Supplément lille La réussite annoncée d’une cité européenne du VENDREDI 21 au jeudi 27 DÉCEMBRE 2012 – No 30 www.latribune.fr France métropolitaine - 3 €

Pierre Moscovici « Le french bashing est une mode, un sport… » PAGE 30

Pour le ministre de l’Économie et des Finances, il est absurde d’ignorer nos atouts.

spécial anti-crise cette france » qui marche ournal a plusieurs vies. a plusieurs votre j ournal tri, votre geste de ve c A

Cette fin d’année n’est pas folichonne. 2013 ne s’annonce pas plus radieuse. Et pourtant, quantité d’entreprises, notamment les petites, surfent sur la crise : elles innovent, exportent, recrutent… Démonstration en

lage des papiers. c e ofolio pour le re y lage des papiers. ave T ribune s’engage dix exemples sélectionnés par La Tribune. « L a Pages 4 à 7 enquête Financement territoires F: 3,00 Jouets chinois : ces pme qui Le fisc à l’attaque - 30 après le toc, poussent sous l’aile pour défendre

L 15174 place au top PAGES 14-15 d’un grand PAGE 17 le cinéma PAGES 18-19 © Jean-Claude Coutausse / D ivergen c e © Jean-Claude Coutausse

Coulisses 3 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE

Harlem Désir verrait bien un petit remaniement ministériel début 2013. Si François Hollande décidait de nommer Christiane Taubira au Conseil constitutionnel (dont trois membres sont à remplacer fin mars), le prétexte serait tout trouvé pour réduire un peu le gouvernement, en donnant une promotion à certains ministres. © BERTRAND LANGLOIS / AFP LANGLOIS / © BERTRAND Le Premier ministre ne veut pas que des Nantais défilent à Paris. Le hacker de Bonne année ! Patrick Mennucci La rédaction de La Tribune vous souhaite de joyeuses « Bonjour, comment vas-tu ? As-tu du temps à consacrer fêtes et vous donne rendez-vous le 11 janvier. à une situation particulière me concernant discrètement et par e-mail ? J’ai besoin de ton aide sérieusement. Je suis en 2012, annus horribilis pour déplacement depuis hier pour des © BERTRAND GUAY / AFP / GUAY © BERTRAND raisons personnelles et là, je suis La crainte de face a des difficultés tels que je ne Jean-Marc Ayrault les libraires et les éditeurs saurais que faire sans ton aide. S’il Le 14 juillet 2014, les te plait, c’est vraiment délicat armées de pays alliées i le Père Noël contacte moi par e-mail en toute en 1914 défileront à Paris existe, il va devoir discrétion. Dans l’attente urgente pour le centenaire Sse montrer rapide- de te lire. Patrick Mennucci. » de la Première Guerre ment. En tout cas, les édi- Le député (PS) des Bouches- mondiale. Pour la teurs et les libraires fran- du-Rhône s’est fait hacker (un clôture des festivités, çais l’attendent avec une hacker pas très fort en français) il a été proposé au impatience non dissimu- et certains de ses contacts gouvernement une lée. Car ces professions, ont reçu ce mail. Pour l’instant, immense parade de la qui ont connu une mau- c’est une première en politique… troupe Royale de Luxe, vaise année 2012 – voire dans le même esprit que très mauvaise pour les le défilé organisé par libraires, notamment les Le raté du Jean-Paul Goude en 1989, grandes enseignes –, maire de Paris mais avec les incroyables regardent avec consterna- Bertrand Delanoë n’est et superbes machines tion les chiffres de vente pas content du tout : Paris de la célèbre compagnie (non encore rendus Grandes surfaces culturelles et librairies traditionnelles Métropole, structure qu’il sont touchées par la baisse de leurs ventes. [MIGUEL MEDINA / AFP] de théâtre de rue. Jean- publics) de début a créée en 2009, a Marc Ayrault a dit non. décembre. explosé en plein vol La troupe est nantaise, il Malgré l’approche des Chacun espère un ont été mises en vente à peine ses travaux de ne veut pas qu’on l’accuse fêtes, le recul a été terrible ressaisissement tandis qu’une autre plus synthèse finis, au premier de favoritisme. Une sur la première semaine importante et assez vote soumis à ses quinze réaction compréhensible de décembre comparée à dans la dernière ancienne serait au bord membres. Jean-Marc au vu de sa cote de la même semaine de 2011. ligne droite du dépôt de bilan. Ayrault et Marylise popularité. Dommage. Selon l’institut GFK (qui Et chacun espère un res- Lebranchu, ministre de la Le projet était superbe. comptabilise toutes les avant les fêtes. saisissement dans la der- Réforme de l’État, sorties caisse, donc ce qui nière ligne droite avant les voulaient que le maire de a été réellement vendu), tous les éditeurs fêtes de Noël. Les quelques best-sellers actuels Paris se mette d’accord La chaîne de la FNSEA chutent, de Hachette, qui perd 5 %, à Michel sont un peu inattendus : La Vérité sur l’affaire avec la région Île-de- Xavier Beulin, le président de Lafont et Solar, qui plongent de 26 et 24 %. Plus Harry Quebert (éditions de Fallois), de Joël France sur le contenu et la FNSEA, veut, lui aussi, sa grave, au vu des chiffres de la dernière semaine Dicker­, et surtout le Tout seul (Flammarion), de le périmètre de la future chaîne de télévision. Il fait de novembre, aucun secteur de l’édition n’est Raymond Domenech, dont plus de 50 000 métropole. Mais Bertrand actuellement un tour de piste épargné : la bande dessinée baisse de 8 %, les exemplaires ont déjà été vendus, laissant augu- Delanoë a préféré monter auprès des principaux syndicats beaux-arts et la littérature générale de 9 %, la rer largement plus de 100 000 ventes d’ici à la le dossier avec Paris et entreprises du secteur pour jeunesse de 11 %, les loisirs de 14 %, le scolaire fin de l’année… Pour un livre sur lequel la plu- Métropole que préside réunir les fonds. Terre-net, la de 11 % ou le tourisme de 13 %. Et tous les lieux part des éditeurs n’auraient pas parié un kopeck, Patrick Braouezec depuis Web TV agricole, devrait donc de vente sont touchés, des librairies tradition- c’est pas mal ! Seul Cinquante nuances de Grey un an. L’ancien député s’arrêter à la fin de l’année nelles (– 9 %) aux grandes surfaces (– 12 %) en (Vintage Books), de E.L. James, a bénéficié de de Seine-Saint-Denis prochaine pour laisser la place passant par un – 10 % pour les grandes surfaces son énorme campagne marketing. Avec l’aide lui avait garanti qu’il à cette nouvelle chaîne qui culturelles, Fnac, Virgin, etc. L’explication ? Il du Seigneur, L’Enfance de Jésus (Flammarion), aurait l’accord des 203 pourrait éventuellement n’y en a pas, pour l’instant. Les éditeurs sont de Benoît XVI, pourrait peut-être dépasser collectivités membres rejoindre le câble et le satellite. déboussolés, certaines petites maisons d’édition Raymond ­Domenech la veille de Noël ! q de Paris Métropole. Raté.

coulisses L’enquête vos finances 3 2012, annus horribilis 14 Jouets chinois : après le toc, le top. 24 Pour investir en toute simplicité, traquez les trackers. pour les libraires et les éditeurs. 25 Petits maîtres… mais bons filons. entreprises & innovation > Le classement Sicav obligations euro L’événement 16 La Bretagne surfe sur les bateaux « verts ». long terme : la sécurité récompensée. 4 Cette France qui gagne… quand même ! > L e chiffre 2,95 % Ma tante s’intéresse & à la santé des plus précaires.

S ommaire entreprises financement le buzz 17 Elles poussent sous l’aile d’un grand. les analyses 26 Rigueur : la défense toujours en première ligne. 10 L’œil de Philippe Mabille 27 Les marchés financiers, la drogue Monti Triskaïdékaphobie : même pas peur ! territoires / france et la peur du manque. 11 Réforme bancaire : circulez, 18 Le fisc s’en va-t-en guerre pour le cinéma français. Europe : c’est encore loin, l’Union bancaire ? il n’y a (presque) rien à voir. 20 Pourquoi Lyon livre sans états d’âme > > Comment Gérard Depardieu sa bibliothèque à Google. les idées / les chroniques a pu payer 85 % d’impôt en 2012. territoires / international 28 Soutenir les collectivités pour relancer l’emploi. o 12 Le charbon, c’est l’avenir ! 22 De la hauteur au pays des polders. 29 L’inflation ne serait plus l’ennemi public n 1. > Les trois défis du nouveau patron 23 Harrison, la ville qui voulait devenir dortoir. > Légiférer sur la rémunération des dirigeants ? de Dassault Aviation. > O n en parle à Bruxelles Le carnet de l’interview 13 Effet Free Mobile : le scénario noir Florence Autret Idée cadeau : des œuvres 30 Pierre Moscovici, ministre de l’Économie : imaginé par SFR. d’art pour égayer l’Europe. « Le frensh bashing est une mode, un sport… » 4 l’événement LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012

La France 57,7 dollars 827 000 bénéficie d’une c’est la productivité horaire (PIB rapporté au naissances en 2011. La France se économie riche, nombre d’heures travaillées) des Français en classe parmi les pays de l’OCDE qui ont le taux « 2011, selon l’OCDE. Mieux que celle des Alle- de natalité le plus élevé, un élément de très diversifiée mands (55,3 dollars), et bien plus que la dynamisme pour l’économie d’un pays. Le taux et résiliente. » moyenne des pays de l’OCDE (44 dollars). de fécondité dépasse, pour la quatrième année Elle reste toutefois en deçà de celle des Amé- Standard & Poors, début 2012 consécutive, le seuil de deux enfants par femme. © Don Emmert / AFP ricains, à 60,3 dollars. cette france qui ga gne… quand même ! Un rayon de soleil dans le photovoltaïque Le constat e marché solaire français est au plus bas ? Pas de quoi Ludovic Deblois, cofondateur de Sunpartner, montrant un doucher les ambitions de Ludovic Deblois, qui compte composant photovoltaïque pour téléphone portable. [dr] Montée du chômage, L faire passer le chiffre d’affaires deS unpartner, qu’il hausse des défaillances a cofondé en 2009, de 1 à 100 millions d’euros en trois ans. Il n’est pas le seul à y croire : Sunpartner a levé 7 millions d’entreprises, conjoncture d’euros depuis sa création et doit boucler un nouveau tour de économique européenne table de 2 millions d’ici janvier. La jeune entreprise compte parmi ses 30 salariés des cadres seniors expérimentés, pour dégradée : les difficultés certains venus de Gemalto ou de Schneider Electric. « Notre modèle n’est pas la fabrication industrielle, précise que rencontrent nombre Ludovic Deblois, mais l’innovation et la cession de licences. » d’entreprises sont réelles L’entreprise a déposé pas moins de 30 brevets en trois ans. Le million d’euros engrangé en 2012 provient de l’adaptation de et profondes. De quoi solutions Sunpartners aux besoins de ses partenaires. « Sur plomber le moral… les applications, la robustesse et la qualité de service comptent autant que le prix », explique Ludovic Deblois. Sunpartner se positionne sur deux marchés mariant le Fabien Piliu 30 salariés solaire et l’optique : le film photovoltaïque transparent pour Sunpartner énergie améliorer l’autonomie d’appareils électroniques et le solaire >> es exemples, nous les avons à basse concentration pour de petites centrales, beaucoup choisis dans des secteurs tradi- moins chères que les centrales classiques et faciles à fabriquer tionnels, voire réputés en dans des pays émergents. tion, montres, liseuses électroniques… Un partenariat avec déclin. Il fallait oser… Alors que Dès 2013, une usine pilote de films photovoltaïques produira l’Inria porte sur l’équipement de serres. la plupart des indicateurs de quoi équiper les écrans de 8 millions de téléphones por- Les centrales solaires basse concentration intéressent éga- Cmacroéconomiques sont dans le rouge, que tables. Un grand fabricant présentera son premier modèle au lement les industriels, tels que Schneider Electric et Veolia, la récession menace, La Tribune vous pro- salon WTC de Barcelone en février. Les applications sont partenaires d’un pilote installé à Marrakech. « On vient nous pose de partir à la découverte d’une autre multiples : affichage urbain, tablettes (un projet de recherche trouver pour notre capacité d’innovation », constate Ludovic France, celle qui gagne, qui embauche est en cours avec Archos et Gemalto) panneaux de signalisa- Deblois. q Dominique Pialot encore, qui innove et qui exporte. Un seul parti pris : considérant que les entreprises composant le CAC 40 n’ont pas réellement besoin de nous pour vanter leurs succès en une nouvelle vie grâce à la Bourse France et aux quatre coins du globe, seules des PME ou ETI sont mis en avant ici. Le négoce et le recyclage d’or et d’argent, un bon filon très actif en interne mais aussi vis-à-vis exploité par Gold by gold, la biennommée ! [FILES / KEYSTONE / KEYSTONE/AFP] de l’extérieur, puisqu’elle apporte noto- Évidemment, il ne s’agit en aucun cas riété et image de sérieux. d’ignorer les difficultés et les inquiétudes En levant 3,1 millions d’euros, Patrick actuelles des 2,8 millions de PME fran- Schein a pu étendre son réseau de bou- çaises et de leurs 7 millions de salariés. Le tiques et se développer dans le négoce niveau toujours élevé des défaillances d’en- et la collecte. Et comme l’achat d’or n’a treprises est un bien douloureux rappel à jamais été aussi soutenu depuis la réalité. Tout comme la montée continue quelques mois, à la faveur du nombre de demandeurs d’emplois. L’Ob- de la hausse fulgurante de servatoire français des conjonctures éco- ses cours, on comprend nomiques (OFCE), auquel on ne peut cte et négoce d’or 111 millions de CA >> Gold by Gold colle mieux pourquoi il a tenu à reprocher aucun « déclinisme », n’anticipe- forcer le destin. L’appétit des investis- t-il pas un taux de chômage inédit de 11 % seurs, même en période de basses eaux, de la population active à la fin de 2013 ? dépend donc toujours du secteur de n le voit depuis le début de la by Gold, qui s’est introduit sur le mar- l’entreprise et de la qualité de son De fait, les difficultés qui pèsent sur les crise financière : les petites et ché Alternext en avril dernier. La société équipe managériale. PME sont nombreuses. La dégradation de O toutes petites entreprises ont est spécialisée dans l’achat et le recy- Ainsi, en 2012, l’essentiel des introduc- la conjoncture européenne, le niveau jugé du mal à convaincre leur banquier de les clage d’or et d’argent, les produits affinés tions en Bourse a concerné des « bio- trop élevé du coût du travail, le poids de la accompagner dans leurs projets d’inves- étant notamment revendus à l’industrie techs ». Ces entreprises sont, certes, sur fiscalité, de la paperasserie, le resserrement tissement. Et la Bourse, qui pourrait bijoutière. Avec un chiffre d’affaires 2011 un secteur dit « défensif », car touchant à de l’accès au crédit : autant de freins au prendre le relais, ne joue pas véritable- de 111 millions d’euros et un résultat net la santé, mais elles ne délivrent aucun pro- développement régulièrement cités par les ment son rôle, les analystes et investis- de 1 million, le groupe pèse aujourd’hui fit à court terme, leur activité se concen- dirigeants d’entreprises dans les enquêtes seurs boudant le créneau des PME- 14 millions en Bourse. Pas facile, certes, trant sur la recherche de molécules… pro- de conjoncture. ETI, pas très rentable pour eux. pour une petite entreprise de faire l’ob- metteuses. Intéressant à rappeler à l’heure Certains entrepreneurs n’en hésitent jet d’échanges nourris, surtout en cette où les investisseurs veulent, soit-disant, Toutefois, réduire l’économie française à pas moins à tenter leur chance. C’est le période compliquée pour les actions. Il ne prendre aucun risque avec les ces terribles maux ne serait pas honnête, cas de Patrick Schein, patron de Gold n’empêche, la cotation reste un moteur actions.q Pascale Besses-Boumard l’événement 5 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE

initiative Les entreprises COMMERCE EXTÉRIEUR françaises qui produisent localement ont leur salon « Made in France ». La base France agroalimentaire La première édition, inaugurée par est compétitive, Solde net : Arnaud Montebourg, s’est tenue en + 6,8 milliards d’euros. l’industrie française novembre et a rencontré le succès. « Selon les organisateurs, « acheter a un grand avenir. » textile, français n’est pas toujours plus habillement arnaud montebourg, ministre coûteux si l’on considère le vrai prix du redressement productif Solde net 2011 : à payer et pas seulement celui qui AFP / © LIONEL BONAVENTURE - 12,1 milliards d’euros.

© LIONEL BONAVENTURE / AFP / © LIONEL BONAVENTURE est affiché sur l’étiquette ». cette france qui ga gne… quand même ! La Chine ? Même pas peur ! Les faits La PME Guard Industrie a su imposer son savoir-faire avons été choisis pour rénover les pour- … mais il y a aussi beaucoup et ses produits jusqu’au cœur de Pékin, place Tian’anmen. [DR] tours de la place », se réjouit Barnabé de nos PME qui se battent, Wayser. Quid du centre de la place hautement embauchent, et tiennent symbolique pour le gouvernement cen- la dragée haute à leurs tral et l’opposition ? L’entreprise est en passe de décrocher le contrat, après concurrents indiens, avoir déjà « nettoyé » le Parc olympique de Pékin, le terminal du Port de chinois ou allemands. La Tianjin, le grand théâtre d’Erdos… Tribune a voulu leur donner Évidemment, cette expérience ne fut pas toujours une partie de plaisir. La un coup de chapeau, à PME a dû, par exemple, s’approprier les travers quelques exemples. « codes » du commerce. « Tout se négocie pendant les repas. Ce n’est Guard Industrie bâtiment 40 salariés pas comme en France où se mettre n’en déplaise aux Cassandre qui prédisent >> à table permet d’abord de prendre le déclin imminent de notre économie et de i, si, c’est possible. depuis trop longtemps. Il faut aller cher- du bon temps. Ensuite, il a fallu que nous notre industrie. On peut diriger une PME de cher la croissance là où elle est », explique fassions des efforts de souplesse. Tant que S 40 salariés et partir à la conquête Barnabé Wayser, son directeur général. la marchandise n’est pas livrée, les termes Un talent de champion… un peu de la Chine. Après une première expé- Épaulée par un volontaire internatio- d’un contrat peuvent être constamment rouillé mais capable de se relancer rience mitigée avec un distributeur local nal en entreprise (VIE), Guard Indus- modifiés », explique le dirigeant. « On pourrait comparer l’économie fran- en 2006, Guard industrie, une PME spé- trie remporte un premier appel d’offres Aujourd’hui, la filiale chinoise emploie çaise à un athlète de haut niveau qui a arrêté cialisée dans la protection de surface et lancé pour la rénovation du musée une quinzaine de personnes. Son activité de s’entraîner depuis longtemps. La reprise de bâtiment et l’imperméabilisation, a national chinois de Pékin, situé place représente 20 % des ventes à l’export et est délicate car les mécaniques sont rouil- créé Guard Bao Te Jia Limited en Tian’anmen. Une place qui devient le 10 % du chiffre d’affaires global de Guard lées. Pourtant, il y a tellement de talent en 2008, une joint-venture avec une entre- pré carré de la PME de Montreuil (93). Industrie, évalué à 9 millions d’euros en France que tous les obstacles à la croissance prise chinoise. « L’Europe est en panne « Grâce à cette première référence, nous 2012.q Fabien Piliu peuvent être dépassés si l’envie est là », mar- tèle Stéphane Nitenberg, le directeur géné- ral d’Aston, un fabriquant de décodeurs numériques qui a décidé en 2010 de loca- À l’assaut de la forteresse allemande liser une partie de sa production en France ! « On nous a pris pour des fous », se Allemagne par-ci, l’Allemagne par-là. Pas un jour ne « En mettant un rappelle-t-il. Trois ans plus tard, il estime passe sans que la presse, les économistes et le gouver- pied en Allemagne, ’ nous avons changé que ce choix s’est traduit par une augmen- L nement ne vantent les mérites du modèle économique de dimension », tation de 15 % du chiffre d’affaires de son allemand. Et pourtant… Contrairement à une idée reçue selon déclare Nicolas entreprise. laquelle nos chers voisins rechigneraient à se fournir autre- d’Hueppe, DG de Cellfish Media. [DR] L’exemple d’Aston n’est pas exceptionnel. ment qu’avec du made in Germany, les entreprises françaises Sans chercher bien loin, La Tribune a faci- ont de belles opportunités de développement outre-Rhin. lement déniché des entreprises qui C’est le cas de Cellfish Media, une PME francilienne spé- recrutent, souvent à tour de bras, des entre- cialisée dans l’édition et la distribution de contenus et services prises de quelques dizaines de salariés qui Web et mobiles qui voit son chiffre d’affaires progresser à lèvent des fonds conséquents en Bourse ou vitesse grand V en terre allemande. Aujourd’hui, sur les qui affichent des performances haut de 100 millions de dollars de chiffre d’affaires affichés par cette gamme depuis qu’elles se sont implantées PME de 160 personnes, 10 % sont d’ores et déjà réalisés en dans des banlieues réputées difficiles. Allemagne. Elle détiendrait actuellement de 15 % à 20 % de parts de marchés 160 salariés Dans l’industrie, on peut encore raconter en Allemagne, dans la pro- >> Cellfish contenus et services web et mobiles de belles histoires. C’est le cas dans les duction de contenus pour greens techs, dans le textile ou dans la les opérateurs mobiles ment le mérite de raccourcir les distances et de permettre à construction navale, trois secteurs que l’on Pourquoi avoir tenté cette aventure ? « Dans notre secteur, l’entreprise d’atténuer un sentiment patriotique qui ne peut dit pourtant réservés aux entreprises asia- l’Allemagne est une évidence. Si l’on prend en compte l’Autriche pas être ignoré lorsqu’un investisseur étranger reprend une tiques. Malgré leur petite taille, leurs res- et la Suisse alémanique, c’est un marché de 100 millions de entreprise locale. sources financières limitées, il y en a même personnes qui est à nos portes. En mettant un pied en Alle- « En agissant ainsi, nous avons gagné beaucoup de temps. En qui partent à la conquête du marché alle- magne, nous avons changé de dimension. La taille critique de Allemagne, il est bien plus facile de faire du business lorsque mand, notre principal concurrent à l’export, notre nouveau marché nous a permis d’amortir nos coûts l’on est… allemand. C’est d’autant plus vrai que nos interlocu- ou qui partent défier le géant chinois. fixes », explique Nicolas d’Hueppe, le directeur général de teurs ne parlent pas tous anglais », constate Nicolas d’Hueppe. Cellfish Media. Ces ambitions de développement se sont Encore une idée reçue… q Fabien Piliu Alors… Joyeuses Fêtes ! concrétisées en 2006 avec le rachat de Legion, une PME de 40 personnes basées à Düsseldorf. Une méthode qui a notam- 6 l’événement LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012

