Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine

100-3 | 2012 L’émergence des marchés du sport et du loisir dans l’arc alpin Pratiques, produits et entreprises (fin XIXe-XXIe siècles) The emergence of the sports and recreation markets in the Alps

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rga/1889 DOI : 10.4000/rga.1889 ISSN : 1760-7426

Éditeur : Association pour la diffusion de la recherche alpine, UGA Éditions/Université Grenoble Alpes

Référence électronique Journal of Alpine Research | Revue de géographie alpine, 100-3 | 2012, « L’émergence des marchés du sport et du loisir dans l’arc alpin » [En ligne], mis en ligne le 05 décembre 2012, consulté le 05 octobre 2020. URL : http://journals.openedition.org/rga/1889 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rga.1889

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La Revue de Géographie Alpine est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modifcation 4.0 International. 1

SOMMAIRE

Préface Anne Dalmasso et Régis Boulat

Foreword Anne Dalmasso et Régis Boulat

Le « phénomène grenoblois » au prisme d’une entreprise innovante La société Jamet (1929 - 1987) Régis Boulat

The “Grenoble phenomenon” through the prism of an innovative company The Jamet company (1929 – 1987) Régis Boulat

Une stratégie de développement fondée sur l’innovation Le cas de l’entreprise Petzl (Isère) Pierre-Olaf Schut

A strategy of development based innovation The case of the Petzl Company in Isere, France Pierre-Olaf Schut

La structuration du marché des sports d’eau vive dans les Alpes françaises Le cas de l’Ubaye Antoine Marsac

The structure of the white water sports market in the French Alps The case of the Ubaye Valley Antoine Marsac

Les premiers rassemblements alpins de vélos tout terrain Entre sport et économie touristique (1983-1987) Jean Saint-Martin, Frédéric Savre et Thierry Terret

Early Alpine mountain bike events Between sport and tourism economy (1983-1987) Jean Saint-Martin, Frédéric Savre et Thierry Terret

De la construction à la gestion des stations L’émergence de logiques de groupes dans la vallée de la Tarentaise Emmanuelle George-Marcelpoil et Hugues François

From creating to managing resorts Emerging stakeholder group rationales in the Tarentaise valley Emmanuelle George-Marcelpoil et Hugues François

Combinaison de proximités géographiques et socio-économiques La filière « Tourisme sportif de montagne et de nature » en Rhône-Alpes Éric Boutroy, Philippe Bourdeau, Pascal Mao et Nicolas Senil

Combination of geographical and socio-economic proximities The “mountain and nature sports tourism” commodity chain in the Rhône-Alpes region Éric Boutroy, Philippe Bourdeau, Pascal Mao et Nicolas Senil

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Préface

Anne Dalmasso et Régis Boulat

1 Ce numéro consacré à l’émergence des marchés du sport et des loisirs dans l’arc alpin s’inscrit dans le cadre d’un programme de recherche monté par des historiens de l’économie et du territoire d’une part et des historiens du sport d’autre part. Celui-ci vise à interroger les rapports entretenus entre activités économiques et activités sportives dans les territoires alpins1. Soutenu par l’ANR, ce programme intitulé TIMSA (Territoire, innovations, marchés, sports dans les Alpes) entend participer plus généralement à une meilleure connaissance des dynamiques du capitalisme et des sociétés de consommation au cours des deux derniers siècles, en étudiant la manière dont se sont articulées marchandisation des pratiques sportives, des territoires et création d’entreprises, au travers du cas des sports et des loisirs de montagne.

2 L’arc alpin offre pour ce faire un territoire d’étude tout à fait pertinent. Loin des clichés faisant des montagnes des zones de stagnation repliées sur des économies de subsistance, les multiples travaux menés depuis une vingtaine d’années dont la Revue de Géographine Alpine s’est régulièrement fait l’écho ont montré combien ces territoires ont été et sont traversés pas de multiples échanges et circulations, et combien les modes de mises en valeur de leurs ressources territoriales ont évolué (Viazzo, 1990, Grange, 2002, Debarbieux, Price, 2008, Granet-Abisset, 2010). Dans ce contexte, aborder l’histoire économique des Alpes par le biais du sport et des pratiques sportives offre un champs de réflexion fécond. Certes, ce thème croise celui de l’essor du tourisme, mais il est loin de s’y réduire. Les historiens du sport ont établi que le « sport moderne » pouvait être abordé comme une des pratiques sociales propres aux sociétés industrielles nées à la fin du XVIIIe siècle et une des modalités de leur culture (Arnaud, Attali, Saint-Martin, 2008) néanmoins caractérisé par une grande variété de formes dont les sports de montagne sont une des déclinaisons (Terret, Riordan, Krüger, 2004). De l’alpinisme à la spéléologie, du à la raquette en passant par la randonnée, le VTT et les sports d’eaux vives ou le parapente, etc., les sports pratiqués en montagne, spécifiques ou non, sont nombreux et divers et ils ont de plus connu des évolutions notables depuis deux siècles, fortement accélérées ces dernières décennies (Bourdeaux, 2007). Tous n’ont pas été également étudiés, le ski et l’alpinisme se taillant la part du lion (Arnaud, Terret, 1996 ; Hoibian, Defrance, 2003). La fécondité des approches du sport par le prisme culturel,

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social, genré, en termes de sociabilité, de rapport au corps comme à la nature n’est plus à établir mais c’est à une approche en termes économiques, thématique moins travaillée2, que ce numéro invite.

3 L’appel à communication incitait à proposer des études portant sur les différents mécanismes de création de marchés suscités par le développement des pratiques sportives dans l’arc alpin, de la fin du XIXe siècle à nos jours, que ce soit sous la forme de nouveaux produits, de services ou d’évènements ou encore d’entreprises qui ont conçu, fabriqué et commercialisé ces biens et ces services. Les articles rendent compte pour partie, naturellement, des travaux menés dans le cadre de l’ANR TIMSA, mais proviennent aussi d’autres chercheurs travaillant dans des perspectives proches. Un regret de taille évidemment : il n’a pas été possible de mobiliser des collègues travaillant sur l’ensemble de l’arc alpin3. Nous espérons que ce numéro pourra servir d’appel pour repérer des travaux en cours qui nous auraient échappé et en susciter de nouveaux sur ces thématiques qui restent largement ouvertes.

4 Au travers des six contributions retenues il est possible de dégager diverses formes de rapport entre sport et création de marché. Un premier ensemble d’articles porte sur des cas de création d’entreprises de matériel de sport et de loisir par des « sportifs » : on entend par là des pratiquants de bon voire de haut niveau d’une part, qui ont explicitement mobilisé leurs compétences issues de cette pratique pour lancer leur activité, d’autre part. Régis Boulat, retrace ainsi le parcours de l’entreprise Jamet, crée en 1929 par André Jamet, de ski d’envergure régionale et nationale. Revendue en 1975 au groupe SEB (la marque subsiste aujourd’hui au sein du groupe Trigano) l’entreprise, spécialisée dans le matériel de camping, se situe à l’interface de la pratique sportive sur laquelle André Jamet a basé son premier essor, modeste, et de l’expansion des loisirs de plein air qui a permis sa très forte croissance durant les « trente glorieuses ». Fondée sur une stratégie alliant innovation technique et maîtrise de la commercialisation, la trajectoire de l’entreprise, vendue à un moment qu’André Jamet perçoit (à juste titre) comme un point de retournement du marché contraste avec le parcours de l’entreprise Petzl, évoqué par Pierre Olaf Schut. Ici, l’activité initiale de mise au point et de fabrication à échelle réduite de matériel dédiés à la spéléologie alpine est indissociable de la pratique pionnière de Fernand Petzl, mais la véritable création de l’entreprise est plus tardive puisqu’elle est le fait de son fils, Paul. Tout en revendiquant une fidélité sans faille à l’esprit artisanal de son père, celui-ci a créé une entreprise industrielle présente aujourd’hui sur des marchés qui tout en gardant un lien fort avec le sport ne s’y réduisent plus du fait du poids pris par son produit phare actuel, la lampe frontale. Dans les deux cas, le lien au statut de sportif du fondateur est à la fois essentiel et problématique. Fernand Petzl, artisan modeleur et pionnier de la spéléologie alpine, se rattache à une figure particulière que l’on pourrait qualifier de « sportif innovateur non entrepreneur », à l’instar d’un Pierre Allain (Modica, 1999). Petzl est bien un sportif innovateur, soucieux de diffuser ces nouveaux matériels dans la communauté concernée. Mais la dimension entrepreneuriale ne l’intéresse pas : certes il fabrique et vend, mais l’objectif n’est pas de créer une entreprise, ce n’est que pour assurer le devenir de ses fils que l’activité devient le support d’une démarche entrepreneuriale. André Jamet, a contrario est d’abord un entrepreneur : c’est autour du sport qu’il crée une activité, commerciale d’abord, puis de fabrication, qu’il développe et fait croitre jusqu’au moment ou il juge pertinent de se retirer.

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5 Un second ensemble d’articles retrace l’émergence de pratiques sportives nouvelles et de leur progressive marchandisation. Le cas des sports d’eaux vives, étudié à travers l’exemple de la vallée de l’Ubaye par Antoine Marsac permet de dégager différentes phases articulées avec celles de l’évolution touristique. Dans un premier temps, des années 1930 aux années 1960, une pratique pionnière à base de clubs (ici le TCF) fixe un cadre à l’activité et engendre l’identification du territoire comme zone sportive. Les pratiquants sont peu nombreux, fonctionnent en autonomie et les retombées économiques sont limitées à un accompagnement du développement d’une infrastructure hôtelière encore limitée. Dans un second temps, le relais est pris par des structures associatives qui, en permettant une pratique accompagnée, élargissent le cercle des pratiquants potentiels. La marchandisation progressive de cet accompagnement, fortement corrélé à l’imposition de normes de sécurité, passe par une professionnalisation qui permet à un petit nombre de pratiquants experts de créer leur propre activité. Enfin, dans un troisième temps, la construction d’une activité moins exigeante sportivement permet l’ouverture à une clientèle plus large qui s’inscrit dans l’offre touristique de la vallée. Un marché se crée alors, animé par des entreprises de service tourisitico-sportifs qui proposent des produits standardisés permettant d’élargir le panel des activités proposées à la clientèle venant en Ubaye. Ce schéma (pratique autonome et en club, élargissement via des structures associatives qui développent des activités non marchandes, puis marchandisation grâce à la standardisation et la sécurisation) se retrouve dans nombre de cas et peu servir de grille de lecture globale de l’évolution économique du sport (Bourg, 2004) mais il n’est pas exclusif. L’introduction du VTT dans l’offre touristique des stations alpines, telle que la relatent Thierry Terret, Jean Saint Martin et Jean Savre, relève d’un autre schéma où se croisent transferts des USA, activisme d’un individu cherchant à promouvoir un nouveau sport tout en se créant sa propre activité, et crise du modèle des stations de ski au milieu des années 19804. En termes de marché, c’est cependant moins par une pratique sportive alpine que par un renouveau des usages urbains que l’essor s’est produit ce qui montre que le rapport entre innovation sportive et création de marché est loin d’être direct et univoque.

6 Un dernier ensemble d’articles aborde enfin la question à une autre échelle, celle des modes de gestion et de structuration économique des activités sportives et de leurs rapports au territoire.

