Sedan Lamécourt Signy-l’Abbaye Mouzon Rethel

Warmerivillle

Arcis-sur-Aube Romilly-sur-Seine Fontaine-les-Grès Sainte-Savine Troyes Aix-en-Othe Chaumont TEXTILE ET CUIR LA GLOIRE PASSÉE

Les aptitudes de la -Ardenne ont varié dans le temps et l’espace : au XVIIIe siècle, la draperie sedanaise est citée en exemple ; à la fin du XIXe siècle, les tissus de laine peignée font la notoriété de la Champagne alors que l’Aube devient capitale de la bonneterie. ATLASde Champagne-Ardenne 28 Sous l’influence de réfugiés protestants, une activité drapière existe déjà à Sedan dès le milieu du XVIe siècle. Mais il faut attendre le rattachement de la principauté au Royaume de pour que débute véritablement l’industrie textile sedanaise. Les bouleversements de La main-d’œuvre textile en 1774 l’espace manufacturier liés à la mécanisation Travailleurs urbains Filature 1 152 Après la période troublée de la Tissage 360 Finition 1 994 Révolution, la draperie sedanaise Outillage 2 216 connut une reprise sous le Consulat et l’Empire. Deux personnages Main-d’œuvre urbaine 5 722 jouèrent un rôle essentiel dans cette renaissance, Abraham Poupart Travailleurs ruraux Filature 7 976 et Guillaume Ternaux, dont la Tissage 1 960 réussite coïncide avec la mécani- Finition 96 sation du travail du drap. La ville redevint, dès lors, une des capita- Main-d’œuvre rurale 10 032 les mondiales de la laine cardée, Total général 15 754 spécialité séculaire de Sedan. D’ailleurs, de nombreux fabricants d’une rare intensité. La draperie firent encore de belles affaires. sedanaise était alors le reflet d’as- Sous la Restauration et la mo- censions fulgurantes comme celle narchie de Juillet, l’activité fut de Laurent Cunin-Gridaine.

Filature Poupart à Mouzon (collection Costa de Beauregard)

Un privilège du roi Quatre ans après l’acquisition la fabrique sedanaise connut un de la place forte par Richelieu, formidable essor. De 1710 à 1780, un conseil d’État du Roi, daté la production de drap tripla. du 23 juin 1646, accorde à trois Après les Cadeau, d’autres ma- marchands parisiens le privilège nufacturiers reçurent les mêmes de fabriquer « certains draps noirs privilèges : Paignon au Dijonval en et de toute autre couleur, façon 1711, Rousseau aux Gros-Chiens, et manière d’ouvrer telle qu’elle Labauche et Poupart, tous deux se pratique en Hollande ». Après calvinistes, qui sont les figures avoir acquis des terrains dans de proue de la draperie sedanaise. les faubourgs du Rivage et de la Derrière ces manufacturiers pri- Cassine, Nicolas Cadeau fonde le vilégiés, deux catholiques et deux Dijonval, qui fut, jusqu’à l’expi- protestants, les entrepreneurs de ration du privilège, en 1666, la chacune des confessions se livraient seule manufacture royale de draps à une véritable compétition, qui fut La foulerie du Rivage fins dans le Royaume de France. un des moteurs de la draperie seda- La filature Ternaux à Lamécourt (collection particulière) (cliché F. Mansu) C’est surtout au XVIIIe siècle que naise au XVIIIe siècle. La manufacture sedanaise 29

Cunin-Gridaine (1778-1859) : l’ouvrier sedanais devenu ministre Belgique N

Laurent Cunin (Cunin tout court à monture s’emballa et qu’il chargea établissement rue de Bayle (au n° 9 [ l’époque) naquit à Sedan le 10 juillet seul l’ennemi, avouant bien plus vraisemblablement). Bouillon 1778 dans une famille modeste. Il tard qu’il avait eu crânement peur. En 1820, Étienne Gridaine se Charleville était le fils unique de Jean-Baptiste Mais surtout, il semble que notre retira des affaires et de la maison Cunin, commis à la manufacture personnage était myope et fut ré- qu’il avait fondée en 1774. Son Raulin. Malheureusement, il devint formé pour ce seul motif. gendre le remplaça à la tête de très vite orphelin et fut recueilli Rentré à Sedan, il rejoignit comme sa manufacture et s’associa avec par un de ses oncles. Il fréquenta commis la maison Étienne Gridaine son cousin germain, Jean-Baptiste l’école jusqu’à 13 ans puis entra une importante manufacture textile Bernard, fils de l’oncle qui l’avait en apprentissage chez un tanneur. de Sedan. Rapidement, il réussit à recueilli orphelin. En 1823, il ac- Jusque-là rien d’exceptionnel. conquérir l’estime et la confiance quit une partie des Gros-Chiens Lorsqu’il partit comme soldat, de son patron. Une telle confiance après le morcellement de l’ancien- Laurent avait une si belle écri- qu’en 1803, Laurent Cunin eut ne fabrique. La nouvelle maison, ture que le colonel le prit comme la bonne idée d’épouser la fille ainsi formée, obtint une médaille secrétaire. Mais il ne resta pas d’Étienne Gridaine ainsi que d’or à l’Exposition de 1823. En longtemps sous les drapeaux. son nom : il devint alors Laurent même temps qu’il développait sa On raconte qu’il était tellement Cunin-Gridaine. Il ne tarda pas à propre manufacture, il donnait une Fabriques 2000 mauvais cavalier, qu’un jour sa développer les affaires de la mai- remarquable impulsion à l’indus- Filatures 1000 Tissages son. Modernisant l’ancien établis- trie sedanaise. Dès cette époque 100 sement donnant sur le Promenoir il mena de front une autre carrière, Apprêts 10 10 Km des prêtres, en y installant une politique celle-là, qui le conduisit Autres machine à vapeur et des mécani- au ministère de l’Industrie et du L’espace manufacturier du Sedanais, à la fin du XIXe siècle ques, il fit construire un nouvel Commerce de 1840 à 1848. (auteur B. Lassaux) lorsque 3 500 tisseurs cessèrent le dustrie textile sedanaise perdait de Les belles années du Second Empire travail, n’y changea rien. Mais l’in- sa spécificité en abandonnant par- La réussite, de nombreux fabricants La fin du XIXe siècle se caractérise tiellement ses draps de haute qualité vont la connaître sous le Second par l’achèvement de l’industrialisa- et en introduisant dans sa fabrication Empire. Bacot, Bonjean, Bertèche, tion avec la mécanisation du tissage, des tissus bon marché. Montagnac… autant de noms qui désormais se concentre en ville. illustres qui firent la renommée des Chaque fabricant ne pouvant inves- La fi n du textile sedanais draps de Sedan. Avec l’introduction tir dans l’achat d’une machine à de la machine à vapeur dans les vapeur, se développe à Sedan la Le textile disparut du paysage usines et l’esprit d’affaires qui pratique de la location de locaux sedanais de façon progressive, animait alors les fabricants, un élan et de la force motrice. Des usines mais néanmoins brutale, après la euphorique plane sur la vieille cité « modernes » remplacèrent les grande crise de 1958. La dernière du drap. C’est dans ce contexte petits ateliers de tisseurs à la main entreprise ferma ses portes au qu’intervint la guerre de 1870, des villages environnants. La ville début des années 1990, laissant mettant un terme à ce bel essor draine alors la main-d’œuvre texti- derrière elle trois siècles et demi et inaugurant une série de crises le, encore marquée par ses origines d’histoire économique et sociale Cunin-Gridaine d’après Daumier qui ont marqué profondément rurales et son rejet de la discipline. Tissage mécanisé sedanaise écrite depuis le milieu du (Bibliothèque nationale de France) l’industrie textile sedanaise. L’ultime chouannerie de 1891, (Le Monde Illustré, 20 août 1922) XVIIe siècle. ATLASde Champagne-Ardenne 30 La ville de Sedan possède quelques beaux fleurons du patrimoine industriel régional. Il s’agit, pour la plupart, d’ensembles du XVIIIe siècle ou du début du siècle suivant, construits à l’époque où le drap de Sedan avait une renommée dépassant largement nos frontières. Le Dijonval Ce sont les « châteaux-usines », en 1755, comprend une centaine témoins d’une époque où l’archi- de fenêtres sculptées presque tou- tecture industrielle ne se distinguait tes différemment. Au sommet, un pas encore des grandes construc- campanile abritant l’horloge et la tions de prestige aristocratiques. Ce cloche servait à rythmer le travail. patrimoine exceptionnel, installé Ce bâtiment s’ouvre sur la rue par au pied du château forteresse le un grand portail et se prolonge, de plus étendu d’Europe, n’est pas chaque côté, par deux ailes indus- la moindre attraction du Sedan trielles en quart de cercle, cons- d’aujourd’hui. truites en 1778 et abritant chacune Le Dijonval est sans conteste le un bel escalier. Au fond de la cour plus majestueux et le plus em- avait été édifié le donjon vers 1660. blématique de tous ces édifices. Il servait de logis et comportait éga- Du premier Dijonval, construit à lement une chapelle, utilisée pour partir de 1646 par Cadeau, il ne l’encadrement moral des ouvriers. subsiste plus rien. Les bâtiments Derrière cette bâtisse, détruite en encore visibles aujourd’hui datent 1870, se situait un grand jardin, de la seconde moitié du XVIIIe encadré par deux pavillons d’angle. siècle, du temps des Paignon. Le Un ensemble de rames et de vergers plan Bacot de 1832 nous montre la complétait cet ensemble, on les uti- morphologie de cet ensemble hors lisait pour faire sécher les pièces de Le Dijonval côté cour (cliché F. Mansu) du commun. Le corps central, bâti draps produites.

