Été / Summer 2015

Lili Reynaud Dewar Guillaume Désanges Laëtitia Badaut Haussmann Pamela Rosenkranz Jérémie Gindre Mariana Castillo Deball

02 Revue d’art contemporain gratuite / 02 Free Contemporary Art Review Arnaud Cohen Rémission RetRospection

14 juin - 20 septembre 2015 SENS Palais synodal - Musées de Sens Parvis de la Cathédrale - 89100 Sens www.ville-sens.fr

Encart 02 Arnaud Cohen.indd 1 20/05/15 11:11 Pub 02_Mise en page 1 19/05/15 09:35 Page1 CARRÉ D’ART - NÎMES FORMES BIOGRAPHIQUES 29 MAI - 20 SEPT. 2015 ris, 2015 ris, détail, 1993. Coll. Landesbank Baden-Wurttemberg, Stuttgart. Courtesy Hayward Gallery, Londres. Photo Linda Nylind. © ADAGP, Pa Photo Linda Nylind. © ADAGP, Londres. Gallery, Stuttgart. Courtesy Hayward détail, 1993. Coll. Landesbank Baden-Wurttemberg, Foto (Klein-Martin am Tisch), Martin Honert,

WWW.CARREARTMUSEE.COM FRAC AQUITAINE & CENTRE D’ART IMAGE/IMATGE

dans le cadre du Centenaire de la naissance de Roland Barthes – en Aquitaine

11 avril — Lumières 31 octobre 2015

de EXPOSITIONS Philippe Roland Lepeut Listen to Barthes the Quiet Voice Commissaire Magali Nachtergael

FRAC AQUITAINE – BORDEAUX 21 MAI 22 MAI – 29 AOÛT 2015 L’écrivain 12 SEPTEMBRE en vacances : 2015 sur la plage My Last Life Une invitation à découvrir, VINCENT MEESSEN à travers l’art contemporain et la collection du Frac Aquitaine,

la postérité théorique IMAGE/IMATGE – ORTHEZ Aginako Rebeka : 23 MAI – 12 SEPTEMBRE 2015 et esthétique d’un des penseurs MUSÉE D’ART MODERNE ET CONTEMPORAIN les plus importants Lunettes du XXe siècle. noires 1, PLACE HANS-JEAN-ARP conçu par Brian Eno et Peter Schmidt & , 2015 © Philippe Lepeut. Graphisme

chambre StrategiesOblique claire WWW.MUSEES.STRASBOURG.EU est issue du jeu Roland Barthes (Juan Les Pins, chez Daniel Cordier), 1972. Photo Youssef Baccouche. BnF — design la/projects Roland Barthes (Juan Les Pins, chez Daniel Cordier), 1972. Photo Youssef Les Images saisissantes, L’aigue-marine

Listen to the Quiet Voice Philippe Lepeut, WWW.FRAC-AQUITAINE.NET GALERIE BUGADA & CARGNEL 7-9 RUE DE L’ÉQUERRE F- 75019 [email protected] T 33 1 42 71 72 73

BLAKE RAYNE / PEACEFUL PHOTOGRAPHERS 5 JUNE - 5 JULY / LONDON 9 JUNE - 18 JULY / PARIS

JOHN MILLER / COUNTERPUBLICS 5 SEPTEMBER - 3 OCTOBER / LONDON GRAHAM COLLINS THE VILLAGE

LISTE STAND 1/6/1 16 - 21 JUIN 2015 LIZ DESCHENES / ROE ETHRIDGE / JUTTA KOETHER / DANIEL LEFCOURT VALENTINA LIERNUR / JASON LOEBS / SCOTT LYALL / NICK MAUSS CHARLES MAYTON / JOHN MILLER / OLIVIER MOSSET / SEAN PAUL PAVEL PEPPERSTEIN / EILEEN QUINLAN / BLAKE RAYNE CLÉMENT RODZIELSKI / CHRISTOPH RUCKHÄBERLE / NORA SCHULTZ AMY SILLMAN / REENA SPAULINGS /JOANNE TATHAM & TOM O’SULLIVAN VERNISSAGE VENDREDI 5 JUIN 2015 DE 19 À 21H CHEYNEY THOMPSON EXPOSITION DU 5 JUIN AU 25 JUILLET 2015 CAMPOLI PRESTI DU MARDI AU SAMEDI, DE 11H À 12H30 ET DE 14H À 19H LONDON / PARIS

expo 12-6_pub 02.indd 1 26/05/2015 11:44:26 EXPOSITION

atopolis 13 juin > 18 oct.

manège de sury

mons Saâdane Afi f, Nevin Aladağ, Francis Alÿs, Danai Anesiadou, El Anatsui, Yto Barrada, Walead Beshty, Huma Bhabha, Vincen Beeckman, Vlassis Caniaris, Abraham Cruzvillegas, Meschac Gaba, Jef Geys, Thomas Hirschhorn, Kapwani Kiwanga, David Medalla, Vincent Meessen, Adrian Melis, Benoit Platéus, Walter Swennen, Diego Tonus, Lawrence Weiner, Jack Whitten.

#escale CINÉTISATION D’APRÈS POL BURY © BENOIT PLATÉUS 2014  ÉDITEUR RESPONSABLE : YVES VASSEUR YVES : RESPONSABLE ÉDITEUR  2014 PLATÉUS BENOIT © BURY POL D’APRÈS CINÉTISATION

Affiche_Atopolis_A4.indd 1 2/06/15 09:16 CAPC musée d'art Expositions contemporain 6 juin — de Bordeaux 29 août 2015

ONE TO ANOTHER ONE-TO-ONE

CONDUIRE, DANSER ET FILMER

LA ÓPERA DEL MONDONGO ALEJANDRO JODOROWSKY 28.05 – 31.10.2015

Différentes propositions théoriques et performatives seront PARTENAIRES DU MUSÉE / MUSEUM PATRONS HORAIRES / OPENING HOURS proposées pendant la durée de l’exposition dans la Nef Centrale Mécène d’honneur / Honorary patron 11h – 18h / 11h – 20h les mercredis du musée. Visitez notre site internet pour plus de détails / Château Haut-Bailly Fermé les lundis et les jours fériés, Various theoretical and performative proposals will be presented sauf les 14 juillet et 15 août. Partenaire fondateur / Founding patron in the Central Nave of the museum throughout the duration of the Amis du CAPC 11 am - 6 pm / 11 am - 8 pm, Wednesdays exhibition. Please visit our website for details. Partenaires bienfaiteurs / Leading patrons Closed on Mondays and public Holidays, Fondation Daniel & Nina Carasso, Air France except July 14th and August 15th. L’exposition Alejandro Jodorwsky est reconnue d’intérêt Partenaires donateurs / Patrons ABRAZO VALE MIL national par le ministère de la Culture et de la Communication/ SUEZ environnement, Château Chasse-Spleen, SLTE, STATIONS TRAM / TRAM STATIONS Direction générale des patrimoines/Service des musées Fondation d’entreprise Hermès, Lacoste Traiteur, CAPC ; Jardin public de France. Elle bénéficie à ce titre d’un soutien financier Château Haut Selve, Lafarge Granulats, exceptionnel de l’État / Le Petit Commerce, Hôtel La Cour Carrée SUIVEZ-NOUS / FOLLOW US This exhibition Alejandro Jodorowsky is recognized as being http://twitter.com/capcmusee Partenaires de l’exposition Alejandro Jodorowsky of «Intérêt national» by the «Ministère de la Culture et de la http://www.facebook.com/capc.musee Amis du CAPC, ABKCO Films Communication/Direction générale des patrimoines/Service des musées de France». As such it benefits exceptionally from This exhibition is supported by financial support from the French State. The Friends of the CAPC and ABKCO Films

capc-bordeaux.fr Photo © Daniel Bergeron / Corbis Outline Alejandro Jodorowsky. cur. Sandra Patron

centre régional d’art contemporain languedoc-roussillon sète Francisco Tropa TSAE 26.06.2015 > 20.09.2015 (Trésors Submergés Hicham de l’Ancienne Égypte) Berrada Mariana Castillo Deball Cronotopo cur. Plateforme Roven cur. Dorothée Dupuis et Oliver Martínez-Kandt Reto Pulfer Les chambres des états

FABRICE HYBER

Musée régional d’art contemporain Languedoc-Roussillon crac.languedocroussillon.fr 146 avenue de la plage, Sérignan 26 quai aspirant Herber f-34200 sète - france Téléphone +33 (0)4 67 74 94 37 mrac.languedocroussillon.fr ouvert tous les jours 12h30-19h — Week-end 15h-20h entrée libre et gratuite — fermé le mardi

Huz & Bosshard ALFRED JARRY Zone ARCHIPELAGO : Bethan Huws LA VALSE DES PANTINS - ACTE I DU 5 JUIN AU 30 AOÛT 2015

10, ESPLANADE FRANÇOIS MITTERRAND 29000 QUIMPER T : +33 (0)2 98 55 55 77 WWW.LE-QUARTIER.NET

LA VALSE DES PANTINS - ACTE I EXPOSITION AVEC JULIEN BISMUTH, PAULINE BOUDRY & RENATE LORENZ, PAULINE CURNIER JARDIN, JOS DE GRUYTER & HARALD THYS, GOLDIN + SENNEBY, WILLIAM KENTRIDGE, SHELLY NADASHI, DAN PERJOVSCHI, ROEE ROSEN, BENJAMIN SEROR, YOAN SORIN, ANTE TIMMERMANS, EMMANUEL VAN DER MEULEN, KARA WALKER

ALFRED JARRY ARCHIPELAGO Un projet initié par Le Quartier - centre d’art contemporain de Quimper, le centre d’art contemporain de la Ferme du Buisson à Noisiel et le Museo Marino Marini à Florence dans le cadre de Piano – Plateforme franco-italienne d’échanges artistiques – et en collaboration avec le Museum M et Playground à Louvain (Belgique). Du 4 juin au 19 juillet Revisitant la puissance de transgression de l’art et de la performance contemporains, 2015 le projet convoque Alfred Jarry (1873-1907) comme commissaire posthume d’une série d’expositions, d’événements et de publications, qui se déploiera en divers lieux entre 2015 et 2017. 16, rue Charles VII 94130 Nogent-sur-Marne 01 48 71 90 07 maba.fnagp.fr

Exposition présentée les jours de semaine, de 13h à 18h Les samedis et dimanches, de 12h à 18h. Fermée le mardi et les jours fériés. Entrée libre.

Le Quartier5Bis_02 juin 2015.indd 1 21/05/2015 16:29 1 Sommaire 5

Guest Interview Valérie Jouve Lili Reynaud Guillaume Corps en résistance Dewar Désanges par/by Patrice Joly par/by Patrice Joly 16-25 02/06 – 27/09/15 58-64 Laëtitia Badaut Haussmann par/by Antoine Marchand 46-50

Pamela Reviews

Rosenkranz Surround Audience New Museum, New York par/by Aude Launay 66-67 Mariana Castillo Deball 28-34 Hamburger Bahnhof, Fiction 68–71 Artist Novels The Book Lovers Publication 72-73 Vision de mon Michael Krebber, R. H. Quaytman Ludwig Museum, Cologne cousin Donald / 74-75 Peter Buggenhout My Cousin M-Museum, Louvain ), 1991-1995. Courtesy), 1991-1995. de la galerie Xippas, Paris © Valérie Jouve Paris 2015 / ADAGP, 76-77 Donald’s Vision Circonférences par/by Jérémie Gindre Le Carré, Château-Gontier 78 Saâdane Afif 40-43 Triennale de Vendôme

Les Personnages avec Josette 79 Guillaume Constantin Eternal Gallery, Tours 80 Valérie Jouve, Sans titre (

02#74

Été / Summer 2015

1, PLACE DE LA CONCORDE · PARIS 8 E · M° CONCORDE WWW.JEUDEPAUME.ORG En couverture / Cover Directeur de la publication / Rédacteurs / Contributors Publicité / Advertising Éditeur / Publisher R. H. Quaytman, Publishing Director Raphaël Brunel, Alexandra Fau, Patrice Joly Association Zoo galerie Preis, Chapter 28, 2015. Rédacteur-en-chef / Jérémie Gindre, Patrice Joly, [email protected] 4 rue de la Distillerie Encre sérigraphique, gesso Editor-in-Chief Aude Launay, Gauthier Lesturgie, 44 000 Nantes sur bois, 62,87 × 101,6 × 1,91 cm. Patrice Joly Antoine Marchand, Maria Graphisme / Graphic Design [email protected] Photo : Lothar Schnepf. Nicolacopoulou, Eva Prouteau Aurore Chassé © R. H. Quaytman Rédactrice-en-chef adjointe / Avec le soutien Courtesy Galerie Buchholz, Associate Editor-in-Chief Traduction / Translation Impression / Printing de la Ville de Nantes Le Jeu de Paume est subventionné par Berlin / Cologne. Aude Launay Simon Pleasance, Fronza Woods Imprimerie de Champagne, En partenariat avec Remerciements à Langres Textes inédits et archives sur / le ministre de la Culture et de la Communication. Relecture / Proofreading Unpublished texts and archives Il bénéficie du soutien de Neuflize Vie Aude Launay www.zerodeux.fr et de la Manufacture Jaeger-LeCoultre, mécènes privilégiés. 1 Guest Lili Reynaud Dewar 6 1 Guest Lili Reynaud Dewar 7

Lili Reynaud Dewar — par Patrice Joly

L’« opéra » que vient de monter Lili Reynaud Dewar de ce dispositif matriciel qui permettait de faire à la biennale de Venise reprend nombre de interagir les multiples problématiques traversant préoccupations qu’elle a abordées au cours de sa le travail de l’artiste de part en part : le genre, les courte mais déjà très dense carrière. Bien que minorités, l’origine, la high et la low culture, le statut l’opéra semble une figure un peu anachronique dans des objets ; elle est le chaudron conceptuel qui une époque qui privilégie le fast checking des œuvres permet de faire fusionner toutes ces références sur Instagram, cette forme constitue cependant et de réactiver la synesthésie chère au modernisme. un prolongement naturel pour une artiste qui s’est Difficile donc de parler d’un travail qui emprunte toujours intéressée aux dispositifs « enveloppants », à toutes les dimensions de l’art, de la poésie matriciels, à l’instar de la Black Maria qui fut à la musique, en passant par le design, la vidéo et en son temps un véritable creuset dans lequel la littérature. La seule grande absente est peut-être furent certainement enregistrées les premières la peinture, sauf si l’on considère la pratique performances de tous les temps et dont elle de Lili Reynaud Dewar comme la production d’une emprunta le nom pour une de ses expositions. singularité constituée d’une multiplicité d’apports L’opéra représente une forme optimale en ce sens artistiques éloignés certes, mais possédant au final qu’il associe la quasi totalité des pratiques une réelle unité plastique, un « tableau vivant » d’une artistiques — chant, musique, danse, écriture certaine manière… Sa vraie référence est peut-être (livret), sculpture (décor, scénographie) — à laquelle celle de la fête florentine de la Renaissance qui, sous Lili Reynaud Dewar My Epidemic (Small Modest l’artiste a rajouté un art « de notre époque » : la vidéo. le prétexte de rendre hommage à la figure du prince, Bad Blood Opera), 2015. Installation. Tissu, encre, Les « machines » de Reynaud Dewar ne représentent consistait à associer le plus grand nombre de peinture, métal, enceintes, pas seulement une réflexion sur l’évolution des « métiers » dans la réalisation d’une forme totale, amplificateurs, vidéos, écrans LED, bande son / Fabric, ink, formats de l’art contemporain, elles sont au service feu d’artifice concentré dans l’éphémère d’une paint, metal, speakers, amplifiers, d’un regard approfondi sur la société dans laquelle production paroxystique, « fête italienne qui, selon videos, LED screens, audio track, 29 min 58 s. nous vivons : en remettant en lumière les très Jacob Burckhardt cité par Aby Warburg, à son degré Musique composée par Nicolas virulentes discussions sur le sida des années supérieur de civilisation, fait véritablement passer Murer alias MACON et chantée par Diego de Atucha, Naim quatre-vingt-dix, Lili Reynaud Dewar revitalise de la vie à l’art2 », fête théâtrale qui constitue une Bityqui, Maud Constantin, Étienne Chosson, Romain Juan, le débat de société en reposant la question apogée dans la collusion des pratiques et qui Sarah Margnetti, Lea Meier, de la responsabilité artistique. La forme de anticipe d’une certaine manière le postmodernisme Coline Mir, Nicolas Murer, Lili Reynaud Dewar, Sara Sandler ses installations, depuis ses toutes premières lorsque le modernisme a toujours tenté d’épurer Vue de l’exposition / Exhibition expositions, offre un regard renouvelé sur les les formes dans une impossible convergence. view « All the World’s Futures », Arsenale, 56e Exposition phénomènes d’exclusion des cultures minoritaires La différence majeure d’avec ces grandes machines Internationale d’Art, et des personnalités déviantes : son appréhension scéniques du xvie siècle qui révolutionnent Biennale de Venise, 2015. © Lili Reynaud Dewar de l’objet scénique la situe dans la droite ligne la pratique du spectacle, c’est que les performances © Photo : Fabrice Seixas Courtesy C.L.EA.R.I.N.G., de prédécesseurs illustres qui, comme Mike Kelley, de Reynaud Dewar sont peuplées de demi-dieux New York & Bruxelles ; ont su reposer la question de l’incarnation de l’objet et de créatures excentriques, de rebelles échappant Emmanuel Layr, Vienne ; kamel mennour, Paris. d’art et mettre en lumière les discours dissimulés à une pleine reconnaissance car réfutant les codes Avec le soutien de / With the derrière les apparences de la neutralité ; de la notoriété en troublant l’ordre établi et la support of Institut français ; Fondazione Querini Stampalia. sa « visitation » en ange noir sautillant des lieux (de) bien-pensance, lorsque les fêtes de la Renaissance culte(s) de l’art contemporain dans ses dernières étaient destinées à magnifier la figure du performances filmées, est un pur pied de nez commanditaire. Les personnages que met en scène à l’establishment artistique. Lili Reynaud Dewar dans ses expositions forment un panthéon d’antihéros dont les plus emblématiques 1 « The Center and the Eyes », La performance est la matrice sont Guillaume Dustan et Sun Ra, personnages pour Zoo galerie, Nantes, du 19 1 octobre au 19 novembre 2006. Dans « The Center and the Eyes » en 2006, le moins controversés, restés à la marge des grands 2 Philippe Alain-Michaud, une des premières expositions d’envergure de circuits de distribution pour un Sun Ra quand Aby Warbug et l’image en mouvement, Macula, 1998. Lili Reynaud Dewar, étaient en germe la plupart un Dustan devint carrément le paria de la littérature 3 Guillaume Dustan, Œuvres I, des éléments significatifs du travail de l’artiste, française avant une reconnaissance tardive préface de Thomas Clerc, Lili Reynaud Dewar, Black Mariah, 2009. 3 Paris, P.O.L., 2013. dont l’installation d’un dispositif scénique à la faveur d’une réédition récente de ses écrits . Vue de l’exposition / Exhibition view 4 « Black Mariah », Parc Saint pensé dans le but d’accueillir des performeurs. L’exposition qui eut lieu au Parc Saint Léger Centre d’art du parc Saint Léger, Pougues les Eaux, 2009. Léger, Pougues-les-Eaux, Photo : Aurélien Mole © Lili Reynaud-Dewar du 29 mars au 24 juin 2009. La performance était en effet l’élément central en 20094 et qui était intitulée tout simplement Courtesy Lili Reynaud Dewar 1 Guest Lili Reynaud Dewar 8 1 Guest Lili Reynaud Dewar 9

« Black Mariah » ne laisse pas de doute quant les rôles les plus divers, les faisant passer du statut à la valeur d’hommage à l’endroit de cette toute d’accessoires à la condition de phonèmes, première boîte noire de l’histoire. Construite à la fin participant d’un ensemble structuré qui renvoie du xixe siècle dans le but d’optimiser le potentiel au fonctionnement du langage. Le rapport des dernières inventions de Thomas Edison, celle-ci qu’entretient Lili Reynaud Dewar aux objets semble devint de fait le tout premier studio de production plus proche de celui que Mike Kelley met en avant d’images en mouvement. Au-delà de l’anecdote dans son texte « Playing with Dead Things6 » : historique et du caractère quasiment surnaturel l’artiste américain renvoie aux objets placés dans qu’on attribua aux réalisations de la Black Maria, la tombe des dignitaires de l’ancienne Égypte afin c’est le défilé hallucinant de personnages de tout de les accompagner dans leur périple vers l’au-delà. acabit — jusqu’à ce groupe d’Indiens faisant partie La référence aux objets rituels du vaudou qu’amène de la tournée du Buffalo Bill Show et perpétrant pour Reynaud Dewar peut se lire aussi comme une la circonstance ce que l’on peut qualifier de l’une critique des objets d’art occidentaux, objets dont des premières performances filmées de l’histoire — l’activation atteint son maximum lorsqu’ils sont qui contribua à créer la légende de cette incroyable intégrés au scénario de la performance mais qui, machine. Dans le dispositif qu’elle mit en place une fois passée l’excitation du spectacle, retombent à Pougues-les-Eaux, l’artiste tenta de restituer, de dans leur désolante léthargie. manière fragmentaire certes, cette double fonction Opposer les objets rituels aux sculptures de mise en scène et d’enregistrement, en réalisant de l’art moderne et contemporain comme le fait dans l’espace même du centre d’art une production allusivement Reynaud Dewar, c’est aborder continue de vidéo. Lili Reynaud Dewar y retrouvait la question postcoloniale à travers le système les problématiques spatiales de l’exposition de 2006 des beaux-arts qui représente la quintessence de où les objets de scène occupaient un rôle primordial. la supériorité culturelle de l’Occident : c’est en effet À la fois sculptures, éléments de décor, accessoires, introduire des représentations minoritaires à même

fétiches, ses objets de scène procèdent de multiples le système conventionnel de l’exposition qui impose Lili Reynaud Dewar, Untitled, 2013. Lili Reynaud Dewar, Black Mariah (The Woman’s Performance Objects and films), 2009. strates intentionnelles qui ne manquent pas un ordonnancement extrêmement balisé du regard Livre, socle, tissu / Book, wood, fabric. Bois, miroirs, cuir, peinture, costume (veste et pantalon), affiches sérigraphiées, vidéo / Courtesy Lili Reynaud Dewar Wood, mirrors, leather, paint, costume, posters and video de bousculer les réflexes habituels d’appréhension et, partant, venir troubler cet ordonnancement. Vue de l’installation / View of the installation, Centre d’art du parc Saint Léger, Pougues-les-Eaux, 2009. des œuvres : dans « The Center and the Eyes », L’artiste suivra par ailleurs un itinéraire en zigzag Photo : Aurélien Mole © Lili Reynaud Dewar. Courtesy Lili Reynaud Dewar ; kamel mennour, Paris le spectateur était confronté à la possibilité sur le sujet jusqu’à cette toute dernière phase d’une découverte frontale et spatiale des sculptures des performances dansées. Entre-temps, elle sera qui lui donnait l’impression de se retrouver dans revenue à une production d’objets aux contours plus la quatrième dimension5 ; à Pougues, répondant pop. La référence à des designers italiens comme à la sophistication de la Black Maria capable de Ettore Sottsass marquera cependant son hésitation suivre la courbe du soleil dans le ciel, Reynaud Dewar quant à un retour à une version plus habituelle créait un espace susceptible de remplir de multiples de la sculpture et sa réticence à quitter la dimension tendance à participer d’un décor dévitalisé. La contemporaine. Reynaud Dewar oscille entre missions successives et simultanées : lieu de fonctionnelle de l’objet. L’exposition au Parc Saint coloration qu’elle donne aux lieux emblématiques ces deux tendances, entre une volonté de fusionner tournage cohabitant avec des espaces annexes Léger présentait plusieurs volumes en forme qui accueillent le tournage de ces performances formellement les champs et, celle, plus commune de stockage en amont, mezzanine où seraient de chiffres ou de lettres comme si la conversion qu’elle va multiplier à partir de 2011 — centres d’art, d’être en empathie très forte avec une pensée, projetés les films réalisés in situ et, enfin, espace de à la sculpture pop ne pouvait se faire qu’au prix grands musées mais aussi artist run spaces — reste un rapport à l’existence dont la traduction passe circulation pour les visiteurs de l’exposition, le tout d’une concession à une dimension utilitaire de cette problématique puisque, sciemment choisis par par une utilisation plus « classique » du texte. Mais, en conservant les même objets scéniques pendant dernière, tout au moins à sa « lecture ». Un nouveau l’artiste pour leur programmation reconnue, ils sont comme pour l’ensemble de sa pratique, l’artiste toute la durée du processus. revirement a lieu avec les performances de danse « revisités » par l’esprit moqueur et sautillant d’une expérimente des positions différentes et exécute 5 « Dans l’espace de la Zoo galerie, divisé en son centre que l’artiste réalise à partir de 2011 au milieu de ses mini Joséphine Baker, manière de dire encore une des va-et-vient permanents, passant d’une par une série de colonnes, Lili Reynaud Dewar a disposé L’accessoire prime œuvres, abandonnant quasiment ce fini soigné fois que les gens de couleur n’accèdent (n’ont jamais approche métaphorique de la littérature, et donc deux séries de trois éléments Le public des expositions de Lili Reynaud Dewar pour revenir temporairement à une série d’objets accédé) aux temples de la culture occidentale que d’une transcription plutôt imagée de ce qu’a pu lui sculpturaux placés successivement dans l’espace. se retrouve alors dans une position paradoxale : beaucoup plus modestes dans leur facture — dans via le versant autorisé de la danse ou du burlesque. procurer la lecture d’un de ses auteurs favoris, à un Une bouche, un nez, puis contrairement à la performance « classique » la continuité desquels Untitled (2013) voit disposé tout autre registre. I am intact and I don’t care (2013)7 deux des yeux composent ainsi, dans une symétrie parfaite, qui nécessite de tout démonter à la fin de la sur un socle tendu de tissu aux motifs africains Mettre en scène la littérature / peut par exemple s’entendre comme une allégorie un griot noir et un griot blanc, représentation, panneaux, accessoires, paravents le fameux ouvrage de Brian 0’Doherty, White Cube, à la poursuite d’une identité diffractée assez poussée de l’écriture : un lit percé d’un trou figures tribales de la culture rastafari considérées comme écriteaux, etc., ici les objets restent en place à la couverture et aux pages intérieures souillées Lili Reynaud Dewar est plutôt passionnée par en son milieu d’où s’échappe un petit geyser dépositaires de la tradition orale. […] L’exposition se et retournent ensuite à leur statut plus classique d’empreintes noires se détachant nettement 7 I am intact and I don’t care, la littérature : certains auteurs trônent en bonne d’encre. Il est aisé de reconstituer soi-même découvre frontalement ou de sculptures. sur le blanc du papier : il n’est guère de doute quant présentée notamment au 21er place dans son panthéon personnel, Marguerite le puzzle signifiant et d’y voir une interprétation spatialement, sachant qu’elle Raum-Belvédère, Vienne, suppose alors de « traverser » La position de l’artiste quant aux objets à la signification de son message, la symbolique du 20 mars au 14 avril 2013 ; Duras et Guillaume Dustan s’y détachant nettement. psychanalytique, plus ou moins traumatique, si l’on le plan et de faire l’expérience liés à la performance croise, en leur réinsufflant de la dénonciation du règne de l’occidentalo- dans l’exposition « Enseigner L’intégration de la littérature à son œuvre est veut se satisfaire d’une lecture psychologisante de la coupure (on dissocie alors comme des adolescents », la bouche, le nez et les yeux une indéniable vitalité, les réflexions de ses centrisme est directe et immédiatement lisible. Le Consortium, Dijon, un véritable casse-tête pour un artiste qui cherche de l’œuvre (est-ce la lecture de Duras qui l’a conduite pour ne les considérer prédécesseurs. Une des solutions apportées à la What a Pity You Are an Architect, monsieur! du 3 mai au 16 juin 2013 ; à implanter une œuvre littéraire au plus profond à créer cette œuvre au souffle délétère ou bien qu’individuellement) ce qui dans l’exposition pour le 15e confronte le spectateur à question du statut de l’objet scénique par Guy de You’d Make a Sensational Partner (2011) marque Prix Fondation d’entreprise d’une intention plastique sans se contenter celle de Dustan pour qui l’existence est chargée de l’expérience de la quatrième Ricard, « La vie matérielle », dimension, celle du temps. Cointet est de conserver le plus possible à ce dernier une rupture brutale avec les épisodes précédents : Fondation d’entreprise Ricard, de s’inspirer des thèmes développés par l’auteur. semblables puits de noirceur créatrice ?). En ce qui Claire Jacquet, « Si A = B en art une dimension utilitaire en le rapatriant chez lui une l’artiste s’y retrouve nue, entièrement enduite Paris, du 6 septembre Une chose est de s’inspirer d’une ambiance littéraire concerne la seconde tendance, il arrive que Reynaud comme en science alors vers au 2 novembre 2013 et qui quel monde allons nous ? » fois son utilisation sur scène terminée. Cependant, d’une couche de pigment noir, dansant au milieu lui valut de recevoir le prix; et de la traduire dans le monde des arts plastiques, Dewar utilise de manière très littérale des textes 02 n°40, hiver 2006-07, p. 30. la complexité des liens qu’entretient de Cointet de ces mêmes pièces. Les comédiens qui composaient et à la biennale de Lyon, une autre est de véritablement faire fusionner pour les brandir comme autant de bannières aux 6 Cf. Marie de Brugerolle « From du 12 septembre 2013 book to stage prop : theater, avec les objets ne se résume pas en leur retour, la petite troupe d’acteurs ont disparu : l’artiste, au 5 janvier 2014. des formes a priori irréconciliables, et c’est slogans plus ou moins provocateurs. Ainsi, lorsque actresses, doctors, camp. », in un moment donné, à leur statut d’objets fonctionnels, dorénavant, performe seule. La distanciation propre 8 « Live through that ?! », d’ailleurs cet a priori d’irréconciliabilité qui semble présentée au New Museum, Live through that ?! 8 Guy de Cointet, JRP Ringier, New Museum, New York, du 15 2011, p.76 et sq. et l’artiste leur fera jouer tout au long de sa carrière à la vidéo accentue la réification, les œuvres ont octobre 2014 au 25 janvier 2015. un des terrains les plus fertiles de la création déployait au rez-de-chaussée du musée de grandes 2 Guest Lili Reynaud Dewar 0 2 Guest Lili Reynaud Dewar 1

