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fascicules Les bateaux de passagers histoire(s) Cinq siècles d’histoire, d’ à n°48

Agnès [ Thomas À , les passagers empruntent de petites barques couvertes pour rejoindre le bateau de passagers, ancré au milieu du fleuve. Gravure de Nicolas Cochin 1777. 2 Chère Madame, cher Monsieur,

Les Rouennais redécouvrent depuis peu les quais de leur ville. Si les différentes éditions de l’Armada ont permis de visualiser l’aspect du port lorsqu’il était rempli de grands voiliers armant au long cours, l’importance du trafic de passagers sur le fleuve reste méconnu. D’Elbeuf et de La Bouille partaient, depuis le XVIe siècle, des services réguliers de bateaux drainant de nombreux voyageurs vers la capitale normande. D’abord « coches d’eau », puis vapeurs à aube au début du XIXe, et enfin vedettes au XXe. Ces cinq siècles de transport fluvial ont fortement marqué notre agglomération. Les témoignages qui lui sont consacrés par de célèbres romanciers et peintres, les divers guides et les innombrables cartes postales… constituent un fonds patrimonial d’une richesse exceptionnelle.

Chaleureusement à vous,

Président de la CREA

3 introduction

a , fleuve tranquille, la voie d’eau malgré les difficultés est longtemps restée le qu’elle entraînait. Ainsi au XVIe siècle, moyen de circulation privi- les voyageurs venant de Basse-Nor- légié des hommes. mandie et de Bretagne descendaient la OnL a du mal à comprendre aujourd’hui très pentue côte de Bourgtheroulde1 à la prédilection de nos ancêtres pour La Bouille, pour attendre, sur la place « du bateau », le départ d’une embar- cation fort inconfortable, qui allait mettre quatre heures pour les amener jusqu’à Rouen ! C’est que les routes étaient très fré- quentées, mal entretenues et peu sûres. Le voyage sur la Seine, pourtant déses- pérément long, mais plus confortable que la diligence et permettant le trans- port de marchandises plus volumi- neuses, était donc préféré chaque fois que possible.

P. 4 et 5 : Dessins de Jules Adeline dans le Voyage de La Bouille par mer et par terre, réédité en 1877 et 2013. 4 5 le coche d’eau au XVIe siècle

es diligences, ou coches barriques de cidre stockées dans les d’eau, étaient tirées par des grottes d’Orival, le vin des coteaux de chevaux sur le chemin de Freneuse… halage. On pouvait parcou- Le tableau des tarifs du bateau bouillais rirL le fleuve du Havre jusqu’à Paris. En en 1636 indique : laine, poteries (du aval de Rouen, les coches étaient gréés ), toile, céréales, cidre, fruits, de voile pour remonter le fleuve en pro- animaux, (gorets de Routot), etc. fitant des vents d’Ouest. La marée, dont Mais c’est au XVIe qu’apparaissent les l’influence se faisait ressentir jusqu’à premières mentions de bateaux de pas- Elbeuf, était également utilisée. Deux sagers. En aval de Rouen, les Bouillais chevaux étaient nécessaires sur le trajet sont officiellement autorisés en 1560 à La Bouille/Rouen, quatre pour celui de effectuer la montée La Bouille/Rouen, Rouen/Elbeuf. puis en 1565, le Rouennais, peut faire La très ancienne juridiction de la « Vi- la descente Rouen/La Bouille. Mais comté de l’Eau » de Rouen permet de ces bateaux doivent retourner à vide à dater les premiers transports par eau leur port d’attache. de marchandises d’Elbeuf à Rouen En 1594, du fait des attaques régulières dès le XIIIe siècle, pour le « fil, lange par des brigands, le Parlement rend un et linge d’Ellebeuf jusques à Roën ». arrêt : chaque coche sera protégé par Puis, la « voicture pour eaue d’Ellebeuf « deux soldats, deux piquiers et deux à Rouen » est à nouveau évoquée à la hallebardiers ». fin du XVe dans les comptes de René II, baron d’Elbeuf. On expédie les céréales provenant du plateau du Neubourg, les P. 7 : Chemin de halage à . « On l’a amené à Rouen avec une corde ». 6 Ce n’est qu’en 1595 que le Bateau de Les réglementations en vigueur Bouille, effectuant quotidiennement jusqu’à la Révolution sont souvent to- l’aller et le retour, obtient une autori- talement irrationnelles : comme cette sation de la Vicomté « un bateau bien- obligation de retour à vide, ou l’inter- fermé, estanche,… de port de 20 à 25 diction de desservir les paroisses de tonneaux, conduit par trois hommes la rive gauche (pour le coche partant robustes, accompagnés d’un garçon de Martot), ou encore les nombreux chargé de mener les chevaux » et pou- péages et taxes à acquitter pour pas- vant transporter jusqu’à 200 passagers. ser sous un pont, longer une île ou un Progressivement, les seigneurs de château… Ces droits ne seront abolis Mauny et d’Elbeuf, rachètent la plu- qu’à la Révolution, date à laquelle part des embarcations pour les « affer- l’activité sera gérée par des sociétés mer » à des exploitants. privées.

