pour ˆetre´etudi´eavec un ordinateur de l’´epoque. Il s’agit d’une chaˆıneunidimensionnelle de masses identiques reli´eesentre elles par des ressorts. Quand on ´ecarteune masse de sa position d’´equilibre,elle subit une force de rappel qui n’est pas proportionnelle `ala distance par rapport `ala position d’´equilibre. Ce mod`eleest diff´erent de celui ´etudi´edans les cours de physique o`uil y a proportionnalit´e(on dit que la chaˆıned’oscillateurs est  harmonique , ce qui rend le mod`ele  lin´eaire  et donc r´esoluble).Mˆemela faible  anharmonicit´e  introduite par Fermi, Pasta et Ulam rend le mod`ele tr`escompliqu´eet n´ecessiteson exploration par une exp´eriencenum´erique,sans

3 doute la premi`eredu genre. Ils consid`erent 16, 32 puis 64 masses et, `aleur grande surprise, ils d´ecouvrent que le syst`eme,loin de tendre vers l’´equipartition de l’´energie(synonyme de thermalisation), pr´esente au contraire des solutions quasi-p´eriodiques, en contradiction avec l’hypoth`eseergodique qu’on pensait alors v´erifi´eedans ce cas. En 1955, ils ´ecrivent un rapport interne [10] dans lequel ils mentionnent que l’´ecriturede l’algorithme et la programmation du MANIAC I furent la tˆache de Mary Tsingou [7]. Ces exp´eriencesouvrirent la voie `atoute une classe de probl`emesnouveaux concernant les syst`emesdynamiques non ergodiques et constitu`erent le point de d´epartde ce qui est maintenant une discipline `apart enti`ere: la physique num´erique,qu’on peut consid´erercomme une branche interm´ediaireentre la physique th´eorique et la physique exp´erimentale.

4 La morphogen`ese selon Alan Turing

Un des probl`emesque s’´etaitpos´ele biologiste D’Arcy Thompson est l’apparition de formes similaires pour des organismes non-apparent´es, donc non explicables par des facteurs purement g´en´etiques. Turing postula qu’il devait y avoir un processus g´en´eral`al’œuvre ob´eissant `ades lois physico-chimiques. Il s’attela donc `ala mise en place d’un mod`elemath´ematiquedont le but ´etaitde rendre compte de la  morphogen`ese , c’est-`a-dire,le passage d’un ´etatd’´equilibreinitial sym´etrique,`aun nouvel ´etatd’´equilibrenon-sym´etrique qui constitue une forme. Ce passage devrait r´esulterd’une  r´eaction-diffusion  dans la chimie des composants du syst`eme. En 1952 Turing publie un article c´el`ebreintitul´e  The chemical basis of morphogenesis  [21] dans lequel il propose un tel mod`eleet discute no- tamment deux exemples : – la constitution de taches qui font penser `acelle qu’on voit sur certains pelages d’animaux ; – l’hydre d’eau douce qui d´eveloppe de cinq `adix tentacules `apar- Turing (debout) et le MARK I tir d’une forme initiale tubu- laire sym´etrique. Dans son article, Turing fait la plupart de ses calculs `ala main mais montre un exemple num´eriquer´ealis´eavec l’ordinateur de Manchester (le MARK I). Du point de vue qui nous int´eresseici, Turing sugg`ereque l’exp´erimentation num´eriquedoit devenir un v´eritableinstrument dans l’investigation de la nature. Il le confirme lui-mˆemedans ses travaux ult´erieursconsacr´es`ala botanique, plus pr´ecis´ement en phyllotaxie. 3 Il faudra attendre 1990 pour obtenir des structures de Turing dans une v´eritableexp´eriencede chimie [5].

