LE PAYS VOIRONNAIS IL A ETE TIRE DE CET OUVRAGE, A , SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE ALLIER, 300 EXEMPLAIRES SUR VELIN PUR FIL LAFUMA, NUMEROTES DE 1 à 300, QUI CONSTITUENT L'EDITION ORIGINALE. Georges FAUCHON

LE PAYS VOIRONNAIS . . Saint-Julien-de-Ratz Saint -Etienne- de -Crossey . Saint-Aupre Saint - Nicolas-de- Macherin . . Saint - Cassien

Préface de M. Robert AVEZOU

ÉDITIONS DES CAHIERS DE L'ALPE COLLECTION « HISTOIRE RÉGIONALE » publiée par la Société des Écrivains Dauphinois -MONTFLEURY

PRÉFACE

Avec le lyrisme propre aux émules de Rousseau, le pré- romantique abbé Pollin, chantre du hameau de VAgnêlas où il a longtemps séjourné, a célébré les beautés naturelles du Voironnais aux gracieux coteaux « semblables à ceux des isles Boromées », mais à part quelques parenthèses historiques, notam- ment au sujet des frères Paris, il n'y a que littérature dans ses écrits, au demeurant bien agréables à parcourir, si l'on veut imaginer ce que pouvaient être à la fin du XVIIIe siècle ces campagnes dauphinoises proches des grandes villes dont l'inévi- table Progrès devait tant de nos jours défigurer l'aspect. Une conspiration contre nos paysages, n'a pas craint d'affirmer un doyen honoraire de la Faculté des Sciences de Grenoble. Comme il a eu raison de lancer ce cri d'alarme ! La conspiration pour le moment semble épargner ce Pays Voironnais dont M. Georges Fauchon nous raconte aujourd'hui l'histoire, commune par commune, en adoptant le cadre du canton de Voir on, enrichi de la portion limitrophe de celui de Rives comprenant La Murette, Réaumont et Saint-Cassien. Avec un si consciencieux et savant guide, le lecteur fera un instructif voyage, à la fois dans le présent et dans le passé. Nos contem- porains ont été interrogés sur place par les soins de ce vigilant enquêteur, amoureux fervent du beau terroir que domine la montagne de Vouise, au pied de laquelle l'industrieuse poursuit remarquablement son actuelle expansion, après de longues années durant lesquelles elle avait semblé sommeiller M. Fauchon a fait aussi parler les documents anciens, a utilisé judicieusement une bibliographie locale déjà abondante, et il donne de chacune de ces communautés du Voironnais, peuplant la zone frontière où jusqu'en 1355 dauphins et comtes de Savoie s'épiaient avec hostilité, un tableau d'histoire très complet et vivant, permettant au profane de se familiariser avec des pro- blèmes territoriaux fort compliqués à l'origine, lorsque le comté de Salmorenc (Sermorens) était une pomme de discorde entre les évêques de Grenoble et les archevêques de Vienne et que les comtes de Savoie, par la surveillance exercée dans leurs châteaux de Tolvon et de Voiron même, faisaient régner l'insé- curité et l'alarme dans la vallée de l'Isère toute proche. De Chirens à l'abri des ruines de sa vieille tour de Clermont, point septentrional du périple auquel nous convie M. Fauchon, à La Buis se dont l'église à la belle flèche de pierre couronne un village qui, par une grâce exceptionnelle, n'a pas encore perdu son cachet, « Le Pays Voironnais » consacre ses chapitres tour à tour à Coublevie l'ensoleillée, à Saint-Etienne-de-Crossey, plus sévère porte de la Chartreuse, à Réaumont dont le chemin de fer du second Empire fit disparaître les tours primitives pour la percée d'un tunnel, au château de la Brunerie ceint de son immense parc, et à tant d'autres coins trop peu connus (les deux Saint. Aupre ou Saint-Nicolas-de-Macherin par exemple) de cette contrée si amène, heureux bocage qui donne au voyageur descendu des terres froides déjà l'avant-goût des cieux méridionaux. M. Fauchon n'a pas oublié la capitale de son Voironnais, mais il n'a pas marché sur les brisées de ses prédécesseurs, le Dr Tête et plus récemment Louis Cortès, qui ont attaché leurs noms à des histoires de la ville. Il a limité son étude urbaine aux deux églises typiques de Voiron, la très antique Saint-Pierre qui garde des parties carolingiennes, et Saint-Bruno la cartusienne que ses concitoyens appellent « la Cathédrale » et dont il est le talentueux et sensible organiste. Depuis quelques années un regain d'intérêt se manifeste en Dauphiné autour de la publication des Monographies de villes et de villages ; le succès obtenu en accélère le rythme ; il ne pourra, j'en suis sûr, qu'être renforcé par la sortie de ce nouveau livre., qui honore les qualités scrupuleuses et solides d'un chercheur aux mérites rendus plus grands encore par le lourd tribut qu'il a payé dans sa personne au cours de la Première Guerre mondiale. R. AVEZOU, Directeur du Service d'Archives du Département de l'Isère. INTRODUCTION

