Les Grandes Eaux De Versailles
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prés_de_l'hist.xp_fc_16_01 16/01/02 15:04 Page 10 cla Maquettistes:cla(Celine Lapert):292:pp.10_15_présence_de_l'histoire: Les grandes eaux de Versailles PASCAL LOBGEOIS Louis XIV veut sans cesse agrémenter le parc de Versailles de nouveaux bassins et fontaines. Pour trouver les ressources en eau nécessaires, il fait appel à la toute nouvelle Académie royale J. de Givry des sciences. orsque Louis XIV décide d’agran- 1. En 1668, lorsque Pierre Patel exécute dir Versailles en 1661, la tâche à ce tableau, le parc de Versailles compte e accomplir est immense, car il veut déjà plus d’une quinzaine de bassins, dont les premiers Parterres d’eau (a) et la pre- faire du modeste château de mière branche du Grand Canal (b). Pour Lbriques et de pierres légué par son père les alimenter, les ingénieurs du roi ont le symbole de sa puissance. Le jeune roi, construit de nouveaux réservoirs : celui de sur qui les fontaines du château de Vaux- la grotte de Thétis (c) et ceux de l’aile droite le-Vicomte ont fait grande impression, du château (d). Château et parc sont situés veut les surpasser à Versailles, mais les sur un promontoire. On aperçoit la colline lieux sont quasi dépourvus de ressources de Satory (e), franchie par l’eau de la Bièvre. En vignette, l’aqueduc de Maintenon devait en eau. La position dominante du parc transporter l’eau de l’Eure jusqu’à Versailles, sied aux ambitions du souverain, mais mais ce projet pharaonique fut finalement n’est guère compatible avec la domesti- abandonné faute de moyens, à cause de cation de l’élément liquide nécessaire l’entrée en guerre de la France. au rêve du roi : une multitude de fon- RMN taines jaillissantes. Dans ces condi- tions, l’alimentation en eau des fontaines constitue un défi technique, que Louis XIV relève en créant un ensemble hydrau- lique sans précédent : les jardins comp- teront à leur apogée 30 kilomètres de canalisations et 2 400 jets d’eau, consom- mant 6 300 mètres cubes par heure. Plus du tiers du budget destiné à Versailles sera consacré à cet énorme chantier, que le roi supervisera lui-même. Au moment où commencent les tra- vaux à Versailles, la seule ressource en eau se résume à l’étang de Clagny, creusé sous Louis XIII et situé en contre- bas du château, au Nord-Est. Une pompe à piston entraînée par un manège à che- vaux (voir le principe sur la figure 2) élève l’eau de l’étang jusqu’à un réservoir qui alimente quelques bassins isolés. Pen- dant plus de 20 ans, les fontaines se multiplieront, nécessitant toujours davan- tage d’eau. Les ingénieurs du roi auront recours à quatre solutions principales : la première consiste à pomper l’eau à partir d’étangs artificiels creusés à proxi- mité immédiate de Versailles, la deuxième à drainer l’eau de pluie dans un réseau de rigoles jusqu’à des étangs artificiels, d’où elle s’écoule par gravité J. de Givry 10 prés_de_l'hist.xp_fc_16_01 16/01/02 15:04 Page 11 cla Maquettistes:cla(Celine Lapert):292:pp.10_15_présence_de_l'histoire: jusqu’au château ; la troisième à inven- cuivre, ne supportent pas les fortes l’aile droite du château, dont la capa- ter une machine pour faire monter l’eau pressions ; celles en plomb non plus, car cité atteint 5 000 mètres cubes (voir la de la Seine jusqu’au château ; la qua- elles sont de fabrication trop artisanale. figure 1). Les fontaines fonctionnent en trième, finalement abandonnée, aurait Enfin, les robinets sont d’un usage encore circuit ouvert : les eaux sont rejetée dans consisté à dévier le cours de l’Eure. peu répandu. Le réseau de distribution le ru de Gally. e Au XVII siècle, les connaissances en d’eau potable est quasi inexistant et ce En 1668, on perce la première de l’histoire hydrologie n’ont guère progressé depuis sont les porteurs d’eau qui puisent l’eau branche du Grand Canal, un nouveau les Romains : pour ce qui est du machi- aux fontaines et la livrent aux particuliers, bassin dans l’axe du château de nisme hydraulique, on sait élever l’eau au laissant aux hydrauliciens un terrain inex- 1650mètres de longueur. Son éten- moyen d’une chaîne à godets, entraî- ploré et propice aux progrès techniques. due est telle que des travaux de nivelle- née par un moulin à vent ou par une À l’arrivée de Louis XIV à Versailles, ment précis sont nécessaires. Pour les roue à aube, et l’on connaît le principe de on crée de nouvelles fontaines. Pour les effectuer, le roi fait