3. c-`a-dla disposition des feuilles le long des tiges des plantes

4 5 Bryan Birch & Peter Swinnerton-Dyer & les points rationnels des courbes elliptiques

Cet exemple illustre l’apport de l’exp´erimentation num´eriquedans un do- maine des math´ematiques  pures  : la g´eom´etriealg´ebrique.Les math´emati- ciens ont toujours ´et´efascin´espar les ´equationsalg´ebriquesdont on cherche des solutions qui sont des nombres entiers ou des nombres rationnels. C’est par exemple `a Euclide qu’on attibue la premi`eredescription de toutes les solu- tions de l’´equation x2 + y2 = z2 o`u(x, y, z) est un triplet d’entiers (non nuls). G´eom´etriquement cela revient `achercher tous les triangles rectangles ayant des cˆot´esde longueur enti`ere,c’est pourquoi on parle de triplets pythagoriciens. On sait bien qu’il y a un nombre infini de telles solutions (telles que x, y, z n’ont pas de facteur commun). En divisant cette ´equationpar z2, cela revient `achercher les points de coordonn´eesrationnelles sur un cercle. L’´equation x2+y2 = z2 est un exemple d’´equationdiophantienne, c’est-`a-dire d’une ´equationpolynomiale `acoefficients entiers dont on cherche les solutions enti`eresou rationnelles. D´ecrireles solutions des ´equationsdiophantiennes est en g´en´eralhors d’atteinte. Un probl`emeplus simple est de se demander s’il y a un nombre fini ou infini de solutions pour une ´equationdonn´ee.On vient de voir un exemple avec un nombre infini de solutions. Un exemple o`uil n’y en a qu’un nombre fini (z´eroen l’occurence) est l’´equation x2 + y2 = −1. On sait r´esoudre ce probl`ememais une classe d’´equationsr´esiste: celles des courbes elliptiques. Une courbe elliptique est l’en- semble des solutions d’une ´equation de la forme y2 = x3 + ax + b o`u a et b sont des rationnels tels que 4a3 + 27b2 6= 0. ( 4) L’exemple avec a = −1 et b = 0 donne la courbe de la figure suivante. On s’int´eresse aux points de la courbe qui ont des coordonn´eesratio- nelles. On parle de solutions ration- nelles. Il est facile de v´erifierque (1, 0) est une solution√ rationnelle, contrai- tement `a(2, 6). Fermat a montr´e que les seules solutions rationnelles sont (−1, 0), (0, 0) et (1, 0). Pour une courbe elliptique quelconque, a-t-on Courbe elliptique correspondant `al’´equation un nombre fini ou infini de solutions y2 = x3 − x. rationnelles ? Il s’av`erequ’on ne sait toujours pas r´epondre `acette question en g´en´eral,mais une conjecture a ´et´e propos´eeen 1965 par Bryan Birch et Peter Swinnerton-Dyer sur la base d’exp´eriencesnum´eriquesmen´eessur l’EDSAC (descendant de l’ENIAC, cit´eplus haut) au laboratoire d’informatique de l’universit´ede Cambridge [2].

4. ceci exclut les points doubles et les points de rebroussement.

5 D’apr`es[2]. On a r = 0 pour d = 1, r = 1 pour d = 5, r = 2 pour d = 34, r = 3 pour d = 1254 et r = 4 pour 29274.

Au d´ebutdes ann´ees1960, Birch et Swinnerton-Dyer se sont mis `acal- culer le nombre Np de points modulo p sur une courbe elliptique E de rang r connu, pour un grand nombre de nombres premiers p et pour de nombreuses courbes elliptiques. De leurs exp´eriencesnum´eriquesils ont d´eduitque, vraisem- blablement, on a

Y Np π (X) := ∼ C(log X)r,X → ∞, E p p≤X o`u C est un constante ne d´ependant que de la courbe. Le rang d’une courbe elliptique est le nombre minimal de points rationnels permettant de retrouver tous les points rationnels de la courbe. Le rang est nul si et seulement si la 5 courbe a un nombre fini de solutions rationnelles. Pour les courbes Ed de la forme y2 = x3 − dx, Birch et Swinnerton-Dyer firent les calculs pour cinq valeurs de d. Leurs r´esultatsse trouvent dans la figure ci-dessus. L’´etape suivante a ´et´ede reformuler ces observations sous une forme plus pr´ecisefaisant intervenir une fonction LE(s) que nous ne d´ecrironspas. La conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer ´enonceque l’ordre d’annulation de LE(s) en s = 1 est exactement r. En particulier, le nombre de solutions rationnelles d’une courbe elliptique E est donc conjectur´ecomme infini si et seulement si LE(1) = 0, ce qui fournirait un algorithme pour d´ecidersi oui ou non une courbe elliptique poss`edeun nombre infini de solutions rationnelles.

