Procès De Jean Calas

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Procès De Jean Calas HISTOIRE nu PROCÈS DE JEAN CALAS 1 HISTOIRE DU PROCÈS DE JEAN CALAS A TOULOUSE d’a p r è s la pr o c é d u r e authentique e t la correspondance ADMINISTRATIVE PAR M. L’ABBÉ SALVAN Chanoine honoraire de Toulouse. TOULOUSE LIBRAIRIE DE DELBOÏ R IE DE LA POM M E, ‘ I 1865 PRÉFACE. TOULOUSE, IMPRIMERIE VIGUIER , RUE DES CHAPELIERS, 1 3 . Un siècle s’est écoulé depuis que Jean Calas, pro­ testant , fut condamné à mort et supplicié à Toulouse comme convaincu du crime de meurtre sur la per­ sonne de Marc-Antoine Calas, son fils aîné. La sentence du parlement de Toulouse qui con­ damna Calas eut dans le public des défenseurs et des adversaires. La religion que professait le prévenu, l’âge de son fils, les circonstances singulières dans lesquelles se produisit l’évènement, et surtout l’inter­ vention de Voltaire, donnèrent à cette affaire, en France et dans l’étranger, une grande célébrité. Depuis l’année 17G1, époque de l’évènement, jus­ qu’à la fin du dix-huitième siècle, on s’occupa cons­ tamment de ce fameux procès. Un très grand nombre de mémoires furent successivement publiés par les 1 II PRÉFACE. PRÉFACE. III parties intéressées et leurs avocats. Voltaire fit paraî­ mer en 1858 M. Athanase Coquerel fils, pasteur de tre à cette occasion son Histoire d’Elisabeth Canning l’Eglise reformée de Paris, sous ce titre : Jean Calas et de Jean Calas, ainsi que son Traité sur la Tolé­ et sa famille, 1 vol. in-12 de plus de 500 pages. On rance; Paul Rabaut et La Beaumelle donnèrent la comprend que cette brochure en faveur des Calas est Calomnie confondue, et Court de Gébelin les Lettres dirigée tout entière contre le parlement de Toulouse toulousaines; Thomas Simon publia l'Histoire des et le capitoulat; par occasion, la religion catholique malheurs de la Famille Calas; les poètes, les dra­ s’y trouve de temps à autre attaquée. maturges, les journalistes répandirent tour-à-lour La lecture attentive de cet ouvrage m’a déterminé des complaintes en vers et en prose sur la tombe du à composer celui que je publie aujourd’hui. Dans ce supplicié. dessein, j’ai dû m’aider de tous les secours possibles ; Quoique moins fécond que son devancier, le dix- j’ai lu avec le plus grand soin tous les mémoires neuvième siècle s’est encore occupé de l’affaire Calas. composés sur cette affaire ainsi que les livres où il en M. de Maistre, dans ses Soirées de Saint-Pétersbourg, est parlé; j’ai parcouru, annoté, copié même, en s’est déclaré en faveur du parlement de Toulouse; l’analysant, toute la procédure; enfin, les archives M. M ary-Lafon, dans son Histoire du midi de la du département de la Haute-Garonne m’ont offert France, a suivi le même sentiment; M. d’Aldéguier, une remarquable correspondance relative à Jean dans son Histoire de la ville de Toulouse, a pris le Calas et antérieure à la mort de son fils aîné Marc- parti des Calas; M. Du Mège, dans deux de ses ouvra­ Antoine. ges — les Institutions et l'Histoire du Languedoc, a Quoique je sois parvenu à un âge assez avancé, com battu M. d’A ldéguier; M. A. F oulquier, dans ses mes souvenirs de famille sont encore très-fidèles. Causes célèbres, a cru à l’innocence des Calas; M. le M. Boyer, capitoul, dont l’avis prévalut dans l’affaire comte de Bastard, dans les Parlements de France, Calas, était mon grand'oncle maternel. Il fut le père s’est déclaré contre eux ; M. FIuc, avocat à Toulouse, de M. Boyer, mort il y a quelques années à Paris a composé une brochure en réponse aux paroles président de la cour de cassation et pair de France. qu’un magistrat de l’une des cours royales de France J’ai très-souvent entendu parler de l’affaire Calas au -j" prononça en faveur de Calas. sein de ma famille, et je puis affirmer que mes de­ L’ouvrage le plus complet qui depuis 17G3 ait été vanciers croyaient Jean Calas coupable, au moins publié sur l’affaire Calas, est celui qu’a fait impri­ d’après la procédure et les informations. L on com­ IV PRÉFACE. PRÉFACE. V prend cependant que, dans le travail que j’ai fait, je « Tout ceci prouve que M. l’abbé Magi était un très- n’ai point cédé aux influences des assertions parties « mauvais prêtre et un très-mauvais catholique qui du foyer domestique. « se plaisait à attaquer toute religion, même celle C’est avec tous ces secours et constamment guidé « dont il n’était pas ministre. » M. le pasteur de par une haute impartialité que j’ai composé ce livre; Paris a commis ici une bien grave erreur. L’abbé je me suis efforcé de ne jamais m’écarter des règles Magi ne fut jamais prêtre; il n’entra