Textile Et Cuir, La Gloire Passée
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Sedan Lamécourt Signy-l’Abbaye Bazeilles Mouzon Rethel Warmerivillle Reims Arcis-sur-Aube Romilly-sur-Seine Fontaine-les-Grès Sainte-Savine Troyes Aix-en-Othe Chaumont TEXTILE ET CUIR LA GLOIRE PASSÉE Les aptitudes de la Champagne-Ardenne ont varié dans le temps et l’espace : au XVIIIe siècle, la draperie sedanaise est citée en exemple ; à la fin du XIXe siècle, les tissus de laine peignée font la notoriété de la Champagne alors que l’Aube devient capitale de la bonneterie. ATLASde Champagne-Ardenne 28 Sous l’influence de réfugiés protestants, une activité drapière existe déjà à Sedan dès le milieu du XVIe siècle. Mais il faut attendre le rattachement de la principauté au Royaume de France pour que débute véritablement l’industrie textile sedanaise. Les bouleversements de La main-d’œuvre textile en 1774 l’espace manufacturier liés à la mécanisation Travailleurs urbains Filature 1 152 Après la période troublée de la Tissage 360 Finition 1 994 Révolution, la draperie sedanaise Outillage 2 216 connut une reprise sous le Consulat et l’Empire. Deux personnages Main-d’œuvre urbaine 5 722 jouèrent un rôle essentiel dans cette renaissance, Abraham Poupart Travailleurs ruraux Filature 7 976 et Guillaume Ternaux, dont la Tissage 1 960 réussite coïncide avec la mécani- Finition 96 sation du travail du drap. La ville redevint, dès lors, une des capita- Main-d’œuvre rurale 10 032 les mondiales de la laine cardée, Total général 15 754 spécialité séculaire de Sedan. D’ailleurs, de nombreux fabricants d’une rare intensité. La draperie firent encore de belles affaires. sedanaise était alors le reflet d’as- Sous la Restauration et la mo- censions fulgurantes comme celle narchie de Juillet, l’activité fut de Laurent Cunin-Gridaine. Filature Poupart à Mouzon (collection Costa de Beauregard) Un privilège du roi Quatre ans après l’acquisition la fabrique sedanaise connut un de la place forte par Richelieu, formidable essor. De 1710 à 1780, un conseil d’État du Roi, daté la production de drap tripla. du 23 juin 1646, accorde à trois Après les Cadeau, d’autres ma- marchands parisiens le privilège nufacturiers reçurent les mêmes de fabriquer « certains draps noirs privilèges : Paignon au Dijonval en et de toute autre couleur, façon 1711, Rousseau aux Gros-Chiens, et manière d’ouvrer telle qu’elle Labauche et Poupart, tous deux se pratique en Hollande ». Après calvinistes, qui sont les figures avoir acquis des terrains dans de proue de la draperie sedanaise. les faubourgs du Rivage et de la Derrière ces manufacturiers pri- Cassine, Nicolas Cadeau fonde le vilégiés, deux catholiques et deux Dijonval, qui fut, jusqu’à l’expi- protestants, les entrepreneurs de ration du privilège, en 1666, la chacune des confessions se livraient seule manufacture royale de draps à une véritable compétition, qui fut La foulerie du Rivage fins dans le Royaume de France. un des moteurs de la draperie seda- La filature Ternaux à Lamécourt (collection particulière) (cliché F. Mansu) C’est surtout au XVIIIe siècle que naise au XVIIIe siècle. La manufacture sedanaise 29 Cunin-Gridaine (1778-1859) : l’ouvrier sedanais devenu ministre Belgique N Laurent Cunin (Cunin tout court à monture s’emballa et qu’il chargea établissement rue de Bayle (au n° 9 [ l’époque) naquit à Sedan le 10 juillet seul l’ennemi, avouant bien plus vraisemblablement). Bouillon 1778 dans une famille modeste. Il tard qu’il avait eu crânement peur. En 1820, Étienne Gridaine se Charleville était le fils unique de Jean-Baptiste Mais surtout, il semble que notre retira des affaires et de la maison Cunin, commis à la manufacture personnage était myope et fut ré- qu’il avait fondée en 1774. Son Raulin. Malheureusement, il devint formé pour ce seul motif. gendre le remplaça à la tête de très vite orphelin et fut recueilli Rentré à Sedan, il rejoignit comme sa manufacture et s’associa avec par un de ses oncles. Il fréquenta commis la maison Étienne Gridaine son cousin germain, Jean-Baptiste l’école jusqu’à 13 ans puis entra une importante manufacture textile Bernard, fils de l’oncle qui l’avait en apprentissage chez un tanneur. de Sedan. Rapidement, il réussit à recueilli orphelin. En 1823, il ac- Jusque-là rien d’exceptionnel. conquérir l’estime et la confiance quit une partie des Gros-Chiens Lorsqu’il partit comme soldat, de son patron. Une telle confiance après le morcellement de l’ancien- Laurent avait une si belle écri- qu’en 1803, Laurent Cunin eut ne fabrique. La nouvelle maison, ture que le colonel le prit comme la bonne idée d’épouser la fille ainsi formée, obtint une médaille secrétaire. Mais il ne resta pas d’Étienne Gridaine ainsi que d’or à l’Exposition de 1823. En longtemps sous les drapeaux. son nom : il