5. cf. le th´eor`emede Mordell-Weil.

6 6 Edward Lorenz : de la m´et´eoaux attracteurs ´etranges

Au d´ebutdes ann´ees1960, Edward Lorenz ´etudieles ph´enom`enesde convection dans l’atmosph`ereterrestre. Il travaille comme m´et´eorologueau Mas- sachusetts Institute of Technology. Il obtient un mod`elede seulement trois ´equationsdiff´erentielles coupl´eesapr`esavoir drastiquement simplifi´eles ´equations fournies par la physique. Nous ne tenterons pas de d´ecrireici ce que repr´esentent ces ´equations.Le point qui nous int´eresseici est que Lorenz r´esoutnum´erique- ment les ´equationset d´ecouvrece qu’on a appel´epar la suite le  chaos d´etermi- niste . Le ph´enom`enede base est la  sensibilit´e  aux conditions initiales, autre- ment dit, le fait que d’infimes diff´erencesdans les conditions initiales produisent des trajectoires compl`etement diff´erentes au bout d’un temps assez bref. L’obser- vation capitale et remarquablement fine de Lorenz, compte-tenu de l’ordinateur qu’il avait `asa disposition (un Royal McBee LGP-300), est que les trajectoires ont beau d´ependre des conditions initiales, elles semblent n´eanmoinss’accumu- ler sur une sorte de surface compliqu´eequi est insensible aux conditions initiales. Lorenz fait une esquisse de cet objet qui semble de dimension deux et dont s’approche rapidement la trajectoire d’une condition initiale. Elle voyage en- suite sur cette  surface  compos´eede deux sortes de lobes, passant de l’un `al’autre d’une mani`erequi semble al´eatoire. Lorenz fait d’autres observations remarquablement inspir´ees que nous ne d´ecrironspas ici. Lorenz venait d’observer le premier  attracteur ´etrange  comme allait le qualifier le physicien-math´ematicien . Il s’agit d’un objet extraordinairement compliqu´e r´esultant pourtant de seulement trois ´equations diff´erentielles coupl´eesen apparence inno- centes. Il convient de saluer l’extraordinaire intuition de Lorenz car on pouvait in- terpr´eterces observations comme un ar- tefact de l’ordinateur. Cette question se poserait ´egalement aujourd’hui : rien ne L’attracteur de Lorenz dit que ce qu’on observe num´eriquement refl`ete correctement les ´equations sous-jacentes. Mais c’´etaitpire `al’´epoque : les ordinateurs ´etaient volumineux, bruyants, lents, chauffaient ´enorm´ement et, qui plus est, ´etaient beaucoup moins fiables qu’aujourd’hui. Lorenz publia ses r´esultatsen 1963 dans un journal de m´et´eorologie[15]. Pour la petite histoire, notons que son article fut confi´epar le journal `a Ulam pour ´evaluation. Il fallut pr`esde dix ans avant que les physiciens et les math´ema- ticiens ne r´ealisassent l’importance de cet article. C’est en effet en 1972 que Lorenz pr´esente l’ effet papillon  devant l’Association Am´ericainepour le

7 progr`esdes Sciences avec une c´el`ebrequestion [16] : Le battement d’aile d’un 6 papillon au Br´esilpeut-il d´eclencherune tornade au Texas ?  Mais, surtout, Lorenz exhibe sur son ´ecrand’ordinateur l’image surprenante de son attrac- teur. Il a fallu attendre 1998 pour que Warwick Tucker d´emontre math´ematique- ment dans sa th`esede doctorat l’existence de cet attracteur. Sa d´emonstration repose sur un int´egrateurnum´eriquedonnant un contrˆolerigoureux des erreurs d’approximation des trajectoires [20]. Terminons en citant un extrait d’un article de Lorenz o`uil fait r´ef´erence`a Ulam juste apr`esces lignes :