Lili Reynaud Dewar Live Through That?!, 2014. Vue de l’installation / Installation view New Museum, New York. © Lili Reynaud Dewar Photo : Benoit Pailley Courtesy Lili Reynaud Dewar ; kamel mennour, Paris ; Lili Reynaud Dewar C.L.E.A.R.I.N.G, New York & ; New Museum, New York. Avec le soutien / With the support of — Fondation d’entreprise Ricard. by Patrice Joly

The “opera” that Lili Reynaud Dewar has just put among the many different issues running right on at the Venice Biennale takes up many of the through the artist’s work: gender, minorities, concerns she already broached during her thus far origins, high and low culture, the status of objects; short but very busy career. Although opera seems performance is the conceptual cauldron which to be slightly anachronistic in an age that prefers helps to merge all these references, and rekindle fast checking works on Instagram, this art form the synaesthesia dear to modernism. So it is hard nevertheless represents a natural extension to talk about a body of work which borrows from for an artist who has always been interested all the dimensions of art, from poetry to music, in “all-encompassing” matricial arrangements, by way of design, video and literature. The one big like the Black Maria which, in its day, was a veritable thing missing is perhaps painting, unless we regard crucible in which the first performances of all time Lili Reynaud Dewar’s praxis as the production of were undoubtedly recorded, and whose name something unique formed by a whole host of artistic she borrowed for one of her shows. Opera is contributions which are undoubtedly aloof from one an optimal form insomuch as it associates almost another, but, in the end of the day, do have a real all the artistic praxes—song, music, dance, writing plastic unity, like a tableau vivant or living picture, (libretto), and sculpture (décor, set design)—to in a way… The true major reference is perhaps that which the artist has added an art “of our day and of the Florentine festival of the Renaissance which, age”: video. Reynaud Dewar’s “machines” do not just on the pretext of paying tribute to the figure of the represent a way of thinking about the evolution prince, consisted in associating the greatest number of contemporary art formats; they are also used of “trades” in the production of a total form, tentures où apparaissaient assez nettement les partenaires au cours de rapports non protégés. to take an in-depth look at the society we are living a concentrated firework in a short-lived paroxysmal textes de Guillaume Dustan, instaurant une étroite Ce dernier, mort du sida, a en effet toujours prôné in: by once again highlighting the extremely virulent production, “an Italian festival which, according collaboration entre le texte et la scénographie. une sexualité libérée de toutes entraves : discussions about Aids in the 1990s, Lili Reynaud to Jacob Burckhardt as quoted by Aby Warburg, À la biennale de Venise9, on retrouve sa littérature lui ressemble, une littérature radicale, Dewar is re-invigorating the social debate at its higher degree of civilization, really does create sensiblement le même procédé à la différence sans détours, répétitive et antiromanesque by re-posing the question of artistic responsibility. a shift from life to art”,2 a theatrical festival which fondamentale près que les textes présentés sur au possible, une littérature qui explore son propre The form of her installations, from her very earliest represented a climax in the collusion of praxes, les rideaux sont de l’artiste elle-même : ils font partie désir et revendique la proximité avec le danger, exhibitions on, offers a renewed look at the and in a way anticipated postmodernism when d’un dispositif plus complexe où l’on retrouve une littérature d’introspection, combattante, exclusionary phenomena of minority cultures modernism invariably tried to refine forms in des vidéos des performances tournées à Venise ainsi qui le rapproche par ailleurs de celle de Marguerite and deviant figures: her grasp of the stage object an impossible convergence. The major difference que de nombreux autres éléments scénographiques. Duras dont il admire la capacité à se mettre à nu. situates her in the direct line of illustrious with those large stage machines of the 16th century, D’autres aspects de l’installation évoquent les effets En parallèle de l’œuvre qu’elle a développée predecessors who, like Mike Kelley, managed to raise which revolutionized the way spectacles were de l’écriture, ainsi de cette capillarité faisant pour l’Arsenal, Reynaud Dewar a embarqué anew the issue of the incarnation of the art object, presented, is that Reynaud Dewar’s performances remonter l’encre le long des objets scéniques à Venise ses étudiants de la HEAD de Genève and shed light on the various kinds of discourse are filled with demi-gods and eccentric creatures, 9 56e biennale de Venise, « All the World’s Futures », Arsenal, et des panneaux qui barrent la vision des moniteurs : pour poursuivre ce séminaire nomade qu’elle hidden behind the appearance of neutrality; rebels avoiding any full recognition because du 6 mai au 22 novembre 2015. c’est l’aspect métaphorique qui prédomine ici, celui développe depuis plusieurs années et qui consiste her “visitation” as a skipping black angel to the cult they refuse the codes of celebrity by upsetting 10 La référence à Douglas Crimp est primordiale parce qu’elle de la contamination de toute chose par l’écriture. à discuter / débattre en petit comité dans sites—and/or places of worship—of contemporary the established order and conservatism, while place la discussion sur le plan Nous retrouvons là un des procédés favoris sa chambre d’hôtel de ses sujets de prédilection art in her latest filmed performances is nothing Renaissance festivals were intended to magnify de l’hypermoralisation des années quatre-vingt-dix de l’artiste : la mise en place de dispositifs matriciels qui tournent souvent autour des questions de genre less than a way of cocking a snook at the art the figure of the patron. The characters presented suite aux prises de position des associations de lutte qui, à l’instar de la Black Maria, permettent de mais aussi de toutes sortes de littératures et de establishment. by Lili Reynaud Dewar in her shows form a pantheon contre le sida notamment. combiner les pratiques, de les faire participer poésie. À Venise, bien évidemment, elle a lu avec of anti-heroes, the most emblematic among them La culpabilisation et la stigmatisation des positions d’un mouvement général. My Epidemic (small modest ses étudiants des textes de Dustan mais aussi Performance is the Matrix being Guillaume Dustan and Sun Ra, both figures de « laisser aller » est bad blood opera) est un opéra — et l’opéra est, pour de Douglas Crimp10, d’Eileen Myles ou de Samuel In 2006, in “The Center and the Eyes1”, one who are, to say the least, controversial, and who have également visée : elle débouche par ailleurs sur la question les Italiens, la forme ultime de l’art, alliant le chant, Delany, tentant de revisiter le contexte de 1 “The Center and the Eyes”, of the first major exhibitions of Lili Reynaud remained on the sidelines of the main distribution de l’intime et des limites la musique, le décor et le théâtre à l’écriture —, l’anathème qu’a subi Dustan à la lueur de nouvelles Zoo galerie, Nantes, from 19 Dewar’s œuvre, most of the significant elements circuits, in Sun Ra’s case, while a character such de l’espace privé. October to 19 November 2006. (Cf. Entretien avec Lili Reynaud un opéra pour le moins tragique qui met en scène approches, remettant la question de l’engagement 2 Philippe Alain-Michaud, of the artist’s work were there in embryonic as Dustan fairly and squarely became the pariah Dewar publié sur le blog Aby Warburg et l’image en de Francis Dommergue le personnage de Guillaume Dustan, plonge dans personnel et de la responsabilité artistique au sein mouvement, Macula, 1998. form, including the installation of a stage-like of French literature, prior to a late-in-the-day hébergé par Médiapart : les arcanes d’une œuvre dérangeante ayant subi les d’un vaste questionnement au centre duquel affleure 3 Guillaume Dustan, Œuvres I, arrangement devised with the purpose recognition that has given rise to a recent preface by Thomas Clerc, http://blogs.mediapart.fr/ 3 blog/bertrand-dommergue/ foudres d’associations comme Act Up qui a accusé la question du sujet, de sa fragmentation et des Paris, P.O.L., 2013. of accommodating performers. Performance re-publication of his writings. The exhibition, 060515/lili-renaud-dewar- l’auteur de faire la propagande d’une attitude stratégies de reconstruction de ce dernier par l’art 4 “Black Mariah”, Parc Saint was in fact the central factor of this matricial system simply titled “Black Mariah”, which was held in 20094 contamine-la-biennale-de- Léger, Pougues-les-Eaux, from venise-en-chantant irresponsable car mettant en danger la vie de ses contemporain, par la littérature… 29 March to 24 June 2009. which made it possible to introduce interaction at the Parc Saint Léger leaves no doubt as to the 2 Guest Lili Reynaud Dewar 2 2 Guest Lili Reynaud Dewar 3

homage being paid to that very first “black box” taking part in a structured whole that refers in history. Built at the end of the 19th century with to the way language functions. Lili Reynaud Dewar’s the goal of optimizing the potential of Thomas relationship to objects seems closer to the Edison’s latest inventions, that box became, de facto, connection that Mike Kelley highlights in his text the very first studio producing moving images. Playing with Dead Things:6 the American artist Over and above historical anecdote and the almost refers to the items placed in the tombs of ancient supernatural character attributed to the Black Egyptian dignitaries to accompany them on their Maria productions, it was the incredible procession journey to the hereafter. The reference to ritual of characters of every shape and form—including voodoo objects made by Reynaud Dewar can also be that group of Indians who were part of the Buffalo read as a criticism of western art objects, objects Bill Show tour and, for the occasion, executing what whose activation reaches its height when they are might be described as one of the first filmed included in the performance scenario, but which, performances in history—which helped to create once the excitement of the spectacle is over, fall back the legend of that unbelievable machine. into their awful lethargy. In the arrangement which the artist set up at Contrasting ritual objects with modern Pougues-les-Eaux, she tried, in a fragmentary way and contemporary sculptures, as Reynaud Dewar to be sure, to reinstate that twofold function of stage allusively does, is to broach the postcolonial issue direction and recording, by making a continuous by way of the fine arts system which represents video production in the exhibition spaces of the art the quintessence of the West’s cultural superiority: centre. In that show, Lili Reynaud Dewar went back it actually involves introducing minority to the spatial issues of her 2006 exhibition, in which representations straight into the conventional the stage objects played a quintessential part. exhibition system, which imposes an extremely At once sculptures, parts of a set, props, and well signposted organization of the gaze, and fetishes, her stage objects issue from many different consequently disturbing this organization. The layers of intent, which certainly jostle the usual artist would incidentally take a zigzagging itinerary reflexes to do with understanding artworks: where this subject is concerned, right to this very in “The Center and the Eyes”, the spectator latest phase of the danced performances. In the was faced with the possibility of a frontal and spatial meantime, she returned to a production of objects discovery of the sculptures, which gave him/her with more pop outlines. The reference to Italian Lili Reynaud Dewar, Live Through That?! (New Museum, New York), 2014. the impression of being in a fourth dimension;5 designers like Ettore Sottsass nevertheless marked Vidéo (sans son) / Video (mute) Vidéo stills, New Museum, New York. at Pougues, in responding to the sophistication of both her hesitation about going back to a more usual © Lili Reynaud-Dewar the Black Maria capable of following the sun’s curve version of sculpture and her reluctance to abandon Courtesy Lili Reynaud Dewar ; kamel mennour, Paris in the sky, Reynaud Dewar created a space capable the object’s functional dimension. The show at of carrying out many different successive and the Parc Saint Léger presented several volumes in simultaneous missions: filming location co-existing the form of numbers and letters, as if the conversion with upstream storage areas, a mezzanine where to pop sculpture could only be made at the price films made in situ would be screened and, lastly, of a concession made to this latter’s utilitarian an area where exhibition visitors could move about, dimension, or at the very least to any “reading” of it. with the whole thing keeping the same stage objects A new turnaround took place with the dance throughout the whole process. performances which the artist put on in 2011 in the middle of her works, almost abandoning that careful The Prime Prop finish, and temporarily returning to a more modest The public at Lili Reynaud Dewar’s exhibitions thus series of objects in the way they are made—in whose A & B 5 “In the Zoo galerie space, Lili Reynaud Dewar divided at its centre by a series finds itself in a paradoxical position: unlike the continuity Untitled (2013) see arranged on a stand I Am Intact and I Don’t Care, 2013. of columns, Lili Reynaud Dewar Vues de l’exposition / Exhibition views, “classical” performance, which calls for dismantling covered in fabric with African motifs Brian e has arranged two series 12 biennale de Lyon & video stills of three sculptural elements everything at the end of the show—panels, props, O’Doherty’s famous book White Cube, whose cover © Lili Reynaud Dewar placed successively in the screens, notices etc.—, here the objects stay where and inside pages are soiled by black imprints which Courtesy Lili Reynaud Dewar ; Clearing space. A mouth, a nose, then two eyes thus form, in a perfect they are, and then revert to their more classical stand out clearly from the whiteness of the paper: symmetry, a black griot and a status of sculpture. there is scarcely any doubt about the meaning of its A B white griot, tribal figures of the rastafari culture, regarded as The artist’s position, as far as the objects message, the symbolism of the denunciation of the trustees of the oral tradition. […] We discover the exhibition connected with the performance are concerned, reign of Western-centrism is direct and immediately both frontally and spatially, overlaps with the reflections of her predecessors, readable. What a Pity You Are an Architect, aware that it thus presupposes “crossing” the plane and by re-charging them with an undeniable vitality. monsieur! You’d Make a Sensational Partner (2011) undergoing the experience One of the solutions offered by Guy de Cointet for marks an abrupt break with the previous episodes: of the cut (the mouth, nose and eyes are thus dissociated the question of the status of the stage object was in it, the artist is naked, completely coated with so as to be considered on just that this object should, as far as is possible, conserve a layer of black pigment, dancing in the middle an individual basis), which confronts the viewer with a utilitarian dimension, by returning it to where it of those same pieces. The actors making up the small the experience of the fourth dimension, that of time”. belongs once its use on stage is over. The complexity troupe have disappeared: from now on the artist Claire Jacquet, “Si A = B en art of the links that de Cointet had with objects cannot, performs on her own. The distancing peculiar comme en science alors vers quel monde allons nous ?” however, be summed up in their reversion, at a given to video accentuates reification; the works tend 02 n°40, winter 2006-07, p. 30. moment, to their status of functional object, and, to be part of a devitalized décor. The tone she gives 6 Cf. Marie de Brugerolle “From book to stage prop: theater, throughout his career, the artist has got them to to the emblematic places which play host to the actresses, doctors, camp”, play the most diverse of roles, proceeding as they do filming of these performances, which she would in Guy de Cointet, JRP Ringier, 2011, p.76 ff. from prop status to the condition of the phoneme, increase in number from 2011 on—art centres, large 2 Guest Lili Reynaud Dewar 4 2 Guest Lili Reynaud Dewar 5

Lili Reynaud Dewar My Epidemic (Small Modest Bad Blood Opera), 2015. Installation. Tissu, encre, peinture, métal, enceintes, amplificateurs, vidéos, écrans LED, bande son / Fabric, ink, paint, metal, speakers, amplifiers, videos, LED screens, audio track, 29 min 58 s. Musique composée par Nicolas Murer alias MACON et chantée par Diego de Atucha, Naim Bityqui, Maud Constantin, Étienne Chosson, Romain Juan, Sarah Margnetti, Lea Meier, Coline Mir, Nicolas Murer, Lili Reynaud Dewar, Sara Sandler Vue de l’exposition / Exhibition view « All the World’s Futures », Arsenale, 56e Exposition Internationale d’Art, Biennale de Venise, 2015. © Lili Reynaud Dewar © Photo : Fabrice Seixas Courtesy C.L.EA.R.I.N.G., New York & Bruxelles ; Emmanuel Layr, Vienne ; kamel mennour, Paris. Avec le soutien de / With the support of Institut français ; Fondazione Querini Stampalia.

Vue de l’exposition / View of the exhibition Lili Reynaud Dewar, I Am Intact and I Don’t Care, 2013. « The Center and the Eyes », Zoo galerie, 2006. Tissu et bois / Fabric and wood, 200 × 50cm. Courtesy Lili Reynaud Dewar Frieze Projects, London, 2013. © Lili Reynaud Dewar. Courtesy Lili Reynaud Dewar

museums, as well as artist-run spaces—, remains the fields and the more ordinary desire to be in a appeared very distinctly, introducing a close the lives of his partners during unprotected sexual problematic because, having been wittingly chosen state of very marked empathy with a line of thinking, collaboration between text and set. At the Venice relations. Dustan himself, who died of Aids, had by the artist for their recognized programming, a relation to existence whose translation proceeds Biennale,9 we find very much the same procedure, always advocated a totally unfettered sexuality: his they are “re-visited” by the mocking and merry spirit via an “classical” utilization of the text. But as but with just the basic difference that the texts literature resembles him, a radical, straightforward of a mini-Josephine Baker, which is tantamount with her praxis as a whole, the artist tries out presented on the curtains are by the artist herself: literature, repetitive and as anti-novelistic as you to saying, once again, that people of colour only gain different positions and effects permanent they are part of a more complex arrangement in can get, a literature which explores his own desire access (have never gained access) to the temples back-and-forths, shifting from a metaphorical which we find videos of performances filmed in and challenges proximity with danger, a combative of western culture by way of the authorized route approach to literature, and thus from a somewhat Venice, as well as numerous other scenographic literature of introspection, which incidentally of dance and the burlesque. imagery-rich transcription of what the reading elements. Other aspects of the installation evoke drew him close to the one of Marguerite Duras, of one her favourite authors managed to give her, the effects of writing, one such being this capillarity whose ability to lay herself bare he admired. Staging literature/in pursuit to a quite different style. I am intact and I don’t care which makes the ink move upwards over the stage In tandem with the work that she developed of a diffracted identity (2013)7 can, for example, be understood as a fairly objects and panels which stop us seeing the for the Arsenal, Reynaud Dewar took her HEAD Lili Reynaud Dewar has quite a passionate interest probing allegory of writing: a bed with a hole in the monitors: it is the metaphorical aspect which students from Geneva to Venice to follow that 7 I am intact and I don’t care, in literature: certain authors have pride of place middle of it, from which a small spout of ink escapes. predominates here, the aspect involving the nomadic seminar that she has been working on shown in particular at the 21er Raum-Belvédère, Vienna, in her personal pantheon, with Marguerite Duras It is easy to re-make the meaningful puzzle contamination of everything by writing. Here we for several years, and which consists in discussing/ from 20 March to 14 April 2013; 10 The reference to Douglas in the exhibition, “Enseigner and Guillaume Dustan clearly standing apart from ourselves, and see therein a psychoanalytical and Crimp is quintessential, rediscover one of the artist’s favourite procedures: debating her favourite subjects as a small group in comme des adolescents”, the rest. The inclusion of literature in his/her œuvre more or less traumatic interpretation, if we want to because is puts the discussion the introduction of matricial arrangements which, her hotel room—subjects which often revolve around Le Consortium, Dijon, from on the level of the extreme 3 May to 16 June 2013; in the is nothing less than a puzzle for an artist trying be satisfied with a psychologically-oriented reading moralization of the 1990s in the like the Black Maria, make it possible to combine gender issues but also around all kinds of literature exhibition for the 15th Prix to implant a literary opus in the depths of a plastic of the work (is it her reading of Duras that led her wake of the positions taken up praxes, and get them to be part and parcel of and poetry. With her students in Venice, it goes Fondation d’entreprise Ricard, by associations fighting “La vie matérielle”, Fondation intent, but not content to draw inspiration from to create this work with its deleterious spirit, or against Aids in particular. The a general movement. My Epidemic (small modest bad without saying, she read texts by Dustan, but also d’entreprise Ricard, Paris, the themes developed by the author. It is one thing rather her reading of Dustan, for whom existence guiltiness and stigmatization blood opera) is an opera—and, for Italians, opera writings of Douglas Crimp10, Eileen Myles and from 6 September to of “careless” positions were 2 November 2013, where the to be inspired by a literary atmosphere and translate is filled with similar wells of creative darkness?). also in the line of fire: this also is the ultimate art form, combining song, music, Samuel Delany, trying to re-visit the context artist was awarded the prize; led to the issue of privacy and and at the Lyon Biennale, it into the world of visual arts, and it is quite As far as the second tendency is concerned, it so the boundaries of the private décor and theatre with writing—, an opera that of the anathema that Dustan underwent in the light from 12 September 2013 another to really get seemingly irreconcilable forms happens that Reynaud Dewar uses texts in a very space. (Cf. Interview with Lili is nothing if not tragic, presenting the character of new approaches, re-questioning personal to 5 January 2014. Reynaud Dewar published 8 “Live through that?!”, to merge, and it is, incidentally, this seeming literal way, brandishing them like so many banners in Francis Dommergue’s of Guillaume Dustan, and delving deeply into the commitment and artistic responsibility within a far New Museum, New York, irreconcilability which seems to be one of the most bearing more or less provocative slogans. So when blog hosted by Médiapart: arcana of a disquieting work that has suffered the larger questioning, at the hub of which the issue from 15 October 2014 http://blogs.mediapart.fr/ 8 to 25 January 2015. fertile areas of contemporary art. In so doing, Live Through That?! was shown at the New Museum, blog/bertrand-dommergue/ wrath of associations like Act Up, which accused him of the subject rises to the surface, along with its 9 56th Venice Biennale, “All the Reynaud Dewar wavers between these two it filled the museum’s ground floor with large 060515/lili-renaud-dewar- of spreading propaganda in favour of an attitude fragmentation and the reconstruction strategies of World’s Futures”, Arsenal, from contamine-la-biennale-de- 6 May to 22 November 2015. tendencies, between a desire to formally merge hangings on which Guillaume Dustan’s writings venise-en-chantant that was irresponsible because it endangered this latter by contemporary art, and by literature… piano2015:piano 17/05/15 14:53 Pagina 1

Prepared Platform initiated by d.c.a / for Contemporary French Art association for the France–Italy development of 2014–2016 centres d’art

DOUBLE CROSS, FROM BOTH SIDES OF A MOUNTAIN Centre d’art bastille (Grenoble) Viafarini (Milan)

RED SWAN HOTEL ALFRED JARRY ARCHIPELAGO Cneai = (Chatou) Le Quartier (Quimper) MACRO (Rome) La Ferme du Buisson (Noisiel) Museo Marino Marini (Florence)

GUillaUMe EXERCIZING DOUBT: EXHIBITION AS RESEARCH cOnstantin Bétonsalon (Paris) Ar/Ge Kunst (Bolzano) arrOnDir les anGles

PIANO – ALTO ! 17 Mai 2015 Careof DOCVA (Milan) 05 JUil 2015 Dolomiti Contemporanee (Casso) THE BOOK SOCIETY #02 Maison des Arts Georges La synagogue de Delme (Delme) Pompidou (Cajarc) Peep-Hole (Milan) Chapelle Saint-Jacques en partenariat avec l’esba talM (Saint-Gaudens) les OctrOis, place cHOiseUl, tOUrs BBB centre d’art (Toulouse) saM - DiM 16H > 19H et en seMaine sUr rDv eternalnetWOrK.Fr

Commissaire de l’exposition sandra delaCoUrt. Cette maniFestation reÇoit le soUtien de la Ville de toUrs, de la draC Centre, de la rÉGion Centre, dU dÉpartement d’indre-et-loire et de l’esBa talm

VisUel © martin arGyroGlo 2014 CoUrtesy G.Constantin - Galerie Bertrand Grimont GrapHisme HUGo BoUQUard pianoproject.org 2 Guest Pamela Rosenkranz 9