même jamais de la modération que m’impose le caractère dont je dans les ordres sacrés. suis revêtu. Il est assurément possible que le par­ Il était né à Aurillac, en 1722, d’une famille hono­ lement de Toulouse ait commis une erreur judi­ rable. Son oncle, curé d’Avignonet (en Lauraguais), ciaire; mais, d’après la procédure, je crois qu’il fut l’appela auprès de lui et le fit étudier chez les jésui­ dans le vrai. tes de Toulouse, où il prit le petit collet, qu’il quitta Il est un homme que M. le ministre du Saint-Evan­ en 1790 sans avoir contracté aucun engagement. Il gile a fort maltraité dans son livre, c’est M. l’abbé avait été précepteur des enfants de M. Bonhomme- Magi, de l’Académie des Jeux-Floraux et auteur de Dupin, conseiller au parlement. Plus tard, il épousa, plusieurs mémoires littéraires. M. Magi avait dit, au à ce que je crois, sa propre nièce. Non-seulement sujet de Marc-Antoine : « On le trouva pendu entre M. Magi, que l’on qualifiait toujours du nom d’abbé, « les deux venteaux de la porte..... Qui vous a dit ne fut pas un mauvais prêtre, puisqu’il n’avait pas « qu’il ne fut pas surpris au passage (du couloir) par été prêtre, mais encore l'expression de très-mauvais « deux ou trois estafiers aux ordres du ministre du catholique qui lui est appliquée est fort exagérée. « Saint-Evangile, et qu’après avoir fait le coup ils L’abbé Magi était un peu philosophe, il avait em­ « ne disparurent pas dans les ténèbres?..... Je le brassé les idées nouvelles; mais, pendant la Révo­ « répète, toutes les sectes ont leur fiel et leurs cri- lution, il sut maintenir la paix et la justice dans la « mes. » Nous ne partageons point l’opinion de ville de Grenade-sur-Garonne où il s’était retiré, et l’abbé Magi, et nous ne croirons jamais qu’un minis­ Grenade lui doit la conservation de la belle église tre du Saint-Evangile ait envoyé des estafiers pour quelle possède. C’est là qu’il mourut en 1802, à tuer Marc-Antoine. L’authenticité de ces paroles de l’âge de quatre-vingts ans. l’académicien nous paraît d’ailleurs un peu suspecte. M. Coquerel répond à la page 554 de son livre : VI PRÉFACE. PRÉFACE. VI avant le jugement, on l’appelait préparatoire et pré­ ventive; quand elle faisait partie du jugement, on EXPLICATION DE QUELQUES MOTS EMPLOYES DANS LA l’appelait définitive ou préalable. Appliquer la torture, PROCÉDURE. c’était donner la question : le patient était conduit dans une chambre qui portait ce nom ou celui de la Monitoire. — C’était un acte de l’official pour obli­ gêne; avant de commencer la question, on lui faisait ger, sous des peines ecclésiastiques, tous ceux qui subir un dernier interrogatoire; après l’application avaient quelque connaissance d’un crime, ou de quel­ des tortures, le patient était conduit en chariot de­ que autre fait dont on cherchait l’éclaircissement, à vant la porte principale de l’église cathédrale, où il venir dévoiler ce qu’ils savaient. faisait, à genoux, nu-pieds et un flambeau à la main, Récolement. — Action par laquelle on lisait aux amende honorable. Cela fait, on le conduisait au lieu témoins qui avaient été entendus dans une procédure ordinaire des exécutions (à Toulouse, la place Saint- criminelle, la déposition qu’ils avaient faite pour voir Georges); là on l’étendait sur une forme de croix, où s’ils y persistaient. il était rompu vif par le moyen de coups de barre Brief-intendit. — On entendait par intendit une donnés aux principales jointures ; ensuite il était écriture qu’on fournissait dans les procès où il n’était exposé sur une roue, la face tournée vers le ciel, et question que de faits dont on offrait la preuve. Par y restait pendant deux heures. Si mort ne s’en était brief-intendit on entendait une série de questions pré­ suivie, on l’étranglait, et l’on portait son corps au parées d’avance qu’on présentait au témoin, et aux­ milieu d’un bûcher pour y être consumé et réduit quelles il était obligé de répondre tout de suite. en cendres. — Exécution horrible et dont l’idée seule Torture. — On appelait ainsi les terribles épreu­ fait frémir ! ves auxquelles un prévenu était soumis pour tirer de lui l’aveu de ses crimes, complices et circonstances. MARCHE DE LA PROCEDURE ANCIENNE. On distinguait deux sortes de tortures : Xordinaire et l’extraordinaire. La première consistait dans l’exten­ Dans les temps qui ont précédé la Révolution fran­ sion des membres par le moyen de cordes et pou­ çaise, la marche de la procédure était toute différente lies; la seconde, dans l’infusion lente de l’eau dans la de ce qu’elle est aujourd’hui.
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