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1. Manufacture des Gros-Chiens

2. Ensemble Cunin-Gridaine 9 8 3. Fabrique Simon et Jacquemart 7 4. Fabrique Jean Labauche 6 5. Maison Poupart 5 6. Fabrique Béchet 2 4 3 1 7. Fabrique Francourt 8. Ensemble de 3 fouleries 9. Manufacture rampe des Capucins Dijonval 10. Le Dijonval Plan du Dijonval en 1832, aussi appelé plan Bacot (DRAC Champagne-Ardenne) Circuit des anciennes manufactures (auteur B. Lassaux) Les châteaux-usines de Sedan 31

La manufacture des Gros-Chiens : le logis de 1629 (cliché F. Mansu) Vers 1820, les Bacot, nouveaux pro- En 1688, Denis Rousseau, écuyer priétaires des lieux, fi rent installer du roi, fi t édifi er une fabrique orga- une machine à vapeur, alimentant nisée autour de deux cours centrales, les ateliers qui avaient été entière- d’une superfi cie équivalente à celle ment remodelés pour pouvoir ac- du Dijonval de l’époque. cueillir les nouvelles machines. En Les bâtiments industriels entourant plus de la teinturerie, la manufacture les deux cours sont caractéristiques possédait trois fouleries, dont deux des manufactures textiles : de larges Le château de Montvillers, côté jardin (cliché F. Mansu) à l’extérieur de la ville, et une dé- La cour des têtes et les anciens graisserie, installée deux kilomètres passages, de nombreuses fenêtres, complir la fabrication des pièces de L’ensemble manufacturier fut dé- bâtiments industriels (cliché F. Mansu) plus loin. L’ancienne manufacture, des portes en plein cintre… Autant drap dans des conditions optimales mantelé en 1823. Il est aujourd’hui après plus de 300 ans d’activité, a d’éléments qui permettaient d’ac- de luminosité et d’espace. réhabilité en logements. définitivement fermé ses portes en Le château et la foulerie de Montvillers 1960. À ce jour, aucune solution de réhabilitation n’a été retenue. Les grands manufacturiers du sedanaise. Six ans plus tôt, Abra- me Guillaume Ternaux, s’était bâti XVIIIe siècle se devaient, pour ham Poupart, qui n’était pas encore un véritable empire manufacturier La manufacture honorer leur rang, de posséder anobli, avait fait l’acquisition d’une qui donnait de l’ouvrage à plus de des Gros-Chiens une « résidence d’été » digne de platinerie qu’il reconvertit en foule- 20 000 personnes. ce nom. En 1770, Jean Abraham rie. C’est près de cette « bergerie Alors que la plupart des usines de Poupart de Neufl ize fi t construire manufacturière » qu’il fi t construire Sedan sont des immeubles à étages, par Jallier, architecte du roi, le sa résidence d’été. Cet édifi ce fut du fait de la confi guration de la ville, château de Montvillers (près de la conservé en l’état, depuis le XVIIIe la manufacture des Gros-Chiens a commune de Bazeilles, à 3 kilomè- siècle jusqu’en 2000, date à laquel- été érigée à l’emplacement d’une tres de Sedan), pour lequel il dé- le le club de football local, évoluant petite académie militaire datant de boursa la somme de 200 000 livres en 1ère division nationale, racheta la l’époque de la principauté de Sedan. tournois, une véritable fortune. Sur propriété pour y installer son siège Le grand corps de logis donnant sur chacune des façades, fi gure une très social et des terrains de sport. De la rue fut construit en 1629, par un belle frise maçonnique marquant Sedan à Louviers, en passant par La foulerie de Montvillers maître de forges liégeois. l’appartenance de Poupart à la Loge Reims, Poupart de Neufl ize, com- (cliché F. Mansu) ATLASde Champagne-Ardenne 32 La manufacture du tapis au point de Sedan est la dernière entreprise du Sedanais à utiliser encore des métiers à tisser mécaniques. Elle occupe quatre ouvriers dans une ville où, en 1954, 17 entreprises Le tapis au point de Sedan totalisaient 2 215 ouvriers. À la fin du XIXe siècle, un Seda- nais, Monsieur Duquesne, fabri- cant de métiers à tisser, exporte ses machines vers l’Orient. Lors de ses voyages, il est conquis par les tapis noués à la main. Il essaie de mettre au point un métier à tisser capable de reproduire ce procédé mécani- quement. Il invente un système de fixation double de la laine en forme de huit, sur un canevas de lin : c’est le point de Sedan. Schéma du point de Sedan (Le Point de Sedan)

Métier au point de Sedan, détail (cliché C. Picot) La laine peignée vient de Nouvelle- Zélande, elle est teintée à Rou- baix. La composition d’un tapis exige 3 kg de fils de laine au m². Le client choisit le dessin parmi des modèles disponibles sur ca- talogue. Le dessin est « traduit » sur une carte perforée et l’ouvrier prépare le matériel selon le choix du client. Pendant trois semaines, il installe les bobines de lin et les bobines de laine sur le métier à tisser. Une fois tissé, le tapis est tondu et cardé. Les défauts de couleur ou les oublis de points sont repérés et rectifiés. Le tapis est ensuite recouvert d’une colle pour être rigidifié. Aujourd’hui, la question de la pé- rennité de l’entreprise se pose : il faut six à sept ans pour former un jeune et les ouvriers actuels seront Métier au point de Sedan, détail (cliché C. Picot) Tapis au point de Sedan, style Rouge Orient (collection Le Point de Sedan) bientôt à l’âge de la retraite. Point de Sedan, feutre de Mouzon 33