7 Emmanuelle George-Marcelpoil et Hugues François reviennent sur l’évolution des formes d’intervention des pouvoirs publics et des groupes privés dans l’aménagement des stations de Tarentaise. Ils rappellent que si le mal nommé « plan neige » est la déclinaison locale d’une politique nationale, celle-ci a été largement conçue par des acteurs locaux, ou plus exactement par des acteurs (publics comme privés) qui agissaient à une double échelle. Loin de s’exclure, les différents types d’acteurs ont conçu une première forme d’articulation centrée sur la mise en valeur du territoire pensée sous l’angle du développement. Cette configuration est devenue obsolète et a laissé place à une autre, animée par des acteurs qui sans être tous nouveaux fonctionnent en tout cas différemment. Les trois sur lesquels l’accent est mis ici sont très illustratifs de ces mutations. Labellemontagne est un groupe privé à contrôle familial qui a acquis un poids important dans la gestion des stations de moyenne altitude, la Compagnie des Alpes est une société anonyme contrôlée à 40% par la Caisse des dépôts et consignation qui travaille désormais dans deux secteurs, la gestion de

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domaines skiables et les parcs de loisirs, quant au Conseil général de Savoie, acteur historique, il intervient maintenant par le biais d’une holding financière, Savoie Station Participation. Tous développent un nouveau rapport aux territoires des stations. Pour les groupes d’investisseurs, ils sont considérés comme des actifs à valoriser, certes par des investissements mais aussi par leur revente puisque existe un marché au moins européen de la gestion des remontées mécanique voire des stations. Les revenus générés sont de plus susceptibles d’être transférés, soit d’une station à l’autre, soit d’une activité à l’autre, rompant radicalement avec les logiques territoriales antérieures. Dans le cas de la SSP, la problématique est un peu différente, il s’agit de combiner logique d’aménagement et rentabilité des stations dans une optique de maximisation de l’efficacité de fonds publics devenus rares. Aux logiques territoriales se superposent voire se substituent donc des logiques de filières, voire de groupe, ce qui recoupe les interrogations portant sur le rapport au territoire des acteurs de l’ensemble de la filière « Tourisme sportif de montagne et de nature » en Rhône-Alpes. L’article d’Éric Boutroy, Philippe Bourdeau, Pascal Mao et Nicolas Senil, rappelle que si la Région Rhône-Alpes comprend une densité particulièrement élevée d’entreprises liées au sport, et tout particulièrement aux sports de montagne et de nature, il n’est pas pour autant possible pour la décrire de mobiliser les configurations types en termes de districts, systèmes productifs locaux, milieux innovateurs, etc. Que les concepts usuellement utilisés pour analyser les formes de la proximité soient peu opérant peut étonner mais est corroboré par d’autres travaux. Les auteurs leurs préfèrent ici la notion de filière, sans renoncer à interroger autrement ces effets de proximité. Ceux-ci leur semble relever moins d’un effet territoire sui generis que de proximités construites, proximités de coordination et de ressources, qui fonctionnent à des échelles variables, et sont « potentialisables », c’est à dire mobilisables selon les besoins et les projets. Le lien au sport, par le partage de pratiques et de territoires de pratiques, de savoirs faire, de valeurs, est un élément fort de ces proximités construites mais il n’est évidemment pas exclusif d’autres, de nature technique et économique.

8 Au final, force est de souligner la complexité des relations entre sport, territoires alpins et activités économiques sur lesquelles ce numéro invitait à se pencher. Que l’existence de liens déterministes entre les trois termes relève d’une « quasi illusion territoriale » (Hillaret, Richard, 2004) est une évidence mais ne lève pas le voile sur la réalité des mécanismes d’interaction ou de non interaction effectivement en jeu. Quelques pistes peuvent être avancées. Concernant le lien entre activité sportive et marchandisation, on a vu que les formes en sont multiples. Activité de complément (cas de Fernand Petzl à ses débuts), activité individuelle, de type commerciale (cas d’André Jamet dans les années 1930), associative puis professionnelle (cas des sports d’eaux vives dans les années 1960), de promotion, activité industrielle avec ou sans création d’entreprise (cas de Jamet et Petzl à des dates différentes) les modalités de rencontre sont multiples. Si l’on tient pour valide la distinction entre monétarisation et marchandisation (Perret, 1999), le passage au marché, au sens d’une relation économique entre une pluralité d’offreurs et de demandeurs avec le prix comme variable principale, n’a rien d’obligatoire, et n’est dans bien des cas pas possible. Qu’il soit souhaitable est une autre question, évidemment légitime, au regard de la diversité des autres formes d’activité économique que les activités sportives, comme bien d’autres, permettent. Il exige qu’une offre standardisée soit disponible, qu’une demande solvable existe, et qu’une information permette leur rencontre. La « sportivisation », qui est en soit la normalisation de pratiques physiques et de loisirs, peut jouer en faveur de la création

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d’un marché, en standardisant offre et demande, ou en sens contraire en élevant le niveau et en réduisant la pratique à un trop petit nombre.

9 Le rapport aux territoires alpins n’est pas plus simple. Même dans le cas des stations de ski, système touristique localisé s’il en est, le lien au territoire n’a rien d’univoque ni de stable. Certes, la pente et la neige sont des pré-requis, du moins pour le ski de piste, mais les investissements qui les ont construit en espaces touristico sportifs le sont tout autant. La construction de l’offre comme celle de la demande font intervenir des modes de gestions évolutifs qui mobilisent des articulations historiquement variables entre acteurs locaux et externes, encore que la pertinence de la distinction soit à interroger. De même, on attend logiquement que la forte concentration d’acteurs industriels et autre de la filière soit corrélée à des effets de proximité, mais en peinant à les identifier. Comme souvent, l’approche territoriale amène à penser en termes de réseaux, et on ne peut que souscrire à la proposition d’Éric Boutroy Philippe Bourdeau, Pascal Mao et Nicolas Senil d’explorer les voies d’une adaptation des outils de l’analyse sociotechnique et associationniste à une approche « au raz du sol », rejoignant les démarches des historiens de la microstoria dans une approche à la fois pragmatique et globale.

BIBLIOGRAPHIE

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NOTES

1. Ce programme rassemble des historiens et historiens du sport issus du laboratoire de recherche historique Rhône Alpes (LARHRA) et du Centre de recherche et d’innovation sur le sport (CRIS). 2. L’économie et le marketing du sport sont des domaines bien établis. En ce qui concerne l’histoire économique des sports alpins, les retombées économiques des Jeux olympiques font partie des rares sujets bien couverts. 3. On trouvera notamment des éléments dans Thomas Busset et Marco Marcacci (2006) - Pour une histoire des sports d’hiver-Zur Geschichte des Wintersports, CIES, Neuchâtel, dans Tissot L., Jaccoud Ch., Pedrazzini Y. (2000) Sports en Suisse. Traditions, transitions et transformations, Antipodes, Lausanne,et dans les travaux issus du programme du Fonds National Suisse « Système touristique et cultures techniques de l’arc lémanique : acteurs, réseaux sociaux et synergies » menés par Cédric Humair et Laurent Tissot de 2008 à 2011. 4. Le rôle du fabriquant Grenoblois de vélo et de motocycles Libéria dans les débuts du VTT en France demanderait à être mieux étudié.

AUTEURS

ANNE DALMASSO UFR SH, Département d'Histoire, UPMF Grenoble.

RÉGIS BOULAT Docteur en histoire, ANR TIMSA.

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Foreword

Anne Dalmasso and Régis Boulat

1 This issue of the Journal of Alpine Research focuses on the emergence of the sports and leisure markets in the Alpine arc, bringing together a number of articles resulting from a research programme set up by historians interested in the economy and spatial or territorial relations on the one hand, and historians of sport on the other. The aim of this programme is to examine the relationship between economic activities and sports activities in the alpine region1. The programme, known as TIMSA (Territoire, innovations, marchés, sports dans les Alpes), is supported by the French national research agency (ANR) and is aimed at achieving a better understanding of the dynamics of capitalism and consumer societies over the past two centuries. More specifically, it studies the way in which the commodification of sports, relationships with territory, and the creation of businesses are linked together in the context of mountain sports and leisure.

2 The alpine arc provides an ideal study area for the above programme. Numerous studies conducted over the past twenty years, and which have been regularly referred to in the Journal of Alpine Research, clearly demonstrate how these regions have come a long way from the situations depicted in old photographs when mountain areas were frequently zones of stagnation relying on subsistence economies. Such studies reveal how these areas have been, and continue to be, affected by numerous exchanges and movements, and how the ways in which their territorial resources are exploited have also evolved (Viazzo, 1990; Grange, 2002; Debarbieux, Price, 2008; Granet-Abisset, 2010). In this context, addressing the economic history of the Alps through sport and sports practices offers a fruitful field for reflection. It is true that this theme is linked to that of the boom in tourism, but it is far more than that. Historians of sport have established that “modern sport” can be treated as one of the social practices particular to the industrial societies that sprang up at the end of the 18th century and one of the traits of their culture (Arnaud, Attali, Saint-Martin, 2008). Nevertheless, modern sport takes on a wide variety of forms, and mountain sports are but one aspect (Terret, Riordan, Krüger, 2004). With sports ranging from mountaineering to speleology, from and snow-shoeing to hiking and mountain biking, and from white-water sports to paragliding, it is clear that the sports practised in mountain areas, whether specific or

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not to these areas, are numerous and varied and have undergone considerable changes over the past two centuries, changes that have accelerated in recent decades (Bourdeau, 2007). Not all sports have attracted equal attention, however, since skiing and mountaineering account for the lion’s share of studies (Arnaud, Terret, 1996; Hoibian, Defrance, 2003). Studying sport from the perspective of its cultural, social and gender aspects, in terms of sociability or the relationship with the body and nature, is recognised as a fruitful approach, but this issue of the Jar focuses more on the economic aspects of sport, an approach that to date has received somewhat less attention 2.

3 The call for papers for this issue encouraged proposals for studies on the different mechanisms of market creation provoked by the development of various sports in the Alpine arc from the end of the 19th century to the present day, whether these be relating to new products, services or events, or to the businesses that designed, produced and marketed these goods and services. The articles in this issue naturally reflect, in part, studies undertaken within the framework of the ANR TIMSA, but there are also some from other researchers working from different but related perspectives. Perhaps not surprisingly, there is one major regret: it was not possible to mobilise colleagues working on the alpine arc as a whole3. We hope that this issue will serve as a call to identify work in progress that has escaped us and to encourage new studies on these themes, which remain fairly wide-ranging.

4 The six contributions in this issue reveal a variety of types of relationship between sport and market creation. A first set of articles concerns the creation of sports and leisure equipment businesses by sports practitioners who have achieved a good or high level in their respective sports, and have capitalised on their skills to set up a business venture. Régis Boulat thus examines the history of the Jamet company, created in 1929 by André Jamet, a regional and national ski champion. The company was sold in 1975 to the SEB group (the brand still exists today as part of the Trigano group) and now specialises in camping equipment. Today it is situated at the interface between the sport that first provided André Jamet with modest business success and the expansion of the outdoor recreation market that fuelled the strong growth experienced during the “glorious thirties”. Based on a strategy combining technical innovation and marketing expertise, the path taken by the company, which was sold at a time that André Jamet rightly perceived as a turning point in the market, contrasts sharply with the path taken by Petzl, a company examined in the article by Pierre Olaf Schut. The initial business activity involving the small-scale development and production of alpine caving equipment was closely associated with the pioneering practices of Fernand Petzl, but the real creation of the company came later, when his son, Paul, became involved in the firm. While continuing to faithfully respect the spirit of craftsmanship fostered by his father, Paul developed the business on an industrial scale. Today, it continues to maintain strong links with sport, but has expanded into other markets thanks to the importance taken on by its current flagship product, the headlamp. In both companies, the link with the founder’s status as a sportsman is essential but also problematic. Fernand Petzl, a craftsman in modelling and a pioneer in alpine speleology, could be qualified as an “innovative rather than entrepreneurial sportsman”, like Pierre Allain (Modica, 1999). Petzl was truly an innovative sportsman, committed to making available his new equipment to the community concerned. But the entrepreneurial dimension did not interest him. It is true that he produced and sold the equipment, but the objective was not to create a business. It was only to ensure the future of his sons that the activity became the basis for an entrepreneurial venture.