 Nous voyons ainsi que l’ordinateur devrait jouer un rˆoleimpor- tant, au-del`ad’ˆetreun simple moulin `acalculs. La machine ne peut pas prouver un th´eor`eme,mais elle peut sugg´ererune proposition `a prouver. La proposition peut ensuite ˆetreprouv´eeet ´etabliecomme un th´eor`emepar des moyens analytiques, mais l’existence mˆemedu th´eor`emepourrait ne pas ˆetresuspect´eesans l’aide d’une machine. (E. N. Lorenz. The problem of deducing the climate from the go- verning equations. Tellus, 16 (1964).)

7 Martin Kruskal & Norman Zabusky (re)d´ecou- vrent num´eriquement les solitons

Au d´ebutdes ann´ees 1960, les am´ericains Martin Kruskal (physicien) et Norman Zabusky (math´ematicienet physicien) reprennent le mod`elede Fermi-Pasta-Ulam en changeant le terme non lin´eairequi r´egitl’interaction entre les ressorts. Avec leur programmeur, Gary Deem, ils proc`edent `ades exp´erimentations num´eriquesqui les conduisent `al’observation d’un nouveau ph´enom`ene: des ondes  solitaires , qu’ils baptisent  solitons  [25]. Ces exp´eriences num´eriques sont men´eesau Bell Telephone Laboratory, `aWhippany, sur des machines IBM 709 et 7090. La th´eoriesdes solitons permet de comprendre plusieurs ph´enom`enesphy- siques o`uune d´eformationinitiale localis´eedans l’espace se propage `avitesse constante en ne se d´eformant quasiment pas sur de longues distances. En hy- drodynamique, mentionnons les mascarets qui apparaissent `al’embouchure de certains fleuves sous l’effet de fortes mar´ees,ou les raz-de-mar´ee(tsunamis). En optique non linaire, on utilise des solitons pour am´eliorerla propagation dans les fibres optiques. Les solitons sont des objets intrins`equement non lin´eaires contrairement aux ondes classiques. En particulier, deux solitons peuvent se croiser sans interagir alors que des ondes classiques interf`erent entre elles. Kruskal et Zabusky r´ealisent qu’une approximation continue de leur mod`ele `ala Fermi-Pasta-Ulam n’est autre qu’une ´equationaux d´eriv´eespartielles

6. L’effet papillon devint c´el`ebreaupr`esd’un large public. Il est encore souvent mal in- terpr´et´e.Il est amusant de rappeler que Lorenz ajoute que le battement d’aile d’un papillon peut tr`esbien empˆecher la tornade...

8 qui avait ´et´eintroduite par Diederik Korteweg et son ´etudiant Gustav de Vries en 1895. Leur but ´etaitd’expliquer les vagues bizarres observ´eescin- quante ans plus tˆotpar l’ing´enieur´ecossais John Scott Russell dans un canal. C’est donc indirectement le travail de Fermi-Pasta-Ulam, repris par Kruskal et Zabusky, qui a fait sortir de l’oubli l’´equationde Korteweg-de Vries apr`esquelque soixante-dix ans de sommeil ! Tout un pan de la physique et des math´ematiquesvenait de naˆıtre. Dans l’approche de Kruskal et Zabusky, la visualisation joue un rˆolecrucial. Ceci nous paraˆıt banal aujourd’hui mais ce n’´etaitpas le cas `acette ´epoque : ils ont non seule- ment dˆuinventer leurs propres ou- tils de visualisation, mais aussi d’in- teraction avec le programme. Pour eux, il est clair que l’exp´erimentation num´erique interactive d´epasse le simple outil : modifier  en temps Reconstitution de l’onde solitaire de Russell r´eel  des param`etres et visuali- en 1995, pr`esd’Edimbourg´ (cf. http://www.ma. ser presqu’aussitˆot le r´esultat, puis hw.ac.uk/solitons/press.html). ´eventuellement recommencer, d´eveloppe une intuition et un rapport nouveaux avec les ´equations[24].