En 1880, Alfred Sommer, un En 1965, la part du feutre, qui re- L’innovation dans le textile : les Sommer à Mouzon Alsacien, fonde une manufacture du présentait 100 % de la production Près de la frontière belge, la petite Aujourd’hui, le musée du Feutre feutre à Mouzon, sur l’emplacement en 1954 passe à 12 %, contre 88 % ville de Mouzon a été le théâtre de de Mouzon, une structure unique de la filature créée par les pour les revêtements. En 1966, la l’ascencion fulgurante des usines en Europe, conserve la mémoire de en 1807. Il devient un des premiers société est cotée en bourse. fabricants d’Europe dans sa branche. de fabrication de feutre Sommer. ce patrimoine. Son fils Roger reconstruit l’usine Les belles années après les désastres de la Première Guerre mondiale et donne tout son En 1972, la firme a multiplié par 30 éclat à la production : les « thibaudes » son chiffre d’affaires par rapport à doublent les épaisseurs des tapis, le 1953 ; elle emploie 6 500 person- tapis feutré remplace la moquette, nes, dont 1 300 hors des frontières, les chaussons de feutre sont la et compte 26 filiales, dont 17 à spécialité de la marque. l’étranger. En 1985, elle s’implante dans la zone industrielle de Mouzon Une orientation déterminante pour la fabrication des aiguilletés d’automobile. Une nouvelle fois détruite par la guerre, l’usine redémarre en 1945, Un destin international avec à sa tête les trois frères François, Raymond et Pierre Sommer. Ils font Dans les années 1990, l’usine de le choix du feutre pour l’automobile Mouzon est séparée du groupe et et le bâtiment. devient « Le Feutre » puis « Le Étiquette publicitaire, années 1920 Les usines Sommer avant 1918 (collection Les Amis du vieux Mouzon) En 1950, est lancé le premier feutre Feutre SA ». En 2001, le groupe (collection Les Amis du vieux Mouzon) insonorisant pour l’automobile. En Sommer-Allibert ventile ses acti- 1953, est créé le Tapiflex, revê- vités autour de trois orientations : à l’équipementier Faurecia, leader tement de sol plastique constitué les revêtements, l’emballage et les européen (25 %) et 3e mondial sur d’une enduction vinylique, sur un équipements automobiles. Au début le marché des sièges automobiles. feutre jute aiguilleté, armé d’une de cette année-là, la société cède le Désormais, plus aucune entreprise toile et en 1959, le Tapisom, premier contrôle de son activité automobile ne porte le nom de Sommer. revêtement de sol aiguilleté entière- ment synthétique. En 1961, une usine est créée à Sedan pour la production de revêtements de sols et de murs.

Photographie de gauche Fabrication d’un édredon en feutre pour la sculpture Mon lit de Jean-Michel Choriel (réalisation musée du Feutre de Mouzon, 2003) Photographie de droite Création contemporaine à l’usine du Feutre SA (collection musée du Feutre Métier au point de Sedan, détail (cliché C. Picot) de Mouzon, 2004) 34 Bazancourt Reims Localisation des établissements dans la vallée de la Suippe (auteur J.-P. ) Ragonet N Poilcourt St-Masmes [ Isles-sur-Suippes Bétheniville Warmeriville Neuflize Pont-Faverger Rethel St-Hilaire-le-Petit Le déversoir de laSuippeàRethel(collectionJ.-P. Marby) moitié du XIX du moitié jusque-là d’eau cours anciens moulins à farine sont transformés. Au cours de la première des libéré a jalousement surveillés par la noblesse laïque et ecclésiastique. Les française Révolution La Suippe, oula laRetourne Vaux également. Suippes e siècle, l’ se couvre d’usines, ses affluents la affluents ses d’usines, couvre se l’Aisne siècle, retorderie delaine Tissage et Tissage 0 10 km t n uri dsié à accueillir à destinés ouvroir un et hospice un mari - naissance du de lieu Fouilly - à institue couple Le quatre- gratuitementvingtsenfants d’un mois à trois recevoirans. à lacrèche Hippolyte-Noiret, destinée Noiret-Chaigneau 1893 en fondent souvenirEndécédé, leurfilsde les successeur. son puis associé, son devint qui Martin, Edgard Oscar 1874,l’industriel avait Dès fait venir précocement.son quineveu 1864 mourra en naît fils Un textile. se il bourgeoisie la 1855, de dehors en marie en Rethel Paris. à à Arrivé vente de maison d’une jenny l’Amiénois de rattacheur, conducteur fut de d’ouvrier fils Ce epoé e ueu puis bureau, de employé , Octave-Hippolyte mull rr, ’néiu cvl parisien, Ernest Lacaille. En 1865, civil ils créent, l’ingénieur frère, beau- son à s’associe et l’affaire Fournival-Bourin reprendAuguste PaulReims. Heidsieckde avecles croisé mariage un même réalisant fortune tout au long du XIX travailde la laine. Elle consolide sa le dans spécialiséeFournival s’est président de la chambre consultative censeurBanquelade France,de de la chambre de de commerce vice-président de Sedan, de de général, conseiller de les maire, de occupefonctions Noiret rémoises, ou auxdynasties patronales rethéloises de basiliqueNeuvizy. la Bien que de n’appartenant décoration pas la interviennentet -pour madame de naissance de lieu - Louvergny de Rethel,reconstructionla l’églisede du de Notre-Dame diocésain collège l’agrandissement financent ils Reims, de catholiques archevêques des et milieux des l’ENS. Proche de sortant voyage élève un de pour bourse qu’une ainsi trenteanciens ouvriers ouvrièresou Depuis le XVIII le Depuis nival-Lacaille). (établissementferchemin de Four- devoie la de ouLainé), Giveletet routier(établissement Maquet, puis périphérie,en proximitéà d’unaxe développés sont se pôles D’autres Lessieux. et Duval fabriques les neau et Duval, et sur la terre ferme, Guéri- Fournival, établissements les Huot-Noiret-Choppin, filature la :établies barragesontautourdu usines quatre 1865, en Rethel, À ATLAS Noiret, unegranderetheloise figure e siècle, la famille la siècle, Un pôletextile important e siècle, de Champagne-Ardenne la Suippe. établissementscinqNeuflizeet sur l’Abbaye, l’usine de la veuve Paté à Signy- à façon à peignagesquatre broches), (10 000 Noiret et riville Warme- à broches) (30 000 frères établissements importants : Harmel occupée décrivent Allemands les tard, plus siècle de quart Un broches). (3 400 Poulet broches), Fournival-Lacaille (4 960 (7 780broches), Noiret l’usine tissagemécanique 140demétiers), un et filer à broches (1 900 djean textiles autour de l’Aisne établissements : la filature Gran- grands quatre conserve Rethel 1892, En patronale. villa élégante une par dominée et tissage un à associée rapidement àproximité de la gare, une filature, t e a rne éale ’r de l’Assistance d’or médaille publique… grande la de et d’honneur Légion il la de décoré est sénatoriales, aux malheureux Manufactures.desetArts Candidat Octave-Hippolyte Noiret (collection particulière) Is eonisn deux reconnaissent Ils . ’nuti e France en L’industrie Rethel et la vallée de la Suippe 35