7 Tarifs des transports sur le bateau de La Bouille. 8 de multiples sortes d’embarcations

es bâtiments naviguant en « chabliau » est sectionné par le char- Seine étaient très dispa- retier. rates. Si le terme de « coches » ou de « ga- Le transport de marchan- liotes » est utilisé en région parisienne, disesL s’effectue sur des « foncets »2, on parle des « barguettes » d’Orival, puis sur des « besognes »3, et enfin, en et des « bateaux » de La Bouille et aval de Rouen, sur des « gribanes »4. d’Elbeuf. Les navires de passagers mesurent de Pour cette dernière destination, les 30 à 100 pieds de long : 200 personnes usagers utilisent souvent le nom de s’entassent, dans le plus grand, sur le « Mal-menée », barque de 30 pieds, pont, debout ou assis sur leurs bal- apparue au XVIIIe siècle sur la ligne lots. Le confort s’améliore au fil des Martot/Rouen. Ce terme s’est ensuite siècles : on peut bientôt s’abriter de généralisé à toute la flotte elbeuvienne. la pluie dans la « tire », toile tendue Synonyme de tortillard, il évoque à lui sur le pont, puis dans la « chambre », seul l’aspect interminable et périlleux chauffée. du voyage ! Chaque coche traîne derrière lui une Les naufrages ou collisions sont fré- « flette », barque à fond plat, équipée de quents : ainsi le 12 juillet 1777, un ba- planches, pour le passage des chevaux teau de nuit transportant des pèlerins en cas de traversée du fleuve. Un câble du Roumois, de La Bouille à Saint- d’environ 300 mètres, accroché en haut Adrien, coule, heureusement sans faire du mât (pour ne pas traîner dans l’eau de victime. ou sur d’éventuels obstacles), permet le halage. En cas d’extrême urgence ce 9 trajet et fréquence

récisons tout d’abord qu’il de halage, débutant au Cours la Reine, existe d’autres lignes que suit la rive gauche jusqu’à Bédane, où celles évoquées jusqu’ici les chevaux changent de rive. À Saint- dans cet ouvrage : les bateaux Aubin-lès-Elbeuf, nouveau débillage5 : deP Caudebec à Rouen, ou des Andelys, le coche longe les îles6 du Noyer et par exemple. Certains bateaux n’effec- Lecomte pour rejoindre Elbeuf. tuent que des portions de trajet, comme Le bateau effectue trois trajets aller-re- Elbeuf/ ou Rouen/Port-Saint- tour par semaine, ce dès 1599. À par- Ouen, ce qui allège d’autant le trafic tir de la Révolution, le rythme passe à d’Elbeuf. une rotation par jour. À cette époque on compte deux bateaux de passagers Jusqu’au XVIIIe, les quais de Rouen pour un affecté aux marchandises. sont en construction et seules des berges talutées accueillent les navires, Les passagers du bateau de La Bouille s’entassant à couple, sur plusieurs ran- sont réunis à la cale St Éloy ou quai de gées dans un encombrement indescrip- la Petite-Chaussée, rive gauche, d’où tible. Les bateaux d’Elbeuf et de La part le halage, jusqu’à Croisset, lieu Bouille s’ancrent donc après leur ser- du débillage. Les chevaux suivent en- vice, au milieu du fleuve. suite la rive droite jusqu’aux écuries À Rouen, le quai d’embarquement d’El- de Sahurs, d’où le bateau rejoint La beuf est situé au niveau de la place de la Bouille. Haute-Vieille-Tour, là où se jette le Ro- bec. Les passagers traversent le fleuve Dès sa création en 1595, la cadence pour rejoindre le bateau. Le chemin du Bateau de Bouille est quotidienne. 10 Le règlement stipule qu’« il doit 1645, un second bateau quitte Rouen partir de la cale St Éloy à 10h pour à 6h du matin. arriver à La Bouille à 2h (du soir) En 1700, c’est trois bateaux par jour qui et faire le retour le même jour. » font le trajet. Les départs rouennais sont Le tarif est d’un sol par passager. En fixés ainsi : 10h, 2h et 7h.