Pamela Rosenkranz — par Aude Launay

Après « Our Sun1 » il y a déjà cinq ans, qui avait pu être interprétée2 comme un éloge de la surface, Pamela Rosenkranz revient à Venise avec « Our Product3 », une exposition pour le moins atmosphérique qui est pourtant aussi une image forte. Bien que cette installation soit principalement composée de lumière, de couleurs, de sons et d’odeurs, il ne s’agit absolument pas d’une œuvre dématérialisée. Les quelque deux cent quarante mille litres de « produit » contenus dans le grand bassin en lequel a été changée la salle principale du pavillon suisse impressionnent. Ce monochrome « vivant », vaste étendue d’un liquide à la couleur moyenne de la peau des personnes originaires d’Europe centrale, est artificiellement agité de vaguelettes et agrémenté d’un bruit d’eau factice numériquement généré en temps réel. Il atteste la poursuite par la Suissesse de son exploration de l’identité 4 en une dialectique réaffirmée entre surface et profondeur, naturel et synthétique, figurée ici par des oppositions simples — lumière du jour et électrique, rose et vert — mais dont les éléments coexistent et s’interpénètrent par endroits comme pour signaler la possible caducité d’une telle binarité. Manière aussi peut-être d’aborder les questions classiques de caractérisation des monochromes en peinture et de leur classification sous les deux grandes bannières a priori irréconciliables du matérialisme autotélique et du spiritualisme mystique. L’expérience en est ici physique tout autant qu’intellectuelle, renvoyant dos à dos ces considérations pour le moins archaïques afin 1 Du 30 oct 2009 au 6 mars 2010, Istituto Svizzero di Roma, de mieux évoquer le double mouvement de dissolution et de résistance du moi dans et face à l’œuvre. Campo S. Agnese, Venise. 2 Salvatore Lacagnina, « The Courage of the Surface », « Aucune créature ne peut vivre à l’intérieur des limites in Our Sun, catalogue de son enveloppe cutanée : ses organes sous-cutanés sont des liens avec l’environnement de l’exposition homonyme, Mousse Publishing, p.83-85 : au-delà de son enveloppe corporelle […] La vie et le destin d’un être vivant « The thick weft of meanings, sont liés à ses échanges avec son environnement, des échanges qui ne sont pas the tangle, it was said, of reverberations that links one externes mais très intimes.5 » work to the other, would require thorough descriptions, that involve politics it was said, Our Product étend le multi-média par-delà les limites dans lesquelles nous l’entendons habituellement, philosophy, but also the history of the image (each work à savoir que l’installation ne ressortit pas simplement aux catégories auxquelles nous sommes accoutumés, seems to consciously reactivate aussi ouvertes soient-elles — et l’on pense alors évidemment en premier lieu à des œuvres de James Turrel artistic languages from the recent past). But it is precisely (oscillant entre le Veil via le mélange de lumière naturelle et artificielle, le Ganzfeld pour l’immersion in the freedom and ambiguity dans la couleur, la figure du tunnel semblant confirmer la citation) mais aussi, par exemple, à la rétrospective of the surface, if it is true that the content is provisional parisienne de Rirkrit Tiravanija6 dont les scripts récités par des conférenciers et des comédiens, by definition, that the system activated by Pamela ou encore diffusés dans l’espace, « incarnaient » les œuvres qui n’étaient pas physiquement présentes Rosenkranz finds its visual dans l’exposition, sans oublier Yves Klein, référence récurrente dans le travail de Rosenkranz. Ajoutant and cognitive completion. » 3 Pavillon suisse, 56e biennale en effet à l’expérience physique sollicitant déjà la vue, l’odorat, l’ouïe, et presque le toucher par la sensation de Venise, du 6 mai immersive qu’elle suscite, Our Product, par son titre même, inclut celui qui y pénètre au cœur d’un concept au 22 novembre 2015. 4 Cf. Aude Launay, totalisant. Jouant de l’ambiguïté que recèle parfois la littéralité, Our Product, c’est à la fois « notre produit », « Des peintures et des du point de vue de tout un chacun, pour autant qu’il soit humain, mais aussi, du point de vue de ses hommes : Jason Loebs, Pamela Rosenkranz, Cheyney producteurs, celui qui est présenté lors de ce lancement événementiel dont la biennale fait office. L’on peut Thompson » in 02 n°71, automne 2014, p. 26 et, pour effectivement parler ici de producteurs car Pamela Rosenkranz, pour sa conception, s’est entourée une approche plus approfondie, de spécialistes dans divers domaines dont les parfumeurs Dominique Ropion et Frédéric Malle, le philosophe Robin Mackay, « No Core Dump », in Pamela Rosenkranz, Robin Mackay… La « stratégie produit » est aussi très poussée, allant même jusqu’à la diffusion d’hormones No Core, JRP Ringier, 2012, et de bactéries dans le système d’aération du pavillon pour en optimiser la réception. p. 45-53. 5 John Dewey, L’art comme L’on aura tendance à penser de prime abord que les mots ont pour utilité de rendre le réel expérience (1931), Farrago, 2005 plus intelligible. Cependant, et plus particulièrement depuis la fin des années cinquante et les premières (traduction française), p.32. 6 Rirkrit Tiravanija, « Une incursions du marketing dans la vie quotidienne de ceux que l’on dénomme désormais les « cibles », les mots rétrospective, (Tomorrow is another fine day) », musée peuvent aussi, au contraire, être utilisés à des fins d’obscurcissement de ce même réel, notamment dans d’Art Moderne de la Ville les domaines technologique et cosmétique (nous nous garderons d’aborder ici le domaine politique qui nous de Paris / ARC, du 10 février au 20 mars 2005. éloigne un tant soit peu de notre sujet, bien qu’il soit plus que riche en exemples adéquats). L’abondance 7 Extrait d’un publi-communiqué d’appellations techniques et scientifiques dans le discours publicitaire — les AHA, la coenzyme Q10, paru dans ELLE, édition française, 27 mars 2015, p. 167. les micelles, la molécule MG6P « source de bioénergie pré-activée qui booste la synthèse naturelle 8 Description du Samsung de collagène et d’élastine7 », mais aussi les smartphones « CPU Quad-Core, 1.9 GHz à écran Super AMOLED, Galaxy S4 disponible sur le site web de la marque. 1920 x 1080 (FHD) avec une résolution de 13 MP8 » — procure au consommateur une sensation de sécurité : 3 Guest Pamela Rosenkranz 0 3 Guest Pamela Rosenkranz 1

moins il comprend les termes utilisés pour le décrire et plus le produit lui semble fiable car à la pointe Pamela Rosenkranz Our Product, 2015. de la technologie. Tout en permettant à l’entreprise de se prévaloir d’une communication « transparente » Vues de l’installation au pavillon quant à la composition de ses produits, cette mise en avant de termes qui ne ressortissent pas au langage suisse de la biennale de Venise, commissariat : Susanne Pfeffer / commun est aussi une manière de noyer le quidam sous l’information, une information dont il n’a, en fin Installation Views Pavilion of de compte, pas besoin. Et, bien que les gens aiment à s’approprier les mots savants et que, ainsi qu’aime Switzerland at the 56th International Art Exhibition – 9 à le décrire l’anthropologue Éric Chauvier, nous soyons « entrés dans l’ère du langage qualifié pour tous », la Biennale di Venezia 2015, le sens en reste bien souvent obscur. Le nomothète grec s’est reconverti dans le « naming » : désormais, curated by Susanne Pfeffer. Photo : Marc Asekhame. lancer un produit c’est, avant toute chose, lancer son nom. Le tendance d’une adéquation la plus grande possible du nom à la chose en utilisant les caractéristiques techniques d’un produit pour le qualifier — un écran « plasma », une eau démaquillante « micellaire » — dépose sur l’objet un vernis de « vérité ». Un livret10 accompagne Our Product. Ses dix-huit pages offrent une description détaillée des composants supposés former Our Product. D’une très longue liste de termes aux consonances scientifiques et pharmaceutiques qui ouvre et ferme le document en sont donc extraits dix-huit : Neotene, Evoin, Bionin, Umbrotene, Albulis, Solood, Bactis, Refleine, Isolon, Necrion, Elemone, Imersa, Selentis, Vertinel, Holeana, Rilin, Carnaem et Melisone. Les descriptifs des plus plausibles — « Brûlez le surplus. Rilin est un agent qui défie toute description. Il se bat pour nous sans relâche, chasse les agresseurs, élimine les composés organiques volatils qui ralentissent la circulation et restaure notre biome. C’est une sentinelle vigilante dont les agents actifs isolants repoussent sans cesse une large gamme de toxines bioaccumulatives. Une protection maximale pour un progrès optimal. » — aux plus nébuleux (rappelant néanmoins des publicités pour parfums) — « Melisone vous est aussi intime que votre propre nom ou que le nom secret de quelque chose d’encore plus proche de vous, un nom rayonnant qui ne peut qu’être murmuré. Il est en chacun de nous, nous en avons l’absolue certitude, mais nous avons parfois simplement besoin d’en entendre le son. L’on pourrait appeler cela un miracle. » — en passant par les plus troublants — « Carnaem est une bénédiction distillée du plus profond rhizome de la vie humaine. Isotonique au riche sérum ancestral d’hémoglobine qui répare et restructure, c’est l’unique choix pour cultiver la vitalité. C’est comme boire notre propre sang d’un autre temps, resté pur jusqu’au vingt-et-unième siècle, l’absorber c’est le devenir. Une augmentation de la puissance d’oxygénation qui jaillit au cœur. » — se succèdent, élaborant une définition relativement indistincte du produit. Ils semblent s’attacher à circonscrire une idée plus qu’un objet, une sorte de fonction vitale désincarnée, quoique pourvue d’une couleur à la fois transparente et rayonnante.

« surface goes deeper than we think » « relieving us of the chemical burden of our existence » « delivering boundless possibilities » « to bring us back to a world before us »

Ce texte poétique d’anticipation biologique extrêmement attirant et effrayant à la fois, écrit par l’artiste en collaboration avec Robin Mackay, évoque tout simplement le vivant mais en mieux. Ses promesses d’un idéal de pureté et de progrès sont issues des discours qui nous environnent au quotidien, qu’ils soient publicitaires, médicaux, politiques ou religieux… L’on y retrouve des bribes de slogans qui ont infiltré notre mémoire — notamment celui de l’eau minérale Fiji qui remémorera à ceux qui avaient pu voir « Our Sun » la petite bouteille de cette même marque remplie de silicone teinté chair (Firm Being, 2009) qui ponctuait avec nombre d’autres l’espace de cette exposition —, quelques lapalissades comme « parce que nous sommes la somme des substances qui nous font — et un peu plus », un écologisme parfois primaire, une religiosité non déguisée — « nous nous élevons tous dans la même direction », « l’absorber c’est le devenir » « L’on pourrait appeler cela un miracle ». C’est possiblement aussi ce qui nous reste en tête à la fin d’une journée, exposé que l’on est au tout langagier qui est dorénavant notre lot commun. Qu’est-ce finalement que le produit ? Une sorte d’essence humaine matérialisée, un être liquide 9 Éric Chauvier, Les mots sans qui en appelle tant à la Panthalassa de l’Ère Primaire qu’aux manipulations génétiques à venir. Et toujours les choses, Allia, 2014, p. 9. Cet essai ne porte pas cette même question qui subsiste, par-delà l’épaisseur du temps : y-a-t-il une réalité translinguistique ou, sur l’appropriation par la population d’un vocabulaire autrement formulé, ce que nous entendons par « le monde » existe-t-il sans un sujet pour le nommer ? issu du monde publicitaire mais plutôt issu des sciences humaines, c’est-à-dire SOCRATE sur une utilisation dans Voyons, Hermogène, penses-tu aussi que les êtres n’aient qu’une existence la conversation courante de termes supposés relative à l’individu qui les considère, suivant la proposition de Protagoras, que l’homme recouvrir des concepts que est la mesure de toutes choses ; de sorte que les objets ne soient pour toi et pour moi les locuteurs ne maîtrisent p.28 & p. 34 pas réellement, par exemple que ce qu’ils nous paraissent à chacun de nous individuellement ; ou bien te semble-t-il Pamela Rosenkranz ceux de la psychanalyse 11 Our Product, 2015. comme « hystérique » qu’ils aient en eux-mêmes une certaine réalité fixe et permanente? Pages extraites du livret publié ou « paranoïaque » à l’occasion de l’exposition ou de la sociologie au pavillon suisse de la biennale comme « le fait religieux ». de Venise 2015 / Pages from the 10 Disponible sur booklet published on the occasion www.ourproduct.net of « Our Product » at the Pavilion 11 Platon, Cratyle, in Œuvres of Switzerland at the 56th complètes de Platon, Rey International Art Exhibition – et Gravier, 1837, traduction la Biennale di Venezia 2015. française Victor Cousin, p.8. Design : NORM, Zurich. 3 Guest Pamela Rosenkranz 2 3 Guest Pamela Rosenkranz 3

the company to take advantage of a “transparent” communication as far as the composition of its products is concerned, this emphasis on terms which do not pertain to ordinary language is also a way of drowning the individual in information—information which, in the end of the day, he does not need. And even though people enjoy appropriating learned words and, as the anthropologist Eric Chauvier describes it, “we have entered the age of specialist language for one and all”,9 the meaning very often remains obscure. The Greek Pamela Rosenkranz nomothete retrained into “naming”, and henceforth launching a product is, above all else, launching its name. The tendency towards the greatest possible compatibility between name and thing, by using the — technical features of a product to describe it—a “plasma” screen, a “micellar” make-up removing water—, lays a varnish of “truth” over the object. by Aude Launay A booklet10 accompanies Our Product. Its eighteen pages offer a detailed description of the components supposed to form Our Product. From a very lengthy list of terms sounding scientific and pharmaceutical, which opens and ends the document, eighteen are thus excerpted: Neotene, Evoin, Bionin, Umbrotene, Albulis, Solood, Bactis, Refleine, Isolon, Necrion, Elemone, Imersa, Selentis, Vertinel, Holeana, Rilin, Carnaem and Melisone. Descriptions ranging from the extremely plausible—“Burn off the surplus. After “Our Sun”1, produced five years ago now, which was described by some2 as a piece in praise of surfaces, Rilin is an agent that defies description. It fights for us relentlessly, banishing aggressors, purging the Pamela Rosenkranz is back in Venice with “Our Product”3, an exhibition that is nothing if not atmospheric, volatile organic compounds that impede natural flow, and restoring our biome. A watchful sentinel, its active and yet offering a powerful image, too. Although this installation consists mainly of light, colours, sounds sequestering agents constantly fend off a broad range of bioaccumulative toxins. Maximum protection and smells, it is in no way a de-materialized work. The 240,000-odd litres of “product” contained in the large for optimal progress” — to the extremely nebulous (nevertheless calling to mind perfume advertisements)— pool, which the Swiss pavilion’s principal room has been turned into, are impressive. This “living” “Melisone feels as intimate as your own name; or another, secret name for something even closer to you, monochrome, a vast expanse of a liquid with the average colour of the skin of people hailing from central a radiant name that can only be whispered. It’s in all of us, this is our firm belief, but sometimes we just Europe, is artificially rippled by small waves and complemented by an artificial noise of water digitally need to hear that sound. You might call it a miracle”—by way of the extremely disturbing—“Carnaem created in real time. It attests to the Swiss artist’s continued exploration of identity4 in a re-asserted is a benediction distilled from the deepest rootstock of human life. Isotonic to the rich serum of progenitor dialectic between surface and depth, and the natural and the synthetic, here featured by simple hemoglobin that repairs and restructures, it is the only choice for the cultivation of vitality. Like drinking contrasts—daylight and electric light, pink and green—but whose elements co-exist and interpenetrate our own blood from another time, uncompromised by the twenty-first century, to absorb it is to become it. in places, as if to point to the possible obsolescence of such a binary phenomenon. This is also perhaps A surge of aerating potency welling up in the core”— follow one another, developing a relatively vague a way of addressing the classic issues of characterizing monochromes in painting and their classification definition of the product. They seem to be striving to contain an idea rather than an object, a sort under the two great and on the face of it irreconcilable banners of autotelic materialism, that is, with an end of disembodied vital function, though endowed with a colour that is at once transparent and radiant. purpose per se, and mystical spiritualism. The experience of this, here, is as physical as it is intellectual, 1 From 30 Oct. 2009 to 6 March 2010, Istituto Svizzero di Roma, dismissing both of these at the very least archaic considerations, the better to conjure up the twofold “surface goes deeper than we think” Campo S. Agnese, Venice. 2 Salvatore Lacagnina, movement of self-dissolution and self-resistance, within and opposite the work. “relieving us of the chemical burden of our existence” “The Courage of the Surface”, “delivering boundless possibilities” in Our Sun, catalogue for the exhibition of the same name, “No creature lives merely under its skin; its subcutaneous organs are means “to bring us back to a world before us” Mousse Publishing, p.83-85 : of connection with what lies beyond its bodily frame[…] “The thick weft of meanings, the tangle, it was said, of The career and destiny of a living being are bound up with its interchanges This biologically anticipatory poetic text, which is both extremely attractive and frightening, written reverberations that links one with its environment, not externally but in the most intimate way.” 5 by the artist in collaboration with Robin Mackay, quite simply evokes life, but at its best. Its promises work to the other, would require thorough descriptions, that of an ideal of purity and progress result from arguments which surround our everyday lives, be they to do involve politics it was said, philosophy, but also the history Our Product extends multi-media beyond the boundaries within which we usually understand it, meaning with publicity, medicine and health, politics or religion... In them we find snippets of slogans which have of the image (each work seems that the installation does not simply pertain to the categories we are accustomed to, no matter how open worked their way into our memory—in particular the one about Fiji mineral water which will remind those to consciously reactivate artistic languages from the recent past). they may be—and one thus obviously thinks first and foremost of works by James Turrell (wavering between who managed to see “Our Sun” of the small bottle of that same brand filled with flesh-coloured silicon But it is precisely in the freedom the Veil by way of the mixture of natural and artificial light, and the Ganzfeld for its immersion in colour, (Firm Being, 2009), which, together with several others, staked out the space of that exhibition—, a few truisms and ambiguity of the surface, 6 if it is true that the content is with the figure of the tunnel seeming to confirm the quotation), but also, for example, of Rirkrit Tiravanija’s like “ because we are the sum of the materials that make us – and more”, an at times simplistic ecological provisional by definition, that Paris retrospective, where the scripts recited by lecturers and actors, or otherwise diffused in space, sentiment, an undisguised religiosity—“we all rise in the same direction”, “to absorb it is to become”, the system activated by Pamela Rosenkranz finds its visual “incarnated” the works which were not physically on view in the show, and not forgetting Yves Klein, “you might call it a miracle”. It is possibly also what sticks in our mind at the end of a day, exposed as we are and cognitive completion.” 3 Swiss pavilion, 56th Venice a recurrent reference in Rosenkranz’s work. Actually adding to the physical experience already soliciting to the linguistic whole which is henceforth our shared lot. Biennale, from 6 May to 22 the senses of sight, smell and hearing, and almost of touch through the immersive sensation it arouses, What, when all is said and done, is the product? A kind of materialized human essence, a liquid being November 2015. 4 Cf. Aude Launay, “Of Paint Our Product, by its very title, includes anyone who ventures to the heart of an all-encompassing concept. which summons both the Panthalassa of the Palaeozoic and genetic manipulations to come. And invariably and Men: Jason Loebs, Playing with the ambiguity sometimes contained in literalness, Our Product is at once what it says from this same question which remains, beyond the depth of time: is there a trans-linguistic reality or, otherwise Pamela Rosenkranz, Cheyney Thompson” in 02 n°71, autumn everyone’s viewpoint, as long as they are human, but also, from the viewpoint of its producers, the one which 9 Éric Chauvier, Les mots sans put, does what we understand by “the world” exist without a subject to name it? 2014, p. 30 and, for a more is presented on the occasion of the launch event that the biennial is. It is in fact possible to talk here les choses, Allia, 2014, p. 9. in-depth approach, Robin This essay does not deal with Mackay, “No Core Dump”, in about producers, because, for the occasion, Pamela Rosenkranz has surrounded herself with specialists the appropriation by the people SOCRATES Pamela Rosenkranz, No Core, of a vocabulary coming from JRP Ringier, 2012, p. 45-53. in various domains for its design, including the perfumers Dominique Ropion and Frédéric Malle, and the the world of advertising, but But would you say, Hermogenes, that the things differ as the names differ? 5 John Dewey, Art as Experience philosopher Robin Mackay… The “product strategy” is extremely thorough, even extending to the diffusion one hailing rather from the And are they relative to individuals, as Protagoras tells us? For he says that man is the measure “The Live Creature” (1934) in human sciences, i.e. focusing The Later Works of John of hormones and bacteria in the pavilion’s ventilation system, in order to optimize its reception. on a usage in current of all things, and that things are to me as they appear to me, and that they are Dewey, 1925-1953, Volume There is a tendency to think, at first glance, that the usefulness of words is to make reality more conversation of terms meant to you as they appear to you. Do you agree with him, or would you say that things 10:1934, Art as Experience, to cover concepts which 11 Southern Illinois University, intelligible. However, and in particular since the end of the 1950s and the first forays of marketing those speaking do not really have a permanent essence of their own? 1987-2008, p.19. in the day-to-day life of those henceforth known as “targets”, words can also, on the contrary, be used master, for example those used 6 Rirkrit Tiravanija, in psychoanalysis, such “Une rétrospective, (Tomorrow for the purpose of obscuring that same reality, especially in the sectors of technology and cosmetics as “hysterical” or “ paranoid”, is another fine day)”, Musée or in sociology, such as d’Art Moderne de la Ville de (we shall refrain, here, from broaching the political arena, which would remove us just a tad from our subject, “the religious fact”. Paris / ARC, from 10 February even though it offers plenty of adequate examples). The abundance of technical and scientific terms in the 10 Available at to 20 March 2005. www.ourproduct.net 7 Excerpt from a publicity advertising discourse—the AHAs, the coenzyme Q10, micelles, the molecule MG6P “source of pre-activate 11 Plato, Cratylus, in announcement which appeared bio-energy which boosts the natural synthesis of collagen and elastine”,7 but also the Smartphones The collected Dialogues, in ELLE, French edition, Princeton University Press, 8 27 March 2015, p. 167. “CPU Quad-Core, 1.9 GHz with its Super AMOLED screen, 1920 x 1080 (FHD), with a resolution of 13 MP ”— 1961, translated by Benjamin 8 Description of the Samsung gives consumers a sensation of security: the less they understand the terms used to describe the product, Jowett, p.424. Galaxy S4 available on the brand’s website. the more reliable it seems, because at the cutting edge of technology. While at the same time permitting 128 avenue Sergent Maginot f-35000 Rennes +33 (0)2 90 09 64 11 [email protected] www.40mcube.org

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Maude Maris Nemeton Exposition présentée au musée des beaux-arts de Rennes 06.06.15 - 06.09.15 Vernissage vendredi 26.06.15 à 18h

Claudia Comte Exposition présentée à la galerie Art & Essai - Rennes 25.09.15 - 13.11.15 Vernissage jeudi 24.09.15 à 18h

Jean-Charles Hue Exposition présentée au Frac Bretagne - Rennes 23.10.15 - 29.11.15 Vernissage jeudi 22.10.15 à 18h30

Camille Bondon, Rémi Duprat, Aurélie Ferruel & Florentine Guédon, Camille Tan GENERATOR 2014-2015 Exposition présentée au Frac Bretagne - Rennes 23.10.15 - 29.11.15 Vernissage jeudi 22.10.15 à 18h30

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visuel.indd 4 04/05/15 13:37 4 Fiction Jérémie Gindre 0 4 Fiction Jérémie Gindre 1

pas le bienvenu. Pour plaisanter on lui dit qu’il ferait bien le paysage se rallonger. Il voyait le dos et le dessus des ailes Jérémie Gindre de se soumettre lui-même au rite de passage : c’était de son âge, des oiseaux, qui planaient en contrebas et projetaient leur ombre et ça lui permettrait peut-être de définir un peu mieux les buts sur les pentes d’éboulis. de sa vie. Il n’était pas attendu que Donald soit absolument Le soleil était très haut quand Donald arriva sur la crête. partant. On lui fit savoir que les dernières générations Elle s’étendait en terre-plein accidenté, aride et lunaire. Un peu de Blackfoot ne se livraient plus vraiment à ces pratiques et que, partout et à différents stades de décomposition, Donald trouva pour une personne extérieure, le prix d’une telle cérémonie une grande quantité de crânes de bisons. s’élèverait à mille dollars. Donald négocia jusqu’à six cent, somme Il passa un moment à errer sur le plateau, zigzaguant Vision que représentait l’appareil photo de l’université. Il lui suffirait de crâne en crâne, fasciné par cette foule d’orbites creuses et de ensuite de le déclarer volé. C’était un des premiers modèles cornes cassées. Il en avait finalement choisi un au hasard et s’était numériques du marché, une nouveauté qui permettait couché, terrassé par la faim et la fatigue. La tête posée sur cet de mon cousin d’enregistrer les fichiers-images directement sur disquette. oreiller rituel, il s’était endormi en plein soleil et réveillé sous C’est cet avantage qui fit pencher la balance. la lune. Sa bouche était horriblement sèche et ses lèvres gercées. Donald commença immédiatement le jeûne de purification Étendu sur sa couverture, son corps était découvert. Le vent et campa sur place, au pied de Chief Mountain. Les Blackfoot soufflait, Donald avait froid. En remuant pour se couvrir il avait Donald lui avaient proposé un canapé dans un de leurs mobil-homes, senti une horrible friction irradier sa peau. Son visage, sa poitrine, mais il préférait se mettre en condition tout seul. En attendant son sexe et ses cuisses brûlaient d’un immense coup de soleil. — la cérémonie il faisait des promenades dans la réserve, Parcouru des premiers frissons de fièvre il s’était calmé en fixant pour observer les offrandes déposées sur des amoncellements les étoiles le plus longtemps possible. Son corps s’enfonçait dans de pierres, au pied des arbres ou dans leurs branches. Il s’agissait le sol, pressé par le flux de leurs rayons. Certaines s’étaient mises de morceaux de tissus colorés, de paquets de cigarettes, à vibrer excessivement, mais c’était normal : des piliers devaient de clochettes, de coquillages. être définis. Ils plongeaient doucement du cosmos, comme Aidé par deux hommes, il coupa et élagua les troncs d’immenses stalagtites lumineuses. Ce qui était plus inquiétant de douze jeunes saules, qu’il avait d’abord fallut remercier c’était que les étoiles-commandantes discutent comme ça et auxquels on avait expliqué à quoi ils allaient servir, et que d’autres entre elles, des chuchotis incompréhensibles, des secrets pousseraient bientôt à leur place. Ces troncs furent disposés qui concernaient forcément Donald. Petit à petit, il devenait clair de façon à supporter un toit fait de bâches et de couvertures, qu’elles avaient à son égard de grandes exigences. Ça ne servait et former ainsi une hutte, dont l’entrée était à l’est. Le lendemain à rien d’essayer de leur parler, elles ne se laisseraient jamais on alluma tôt le matin un grand feu, qui servit à chauffer une quantité convaincre. de gros galets. On porta ces pierres à l’intérieur de la hutte. Le lendemain mon cousin se réveilla à l’aube, ce qui lui De l’eau fut versée dessus. Dehors, Donald tout nu avait été frotté permit de soulager son insolation avec des pierres froides. Il lécha avec des feuilles de sauge et aspergé de terre. Il avait ensuite aussi toute la rosée qu’il put. Pendant le reste de la matinée il resta tourné trois fois autour et pris place dans la hutte, d’un côté assis à l’ombre d’une tourelle rocheuse, mâchonnant des herbes du foyer de galets, en face d’un chaman. pour distraire sa faim. Il dormit une bonne partie de l’après-midi, Quand mon cousin a quitté la maison à dix-sept ans, il n’a pas À plusieurs reprises, il a dû vérifier sur la carte que c’était bien L’homme agita un bouquet de sauge au-dessus de la vapeur. d’un sommeil malade. En fin de journée il fit le tour du plateau. disparu très loin. On peut même penser que ça ne valait la même. Il n’avait jamais vu de vraie montagne, et les collines L’odeur était puissante et il faisait sombre. La peau de Donald Les crânes de bisons s’avérèrent décevants : à part leur disposition pas la peine de disparaître, si c’était pour aller à Lethbridge. sont beaucoup plus accommodantes sur leur image. ruissela vite de sueur. Le chaman entonna un chant, en frappant régulière face à l’est, leur piteux état de conservation ne Je m’y suis rendu plusieurs fois au cours de mes années Pour accéder au versant praticable de Chief Mountain sur un tambour les yeux fermés. À intervalles irréguliers permettait de tirer aucune conclusion. En revanche, Donald d’université à Medicine Hat, parce qu’il fallait bien aller voir depuis le Canada, il faut passer la frontière et traverser il s’arrêtait pour psalmodier, recommençait. Plusieurs fois, était ébahi par l’ampleur des points de vue. Le spectacle étranger ailleurs de temps en temps. Heureusement Donald avait déjà une réserve indienne. Un permis d’accès doit être obtenu, contre d’autres galets brûlants furent ajoutés au foyer. L’éclair du jour des Rocheuses, la totalité de la chaîne Lewis, Duck Lake quitté la ville, ce qui m’a évité de le croiser par hasard et d’être dix dollars. Trop de promeneurs laissent traîner leurs déchets, par la tente ouverte faisait l’effet d’un lent stroboscope. et Goose Lake, le tracé des rivières et des routes. La Prairie terriblement déçu par la destination de sa fuite. Les deux villes profanent le site avec des beuveries, volent les offrandes qui Le tambour battait aux tympans. À un moment le bouquet était évidemment là, mais à cette hauteur il ne la reconnaissait pas sont sensiblement pareilles : des agglomérations sans caractère parsèment le pied de la montagne. On doit aussi donner la raison de sauge posé sur une pierre commença à se consumer, et l’air aussi bien qu’il aurait dû. Vue d’ici, son étendue avait quelque posées le long d’une rivière dans la Prairie, qui ne doivent de sa visite. devint irrespirable. chose de catastrophique. Très loin vers l’est, au-dessus d’un cours leur existence qu’à un sous-sol généreux et à la résignation Donald connaissait bien le caractère sacré de Chief d’eau qu’il identifia comme la Milk, des éclairs intranuageux des Canadiens. La seule vraie différence, c’est qu’à Lethbridge Mountain. Il savait que, jusqu’à un passé récent, son sommet Personne ne lui avait dit quand il fallait sortir, et mon cousin clignotaient en silence. on aperçoit les premiers contreforts des Montagnes Rocheuses. était voué au rite de passage à l’âge adulte des jeunes Blackfoot. ne se souvenait ni quand ni comment il avait quitté la hutte. Le soir La menace d’un orage sur une crête si exposée le rendit Après des milliers de kilomètres de plat, à peine rythmés Après la diète et la cérémonie dans la hutte de sudation, tombait, il marchait dans une pinède clairsemée, sans chemin. impatient de partir. Convaincu par son état de faiblesse plus de tremblements, l’horizon se relève brusquement au sud la tradition voulait que l’adolescent se rende seul en haut Il était toujours nu, enroulé dans un couverture. Quelqu’un lui avait que par la quête des visions, il passa quand même encore une nuit de la frontière du Montana, comme un hoquet géologique. de la montagne, nu et porteur d’un crâne de bison. Cette relique enfilé ses baskets mais ses lacets étaient défaits. Entre les troncs au sommet. Mais cette fois, plutôt que d’insister avec les crânes C’est le réveil de la croûte terrestre endormie. Et la première devait être déposée face au soleil levant, pour servir d’oreiller Donald visait le grand chapeau de Chief Mountain, sans avoir de bisons, il s’arrangea un oreiller avec ses baskets. forme que dessine ce soulèvement, c’est Chief Mountain. et guider la quête de la vision qui aiderait le jeune à orienter sa vie aucune idée de la voie qui le mènerait au sommet. Un instant ça Tout le temps que mon cousin a passé à Lethbridge, même d’adulte. Et Donald s’était dit intéressé par ces crânes de bisons. avait l’air facile, l’autre il s’était perdu. Il suffisait de marcher tout Le troisième jour, comme personne n’était encore venu le chercher, s’il ne s’agit que d’un an et demi, deux ans grand maximum, On lui avait donc refusé l’accès. Il y avait de bonnes raisons de rire droit, par là. Non, demi-tour. Les choses changeaient de place mon cousin redescendit tout seul de la montagne. Arrivé au parc il a eu cette proéminence sous les yeux. Et pour quelqu’un qui au nez d’un Canadien de dix-neuf ans, étudiant en archéologie, comme si elles s’amusaient. Autour de lui les offrandes suspendues des mobil-homes il demanda à voir le chaman pour obtenir n’a connu jusque là que les subtiles variations de la plaine, ce pic qui convoitait des objets rituels. Dans sa grande naïveté, Donald aux branches s’agitaient dans le vent. La montagne se volatilisait une interprétation de son expérience, mais on lui dit qu’il était dressé comme un château a dû rapidement tourner à l’obsession. avait insisté sur l’importance qu’il y avait à recenser et dater et réapparaissait tout près. Ses pas étaient décidés mais son corps en séance au bureau des affaires indiennes et serait absent pour L’omniprésence de ce volume hirsute représentait une sorte ces objets, pour valider leur caractère traditionnel et surtout hésitant. Il devait aussi s’arrêter souvent pour vomir. la journée. Donald récupéra ses habits chez l’un des hommes de provocation. L’envie de monter dessus était en tout cas justifiée. définir l’origine de cette pratique. Après avoir dormi, il s’était senti mieux. Le jour se levait qui l’avaient aidé à construire la hutte. L’homme lui proposa La première fois qu’il a essayé d’y aller, il a sûrement été La deuxième fois il était donc revenu avec une lettre et les falaises de Chief Mountain rougeoyaient déjà. Il trouva de prendre une douche et de le rejoindre dans la cuisine, où il lui fasciné par la façon qu’a cette montagne de changer de forme, d’un de ses professeurs, attestant que les étudiants de premier un passage qui paraissait le mener par la main vers le sommet. prépara des œufs. En mangeant un paquet entier de pain de mie, à mesure qu’on s’en approche et qu’on tourne autour. C’est à cause cycle étaient astreints à un travail de recherche. Il s’était aussi Porté par les séquelles de son état second, Donald progressa Donald discuta avec lui de sa vision, des piliers célestes et des de son relief faussement monolithique, des anomalies de sa muni d’un appareil photo sensé prouver qu’il s’était résigné rapidement. Il voyait des visages dans les formes et les ombres étoiles qui complotaient. L’homme estima que les signes n’étaient structure et des différentes façons dont le soleil éclaire ses flancs. à ne rien prélever sur le site. À nouveau, on lui fit savoir qu’il n’était des rochers, des figures graves ou bienveillantes. Il voyait pas très clairs, et lui conseilla sobrement de poursuivre sa quête. 4 Fiction Jérémie Gindre 2 4 Fiction Jérémie Gindre 3