Les Editions des Cahiers de l'Alipe de la Société des Ecri- vains Dauphinois rassemblent dans ce volume des études déjà parues en partie, année après année, dans les colonnes du journal le Dauphiné libéré, chacune de ces études étant consacrée à une commune du canton de Voiron ou des environs immédiats. J'aurais pu reprendre l'ensemble de ce travail pour lui donner plus d'unité. J'ai préféré le faire précéder d'un chapitre liminaire analysant les circonstances historiques qui ont finale- ment motivé la formation du canton de Voiron et des cantons voisins, quitte à revenir sur ces événements chaque fois que cela était nécessaire pour conserver à chaque commune sa personnalité. Une blessure datant de la guerre 1914-18 ne m'avant plus permis par la suite de lire par moi-même une seule ligne d'un texte imprimé ou manuscrit, il m'a faMu faire appel à des collabo- rateurs tous aussi dévoués que désintéressés à qui j'exprime ici ma vive gratitude. Pour moi je dédie ce travail à mon pays natal à la manière d'un poème. Puisse-t-il, selon le vieil adage, « en le faisant mieux connaître, le faire mieux comprendre et partant mieux aimer ». Voiron, le 15 octobre 1967.

Georges FAUCHON, Officier de la Légion d'honneur, Titulaire du Mérite Diocésain, Organiste de St-Bruno de Voiron, Membre associé de l'Académie Delphinale.