Trajet du halage de La Bouille à Elbeuf. Détail de la Carte de la Généralité de Rouen, 1716. 11 Petits métiers de la voie d’eau

utour des coches d’eau Les éleveurs, maquignons, producteurs gravitent de nom- de fourrage, maréchaux-ferrants, bour- breux corps de métiers : reliers, propriétaires de relais et d’écu- Les voituriers d’abord, ries… A(propriétaires ou fermiers), mariniers, Enfin les aubergistes, pêcheurs,- ber garçons de barque, ouvriers des chan- ments7, barbanneurs8, sans compter les tiers navals, charpentiers, cordiers… employés de la Vicomté : les planca- Les meneurs d’attelage, fournissant gers, chargés de l’entretien des chemins chevaux et équipement. Les haleurs de halage, huissiers et sergents faisant d’appoint, pour les passages délicats. respecter les usages sur le fleuve…

12 dictons et littérature

n mode de transport aussi Le Batteau de Boville, est une comédie singulier ne pouvait que écrite vers 1678 par J. Jobé. Le retard marquer les esprits, et le du bateau y est tel au départ que l’inté- coche d’eau prend, très gralité de la pièce se passe à l’embarca- Utôt, une large place dans la littérature dère de Rouen. « Comment, morbleu ! régionale. Deux heures que j’attens. Et le batteau Le dicton local « On l’a amené à n’est point encore party : j’enrage ». Rouen au bout d’une corde » parle de Enfin, une amusante parodie,Le voyage lui-même. « Purins9 de Rouen, cocus de Rouen à La Bouille par mer et par de La Bouille » seraient des invectives terre d’auteur inconnu, publié en 1752, aimablement échangées entre mariniers relate les aventures d’un jeune Rouen- avalants et montants. nais accomplissant son rêve d’enfance : Le bateau de La Bouille est évoqué dès aller visiter la « fameuse ville de La 1625 dans la Muse normande de David Bouille ». Il part à pied par la route, Ferrand, recueil de poèmes en langage traverse Petit et Grand Quevilly, alors populaire normand, puis en 1643 par d’insignifiants villages, arrive à La Hercule Grisel, dans ses Fastes de Bouille et s’embarque en fin de jour- Rouen, publié en latin « La Bouille née sur le coche d’eau qui le ramène offre son long port où se rend un bateau à Rouen. Ce petit ouvrage apporte une de Rouen, et d’où quatre bateaux se mine d’informations sur l’aspect de rendent à Rouen ». notre agglomération au XVIIIe siècle.