même être interrompue en 1937. La manufacture occupait alors 120 à 130 ouvriers. Lors de la Bataille de Rethel en mai-juin 1940, les bâti- ments sont de nouveau touchés. Signe des temps et des difficultés du monde textile, la SARL Martin- Guillemin envisage sa reconversion dans la fabrication du papier et du carton sur le deuxième site, rue de Rome. L’autorisation de transfor- mation de la filature en papeterie- cartonnerie est accordée en juillet 1951. Une autre page industrielle est désormais tournée, une nouvelle aventure commence, le bruit de la filature s’est tu… La filature Martin-Guillemin au début du XXe siècle (Archives départementales des ) Les destructions irréversibles de la Première Guerre mondiale La filature devenue cartonnerie La filature dans les années 1920 Suite aux destructions liées à la Pre- (Archives départementales des Ardennes) Arrivé à Rethel en 1855, Octave soie. La qualité du travail est saluée mière Guerre mondiale, quelques Hippolyte Noiret entre au service lors de l’Exposition universelle de sites seulement redémarrent. Les de la filature Billet, un établissement Londres de 1862. Ces fils coûteux Lacaille, résidant à Paris, cèdent industriel né des conséquences de sont recherchés pour l’habillement leurs dommages de guerre de la rue la faillite Desmont-Faille de 1837. féminin, notamment par les fabri- du Quai. Les tissages mécaniques En 1840, Guérineau, négociant de cants saxons. Achille Berquet, installés dans les Poitiers, alors propriétaire, loue, bâtiments Fournival-Lacaille, près rue du Quai, deux filatures : l’une à La SARL Martin-Guillemin de la gare, se relèvent lentement : Fournival-fils et Altmayer, l’autre à 250 ouvriers y travaillent en 1922. Huot. L’usine de la Porte marinière En 1912, à la mort de Noiret L’ancienne usine Noiret, devenue est louée à la société Billet, Carabin sans héritier direct, Martin, le la filature Martin-Guillemin, se et Huot, puis au départ de Billet, la collaborateur, reçoit l’héritage redresse plus facilement. Ces deux location se fait au profit de la société avunculaire. Après les destructions entreprises développent, dès 1920, Huot, Noiret et Choppin. Progres- de 1914, le nouveau propriétaire des cités ouvrières. En 1939, l’usine sivement, Noiret dirige la filature commande, dès 1916, de nouvelles Lainé compte 120 ouvriers, 5 300 comme associé, puis comme seul machines. Son fils, René Martin, broches de filature et 204 métiers propriétaire. Rapidement, le site et son gendre, Henri Guillemin, re- à tisser. Au début des années 1950, hydraulique, aidé par la vapeur en prennent la direction des affaires à elle produit des flanelles et des laina- période d’étiage ou de hautes eaux, sa mort, survenue en octobre 1921. ges légers pour robes et manteaux. ne suffit plus. Des bâtiments sont Fin 1922, l’usine se compose de L’usine Martin-Guillemin se recon- La filature, devenue cartonnerie, dans les années 1950 construits, dès 1869, sur la terre 10 800 broches de filature et 8 000 vertit en cartonnerie au début des (Archives départementales des Ardennes) ferme, rue de Rome. L’usine compte broches de retordage. La filature années 1950, alors que le tissage 4 960 broches en 1892 et 10 500 de laine peignée voit sa production Lainé cesse ses activités. Les éta- la Retourne à Neuflize, la filature firme du Nord. Après la fermeture en 1914. L’établissement Noiret fluctuer au cours des années 1930. blissements Berquet ferment en est remise en action en 1923 avec de 1975, une expérience de salariés- s’est spécialisé dans le retordage, le Lors des années 1935-1936, elle 1965, repris pour une dizaine d’an- 120 ouvriers. En 1946, bâtiments actionnaires est tentée : la fermeture grillage et le mélange de laine et de diminue de 53 % ; l’activité doit nées par Innovatis. Plus au sud, sur et machines sont rachetés par une définitive a lieu deux ans plus tard. ATLASde Champagne-Ardenne 36 « Au commencement de ce siècle, il se fit à Reims une création, véritable événement industriel surtout pour le centre manufacturier dont cette ville est capitale. Ce fut la formation d’un nouveau tissu que l’on appela mérinos d’après le nom de la laine dont l’étoffe était composée ». Les « Trente Glorieuses » Un témoignage : J. Turgan, Les Grandes Usines, Paris, 1868. de l’industrie textile rémoise L’usine de peignage Holden (1848-1878) « Comme peignage de laines, La période faste du textile rémois il est peu d’établissements est due à toute une conjugaison aussi considérables que celui de facteurs. Le désenclavement de que MM. Holden possèdent à la région par le chemin de fer faci- Reims, et qui y est connu sous lite l’approvisionnement en houille le nom d’Usine des Anglais. La et augmente la production, par construction, d’une grande so- l’acheminement de balles de laine briété de détails, offre dans son importée. L’introduction des tech- ensemble un aspect réellement niques anglaises – l’usine géante imposant. Le peignage Holden de peignage Holden fonctionne en marche jour et nuit. 1854 – donne un coup de fouet à la Cet établissement dispose production. d’une force motrice de 800 Le marché national est désormais chevaux ; il consomme par accessible au-delà de Paris. Les jour 50 000 kilos de houille ; sa ventes passent de 66 à 153 millions production quotidienne est de de francs entre 1839 et 1878. 13 500 kilos de laine peignée ; Les industriels de Reims se distin- il emploie 1 200 ouvriers dont L’usine de peignage Holden 1868 (bibliothèque du CNAM) guent aux différentes expositions les salaires, totalisés pendant un universelles. Reims voit son paysa- an, s’élèvent à 1 200 000 francs ge se métamorphoser : des chemi- environ ; la dépense annuelle Les pionniers du renouveau textile rémois nées s’élèvent, des usines s’agran- de ces ouvriers au restaurant de dissent à l’intérieur du tissu urbain, l’usine est de 90 000 francs. Région de grande tradition lainière, quement. Si le nombre de métiers à les faubourgs sont jalonnés d’unités Enfin, - dernier détail qui achè- Reims transforme la laine des mou- bras augmente en proportion, le pei- de production, réalisées notamment vera de prouver l’importance tons mérinos parcourant les vastes gnage reste à la traîne. Peignée à la par l’architecte Alphonse Gosset, du peignage Holden - son ali- pacages de la Champagne. Jusque main, la laine est débarrassée de ses qui travaille aussi pour les négo- mentation nécessite en moyen- vers 1850, l’introduction de nou- dernières impuretés avec les dents ciants de Champagne. ne l’emploi de 30 000 kilos de veaux tissus et articles imprime de l’ouvrier. La mécanisation du Le nombre d’entreprises, à capi- laine brute par jour. » un nouvel essor au secteur lainier peignage débute à la fin des années taux familiaux surtout, augmente G. Le Guesnier, rémois. 1840. Enfin, le tissage mécanique dans toute la filière : industries Reims et le pays rémois en 1872 Les « articles de Reims », destinés démarre en même temps, mais pro- annexes comme l’apprêt et la au marché parisien et faits de laines gresse lentement. Une poignée d’en- teinture, la chimie pour le traite- peignées et de tissus légers, sont au trepreneurs, Ternaux, Jobert-Lucas, ment de la laine, le recyclage des nombre de 66 assortiments en 1839 : Croutelle, Gand, Lachapelle, entre déchets et la construction méca- châles, flanelles, tartans à manteaux, autres, mettent à l’essai machines nique. Les chefs d’entreprise sont gilets, bolivars pour chemises, tissus et procédés nouveaux. Cependant, persuadés que leurs débouchés, de confection pour dames. La le travail manuel à façon, en ville avec les tissus mérinos, sont assu- hausse de la demande entraîne un comme à la campagne, prédomine. rés. La confiance en la qualité des doublement du troupeau ovin et En 1839, cent mille travailleurs à articles de Reims incite à la routine Plan de situation de l’usine Holden. une transformation des méthodes de Reims et dans les environs sont et au manque de clairvoyance face La bibliothèque Holden La partie sombre en indique production. Dès les années 1810, la employés, le travail en usine restant aux changements inévitables de la réalisation sociale patronale l’emplacement (auteur D. McKee) laine commence à être filée mécani- exceptionnel. mode vestimentaire. (cliché D. McKee) La laine à Reims 37 Vie et mort d’une entreprise textile rémoise : Pierrard-Parpaite, père et fils.

