UNIVERSITÉ DES ANTILLES ET DE LA GUYANE FACULTÉ DES SCIENCES EXACTES ET NATURELLES

MASTER RECHERCHE EN SCIENCES ET TECHNOLOGIES

BIODIVERSITÉ TROPICALE

Spécialité : Écosystèmes naturels et exploités

Biogéographie historique du genre aux Petites Antilles : Relations morphologiques et génétiques

Christophe Boucher

Alain Rousteau Directeur de stage : Alain Rousteau Co-encadrant : Félix Muller

(Université des Antilles-Guyane, Fouillole, 97157 POINTE à PITRE) Soutenu le : 25 juin 2009

N° 2009 - 06

Remerciements

Etudier les biotopes tropicaux a toujours été un rêve depuis ma plus tendre enfance. Il suffisait simplement de se donner les moyens d’y arriver… et je ne regrette en rien cette décision qui m’a permis de redécouvrir à quel point la nature peut paraître parfois si surprenante… Cette année m’aura apporté une quantité de connaissances phénoménale que ce soit sur le plan biologique, social, philosophique et bien sûr culturel.

Je tiens tout d’abord à remercier l’Université des Antilles-Guyane et l’équipe Dynecar pour m’avoir accepté en stage au sein de leur équipe.

Mon plus grand remerciement ira à Monsieur Alain Rousteau, qui m’a fait confiance en m’acceptant en tant que stagiaire, et avec qui je ne compte même plus les heures à parler de sujets divers et variés que ce soit en biologie ou en philosophie, ainsi que celles à se prendre la tête devant ce fameux logiciel de statistique dénommé « R ».

Mais je ne pourrais oublier Félix Muller, qui m’aura fait redécouvrir la génétique d’un « bon œil » grâce à sa patience et à ses conseils avisés. Ses encouragements m’auront beaucoup aidé à tenir surtout en cette fin de stage très dure sur le plan fatigue et mental… surtout en raison d’un retard évident pris à cause des 44 jours de blocus en Guadeloupe

Je voudrais montrer une attention spéciale à Thomas Chevrollier alias « ToTom », en tant que pote, coloc, et voisin de bureau, pour toutes les pauses clopes qui n’auraient pas été les mêmes sans lui, et pour s’être soutenus mutuellement au cours de cette année et surtout de ce stage.

Une « espechiale cazdédi » ira à toute la clique « chauffourienne » pour cette année de folie partagée avec eux : ToTom, Tisotte, Damien, Cindy, Kéké, Nico, Léa, Momo, Bast, Jojo, Elise, Jan, mais aussi l’autre équipe du « morne Torudu » pour toutes les bon moments passés ensembles, et tous ceux que j’oublie surement comme d’habitude tellement je suis dans les nuages...

Un remerciement spécial ira à mes potes de métropole qui m’ont beaucoup manqué parfois, surtout les répèts de notre fameux groupe « No Worries ».

Et pour finir, je voudrais remercier mon père pour m’avoir soutenu dans mon périple guadeloupéen et qui a fait naître en moi l’idée de voyager, et mon frère ainsi que sa femme qui comptent énormément pour moi.

Une toute dernière remarque ira à ma mère, à qui je dédie entièrement ce rapport, et à qui j’aurais bien voulu montrer la finalité de mon cursus étudiant…

« Lorsque l’homme aura coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d’eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, alors il se rendra compte que l’argent n’est pas comestible. » (Seattle, Chef amérindien, 1854)

Sommaire

INTRODUCTION ...... 1

MATERIEL ET METHODES ...... 4

A. ANALYSE ECOLOGIQUE ...... 4 a) Caractéristiques des sites étudiés ...... 4 b) Dissémination de Sloanea caribaea ...... 5 B. METHODE D’ANALYSE GENETIQUE ...... 5 a) Taxons et gènes étudiés ...... 6 b) Amplification et séquençage ...... 7 c) Analyse des séquences ...... 8 C. ANALYSE STATISTIQUE ...... 10 a) Cadrage multidimensionnel non métrique (N.M.D.S. : Non-Metric Multidimensional Scaling) ...... 10 b) L’intertype et les statistiques de Ripley ...... 12

RESULTATS ...... 15

A. DESCRIPTION DES ESPECES ETUDIEES ...... 15 B. LES SLOANEA AU SEIN DES PEUPLEMENTS FORESTIERS ...... 18 a) Distribution des Sloanea dans les métacommunautés forestières ombrophiles ...... 18 b) Distribution des circonférences ...... 19 C. INTERACTIONS SPATIALES ...... 22 a) Associations d’espèces ...... 22 b) Caractère spatial de la dissémination ...... 22 D. ANALYSE PHYLOGENETIQUE ...... 23 a) Analyse des sites trnC-trnF ...... 24 b) Analyse des sites ITS...... 25 c) Description détaillée des dates de divergences ...... 27

DISCUSSION ...... 29

A. LES SLOANEA : UN IMPACT SUR LA STRUCTURATION DES PEUPLEMENTS ? ...... 29 a) Les Sloanea : difficultés d’échantillonnage ? ...... 29 b) Préférences écologiques des Sloanea ...... 30 c) La distribution des circonférences ...... 30 d) Le rôle des contreforts ...... 31 e) La zoochorie comme vecteur de dissémination ? ...... 31 B. LE GENRE SLOANEA AUX ANTILLES : ORIGINAIRE DU NORD OU DU SUD ? ...... 32 a) Les deux routes hypothétiques ...... 32 b) Origine boréale du genre Sloanea ...... 33 C. LES PETITES ANTILLES ET LES SLOANEA : UNE COLONISATION MELEE A DE LA SPECIATION ? ...... 34

CONCLUSION ET PERSPECTIVES ...... 36

BIBLIOGRAPHIE ...... 37 Introduction Les Antilles représentent une telle source de biodiversité qu’elles comptent parmi les 34 plus importants « hotspots » de biodiversité (Myers et al., 2000 ; Conservation International, Biodiversity hotspots, ). Parmi eux, les Petites Antilles montrent une richesse spécifique élevée (2300 espèces de plantes vasculaires), et un endémisme atteignant au moins 12% (Howard, 1989 ; Santiago-Valentin et Olmstead, 2004). Malheureusement, cet endémisme a été menacé par de nombreuses introductions dues notamment à l’importation de graines et de plantes de l’Ancien Monde (Acevedo-Rodriguez et Strong, 2008). En Guadeloupe, le nombre d’espèces introduites est du même ordre de grandeur que celui des espèces autochtones (Fournet, 2002). En revanche, le fait de posséder une telle richesse spécifique et une histoire géologique complexe (Raven et Axelrod, 1974, Ricklefs et Bermingham, 2007) suscite un intérêt grandissant pour l’étude des phénomènes biogéographiques (Hedges, 2001). La plupart des études ayant été réalisées sur la faune (Santiago-Valentin et Olmstead, 2004), beaucoup de connaissances restent à acquérir sur la flore. Mais pour cela, il faut s’intéresser de plus près à la dynamique paléogéologique des Antilles. En effet, la tectonique des plaques a beaucoup influencé la position actuelle des îles caraïbes telle qu’on les connaît : les Grandes Antilles, l’archipel des Bahamas, et les Petites Antilles.

Le proto-arc des Grandes Antilles s’est formé dans la région pacifique de l’isthme de Panama il y a 130 millions d’années environ, soit au début du Crétacé (Malfait et Dinkelman, 1972 ; Graham, 2003 ; Annexe I). La Pangée se sépare en Gondwana (Sud) et Laurasie (Nord) il y a 170 millions d’années, laissant alors la place pour la migration vers l’Est de la plaque Caraïbe (Hedges, 2001). La course du proto-arc est alors stoppée par la collision avec l’archipel des Bahamas il y a 60 millions d’années (Graham, 2003). Pendant plus de 60 millions d’années, ce proto-arc subit un certain nombre de cycles immersifs. Peu avant la collision avec les Bahamas, une grosse météorite a percuté la région Caraïbes et a provoqué sans doute l’extinction massive de la transition Crétacé-Tertiaire (Hildebrand et Boyton, 1992). Les Grandes Antilles deviennent finalement émergées durablement il y a 49 millions d’années (Graham, 2003 ; Iturralde-Vient et MacPhee, 1999).

Les Petites Antilles, quant à elles, deviennent progressivement émergées par le nord (milieu de l’Eocène), puis par le Sud (Oligocène, Graham, 2003 ; Pindell, 1994). Ces grandes lignes de la paléogéologie des Antilles sont connectées à des évènements importants comme la 1

présence de ponts connectés aux continents. Le plus discuté est GAARlandia, qui est aujourd’hui représenté par la Ride d’Aves. Ce pont aurait connecté le nord de l’Amérique du Sud aux Grandes Antilles il y a 35 millions d’années environ pendant trois millions d’années Iturralde-Vinent et MacPhee, 1999). Néanmoins, ce « pont » est conçu de deux façon différentes. Pour certains, il aurait pris la forme d’un arc insulaire (Pindell, 1988), pour d’autres, il aurait été une langue de terre continument émergée (Iturralde-Vinent et MacPhee, 1999). La première conception nécessite des dispersions d’île en île, à travers des bras de mer plus ou moins larges. La seconde s’apparente plutôt à une connexion ininterrompue entre deux milieux isolés. Ces deux visions peuvent remettre en cause les origines de certains taxons. En effet, ce pont rentre au cœur des discussions des deux courants de pensées biogéographes : d’une part la théorie de la vicariance, et d’autre part la théorie de la dispersion.

La vicariance résulte de la fragmentation d’un milieu séparant une population en une ou plusieurs parties. Les sous populations ainsi isolées n’échangent plus de gènes et divergent progressivement l’une de l’autre jusqu’à former des espèces distinctes (chacune endémique de son territoire). En revanche, la dispersion consiste en la migration d’individus d’un endroit à un autre par franchissement d’une barrière biogéographique. Les tempêtes tropicales et les ouragans peuvent intervenir dans ce phénomène (Hedges, 2001) mais le résultat est identique au précédent : la séparation d’une population en plusieurs sous-populations génétiquement isolées. Il est nécessaire de se servir des deux visions pour expliquer les différentes routes empruntées par les espèces (Ronquist, 1997). Ces deux phénomènes sont très importants dans le sens où ils peuvent induire des spéciations, et ainsi augmenter de manière considérable l’endémisme de certains endroits. Les Antilles sont au cœur de cette réflexion tant par ces phénomènes que par son histoire géologique. En effet, ces facteurs ont forgé le paysage antillais et ont façonné la vision actuelle que nous possédons des forêts des Petites Antilles.