appel à la nouvelle présence la pompe à piston, entraînée par un alimenter, on bâtit de nouvelles pompes Académie royale des sciences, qu’il a manège à chevaux. Quant aux ouvrages sur l’étang de Clagny et de nouveaux créée en 1666, pour «faire avancer et d’art, on sait construire des aqueducs, réservoirs. À celui de la Tour d’eau, de favoriser les sciences, pour l’utilité mais sur un parcours présentant une déni- 100 mètres cubes, à proximité de l’étang publique et pour la gloire de son règne». vellation suffisante. Les tuyauteries, en de Clagny, s’ajoutent ceux de la grotte Ses premiers membres, mathématiciens poterie, en troncs d’arbres forés ou en de Thétis, de 580 mètres cubes, et de et physiciens, sont chargés de travaux b a a c d d prés_de_l'hist.xp_fc_16_01 16/01/02 15:05 Page 12 cla Maquettistes:cla(Celine Lapert):292:pp.10_15_présence_de_l'histoire: couvrant aussi bien le domaine des mer et le physicien et astronome néer- sciences pures que celles de l’ingé- landais Christiaan Huygens, créent leur nieur. L’ambitieux programme d’embel- propre instrument de nivellement, mais histoire ROUE MOTRICE ’ ROUE H lissement hydraulique de Versailles leur aucun n’a la précision ni la commodité fournit un terrain de recherches, notam- d’emploi de celui de Picard, qui sera uti- ment sur les questions de nivellement lisé jusqu’au XIXe siècle. de l et de mécanique des fluides. Comme les installations hydrauliques Pour niveler un terrain, on utilise de l’étang de Clagny ne suffisent plus à CYLINDRE M alors couramment le niveau à fil, ou alimenter le parc, on barre le cours de la niveau de maçon, un instrument rudi- Bièvre, pour créer l’étang du Val, au Sud sence é mentaire en forme de A au sommet du château, de l’autre côté de la colline duquel est suspendu un fil à plomb (voir de Satory au sommet de laquelle on pr ) B . C la figure 3). Pour mesurer le dénivelé construit un réservoir de 72 000 mètres . I . C entre deux points, on se place au pre- cubes. Au bord de la Bièvre et sur l’étang, mier et on vise le second à l’œil nu, avec on installe de nouvelles pompes, qui refou- le niveau à fil. On relève alors l’angle lent l’eau dans ce réservoir, d’où elle que fait le fil à plomb avec le repère, puis dévale la pente jusqu’à la pièce d’eau des Université de Liège ( on mesure la distance entre les deux Suisses (jouxtant l’aile gauche du châ- points. En appliquant les règles de la tri- teau), avant de remonter en siphon vers gonométrie, on en déduit le dénivelé. les réservoirs de l’aile. L’eau circule dans La précision obtenue est de l’ordre de une conduite en fonte dont les joints dix mètres par kilomètre. En augmen- sont en plomb ou en cuir, ce qui consti- tant la taille de l’instrument, elle n’est tue une innovation pour l’époque. plus que de quelques dizaines de cen- À l’issue de ces travaux, l’ensemble timètres par kilomètre, mais l’emploi du dispositif de pompage du parc de l’instrument devient malaisé. compte 13 moulins à vent, un moulin 2. Le fonctionnement de la pompe à pis- L’abbé Jean Picard, membre de l’Aca- à aubes sur la Bièvre et trois manèges ton est fondé sur le déplacement alterna- démie, est chargé d’exécuter les tra- à chevaux. Toutefois, en été, au moment tif d’un piston à l’intérieur d’un cylindre M. vaux de nivellement du Grand Canal à où les fontaines fonctionnent le plus, Le mouvement rotatif du manège à chevaux l’aide du niveau à lunette qu’il a créé : il le vent est absent, rendant les mou- est transformé en mouvement de transla- a repris le principe du niveau à fil en lui lins à vent inutilisables. tion alternatif. Lorsque les dents de la roue motrice de l’engrenage entraînent la ajoutant une lunette de visée. On relève Pendant les années qui suivent, le roue H, le piston monte dans le cylindre M, l’angle décrit par le fil à plomb comme parc continue à s’embellir de nouveaux créant une dépression : l’eau est aspirée à pour le niveau à fil, mais le point à nivel- bassins. Cependant, à cause du manque travers un clapet. Lorsque arrive la partie ler est visé à la lunette et non plus à l’œil d’eau, les jets du Parterre d’eau, sur lequel sans dent des roues de l’engrenage, la nu. Cet instrument réduit les erreurs à s’ouvrira la future galerie des glaces, ne roue H se dévide en sens inverse et le pis- un centimètre par kilomètre. D’autres aca- fonctionnent que par intermittence, lais- Archives départementales des Yvelines ton redescend en refoulant l’eau dans le second cylindre.