CHAPITRE PREMIER

Formation du canton de Voiron

Le canton de Voiron et les anciens mandements. Le canton de Voiron occupe maintenant une superficie de 15 177 hectares. Il n'en fut pas toujours ainsi car, lorsqu'il fut créé comme tous les cantons et communes de par un décret de l'Assemblée Nationale en date du 9 janvier 1790, il ne comprenait que les communes de Voiron, Coublevie, La Buisse, St-Etienne-de-Crossey, St-Aupre et St-NicoHas-de-Macherin. Le Consulat, modifiant l'administration à peine rodée issue des Assemblées révolutionnaires, allait supprimer plus de la moi- tié des cantons alors existants. Ceux du département de l'Isère furent ramenés de 91 à 45. C'est ainsi que le canton de Saint- LaUJrent-du-Pont ayant fusionné avec celui de Chartreuse, Saint- J uilien-de- Ratz lui fut ôté et incorporé à Voiron. Le canton de ayant également disparu, les commu- nes de Voreppe et de Pommiers furent rattachées à Voiron le 9 brumaire de l'an X ; au début du second Empire il fut question de le rétablir, il aurait alors compris La Buisse, mais les municipalités voisines émirent un vote défavorable. La délibé- ration de Coublevie, en date du 23 juillet 1855, fut particulière- ment éloquente, les conseillers faisant ressortir que les habitants se refusaient d'être séparés de ceux de La Buisse avec qui ils entretenaient depuis si longtemps des rapports extrêmement cor- diaux. Nous n'engloberons cependant pas Voreppe dans cette étude, non à cause de son éloignement relatif de Voiron, mais parce que c'est un grand pays qui a déjà fait l'objet de plusieurs excellentes études. Chirens, d'abord canton, fut réuni en 1806 à Voiron, à la demande expresse de ses habitants ; nous adjoindrons à son étude celles de La Murette et de St-Cassien, communes limitrophes qui, bien qu'appartenant au canton de Rives, continuent comme par le passé à partager des problèmes communs avec Voiron. Les Assemblées révolutionnaires, tout en voulant faire du nouveau, durent néanmoins tenir compte de ce qui existait ; elles firent donc reposer l'Administration sur la plus petite unité collective : la paroisse, qui devint la commune. L'ancienne paroisse était d'abord et avant tout une circonscription religieuse, mais les paroissiens se réunissaient parfois à l'église en « assem- blées paroissialles » ou « de la communauté paroissiale » pour discuter de leurs intérêts immédiats d'ailleurs fort réduits ; ils étaient donc tout préparés à constituer des municipalités ayant des initiatives et des responsabilités bien plus grandes. Les paroisses étaient groupées en « mandement », ce mandement étant la circonscription dépendant d'un château féodal, et ceci nous reporte en plein Moyen Age. Si le seigneur avait été puis- sant, le mandement était considérable ; dans le cas contraire il ne comprenait qu'une paroisse ou même la moitié d'une paroisse : exemple Hautefort, moitié de St-Nicedas,dé-Macherin. Le mandement de Voiron englobait les paroisses de Voiron, Coublevie, La Buisse, partie de St-Julien"¿e-Ratz et de St-Jean- de-, partie aussi de La Murette et St-Cassien. Le mandement de Tolvon englobait TdlvoIT, St-Etienne-de- Crossey, St-Aupre et partie de St-Nicolas. Comme on le voit, les habitants s'étaient sagement groupés autour d'un clocher en tenant compte de la géographie et des impératifs vitaux, les seigneurs n'ayant cherché qu'à agrandir leur domaine. Après le Moyen Age, les rois de France essayèrent d'améliorer cette situation ; ils n'y parvinrent pas complètement car il subsiste encore par-ci par-1à des anomalies territoriales qui remontent à cette époque. Il importe donc d'examiner le rôle joué par la féodalité au point de départ de l'organisation de la région voironnaise. Le comté de Salmorenc, les comtes de Savoie et les dauphins du Viennois. Quand les Burgondes arrivèrent à Lyon au ve siècle, ils s'em- parèrent également de quelques terres dans notre région : ce fut le « Pays de Salmorenc » et beaucoup plus tard le « Comté de Salmorenc ». Dans son livre « Voiron à travers les Ages », M. Louis Cortès signale que sur 30 textes consultés entre les années 803 et 1150 il en a rencontré 17 employant le mot « Pays » contre 4 seulement employant le mot « Comté », ce dernier terme n'ayant pas à l'époque le sens qu'on lui a attribué par la suite. Si l'origine du Sermorens est obscure, il n'en va pas de même en ce qui concerne sa dislocation. Ce territoire dépendait tout entier de l'église de Vienne ; or les évêques de Grenoble finirent par désirer étendre leur juridiction au moins jusqu'à Voiron. L'arbitrage du pape Pascal II qui se trouvait à Lyon, ayant été demandé, celui-ci signa une bulle le 2 août 1107 à St.,Pierre.¿'i\tLlevard qui octroyait 11 châteaux et leur mandement à ohacun des deux évêques. Dans notre région voironnaise l'arche- vêque de Vienne conservait les châteaux de Clermont, St-Geoire, Paladru, Virieu, etc. L'évêque de Grenoble obtenait Voiron, Tolvon, Miribel, Menuet, c'est-à-dire Les Echelles, Voreppe, Moi

Les communes de l'ancien mandement de Voiron : Coublevie, La Buisse et St-Julien de Ratz