8 Michel H´enon: de l’astrophysique aux attrac- teurs ´etranges

Michel Henon´ a plac´eau cœur de sa pratique scientifique les exp´eriences num´eriquesqu’il consid´eraitcomme ayant un statut comparable aux exp´eriences de physique habituelles. Il s’int´eresse`al’astrophysique qui est un domaine o`u l’exp´erimentation directe est impossible ! Le calcul num´eriqueouvre donc a priori la possibilit´ed’´etudierdes mod`eles,seule fa¸conde faire des  exp´eriences . Dans un premier temps, Henon´ participe `ala construction de calcula- teurs analogiques et en construit enti`erement un pour son propre usage, ce qui lui donne un rapport presque physique au calcul. Avec l’av`enement et la d´emocratisation des ordinateurs modernes (calculateurs digitaux), il utilisera l’IBM 750 de Meudon, l’IBM 7040 de l’observatoire de Nice ou encore la toute premi`erecalculatrice programmable de poche, la HP 65. Dans les ann´ees1960, Henon´ s’int´eresse`adiff´erents probl`emesd’astrophy- sique. Durant son s´ejour`aPrinceton, en 1962, il projette d’´etudierle probl`eme d’une ´etoiledans une galaxie asym´etrique.Il r´ealiseplusieurs exp´eriencesnum´eri- ques qui r´ev`elent des  irr´egularit´es . Il confie `aun ´etudiant, Carl Heiles, la tˆache de refaire ses calculs, sur une autre machine, ind´ependamment, comme on ferait avec une exp´eriencede physique dont on exige qu’elle soit reproductible. Ces r´esultatsconduiront `al’article de Henon´ et Heiles de 1964 qui r´ev`eleun

9 m´elangede comportements quasi-p´eriodiques et  ergodiques , cf. [12]. L’astronomie ´etant une discipline tr`esmath´ematis´ee, Henon´ propose de se concentrer sur les propri´et´esmath´ematiques de mod`eles simples obtenus par des m´ethodes bien connues (datant de Poincare´ et Birkhoff) qui conduisent `a remplacer les ´equationsdiff´erentielles par des it´erationsen utilisant des  sec- tions transverses  habilement choisies. Mˆemesimples, ces mod`elesrestent extrˆemement difficiles `a´etudieranalytiquement et Henon´ propose donc de faire un usage syst´ematiquedes exp´eriencesnum´eriques.Un travail de longue haleine concerne la classification des trajectoires dans le probl`emerestreint des trois corps. Il illustre magnifiquement comment mettre en pratique les id´eesde Poincare´ et Birkhoff pour explorer le comportement des trajectoires. Le travail pour lequel Henon´ est sans doute le plus connu en dehors de l’astronomie est celui qui a conduit `al’attracteur ´etrangequi porte son nom [11]. En jouant sur les param`etresdes ´equationsde Lorenz et en utilisant une section de Poincare´, Yves Pomeau, qui r´ealiseune s´eriede calculs num´eriques avec J. L. Ibanez, met en ´evidencele m´ecanismede formation d’un  fer `a cheval  de S. Smale. Pomeau expose ses travaux lors d’un s´eminairedonn´e `al’Observatoire de la Cˆoted’Azur auquel assiste Michel Henon´ .

L’attracteur de Henon´

Ce dernier propose alors un mod`eletr`essimple de tranformation quadratique du plan qui simule, lorsqu’un param`etrevarie, le m´ecanismede formation d’un  fer `acheval  : c’est le fameux mod`elede Henon´ . L’exploration num´erique de ce mod`elemontre, pour certaines valeurs des param`etres,l’existence d’un  attracteur ´etrange. Le fait que cet attracteur existe vraiment, c-`a-dqu’il n’est pas un artefact num´erique,est rest´eun probl`emeouvert jusqu’en 1991. Ce sont les math´ematicienssu´edois Benedicks et Carleson qui, les premiers,

10 ont d´emontr´emath´ematiquement l’existence de tels objets [1].