the hut. Water was poured over them. Outside, stark naked, As he moved about to cover himself, he felt a nasty rubbing Jérémie Gindre Donald had been rubbed with sage leaves and sprinkled with sensation spread across his skin. His face, chest, genitals and earth. He had then spun round three times, and taken his place thighs were all scorched by sunburn. After the first feverish inside the hut, beside the hearth of stones, facing a shaman. shivers, he calmed down by staring at the stars for as long The man waved a bunch of sage above the steam. The smell as possible. His body sunk into the ground, squeezed by the flow was strong and it was dark. Donald’s skin was soon dripping of their rays. Some of them had started fiercely vibrating, with sweat. The shaman started chanting, beating on a drum, but that was normal: pillars had to be defined. They dived slowly eyes closed. At irregular intervals he stopped to drone, and then from the cosmos, like huge glowing stalagtites. What was more My Cousin started chanting again. Several times, more burning stones were disconcerting was that the stars in command should talk like added to the hearth. The daylight coming through the door had that among themselves, incomprehensible whisperings, secrets the effect of a slow stroboscope. The drum hurt his eardrums. which had to do with Donald. Little by little it became obvious that Donald’s Vision At one moment, the bunch of sage placed on a stone started they had great demands in his regard. It served no purpose to try to burn, and the air became stifling. and talk to them, they would never let themselves be persuaded. Next day my cousin awoke at dawn, which meant that he — No one had told him when to go outside, and my cousin could not could relieve his sunstroke with cold stones. He also licked up all remember when or how he had left the sweatlodge. Night was the dew he could. For the remainder of the morning he stayed falling as he walked through a sparse pine wood, where there were sitting in the shade of a turret of rock, chewing grass to relieve no paths. He was still naked, wrapped in a blanket. Someone his hunger. He slept for much of the afternoon, a sick sleep. had put his sneakers on for him, but the laces were undone. At the end of the day he walked round the plateau. The bison Between the tree trunks Donald could see the great hat of Chief skulls turned out to be disappointing: apart from their regular Mountain but he had no idea what trail would take him to the top. arrangement facing east, their pitiful state of conservation meant When my cousin left home at the age of 17, he did not go tradition dictated that the adolescent should climb alone One moment it looked easy, the next he felt lost. All he had to do that no conclusions could be made. On the other hand, Donald very far. One might even be forgiven for thinking that it was not to the top of the mountain, naked and carrying a bison’s skull. was walk straight ahead, that way. No, he retraced his steps. was astounded by the range of viewpoints. The strange spectacle really worth the trouble of disappearing, if it was just to go This relic had to be placed facing the rising sun, acting as a pillow Things changed places as if they were having fun. Around him of the Rockies, the entire Lewis Range, Duck Lake and Goose Lake, to Lethbridge. and guiding the quest for vision which would help the young man offerings hanging from branches swung in the wind. The mountain the courses of rivers and roads. The Prairie was obviously there, I went there several times during my university years to give direction to his adult life. And Donald had expressed vanished and then re-appeared, very close. His steps were but at that height he did not recognize it as well as he should at Medicine Hat College, because it was important to see an interest in those bison skulls. As a result, he had been refused resolute, but his body was hesitant. He also often had to stop have. Seen from here, the expanse of it could make one think somewhere else from time to time. Luckily Donald had already access. There were good reasons for laughing in the face to vomit. of a disaster. Far off to the east, above a river that he identified as left the city, which meant I would not bump into him by chance, of a 19-year-old Canadian, studying archaeology, who coveted After sleeping, he felt better. The day was dawning and the Milk, there were silent flashes of lightning between the clouds. and be terribly disappointed to discover his destination. The two ritual objects. In his great naivety, Donald had gone on about the crags of Chief Mountain were already turning red. He found The threat of a storm on such an exposed ridge made him cities are quite alike: characterless built-up areas lying along the importance of listing and dating those objects, to confirm a path which seemed to pull him by the hand towards the summit. impatient to leave. But all the same he spent another night at the a river in the Prairie, which owe their existence to nothing more their traditional character and, above all, define the origin Borne along by the after-effects of his daze-like state, Donald summit, persuaded to do so by his weak state more than the quest than a generous subsoil and the resignation of Canadians. of that practice. advanced fast. He saw faces in the shapes and shadows of rocks, for visions. But this time, rather than insisting on bison skulls, The only real difference is that, in Lethbridge, you can glimpse So the second time he returned bearing a letter from one figures which were solemn, or kindly. He saw the landscape he made a pillow for himself with his sneakers. the first spurs of the Rockies. After thousands of flat miles, barely of his professors, certifying that first year students had to have lengthen. He saw the backs and the tops of the wings of birds punctuated by tremors, the horizon rises up abruptly south a field research. He also had a camera with him, which was meant gliding below him, casting their shadows on the scree-filled slopes. On the third day, since nobody had as yet come looking for him, of the Montana border, like a geological hiccup. This is the to prove that he agreed not to remove anything from the site. The sun was very high when Donald reached the ridge. my cousin climbed back down the mountain on his own. When awakening of the slumbering earth’s crust. And the first shape Once again, they let him know that he was not welcome. As a joke, It stretched away through a hilly expanse, arid and lunar. Here, he reached the mobile home park, he asked to see the shaman that this upheaval forms is Chief Mountain. they told him it would be a good idea if he underwent the rite there and everywhere, and in differing stages of decomposition, for an interpretation of his experience, but he was told the shaman Throughout the time my cousin spent in Lethbridge, of passage himself: he was the right age, and that would perhaps Donald found a large number of bison skulls. was at a meeting at the Bureau of Indian Affairs, and would be even if it was only a year and a half, two at the most, he had this help him define the goals of his life a bit better. They did not expect For a moment he wandered over the plateau, zigzagging away the whole day. Donald retrieved the clothes he had left with protuberance before his eyes. And for someone who, up until Donald to be so completely game. They told him that the last few from skull to skull, fascinated by that throng of hollow eye sockets one of the men who had helped him make the lodge. The man then, had only known the subtle variations of the plains, that peak generations of Blackfoot no longer really got involved in those and broken horns. He finally chose one at random and lay down, invited him to have a shower and join him in the kitchen, where soaring skywards like a castle must quickly have become an practices, and that, for someone from outside, the price for such overcome by hunger and tiredness. With his head on that ritual he cooked eggs. While he scoffed a whole pack of white bread, obsession. That hirsute omnipresent volume represented a kind a ceremony was $1000. Donald got them down to $600, the price pillar, he fell asleep in the sun, and woke up beneath the moon. Donald told him about his vision, the celestial pillars and the stars of provocation. The desire to climb up it was in any case justified. of the university’s camera. All he would have to do was say it had His mouth was horribly dry and his lips chapped. Lying on his plotting. The man thought that the signs were not very clear, The first time he tried to go there, he was certainly been stolen. It was one of the first digital models on the market, blanket, his body was uncovered. The wind blew, Donald was cold. and soberly advised him to continue his quest. fascinated by the way that mountain can change shape, as you a novelty that made it possible to record image-files straight approach it and go round it. This is due to its falsely monolithic on a floppy disk. It was that advantage which tipped the scales. relief, anomalies in its structure, and the different ways the sun Right away, Donald started the purifying fast and camped lights up its slopes. On several occasions he had to check on on the spot, at the foot of Chief Mountain. The Blackfoot offered the map that it was indeed the same mountain. He had never him a sofa in one of their mobile homes, but he preferred seen a real mountain, and hills are much more obliging with to prepare himself on his own. While he waited for the ceremony, their image. he took walks in the reservation, noting the offerings placed To reach Chief Mountain’s accessible side from Canada on small piles of stones, at the foot of trees, or in their branches. you have to cross the border and go through an Indian reservation. The offerings were bits of coloured fabric, packets of cigarettes, You have to get a permit, which costs $10. Too many hikers leave small bells, and shells. their rubbish behind, desecrate the site with drinking binges, Helped by two men, he felled and pruned twelve young and steal the offerings scattered at the foot of the mountain. willows, which he had first had to thank, explaining what they were We should also explain the reason for his visit. going to be used for, and that others would soon grow where they Donald was well aware of the sacred character of Chief had stood. Those trunks were arranged in such a way as to support Mountain. He knew that, until quite recently, its summit a roof made of tarpaulins and blankets, thus creating a hut, with was sacred in the coming-of-age rite of passage of young Blackfoot its entrance to the east. Early next day, a large fire was lit, and used men. After the fasting and the ceremony in the sweat lodge, for heating many large stones. Those stones were carried inside Salvatore Arancio « Une taxonomie des sens et des formes »

Exposition du 29 mai au 9 août 2015 4 Guest Laëtitia Badaut Haussmann 6 4 Guest Laëtitia Badaut Haussmann 7

industriel de Passerelle se transformant pour Laëtitia Badaut Haussmann quelques mois en un intérieur moderniste, plongé dans une semi-obscurité. Avec « L’influence de Neptune », Laëtitia Badaut Haussmann est parvenue à un équilibre rare, une alchimie entre les éléments réunis qui a quelque chose de l’ordre de l’irrationnel — sentiment renforcé par la connotation mystique du titre —, donnant l’impression d’arpenter une seule et même installation, contenant à la fois l’amorce, l’exploration et la poursuite du récit. My Dreams Dictate Les différentes œuvres se répondent — les paravents de verre (Lee filters almost [2015]) semblent apparaître dans les variations lumineuses du film My Reality qui donne son titre à l’exposition, les assises et luminaires disposés ça et là paraissent tout droit — sortis des images encadrées aux murs (Maison française, une collection [2012-2014]) — sans par Antoine Marchand qu’aucune d’elles ne prenne le pas sur les autres.

Laëtitia Badaut Haussmann Elles ne sont pas la simple illustration d’une idée A Program II, 2014. mais bien son incarnation, une mise en forme Photographie de la performance / Picture from the performance parfois lacunaire mais fidèle aux désirs de l’artiste. Prod. biennale de Belleville 3 La sculpture qui ouvre l’exposition (Sans titre Courtesy Laëtitia Badaut Haussmann ; Galerie Allen, Paris. années plus tard, des Soirées ouvrières de la (l’amour est plus froid que la mort) [2015]) première Université populaire de la ville. De la même est d’ailleurs emblématique de ces croisements manière, lors de l’exposition « … C’est ainsi que finit et autres frictions : il s’agit d’une pièce de tissu le monde. Pas sur un Bang, sur un murmure5 », torsadée en une forme à la fois extrêmement sobre Ce qui interpelle d’emblée lorsque l’on découvre significatifs des croisements et hybridations opérés l’artiste est allée fouiller dans les archives de et organique représentant un nœud, tel un objet le travail de Laëtitia Badaut Haussmann, c’est par l’artiste. Laëtitia Badaut Haussmann a en effet l’association Emmetrop, à Bourges, pour en exhumer charnière, un nœud de sens qui parviendrait à lier à quel point cette dernière maîtrise l’histoire entrepris ces dernières années un travail qui relève des affiches de concert qu’elle a ensuite recadrées l’ensemble des œuvres réunies tout en faisant écho et les vocabulaires cinématographique, littéraire, de la performance, qu’elle qualifie de « déambulation et agrandies au format poster, proposant d’ériger à Genet, le noir et le velours rappelant à la fois le deuil architectural ou du design, qu’elle entremêle cinématographique ». Ces pérégrinations dans les figures du rock alternatif aux rangs d’icônes et le désir, deux états omniprésents dans son texte. régulièrement dans sa pratique. Ainsi du jeune des zones périurbaines, périphériques — du pavillon (These are the days that matter [2011]). Enfin, dans Extrêmement protéiforme, la pratique garçon qui frappe une balle indéfiniment contre Carré de Baudouin au quartier Croix de Chavaux ce qui reste l’un de ses projets emblématiques, lors de Laëtitia Badaut Haussmann ne s’appréhende un mur dans Tiebreaker (2010), où transparaît ou dans divers quartiers de Vitry-sur-Seine —, de l’exposition « Dynasty » en 2011 au Palais de Tokyo pourtant réellement que dans son ensemble. Elle est une réflexion sur l’épuisement des images, tout sont ponctuées d’interventions de personnages et au musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, à envisager comme un seul et même corpus qui en illustrant une phrase prononcée par Godard anonymes rappelant des figures de la Nouvelle elle s’est intéressée à l’histoire pour le moins atypique se développe au fil des années et des projets réalisés, lors d’une interview — « J’adore le tennis, je peux Vague, de furtives séquences fictionnelles qui de ces deux bâtiments et à certaines de leurs chacun d’eux venant répondre au précédent regarder un gamin de douze ans taper pendant viennent s’insérer dans le quotidien pour mieux attributions précédentes : lieu de stockage de pianos et l’enrichir, en permettre une nouvelle lecture. deux heures la balle contre un mur 1 ». Ainsi également le perturber, l’« augmenter », d’une certaine manière, confisqués par les nazis aux familles juives déportées Son dernier projet en date, « When the Sun and de cette parabole sur l’apprentissage qu’est tout en révélant ces quartiers habituellement pour le premier, et ambassade de Pologne pour Neptune 7 », présenté à Zoo galerie à Nantes, en est And again and again and again (2012), vidéo délaissés, proches de l’univers de J.G. Ballard le second (No one returns et No one returns II [2010]). une illustration fidèle. L’artiste convoque ici une dans laquelle un danseur répète perpétuellement ou de David Cronenberg. Sa récente exposition au centre d’art autre figure littéraire majeure en la personne de le même mouvement jusqu’à l’étourdissement, Cette imbrication de plusieurs schémas contemporain Passerelle, à Brest, intitulée Robert Louis Stevenson, au travers de cette citation : sensation renforcée par le travelling circulaire narratifs se retrouve dans sa volonté quasi « L’influence de Neptune6 », était construite selon « dans la pièce où l’écrivain travaille, il devrait incessant. En s’emparant de la sorte de ces formes systématique de répondre à un contexte et à une le même principe. À l’origine du projet, un lieu toujours y avoir une table recouverte de cartes, et théories pour les mettre au service de son situation spécifiques, qu’ils soient étroitement liés brestois mythique, Le Vauban, hôtel et salle de plans d’architectes et de livres de voyages, une propre travail, Laëtitia Badaut Haussmann tend au lieu de présentation des œuvres, à une rencontre de concert ouvert dans les années 1950, au potentiel seconde table où il écrit et une troisième qui devrait à déconstruire les codes narratifs « classiques ». ou à un endroit découvert lors de recherches de projection certain. Suite à la découverte toujours rester vide ». Cette sentence, riche de Toutefois, loin d’une démonstration spectaculaire préliminaires. Travaillant à la manière d’une de cet établissement lors d’un séjour dans la ville promesses, se veut le point de départ de l’exposition, ou grandiloquente, elle cherche plutôt à instaurer archéologue ou d’une anthropologue, Laëtitia du Ponant, Laëtitia Badaut Haussmann a conçu à la fois l’énoncé de sa résolution formelle,

1 « L’homme qui en savait trop », une ambiance, une atmosphère singulière, Badaut Haussmann exhume des moments d’histoire, un projet qui convoque donc ce haut lieu de la vie le prétexte à une proposition sur les liens entre entretien de Jean-Luc Godard propice à l’abandon et à la rêverie. Les termes comme dans l’installation We wish we could have nocturne bretonne mais également les deux littérature et architecture — la page blanche, le white avec Samuel Blumenfeld, Christian Fevret et Serge de réminiscence, d’influence, d’apparition ou de gone on that journey (2013), présentée dans 5 « … C’est ainsi que finit figures iconiques que sont Jean Genet et Rainer cube — et une réflexion sur l’espace à dimensions Kaganski, in Les Inrockuptibles dérive sont régulièrement employés pour qualifier « Mélodies en sous-sol », premier volet du cycle le monde. Pas sur un Bang, Werner Fassbinder — auteurs respectivement multiples qu’est un texte. Ce faisant, Laëtitia Badaut n°49, septembre 1993, sur un murmure », pp. 75-82. son travail, et témoignent de cette volonté « Le tamis et le sable » à la Maison Populaire Transpalette, Bourges, de Querelle de Brest et Querelle, son adaptation Haussmann prolonge ce jeu de rappels et de 2 A Program (2013), d’emmener le spectateur vers un ailleurs où la fiction de Montreuil4. Cette accumulation d’assises du 1er juillet au 20 août 2011, cinématographique —, ainsi que des figures croisements, l’exposition nantaise étant pensée biennale Hospitalités, avec Julie Béna et Claire Val-de-Marne, 22 juin 2013, prendrait insidieusement le pas sur la réalité. rudimentaires — réalisées d’après l’autoprogettazione, Trotignon, commissariat : du modernisme et du fonctionnalisme, d’Eileen comme une postface à son pendant brestois. Outre commissariat : MAC/VAL. Jérôme Cotinet-Alphaize 3 A Program #2 (2014), L’artiste travaille sur les formes du récit, ce que système de construction de meubles pensé par et Damien Sausset. Grey à Joe Colombo. Toutefois, loin d’un le clin d’œil du titre, on y retrouve en effet cette biennale de Belleville 3, Paris, l’on donne à voir et à entendre, dans une tentative Enzo Mari en 1974 — fait écho à l’histoire d’Émile 6 « L’influence de Neptune », « simple » hommage ou d’une pratique relevant volonté de répondre à la singularité d’un lieu donné 12 octobre 2014, e centre d’art contemporain commissariat : Patrice Joly. de révélation d’un potentiel narratif insoupçonné, Méreaux, fondateur, à la fin du xix siècle à Montreuil, Passerelle à Brest, du 7 février de l’appropriation ou de la citation, l’artiste par un aménagement spécifique, son intérêt pour 4 « Mélodies en sous-sol », l’espace d’exposition devenant un lieu d’une communauté anarchiste cherchant au 2 mai 2015, commissariat : s’est emparée de ces différents éléments pour le passage du temps, l’accumulation de différentes La Maison Populaire, Étienne Bernard. Montreuil, du 15 janvier d’affranchissement et de sublimation du réel. à développer des logiques alternatives d’échanges 7 « When the Sun and Neptune, » mieux les transcender, écrire une partition, strates narratives et la mise en place d’un contexte, au 30 mars 2013, commissariat : De dérive, il est d’ailleurs question dans A Program économiques sur la base d’une coopérative de Zoo galerie, Nantes, un cheminement, qui fait exposition et instaure d’un dispositif, plutôt que la résolution claire Raphaël Brunel, Antoine du 16 mai au 4 juillet 2015, Marchand, Anne-Lou Vicente. (2013)2 et A Program #2 (2014)3, autres exemples production de meubles, et instigateur, quelques commissariat : Patrice Joly. une ambiance tout à fait singulière, l’espace d’une problématique. 4 Guest Laëtitia Badaut Haussmann 8 4 Guest Laëtitia Badaut Haussmann 9

A Laëtitia Badaut Haussmann A Program, 2013. Laëtitia Badaut Haussmann Photographie de la performance / Picture from the performance Avec / with Lola Peploe et Clément Allanic. Prod. Le Crédac, Ivry-sur-Seine, MAC/VAL, Vitry-sur-Seine, Galerie Jean-Collet, Vitry-sur-Seine Courtesy Laëtitia Badaut Haussmann ; Galerie Allen, Paris

B Laëtitia Badaut Haussmann « When the Sun and Neptune », 2015. My Dreams Dictate Vue de l’exposition à / View of the exhibition at Zoo galerie, Nantes. Photo : William Simon. My Reality C & D Laëtitia Badaut Haussmann « L’influence de Neptune », 2015. Vue de l’exposition à / View of the — exhibition at Passerelle, centre d’art contemporain, Brest. by Antoine Marchand Photo : Aurélien Mole.

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What instantly calls out to you when you discover projects which stem from performance, and which Laëtitia Badaut Haussmann’s work is the degree she describes as “cinematographic strolls”. to which she masters the history and vocabularies These wanderings in peri-urban and peripheral of film, literature, architecture and design, all of which zones—from the Pavillon Carré de Baudouin to the she regularly intermingles in her praxis. A good Croix de Chavaux neighbourhood and various parts example of this is the small boy endlessly throwing of Vitry-sur-Seine—are punctuated by interventions a ball against a wall in Tiebreaker (2010), where a line by anonymous characters calling New Wave figures of thinking shows through which has to do with to mind, furtive fictional sequences which work their the exhaustion of images, while at the same time way into the daily round, the better to disturb it and, illustrating words uttered by Godard during in a way, “augment” it, while revealing these usually an interview—“I love tennis, I can watch a 12-year-old neglected districts which are close to J.G.Ballard’s kid hitting the ball against a wall for two hours”.1 world, or David Cronenberg’s. Another similar example is the parable about This dovetailing of several narrative plans apprenticeship and learning of And again and again is also to be found in her almost systematic desire and again (2012), a video in which a dancer repeats to respond to a specific context and situation, the same movement over and over again until to an encounter or a place discovered during B he is giddy, a sensation heightened by the ceaseless preliminary research. Working like an archaeologist circular tracking shot. By thus appropriating these or an anthropologist, Laëtitia Badaut Haussmann forms and theories for use in her own work, exhumes moments of history, as in the installation 1 « L’homme qui en savait trop », interview with Jean-Luc Laëtitia Badaut Haussmann tends to deconstruct We wish we could have gone on that journey (2013), Godard by Samuel Blumenfeld, “classical” narrative codes. But well removed from shown in “Mélodies en sous-sol”, the first part of Christian Fevret and Serge Kaganski, in Les Inrockuptibles any spectacular and grandiloquent, she tries rather the cycle Le tamis et le sable at the Maison Populaire n°49, September 1993, to introduce an ambience, an unusual atmosphere, in Montreuil.4 This accumulation of rudimentary pp. 75-82. 2 A Program (2013), favourable to abandonment and daydreaming. seats—produced on the basis of autoprogettazione, biennale Hospitalités, Val-de-Marne, 22 June 2013, The terms reminiscence, influence, appearance a system for making furniture devised by Enzo Mari curated by: MAC/VAL. and drift are regularly used to describe her work, in 1974—echoes the story of Emile Méreaux, founder, 3 A Program #2 (2014), biennale de Belleville 3, and attest to that desire to take the spectator at the end of the 19th century of an anarchist Paris, 12 October 2014, towards somewhere else where fiction insidiously community in Montreuil seeking to develop curated by: Patrice Joly. 4 « Mélodies en sous-sol », takes precedence over reality. The artist works alternative systems of logic governing economic La Maison Populaire, on narrative forms, things that are offered to the eye exchanges based on a furniture-manufacturing Montreuil, from 15 January to 30 March 2013, curated by: and the ear, in an attempt to reveal an unsuspected cooperative, and instigator, a few years later, Raphaël Brunel, Antoine Marchand, Anne-Lou Vicente. narrative potential, with the exhibition venue of the “Soirées ouvrières” [literally: Working-class 5 « … C’est ainsi que finit becoming a place which emancipates and sublimates Evenings] at the city’s Université Populaire. le monde. Pas sur un Bang, 2 sur un murmure », reality. Drift is what is involved in A Program (2013) Similarly, for the exhibition titled “…C’est ainsi Transpalette, Bourges, and A Program #2 (2014)3, other significant que finit le monde. Pas sur un bang, sur un from 1 July to 20 August 2011, 5 with Julie Béna and Claire examples of the overlaps and hybridizations murmure” (2013), the artist went rummaging Trotignon, curated by: executed by the artist. In the past few years, around in the archives of the Emmetrop Association C D Jérôme Cotinet-Alphaize et Damien Sausset. Laëtitia Badaut Haussmann has in fact undertaken in Bourges, exhuming concert advertisements 5 Guest Laëtitia Badaut Haussmann 0

6 « L’influence de Neptune », which she then re-framed and blew up to poster size, other—the glass screens (Lee filters almost (2015)) centre d’art contemporain Passerelle in Brest, from proposing to promote alternative rock figures to the seem to appear in the luminous variations of the film 7 February to 2 May 2015, rank of icons (These are the days that matter (2011)). after which the exhibition is named, and the seats curated by: Étienne Bernard. 7 « When the Sun and Neptune, » Lastly, in what is still one of her emblematic projects, and lights arranged here and there seem to be Zoo galerie, Nantes, at the exhibition “Dynasty” held in 2011 at the Palais straight out of the framed images on the walls from 16 May to 4 July 2015, curated by: Patrice Joly. de Tokyo and at the City of Paris Museum of Modern (Maison française, une collection (2012-2014))—but Art, her interest lay in the nothing if not atypical none of them holds sway over the others. They are history of those two buildings and some of their not the mere illustration of an idea, but rather earlier functions: respectively, a storage place its incarnation, an at times incomplete formation for pianos confiscated by the Nazis from deported but one that is faithful to the artist’s desires. Jewish families, and the Polish embassy The sculpture which opens the show (Sans titre (No one returns and No one returns II (2010)). (l’amour est plus froid que la mort) (2015)) Her recent show at the Passerelle is furthermore emblematic of these overlaps and Contemporary Art Centre in Brest, titled other frictions: what is involved is a piece of fabric “L’Influence de Neptune”6, was constructed twisted into a form that is both extremely sober on the same principle. At the root of the project lay and organic, representing a knot, like a pivotal a mythical Brest landmark, “Le Vauban”, a hotel object, a knot of meaning which might manage and concert hall opened in the 1950s, with a certain to connect all the works brought together while projection potential. Following the discovery of this at the same time echoing Genet, with the black establishment during a stay in the western city, and the velvet calling to mind both mourning and 18th July – 1st November 2015 Laëtitia Badaut Haussmann came up with a project desire, two states that are ubiquitous in his text. that thus involves not only this hub of Breton night But Laëtitia Badaut Haussmann’s extremely life, but also those two iconic figures, Jean Genet multi-facetted praxis can only really be grasped Camille Blatrix and Rainer Werner Fassbinder—authors, in its entirety. It has to be seen as one and the same respectively, of Querelle de Brest and Querelle, corpus which has been developed over the years, No School #noschool its film adaptation—, as well as figures of modernism from one project to the next, with each one of them and functionalism, ranging from Eileen Grey responding to the previous one and enriching it, and to Joe Colombo. However, far from being a “simple” permitting a new reading. Her last project to date, In collaboration with: homage or a praxis resulting from appropriation and “When the Sun and Neptune,”7 presented at Zoo quotation, the artist has taken over these different Galerie in Nantes, is a faithful illustration of this. elements the better to transcend them, and write Here the artist summons up another major literary a score and a movement, acting as an exhibition figure in the person of Robert Louis Stevenson, and introducing an altogether unusual ambience, by way of this quotation: “…in the room where the Camille Blatrix is the winner of the Ricard with the Passerelle industrial area being turned writer works, there should always be a table covered Foundation Prize 2014. for a few months into a modernist interior, plunged with maps, architect’s plans and travel books, , 2014 NiNa Blatrix, Camille in semi-darkness. With “L’Influence de Neptune”, a second table where he writes, and a third which With thanks to Balice Hertling, Paris Laëtitia Badaut Haussmann has attained a rare must always stay empty”. This sentence, rich equilibrium, an alchemy between the elements in promise, is intended to be the exhibition’s starting brought together with something irrational about point, at once the statement of its formal resolution, Laëtitia Badaut Haussmann A Program, 2013. it—a feeling bolstered by the title’s mystical the pretext for a proposition about the links Photographie de la performance / connotation—, giving the impression of crossing between literature and architecture—the blank Picture from the performance Avec Lola Peploe et Clément one and the same installation, containing at once page, the white cube—and a way of thinking about Allanic. Prod. Le Crédac, the start, the exploration and the pursuit of that space with many different dimensions, 18th July – 1st November 2015 Ivry-sur-Seine, MAC/VAL, Vitry-sur-Seine, Galerie the narrative. The different works talk to each otherwise known as a text. In so doing, Laëtitia Jean-Collet, Vitry-sur-Seine Badaut Haussmann prolongs this game of reminders Courtesy Laëtitia Badaut Women’s Art Society II Haussmann ; Galerie Allen, Paris and overlaps, the exhibition in Nantes being conceived as a postface to its counterpart in Brest. Beyond the title’s allusion, we actually find in it that Participating artists: desire to respond to the unusualness of a given place Cornelia Baltes, Sol Calero, Ditte Gantriis, Lydia Gifford, through a specific arrangement, an interest in May Hands, Jamian Juliano-Villani, Ella Kruglyanskaya, the passage of time, the accumulation of different Shani Rhys James, Caragh Thuring narrative layers, and the introduction of a context #womensartsociety2 and a system, rather than the clear resolution of a set of issues.

