Alain DUHAMEL Écrivain, Essayiste, Spécialiste De La Vie Politique Française 26 Janvier 2018 Modération : Jeffersondespor T R Evue De Presse (Sud Ouest)
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GRAND ORAL Alain DUHAMEL Écrivain, essayiste, spécialiste de la vie politique française 26 janvier 2018 Modération : Jefferson DESPORT R EVUE DE PRESSE (Sud Ouest) EN PARTENARIAT AVEC Alain DUHAMEL : Joinville ou Saint-Simon de la Ve République ? d’office « spectateur engagé ». Dans quelques mois il uand on naît le 31 mai 1940 à Caen n’aura plus l’âge de lire « Tintin », la BD des 7 à 77 ans. (Calvados), le désastre se profile déjà pour la Q Pourtant le parcours d’Alain Duhamel tient tout à la France et « l’étrange défaite » pour parler comme le fois de l’aventure politique et du roman national. Au grand historien Marc Bloch, sera confirmée 17 jours risque de déplaire, de nourrir les critiques, d’alimenter plus tard dans le message radiodiffusé de Pétain les jalousies. Un comble pour celui que d’aucuns aux Français. L’opération Dynamo (l’évacuation du désignent ironiquement comme « l’éditorialiste de corps expéditionnaire britannique à Dunkerque) bat révérence », lui qui est souvent la « référence ». son plein. L’histoire est tragique et dans la famille Duhamel on le sait d’autant plus que le père est médecin. Les lointains héritiers d’Hippocrate savent U n homme de médias au temps béni que les blessures de guerres laissent aux peuples des de la politique plaies béantes. Celles de 14-18 en sont les marques encore sanglantes 22 ans plus tard. Alain Duhamel ne résiste pas, toujours, aux sirènes du « c’était mieux avant ». Dans le portrait de lui Est-ce parce qu’Alain Duhamel naît au plus fort que dresse Laurent Larcher, le 13 mars 2010, pour de la débâcle, 18 jours avant qu’un autre célèbre « La Croix », l’auteur des Pathologies politiques appel résonnent sur les ondes de la BBC, un appel françaises (2016) (le médecin n’est jamais loin) lâche aux antipodes du triste message de la veille, qu’il a ce jugement définitif : « Le niveau des politiques est toujours été passionné par la politique ? Celle qui fait aujourd’hui très inférieur à celui de leurs ainés. Lorsque les grands et les petits moments de l’Histoire ? En j’ai débuté [ndla : comme chroniqueur au « Monde » tous les cas à l’âge de 16 ans, à la suite d’un accident en 1963], dans les années 1960, les personnalités qui grave, il manque de perdre la vie. Il est écrasé contre s’engageaient dans cette voie faisaient partie des la porte du garage familial par la voiture de ses meilleures de leur génération. Aujourd’hui ce n’est plus parents qu’un de ses frères a malencontreusement le cas ! Ils adoptent les codes de la médiatisation, de fait démarrer. Cloué sur son lit de douleur pendant la pipolisation, de la frivolité. Le débat se réduit à un près de deux ans, d’opérations en opérations, il échange de mots cruels entre les deuxièmes couteaux dévore les livres d’histoire, surtout ceux qui traitent des grandes formations ». Les intéressés (actuels) de la vie politique. L’Algérie s’est enflammée, la n’apprécieront sans doute pas cette évaluation Quatrième République sombre dans les crises dont le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’est gouvernementales à répétition, les odeurs de putsch guère louangeuse. D’autant qu’elle est forcément et les horreurs de la torture. C’est ici que la vocation injuste : en politique la méchanceté d’hier n’était pas d’Alain Duhamel prend corps : il fera Sciences Po Paris moindre que celle d’aujourd’hui. et sera journaliste, puis éditorialiste. Pas un coureur de routes, un chasseur de scoops ou un reporter En guise de mots cruels, jadis, on pourrait rappeler « longue distance » même s’il eût longtemps, avec la question que posait en 1973 Alain Peyrefitte, son allure juvénile de garçon de bonne famille, un patron de l’UDR, au sujet de Georges Marchais, le côté Tintin sans la houppette. Si Alain Duhamel truculent et redoutable secrétaire général du PCF, s’écartera de la tradition familiale, la médecine (son toutes dents dehors : « Est-ce que vous prendriez cet frère Jean-François s’en chargera), il sera désormais homme en stop ? ». Et que dire alors en matière de le docteur des âmes politiques françaises et puisque cruauté du mot de Mauriac parlant de Jean-Jacques pour ses 18 ans il voit revenir au pouvoir un certain Servan-Schreiber : « Kennedillon » ? De Marchais, Charles de Gaulle, son choix est fait : chroniqueur parlons-en justement. Dans l’une des plus célèbres des heures de la Cinquième République. Il sera le émissions télévisées coproduites par Alain Duhamel journaliste politique au « palmarès » incomparable, avec son confrère Jean-Pierre Elkabbach, c’est ce l’entomologiste précis, rigoureux, toujours très bien dernier qu’il apostrophe