9 La cascade de doublements de p´eriode : Mit- chell Feigenbaum, Pierre Coullet & Charles Tresser

En 1978, Pierre Coullet, jeune chercheur au CNRS `al’Universit´ede Nice et Charles Tresser, ´etudiant en 3e cycle, s’int´eressent au m´ecanisme de transition vers la turbulence et en particulier `asa mod´elisationpar des syst`emesdynamiques simples, comme l’it´eration d’une application de l’inter- valle. Comme pour le mod`ele de Henon´ , l’exploration num´eriquea jou´eun grand rˆoledans leurs travaux. La nouveaut´er´esidedans une approche  inter- active  de l’exp´erimentation num´erique: la visualisation du r´esultatobtenu en  temps r´eel  pour une valeur du param`etrepermet de faire de nouveaux choix des valeurs des param`etreset de se forger ainsi une intuition du ph´enom`ene. En mˆemetemps que [9], et ind´ependamment de lui, ils se sont inspir´esd’id´eesdu  groupe de renormalisation  en physique statistique pour analyser la transition vers le  chaos  pour les applications  unimodales  de l’intervalle (c-`a-davec une seule  bosse ). Plus pr´ecis´ement ils montrent que la transition vers le chaos pour les applications unimodales se fait par une cascade de doublements de p´eriode qui poss`ededes propri´et´es g´eom´etriquesuniverselles [6]. Cette universalit´ese manifeste par le fait que les valeurs du param`etrepour lesquelles on assiste `aun doublement de p´eriode des orbites p´eriodiques s’accumulent avec une raison g´eom´etriqueind´ependante des d´etailsdu mod`eled’applications que l’on ´etudie.

Diagramme de bifurcation de doublements de p´eriode de l’application fr : [0, 1] → [0, 1] avec fr(x) = rx(1 − x) et r ∈ [2, 4].

11 Au moyen d’un ordinateur HP 9825 et d’un  traceur xy , Coullet et Tresser ont pu visualiser les it´erationsde l’application logistique, changer de param`etreet visualiser imm´ediatement le r´esultatde ce changement. Le langage HPL, proche du Basic, permettait de modifier la valeur d’une variable au clavier, sans interrompre le programme. Notons que Feigenbaum a de son cˆot´eutilis´e une HP 65. On peut se demander s’il est possible d’observer une transition vers le chaos par une cascade de doublements de p´eriode dans une vraie exp´eriencede phy- sique. La r´eponse est positive : en 1979, Albert Libschaber mena une exp´erien- ce de convection avec de l’helium liquide. En augmentant peu `apeu le param`etre de contrˆoleque constitue la diff´erencede temp´eratureentre le bas et la haut de la cellule de convection, il observa effectivement une transition vers le chaos suivant ce sch´ema.