cette france qui gagne… quand même ! Sergent Major est l’une des marques Délocaliser c’était bien, relocaliser c’est mieux ! soutenues par Siparex, premier acteur Chez Billion Mayor Industrie, on relocalise e monde est un village, paraît-il ! On pourrait donc s’y indépendant la production, car « le savoir-faire français du private reste incomparable » dans le textile et la soie, promener à sa guise. Pas si facile, évidemment. Pour- equity déclare le président de la PME. [DR] Ltant, en quelques années, une partie de l’outil de pro- français. [dr] duction de Billion Mayor Industrie, une PME de la région lyonnaise spécialisée dans le textile, la transformation de fils continus précisément, a fait un aller-retour entre la France et l’Asie. « En 2003, nous avons délocalisé une partie de notre production en Malaisie pour suivre nos clients et nos fournisseurs. Si nous n’avions pas fait ce choix, qui nous per- mettait de réduire nettement nos coûts de production, l’entre- prise pouvait se mettre en difficulté », explique Jean-Paul Sibellas, le président de cette PME de 85 personnes créée en 1893 au cœur du quartier de la soierie à Lyon, inventrice en 1947 du fameux nylon mousse dit « cheveux d’ange » qui a révolutionné le secteur. Cette délocalisation, tient à préciser le dirigeant, n’a entraîné aucune destruction d’emplois en France. En outre, celle-ci n’a pas pesé sur notre balance commerciale, l’inté- gralité de la production de Billion Mayor Asia étant destinée aux marchés asiatiques et sud-américains. Neuf ans plus tard, bien plus que l’augmentation constante des coûts de

transport, la multiplication par six du coût de la main- Siparex capital-investissement d’œuvre locale, le bond de 50 % de la monnaie locale – le >> 1 milliard d’actifs sous gestion Ringgit – par rapport au dollar et à l’euro remettent radica- lement ce choix en cause. Et puis, il est toujours délicat de gérer des problèmes à 10 000 kilomètres de distance. « Les chaînes de production reprennent le chemin de la France, Si, si on peut encore permettant ainsi la création de 25 emplois nouveaux sur nos lever de l’argent quatre sites industriels », précise Nicolas Peyraverney, le PDG du groupe Sofila auquel appartient Billion.« Il faut e capital-investissement français voit ses res- bien admettre que le savoir-faire français reste sources s’assécher. Au premier semestre, il a levé 85 personnes >> Billion Mayor Industrie soie incomparable », admet Jean-Paul Sibellas qui, en Lmoins de deux milliards d’euros. Il lui aurait fallu dépit du coût de cette relocalisation, de la dégra- en récolter cinq au second semestre pour que le millé- dation de la conjoncture dans un secteur ultra-concurrentiel, sime 2012 égale celui de 2011. Mission impossible, les table sur un chiffre d’affaires stable en 2013, avoisinant les banques et les assureurs, ses traditionnels pourvoyeurs 15 millions d’euros, dont 70 % à l’export. q Fabien Piliu de fonds, se montrant moins prodigues en raison de nouvelles contraintes réglementaires. Siparex détonne, dans ce contexte. En juin, la société de capital-investissement lyonnaise, présente au capi- Traverser la tempête sans sacrifier ses troupes tal de PME comme Sergent Major ou Le Noble Age, annonçait le closing final d’un fonds de 130 millions uelle est la réaction habituelle Leader mondial des bateux de plaisance, d’euros, destiné à financer le développement ou le d’un chef d’entreprise dont le Beneteau a su diversifier sa gamme et rachat de PME. Rebelote en septembre : un nouveau l’élargir jusqu’aux… mobile homes. [beneteau] Q chiffre d’affaires baisse de fonds, dédié cette fois au financement d’entreprises de 37,5 % ? Il réduit les coûts autant que taille intermédiaire (ETI), boucle un premier closing faire se peut, et se voit contraint de licen- de 90 millions d’euros. cier. Confrontés à la récession de 2009, « Aujourd’hui, nous en sommes à 115 millions d’euros et à une baisse de leur activité de cette pour ce fonds, avec un objectif de 150 millions d’ici à l’été ampleur, les chantiers Beneteau sont 2013 », indique Bertrand Rambaud, président de Sipa- pourtant parvenus à éviter un plan social rex. Et de préciser : « L’activité capital développement- massif. Face à une crise d’une ampleur transmission de Siparex, au travers des véhicules Siparex inconnue, le groupe, leader mondial des MidCap II et Siparex MidMarket III, aura levé près de voiliers de plaisance, a réussi à limiter à 250 millions d’euros sur 2011 et 2012 ». Siparex figure 1 % du personnel (60 salariés) le nombre ainsi parmi la dizaine de sociétés de capital-investisse- de licenciements. ment qui aura levé des fonds en 2012, sur les 270 que Bruno Cathelinais, qui a succédé à compte l’Association française des investisseurs pour Annette Roux à la barre du chantier, a la croissance (Afic). joué sur tous les tableaux : chômage La recette de Siparex ? « Nous avons beaucoup de partiel – 625 emplois sauvés sur mutuelles et de “family offices” [gérants de grandes for- 6 000 – et plan de départs volontaires tunes, ndlr] parmi nos investisseurs. Notre positionne- plaisance 5 800 personnes (600 salariés). Alors que la chute des >> Beneteau ment, axé sur l’investissement dans les PME et les ETI commandes de bateaux « équivalait » à régionales, leur plaît », explique Bertrand Rambaud. la perte de 2 200 postes à temps plein, Tout comme leur conviennent sans doute les perfor- seuls 60 personnes ont donc été à la « surréaction » – l’achat d’un bateau mobile homes, dont les ventes sont plus mances de Siparex. Certes, en 2012, les cessions de contraintes de quitter le groupe. est évidemment le premier reporté stables, représente-t-elle aujourd’hui participations – sources de plus-values pour les inves- Il est vrai que les salariés ont renoncé quand l’horizon conjoncturel s’assom- 27 % du chiffre d’affaires. Et surtout, tisseurs – ne seront pas au niveau de la très bonne à leur treizième mois et à une partie de brit –, le chiffre d’affaires a reculé à Beneteau joue à fond le développement année 2011 (160 millions d’euros), crise oblige. Mais leurs congés payés. Ils n’ont pas nouveau sur l’exercice 2011-2012 (clos de la branche bateaux à moteurs (un elles devraient tout de même égaler les 110,9 millions regretté ce choix, car dès l’année sui- à la fin d’août), de 9,8 %. tiers du chiffre d’affaires), dont l’acti- d’euros de 2010. Le fruit d’une gestion prudente, sans vante l’activité est repartie de l’avant. Mais, en dépit de ce contexte difficile, vité grands yachts (de 18 à 30 mètres). recours excessif à l’endettement. Une gestion qui a pu Les dirigeants de Beneteau ont tout de le groupe a équilibré ses comptes. Il Ce segment ne connaît pas la crise. être qualifiée de peu « sexy » durant les années d’eupho- même joué alors la prudence, en déci- doit cette performance à la politique de Voilà pourquoi Beneteau a ouvert une rie du capital-investissement. Mais qui permet dant de diversifier leur activité. Bien diversification, qui permet d’amortir la unité de production au Brésil, tandis aujourd’hui à Siparex d’être le premier acteur indépen- leur en a pris. Corrélé à l’activité éco- chute des ventes de bateaux, dans les qu’une autre a été acquise en Italie. q dant du private equity français, avec plus d’un milliard nomique en Europe, avec une tendance creux conjoncturels. Ainsi, la branche  Ivan Best d’euros d’actifs sous gestion. q Christine Lejoux l’événement 7 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE

heureux comme un sous-traitant de l’automobile

industrie automobile française va plastiques. En Amérique du nord, le groupe mal ? C’est vrai pour les construc- Réservoir de carburant renforce ses positions avec le démarrage de ’ avec une petite cuve L teurs Renault et PSA. Mais le plas- supplémentaire pour l’usine de systèmes à carburant (réservoirs) turgiste français Plastic Omnium, lui, va un additif permettant de Huron (Michigan). Il enrichit par ailleurs de limiter les rejets très bien, merci pour lui. L’équipementier d’oxyde d’azote. son carnet de commandes avec les pare- auto familial affichait ainsi insolemment [plastic omnium] chocs pour les prestigieux 4x4 BMW X3 et une activité en hausse de 9,5 % au troisième X4 « made in USA », qui viennent s’ajouter trimestre, et même de 15 % à 3,5 milliards à ceux des X5 et X6 déjà livrés à l’usine d’euros sur neuf mois. Logique : la société BMW de Spartanburg (Caroline du Sud). Au suit la courbe ascendante de la… production Mexique, la société lance la production de automobile mondiale, pas celle de Renault pare-chocs et de réservoirs à essence pour et PSA. Ses ventes en France ont d’ailleurs le groupe Volkswagen. reculé de 7 %. Mais, voilà, l’Hexagone En Asie, cinq nouvelles usines sont en représente 14 % à peine de ses volumes construction. Du coup, grâce à une sage aujourd’hui. Le chiffre d’affaires progresse répartition de son portefeuille clients, le en revanche de 5 % en Europe (hors Hexa- groupe affirme que ses ventes feront gone), de presque 17 % en Amérique du « mieux en 2012 que la production automo- nord, de 22,5 % en Asie, ces deux dernières bile mondiale, attendue en hausse de plus zones absorbant quasiment la moitié des de 5 % ». Pas mal. ventes de Plastic Omnium. Au premier semestre, son résultat opéra- Si l’on prend la répartition de la clientèle tionnel a même crû de 12,5 % à 169 mil- par constructeurs, Renault et PSA n’ab- lions, avec une belle marge de 7,4 % dans sorbent plus à eux deux que 23 % du chiffre son activité auto (90 % du chiffre d’affaires). d’affaires automobile de Plastic Omnium, De quoi faire pâlir de jalousie Renault ou sturgie 21 000 personnes contre 24 % pour les constructeurs améri- Plastic Omnium pla PSA. Ça ressemble à une sacrée revanche cains, 30 % pour les Allemands. Une belle >> des anciens sous-traitants français sur « intercontinentalisation » fondée sur un leurs clients tricolores historiques.q solide savoir-faire en matière de composants  Alain-Gabriel Verdevoye

j’innove et j’embauche

recyclage 3 500 personnes L’heure où le secteur automobile Safra est en charge de la rénovation du >> Paprec s’enfonce un peu plus dans la crise, réseau de métros toulousains. Mais la À une PME attire l’attention. La diversification ne suffit pas, encore faut-il Société albigeoise de fabrication poursuivre dans l’innovation. C’est tout et réparation automobile (Safra) l’enjeu du projet Businova, « un autobus « reprend le chemin de la croissance », aux du futur, avec un système de propulsion dires de son président Vincent Lemaire. La multi-hybride », dont l’entreprise attend PME compte actuellement 165 salariés, encore toutes les homologations pour en mais elle annonce une campagne de recru- démarrer la commercialisation au second tement qui devrait permettre d’atteindre la semestre 2013. barre des 200 salariés. « Il s’agit d’un véhicule de transport urbain La recette miracle ? « La diversification et à haut niveau de performance technique, l’innovation sont les voies stratégiques pour économique et écologique, insiste Vincent avancer sur un bon rythme de croissance et Lemaire. Il réduit les émissions polluantes Née à La Courneuve dans le fameux « 9-3 », faire face à une baisse d’activité », analyse et la consommation de carburant. Avec Busi- l’entreprise de recyclage de déchets industriels Paprec vise 5 000 salariés en 2015. [paprec] Vincent Lemaire qui vise un chiffre d’af- nova, nous revenons aux sources de l’entre- faires de 18 millions d’euros en 2013. prise avec la construction d’une centaine de Créé en 1955, Safra a su s’adapter aux véhicules par an, à destination des réseaux évolutions du marché du « transport de de transport public français et européen ! » grandir et prospérer en banlieue personnes ». L’entreprise a désormais trois Reste à trouver les bras pour assurer ce secteurs d’activités : la carrosserie auto- développement. Vincent Lemaire peine à ne croissance moyenne de 29 % par ses associés à La Courneuve. « Quand nous mobile, la carrosserie industrielle et fer- susciter les candidatures dans des métiers an depuis 1995, un nombre de sala- avons préparé notre entrée en Bourse, nous roviaire, et l’agencement d’intérieur. manuels tels que mécanicien, carrossier ou U riés qui a plus que doublé ces quatre avons pris des locaux dans Paris. Il aurait été Parmi les principaux contrats remportés, soudeur…q Hugues-Olivier Dumez dernières années, une marge nette fluc- trop compliqué de faire venir des analystes tuant entre 2 et 3,5 %. Quand il égrène son et des journalistes à La Courneuve », sourit Businova, « l’autobus du futur » de Safra, est équipé d’un châssis bilan, Jean-Luc Petithuguenin, fondateur le PDG du numéro trois français du recy- bi-modulaire et d’un système de propulsion multi-hybride. [DR] et PDG du spécialiste du recyclage clage. Mais aujourd’hui encore, la direction Paprec, créé généralement la sensation. des ressources humaines, l’informatique et Le Fonds stratégique d’investissement la quasi-totalité du contrôle de gestion de (FSI), qui vient d’entrer à son capital, n’en ce groupe de 3 500 salariés (300 personnes) finit pas de s’en féliciter. L’Express lui a sont basés à La Courneuve. décerné cet automne le très convoité prix Cette carte d’identité n’empêche pas son de l’Entrepreneur de l’année 2012. PDG de continuer à voir loin. Il vise d’ici Un engouement rare pour un groupe né à 2015 un chiffre d’affaires d’un milliard La Courneuve (93), où la moitié de son d’euros (750 millions aujourd’hui) avec siège social est encore installée, à 5 000 salariés, sur le secteur des déchets 500 mètres de la Cité des 4 000. industriels, pourtant très corrélé à la Cette star des PME françaises est une fille conjoncture économique. « Nous compen- des banlieues. Non seulement ses usines de sons la baisse des volumes par de nouveaux tri et de recyclage de déchets sont logées à clients. Le gisement non exploité est consi- Sarcelles (95), au Blanc-Mesnil (93) ou à dérable : 50 % des déchets industriels en 165 salariés >> Safra transport Gennevilliers (92), mais jusqu’en 2010, France finissent dans une décharge », Jean-Luc Petithuguenin recevait ses clients affirme Jean-Luc Petithuguenin. q industriels et élus locaux, ses banquiers et Marie-Caroline Lopez

10 Le buzz LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012

l’œil de philippe mabille directeur adjoint de la rédaction Triskaïdékaphobie : même pas peur ! © DR our survivre à 2013, il ne faudra pas être bie du 13 a aussi donné naissance au 12 bis, qui peut utile- Les économistes, comme la plupart des gouvernements, superstitieux. Année terrible, « pire que ment nous inspirer pour essayer de comprendre à quoi va escomptent d’ailleurs une lente sortie de crise à partir de 2009 », prédisent les Cassandre et autres bien pouvoir ressembler 2013. la fin 2013. C’est l’horizon attendu par François Hollande annonciateurs d’apocalypse, 2013 ne sera pour inverser la courbe du chômage en France. Angela pourtant pas forcément ce que la sombre fin Pour l’Europe comme pour la France, 2013 Merkel aussi compte sur 2013 pour se faire réélire, en sep- Pde 2012 laisse présager. Évidemment, il aura d’abord fallu a de fortes chances d’être pour l’économie une année tembre, à la chancellerie allemande. Si tel est le cas, elle que ce ne soit pas, ce vendredi 21 décembre 2012, la fin 2012 bis, une nouvelle année de stagnation où la demande serait le deuxième dirigeant occidental, avec Barack du monde du calendrier maya. Sinon, aucun lecteur ne sera contrainte par une austérité budgétaire sans précé- Obama, à survivre à la crise. lira cet excellent numéro de La Tribune Hebdo, le dernier dent depuis l’après-guerre, où le pouvoir d’achat sera rogné Une chose est sûre, en 2013 comme en 2012, Merkel sera de l’année avant la trêve de Noël, ce qui serait dommage, par la hausse des impôts et la baisse des dépenses la femme de l’année. Dans le Financial Times, elle vient puisque nous titrons sur « cette France qui marche », un publiques. L’ancien président de la BCE Jean-Claude d’égrener la feuille de route pour la plupart des pays de beau présage. Trichet ­parle même de « stabilité compétitive » la zone euro, avec une déclaration qui marquera les Ensuite, il faudra dépasser la pho- pour décrire la période actuelle, où nous esprits : « L’Europe pèse 7 % de la population mondiale, bie du 13, triskaïdékaphobie en devons réformer nos modèles économiques et produit 25 % du PIB mondial, mais doit financer 50 % des grec, qui est le marqueur symbo- sociaux dans les pires conditions possibles. dépenses sociales mondiales. Dès lors, il semble évident lique de cette fin d’année. Inven- Dans Croissance zéro, taux zéro… L’Europe est que les Européens devront travailler très dur pour main- tée probablement au Moyen Âge, certaines encalminée dans le pot-au-noir dont la traver- tenir leur prospérité et leur mode de vie ». la mauvaise réputation du chiffre «cultures, le 13 sée est, c’est connu, le cauchemar de tous les 13 est reliée à la Cène, le dernier marins et navigateurs. Allez, une dernière raison d’espérer : la Grèce repas du Christ, où Judas repré- est aussi un chiffre « N’ayez pas peur », disait Jean-Paul II. Même vient de racheter avec succès et les bons conseils de la sente le treizième apôtre, ou bien de chance ! » si la prudence s’impose dans la traversée de banque Lazard 34 milliards d’euros de sa dette au secteur à Satan, le treizième ange, voire à 2013, conduisant nombre de chefs d’entreprise privé, à un tiers de sa valeur. Le plus joli coup de l’année, Loki, le treizième dieu des anciens à y entrer en réduisant la voilure, il faut rap- qui ne suffira hélas ! sans doute pas pour sauver Athènes, Vikings. On en trouve trace aussi peler que le 13 est aussi, dans certaines mais qui montre que le pire n’est jamais certain. Il a d’ail- chez les Perses anciens, qui ont prédit que le Chaos se pro- cultures, un chiffre de chance, rappelleThe Economist dans leurs été « salué » par Standard & Poor’s : l’agence de nota- duira dans le XIIIe millénaire après le règne des douze son édition spéciale 2013. tion financière a remonté de six crans la note de la Grèce, constellations, et qui conduit aujourd’hui encore les Ira- Aux douze travaux (pénibles, il est vrai) d’Hercule en a de « défaut sélectif » (SD) à « B– », et qualifié de « stable » niens des temps modernes à purifier leur âme le treizième succédé un treizième, plein de félicités, où le héros mature, la perspective à long terme… jour de chaque année (Sizdah- Be-dar). vainqueur du terrible lion de Cithéron, fut récompensé Pour la zone euro, tout n’est pas réglé pour autant : un nou- Dans le monde entier, cette superstition interdit d’être pendant cinquante nuits des faveurs des cinquante filles veau nuage se dresse avec les élections italiennes et un treize à table, de porter le numéro 13 dans les compétitions du roi Thespius ! Il y a aussi la « rose aux treize pétales » mauvais génie nommé Silvio Berlusconi est sorti de sa sportives, ou bien de dormir dans la chambre 13, que de la Kabbale juive… Et puis, qui n’a jamais été tenté de bouteille. Son incroyable come-back sera le principal risque la plupart des hôtels suppriment prudemment, tout jouer à l’Euromillion un vendredi 13 (il y en aura deux en à l’horizon du premier trimestre. comme il n’y a pas de rangée no 13 dans les avions. La pho- 2013, aux mois de septembre et décembre). En attendant, joyeuses fêtes…q

le meilleur de la semaine sur latribune.fr

Sur le podium repéré par la rédac’ LE PLUS PARTAGÉ Les stagiaires de Facebook « La polémique sur les causes du réchauffement repart de plus belle » gagnent en moyenne 4 274 euros par mois Mal Selon un blogueur américain, le prochain rapport du GIEC relativiserait payés les stagiaires ? Pas chez Facebook, en tout cas. En moyenne, l’impact de l’action humaine et soulignerait celui du rayonnement solaire. les stagiaires de la firme de Mark Zuckerberg gagnent 5 622 dol- lars, soit 4 274 euros, par mois. Selon Mashable, Facebook mène- LE Diaporama rait cette politique de salaires très attractive afin d’attirer les la vie de la communauté Les meilleures contributions sur latribune.fr et les réseaux sociaux Requêtes sur Google meilleurs talents dans son giron. Publié le 17 décembre en France : le podium 2012

LE PLUS LU Pourquoi Depardieu a pu payer Le tweet de stopper leur folie dépensière 1 / Free Mobile 85 % d’impôt en 2012 L’acteur a-t-il pu être contraint « Gamme réduite et voitures et de faire des économies. » de verser au fisc l’équivalent de 85 % de ses revenus ? C’est ce chères, autonomie faible, >> Betafoin à propos de l’article « Ayrault peu de bornes de rechargement et se lance dans une réforme à haut risque qu’il affirme. Si cette affirmation est invérifiable, une surtaxa- de la fiscalité locale » tion de ce niveau est possible, dans le cas d’un contribuable pas écolo du tout ! » / disposant d’un patrimoine taxable à l’ISF très important, en >> @s_digitale, à propos de l’article « Les 2 Euro 2012 voitures électriques ne font pas recette, Publié le 17 décembre regard d’un revenu relativement modéré. ni en France ni en Allemagne » L’opinion >> « Et pourtant, le monde croît ! » par Thomas Costerg et Sarah Hewin, LE PLUS COMMENTÉ Retraites complémen- de la Standard Chartered Bank. taires : des solutions douloureuses se pro- Le commentaire filent Face à la dégradation des comptes des régimes de re- « La seule initiative « Quand il s’agit d’esquisser les 3 / Secret Story traites complémentaires Arrco et Agirc, les pensions importante est de stopper les perspectives pour 2013, il serait facile pourraient être revalorisées d’un montant inférieur de un hausses folles des taxes foncières et de tomber dans le pessimisme. Mais le

point à celui de l’inflation. Ce qui entraînera une perte de pou- d’habitation et de les stabiliser à leur monde restera dynamique, grâce à la © p h o t s DR voir d’achat pour les retraités. Publié le 14 décembre niveau actuel. Aux collectivités locales classe moyenne des pays émergents. » Retrouvez la totalité du classement sur latribune.fr Le buzz 11 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE

Les banques, qui ont activement fait valoir leurs arguments ces derniers L’acteur a choisi l’exil fiscal en Belgique. mois, sont rassurées. Leur modèle n’est pas profondément remis en cause. C’est vrai qu’il a pris cher… Réforme bancaire : circulez, Comment Gérard il n’y a (presque) rien à voir Depardieu a pu payer 85 % d’impôt en 2012 François Hollande lors de son meeting du Bourget. « Mon véritable adversaire Gérard Depardieu a-t-il Le rapporteur général du Bud- n’a pas de nom, pas de visage pu être contraint de ver- get à l’Assemblée, Christian […], c’est le monde de la finance », avait-il lancé. ser au fisc l’équivalent de 85 % Eckert, le précise dans son rap- [PATRICK KOVARIK/AFP] de ses revenus ? L’acteur-busi- port sur le projet de loi de nessman, qui veut prendre la finances 2013 : « L’ISF dû au nationalité belge et renvoyer titre de 2012 n’est pas plafonné. son passeport français, l’af- La contribution exceptionnelle firme. Une telle proportion sur la fortune ne l’est pas non peut surprendre. Mais, même si cette affirma- tion est invérifiable, une l’idée fisc surtaxation de ce niveau >> est possible dans le cas d’un contribuable disposant plus, pas plus que l’ensemble des d’un patrimoine taxable à l’ISF deux. » Voilà pourquoi Gérard très important, en regard d’un Depardieu pourrait, effective- revenu relativement modéré. ment, consacrer 85 % de ses Est-ce vraiment le cas de revenus à payer ses impôts, Gérard Depardieu ? compte tenu de cette contribu- En tout cas, consacrer 85 % de tion exceptionnelle. Et pourquoi Entre le texte de la vités pour compte propre à haut demi-seconde resteraient autori- ses revenus à payer ISF, impôt certains contribuables aux reve- réforme bancaire, présenté risque. Seules sont visées, les acti- sées. Les banques sont donc ras- sur le revenu, et CSG est pos- nus très faibles – les fameux cette semaine au conseil des vités jugées non utiles au finance- surées. La réforme ne remet aucu- sible en 2012, avant même l’ins- agriculteurs de l’île de Ré – ministres et les propositions du ment de l’économie. Autrement nement en cause leur modèle. tauration de l’impôt à 75 % pourraient payer des impôts candidat Hollande, il y a un dit, toutes les opérations impli- Certains banquiers l’ont même voulu par François Hollande, dépassant leurs revenus. monde. « Je séparerai les activités quant des risques de contrepartie surnommée la réforme « Volvic », qui entrera en vigueur en 2013. des banques qui sont utiles à l’in- non garantis notamment avec des « car elle combine des éléments de Le gouvernement Ayrault a en Plafonnement vestissement et à l’emploi de leurs hedge funds ou des sociétés de la réglementation Volcker (améri- effet institué pour 2012 un « rat- à 75 % en 2013 capital inves- caine) et des éléments du rapport trapage » de l’ISF, afin que celui- Mais, en 2013, l’ensemble des tissement. Vickers (britannique) et aussi pour ci retrouve dès cette année son impôts directs (IR, ISF, CSG) la coquille vide Dans ce souligner sa douceur naturelle », niveau d’avant la réforme voulue seront plafonnés à 75 % des >> schéma, l’es- s’amuse l’un d’eux. par Nicolas Sarkozy. Une revenus, comme le veut le projet sentiel des De leur côté, les opposants à la de loi de finances 2013, opérations spéculatives », s’était activités de trading reste dans la réforme bancaire font entendre bientôt adopté. Ce sera engagé le candidat. Tout le monde banque universelle. leur voix. Dans un entretien au Sur 2012, certains plus qu’avec le bouclier se souvient de la tirade sur la Dans une banque comme BNP « Monde », Thierry Philipponnat, contribuables aux fiscal à 50 % instauré finance« adversaire sans visage », Paribas, le compte propre « pur », secrétaire général de l’association revenus très faibles par Nicolas Sarkozy, et lors de son meeting de campagne représentait seulement 0,5 % du internationale Finance Watch, supprimé par lui en au Bourget. « Mon véritable adver- produit net bancaire (PNB) en estime que le projet de loi a « vidé – les agriculteurs 2011, après une série de saire n’a pas de nom, pas de visage, 2011, selon les estimations de la réforme bancaire de sa subs- de l’île de Ré ! – polémiques. Et encore pas de parti, il ne présentera jamais Christophe Nijdam, analyste chez tance ». « C’est le soutien implicite plus pour les grandes sa candidature, et pourtant il gou- AlphaValue. de l’État qui a permis aux activités pourraient payer des fortunes qui disposent verne […], c’est le monde de la de marché de prospérer à des impôts dépassant de contrats d’assurance- finance », avait alors déclaré Fran- Un projet de loi niveaux déraisonnables. Sur les leurs revenus. vie et de bénéfices logés çois Hollande. « vidé de sa substance » 8 000 milliards d’euros de bilan dans des sociétés dites « L’adversaire » aura été ménagé. Quelques activités seront égale- cumulé des banques françaises, holdings patrimoniales, Plutôt que de couper les banques ment interdites, comme le trading seulement 22 % sont prêtés à l’éco- réforme votée en 2011, qui avait dont elles détiennent au moins en deux ou de cantonner stricte- à haute fréquence et les opéra- nomie réelle, aux entreprises et aux fortement réduit l’impôt sur la 33 % des parts… Car, au moment ment les activités de marché à tions sur les dérivés liés aux ménages. Que sont les 78 % res- fortune. Son taux maximal avait de calculer le plafonnement des risque, comme le préconisait le matières agricoles. tant ? Des activités de marché, des été ramené de 1,8 % à 0,5 %. impôts en proportion des reve- rapport Liikanen, la réforme ban- Même là, la restriction est toute prêts à d’autres institutions finan- Votée en juillet, la contribution nus, ces sommes placées ici et caire défendue par le gouverne- relative : le trading à haute fré- cières ou des investissements pour exceptionnelle sur le patri- là seront assimilées à des reve- ment propose que les établisse- quence effectué à des fins de tenue compte propre ! », rappelle l’ex- moine, permettant d’augmenter nus. Le mécanisme sera donc ments financiers isolent dans une de marché et les transactions dont banquier. q dès 2012 les recettes d’ISF, plus strict qu’il ne l’était aupara- filiale une liste très limitée d’acti- la rapidité serait supérieure à une Sophie Rolland n’était pas assortie d’un plafond. vant. q Ivan Best 12 LE BUZZ LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012

Aspiré par l’immense appétit de la Chine, le charbon devrait, d’ici cinq à dix ans, détrôner le pétrole comme première source d’énergie mondiale, a annoncé l’Agence internationale de l’énergie. Le charbon, c’est l’avenir ! Le charbon pourrait, en États-Unis a entraîné un bond des 2017, détrôner le pétrole pour deve- La centrale à charbon de Chengdu, exportations américaines, notam- dans la province du Sichuan. La nir la première source d’énergie de Chine a représenté l’an dernier ment vers l’Europe, note l’AIE. la planète. C’est ce qu’affirme 46,2 % de la consommation Conséquence : les prix du charbon l’Agence internationale de l’énergie mondiale. Le cap des 50 % devrait en Europe ont chuté de 130 dollars être franchi dès 2014. [Imaginechina] (AIE), c’est-à-dire l’organisation la tonne en mars 2011 à 85 dollars énergétique des pays développés, en mai 2012. Ainsi, lors du premier dans un rapport publié mardi. Le semestre 2011, l’Allemagne, le charbon représente déjà près de Royaume-Uni et l’Espagne ont 28 % de l’énergie consommée dans tous les trois produit moins d’élec- le monde et est la première source tricité à partir de gaz (moins géné- d’électricité. « Grâce à des res- rateur de gaz à effet de serre), tout sources abondantes et à une en produisant plus à partir du demande insatiable d’électricité en ­charbon, souligne l’AIE. provenance des marchés émergents, Ce mouvement est cependant près le charbon a représenté près de la du « pic », affirme l’AIE qui table en moitié de l’augmentation de la 2017 sur un retour de la consomma- demande mondiale tion de charbon en Europe à un d’énergie lors de la niveau « juste un peu » supérieur à première décennie le BON FILON celui de 2011, en raison de la part du xxie siècle », sou- >> « Le charbon, c’est la Chine. La sant en exemple les conséquences croissante des renouvelables et de ligne l’AIE. En 2017, Chine, c’est le charbon », résume aux États-Unis de la production du la mise hors service des anciennes la consommation de charbon que sans restriction à la consomma- l’AIE. À lui seul, le géant asiatique gaz de schiste. « L’expérience amé- centrales électriques à charbon.q devrait représenter 4,32 milliards tion de charbon avec des politiques a représenté l’an dernier 46,2 % de ricaine suggère qu’un marché du M.-C. L. (avec AFP) de tonnes équivalent pétrole, tout climatiques, la demande et le CO2 la consommation mondiale. Le cap gaz plus efficace, avec des prix près des 4,4 milliards de pétrole que continueront à augmenter », des 50 % devrait être franchi dès flexibles et des ressources non Lu sur le site devrait alors consommer la planète. s’alarme-t-elle. 2014. Et la tendance est générale, conventionnelles domestiques pro- « L’Allemagne est l’un des plus gros « La part du charbon dans le à l’exception des États-Unis. L’Inde duites de manière durable, peut consommateurs de charbon en ­bouquet énergétique mondial conti- « La Chine, devrait ainsi ravir la place de deu- réduire la part du charbon, des Europe ! En fait de charbon, il s’agit de lignite, particulièrement polluant et nue de progresser chaque année, et c’est le charbon » xième consommateur mondial aux émissions de CO2 et la facture des abondant dans les Lusaces (ex-RDA). si aucun changement n’est fait aux En 2017, le monde brûlera envi- Américains d’ici 2017. L’AIE note à consommateurs, sans nuire à la Les centrales nucléaires arrétées politiques actuelles, le charbon ron 1,2 milliard de tonnes de char- ce propos qu’en l’absence d’un prix sécurité énergétique », plaide Maria seront remplacées par une trentaine de centrales au charbon-lignite. Dans ­rattrapera le pétrole d’ici une bon supplémentaires par an, par élevé du CO2, « seule une vive van der Hoeven. « L’Europe, la les Lusaces, on rase des villages décennie », avertit la patronne de rapport à aujourd’hui, l’équivalent concurrence d’un gaz bon marché Chine et d’autres régions devraient entiers pour ouvrir des mines de l’organisation basée à Paris, Maria de l’actuelle consommation de la peut effectivement réduire la en prendre note », insiste-t-elle. lignite à ciel ouvert ! » ( par nEtRICk van der Hoeven. « Le résultat, c’est Russie et des États-Unis réunis. demande de charbon » en brandis- Reste que le déclin du charbon aux

Éric Trappier a été nommé mardi PDG de Dassault Aviation. Il devra relever, dès le 9 janvier 2013, trois challenges de taille : le premier contrat export du Rafale, le lancement du Falcon SMS et la gestion de la relation entre Dassault Aviation et Thales. Les trois défis du nouveau patron de Dassault Aviation c’est donc Éric Trappier triel Marcel Dassault (GIMD). For- contrat en Inde, qui est en négocia- conception détail- qui succédera, à compter du 9 jan- cément, Éric Trappier va certaine- tions exclusives avec l’avionneur lée de l’avion, qui le plan de vol vier 2013, à l’historique et emblé- ment souffrir de la comparaison depuis le début de l’année en vue sera motorisé par >> matique PDG de Dassault Aviation, par rapport à la très forte person- d’acquérir 126 Rafale. L’avion Safran, est figée. Le Charles Edelstenne. L’actuel direc- nalité de Charles Edelstenne. Mais ­tricolore intéresse aussi plusieurs premier vol est prévu en 2014. Au- confiance avec le nouveau PDG de teur général en charge de l’interna- il a pour lui une très bonne autres pays comme les Émirats delà du SMS, le nouveau patron Thales, Jean-Bernard Lévy (ex- tional a gagné son duel face au connaissance des clients de Das- arabes unis (60 Rafale), le Qatar devra accompagner la reprise du patron de Vivendi), et avec les sala- directeur général chargé des sault Aviation, notamment de ceux (24), le Koweït (28), le Brésil (36) marché d’aviation d’affaires, qui riés du groupe aujourd’hui dans affaires économiques et sociales, qui, au Moyen-Orient et en Asie, et la Malaisie (18). Un contrat en ­frémit notamment grâce aux mil- une relation de défiance complète Loïk Segalen, qui est toutefois pourraient s’offrir le Rafale… Inde pourrait débloquer toute une liardaires chinois déjà « addicts » avec Luc Vigneron, le PDG écarté. nommé directeur général délégué. série de négociations serrées, au 7X. Au premier semestre, Das- Il en va de l’investissement de Das- Pour autant, le nouveau patron de Rafale : conclure notamment au Brésil. sault Aviation avait enregistré des sault Aviation car la situation de Dassault Aviation devra composer Car le défi prioritaire pour le nou- prises de commandes pour Thales se dégrade. L’action de ce avec Charles Edelstenne, l’homme veau PDG est la signature du pre- FALCON SMS : concrétiser 25 Falcon (contre 22 au premier dernier est passée de plus de de confiance de Serge Dassault, mier contrat à l’export pour le Deuxième défi, le lancement du semestre 2011). Pour autant, cette 40 euros il y a cinq ans à 27 euros, contraint de se retirer à cause de Rafale. Ce qui donnerait un grand Falcon SMS (Super Mid Size), le timide reprise des ventes ne per- soit une capitalisation qui s’est son âge. Il fêtera ses 75 ans, le bol d’oxygène à toute la filière programme d’entrée de gamme des met pas de maintenir le carnet de effondrée, passant de 8 à 5 mil- 9 janvier 2013. Qu’on se le dise, industrielle de l’aéronautique mili- avions d’affaires Falcon, qui pour- commandes à ses niveaux actuels, liards d’euros. Le résultat net s’était Charles Edelstenne – en pleine taire française – notamment aux rait être présenté aux clients au estime-t-on en interne. élevé à plus de 800 millions d’euros forme – ne renoncera pas du jour bureaux d’études du Team Rafale printemps 2013, soit au salon de en 2007 (contre 500 millions en au lendemain à s’occuper des (Dassault Aviation, Thales et l’aviation d’affaires ABACE à Shan- Dassault-Thales : 2011 après deux années de pertes). affaires de Dassault Aviation. Il y Safran) et du missilier MBDA – qui ghai (16-18 avril), soit à celui de retrouver la confiance Enfin, le chiffre d’affaires stagne veillera depuis son bureau du rond- commence sérieusement à tirer sur Genève EBACE (21-23 mai). Le Enfin, Éric Trappier devra gérer depuis quatre ans, aux alentours de point des Champs-Élysées, lieu la corde. À ce jour, tous les indica- printemps dernier, le programme la relation entre Dassault Aviation 13 milliards d’euros, malgré chaque historique de la maison Dassault où teurs sont au vert pour la signature est entré dans la phase la plus et Thales et, au-delà, avec DCNS. année, une, ou deux, très grosse est logée la holding Groupe indus- au premier semestre 2013 d’un ­élevée de son développement. La Il devra instaurer une relation de commande…q Michel cabirol LE BUZZ 13 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE

La filiale de Vivendi dresse un constat alarmiste de sa situation concurrentielle après le « cataclysme provoqué par l’arrivée de Free », dans le document remis aux partenaires sociaux pour justifier son plan de départs volontaires. Effet Free Mobile : le scénario noir imaginé par SFR

Noir, c’est noir. Le constat faires 2011-2015 reste fortement opposition au « SIM-only », les Or, en parallèle, le numéro deux pas divisé par six mais par un peu dressé par SFR dans le « Livre II » dégradé » indique la filiale de offres low-cost sans téléphone et français des télécoms se considère plus de 2,5, seulement. Ces communiqué aux partenaires Vivendi, qui s’attend selon nos sans engagement. Mais SFR n’ex- « dépositionné [sic] en termes de chiffres sont-ils compatibles avec sociaux dans le cadre du plan de informations à une chute de 64 % clut pas que ces nouvelles offres compétitivité » sur de « nouveaux la valorisation de 20 milliards départs volontaires qui touche de son bénéfice net en quatre ans, représentent « 60 % à 70 % du critères de préférence ou d’attrac- d’euros pour SFR avancée par le 1 123 emplois (sans compter les à un peu moins de 500 millions marché. » Il évoque « le cataclysme tivité ». Il s’agit de la perception du président du directoire de 267 créations de postes qui restent d’euros en 2015, et de 42 % du cash- provoqué par l’arrivée de Free et ses rapport qualité/prix, de la maî- Vivendi, Jean-François Dubos ? flow net à conséquences très lourdes pour trise des canaux de distribution Ou bien SFR noircit-il le trait ? 740 mil- SFR » et se livre à un long exercice « digitaux » des acteurs venus du Seul point de nature à rassurer la gueule de bois lions d’autodénigrement, affirmant que fixe mais aussi de « l’efficacité les salariés, SFR n’a pas prévu de >> (hors « les avantages compétitifs que pos- organisationnelle et opération- couper drastiquement dans ses coûts de sédait SFR jusqu’à maintenant » nelle », présentée comme un investissements : il les maintient envisagées) se révèle des plus alar- restructuration et achat de fré- sont désormais « banalisés » : par « avantage natif de Free ». autour de 1,4 milliard d’euros par mistes. Certes, c’est la règle dans ce quences). Avec ou sans plan d’adap- exemple, la « richesse d’offre de an. Les salariés doivent en type de document. Mais les prévi- tation, le chiffre d’affaires devrait produits et services », devenue SFR ne coupera pas dans revanche se faire une raison sur le sions annoncées sont particulière- se contracter de 15 % en quatre ans, « moins pertinente », ou encore la ses investissements maintien éventuel dans le giron de ment pessimistes, alors que le à 10,3 milliards d’euros, dont près capacité d’innovation « dans la Le plan d’adaptation de la direc- la maison mère. SFR explique sans groupe a légèrement relevé ses de 35 % dans les services mobiles mesure où elle peut être répliquée tion ne réglera pas tous ces pro- détours qu’« il n’existe aucune réa- objectifs pour l’année 2012 le mois grand public. très rapidement », et enfin « la blèmes mais permettra d’améliorer lité économique ou financière, ni dernier, tablant sur une baisse de SFR a bâti ce plan d’affaires sur ­maîtrise des réseaux » qui a perdu sensiblement les équilibres d’ex- même en termes de gouvernance ou 12 % de son Ebitda (résultat brut l’hypothèse d’un équilibre à moyen de son importance du fait des ploitation de SFR : le bénéfice encore de moyen ou de mutualisa- d’exploitation), contre -12 % à -15 % terme entre les « offres complètes » « nouvelles facilités réglementaires d’exploitation ne s’effondrerait plus tion au niveau de ce pôle » d’actifs redoutés initialement. Même après et les « offres simples », com- ­d’accès à des réseaux tiers » (en de 65 % entre 2011 et 2015 mais de télécoms, qui regroupe SFR, Maroc le plan d’adaptation que l’opérateur prendre celles avec abonnement, référence au contrat d’itinérance 47 % à 1,2 milliard d’euros. Idem Télécom et le brésilien GVT. q va mettre en place, « le plan d’af- engagement et subvention par conclu entre Free et Orange). pour le résultat net, qui ne serait Delphine Cuny ------

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conversion Alors que leurs jouets de pacotille ont envahi le monde, les industriels chinois sont contraints de miser sur la montée en gamme Jouets chinois : apr ès le toc, le top le contexte Les jouets « Made in China » ont fait la fortune de la ville de Chenghai. Mais la hausse du yuan et des salaires, les normes de sécurité et la baisse des exportations ont mis fin au boom du secteur. L’enjeu Ce domaine en pleine restructuration voit son salut dans le développement de ses propres produits et de son expertise. Et il vise un marché local en pleine expansion.