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TRIENNALE-VENDOME.FR Saâdane Afif Quentin Aurat & Émilie Pouzet Rémi Boinot Karine Bonneval Thierry-Loïc Boussard

Baptiste Brévart & Guillaume Ettlinger Bernard Calet Combey Pion Sanjin Cosabic Mathieu Dufois Galerie du Cartable Geoffroy Gross EXPOSITIONS Hayoun Kwon Jeffrey Poirier / Galerie RDV Nils Guadagnin Seba Lallemand du 7 au 30/05 Cécile Le Talec Frédérique Laliberté et Philippe Lauzier / APO-33 Olivier Leroi du 22 au 31/05 UNE PRODUCTION Marie Losier Richard Martel / Paradise Monsieur Plume workshop les 16, 17 et 18/06 et performance le 19/06 TRANSPALETTE-CENTRE &D'ART IncoNito/ EMMETROP Frédérique Hamelin / Paradise performance le 19/06 Malik Nejmi Jérôme Poret Charles-Étienne Brochu et Josiane Roberge / Dulcie Galerie LA TRIENNALE DE VENDÔME Catherine Radosa du 1er au 12/07 Massinissa Selmani Diane Landry / Le lieu unique du 3/07 au 30/08 25 ARTISTES Dorothy-Shoes CONTEMPORAINS Jocelyn Robert / Musée des Beaux-Arts de Nantes du 3/07 au 30/08

Aux mois d’octobre et de novembre, des artistes français seront reçus à DE LA RÉGION CENTRE-VAL DE LOIRE Mario D’Souza Québec par Avatar, l’Œil de Poisson, Le Lieu, la Galerie des arts visuels de l’Université Laval et Manif d’art. DU 23/05-2015 AU 31/ 10-2015

Une initiative de MANÈGE ROCHAMBEAU – MUSÉE DE VENDÔME

MELLE 2015 Fabian Marti e VII Biennale Internationale J’ai dit : tais-toi d’art contemporain Julien Blaine • Karine Bonneval • Patricia Cartereau • accélérationniste ! Gilles Clément • Pascal Colrat & Alain Cugno • Olivier Darné 27 juin–30 août 2015 & le Parti Poétique • Ramesh Hengadi • Kôichi Kurita • Nicolas Kozakis & Raoul Vaneigem • Manuela Marques • Exposition ouverte du mardi au dimanche, de 14h à 19h et sur rendez-vous. Jardiniers terrestres Fermeture le 14 juillet 2015. Parc Saint Léger, Centre d’art contemporain Jardiniers célestes Avenue Conti 58 320 Pougues-les-Eaux (F( Jivya Soma Mashe • Balou Jivya Mashe • Laurent Millet • +33 (0(3 86 90 96 60 Oscar Muñoz • Dominique Robin • Marie-Monique Robin • Florian de la Salle • Sylvain Soussan • Yuriko Takagi • www.parcsaintleger.fr Reena Umbersada Valvi • ANIL VANGAD • Bill Viola • Le Parc Saint Léger, Centre d’art contemporain est soutenu par le Ministère de la Culture et de la Communication- Du 4 juillet au 27 septembre DRAC Bourgogne, la Région Bourgogne, le Conseil Départemental tous les jours de 13h15 à 19h sauf le lundi • Entrée libre • de la Nièvre et la Ville de Pougues-les-Eaux. L’exposition bénéficie du soutien de Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture. Extension de la Biennale à niort, Saint-Martin-lès-Melle, La Mothe-Saint-Héray et au Zoodyssée de Chizé biennale-melle.fr Direction artistique : Dominique Truco Design graphique : Mahaut Clément et Clarisse Lochmann 5 4 5 5 insertion_EAC_mai23052015_Mise en page 1 24/05/2015 14:30 Page 1 L’abstraction géométrique belge 28.06 / 29.11. 2015 VERNISSAGE SAMEDI 27 JUIN 18h Partie historique / Marcel-Louis Baugniet, Gaston Bertrand, Pol Bury, Jo Delahaut, Marthe Donas, Francis Dusépulchre, Pierre- Louis Flouquet, Henri Gabriel, Paul Joostens, Walter Leblanc, Karel 13 — 16 juin 2015 Maes, Jean-Pierre Maury, Jozef Peeters, Victor Servranckx, Michel Seuphor, Guy Vanderbranden, Georges Vantongerloo, Léon Wuidar. Partie contemporaine / Ann Veronica Janssens, Bas Ketelaars, Pieter Vermeersch. Espace de l’Art Concret - centre d’art contemporain Château de Mouans 06370 Mouans-Sartoux I T. 04 93 75 71 50 I S. www.espacedelartconcret.fr L’Espace de l’Art Concret bénéficie du soutien du ministère de la Culture et de la Communication, DRAC PACA, de la Ville de Mouans-Sartoux, du conseil www.mulhouse.fr régional Provence-Alpes-Côte d’Azur et du Département des Alpes Maritimes.

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Pouvez-nous nous dire comment est né ce projet Il y a cependant un fort sentiment de nostalgie qui Guillaume Désanges autour de l’histoire des luttes politiques et de leur se dégage de l’exposition « Or il fut un temps passé archivage filmique, amateur et / ou autre ? où le futur était présent », comme si la grande Le contexte pour le moins marqué socialement époque de la lutte (ou de la Résistance) — avec tout de la Seine Saint-Denis en est-il à l’origine ? le lyrisme et l’expressionnisme qui l’accompagnent Ce projet est né d’une commande de la — était un peu derrière nous, mais peut-être que — Seine-Saint-Denis de réaliser une exposition avec la présence de nombreuses archives filmiques entretien avec Patrice Joly leur collection d’art vidéo. En réponse, je leur ai fait (noir et blanc oblige) accentue cette impression. une contre-proposition plus intuitive, qui était Quelle place avez-vous donnée aux mouvements de travailler des formes militantes, liées aux luttes plus proches et aux médiums qui leur correspondent politiques et sociales du vingtième siècle, (les films réalisés avec des smartphones, en cherchant, localement et ailleurs, pas seulement la présence des réseaux sociaux, etc.) ? des films, mais aussi des œuvres et des documents. Il y a une période, relativement limitée entre la fin Bien entendu le contexte spécifique du 93 était des années 1960 et le début des années 1980, inspirant : je connaissais déjà la Seine-Saint-Denis où le cinéma militant a traversé une phase collective pour y avoir travaillé plusieurs années et l’existence qui a donné des formes particulièrement fortes, d’œuvres du réalisme socialiste français, plutôt à la fois poétiques et politiques, et où, comme l’a dit rares, qui m’avaient intéressé. À partir de là, si justement Patrick Leboutte, « les formes de j’ai démarré « à l’aveugle », sans idées précises luttes » sont inséparables de « luttes de formes »1. de ce que j’allais trouver, ni même chercher, à partir Il est vrai que cette période fascinante constitue de fonds institutionnels (Parti Communiste le cœur des deux expositions, dû au contenu Français, CGT, Musée d’Art et d’Histoire, musée des archives que j’avais à disposition et à la difficulté de l’Histoire vivante, Archives départementales de trouver aujourd’hui un tel souffle brûlant du 93, Institut CGT d’Histoire Sociale) mais aussi à la croisée des terrains politiques et esthétiques. privés (le fonds SLON/ISKRA créé par Chris Marker Maintenant, j’espère que l’on peut regarder et Inger Servolin) et beaucoup d’autres sources ces formes sans nostalgie (c’est précisément ce que qui m’ont permis de composer librement ces deux j’ai voulu éviter), mais plutôt de manière critique expositions. Le propos était de figurer des et spéculative. À savoir, tenter de voir ce que sont interactions multiples entre industrie, immigration, devenus ces questionnements et s’il y a un moyen luttes sociales, urbanisme et situation postcoloniale de les réactiver pour les sens et l’intelligence dans une sorte de rythme cyclique passant d’élans d’aujourd’hui. La présence de Jean-Gabriel Périot, idéalistes à des humeurs crépusculaires. un cinéaste contemporain qui invoque la forme des « cinétracts » en les actualisant, un peu à la manière Vue de l’exposition / View of the exhibition : « Or il fut un temps Le caractère cyclique des luttes auquel vous dont le penseur libanais Jalal Toufic dit qu’il faut où le passé était présent », faites référence dans le texte de présentation fait ressusciter le document même s’il est encore Chapelle Vidéo 2015, Saint-Denis, musée d’art et d’histoire. état d’une récurrence des mouvements sociaux. présent, ou du collectif Getaway qui va explorer Photo : Christophe Delory. Cette temporalité n’est-elle pas en train de certains angles morts de l’histoire en statuant que © Christophe Delory ; Département de Seine-Saint-Denis. disparaître suite à l’essor récent du néolibéralisme, « d’autres passés sont possibles », vont, il me semble à la perte d’influence des syndicats, au déclin dans ce sens. Plutôt que la nostalgie, je ne cacherai de la culture ouvrière et au désintéressement pas que c’est un certain sentiment d’amertume, de la population pour les conflits sociaux, voire de fièvre « noire » et de mauvais présage que à leur rejet intégral ? j’ai tenté de figurer dans la seconde exposition Invité par le musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis au sein du programme Chapelle Vidéo, Guillaume Je pense que les énergies de la lutte sociale, de manière métaphorique, avec la présence de Soleil Désanges a produit une exposition en deux volets intitulée « Ma’aminim » dont le second, « Or il fut un temps peut-être parfois un peu assoupies, restent prêtes Noir de Jean-Luc Moulène, les nuées formidables passé où le futur était présent », vient de s’achever. Plutôt que de s’en tenir à une mise en valeur des riches à se réactiver et à se réincarner dans des formes d’oiseau migrateurs extraites du Bruit du canon collections du fonds départemental, le commissaire a préféré piocher dans le vaste réservoir de productions nouvelles à chaque génération. Je ne crois pas de Marie Voignier ou les peintures inquiétantes en tous genres que recèle le territoire ô combien « rouge » de la petite couronne, fortement marqué que ces forces-là s’arrêtent, même s’il y a eu de Toyen et Jean Amblard. par les mouvements sociaux qui ont rythmé son histoire. Il en résulte une proposition qui fait la part dans l’histoire des moments d’action collective belle aux documents et aux œuvres filmiques tout en ménageant une large place aux nouvelles formes particulièrement actifs et visibles. Il ne faut pas Dans le texte de présentation de « Ma’aminim », d’engagement et à leurs pendants artistiques. Le parti pris déambulatoire de l’exposition qui offre être nostalgique mais plutôt les observer vous dites que les mouvements sociaux doivent aux visiteurs le loisir de se promener à l’intérieur d’une diversité de formes et de formats ne laisse pas pour en désigner les possibilités de renaissance. s’incarner dans une esthétique, faute de quoi d’interroger la persistance et l’évolution des esthétiques de la lutte, leur relatif déclin ou leur capacité Par ailleurs, les syndicats et les forces politiques ils se retrouvent orphelins et risquent de manquer à se réinventer. Entretien avec un curateur qui se garde de toute propension à la nostalgie et qui, au contraire, n’ont pas l’apanage de la lutte. C’est pourquoi, leur objectif, de se déliter. Dans « Or il fut un temps préfère appréhender le devenir de ces formes sous un angle résolument critique et prospectif. dans l’exposition, il y a beaucoup d’objets issus où le futur était présent », l’exposition se pratique de mouvements autonomes, et même parfois plus comme une déambulation libre à travers non directement politiques, de Kiki Picasso aux un choix de documents à activer soi-même altermondialistes en passant par les Bérurier Noir. que comme une exposition classique avec Ce faisant, c’est une résistance avec un grand R, un itinéraire balisé. Cet aspect « à la carte » renvoie 1 « Formes de lutte et lutte de pas une « résistance à » mais une résistance à l’atomisation des mouvements de « résistance », formes – Pièges du formatage ou promesses de la forme ? » / tout court, intransitive, globale, qui domine à leur extrême diversité. Cela dit, cette approche Coordinateurs : Jean-Louis ces expositions. Une élection prioritaire de la lutte pointe également le problème d’une unité Comolli, Patrick Leboutte, Marie-José Mondzain. plus qu’une sélection de luttes prioritaires. esthétique : il est difficile de percevoir dans http://www.vacarme.org/IMG/ le présent de la lutte cette unité que vous estimez doc/Formes_de_lutte_et_lutte_ de_formes.doc nécessaire à son identification et, par-delà, 6 Interview Guillaume Désanges 0 6 Interview Guillaume Désanges 1

à sa reconnaissance. La comparaison avec des relations, éveiller des consciences et des désirs. A & C Vues de l’exposition / Views of the les archives cinématographiques qui abondent C’est en tout cas ainsi qu’elles agissent sur moi. exhibition : « Or il fut un temps dans l’exposition met en lumière cet état de fait. On se méfie beaucoup aujourd’hui de l’art « militant », où le passé était présent », Chapelle Vidéo 2015, Saint-Denis, Peut-on parler de crise de la représentation ? car on sait les contradictions, les impasses et les musée d’art et d’histoire. Les mouvements politiques s’incarnent dans insuffisances qu’il a suscité au sein des générations Photo : Christophe Delory. © Christophe Delory ; Département des esthétiques qui sont diverses, même s’il y a eu en passées. Entre esthétique et politique, il y a une de Seine-Saint-Denis. effet des moments de grâce où l’action et la réflexion, longue histoire d’espoirs déçus et de trahisons B parce qu’elles étaient collectives, ont produit réciproques, qui a laissé parfois un goût amer. Jean-Luc Moulène Au premier plan / Front : des formes reconnaissables. C’est par exemple le cas Pourtant, il y a eu des moments où la radicalité Cigarettes des films distribués par SLON/ISKRA, dont certains, politique était associée à une radicalité formelle, Courtesy Jean-Luc Moulène. Au mur / On the wall : bien que réalisés par des auteurs différents, usent dans une intensité commune qui renforçait l’une La Cartouche de Pantinoises d’une grammaire filmique commune, dans une et l’autre. Par ailleurs, il faut admettre que certaines Usine des Tabacs de Pantin, SEITA, 1982-1983, de la série / esthétique de l’urgence et de l’efficacité proche contradictions sont belles, dignes et fécondes, que from the série : 39 objets de grève, des magnifiques « cinétracts ». C’est aussi le cas ce soient celles des artistes ou celles des militants. 1999. Collection départementale d’art contemporain de la d’un certain type de montages à la fois pop Jean-Luc Godard exprime très frontalement ces Seine-Saint-Denis © ADAGP et violents qu’on trouve en Amérique latine, chez impasses et ces apories, entre sublime et ridicule, Fernando Solanas, mais aussi dans ce film rare de dès la fin des années 1960, avant même la création João Trevisan montré dans l’exposition, et retrouvé du groupe Dziga Vertov. grâce à Catherine Roudé. Alors oui, il semble que ces principes collectifs qui envisageaient une remise Est-ce le même type de contradictions qui en cause à la fois des esthétiques, des moyens de anime la carrière d’un curateur quand il passe production et des modes de distribution du cinéma de la défense d’une scène militante, underground, ont disparu à cette échelle. Crise de la représentation populaire, à la programmation d’un espace très je ne sais pas, mais atomisation certainement. représentatif de l’emprise actuelle des grandes J’aime penser l’histoire de la représentation marques sur la scène de l’art contemporain, en des luttes politiques après les années 1960 sous l’occurrence celui de la Verrière Hermès à Bruxelles la forme de l’« anabase », une sorte de retour parfois dont vous assurez le commissariat ? erratique d’un front de guerre perdu où différents C’est différent, d’abord, car je ne considère pas A groupes prennent des chemins divergents ces expositions comme relevant d’un acte militant, après le grand rassemblement. C’est d’ailleurs mais d’un horizon curatorial. Par ailleurs, je vois mes un peu la thèse du livre de Razmig Keucheyan, différentes activités comme des compléments Hémisphère gauche2, qui m’a beaucoup intéressé. d’engagement au sein de l’art contemporain qui, Curatorialement, j’ai parié sur une continuité s’ils sont bien négociés, peuvent se nourrir l’un l’autre. organique de ces manifestations hétérogènes sous Des contextes de monstration certes éloignés le règne de la croyance. Ce qui est montré est une ne sont pas étanches. Par exemple, Nil Yalter, artiste famille « recomposée » qui expose des tensions féministe engagée dans des questions politiques et dessine une nébuleuse cognitive et affective plus et sociales aussi bien que formelles et qui était qu’une grille analytique ou esthétique. Comme dans présente dans les expositions de Seine-Saint-Denis toute exposition collective, il y a pour moi un ordre est invitée pour un solo à la Verrière à la rentrée poétique et narratif plus que discursif à l’œuvre, 2015. Ce lieu me permet d’offrir aux artistes des d’où cette idée de déambulation libre, de liens moyens de production et des temporalités de travail invisibles et de ruptures formelles. plus longues pour des expériences, parfois risquées, B C qui pourront par la suite exister dans d’autres N’avez vous pas tenté avec ces deux expositions contextes. Pouvoir s’engager à différentes échelles, de réactiver la dimension politique au sein de l’art différentes temporalités, différents formats, dans (contemporain) ? Se réclamer de ce passé n’est-il divers contextes économiques tout en tâchant pas la meilleure manière de tenter de réinjecter de garder une intensité critique, une exigence de la politique sur une scène d’où elle s’est et une liberté curatoriale, est une chance que largement absentée, du moins dans ses formes l’on m’a donnée. Je crois même que ces enjeux ont les plus frontales ? intéressé la Fondation Hermès lorsqu’elle m’a Oui, c’est une motivation subliminale de ce contacté. Elle implique une certaine responsabilité programme : tenter, en convoquant ces formes et une vigilance pour assurer l’intégrité de son projet militantes, de réactiver des désirs et des passions curatorial, mais cette exigence existe toujours, pour ces questions au sein de l’art. Car si la plupart pour chaque projet, aussi bien dans l’institution des films et objets montrés dans l’exposition publique que privée. ne sont pas redevables de l’art contemporain, c’est dans un régime de l’art que je les ai replacés, et c’est de cet endroit que je les observe et les remontre. Ceci afin de toucher tous les publics, y compris celui de l’art. Je pense que c’est mon objectif en tant que commissaire de faire remonter 2 Hémisphère gauche. Une cartographie des à la surface ces formes du passé, non pas dans une nouvelles pensées critiques, logique archéologique morbide mais pour voir Paris, La Découverte, coll. Zones, 2010. comment elles peuvent de nouveau agir et créer 6 Interview Guillaume Désanges 2 6 Interview Guillaume Désanges 3

Could you tell us how this project about the There is, nevertheless, a powerful sense of nostalgia Guillaume Désanges history of political struggles and their recording released by the exhibition “Or il fut un temps passé on film, amateur and/or other, came into being? où le futur était present”, as if the great age of Does the context of Seine-Saint-Denis, which, struggle (or Resistance)—with all the lyricism and to say the least, has a distinct social element, expressionism going hand-in-hand with it—was a bit lie at the root of it? behind us, but perhaps the presence of many — This project is the result of a commission from film archives (black-and-white oblige) heightens in conversation with Patrice Joly Seine-Saint-Denis to put on an exhibition using their this impression. What place have you given video art collection. In response to it, I made them to movements closer to us, and to the media which a more intuitive counter-proposal working with correspond to them (films made with smartphones, militant forms, associated with the political and the presence of social networks, and so on)? social struggles of the 20th century, and seeking out, There was a relatively limited period between the both locally and elsewhere, not only films, but other end of the 1960s and the early 1980s when militant At the invitation of the Museum of Art and History in Saint-Denis, as part of the Chapelle Vidéo programme, works and documents, too. Needless to say, the cinema went through a collective phase which Guillaume Désanges has come up with a two-part exhibition titled “Ma’aminim”, whose second part, specific “93” context [93 being the number of the produced particularly powerful forms, both poetic “Or il fut un temps passé où le futur était present” [There was a past time where the future was present], Seine-Saint-Denis département] was inspiring. I was and political, and during which, as Patrick Leboutte has just been completed. Rather than confine himself to highlighting the rich collections of the departmental already acquainted with Seine-Saint-Denis by having has so rightly put it, “forms of struggles” are art fund, the curator has preferred to delve into the vast trove of works of all sorts contained in the worked there for several years, and I knew about inseparable from “struggles of forms”.1 It’s true oh-so-“red” territory of the suburbs adjacent to and ringing Paris, greatly marked by the social movements the existence, for example, of somewhat rare works that that fascinating period forms the core of the which have marked their history. The result is a proposal which gives pride of place to documents and films, of French social realism, which I’d found interesting. two shows, because of the content of the archives while at the same time making plenty of room for new forms of commitment and their artistic counterparts. Based on that, I started out “blindfold”, without I had at my disposal, and the difficulty, nowadays, The exhibition, offering visitors a chance to walk at their leisure inside a diverse range of forms and formats, any precise ideas about what I might find, or even of finding such an impassioned spirit at the questions the persistence and development of the aesthetics of the struggle, together with their relative look for, using institutional collections (the French crossroads of the political and aesthetic arenas. decline and their capacity for re-invention. There follows an interview with a curator who is wary of any Communist Party, the CGT trade union, the Museum Now I hope that it’s possible to look at those forms inclination to nostalgia, and who, on the contrary, prefers to grasp the future making of these forms from of Art and History, the Museum of Living History, without any nostalgia (that’s precisely what a decidedly critical and forward-looking angle. the “93” Departmental Archives, the CGT Institute I was keen to avoid), but rather in a critical and of Social History) but also private collections speculative way. Meaning, trying to see what has (the SLON/ISKRA fund created by Chris Marker become of those questions, and whether there’s and Inger Servolin) and lots of other sources which a way of rekindling them for today’s senses and enabled me to put together these two shows the way intelligence. The presence of Jean-Gabriel Périot, I wanted to. The idea was to feature the many a contemporary film-maker who refers to the form different interactions between industry, immigration, of “cinetracts” by updating them, a bit like social struggles, urban development, and the the Lebanese thinker Jafal Toufic saying that it’s post-colonial situation, in a kind of cyclical rhythm, important to revive the document itself, if it’s still shifting from idealistic outbursts to twilight moods. present, and the Getaway collective exploring certain blind spots of history and pronouncing that The cyclical character of the struggles you refer “other pasts are possible”, are all heading in this to in the introductory essay describes a recurrence direction, it seems to me. Rather than nostalgia, of social movements. Isn’t this time-frame in I won’t hide the fact that there’s a certain feeling the process of disappearing following the recent of bitterness, “dark” fever and ill omen that I’ve tried upsurge of neo-liberalism, the trade unions’ loss to portray in the second show in a metaphorical way, of influence, the decline of working-class culture, with the presence of Jean-Luc Moulène’s Soleil Noir, and people’s lack of interest in social conflicts, Marie Voignier’s tremendous swarms of migrating not to say their complete rejection of them? birds in Le bruit du canon, and the disquieting I think that the energies of the social struggle, which paintings of Toyen and Jean Amblard. may perhaps have become a little dulled at times, are still ready to be rekindled and reincarnated In the introductory essay for “Ma’aminin”, you say in new forms with every generation. I don’t think that social movements should be incarnated in that these particular forces just come to a standstill, an aesthetic, without which they end up orphaned Vue de l’exposition / View of the even if history has seen certain especially active and risk missing their target, and crumbling. In “Or exhibition : « Or il fut un temps où le passé était présent », and visible moments of collective action. We mustn’t il fut un temps passé où le futur était present”, the Chapelle Vidéo 2015, Saint-Denis, be nostalgic; rather, we must take a look at those exhibition comes across more like an unrestricted musée d’art et d’histoire. Photo : Christophe Delory. moments to detect further possibilities of revival. stroll through a selection of documents to be © Christophe Delory ; Département de Seine-Saint-Denis. What’s more, trade unions and political forces activated by yourself, rather than like a classic don’t have a monopoly on the struggle. This is why, show with a well marked out itinerary. This flexible in the exhibition, there are lots of objects hailing “à la carte”-like aspect refers to the smithereening from autonomous movements, which, at times, of “resistance” movements, and their extreme are not even directly political, from Kiki Picasso diversity. This said, this approach also pinpoints 1 “Formes de lutte et lutte de to the anti-globalists, by way of the Bérurier Noir the problem of an aesthetic unity: in the present formes – Pièges du formatage ou promesses de la forme?” / punk band. As such, there’s a resistance with state of the struggle it’s hard to see that unity Coordinators: Jean-Louis a capital R, not “resistance to”, but just resistance, which you reckon to be necessary for its Comolli, Patrick Leboutte, Marie-José Mondzain. period, intransitive and global, which dominates identification and, beyond that, its recognition. http://www.vacarme.org/IMG/ these exhibitions. A priority election of struggle The comparison with the film archives which are doc/Formes_de_lutte_et_lutte_ de_formes.doc rather than a selection of priority struggles. plentiful in the exhibition sheds light on this state 6 Interview Guillaume Désanges 4

of things. Can we talk in terms of a crisis betrayals, which has sometimes left a bitter taste. of representation? But there have been moments when political Political movements are incarnated in aesthetics radicalness is associated with a formal radicalness, which are different, even if there have in fact been in a shared intensity that’s bolstered both. moments of grace where, by being collective, action It has to be admitted, furthermore, that some and reflection have produced recognizable forms. contradictions are beautiful, dignified and fruitful, This is so, for example, with the films distributed whether they involve artists or activists. In the late by SLON/ISKRA, some of which, though made 1960s, in a very direct way, Jean-Luc Godard by different auteurs, make use of a common film expressed these dead ends and these contradictions, grammar, in an aesthetics of urgency and efficiency somewhere between the sublime and the ridiculous, akin to the magnificent “cinetracts”. This is also even before the Dziga Vertov group was created. the case with a certain type of montage, at once pop and violent, to be found in South America, with Is it the same type of contradictions that inform Fernando Solanas, but also in that rare film by João the career of a curator when he moves from Trevisan, on view in the exhibition, and rediscovered defending a militant, underground, popular by Catherine Roudé. So yes, it would seem that those scene to the programming of a space that’s very collective principles which saw a challenge both representative of the present-day ascendancy to aesthetics, means of production and methods of major brands in the contemporary art scene, of film distribution have all disappeared on that in this instance the Verrière Hermès in Brussels, scale. Crisis of representation… I’m not sure, but where you’re the curator? a smithereening, definitely. I like thinking about First of all, it’s different, because I don’t regard these the history of representing political struggles after exhibitions as resulting from a militant act, but from the 1960s in the form of “anabasis”, a kind of at times a curatorial horizon. What’s more, I see my different erratic comeback of a lost war front where different activities as complementary involvements within groups take diverging paths after the great contemporary art, which, if well negotiated, coming-together. This, incidentally, is a bit the thesis can nurture each other. Contexts of display which of Razmig Keucheyan’s book Hémisphère gauche,2 are albeit distant are not watertight. For example, which I found very interesting. In a curatorial sense, Nil Yalter, a feminist artist involved with political I’ve betted on an organic continuity of those and social as well as formal issues, who was there heterogeneous events in the reign of belief. What in the Seine-Saint-Denis shows, is being invited is shown is a family “put back together again”, for a solo show at La Verrière in autumn 2015. which displays tensions and traces a cognitive That venue enables me to offer artists means and affective nebula rather than an analytical and of production and longer working time-frames for aesthetic grid. As in any group show, for me there’s at times risky experiments which will subsequently a poetic and narrative order at work more than be able to exist in other contexts. Being in a position a discursive one, whence this idea of unrestricted to be involved on different scales, in different strolling, invisible links, and formal breaks. time-frames and different formats, and in different economic contexts, while at the same time trying In these two shows, haven’t you tried to rekindle to remain critically intense, demanding, and the political dimension within (contemporary) art? curatorially free, is a chance I’ve been offered. Isn’t invoking that past the best way of trying I even think that these challenges interested to re-inject politics into a scene which has been the Fondation Hermès when they contacted me. considerably abandoned by politics, at least A certain responsibility is implicit, and making sure in its most head-on forms? of the integrity of one’s curatorial project, but Yes, there’s a subliminal motivation behind this such demands always exist, for every project, be it programme: by summoning these militant forms, in public institutions, or private ones. trying to rekindle desires and passions for these issues within art. Because if most of the films and objects on view in the exhibition are not indebted to contemporary art, I’ve re-placed them within an art system, and it’s from that place that I observe them and re-show them. This is in order to touch all kinds of public, including the art public. I think that it’s my goal, as curator, to bring these forms of the past back to the surface, not in a morbid archaeological logic, but to see how they can once again act and create relations, and awaken consciousness and desire. This, in any event, is how they act on me. These days, people are very suspicious of “militant” art, because we’re acquainted with the contradictions, dead ends and 2 Hémisphère gauche. Une cartographie des shortcomings it’s given rise to in past generations. nouvelles pensées critiques, Somewhere between aesthetics and politics, there’s Paris, La Découverte, coll. Zones, 2010. a lengthy history of dashed hopes and mutual 6 reviews 6 6 reviews 7

