8 COUPE DU MONDE Jeudi 15 octobre 2015 | L’ÉQUIPE Quarts de finale NOUVELLE-ZÉLANDE - FRANCE (SAMEDI) Le pilote secret des Blacks Ex-coach mental, Gilbert Enoka est devenu manager adjoint et a révolutionné de l’intérieur la culture des joueurs néo-zélandais.

DENOTREENVOYÉSPÉCIAL rouge » et cherche à revenir en KARIMBEN-ISMAÏL « zone bleue » par de la visualisa- tion positive. Malmenés par les Ar- SWANSEA (GAL) – Il apparaît en gentins lors de leur premier match filigrane à travers des éléments de (26-16), les All Blacks ont impres- C’est comme langage que distillent les coachs sionné par leur force mentale en une finale. On sait ou les joueurs. Comme s’ils continuant à développer du jeu ”que, si on ne joue avaient tous le même mode de plutôt que de se recroqueviller. pas bien, on rentre pensée, les All Blacks répètent : AVEC LUI, McCAW PORTE à la maison, alors « On travaille sur ce que l’on peut on va tout donner » contrôler » ou encore « il faut ac- LES BOUTEILLES ET cepter ce sur quoi on n’a pas de WILLIAMS LES BALLONS prise ». Ces phrases toutes faites Il y a quelques années, quand il troisième-ligne portent la marque de Gilbert n’était pas encore « secret dé- néo-zélandais Enoka (57 ans), qui a fêté son fense », Enoka avait répondu à (32 ans, 64 sélections) 200e match avec les Blacks, face à nos questions. Il nous avait ra- la Géorgie, le 2 octobre (43-10). conté sa carrière de volleyeur Quand, à cette occasion, on a (9ans en équipe nationale), ses amic tenté d’interroger études d’éducation physique et de anor sur l’apport d’Enoka, le sélection- psychologie. Son arrivée chez les sport/P

neur s’est braqué : « Je ne vais cer- tatoués du rugby et son rôle au to tainement pas vous délivrer nos sein des Blacks. «Je ne suis pas un ho secrets, disons qu’il nous apporte “motivateur”, ces gars n’ont pas rnaga/P