Virginie Mangin, Dans la capitale mondiale du envoyée spéciale à Chenghai jouet, il existe des milliers d’entre- prises comme Concord Toys. Les n Chine, jouet rime distributeurs y débarquent du avec Chenghai, une monde entier pour faire leur mar- ville située dans le sud ché, non seulement de cadeaux de du pays, dans la pro- Noël, mais aussi de jouets que l’on vince de Guangdong. retrouve tout au long de l’année ECe jour-là, dans le hall d’entrée de dans les stations services, ou au Concord Toys, l’une des entre- bord de la plage en été. prises phares du secteur, une Les usines et les ateliers, qui grossiste scrute les cartons de s’alignent sur des kilomètres, des- jouets qui s’entassent. sinent, fabriquent, assemblent, Chaque matin, les usines implan- empaquettent puis exportent tées aux alentours livrent leur der- leurs produits. « C’est unique au nière production : poupées, dégui- monde. On peut dessiner et pro- sements, voitures… « On ne garde duire un jouet en moins de que le meilleur. Le reste, on jette », 48 heures selon les attentes du tranche Pauline Chen, vice-direc- client. Tout est sur place », En 2008, touchées par la crise financière, des milliers d’usines de jouets ferment leurs portes et licencient trice générale de Concord Toys. explique Pauline Chen. des millions de travailleurs. Résultat, une énorme restructuration. [LU HANXIN / XINHUA] « On ne peut pas se permettre de vendre de la mauvaise qualité », 80 % des jouets achetés Le boom du jouet en Chine à cette sous-traitance. Ils ont le argumente-t-elle en faisant visiter dans le monde remonte à une trentaine d’années. Je ne fais choix : soit faire fabriquer leurs son entreprise : quatre étages de La puissance de Chenghai repose L’activité était à l’époque contrô- visiter que produits, à partir du design jouets soigneusement rangés par sur cette concentration des com- lée par les grossistes hongkongais ­élaboré par leurs équipes aux catégories : filles, garçons, premier pétences. Pratiquement toute la qui jouaient les intermédiaires «le showroom. États-Unis ou en Europe, soit âge… Certains sont étiquetés sous population travaille dans le jouet. avec les distributeurs occiden- J’ai peur de la acheter du ready made qu’ils font marque chinoise, d’autres sont « C’est une véritable mafia », souffle taux, et avaient implanté leurs concurrence. » packager selon leurs désirs. Mais customisés par Concord Toys un industriel sous couvert d’ano- usines dans la province voisine du le système d’exploitation qui a fait selon les désirs du client : couleur, nymat. « On est tous cousins. Nous Guangdong. Pauline Chen, la fortune d’une province passée vice-directrice générale taille, emballage… sommes une grande famille », sou- En 1980, cette province devient de Concord Toys, à chenghai en trente ans d’un arrière-pays L’entreprise s’occupe de toute la rit, évasive, Pauline Chen, qui a le laboratoire grandeur nature de peu développé à l’une des pro- chaîne de production : du design débuté dans le secteur après sa la politique d’ouverture écono- vinces les plus prospères de Chine jusqu’au chargement sur le cargo. sortie de l’université. Il est vrai que mique de la République populaire. Le statut obtenu par la province connaît des ratés à partir de 2008. « On conçoit le jouet. On le teste, déchiffrer l’organigramme de Elle obtient le statut de zone de Guangdong, unique à l’époque, Le recours à une main-d’œuvre l’améliore, puis on le propose à nos ­l’entreprise s’avère mission impos- ­économique spéciale pour donne accès aux capitaux étran- flexible à faible coût, dont les clients étrangers », explique Pau- sible. Qui détient quoi au capital ? ­plusieurs villes, dont celle de gers ainsi qu’aux politiques gou- droits sociaux ne sont pas respec- line Chen. L’international n’est Qui fait quoi dans l’entreprise ? Chenghai. Progressivement cette vernementales de soutien aux tés (emploi de mineurs, heures pas un vain mot pour elle, puisque Mystère. Tout juste apprend-on chaîne industrielle gagne la exportations. Grâce à lui, les supplémentaires non payées…) le chiffre d’affaires annuel de son que Pauline Chen est également région. Après Chenghai, les villes géants internationaux du jouet avec la complicité du gouverne- entreprise se répartit entre l’Eu- propriétaire de cinq usines de de Dongguan et de Ningbo, près tels Mattel ou Hasbro vont faire ment local, se répercute sur la rope (20 millions de dollars), les jouets dans la ville, et que la famille de Shangai, se mettent aussi aux le voyage à Chenghai. Attirés par production. Les jouets expédiés États-Unis (25 millions de de son assistante possède Enligh- jouets. La région va produire une main-d’œuvre peu qualifiée, aux États-Unis, en Europe ou en ­dollars) et l’Amérique latine ten, marque fabriquée et distribuée désormais 80 % des jouets achetés bon marché et abondante, ils vont Amérique latine sont souvent de (40 millions de dollars). par Concord Toys. dans le monde. désormais recourir massivement qualité médiocre… L’enquête 15 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE conversion Alors que leurs jouets de pacotille ont envahi le monde, les industriels chinois sont contraints de miser sur la montée en gamme Jouets chinois : apr ès le toc, le top obligé les employeurs à augmen- se restructurer. Le modèle de ter les salaires d’environ 20 % ou Dongguan, ces usines énormes qui Repères encore les difficultés de l’écono- se contentent de produire, a vécu », mie locale plombée par la crise. constate l’industriel européen. 80,2 milliards de dollars ( Les facilités financières qui per- Se restructurer, c’est ce qu’a Selon The US Toy Industry Association, les ventes de jouets mettaient de jouer sur la trésorerie choisi de faire Concord Toys, pour chinois ont atteint 21,78 milliards ont également disparu. Les qui les nouvelles normes de sécu- de dollars en 2010 sur le territoire banques chinoises ont été rité sont une aubaine. « On ne voit américain et 80,2 milliards dans contraintes de fermer le robinet du pas cela comme une contrainte. Au le monde, en 2009. crédit. Impossible désormais d’ob- contraire, cela nous permet de pro- 15,5 milliards d’euros ( tenir un prêt pour pallier les mois poser des jouets de qualité, d’ap- C’est le total des ventes de jouets difficiles après les fêtes de Noël. Et prendre et de se professionnali- chinois en Europe, en 2010, l’instauration de nouvelles normes ser », jubile Pauline Chen. selon le Centre de recherche et d’information des organisations de sécurité exigées par les autorités Son chiffre d’affaires dépend de consommateurs. américaines, européennes et japo- encore largement de la fabrica- Le Royaume-Uni et la France naises, a aussi contribué à augmen- tion, mais désormais tous les sont les premiers clients. ter les coûts de production, de 10 à efforts sont portés sur le trading 12 %. Ainsi, Bureau Veritas, qui et le service au client. Son pro- contrôle la qualité des jouets et les chain défi consiste d’ailleurs à conditions de travail dans faire connaître et à pro- les usines, facture envi- mouvoir à l’étranger des ron 600 dollars pour la marques chinoises certification d’un produit 48 h comme Enlighten, que et 550 dollars la visite c’est le temps l’entreprise produit. qu’il faut, d’une journée d’une à Chenghai, Cette marque, déposée usine. pour concevoir en Chine, est une copie Si, normalement, seule et produire conforme des célèbres la certification du pro- un nouveau briques Lego. La société duit avant production est jouet… a été accusée de vol de obligatoire, de nombreux propriété, mais le fait n’a distributeurs imposent aussi des pas encore pu être réellement éta- audits d’usines et des contrôles bli. L’entreprise, qui existe depuis durant la phase de production vingt-six ans, a commencé comme ainsi que sur la marchandise finale. tant d’autres à faire de la copie « On est tenu de s’assurer de la puis peu à peu a développé ses qualité de nos produits pour garder propres produits. « C’est vraiment nos clients », assure ainsi le patron de la très bonne qualité », se vante d’une société. Les entreprises sont Pauline Chen en faisant visiter donc plus attentives à la sécurité une vaste pièce où l’on voit ses et au respect du code du travail dernières créations en brique : révisé en 2008 en faveur des pirates, militaires ou monde sous- ­travailleurs. Mais de nombreuses marin. Elle a investi dans une entreprises n’ont pas les moyens chaîne de manufacture sophisti- de s’adapter. Même si la crise n’a quée qu’elle ne montre pas aux Les normes de sécurité sont plus strictes depuis la découverte, en 2007, de produits pas l’ampleur de celle de 2008, visiteurs. « C’est notre valeur ajou- chimiques dans des jeux Mattel et Fisher Price fabriqués en Chine. [LU HANXIN / XINHUA] une partie du secteur sera cette tée. Je ne fais visiter que le année dans l’incapacité de réper- showroom. J’ai peur de la concur- Les premiers scandales éclatent guan, confirme.« C’est un secteur cuter la hausse des coûts sur le rence », explique-t-elle. en 2007. Des produits chimiques Le jouet est devenu très difficile. Aujourd’hui, il prix de vente, et mettront la clé La marque séduit la Russie et sont découverts dans des jouets un produit serait impossible d’entrer sur ce sous la porte. l’Europe, où les ventes ont presque Mattel et Fisher Price, entraînant marché », explique-t-il. Débarqué doublé en trois ans. Mais, le vrai le retrait coûteux de plusieurs «d’appel pour les en Chine il y a plus de dix ans, il plus de normes incitent salut pour les fabricants de jouets millions de jeux des étagères des distributeurs… d’où produit sous licence des jouets à monter en gamme chinois est désormais le marché magasins aux États-Unis et en la forte pression Fisher Price et Hello Kitty. S’il « Il y a beaucoup de pression sur domestique, en particulier la nou- Europe, et poussant les législa- concède avoir bénéficié pendant les prix. Le jouet est un produit velle classe moyenne prête à teurs à imposer des normes plus sur les prix. » longtemps d’un climat industriel d’appel pour les grands distribu- dépenser pour ses enfants. D’ores strictes en matière de sécurité. un entrepreneur européen favorable, ce temps est révolu. teurs en France, ils vendent avec et déjà, Concord Toys écoule près En 2008, la crise économique « Cette année, le marché grec est très peu de marge ou sans bénéfice. de 40 % de sa production en qui frappe les États-Unis et par inexistant. Et celui de l’Espagne est C’est impossible d’augmenter les Chine. Le géant du jouet améri- ricochet le reste du monde touche que l’un de ses marchés phares, très décevant. J’ai dû chercher prix. Passé un certain seuil, le cain Toys‘R’Us prévoit d’y doubler directement les industriels l’Europe, reste toujours englué dans d’autres débouchés, comme les consommateur n’achète plus », le nombre de ses magasins dans chinois du secteur, étroitement sa crise de la dette souveraine. ­Émirats arabes unis, mais ils ne explique l’industriel européen. les prochaines années. « Ce qui se dépendants de leurs exportations. « La compétition est difficile. On a compensent pas la perte du chiffre Sans élasticité des prix, les jouets passe dans l’industrie du jouet est Des milliers d’usines et d’ateliers beaucoup de pression », se plaint d’affaires européen », déplore-t-il. version 2012 sont allégés en en partie dû à la conjoncture inter- ferment leurs portes et licencient Pauline Chen. Ses marges bénéfi- Par ailleurs, d’autres éléments matière première et le design plus nationale. Mais c’est aussi une des millions de travailleurs. ciaires sont d’à peine 4 à 5 % sur la sont venus compliquer les affaires. simple. Pauline Chen explique ­restructuration en profondeur de L’industrie du jouet chinois ne fabrication et de 10 % sur son acti- Parmi eux, on compte l’apprécia- qu’elle utilise deux fois moins de l’ensemble du secteur local », s’en est jamais vraiment remise. Si vité d’intermédiaire. Difficile dans tion de la monnaie chinoise qui a carton pour le packaging et a conclut l’industriel européen, qui les exportations ont enrayé leur ces conditions de générer un profit. renchéri le prix des jouets de 20 % automatisé une partie de sa pro- lui aussi compte maintenant sur chute, elles n’ont jamais retrouvé Un autre entrepreneur, européen, à 30 % par rapport à 2008, le duction. « Désormais, la solution les clients chinois pour développer leur niveau d’avant 2008. D’autant dont le site est implanté à Dong- manque de main-d’œuvre qui a est de vendre son entreprise ou de son entreprise. q 16 entreprises & innovation LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012

Mutualisant ses compétences le zoom en matière de construction de la semaine navale et de recherche sur les biomatériaux, la Bretagne innove dans le registre de l’écoconception. Des projets sont en cours avec, à la barre, des marins chevronnés comme Roland Jourdain ou Catherine Chabaud.

La Bretagne La planche de surf Glazboard est née de la recherche sur les biomatériaux. [DR]

Le navigateur Roland Jourdain, fondateur de Kaïros, en conversation surfe sur avec les surfeurs Ewen Le Goff et Aurel Jacob. [ronangladu.com] les bateaux « verts »

Pascale Paoli-Lebailly, à Saint-Malo le mur, il faut réfléchir à des solu- tions alternatives, assure Roland e bateau du Jourdain. Mais l’écoconception passé était en lin n’est pas une révolution pour « et en chanvre ; demain matin. On y va progressi- c’est peut-être le vement, sans faire de greenwashing bateau de l’ave- [utilisation purement marketing nir ! » LPour le navigateur breton d’arguments environnementaux, Roland Jourdain, la question du ndlr]. 40 % des produits sont nautisme durable renvoie un peu encore issus de la pétrochimie. » Repères à l’histoire maritime. Afin de Kaïros s’est d’abord fait la main réduire, de manière viable et ren- dans le monde de la glisse avec la France ( Le leader mondial dans le table, l’impact environnemental planche de surf Glazboard, puis le domaine des voiliers (29 % de ses activités, l’industrie nau- stand-up paddle (SUP) Brown des parts de marché en juin 2012) ; tique retrouve les techniques du Sugar, développé avec l’entreprise 5e dans l’industrie de la construction passé en les optimisant avec le S3 Boards (à Larmor-Baden, dans de bateaux de plaisance. savoir-faire d’aujourd’hui. Les le Morbihan). Bretagne alternatives au carbone et à la L’industrie nautique fibre de verre remettent au goût Un premier trimaran ( 520,8 M€ de CA et 4 931 salariés du jour l’utilisation des fibres de 7 mètres, « éco-conçu » (12 % du CA et de l’effectif national). ( 1 100 entreprises ; un tissu naturelles (lin, chanvre, liège…) et Spécialiste de ce sport pratiqué Une esquisse du « Voilier du futur », qui fédère 22 projets innovants. économique régional atomisé composé [françois lucas, Architecture navale Nantes] les résines biosourcées (amidon, debout sur une planche propulsée à 80 % de TPE et PME placées sur des sève, orties, algues). à la rame, la société fondée par marchés de pointe et de niche : Dans ce secteur encore émer- Christian Karcher lancera en réelles par les surfeurs Ronan (UBS). C’est même stratégique navires de petites et moyennes séries, course au large et prototypes de gent de l’écoconception, la Bre- mars 2013 la production et la Gladu, Ewen Le Goff et Aurel pour le développement des PME et compétition, écoconception. tagne démontre une certaine vita- commercialisation de son paddle. Jacob. Au printemps, ils sillonne- TPE innovantes, car tôt ou tard la ( Présence sur les bassins de lité et compte jouer un rôle clé en Alors que 90 % des SUP sont pro- ront pendant deux mois les côtes législation l’imposera. Il y a un Lorient, Vannes et Concarneau. ( Un système d’aides : le plan matière de recherche, d’innova- duits en Asie et dérivés du pétrole, de Bretagne. Baptisée Lost in the potentiel économique. La fin de vie Bretagne Actions Nautisme à tion puis de production en série. le Brown Sugar sera fabriqué loca- Swell (« perdu dans la houle »), des bateaux en plastique, ou la destination des TPE (189 725 € Outre le sens du défi de certaines lement en lin, liège, cellulose et leur aventure en mer et sur le Web gestion environnementale des en 2012). PME, soutenues par Bretagne polystyrène, liés par une résine à la recherche de vagues vierges ports de plaisance sont des ques- La Plaisance ( 900 000 pratiquants. Développement Innovation, l’ap- d’origine végétale. Soutenu par le devra éprouver le comportement tions clés. » ( 588 installations. parition d’un nautisme durable conseil général du Morbihan et la du Gwalaz. Partenaire de chantiers et d’en- ( La plus grande capacité d’accueil passe par la collaboration de l’en- technopole LTI Eurolarge, l’ingé- treprises, l’UBS sait, grâce au pro- de bateaux de plaisance en France semble de la filière et du terri- nieur et triple vainqueur de la jet NavEcoMat, comment rempla- métropolitaine. ( La plus grande flotte active. toire. L’échange des savoir-faire et Coupe de l’America vendra ses Le carbone cer le composite fibre de ( 55 ports : 40 M€ CA et des compétences sont ainsi au planches (2 000 € environ) dans nous mène verre-résine polyester par un 365 emplois. cœur de la stratégie menée par les surf shops et sur Internet. matériau biosourcé et compos- Roland Jourdain via sa société Côté plaisance, Kaïros collabore, «droit dans le mur. table. Cette recherche sert au Kaïros (Concarneau), carrefour avec le chantier Tricat, au projet Il faut réfléchir démonstrateur de 13 mètres des budget global de 11 millions de plusieurs projets éco-conçus. Gwalaz (« herbe marine » en bre- à des solutions écomatériaux et écotechnologies d’euros, espère être retenu dans le Fondée en 2007, cette écurie de ton), premier trimaran de « Voilier du futur ». Soutenu par cadre du programme national course a très vite intégré la ques- 7,11 mètres éco-conçu. Cette alternatives. » le Pôle Mer Bretagne et le pôle de Navire du Futur, dont les résultats tion de l’environnement à son adaptation du modèle grand Roland Jourdain, navigateur, compétitivité EMC2, ce projet est de l’appel à candidatures seront développement. Via un partena- public Tricat 23.5 va donner lieu fondateur de Kaïros porté par la navigatrice Catherine connus en 2013. riat avec l’institut de recherche à un prototype à 95 % en biocom- Chabaud et le consultant Julian Des bateaux plus économes, plus Ifremer à Brest, Kaïros a initié posite : sa construction débutera Stone. « Voilier du futur » fédère propres, plus intelligents : toute la une démarche de R&D pour la en janvier 2013 pour une mise à « De la fabrication aux usages 22 projets innovants, en majorité recherche menée par la filière conception et la mise en œuvre de l’eau au printemps. Cofinancé par des bateaux, le défi de l’écoconcep- bretons, autour de solutions nautique en vue d’une production prototypes. Des tests de solidité, la Région Bretagne à hauteur de tion concerne toute la filière nau- diverses : biomatériaux, revête- en série trouve aussi des applica- de vieillissement, de recyclage en 50 000 euros, Gwalaz, dont le tique bretonne, précise le cher- ments biodégradables, voiles de tions dans d’autres domaines fin de vie ont permis de créer une coût est environ 20 % plus cher cheur Christophe Baley, traction, énergies renouvelables industriels, comme l’emballage, base de données comparative. que celui du modèle grand public, spécialiste du biocomposite à embarquées, traitement des l’automobile, l’aéronautique, le « Le carbone nous mène droit dans sera ensuite testé en conditions l’université de Bretagne Sud eaux… Ce projet sur cinq ans, au design… q entreprises & Financement 17 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE

En investissant dans des start-up, les fonds qui appartiennent aux grandes entreprises détectent le zoom et se familiarisent non seulement avec les technologies innovantes, mais aussi avec leurs nouveaux modèles de la semaine économiques. Outre le financement, les jeunes pousses profitent aussi de l’expertise de ces grands groupes. Elles poussent sous l’aile d’un grand

Erick Haehnsen LE Plastique végétal LA roue intelligente LA benne électronique oins connu que le capital-risque (Venture Capital, ou VC), le capital- risque d’entreprise M(Corporate Venture Capital, ou CVC) connaît un formidable regain d’intérêt. Parmi les ténors, citons l’américain Intel Capital, le fonds captif d’Intel qui, depuis 1991, a injecté plus de 10 milliards de dollars dans 1 250 start-up de 53 pays. Toujours outre-Atlan- tique, Google vient de s’arroger la première place mondiale du CVC en consentant à Google Ventures une enveloppe annuelle de 300 millions de dollars ! Objectif : réaliser des investissements indi- viduels de 250 000 dollars en © DR

amorçage dans une cinquantaine © avantium © P VI Semat de jeunes pousses innovantes, et jusqu’à 10 millions de dollars dans millions d’euros million d’euros experts une dizaine de start-up plus mûres. 2,5 1,7 400 Stars parmi les stars, une ou deux C’est la somme que le fonds Aster C’est le montant du financement de la constituent le réseau interne de Blue Capital a versée à la société néerlandaise société française ez-Wheel, conceptrice Orange. Ce dernier teste, entre autres, les sociétés par an pourront lever cha- Avantium, qui développe des plastiques d’une roue pour chariots élévateurs, prototypes de bennes électriques de cune de 20 à 50 millions dollars ! à base végétale. par le fonds Ecomobilités Ventures. compactage des déchets de PVI Semat.

En France, l’intérêt est surtout industriel réelles synergies technologiques ou vités connexes aux métiers postaux. vay), après Aster I (70 millions « Souvent, les grands groupes ne Dans ce domaine, la France n’est commerciales avec le groupe Ou d’Ecomobilités Ventures d’euros), a créé Aster II à hauteur remarquent les nouveaux marchés pas en reste. « Depuis 2005, une industriel. Notamment pour abor- (SNCF, Orange, Total) qui détient de 105 millions pour couvrir la que lorsqu’ils s’imposent à eux », nouvelle vague d’opérateurs der leur développement internatio- un fonds de 25 millions d’euros. chaîne de valeur complète des reprend Jean-Marc Bally. Disposer recherche des synergies plus nal. » De quoi susciter une très Parmi les start-up ainsi finan- start-up de l’énergie, des matériaux d’un fonds captif permet alors aux durables avec les start-up », forte attractivité. Pour preuve, cées, citons la société norvégienne avancés et de l’environnement. grands groupes de percevoir les explique Marc Westermann, direc- 400 à 500 candidates s’adressent Move About (2 millions d’euros « Notre équipe compte 14 personnes signaux faibles des marchés émer- teur de participations chez SFR chaque année à Blue Orange, SFR investis), leader en Scandinavie de réparties sur San Francisco, Paris, gents et de se familiariser avec leurs Développement, filiale à 100 % de Développement ou Veolia Inno- l’autopartage pour les entreprises Tel Aviv, Shanghai et Tokyo afin modèles économiques innovants. SFR qui, depuis 2006, a investi vation Accelerator. Un deal flow avec un chiffre d’affaires de l’ordre d’avoir une vision large des sociétés Reste que le taux de réalisation de 40 millions dans 22 start-up. qui dépasse les 1 300 start-up par d’un million d’euros. Ainsi que la les plus pertinentes », décrit Jean- la détection à l’investissement est si Parmi les leaders dans l’Hexagone, an chez Aster Capital. société française ez-Wheel Marc Bally, un des quatre Partners ténu que certains groupes intègrent citons aussi Total Energy Ventures, Reste que gérer cet afflux de can- (1,7 million d’euros investi) qui a d’Aster Capital. le CVC ou le MVC à une stratégie créé en 2008. Seb, de son côté, a didatures est à la fois un puissant conçu une roue pour chariots élé- plus large d’Open innovation. doté en 2011 Seb Alliance d’un outil de veille technologique et vateurs ou brouettes de chantier Capter les signaux En témoignent SFR Développe- capital initial de 30 millions concurrentielle pour les fonds cap- embarquant à la fois le moteur des marchés émergents ment ou Blue Orange. Ce dernier d’euros. Pour sa part, Suez Envi- tifs, mais aussi un énorme travail ! électrique et la batterie. Parmi les pépites d’Aster Capital, propose aux entrepreneurs des ronnement a lancé en 2010 Blue D’autant que, « au final, nous ne « Nous apportons trois choses : l’allemande Solarfuel (4 millions tests technologiques mettant à Orange (50 millions d’euros sur réalisons que 1 % à 3 % des dossiers l’expertise croisée de plusieurs d’euros investis) fait coup double : contribution son réseau interne de dix ans) pour cibler des start-up grands groupes indus- elle valorise le gaz carbonique 400 experts ainsi que ses unités qui innovent dans l’eau et les L’américain Intel triels, des marchés pour fabriquer du méthane opérationnelles. « Nous testons déchets. Veolia Environnement potentiels et enfin, outre « vert », le HyGas, en lui ajoutant actuellement une trentaine de tech- s’illustre également sur le terrain Capital a investi le financement, de l’ac- de l’hydrogène produit par élec- nologies proches de la commercia- des Cleantech depuis 2010, avec plus de 10 milliards compagnement mana- trolyse de l’eau à partir d’électri- lisation qui intéressent nos Veolia Innovation Accelerator. gérial, précise Fabienne cité solaire ou éolienne. Ensuite, métiers », confie Adrien Henry. Au Si, outre-Atlantique, certains de dollars dans Herlaut, directrice elle rend prévisible cette produc- menu : des prototypes de bennes CVC agissent comme de purs 1 250 start-up. générale d’Ecomobilité tion électrique irrégulière en la électriques de compactage pour la fonds de capital-risque, en France, Ventures. Quelles que stockant sous forme gazeuse dans collecte des déchets ménagers avec l’intérêt des fonds captifs est plus par an », constate Adrien Henry, soient la compétence et l’excellence les réseaux de méthane. Ce qui la société PVI Semat. Ainsi qu’un stratégique, plus industriel. « À la directeur général de Blue Orange. d’un patron de start-up, il a besoin suscite, chez un constructeur système de la société qui fait bon- différence des VC classiques, qui D’où l’intérêt de mutualiser les d’être accompagné pour prendre les automobile comme Audi, l’envie dir de 20 à 35 % le taux de matières adoptent une démarche de pur efforts. Ainsi, certains opérateurs se bonnes décisions au bon moment. » de lancer de nouvelles gammes de sèches issu des boues de stations retour sur investissement, les CVC sont montés en MVC (Multi Cor- Dans cet esprit, le fonds aide Move véhicules au gaz naturel. Autre d’épuration des eaux usées. « À rassurent les jeunes sociétés d’in- porate Capital) ou capital-risque About à pénétrer le marché fran- pépite, la néerlandaise Avantium peine 12 mois ont suffi pour que novation, indique Éric Naudin, multi-entreprise. À l’instar d’Ex- çais et ez-Wheel à développer sa (2,5 millions investis) développe Suez Environnement commercialise consultant senior chez Erdyn, un change Capital (qui regroupe La stratégie à l’international. des plastiques à base végétale qui le procédé dans le monde entier ! » grand cabinet de conseil en inno- Poste, Alten, Neopost, AGF, Cofi- Pour sa part, Aster Capital vont être utilisés pour les bou- se réjouit Adrien Henry. Moralité : vation. Les start-up accèdent à de noga, GMF, CDC, etc.) dans les acti- (Schneider Electric, Alstom, Sol- teilles d’eau minérale. ce qui rapporte ne coûte rien. q 18 territoires / france LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012

Le fisc s’en va-t-en guerre pour le cinéma français Crédit d’impôt Pour la première fois, le cinéma, via le pacte de compétitivité et deux amendements sur la fiscalité de la production, est traité comme une véritable industrie. Une révolution culturelle qui devrait, en 2013, bénéficier largement à l’Île-de-France, région la plus productive et créative du pays.