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André Jamet, on the other hand, was first and foremost an entrepreneur: it was around sport that he created his activity, firstly commercial in nature, then production, which he developed and expanded until the moment came when he considered it time for him to retire from the business.

5 A second set of articles looks at the emergence of new sports and their gradual commodification. Antoine Marsac looks at white-water sports with a case study from the Ubaye valley that enables the identification of different phases related to those of the development of tourism. In a first phase, from the 1930s to the 1960s, the sport was practised by a few club-based pioneers (here, the TCF) who defined the context of the activity that led to the identification of the territory as a zone for practising sport. To begin with there were only a few enthusiasts operating autonomously, and the economic impact remained limited to a modest development of the local hotel infrastructure. In a second phase, the baton was taken up by associations, which made it possible for enthusiasts to be accompanied and thus enlarged the circle of potential participants. The progressive commodification of this accompaniment, which was closely linked to the introduction of safety standards, led to a professionalisation which allowed a small number of expert practitioners of the sport to create their own activity. Finally, in a third phase, the development of an activity less demanding from a sporting point of view opened up the valley to a wider tourism clientele. A market was thus created based on businesses providing services for sports tourism and proposing standardised products that widened the range of activities offered to visitors to the Ubaye valley. This structural development (enthusiasts practising the sport autonomously or in a club, its extension via associations that develop non-commercial activities, then commodification thanks to standardisation and the introduction of safety regulations) is found in a number of cases and may serve as a framework to facilitate general understanding of the economic development of sport (Bourg, 2004), but it is not exclusive. The introduction of mountain biking as a sport to attract visitors to alpine ski resorts, as Thierry Terret, Jean Saint Martin and Jean Savre explain, is part of a different structure in which three factors are involved: the transfer of ideas from the USA, the commitment of an individual seeking to promote a new sport while at the same time creating his own activity, and the crisis of the model that served as a basis for the development of ski resorts in the middle of the 1980s4. In terms of markets, however, the boom that occurred was not so much due to the practice of a mountain sport as to an extension of urban uses, which shows that the relationship between innovation in sports and market creation is far from being direct or straightforward.

6 A final group of articles addresses the question at another level, that is, the methods of management and economic structuring of sports activities and their relationship with the local area or territory.

7 Emmanuelle George-Marcelpoil and Hugues François examine the changes in the types of intervention by public authorities and private groups in the development of the resorts of the Tarentaise region of the Alps. They remind us that although the unfortunately named “snow plan” was the local expression of a national policy, the policy itself was largely drawn up by local actors or, more precisely, by actors (public as well as private) who were operating at two levels. Far from excluding themselves, the different types of actors designed a first form of association focused on promoting the local area from a development point of view. This configuration then became obsolete and gave way to another, involving actors who, though not all new, at least functioned

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in a different way. The three actors examined in this issue illustrate these changes well. Labellemontagne is a family-run private group that has acquired considerable importance in the management of mid-altitude resorts. The Compagnie des Alpes is a limited company in which the Caisse des Dépôts et Consignation has a 40% stake and which now operates in two sectors, the management of ski areas and leisure parks. The third actor, the Conseil Général de Savoie, has a long-standing involvement in tourism and now participates through a financial holding company, Savoie Station Participation (SSP). All these actors are developing a new relationship with the local areas of the resorts. For the investment groups, they are considered as assets worth developing, not only through investment but also by their resale since there is a market, at least in Europe, for the management of ski lifts and even resorts. Furthermore, any income generated is likely to be transferred, either from one resort to another, or from one activity to another, which is a radical change from the logic underlying earlier territorial policies. In the case of the SSP, the problem is a little different, since it involves combining the development and profitability of resorts with a view to making the most effective use of increasingly rare public funding. The requirements of sectors or groups thus take precedence over (or are even substituted for) territorial priorities, which brings us back to the questions concerning the relationship with territory or the local area of all the actors in the “nature and mountain sports tourism” sector in the Rhone-Alps region. The article by Éric Boutroy, Philippe Bourdeau, Pascal Mao and Nicolas Senil points out that although the Rhone-Alpes region has a particularly high density of businesses related to sport, especially mountain and outdoor recreational sports, it nevertheless cannot be described in terms of typical configurations of districts, local systems of production, innovative environments, etc. The fact that the concepts generally used to analyse the forms of proximity do not really apply may seem surprising, but this is confirmed by other studies. The authors prefer to use the notion of subsidiary here, and to examine these proximity or neighbourhood effects in another way. They see these effects as being less related to any special territorial effect than to constructed proximities, proximities of coordination and resources, which function at different scales and can be mobilised according to needs and projects. The link with sport, through the sharing of different activities and the areas used to practice these activities, and the sharing of know-how and values, is a strong element of these constructed proximities but it is obviously not exclusive of others of a more technical and economic nature.

8 Finally, it is worth emphasizing the complexity of the links between sport, mountain territories and economic activities, on which this issue is focussed. The fact that the existence of deterministic links between the three terms is related to a “quasi territorial illusion” (Hillaret, Richard, 2004) is evident, but it does not throw any light on the reality of the mechanisms of interaction and non-interaction that are actually in play. A few exploratory paths may be suggested to remedy this situation. We have seen that there are many different types of links between sporting activity and commodification: complementary activity (the case of Fernand Petzl when he began his business), individual activity, activity of a commercial nature (case of André Jamet in the 1930s), one that is associative then professional (case of white-water sports in the 1960s), a promotional type of activity, or an industrial activity with or without the creation of a business (case of Jamet and Petzl at different dates). If we accept the distinction between monetarisation and commodification (Perret, 1999), the passage to a market situation, in the sense of an economic relationship between a large number of

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suppliers and purchasers with the price as the main variable, is in no way obligatory, and in many cases is not even possible. Whether it is desirable is another question, which is undoubtedly legitimate, with regard to the diversity of other forms of economic activity that sports activities, like many others, allow. It requires that a standardised offer be available, that a solvent demand exists, and that information enables their coming together. “Sportivisation”, which in itself is the normalisation of physical practices and leisure activities, may play a role in favouring the creation of a market, by standardising supply and demand, or alternatively in raising the level of the sport and reducing its participants to a number that is too small.

9 The relationship with alpine territories is no simpler. Even in the case of ski resorts, a good example of a localised tourist system, the link with territory is neither clear nor stable. Certainly, slopes and snowfall are pre-requisites, at least for downhill skiing, but the investments that have built these tourism sports areas are just as important. The creation of supply, like that of demand, calls for the intervention of flexible management methods capable of mobilising links between local and external actors that historically have varied considerably, even though the relevance of this distinction needs to be questioned. Similarly, it is expected that the strong concentration of industrial actors and others in the sector will be correlated with proximity effects, though it will be difficult to identify them. As is often the case, the territorial approach leads one to think in terms of networks, and one can only subscribe to the proposal by Éric Boutroy, Philippe Bourdeau, Pascal Mao and Nicolas Senil to explore the possibilities of adapting the tools of sociotechnical and associationist analysis to a “close-to-the-ground” approach, linking up with the methods of the historians of microstoria in an approach that is both pragmatic and global.

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NOTES

1. This programme brings together historians and sports historians from the Laboratoire de Recherche Historique Rhône Alpes (LARHRA) and the Sports innovation and research centre (Centre de recherche et d’innovation sur le sport (CRIS)). 2. The economics and the marketing of sport are well-established fields of study. Regarding the economic history of mountain sports, the economic impact of the Olympic Games is one of the rare subjects to have been well covered. 3. Some contributions in this field may be found in Thomas Busset and Marco Marcacci (2006) - Pour une histoire des sports d’hiver-Zur Geschichte des Wintersports, CIES, Neuchâtel, in Tissot L., Jaccoud Ch., Pedrazzini Y. (2000) Sports en Suisse. Traditions, transitions et transformations, Antipodes, Lausanne, and in studies resulting from the programme of the Fonds National Suisse “ Système touristique et cultures techniques de l’arc lémanique: acteurs, réseaux sociaux et synergies” conducted by Cédric Humair and Laurent Tissot from 2008 to 2011. 4. The role of the Grenoble bicycle and motorcycle manufacturer, Liberia, in the early development of mountain biking in France is worthy of more detailed study.

AUTHORS

ANNE DALMASSO UFR SH, Département d’Histoire, UPMF Grenoble

RÉGIS BOULAT Docteur en histoire, ANR TIMSA

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Le « phénomène grenoblois » au prisme d’une entreprise innovante La société Jamet (1929 - 1987)

Régis Boulat

1 Le développement de l’entreprise Jamet illustre pendant près de cinquante ans le « phénomène grenoblois » mêlant intimement un système d’activités et de valeurs locales, mythe et réalité (Fremont, 1987 ; Frappat 1979). Si le jeune champion de ski André Jamet ouvre son premier magasin d’articles de sport en 1929 dans un contexte de développement des pratiques touristiques d’été ou d’hiver, de médiatisation d’exploits sportifs et d’apparition des fibres synthétiques relançant le textile grenoblois (Morsel, Parent, 1991, p. 46), c’est bien pendant la période des « Trente glorieuses » caractérisée par l’industrialisation et la massification du tourisme, par l’avènement de la mobilité des loisirs comme norme sociale et par la mise au point de fibres artificielles nouvelles, que l’entreprise s’impose progressivement sur le marché de l’équipement de loisirs (tentes, matériel de camping surtout) avant de devenir leader européen de la caravane pliante. À la croisée de l’étude des logiques territoriales de l’industrie (Dalmasso, 2007), de l’innovation, de l’histoire du tourisme et des Alpes, ce portrait d’un fabriquant de matériels de sports et loisirs bénéficiant de l’émergence et du développement de nouvelles pratiques, des mutations des usages du territoire et de la création de nouveaux marchés illustre l’apparition, dans les Alpes, d’un nouveau secteur industriel (Périères, 1963).

L’expertise d’un champion au service de consommateurs pionniers (1929-1945)

L’instrumentalisation d’une notoriété de sportif

2 Né en 1906 dans une famille dauphinoise (son père, Jean Jamet est alors employé de ganterie), André Jamet est manœuvre dans une scierie dès 16 ans – il en devient rapidement le contremaître1 – tout en menant, parallèlement, une belle carrière de

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skieur et d’alpiniste. Champion du Dauphiné de 1930 à 1935 dans le combiné quatre épreuves Slalom, fond, descente, saut2, il est également membre de l’équipe de France entre 1930 et 1932 et côtoie des futurs champions tels Émile Allais. Bien que ses parents l’aient destinés, au départ, à une vocation mécanique (il obtient un CAP d’ajusteur à Vaucanson), sa passion pour la montagne l’amène, avec un apport de capitaux familiaux, à créer un magasin d’articles de sport de montagne (alpinisme, ski, matériel de camping), place Victor Hugo, à Grenoble, en 1929. Au bord de la faillite deux ans plus tard3, il a alors l’idée de développer la vente par correspondance grâce à un catalogue envoyé à ses clients habituels et à des adresses communiquées par ces derniers.