10 It´erations de polynˆomescomplexes : Benoˆıt Mandelbrot & John Hubbard

Nous ´evoquons pour terminer la dynamique complexe, un domaine d´efrich´e par les math´ematiciensfran¸cais Pierre Fatou et Gaston Julia au d´ebut du 20e si`ecle,mais qui doit son r´eveil, apr`esenviron une soixantaine d’ann´ees d’hibernation, `al’exp´erimentation num´erique.En effet, la visualisation des en- sembles de Julia a ´et´eune r´ev´elation qui a permis aux math´ematiciensde se poser les bonnes questions. Dans la pr´efacedu livre The Mandelbrot set, theme and variations [13], le math´ematicien John Hubbard explique comment l’enseignement en deug, en 1976-77, `al’universit´ed’Orsay, l’a amen´e`afaire des exp´eriences num´eriques. En cherchant comment utiliser un ordinateur dans le cadre de son cours d’ana- lyse, il choisit d’illustrer la m´ethode de Newton. Comme son domaine de recherche est l’analyse complexe, il l’applique `aun polynˆomecomplexe, par exemple z3 − 1, pour visualiser les bassins d’attraction des racines. Il se fait ai- der par Michel Fiollet pour ´ecriredes programmes sur une mini 6. Stimul´e par le math´ematicien Dennis Sullivan qui se trouve `al’ihes´ , il explore et visualise divers  ensembles de Julia  : ´etant donn´edeux nombres complexes 2 z0 et c, on d´efinitla suite (zn) par r´ecurrenceen posant zn+1 = zn + c. Pour une valeur donn´eede c, l’ensemble de Julia correspondant est la fronti`erede l’ensemble des valeurs initiales z0 pour lesquelles la suite est born´ee. Il semble que Hubbard ait montr´eses images durant une conf´erence`ala- quelle assistait Benoˆıt Mandelbrot, en 1977, aux usa. Ce dernier lui dit avoir souvent pens´e`aces ensembles sans jamais avoir cherch´e`aen obtenir des images. Hubbard mentionne que l’arriv´eede l’Apple II, en 1981-82, va ´enorm´ement compter pour lui et va lui permettre d’obtenir facilement de bien meilleures images qu’auparavant. Alors que Mandelbrot travaille chez IBM et a acc`esaux meilleurs ordina- teurs de l’´epoque, c’est lors d’un s´ejour`aHarvard qu’il obtient pour la premi`ere

12 fois, en mars 1980, au moyen d’un ordinateur VAX, une visualisation grossi`ere de l’ensemble qui portera son nom. Un enseignant auxiliaire nomm´e Peter Moldave lui offre ses services de programmeur [18]. Cet ensemble est obtenu en tra¸cant l’ensemble de toutes les va- leurs de c pour lesquelles la suite d´efinie ci-dessus est born´ee, en d´emarrant `achaque fois de z0 = 0. Mandelbrot publie un article sur ses r´esultats la mˆemeann´ee[17]. L’´etudeapprofondie de l’ensemble de Mandelbrot commence r´eelle- ment en 1984 avec les travaux de Douady et Hubbard, qui ´etablis- sent ses propri´et´esfondamentales et baptisent l’ensemble en l’honneur de Mandelbrot. Hubbard utilise beaucoup d’exp´eriences num´eriques pour guider leur intuition. En 1985, les math´ematiciens Heinz-Otto Peit- gen et Peter Richter popularisent l’ensemble de Mandelbrot par des images de qualit´eet qui frappent les esprits.

11 En guise de conclusion

Cet article s’est focalis´esur l’usage des ordinateurs comme instruments d’ex- ploration et de d´ecouverte. Les exemples que nous avons choisis illustrent le rˆole indispensable qu’ils ont jou´e. Nous n’avons pas abord´epas l’analyse num´erique, c’est-`a-dire,comment r´esoudredes probl`emesmath´ematiquescontinus avec des algorithmes discrets. Nous n’avons pas non plus abord´eles d´emonstrationsassist´eespar ordi- nateur (computer-assisted proofs). Le th´eor`emedes quatre couleurs est un exemple c´el`ebrede telle d´emonstration(cela remonte `a1976). En 2013, Harald Helfgott a anonc´eune d´emonstration de la conjecture faible de Goldbach 7 dont une partie est assist´eepar ordinateur. Un autre aspect que nous avons laiss´ede cˆot´eest celui des assistants de preuve permettant des d´emonstrationsformelles. Citons le logiciel Coq utilis´e par exemple pour d´emontrer en 2012 le th´eor`emede Feit et Thompson 8 de mani`erecompl`etement  m´ecanis´ee . On peut comprendre l’int´erˆetd’une telle

7. `asavoir que tout entier impair plus grand que 5 s’´ecritcomme la somme de trois nombres premiers. 8. qui ´enonceque tout groupe fini d’ordre impair est r´esoluble.

13 d´emarche quand on apprend que la d´emonstration  classique  couvre plus de deux cents pages !