Jean-Pierre Gonguet Rarissime ! Astérix a été le déclencheur : lorsque les parle- ndré Jacquemet- mentaires découvrent dans la ton a été scéna- presse (La Tribune Hebdo du riste pour Alerte à 12 octobre 2012) que Astérix et Malibu. Puis, il Obélix au service de Sa Majesté est s’est racheté. Avec le premier film français dont Asa femme, Maria, il a scénarisé et, aucune image n’a été tournée dans pour certains épisodes, produit l’Hexagone à cause d’une fiscalité . Avec cette série, ils inadaptée, ils s’émeuvent. Le trustent toutes les récompenses cinéma national est en train de depuis cinq saisons. fiche le camp. La profession est André Jacquemetton, Américain pourtant discrète et ne fait que peu né à Lyon, travaille depuis deux de lobbying (sauf Luc Besson qui ans à un énorme projet pour Capa, est allé voir Arnaud Montebourg) : Versailles. Treize fois 52 minutes elle est en effet persuadée que plus racontant la Fronde, la construc- elle va s’agiter, plus elle va attirer tion du château, la cour, les intri- sur elle le regard et les foudres de gues… Les Borgia en mieux, plus la Commission européenne, extrê- de 2 millions d’euros investis par mement chatouilleuse sur la ques- épisode, des stars qui parlent tion des aides d’État (lire encadré). anglais plein le générique, Canal + et HBO pour produire et diffuser, Une industrie très et, si la première saison marche, réactive une deuxième, une troisième, etc. En revanche, à Matignon, Denis Une série « culturellement fran- Berthomier, le conseiller culture, çaise avec la science du storytelling comprend immédiatement le parti américain », a écrit Vanity Fair. à en tirer. Formé à la Cour des Bref, un blockbuster télévisuel comptes, il a été administrateur du mondial potentiel. Sauf que cette Château de Versailles, où Sofia série « culturally french » a bien Coppola a réalisé Marie-Antoi- besoin du coup de pouce fiscal que nette, et où il sait que la série vient de lui donner l’Assemblée Versailles­ doit se tourner. Il sait nationale. Car, s’il est en définitive surtout que l’industrie du cinéma, adopté à l’issue de l’examen par- quasi totalement concentrée en lementaire de la loi de finances, la Île-de-France, est d’une réactivité série est sûre d’être tournée. immédiate : très structurée, une l’île-de-France est la région la plus en sociétés de production, plus de 80 % des Les amendements 295 et 296 de industrie de main-d’œuvre qui pointe en matière de cinéma. Elle compte : salariés de la production, post-production, la loi de finances émanent de démarre au quart de tour dès 25 % des salles françaises, 50 % des éditeurs- distribution et édition dans 6 660 entre- Patrick Bloche (président de la qu’un des projets – elle en déve- distributeurs vidéo, 68 % des sociétés de prises, 110 000 intermittents, la plupart commission des Affaires culturelles loppe constamment – trouve son post-production et de distribution, 82 % des des grandes écoles et des studios français. de l’Assemblée), de Pierre-Alain financement. Muet, député socialiste du Rhône C’est une étude de la Commission et grand spécialiste des finances du film d’Île de France-Audiens 2013. Coup de chance : lorsque d’­ Astérix, c’est d’une rare réacti- sur un marché concurrentiel que se publiques, et de Guillaume Bache- sur l’emploi des intermittents qui Astérix sort en salles et que la polé- vité. Elle figure au sein d’un groupe disputent sept ou huit pays, on lay (député socialiste de la Seine- montre le mieux, entre autre, que mique démarre, Matignon travaille de décisions peu commentées pour rapatrie au moins pour partie les Maritime et membre de la com- dès qu’une mesure de soutien ou au Pacte de compétitivité et l’instant constituant « une offensive tournages que nous finançons mission des finances). Les 295 et d’aide fiscale intervient, l’emploi cherche des mesures à effet rapide. collective avec les territoires pour la [comme le dernier Astérix, ndlr]. 296 sont le fruit des amours légi- part en flèche quasi immédiate- Bingo ! Le crédit d’impôt à la promotion de la “Marque France” ». Je suis désolé de le dire : nous times d’Astérix et Obélix au service ment. C’est statistiquement parti- ­production cinématographique est Pierre-Alain Muet, professeur sommes sur ce qu’on appelle une de Sa Majesté et du Pacte de culièrement visible lors des immédiatement intégré au Pacte d’économie à Polytechnique concurrence oligopolistique entre ­compétitivité de Jean-Marc mesures prises par la Région Île- de compétitivité. ­pendant vingt-cinq ans, serait quelques pays, et des paramètres Ayrault. Leur parrain est Jérôme de-France en 2004, ou lors de même peut-être allé un peu plus bien choisis peuvent changer com- Cahuzac : ils grèvent certes de l’instauration du premier crédit D’abord rapatrier la loin : « Sur les 2 milliards de chiffre plètement la donne. Quant au coût, 70 millions inattendus­ le budget de d’impôt pour les productions production française… d’affaires générés par les tournages l’évaluation ne peut être faite qu’ex l’État, mais le ministre leur a étrangères en 2006. En clair : une C’est la décision n° 17 du Pacte, localisés en Europe, nous n’en post. Un dispositif incitatif, s’il apporté, le 7 novembre au matin, mesure d’aide fiscale, adoptée présenté le 6 novembre, totale- ­captons que 3 %, c’est-à-dire 60 mil- marche, a un coût ; s’il ne marche le soutien du gouvernement « avec avant la fin 2012, jouera sur les ment consacrée au cinéma. À peine lions… L’objectif est de calibrer ces pas, c’est-à-dire si les dispositifs que enthousiasme ». chiffres de l’emploi dès le début trois semaines après la sortie crédits d’impôt de telle sorte que, nous adoptons ne changent rien à la territoires / france 19 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE

Certains films ne peuvent être tournés qu’en France – ici, Marie- Antoinette, en 2006. Et le crédit d’impôt international, relevé, peut faciliter le financement de leur FOCUS production. [The Kobal Collection ]

« Un marché européen ? C’est le donner aux Américains ! » Joaquín Almunia, commissaire européen à la Concurrence, ne supportait pas les pratiques de certains États sur le cinéma. Et depuis quelques mois, il était parti sur le sentier de la guerre pour imposer que les aides au cinéma ne soient plus dépensées sur le terri- toire qui les a accordées qu’à hauteur de leur montant. Son idée était que le cinéma devait rentrer dans le droit commun – oubliée l’exception culturelle – et donc que chacun pouvait faire son shopping de subventions et d’aides fiscales où il le souhaitait. Il semble que la Commission ait mené un combat plus idéologique que réaliste, et qu’en quelques semaines elle ait compris qu’il lui faudrait bientôt abandonner sa directive. « Unifier le marché, c’est le donner aux Américains », explique Olivier-René Veillon, directeur général d’Uni- Shocking !… certains parlementaires se sont mobilisés après avoir appris dans France films. « Les Américains sont les seuls à avoir une l’article de La Tribune du 12 octobre vision globale du marché européen. Les majors sont par- qu’aucune image de Astérix et Obélix au service de Sa Majesté n’avait été faitement structurées et implantées dans tous les pays tournée en France. [Collection Christophel] européens, elles ont une stratégie homogène sur tout le continent et des filiales avec le petit doigt sur la couture du pantalon. Elles sont les seules à pouvoir faire leur shopping partout où elles veulent et les seules à pouvoir bénéficier à plein de l’unification de ce marché de la pro- duction. En matière de cinéma, qui dit marché intérieur, dit marché américain ! » D’ailleurs, les majors américaines n’étaient pas mécon- tentes de l’initiative bruxelloise, l’exception culturelle, – renforcée par la convention sur la diversité culturelle de l’Unesco, en 2005 – les ayant toujours empêchées de vendre leurs films comme elles le souhaitaient. Le résul- tat est que face à une déclaration commune franco-alle- mande contre l’idée même de cette réforme, et une lettre de 12 États membres, à la fin de novembre, sur les liber- tés de chaque État en matière de politique de création, la cause a, semble-t-il, été entendue.q

imprenables (James Bond, évi- négocier l’arrivée des grandes demment, au moins pour la par- ­productions anglo-saxonnes en tie studio), quelques très grosses Île-de-France. « Jusqu’à présent, productions sont aujourd’hui précise-t-il, nous générions les gagnables par l’Île-de-France. En talents, les compétences, le rayon- particulier dans les franchises nement culturel et, eux, l’activité qui, pour des raisons de commer- industrielle. Maintenant on va cialisation, ont souvent besoin aussi aller les chercher sur l’acti- d’être tournées dans des pays vité, et eux vont avoir plus de mal ­différents : de Jason Bourne aux à venir nous chercher sur le reste. » Schtroumpfs, l’Île-de-France en Il ne peut le jurer, mais il suit a déjà reçu quelques-unes, et depuis des mois et des années des les belles perspectives de 2013 cinéma et audiovisuel pour les productions d’autres franchises sont en négo- projets qui vont peut-être voir le L’Île-de-France espère passer devant le françaises, qui passe de 1 à 4 M€, ainsi que ciation actuellement. Nul ne sait jour rapidement grâce à l’augmen- Grand Londres d’ici à la fin de 2013. Dans du crédit d’impôt international, qui passe lesquelles – car les studios amé- tation du crédit d’impôt : une nou- cette perspective, la région bénéficiera de 4 à 10 M€. La création de la BPI devrait ricains mettent dans les négocia- velle adaptation des Bostoniennes, d’un plafond rehaussé des crédits d’impôt aussi aider les PME du secteur. tions des clauses de confidentia- tiré du chef-d’œuvre d’Henry lité si draconiennes James, ou une superpro- qu’elles feraient passer duction américaine sur situation actuelle, il ne coûtera rien. concours, il en est deux autres qui tion du crédit d’impôt était-il ter- les industriels de l’arme- 10 Sarah Bernhardt avec Mais si nous votons des dispositifs se livrent et vont se livrer une miné à l’Assemblée, que le Chan- ment pour des bavards millions une star… « Sarah Bern- incitatifs, c’est bien pour qu’ils aient guerre de plus en plus féroce : le celier de l’Échiquier George congénitaux –, mais les d’euros, au lieu hardt est l’archétype de la un effet ! » Royaume-Uni et la France. L’in- Osborne présentait au Parlement conditions fiscales vont de 4, ce sera divine scandaleuse aux clusion du cinéma dans le Pacte un texte qu’il concoctait depuis le être déterminantes dans le plafond du États-Unis, observe … Ensuite livrer de compétitivité montre qu’un printemps, l’extension du crédit la guerre avec l’Angle- crédit d’impôt Olivier-René­ Veillon. Il y international la guerre aux Anglais ! gouvernement français a enfin d’impôt (sans aucun plafond, terre. pour les films a beaucoup de projets qui Mais cette décision n° 17 est sur- accepté de prendre en compte la contrairement à la France) à « Toute décision prise en produits en sont développés depuis tout une véritable révolution réalité de cette guerre, et décidé toutes les productions audiovi- France entraîne une France, à partir quelque temps aux États- culturelle, car Matignon a com- de la jouer à armes fiscales égales. suelles et aux films d’animation ! contre-décision en de 2013. Unis et qui ont besoin, pris (et intégré dans les textes) Pour la première fois, le cinéma Les Anglais ont toujours consi- Grande-Bretagne », comme ces deux-là, d’être que le cinéma était aussi une est intégré dans une politique déré le cinéma comme une indus- explique Olivier-René Veillon. Le tournés en France. On va peut-être industrie et qu’il devait être traité générale et sorti du seul cadre de trie : une dizaine ou une douzaine directeur général d’UniFrance pouvoir leur donner un coup de comme telle. la politique culturelle. Les Anglais de blockbusters américains sont films, l’organisme chargé de la pouce. » Car en matière de cinéma, s’il y ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. réalisés chez eux chaque année, promotion du cinéma français Un coup de pouce à 10 millions a un pays industriellement hors À peine le débat sur l’augmenta- et si certains sont à peu près dans le monde, passe sa vie à d’euros, quand même ! q 20 territoires / france LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012

En 2009, la capitale rhodanienne était la première ville de France à confier à Google la numérisation nouveau et de son fonds libre de droits. Aujourd’hui, elle entre dans le trio de tête des bibliothèques numériques intéressant en Europe, et mettra à disposition du monde entier 450 000 ouvrages, d’ici à 2015. Pourquoi Lyon livre sans états d’âme sa bibliothèque à Google

Diane Dupré la Tour, à Lyon Web et les rayonnages d’imprimés. Acteurs de l’économie Une salle de lecture C’est le sens du Guichet des encore très « papier » de la bibliothèque Jean savoirs, qui s’engage à répondre en est un abattage Macé, à Lyon. [muriel chaulet] moins de 72 heures à toute rythmé, mais soi- demande formulée auprès des gneux. Depuis bibliothécaires, quelle que soit la ’ 2009, ce sont nature de la 20 000 ouvrages recherche. Cde la bibliothèque municipale de 72 h « Cela répond à Lyon qui sont scannés chaque une volonté poli- c’est le délai semaine par Google. Enlumi- tique de partage Repères maximal nures, coupures de presse du de réponse des savoirs et des e xix siècle, fonds iconographique… 19,5 millions d’euros ( du Guichet connaissances », Dans un centre banalisé de la ban- C’est le budget annuel de la des savoirs à analyse l’adjoint lieue lyonnaise (dont l’adresse est ville de Lyon pour la lecture toute demande au maire. En publique. formulée aux gardée secrète pour éviter les bibliothécaires 2013, les opéra- foudres des militants antimondia- 3,7 millions ( Le nombre lyonnais. tions de prêts et lisation), les équipes du géant de prêts de livres, chaque de retours américain numérisent à tour de année, à Lyon. devraient être bras les ouvrages libres de droit, 103 000 inscrits ( En automatisées, afin de mieux centrer soit la quasi-totalité du fonds de 2011, soit 18 % des le métier de bibliothécaire sur l’ac- la bibliothèque jusqu’en 1920. Lyonnais, et 2,5 millions de cueil du public et l’accompagne- Coût total : environ 60 millions visiteurs. ment. d’euros. Mais une opération 2009 ( Signature d’un En juin 2013, se tiendra à Lyon le e neutre pour le budget de la muni- partenariat public-privé 59 congrès de l’Association des cipalité, puisque Google assure entre la Bibliothèque bibliothèques de France, sur le gratuitement la prestation par le municipale de Lyon et thème « La Fabrique du citoyen ». Google. biais d’un partenariat public- Lyon compte en profiter pour pro- privé, en échange d’un accroisse- 2012 ( Lancement de la poser son propre modèle aux autres ment de son propre catalogue. bibliothèque numérique bibliothèques publiques. « Com- « C’est le fonds ancien qui intéres- Numelyo, 100 % gratuite, ment inciter les citoyens à configurer accessible à tous. sait Google. La société recherche les eux-mêmes leur bibliothèque et à pièces uniques, comme par exemple participer à la valorisation du patri- Les prophéties de les Prophéties de Nostradamus », Nostradamus pour l’an moine ? C’est l’une des pistes explo- commente Georges Képénékian, 1555, une des pépites rées par notre modèle », déclare parmi les ouvrages adjoint au maire de Lyon en charge anciens numérisés Gilles Eboli, directeur de la biblio- de la culture, du patrimoine, des par Google à Lyon. thèque municipale. L’année sui- grands événements et des droits du [muriel chaulet] vante, ce sera le 80e congrès mon- citoyen. Pour chaque ouvrage dial de la Fédération internationale numérisé, une copie est donc FOCUS des associations de bibliothécaires remise à la bibliothèque munici- et d’institutions (IFLA), qui sera pale. À charge pour elle d’organiser accueilli dans la capitale des Gaules. son propre catalogue virtuel – les Donner du sens au grand « vrac » du Net Bruno Racine, président de la clauses du contrat ne lui permet- Bibliothèque nationale de France, Depuis trois ans, tous les livres scannés par système de reconnaissance des caractères, tant pas d’exporter massivement les qui copréside au côté de Georges le géant californien sont accessibles sur même si la marge d’erreur n’est officielle- fichiers auprès d’un tiers. Képénékian le comité national en Google Books, mais « en vrac » : sans classe- ment que de 3 %. charge de la préparation de ce ment ni hiérarchisation, hormis les indis- « Notre travail à nous, bibliothécaires, est Répondre aux demandes congrès, insiste sur les enjeux qui pensables mots-clés. Les collections lyon- d’accompagner les recherches, de les élargir ciblées des lecteurs entourent le rôle des bibliothèques naises sont donc perdues au milieu des en proposant des parcours thématiques, des C’est ainsi que vient d’être lancée dans le développement du numé- 20 millions d’ouvrages numériques proposés expositions virtuelles, en contextualisant les Numelyo, la nouvelle porte d’en- rique : « Il y a 13 millions de livres à par la firme de Mountain View. Avec tous les résultats », explique Gilles Eboli, directeur trée numérique de la bibliothèque la BNF. Or, depuis 2000, nous risques d’erreurs de saisies induites par le de la bibliothèque municipale de Lyon. q de Lyon, qui fait prendre à la ville avons enregistré 13 milliards de une longueur d’avance dans le fichiers numériques. Nous assistons petit monde des bibliothèques donc à une accélération de la pro- publiques. Traitée comme la une Munich, qui ont toutes deux le accueillir le spectacle vivant, d’es- nateur », observe Georges Képéné- duction éditoriale. Comment d’un site d’information, la page statut de bibliothèque nationale. paces de formation, de lieux d’ex- kian. La société évolue, les biblio- conserver et transmettre ce d’accueil du site propose d’organi- Mais Numelyo n’est qu’une brique position… thèques aussi : désormais les contenu ? Comment se repérer dans ser et de trier sa propre biblio- du projet de l’établissement, qui Si le nombre d’inscrits se montre usages se sont inversés. Il ne s’agit cet univers ? En choisissant de tra- thèque virtuelle, et de plonger consiste à faire entrer de plain- stable ces dernières années, la part plus de mettre à disposition d’un vailler avec Google, la bibliothèque dans un manuscrit mérovingien à pied Lyon dans l’ère des biblio- de visiteurs libres a, elle, aug- lecteur une masse de connais- municipale de Lyon a fait un choix partir de son salon. Lyon devient thèques hybrides. Celles-ci sont menté, atteignant 2,5 millions de sances, mais de répondre à une économique et culturel pertinent. ainsi la première bibliothèque devenues des lieux de vie à l’accès visiteurs en 2011. « Beaucoup demande ciblée et d’opérer pour La BNF est, elle, beaucoup plus tri- européenne numérique en termes gratuit pour tous, dotées de salle viennent sans être inscrits, parfois lui un tri dans le vaste océan des butaire du climat des relations de de volume – après Vienne et de conférences, de scènes pour simplement pour jouer avec un ordi- informations disponibles sur le Google avec l’État »… q

22 territoires / International LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012

Outre les appartements et les bureaux, les trois tours seront dotées d’équipements commerciaux et de loisirs. 5 000 personnes devraient y transiter chaque jour. [DR]

Un nom tout simple, « De Rotterdam », a été donné à un projet grandiose qui sera livré à la mi-2013 : une ville le grand verticale sur les rives de la Meuse, à Rotterdam, avec trois tours de verre transparentes, qui vont s’élever chantier à 150 mètres, sur 41 étages, avec 160 000 mètres carrés de bureaux. Et 240 appartements, déjà tous vendus ! De la hauteur au pays des polders