Dans les biotopes ombrophiles sub-montagnards, les arbres du genre Sloanea se font remarquer par leur port imposant et ainsi par leur impact sur la structuration des peuplements. Le genre Sloanea n’est pas endémique des Antilles. Il y a actuellement 120 espèces de Sloanea au monde avec une aire de répartition allant de l’Amérique à l’Asie et l’Australie. Ce genre reste absent d’Europe et du continent africain, mais une espèce vit à Madagascar (Stevens, 2001). En Guadeloupe, le genre Sloanea regroupe cinq espèces dont trois endémiques strictes des Petites Antilles (Fournet, 2002). En datant la divergence des Sloanea

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30 millions d’années avant notre ère, Crayn et al. en 2006 ont amorcé l’intérêt d’une étude des espèces antillaises aux Antilles. De plus, le fait de découvrir encore de nouvelles espèces soit sous forme vivante (Palacios-Duque et al., 2005), soit sous forme fossilisée (Tamas et Hably, 2004), pourrait apporter de nouveaux éléments à la compréhension de la distribution de ce groupe et de son histoire.

L’écologie et la biogéographie des Sloanea antillais sont les objectifs principaux de cette étude. Ces deux parties seront reliées afin d’approfondir les connaissances actuelles sur ces espèces. Nous essaierons d’identifier les différentes routes de migration vers et à travers les Antilles, tout en prenant en considération le débat sur la vicariance et la dispersion. Cela pourrait permettre de mieux comprendre l’histoire de la colonisation des Petites Antilles par la flore, et l’impact de cette colonisation sur l’endémisme observé afin d’en améliorer que mieux leur conservation.

Une première étape consistera à déterminer les conditions écologiques favorables à chacune des espèces de Sloanea antillais, en s’appuyant sur des inventaires spatialisés. Les interactions spatiales inter-espèces seront ainsi abordées. Une attention particulière sera portée sur les comportements des espèces et leur capacité de dissémination, aspect très important pour la migration des espèces.

Dans une seconde étape, la phylogénie des Sloanea antillais sera appréhendée tout en prenant en considération l’histoire géologique de la région Caraïbe. A l’aide d’horloges moléculaires, la spéciation et la migration de ces espèces pourront être mieux décrites. Le but à terme de cette étude, est de reconstituer l’histoire de ce genre aux Antilles, de fournir éventuellement des informations sur les datations d’évènements géologiques antillais, et d’approfondir les débats existants sur les courants de pensées biogéographiques.

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Matériel et méthodes

A. Analyse écologique

a) Caractéristiques des sites étudiés Une parcelle d’un hectare a été prospectée dans les environs de Bains Jaunes, en Basse-Terre, près du volcan de la soufrière (16°01’48,9’’ latitude nord ; 61°40’27,4’’ longitude ouest ; WGS84), à environ 850 mètres d’altitude. Ce site choisi pour sa richesse spécifique exceptionnelle, est décomposé en 25 parcelles de 400 mètres carré chacune. Les coordonnées et la circonférence de tous les arbres de plus de 31,4 centimètres de circonférence équivalente à 10 centimètres de diamètre à 1,30 mètre du sol (hauteur de poitrine) ont été relevées. Toutes les déterminations sont effectuées par Alain Rousteau et la spatialisation des parcelles par Jean-Baptiste Schneider, Yolande Gall, et Alain Kocher de l’O.N.F. (Office National des Forêts).

Fig. 1 Distribution des 41 parcelles échantillonnées en Guadeloupe (D’après Rousteau, 1996)

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L’autre partie des données utilisées concerne une étude antérieure réalisée par Alain Rousteau pour la création d’une carte écologique de la Guadeloupe en 1996. Un lot de 41 parcelles est utilisé ici et a été prospecté à travers toute la Guadeloupe (Fig. 1). Tous les individus ont été échantillonnés sur des parcelles de 800 mètres carré (divisée à chaque fois en huit parcelles de 100 mètres carré), les déterminations effectuées par Alain Rousteau, Bernard Rollet, et Joël Jeannete.

La mesure des circonférences des Sloanea est fortement surestimée du fait de l’empattement des contreforts. De même, il est nécessaire de préciser pour la suite qu’aucun autre « géant » de la forêt ombrophile guadeloupéenne, comme Dacryodes excelsa, ou encore Amanoa, n’était présent à Bains Jaunes.

b) Dissémination de Sloanea caribaea Un transect a été effectué au sein de la parcelle de Bains Jaunes précédemment décrite. Une bande de 5 mètres de large sur 60 mètres de longueur a ainsi été prospectée en relevant tous les Sloanea quelque soit son stade de développement (plantule, juvénile, ou semencier). L’endroit fut choisi en raison de l’isolement de deux énormes Sloanea caribaea situés sur le transect. L’objectif de ce transect est de montrer si la dissémination des Sloanea est liée directement aux semenciers.

B. Méthode d’analyse génétique

Afin de mesurer la spéciation entre les différentes espèces, une technique en plein essor depuis la fin des années 1990 a été choisie : l’horloge moléculaire (Renner, 2005). Le principe de cette méthode est basé sur la reconstruction de l’histoire évolutionnaire d’objets biologiques à l’aide de comparaison de séquences, tout en assumant que la plupart des mutations sont neutres (Bromham et Penny, 2003). La datation est effectuée en prenant une mesure de la distance génétique entre espèces, puis en utilisant un taux de calibration (nombre de mutations par unité de temps) afin de convertir cette distance en temps. Le choix de la technique de calibration est crucial et nécessite des dates de divergence connues. Plusieurs techniques sont appliquées pour pallier ce problème comme la datation de fossiles, mais aussi la biogéographie avec la formation des îles par exemple (Fleicher et al., 1998). Ici nous avons choisi de nous baser sur une calibration effectuée sur la famille des en Australie (Crayn et al., 2006).

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a) Taxons et gènes étudiés Afin d’explorer en détail le genre Sloanea aux Petites Antilles, les cinq espèces présentes en Guadeloupe ainsi que plusieurs espèces vivant en Guyane ont été prélevées. Sloanea caribaea et Sl. dentata ont été échantillonnés près de la rivière Corossol en Basse Terre (16°10’14,6’’ latitude nord ; 61°41’22,6’’ longitude ouest ; WGS84) alors que les autres espèces le furent dans les environs de la maison de la forêt sur la route de la Traversée (16°10’27,2’’ latitude nord ; 61°41’40’’ longitude ouest WGS84).

On prélève préférentiellement de jeunes feuilles afin de limiter la présence de métabolites secondaires (Muller, comm. pers.). Elles sont séchées à 50°C à l’étude puis mises en tube avec des granulés de silica gel afin d’éviter la prolifération de champignons et la pollution de l’ADN qui en découlerait. Dans le cas de la Guadeloupe, seules des feuilles ont été récoltées alors que pour les cinq espèces de Guyane récupérées, certains échantillons étaient sous forme de cambium prélevé à l’emporte-pièce sur des troncs de grands arbres.

Le choix des gènes a été en grande partie déterminé par l’étude de Crayn en 2006 mais il est nécessaire de rappeler ici les raisons de ces décisions. Trois types de génomes sont retrouvés chez les plantes : nucléaire, mitochondrial, et chloroplastique. Ces différentes régions, selon les gènes étudiés, sont utilisables à plusieurs niveaux taxonomiques allant de l’inter à l’intra-spécifique (Lefer, 1994). Le génome nucléaire est divisé en plusieurs zones codantes et non codantes (Fig. 2), les premières hautement conservées et les secondes facilement sujettes à des modifications.

1F GN1 ITS 1 ITS 2 18 S 5,8 S 25 S

BIR ITS4R

Fig. 2 : Représentation schématique d’une partie d’un ADNr. Les zones noires constituent les régions transcrites non codantes et les encadrés blancs les zones codantes. Les lettres en gras accompagnées de flèches à sens unique mettent en avant les amorces utilisées pour cette étude. Une région nucléaire a été ici amplifiée : la région 5,8S avec les deux zones transcrites non codantes ITS1 et ITS2. Pour cela, les amorces GN1 (5’-CGC GAG AAG TTC ATT GAA CC-3’) et ITS4R (5’-TCC TCC GCT TAT TGA TAT GC-3’) ont permis d’amplifier la région 5,8S (White et Playford, 1990). La région trnL-trnF chloroplastique (Fig. 3) a également été choisie pour cette analyse. En effet, même si le génome chloroplastique présente un taux 6

d’évolution plus faible que le génome nucléaire, il n’en demeure pas moins efficace pour les analyses phylogénétiques. Son principal atout est une faible homoplasie, c'est-à-dire un faible bruit évolutif (Lefer, 1994). L’homoplasie concerne des séquences identiques mais dont les histoires génétiques seraient différentes. Cela peut donc induire une sous-évaluation des distances génétiques. Ce bruit peut se présenter sous plusieurs formes : le parallélisme, la réversion, et la convergence. De plus, son hérédité étant le plus souvent monoparentale, cela n’en simplifie que plus l’approche phylogénétique et est surtout très utile pour étudier les flux de gamètes. En revanche, les ITS permettent d’étudier plus en détail les variations intra- spécifiques et apportent ainsi des compléments d’informations non négligeables. Les amorces TRNC (5’-CGA AAT CGG TAG ACG CTA CG-3’) et TRNF (5’-ATT TGA ACT GGT GAC ACG AG-3’) ont été utilisées pour amplifier la région trnL-trnF de l’ADNcp (Taberlet et al., 1991).