COUBLEVIE Coublevie est par excellence la commune sœur de Voiron ; c'est la seule commune du canton qui ait constamment fait partie de l'ancien mandement de Voiron ; on peut même aller plus loin et affirmer sans risque d'erreur que la paroisse de Coublevie représente un premier dédoublement de l'ancienne paroisse de Sermorens. Au Moyen Age les comtes de Savoie transforment la vieillie forteresse burgonde de Voiron en un château fort dont il subsiste quelques ruines dans le bouquet d'arbres qui dominent le bloc chirurgical de l'Hôpital. A ce moment, il existe déjà depuis longtemps une église paroissiale à Sermorens ; puis une chapelle dédiée à saint Vincent est créée à proximité du château, à l'usage des habitants qui pressent leur maison contre les murailles protectrices en attendant que tout le bourg soit fortifié. Plus tard la campagne se peuple et il devient nécessaire de fonder une paroisse autonome à Coublevie ; elle commencera au pied même du rempart, aura pour autres limites la Morge en amont et en avait de Voiron et s'éten- dra jusqu'à La Buisse et St-Etienne'¿e-Crossey. La maison forte de Dorgeoise. Dès le Moyen Age Coublevie fut le fief de la famille de Dorgeoise ; en contrebas de l'église, un château flanqué de quatre tours rappelle toujours le souvenir de cette famille longtemps prépondérante dans le Voirormais. Ce n'est pas la demeure la plus ancienne de Coublevie, mais elle est située au centre de la commune et nul n'est indifférent au charme qui se dégage de ses vieilles pierres et de son parc secret. Sa fondation paraît remonter à la fin du XIVe siècle, période de réorganisation après le départ des comtes de Savoie ; toutefois l'immeuble a suivi tant de transformations au cours des temps que l'examen des murs apprend peu de chose. Les tours qui jalonnent le mur de clôture au fond du parc datent du XVIe et sont percées de meurtrières permettant l'emploi de l'arquebuse, nouvelle arme à feu qui venait de se substituer à la couleuvrine. Cette précaution ne paraît pas tellement inutile à l'époque des guerres de religion qui, en Dauphiné, se compli- quèrent de troubles civils, voire de guerre étrangère puisque Ja querelle entre princes français et italiens qui dura du Moyen Age à l'Empire reprit à cette époque une grande intensité. Voiron, en dehors des grandes voies de circulation, fut préservé, mais Moirans fut pris et repris en 1580 par des paysans, qui, exaspérés par les malheurs du temps, se rejoignirent en venant de Saint- Marcellin et de La Côte-St-André. D'autre part, Lesdiguières ne dut pas passer loin de chez nous quand venant de Vienne il s'en fut en 1592 incendier Les Echelles et Mirilbel. A signaler encore dans les murs de clôture du parc, côté Est sculptée dite « Tête die Charlemagne » ; ce fragment incorporé dans ce mur représentant un visage barbu et une main appuyée sur un bâton, n'a évidemment rien à voir avec Charle- magne ; il n'en demeure pas moins extrêmement ancien et d'ori- gine inconnue. Sous l'ancien Régime, de château s'appelait « Maison Forte de Dorgeoise » ; on dit maintenant château d'Orgeoise. Au Moyen Age cette maison forte avait pris la suite de T'rinconnière, et le territoire qui en dépendait intéressait tout Coublevie. Tout cela évolua au cours des temps et se fragmenta notam- ment au XVIIe siècle jusqu'à se rapprocher comme partout ailleurs de la propriété privée teille que nous la pratiquons. C'est ainsi qu'Angdine de Dorgeoise apporte le château en 1543 à son époux Antoine de Grattet, procureur consistorial au Parlement de Dau- phiné. Il appartenait à cette famille des Grattet, seigneurs de Dolomieu, qui devait compter parmi ses membres Sylvain Dolo- mieu (1750-1802) Je grand minéralogiste qui étudia le massif italien à qui on a donné son nom (les DOlomites). Joachim de Grattet, Président de Chambre à J'a Cour des Comptes du Dauphiné, devait vendre le château le 8 mai 1747 au marquis de Beauregard déjà installé à Goublevie. Cette famille quitta le pays après la Révolution, et depuis cette date le château a eu différents propriétaires dont l'historien Hector Blanchet. Quant à la seigneurie elle se décompose en Trinconnière, Tivollière, Darmassière, etc. Nous allions essayer de pénétrer dans cet enchevêtrement, et ce ne sera pas facile. Les Roux de Dorgeoise. Les historiens Nicolas Chorier et Guy A:llard 'le Voironnais rattachent les Dorgeoise à une famille Roux qui aurait eu un chêne sur son blason : à l'époque des croisades, le nom grec du chêne « dugese » aurait donné Dorgeysia. Les Roux furent une famille importante du Voiron du tout début. Leur maison aurait été au village de Vouise. Au xve siècle ils avaient toujours une chapelle dans l'église de Tolvon ; précédemment ils avaient donné par trois fois un Grand Maître à l'Ordre des Antonins du Viennois : Guillaume en 1170, Pons en 1209 et de nouveau Guillaume en 1273. En 1284 Guillaume Roux de Dorgeoise est écuyer du comte Philippe de Savoie, celui-là même qui fit parachever les fortifica- tions de Voiron ; il est donic probable que c'est ce Guillaume que nous allons retrouver, installé à Trinconnière. En 1479, Louis est gouverneur du château de Voiron pour le compte de Louis XI, roi depuis 1461. Le Voironnais est donc réorganisé sous la forme qui va durer jusqu'à la fin de l'Ancien Régime ; le Pouillé de 1497 signale que Guigues de Dorgeysia a depuis peu une cha- pelle dans l'église de Coublevie ; son fils Pierre combattra à Marignan et sera tué par la suite en Italie. A la même époque Antoine fait des libéralités à la cure de Coublevie, ce qui signifie qu'il enrichit la paroisse d'une source de revenus, et nous voici aux guerres de religion. Antoine, décédé en 1543, avait épousé en 1508 Catherine Rosset de Chirens, et c'est leur fille Angeline qui, en 1528, fit passer le château d'Orgeoise dans la famille des Grattet. Antoine eut pour frères Jean, seigneur de Trinconnière, et Georges, seigneur de la Tivollière. Jean, fils de ce dernier, né en 1550, est gouverneur de Montélimar lorsqu'en 1570 l'amiral de Coligny vient en personne tenter de s'emparer de cette ville. Son petit-fils Jean, d'abord lieutenant aux gardes du corps de il-a reine Anne d'Autriche, devint maréchal de camp des armées du roi en 1656. Auparavant il s'était vu aliéner la terre de Voiron le 23 décembre 1645, ce qui allait être le signal d'un véritable démembrement. Deux ans après sa mort survenue en 1668, sa fille unique Catherine albergeait Darmassière à Jean Menon, et le 24 juillet 1682 les moulins de la Tivollière passaient entre 'les mains de Georges Ducrest. Catherine avait épousé en premières noces Jacques Pourray dont elle eut une fille, la petite Marianne qui mourut dit-on en odeur de sainteté. De son second mariage avec Chades de Groslée, marquis de ViriviMe, elle eut une autre fille Françoise-Sabine qui épousa Louis-Etienne de l'Aubespine, marquis de Verderonne. Ces derniers eurent également une fille qui devint comtesse de Sénozan. Trinconnière. La ruine qu'on aperçoit au-dessus et à gauche du couvent de Beauregard est celle d'un colombier qui a le mérite de signaler l'emplacement exact de l'ancienne maison forte de Triinconmière. La maison voisine a englobé une tour carrée, dont un contrefort à l'angle Nord-Est attire l'attention près du four à cuire le pain. Elle faisait partie d'un système de défense établi tout autour de Voiron ; je suppose qu'il y en avait une au-dessus de la villa gallo-romaine de Sermorens, là où les travaux d'aménagement de la carrière ont détruit un pavillon léger construit sur d'importantes fondations. Guillaume de Dorgeoise en 1384 dut être le défenseur sinon le constructeur de la tour de Trinconnière. En tout cas le fief demeura dans sa famille et, au début du xvna siècle, Jean de Dorgeoise eut Trinconnière dans son apanage. Son petit-fils Thomas épousa en 1584 Catherine de Lavagnier, famille installée à La Buisse. Leur fille Catherine, dame de Trinconnière, dernière représentante de cette branche des Dorgeoise, épousa le 29 sep- t'embre 1622 Alexandre de Galbert. Vue générale de Coublevie (Gravure ancienne de Victor Cassien:

Thomas et son gendre Alexandre n'étaient pas des militaires à proprement parler, mais des gens de guerre répondant à l'appel du roi quand il convoquait le ban et l'arrière-ban de la noblesse du Dauphiné pour une campagne déterminée. La dernière de ces convocations eut lieu en 1640. après quoi on eut recours à l'armée permanente. En 1592, Thomas de Dorgeoise réussit à pénétrer dans le château de Miribel où un certain sergent Mdllard traitait avec le duc de Savoie pour lui livrer la place et parvint à la conserver au roi. Alexandre de Galbert, qui avait déjà combattu en Italie, participa en octobre 1640 à la conquête de la Savoie. Le 5 septembre 1630 il avait signé un document concer- nant sa maison forte de Trinconnière à propos de la peste, car, pas plus que les autres paroisses du mandement, Coublevie n'avait été épargné par la violente épidémie qui fit tant de ravages. Ce jour-là, en effet, il fait sommation au Comité de Santé publique d'intervenir au village des Dinat dépendant de sa maison forte de Trinconnière où la veuve Dinat, son fils et d'autres personnes sont décédés et demeurent sans sépulture, cependant que des malades n'ont pas été isolés, risquant ainsi de propager la contagion. Au nom du Comité, Pierre Pascal répond qu'ici n'y a qu'une dizaine de jours que le mal a atteint ce village et que les commis de la santé ne parviennent pas à « encabaner » tous les suspects et enterrer tous les morts. (Nous sommes reconnaissants à M. le comte de Galbert, Maire de La Buisse, de nous avoir fourni ce renseignement.) Darmassière. Darmassière représentait la portion de Coublevie entre Le Bérard et la Ratz. Joseph de Menon s'en étant rendu acqué- reur au XVIIe siècle de Catherine Groslée de , dame de Voiron, lie plan vers la Ratz prit alors le nom de Grand-Plan Menu.de Menon, et c'est depuis une date récente qu'on l'appelle Plan- Il y avait deux moulins à grains : l'un à Darmassière même (on dit maintenant Dalmassière), l'autre au Gorgeat, au nord de la propriété de M. Blaise. Ils étaient alimentés par l'eau qui vient toujours de la Tivollière et qui se grossissait autrefois d'infiltrations provenant de l'Etang-Dauphin quand il était en charge.