3 Le contexte du début des années trente est doublement propice. D’une part, le camping, d’origine anglaise, est à nouveau en plein développement dans le cadre de paysages alpins en cours « d’invention » (Rauch, 2001, p. 601) : le Touring Club de France met ainsi à disposition de ses membres des cartes, organise des sorties où l’on peut confronter la qualité du matériel tout en véhiculant des représentations et des valeurs diverses dans la veine des voies explorées depuis le début du siècle. Parallèlement, les matériels qui sont en voie de spécialisation croissance (forme de la tente, couchage, composition de la batterie de cuisine, choix des outils et des vêtements) se différencient peu à peu du matériel militaire et de l’équipement des alpinistes (Bertho Lavenir, 2001, p. 631-640, et 1999). D’autre part, les sports d’hiver s’imposent progressivement comme une « innovation touristique » (Terret et Arnaud, 1996 ; Larique, 2006) – la Fédération française de ne compte toutefois que 7000 adhérents en 1930 – et nécessitent des matériels (skis en bois, bâtons) fabriqués dans la région, en particulier par l’entreprise Rossignol née à Voiron au début du siècle4.

4 Ainsi, alors que se développe une mode sportive influencée par les Anglais dans laquelle l’élégance prime (Jamain Samson, 2008) et que le marché de l’équipement se structure autour de magasins comme La Hutte fondée en 1922 (Beguin, 1993), la diffusion de ce catalogue de vente par correspondance, un des premiers en France, permet à Jamet de développer sa notoriété tout en assurant un doublement du chiffre d’affaires, éloignant ainsi le spectre de la faillite. La société rebaptisée Alpes Sports se lance également dans la fabrication de quelques produits techniques : après-skis en 1932 en coopération avec Le Trappeur, « veste tempête » avec capuchon en 1934. Naturellement, André Jamet instrumentalise sa réputation de praticien de la montagne et de sportif – il est champion de France de saut en 1934/1935 – dans sa présentation commerciale, illustrant ainsi la tendance des fabricants et détaillants de matériels à transformer leurs catalogues en autant de «bréviaires autobiographiques » (Sirost, 2001, p. 616) : « Fervent de la montagne, je connais tous les besoins des alpinistes pour les avoir éprouvés et je me suis donné à tâche de les satisfaire. Pour avoir exactement ce que vous désirez, j’ai fondé une fabrique de vêtements. C’est donc sous la direction d’un sportif que sont conçus, taillés et exécutés, dans des tissus qui font l’objet d’un choix sévère, tous les vêtements nécessaires en montagne et qui rendent l’alpinisme plus pratique et plus agréable. Tous les autres articles de sport, de ce catalogue, ont été expérimentés et sélectionnés, seuls ont été retenus ceux qui offrent la plus grande garantie de sécurité »5.

Équiper les sportifs de haut niveau et les premiers touristes

5 En 1935-1936, alors que Jamet est un des premiers à se lancer dans la fabrication de mâts de tentes en acier, plusieurs exploits sportifs médiatisés contribuent à renforcer la notoriété de son entreprise. Il fournit d’abord les tentes de la mission Coche dans le

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Hoggar en 19356 qui réalise la première ascension du Garet El Djenoun (2300 mètres, « montagne des génies ») et découvre les sites rupestres du Hoggar. Mais c’est surtout la première expédition française sur l’Himalaya qui jette un coup de projecteur sur Jamet. En effet, en 1936, les alpinistes français qui prennent part à la « course aux 8000 » afin de rejoindre l’Angleterre, l’Allemagne ou l’Italie (Raspaud, 2003, p. 53-57)7 ont besoin de tentes d’altitude de petites tailles offrant un maximum de qualités (habitabilité, solidité, résistance au froid, au vent, à la neige, légèreté, facilité de montage). Innovant par rapport aux modèles mis au point par les alpinistes anglais lors de leurs assauts des sommets européens à partir du XIXe siècle (Lejeune, 1988 ; Sirost, 2002, p. 50-51), Jamet propose un modèle de tente isothermique et résistant jusqu’alors réservé à quelques amis. Alpes Sports doit ainsi fabriquer pas moins de 54 tentes alors que ça n’était pas sa vocation initiale8. La structure se compose en fait de deux tentes l’une dans l’autre, la tente intérieure est suspendue à l’extérieure, elle peut s’enlever pour permettre un séchage plus facile. L’air permet une isolation (température de -5°C dehors et +12°c sans chauffage à l’intérieur. Le tapis de sol est cousu spécialement en forme de baignoire pour permettre de camper dans la neige. Équipée des tentes Jamet, l’expédition dirigée par Henry de Ségogne est toutefois bloquée par une tempête à 7100 mètres en raison de l’arrivée précoce de la mousson.

6 Parallèlement, se produit le « choc de 1936 ». Si la mémoire collective en retient un « déferlement de tentes » et une appropriation des plages comme des trains par les premiers bénéficiaires des congés payés, la réalité est plus complexe car « partir s’apprend ». À partir de 1937, le nombre croissant de campeurs-consommateurs vient toutefois stimuler la demande en équipement et, alors que la fabrique d’articles textiles Trigano fondée en 1935 commercialise ses premières toiles de tentes, que l’entreprise Lafuma invente le sac à dos à armature (Joffard, 2007, p. 17-22), Alpes Sport s’oriente vers les tentes de loisirs, les articles de camping et les équipements scouts.

7 Ainsi, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, alors qu’on estime à 30 000 le nombre de campeurs titulaires d’une licence, l’usine grenobloise de la rue de Génissieu produit plus de 1000 tentes par an. L’activité de Jamet repose également sur une vente par correspondance florissante de matériels de sports et loisirs alpins, la médiatisation des succès de champions français tels Émile Allais stimulant la demande. Mobilisé dans l’infanterie alpine pendant la Deuxième Guerre mondiale, période marquée par de fructueuses rencontres entre militaires et équipementiers, montagne et Révolution Nationale (Travers, 2001), André Jamet reprend son activité en 1946. Au début des années cinquante une trentaine d’ouvrières d’origine italienne (coupeuses, piqueuses,...) assurent la fabrication des tentes et des vêtements. Jamet est à nouveau le fournisseur officiel de plusieurs exploits sportifs dont une nouvelle expédition sur Himalaya en 1950 (mais il fournit également Paul Émile Victor, l’expédition Cap Nord...). Toutefois, sentant un potentiel énorme, Jamet dépose sa marque9,se spécialise dans le camping avec des tentes à armatures et passe du stade artisanal au stade industriel.

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Jamet, leader européen de la caravane pliante au cours des Trente Glorieuses

Innover pour accompagner les mutations du camping en période de croissance

8 Le contexte des « Trente glorieuses » mêlant croissance économique, réduction du temps de travail, développement de la mobilité par l’accès à la voiture individuelle favorise la massification – démocratisation de l’accès aux vacances (7 millions de vacanciers en 1951, plus de 26 millions en 1975), une industrialisation du tourisme et, au final, la formation d’une économie des loisirs indissociable de la politique nationale d’aménagement du territoire (Bouneau, 2007). Progressivement, la société d’abondance répand les façons de faire lentement élaborées depuis le début du siècle du tourisme automobile et des loisirs de plein air : alors que le premier salon des sports et du camping se tient en 1950 à Paris, le camping se développe comme un moyen d’hébergement bon marché, moins coûteux et moins contraignant que l’hôtel.

9 Les effets d’entraînement multiples pour les fabricants de matériels et les promoteurs de clubs de vacances (Trigano, 1998 ; Reau 2007 et 2010)10 se traduisent, dans la région grenobloise, par le développement d’un tissu industriel spécialisé dans la fabrication de matériels sportifs et de camping : alors que l’entreprise fondée par René Ramillon en 1933, spécialisée dans la production de mécanismes en métal pour le sport et le camping (bâtons, structures pour tentes) propose un lit pliant en métal inspiré par les suspensions de la 2 CV Citroën avant de passer à la doudoune11 , Jamet tire profit de l’obsolescence de la modeste canadienne mal adaptée à l’hébergement des familles, à la cuisine et aux loisirs les jours de pluie en proposant de grandes tentes carrées, innovantes, véritables petites maisons capables de tenir dans un coffre de voiture et les premières caravanes pliantes qui n’ont plus rien à voir avec les roulottes du début du siècle. Après s’être rendu aux États-Unis pour visiter des usines (« je n’ai pas compris comment je ne suis pas parti en courant en voyant tout ce qui me manquait ! »), André Jamet se recycle à l’âge de 45 ans (Vigneron, 1975, p. 25-27), passant du statut de producteur-détaillant de petit matériels vendus aux consommateurs à celui de producteur d’équipements (sacs de couchage surtout), de grandes tentes modernes et de caravanes pliantes. En quelques années la production est multipliée par dix, soit annuellement 50 000 tentes et autant de sacs de couchage. Une nouvelle unité de production de 3000 m2 rue Sidi Brahim à Grenoble le jour en 1958. En 1959-1960, l’entreprise réalise un chiffre d’affaires de presque 2 milliards de francs et emploie plus de 200 ouvrières. En 1960, le pourcentage d’exportation n’est « que » de 25% mais les perspectives paraissent énormes dans des pays du nord de l’Europe, sur le continent nord-américain voire en Asie. En 1964, sous ses quelques 250 machines à coudre passent chaque année 4000 kilomètres de tissus destinés à la fabrication de 80 000 tentes (dont 45 000 à armatures), de 90 000 sacs de couchage et le secteur vêtement en développement.

10 Les perspectives de développement rendent le secteur euphorique (jusqu’en 1964, le nombre de tentes fabriquées et celui des campeurs inscrits dans les clubs doublent tous les 4 ans) alors que la démocratisation de la caravane ouvre encore de nouvelles perspectives (en 1972, 1e cinquième des vacanciers français a l’intention de dormir sous la tente et, dès qu’ils le peuvent, dans une caravane). Tous les fabricants dauphinois

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d’articles de sports et loisirs débutent les campagnes de fabrications de plus en plus tôt afin de pouvoir servir dans une plus large mesure les commandes qui parviendront pendant les mois les plus chargés12. Néanmoins, certains analystes anticipent une saturation du marché français, une concurrence accrue et une diminution des marges : « On ne compte plus revoir à l’avenir les larges profits réalisés ces dernières années».

11 Lorsqu’on interroge Jamet sur sa réussite, loin d’insister sur ce contexte porteur, sur l’embauche de techniciens de recherche, sur l’utilisation de nouveaux matériaux permettant de réduire les coûts ou sur l’utilisation d’une main-d’œuvre d’origine italienne bon marché, il met systématiquement en avant ses qualités de montagnard persévérant et bricoleur ainsi qu’un approfondissement constant des questions techniques ou commerciales13. Considérant d’une part que le camping va continuer à se développer tant en France qu’à l’étranger, peut-être moins spectaculairement toutefois que durant les dix dernières années, considérant également que cette pratique exige un renouvellement régulier du matériel, Jamet investit dans une nouvelle usine, celle de Grenoble étant alors à la limite de ses possibilités. La société s’installe à Pontcharra en 1965. L’usine se compose de deux bâtiments dont un de 3000 m2, servant à la fabrication des sacs de couchage selon les procédés les plus modernes (cardage, machines multi- aiguilles). L’objectif est d’atteindre les 140 000 sacs. On y fabrique également les tentes canadiennes... Bref, plus de 18 000 m2 au total où travaillent 350 ouvriers et, au final un groupe dont les activités s’élargissent progressivement autour de deux pôles : le secteur camping (tentes canadiennes, tentes à armature, caravanes pliantes en toiles, sacs de couchage) et un secteur sport (vêtements de montagne, duvets, tentes de randonnée et de haute montagne...).