Sabine Cessou, à amsterdam l’audace architecturale de Rotter- comme beaucoup d’architectes construction ait pu finalement s’agit pas seulement d’une opéra- dam, l’immeuble est situé entre la néerlandais. Le concept essentiel ­commencer, a commenté Rem tion de prestige. « La ville verticale e Rotterdam » tour KPN (la société de télécom- tient à l’usage multiple du bâti- Koolhaas au lancement des tra- sera un modèle de développement sera le plus munications nationale) et un ment. « Une très grande structure vaux. L’un des effets positifs de la urbain et durable pour les décennies « haut et le plus ­terminal pour croisières. faite de petits morceaux collés crise économique tient à la chute à venir », affirme Hamit Karakus, grand building Entièrement rasé par les bom- ensemble, chaque élément ayant son des coûts des matériaux de un conseiller municipal. La d’Europe, bardements allemands pendant la propre caractère », explique Rem construction, qui a donné un nouvel construction aura recours à de lorsqueD le chantier, commencé en Seconde Guerre mondiale, Rotter- Koolhaas. élan à ce projet au long cours. » l’énergie durable, puisant dans l’eau 2009, sera achevé à la mi-2013. dam n’a pas cessé depuis de se Ces tours transparentes offriront Alors que le secteur de la construc- de la Meuse les moyens de se refroi- Avec ce coup de maître, Rem Kool- reconstruire et de se réinventer. Le des vues aussi panoramiques que tion est en pleine récession aux dir. Les promoteurs ont conclu un haas, l’architecte le plus renommé plus grand port d’Europe a pris vertigineuses sur la ville, Pays-Bas, « De Rotter- accord avec la firme Eneco pour des Pays-Bas, concepteur de la l’habitude de tout décliner au le fleuve et les nuages. dam » a trouvé deux une solution écologique globale. Maison de la musique à Porto (Por- superlatif. Son dernier projet Signe distinctif du buil- banques pour le financer : Parmi les mesures prévues, des tugal), de la librairie centrale de ­d’extension, Maasvlakte II, ding : son ouverture 340 FGH Bank et Rabobank. détecteurs automatiques de Seattle ou encore des nouveaux démarré en 2010, va notamment maximale sur l’extérieur, millions Il est porté par un pro- lumière du jour et de présence pour d’euros, c’est magasins Prada à Beverly Hills et à doubler la taille du port avec un avec des baies vitrées le coût de la moteur privé, « De Rot- économiser l’énergie, ainsi que des New York, va définitivement terrain de 3 000 hectares construit allant du sol au plafond. construction terdam » B.V., formé par ascenseurs économiques recyclant mettre sa ville sur la carte de l’ar- en mer, pour un montant de 3 mil- Les 240 appartements des trois tours MAB Development, une leur propre énergie. chitecture internationale. liards d’euros. mis en vente par Amvest, de l’ensemble société d’aménagement Dessiné par son cabinet, Office via sa filiale dénommée architectural. de La Haye qui a déjà Aussi rentable for Metropolitan Architecture Des baies vitrées du sol 44floors, sont partis transformé l’Ooster- que durable (OMA), « De Rotterdam » tire son au plafond comme des petits pains, en partie dokseiland à Amsterdam, mais L’immeuble devrait être aussi ren- nom de l’un des paquebots de Nouvelle ville dans la ville, « De en raison de leurs prix accessibles aussi OVG Projectontwikkeling, un table que durable : un hôtel quatre l’ancienne Holland America Line, Rotterdam » occupe au sol une – un élément essentiel de la philo- constructeur qui développe les pro- étoiles de la chaîne NH Hotels est qui a transporté des milliers de surface équivalente à un terrain de sophie du projet. De toutes tailles, jets à dimension sociale. La muni- incorporé dans la structure, avec ses migrants européens vers les football, mais s’élance sur ces logements ont été vendus à un cipalité de Rotterdam, l’un des 285 chambres et un centre de États-Unis au début du siècle der- 150 mètres, pour cumuler sur ses maximum de 3 600 euros le mètre partenaires du projet, y occupera conférence. Une galerie mar- nier. Il est plus facile à retenir que 41 étages l’impressionnant total de carré (pour un 50 mètres carrés à une place centrale. Tous les ser- chande, située dans les six étages de l’endroit où il se trouve : le Wilhel- 160 000 mètres carrés de bureaux, 180 000 euros) et un minimum de vices de la mairie vont emménager la base de l’édifice, sera disposée minapier, un quai du vieux port commerces et logements. Les trois 2 500 euros (pour un 300 mètres dans les 40 000 mètres carrés de autour d’une place publique, devenu un petit Manhattan sur la tours ont été sobrement baptisées carrés à 750 000 euros). bureaux qui vont leur revenir dans ­Rotterdam Square, conçue pour Meuse, avec plusieurs tours abri- West Tower, Mid Tower et East Le projet, dont les premiers plans la Mid Tower. être lumineuse par tous les temps. tant les sièges sociaux de grandes Tower. Elles se distinguent par des remontent à 1997, est longtemps Pour la ville, dirigée depuis 2008 Au total, l’édifice devrait voir passer sociétés. Accessible par le pont déboîtements à mi-hauteur, un resté dans les cartons en raison de par le maire travailliste d’origine 5 000 personnes par jour et sera Erasmus, déjà emblématique de style qu’affectionne Rem Koolhaas, son coût. « C’est un miracle que la marocaine Ahmed Aboutaleb, il ne ouvert 24 heures sur 24.q territoires / International 23 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE

Harrison, la ville qui voulait devenir dortoir nouveau et Harrison, dans le New Jersey, située à vingt-cinq minutes de train de New York, a décidé de se transformer intéressant en ville-dortoir. Neuf promoteurs vont investir 650 millions de dollars, un tiers de la ville va être reconstruit.

Ouvert au public en 2010, le Pascal Giberné, à New York Le nouveau visage de Harrison : la rue Sommerset, près de la gare. [DR] Repères stade de 25 000 places de l’équipe de football des New York Red vec une population LES CHIFFRES DU RENOUVEAU Bulls de Thierry Henry a coûté 3 000 ( Le nombre de logements décroissante et ses car- en cours de construction. 200 millions de dollars et attire casses d’usines abandon- des aficionados de la mégapole A 1 860 DOLLARS ( Le loyer moyen nées, la ville de Harrison, dans le new-yorkaise. New Jersey, s’est pendant long- à Harrison, contre 3 000 dollars Alors que les premiers dans les villes voisines. temps demandée si elle avait un immeubles flambant neufs avenir. Située aux abords de 650 millions de dollars ( poussent le long du bord de la Newark, cette cité, qui en 1910 avait L’investissement total à Harrison, rivière, la question est désormais été surnommée par le président engagé sur dix ans, par neuf de savoir si Harrison, ville de cols promoteurs immobiliers. William Howard Taft « la ruche de bleus, va devenir une cité résiden- l’industrie américaine », dépérissait 256 millions de dollars ( tielle prisée comme ses voisines lentement mais sûrement le long Investissement pour la nouvelle Hoboken et Jersey City, il y a de la rivière Passaic. Aujourd’hui, gare, à 25 minutes de New York. quelques années. l’heure du renouveau a sonné pour Les loyers seront plus bas à Har- Harrison. Son maire, Raymond rison avec un prix moyen de McDonough, a décidé de transfor- bénéficier d’abattements fiscaux La pierre angulaire de cette par Raymond McDonough, le 1 860 dollars par mois, à comparer mer sa commune, située à vingt- pendant les trente prochaines renaissance est la rénovation de la ­projet a vu le jour en 1998 quand aux 2 900 dollars d’Hoboken et cinq minutes de New York via le années. « Cela va sauver la ville », station du PATH de Harrison. des retraités sont venus le voir en aux 3 000 dollars de Jersey City. PATH (Port Authority Trans Hud- explique le maire d’Harrison qui, pleurant dans son bureau pour lui « Harrison a un énorme potentiel, son, sorte de TER local), en ville- voici quelques années, s’était mis à Nouvelle gare, nouveau dire qu’ils ne pouvaient plus payer explique Peter J Cocoziello, dortoir pour jeunes célibataires rêver – en vain – quand l’acteur et stade : la ville attire leurs impôts locaux. ­président d’Advanced Realty, l’un débutant dans le monde du travail. metteur en scène Robert De Niro Vieille de 76 ans, elle va subir un Les premières constructions des promoteurs immobiliers. Elle Un tiers de la ville va donc être était venu lui soumettre l’idée d’y lifting à 256 millions de dollars afin commencèrent à la fin de 2001, a une station de trains moderne, reconstruit avec la création de construire un grand studio de d’augmenter sa capacité et de se avant d’être interrompues et mises elle va fonctionner 24 heures sur 3 000 nouveaux logements. Neuf cinéma. « Quelle alternative nous moderniser. Deux millions de en hibernation, à la suite de l’at- 24, il sera plus rapide de se rendre promoteurs ont décidé d’investir reste-t-il aujourd’hui ? se demande, ­passagers ont transité par la gare taque du 11 septembre. Onze ans à New York depuis Harrison que 650 millions de dollars dans les dix désemparé, l’élu local. Cela va créer en 2011, ce chiffre devrait passer à plus tard, le projet est devenu pour un habitant de l’Upper West années à venir avec la promesse de des emplois locaux, j’espère. » 3,4 millions en 2022. Chapeauté ­réalité, la ville se métamorphose. Side d’aller au Village. »q

On en parle à Bruxelles Le carnet de notre correspondante, Florence Autret

Idée cadeau : des œuvres d’art pour égayer l’Europe © DR

ui n’a pas vu un touriste errant autour laires se portent, faute de mieux, sur une statue noire, la chancellerie, pourtant si sobre, rayonne des toiles du Rond-Point Schuman ou du Parle- elle aussi évoquant les chefs-d’œuvre de l’art sovié- des expressionnistes allemands. À Bruxelles, le désert ment européen, à Bruxelles, à la tique et portant à bout de bras un énorme euro barré, symbolique est une politique. recherche d’un symbole de l’Union symbolisant la monnaie unique. Depuis quelque Et les choses ne vont pas en s’arrangeant. Il est loin le européenne à côté duquel se faire pho- temps, une photo grandeur nature en plan américain temps où les Postes française et allemande se tiraient Qtographier ne sait pas ce qu’est aimer l’Europe. Parce du président du Parlement Martin Schulz lui fait la bourre pour honorer les « pères fondateurs », émet- qu’il faut bien le dire, il n’y a rien ou si peu dont on concurrence. On en frissonne ! tant entre 1968 et 1980, à quelques années d’intervalle, puisse ramener fièrement l’image à la maison en Que les touristes stupéfaits se rassurent, des timbres à l’effigie des « citoyens d’honneur euro- disant : « J’étais dans la capitale de l’Europe. » les privilégiés qui ont la chance de pouvoir arpenter péens » Robert Schuman et Jean Monnet. Au pied du Berlaymont, l’immeuble siège de l’exécu- les couloirs de la Commission et du Parlement ne sont Au moment de faire l’euro, nos autorités n’ont tif, des hordes d’Européens mais aussi de Chinois, de pas mieux lotis. La coulée de toiles d’éminents incon- pas sauté sur l’occasion pour étoffer de conserve ce Japonais posent stoïquement devant les lettres nus des années 1970 et 1980 qui ornent leurs murs panthéon de sacrés bonshommes. Pas du tout. Rom- « Commission européenne ». Fascinant ! Ils ne donnerait presque envie d’exhumer, si elle n’était de pant avec une tradition millénaire, incapable de puiser remarquent généralement pas le monument dressé si sinistre mémoire, l’expression « entartete Kunst », dans les trésors de cette histoire commune dont ils à quelques pas de là en l’honneur de Robert Schu- « l’art dégénéré », comme disaient les nazis pour qua- prétendent qu’elle les rapproche, nos éminences sont man, ce grand bonhomme, né allemand à Luxem- lifier et interdire l’art moderne. Les gouvernements allées chercher des abstractions (un pont, une arche, bourg, diplômé de droit à Bonn, ministre des Affaires nationaux – dont l’Union européenne est tout de etc.) pour « figurer » l’Europe. Si les agences de nota- étrangères puis président du Conseil sous la même la fille ! – n’ont-ils jamais pensé à la doter de tion avaient du sens politique, elles auraient dû faire IIIe République (française) et porteur de la première quelques œuvres dignes de la grandeur qu’ils pré- de ce renoncement un indice infaillible que les choses communauté européenne. tendent lui donner ? allaient mal tourner. Ils ne sont pas aveugles. Simplement, c’est La moindre résidence d’ambassadeur français, le Une lueur d’espoir point toutefois à l’horizon 2014, un bloc noir sinistre. Le monsieur, qui faillit entrer au moindre sous-secrétariat d’État peut puiser dans les avec l’ouverture d’un musée de l’Europe dans un gigan- séminaire et mourut sans descendance, était certes ressources presque infinies du mobilier national pour tesque institut dentaire désaffecté du parc Léopold, ascétique. Mais était-ce une raison pour lui donner à égayer ses salles de réunion de quelques pendules petit joyau du début du siècle dernier. En attendant, titre posthume la froideur et la dureté d’un bloc de empire, éclairer ses murs d’une tapisserie d’Aubusson, pour 2013, si on organisait un concours de prêts granit ? Aux abords du Parlement, les suffrages popu- voire d’un dessin de Chagall ou de Matisse. À Berlin, d’œuvres venant de toute l’Europe ? q 24 Vos finances LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012

Les fonds indiciels cotés, appelés aussi ETF ou trackers, rencontrent un succès croissant depuis la crise financière, le bon car ils ont l’avantage de la simplicité et affichent des frais de gestion bas. En Europe, et notamment en France, ces fonds plan sont pourtant peu connus du grand public. La faute aux réseaux de distribution qui les mettent rarement en avant. Pour investir en toute simplicité, traquez les trackers

Rachel Montero Nous avons également signé un par- tenariat avec Pimco afin de lancer lors qu’ils s’im- des produits dits “passifs intelli- posent progressive- gents” ou gérés activement. À ce titre ment comme l’un nous avons créé le PIMCO Euro- des véhicules d’in- pean Advantage Government Bond vestissement les ETF sur les obligations souveraines, Aplus utilisés au niveau mondial, les qui pondère les pays en fonction de ETF (exchange trade funds), leur PIB et non du poids de leur dénommés aussi trackers, sont dette », énumère Ludovic Djebali. assez méconnus du grand public. Leur principe est pourtant très Des produits à simple : ce sont des fonds d’inves- la fiscalité allégée tissement, cotés en Bourse, qui L’accès aux matières premières reproduisent les performances est également facilité par ce type de d’un indice boursier. En d’autres produits avec toutefois un bémol, termes, ils permettent à un inves- les ETF ne peuvent, pour des rai- tisseur de détenir l’équivalent d’un sons réglementaires en Europe, indice boursier donné sans avoir à investir sur une seule matière pre- acheter (en proportion) toutes les mière comme c’est le cas aux États- actions qui composent ledit indice. Unis où le SPDR Gold par exemple, un ETF investi sur l’or, bat des Y souscrire directement records en termes d’encours. [ ] auprès de sites Internet Les ETF s’imposent comme un des véhicules d’investissement les plus utilisés au monde. DR Dernier avantage, un grand « Aux États-Unis, les encours nombre de ces produits émis par d’ETF ont atteint fin octobre les de ce fait les fonds d’investissement ETF calé sur l’indice MSCI Emer- la baisse ou deux fois la hausse de la des fournisseurs européens sont 1 150 milliards de dollars, tandis qui affichent des frais de gestion ging Market et s’exposer très facile- performance quotidienne du éligibles au plan d’épargne en qu’en Europe ils dépassent mainte- plus élevés que les ETF. Aux États- ment à cette classe d’actifs aux CAC 40. Ce type de produits actions (PEA) et dis- nant à peine les 317 milliards de Unis, les ETF ont été amenés à se horaires de cotation des Bourses rencontre un vrai succès posent donc d’une fisca- développer fortement, européennes. La plupart de ces pro- auprès des particuliers et 317 lité allégée. « La plupart notamment auprès de la duits sont en effet cotés sur des cela depuis déjà de nom- des ETF de Lyxor inves- En Europe, les ETF ne milliards de clientèle de particuliers places financières accessibles faci- breuses années », indique dollars. C’est le tis sur des indices actions peuvent pas investir lorsque la rémunéra- lement en Europe, les produits de Valérie Lalonde. Les ETF montant des sont éligibles au PEA, y sur une seule matière tion des intermédiaires Lyxor, par exemple, sont générale- permettent également encours d’ETF compris lorsqu’il s’agit financiers s’est faite ment cotés sur Nyse-Euronext. d’accéder aux dernières en Europe, d’ETF hors zone euro première, comme c’est fin octobre, à davantage sur la base Autre exemple, « nos produits en innovations en matière de comparer aux comme les ETF indexés le cas aux États-Unis. de conseils financiers », dollar sont cotés à Londres et nos gestion d’actifs et au savoir- 1 150 milliards sur la Chine ou autres relate Ludovic Djebali. produits en euro à Francfort », pré- faire de gérants internatio- atteints aux pays émergents. Ces ETF dollars », indique Ludovic Djebali, En France, pour accéder à ces cise encore Ludovic Djebali. naux reconnus. « Nous États-Unis. doivent pour des raisons directeur des ventes chez Source. produits, les épargnants peuvent Des prises de risque modérées avons créé il y a près de deux réglementaires être Sur le Vieux Continent, leur déve- y souscrire directement auprès de sont également possibles avec ces ans un ETF en collaboration avec constitués d’un panier d’actions com- loppement est en effet essentielle- sites Internet de trading, comme produits. « Nous proposons un ETF Man GLG, dont l’objectif est de sur- prenant au moins 75 % d’actions ment le fait d’investisseurs institu- Boursorama, Fortuneo, etc., ou en qui permet de s’exposer à deux fois performer l’indice MSCI Europe. européennes, ce qui est possible tionnels. « Aux États-Unis, les les réclamant à leur conseiller grâce à la réplication synthétique », particuliers représentent 50 à 60 % bancaire ou à leur gestionnaire focus précise Valérie Lalonde. de la clientèle des ETF, alors qu’en habituel. Ces produits, comme tout instru- Europe, cette clientèle ne représente Autre avantage de ces produits : ment financier, ne sont cependant que 10 % des encours », indique ils permettent d’accéder facile- pas exempts de risque. Ces trackers Valérie Lalonde, porte-parole de ment à l’ensemble des classes ETF physique versus relèvent de la classe d’actifs du Lyxor Asset Management. d’actifs, y compris les plus exo- synthétique, un faux débat sous-jacent. À ce titre, ils En cause : les réseaux de distri- tiques et les plus innovantes. Les connaissent donc volatilité et bution qui s’y intéressent peu. Les fournisseurs d’ETF ont ainsi créé Pendant de nombreux mois, la sphère financière a été baisse des cours, par exemple, pour ETF étant gérés de façon passive un très grand nombre de fonds agitée par un débat opposant les ETF physiques et syn- des fonds actions, ou évolution des sans l’intervention de gérants, ils capables de suivre une multitude thétiques. Schématiquement, les premiers répliquent la taux d’intérêt pour des fonds obli- affichent des frais de gestion d’indices : ceux des grandes places performance des indices en utilisant un swap, méthode gataires. Ils présentent aussi des faibles compris entre 0,15 % et financières (CAC 40, Eurostoxx fréquente parmi les sociétés de gestion françaises ; a risques spécifiques, certains pro- 0,85 % pour les indices les plus T50, Dax, FTSE, Dow Jones, etc.), contrario, les seconds achètent les titres et répliquent de duits sophistiqués pouvant s’appa- complexes à répliquer. Ces pro- mais aussi des indices sectoriels cette façon les indices, cette méthode étant plutôt l’apa- renter à des « boîtes noires ». duits sont donc peu rémunéra- ou encore des indices émergents nage des ETF anglo-saxons. Face à ce débat, aux enjeux Il n’en demeure pas moins que ces teurs pour les réseaux de distribu- mono-pays (Brésil, Russie, Chine, éminemment concurrentiels, le régulateur européen a produits, ayant été sous le feu de la tion. « Certains réseaux de Inde, etc.) ou globaux (BRIC, tranché et a renvoyé dos à dos les deux méthodes, arguant critique (lire encadré), doivent distribution se rémunérèrent en autres émergents, etc.). que chacune possède des risques spécifiques et exigeant faire preuve d’une très grande partie sur la base de commissions Un particulier souhaitant par dans les deux cas une plus grande transparence. q R.M. transparence et, dans leur grande rétrocédées par les producteurs de exemple investir sur les actions majorité, restent faciles à com- produits financiers, ils privilégient émergentes pourra ainsi acheter un prendre pour des particuliers. q Vos finances 25 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE

Petits maîtres… mais bons filons e investir Du xviii siècle à la période moderne, autrement d’Harpignies à Max Jacob, le marché de la peinture ancienne regorge d’artistes abordables, à découvrir ou à redécouvrir.

