SAINT DOMINIQUE ET LA FONDATION DU MONASTÈRE DE PROUILLE Author(S): Jean Guiraud Source: Revue Historique, T
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SAINT DOMINIQUE ET LA FONDATION DU MONASTÈRE DE PROUILLE Author(s): Jean Guiraud Source: Revue Historique, T. 64, Fasc. 2 (1897), pp. 225-257 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40940899 . Accessed: 30/06/2014 08:13 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue Historique. http://www.jstor.org This content downloaded from 109.171.137.211 on Mon, 30 Jun 2014 08:13:24 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions SAINTDOMINIQUE ET LA FONDATIONDUMONASTÈRE DE PROUILLE i. Fondationdu monastèrede Pr ouille. Une des particularitésde l'hérésiealbigeoise, c'est qu'elle essaya de se développerpar l'apostolatdes femmes.Le diacre cathare,Isarn de Castres,parcourait, vers 1205, les environsde Castelnaudary,tenait des assembléesde Croyantset soumettait les femmesaux ritesmystérieux du Consolamentum,qui avi- vaientleur zèle en surexcitantleur imagination. C'est ainsi qu'il endoctrinaErmengarde, fille de PierreBoyer1. A Fanjeaux, GuillelmaMartina, veuve de GuillaumeLombard, prêtait sa maisonaux réunionsdes hérétiqueset servaitd'intermédiaire entreeux et les tisserandsdu pays2. Cavaers, châtelainedu mêmebourg, resta pendant longtemps l'une des ferventes adeptes de la secte,et ce futsans doute pour le faireoublier qu'elle fit, dansla suite,d'importantes largesses à Prouille3.La familledes Durfortétait l'une des plus richeset desplus influentes du Lau- raguais;or, les hérétiquesn'avaient pas, dansla région,de plus fermessoutiens que les femmesqui en faisaientpartie. Dans une grandeassemblée, tenue, en 1204,à Fanjeaux,l'évêque cathare, Guilabertde Castres,avait donnéle Consolamentumà dame 1. Bibliothèquede Toulouse, ms. 609. Enquête de Bernardde Caux, fol. 20. 2. Ibid., fol. 160. à. K. F. Baime,uartuiaire ou nistotrediplomatique ae saint Dominique, p. 139. Rev. Histor. LXIV. 2e fasc. 15 This content downloaded from 109.171.137.211 on Mon, 30 Jun 2014 08:13:24 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 226 JEAN GÜIRAÜD. Fays de Durfort,mère de Sicardet de Pierre de la Ilhe,seigneurs deVillesiscle, ainsi qu'à sa parenteRaimonde, femme de Guil- laumede Durfort,et à sa belle-filleAude, femme de Pierre1. Veziadede Durfortdevait être hérétique, elle aussi, puisqu'elle épousasuccessivement deux faidits,Roland de Montserratet Sicardde Durfort,fils de Fays. Sœuret femmede cathare,Ada- lais de Durfortétait sans douteaffiliée à leur secte2.Esclar- monde,comtesse de Foix, reçutaussi le Consolamentumdans l'assembléede Fanjeauxde 12043. Raimondede Rivel,une fois élevéeà la dignitéde Parfaite,témoigna la plusparfaite soumis- sionaux diacrescathares, et ce futpour se livreren touteliberté à ses pratiquesreligieuses qu'elle alla se réfugierdans le château hérétiquede Montségur4. Unefois engagées dans la secte,ces femmess'en faisaientles apôtresferventes dans leur proprefamille et leur entourage. Pendantplusieurs générations, les descendantsde Fays de Dur- fortfurent cathares : ses fils,Sicard et Pierre,sont proscrits par Simonde Montfort; ils épousentdes hérétiques et leursenfants, B. de Durfortet Rogerde Durfort,sont élevés dans les mêmes croyances; Roger prend même part à unedernière révolte, celle d'Olivierde Termescontre saint Louis5. Pourfaciliter la diffusionde leursdoctrines chez les femmes, les Albigeoisavaient ouvert des maisonsd'éducation où ils les recevaientdès leur enfance et les élevaientà leurguise. Ces cou- ventshérétiques étaient organisés sur le modèledes couvents catholiques; ils étaientdirigés par des Parfaites,qui portaient un costumereligieux et étaientsoumises à unediscipline sévère, à la règledu silenceet à la psalmodie.L'enquête de Bernardde 1. Balme, op. cit., p. IOS. 2. Bibliothèque nationale,lat. 11013. Registredes enquêteursroyaux de la sénéchausséede Carcassonne en 1260. Fol. 22 : f Contrapetitionem Adalaicis, uxoris quondam Rogerii de Durofortiqui vocatur Badaonus, dixit se vidisse dictumBadaonum faiditumtempore comitis Montisfortis,in guerravicecomi- tis... » Fol. 54 v° : « Contra petitionemVeziade uxoris quondam Sicardi de Duroforti,dixit se vidisse dictum Sicardum faiditum in guerracomitis Mon- tisfortis...» Fol. 65 : « Contrapetitionem domine Adalaiscis,uxoris quondam Rogerii de Duroforti,qui vocabatur Vadaonus de Laurano, dixit se vidisse Petrum de Tribus malis, fratremdicte Adalaiscis,faiditum in guerra viceco- mitis. » 3. Balme, op. cit., p. 108. 