Coublevie : Le Martinet des Trompes sur la Morge 2 (Gravure ancienne d'Alexandre Debelle) La famille de Menon apparaît à Voiron en 1489 avec noble Zacharie Menon, secrétaire au Parlement de Grenoble. Son fils Jean épousa Bonne de Mauibec ; un quartier de Voiron a conservé le nom de Maubec, précisément à proximité du pont du même nom sur le ruisseau de Taille. Il ne s'agit que d'une coïncidence, maubec désignant autrefois un gué périlleux. Cette famille de Menon se termine avec Jean-François, né à Darmassière le 14 février 1766. A la Révolution, comme beau- coup d'autres nobles, il abandonna sa particule et participa aux travaux de la municipalité de Coublevie. Il mourut le 31 mai 1823 et ne fut certainement pas sépulturé dans l'église, attendu que depuis le xvue siècle cette distinction était réservée aux familles possédant une chapelle sépulcrale. Je présume que les agran- dissements de l'église reconstruite sur place en 1835 durent déranger sa tombe et que c'est pour cette raison que sa pierre tombale fut incorporée au pavement du nouvel édifice. Son inscription funéraire est toujours bien lisible au début de l'allée centrale, en dépit de tous les pas qui l'ont foulée depuis près d'un siècle et demi.