R´ef´erences

Note : La plupart des textes ci-dessous sont librement disponibles sur l’In- ternet. Vous les trouverez ais´ement en utilisant votre moteur de recherche favori. [1] M. Benedicks & L. Carleson. The dynamics of the H´enonmap. Ann. of Math. 133 (1991), no. 1, 73–169. [2] B. J. Birch & H. P. F. Swinnerton-Dyer. Notes on elliptic curves. I. J. Reine Angew. Math. 212 (1963). [3] J. Borwein & D. Bailey. Mathematics by Experiment : Plausible Reaso- ning in the 21st Century, 2nd ed., Taylor & Francis (2004). [4] J. Borwein, D. Bailey & R. Girgensohn. Experimentation in Mathe- matics : Computational Paths to Discovery, Peters (2004). [5] V. Castets, E. Dulos, J. Boissonade & P. De Kepper. Experimen- tal evidence of a sustained standing Turing-type nonequilibrium chemical pattern. Phys. Rev. Lett. 64 (1990). [6] P. Coullet & C. Tresser. It´erations d’endomorphismes et groupe de renormalisation. Le Journal de Physique 35 (1978). [7] T. Dauxois. Fermi, Pasta, Ulam and a mysterious lady. Today, January 2008. [8] M. Farge. L’approche num´eriqueen physique. Fundamenta Scientiae 7 (1986). [9] M. Feigenbaum. Quantitative Universality for a Class of Non-Linear Transformations. J. Stat. Phys. 19 (1978). [10] E. Fermi, J. Pasta et S. Ulam. Studies of Nonlinear Problems. Docu- ment Los Alamos 1940 (May 1955). [11] M. Henon.´ A two-dimensional mapping with a strange . Comm. Math. Phys. 50 (1976). [12] M. Henon´ & C. Heiles. The applicability of the third integral of motion : Some numerical experiments. The Astrophysical Journal 69 (1964), 73-79. [13] J. Hubbard. Pr´efacede : The Mandelbrot set, theme and variations. Edited by Lei Tan. London Math. Soc. Lecture Note Ser. 274. Cambridge University Press, 2000. [14] J. Hubbard, B. West Differential equations : a dynamical systems ap- proach. [Vol. I : Ordinary differential equations. Texts in Applied Mathema- tics 5. Vol. II : Higher-dimensional systems. Texts in Applied Mathematics 18. ] Springer, 1995. [15] E. N. Lorenz. Deterministic Nonperiodic Flow. Journal of the Atmosphe- ric Sciences 20 (1963).

14 [16] E. N. Lorenz. : does the flap of a butterfly’s wings in Brazil set off a tornado in Texas ? 139th Annual Meeting of the American Association for the Advancement of Science (29 Dec 1972), in Essence of Chaos (1995), Appendix 1, p. 181. [17] B. Mandelbrot. aspects of the iteration of z 7→ λz(1 − z) for complex λ and z. Ann. New York Acad. Sci. 357 (1980). [18] B. Mandelbrot. and the Rebirth of Iteration Theory. In : Peitgen & Richter : The Beauty of Fractals (1986), pp 151-160. [19] L. Petitgirard. Le chaos : des questions th´eoriquesaux enjeux sociaux. Th`esede doctorat, Univ. Lyon 2, 2004. Cf. chapitre 9. [20] W. Tucker. The Lorenz attractor exists (1998). http://www2.math.uu.se/~warwick/main/thesis.html [21] A. Turing. The chemical basis of morphogenesis. Philosophical Transac- tions of the Royal Society 237 (1952). [22] S. Ulam. Science, computers, and people. Birkhuser, 1986. Cf. en particulier le chapitre 6 (Computers in Mathematics) & le chapitre 17 (Von Neumann : The Interaction of Mathematics and Computing). [23] T. Weissert. The genesis of simulation in dynamics. Pursuing the Fermi- Pasta-Ulam problem. Springer-Verlag, 1997. Cf. Chapitre 5 :  Steps to an Epistemology of Simulation . [24] N. Zabusky. Fermi-Pasta-Ulam, Solitons and the Fabric of Nonlinear and Computational Science : History, Synergetics and Visiometrics. Chaos 15 (2005). [25] N. J. Zabusky & M. D. Kruskal. Interaction of “Solitons” in a Colli- sionless Plasma and the Recurrence of Initial States. Phys. Rev. Lett. 15 (1965).

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