P. 12 : Détail d’un tableau de Hubert Robert Vue du château de la Roche-sur-Yon. 13 1816, L’ÈRE DE LA VAPEUR

n 1816, a lieu un événement des vapeurs ne cessera de croître à par- considérable : l’arrivée à tir de cette date, avec les Elbeuviens Paris du premier bateau à va- (n° 1, 2, 3), la Ville d’Elbeuf, la Ville peur pour passagers, en pro- de Rouen, le Rouennais. venanceE de Londres : l’Élise. Cet élégant À La Bouille, ce n’est qu’en 1831 bateau à aubes, long de 16 mètres, est, qu’apparaît le premier bateau à aubes, dès août 1817 affecté à la ligne Elbeuf/ la Petite Emma, suivi par le Louis-Phi- Rouen, pour un trajet quotidien : départ lippe, la Seine, l’Union (n° 1, 2, 3). d’Elbeuf à 7h, retour de Rouen à 4h. Il est difficile d’établir une liste exhaus- Le choix de cette ligne prouve, s’il tive et une datation exacte des vapeurs le faut, l’affluence du trafic passager affectés au transport de passagers sur elbeuvien à cette époque : la ville est les deux lignes, du fait des transfor- en pleine révolution industrielle et mations successives des bâtiments, de l’implantation de filatures nécessite leurs changements de nom, ou d’affec- une main-d’œuvre importante. tation (passagers-marchandise), ou en- De graves soucis techniques font stop- core de lignes. Ainsi le Louis-Philippe, per les voyages de l’Élise en 1819. d’abord sur la ligne La Bouille/Rouen, Les passagers retournent donc vers les est ensuite affecté à la liaison Rouen/Le coches d’eau qui continuaient à fonc- Havre, puis, en 1848, n’est plus utilisé tionner avec 15 allers et retours par que pour le transport de marchandises, semaine : le Désiré-Saint-Pierre10, la sous le nom de Père Antoine. Catherine, et la Seine11. Même constat pour ce qui est des Com- Il faudra attendre 1826 pour que le pagnies, entre lesquelles la concur- Dauphin remplace l’Élise. Le trafic rence fait rage : les Cies Pajot, Rouvin, 14 les Sté Elbeuvienne, Baudu et Lenor- (Duchesse du Berry, la Norman- mand, et Duchemin, se succèdent sur die, l’Éclair, le Furet, le Chamois, le la ligne d’Elbeuf jusqu’en 1865. Cygne, enfin le Félix Faure), peuvent À La Bouille, citons : les Cies Royale, faire également de brèves escales sur des Conoïdes, Anonyme de l’Union, leur trajet : le temps qu’une barque se puis, à la fin du siècle, les Cies des mette à couple et descende quelques Bateaux Omnibus de Rouen, Française passagers, manœuvre périlleuse. de Navigation et de Constructions Navales, et Rouennaise de Navigation. Les vapeurs effectuant les lignes Maquette de l’Élise - Église de Quillebeuf. Rouen/Paris, (les Dorades, les Étoiles, Le vapeur d’Elbeuf/Rouen est la première ligne la Ville de Paris) et Rouen/ de passagers de .

15 plus rapides, sûrs et confortables !

a durée du trajet en bateau à navire. Celui de 1853, un canot, une (!) roues est considérablement bouée de sauvetage et deux ancres. réduite : 1h30 d’Elbeuf à Quant aux trajets, l’arrêté de 1837 sti- Rouen (2h à la remontée), au pule que les stations de la ligne de La lieuL de 4 en coche d’eau. Bouille sont : Croisset, Dieppedalle, Au fur et à mesure des progrès tech- Val-de-la-Haye, Sahurs. En 53, deux niques, la puissance des steamers, haltes supplémentaires sont ajoutées, se développe : 20 CV pour l’Emma, Petit-Couronne et Grand-Couronne, 40 pour le Louis-Philippe (dotés de pour lesquelles les passagers doivent voile), 80 pour l’Union. utiliser les services d’un passeur qui se La taille des bateaux s’allonge, pour « colle » au flanc du vapeur. offrir une capacité plus importante : Sur la ligne d’Elbeuf, les haltes sont : Am- l’Élise, ne transportait que 100 pas- freville-la-Mivoie, Saint-Adrien, Port- sagers ; le Louis-Philippe (37 m) et Saint-Ouen, Oissel, Orival, Elbeuf. le Rouennais, en accueillent 150, la Pour un prix semblable à celui des Ville d’Elbeuf 250, la Ville de Rouen coches, les passagers découvrent un 500, l’Elbeuvien 800, et l’Union, tout confort auquel ils n’étaient pas habitués : d’abord autorisé pour 800 personnes à l’avant du bateau, sur des banquettes en 1835, atteindra 1 200 passagers en bois, mais abritées de la pluie, se 20 ans plus tard ! trouvent les places les moins chères. Dès 1823 des visites de conformité Les salons sont luxueusement meublés : régulières deviennent obligatoires. divans de velours, tableaux… Il existe L’arrêté de 1837 impose la présence également des salles de restaurant. d’un mécanicien à bord de chaque Tous les avantages de ce nouveau mode 16 de déplacement en font son succès : le Rouen/Elbeuf-Saint-Aubin va stopper voyage se vulgarise, la fréquentation net ce trafic. explose ! Pour La Bouille, la transition est beau- En 1841, les deux lignes proposent 4 coup plus progressive : la voie ferrée trajets quotidiens aller et retour. Elbeuf-Rouvalets/Rouen, desservant les En 1847, on compte 72 liaisons hebdo- communes de la rive gauche, de Mou- madaires Rouen/Le Havre (avec escales lineaux à Rouen, n’ouvre qu’en 1883. sur le trajet de La Bouille). En 1853, Aussi, le trafic des passagers-riverains c’est l’apogée pour la ligne d’Elbeuf, reste intense jusqu’à la fin du siècle. avec une rotation de 10 à 12 trajets par jour et 543 000 passagers dans l’année ! Vue d’Elbeuf de la côte Sainte-Auct Date malheureusement fatidique, car par Martial Gueroult, 1846. l’ouverture de la ligne de chemin de fer Le vapeur effectuait jusqu’à 12 trajets par jour.