Didier Laurens aspect académique ne fait plus vraiment recette, même si la cote oins spéculatif que celui de de peintres comme Jean-Léon l’art contemporain, le Gérôme, l’animateur du mouve- M marché de la peinture ment néogrec, ou de Cabanel, l’un ancienne est soutenu par des col- des grands « pompiers » du lectionneurs qui achètent selon second Empire, progressent régu- A Village Roadway d’Henri-Joseph Harpignies, 1891. Certains tableaux de l’artiste, peints à Paris ou dans leurs goûts tout en profitant du lièrement. « Parmi les petits l’Yonne, sont proposés à partir de 5 000 euros. [The Bridgeman Art Library] paratonnerre fiscal lié à ce type maîtres français avec un bon d’investissement. Si les maîtres du potentiel, je citerai, notamment déjà le pré-impressionnisme. Ses taines œuvres se négocient à moins d’environ 1 000 euros et il va faire xviiie siècle français comme Frago- Henri-Joseph Harpignies, un pay- paysages italiens sont déjà chers de 5 000 euros. De même, les pein- l’objet d’une exposition au musée de nard ou Boucher sont inabordables, sagiste dont certaines œuvres sont mais certains tableaux peints à tures d’un petit maître symboliste la Marine, ce qui soutiendra sa des artistes moins connus restent très abordables », conseille notam- Paris ou dans l’Yonne, où il possé- comme Osbert sont à regarder avec cote », assure Alexis Borde. accessibles à partir de 4 000 à 5 000 ment Alexis Borde, expert en dait une maison, sont proposés à attention. Comptez au minimum Autre personnalité à privilégier, euros. Voire moins. Tel Jean-Bap- tableaux anciens. partir de 5 000 euros. 3 000 euros pour un beau dessin ou Max Jacob qui ne fut pas seule- tiste Le Prince, un contemporain de Mais c’est plutôt dans la peinture une petite aquarelle. ment un immense poète, mais Boucher, qui a effectué un séjour Les meilleures affaires symboliste de la fin du xixe que l’on Le marché du xxe siècle se tient et aussi un bon peintre. Si les décors aventureux en Russie, dont il a datent du xixe siècle trouve encore le plus d’œuvres c’est, par exemple, en se portant qu’il a dessinés pour les ballets ramené des paysages et des scènes Comme il est de bon ton à son sous-cotées. Dans ce sérail, sur les tableaux d’artistes comme russes de Diaghilev sont recher- de genre. Ses dessins se négocient à époque, Harpignies effectue des Ménard, dont la famille fréquentait Mathurin Méheux que l’on fera chés, certains paysages réalisés à la partir de 1 500 euros. voyages initiatiques en Italie. Il en notamment les peintres de l’école bonne pioche, à condition d’aimer gouache, se dénichent à partir de En ce qui concerne le xixe siècle, ramènera des aquarelles qui, pour de Barbizon, est une pépite. Qu’il les marines. « Certains dessins de 3 000 à 4 000 euros. Ce sont des la donne est plus compliquée. Son la seconde période, anticipent s’agisse de pastels ou d’huiles, cer- Méheux sont achetables à partir opportunités à ne pas manquer. q

2,95 % Ma tante Sicav obligations euro long terme : s’intéresse à la santé la sécurité récompensée des plus précaires

le classement obligations européennes long un peu plus risqués – et des le dernier. Reste le risque de le chiffre Non, ce n’est pas le taux de la semaine terme n’ont, certes, pas à se titres rassurants, mais ne déli- bulle obligataire. Devant le décrypté d’un crédit immobilier Les échanges sont parti- plaindre. En moyenne, les vrant quasiment aucun gain. désamour des investisseurs bon marché. C’est plutôt le fruit d’un constat culièrement nourris entre les Sicav spécialisées sur ce seg- Tout le calcul résidant dans pour les actions, les opéra- alarmant : aujourd’hui, bon nombre de Fran- « pro-actions » et les « pro- ment enregistrent une hausse l’anticipation de la pentifica- teurs boursiers ne jurent plus çais repoussent ou renoncent à certains frais obligations ». Les premiers de 12,5 % sur un an (au tion, autrement dit du moment que par les obligations. Toutes médicaux peu ou pas remboursés par la Sécu- mettent en avant les excellents 7 dé­cembre 2012). Sur trois où, sur le marché obligataire, les émissions actuelles sont rité sociale et les mutuelles. C’est vrai pour les niveaux de rendements offerts ans, la progression atteint les taux longs deviennent ou quasiment exclusivement lunettes. C’est vrai aussi pour les prothèses actuellement par les divi- 14,8 %. De très belles perfor- redeviennent supérieurs aux composées de titres obliga- dentaires. Sans parler des frais d’hospitalisa- dendes des entreprises cotées. mances à l’heure où nombre taux courts. Car aujourd’hui, taires, voire d’obligations tion prolongés, conduisant les malades à Les seconds vantent la sécurité d’investisseurs se demandent les taux longs sont bas, voire convertibles en actions. contracter dans l’urgence et donc dans de du placement et la récurrence où aller chercher du rende- plus bas que les taux courts. Avec le risque, en cas de revi- mauvaises conditions des crédits à la consom- des coupons versés, même si ment dans un contexte de taux Ces choix sont particulière- rement, de voir les cours des mation. Ces derniers, on le sait, sont bien plus les problèmes de la zone euro d’intérêt court terme histori- ment cruciaux car, si l’on obligations connaître chers que les autres types de crédits. sont venus remettre en ques- quement bas. La donne n’est regarde les performances des quelques déconvenues. En tion bien des certitudes en pas évidente pour les gérants différents produits sur un an, attendant, cet engouement est Une offre dédiée aux personnes matière de risque… de cette poche obligataire long on voit que l’écart entre les une aubaine pour les entre- sans emploi, sans mutuelle Chiffres à l’appui, les investis- terme. Ils doivent en effet, meilleurs et les moins bons prises qui empruntent dans Fort de ce constat, le Crédit municipal de seurs qui auraient misé ces savoir choisir entre des obliga- est impressionnant : + 22,5 % d’excellentes conditions. q Paris, habituellement positionné sur les prêts trois dernières années sur les tions aux taux tentants – mais pour le premier, – 18,5 % pour Pascale Besses-Boumard sur gages, a eu l’idée de lancer un prêt santé au taux fixe particulièrement bas de 2,95 %. Performance sur 1 an Performance sur 3 ans Prêt susceptible d’être débloqué en l’espace de 48 heures après étude du dossier. Une offre 1/ R Euro Crédit (Rothschild et Cie) 22,5 % 21,3 % pour le moins iconoclaste qui peut s’avérer 2/ Unofi-Oblig (Finogest) 17,4 % 15,1 % très utile en cas de besoin pour de nom- 3/ Dexia bonds Euro long term 17,2 % 20,4 % breuses personnes. La baisse des taux d’inté- 4/ LBPAM obli long terme 15,7 % 17,5 % rêt donne manifestement plein d’idées aux 5/ Regard obligations long terme (Pro BTP) 13,9 % 12,3 % différents établissements bancaires. Sachant que cette offre est essentiellement 6/ BNP Paribas oblipar 13,7 % 16,2 % dédiée aux personnes subissant de plein fouet 7/ Goldman Sachs euro fixed income 13,6 % 15,5 % la hausse du coût de la vie ou celles se retrou- 8/ Pioneer Euro bond A 13,2 % 17,6 % vant sans emploi ou sans mutuelle, voire les 9/ Fideuram fund Euro bond medium risk 12,9 % 15,0 % deux. Les prêts sur gages traditionnellement proposés par le Crédit municipal de Paris 10/ KBC renta medium Euro 12,8 % 19,3 % s’adressent déjà majoritairement à ce type de Source : Europerformance, a Six Company clientèle. q 26 les analyses LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012

rigueur : la Défense toujours en première ligne

À quelques semaines de la publication du Livre blanc, qui va entériner le décrochage de la France en matière d’efforts militaires, des voix s’élèvent pour prévenir des méfaits d’une telle politique.

ésarmer la France semble devenu ment, ce ne sera pas dit en des termes aussi brutaux, pelle pour sa part le général Georgelin. La défense aujourd’hui largement plus des « gadgets » seront évoqués pour camoufler cette a déjà fait son effort pour le redressement des facile – politiquement, enten- sévère coupe dans le budget de la Défense qui se pré- dépenses publiques. Le corps militaire n’est pas le dons-nous bien – que de réduire pare dans l’indifférence générale : Europe de la seul à constater ce désarmement massif, alors la dépense publique dans sa glo- défense, mutualisation, « pooling and sharing », qu’experts et stratèges constatent parallèlement balité. Or, une telle absence de « smart defence » un accroissement des dépenses militaires dans le volonté politique risque de coû- Aujourd’hui, les armées françaises comptent monde. Le premier président de la Cour des ter cher au pays dans un monde si incertain… même 225 000 hommes et femmes (donc des emplois…) comptes, Didier Migaud, que l’on ne peut suspecter Ds’il ne faut évidemment pas l’espérer. « La dépense et représentent 1,5 % du PIB, soit 8 à 9 % du budget ni de partialité ni de militarisme à tous crins, s’en publique, en France, représente 56 % du PIB. Quand de l’État. À la fin de la guerre froide, elles étaient inquiète même. « La France ne peut donc pas rester on enlève 1,5 % pour la défense, il reste 54,5 %. Sans fortes de 500 000 hommes, et coûtaient 15 % du indifférente à ces enjeux. Il n’appartient pas à la doute y a-t-il, dans cette masse, des marges de budget de l’État, soit 2,7 % du PIB. « L’effort de Cour d’en juger, mais c’est une donnée de l’équation manœuvre à explorer », s’interroge le général d’ar- défense était, aux normes OTAN – c’est-à-dire hors stratégique en matière de défense », explique-t-il. mée, Jean-Louis Georgelin, ancien chef d’état- pensions et hors gendarmerie –, de 2 % du PIB en © DR major des armées, poste qu’il a occupé du 4 octobre 1997, avant de se stabiliser ces dix dernières années Un budget qui représente 4,8 % du PIB Michel 2006 au 24 février 2010. Simple et de bon sens. entre 1,6 et 1,7 %, a récemment expliqué devant le aux États-Unis et 1,55 % en France Cabirol Comme le sont en général les Pyrénéens, Jean- Parlement le chef d’état-major des armées, l’amiral De quoi parle-t-on ? Des efforts en matière de rédacteur en chef du service Louis Georgelin étant né à Aspet, petit village au Édouard Guillaud. En 2012, il est de 1,55 %. À l’hori- défense. Ils « ont été importants aux États-Unis, en industrie pied des Pyrénées. zon de 2015, il dépassera à peine 1,3 % ». Russie et dans les pays émergents, notamment en Quel autre budget a connu et va connaître une cure Asie ; ils se sont maintenus en France et se sont Une armée respectée d’amaigrissement aussi violente ? Sûrement pas les réduits dans la plupart des autres pays européens », à travers le monde collectivités locales, l’Éducation nationale… sans rappelle le premier président de la Cour des Avec le nouveau Livre blanc qui sera publié en jan- oublier la dette. « Aucun corps de l’État ne s’est comptes. Et de constater que « les budgets de la vier, le gouvernement Ayrault, comme tant d’autres réformé comme nos armées. C’était nécessaire, défense cumulés des pays européens demeurent infé- auparavant, y compris celui de François Fillon, va logique. Que chacun en prenne honnêtement rieurs à la moitié du budget américain ». Ce dernier continuer de mettre sous pression une armée conscience. Par deux fois en une dizaine d’années, s’élève à 547 milliards d’euros, soit 4,8 % du PIB aujourd’hui encore respectée à travers le monde et elles ont été auscultées, mises à plat, amputées, res- national… contre 1,55 % du PIB en France, qui se une industrie de la défense performante. Évidem- tructurées, parfois avec une inutile brutalité », rap- classe au sixième rang mondial quand on y intègre les pensions (39 milliards d’euros). « Cette position pourrait se dégrader rapidement si Aujourd’hui, les armées françaises comptent 225 000 hommes et femmes et représentent 8 à 9 % du budget de l’État. les pays émergents poursuivent leur effort. À l’échelle À la fin de la guerre froide, elles étaient fortes de 500 000 hommes, avec 15 % du budget de l’État.[ FREDERICK FLORIN/AFP] européenne, un décrochage peut s’observer avec le Royaume-Uni : l’effort britannique, de 52 milliards d’euros en parité de pouvoir d’achat, dépasse désor- mais l’effort français de 14 milliards et cet écart devrait se maintenir au cours des prochaines années », souligne Didier Migaud. Et de conclure sévèrement : « De tels écarts entre les efforts de défense dans le monde peuvent entraîner des ruptures technologiques et une évolution des rapports de puis- sance entre les États. » Ce serait clairement de l’aveuglement de ne pas comprendre que cette poli- tique de rabotage systématique du budget de la défense va inexorablement entraîner la France vers un déclassement. L’aggravation de la situation des finances publiques et les impératifs du désendettement existent bel et bien. Mais les choix politiques, qui sont faits pour choyer l’électorat de tel ou tel parti, ne sont pas à la hauteur des défis de la France dans un monde ins- table. Comme tant d’autres gouvernements, celui de Jean-Marc Ayrault gère le pays sans vision ni ambi- tion. « Si tu veux la paix, prépare la guerre (Si vis pacem, para bellum) », un adage que semblent avoir oublié les politiques. Enfin, presque tous. Car la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat s’inquiète elle aussi de tels arbitrages budgé- taires. Son rapport « Forces armées : peut-on encore réduire un format juste insuffisant ? » fait autorité. Fera-t-il pour autant des émules ? « La puissance militaire, c’est un peu comme l’oxy- gène de l’air : on ne se rend pas compte de son utilité quand on n’a pas besoin de l’utiliser, mais, lorsqu’on s’aperçoit qu’il fait défaut, il est toujours trop tard pour réagir », rappelle avec son franc-parler le géné- ral Georgelin. q les analyses 27 VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012 LA TRIBUNE

Les marchés financiers, la drogue monti et la peur du manque

Le président du Conseil italien a, durant des mois, apaisé les marchés, qui paniquent Les « réformes » mises en place par Mario Monti se maintenant de son possible départ. Efficacité… ou effet psychotrope ? La réalité sont souvent limitées à des coupes budgétaires qui ont – économique, politique et sociale – italienne plaide pour la seconde option. conduit à une récession grave. Comme l’Espagne et la Grèce, l’Italie est, depuis l’arrivée de Mario Monti, entrée dans une a toxicomanie est un des pires fléaux augmenté, les éditorialistes européens ont paniqué : spirale défla- de notre époque. Un fléau si répandu sans Mario, qu’allait devenir l’Europe ? tionniste dont qu’il n’épargne même pas les mar- En cas de manque, le sujet se crée souvent de fausses elle aura grand Les réformes chés financiers et les grands médias frayeurs. Dans ce cas, Silvio Berlusconi a joué ce rôle. peine à s’extir- de Monti économiques. Il ne s’agit pas ici de Il est pourtant clair que le Cavaliere ne peut pas rede- per. Le bilan du dénoncer l’usage dans les salles de venir président du Conseil. Son parti est très loin dans président du «se sont limitées trading – ou de rédaction – de pro- les sondages, lui-même n’est plus guère populaire. Conseil est à des coupes duits psychotropes prohibés par la loi, mais plutôt Surtout, à l’exception de la Ligue du Nord, aucun parti catastrophique : budgétaires qui Ld’une drogue d’un nouveau genre : Mario Monti. n’accepterait de s’allier avec lui. Or la Ligue est autant uniquement des L’usage du Monti est certes apaisant. Depuis sa à l’agonie que le parti berlusconien… trimestres de ont conduit à une nomination, l’Italie a progressivement disparu des contraction du récession grave. » inquiétudes des marchés, remplacée par l’Espagne ou Le bilan du président du PIB. Il faut être même la France. Chacun voulait se convaincre et conseil est catastrophique un économiste convaincre les autres qu’il « fallait être patient », que En réalité, et c’est une des constantes de la toxico- allemand convaincu par les vertus déflationnistes pour © DR « la croissance allait revenir », que « Mario Monti fait manie, l’addiction est souvent plus dangereuse que la croire que de ces ténèbres surgira la lumière. Romaric le travail nécessaire ». Le nom du président du Conseil réalité que l’on veut oublier. Car elle l’aggrave. Ainsi En tout cas, même l’OCDE s’est inquiétée de l’inca- Godin italien avait un aspect magique qui réduisait à néant en est-il du gouvernement Monti. Politiquement et pacité de faire jouer les stabilisateurs économiques. rédacteur en chef adjoint économie tous les doutes. On avait beau présenter les inquié- économiquement. D’abord politiquement. En faisant L’Italie, qui bénéficie d’une industrie exportatrice tants chiffres économiques, les cinq trimestres de croire à l’Europe que seul un gouvernement techno- performante, n’a pas profité de cette politique. C’est récession, les effets sociaux de la rigueur, la désagré- cratique était à même de régler les problèmes de l’Ita- la preuve par l’exemple de l’échec de la politique de gation de la société, rien n’y faisait : Mario Monti était lie, il a réduit à néant la confiance des investisseurs réduction massive et rapide des déficits censée alors mis en avant, tel un totem rassurant. dans le personnel politique italien et, plus générale- redresser la compétitivité. Dans ces conditions, c’est Mais toute drogue a son redoutable revers. L’oubli ment dans la démocratie italienne. Les marchés et les bien cette politique qui mène l’Italie à la ruine et qui de la réalité et l’euphorie qu’elle procure ne sont que partenaires de Rome n’ont alors plus eu qu’une doit inquiéter les agences et les investisseurs. Au lieu passagers. Lorsque vient le manque, la réalité dans crainte : voir revenir le choix démocratique en Italie. de quoi, c’est elle qui les rassure. Du coup, la démis- toute sa triste vérité réapparaît au sujet qui alors Ceci a également eu pour conséquence de réduire à sion du gouvernement Monti, comme tout sevrage, désespère et réclame à nouveau son stupéfiant. C’est néant la confiance des Italiens eux-mêmes dans leurs apparaît comme une crise difficile à surmonter. Mais à ce malheureux processus auquel l’on a assisté il y a institutions. Résultat : la République italienne vacille c’est une crise nécessaire afin de désintoxiquer défi- une dizaine de jours lorsque les marchés et les édito- sur ses bases et l’opposition populiste du blogueur nitivement les marchés de l’illusion Monti. rialistes européens ont découvert que Mario Monti Beppe Grillo atteint presque 20 % des intentions de Et que l’Italie puisse enfin retrouver un rapport risquait de quitter la scène. Le taux italien a fortement vote. Sur le plan économique, nul besoin de s’attarder. sain avec le reste de l’Europe. q

Europe : c’est encore loin, l’union bancaire ?

L’accord sur la supervision bancaire est probablement le meilleur qui pouvait ment déjà aux nouvelles exigences. Il n’empêche, le être trouvé, compte tenu des divergences entre les pays européens. signal envoyé est tout sauf positif. L’accord sur l’har- Il ne faudrait cependant pas imaginer que l’union bancaire est pour demain. monisation des cadres nationaux de garantie des dépôts est, lui, prévu pour l’année prochaine. Il fau- dra en revanche attendre un peu plus longtemps (fin ne fois n’est pas coutume, la plu- Après cette première étape (nécessaire), de nom- 2013 ou 2014) avant qu’une véritable autorité de part des observateurs sont d’ac- breux autres compromis devront encore être trouvés résolution des crises bancaires voie le jour. cord : politiquement, une étape avant la mise en place d’une véritable union ban- Concernant les raisons immédiates pour les- cruciale vient d’être franchie par caire. « Avant de pouvoir parler d’une véritable inté- quelles le mécanisme de supervision a été mis en l’Europe. Le compromis arraché gration bancaire, il faudra finaliser au moins trois place – à savoir les difficultés des banques espa- au petit matin du jeudi législations européennes essentielles : celle qui doit gnoles –, l’accord trouvé dans la nuit de mercredi à 13 décembre, après quatorze mettre en œuvre les normes prudentielles de Bâle III, jeudi pose presque plus de questions qu’il n’apporte heures de discussions animées en conciliant des celle qui permettra d’harmoniser le système de garan- de réponses. Personne ne peut déduire du commu- Upositions a priori irréconciliables, ouvre la voie vers tie des dépôts et celle qui organisera la résolution des niqué diffusé ni des déclarations qui ont suivi la l’union bancaire. faillites bancaires », avance David Benamou, prési- rencontre des ministres des Finances européens à Une concession de taille a été faite à l’Allemagne : dent d’Axiom AI. quelle date le MES pourra recapitaliser directe- le relèvement du seuil à partir duquel les banques ment les banques en difficulté. seront directement supervisées par la zone euro. la BCE assumera ses nouvelles Seul élément concret : la BCE assumera ses nou- Seules seront concernées les 150 à 200 banques dont missions à partir du 1er mars 2014 velles missions à partir du 1er mars 2014 (initiale- © DR les actifs sont supérieurs à 30 milliards d’euros ou Or les échéances ne cessent d’être repoussées. La ment, le 1er janvier 2014 était évoqué). Un retard est Sophie représentent un cinquième du PIB de leur pays d’ori- directive dite CRD 4 qui concerne le cadre de cependant possible (et presque déjà prévu) : l’ins- Rolland gine. Les caisses d’épargne et les petites banques Bâle III ne sera pas appliquée au 1er janvier comme titution pourra décider de repousser cette date si journaliste allemandes très liées aux politiques locaux sont donc cela était prévu initialement, mais plutôt au 1er juil- elle n’est pas prête. épargnées. En contrepartie, à la moindre difficulté, let, voire au 1er janvier 2014. Les États de l’Union Le problème est que certains pays comme Chypre la BCE pourra reprendre la main sur les petites européenne et le Parlement européen ne sont tou- ne pourront pas attendre mars 2014. Si l’aide aux banques. jours pas parvenus à conclure un accord sur le nou- banques chypriotes doit transiter par le budget de « C’est un bon compromis : il permet d’avancer vers veau cadre réglementaire. Quand il aura été trouvé, l’État, la dette du pays explosera. De quoi plonger le l’union bancaire et il ne dénature pas les propositions une partie des dispositions devront encore être petit pays dans une situation aussi insoutenable que de la Commission européenne », juge l’économiste de transposées dans les droits nationaux. Certes, la plu- celle de la Grèce. Reste à convaincre l’Allemagne Natixis, Alan Lemangnen. part des grandes banques européennes se confor- qu’il ne faudrait pas en arriver là… q 28 Les idées LA TRIBUNE VENDREDI 21 décembre 2012