Une maladie de langueur Constructeur de machines textiles et peigneur de laine, Jules Les manufacturiers rémois Pierrard-Parpaite (1808-1879) fonde, le 23 avril 1864, une 10,99 société en nom collectif avec ses deux fils, Eugène Pierrard- interminable 19,52 du textile Armengaud et Émile Pierrard-Bourlet. 9,24 et les noms de rue La grande grève de 1880 démarre 24 avril 1874 : Prorogation de la société, 2,58 jusqu’au 31 décembre 1880. chez Holden et touche tout le 2,06 secteur : les ouvriers réclament le « Cette société est au nom collectif pour tous les associés et 1,26 Pierre-Roland Benoist-Malot a pour but la construction de machines, la fonderie de fer, le raccourcissement de la journée de 3,29 (1780-1836) peignage, la filature et le tissage à la mécanique des laines travail. Les consommateurs récla- et généralement toutes les opérations qui comportent ces Pierre-Marie Buirette ment, quant à eux, des tissus moins industries » 51,06 (1784-1866) chers. Satisfaire la demande coûte- Siège social : 24, boulevard du Temple. Simon Dauphinot rait trop en investissements pour Le capital industriel reste propriété du père, l’usine se situant entre le boulevard du Temple (Lundy), la rue Coquebert et la 17 661 (1821-1889) beaucoup de lainiers et certains Laines et tissus rue de Savoye. Habillement et toilette 6 752 Le capital social de 700 000 F est à parts égales entre les Adolphe David d’entre eux liquident leur affaire. Bâtiment 3 802 associés. (1808-1849) Jusqu’à la Première Guerre mon- Alimentation 3199 diale, l’industrie lainière reste, à Eugène Desteuque 1878 : participation de l’entreprise à l’exposition universelle Métallurgie 895 Reims, la première en termes d’em- de Paris. Cuir 713 (1816-1896) ploi, mais le déclin rémois s’accé- 31 mars 1879 : décès de Jules Pierrard-Parpaite. Céramique et verrerie 423 Henri Gand lère avec l’arrêt de la production 18 juillet 1891 : liquidation de la société Pierrard Frères. Autres 1 141 Total 34 586 (1809-1873) et les destructions massives de la (Archives départementales de la Marne) Répartition de la population industrielle à Reims - 1891 Augustin-Hubert Gilbert guerre 1914-1918. (1806-1863) Une reconstruction lente et in- complète fait perdre des parts de Nicolas Henriot PEIGNAGE FILATURE FILATURE et TISSAGE FEUTRE et TEINTURES et marché. La crise économique des (1797-1833) TISSAGE DÉCHETS APPRÊTS années 1930 frappe le secteur : un Jonathan Holden métier sur deux s’arrête. 3 17 14 9 3 3 (1828-1906) 1370 1410 5475 760 250 1090 Joseph Jacquet (1811-1877) Filière de la laine à Reims et dans les environs - 1900 Pierre-Marie Jobert-Lucas (1766-1841) taller de nouvelles industries (mé- nécessite la construction de César Poulain tallurgie, sous-traitance automo- logements sur des terrains déblayés (1822-1886) bile) aux salaires bien plus attractifs de leurs bâtiments industriels. Jules Poullot que ceux du textile. L’ouverture du Perceptible dès la fin du XIXe siècle, (1835-1916) Marché commun expose Reims à la cette rénovation inexorable de concurrence étrangère. Une nou- l’espace urbain s’accélère pendant Victor Rogelet Villa Dauphinot à Cormontreuil (cliché D. McKee) velle consommation vestimentaire les années 1960-1970. Ne survivent (1814-1881) (tissus synthétiques ou mélangés, aux coups des démolisseurs que Louis Royer Après la Seconde Guerre mon- prêt-à-porter bon marché) fait des épaves : des cheminées çà et (1847-1931) diale, le nombre de salariés se baisser encore les commandes. là, quelques corps de bâtiments Guillaume Ternaux réduit comme peau de chagrin : réutilisés par la clinique Saint- de 5 000 en 1946 à 1 600 en 1960. Une désindustrialisation (1763-1860) éclair André ou les Régates rémoises. Les Barthélémy Villeminot-Huard Événement rarissime, l’entreprise Rémois ont perdu la trace visuelle Lelarge fête son centenaire en Avec le naufrage du textile, sombrent du passé industriel textile. Aux yeux (1805-1877) 1952 pour disparaître peu après. les traces de son activité. Les locaux du passant, il ne subsiste de cette Auguste Walbaum Le secteur lainier rémois n’a ni des usines textiles sont réaffectés aventure que certaines demeures (1819-1896) les moyens ni les hommes pour à d’autres usages : Arthur-Martin patronales, les noms de quelques Jules-Désiré Warnier-David s’adapter. La politique de décen- reprend une usine de peignage, rues, la bibliothèque Holden et pour La cheminée des anciennes usines (1826-1899) tralisation industrielle, lancée à la Sarlino emménage chez Walbaum. les curieux, les tombes de chefs Néouze, aujourd’hui Régates rémoises fin de la IVe République, voit s’ins- La croissance rapide de la population d’entreprise au cimetière du Nord. (cliché D. McKee) ATLASde Champagne-Ardenne 38 C’est à partir du milieu du XVIIIe siècle que la bonneterie au mé- tier se développe dans plusieurs régions du futur département de l’Aube : autour d’Arcis-sur-Aube, de Fontaine-les-Grès, d’Aix-en- Othe, de Romilly. Les grandes étapes d’une histoire prestigieuse Le centre historique de la bonneterie et l’utilisation de la force motrice auboise n’est pas Troyes mais Arcis- contribuent à favoriser le dévelop- sur-Aube, où les premiers métiers pement des fabriques, au détriment « à faire bas » apparaissent proba- des petits fabricants individuels. blement entre 1727 et 1730. L’initia- Bénéficiant de liaisons faciles par tive en revient au châtelain d’Arcis, le chemin de fer et les routes na- Pierre Grassin. Ce n’est qu’en 1746 tionales, Troyes devient le principal que les premiers métiers arrivent à centre de fabrication de bonneterie Troyes, à l’hôpital de la Trinité. Ini- dans l’Aube et en France, assurant tialement destinée à « employer les environ le tiers de la production et les malades valides », la nationale. manufacture de la Trinité connaît un En 1914, la bonneterie auboise re- rapide succès et doit embaucher des présente la moitié de la production ouvriers de l’extérieur. française, tant en effectifs qu’en À la veille de la Révolution, il y a chiffre d’affaires. environ 400 métiers dans la région Après la Première Guerre mondiale, d’Arcis, 500 à Troyes et environ 600 la bonneterie se décentralise dans dans les autres foyers de l’ouest du d’autres départements et en 1940, département. Troyes ne représente plus guère que La période révolutionnaire entrave 30 % de la production française. La quelque temps le développement ville conserve cependant toute son de la bonneterie, mais l’activité importance dans l’industrie de la reprend dès la Restauration et le maille puisque sur 350 établisse- nombre de métiers se multiplie. En ments de bonneterie dans l’Aube 1830, on en compte près de 8 000 en 1949, Troyes en concentre 195 dans l’ensemble du département. et son ancien faubourg savinien en e Métiers à tisser circulaires (musées d’Art et d’Histoire de Troyes, cliché J.-M. Protte) À partir du milieu du XIX siècle, compte 40. Aujourd’hui l’industrie le perfectionnement des machines n’est plus qu’un souvenir.