4. Ibid., p. 182. V W^ • ■ ■ m « d MM /' M A. 4k M M ^V ö. moi. nat.,lat. nuis, toi. lu. This content downloaded from 109.171.137.211 on Mon, 30 Jun 2014 08:13:24 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions SAINT DOMINIQUE ET LA FONDATION DU MONASTERE DE PROUILLE. 227 Caux en mentionneà Linas, nonloin de Fanjeaux1; maisil est à croirequ'il y en avaitbeaucoup d'autres dans le comtéde Tou- louse,puisque, dans leurVie de saintDominique, Jourdain de Saxe et Humbertde Romanss'accordent pour en signalerl'im- portance.Ce n'étaientpas de simplesécoles où on venaits'ins- truire,c'étaient des pensionnatsou mêmedes noviciatsoù les enfantsvivaient sous la surveillancedes Parfaites.« Les héré- tiques,» disentensemble Humbert et Jourdain,« instruisaient et nourrissaientces petitesfilles2. » Dès l'âge le plus tendre, Saurade Villeneuve-la-Comtalfut engagée par d'autresfemmes dansl'hérésie, et, pendant trois ans, elle en portale costume3. A Fanjeaux,la petiteFlorence, à peineâgée de cinq ans, est confiéeaux soinsde Guillehninede Tonneins.Une autreenfant de dix ans,P. Covinens,est remise par sonfrère aux mainsdes hérétiquesjusqu'au jour où saintDominique l'enleva aux bons hommespour la ramenerà l'orthodoxie4. Ce qui facilitaitcette propagande par l'enfance, c'est que dans le Lauraguaisvivait un grandnombre de chevaliers, pauvres hobereauxde campagne,dont la misèreétait grande, même avant l'arrivéede ces Français du Nord qui allait la consommer. Jourdainde Saxe et Humbertde Romansmentionnent ces nobles ruinés,dont la pauvretéétait telle qu'elle ne leurpermettait pas de donnerune éducation à leursfilles. Les couventscathares s'en chargeaientpour rien ; la tentationétait forte, et, finissant par y céder,ces pauvreschevaliers envoyaient leurs petites filles aux Parfaitesetaux Voyantes5: « Erantin Ulislocis noUles qui- damqui, egestate compulsi, filias suas tradebanthaeretids nutriendaset erudiendas. » Attentifà combattrel'albigéisme et à en arrêterles progrès 1. Balme, op. cit., p. 132. 2. Quétifet Échard, Scriptores ordinis Praedicatorum, t. I, p. 6. - • Jour- dain de Saxe : « Ad susceptionemautem quarumdamfoeminarum nobilium, quas parentesearum, rationepauper tati s erudiendas et nutriendas,tradebant haereticis...» - Humbert de Romans : « Erant in Ulis locis nobiles quidam qui, egestatecompulsi, filias suas tradebanthaereticis nutriendas et erudiendas, imo reveraerroribus pestiferis eludendas. » 3. Bibl. de Toulouse, ms. 609, fol. 143 : « Saura... testis jurata dixit quod, dum esset septem annorum,fecit se hereticamet stetitherética induta per tres annoset stabat apud Villana noram cum Alazaîcia de Cuguroet sodis suis hereticabus.» 4. Balme,op. cit., p. 132. 5. Cf. supra, note 3. This content downloaded from 109.171.137.211 on Mon, 30 Jun 2014 08:13:24 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 228 JEANGÜIRAÜD. surtoutdans le Lauraguais,saint Dominique ne pouvaitpas res- terindifférent à ce modede propagandedes cathares. Il ne suffi- saitpas d'instituerdes controversesavec les hérétiquescomme cellesqui eurentlieu à Fanjeaux,à Montréal,ni mêmede prê- chersans relâché ; il fallaitavant tout arrêter le recrutementde la secte.Or, un de ses moyensles plussûrs était l'apostolat chez les femmeset par les femmes.Ce futpour l'atténuer, ou même pourle faireservir à sa proprecause, que saintDominique con- çutl'idée d'un couvent où l'onrecueillerait les femmeshérétiques, pourles faire rentrer dans l'Église et les destinerensuite à l'apos- tolatorthodoxe. Assurer un asileaux nouvellesconverties, créer un centrede propagandeféminine, telle fut la doublepensée qui lui inspirala fondationdu monastèrede Prouille. La légendea ornéde récitspoétiques les originesde ce pre- miercouvent dominicain. A Fanjeaux,nous dit-elle,tandis que le bienheureuxprêchait à des femmeshérétiques, le démonne putpas soutenirla présencedu serviteurde Dieu : au milieudu sermon,il apparutaux yeux étonnésde tous et pritla fuite, abandonnantà l'action salutaire du saintces âmesqu'il avaitsi longtempspossédées. Converties par ce prodige,ces neuffemmes devaientêtre les neufpremières religieuses du futurmonastère. Avantde les réunirdans un couvent,saint Dominique les établit à Fanjeaux sous sa sauvegarde1.Mais, sans cesse,il méditait unefondation plus durable. Or,le soir de la fêtede sainteMadeleine, 1205 (22 juillet), il se reposaitdes fatiguesdu jour ; et,assis devantla portesep- tentrionalede Fanjeaux,il contemplaitla vaste plaine qui s'éten- daità ses piedsjusqu'aux pentes de la Montagne-Noire,éclairées versCastelnaudary par le soleilcouchant ; sa vue se portaitsur le châteauruiné et l'égliseabandonnée de Prouille,les