Isaac Asimov – Le Livre D'or De La Science-Fiction
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LE LIVRE D'OR DE LA SCIENCE- FICTION ISAAC ASIMOV 1-La preuve. 2-Personne ici, sauf. 3-Croire. 4-Les idées ont la vie dure. 5-L'amour, vous connaissez. 6-Quand les ténèbres viendront. 7-La cane aux oeufs d'or. 8-L'élément qui manque. 9-Le crime suprême. 10-Ce qu'on s'amusait. 11-Les fournisseurs de rêves. LA PREUVE Il fut un temps, durant l'âge d'or de la science-fiction, où celui qui disait robots pensait Asimov. Celui-ci n'a évidemment inventé ni le thème ni le mot (lequel dérive de la racine tchèque qui signifie travail, et a été introduit par Karl Capek sous le titre d'une pièce, R.U.R. ou Rossum Universal Robots). Asimov n'a même pas été le premier à réfuter le thème du monstre de Frankenstein en postulant que la créature ne se révolte pas nécessairement contre le créateur. Asimov — selon ses propres termes — a considéré un robot simplement comme un dispositif de plus, une machine comportant des systèmes de sécurité notamment lors de l'action des processus imitant la pensée humaine. Les trois lois de la robotique résument ces convictions, et fournissent en principe des limites à l'activité des robots. Ces lois forment une base de travail, aussi bien pour Asimov lui- même que pour Susan Calvin, la robopsychologue qu'il met en scène dans plusieurs de ses récits. Dans les moments difficiles, c'est à Susan Calvin que font appel les responsables de U.S. Robots pour assurer la compréhension entre les hommes et leurs créatures. Dans La Preuve, Susan Calvin intervient dans une enquête d'identité insolite. Elle fait une remarque qui mérite d'être méditée, lorsqu'elle observe que les trois lois de la robotique traduisent pratiquement les principes fondamentaux sur lesquels se fondent bien des préceptes moraux acceptés par les sociétés humaines. Francis Quinn était un politicien de la nouvelle école. Cette expression, comme toutes celles de ce type, n'a bien sûr aucun sens. La plupart de nos «nouvelles écoles» existaient déjà dans la Grèce antique, et peut-être aussi — mais encore faudrait-il en savoir davantage — dans la vie sociale de l'ancienne Sumer, ainsi que dans les habitations lacustres de la Suisse préhistorique. Mais afin d'éviter un début compliqué et ennuyeux, il serait préférable de déclarer sans ambages que Quinn n'a jamais cherché à se faire nommes à un poste quelconque, ni sollicité les suffrages, ni fait de discours, ni bourré les urnes. Pas plus que Napoléon à Austerlitz, il n'a tiré la moindre balle. Comme la politique produit de curieux personnages, Alfred Lanning était assis de l'autre côté du bureau, les sourcils blancs, féroces, froncés au-dessus de ses yeux où l'impatience chronique avait fait place à une vive attention. Il n'était pas content. Mais il n'aurait voulu, pour rien au monde, que Quinn s'en aperçoive. Il parlait d'une voix amicale, peut-être par déformation professionnelle. — Je présume que vous connaissez Stephen Byerley, docteur Lanning. — J'en ai entendu parler. Comme tout le monde. — Oui, moi aussi. Vous avez peut-être l'intention de voter pour lui aux prochaines élections ? — Je ne saurais vous dire. (Il y eut une pointe d'aigreur dans la réponse.) Je n'ai pas suivi la politique ces temps-ci. Je ne suis pas au courant de sa candidature. — Il pourrait être notre prochain maire. Bien sûr, à l'heure actuelle il n'est qu'avocat, mais les petits ruisseaux... — Oui, interrompit Lanning. Je connais ce dicton. Mais venons-en plutôt au sujet qui nous occupe. — C'est bien de cela dont il s'agit, dit Quinn d'une voix très douce. Il est dans mon intérêt que M. Byerley reste dans le meilleur des cas à sa place de procureur, et il est dans le vôtre de m'aider. — Dans mon intérêt? Allons donc ! Les sourcils du scientifique se rapprochèrent sensiblement l'un de l'autre. — Disons, alors, dans l'intérêt de la U.S. Robots et Androïdes. En fait c'est le directeur honoraire de recherches que je suis venu voir. Je sais que vous tenez auprès de la. direction la place du «vétéran». On vous écoute avec respect, bien que vous ne soyez plus en relation étroite avec eux.. Vous jouissez encore d'une liberté d'action considérable, et même si celle-ci s'avérait ne pas être très catholique... Le docte Ur se tut un moment, comme absorbé dans ses pensées. Il dit plus bas : — Je ne vous suis pas, du tout, monsieur Quinn. — Cela ne m'étonne pas. Mais en fait c'est très simple. Vous permettez ? Il alluma une cigarette longue et fine avec un briquet d'une sobriété de bon goût. Son visage osseux prit une