12 André Jamet s’impose ainsi progressivement comme fabricant de produits finis à dominante textile, essentiellement à partir de coton ou de nylon. Les tissus pour les tentes canadiennes, les tentes à armatures, les auvents de caravanes pliantes, les vêtements de sport, les duvets sont coupés puis confectionnés en petites séries dans les ateliers de Pontcharra. Par ailleurs, Jamet fabrique les caisses des caravanes pliantes, les armatures des tentes de camping. Pour cela la société s’est dotée d’un atelier métallugique réalisant, en petites séries, le débit des tubes, la fabrication des châssis, la mécano-soudure, le traitement de surface des composants métalliques des articles. Le montage et l’aménagement intérieur des produits de camping caravaning sont réalisés à Pontcharra. Jamet commercialise le tout, soit directement aux grandes surfaces et détaillant, soit à travers un groupement de détaillants, Jam’co, créé en milieu des années 60. Ce dernier compte jusqu’à 200 points de vente en France et représente, au plus fort de la période, plus de 25% du chiffre d’affaires de la société. Il a pour but de rechercher des conditions optima de barèmes dégressifs, d’apporter une assistance technique au réseau de distribution par une action promotionnelle de vente ainsi que par une action publicitaire groupée, conseil d’établissement ou de fonctionnement dont les adhérents bénéficient sur le plan local, régional ou national. Quant au magasin d’articles de sports de la place Victor Hugo, point de départ de la saga, il est devenu trop exigu et a été transféré boulevard Agutte-Sembat. Sur 600 m2, Jamet propose de l’équipement (vêtements matériels) et offre une carte annuelle de crédit sans frais, la garantie de tous les skis contre la casse, la vente-essai des skis métalliques, un rayon occasion, un atelier de réparation, un atelier de retouches vêtements, une exposition permanente de matériel de camping et de caravanes pliantes...

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13 En 1975, face aux mutations des pratiques touristiques des Français (l’avion met désormais met à la portée de plus en plus de bourses des rivages ensoleillés où se réinventent des formes de villégiatures), au premier choc pétrolier qui sonne le glas d’un carburant bon marché pour les automobilistes et à la concurrence française14 comme étrangère, André Jamet décide, adroitement, de se retirer : son entreprise est alors l’une des plus importantes à l’échelle européenne dans le secteur de la fabrication de matériel de camping et de loisirs (près de 600 salariés, 80 millions de chiffre d’affaire dont le tiers à l’export et un bénéfice net de 2,2 millions). Dans une interview, ce « montagnard au visage fermé s’illuminant quant il faut » se montre toutefois pessimiste quant à l’avenir du secteur face à la concurrence asiatique surtout. Alors qu’un de ses deux fils Alain reste pour quelques mois encore directeur industriel de l’entreprise acquise par SEB en 1975, Jamet souhaite poursuivre l’instrumentalisation de la notoriété de sa marque dans un nouveau contexte caractérisé par l’essor des clubs de vacances, en développant des « Club André Jamet »15.

Reprise par SEB dans un contexte difficile

14 Pour SEB16, qui a entamé une phase de croissance externe à la fin des années soixante avec le rachat du fabricant savoyard Tefal (1968), puis de Calor (1972) (Joly, 2010, p. 425-427) la prise de contrôle de Jamet par l’intermédiaire de sa filiale TEFAL confirme l’intention du groupe de se diversifier dans le domaine du loisir plein air, diversification déjà engagée par la prise de contrôle en 1973 de Plastorex (vaisselle de plein air) et le lancement d’une gamme de barbecues par Tefal. Or, les perspectives pour le secteur des loisirs de plein air commencent à se dégrader en raison de la crise économique qui fait chuter le marché de la tente à armature (on passe de 130 000 pièces à 90 000 de 1976 à 1980) comme du développement d’une concurrence nationale (Trigano ou Raclet) et internationale (les pays de l’Est inexistants jusqu’alors couvrent en 1980 30% du marché à des prix de 20% inférieurs). Dans ce contexte, la direction de Seb dote Jamet d’une structure sophistiquée (25 cadres), réalise des investissements lourds dans un secteur qui, de l’avis général, est plutôt celui « d’artisans bien organisés » car elle compte énormément sur une nouvelle caravane pliante innovante, la JAMETIC (ouverture automatique en un temps record de 30 sec17 ) qui permet de maintenir un plan de charge correct pour l’effectif. En matière d’équipements de haute montagne où elle est également bien implantée, l’entreprise qui équipe encore une vingtaine de grandes expéditions en 1978 et s’est offert les services de Jean Affanasief18, compte également sur un nouveau modèle de tente sans piquet qui s’ouvre en trois secondes et, enfin, sur son réseau de distribution Jam’co. Pour le PDG, Paul Rivier, il s’agit avant tout de répondre aux besoins des hommes dans la nature en s’appuyant sur l’innovation et la réputation de la marque19.

15 Malgré ces atouts, Jamet subit des pertes financières de plus en plus importantes (50 millions de francs de 1976 à 1980, les frais financiers dépassent les 7% du CA) et le groupe SEB se retrouve dans l’obligation d’adopter plusieurs plans de restructurations : en 1978, plutôt que d’entamer une procédure de licenciements qui lui aurait été très probablement accordée, la société recourt à l’incitation au départ volontaire pour 80 salariés, en septembre 1980 le licenciement de 138 des 279 employés de la rue Sidi- Brahim et le transfert des autres à l’usine de Pontcharra20 entraîne un conflit social caractérisé par une mobilisation modeste des habitants de Grenoble comme des élus. En 1981, le groupe SEB rachète la totalité des actions détenues par sa filiale Tefal, ramène

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la structure industrielle au niveau de l’activité commerciale (325 personnes salariés pour un chiffre d’affaires de l’ordre de 100 millions de francs dont 30% à l’exportation et un secteur des tentes de camping qui représente un peu plus de 40% de l’activité) et nomme un nouveau PDG, Michel Piraud, qui a accomplit une bonne partie de sa carrière à la direction commerciale des skis Rossignol21. Si Jamet se partage alors à peu près également avec Trigano et Raclet les 75% du marché français de la tente de camping, l’entreprise reste incontestablement leader européen de la caravane pliante avec 20 à 25% du marché et est la seule à avoir diversifié ses activités de camping- caravaning vers les activités d’hiver que sont les vêtements techniques de sport, les duvets ou les tentes de haute montagne.

16 Finalement, en 1982, SEB cède Jamet à la famille Lemaire (SARL Laplaud de Limoges spécialisée dans la literie, sacs de couchage et vêtements de montagne) mais l’attitude des banques n’est plus la même devant une société soutenue, non plus par le géant lyonnais mais par une SARL sans surface financière. Si la société dispose toujours d’atouts (image de marque due en particulier à la participation du matériel Jamet à quelques expéditions prestigieuses de haute montagne, réseau export valable et performant, leadership européen en caravane pliante, connaissance du terrain), d’opportunités (possibilités d’approvisionnement négoce valable, existence d’un noyau solide de quelques 200 détaillants, caractère relativement moins concurrentiel du segment caravane pliante, émergence d’un nouveau marché auvent caravane, mini- créneau en développement qu’est la tente simili-technique dérivée de la tente montagne), ce sont surtout les faiblesses qui l’emportent (nombreuses ventes à perte, graves pertes de part de marché sur les tentes, qualité et productivité en baisse, retards pris dans l’innovation, hostilité d’un personnel en sureffectif, structures trop lourdes, importances des besoins en crédit irrévocables et en crédits de campagne ….) dans un contexte de baisse importante du pouvoir d’achat.

17 La mise en règlement judiciaire de la société en mars 1983 entraîne la cession, sous forme de concession, au groupe Trigano de la marque Jamet pour tous les produits camping. Alors que l’entreprise Jamet se voit décerner le Janus d’Or de l’Industrie en mars 1987 par l’Institut français du design industriel pour sa JAMETA, un prototype de caravane pliante en polyester, l’entreprise n’échappe pas à un second dépôt de bilan. Elle est reprise par le groupe de travail temporaire RMO présidé par Marc Braillon22, proche d’Alain Carignon, qui la cède, finalement, au groupe Trigano en décembre 1990.

18 Ainsi, des années 20 aux années 80, l’exemple de l’entreprise Jamet illustre le développement, dans la région grenobloise, d’un nouveau tissu industriel consacré au sports et loisirs. L’aspect territorial est primordial car c’est sa notoriété de sportif et de praticien de la montagne qui permet à Jamet de créer son entreprise et d’en assurer le développement pendant les années trente. Si, après la Deuxième Guerre mondiale, en homme d’affaire et technicien avisé, il sait tirer profit de la croissance de ce secteur comme de ses mutations, il conserve à son entreprise un caractère local et ne se lance pas dans un mouvement de croissance externe par ailleurs indispensable à la rationalisation du secteur. Le problème de la transmission de l’entreprise dans un contexte en nette dégradation s’avère être également un autre écueil qui entraîne finalement sa vente à Seb qui veut transposer des méthodes de gestion caractéristiques de la grande industrie à une activité « d’artisan » bien organisé.

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NOTES

1. « Je me souviens que dans ma jeunesse, j’ai été manœuvre dans une scierie. C’était dur mais je ne renâclais pas. Tout en manipulant les bois, je m’intéressais au fonctionnement des machines et, un an plus tard, j’étais contremaître. J’avais 17 ans » (Vigneron, 1975, p. 25-27). 2. « C’était l’époque d’Émile Allais. On ne pouvait s’entraîner que le dimanche et il n’y avait pas tous les moyens que l’on a de nos jours » Ibid. 3. « Je me suis alors donné 48 heures pour décider ce que j’allais faire : prendre ou laisser. Et bien je me suis lancé à fond en commençant par apprendre mon métier ! J’ai lu les livres traduits de l’américain sur la psychologie du commerce, les techniques de vente, la publicité » Ibid., p. 25-27. 4. Spécialisée dans la fabrication de cannettes et articles en bois pour l’industrie textile au moment de sa création en 1907, l’entreprise se dote d’un atelier de fabrication de skis en 1911. (Rossignol, 2008). 5. ADI, 1J1350, extrait du catalogue de l’été 1934. 6. Outre le capitaine Raymond Coche, officier des troupes de chasseurs-alpins et Roger Frison- Roche, la mission se compose de trois autres alpinistes. 7. L’initiative est prise durant l’été 1933 au sein du groupe de haute montagne qui doit choisir un « sommet libre », le Hidden Peak (8068 m) dans l’est du Karakoram. Une souscription permet de réunir le budget nécessaire, près de 800 000 F. 8. Cet exemple est comparable à celui de l’ingénieur Robert Andrault qui fonde son magasin La Belle Étoile et met au point des tentes-jouets pour enfants et surtout des tentes spécialement conçues pour les expéditions polaires françaises (Sirost, 2001, p. 617). 9. Le dépôt de la marque André Jamet du 28 avril 1951 couvre les classes des vêtements confectionnés et articles de bonneterie, gants et moufles, chaussures, sacs de tourisme, bâches et tentes de camping, articles de sport, matériel de camping et d’alpinisme, skis et accessoires.... L’année suivante, il dépose également les marques Cap Nord et surtout Chamrousse. 10. Au début des années cinquante, l’entreprise familiale de toiles de tentes et d’articles de camping Trigano loue des tentes à Gérard Blitz fondateur du Club Méditerranée pour son premier village de vacances. L’activité étant reprise par son frère André, Gilbert Trigano (1920-2001) se lance dans l’aventure Club Méd dont il devient le PDG par alternance en 1963. 11. La société qui fabrique des doudounes à partir de 1952 prend ensuite le nom de Moncler, contraction de Monestier de Clermont. 12. ADI, 4232W110, rapport de la Banque de France sur l’activité industrielle, novembre 1961. 13. Il suit notamment les cours du soir du Centre de gestion d’entreprises de Grenoble.

