Culture & Société
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24 heures | Mardi 14 novembre 2017 24 heures | Mardi 14 novembre 2017 Culture Société Gastro Ciné Conso CultureCulture & Société & Société Sortir Les gens ExpositionExposition «Peu d’artistes osent se Avec Dave Holland à la basse, Jack DeJohnette à la batterie et Django Bates au piano, le Tunisien retrouve des horizons bleutés. MARCO BORGGREVE/ECM RECORDS Anouar Brahem traverse jeter dans encore le miroir des cultures Le choix s’est finalement porté sur le Entretien versatile pianiste britannique Django Ba- Avec «Blue Maqams», l’oudiste tes, auteur, lui aussi d’un récent album tunisien retrouve le bassiste pour ECM, The study of Touch, et appor- le vide» Dave Holland pour un album tant au projet un très bleuté ruisselle- à la croisée du jazz et de l’Orient ment de swing. «Heureusement, car Son amour des mots et de la matière, j’avais toujours besoin et envie de me surprendre. J’aime que la musique sur- «Les spécialistes disent que les instru- vienne, sans volontarisme.» Boris Senff l’artiste française Fabienne Verdier le ments de musique sont les objets cultu- rels qui ont le plus voyagé. L’itinéraire de dit en multipliant les actualités et les l’oud dans l’espace géographique est d’ailleurs assez incroyable. Cette idée Critique expositions entre Lausanne et Genève m’a toujours beaucoup intéressé. C’est d’ailleurs le propre de toutes les cultures de voir leur identité propre se faire tra- Le khôl du jazz Florence Millioud Henriques Textes passion pour la recherche fondamentale En dates mille jets et volutes. «Notre monde ne l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan qui verser.» A 60 ans, le Tunisien Anouar (une décennie de discipline calligraphi- cesse de s’inventer de nouveaux langa- m’a expliqué que 99,999999999% de la Brahem a beaucoup contribué à bouger Au mitan des années 1990, Anouar 1962 Naît e souffle, la nature du ciel, une que en Chine, une résidence en immer- ges, je travaille dans ce même élan avec le matière du réel n’est autre que du pres- les lignes et les contours esthétiques de Brahem s’est plusieurs fois embarqué à Paris. En duo avec le langage note de musique, l’effort, les sion musicale à la Juilliard School of Art de corps qui peint, tout le corps.» que vide, que des atomes en mouvement. l’oud, le fameux luth arabe. sur les flots d’un jazz métissé (avec Jan 1983 Termine primitifs flamands. Mais aussi New York, un échange fécond en Enga- Limpide, la dynamique saisit le regard Un choc! Impossible dès lors de représen- Alors que vient de sortir son 12e al- Garbarek, Richard Galliano ou, déjà, son cursus la Pinakothek der Moderne à dine avec un astrophysicien), l’artiste mais c’est aux tripes qu’elle prend. ter le réel de manière figurative comme U La maison des Délices à Genève n’est l’amour des mots et son intérêt pour les bum studio, Blue Maqams, le musicien – Dave Holland et John Surman). De- Beaux-Arts Munich qui lui a passé com- agrège les connaissances, elle prend le L’œuvre de la Française n’est pas pure- on l’a fait, par tradition, depuis des siè- pas le palais Torlonia de Rome, mais on dictionnaires. Ainsi voit-on au rez-de- joint par téléphone à Paris – réitère cet art puis, il avait privilégié des croisées à Toulouse. mande et vient de l’exposer ment gestuelle, elle n’obéit pas à la seule cles. y voit aussi des peintures de Fabienne chaussée des lettres du philosophe et des croisements qui l’a vu dialoguer aussi plus proches de la musique de cham- 1984 Part Ldans une chambre d’échos avec l’alchi- liberté d’être et de faire, elle est émana- C’est la matérialisation de cette autre Verdier. À Rome, les grands traits de quelques éditions originales, bien avec des tenants de la tradition tur- bre, voire de tentatives orchestrales étudier en miste allemand Sigmar Polke. Ou encore tion, traduction, transformation. Et en ca- vérité qui est donnée à voir chez Alice couleur de l’artiste calligraphe française notamment celle du Dictionnaire que qu’avec des instrumentistes proches plus amples (Souvenance, en 2014, «Les visions surgissent Chine, elle y Alice Pauli, la galeriste lausannoise chez ressant de plus en plus près le mystère de Pauli. Elle grésille, trépide, ondoie. Ryth- occupent des murs entiers de l’antique philosophique portatif publié en 1764. de la musique de chambre, sans oublier avec l’Orchestre de la Suisse ita- reste 10 ans. qui elle revient dans une nouvelle majesté et tel un sourcier j’essaie l’ordre des choses, elle peut s’affranchir més par de nouvelles impétuosités, les si- demeure de la Renaissance. Dans les De cette salle on passe au cœur du le jazz, influence ancienne inscrite dans lienne). Ce Blue Maqams le fait reve- 2009 