Beauregard. Le 6 avril 1515 il est question d'un Guigues Beaudet de Beauregard, descendant d'un Failconnet Beaudet qui, en 1287, aurait eu un différend avec le seigneur Dauphin au sujet d'une terre qu'il avait dans le Viennois. Toutefois ce n'est qu'en 1608 qu'on trouve cette famille bien installée à Coublevie quand André Beaudet de Beauregard quitte l'armée pour devenir secré- taire et greffier au Parlement de DaUJphiné. En 1679 François acquiert la Grange des Neyroud de Joseph de Menon, mais je pense qu'il ne s'agit là que d'un agrandissement et que déjà existe ce château au grand toit qui fut l'amorce du couvent de Beauregard. Auparavant Ennemond avait sollicité de l'évêque de Gre- noble Pierre Scaron l'autorisation d'ouvrir une chapelle domes- tique dans sa maison et de construire une chapelle sépulcrale à l'église paroissiale, .autorisation qui lui fut accordée en 1548, peu avant la mort du prélat. La chapelle de l'église suscita quelques difficultés, bien qu'elle constituât un agrandissement dont J'église trop exiguë avait besoin : elles furent réglées dans la suite par une correspondance du cardinal Le Camus, successeur de Pierre Scaron. La chapelle était terminée en 1661. Le chemin qui longe maintenant le mur du couvent n'exis- tait pas et le château était entouré d'un parc dont on voit quelques vestiges à flanc de coteau : une salle d'ombrage dans le style du XVIIIe finissant et surtout un conifère géant repéré par les amateurs d'arbres rares comme étant un séquoia de Cali- fornie, espèce ramenée d'Amérique et mise à la mode par le corps expéditionnaire de Lafayette. Le 8 mai 1747, Jean-Baptiste Beaudet de Beauregard achète le château d'Orgeoise ; son fi1s Louis s'y installe en 1764, lors de son mariage avec Michelle Elisabeth de Virieu-Beauvoir. Il était décédé en 1789 ainsi que son fils, et c'est sa veuve qui reçut l'ordre de faire marteler le blason sculpté sur sa porte, faute de quoi la municipalité devrait mettre cette entreprise en adjudication ; par la suite elle souscrivit à l'emprunt forcé, donna des flambeaux d'argent à la réquisition et ne parut pas être autrement inquiétée. Ses filles mariées au-dehors vendirent le château d'Orgeoise. Au siècle dernier, Beauregard allait devenir un couvent. En 1234, des femmes désirant mener une vie religieuse inspirée de la règle de saint Bruno, le dauphin Guigues VI leur fit construire un monastère à Prémol où iJ fut d'ailleurs enterré ainsi que son épouse. Les promeneurs de qui en inspectent les ruines peuvent difficilement imaginer qu'avant la Révolution il y avait là un couvent très important entouré de nombreuses dépendances. Les religieuses s'étaient regroupées après la Tourmente révo- lutionnaire à et à N.-D.-de-l'Osier ; elles se rassemblèrent à Beauregard en 1821. Le Conseil municipal de Coublevie ayant donné un avis favorable le 18 septembre 1825, une ordonnance royale signée aux Tuileries le 17 j-anvier 1827 par Charles X leur donnait une autorisation légale, ce qui leur valut par la suite de ne jamais être inquiétées. La communauté subsiste toujouis sous l'appellation des « Religieuses Chartreusines ». Les bâtiments conventuels, d'aspect cartusien, adossés au flanc de la montagne du Ratz, forment sur la toile de fond de Coublevie un paysage d'une sereine beauté, admiré de tous ceux qui parcourent cette région. ACHEVE D'IMPRIMER LE 28 FÉVRIER 1968 SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE ALLIER A GRENOBLE

Numéro d édition : 2442. Dépôt légal : 1" trimestre 1968.

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