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14. Rien qu’en France, il existe en 1976 une quarantaine de constructeurs de caravanes dont les trois principaux, avec une production annuelle supérieure à 5000 pièces soit 17% du marché environ, sont Digue, Sterckeman, et Trigano-Caravelair. Archives Crédit Lyonnais, DEEF, 79414, Note sur l’industrie et le marché français de la caravane. 15. Archives Seb, dossier Jamet, lettre de C. Digeon (président de Tefal) à André Bouju (conseiller en brevets), 15 juillet 1976. 16. PME familiale née au milieu du XIXe siècle, la Société d’Emboutissage de Bourgogne s’impose dans le secteur du petit équipement de la maison grâce à la cocotte-minute, l’électroménager. 17. Inventée par Joseph Knafou pour Jamet, cette caravane comprend une toile de tente et une remorque destinée à contenir cette dernière. Une addition de brevet de 1982 vise à augmenter l’habitabilité sans changer le montage et le fonctionnement de l’ensemble du système. 18. Premier alpiniste français a atteindre le sommet de l’Everest en 1978. 19. ADI 7757W54, lettre de P. Rivier à Morin, représentant la préfecture de l’Isère dans ce dossier, 14 mars 1979 (résumé des discussions de la veille). 20. ADI 7757 W54, Note des Renseignements Généraux, 9 juillet 1980. 21. Le Dauphiné Libéré, 14 mai 1981, « Michel Piraud, nouveau PDG de la société André Jamet ». 22. Né en 1933 à Grenoble, Marc Braillon fonde RMO à Grenoble en 1964 après de modestes études de Droit et un passage en Algérie. Administrateurs de sociétés, mêlant sport, politique et affaires jusqu’à sa chute retentissante en 1992 (Braillon, 1994).

RÉSUMÉS

Le portrait de l'entreprise Jamet, fondée à Grenoble en 1929 par le champion de ski André Jamet et dont la croissance forte coïncide avec les Trente Glorieuses, est celui d'un fabriquant de matériels de sports et loisirs qui bénéficie de l’émergence et du développement de nouvelles pratiques sportives, des mutations des usages du territoire et de la création de nouveaux marchés. Il permet d'illustrer l’apparition, dans les Alpes, d’un nouveau secteur industriel.

AUTEUR

RÉGIS BOULAT Docteur en histoire, ANR TIMSA.

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The “Grenoble phenomenon” through the prism of an innovative company The Jamet company (1929 – 1987)

Régis Boulat

1 The development of the Jamet company has illustrated, for nearly fifty years, the “Grenoble phenomenon” intimately mixing a system of activities and local values, myth and reality (Frémont 1987; Frappat, 1979). The young ski champion Andre Jamet opened his first store of sporting goods in 1929 in the context of development of tourism practices in Summer or Winter, and media coverage of sporting appearances, of synthetic fibers restarting the local textile sector (Morsel and Parent, 1991, p. 46) but it was during the “Trente glorieuses” characterized by industrialization and mass tourism with the advent of the mobility of leisure as a social norm and the development of new synthetic fibers that the company gradually became the European leader of recreational equipment (tents, camping equipment ) and folding caravans. At the crossroads of the territorial logic of industry, of innovation and of history of tourism in the Alps, this portrait of a manufacturer of and leisure emphasizes the emergence of new practices, the transformation of land uses and the development of new markets illustrating the appearance of a new industrial sector in the Alps (Dalmasso, 2007; Périères, 1963).

The expertise of a champion to serve pioneers consumers (1929-1945)

How to exploit the celebrity of a sportsman

2 Born in 1906 in a dauphinoise family, (his father, Jean Jamet used to be an employee in a glove factory) André Jamet worked at the age of 16 in a sawmill where he quickly became a foreman while conducting a parallel career of skier and mountaineer.

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Champion of the Dauphiné from 1930 to 1935 in combined slalom, skiing, downhill and jump, he was also a member of the French national team between 1930 and 1932 along future champions such as Émile Allais. Although his parents initially intended him to embark to a mechanical vocation (he gets a CAP adjuster), his passion for the mountain and leads, with a little money, to the creation of a store of mountain sports goods (mountaineering, skiing, camping equipment), place Victor Hugo in Grenoble in 1929. At the edge of bankruptcy two years later he had the idea to develop his activity through a catalog sent to regular customers and addresses provided by the latter.

3 The context of the early thirties is doubly auspicious. On the one hand, camping, of English origin, is once again booming in the alpine landscapes freshly “invented” (Rauch, 2001): the French Touring Club makes cards available to its members, organizes outings in order to compare the quality of the material while conveying representations and values in the vein of various avenues explored since the beginning of the century. Meanwhile, the material, in a process of specialization (shape of the tent, the bedding, composition of cookware, choice of tools and clothing) gradually differs from the military hardware and the equipment of alpinists (Bertho Lavenir, 1999 and 2001). On the other hand, winter sports gradually impose themselves as a “touristic innovation” – however the French Federation of skis accounted 7,000 members in 1930 only – requiring materials (wooden skis, poles) to be produced locally, in particular by Rossignol, born in Voiron in 1907 (Terret and Arnaud, 1996; Larique, 2006, Rossignol, 2008).

4 Then, while a new sport tendency influenced by the English is developing, in which elegance prevails (Jamain, Samson, 2008), the equipment market is structured around stores like La Hutte founded in 1922 (Beguin, 1993), the dissemination of his catalog, one of the first in France, allows Jamet to develop his reputation while providing a doubling of his turnover and keeping the specter of bankruptcy away. Renamed Alpes Sports, the company manufactured few technical products such as “après-ski” in 1932 in cooperation with Le Trappeur and “storm jacket” with a cap in 1934. Naturally, André Jamet used his expertise and his reputation – he became French jump champion in 1934-1935 – in his commercial presentation, illustrating the trend of manufacturers and retailers to transform their catalogs in “ autobiographical breviaries” (Sirost, 2001, p. 616): “As a fervent mountaineer myself, I know all the needs of mountaineers and I have tried and gave myself the task to satisfy them. To get exactly what you want, I founded a clothing factory. It is under the direction of an athlete that are designed, cut and run, in tissues that are subjected to severe selection, all the necessary clothing that makes mountain climbing more convenient and more enjoyable. All other sporting goods in this catalog have been tested and selected carefully and were selected the ones that offer the greatest guarantee of security”1.

Equipping both high-level athletes and first tourists

5 In 1935-1936, while Jamet is one of the first to manufacture steel pole tents, a couple of famous expeditions contributed to enhance the reputation of his company. He first provided tents for the Coche mission in Hoggar which achieved the first ascent of Mount El Djenoun and discovered rupestrian sites in 1935. But it’s mostly the first French expedition in the Himalaya which highlighted the Jamet production (Raspaud,

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2003, p. 53-57). Indeed, in 1936, the French mountaineers who took part to the “race of the 8,000” in order to compete with England, Germany or needed small size altitude tents with a maximum quality (habitability, strength, resistance to cold, wind and snow, light weight, and easy to put up). Innovative compared to the models developed by the English climbers during their assaults of the European summits in the nineteenth century (Lejeune, 1998; Sirost, 2002, p. 50-51), Jamet proposed a model of isothermal and resisting tent previously restricted to a few friends. Alpes Sports had to make no less than 54 tents whereas it was not its primary vocation (Sirost, 2001, p. 617). The structure consists of two tents, one into the other, the inner being suspended to the outer one, that can be removed to allow easier drying and air insulation. The groundsheet is especially sewn in the shape of a bath to allow camping in the snow. Equipped with Jamet tents, the expedition led by Henry Segogne is thwarted by a storm at 7,100 metres due to the early arrival of the monsoon.

6 If, the collective memory remembers a “flood of tents” and an appropriation of beaches and trains for the first beneficiaries of the Front Populaire paid holidays, the reality is much more complex because you have to learn how to travel. Since 1937, an increasing number of campers-consumers boosted the demand in equipment and sports goods and while the textile factory founded in 1935 by the Trigano family sold his first canvas tents and the Lafuma backpack became a best-seller (Joffard, 2007, p. 17-22), Alpes Sport turned to leisure tents, camping goods and scout equipments.

7 Thus, in 1939, whereas the number of licensed campers was close to 30,000, the Jamet factory produced more than 1,000 tents per year but the activity also depended on mail orders of sports goods or equipment and the demand was stimulated by the media coverage of successful French champions such as Émile Allais. Mobilized in the Alpine infantry during World War II, a period marked by a new fruitful meeting between soldiers and sport goods manufacturers, mountain and “Révolution nationale” (Travers, 2001), André Jamet resumed his activity in 1946. In the early fifties, thirty Italian women (cutters, stitchers,...) worked in the manufacture of tents and clothing. Jamet was again the official supplier of many expeditions including a new one to the Himalaya in 1950 and Paul-Émile Victor on his way to the North Cape... However, feeling a huge potential, Jamet registered his trademark, specialized in camping framed-tents and moved from the small-scale production by craftsmen to the industrial level.

André Jamet, European leader of the folding caravan during the « Trente glorieuses »

Innovate to take advantage of camping mutations

8 The context of the “Trente Glorieuses” mixing economic growth, working-time reduction, increased mobility through individual cars promoted massification – democratization of the access to vacations (7 million of tourists in 1951, more than 26 million in 1975), industrialization of tourism and finally the formation of an affluent society inextricably connected to the development of the town and country planning policy (Bouneau, 2007, p. 93-108). Gradually, tourism and outdoor activities spread out: while the first exhibition of sports and camping goods held in Paris in 1950, camping

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asserted itself as a means of cheap accommodation, less expensive and less restrictive than the hotel.

9 In the Grenoble area, the spillover effects for sport-goods manufacturers and developers of “clubs de vacances” (Trigano, 1998; Réau, 2007, p. 66-87 and 2010) gave birth to a specialized industrial network : while the company founded by René Ramillon in 1933 producing metal mechanisms for sports and camping (sticks, tent structures) offered a metal folding bed inspired by the suspension of the Citroën 2 CV before being turned into the famous Moncler “doudoune”, Jamet took advantage of the obsolescence of the Canadian tent (uncomfortable for families, for cooking and for entertainment on rainy days) by offering innovative large square tents, “small houses” that could fit in a car trunk and innovative folding caravans which had nothing to do with older models. Coming back from a trip to the where he visited factories (“I do not understand how I didn’t run away when I saw all the things my factory lacked!”), the 45 year old André Jamet (Vigneron, 1975) reoriented himself from the status of producer- retailer of small equipment sold to consumers to the status of manufacturer of leisure goods (especially sleeping bags), large modern tents and folding caravans. In a few years the production increased ten times to reach 50,000 tents and sleeping bags per year, a new production plant of 3,000 m2 on Sidi Brahim street was opened in Grenoble in 1958, and in 1959-1960, the company, employing 200 workers, achieved a turnover of nearly 2 billion Francs. In 1960, the export percentage was “only” 25%, but the prospects seemed huge in countries of Northern Europe, on the North American continent and even in Asia. In 1964, 250 sewing machines annually spent 4 000 km of fabrics in order to manufacture 80,000 tents (45,000 frames), 90 000 sleeping bags while the clothing sector was growing.