spirituelle, SA galeriste qui l’a «enfermée» de la calligraphie chinoise – son sillon ori- gnes traversent la toile, la scandent ou salons de la «petite maison» de Voltaire, processus créatif de Fabienne Verdier, nombre de ses projets passés. «Une fois nir, non pas de plain-pied mais tou- de les capter. Je peins, Participe à dans son atelier quelque part en France ginel – avec pour preuve la série Vide Vi- l’envahissent mais tous surgissent d’une l’art de Fabienne Verdier se montre le temps d’une vidéo emplissant tout le que la musique de Blue Maqams s’est pré- jours de façon oblique, sur le terrain «Elles@Cen- pour lui offrir la liberté de croire en elle… j’oublie tout» bration aux cimaises de la galerie lausan- même épaisseur méditative vers la sur- moins envahissant. La raison de sa grand salon. Plus loin, les mots choisis cisée, que la formation s’est mise en du jazz, sans rien lâcher d’un art puisé tre Pompi- C’était il y a quinze ans! On pourrait, on noise. Grisante. Entêtante presque. Sa face pour suggérer et faire de l’œuvre présence en ces lieux est sa pour la lettre «t» – Tectonique- place, j’ai eu comme un flash-back de à la plus haute tradition comme l’indi- Fabienne Verdier Artiste dou». peut, parler de tout avec Fabienne Ver- puissance de cohésion et, à la fois, sa force d’art un miroir du réel. «Toutes les formes participation à l’illustration du volume Transformation – offrent l’occasion de moi adolescent rêvant de jouer avec des que bien le maqam du titre, renvoyant 2016 Entre à dier, longuement, avant d’en arriver à son dans la diversité, aspirent sans pour fluctuantes viennent du vide, on peut tou- du 50e anniversaire du Petit Robert. montrer textes et gravures en rapport jazzmen.» au système modal arabe. Plein d’espa- la Pinakothek œuvre peint, cette vibration qui se nourrit temps de l’apprentissage comme celui du autant entraîner dans l’inconnu. jours essayer de le remettre en cause, À chaque lettre de l’alphabet avec le tremblement de terre de Après avoir déjà collaboré avec Jan ces, de mystères et d’errances, ce der Moderne en permanence de nouvelles quêtes. lâcher-prise. «Je me nourris, je me nourris mais nous vivons dans un monde d’on- correspond une peinture originale de Lisbonne. C’est aux Délices que Voltaire Garbarek, le rêve est plus que jamais ac- nouvel album avance dans les mirages à Munich. Toujours dans l’échange, que ce soit et soudain, un matin, j’ai la clé de À la frontière des. Mieux vaut donc jouer avec sinon on Fabienne Verdier, imaginée à partir de écrivit son Poème sur le désastre de compli puisque ce nouvel enregistre- nocturnes d’un désert oriental où le 2017 Revient des savoirs comme des perceptions, l’ar- l’énigme. A ce moment-là, il n’y a plus de À la frontière entre le chaos et l’harmonie, meurt avec. Chevauchons ce grand flux, deux mots commençant par cette Lisbonne, dont le manuscrit original est ment profite des contributions de Dave voyageur assoiffé croiserait soudain chez Alice tiste n’a pas peur des mots. Pas même de théorisation, les visions surgissent et tel la fulgurance et la permanence, la fébrilité prenons conscience et acceptons ces tur- même lettre. Ces mots ont été choisis exposé. Plusieurs tableaux de Fabienne Holland à la basse (avec lequel il avait un club de jazz. Un retour attendu. Pauli à celui qui, aujourd’hui, cristallise les an- un sourcier, j’essaie de les capter. Autour et la vigueur, l’écriture picturale danse bulences pour ne pas les prendre de plein avec le linguiste octogénaire Alain Rey Verdier reproduits dans le Petit Robert concocté l’album Thimar il y a près de Lausanne goisses actuelles: le vide. C’est que dans de moi, des bacs, des couleurs, c’est le avec l’informe mais au fil de sa chorégra- fouet! Peu d’artistes osent jouer avec le (ensemble, ils publient aussi sont visibles au premier étage, ainsi que 20 ans) et de Jack DeJohnette à la batte- Blue Maqams avec «Vide ses immenses formats vivant dans le bleu chaos: je peins, j’oublie tout. C’est éprou- phie, elle se charge de sens. «Intuitive- vide, moi c’est l’art qui m’a aidé à faire ce Polyphonies chez Albin Michel), qui les pages du carnet montrant l’énorme rie. «Un line-up magnifique. J’avais envie Anouar Brahem, Vibration» nuit et rimant avec une inaltérable pro- vant. Colossal!» Dans les faits… un atelier ment, je savais que le réel n’était pas le passage, à faire que la vie devienne pré- avait dirigé la rédaction du premier Petit recherche qui lui a été nécessaire pour depuis longtemps de retrouver Dave Hol- Dave Holland, Jack dont «Perpe- fondeur, Fabienne Verdier ne questionne sur mesure et un gigantesque pinceau re- réel apparent que nous voyons de ma- cieuse et différente: je crois que c’est là, Robert en 1967.