1 2 3 De l’atelier familial à l’usine textile, toute une typologie : le témoignage des cartes postales du début du XXe siècle La désindustrialisation a frappé durement. Ici, une usine en friche de Romilly (cliché D. Lebrun) (documents 1 et 2 : musées d’Art et d’Histoire de Troyes, cliché J.-M. Protte ; document 3 : Archives départementales de l’Aube) La bonneterie auboise 39

Plancy Romilly Arcis-sur-Aube Méry 1727 / 1730 Fontaine-les-Grès

Troyes 1746 pays d’Othe

Avant 1830 Date d’apparition des premiers métiers à tisser dans les villes depuis lesquelles se développe la bonneterie, en direction des campagnes auboises

Romilly et environs Arcis et environs (1 176) (2 250)

Troyes et environs (3 263) pays d’Othe (2 603)

1881 Nombre d’ouvriers des fabriques cotonnières et d’industries dérivées

Romilly et environs (2 000) Arcis et environs (691)

Fontaine-les-Grès Marigny-le-Châtel (644) Troyes et environs (12 631) pays d’Othe (725)

1914 Effectifs pour chaque centre (usines et ateliers)

La désindustrialisation a frappé durement. Ici, une usine en friche de Romilly (cliché D. Lebrun) Évolution des implantations de la bonneterie dans l’Aube (auteur J.-L. Humbert) ATLASde Champagne-Ardenne 40 L’histoire de la bonneterie auboise est d’abord celle d’une longue et bénéfique confrontation entre les hommes et les machines, dans le cadre domestique puis dans celui de l’atelier e et de l’usine. Il s’éclaire, à la fin du XIX siècle, gants, des bonnets ainsi que des avec une lampe à pétrole, et une sous-vêtements. boule remplie d’eau, au-dessus Le bonnetier à domicile a caractérisé de lui, sert à concentrer la lumière pendant longtemps l’industrie troyen- et produit un effet de loupe sur le ne et a donné son caractère à la ville, travail en cours. Souvent installé à travers la prolifération de petites dans une pièce qui sert à la fois de maisonnettes disposant souvent d’un cuisine, de chambre à coucher et atelier contigu. Il a aussi contribué à d’atelier, ce métier peu encombrant former le caractère d’une population permet de fabriquer des bas, des dynamique et entreprenante.

Une mécanisation originale Avec le XIXe siècle, une série d’in- à l’ingéniosité de quelques mécani- ventions, dues pour la plupart à des ciens, qui ont construit des métiers Troyens, va transformer l’industrie nouveaux, comme le métier-chaîne de la maille. En effet, à côté des et le métier circulaire, ou qui ont deux grands types de métiers qui perfectionné des machines existan- sont utilisés dans l’industrie de la tes, d’origine anglaise ou allemande, maille, les métiers rectilignes et les afin de les rendre plus performantes métiers circulaires, tous les deux et mieux adaptées aux besoins de la d’invention anglaise, il existe une production locale. Ouvriers mécani- quantité de variantes, issues des ciens, ces hommes sont en général améliorations apportées le plus d’origines modestes. souvent par de simples artisans ou des techniciens avertis. Hérités du métier Lee, les rectilignes ne subissent aucune modification importante jusqu’en 1830. À partir de cette date, les mécaniciens inven- teurs troyens vont modifier le métier initial. En brevetant, en 1834, une mécanique à diminuer automatique- Reconstitution d’un atelier de bonnetier à domicile à la fin du XIXe siècle (musées d’Art et d’Histoire de Troyes, cliché J.-M. Protte) ment les bas, le Troyen Delarothière ouvre la voie à la conception des mé- tiers automatiques. Son ingénieux Inventé en Angleterre en 1863, Le bonnetier à domicile système sera repris sur les métiers importé dans l’Aube en 1879 et L’activité textile s’impose à la fin de la bonneterie, qui utilise d’abord et au pied à l’aide de pédales, sera modernes. D’autres améliorations perfectionné par les mécaniciens troyens, le métier Cotton est entiè- du Moyen Âge, dans le contexte la laine locale, puis à partir de la fin utilisé en bonneterie jusque dans les techniques suivront, notamment rement automatique et peut tricoter des foires de Champagne, où la du XVIIIe siècle, du coton. années 1830. avec Linard, qui imagine en 1879 simultanément plusieurs pièces. Ce ville de Troyes, en tant que nœud Le premier métier à tricoter est Les musées d’Art et d’Histoire de un métier rectiligne automatique à métier à têtes multiples (4,6,8 puis de communications, joue un rôle vraisemblablement inventé en Troyes ont reconstitué un atelier production rapide, quelle que soit la 12) contribue largement à faire pas- ser la bonneterie auboise à l’âge de déterminant. La qualité des eaux de 1589, par l’Anglais William Lee. Il de bonnetier à domicile. L’artisan forme du vêtement. la grande industrie. l’Aube, la nécessité de ressources connaît une remarquable diffusion travaille sur un métier de type Lee, Vers 1900, l’essor industriel de la complémentaires dans une région dans les villes et les campagnes qui comporte une mécanique en ville de Troyes, alors considérée Le métier Cotton rurale difficile mais où l’élevage autour de Troyes. Ce type de ma- fer forgé et un bâti en bois, appelé comme la « capitale de la bonneterie (musées d’Art et d’Histoire de Troyes, est présent, expliquent la diffusion chine, qui se manœuvrait à la main « petit métier français ». française », est dû, en grande partie, cliché J.-M. Protte) Des hommes, des machines 41