10 In the sixties, it seemed like all the industrial sectors of sport goods and equipment saw a brighter future (until 1964, the number of tents manufactured and of campers enrolled in clubs double every 4 years) and the democratization of the caravan then opened new perspectives (1972, the first fifth of French vacationists intended to sleep in a tent but, or when they could, in a caravan). All the local manufacturers of sport goods and outdoor equipments began their production campaigns earlier in order to be more reactive to the increasing demand and the orders arriving during the coldest and busiest months. However, some analysts anticipated both the saturation of the French market and an increased competition meaning lower margins: “We will not see in the future the large profits we used to have in the past”2.

11 When asked about his success, André Jamet, instead of insisting on the favorable context, on the hire of research technicians, on the use of new materials to reduce costs or the use of a cheap Italian workforce, emphasized his own qualities of a persevering and “do-it-yourself” mountaineer and his constant deepening of technical and sales issues. Considering that camping will continue to grow both in France and abroad, perhaps less prosperous, however, that during the last ten years, considering also that this practice required a regular renewal of equipment, Jamet invested in a new plant, the one in Grenoble being at the limit of its possibilities. The company moved to Pontcharra in 1965. The plant consisted on two buildings, one of 3,000 m2, dedicated to the manufacture of sleeping bags with the most modern methods and machines (carding and multi-needles machines). The goal was then to reach 140,000 bags. This plant also manufactured Canadian tents... In short, more than 18,000 m2, where 350 workers worked and, ultimately, a group whose activities gradually expanded around

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two divisions: the camping division (Canadian tents, frame tents, folding caravans, sleeping bags) and a sports division (mountain clothings, blankets, tents, hiking and mountain...).

12 Progressively, André Jamet asserted himself as a manufacturer of finished products mainly textiles (made from cotton or nylon) cut and made in small batches in the Pontcharra workshops. In order to make the structure of the folding caravans and camping tents, the Plant had a workshop specialized in metallurgy, making flow tubes, manufacture of chassis, welding, surface treatment of metal components... all in small series. Assembling and inner installations of camping and caravaning equipments were also made in Pontcharra. Jamet marketed his production directly to supermarkets and retailers, or through a group of retailers, Jam’co, created in the mid-60s, gathering together 200 storess in France and representing, at the highest moment of the period, more than 25% of the turnover of the company. The aim was to find optimum conditions of sliding scales, to provide a technical assistance to the distribution network by promotional actions as well as advertising bundles, advice for members on how to settle and to run their business on a regional or a national basis. As for the store of the Place Victor Hugo, the starting point of the saga, it became too small and was transferred boulevard Agutte-Sembat. On 600 m2, Jamet offered sports goods (clothing and equipments), a credit card without annual fees, insurances for the skis, sale-testing of metallic skis, second-hand equipments, a repairing workshop, a retouching cloth workshop and a permanent exhibition of camping equipment and folding caravans...

13 In 1975, considering his competitors, and considering the mutations of the French touristic practices (cheaper air-plane tickets made sunny shores and resorts available to a growing number of consumers) as well as the first oil shock which didn’t promising for anybody, André Jamet skillfully decided to sell his company which was then one of the most important in Europe in the sector (nearly 600 employees, 80 million Francs of turnover with a third due to exports and a net profit of 2,2 millions). In an interview, “this closed-face mountaineer cheering up when he had to” appeared to be pessimistic about the future considering his Asian competitors. Whereas Alain Jamet, one of his two sons stayed for a few month as the Industrial director of the company purchased by SEB in 1975, Jamet wanted to continue the commercial exploitation of his reputation, and of its brand, in this new context characterized by the rise of the “club de vacances”, developing the “André Jamet Clubs”3.

The SEB period

14 For SEB, which began a phase of external growth in the late sixties with the purchase of Tefal (1968) and Calor (1972) (Joly, 2010, p. 425-427), the takeover of the firm through its subsidiary TEFAL confirmed the intention of the group to diversify itself into outdoor leisure activities, diversification initiated by the takeover in 1973 of PLASTOREX (outdoor dishes) and the launch of a range of barbecues by Tefal. But, the perspective for the sector started degrading due to the economic crisis that brought down the market of framed-tents (going from 130,000 to 90,000 pieces from 1976 to 1980), to the development of a national (Raclet and Trigano) or international competition (nonexistent until 1980, European Eastern countries were covering 30% of the market at 20% lower prices). In this context, hoping that its new automatic caravan, the JAMETIC (automatically opened in 30 seconds) will help to maintain a proper level of employment, SEB endowed Jamet with a sophisticated structure (25 executive

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managers) and carries out heavy investments in a sector that, from the general opinion, was rather representative of “well organized craftmen”. In the mountain goods sector where Jamet was also well established, supplying once again twenty major expeditions in the late seventies and hiring Jean Affanasief, the management team also relied on a new tent model, stakeless, which opens in three seconds and, finally, on its distribution network Jam’co. For the new CEO, Paul Rivier, Jamet met and satisfied the needs of men in nature using innovation and the brand’s reputation4.

15 Despite his skills, Jamet underwent important financial losses (50 million francs from 1976 to 1980, financial expenses exceeding 7% of the turnover) and SEB had to adopt several restructuring plans: in 1978, rather than initiating a procedure of layoffs that would have most likely been granted, the Company used an incentive voluntary departure program for 80 of its employees. In September 1980 the dismissal of 138 of the 279 employees of the Sidi Brahim plant and the transfer to the Pontcharra plant of the remaining employees led to a social conflict characterized by a modest mobilization of the inhabitants of Grenoble5. In 1981, SEB bought all the shares held by its subsidiary Tefal, set up an adequate industrial structure (325 employees for a turnover of 100 million, 30% due to the export sector and a tent sector representing more than 40% of the total activity) and appointed a new CEO, Michel Piraud, who made a good part of his career in the Rossignol company6. If Jamet shared almost equally with Trigano and Raclet the 75% of the French tent market, the company remained the undisputed European leader in folding caravans with 20-25% of the market and is the only one to have diversified its primary activities (camping and caravans) to winter outdoor activities through technical clothings, quilts or mountaineering tents.

16 Finally, in 1982, SEB sold Jamet to the Lemaire family (Limited Liability Company Laplaud Limoges specializing in bedding, sleeping bags and mountain clothings) but the attitude of the banks changed: Jamet was no longer sustained by the giant SEB but by a Limited Liability Company with a limited financial credit. If the company still had attractive features (mainly its reputation due to its participation to several prestigious expeditions, its efficient export network and its European leadership in the field of folding caravans) and opportunities (supply options, solid trading network based on 200 retailers, a competitive segment on folding caravans, the emergence of a new caravan market, niche sector of technical tents derived from the high mountain practices), Jamet was however handicapped by the loss of too many sales at loss, by serious loss of market shares in the tent field, by a declining quality and productivity, by delays in innovation, by the hostility of the staff, by its heavy structures, by its huge needs in irrevocable credit and campaign credits...) in a context of significant decline of purchasing power.

17 The bankruptcy proceedings in March 1983 led to the assignment, as a concession, to the Trigano group Jamet brand for all products concerning camping. While the Jamet company was awarded the Janus Gold Industry in March 1987 by the French Institute of Industrial Design for its JAMETA – a prototype polyester camper, the company was not immune to second bankruptcy. It was taken by the temporary working group chaired by Marc Braillon (Braillon, 1994), RMO, close to Alain Carignon, which was finally given up to the Trigano Group in December 1990.

18 From the twenties to the eighties, the example of the Jamet company illustrated the development in the Grenoble area of a new industry devoted to sports and leasure. The territorial aspect is important because it is his awareness of sports and that of a

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practitioner of the mountain that allowed Jamet to start a business and ensure its development during the thirties. If, after the Second World War, as a businessman and an advised engineer he knew how to capitalize on the growth of this sector as well as its mutations, he knew how to preserve the local nature of his company and his business does not embark into an external growing movement even though it was essential to streamline the sector. The problem of the transfer of the business in a context of a deteriorated market also appears to be another pitfall that ultimately led its sale to SEB which wanted to implement management practices, with all the characteristics of a big industry to the activities of a well organized craft business.

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NOTES

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RÉSUMÉS

This portrait of the Jamet company, manufacture of sports equipment and leisure founded in Grenoble in 1929 by the young ski champion Andre Jamet emphasizes the emergence of new sport practices, the transformation of land uses and the development of new markets illustrating the appearance of a new industrial sector in the Alps.

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AUTEUR

RÉGIS BOULAT Docteur en histoire, ANR TIMSA.

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Une stratégie de développement fondée sur l’innovation Le cas de l’entreprise Petzl (Isère)1

Pierre-Olaf Schut

1 Petzl est une entreprise créée en 1975, dans le prolongement de l’activité artisanale de Fernand Petzl, un des pionniers de la spéléologie alpine. Les équipements qu’elle conçoit et produit sont principalement destinés aux sportifs. Initialement spécialisée dans le matériel de spéléologie, Petzl a élargi son activité à d’autres sports de montagne et aux loisirs de plein air. Analyser son histoire revient à s’intéresser à l’évolution d’une entreprise qui a connu un développement continu jusqu’à devenir une PME internationale en position de leadership sur certains produits.

2 L’hypothèse de travail est la suivante : Paul Petzl, fils de Fernand Petzl et actuel dirigeant de l’entreprise, a engagé une dynamique de croissance grâce au maintien de « valeurs artisanales » héritées de l’entreprise paternelle : indépendance, qualité, innovation. Cette vision, qui est celle de Paul Petzl lui-même, repose certes sur la valorisation d’une continuité filiale aux dimensions affectives compréhensibles. Mais elle est aussi un choix, de communication et de stratégie, qui mérite d’être examiné. Enfin, elle permet de s’interroger sur la pertinence du modèle de l’entreprise artisanale dont on sait qu’elle est la forme dominante de la production de matériel de sports et de loisirs jusqu’aux années 1960 (Andreff, 2002). Selon F. Cognie et F. Aballéa, (2010), l’artisanat est une figure exemplaire de l’entrepreneuriat car il s’appuie sur une proximité qui structure l’organisation de l’entreprise et la relation de service proposée à ses clients. Dans le cas des entreprises de matériel de sport, cette proximité passe par la pratique des mêmes activités sportives, comme cela a été le cas pour Fernand Petzl, fortement intégré à la communauté spéléologique.

3 Ce travail s’appuie d’une part sur un entretien avec le président, Paul Petzl, qui nous a permis de recueillir sa vision des grandes étapes de l’évolution de l’entreprise et des choix opérés par la direction. D’autre part, nous avons travaillé sur des documents produits par l’entreprise : articles répertoriés dans les catalogues des distributeurs2 et publicités parues dans la presse spécialisée3. Ces éléments ont permis de préciser la chronologie, de mesurer et analyser le développement de nouveaux produits, ainsi que

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les réactions de la concurrence et les innovations importantes de la marque. Des entretiens complémentaires ont été menés avec des acteurs clefs de l’environnement professionnel de l’entreprise : un important distributeur spécialisé du secteur ; un concurrent dont l’entreprise a été rachetée par Petzl ; et un dirigeant du milieu sportif associatif. Enfin, l’impossibilité d’accéder aux archives de l’entreprise a été partiellement compensée par une analyse de la presse spécialisée, du Greffe du Tribunal de Commerce4, et des bases de données de l’INPI pour rassembler des informations administratives sur les brevets déposés. Les données ont été mises en perspective avec celles du secteur puis retravaillées à partir des archives de la Fédération des Industriels et Fabricants d’Articles de Sport (FIFAS).

4 Les résultats de ces analyses sont présentés en trois temps : la construction d’un système de valeurs issu du modèle paternel artisanal ; puis, la dynamique de croissance de l’entreprise stimulée par des opportunités de diversification liées à l’évolution des pratiques sportives et motivée par le désir, ou la nécessité, d’innover ; enfin, les choix de gestion imposés par le développement de l’entreprise et les transformations de l’organisation économique du secteur.