TRN C

Exon trn L Exon trn F (UAA) (GAA)

TRN F

Fig. 3 : Représentation schématique d’une partie d’un ADNcp. Les lettres en gras montrent les positions des amorces ainsi que leur direction.

b) Amplification et séquençage L’ADN est extrait avec le DNeasy Mini Kit (Quiagen, Hilden, Germany) en suivant les instructions du fabriquant. L’amplification par PCR a été réalisée dans un thermocycleur GenAmp PCR System 2700 (Applied Biosystems, Foster City, CA, USA). Chaque mélange réactionnel de 50µL contenait 4µL de chaque amorce, 10µL de tampon 5X Colorless

GoTaq® (Promega, Madison, USA), 0,4mM de chaque dNTP, 2mM de MgCl2 (Promega, Madison, USA), et 1,5 unités de GoTaq® DNA Polymerase (Promega, Madison, USA). Les amorces C et F ont été utilisées pour amplifier la région comprise entre les sites d’ancrage trnL-trnF et les amorces GN1 et ITS4R pour la région ITS.

Afin de concilier des problèmes d’ordre pratique en ce qui concerne les différences de températures d’hybridation, la méthode « Touchdown » en PCR a voulu être utilisée mais finalement deux cycles particuliers ont été effectués selon les types d’amorces utilisés. En effet, pour les amorces TRN et ITS, la dénaturation se fait à 95°C pendant 1 minute, 7

l’hybridation à 58°C pendant 50 secondes et la phase de polymérisation à 72°C pendant 1 minute et 30 secondes. Une vérification des réactions est réalisée par migration sur gel d’agarose d’un dépôt de 5µL de produit PCR, suivi d’un bain de BET (Bromure d’Ethidium), un produit qui se glisse entre les bases nucléiques et présentant une fluorescence orange en présence de rayonnement ultraviolet court (environ 300nm).

Pour le séquençage, les produits PCR sont envoyés avec leurs amorces respectives à GATC Biotechs (https://www.gatc-biotech.com/fr) à Lausanne tout en leur demandant un séquençage dans les deux sens. Les résultats sont renvoyés par mail et peuvent alors être utilisés pour les analyses.

c) Analyse des séquences Les séquences obtenues par Crayn en 2006 pour le genre Sloanea ont été ajoutées aux séquences obtenues à partir des génomes antillais. Elles sont disponibles sur le site du National Center For Biotechnology Information contenant entre autre les données nucléotidiques publiées (Annexe I). Quatre logiciels, chacun en licence libre, sont utilisés afin de réaliser les analyses. Bioedit Sequence Alignment Editor (Hall, 1999) sert à récupérer les séquences et à les modifier. En ce qui concerne l’alignement, il est réalisé avec le logiciel Clustal X (Thompson et al., 1997). Les arbres phylogénétiques sont générés par le logiciel TopAli (Milne et al., 2009) et Mega4 (Tamura et al., 2007).

Clustal X réalise l’alignement de séquences en trois étapes. Cette étape est cruciale et permet de choissir les sites qui seront utilisés pour les analyses phylogénétiques. Premièrement, les séquences sont comparées deux à deux afin de créer une matrice de distance. Un dendrogramme est ensuite construit par Neighbor-Joining, la dernière étape consistant à réaliser un alignement multiple en se basant sur l’arbre précédent. Cette dernière étape est complétée par une vérification de l’utilisateur et une modification manuelle de l’alignement si besoin et si possible, tout en prenant en considération les notions de génétique et de dynamique de génomes connues. Ce point est important et prend toute son ampleur en introduisant ici les notions de substitution et d’indels (insertions-délétions), que ClustalX considère au préalable également. Au besoin, des « gaps » (espaces) sont artificiellemnt ajoutés dans l’alignement pour tenir compte des évènements d’indels pouvant avoir eu lieu dans certaines séquences. Les gaps doivent être vérifiés afin d’éviter tout problème d’interprétation du logiciel. Ainsi, ce dernier tourne autour de paramètres prédéfinis par

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l’utilisateur sachant qu’une extension de gap aura un poids moins important qu’une création en raison des évènements évolutifs connus.

TopAli se décompose en plusieurs petits « progiciels » tels que PhylML et MrBayes utilisés pour les constructions d’arbres phylogénétiques et la vérification statistique de ces arbres. Plusieurs méthodes peuvent être mises en application mais seulement deux sont employées ici : ce sont les méthodes les plus couramment utilisées en phylogénie, et fréquemment retrouvées dans la littérature. Ce sont les méthodes de Maximum de Parcimonie (Parcimony) (ici réalisé dans Mega4) et de Maximum de Vraisemblance (Maximum Likelihood). L’analyse de parcimonie est soumise à un « bootstrap » permettant de tester la robustesse des nœuds et des branches de l’arbre, alors que la méthode bayésienne se base sur des probabilités à postériori.

La parcimonie est une méthode très courante en phylogénétique. Pour un groupe d’espèces, la phylogénie la plus vraisemblable est celle qui nécessite le plus petit nombre de changements évolutifs. L’arbre phylogénétique est conçu de manière à impliquer le minimum d’évènements évolutifs. L’avantage réside dans l’évaluation de différentes topologies mais en revanche, seuls les sites informatifs sont utilisés (minimisation de l’homoplasie au maximum). Un site est informatif uniquement si il y a au moins deux types de nucléotides présents dans ce site et si chacun d’eux est représenté dans au moins deux séquences comparées.

Le maximum de vraisemblance consiste à rechercher la vraisemblance des données D sous différentes hypothèses évolutives H d’un modèle M et à retenir les hypothèses qui rendent cette vraisemblance maximale. Dans le cas d’analyses de séquences, les données D sont des séquences comparées et l’hypothèse H est l’arbre phylogéntique. Cette méthode reste la plus fiable mais aussi la plus lourde en calcul. Comparée à la parcimonie, elle est beaucoup plus consistante et est moins sensible aux phénomènes de l’attraction de longues branches. En plus, elle permet d’appliquer les différents modèles d’évolution et d’estimer la longueur des branches en fonction de changements évolutifs. Ici, c’est la méthode bayésienne qui est utilisée. C’est une méthode qui fait appel au concept des probabilités postérieures (le théorème de Bayes). Cette dernière consiste à rechercher la probabilité pour que le modèle théorique soit correct avec les données observées. L’avantage de cette méthode réside dans sa rapidité par rapport aux méthodes de maximum de vraisemblance classiques. Le modèle de

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substitution choisi ici est le « HKY » (Hasegawa, Kishino, Yano, 1985), couramment utilisé et permettant de donner des poids différents aux transitions-transversions.

Une dernière étape dans la création des arbres phylogénétiques consiste à « rooter » son arbre, c'est-à-dire à prendre comme référence un groupe externe aux espèces étudiées. Ce point est le plus ancien de l’arbre. Ce groupe peut être trouvé sous forme de séquences sur GenBank à partir d’autres études sur des groupes externes. Nous avons choisis ici de prendre Connarus conchocarpus (Connaraceae), Cunonia capensis (Cunoniaceae), et Aristotelia chilensis (Elaeocarpaceae). Ces espèces ont été utilisées par Crayn en 2006. La calibration des horloges moléculaires réalisées par Crayn se base sur la divergence entre le clade des Sloanea et des Aristotelia estimée à 89 millions d’années pour les séquences TRN et à 78 millions d’années pour les ITS. Cette estimation de la divergence entre les clades Sloanea et Aristotelia a été reprise dans la présente étude comme point de calibration de nos horloges moléculaires.

Le bootstrap teste la fiabilité des branches internes et considère à effectuer un tirage des sites au hasard avec remise, donc dans chaque réplication de bootstrap, certains sites peuvent être présents plusieurs fois, tandis que les autres peuvent être absents. Chaque réplication produit un nouvel alignement « artificiel ». Pour chaque branche interne, on calcule le pourcentage des arbres artificiels contenant cette branche. On considère généralement que les branches définis par une valeur de bootstrap supérieure à 95% sont fiables, malgré la difficulté en pratique d’obtenir de tels résultats.

C. Analyse statistique

Cette partie concerne uniquement l’écologie, les méthodes statistiques utilisées en phylogénie ont été citées précédemment. Deux types d’analyses sont utilisées pour cette étude : le N.M.D.S. (Non-Metric Multidimensional Scaling / Cadrage Multidimensionnel Non Métrique) et l’intertype compris dans les statistiques de Ripley. Toutes les analyses sont réalisées sur R (R Development Core Team, 2008).

a) Cadrage multidimensionnel non métrique (N.M.D.S. : Non-Metric Multidimensional Scaling) Cette analyse multidimensionnelle, imaginée à l’origine par Shepard en 1962, sert uniquement ici à analyser les 41 parcelles étudiées en différents groupes écologiques afin de savoir quelles données de Sloanea sont utilisables. Cela permet d’utiliser des données ayant 10

des relations écologiques, diminuant le biais du à un mélange de données sans aucune relation.

Un NMDS cherche à représenter dans un nombre réduit et pré-imposé d’axes les relations entre les objets. Il peut se baser sur des indices non-métriques mais il peut aussi s’accommoder de valeurs de distances manquantes, pour autant qu’il y ait assez d’informations pour positionner un objet par rapport à un autre. Le cadrage est réalisé par minimisation d’une fonction de stress. Cela permet, pour un petit nombre d’axes (2 ou 3) de représenter une matrice avec moins de déformations qu’une ACP (Analyse en Composantes Principales). Afin de mieux comprendre cette analyse particulière, ses étapes vont être expliquées.

On part d’un tableau Y avec nc colonnes (espèces) et nl lignes (relevés ou parcelles ici). On calcule une matrice X de n colonnes et lignes, en calculant les distances entre les échantillons, c'est-à-dire ici les parcelles. Pour cela, plusieurs distances peuvent être utilisées (Manhattan, Bray-Curtis, euclidienne) mais c’est la distance de corde qui a été retenue. L’analyse en elle- même va être exécutée (par la fonction « MetaMDS » du package {vegan} sur R) sur cette matrice X en utilisant un algorithme particulier, celui du modèle de Shepard-Kruskal (Fig. 4), Kruskal ayant amélioré la première idée de Shepard en 1964. Cet algorithme est basé sur une série d’itérations permettant de calculer la distance entre chaque couple de points de l’espace et la distance nécessaire qu’ils devraient avoir pour conserver l’ordre des dissimilarités : c’est la notion de « stress ». Quand le stress devient suffisamment petit, la nouvelle configuration de la matrice X est gardée.