beaucoup. » Intégré comme besoin de ça. Mon rôle est de leur Co

« coach mental » en 2004, Enoka offrir des techniques pour gérer ew dr

est devenu, onze ans plus tard, les tensions de la compétition. Le An manager adjoint. cerveau a trois zones : l’instinct, Gilbert Enoka a vécu plus de 200 matches au sein du staff néo-zélandais, qu’il a intégré en 2004. Celui que les joueurs surnom- les émotions et la réflexion. Cette ment « Bert » était, au début, un dernière s’efface sous l’effet du muscu ou de cardio. Car on ne de- des joueurs qui exécutent. Ces céleste, a avoué que, sans le con- intervenant technique, au même stress. L’obligation de résultat vient pas fort mentalement par le derniers sont associés, voire res- cours d’Enoka, les All Blacks titre que l’Australien Mike Byrne, peut crisper ou inhiber si on pense simple fait d’être un athlète.» ponsables des choix tactiques. auraient eu du mal à résister à spécialiste des coups de pied. Sauf à l’enjeu, au regard du public ou Ensuite, Enoka a fait compren- Des « cellules » dédiées aux diffé- l’énorme attente médiatique lors 36 que « Bert » opère dans la zone au jugement médiatique. Si on est dre aux entraîneurs l’intérêt d’être, rents compartiments de jeu sont de la Coupe du monde organisée plus tortueuse de la psyché. Scep- trop dans l’après, on devient an- eux aussi, coachés pour optimiser animées par des leaders. La disci- chez eux, en 2011. L’homme qui Le nombre de tiques et ruraux, les Kiwis préfè- xieux. Si on pense trop au passé, leur capacité d’analyse, relation- pline ? Les joueurs ont eux-mê- prend soin des têtes anticipe aussi. pénalités concédées rent le concret au lyrisme mais, ça peut être douloureux. Il faut nelle et décisionnelle. Enfin, mes établi des règles et sont char- Ainsi, le trois-quarts a par les All Blacks, par son pragmatisme, Enoka a su juste revenir à la simplicité du Enoka a fait évoluer la culture des gés de les faire appliquer. Quant à vécu une année difficile : une non- lors de la phase remporter l’adhésion. moment présent.» All Blacks : « Il y a trois systèmes l’humilité, elle n’est pas un dis- sélection, puis une blessure à une de poules. Si, samedi, vous apercevez Ri- Enoka n’a rien inventé. Juste qui peuvent détruire un groupe : la cours. Le photographe américain épaule, il y a deux semaines. Il a Parmi les huit chie McCaw en train de taper ses adapté les principes du boud- culture du “moi” – je ne me soucie Nick Danziger, qui a vécu en im- reçu des messages d’Enoka, qui quart-finalistes, ce sont crampons sur la pelouse du dhisme zen qui prescrit d’être « ici pas des autres –, la culture du “si- mersion un mois avec les All voulait le garder «connecté» au eux qui en comptent Millennium, c’est qu’il procède à et maintenant ». Il a mis au point lence” – on vit et on ressent des Blacks, nous racontait sa surprise groupe. Cadet d’une famille de six le moins. La France (50) un exercice mental pour se « re- une routine athlétique, des exerci- choses, mais on ne communique de voir les joueurs nettoyer leur enfants et placé en orphelinat à et l’Afrique du Sud (51) grounder », c’est-à-dire se remet- ces de visualisation et de respira- pas – et la culture du “secret” – on vestiaire après les matches. Mis au dix-huit mois, le manager adjoint sont les équipes contre tre les idées en place et les pieds tion pour quitter la « zone rouge » se dissimule les uns des autres. La repos face aux Tonga, le capitaine connaît le sentiment d’abandon. lesquelles le plus grand sur terre. De même, si vous sur- et revenir en « zone bleue ». Mais il confiance est la base de toute McCaw jouait les porteurs d’eau Et si l’atout majeur des Blacks était nombre de pénalités prenez en train de a fait plus que ça. D’abord, il a fait aventure humaine. » Sans ce pour ses coéquipiers. Et on a vu la là ? Non pas dans un crochet inté- a été sifflé. fixer un point en hauteur dans le accepter l’idée que ce travail de- changement radical de culture, star se char- rieur spectaculaire ou dans Opta stade, ce n’est pas qu’il a reconnu vait être une partie intégrée et sys- ses exercices n’auraient été que ger des ballons à l’entraînement. une passe après contact, mais une copine. Mais qu’il est proche tématique de l’entraînement « au des gadgets. Fini aussi la vertica- L’ex-deuxième-ligne Brad dans cet indicible travail sur la re- de ce qu’Enoka appelle la « zone même titre que les séances de lité des coachs qui ordonnent à Thorn, plus du genre terrestre que lation humaine ? ¢ Crockett en conquête Le pilier gauche, qui ne compte qu’une défaite en 44 sélections, devrait être aligné, samedi, à la place de Tony Woodcock, blessé.

SWANSEA – Selon toute logique, intéressant, s’il se retrouve face au de l’hémisphère Sud, où la mêlée avec une seule défaite en 44 sélec- Wyatt Crockett (32 ans) devrait «petit» Rabah Slimani (1,78m), au n’est qu’un lancement de jeu d’où il tions – un record –, Crockett fait être titularisé en pilier gauche, centre de gravité plus bas. « Je ne suis faut vite sortir le ballon. «En novem- office de « porte-bonheur ». « Je samedi, contre les Français, pas inquiet pour Wyatt, assure le ta- bre 2009, à Milan, face à l’Italie de n’étais pas au courant », avait-il ré- en lieu et place de Tony lonneur toulousain Corey Flynn, ami Martin Castrogiovanni, Wyatt et moi pondu, gêné, avant de se faire cham- Woodcock, blessé et in- intime de Crockett depuis leurs an- avions pris une leçon de mêlée à la brer par ses coéquipiers. « Moi, je disponible pour le nées . Il a souvent affronté sauce hémisphère Nord, se souvient veux jouer s’il est aligné ! » avait lancé reste de la compétition. des vis-à-vis plus petits et, malgré Flynn, qui talonnait à ses côtés. Et je le talonneur , tandis «Crocky», comme le sur- son grand gabarit, il a compensé en peux vous dire qu’on a tiré beaucoup que le pilier levait nomment les Néo- travaillant énormément la techni- d’enseignements de ce match. » Les le bras de Crockett en vainqueur. Sa Zélandais, est un grand que. Et puis il a de l’expérience… » All Blacks l’avaient emporté (20-6), seule défaite remonte à un match quipe É (1,93m) et gros (118kg) gabarit Avec 154matches de Super 15, où il mais Crockett ne sera rappelé que face à l’Angleterre (21-38) à Twicken- qui rappelle celui de l’ex-All évolue depuis 2006, il est un des pi- deux ans plus tard. ham, le 1er décembre 2012. Depuis, halle/ L’

La Black Carl Hayman (1,94m). liers néo-zélandais les plus expéri- En début de compétition, une sta- il a enchaîné 33 rencontres successi- e err On devrait assister à un duel mentés. Et pas seulement aux joutes tistique a suscité son étonnement : ves sans défaite. K. B.- I. Pi