expression amusée. — Nous avons parlé de M. Byerley. Un personnage étrange et original. Il était inconnu il y a trois ans. Il est célèbre maintenant. C'est un homme énergique, habile, certainement le procureur le plus intelligent et le plus capable que j'ai jamais connu. Malheureusement il n'est pas mon — Je comprends, fit Lanning mécaniquement. - Il fixa ses ongles. — J'ai eu l'occasion l'année dernière, continua Quinn d'un ton égal, de me renseigner sur lui de façon très détaillée. C'est toujours utile, vous savez, de soumettre le passé des politiciens réformateurs à une enquête approfondie. Vous ne pouvez imaginer à quel point cela aide... (Il s'arrêta et dirigea un sourire glacé vers le bout incandescent de sa cigarette.) Mais celui de Byerley ne présente aucun intérêt. Une vie tranquille dans une ville de province, une petite formation supérieure, une femme morte prématurément, un accident d'auto dont il s'est remis lentement, l'école de droit, l'arrivée dans la capitale, enfin le poste de procureur. Le politicien secoua la tête doucement, puis ajouta : — Mais quant au présent, il est digne du plus haut intérêt. Notre procureur général ne mange jamais I Lanning se redressa brusquement, ses yeux uses devinrent étonnamment perçants. — Vous dites ? — Notre procureur général ne mange jamais, répéta Quinn en martelant chaque syllabe. Je vais tout de même nuancer cette affirmation. I/ n'a jamais été vu en train de manger ou de boire. Jamais ! Comprenez-vous la signification de ce mot? Pas rarement. Jamais ! — C'est positivement incroyable. Pouvez-vous vous fier à vos informateurs ? — Je peux leur faire entière confiance, et je ne trouve pas cela incroyable le moins du monde. En outre notre procureur n'a jamais été observé en train de boite, que ce soit de l'eau ou de l'alcool, ni de dormir. Il y a encore d'autres éléments, mais je pense en avoir dit assez. Le scientifique se renversa sur son siège. Un profond silence s'installa entre eux, marqué par le défi de l'un et la réponse de l'autre. — Non. Si j'ajoute à vos affirmations le fait que vous m'en faites part, je vois très bien où vous voulez en venir, et c'est tout à tait impossible. — Mais cet homme n'a vraiment rien d'humain, docteur Lanning. — Si vous m'aviez annoncé qu'il était le Diable en personne déguisé en homme, j'aurais peut-être pu vous croire. — Je vous dis que c'est un robot. — Et moi, je vous répète que c'est impossible, monsieur Quinn. Ils s'affrontèrent de nouveau sans mot dire. — Toutefois (le politicien écrasa sa cigarette avec un soin extrême) vous allez être obligé d'étudier cette impossibilité avec tous les moyens dont dispose votre société. — Il n'en est pas question. Vous n'imaginez tout de même pas que la U.S. Robots va se mêler de politique. — Vous n'avez pas le choix. Supposez que je rende ces faits publics. Même sans preuves, ils parlent d'eux-mêmes. — Faites donc comme il vous plaira. — Cela ne me suffit pas. Je préfère avoir des preuves. D'ailleurs vous n'y trouverez pas davantage votre compte. La publicité ferait un grand tort à votre entreprise. Je suppose que vous connaissez les lois sévères contre l'utilisation des robots dans les mondes habités. — - Évidemment, répliqua le docteur sèchement. — Vous savez que la U.S. Robots et Andrardes est la seule à produire des robots positroniques dans le système solaire. Si Byerley est un robot, il ne peut être que positronique. Comme vous le savez aussi, ils sont loués, et non vendus. La société en reste donc propriétaire. Elle est responsable de tous leurs agissements. — Il est très facile de prouver que notre société n'a jamais fabriqué un robot personnifiant un être humain. — On peut en faire ? Histoire de discuter les possibilités. — Oui, c'est possible. — En secret aussi, j'imagine. Sans que cela rentre dans vos livres. — Pas le cerveau positronique. Trop de facteurs entrent en jeu. Le gouvernement contrôle très étroitement cette partie-là. — Bien sûr, mais les robots s'usent, se détériorent, tombent en panne, et on les envoie à la casse. — Les cerveaux positroniques sont réutilisés ou détruits. — Vraiment ? (Francis Quinn se permit un soupçon de sarcasme.) Et s'il y en avait un qui, accidentellement bien sûr, avait échappé à la destruction, et s'il avait une structure humaine prête à recevoir un cerveau. — Impossible ! — Il faudra le prouver au gouvernement et au public, alors pourquoi ne pas le prouver tout de suite? — Mais dans quel but le ferions-nous ? demanda Lanning exaspéré. Pour quelle raison ? Accordez-nous donc un peu de bon sens. — Monsieur, je vous en prie. La U.S.