La troisième édition de la triennale du New Museum, With a theme alluding to the progress of our « Surround Audience », invite cinquante-et-un Surround Audience Surround Audience civilization in relation to our natural environment, artistes originaires du monde entier à traiter de the second floor explores the impact of that deve- leur position dans la société et dans le monde, par Maria Nicolacopoulou by Maria Nicolacopoulou lopment on social and public space. Notable works dans ce qui est décrit comme un besoin urgent de here range from Frank Benson’s Juliana, as the ré-identification au cœur d’un environnement socio- Triennale du New Museum, New York, New Museum Triennial, New York, reconfiguration of a human form as a virtual metallic économique et politique en perpétuelle mutation. du 25 février au 24 mai 2015* from 25 February to 24 May 2015* hyperreal being, to Eduardo Navarro’s Timeless Alex De la poésie à la réalité virtuelle interactive en pas- tortoise costume and Central Park’s performance, sant par des performances à Central Park et ailleurs, dealing with the reconsideration of our contempo- la curatrice Lauren Cornell et l’artiste Ryan Trecartin rary digital pace. Daniel Steegmann Mangrane’s vir- ont tenté de réunir toutes les disciplines, tous les The New Museum’s third iteration of its Triennial, tual reality Phantom further enhances the theme by médiums et tous les types d’expérience visuelle et “Surround Audience,” invites fifty-one artists from offering an immersive experience in a Brazilian rain- interactive dans l’enceinte du musée et au-delà. around the world to discuss their position in society forest and completing the floor’s approach to the Dans une tentative de dépeindre des cadres and the world, as that is interpreted and repre- subjectivity of our existence. sociopolitiques spécifiques via une grande -diver sented via an urgent need to re-identify oneself By commenting on our relationship to mate- sité de pratiques, le cinquième étage du musée within a constantly changing socioeconomic and rial culture, the exhibition concludes on the first regroupe des témoignages en provenance d’Angola, political backdrop. From poetry and interactive floor with DIS’s Island installation and Lisa Holzer’s du Caire et d’Israël qui apportent un commentaire virtual reality to performances at Central Park and But yes, but yes! and Garage Picture where we find sur leurs conditions culturelles actuelles respectives. off-site travel, curator Lauren Cornell and artist Ryan materiality transgressing into live form, with a domi- Rusty Mirage (The City Skyline) de Kiluanji Kia Henda Trecartin have attempted to incorporate all disci- nating presence, alluding to the underlying power fait en cela forte impression : ses photographies en plines, mediums and genres of visual and interactive struggle of consumerist culture. noir et blanc figurent des installations géométriques experience within the boundaries of the museum Despite the all-encompassing generational and vides qui dessinent les contours de gratte-ciel dans and beyond. geographical spread of the selected artists, and les déserts de Jordanie et des Émirats arabes unis. With an attempt to portray local sociopoliti- the comprehensive analysis of its target issues, Ces formes modernistes creuses témoignent d’une cal settings, through the use and manipulation of “Surround Audience” falls victim to the contagious désillusion face à la croissance économique rapide diverse mediums and materials, the fifth floor of one-dimensional condition of the western perspec- entraînée par les investisseurs étrangers à Luanda the museum encompasses testimonies from Angola, tive’s tendency to exhibit other cultures. With the et dans d’autres villes au développement similaire, and Israel, as commentaries on the specifi- ongoing debate on the fundamentals concerning tout en créant des parallèles avec la tradition locale city of their ongoing cultural conditions. Special the display of foreign cultures, justifying criteria and des « sona », ces dessins tracés à même le sable, impact is made by Kiluanji Kia Henda’s Rusty Mirage non-western diversity in curatorial approaches, on conférant à l’œuvre une allure plutôt poétique. Frank Benson, Juliana, 2015. (The City Skyline) where in black and white photo- the specific elements that define the cultural iden- Le quatrième étage, qui est une réussite cura- Painted Accura® Xtreme Plastic rapid prototype, 137,2 × 122 × 61 cm. Courtesy Frank Benson ; graphs, empty geometrical installations are installed tities and historicity of each location beyond the Sadie Coles, London; Andrew Kreps Gallery, New York. 2015 TRIENNIAL : “Surround Audience”. toriale, développe un peu plus ce même thème en Courtesy New Museum, New York. Photo: Benoit Pailley. in the desert of Jordan and the UAE, as outlines of apparent ongoing condition, are essential in the présentant des œuvres qui semblent dialoguer les skyscrapers. These hollow modernist shapes testify introduction and representation of sensitive sub- unes avec les autres autour de la question de la to the disillusionment of neoliberalism’s rapid eco- ject-matter elsewhere. We are therefore left to recherche de l’identité personnelle dans la struc- nomic growth by foreign investors, in Luanda and ponder on whose perspective “Surround Audience” ture mondialisée du développement technologique other similar developing cities, while creating is based anyway… et socio-économique. Les meilleurs exemples en parallels with the local tradition of sand designs, sont peut-être les broderies de Verena Dengler known as “sona,” bestowing on the work a poetic * Partially on view through 06/07/15. (Sponsors, Untitled et Performance Proletarians) allure. dans lesquelles l’artisanat traditionnel rencontre la The fourth floor, which also serves as a curato- culture contemporaine en un commentaire de l’im- rial success, further elaborates on that theme by pact du progrès technologique sur la civilisation. presenting works in a conversation surrounding La vidéo d’Oliver Laric suit sensiblement la même the search of one’s identity within the global struc- ligne, son usage de séquences animées soulignant (Juliana), reconfiguration d’une forme humaine en ture of technological and socioeconomic deve- cet effet via les mutations infligées à ses person- un être de métal virtuel hyperréaliste ; d’Eduardo lopment. Notable examples are Verena Dengler’s nages. Quant aux subtiles structures géométriques Navarro (Timeless Alex), dont la performance à embroidered Sponsors, Untitled and Performance de José León Cerrillo qui parsèment l’espace, elles Central Park et le costume de tortue demandent Proletarians where traditional craft meets contem- créent l’impression d’une immersion et d’une explo- avec humour la reconsidération de la vitesse dans porary culture to comment on the degree of impact ration réellement incarnée, changeant la dimension notre monde numérique contemporain ; et de that technological progress has on civilization. The conceptuelle en une expérience intime. Daniel Steegmann Mangrane, dont le Phantom en same line is followed by Oliver Laric’s Untitled video, À la différence de l’étage précédent, le troisième réalité virtuelle offre une expérience immersive where animated clips are used to underline that propose une concentration d’installations d’enver- dans la forêt tropicale brésilienne et rehausse l’ap- effect, via the mutation of its characters. Also cha- gure qui résulte, pour le visiteur, en l’expérience proche de la question de la subjectivité mise en racteristic are Jose Leon Cerrillo’s seamlessly subtle d’un espace bruyant mais à la tonalité plus sim- œuvre à cet étage. geometric structures, found throughout the space, pliste. Ressemblant plus à une galerie marchande Puis l’exposition aboutit, au premier étage, à un which create a sense of immersion and embodied qu’à une galerie d’exposition du fait de l’absence de commentaire de notre relation à la culture maté- personal exploration of the prevailing theme, tieing thème fédérateur et d’un manque cruel de dialogue rielle avec l’Island de DIS et les pièces de Lisa Holzer the conceptual to an intimate experience. entre les œuvres, il entraîne ces dernières dans une (But yes, but yes! et Garage Picture) dans lesquelles Unlike the fourth floor, the third floor’s busy lutte pour être correctement perçues au milieu de la matérialité se mue en forme vivante dont l’impo- concentration of large-scale installations leads la cacophonie visuelle et sonore. Untitled, la vidéo sante présence fait allusion aux luttes de pouvoir to a disambiguous result and a noisy experience. de Shadi Habib Allah — absolument sans rapport sous-jacentes dans la culture consumériste. Alluding more to an arcade than a gallery, in combi- avec les œuvres avoisinantes — se présente comme Malgré une sélection d’artistes de tous horizons nation with the absence of a prevailing theme, the l’étude d’une culture marginalisée et le témoignage géographiques et générationnels et une analyse lack of dialogue here forces the works to struggle des forces de la globalisation à l’œuvre dans une relativement complète de ses questionnements- for an orderly arrangement amongst things that are réalité toute autre que celle que nous avons ten- clés, « Surround Audience » est victime de la tendance disconnected. Shadi Habib Allah’s Untitled video, dance à fantasmer au sujet de la vie des Bédouins contagieuse de l’Occident à exposer les autres disconnected from the surrounding works, stands out d’Égypte. L’artiste s’est infiltré clandestinement cultures de manière unidimensionnelle. Dans le as a study of a marginalized culture and a testimony Shadi Habib Allah, Untitled, 2015. Vidéo, 18’42. Courtesy Shadi Habib Allah. dans leur communauté pendant de longs mois au débat actuel sur les conditions de monstration des to the forces of globalization. The 18min video por- Réalisée avec le soutien de / Co-commissioned with support from the A.M. Qattan Foundation, Ramallah, Palestine ; Barjeel Art Foundation, Sharjah, UAE ; Green Art Gallery, Dubai ; risque de sa vie, et en a retiré un récit poignant de la cultures étrangères, il est essentiel de justifier de cri- trays the raw reality behind the otherwise romanti- New Museum, New York. terrible situation d’un symbole culturel, sans en tirer tères de diversité non-occidentale dans l’approche cized lives of the Bedouins in Egypt, as documented aucune déduction anthropologique, comme seul un curatoriale qui définissent les identités culturelles et under unorthodox circumstances. With the artist artiste pouvait le faire. l’historicité des lieux par-delà l’apparente continuité, having been smuggled into their community for S’attachant au thème du progrès dans notre civi- pour introduire et représenter des sujets sensibles prolonged periods of time and putting his life at risk, lisation en relation à la nature et à l’environnement, à l’extérieur. Il ne nous reste plus qu’à déterminer we stand witness to a visceral account of the dire le deuxième étage explore l’impact de ce dévelop- dans quelle perspective se place cette exposition… sociopolitical circumstances of a culture-symbol, as pement sur l’espace social et public. Les œuvres les that could only be achieved via an artistic viewpoint, plus remarquables sont alors celles de Frank Benson * Partiellement visible jusqu’au 6 juillet. free from anthropological inferences. 6 reviews 8 6 reviews 9

« Certaines personnes déclarent qu’un(e) artiste devrait être capable d’exprimer son moi intérieur, Mariana Castillo Deball mais je crois plutôt que le véritable talent c’est d’être capable de prendre une position de retrait Parergon et laisser la main, la pierre, le glacier ou le crayon raconter leurs propres histoires1. » par Gauthier Lesturgie

Nous sommes dans un premier temps confus Hamburger Bahnhof, Berlin, du 20 septembre 2014 er lorsque nous déambulons dans le large hall de la au 1 mars 2015 Hamburger Bahnhof où se présente « Parergon », exposition de Mariana Castillo Deball. Face à nous, une collection d’objets bien trop hétéroclite pour nous permettre d’identifier le pourquoi de cette réu- nion. Ainsi, une peinture ottomane du XIXe siècle fait face à un masque mortuaire tandis qu’un fauteuil roulant dialogue avec une sculpture moderniste en bronze. Un expert peut néanmoins reconnaître certaines pièces fameuses des collections berlinoises, notamment la Stehendes Mädchen [fille debout] d’Otto Baum ou une reproduction fantomatique de la façade du palais de Mshatta conservée au Pergamonmuseum. Finalement, tous les objets réunis ou produits par Mariana Castillo Deball pro- viennent ou font référence à des institutions de la capitale allemande ; le contexte de l’exposition elle- même nous permet de comprendre ce choix : en 2013, l’artiste mexicaine aujourd’hui basée à Berlin remportait l’important « Preis der Nationalgalerie » qui lui permettait la création d’une exposition dans l’un des musées nationaux de la ville ainsi qu’une publication monographique2. L’artiste, qui déclare préférer les réserves des musées aux musées eux-mêmes, refuse alors de se concentrer sur une institution et d’utiliser le budget qui lui est alloué pour produire de nouvelles œuvres Ethos und Pathos, Die Berliner Bildhauerschule 1786 – 1914, exhibition opening at Hamburger Bahnhof, Mariana Castillo Deball, Parergon. qui seront ensuite injectées dans les circuits du 1990. Photo : Ingeborg Lommatzsch © Landesarchiv Berlin, F Rep. 290, 316540 Vue de l’exposition / Installation view Hamburger Bahnhof – Museum für Gegenwart – Berlin. marché. En un geste radical, elle adopte une posi- Photo : Thomas Bruns tion plus effacée, se plaçant comme co-auteure des objets qu’elle va sélectionner dans les différentes collections, construisant ainsi un reflet fragmenté de ces institutions. En 1904, l’Empire allemand débuta la construction Les interventions discursives de l’artiste ne sont Sa présence est d’abord difficile à identifier dans de la ligne de chemin de fer de Bagdad dans le but rendues possibles que par le déplacement des l’espace, entre les emprunts d’œuvres, les copies de connecter directement Berlin à l’Empire otto- objets hors de leur contexte, à savoir leur localisation qu’elle en a produites ou les créations plus « fantai- man, des relations qu’incarne le rideau flottant en dans les collections : rassemblés dans le quasi-white sistes », mais surgit finalement dans ce qui constitue travers de l’exposition qui reproduit les motifs de la cube de la Hamburger Bahnhof, ils deviennent des habituellement les « à-côtés » d’une exposition (si façade sud du palais de Mshatta. Décomposée en « coquilles » à investir. Ces récits attachés aux objets bien que l’on peut absolument passer à côté) c’est- quatre cent cinquante-neuf morceaux, la muraille participent à la mémoire que l’on en a, ils en sont à-dire l’appareil de médiation que forment le jour- fut un « cadeau » d’Abdul Hamid II, sultan de l’Empire à la fois des traces instables et tenaces. Mariana nal de l’exposition et l’audioguide. Mariana Castillo ottoman, au Kaiser Wilhelm II pour la construction Castillo Deball a continuellement porté son inté- Deball met en scène l’exposition dans sa totalité : de la ligne de chemin de fer du Hedjaz, détour- rêt sur la mémoire des objets ce qui l’a menée, les objets présentés mais aussi le paratexte par le d’abord une gare mais se trouva rapidement limi- nant ainsi le décret de 1884 qui assurait le droit à la dans une démarche inévitablement matérialiste, déplacement de ces derniers. C’est précisément ici tée tout en ne pouvant supporter l’agrandissement propriété pour l’Empire ottoman de toutes les anti- vers l’archéologie. Elle en emprunte les méthodes le lieu du parergon, terme grec ancien qui peut dési- des voies de chemin de fer, elle devint alors, en quités découvertes sur son territoire. Cet accord fut et une approche objectale du monde et donc de gner un « supplément », quelque chose de secon- 1906, le musée royal du transport et de la construc- notamment défendu par le peintre et administrateur la construction historique, tout en se libérant de daire à un objet3. Habituellement un « à-côté », ce tion. Fortement endommagé en 1944, le musée Osmân Hamdi Bey dont l’un des tableaux — Marchand l’objectivité que requiert la pratique. Ainsi, la pré- complément est ici le geste même de l’artiste qui restera clos pendant près de quarante ans. Il fallut de tapis persan dans la rue (1888) — acquis par l’Em- sence dans « Parergon » de la sculpture d’Otto Baum, prend le discours comme unique stratégie. attendre 1996 pour que la Hamburger Bahnhof soit pire allemand sans doute pour le flatter et obtenir Stehendes Mädchen (1930), disparue à la suite de 5 Jean-Marc Poinsot, Quand 4 l’œuvre a lieu : L’art exposé Le texte écrit ou lu (l’audioguide) (dé-)place les réhabilitée en musée d’art contemporain, caractéri- quelques dérogations au décret, se trouve égale- sa présentation dans des expositions « d’art dégé- et ses récits autorisés (1999), Dijon, différents objets comme supports tangibles, voire sant ainsi par sa biographie la « ruine moderne » par ment au début de l’exposition. néré » sous le régime nazi, puis retrouvée au hasard Les presses du réel, coll. protagonistes, de nombreuses histoires qui nous excellence. C’est ici en partie l’une des histoires que raconte d’un chantier de fouilles archéologiques en 2010, et « Genève : Musée d’art moderne mènent des « captures » de vestiges archéologiques Ces métamorphoses sont particulièrement Mariana Castillo Deball via ses objets-personnages. du masque mortuaire controversé du peintre juif et contemporain », 2008. e 6 « Les récits autorisés sont à la fin du XIX siècle à la redécouverte de la sculp- révélatrices des différents statuts qu’ont pris les Usant du storytelling, elle produit une version aug- allemand Max Liebermann conçu par Arno Breker, seconds en ce sens qu’ils ture d’Otto Baum en 2010. objets accueillis par le bâtiment. Des panneaux en mentée et manipulée de ce que Jean-Marc Poinsot sculpteur favori du iiie Reich, révèle les stigmates apparaissent après l’œuvre Tous ces éléments, à commencer par la bois indiquant les horaires des trains présents dans nomme les « récits autorisés5 », désignant par-là des d’une histoire récente particulièrement complexe ou dans sa dépendance lors de sa présentation ou de sa Hamburger Bahnhof elle-même, représentent ce l’exposition nous ramènent à sa fonction première 1 « Artist’s Favourites constructions discursives attachées aux œuvres dont certains artefacts ont été omis ou, au contraire, représentation […]. Ils ne sont ni que l’artiste nomme des « objets inconfortables » tandis que des roues de locomotives, d’anciens by Mariana Castillo Deball », mais qui n’en font toutefois pas intrinsèquement dans laquelle ils ont été mis au service des idéolo- œuvres ni discours indépendants qui n’ont pas accompli leur « destinée » : dépla- mobiliers d’exposition et autres vestiges des tech- Spike, Octobre 2014. partie, à l’image des titres, signatures, dates, cer- gies au pouvoir. mais récits institutionnels cés, détruits, effacés, volés ou redécouverts, subis- nologies industrielles devenus objets de collection 2 Mariana Castillo Deball, tificats, attestations, descriptifs, notices, légendes, En faisant parler les objets, Marianna Castillo systématiquement associés Parergon, Cologne, Walther à la production des évènements sant des changements de statut en fonction des par leur obsolescence évoquent le musée des trans- König, 2015, textes de Kirsty Bell, déclarations, descriptions, commentaires oraux, Deball échafaude un subtil métalangage par lequel et prestations artistiques au rang personnes qui les manipulent. Immobiles par leur ports. Ces vies inconstantes des objets sont révé- Mariana Castillo Deball, etc.6 Ces derniers constituent ici les parergon et le les récits attachés à cette collection révèlent une desquels les expositions jouent condition formelle et pourtant paradoxalement latrices de nos propres comportements, de ce que Dario Gamboni lieu de l’expression de l’artiste par un retournement nouvelle fois le pouvoir discursif du contexte de le plus grand rôle ». Jean-Marc et Mélanie Roumiguière. Poinsot, op.cit., p. 144. instables. l’on désire, produit, conserve et détruit. 3 Voir Jacques Derrida, de paradigme vis-à-vis de l’œuvre analogue à celui conservation et donc des institutions muséales. 7 Sergei Tret’iakov, « The Face à la profusion des histoires révélées dans L’histoire de la Hamburger Bahnhof ainsi racon- « Parergon », in La vérité en préconisé par Sergei Tret’iakov dans son essai de 1929 L’artiste, à la manière des objets-personnages mis Biography of the Object » (1929), « Parergon », la Hamburger Bahnhof, simultanément tée produit des résonances avec les autres pièces peinture, Paris, Flammarion, 1978. intitulé « la biographie de l’objet » : « Ainsi, ce n’est en scène dans sa « pièce », disparaît à son tour pour October n°118, automne 2006, personnage, lieu et décor de ces narrations, incarne un présentes dans « Parergon », les gares ayant en effet 4 Le journal de l’exposition pas l’individu qui se déplace à travers un système choisir le rôle d’artiste-mythologue. « Le mécano, p. 57-62. est le second numéro de la revue 8 Roland Barthes, Mythologies, exemple hautement symbolique pour comprendre joué un rôle fondamental dans la découverte, la fondée par l’artiste, Ixiptla : constitué d’objets mais plutôt l’objet qui évolue à l’ingénieur, l’usager même parlent l’objet ; le mytho- Paris, Le Seuil, coll. les opérations de l’artiste. Construite en 1847, elle fut prise et le rapatriement de vestiges archéologiques. Journal of Art and Anthropology. travers un système constitué d’individus7 ». logue, lui, est condamné au métalangage8. » « Points-Essais », 1957, p. 271. 7 reviews 0 7 reviews 1