17 voyage « plaisir » et vogue excursionniste

ers la fin du XIXe siècle, C’est le cas de manière spectaculaire sur avec l’apparition des pre- la liaison elbeuvienne. Rouennais et El- miers bateaux à hélice, beuviens, se déplaçant en train durant la le voyage fluvial change semaine, prennent les Bateaux Omnibus Vd’aspect : les voyageurs « par nécessi- pour aller déjeuner dans les auberges et té » (ouvriers, nourrices, lingères, mar- guinguettes de l’Île aux Cerises, La Pote- chands…) cèdent la place à un nouveau rie, Saint-Adrien et d’Amfreville. type de passagers : le touriste, emprun- Quant au petit village touristique de La tant le bateau par « plaisir », voyageant Bouille, « où l’on vient le dimanche faire en famille, prenant le temps d’admirer du canotage et des dîners champêtres » le fleuve et ses berges. Les Rouennais et déguster « des matelotes d’anguille et se montrent avides de découvrir la ri- des douillons aux pommes » dixit Hector chesse de leur patrimoine local. Malot – Miss Clifton – 1872, il reste la De petits guides sont édités : très do- coqueluche des Rouennais. Le village de cumentés, ils décrivent les localités Val-de-la-Haye, avec ses belles villas et traversées, l’histoire des monuments, son fameux hôtel Le Méridien, est égale- les curiosités à ne pas manquer, à côté ment fort prisé. d’informations plus pratiques comme La ligne bouillaise étrenne de nouveaux nom du capitaine, puissance du navire, bateaux : l’Élan, le Boieldieu (à aube), tarifs, horaires, liaisons… et encarts l’Abeille et cinq Bateaux Omnibus. publicitaires. Des propositions de billets groupés ap- Les trajets dominicaux et estivaux paraissent durant l’été : aller en bateau constituent bientôt l’essentiel des jusqu’à La Bouille et retour par chemin transports. de fer aux stations de ou 18 Fanfare sur le bateau de La Bouille. On compte encore, en 1925, 150 000 voyageurs sur la ligne bouillaise.

du Hêtre à l’image en forêt de . La Cie des Bateaux Omnibus offre, conjointement avec les Chemins de Fers de l’Ouest, un trajet Paris-Rouen en train, descente du fleuve à bord du Félix Faure, (lancé en 1898), et retour en train du Havre. Mais, en 1932, a lieu de dernier voyage du bateau de La Bouille. La concur- rence de l’automobile et des transports en car a finalement eu gain de cause sur la liaison fluviale. Guides touristiques vendus sur les bateaux. 19 flaubert, maupassant… sisley, lebourg…