Comment fonctionne Par un autre mouvement horizon- atteint une renommée mondiale. un métier à tricoter tal des platines, le fil est avancé La reconstitution d’un atelier arti- sous le bec. Une roue presse sur les sanal de bonnetier de la fin du XIXe Ces métiers fonctionnent selon becs et les ferme pour permettre le le même principe : les parties es- siècle, la présentation de nombreux dégagement de l’ancienne maille métiers à tricoter et de machines sentielles sont les aiguilles et les par dessus les becs fermés. C’est platines, dont l’agencement diffère auxiliaires (bobinoirs, remmailleu- « l’abattage » des mailles. Les ses servant à l’assemblage maille selon les métiers. différents organes reprennent alors Dans les métiers rectilignes, à maille des différentes parties leurs positions initiales. d’un article tricoté, machines à aiguilles et platines sont disposées Dans les métiers circulaires, parallèlement. De l’espacement coudre) illustrent l’évolution des le principe est le même, mais e des aiguilles dépend la finesse et techniques, depuis le XVIII siècle aiguilles et platines sont disposées jusqu’à une époque récente. le serré du tricot. Le fil à tricoter autour d’un plateau circulaire. est entraîné automatiquement sur Les bas en soie perlés, brodés ou in- les aiguilles. Par un mouvement, Le talent des crustés de dentelle, les bas de coton, les platines appuient sur le fil et le mécaniciens-inventeurs les chaussettes, bonnets et gants, la forcent ainsi à entrer dans les espa- troyens lingerie et les vêtements d’enfants ces vides qui séparent les aiguilles. Par son origine sociale et sa for- Emmanuel Buxtorf témoignent de la variété de la pro- Bas de soie incrustés et brodés C’est l’opération du « cueillage ». mation, Emmanuel Buxtorf ne (musées d’Art et d’Histoire de Troyes, duction locale et de l’évolution de (musées d’Art et d’Histoire de Troyes, e cliché J.-M. Protte) peut être assimilé à ces modestes cliché J.-M. Protte) la mode depuis le XIX siècle. inventeurs troyens, mais sa trajec- Lebocey, qui deviendront au XXe toire personnelle est néanmoins siècle une des entreprises les plus représentative. compétentes dans le domaine de la Né en 1823 à Saint-Martin-ès-Vignes, construction des métiers circulai- commune indépendante de Troyes res et de la fabrication des aiguilles jusqu’en 1855, il fit des études et platines. techniques à Troyes et à Sens. En 1853, il fonde un atelier de cons- Le musée de la Bonneterie truction pour métiers circulaires à Troyes et machines annexes. En quarante ans, il dépose 39 brevets se rappor- Unique dans le monde par la tant aux métiers de la bonneterie richesse de ses collections, ce et aux machines auxiliaires, telles musée permet de comprendre que bobinoirs, remmailleuses, l’importance du rôle économique couseuses. Il connaît, en 1888, son et social qu’a joué, à Troyes, pen- plus grand succès avec l’invention dant plus d’un siècle, l’industrie du Jacquard électrique. de la maille. Les machines, les Avec les pionniers du circulaire Emmanuel Buxtorf est également articles tricotés et les documents (Jacquin, Gillet, Berthelot, dont célèbre pour avoir été le principal présentés relatant l’évolution de certains métiers sont présentés au musée de la bonneterie), Troyes fondateur de l’École française de cette activité textile depuis 1750, peut être considérée comme le bonneterie. permettent de comprendre com- berceau de cette nouvelle tech- Sa fonction de maire de Troyes, ment, grâce au rôle essentiel des nique, qui prend, dès 1860, une en 1870, lui valut une déportation inventeurs et constructeurs aubois place dominante dans la produc- dans le perfectionnement des tion des articles tricotés. comme otage dans la forteresse de Mayence. Il meurt à Troyes en différents métiers inventés par les Le métier circulaire 1904. Auparavant, il avait vendu Anglais, Troyes devient la capitale Publicités Petit-Bateau des années 1930 (musées d’Art et d’Histoire de Troyes, ses ateliers à Georges Lebocey, de la bonneterie française, dans la (musées d’Art et d’Histoire de Troyes, cliché J.-M. Protte) fondateur des Établissements seconde moitié du XIXe siècle et cliché J.-M. Protte) ATLASde Champagne-Ardenne 42 Cet Indicateur des principaux établissements industriels et des monuments publics de Troyes date de la fin du XIXe siècle. On peut y repérer les grands noms de la bonneterie troyenne : Mauchauffée, Bonbon, Poron, Delostal, Société générale de Bonneterie, Joffroy (future SIB) 1. Georges Douine, filature et teinturerie 2. Société générale de Bonneterie 3. Bollot, Jacob et Cornuel, fabrique de bonneterie 1 4. Société Anonyme de Filatures de Schappe 5. Usine Henri Quinquarlet, fabrique de bonneterie 2 6. Moreau et Fils, fabrique de bonneterie 7. Ernest Dupont, filature de cotons de couleurs 4 8. Vitoux-Derrey, fabrique de bonneterie 3 9. René Rigoley, tissage ou presse mécanique, ceintures et cache-nez 5 10. Louis Godard, fabrique d’aiguilles et platines, construction de bicyclettes 7 11. Caisse d’épargne 6 12. Léon Gobinot, teinturerie de cotons 8 13. Poron Fils, fabrique de bonneterie 14. A. Roizard, fabrique de bonneterie 9 15. Paul Raguet et Cie, fabrique de bonneterie 10 16. Thevenot et Finet, filature de cotons teints 17. Gare 11 18. Comptoir d’escompte de l’Aube, Buxtorf Koecklin 19. Herbin Frères, fabrique de bonneterie 12 20. Halle de la Bonneterie 13 21. Joffroy Damoiseau et Huot, fabrique de bonneterie 14 22. Doue et Lamotte, manufacture de bonneterie 16 23. Mathieu et Cie, teinturerie de cotons et de laines 15 24. Chéron, fabrique de bonneterie 18 25. Lange, fabrique de bonneterie 17 20 21 23 26. Bonbon, fabrique de bonneterie 24 25 19 27. Paul Ravalée, fabrique de chaussons 22 28. Petie-Desplanche, manufacture de bonneterie circulaire 26 32 29. Mauchauffée, fabrique de bonneterie 27 29 30 30. Maurice Gillier, fabrique de bonneterie 28 31 31. Mannequin Fils, ateliers de construction 33 37 32. Charles Dutreix, fabrique de bonneterie 35 36 33. Leclanché Fils et Frères, fabrique de registres 34 34. Oscar Hirlet, fabrique de bonneterie 38 39 35. Delostal Frères, fabrique de bonneterie 36. Regley et Fiols et Cie, manufacture de bonneterie 37. J.-B. Lions, fabrique de bonneterie 38. Rabanis et Champrenault, fabrique de bonneterie 39. Pienat Ainé et Flogny, fabrique de bonneterie Indicateur du textile, fin du XIXe siècle (collection particulière)

Le paysage urbain troyen composés de nombreux petits ate- dents de scie, et parfois la présence libres des faubourgs, au-delà des ques ont été recensées. Cette évo- liers et de quelques grandes unités. d’une haute cheminée de brique, anciens remparts. Cette ceinture lution profite tout particulièrement Le paysage urbain troyen nous don- Les petits ateliers de façonniers, les usines de bonneterie, construi- industrielle, qui se constitue autour aux communes périphériques, sur- ne encore la possibilité d’observer lieu de travail et d’habitation pour tes à partir de 1880, témoignent de du « bouchon de champagne », est tout à Sainte-Savine, au-delà de la de nombreux bâtiments témoins du l’artisan bonnetier, ont la plupart la concentration de la production déjà en place en 1900, comme le gare ferroviaire, où s’entremêlent glorieux passé industriel de la cité. du temps disparu ou se sont noyés qui s’opère entre 1870 et 1914. montre l’Indicateur des principaux étroitement les usines, les ateliers Ce bâti industriel atteste de la dans le tissu urbain. Facilement re- Faute de pouvoir s’installer dans établissements industriels et des et les maisons destinées aux clas- multiplicité et de la dualité des pérables par leur taille, leurs sheds, la vieille ville, les nouvelles usi- monuments publics de Troyes, sur ses moyennes comme celles de la lieux de production de bonneterie, toits caractéristiques au profil en nes se construisent sur les terrains lequel trente neuf grandes fabri- Villa Rothier. La bonneterie troyenne 43

1 2 3 4

Façade des établissements situés rue Benoît-Malon à Sainte-Savine, 5 usine de bonneterie construite à la fin du XIXe siècle (cliché J.-P. Hauty) 6

1 - Société générale de Bonneterie 2 - Garage Ford 7 3 - Garage Renault 4 - Usines de bonneterie dont Poron, non démolies en 1991, aujourd’hui 8 10 Ciné City et parkings 5 - Espace Belgrand, magasins de vente 2005 6 - Logements (Joffroy Damoiseau puis SIB) 7 - Regley 9 8 - Lebocey 9 - Bonbon 11 10 - Mauchauffée 11 - Devanlay 12 12 - Delostal 13 - Journé-Lefevre 13

Les îlots industriels hérités de la bonneterie : photo aérienne du « bouchon » (Ville de Troyes, cliché D. Le Nevé) Beaucoup de ces bâtiments sont usiniers abritent toujours des ac- alors que d’autres sont en attente encore très visibles aujourd’hui. tivités industrielles ; certains sont d’une réhabilitation ou d’une mort Bâtiments industriels des années 1870, situés rue des bas-Trévois : d’abord Quelques-uns de ces anciens sites devenus logements ou bureaux, définitive. filature puis usine de bonneterie Absorba-Poron (cliché J.-P. Hauty) ATLASde Champagne-Ardenne 44 Dès le XVe siècle, on trouve la trace de tanneurs installés au pied du château de Chaumont. Au XVIIIe siècle, on recense 30 gantiers travaillant dans de petits ateliers artisanaux. À la fin du XIXe siècle, 58 % de la population locale vivait de l’industrie du gant.