This complement, which is usually an “aside” or This is, in part, one of the stories told by Mariana 4 The exhibition journal is the “secondary feature”, is here the very gesture of the Castillo Deball by way of her character-objects. second issue of the review founded by the artist, Ixiptla: Journal of Art artist, who takes discourse as the sole strategy. Using storytelling, she produces an augmented and and Anthropology. The text, be it written4 or read (the audioguide) manipulated version of what Jean-Marc Poinsot 5 Jean-Marc Poinsot, Quand (dis-)places the different objects like tangible calls the “authorized narratives”,5 thereby describing l’œuvre a lieu : L’art exposé et ses récits autorisés (1999), media, not to say protagonists, of numerous stories discursive constructions attached to the works but Dijon, Les presses du réel, coll. which take us from the “captures” of archaeological which, for all that, are not an intrinsic part of them, “Genève: Musée d’art moderne vestiges at the end of the 19th century to the redis- like titles, signatures, dates, certificates, attestations, et contemporain”, 2008. covery of Otto Baum’s sculpture in 2010. notices, captions, declarations, descriptions, oral 6 “The authorized narratives are 6 second insomuch as they appear All these elements, starting with the Hamburger comments, etc. Here, these latter are the parergon after the work, or are dependent Bahnhof itself, represent what the artist calls and the artist’s place of expression through a para- upon it during its presentation “uncomfortable objects”, which have not accom- digm reversal in relation to the work similar to that or representation […]. They are neither independent works plished their “destiny”: displaced, destroyed, erased, advocated by Sergei Tret’iakov in his 1929 essay nor discourses, but institutional stolen or rediscovered, undergoing switches in titled The Biography of the Object: “So it is not the narratives systematically status in relation to the people handling them. individual who moves through a system formed by associated with the production Immobile because of their formal condition, and yet objects but rather the object which evolves through of artistic events and services, 7 among which exhibitions play the paradoxically unstable. a system formed by individuals.” leading role”. Jean-Marc Poinsot, In the face of the profusion of stories revealed in The artist’s discursive interventions are only op.cit., p. 144. “Parergon”, the Hamburger Bahnhof, which is simul- made possible by the shift of objects beyond 7 Sergei Tret’iakov, “The Biography of the Object” taneously the character, place and set of these nar- their context, namely their location in collections: (1929), October n°118, autumn 2006, ratives, incarnates a highly symbolic example for brought together in the quasi-white cube of the p. 57-62. understanding the artist’s operations. Built in 1847, Hamburger Bahnhof, they become “shells” to 8 Roland Barthes, “Necessity it was at first a railway station, but was in no time occupy. These narratives attached to objects are and limits of mythology”, in Mythologies (1957), translated limited, while at the same time unable to deal with part of the memory we have of them, they are by Annette Lavers, 1972, New York, the enlargement of railway tracks. In 1906, it then at once unstable and stubborn traces of them. Hill and Wang, p. 158. became the royal museum of transport and con- Mariana Castillo Deball has continually shown an struction. Severely damaged in 1944, the museum interest in the memory of objects, which has led would remain closed for almost 40 years. It was not her, in an inevitably materialist approach, towards until 1996 that the Hamburger Bahnhof was rehabil- archaeology. From it she borrows its methods and itated as a museum of contemporary art, thus hall- an object approach to the world, and thus to his- marking, through its very biography, the archetypal torical construction, while freeing herself from “modern ruin”. the objectivity called for by this practice. So the In particular, these metamorphoses reveal the presence in “Parergon” of Otto Baum’s sculpture different statuses assumed by the objects housed Stehendes Mädchen (1930), which vanished after by the building. Wooden panels showing train its presentation in exhibitions of “degenerate art” timetables, which are part of the show, take us to during the Nazi regime, and was then rediscovered its primary function, while locomotive wheels, old quite by chance during archaeological excavations exhibition furniture and other vestiges of indus- in 2010, and of the disputed death mask of the trial technologies, which have now become collec- German Jewish painter Max Liebermann, made by Mariana Castillo Deball, Parergon. tors’ items because of their obsolescence, evoke Arno Breker, a favourite sculptor of the Third Reich, Vue de l’exposition / Installation view Hamburger Bahnhof – Museum für Gegenwart – Berlin. Photo : Thomas Bruns the museum of transport. These unsettled lives of reveals the stigmata of a particularly complex recent objects reveal our own patterns of behaviour, what history from which certain artefacts have been we desire, produce, conserve and destroy. The his- omitted or, conversely, in which they have been put tory of the Hamburger Bahnhof, thus told, pro- to use by the ideologies in power. duces reverberations with the other pieces present in “Parergon”, railway stations having in fact played By getting objects to talk, Mariana Castillo Deball produced by Mariana Castillo Deball come from or 1 “Artist’s Favourites a basic part in the discovery, possession and repa- devises a subtle metalanguage through which the Mariana Castillo Deball make reference to institutions in the German capital; by Mariana Castillo Deball”, triation of archaeological vestiges. In 1904, the narratives attached to this collection reveal once Spike, October 2014. Parergon the context of the exhibition itself helps us to 2 Mariana Castillo Deball, German Empire embarked on the construction of again the discursive power of the context of con- understand this choice: in 2013, the Mexican artist, Parergon, Cologne, Walther the Baghdad railway line, with the aim of directly servation and thus of museums. Like the charac- currently based in Berlin, won the important ‘Preis König, 2015, essays by Kirsty Bell, connecting Berlin to the Ottoman Empire, relations ter-objects displayed in her “piece”, the artist in by Gauthier Lesturgie Mariana Castillo Deball, der Nationalgalerie’, which enabled her to create an Dario Gamboni incarnated by the curtain floating across the exhi- her turn disappears and chooses the role of artist- exhibition in one of the city’s national museums, as and Mélanie Roumiguière. bition, which reproduces the motifs of the south cum-mythologist. “The mechanic, the engineer, Hamburger Bahnhof, Berlin, from 20 September well as produce a monographic publication.2 3 See Jacques Derrida, façade of Mshatta Palace. Broken down into 459 even the user “speak the object”; but the mytholo- 2014 to 1st March 2015 The artist, who declares a preference for “Parergon”, in La vérité en pieces, the wall was a “gift” from Abdul Hamid II, gist is condemned to metalanguage.”8 The mecha­ peinture, Paris, Flammarion, 1978. museum reserves rather than museums themselves, sultan of the Ottoman Empire, to Kaiser Wilhelm nic, the engineer, even the user, ‘speak the object’; thus refuses to concentrate on any one institution, II, for the construction of the Hedjaz railway line, but the mythologist is condemned to metalanguage. or use the budget earmarked for her to produce new thus misappropriating the decree of 1884 which “Some people say that an artist should be capable works which will then be introduced into market guaranteed the title of ownership for the Ottoman of expressing his or her inner self, but I tend to think circuits. In a radical gesture, she adopts a more Empire of all the antiquities discovered in its that real talent involves being capable of taking a self-effacing stance, setting herself up as the co- territory. That agreement was defended, in particu- back seat and letting the hand, stone, glacier and author of objects that she will select in the various lar, by the painter and administrator Osman Hamdi pencil tell their own stories.” 1 collections, thus constructing a fragmented reflec- Bey, one of whose pictures—Persian Rug Merchant tion of these institutions. in the Street (1888)—acquired by the German Empire Initially, we are confused when we stroll around At first, her presence is hard to identify in the probably to flatter him and obtain certain dispen- in the large hall of the Hamburger Bahnhof where venue, between the borrowed works, the cop- sations from the decree, is also to be found at the Mariana Castillo Deball’s exhibition “Parergon” is on ies she has made of them, and the more “fanciful” beginning of the exhibition. view. Facing us is a collection of objects that is far works, but in the end it emerges in what usually too eclectic to enable us to identify the whys and represents the “asides” of an exhibition (so much wherefores of this assemblage. So a 19th century so that we can walk right past it), which is to say Ottoman painting faces a death mask, while a the mediation apparatus formed by the exhibition wheelchair chats with a modernist bronze sculpture. journal and the audioguide. Mariana Castillo Deball An expert may nevertheless recognize certain stages the exhibition in its entirety: the objects famous pieces from Berlin collections. In particu- on view, as well as the paratext, through the dis- lar Otto Baum’s Stehendes Mädchen [Standing Girl], placement of these latter. It is precisely right here, and a ghostlike reproduction of the façade of the the place of the parergon, an ancient Greek term Mshatta Palace held in the city’s Pergamon Museum. meaning a “supplement”, or something secondary In the end, all the objects brought together or to an object.3 7 reviews 2 7 reviews 3

Le 10 avril dernier avait lieu à la librairie Pro qm à Artists’ obvious interest in literature, over, let’s 1 Brian Dillon, “The exhaustion of Berlin la présentation d’Artist Novels, ouvrage réa- The Book Lovers The Book Lovers say, the past two decades, somewhat calls to mind Literature”, Mousse n°47, p. 38 ff. lisé par le duo The Book Lovers formé par l’artiste the porousness between literature and modern art 2 Idem. David Maroto et la curatrice Joanna Zielińska, s’in- Artist Novels Artist Novels in the time of Dada and the avant-gardes, making téressant, comme son titre l’indique, aux « romans » all due allowances, because, nowadays, forms of écrits par des artistes. La discussion s’est rapide- par Patrice Joly by Patrice Joly porousness have been integrated, and “media”, or ment engagée sur les problèmes de définition (d’un rather praxes, have been expanded. Modern art roman, d’une nouvelle, d’un artiste) et de délimita- postulated a convergence of form, postmodernity tion de territoires afin de circonscrire plus précisé- a co-existence of forms. These days, the book, the ment l’objet de l’investigation, entre art et littérature, On the 10th of April last, the Pro qm bookshop in text itself, but the paratext, too, are all sources of avant d’aborder l’essence de leur démarche. Il était Berlin presented Artist Novels, a book concerned inspiration for plastic and visual artists who appro- avant tout primordial pour le duo de marquer l’éloi- with “novels” written by artists, as its title suggests, priate them in a thoroughly unfettered way, with a gnement de l’artist novel d’avec la pratique de la produced by the twosome known as The Book kind of brilliant disrespect. Thoughts stray to Daniel poésie, cette dernière ne les « intéressant » pas, sa Lovers, made up of the artist David Maroto and the Gustav Cramer’s re-writing of Moby Dick in one « rencontre avec le champ de l’art » ayant déjà fait curator Joanna Zielińska. It immediately gave rise continuous block, and Thu van Tran’s new transla- l’objet d’innombrables commentaires et de déve- to discussion about definition issues (how to define tion of The Heart of Darkness, produced with just loppements en tous genres relevant d’une histoire, a novel, a novella, an artist) and the demarcation her spontaneous skills together with the help of a très fournie, qui part de Dada et des Surréalistes of territories aimed at more precisely defining the simple dictionnary. This straightforward relation to pour aboutir à la poésie sonore. Comme le rap- object of investigation, somewhere between art literature makes it a decisive evolutionary factor: pellent les deux auteurs, la poésie est traditionnelle- and literature, before broaching the quintessence what is more, the considerable growth of publi- ment perçue comme un art compatible avec les arts of their approach. Above all else, it was crucial for shing activity in recent years within the contempo- plastiques, en particulier la peinture — qui, pour cer- the twosome to mark the artist novel’s distance rary art arena (due to the post-conceptual refusal tains, représente son équivalent plastique — tandis from the praxis of poetry: they have no “interest” in of an excess of visibility, and the incredible accele- que la littérature est généralement considérée this latter, because its “encounter with the field of ration of the circulation of documents1) has created comme étant insoluble dans l’art : le duo se pro- art” has already been dealt with by countless com- an extraordinary variety of media ranging from the pose donc d’analyser mais aussi d’accompagner mentaries and all manner of development stem- press release to artwork captions, by way of catalo- l’émergence d’une nouvelle pratique, d’en relever ming from a very well-stocked history that begins gues, tracts and posters: a mix of forms and formats l’importance tant pour le renouvellement de l’écri- with Dada and the Surrealists, and culminates with which has a certain effect on writing. ture romanesque que pour l’enrichissement de l’art sound poetry. As we are reminded by the two But this is not enough to create a new medium: contemporain et n’hésite pas à parler de nouveau authors, poetry is traditionally perceived as an art we’re still talking here of formal “surface” issues. médium. that is compatible with the visual arts, and with Even though contemporary art excels in jostling Artist Novels est un ouvrage pour le moins painting in particular—which, for some, represents conventions and permanently de-constructing baroque qui réunit des extraits de romans d’ar- its plastic equivalent—, whereas literature is gene- established forms of articulation,2 the establish- tistes mais aussi des entretiens avec des roman- porosités ont été intégrées et que les « médiums », rally regarded as being insoluble in art: so they pro- ment of a new medium would possibly consist ciers — comme Tom McCarthy —, des essayistes, ou plutôt les pratiques, ont été élargi(e)s. L’art pose to both analyze and also work hand-in-hand in going beyond the fact of literature’s annexation ainsi qu’une bibliographie qui tente de recenser la moderne postulait une convergence de la forme, with the emergence of a new praxis, and record its by contemporary art, and the fact of the invasion masse des écrits littéraires produits par les artistes. la postmodernité une cohabitation des formes. significance both for the renewal of novelistic/fic- of exogenous motifs within narrative processes, and Si les préambules sont nombreux, c’est en par- Aujourd’hui, le livre, le texte lui-même, mais aussi tional writing and for the enrichment of contempo- would definitely call for an in-depth revision of the tie parce que la position des auteurs ne va pas de le paratexte, sont sources d’inspiration pour les rary art—and to this end they unhesitatingly talk in language of writing itself, together with its narrative soi : à bien des égards, cette dernière pose des pro- plasticiens qui s’en emparent de manière totale- terms of a new medium. challenges, and its fictional and participatory strate- blèmes de fond comme, par exemple, l’idée d’assis- ment débridée dans une espèce d’irrespect génial. Artist Novels is a book which is, to say the least, gies, along with its “plasticity”, which would involve ter à la naissance d’un nouveau médium. N’est-ce L’on pense à la réécriture de Moby Dick par Daniel baroque, bringing together excerpts from novels an indisputable swing towards a new paradigm: an pas aller un peu vite en besogne ? Car, en l’état, le Gustav Cramer en un bloc continu ou encore à la by artists as well as interviews with novelists—like artist’s literature, which we are only looking at the nouveau médium n’a de réalité qu’à travers l’iden- nouvelle traduction d’Au cœur des ténèbres par Thu Tom McCarthy—and essayists, plus a bibliography beginnings of. tification d’une nouvelle « classe » de référence, van Tran réalisée avec ses seules capacités de tra- which attempts to list the raft of literary writings celle des artistes… La réponse des Book Lovers est ductrice spontanée. Ce rapport décomplexé à la lit- produced by artists. There are numerous preambles, Artist Novels, The Book Lovers Publication, ed. David Marotto and Joanna Zielińska, texts by Roland Barthes, Liam Gillick, de dire que le renouveau apporté par les artistes térature en fait un facteur décisif d’évolution ; par in part because the authors’ position is not alto- Kenneth Goldsmith, Tom McCarthy, Ingo Niermann, Seth Price, justifie une pareille attribution, leur rapport à la lit- ailleurs la considérable croissance de la production gether self-explanatory: in many respects, their Seth Siegelaub, et al.; excerpts from artist novels by Guy de Cointet, térature n’étant pas le produit d’une tradition qui les éditoriale ces dernières années au sein du champ stance raises basic problems such as, for example, Henry Joseph Darger, Yayoi Kusama, Jill Magid, et al., Sternberg Press, 2015, copublished with Cricoteka on the occasion empêche d’en renouveler les codes mais dérivant de de l’art contemporain (due au refus post-conceptuel the idea of witnessing the birth of a new medium. of the exhibition “Reads Like A Book: The Book Lovers Project,” leur expérience à l’intérieur du champ de l’art, ce qui d’un excès de visibilité et à l’accélération inouïe de Isn’t this jumping the gun a bit? Because, where January 23–March 15, 2015. leur permet de revivifier la littérature. Il est commun la circulation des documents1) a créé une extraor- things stand, the new medium only has any reality de dire que c’est ainsi que les pratiques artistiques dinaire variété de supports allant du communiqué through the identification of a new “class” of refe- « progressent » en s’enrichissant mutuellement de de presse à la légende des œuvres, en passant par rence, the class of artists… The answer provided by nouveaux apports : le meilleur exemple n’est-il pas les catalogues, les tracts et les affiches : un brassage The Book Lovers is to say that the renewal brought celui du cinéma qui a toujours su intégrer les ruptures de formes et de formats qui n’est pas sans effet sur about by artists justifies this kind of attribution, en provenance de ces arts dits plastiques et inver- l’écriture. because their relation to literature is not the pro- sement ? L’idée d’un nouveau médium — équivalent Mais cela ne suffit pas à créer un nouveau duct of a tradition preventing them from renewing pour le cinéma et l’art à celui que cherchent à pro- médium : nous restons dans des problématiques its codes, but deriving from their own experience mouvoir Maroto et Zielińska pour l’art et la littéra- formelles, « de surface ». Quand bien même l’art within the art arena, which enables them to revi- ture — ne s’est pourtant pas imposée : le cinéma contemporain excellerait à bousculer les conven- talize literature. It is often said that this is how art indépendant et / ou d’auteur est le produit d’une tions et à déconstruire en permanence les arti- praxes “progress”, by mutually enriching each other mutation qui s’est opérée à l’intérieur du médium culations établies2, l’établissement d’un nouveau with new input: isn’t the best example of this the cinéma, grâce aux apports extérieurs qui ont été médium consisterait peut-être à dépasser le constat cinema, which has always managed to incorporate intégrés. Le seul vrai nouveau médium qui bous- de l’annexion de la littérature par l’art contempo- breaks resulting from these so-called plastic arts, cule totalement les codes et les conventions du rain ou celui de l’invasion de motifs exogènes à and vice versa? However, the idea of a such a new cinéma est… la vidéo. Mais la vidéo correspond à l’intérieur des processus de narration et nécessi- medium never really emerged: independent and/or l’émergence d’une nouvelle technologie qui a déve- terait certainement de remanier en profondeur le auteur films are the product of a change which has loppé sa propre autonomie à l’intérieur du champ langage lui-même, les enjeux narratifs, les straté- taken place within the film medium, due to input de l’art avant d’être elle-même phagocytée par l’art gies fictionnelles ou participatives de l’écriture et from outside that has been incorporated. The only contemporain. Ici, il n’est pas question d’apparition sa « plasticité », ce qui entraînerait un basculement real new medium which totally upsets cinema’s d’une nouvelle technologie, nous sommes toujours indiscutable vers un nouveau paradigme : une lit- codes and conventions is… video. But video tallies dans le livre, le texte, le codex. térature d’artiste, dont nous ne sommes qu’aux with the emergence of a new technology which has L’intérêt patent que portent les artistes à la lit- prémices. developed its own autonomy within the field of art, térature depuis, disons deux décennies, fait un before being engulfed by contemporary art. What is You Never Read Alone, London Art Book Fair, peu penser à la porosité entre la littérature et l’art Artist Novels, The Book Lovers Publication, ed. David Marotto 1 Brian Dillon, « The exhaustion involved here is not the appearance of a new tech- Whitechapel Gallery, 2014. et Joanna Zielińska, Sternberg Press, 2015, coédité avec Cricoteka of Literature », Mousse n°47, Installation participative / moderne au temps de Dada et des avant-gardes, à l’occasion de l’exposition « Reads Like A Book: The Book Lovers p. 38 et sq. nology: we are still in the realm of books, texts and participatory installation by toutes proportions gardées, parce qu’aujourd’hui les Project », du 23 janvier au 15 mars 2015. 2 Idem. codices. The Book Lovers and Gareth Long. 7 reviews 4 7 reviews 5

C’est sous l’alléchante appellation « The Impossibility more readily introducing the idea of an open rea- 1 This is not the first time of Painting » que s’est déroulée la discussion qui réu- Michael Krebber, Michael Krebber, ding of the œuvre, whereas a system would tend that a connection is being made 1 between the two artists. We have nissait Michael Krebber et R. H. Quaytman — tous to lock it in. The fact of linking each new chapter already seen their works rubbing 2 R. H. Quaytman R. H. Quaytman deux lauréats du Wolfgang Hahn Prize cette année — to the exhibition for which its elements have been shoulders in the exhibition mais aussi Daniel Birnbaum, Yilmaz Dziewior, nou- 2015 Wolfgang Hahn Prize 2015 Wolfgang Hahn Prize produced makes it possible to pinpoint the issue “Gambaroff, Krebber, Quaytman, veau directeur du Museum Ludwig, et la critique of the context of painting, but without this latter Rayne” at the Bergen Kunsthall, from 5 November to 22 December Kerstin Stakemeier, le 14 avril dernier à l’occasion becoming immutable—each picture can be shown par Aude Launay by Aude Launay 2010. Krebber also took part in de la remise du prix. Au vu de la productivité des at a later stage outside the chapter it has come Quaytman’s piece To the German deux artistes, le premier réflexe sera de s’interroger from—: it is a matter of “acknowledging that they Language – Dia, shown at the Dia Museum Ludwig, Cologne, Allemagne, Ludwig Museum, Cologne, Germany, Art Foundation on 20 December sur le bien-fondé d’un tel énoncé. Cependant, il y a are objects that are changed by their location, and 2011 and at the Buchholz gallery du 15 avril au 30 août 2015 from 15 April to 30 August 2015 6 ici deux termes à prendre en compte — l’impossibi- by adjacencies”. from 7 July to 25 August 2012. lité et la peinture, donc —qui, rien que considérés The hanging at the Museum Ludwig is the 2 Initiated in 1994, the Wolfgang séparément, pourraient donner lieu sans mal à de work of both artists—it would be fairer to say that Hahn Prize, named after the late Cologne collector, is budgeted longues analyses digressives, alors associés par une it was Krebber’s doing, which was then altered by with up to 100,000 € and annually petite conjonction… It was under the mouth-watering title of “The Quaytman, for purely practical reasons—and offers awarded to artists who have Il est amusant de noter qu’au commencement Impossibility of Painting” that the discussion which a perfect illustration of this afore-mentioned idea: proven “consistent development of artistic creation over a period de leurs carrières respectives, chacun avait ten- brought Michael Krebber and R. H. Quaytman Krebber produced a hanging which Quaytman inter- spanning decades” and enjoy 1 dance à lorgner sur le « milieu » artistique de l’autre : together —both winners of the Wolfgang Hahn preted as thoroughly controlling the reading of the international recognition among au début des années quatre-vingt, New York était, Prize2 this year—along with Daniel Birnbaum, Yilmaz show, which was in fact nothing less than a regular experts, but whose work is not pour Krebber, le point de mire, tandis que, quelques Dziewior, new director of the Museum Ludwig, punctuation of the walls of that room, whose fourth yet adequately represented in the museum. Previous laureates années plus tard, c’est à Cologne, semblait-il à and the critic Kerstin Stakemeier, was held on 14 wall is a huge bay window giving onto the city. So include Kerry James Marshall Quaytman, qu’avait lieu le véritable débat sur la April last. Given the productivity of the two artists, she simply placed horizontally the central picture7 (2014), Andrea Fraser (2013), peinture. Il faut dire que se revendiquer peintre abs- one’s initial reflex would be to question the vali- which Krebber had hung vertically, thus ope- Peter Fischli and David Weiss (2010), Christopher Wool (2009), traite intéressée par les questions de perspective dity of such a declaration. But there are two terms ning it to all the paintings around it and, from her and Peter Doig (2008). au début des années quatre-vingt-dix à New York to be taken into account here—“impossibility” and point of view, making it possible to have a periphe- 3 Quotation taken from the n’était peut-être pas la position la plus évidente à “painting”, ergo—which, merely by being conside- ral vision of the exhibition. A peripheral vision that above-mentioned discussion. tenir. Cela avait même, selon l’expression de l’artiste, red separately, might easily give rise to lengthy and can, of course, be extended to the city of Cologne, All the subsequent quotations 3 in inverted commas which are « quelque chose d’un I’d prefer not to ». digressive analyses, and then be linked together by which therefore faces the main wall, with ghosts of not referred to in notes are taken Peut-être alors cette impossibilité évoquée plus a little conjunction... Gerhard Richter and Sigmar Polke obviously appea- from this same discussion. haut renvoie-t-elle, envisagée dans ce contexte It is amusing to note that at the beginning of ring in the works of Krebber and Quatman on view 5 “The medium is painting, not what the painting is made historique des débuts de chacun, à l’impossibilité their respective careers, each artist had a tendency here. If the former have actually deconstructed with. It used to be thought that d’une peinture « pure », d’une peinture strictement to eye the other’s artistic “circles”: in the early 1980s, printing techniques in their painting, Krebber takes the blank canvas was already autocentrée, d’une peinture qui n’aurait parlé que New York, for Krebber, was the aim, while, a few up the (printing dots) motif in this new series of a monochrome—now it is the de peinture ? Car s’il est bien un point commun que years later, it was in Cologne, or so it seemed to canvases, while Quaytman makes emphatic use of choice itself, whether painting or not, that functions like l’on peut aisément établir dans le travail des deux Vue de l’exposition / Exhibition view : Michael Krebber, R. H. Quaytman, Wolfgang Hahn Quaytman, that the real debate about painting was silkscreening at the heart of her painting, like a bon- Prize 2015, Museum Ludwig, Cologne. Photo : Rheinisches Bildarchiv / Britta Schlier. the medium”. R. H. Quaytman, artistes, c’est celui d’une hyper-contextualisation de happening. It has to be said that claiming to be an ding agent between gesso and pigments. Spine, Sternberg Press, 2011. leur peinture. Bien sûr, dans un sens différent pour abstract painter interested in matters of perspec- 6 R. H. Quaytman “On painting, architecture, and working chacun. tive in the early 1990s in New York was perhaps not in chapters”, by Antonio En ce qui concerne Krebber, cette contextualisa- the most obvious stance to adopt. This, to borrow Sergio Bessa, BOMB Magazine, tion est peut-être plus à entendre comme une poro- 1 Ce n’est pas la première fois the artist’s own words, even had “something of an 10 December 2014. sité, tant il a pu maintes fois démontrer son intérêt qu’un rapprochement est établi I’d prefer not to 3” about it. So perhaps the impos- http://bombmagazine.org/ entre les deux artistes, on a déjà article/2000069/r-h-quaytman à présenter l’art et le non-art simultanément, mais vu leurs œuvres se côtoyer sibility above-mentioned, seen in this context of 7 On the cover of this issue. aussi, via cette présentation régulière de non-art, les dans l’exposition « Gambaroff, each artist’s beginnings, refers to the impossibi- entours de l’art. Et si, pour lui, « un châssis fait que la Krebber, Quaytman, Rayne », à la lity of a “pure” painting, a strictly self-centered Bergen Kunsthall, du 5 novembre peinture est peinture plus que le fait d’appliquer de au 22 décembre 2010. Krebber painting, a painting which would have only talked 4 la peinture sur des surfaces lisses ou rugueuses » (a a aussi participé à la pièce about painting? For if there is indeed a shared point stretcher frame makes painting painting, more than « To the German Language – Dia » that can easily be established in the work of these the application of paint to rough or smooth sur- de Quaytman, présentée à Dia two artists, it is that of an extreme contextualiza- Art Foundation le 20 décembre faces), R. H. Quaytman, quant à elle, trouva « dans 2011 et à la galerie Buchholz tion of their painting. In a different sense for each la peinture un lieu où appliquer des idées provenant proximité, modifie6 ». (to acknowledge that they are du 7 juillet au 25 août 2012. one of them needless to add. As far as Krebber is d’autres milieux » car, pour elle, la peinture (en tant objects that are changed by their location, and by 2 Depuis 1994, le Wolfgang Hahn concerned, this contextualization should possibly Prize est doté d’un budget de que médium, donc, et non en tant que matière colo- adjacencies). 100 000€ et remis chaque année be understood more as a porousness, so many 5 rante) est le véritable médium . En un mouvement L’accrochage au Museum Ludwig a été réalisé à un artiste — le prix 2015 fait donc, times has he managed to demonstrate not only inverse de l’inconstance volontaire de Krebber qui par les deux artistes — il serait plus juste de dire avec sa double attribution, figure his interest in presenting art and non-art simul- réinvente sans cesse son travail pour éluder toute par Krebber puis modifié par Quaytman, pour des d’exception — qui jouit d’une taneously, but also the environs of art, by way of reconnaissance internationale catégorisation stylistique et tenter, par là, d’affirmer raisons purement pratiques — et offre une parfaite mais dont l’œuvre n’est pas encore this regular presentation of non-art. And if, for him, le moins de choses possible, Quaytman produit une illustration de ce propos ci-avant : Krebber avait représentée de manière adéquate “a stretcher frame makes painting painting, more pensée englobante de son œuvre, une manière de réalisé un accrochage que Quaytman a interprété dans les collections du musée. than the application of paint to rough or smooth 3 Citation extraite de la 4 résistance à la dispersion physique de cet œuvre comme contrôlant parfaitement la lecture de l’ex- discussion sus-mentionnée. surfaces” , R. H. Quaytman, for her part, found “in — au travers des expositions, des acquisitions — qui position, qui était en effet une véritable ponctuation Toutes les citations ultérieures painting a place in which to apply ideas coming peut aussi être interprétée comme une résistance, régulière des murs de cette salle dont le quatrième entre guillemets qui ne renvoient from other milieus”, because, for her, paint (as a plus politique peut-être, à la transsubstantiation est une immense baie vitrée donnant sur la ville. Elle pas à des notes sont extraites medium, therefore, and not “what the paiting is de cette même discussion. 5 d’une œuvre (individuelle, cette fois) en objet d’art. a alors simplement placé à l’horizontale le tableau 4 Michael Krebber, entretien made with”) is the real medium. In a reverse move- C’est sous la forme de ce qu’elle nomme un « livre » central7 que Krebber avait accroché à la verticale, avec Isabelle Graw, in ment involving Krebber’s deliberate fickleness, as qu’elle a choisi d’unifier sa production depuis 2001, l’ouvrant ainsi à l’ensemble des peintures qui l’en- Kaleidoscope n°17, hiver 2012-13. he endlessly re-invents his work in order to sidestep 5 « The medium is painting, déclinant en autant de « chapitres » ses expositions vironnaient et permettant, de son point de vue, une not what the painting is made any kind of stylistic pigeonholing, and thereby tries personnelles. Elle se défend pourtant de tout systé- vision périphérique de l’exposition. Une vision péri- with. It used to be thought that the to assert as few things as possible, Quaytman pro- matisme, préférant à ce terme celui de « méthode », phérique que l’on peut bien entendu étendre à la blank canvas was already duces an all-encompassing line of thinking about induisant ainsi plus facilement l’idée d’une lec- ville de Cologne qui fait donc face au mur princi- a monochrome—now it is the her work, a way of resisting the physical dispersal of choice itself, whether painting ture ouverte de l’œuvre, alors qu’un système ten- pal, des rémanences de Gerhard Richter et Sigmar or not, that functions like the this body of work—through exhibitions and acquisi- drait à la verrouiller. Le fait de lier chaque nouveau Polke apparaissant d’évidence dans les œuvres medium. » R. H. Quaytman, Spine, tions—which may also be interpreted as a possibly Michael Krebber, chapitre à l’exposition pour laquelle ses éléments Krebber et Quaytman ici présentées. Si les premiers Sternberg Press, 2011. more political resistance to the trans-substantiation MK/M 2015/05, 2015. 6 R. H. Quaytman « On painting, Acrylique sur toile / ont été produits permet de pointer la question du ont en effet déconstruit les techniques d’impres- architecture, and working of a work (individual, this time) as an art object. It Acrylic on canvas, 160 × 120 cm. contexte de la peinture sans pour autant que cette sion dans leur peinture, Krebber en reprend le motif in chapters », by Antonio Sergio is in the form of what she calls a “book” that she Courtesy Michael Krebber, dernière devienne immuable — chaque tableau peut (de trame) dans cette nouvelle série de toiles, tandis Bessa, BOMB Magazine, has elected to unify her output since 2001, orga- acquisition du / of the Gesellschaft être présenté ultérieurement hors du chapitre dont que Quaytman persiste à utiliser la sérigraphie au 10 décembre 2014. nizing her solo shows as so many “chapters”. Yet für Moderne Kunst http://bombmagazine.org/ am Museum Ludwig e.V il est issu — : il s’agit de « reconnaître qu’ils sont des cœur de sa peinture, comme un liant entre le gesso article/2000069/r-h-quaytman she refrains from all manner of systematism, pre- à l’occasion du / on the occasion of objets que leur emplacement et ce qui est à leur et les pigments. 7 Voir en couverture de la revue. ferring the word “method” to that term, and thus Wolfgang Hahn Prize 2015. 7 reviews 6 7 reviews 7