entre 1977 et 1981 de son informé, l’analyste de trois générations de politiques célèbre et définitif : « Taisez-vous Elkabbach ! ». On en France. Raymond Aron l’aurait sans doute désigné imagine mal un « Taisez-vous Duhamel ! ». Parce que 2 dans le duo « bad Cop, good Cop » propre aux séries en un instant, d’une question à laquelle il a répondu américaines, le « bon flic » c’est Duhamel. Celui qui sans se dissimuler derrière une de ses habituelles peut poser les questions les plus vachardes mais pirouettes. avec ce petit balancement de la tête caractéristique, cette manière presque imperceptible de hausser le L ’homme qui murmure à l’oreille des cou pour finir ses questions, ce sourire permanent candidats à la présidentielle qui fait que l’on ne voit pas le départ du missile, c’est Duhamel. Il en a posé des centaines ainsi. Entre la Sur les sept débats organisés entre les deux tours de première émission d’ « À armes égales » (17 février l’élection présidentielle (il n’y en eût point en 2002), 1970) qui oppose l’hyper-gaulliste Michel Debré au Alain Duhamel est le seul à en avoir « animé » deux : solide stalinien Jacques Duclos sur « l’idée de Patrie » le premier du genre, le 10 mai 1974, et le quatrième, et la dernière de « 100 minutes pour convaincre » le 2 mai 1995. En 1974, le jeune Duhamel n’a que 34 diffusée en juin 2005, on ne compte pas moins de ans. Il est aux côtés d’une grande figure de l’ORTF : neuf grandes émissions télévisées auxquelles Alain Jacqueline Baudrier. Il dira plus tard avoir été séduit Duhamel apporte son concours. Trente-cinq ans par la personnalité de Giscard mais connaît très bien d’antenne télévisuelle avec de François Mitterrand avec qui il véritables moments inoubliables, a écrit un ouvrage politique en devenus des séquences cultes que 1969. C’est le débat du fameux les amateurs d’images de l’INA « Alain Duhamel, « Vous n’avez pas le monopole visionnent régulièrement. Premier du cœur » que VGE assène au exemple. 13 décembre 1971, le le chroniqueur candidat de la gauche unie. sujet fleure bon son « post-68 » : qui a l’oreille des Et celui d’autres messages « Les mœurs. La société française seulement intelligibles de est-elle coupable ? ». Le choix des politiques, n’est pas quelques « initiés » (Duhamel ?) : débatteurs promet une soirée un magicien, comme la référence à la ville de enlevée : Maurice Clavel contre Clermont-Ferrand, ville d’Anne Jean Royer. L’incarnation de un alchimiste de Pingeot, dans la bouche de celui l’intellectuel de gauche, gaulliste qui triomphera quelques jours de la Résistance, gauchiste soixante- la politique. Il ne plus tard. En 1995, l’ambiance huitard devenu radicalement saurait transformer est tout autre. Alain Duhamel croyant en un Dieu forcément arbitre avec Guillaume Durand. révolutionnaire opposé au maire la langue de plomb Le duel oppose Chirac à Jospin de Tours, défenseur du petit en rhétorique du et c’est un des débats d’entre- commerce, père la pudeur de la deux-tours parmi les plus plats, France pompidolienne, mélange siècle d’or. » les plus inintéressants qui aient de Torquemada et du préfet été organisés. Preuve qu’Alain de discipline qui a sévi chez les Duhamel, le chroniqueur qui « bons pères ». Clavel découvre que le film qu’il a l’oreille des politiques, n’est pas un magicien, un avait réalisé pour le début du débat a fait l’objet alchimiste de la politique. Il ne saurait transformer la d’une coupe au montage. Il remettait en cause le langue de plomb en rhétorique du siècle d’or. passé de Résistant du président Pompidou. Il quitte sur le champ le studio non sans lâcher son célèbre Jusque dans la dernière campagne présidentielle, « Messieurs les censeurs bonsoir » laissant un Alain Alain Duhamel scrute, décrypte, analyse les Duhamel, meneur de jeu du débat, pour le moins rebondissements de la vie politique. De ce point de pantois. Autre événement qui va passer à la postérité. vue-là il aura été servi en 2017. Comme d’autres il « Cartes sur table », 16 mars 1981, moins de deux mois n’a rien vu venir du grand nettoyage de printemps, avant le second tour de l’élection présidentielle. commencé l’automne précédent avec les défaites François Mitterrand, alors que l’émission se termine, conjuguées de Juppé et de Sarkozy aux primaires de répond à une dernière question de Duhamel sur la droite et du centre. Sur Macron ? L’excellent flair la peine de mort. C’est une question redoutée et du « pointeur politique » revient très vite. Dès le 16 redoutable. Mitterrand peut jouer son élection septembre 2016, 15 jours après le départ de Bercy du sur la réponse. Il se prononce clairement contre la futur président, 2 mois avant sa déclaration officielle peine de mort qu’il fera abolir par Robert Badinter de candidature, Alain Duhamel répond au « Figaro » : le 18 septembre 1981.