Vue de la maison Tréfousse, près de la préfecture à Chaumont (Archives départementales de la Haute-Marne) L’entreprise Tréfousse emploie très 47 ateliers, pour fabriquer un gant. vite plus de 150 ouvriers. Elle démé- La productivité est donc multipliée, nage plusieurs fois, chassée par les la main-d’œuvre, composée surtout riverains mécontents des mauvaises de femmes, est moins coûteuse car Vue d’ensemble de la ganterie Tréfousse à la fin du XIXe siècle (Archives départementales de la Haute-Marne) odeurs de la mégisserie, puis se fixe moins qualifiée. définitivement avenue des États- Unis, vers 1855. Elle donne du N

L’œuvre d’un homme travail à près de 4 800 personnes en [ 2 La « Fabrique » - ainsi nommait-on 1874, et couvre 21 160 m en 1880. a l’usine - doit beaucoup à la per- Grâce à des capitaux et des alliances sonnalité de son fondateur. Jules familiales, l’usine englobe vite les Tréfousse (1809-1894), parfois autres petites ganteries existantes. orthographié Dreyfus, était un juif Une usine moderne originaire de Lunéville. Il y reçut une formation théorique et pratique La « Fabrique » se veut novatrice, de gantier, puis partit s’installer à rationnelle, à l’affût de toutes les in- Chaumont en 1829. Les raisons de novations techniques d’une époque cette implantation restent obscures. qui n’en manquait pas. Éclairage au On sait néanmoins que sa famille gaz, machines à vapeur et pompes à avait des amis à Crenay et que la eau, Jules Tréfousse organise et dé- préfecture de la Haute-Marne comp- veloppe une entreprise moderne et tait quelques ouvriers gantiers quali- modèle, seule et unique ganterie de fiés. Mis à part cela, rien ne semble ce type dans le monde entier ! Loin justifier ce choix : pas d’élevage des traditions artisanales de Millau caprin, une eau trop calcaire pour les ou de Grenoble, il rompt avec le peaux, une ville située hors des flux système et divise les étapes de fa- Dépôts et ateliers L’atelier d’expédition, photographie fin XIXe - début XXe siècle commerciaux et pas de communauté brication entre plusieurs ouvriers : il de l’entreprise Tréfousse, 1939-1957 (musée de Chaumont, cliché R. Pelletier) israélite. faut 219 manipulations, réparties en (auteur : A. Lagille-Dutard) La ganterie de Chaumont 45

Un produit de luxe...... dont le marché s’effondre Le « gant Tréfousse » est pourtant Les effectifs de la ganterie varient un objet de luxe : sa qualité n’est pas énormément selon les années et les sacrifiée et sa réputation affirmée saisons. Il faut aussi distinguer les justifie son prix. ouvriers de l’usine des ouvrières Priorité est également donnée à la à domicile. La main-d’œuvre est commercialisation. Dès 1855, l’usi- recrutée sur place, à l’exception ne Tréfousse se tourne d’ores et déjà de quelques Grenoblois et Milla- vers les États-Unis pour exporter vois. En 1874, on mentionne ses produits. On insiste sur l’image indistinctement 6 000 employés ; de raffinement et de modernité entre 1880 et 1890, 900 ouvriers que véhicule le luxueux catalogue à l’usine et 4 600 couseuses. Au bilingue français-anglais. Les gants XXe siècle, la tendance s’inverse : Tréfousse sont vendus sur tous les la mécanisation fait s’effondrer les continents. Les ouvriers utilisent des effectifs. matières premières importées com- La crise économique de 1929 me les œufs de Turquie, les peaux de frappe de plein fouet la ganterie et Chine, du Brésil et fournissent les sa clientèle américaine : seulement cours royales européennes. 800 ouvriers et ouvrières en ate- liers, et entre 400 et 500 à domici- le, sont employés en 1934. Il existe Les vestiges actuels de l’usine Tréfousse, devenus centre commercial (cliché T. Guyenet) parallèlement de petits ateliers de couture dans les villages autour de reste proche du monde ouvrier : les propriétaires et le personnel se Un rapide déclin les problèmes se règlent à l’usine distendent. La direction est confiée Chaumont. La Seconde Guerre mondiale dé- et ne s’ébruitent pas à l’extérieur ! à un administrateur. Les Tréfousse sorganise la ganterie. Les charges Le paternalisme Il organise des caisses de secours, s’éloignent de Chaumont, à sociales sont de plus en plus lour- en action met en place des aides réservées l’exception de Georges Levy- des, les barrières douanières gênent au personnel en difficulté. Cepen- Les revendications ouvrières res- Alphandery (mari de la petite fille les exportations, la concurrence se dant, les ouvrières à domicile ne tent modérées et les grèves peu adoptive de Jules Tréfousse). renforce (Mexique, Argentine…) bénéficient d’aucun de ces avanta- fréquentes, contrairement à Millau Ces trois hommes occupèrent, et, surtout, le gant n’est plus à la ges, comme dans les autres centres ou à Annonay. Le syndicalisme est presque sans discontinuité, la mode ! L’entreprise Tréfousse est gantiers de l’hexagone. La gante- tardif, autorisé en 1884, la pre- fonction de maire de la ville. Cet alors vendue à des gantiers de rie forme alors un bloc uni face à mière organisation syndicale est état de fait faisait dire aux oppo- Grenoble et de Saint-Junien (87) « la bonne société chaumontaise », créée en 1891. Fortement influen- sants que Chaumont n’avait « pas et prend le nom de « Chaumont qui se méfie quelque peu de cette cés par un esprit corporatiste, les un conseil municipal mais un con- France ». La ganterie ferme défi- différents syndicats défendent pied fabrique. seil de fabrique ». On disait aussi nitivement ses portes en 1973. Ses à pied leurs adhérents et fondent, Patrons et maires que la municipalité s’opposait à ateliers sont en partie détruits, tout en 1894, une coopérative ouvrière. l’implantation d’autres entreprises comme ses archives. Les femmes sont en retrait et ne Le successeur de Jules Tréfousse, pour mieux garder le contrôle de la Aujourd’hui, ne subsiste qu’une se regroupent pas avant 1902. Le Émile Goguenheim, continue cité. Il est clair que la confusion cheminée, entourée de quelques paternalisme du patronat limite les d’œuvrer avec ce même esprit des genres était totale. Est-ce pour bâtiments qui rappellent le passé conflits internes. Jules Tréfousse, républicain, laïc et patriote. cela que, durant l’affaire Dreyfus ouvrier de la préfecture haut-mar- Pièce de la ganterie, vers 1950 homme engagé, hostile au Second Mais après la Première Guerre et dans les années 1930, on perçoit naise, et l’histoire d’une famille (musée de Chaumont, cliché R. Pelletier) Empire, se méfie des préfets et mondiale, les liens étroits entre aussi des critiques antisémites ? d’entrepreneurs.