Fig. 4 Algorithme du modèle de base de Shepard-Kruskal (D’après Cucchin, 1998)

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A l’issue du NMDS on a utilisé la fonction {envfit} de Vegan/R pour identifier les espèces significativement représentées sur les axes. La significativité est testée par permutation. L’analyse pour notre cas ne s’arrête pas là. En effet, la fonction {kmeans} dans R va être utilisée sur les données (tableau Y) afin d’obtenir une partition de l’ensemble des parcelles. Le résultat de la partition est ensuite projeté sur le graphe du NMDS : les parcelles apparentées au sens de la partition k-means sont associées dans un polygone. Cela permet alors de voir quels groupes de parcelles sont utilisables pour les différentes espèces significatives pour la suite de l’analyse.

b) L’intertype et les statistiques de Ripley La mise en évidence de la variabilité des interactions structurales dans un peuplement s’est rendue facilitée principalement par Ripley. Il mit en place la fonction K(r) utilisée comme outil de description de l’arrangement spatial des arbres en forêt. Pour cela le peuplement est représenté par un semis de points, correspondant à l’ensemble des positions des arbres (coordonnées x et y). La fonction K(r) (Ripley, 1977) caractérise les interactions entre individus sur un grand nombre d’échelles et pas forcément à l’échelle des n plus proches voisins. On peut donc bien se rendre compte des variations locales de la structure spatiale.

Ripley définit la fonction K(r) telle que λ x K(r) soit l’espérance du nombre de voisins à une distance inférieure ou égale à r d’un point quelconque du semis (λ représentant la densité moyenne des individus dans le peuplement). On peut ensuite comparer cette structure (du voisinage moyen autour d’un arbre) à celle de l’hypothèse nulle de distribution aléatoire. Cela permet de montrer si la structure du voisinage autour d’un point est aléatoire, agrégée, ou régulière. L’hypothèse nulle est définie telle que l’espérance du nombre de voisins à une distance r d’un point quelconque est λπr². Ainsi :

K(r)  r² et K(r)  r²

Par exemple, pour un processus agrégé, des points ont en moyenne plus de voisins que sous l’hypothèse nulle donc K(r) est supérieur à πr². L’interprétation de K(r) n’étant pas évidente (Goreaud, 2000), une transformation est utilisée afin de faciliter son utilisation : c’est la fonction L(r) de Besag (Besag et Diggs, 1977) (Fig. 5) :

K(r) L(r)   r 

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Ainsi, pour un processus de Poisson, à toutes les distances r, L(r) = 0. Afin d’intensifier le poids statistique de cette méthode, un intervalle de confiance correspondant à l’hypothèse nulle de structure aléatoire est construit selon la méthode de Monte Carlo en simulant un grand nombre de processus de Poisson et en calculant un grand nombre de L(r). Les bornes de cet intervalle sont estimées avec un risque de 1%.

Fig. 5 Courbes du L(r) de Ripley pour les distributions agrégée, aléatoire et régulière (D’après Goreaud, 2000) La fonction intertype (Goreaud et Pélissier, 2003) est basée sur le même principe que la fonction K(r) de Ripley, mais concerne cette fois-ci deux semis de points de types différents dans la même surface d’étude (Fig. 6). Lors d’une analyse de la structure de l’interaction entre deux ensembles de points, correspondant par exemple à deux espèces du peuplement, on utilise l’hypothèse nulle d’indépendance des arbres des deux espèces, où les arbres de l’espèce 1 sont placés indépendamment des arbres de l’espèce 2. Pour utiliser cette fonction il est nécessaire d’être en hypothèse d’homogénéité et d’isotropie (les propriétés de l’ensemble des points analysés ne doivent pas varier d’un point à l’autre de la surface étudiée, selon une direction privilégiée par exemple). Or, il est évident que lorsqu’on parle de milieu forestier tropical, ce point devient instable du fait de l’hétérogénéité de ce type de milieu, en partie due à une richesse spécifique très élevée. De ce fait, une transformation spécifique est utilisée afin de pouvoir travailler en conditions « inhomogènes ». Malheureusement, cette fonction étant

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encore instable sur R au niveau de l’enveloppe de Monte Carlo, la fonction {Kcross} a été gardée et nous fait alors travailler en conditions homogènes.

Fig. 6 Courbes du L(r) de l’intertype de Ripley pour une indépendance, une répulsion interspécifique, ou une attraction interspécifique entre deux espèces d’un peuplement. (D’après Goreaud, 2000)

Un dernier point non négligeable est la correction des effets de bord, composante essentielle des analyses de peuplements par les fonctions de Ripley et intertype. Ripley montra en 1977 qu’il était possible de pallier ce problème en considérant qu’il y a un voisinage similaire au voisinage présent à l’intérieur du dispositif. D’autres méthodes existent mais celle-là a été retenue pour l’étude.

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Résultats

Il est nécessaire d’introduire ici les résultats écologiques de cette étude en considérant un certain nombre de points. En effet, toutes les espèces ne sont pas traitées de la même manière en raison notamment des données disponibles. Ces données sont fortement dépendantes de la répartition des espèces en Guadeloupe, et on se rend compte par exemple que Sl. dussii n’est présent que sur une seule station près de Bouillante, et est donc difficile à étudier au niveau spatial et au niveau populationnel. Même si Sl. dentata est plus présent, il possède un habitat assez sélectif (bord des rivières et fonds des vallées notamment ; Rollet, à paraître ; Fournet, 2002) et demeure beaucoup moins abondant que les autres espèces. Ainsi, à chaque partie sera expliqué quelles espèces sont étudiées, sachant que l’étude au niveau écologique aura plus de poids pour Sl. berteriana, Sl. caribaea, et Sl. massonii.

A. Description des espèces étudiées

Cinq espèces du genre Sloanea sont étudiées ici. Ce genre appartient à la famille des Elaeocarpaceae. Un détail utile pour la reconnaissance de ce genre aux Antilles est la présence d’un pulvinus à l’extrémité distale du pétiole (Annexe III). Cette dernière, autrefois comprise dans l’ordre des Malvales (Cronquist, 1981), est actuellement placée dans les . La répartition des Elaeocarpacae au niveau mondial est tropicale mais la famille reste absente du continent africain (Fig. 7). La description qui suit, de chaque espèce, est fortement basée sur deux flores : la flore des Petites Antilles (Howard, 1989) et la flore de Guadeloupe et de Martinique (Fournet, 2002).

Fig. 7 : Distribution des Elaeocarpaceae (Stevens, 2001)

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 Sloanea berteriana Choisy ex DC. (« ti-coco » en créole)

Endémique des Petites et Grandes Antilles (rare à la Martinique), pouvant mesurer près de 30 mètres, cette espèce se reconnaît par des feuilles glabres fortement nervurées, des fleurs apétales à quatre sépales jaunes à l’extérieur, rosés à l’intérieur. Le fruit est une capsule ellipsoïde, sans appendices, de 3 à 4 centimètres de diamètre, granuleuse sur le dos, à pédicelle épaissi en un court cylindre. Il est intéressant de noter la présence de cette espèce au Vénézuéla (Rollet, à paraître).

 Sloanea caribaea Kr. et Urb. Ex Duss (« Akoma boukan » en créole)

B.A. Krukoff a déjà décrit Sloanea caribaea au Brésil (1936), tout comme P.R House au Honduras (1994), ou encore Steyermark au Venezuela (1959) et même Smith (1954) en Colombie (Tropicos.org. Missouri Botanical Garden. 16 May 2009 ). Cette espèce est donc présente du nord de l’Amérique du Sud (comme le confirme Howard en 1979) jusqu’aux Grandes Antilles en passant par l’Amérique Centrale. Cet arbre, pouvant mesurer près de 40 mètres de hauteur, présente des feuilles glabres plus petites que S. berteriana, et des fleurs apétales à quatre sépales égaux, odorants, gris et duveteux sur les deux faces. L’écorce a tendance à se desquamer par larges plaques sur les sujets âgés. Le fruit est une capsule globuleuse ovoïde de taille comprise entre 1,3 et 2,1 centimètres, avec un pédicelle densément pubérulent.

 Sloanea dentata L. (« Chatennyé gran fèy » en créole) Endémique des petites Antilles, commun au voisinage des rivières, ce Sloanea présente des feuilles gaufrées, avec des nervures pubérulentes saillantes à la face inférieure. Les stipules sont pubescentes et profondément dentées. Mesurant dans les 30 mètres de hauteur, l’arbre donne des fruits capsulaires globuleux de 5 à 9 centimètres de diamètre, dont les parois sont couvertes d’appendices semi-rigides de six centimètres environ. Les fleurs, apétales, possèdent entre cinq et neuf sépales inégaux pubérulents sur les deux faces.

 Sloanea massonii Sw. (« Chatennyé ti-fèy » en créole) Endémique des petites Antilles et mesurant jusqu’à 35 mètres, il présente des feuilles gaufrées, au limbe pubérulent sur les nervures des deux faces. Les fleurs apétales sont composées de cinq sépales ou plus, donnant un fruit, une capsule ellipsoïde ligneuse et dure de trois centimètres environ, dotée d’appendices souples d’environ deux centimètres de longueur. 16

 Sloanea dussii Urb. Longtemps considéré comme endémique stricte de Martinique, il a été déterminé en Guadeloupe au début du Sentier de la Trace des Crêtes, au départ de la Crête de Village par J.P. Fiard. Pouvant atteindre les 40 mètres de hauteur, il se distingue par un tronc très élancé se ramifiant très haut. Les stipules sont linéaires-lancéolées. Les feuilles elliptiques présentent une consistance chartacée, voire sub-coriace. Les fleurs présentent 3 à 4 sépales. En ce qui concerne les fruits, ce sont des capsules globuleuses, de plus ou moins 25 millimètres de long, entourées de soies souples, fragiles, inférieures à 6 millimètres de longueur.