es amateurs de littérature et de monde » – Gustave Flaubert 1884, de peinture subissent eux Hector Malot, Maurice Leblanc… aussi la vogue du tourisme Il n’y a guère que Octave Mirbeau pour fluvial. dénigrer ce voyage à La Bouille, qui LVictor Hugo­ : « Je suis descendu « procure l’illusion d’une plage et le jusqu’à Elbeuf par le bateau à vapeur. rêve d’une mer » – La Vache tachetée C’est un beau couronnement à mon 1921. voyage que ces admirables bords de Les romanciers raillent les amourettes Seine » – correspondance 1837. nouées sur les bateaux « On appelait George Sand : « Nous partons à 11 La Bouille le tombeau des vertus » heures par le bateau à vapeur… à La commente Jean de la Varende – Par Bouille… Je reste dehors à regarder Monts et merveilles de Normandie. l’eau qui est superbe… On revient avec De nombreux poèmes sont écrits. Un la barre, ou le flot, ou le mascaret » – Vaudeville et une Revue féérique sont agenda 29 aout 1866. joués à Rouen en 1861 et 1863 : Je pars Gustave Flaubert : « À part quelques à La Bouille d’Ernest Boysse, et Tout bourgeois aux premières, c’étaient des Rouen y passera et La Bouille aussi. ouvriers, des gens de boutique avec Quant aux peintres, Sisley, Pissaro, leur femme et leurs enfants… Les gens Lebourg, et tous ceux de l’École de s’épanchaient aux ouvertures et nom- Rouen, Le Trividic, Pinchon, Vignet, maient les pays riverains » – L’Éduca- Guilbert… ils empruntent le petit na- tion sentimentale 1891. vire pour venir peindre le majestueux Guy de Maupassant : « Flaubert prenait méandre bouillais. Ils nous laissent des plaisir à voir passer ce bateau chargé œuvres magnifiques. 20 Arrivée du vapeur à la Bouille par Albert Lebourg.

Arrivée des bateaux à La Bouille par P. Le Trividic. 21 les vedettes

n 1938, un Bouillais, essor : L’Escapade (Bateau fluvial) M. Émile Joffet, créateur de et le Lutèce (bateau mouche de 100 la Cie de cars du même nom, places) proposent des promenades décide de relancer l’aventure touristiques ou des croisières gastro- Een affrétant le Némausa, puis en 1939, nomiques en aval comme en amont de l’Aurore, ancien bateau mouche pari- Rouen, d’Oissel à . sien. Mais la guerre éclate. De 1959 à Citons également le succès grandissant 1974, la vedette Joffet de 110 places le des croisières haut de gamme organi- Drekki, circule encore les dimanches, sées de Paris à Honfleur avec escale à jours fériés et l’été. Par la suite, le trajet Rouen. Huit bateaux circulaient sur cet bouillais sera effectué de manière spora- axe en 2010. Ils seront quinze en 2014. dique par quelques vedettes, dont celle du Grand Port Maritime de Rouen. Aujourd’hui, l’impact considérable des différentes Armadas et des manifesta- tions Normandie Impressionniste ont réamorcé l’intérêt touristique vers le fleuve et son patrimoine si riche. Les mini croisières impressionnistes mises en place durant l’été 2010 par la CREA ont connu un véritable record de fréquentation.

En 2013, deux initiatives privées Vedette Joffet jusqu’en 1974. Aujourd’hui, de se lancent dans ce créneau en plein nouvelles offres de tourisme fluvial voient le jour. 22 23 Arrivée de l’Abeille et de l’Élan à La Bouille.

Débarcadère de Saint-Adrien.

Couverture : départ de l’Abeille à Rouen, quai de la Bourse. 24 Les textes sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs.

40 ans après la disparition de la d’autres grandes agglomérations vedette bouillaise, les comporte- françaises : Paris, et son batobus ments des habitants de l’agglomé- traversant la capitale en 8 escales, ration rouennaise évoluent : le vé- Nantes et son navibus, Lyon, et ré- hicule particulier est aujourd’hui cemment Marseille ? souvent délaissé au profit des Les habitants de certaines com- transports en commun ou d’autres munes situées à l’écart des trans- solutions de déplacements comme ports en commun mais proches du le covoiturage. fleuve, pourraient être à nouveau Pourquoi ne pas réfléchir à la séduits par une navette fluviale, remise en activité d’un mode de transport écologique, les emme- locomotion déjà mis en place dans nant en plein centre-ville ?