devint alors Laurent même temps qu’il développait sa On raconte qu’il était tellement Cunin-Gridaine. Il ne tarda pas à propre manufacture, il donnait une Fabriques 2000 mauvais cavalier, qu’un jour sa développer les affaires de la mai- remarquable impulsion à l’indus- Filatures 1000 Tissages son. Modernisant l’ancien établis- trie sedanaise. Dès cette époque 100 sement donnant sur le Promenoir il mena de front une autre carrière, Apprêts 10 10 Km des prêtres, en y installant une politique celle-là, qui le conduisit Autres machine à vapeur et des mécani- au ministère de l’Industrie et du L’espace manufacturier du Sedanais, à la fin du XIXe siècle ques, il fit construire un nouvel Commerce de 1840 à 1848. (auteur B. Lassaux) lorsque 3 500 tisseurs cessèrent le dustrie textile sedanaise perdait de Les belles années du Second Empire travail, n’y changea rien. Mais l’in- sa spécificité en abandonnant par- La réussite, de nombreux fabricants La fin du XIXe siècle se caractérise tiellement ses draps de haute qualité vont la connaître sous le Second par l’achèvement de l’industrialisa- et en introduisant dans sa fabrication Empire. Bacot, Bonjean, Bertèche, tion avec la mécanisation du tissage, des tissus bon marché. Montagnac… autant de noms qui désormais se concentre en ville. illustres qui firent la renommée des Chaque fabricant ne pouvant inves- La fi n du textile sedanais draps de Sedan. Avec l’introduction tir dans l’achat d’une machine à de la machine à vapeur dans les vapeur, se développe à Sedan la Le textile disparut du paysage usines et l’esprit d’affaires qui pratique de la location de locaux sedanais de façon progressive, animait alors les fabricants, un élan et de la force motrice. Des usines mais néanmoins brutale, après la euphorique plane sur la vieille cité « modernes » remplacèrent les grande crise de 1958. La dernière du drap. C’est dans ce contexte petits ateliers de tisseurs à la main entreprise ferma ses portes au qu’intervint la guerre de 1870, des villages environnants. La ville début des années 1990, laissant mettant un terme à ce bel essor draine alors la main-d’œuvre texti- derrière elle trois siècles et demi et inaugurant une série de crises le, encore marquée par ses origines d’histoire économique et sociale Cunin-Gridaine d’après Daumier qui ont marqué profondément rurales et son rejet de la discipline. Tissage mécanisé sedanaise écrite depuis le milieu du (Bibliothèque nationale de France) l’industrie textile sedanaise. L’ultime chouannerie de 1891, (Le Monde Illustré, 20 août 1922) XVIIe siècle. ATLASde Champagne-Ardenne 30 La ville de Sedan possède quelques beaux fleurons du patrimoine industriel régional. Il s’agit, pour la plupart, d’ensembles du XVIIIe siècle ou du début du siècle suivant, construits à l’époque où le drap de Sedan avait une renommée dépassant largement nos frontières. Le Dijonval Ce sont les « châteaux-usines », en 1755, comprend une centaine témoins d’une époque où l’archi- de fenêtres sculptées presque tou- tecture industrielle ne se distinguait tes différemment. Au sommet, un pas encore des grandes construc- campanile abritant l’horloge et la tions de prestige aristocratiques. Ce cloche servait à rythmer le travail. patrimoine exceptionnel, installé Ce bâtiment s’ouvre sur la rue par au pied du château forteresse le un grand portail et se prolonge, de plus étendu d’Europe, n’est pas chaque côté, par deux ailes indus- la moindre attraction du Sedan trielles en quart de cercle, cons- d’aujourd’hui. truites en 1778 et abritant chacune Le Dijonval est sans conteste le un bel escalier. Au fond de la cour plus majestueux et le plus em- avait été édifié le donjon vers 1660. blématique de tous ces édifices. Il servait de logis et comportait éga- Du premier Dijonval, construit à lement une chapelle, utilisée pour partir de 1646 par Cadeau, il ne l’encadrement moral des ouvriers. subsiste plus rien. Les bâtiments Derrière cette bâtisse, détruite en encore visibles aujourd’hui datent 1870, se situait un grand jardin, de la seconde moitié du XVIIIe encadré par deux pavillons d’angle. siècle, du temps des Paignon. Le Un ensemble de rames et de vergers plan Bacot de 1832 nous montre la complétait cet ensemble, on les uti- morphologie de cet ensemble hors lisait pour faire sécher les pièces de Le Dijonval côté cour (cliché F. Mansu) du commun. Le corps central, bâti draps produites. 10 1. Manufacture des Gros-Chiens 2. Ensemble Cunin-Gridaine 9 8 3. Fabrique Simon et Jacquemart 7 4. Fabrique Jean Labauche 6 5. Maison Poupart 5 6. Fabrique Béchet 2 4 3 1 7. Fabrique Francourt 8. Ensemble de 3 fouleries 9. Manufacture rampe des Capucins Dijonval 10. Le Dijonval Plan du Dijonval en 1832, aussi appelé plan Bacot (DRAC Champagne-Ardenne) Circuit des anciennes manufactures (auteur B.