La description de ces espèces permet de faire ressortir l’existence de deux morphotypes : d’un côté des feuilles coriaces et des fruits avec appendices (Sloanea dussii, S. massonii, et S. dentata), de l’autre des feuilles glabres et plus petites avec des fruits sans appendices (Sloanea caribaea et Sloanea berteriana). Il est très intéressant d’observer cette différenciation au niveau des plantules. En effet, le groupe Sl. caribaea-Sl. berteriana présente des cotylédons succulents épigés et colorés en beige (Annexes IV et V) alors que le groupe Sl. massonii-Sl. dentata montre des cotylédons diaphanes blancs (Annexes VI et VII). La plantule de Sloanea dussii, la plantule n’a pas encore été décrite. Un dernier point est la présence commune à chaque espèce d’un arille rouge enveloppant totalement la graine (à vérifier pour dussii) et d’un fruit de type capsule déhiscente.

La carte de la distribution géographique des différentes espèces (Fig. 8) permet de mettre en évidence des répartitions spécifiques des Sloanea au sein des Petites Antilles. En effet, Sloanea caribaea se retrouve plus dans le sud des Petites Antilles alors que Sloanea berteriana se situe plus dans le nord. Sloanea dussii est présent en Martinique et Guadeloupe, c'est-à-dire là où les aires des deux espèces précédentes se recouvrent. En ce qui concerne le deuxième morphotype, la répartition est différente et met en évidence beaucoup d’îles communes aux deux espèces, depuis Saba au nord jusqu’à Grenade au Sud. Pour finir, au sein des Petites Antilles, il est intéressant de préciser que le genre Sloanea n’est présent que sur l’arc interne, et que trois espèces sur cinq sont endémiques strictes des Petites Antilles (Sl. dentata, Sl. dussii, et Sl. massonii).

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Fig. 8 Distribution géographique des deux morphotypes de Sloanea dans les Petites Antilles

B. Les Sloanea au sein des peuplements forestiers

a) Distribution des Sloanea dans les métacommunautés forestières ombrophiles Les données des 41 parcelles prospectées servent à réaliser une analyse NMDS (Non-Metric Multidimensional Scaling) afin de voir quelles espèces de Sloanea peuvent être analysées et dans quel contexte écologique (Fig. 9). Deux espèces ressortent de cette analyse, c'est-à-dire qu’elles sont significativement représentées sur les axes de la NMDS : Sloanea caribaea (p<0.001) et Sloanea massonii (p=0,039). Les groupements obtenus avec la fonction « kmeans » sont ensuite examinés pour extraire des échantillons représentatifs des populations des deux Sloanea. Ainsi, pour Sloanea caribaea, le groupe des parcelles 45 et 47 a été retenu et pour Sloanea massonii, c’est le groupe des parcelles 2, 26, 29, 36, et 42 qui s’est révélé satisfaisant. Il a été décidé de représenter par la suite la distribution de Sloanea berteriana même s’il n’est pas significativement représenté sur la NMDS. Les données utilisées pour cette espèce proviennent également des parcelles 2, 26, 29, 36, et 42 en raison du plus grand nombre d’individus de cette espèce présent dans ce groupe.

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Fig. 9 NMDS réalisée sur les 41 parcelles. Les vecteurs verts correspondent aux espèces significativement expliquées par les axes, les noms en bleu représentent les noms de parcelles et les polygones mettent en évidence les groupements du {kmeans}. Les bulles rouges montrent les deux espèces de Sloanea significativement représentées.

b) Distribution des circonférences Deux jeux de données sont exploités ici : celui des 41 parcelles échantillonnées et celui de Bains Jaunes. Les espèces pouvant ainsi être étudiées sont donc Sl. caribaea, Sl. massonii, et Sl.berteriana. Cette dernière espèce est uniquement exploitable pour les 41 parcelles. Il est intéressant ici de comparer les distributions des espèces par rapport au peuplement dans lequel elles sont présentes et de comparer les 41 parcelles avec un milieu très particulier qui est celui de Bains Jaunes.

Sloanea berteriana présente une distribution de circonférences très proche de celle du peuplement (Fig. 10), c'est-à-dire en exponentielle négative avec beaucoup d’individus entre 30 et 60 centimètres de circonférence. Sloanea berteriana peut atteindre cependant de très grandes dimensions comme en témoigne la présence d’individus de circonférences supérieures à 450 centimètres. Sloanea caribaea est présent à Bains Jaunes et se révèle être un arbre gigantesque par rapport aux autres arbres du peuplement. En effet, sa circonférence (incluant l’empattement des contreforts) peut aller jusqu’à près de huit mètres (Fig. 12). En ce

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qui concerne sa distribution, elle est différente du peuplement dans les deux types de milieux (Fig. 11 et Fig. 12). En revanche, pour Bains Jaunes, on remarque une cloche apparaissant vers 2 mètres de circonférence, schéma qu’on ne retrouve pas pour le groupement des 41 parcelles. En effet, pour ce dernier, la distribution s’apparente à une exponentielle négative, mais présente un creux important pour la classe de circonférence de 60 à 90 centimètres (Fig. 11).

Fig. 10 Histogramme des circonférences des 41 parcelles pour Sloanea berteriana

Fig. 11 Histogramme des circonférences pour Sloanea caribaea pour les 41 parcelles Sloanea massonii, quant à lui, présente une distribution similaire au peuplement pour l’ensemble des 41 parcelles, c'est-à-dire en exponentielle négative (Fig. 13), alors que pour Bains Jaunes, la fréquence des individus augmente progressivement jusqu’à la classe de circonférence 120-150 centimètres avant de chuter brusquement (Fig. 14). Les arbres de cette espèce sont également très gros comme les précédentes et peuvent atteindre des circonférences de 450 centimètres, empattements compris (Fig. 13).

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Fig. 12 Histogramme des circonférence pour Sloanea caribaea à Bains Jaunes

Fig. 13 Histogramme des circonférences pour Sloanea massonii pour le groupement des 41 parcelles

Fig. 14 Histogramme des circonférences pour Sloanea massonii à Bains Jaunes

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C. Interactions spatiales

a) Associations d’espèces La station de Bains Jaunes a permis de réaliser quelques statistiques de Ripley et notamment des analyses inter-types (voir Matériel et Méthodes). En revanche, tous les intertypes réalisés ne se sont pas révélés valables du point de vue significatif, et ne correspondaient pas aux intertypes classiques théoriques normalement obtenus. Nous avons choisi ici de montrer l’un de ces résultats résultant d’un intertype entre Sloanea caribaea et Chimarrhis cymosa (Fig. 15). La courbe représentative de la fonction L(r) de Besag sort de l’enveloppe inférieure mais reste tout de même assez proche de celle-ci. La courbe ne revient pas vers une valeur de L(r) proche de 0 et reste vers une valeur proche de -6.

interLR

4

2

r

0

Sloanea_caribaea

-2

Chimarrhis_cymosa

K

-4 -6

0 5 10 15 20 25

r

Fig. 15 Intertype entre Sloanea caribaea et Chimarrhis cymosa. Les courbes rouge et verte représentent l’enveloppe au seuil de 1% et la courbe noire les données observées.

b) Caractère spatial de la dissémination L’échantillonnage des plantules à Bains Jaunes (transect de 60m x 5m) a été divisé en quadrats de 1m², soit un total de 300 quadrats. Cette répartition a été comparée à un processus de Poisson de densité uniforme (CSR : Complete Spatial Randomness). Le test Khi carré (fonction {quadrat.test} montre une différence très significative entre les deux processus (p=1,02.10-9 ; X²=469,59 ; ddl=299). Une fonction de densité sur R permet d’appuyer le fait que la répartition des plantules de Sloanea caribaea est agrégative (Fig. 16). En revanche,

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presque aucun individu n’a été identifié sur la droite des individus adultes, bien que leur couronne couvre ce périmètre.

Fig. 16 Densité des plantules de Sloanea caribaea (sigma=3). Les bulles noires représentent à titre indicatif la position des deux individus adultes (sans prise en compte de la surface de la couronne)

D. Analyse phylogénétique

L’analyse phylogénétique a été réalisée sur la base de deux loci. Les deux loci en question sont d’une part les TRN (gènes chloroplastiques de l’ARN de transfert) et d’autre part les ITS (Internal Transcribed Spacers de l’ADN ribosomal) préalablement utilisés par Crayn., et al. en 2006 dans une étude analogue réalisée sur les Sloanea australiens. Par manque de temps, seule une réaction de séquence en double sens par individu et par locus a été permise, nous obligeant à écarter des analyses les individus pour lesquels les réactions de séquence n’ont pu être interprétées. Ainsi, Sloanea dentata et Sloanea dussii ont été exclus de l’étude des séquences du locus TRN. De même, en raison d’une lecture difficile de la zone codante pour la sous unité 5,8S chez certaines espèces étudiées, et en l’absence d’une seconde réaction de séquence, seuls les sites ITS1 et ITS2 ont été conservés et concaténés. Pour ce dernier point, notre choix a été motivé d’une part, part des résultats concordant avec les études réalisées par Crayn., et al. en 2006, et d’autre part, par le faible polymorphisme de séquences attendu au niveau des zones codantes pour des gènes d’entretien cellulaire. Au final, 990 pb (paires de bases) ont été utilisées pour les sites TRN et 486 pb pour le concaténât ITS1-ITS2.

Afin d’homogénéiser les interprétations de résultats entre les deux méthodes de classification utilisées (parcimonie et inférence bayésienne), on a traité que trois séquences guyanaises sur les cinq disponibles (Sloanea guianensis, Sloanea sp1, et Sloanea sp2) et deux séquences australiennes de Crayn et al. En 2006 (Sloanea woolsii et Sloanea sogerenensis). Cela fait donc un total de 12 taxons étudiés pour chaque méthode pour les sites trnC-trnF mais un total de 10 taxons pour les sites ITS car seul Aristotelia a été pris comme racine. Un dernier taxon étudié reste Sloanea berteriana prélevé à Puerto Rico et séquencé par Crayn et al. en 2006, comparé au Sloanea berteriana prélevé en Guadeloupe.