L’artiste belge Peter Buggenhout a laissé loin der- near the works sullied by the materials composing 1 G. Bataille, Œuvres complètes, II, Peter Buggenhout Peter Buggenhout Écrits posthumes 1922-1940, rière lui la peinture, trop symbolique à son goût. Sa them—and physical, rendered material by these not Paris, Gallimard, 1972. première rétrospective au musée de Louvain n’en very pleasant bristling sculptures (The Blind Leading 2 We did it before, we will do it comporte aucune, elle fait la part belle à ses sculp- par Alexandra Fau by Alexandra Fau the Blind #67, 2014) and these insurmountable again, essays by Selen Ansen tures dantesques, en proie au désarroi d’une refonte walls (The Blind Leading the Blind #65, 2014). Once and William L. Rathje, interview with Eva Wittocx, curator permanente. M-Museum, Louvain, Belgique, M-Museum, Leuven, Belgium, they are placed under glass and made inoffensive, of the exhibition at the M, and Sanglée, ligotée, soclée ou solidement arrimée, du 12 mars au 31 mai 2015 from 12 March to 31 May 2015 the visitor starts carrying out an autopsy, keenly fragments of writings by Peter son œuvre vorace faite de chair, de sang et de pous- analyzing them like specimens on a laboratory Buggenhout, Jnf Editions / sière avance dans un mouvement lent et irrépres- table. The interplay of reflections in the large- jux Les Editions de l’Amateur, 2015. sible que l’apparente pesanteur ne parvient pas à taposed showcases multiplies the possible readings. contrer. Elle s’épaissit, se déforme au fil du temps. The Belgian artist Peter Buggenhout has left pain- Grottoes, rocks, sea beds, wrecks… The imagination « Ce qu’on voit n’est qu’un instantané en perpétuelle ting far behind him, deeming it too symbolic for his works flat out. These composite structures made of mutation ». La sculpture est traversée par le flux liking. His first retrospective show at the Louvain many different aggregates, subjected to an inextri- et le reflux d’une réalité qui ne cesse de se- refor museum does not include any at all, giving pride of cable chaos, tell us nothing about their beginning muler. Dans son travail, Peter Buggenhout oppose place, as it does, to his Dantean sculptures, prey to or their end. They are thoroughly autonomous, wit- à l’univers autoritaire, durable, monolithique, une the disarray of ongoing recasting. hout any sense of pre-established reading, or any vision gouvernée par le transitoire, l’autogestion, le His œuvre, which is strapped, bound, set on specific viewpoint, and avoiding any logical system. flottement. stands and stoutly secured, voracious, and made These forms seem to display themselves on their Le parcours d’exposition au M va crescendo, of flesh, blood and dust, advances in a slow and own, with no human intervention. The seeming de la troublante série des Mont Ventoux — des irrepressible movement which its apparent weight laisser-faire calls to mind the nonchalance of a cer- panses d’animaux juchées sur ce qui semble être does not manage to counter. It grows thicker, and tain Marcel Duchamp, assisted by Man Ray, the two des balises maritimes — aux dernières pièces de la becomes deformed with time. “What you see is of them having gone off for lunch leaving the série The Blind Leading the Blind — en référence à just a perpetually changing snapshot”. The sculp- shutter open on The Large Glass, which had been ce groupe d’aveugles au bord du précipice dans le ture is traversed by the ebb and flow of a reality vegetating for several months in the artist’s studio tableau de Pieter Bruegel l’Ancien, La Parabole des that is forever being reformulated. In his work, Peter (Dust Breeding, 1920). That particular dust, just aveugles (1568). L’œuvre d’art est-elle encore opé- Buggenhout contrasts the authoritarian, durable like the rubbish collected in the streets of Berlin rante face à ce monde désorienté ? Peut-elle défier and monolithic world with a vision governed by and Hanover by Kurt Schwitters for his Merzbau, les apparences pour offrir une vision complète transitoriness, self-management, and indecision. and the objects found by Edward Kienholz and et continue de l’univers ? De l’aveu de Pétrarque The exhibition circuit at the M crescendoes, from Robert Rauschenberg and, more recently, by David dans L’ascension du mont Ventoux, il est impos- the disturbing Mont Ventoux series—animal bellies Hammons (Central Park West, 1990), are fetishized. sible de tout embrasser, même depuis un si noble Peter Buggenhout, Mont Ventoux #4, 2009 / Mont Ventoux #3, 2009 / Mont Ventoux #8, 2013. perched on what seem to be navigational buoys—to What matters is what they say about our formerly point de vue. Faut-il dès lors s’en tenir à la cécité ? M – Museum Leuven, 2015. Photo : Dirk Pauwels the latest pieces in the series The Blind Leading the triumphant society, today down for the count, but « Procédons par étapes » semble dire Buggenhout. Blind—referring to that group of blind people on the still very much alive and kicking. D’abord, se familiariser avec l’obscurité de son uni- edge of the precipice in Pieter Bruegel the Elder’s vers, puis avancer à tâtons à travers les décombres. picture, The Parable of the Blind (1568). Is the work S’efforcer de regarder et, si le choc est trop fort, of art still operative in the face of this disoriented trouver refuge au creux de nos orbites vides. world? Can it defy appearances and offer a com- Pour la série des Gorgo (2015), Peter Buggenhout plete and continuous vision of the world? According fait se rencontrer du sang de porc séché, du crin to Petrarch in The Ascent of Mount Ventoux, it de cheval et divers matériaux délaissés. Sa sculp- is impossible to embrace everything, even from ture informelle renvoie au désir de déclassement a lofty viewpoint. So should we confine oursel- (vis-à-vis de toute taxinomie existante) formulé par ves henceforth to blindness? “Let us proceed in Georges Bataille dans « L’abjection et les formes stages”, Buggenhout seems to be saying. First of all, misérables1 ». Pourtant, les analogies ne manquent familiarize yourself with the darkness of his world, pas. Le catalogue de l’exposition2, recensant des then grope your way forward through the rubble. images de référence pour Buggenhout, en appelle Endeavour to have a look and, if the shock is too aux œuvres cathartiques d’Otto Muehl (Kaiser great, find refuge in the hollows of our empty eye Obersdorf, 1971), aux vidéos burlesques de Paul sockets. McCarthy (Painter, 1995), ou encore aux objets For the Gorgo series (2015), Peter Buggenhout rituels porteurs de traces d’offrandes et de libations arranges an encounter between dried pig’s blood, (sculptures votives boli des Bamabara d’Afrique de horsehair, and various abandoned materials. His l’Ouest). informal sculpture refers to the desire for declassi- Pareille à ces fétiches africains, la série The Blind fication (in relation to all existing taxonomy) formu- Leading the Blind se trouve entièrement recouverte de laboratoire. Le jeu de reflets dans les grandes lated by Georges Bataille in his short essay Abjection de poussière. Cette couche constitue le « ciment » vitrines juxtaposées les unes aux autres multi- and Miserable Forms.1 There is no dearth of analo- de la pièce et, par endroits, dévoile la couleur du plie les lectures possibles. Grottes, rochers, fonds gies, however. The exhibition catalogue2 makes an dessous : celle des mousses découpées, des tis- marins, épaves… L’imagination fonctionne à plein. inventory of reference images for Buggenhout, and sus aux reflets métallisés, des débris de caravanes Ces structures composites faites d’agrégats mul- summons the cathartic works of Otto Muehl (Kaiser ou des jeux d’enfants. Les objets ne sont pas repris tiples, soumises à un chaos inextricable, ne nous Obersdorf, 1971), Paul McCarthy’s burlesque videos pour eux-mêmes mais emmenés dans une sorte de disent rien de leur état de début et de fin. Elles sont (Painter, 1995), and ritual objects bearing traces of vacance poétique. Dans la série des Mont Ventoux, parfaitement autonomes, sans sens de lecture préé- offerings and libations (boli votive sculptures of the la peau des intestins et des estomacs de vaches tabli, sans point de vue privilégié, échappant à tout Bamabara of West Africa). recèle dans les aspérités des viscères un raffine- système logique. Ces formes semblent se mani- Like these African fetishes, the series The Blind ment absolu. fester d’elles-mêmes sans intervention humaine. Leading the Blind is completely covered with dust. Tenu à distance, le visiteur voyage au cœur des L’apparent laisser-faire rappelle la désinvolture d’un This layer forms the “cement” of the piece and, here Peter Buggenhout, Eskimo Blues II, 1999 / Opeten, 2000. œuvres par la pensée. À l’exception de la pièce réa- certain Marcel Duchamp assisté de Man Ray, tous and there, reveals the colour underneath: that of M – Museum Leuven, 2015. Photo : Dirk Pauwels lisée pour l’exposition « Inside » au Palais de Tokyo deux partis déjeuner en laissant l’obturateur ouvert cut-up foam, fabrics with metallic highlights, the (conçue initialement pour être appréhendée de sur Le Grand Verre qui végète depuis plusieurs mois debris of caravans, and children’s toys. The objects l’extérieur), les installations marquent un seuil à la dans l’atelier de l’artiste (L’élevage de poussière, are not used for their own sake, but taken into a kind fois psychologique — ne pas approcher des œuvres 1920). Cette poussière-là, tout comme les déchets 1 G. Bataille, Œuvres complètes, II, of poetic emptiness. In the Mont Ventoux series, the souillées par les matériaux qui les composent — et collectés dans les rues de Berlin ou d’Hanovre par Écrits posthumes 1922-1940, skin of the cows’ intestines and stomachs holds an physique, matérialisé par ces sculptures hérissées Kurt Schwitters pour son Merzbau, les objets trou- Paris, Gallimard, 1972. absolute refinement in the roughness of the viscera. 2 We did it before, we will do it peu avenantes (The Blind Leading the Blind #67, vés par Edward Kienholz ou Robert Rauschenberg again, textes de Selen Ansen Kept at a distance, the visitor travels to the core 2014) ou ces murs infranchissables (The Blind et, plus récemment, par David Hammons (Central et William L. Rathje, entretien of the works by way of thought. With the exception Leading the Blind #65, 2014). Dès lors qu’elles sont Park West, 1990), est fétichisée. Ce qui importe avec Eva Wittocx, commissaire of the piece made for the exhibition “Inside” held placées sous vitrine et rendues inoffensives, le visi- c’est ce que tous disent de notre société naguère de l’exposition au M, et fragments at the Palais de Tokyo (initially devised to be com- de textes de Peter Buggenhout, teur se prend à les autopsier et à les analyser atten- triomphante, aujourd’hui à terre, mais toujours bien Jnf Éditions / Les Éditions prehended from outside, the installations mark a tivement comme autant de spécimens sur une table vivante. de l’Amateur, 2015. threshold that is at once psychological—don’t get 7 reviews 8 7 reviews 9

Passionnante première biennale Circonférences, En cette année de grands raouts de l’art contempo- qui a rassemblé le temps d’un week-end à Château- Circonférences rain (Sharjah, Venise, Lyon, Istanbul, etc.), la Triennale Saâdane Afif Gontier des explorateurs de ce format très particu- de Vendôme se positionne pour sa première lier qu’est la conférence conçue comme médium par Eva Prouteau édition sur un terrain résolument local, préfé- The Fountain Archives artistique, où l’on put notamment découvrir les rant au prestige des curateurs stars et des artistes étranges Jean Boucault et Johnny Rasse, chan- Le Carré, scène nationale et centre d’art, à biennales la mise en lumière des acteurs origi- par Raphaël Brunel teurs d’oiseaux depuis leur enfance, qui ont déplacé Château-Gontier (F), du 5 au 7 mars 2015 naires de la région Centre ou y travaillant. Confiée leur talent mimétique dans le champ de l’art. Outre à l’équipe d’Emmetrop (Érik Noulette, Nadège Triennale de Vendôme (F), du 23 mai au 31 octobre le caractère extraordinaire de ce savoir donné en Piton et Damien Sausset), lieu emblématique pour partage (savoir parler « oiseaux » en inventant des la musique et les arts installé depuis le milieu des techniques d’imitation basées sur des pratiques pri- années 1980 à Bourges, la sélection regroupe vingt- mitives de chant), il faut s’arrêter sur l’étonnante cinq artistes investissant le manège Rochambeau intensité de présence de ces deux hommes, qui ont fraîchement réhabilité, le musée de Vendôme et incorporé les espèces qu’ils interprètent par le chant l’espace public. On y découvre notamment le pla- mais aussi par la danse, et incarnent avec une dex- teau de tournage installé par la réalisatrice Marie térité insolite un répertoire de sonorités d’oiseaux Losier et la galerie du Cartable pour filmer en direct des cinq continents, entre conférence et joutes toute une galerie de personnages décalés, la fausse sifflées, discussion improvisée avec le public et tra- maison témoin de Bernard Calet (Situation, Aller duction musicale. dans le décor, 2015), la beauté troublante des orages Le même soir, Loïc Touzé a performé une ver- captée par Nils Guadagnin dans l’Ouest américain sion inédite de sa conférence intitulée Je suis lent, (Cyclic Matter, 2015) ou encore une installation de retravaillée en collaboration avec le dramaturge Éric Jérôme Poret télescopant art gothique et univers Didry : soit le récit captivant d’une vie de danseur qui rock (Le Teinturier de la Lune, 2011)1. prend sa source dans l’académisme pour s’épanouir Mais nous souhaiterions nous attarder plus avant dans la nouvelle danse et partir à la conquête de la ici, pour l’ampleur de la tâche et des enjeux qu’elle « danse à venir », conceptuelle et débarrassée de implique, sur la proposition de Saâdane Afif présen- toute norme — désapprendre pour comprendre, et tée au musée de Vendôme. En 2008, à la veille d’ob- réinventer. tenir le fameux Prix Marcel Duchamp et comme un Moins généreuse mais tout aussi aventureuse, signe avant-coureur, l’artiste installé à Berlin entame la conférence de Nathalie Quintane reprit la fonc- la recherche et la collecte des différentes publica- tionnement de sa littérature écrite : une poésie tions, tous champs, langues et formats confondus, du quotidien qui se structure par dérives constel- reproduisant le célèbre urinoir que Duchamp trans- laires et linéarité cassée, entrecroisée, empêchée, forme en readymade en 1917 sous le titre Fountain, reprise. Des goitres aux hamadryades (les nym- œuvre iconique s’il en est de l’art du XXe siècle qui phes des arbres), des réflexions philosophiques de n’aura été diffusée jusque dans les années 1950 que Chanteurs d’oiseaux, Jean Boucault et Johnny Rasse accompagnés de Philippe Braquart, 2 son cordonnier au goût invétéré des puissants pour Circonférences, Le Carré, scène nationale-centre d’art contemporain, 6 mars 2015. par le biais d’une photographie d’Alfred Stieglitz . Tel l’amusement, Nathalie Quintane fait la maline en Photo : Christine Lhote. un hobby dévorant, la constitution de The Fountain permanence, va trop vite pour sciemment semer Archives procède d’un protocole rigoureux : chaque derrière elle son audience, puis la récupère in nouveau livre récupéré donne lieu à un numéro d’in- extremis avec une blague piquante. Le but du jeu : ventaire et à une fiche descriptive avant que l’artiste explorer avec virtuosité l’« ensemble de toutes les n’arrache, dans un geste vandale et compulsif évo- conférences » et définir, par là même, en tout arbi- quant un vol à la sauvette dans une bibliothèque, traire goguenard, ce que pourrait être cet objet, la la ou les pages du document comportant l’image conférence d’artiste. tant convoitée. Celles-ci sont ensuite méticuleuse- En écho, ces mêmes ingrédients resurgirent ment encadrées et les livres ainsi amputés classés dans la performance d’Antoine Poncet qui poursuit dans une bibliothèque dédiée. Le projet existe dès ses recherches érudites et divagantes sur le cha- lors sous une forme active et une forme passive. La FA 0426, page arrachée / torn out page ; 24 × 28 cm rabia. Un nouveau chapitre de son anthologie qui première, constituée des pages encadrées circule in. Arturo Schwarz, Dada e Surrealismo riscoperti, Skira editore, Milano, 2009 ; page 178. Courtesy Saâdane Afif, 2015 recense toutes sortes de textes hors des normes au gré des expositions ou par l’entremise des gale- de l’entendement, écrits en alphabet latin et intra- ries, collectionneurs et institutions artistiques, tan- duisibles, s’est écrit, comme l’indiquait son sous- dis qu’à l’atelier se sédimente l’archive que compose titre, « au gré des crises » : celles de la société et, l’ensemble des publications et que l’artiste envisage en miroir, celles du langage. Des textes en martien comme les moules ou les matrices des éléments en transcrits par la médium Hélène Smith au poème cours de présentation. éclaté de Camille Bryen, en passant par les incanta- Ce projet d’envergure trouve son origine dans tions féroces de Laurent Quintreau, Antoine Poncet une réflexion sur la possibilité de produire dans une sut tracer des lignes incertaines pour révéler ces en plus précise de sa fascination pour ce motif (la logique économique qui est celle du multiple une expressions libres, souvent méprisées ou canton- guerre), Jean-Yves Jouannais parvient à se réfléchir, série d’œuvres chaque fois uniques en s’appuyant nées aux marges. Ce faisant, il délivra au public une sur un mode à la fois grave et léger. Ce qu’il décrit pour cela sur l’industrie de l’édition. Mais au-delà conférence ovni, elle-même défiant parfois toute comme une « machine orale, un atelier épique » sou- des questions liées à la répétition et à la repro- certitude d’élucidation, tour à tour balbutiée et mis « aux phénomènes d’oubli, d’interpolation, de duction de l’œuvre d’art, ce qui semble fasciner et déclamée par un corps étonnant, croisement fer- réécriture », une somme d’« ersatz mnésiques dis- motiver Saâdane Afif dans son entreprise, c’est la tile entre Ferdinand de Saussure, Samuel Beckett et persés », lui permet donc de se rassembler intime- matière surabondante que cette archive symbo- Christophe Salengro. ment autant que de se diffracter en permanence, tel lise s’agissant de regards, lectures et appropriations. 1 Nous aurons l’occasion Ainsi, il fut question d’anthologie mais aussi un personnage de roman à dimensions variables. Elle témoigne des multiples commentaires qui per- d’y revenir plus en détail ultérieurement. d’inventaire (Alexandre Périgot et son histoire de En conclusion, une fois formulé le constat d’un mettent en quelque sorte de redéfinir sans cesse le 2 Cette photographie paraît pour l’art traversée par le motif du rideau), d’abécédaire éclectisme réjouissant, comment relier ces diffé- portrait de ce readymade, de tourner autour sans ce corpus de représentations déjà dense en y incor- la première fois en 1917 dans la (Arnaud Labelle-Rojoux et son classement fourmil- rentes conférences-performances ? Peut-être par qu’il soit physiquement présent sous nos yeux. On porant les revues d’art qui illustrent les articles sur revue satirique The Blind Mind. lant de corps saisis en pleine chute) et d’encyclo- ce qu’elles induisent : une émancipation de l’ima- retrouve ici tous les enjeux du travail d’Afif, son inté- son projet à l’aide d’une image de la Fontaine de L’œuvre originale ayant disparu, plusieurs répliques sont pédie. Autant d’appellations raisonnées qui tentent ginaire mais aussi une mise à nu, un manifeste des rêt pour l’interprétation comme expression subli- Duchamp. À travers cette intégration du discours réalisées par la suite du vivant de structurer des obsessions très personnelles, pour fragilités, si éloignées se tiennent-elles de la spé- mée de l’œuvre3, comme moyen de la remettre en sur son propre travail se constitue progressivement de Duchamp avec son accord mieux les partager sans doute : problématique très cialisation docte comme de la représentation figée, jeu et en circulation par l’intermédiaire de nouvelles une collection dans la collection, une mise en abîme et d’après le cliché de Stieglitz. 3 Depuis 2004, Saâdane Afif bien cernée au cours de la dernière conférence du libérées du carcan de la grosse production exposi- voix. À ce jour, plus de six-cents ouvrages ont été que l’artiste signale en archivant ces documents en demande à des artistes, e week-end par Jean-Yves Jouannais, qui façonne tionnaire comme de la machine huilée du spectacle. réunis. Le processus s’achèvera à la 1001 acquisition, double. La page sur laquelle est imprimé ce texte musiciens, écrivains ou poètes depuis 2008 une improbable encyclopédie des En plein dans l’expérimentation, la prise de risque et comme un clin d’œil au célèbre conte oriental et à est ainsi amenée à être à son tour arrachée et enca- d’écrire les paroles de chansons guerres, de l’Illiade à la Seconde Guerre mondiale, la dé-maîtrise. son réservoir de récits. drée par deux fois et une paire d’exemplaires de inspirées de ses pièces, les exposant et les activant en public, sur scène. Ce projet colossal est devenu le L’histoire pourrait s’arrêter là si Saâdane Afif ne ce numéro de 02 à regagner les étagères de cette dans le cadre de performances projet d’une vie : ou comment, par l’analyse de plus Commissariat : Bertrand Godot poussait la perversion jusqu’à augmenter et enrichir archive en cours d’édification. ou de concerts. 8 reviews 0

Tout un pan du travail de Guillaume Constantin semble viser à fondre dans un même mouve- Guillaume Constantin ment l’objet et la sculpture, à activer l’un(e) par l’autre dans un rapport d’égale dépendance. Cette Arrondir les angles approche se cristallise particulièrement dans la série d’installations Fantômes du Quartz dont le titre aussi par Raphaël Brunel programmatique qu’évocateur1 suggère une strati- fication de matières et de temporalités, un - réser Eternal Gallery, Tours (F), du 17 mai au 5 juillet voir à histoires et à mémoires ne s’inscrivant plus tant dans une généalogie des pratiques héritées du readymade que dans l’exploration formelle et cultu- relle d’un territoire du sensible. Comme un certain nombre d’artistes de sa génération, Guillaume Constantin s’intéresse à la collection, aux cadres et conditions de sa consti- tution comme à son potentiel discursif et narratif. Cependant, son travail consiste moins à présenter les évolutions d’un ensemble cohérent rigoureuse- ment amassé au fil des années, qu’à favoriser, dans un espace-temps donné, la convergence et la ren- contre d’objets de nature et de provenance diverses. De cette réunion impromptue et des agencements qu’elle induit se dégagent les enjeux d’une mise en circulation et en lumière des formes autant que les paramètres d’une instabilité venant renégocier l’échelle des valeurs habituellement en cours dans les systèmes de classification. Aussi cette logique trouve-t-elle toute sa place à l’Eternal Gallery logée dans les anciens octrois de Tours par où transitaient, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les marchandises soumises au prélè- vement fiscal. Guillaume Constantin reprend à sa manière cette inscription économique en y faisant cohabiter sans hiérarchie des éléments extirpés de la gypsothèque de l’école des Beaux-Arts de Tours, des Archives municipales ou de son fonds person- nel, mais aussi, histoire de brouiller davantage les questions de l’origine et de la qualité tout en jouant à plein celles de la transmission et l’accessibilité, des objets restaurés ou réalisés par une imprimante 3D à partir de fichiers open source ou de pièces ne pou- vant être empruntées. Ce cabinet de curiosités se révèle remarquable par « la pauvreté » et l’étrangeté de ces formes décontextualisées, sans espoir d’être Guillaume Constantin, Fantômes du Quartz xxiii (Head to Wall), 2015. un jour exposées dans un musée, mais dont l’aspect Moulage en plâtre d’un rhyton issu de la gypsothèque de l’école des Beaux-Arts de Tours (Esba TALM), liège isophonique. décalé et difficilement identifiable leur confère un Courtesy galerie Bertrand Grimont, Paris. Photo : Aurélien Mole. inattendu pouvoir d’évocation, une attirance enga- geant autant le regard que le toucher. Pour accueillir cet ensemble hétérogène, Guillaume Constantin conçoit, comme à son habi- tude, une structure, sorte de squelette, à partir de différents matériaux semi-industriels (médium teinté, contreplaqué, éléments décoratifs façon Louis XVI). Avec ce « meuble » aux airs de machine mnémonique, il fait glisser les enjeux de la sculp- ture vers ceux de la muséographie et de la scéno- graphie, produisant un « hypersocle » qui fait œuvre en soi tout en remplissant une fonction de monstra- tion, selon une certaine conception de l’autonomie. Quelque part entre Haim Steinbach et Robert Morris, mais aussi dans un va-et-vient permanent entre rapport affectif aux objets et mise à distance par la sculpture, Guillaume Constantin propose des dispo- sitifs propres à la spéculation et au jeu de piste, dans les plis et replis desquels se tapissent une multitude l’attention sur un détail ou une texture, dans les d’histoires potentielles. Everyday Ghosts, série de photos présentée ici sous L’artiste file d’ailleurs la métaphore deleuzienne forme de journal, dans lesquelles du quotidien sur- 1 Cette série tire son nom du à travers le titre de l’exposition et par le recours git soudain le fantastique. C’est cette latence, cette quartz fantôme, un cristal dont au vocabulaire baroque de la courbe et du plissé. manière d’appréhender les choses par la marge ou la transparence laisse apparaître très nettement les différents Ainsi, à l’étage supérieur de la galerie qui abritait par les bords, dans un double mouvement d’ex- stades de sa croissance, le logement du gardien de l’octroi, recouvre-t-il les trême subjectivité et de neutralité, qui semble moti- mettant ainsi en lumière une murs de lés de liège isophonique pendant en drapé ver la pratique artistique de Guillaume Constantin. Il accumulation d’époques et de spectres figés dans la matière. jusqu’au sol. Les caractéristiques et l’odeur de ce faudrait par ailleurs passer en revue les titres de ses 2 « La Constante des variables », 2 matériau singulier reconfigurent l’espace en cellule expositions personnelles , on y découvrirait sûre- Crac Languedoc-Roussillon, Sète ; monacale propice à explorer les « plis dans l’âme ». ment, se constituant peu à peu en index, les clés de « Penser les objets par les bords », Quant aux fantômes, ils sont évidemment partout, lecture d’une œuvre où cohabitent fugacité, mise en MAC/VAL, Vitry-sur-Seine ; « Si personne ne me voit je ne suis dans les pièces qui se dissimulent ici et là dans l’ex- mouvement, réemploi et persistance de l’objet et pas là du tout », Cryptoportique, position, dans ces objets si particuliers qui attirent de l’image. Reims. o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o o l l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o lo ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l l l l l l l l l l l l l o l o l o lo lo o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o lo ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l l l l l l l l l l l l l o l o l o l o ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o lo ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o lo ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o l l l l l l l l l l l l l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o lo ol o l o l o l o l l l l l l l l l l l l l o l o l o lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o l l l l l l l l l l l l l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o lo ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l o ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o l l l l l l l l l l l l l o l o lo ol o l o l o l o lo lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l o lo o l o l o l o l 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lisa oppenheim frac champagne-ardenne le frac champagne-ardenne bénéficie du soutien langue héréditaire fonds régional d’art contemporain du conseil régional de champagne-ardenne, du 1, place museux ministère de la culture et de la communication et 26.06.15-30.08.15 f–51100 reims de la ville de reims. il est membre du réseau vernissage le 25.06.15 t +33 (0)3 26 05 78 32 platform. f +33 (0)3 26 05 13 80 du mercredi au dimanche, de 14h00 à 18h00 [email protected] entrée libre, accessible à tous www.frac-champagneardenne.org avec le soutien de champagne pommery RANDOM ABDELKADER BENCHAMMA

FRAC Auvergne - 6 juin / 20 septembre 2015 Du mardi au samedi : 14 h - 18 h. Dimanche : 15 h - 18 h. Sauf jours fériés et dimanches d’août. FRAC Auvergne - 6 rue du Terrail - Clermont-Ferrand - 04 73 90 50 00 - Entrée gratuite.