soutenir les collectivités pour relancer l’emploi L’initiative européenne de croissance, impulsée par François Hollande et décidée sociaux, l’assainissement et les hôpitaux, mais aussi par le sommet de juin dernier, donnera à la BEI les moyens d’accroître de 30 % le financement de trois plans régionaux de soutien ses concours à l’économie française. C’est en s’appuyant sur le partenariat novateur aux énergies renouvelables, ainsi que plusieurs fonds qu’elle a noué avec les collectivités territoriales que le bras financier des politiques d’investissement en faveur des PME. Parallèlement, européennes donnera son plein effet au volontarisme anticrise européen. la Banque s’attache à appuyer l’innovation des grandes entreprises, par exemple en soutenant la R&D et la mise en place du système « Autolib’ », le es nombreuses ampliations de la l’incertitude réglementaire, que celle-ci soit pruden- déroulement de la fibre optique à haut débit au béné- crise, venue de la finance anglo- tielle – Bâle III ou Solvency II, ce qui retient les fice des PME et des particuliers, la transition éner- saxonne, qui ont submergé l’écono- banques comme les assureurs éloignés du finance- gétique de nos constructeurs automobiles, ou en mie mondiale depuis l’été 2007 ont ment à long terme de l’économie –, ou qu’elle soit mettant en place un programme d’assistance tech- durement frappé l’activité en fiscale, ce qui refrène la volonté nique à l’amélioration du bilan Europe, accentuant le désarroi de des entreprises d’investir, donc énergétique des bâtiments nos opinions face à la mondialisa- d’embaucher. Enfin, en période de Les ­scolaires de Paris. tion et son scepticisme envers le projet européen. contrainte des ressources collectivités Bien que d’intérêt collectif, plu- LPourtant, force est de constater que la France est publiques, il convient de réserver sieurs de ces investissements sont largement bénéficiaire non seulement de la gouver- l’usage de ces disponibilités à la «locales sont un réalisés en gestion déléguée au nance et des mécanismes de solidarité mis en place catalyse de l’investisseur privé et moteur essentiel secteur privé, ce qui suppose la par les chefs d’État et de gouvernement européens, non à son remplacement ou à son de l’investissement mise en place d’une ingénierie mais aussi des appuis que les institutions de l’Union éviction. financière spécifique destinée à européenne sont à même de déployer au soutien de C’est fort de ce triple constat que en France ; la BEI atténuer le risque encouru par © DR son économie : concours des « fonds structurels » la BEI a repensé ces cinq der- est à leur côté. » l’investisseur. C’est ainsi que, Philippe gérés par la Commission ; prêts, capital-investisse- nières années son portefeuille outre nos prêts classiques, nous de ment et assistance technique mis en œuvre par la d’interventions en France, en pri- avons développé une gamme Fontaine Banque européenne d’investissement. vilégiant la concertation avec les collectivités terri- d’instruments de partage de risques au soutien des Vive Paradoxalement, dans un pays où la culture jaco- toriales françaises : régions au premier chef, mais projets en partenariat publice-privé (PPP) : apports Vice-Président de la Banque bine est encore très prégnante, c’est par un dialogue aussi départements, métropoles et communautés de fonds propres, de garanties, voire de rehausse- européenne fécond avec les collectivités territoriales que l’action urbaines. Il s’agissait d’unir nos efforts et nos com- ment de crédit pour les emprunts obligataires émis d’investissement contra-cyclique de la BEI a trouvé sa pleine expres- pétences respectives autour des thèmes européens par des sociétés véhiculaires assumant la réalisation (BEI), l’institution financière sion face à la crise. porteurs que sont la structuration du ­territoire, la d’infrastructures (les fameux « project bonds »). de l’Union transition énergétique, l’amélioration de la qualité européenne ramener l’investisseur privé vers de vie sociale et environnementale des villes, la pro- le concours de la bei dépassera en 2013 le financement de l’économie réelle motion de l’innovation par les PME. le seuil historique de 7 milliards d’euros Il n’y a pourtant rien d’étonnant à cela : c’est en De cette rencontre, nous sommes devenus des par- Une étude récente menée auprès de 55 collectivités régions que se crée 70 % de la richesse nationale et tenaires naturels : les collectivités par leur connais- françaises importantes illustre les résultats de cette les collectivités territoriales sont un moteur essen- sance des besoins de leurs populations et par leur politique. Assumant 12 % du financement direct des tiel de l’investissement en France ; non seulement dynamisme à créer des projets qualitatifs ; la BEI en collectivités locales, la BEI s’est confirmée, aux côtés par le volume des 50 milliards d’euros qu’elles inves- tant que bras armé des politiques européennes et de la Caisse des dépôts, comme essentielle au main- tissent directement chaque année, mais aussi par les ingénieur financier, capable de mobiliser à ses côtés tien du niveau de l’investissement public français en nombreux autres projets qu’elles impulsent ou le secteur bancaire privé et les marchés financiers 2011 ; l’action européenne de la BEI aura permis de confortent, et dont elles confient la réalisation au ainsi que les acteurs financiers publics (Caisse des mettre en place non seulement une alternative aux secteur privé. dépôts, Grand Emprunt, Oséo, etc.) pour accroître concours bancaires en forte régression (passant de Si les deux tiers de ces investissements publics sont la mobilisation du capital à des fins socialement et 94 % à 54 %), mais aussi de conforter la capacité autofinancés par l’impôt, le solde (soit quelque économiquement utiles pour la collectivité. d’emprunt des collectivités comme de leurs conces- 15 milliards annuellement) relève La BEI est ainsi à même, par ses sionnaires, sur les marchés financiers qui représen- du financement par l’emprunt concours aux collectivités locales tent actuellement près de 16 % du financement des dont la crise a précisément remis La BEI a ou à leurs concessionnaires et projets collectifs. en cause les mécanismes, établi une opérateurs délégués, de sécuriser Ainsi que s’y est engagé le président de la Banque, jusqu’alors essentiellement portés annuellement le financement M. Werner Hoyer, lors de sa récente audition par par le secteur bancaire. «relation privilégiée d’investissements collectifs en l’Assemblée nationale, l’initiative européenne de À cet égard, trois enseignements avec chacune France à hauteur de plus de 6 mil- croissance bénéficiera du très fort appui de la BEI émergent des années de crise que des régions liards d’euros. Cela s’exprime qui augmentera de 30 % ses concours à l’économie nous venons de traverser : en pre- dans des domaines aussi divers française en 2013. Le volontarisme européen face à mier lieu, il convient de ramener métropolitaines et que le financement de nouvelles la crise, exprimé au plus haut niveau de la gouver- l’investisseur privé vers le finan- toutes les grandes lignes TGV (comme Tours-Bor- nance, est ainsi relayé sur le terrain par la BEI dont cement de l’économie réelle et villes de France. » deaux, Bretagne-Pays de Loire, le les concours en France dépasseront le seuil histo- notamment des projets d’utilité TGV-Est phase II et le contour- rique des 7 milliards en 2013 : ici encore, la relation collective ; or, sur les quelque nement de Nîmes-Montpellier), privilégiée de la banque de l’Union européenne avec 16 000 milliards d’épargne actuel- de multiples systèmes de trans- chacune de nos régions métropolitaines et toutes les lement sous gestion en Europe des 27, seul 1 % est ports collectifs dans 27 villes et une dizaine de grandes villes de France sera le pivot d’un nouvel orienté vers le financement des infrastructures. réseaux TER, la rénovation de lycées et collèges, la essor pour un meilleur vivre ensemble en France, Ensuite nos acteurs économiques sont tétanisés par réhabilitation de quartiers dégradés et de logements comme en Europe. q

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L’INFLATION NE SERAIT PLUS L’ENNEMI PUBLIC N° 1

au cœur de Face à une stratégie de désendettement qui ne fonctionne pas, des Confrontée à la déflation, la nouvelle équipe du voix commencent à s’élever pour réclamer un débat international Parti libéral démocrate du Japon, qui vient de rem- la crise sur les nouveaux objectifs que les banques centrales pourraient porter les élections, n’a pas non plus fait mystère se donner, faisant passer au second plan le contrôle strict de la hausse des prix. de ses intentions quant à la politique qu’il entend voir la Banque du Japon mener, afin de sortir de cette trappe grâce à l’inflation ! Si, par la force des choses, l’inflation n’est plus suivre l’actualité des banques 6,5 %, des perspectives­ d’inflation à moyen terme l’épouvantail qu’elle était (sauf à Berlin), ne serait- centrales aux États-Unis et au ne déviant pas de plus d’un demi-point par rapport ce pas parce que les banquiers centraux observent Royaume-Uni, une réflexion aux 2 %, et des attentes d’inflation à plus long terme que les masses de liquidités déjà déversées ne vient soudain à l’esprit : « bien arrimées ». gonflent que les prix des actifs financiers, créant une serions-nous à l’aube d’une Une partie aux implications plus radicales se joue nouvelle bulle, alors même que la précédente n’est véritable révolution ? Dans les au Royaume-Uni, à la faveur de la nomination de pas complètement dégonflée ? deux principaux centres de la Mark Carney, l’actuel gouverneur de la Banque du finance mondiale, la lutte contre l’inflation – cette Canada, à la tête de la Banque d’Angleterre en juin la menace principale missionÀ gravée sur leur fronton – est en passe d’être 2013. Le futur gouverneur a exposé sans attendre reste la déflation reléguée au second plan au profit d’un nouvel objec- ses conceptions générales de politique monétaire, Le danger n’est peut-être pas là où on l’attend, dans tif prioritaire : la relance de la croissance afin de préconisant d’abandonner la un monde qui ne fonctionne plus faciliter le désendettement et de stabiliser le sys- cible d’inflation de 2 % – datant comme avant, où la transmission tème financier international. de vingt ans – pour lui substituer Les masses à l’économie de l’inflation résul- comme nouvelle cible un taux de de liquidités tant de l’augmentation de la masse © DR Viser un taux de croissance nominal croissance nominale (la combi- déjà déversées monétaire s’opère mal dans le François justifiant la création monétaire nant avec l’inflation), justifiant « contexte de récession actuel, où la Leclerc Aux États-Unis, le Comité de politique monétaire une relance de la création moné- ne gonflent que menace principale reste la défla- Ancien conseiller de la Fed (FOMC) a mis les petits plats dans les taire, quitte à accepter une pous- les prix des actifs tion, et où le risque d’euthanasier au développement grands et lancé un nouveau programme de création sée inflationniste. Aux grands les rentiers paraît maîtrisable. de l’Agence financiers, créant France-Presse monétaire de 40 milliards de dollars par mois, afin maux les grands remèdes, étant Faisant bande à part, la BCE Il tient la chronique d’acheter, sans limitation de durée, de la dette donné « la nature exceptionnelle une nouvelle bulle. » s’est elle aussi octroyée une nou- de « L’actualité ­fédérale, ce qui, ajouté à ses achats mensuels de de la situation » qu’il enregistre ! velle mission : stabiliser la crise de de la crise » sur le blog de Paul Jorion. titres hypothécaires de 45 milliards de dollars, George Osborne, le chancelier la dette de la zone euro. Et pour ce Il est l’auteur de devrait encore gonfler son bilan de 2 500 à de l’échiquier qui l’a choisi, empêtré dans une stra- qui est de la croissance, elle est alignée sur la straté- Fukushima, la 3 500 milliards de dollars d’ici à la fin de 2013. Le tégie de désendettement qui ne fonctionne pas, gie faisant de la réalisation de mesures structurelles fatalité nucléaire (éditions Osez la FOMC a, d’autre part, décidé de maintenir son taux souhaite qu’un débat international s’engage à pro- et d’austérité publique son préalable et son levier. République Sociale !, directeur quasiment à zéro, en le liant à trois pos des nouveaux objectifs que les banques cen- Mais quelle que soit la stratégie choisie, la relance octobre 2012, 11 € ). ­facteurs : un taux de chômage restant au-dessus de trales pourraient se donner. sera-t-elle vraiment au rendez-vous ? q

Légiférer sur la rémunération des dirigeants ?

Un projet de loi sur la rémunération des dirigeants devrait être Ce sont ces dérives opportunistes illustrées par les au cœur des déposé début 2013, a déclaré le ministre de l’Économie et des cas Vivendi en 2002, Carrefour en 2005, ou encore entreprises Finances, Pierre Moscovici. Mais est-ce la bonne approche ? Vinci en 2008 qui jetèrent l’opprobre sur les « grands patrons du CAC ». Les lois NRE en 2001, Breton en 2005 ou Tepa en nterrogé début décembre par la mission financière (LSF) de 2003 qui n’imposait alors l’obli- 2007 se sont toutes heurtées à la question houleuse parlementaire « Gouvernance des grandes gation de publication des rémunérations des manda- de la rémunération des dirigeants et ont notamment entreprises » de l’Assemblée nationale, le taires sociaux qu’aux seules sociétés cotées. permis de générer plus de transparence en la ministre de l’Économie relevait que les Tandis que certains préconisent le tout réglemen- matière. Néanmoins, la question de la légitimité de excès de certaines rémunérations, féroce- taire et le plafonnement pur et simple des rémuné- ces rémunérations jugées excessives par l’opinion ment décriés par l’opinion publique, rations des dirigeants, d’autres arguent pour une publique et les actionnaires reste posée. Un arrêté étaient le reflet d’une gouvernance rémunération fonction de la performance des entre- publié au Journal officiel du 25 octobre 2012 avait défaillante. Ce dernier point justifie que l’on se prises considérées. Cette seconde proposition est déjà déclenché les hostilités en plafonnant les rému-

© DR Ipenche davantage sur un sujet aussi sensible que confirmée théoriquement par les travaux de Hall et nérations des dirigeants des entreprises détenues celui de la rémunération des « grands patrons ». Liebman (1998), qui mirent en évidence la relation directement ou indirectement par l’État – une cin- Héger La rémunération de nos dirigeants revêt des entre rémunération des dirigeants et performance quantaine (EDF, Areva, La Poste, la SNCF…). Le GABTENI Professeur ­terminologies et des formes diverses au nombre des- de leur société. chiffre retenu, 450 000 euros par an, représentait associé à l’ESG quelles nous retrouvons le salaire fixe (ou de base), vingt fois le salaire le plus bas dans ces entreprises. Management les primes de bienvenue ou golden hello, les bonus, les dérives opportunistes à l’origine de Dans ce contexte caractérisé par la mise en place School, paris les stocks options, l’attribution d’actions gratuites, l’opprobre sur les « grands patrons » d’un contrôle réglementaire pour le secteur public, les golden parachutes, les retraites chapeau, les avan- Ils ont notamment démontré le caractère incitatif et par la préparation d’outils d’encadrement pour le tages en nature, les jetons de présence, etc. que pouvaient avoir certaines formes de rémunéra- secteur privé, se pose la question de l’attractivité Le débat fait rage depuis plus d’une décennie et tra- tion des dirigeants sur la performance de leur entre- dans un marché des cadres dirigeants largement duit un manque de transparence et de pédagogie en prise. À ce titre, les rémunérations indexées sur les mondialisé. la matière, bien que des efforts aient été réalisés, performances des entreprises telles que les stocks Légitimer ces rémunérations en les soumettant notamment avec la promulgation de la loi NRE du options permettent de faire converger les intérêts notamment au vote des actionnaires, apporteurs de 15 mai 2001, qui imposait que les rémunérations per- des actionnaires et des dirigeants et ainsi de bannir capitaux, semblerait être la solution d’équilibre sur © DR çues par les mandataires sociaux des sociétés ano- les éventuels comportements opportunistes du diri- ce marché. Le vote des actionnaires relatif à la rému- Adil BAMI nymes soient détaillées au sein du rapport de gestion. geant, générateurs de coûts d’agence (coûts de nération des dirigeants ou « say on pay » pourrait Professeur associé à Cette avancée en la matière fut freinée deux années recherche informationnelle, coûts de surveillance…) être envisagé comme une partie de la solution. l’ISCAE-Casablanca plus tard par la promulgation de la loi de sécurité au sens de Jensen et Meckling (1976). ­Légiférer ou légitimer ? Le débat reste ouvert. q 30 L’interview LA TRIBUNE VENDREDI 21 DÉCEMBRE 2012

( Le french bashing est à la mode hors de nos frontières. Peut- il fragiliser la perception de la France par les marchés ? Pierre moscovici ­Comment pouvez-vous lutter contre ce sentiment ? Le french bashing est une facilité, un cliché, une mode et, ministre de l’économie et des finances pour certains, presque un sport. Il faut rester serein et répondre dans un dialogue nourri et soutenu avec les inves- tisseurs – je le fais très régulièrement –, expliquer et convaincre, inlassablement… et exiger d’être jugés sur nos résultats. « Le french bashing est Je ne constate pas de défiance des marchés à notre égard. Au contraire, nos taux d’intérêt restent très bas. Peut-être y a-t-il un temps d’observation, de fortes attentes. Mais il y a aussi la reconnaissance que les lignes bougent, qu’il se une mode, un sport… » passe quelque chose de nouveau, que le rythme des réformes, qui nous est propre, est soutenu. Pour autant, Dans un entretien accordé à La Tribune, le locataire de Bercy revient sur l’action récente nous ne cherchons pas non plus à nous inspirer et à nous du gouvernement en faveur de la compétitivité qui, selon lui, favorise la France qui gagne. conformer à un modèle ultralibéral et prédateur. Il affirme sa confiance dans la capacité de l’économie tricolore à surmonter la crise actuelle et à continuer à jouer un rôle majeur en Europe. ( L’avenir industriel de la France ne se joue-t-il pas au niveau européen ? Dans ce cas, quel rôle peut jouer la France dans la nouvelle architecture institutionnelle de l’Europe et de la zone Propos recueillis par Romaric Godin, euro ? Fabien Piliu et Sophie Rolland même l’extension du crédit impôt recherche ou l’appui à Un rôle de premier plan, comme elle l’a fait depuis six mois la trésorerie des entreprises. Ce pacte, c’est plus de com- en faisant adopter le Pacte de croissance en juin – une (La Tribune – La rédaction de La Tribune a décidé de par- pétitivité pour plus de croissance, plus de croissance pour première étape cruciale pour réorienter la construction ler, en cette fin d’année, de « cette France qui gagne », alors que plus d’emplois. Le cap est le même : inverser la courbe du européenne, avec un soutien accru à l’investissement et à tous les indicateurs sont au rouge. Incongru ? chômage à la fin de 2013. L’emploi, c’est bien l’objectif que la croissance grâce à l’augmentation des moyens de la BEI, Pierre Moscovici – Il serait surtout incongru d’ignorer le gouvernement vise. la mise en place de project bonds et la mobilisation des nos atouts : la France, c’est une économie solide et diver- fonds structurels non utilisés –, en soutenant le Méca- sifiée, la cinquième puissance économique mondiale, l’une ( La fiscalité actuellement en vigueur favorise-t-elle la France nisme Européen de des dettes les plus sûres et les plus recherchées de la zone qui gagne ? La concurrence fiscale de certains pays n’est-elle Stabilité [MES] et les euro, et une voix qui compte en Europe. Je n’ai jamais pas, de ce point de vue, un danger pour le pays ? nouvelles capacités caché la gravité de la situation, l’ampleur des défis à relever Elle favorise la France qui innove et qui travaille, elle d’intervention de la La crise ou des réformes à accomplir. Mais nous avons pour nous ­protège la France qui souffre et qui peine. Elle vise à taxer Banque centrale de la zone cette base solide, une grande capacité d’écoute et de mobi- la rente et non le risque, typiquement celui pris par l’entre- européenne, en fai- lisation, et surtout, une vraie volonté politique de réformer preneur. C’est le sens de nos réformes fiscales, qui sant le choix histo- «euro est en train de nos structures économiques. C’est ce que me disent, d’ail- ­rétablissent la progressivité de l’impôt en demandant plus rique d’une supervi- passer. Nous avons leurs, nos partenaires internationaux, les investisseurs et à ceux qui peuvent le plus, tout en préservant les sion bancaire levé les doutes les agences de notation. conditions de rebond de la croissance. Il faut intégrée, afin de com- comprendre le sens des nouvelles recettes battre à la racine les sur l’existence ( Que peut faire le gouvernement pour relancer que nous avons créées : elles sont là causes mêmes des de notre monnaie. » l’industrie ? À quand une bonne nouvelle dans pour réduire le déficit public, et elles déséquilibres dont le domaine industriel, comme, par exemple, s’accompagnent par ailleurs d’une souffre notre système une reprise de l’emploi manufacturier ? baisse de la dépense publique qui financier. La crise de Ce gouvernement est à l’écoute des sera supérieure à la hausse des la zone euro est en train de passer. Nous avons levé les besoins des entreprises, qui ont un réel recettes sur l’ensemble du man- doutes sur l’existence de notre monnaie et nous sommes problème de marges qui les empêchent dat. 2013 est la marche la plus en train de montrer que l’Europe mérite la confiance des d’investir et d’embaucher. Nous avons haute, mais nous prévoyons de investisseurs, qu’elle a un avenir brillant. Il faudra demain décidé d’appliquer rapidement les stabiliser et de baisser les continuer à trouver des remèdes à nos maux, améliorer mesures du « pacte national pour la ­prélèvements par la suite – encore la gouvernance de l’Europe, et construire sur cette croissance, la compétitivité et l’emploi », nous avons même commencé à base l’Union politique. La France est très présente sur ces et notamment la première d’entre elles, le faire avec le crédit d’impôt sujets – j’y consacre une part très importante de mon le crédit d’impôt pour la compétitivité et pour la compétitivité et l’emploi. temps ; elle est et restera en première ligne de ce combat. l’emploi [CICE, ndlr]. Le CICE va alléger le Cela ne doit pas nous empêcher coup du travail de 20 milliards d’euros en d’être très vigilants sur la concur- ( Au regard de l’état des balances commerciales respectives deux ans, et nous l’avons conçu pour changer rence fiscale et de pousser à plus de la France et de l’Allemagne, la comparaison permanente avec les anticipations des entreprises et les inciter d’harmonisation en Europe. C’est la notre voisin vous paraît-elle justifiée ? à débloquer leurs décisions d’investis- raison pour laquelle François Hol- L’Allemagne et la France sont les deux plus grandes éco- sement et surtout d’embauches lande a annoncé la renégociation de nomies de la zone euro. Elles ont donc une responsabi- dès 2013. Ce CICE s’ajoute nos conventions fiscales, lité particulière pour dessiner les voies de la sortie de à d’autres mesures, avec la Suisse et avec la crise. C’est ce que nous avons fait, avec l’aboutissement comme la péren- Belgique en parti- des négociations sur le soutien à la Grèce ou sur l’union nisation et culier. bancaire. Donc, il y a ce travail commun au niveau euro- péen. Et puis il y a, en cohérence, un travail que chacun doit faire au niveau national pour soutenir l’activité et la croissance. La France a un déficit commercial de plus de 70 milliards d’euros : cela veut dire qu’il faut réformer nos structures économiques, les rendre plus compéti- tives pour se projeter vers le monde avec force et ambi- tion. C’est tout l’objet du pacte de compétitivité adopté le 6 novembre par le gouvernement. À l’inverse, ­l’Allemagne a un important excédent commercial : cela veut dire qu’elle a des marges de manœuvre pour ­soutenir sa demande intérieure, ce qui aurait un effet d’entraînement important en Europe. Relancer l’activité et la croissance en zone euro est la ­responsabilité de tous : les pays excédentaires et les pays déficitaires, mais avec des recettes évidemment différentes « Nous ne cherchons pas à nous conformerLégende à unxxxxxxxx modèle xxxxxxxxx ultralibéral xxxxxxx », au sein de chaque pays. L’important étant de ne pas perdre affirme le ministre de l’Économie et desxxxxxxxxx Finances. xxxxxxxxxxx [PVEdrune] xxxxxxx. [P. VEDRUNE] de vue l’intérêt européen… qui est aussi le nôtre. q