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a) Analyse des sites trnC-trnF L’analyse de parcimonie a révélé 12 positions informatives sur 990 au total. 10 000 réplicas furent utilisés. Deux groupes apparaissent distinctement au sein des Sloanea : d’une part les Sloanea guyanais ainsi que Sloanea massonii et Sloanea dentata, d’autre part les Sloanea australiens avec Sloanea caribaea et Sloanea berteriana (Fig. 17). Les valeurs du bootstrap montrent une robustesse élevée pour les nœuds entre Aristotelia et Sloanea (99%) et entre les deux groupes de Sloanea (88%). Cette robustesse diminue au sein des intragroupes Sloanea et devient même très faible parfois (15% pour Sloanea guianensis et Sloanea massonii, 14% pour le deuxième groupe australo-guadeloupéen de Sloanea). Une distinction très nette est visible au niveau des morphotypes annoncés dans les points précédents : d’un côté un groupe avec les feuilles gaufrées et de l’autre un groupe avec les feuilles glabres. Sloanea dentata et Sloanea caribaea montrent un taux de changement nucléotidiques plus important par rapport aux autres Sloanea (Fig. 17). Le chronogramme présenté (Fig. 17) est fondé sur l’estimation de la divergence Sloanea-Aristotelia (Crayn et al., 2006). Il révèle l’apparition des Sloanea au cours vers la fin de l’Oligocène et le début du Miocène.

Fig. 17 Chronogramme (à gauche) et relations phylogénétiques basées sur l’analyse de parcimonie de trnC-trnF. Le chronogramme montre les dates de divergences des différents taxons (accompagné des valeurs de bootstrap pour les nœuds) et l’arbre de droite a été choisi pour montrer les proportions de changements nucléotidiques. Les racines sont en rouge, les Sloanea australiens en vert, les Sloanea feuilles lisses en bleu, les Sloanea feuilles gaufrées en marron, et les Sloanea guyanais en orange. L’inférence bayésienne montre des résultats similaires que ce soit pour les dates du chronogramme, les proportions de changements nucléotidiques, mais également pour les

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groupes obtenus (Fig. 18). Il est nécessaire tout de même de noter quelques différences. La divergence des Sloanea serait intervenue pendant l’Oligocène et non le Miocène. Les proportions de changements nucléotidiques sont moins importantes. Le groupe des Sloanea à feuilles glabres se révèle plus ancien que les australiens, mais sur l’arbre de parcimonie, ils sont séparés comme deux groupes distincts (Fig. 17). Les valeurs de bootstrap apparaissent plus robustes pour l’arbre obtenu par la méthode Bayes.

Fig. 18 Chronogramme (à gauche) et relations phylogénétiques basées sur l’inférence bayésienne de trnC-trnF. Le chronogramme montre les dates de divergences des différents taxons (accompagné des valeurs de probabilités à posteriori pour les nœuds) et l’arbre de droite a été choisi pour montrer les proportions de changements nucléotidiques. Les racines sont en rouge, les Sloanea australiens en vert, les Sloanea feuilles lisses en bleu, les Sloanea feuilles gaufrées en marron, et les Sloanea guyanais en orange.

b) Analyse des sites ITS L’analyse de parcimonie a révélé 12 positions informatives sur un total de 486 positions au sein des sites ITS1 et ITS2. 50 000 réplicas furent utilisés ici. Cette analyse nous permet de mettre en évidence trois groupes : le groupe des Sloanea australiens, et les deux morphotypes antillais avec cette fois-ci la présence de Sloanea dussii au sein du même morphotype que Sloanea massonii et les Sloanea guyanais (Fig. 19). Les valeurs de bootstrap pour chaque nœud restent élevées, excepté pour le groupe de Sloanea berteriana-Sloanea caribaea (25%). Les ancêtres communs respectifs des Sloanea australiens et antillais seraient apparus pendant l’Oligocène (Fig. 19), mais la divergence des intragroupes antillais serait apparue de la fin de l’Oligocène au milieu de l’Eocène. Les Sloanea guyanais, en revanche, ont divergé plus récemment que les autres groupes.

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Fig. 19 Chronogramme basé sur l’analyse de parcimonie réalisée sur le concaténât des séquences ITS1 et ITS2. Les valeurs de bootstrap sur les nœuds reflètent la robustesse de ceux-ci. L’arbre des changements nucléotidiques n’a pas été intégré, en raison d’un apport négligeable d’informations. La racine est en rouge, les Sloanea australiens en vert, les Sloanea feuilles lisses en bleu, les Sloanea feuilles gaufrées en marron, et les Sloanea guyanais en orange.

Fig. 20 Chronogramme basé sur l’inférence bayésienne réalisée sur le concaténât des séquences ITS1 et ITS2. Les valeurs des nœuds sont les valeurs de probabilités à posteriori et reflètent la robustesse de ceux-ci. L’arbre des changements nucléotidiques n’a pas été intégré en raison d’un apport négligeable d’informations. La racine est en rouge, les Sloanea australiens en vert, les Sloanea feuilles lisses en bleu, les Sloanea fuilles gaufrées en marron, et les Sloanea guyanais en orange.

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L’inférence bayésienne présente des résultats très similaires à l’analyse de parcimonie sur la structure des branches et des nœuds (Fig. 20). Trois groupes apparaissent ici aussi et se révèlent être les mêmes. Les dates coïncident fortement en notant une différence pour le groupe des feuilles gaufrées, sa divergence estimée ici au début du Miocène et non à la fin de l’Oligocène comme l’estime la parcimonie (Fig. 19). Les valeurs de probabilités à posteriori se révèlent très fortes également, aucune valeur n’étant inférieure à 60%.

c) Description détaillée des dates de divergences Pour plus de clarté, les chronogrammes n’étant pas assez précis, les dates de divergences des différents taxons et pour chaque méthode ont été extraites des phylogrammes calibrés par les dates de divergence connues fournies par Crayn, en 2006 (Tab. 1 et Tab. 2).

Tab. 1 Estimation de l’âge des nœuds pour les différents taxons et pour chaque méthode, issue de l’analyse des sites TRN. Les estimations sont basées sur le MRCA (Most Recent Common Ancestor) Sloanea-Aristotelia fourni par Crayn en 2006.

Estimation de l'âge (millions d'années) selon la méthode utilisée Nœud Parcimonie Bayes MRCA Sloanea-Aristotelia 89 89 MRCA Sl. berteriana - Sl. caribaea 14 18 MRCA Sl. woolsii - Sl. sogerensis 5 11 MRCA Sl. dentata 14 16 MRCA Sl. massonii 9 13

Tab. 2 Estimation de l’âge des nœuds pour les différents taxons et pour chaque méthode, issue de l’analyse des sites ITS. Les estimations sont basées sur le MRCA (Most Recent Common Ancestor) Sloanea-Aristotelia fourni par Crayn en 2006.

Estimation de l'âge (millions d'années) selon la méthode utilisée Nœud Parcimonie Bayes MRCA Sloanea-Aristotelia 78 78 MRCA Sl. berteriana-Sl. caribaea 20 19 MRCA Sl. woolsii-Sl. sogerensis 41 30 MRCA Sloanea Antilles-Guyane 33 29 MRCA Sl. massonii - Sl. dussii 21,5 ± 3,5 19

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Des différences apparaissent entre les estimations de dates des deux types d’analyses : TRN et ITS. La première remarque que nous pouvons formuler est la différence d’estimation du nœud Sloanea-Aristotelia pour Crayn : il y a une différence non négligeable d’environ 11 millions d’années (Tab. 1 et Tab. 2). Ensuite on note des valeurs plus élevées des dates de divergences pour les sites ITS, en ce qui concerne les Sloanea australiens. En revanche, les deux méthodes d’analyse utilisées dans cette étude (parcimonie et inférence bayésienne) montrent des résultats très similaires confortant les résultats obtenus pour l’analyse des deux types de loci. Un dernier point très important est une divergence de 8 millions d’années observée dans notre étude entre les deux Sloanea berteriana comparés au cours de cette étude. Les résultats ne sont pas présentés ici mais ont été extraits des différentes analyses effectuées.

Etudier ces deux types de sites permet une analyse à différents niveaux taxonomiques. Les ITS mettent en évidence plus de polymorphisme et sont donc plus informatifs en intra spécifique. Les TRN sont plus efficaces pour observer l’inter spécifique car ces sites varient moins vite. Ils sont donc complémentaires des ITS pour une analyse phylogénétique, les deux apportant leur degré d’information.

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Discussion

Deux morphotypes apparaissent chez les Sloanea antillais : un groupe à grandes feuilles gaufrées (Sloanea dentata et Sloanea massonii) et un groupe à petite feuilles lisses (Sloanea caribaea et Sloanea berteriana), Sloanea dussii présentant des caractères foliaires intermédiaires (petites feuilles gaufrées). Deux espèces se retrouvent également dans le Nord de l’Amérique du Sud : Sloanea caribaea et Sloanea berteriana (Rollet, à paraître). Certains traits écologiques ont été étudiés comme la distribution des circonférences, les interactions spatiales, et la dissémination, notamment au site de Bains Jaunes près du volcan de la Soufrière en Guadeloupe. Une étude phylogénétique a été réalisée sur deux loci complémentaires aux niveaux intra et inter spécifiques : le site ITS (ADN ribosomal) et le site TRN (ADN chloroplastique). L’analyse des séquences a permis d’évaluer les dates de divergences entre les espèces en réalisant une horloge moléculaire : deux méthodes ayant été utilisées pour la réalisation des arbres phylogénétiques (inférence bayésienne et parcimonie). Finalement, l’étude a permis de montrer que l’analyse génétique reproduit les mêmes parentés que l’examen morphologique.

Cette discussion s’axera donc sur deux points : une analyse écologique et phénotypique présentant le rôle des Sloanea sur les peuplements forestiers et leur dispersion au sein de ces peuplements, et une analyse phylogénétique et biogéographique de ce genre aux Antilles en essayant d’identifier les voies migratoires qu’auraient pu emprunter les Sloanea.