Agnès Thomas

Ce fascicule tiré à 30 000 exemplaires est une publication de la Communauté d’agglomération de Rouen-Elbeuf-Austreberthe, 14 bis, avenue Pasteur, CS 50589, 76006 Rouen Cedex. Représentant légal et Directeur de la publication : Dominique Randon, Conception et rédaction : La CREA et Agnès Thomas, Direction générale/Impression : IBL Graphique (76), Date de parution et dépôt légal à parution : mars 2014. N°ISBN 978-2-919292-07-3 / N°ISSN 2110-0659 25 Pour en savoir plus NÉEL (B.), Le Voyage de Paris à Saint-Cloud par mer et retour à Paris par terre, 1748. auteur inconnu, Le Voyage de Rouen à La Bouille par mer et par terre, 1752, réédité en 2013 aux Éditions Au Petit Bonheur - [email protected]. BOYSSE (E.), Je pars pour La Bouille, Vaudeville, 1861. JOBÉ, Le Batteau de Boville, Comédie en 28 scènes, réédité en 1866, Imp Boisseil. COLLECTIF, La Seine, mémoire d’un fleuve, Parc Régional de Brotonne, 1994. COLLECTIF, La Bouille, perle de la Seine, Éditions La Bouillotte, 1995. COLLECTIF, Travailler sur le Seine, 1850/1914, La CREA - Fabrique des Savoirs, 2013. CALU (J.), THOMAS (A.), Histoire du bateau de La Bouille, Diaporama, 2013, http://www.youtube.com/watch?v=IgYT4I5pCv8.

Photographies © Musée des Beaux-Arts de Rouen, Bibliothèque Municipale de Rouen, Archives Départementales 76, Dominique Duquesne, la Fabrique des savoirs, Agnès Thomas, Joël Nouvel, Mairie de Grand Quevilly, LCDO studio.

Remerciements Denis Colange, Philippe Ducrotté, Dominique Duquesne, Monique Joffet, Hubert Labrouche, Pierre Largesse, François Lespinasse, Roger Lhuissier, Joël Nouvel, Marie-Odile Parisot, Nicole Tricot et Bernard Vidal.

Sources Archives Départementales de Seine-Maritime, Centre d’Archives Patrimoniales d’Elbeuf, Bibliothèque Municipale de Rouen, Musée Maritime de Rouen et Musée de la Batellerie de Poses. 26 Le groupe histoire

Alain Alexandre, Jérôme Chaïb, Chantal Cormont, Michel Croguennec, Frédéric David, Jérôme Decoux, Alain Gerbi, Claude Lainé, Serge Martin-Desgranges, Pierre Nouaud, Jean-Robert Ragache, Jacques Tanguy, Cécile-Anne Sibout. Coordonnateur : Loïc Vadelorge

Conception, réalisation et suivi Direction Culture de la CREA Serge Martin-Desgranges

Conception graphique et réalisation Nicolas Carbonnier GLOSSAIRE : 1 actuellement baptisée « ancienne côte de Bourgthe- roulde ». 2 foncets : long bateau de transport à clins, à l’étrave relevée. 3 besognes : longs navires (jusqu’à 70 Contacts mètres !) à l’immense gouvernail et levée à l’avant pour accoster. Halés, ils pouvaient transporter jusqu’à 400 Direction Culture tonnes. 4 gribanes : en aval de Rouen, gréées de voiles de la CREA auriques, puis motorisés, servant au transport de pierres 14 bis, avenue Pasteur - CS 50589 des carrières de Caumont et Dieppedalle. 5 débillage : action de détacher les chevaux pour leur permettre de 76 006 Rouen CEDEX traverser le fleuve. 6 on comptait une soixantaine d’îles Tél. : 02 32 76 44 95 entre Elbeuf et La Bouille à cette époque. 7 berments : Fax : 02 32 08 48 65 porteurs de grain. 8 barbanneurs : ouvriers travaillant à la confection des tonneaux. 9 purins : ouvriers du drap à e-mail : [email protected] Rouen. 10 Le Désirée Saint-Pierre coula à deux reprises : en 1819 entre Saint-Aubin et Orival, et, en 1821, à Rouen. 11 La Seine brûla. 27 Retrouvez les fascicules histoire(s) de la CREA sur www.la-crea.fr

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