A. Les Sloanea : un impact sur la structuration des peuplements ?

Peu d’études écologiques ont été réalisées sur les Sloanea (Parresol, 1995 ; Weaver, 1997 ; Clair et al., 2003). Pourtant leur taille imposante en partie due à leurs contreforts laisse supposer un rôle sur la structure des peuplements ombrophiles forestiers.

a) Les Sloanea : difficultés d’échantillonnage ? Malheureusement, un certain nombre de problèmes d’échantillonnages apparaissent lors de leur étude. La majorité des études écologiques utilisent une mesure de circonférence à 1,30 mètre de hauteur. Or, la présence de contreforts sur plusieurs mètres de hauteur induit un biais d’échantillonnage considérable. De plus, la majorité des individus sont de grande taille et nécessitent une aire d’échantillonnage importante. En effet, sur le site de Bains Jaunes, 43 Sloanea caribaea et 25 Sloanea massonii auront été prospectés sur un hectare. Ce site est pourtant considéré comme particulièrement riche en Sloanea (Rousteau, comm. pers.). En 29

général, les circonférences sont mesurées afin d’étudier la croissance des individus mais pour ce genre d’espèce, cela s’avère problématique. Une solution a pourtant été proposée et consiste à mesurer le diamètre de la couronne (Parresol, 1995). Mais cette alternative se révèle très difficile à mettre en place dans la pratique et ce problème reste donc encore insoluble.

b) Préférences écologiques des Sloanea A Bains Jaunes, seuls Sloanea caribaea et Sloanea massonii sont présents avec quelques rares individus de Sloanea dentata. La présence de ce dernier peut s’expliquer par la forte humidité présente sur ce site, car cette espèce révèle une préférence pour les milieux rivulaires (Rollet, à paraître). Mais le site de Bains Jaunes est très accidenté et laisse supposer un drainage efficace du sol, permettant l’installation de Sloanea caribaea et de Sloanea massonii. De plus, l’abondance de ces espèces (ainsi que des autres espèces non étudiées) pourrait s’expliquer en partie par l’éruption du volcan de la Soufrière en 1530 (Komorowski et al., 2008), induisant un substrat assez riche. En ce qui concerne Sloanea berteriana, l’altitude semble être un facteur déterminant pour son aire de répartition. Il ne dépasserait pas les 500 à 600 mètres d’altitude (Rollet, à paraître ; Weaver, 1997), ce serait donc une espèce de moyenne à basse altitude.

c) La distribution des circonférences L’échantillonnage de ces populations reste difficile mais certaines informations sur leur comportement ont pu être déterminées, malgré le biais induit par les circonférences. La distribution des circonférences de Sloanea berteriana présente une courbe de type exponentielle négative, montrant ainsi une accumulation d’individus de petite taille. Cela s’explique par une croissance initiale lente de cette espèce (Weaver, 1997). En revanche, la situation est différente pour Sloanea massonii et Sloanea caribaea à Bains Jaunes. En effet, leur distribution présente une courbe en cloche montrant une accumulation d’individus ayant une taille assez conséquente. Or, ces espèces auraient un comportement sciaphile (Rollet, à paraître), et nécessiteraient donc d’acquérir une taille suffisante avant de pouvoir accroître leur couronne en atteignant la canopée. Cela laisse supposer un établissement conséquent des contreforts au cours de la croissance de l’arbre.

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d) Le rôle des contreforts Le rôle des contreforts est toujours en cours d’élucidation. En revanche, plusieurs hypothèses ont été établies quant au rôle écologique de ces structures particulières. Les contreforts amélioreraient la stabilité mécanique des arbres (et leur ancrage sur des sols meubles) et leur permettraient ainsi d’atteindre une hauteur plus grande (Alvès et Santos, 2002). Une autre hypothèse annonce la possibilité pour l’arbre de s’approprier un espace important autour de lui, induisant une compétition interspécifique non négligeable (Black et Harper, 1979 ; in Clair et al., 2003). Au cours de cette étude, nous avons tenté de le montrer mais un problème majeur a été rencontré lors de l’analyse des données. En effet, il est nécessaire de considérer la répartition des individus d’un peuplement forestier comme inhomogène, avec des densités locales hétérogènes. Mais la fonction K(r) intertype doit être améliorée afin de mieux prendre en considération les conditions réelles des peuplements étudiés. Les contreforts sont donc encore une source de recherche en écologie mais l’hypothèse d’Alvès et Santos en 2002 laisse induire la possibilité pour l’arbre d’acquérir une plus grande couronne du fait de sa stabilité. Or, une couronne imposante serait peut-être un avantage pour la dissémination.

e) La zoochorie comme vecteur de dissémination ? La cartographie des plantules a permis de mettre en évidence une dissémination des Sloanea en lien avec la couronne. Les graines de Sloanea ne présentent pas d’adaptations permettant des disséminations autres que la barochorie ou la zoochorie. Par exemple, Sloanea caribaea est considéré comme un arbre de chasse (Rollet, à paraître), car les fruits sont mangés par les oiseaux. Une telle dissémination peut paraître vraisemblable dans le cas où les oiseaux ne s’intéressent qu’à l’arille et peuvent alors promener les graines sans les détruire. De même, la présence antérieure des perroquets (disparition liée à la colonisation) a pu jouer un rôle dans la dissémination des Sloanea. Ces derniers sont prisés par les perroquets pour le nichage et la nourriture, surtout en ce qui concerne Sloanea caribaea (Reillo et al., 2000). Le même phénomène a été observé pour Sloanea laurifolia à Trinidad et Tobago (Keeler-Wolf, 1988). Mais cela ne pourra jamais être observé en Guadeloupe. Il est vraisemblable qu’auparavant, les perroquets migraient entre les îles. Il est notoire que les animaux des populations résiduelles actuelles ne migrent pas. Toutefois, avant que l’homme n’intervienne, l’importance des populations insulaires pouvait sans doute rendre ces comportements migratoires relativement fréquents. Il reste toujours à vérifier que les graines sont dispersées

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par ces oiseaux et qu’elles demeurent viables après leur transport. Il faut encore évaluer les distances sur lesquelles les perroquets peuvent déplacer les diaspores.

La dissémination n’apporte donc aucune réponse certaine au problème de la dispersion entre îles, excepté le fait qu’une dispersion d’île en île (modèle « stepping-stone ») à travers un bras de mer s’avère d’autant plus probable, que les îles sont proches (Rousteau, comm. pers.). Les seuls autres processus de colonisation restent les ponts inter-îles (connexions continues entre des îles), la vicariance (par exemple la fragmentation d’une île en plusieurs îlots) ou des phénomènes certainement sous-évalués comme les cyclones. De plus, la présence actuelle des deux morphotypes et surtout l’existence de trois espèces endémiques des Petites Antilles montrent bien que des phénomènes de spéciation ont eu lieu au sein du genre Sloanea aux Antilles. Afin d’étudier cela, l’histoire phylogénétique de ce genre a été étudiée.

B. Le genre Sloanea aux Antilles : originaire du Nord ou du Sud ?

a) Les deux routes hypothétiques Le genre Sloanea présente une répartition actuelle limitée à la ceinture tropicale (Fig. 21). Une telle répartition dans l’hémisphère Sud pourrait laisser supposer une origine australe, renforcée par une différenciation des Sloanea australiens sur les chronogrammes obtenus.

Fig. 21 Répartition actuelle du genre Sloanea (D’après Field Museum of Natural History, Museum of Vertebrate Zoology, University of Washington Burke Museum, and University of Turku (Accès par le portail de données GBIF , www.gbif.net)

Toutefois, la découverte de fossiles en Europe Centrale (Tamas et Hably, 2005) prouve la présence de ce genre dans l’hémisphère Nord. De plus, l’Amérique du Nord était encore 32

connectée à l’Eurasie jusqu’au début de l’Eocène (Pennington, 2004), permettant des migrations de populations d’un bout à l’autre (Fig. 22). Les Antilles demeurent une plaque tournante dans ce contexte de migrations entre le Nord et le Sud du fait de son histoire géologique complexe. Finalement, nous pouvons retenir ici deux hypothèses fortes pour l’origine des ancêtres des taxons antillais (Lavin et Luckow, 1993 ; in Pennington, 2004) : des populations issues de la vicariance du Gondwana, ou une origine boréotropicale des taxons (Laurasie-Amérique du Nord).

Fig. 22 Organisation des continents au début de l’Eocène (Pennington, 2004)

b) Origine boréale du genre Sloanea Les chronogrammes obtenus montrent que l’ancêtre commun des Sloanea antillais et des quelques Sloanea guyanais étudiés remonte à 30 millions d’années approximativement. De même, les Sloanea guyanais que nous avons étudiés se sont plus récemment diversifiés que les Sloanea antillais. Ce dernier point suggère la possibilité d’une origine boréale du genre Sloanea et sa migration vers les Grandes Antilles à partir de l’Amérique du Nord. Arrivé aux Grandes Antilles, le genre Sloanea aurait ensuite investit l’Amérique du Sud en passant par GAARlandia. Il est important de rappeler ici que GAARlandia était un pont émergé (Fig. 23) qui semble avoir relié les Grandes Antilles au Nord de l’Amérique du Sud de 35 à 33 millions d’années environ (Iturralde-Vinent et MacPhee, 1999). L’origine Laurasienne a déjà été suggérée par Richardson en 2004 pour les Annonaceae, même si ce groupe est plus ancien que les Elaeocarpaceae. Les Grandes Antilles étaient durablement émergées depuis environ 49 millions d’années (Iturralde-Vinent et MacPhee, 1999 ; Graham, 2003) et étaient alors encore en partie connectées à l’Amérique du Nord. Sloanea berteriana et Sloanea caribaea sont encore actuellement présents dans le nord de l’Amérique du Sud (Venezuela notamment) 33

ce qui pourrait conforter l’hypothèse du pont reliant les Grandes Antilles au Nord de l’Amérique du Sud. L’hypothèse d’une voie australe, clairement illustrée par de nombreux taxons angiospermiens, devient alors beaucoup moins probable. En revanche, il est nécessaire d’étudier les liens ayant existés entre GAARlandia et les Petites Antilles afin de comprendre plus précisément l’endémisme des Sloanea de l’archipel.

Fig. 23 Paléogéographie de la région Caraïbes vers 35-33 millions d’années (Iturralde-Vinent et Macphee, 1999)

C. Les Petites Antilles et les Sloanea : une colonisation mêlée à de la spéciation ?

Il faut préalablement préciser qu’un isolement génétique ou un faible nombre de migrants (ne permettant pas de compenser la dérive génétique) sont des conditions nécessaires à l’établissement de spéciations. Cette dernière peut aussi être favorisée par des évènements stochastiques (éruptions volcaniques, évènements climatiques majeurs), favorisant un appauvrissement génique. En effet, un des problèmes majeurs auxquels la génétique des populations est confrontée en milieu insulaire est le faible polymorphisme de séquence observé chez les populations insulaires, y compris pour des loci tels que les microsatellites pourtant reconnus pour leur polymorphisme (Muller, et al., 2008).

Les Petites Antilles se sont formées progressivement par le Nord vers le milieu de l’Eocène puis par le Sud pendant l’Oligocène (Pindell, 1994 ; Graham, 2003). Cette datation coïncide

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avec la présence de GAARlandia il y a 35 millions d’années environ. De là, nous pouvons formuler trois hypothèses relatives à l’arrivée des Sloanea aux Petites Antilles. La première suppose l’existence possible de ponts connectant GAARlandia et l’archipel naissant des Petites Antilles. De tels ponts auraient permis la migration des Sloanea à feuilles lisses (Sloanea berteriana et Sloanea caribaea, ou du moins leur ancêtre commun). La seconde hypothèse concerne l’impact non négligeable des cyclones qui pourraient être à l’origine d’une dispersion ancienne et actuelle des diaspores et ainsi contribuer à la structuration écologique des peuplements d’îles (Whittacker, 1995 ; Hedges, 2001). La dernière hypothèse suppose des espèces animales susceptibles à l’époque d’effectuer des migrations entre les îles. De plus, certains phénomènes, tels que les variations cycliques du niveau de la mer d’environ -120 mètres par rapport au niveau actuel (Peltier, 2006), peuvent favoriser l’isolement ou au contraire favoriser une dissémination par l’apparition de ponts de terre émergés lorsque le niveau marin est au plus bas (« Stepping-stone »). Par la suite, l’isolement progressif des îles sur lesquelles Sloanea caribaea et Sloanea berteriana (ou leur ancêtre commun) étaient présentes aurait favorisé leur spéciation par un isolement prolongé de ces petites populations particulièrement sujettes au phénomène de dérive génétique. Nos analyses montrent un isolement génétique de huit millions d’années des deux populations de Sloanea berteriana étudiées aux Grandes Antilles (Puerto Rico) et en Guadeloupe. L’isolement et la dérive génétique particulièrement favorisée par la petite taille des populations auraient pu permettre l’apparition des taxons du morphotype « feuilles gaufrées » tels que nous les connaissons : Sloanea massonii, Sloanea dentata, et Sloanea dussii. Une telle adaptation foliaire pourrait résulter d’une mutation d’un gène ou plusieurs gènes intervenant dans le développement foliaire, apparue chez leur ancêtre commun, puis transmis à la descendance avant spéciation (Muller, comm. pers.). Ce phénomène peut être favorisé par un faible nombre de colonisateurs initial (un colon pouvant être suffisant chez les espèces autogames) et un isolement accentuant la dérive (tout particulièrement dans le cas de petites populations isolées en l’absence de migrants), dans la mesure ou la fitness n’est pas altérée, ou que sensiblement par l’apparition d’un tel caractère morphologique, ce dernier aurait pu être transmis à la descendance de façon pérenne.

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Conclusion et perspectives

Le genre Sloanea se révèle intéressant que ce soit pour des études écologiques ou phylogénétiques. Même si les préférences écologiques sont difficiles à déterminer, cette étude aura mis en évidence certains traits écologiques et certains problèmes à prendre en compte pour de futures études. En effet, le rôle des contreforts reste encore mal connu et une nécessité d’agrandir les aires d’échantillonnage devient vitale. En revanche, la dissémination barochore est apparue comme prépondérante pour la dispersion des Sloanea au sein d’un milieu.

Les Sloanea des Petites Antilles révèlent deux morphotypes bien distincts, qui sont en parfaite concordance avec les résultats phylogénétiques obtenus. Ces derniers laissent supposer une voie boréale d’arrivée de ce genre aux Petites Antilles, via les Grandes Antilles et l’existence d’un pont anciennement émergé : GAARlandia, correspondant à la ride d’Avès. Toutefois, les processus de colonisation des Petites Antilles en eux-mêmes restent encore flous du fait notamment d’une histoire géologique complexe. L’existence actuelle de taxons endémiques laisse imaginer des processus de spéciation sympatrique après cette colonisation, même si certains taxons guyanais semblent posséder des caractéristiques morphologiques proches des taxons antillais. Il serait intéressant de montrer par la suite si ces radiations ont été adaptatives.

Les îles de la Caraïbe fournissent donc des laboratoires idéaux pour l’étude des phénomènes de spéciations allopatrique et sympatrique, du fait qu’elles sont une plaque tournante entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud. Cette étude aura permis de montrer d’une part l’importance des radiations évolutives pour la compréhension des phénomènes de spéciation et de dispersion, et d’autre part que des taxons frères issus d’une spéciation sympatrique peuvent être isolés par la reproduction mais peuvent partager des milieux similaires.

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Annexes

Annexe I : Taxons provenant de la publication de Crayn et al., 2006

Annexe II : Echelle des temps géologiques (D’après Odin, 1994)

Annexe III : Photographies des espèces étudiées

Annexe IV : Plantule de Sloanea caribaea (D’après Rousteau, in Rollet, à paraître)

Annexe V : Plantule de Sloanea berteriana (D’après Rousteau, in Rollet, à paraître)

Annexe VI : Plantule de Sloanea massonii (D’après Rousteau, in Rollet, à paraître)

Annexe VII : Plantule de Sloanea dentata (D’après Rousteau, in Rollet, à paraître)

Annexe I

Taxons utilisés pour les analyses phylogénétiques, avec leur famille respective, leur code d’accession GenBank et leur origine géographique. Les échantillons certifiés ont été déposée dans les herbarium suivants :

NSW : Herbarium National de la Nouvelle Galles du Sud

MO : Missouri Botanical Garden

NCU : Université de la Caroline du Nord

Taxon—Family; Accessions GenBank : trnL-trnF, ITS; Origine géographique de l’échantillon, Spécimen certifié.

Aristotelia chilensis Stuntz, Elaeocarpaceae, DQ444660, DQ448660, Chili, J.M. Allen s.n. (NSW 605486).

Cunonia capensis L., Cunoniaceae, AF299156 et AF299209, Sud de l’Afrique, J. Bradford 735 (MO).

Connarus conchocarpus F.Muell., Connaraceae, AF365035, Nord Est de l’Australie, Wannan 1500 (NSW).

Sloanea berteriana Choisy ex DC., DQ444656, Caraïbes, M.W. Chase 343 (NCU).

Sloanea sogerensis Baker f., DQ444657, DQ448658, Nouvelle Guinée, D.M. Crayn 532 (NSW).

Sloanea woollsii F. Muell., DQ444654, DQ448657, Est de l’Australie, D.M. Crayn 780 (NSW).

Annexe II

Annexe III

Capsule de Sloanea dentata (Alain Rousteau)

Stipules de Sloanea dentata (Alain Rousteau)

Feuilles de Sloanea dentata (Alain Rousteau)

Fruits et feuilles de Sloanea massonii (Alain Rousteau)

Fruit et capsule de Sloanea caribaea (Jean François Bernard)

Jeune plant de Sloanea caribaea (Christophe Boucher)

Annexe IV

Annexe V

Annexe VI

Annexe VII

UNIVERSITÉ DES ANTILLES ET DE LA GUYANE FACULTÉ DES SCIENCES EXACTES ET NATURELLES

Résumé :

Le genre Sloanea (Elaeocarpaceae) présente aux Petites Antilles trois espèces endémiques (Sl. dentata, Sl. dussii, et Sl. massonii) présentant un morphotype « feuilles gaufrées » et deux espèces présentes des Grandes Antilles à l’Amérique du Sud (Sl. berteriana et Sl. caribaea) avec un morphotype « feuilles lisses ». Nous avons tenté d’appréhender la phylogénie des espèces par l’analyse de deux loci, trnC-trnF et ITS1- ITS2, en parcimonie et en bayésien. Les résultats montrent une relation privilégiée entre les morphotypes et les arbres phylogénétiques obtenus, et mettent en évidence une origine biogéographique boréale du genre aux Petites Antilles et un passage probable par GAARlandia, pont ayant relié les Grandes Antilles et le nord de l’Amérique et correspondant actuellement à la Ride d’Avès. La colonisation des Petites Antilles par la suite laisse supposer des phénomènes de spéciations sympatriques pour la radiation du morphotype « feuilles gaufrées ». Les Petites Antilles occupent donc une place idéale pour l’étude des phénomènes de spéciations allopatrique et sympatrique, du fait qu’elles possèdent un endémisme élevé et une histoire géologique des plus complexes. L’archipel aurait joué un rôle de plaque tournante voire de zone refuge entre l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud.

Mots clés : phylogéographie, Caraïbes, horloge moléculaire, spéciation, Sloanea.

Abstract :

The genus Sloanea (Elaeocarpaceae) is represented in the Lesser Antilles by three endemic species (Sl. dentata, Sl.dussii, and Sl. massonii) showing “embossed” leaf morphology, and two species also existing in the Greater Antilles and the north of South America (Sl. berteriana and Sl. caribaea) with “smooth” leaf morphology. We tried to establish the phylogeny of this genus analyzing two loci, trnC-trnF and ITS1-ITS2, with parsimony and Bayesian methods. Results show a strong relation between the morphology types and the phylogenetic trees and bring out a boreal origin of this genus in the Lesser Antilles. GAARlandia, a bridge existing in the past between the Greater Antilles and the north of the South America today represented by the Aves Ridge, appears to be a key element in this origin. Then, the settlement in the Lesser Antilles suggests sympatric radiations for the “embossed” morphology. So the Lesser Antilles are a perfect place to study allopatric and sympatric radiations, because of a high endemism and a complex geologic history. The archipelago may have a rotating plate role, and surely a shelter zone between the North America and the South America.

Keywords : phylogeography, Caribbean, molecular clock, radiation, Sloanea.

N° 2009 - 06