Le lancement de l’entreprise : le legs du spéléologue, Fernand Petzl

Fernand Petzl, spéléologue et artisan

5 Petzl est une entreprise familiale. Comprendre sa création impose un retour au fondateur, Fernand Petzl, dont les « valeurs » sont présentées par son fils Paul comme au cœur de l’entreprise actuelle. Fernand Petzl (1913-2003) est ébéniste de formation. Il travaille à son compte comme modeleur. Attaché à son indépendance, il est reconnu pour son ingéniosité qui lui permet de trouver des solutions simples et efficaces aux demandes de ses clients industriels. Sa pratique de la spéléologie oriente son activité vers la fabrication de matériels dédiés à ce sport alors en plein essor.

6 Fernand Petzl est un des pionniers de la spéléologie alpine. Il se fait connaître notamment pas sa participation aux explorations de la Dent de Crolles souterraine et du gouffre Berger, avec un retentissement médiatique important, y compris au-delà des frontières nationales (Schut, 2005). Il y côtoie notamment Pierre Chevalier, ingénieur de formation, qui a fréquenté dans le prestigieux Groupe de Haute Montagne (Hoibian, 2000) des inventeurs de matériel, comme Brenot qui met au point la première technique de remontée sur corde à l’aide de « singes ». Ils partagent leurs connaissances techniques et Fernand Petzl s’avère être un fabricant soigneux et un concepteur qui développe des engins spécifiques, simples et solides, pour permettre le franchissement des obstacles verticaux les plus difficiles. Le travail de Fernand Petzl au service des explorations spéléologiques lui forge une grande renommée. En 1968, Bruno Dressler, membre du Spéléo-Club de la Seine et autre ingénieur créatif, lui demande de produire plusieurs pièces qu’il a mises au point (Dressler et Minvielle, 1979) : descendeur, poulie et poignée de frein5. Ainsi démarre la production d’articles de spéléologie. La notoriété du spéléologue contraste alors avec la vie professionnelle « ordinaire » de l’artisan.

7 La commercialisation se fait directement auprès des utilisateurs, lors des congrès de spéléologie ou à travers les formations dispensées par la Fédération Française de

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Spéléologie. La réputation de Fernand Petzl l’amène aussi à vendre ses produits à des spéléologues étrangers venus visiter le gouffre Berger. La proximité de la communauté de spéléologues, tant auprès des inventeurs que des utilisateurs français et étrangers, permet à Fernand Petzl de mener cette activité en parallèle de ses fabrications industrielles.

L’émergence du marché de la spéléologie et la création de la société Petzl

8 Soucieux de l’avenir de ses enfants, Fernand Petzl souhaite leur transmettre son métier. Son fils aîné, Pierre, le rejoint dans l’atelier, puis c’est au tour de son cadet, Paul. Issus d’une formation supérieure de techniciens en mécanique, ils commencent à fabriquer du matériel de spéléologie dans l’atelier paternel. Fernand Petzl transmet à ses fils ses valeurs. D’abord, le travail. Paul Petzl se rappelle de longues journées rythmées par le travail du bois et du métal. La fabrication des pièces est exigeante physiquement mais aussi intellectuellement. En effet, les critères de qualité sont élevés. Parce qu’il a été le responsable d’équipes de spéléologues au cours d’explorations engagées, et également parce qu’il est très investi dans les secours spéléologiques, Fernand Petzl a conscience de l’importance vitale de la qualité du matériel pour résister aux sollicitations les plus sévères, dans un environnement difficile. La qualité de la conception et de la production est un souci constant. Enfin, Fernand Petzl est animé par un goût de l’innovation qu’il consacre à l’amélioration des pièces existantes et à la conception d’outils nouveaux pour rendre l’usage de ce matériel plus efficace et plus sûr. Dans la première moitié des années 1970, Pierre et Paul Petzl s’approprient ces valeurs sous la direction de leur père. Elles marqueront durablement la culture de l’entreprise familiale.

9 Le début des années 1970 est marqué par une évolution importante des techniques de spéléologie. Les membres du groupe spéléologique de La Tronche (Isère) ont l’idée de transformer un dispositif utilisé par des Américains pour l’adapter aux configurations des gouffres calcaires des Pré-Alpes. Une technique de remontée sur corde simple à l’aide de bloqueurs est mise au point et diffusée par les membres du club. Petzl a le mérite d’apporter rapidement une solution technique complète adaptée à la remontée sur corde en spéléologie à travers différentes innovations dont le bloqueur ventral « Croll ». La spéléologie est alors en plein essor ; les effectifs de ses membres doublent en quinze ans, atteignant presque les 6000 en 1973. Un marché se crée chaque pratiquant ayant désormais besoin d’un équipement spécifique.

10 Fernand Petzl est alors âgé de soixante-deux ans. Soucieux de l’avenir professionnel de ses fils, il les aide à créer la SARL Petzl en 1975 qui se lance pleinement dans la production de matériel de spéléologie. L’atelier artisanal se transforme peu à peu en entreprise. Jusque là, la fabrication du matériel de spéléologie était le fait de passionnés ou de clubs qui produisaient les équipements de manière artisanale et les vendaient autour d’eux. En quelques années, Petzl devient le principal fabricant de matériel de spéléologie. Si la concurrence existe, notamment sur les baudriers ou les sacs, avec TSA (Techniques Sportives Appliquées) une société créée à quelques kilomètres par Georges Marbach, autre passionné de spéléologie, les outils de remontée sur corde de Petzl font référence.

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11 L’entreprise quitte l’atelier paternel de Saint-Nazaire-les-Eymes pour s’installer dans des locaux sept fois plus étendus à Crolles, toujours en Isère. La famille Petzl emploie à la fin des années 1970 sept salariés et réalise 500 kF de chiffre d’affaires. Néanmoins, le lien avec le monde des spéléologues n’est plus exclusif ; l’entreprise développe de nouvelles activités et élargit ses marchés.

Au-delà de la spéléologie : Paul Petzl se diversifie sur les marchés de la montagne

12 Dans la famille Petzl, père et fils partagent de nombreuses valeurs. Mais en matière de gestion d’entreprise, les styles varient considérablement. Fernand Petzl a fait le choix de travailler seul, notamment pour conserver son indépendance. Lorsque son fils cadet Paul prend la direction de l’entreprise il l’engage dans une croissance durable, notamment grâce à une politique de diversification vers d’autres activités de montagne. Cette stratégie a fonctionné pour deux raisons : l’engouement des pratiquants pour les activités ciblées et le transfert de méthode de travail fondée sur les valeurs artisanales paternelles : conception d’un équipement adapté, produit avec un souci de qualité indispensable à la sécurité des pratiquants.

Petzl glisse vers la fixation de ski de randonnée

13 Paul Petzl, qui pratique régulièrement le ski de randonnée, domaine auquel son père ne s’intéressait pas, lance l’entreprise sur ce marché en développant un nouveau type de fixation. Petzl élargit sa clientèle mais il doit également faire face à des concurrents déjà implantés. Contrairement au milieu de la spéléologie, Petzl ne peut s’appuyer ni sur sa réputation de sportif, ni sur un important réseau. Dès lors, la conquête du marché n’est possible que par les voies classiques de la concurrence industrielle. Dans cette démarche, il est possible de simplifier les stratégies en trois scénarios : innover pour offrir un produit supérieur à la concurrence ; réduire les coûts de production pour proposer un produit moins cher; ou rechercher une posture intermédiaire qui vise à obtenir le meilleur rapport qualité/prix du marché.

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Figure 1. Évolution de la production française de matériel de sports d’hiver (en kF)

FIFAS (enquête de branche, 1975-1990)

14 L’entreprise Petzl s’engage dans la première voie. La fixation proposée apporte une innovation importante puisqu’elle permet de réaliser la descente dans une position légèrement plus avancée sur le ski avec le confort d’une butée de ski alpin. Pour pénétrer le marché, Petzl lance une communication à destination des pratiquants, notamment à travers la revue du Club Alpin Français, en mettant l’accent sur les notions de sécurité et de fiabilité : « Course à la sécurité… victoire de Petzl »6 ou encore « L’instinct de sécurité »7. Il transfère ainsi au ski l’image construite dans la spéléologie. Les concurrents, s’ils usent de termes d’un argumentaire également focalisé sur les aspects techniques, restent à un niveau plus général et n’insistent pas sur les aspects sécuritaires.

Lumière sur le produit phare de l’entreprise : la lampe frontale

15 Le marché du ski n’est pas le seul sur lequel s’aventure Petzl. La polyvalence des équipements de montagne offre des opportunités. L’éclairage est l’objet de toutes les attentions des spéléologues contraints à une obscurité permanente, comme dans une moindre mesure des alpinistes qui débutent souvent leurs courses avant le lever du jour. Les contraintes sont sensiblement les mêmes : qualité de l’éclairage, autonomie et fiabilité dans un environnement froid et humide. Or, si la Fédération Française de Spéléologie rassemble moins de 6000 pratiquants en 1975, le Club Alpin Français et la Fédération Française de Montagne en comptent près de dix fois atteignable pas le même réseau de distribution. Face à une concurrence réduite sur le marché français8, Petzl obtient un succès durable auprès de ces différents publics.

16 Vingt-cinq ans plus tard, la lampe frontale connaîtra un nouvel élargissement de sa clientèle. Avec la mise au point de lampes à diodes électro-luminescentes (LED) en 2000, le produit devient simple, pratique, léger, économique, voire même esthétique. Bientôt,

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les spéléologues et les alpinistes sont successivement rejoints par les 5,7 millions de pratiquants de la randonnée en montagne, les 10,5 millions de randonneurs pédestres et une partie des 18 millions de cyclistes (INSEE, 2003) qui gardent une lampe de secours au fond du sac. Les usages non sportifs se développent également auprès des adeptes du camping, mais aussi pour des situations de la vie courante qui nécessitent l’usage d’une lampe électrique, si bien que le marché de la lampe frontale représente aujourd’hui la part la plus importante des recettes de l’entreprise.

17 Le développement de la lampe à LED est lié à un progrès technologique obtenu hors des murs de Petzl mais transféré à son propre domaine. L’innovation est d’autant plus importante qu’elle est le fruit à la fois d’une évolution technique et d’un élargissement des usages de l’équipement construit (Hillairet, Richard, Bouchet, 2009). Il faut souligner que le succès de la lampe a permis de réaliser de grandes séries à des prix très compétitifs. Le tarif relativement attractif rend la technologie plus accessible et en favorise sa diffusion auprès d’une clientèle plus large (Hillairet, 2005). Depuis, face à un marché désormais considérable, Petzl est durement concurrencé par de nombreuses marques (Black Diamond, Princeton, Frendo, Silva, etc.). Aujourd’hui, le Vieux Campeur dispose de 41 références pour des lampes frontales produites par six marques différentes.

L’ascension du marché de l’escalade

18 Paul Petzl, en gestionnaire avisé et pratiquant polyvalent des activités de montagne, engage l’entreprise dans d’autres projets. Sans s’attarder sur l’ensemble des activités sur lesquelles se positionne Petzl, il est important de revenir sur une étape décisive : le marché de l’escalade, qui connaît une croissance accélérée dans les années 1980 (Aubel, 2002). Les Américains font figure de pionniers dans cette pratique et, naturellement, les fabricants accompagnent leur développement. L’entreprise Chouinard, qui deviendra Black Diamond en 2001, débute son activité en fabriquant des amarrages pour assurer la progression des grimpeurs. Troll est le spécialiste du harnais. Au début des années 1980, les demandes des pratiquants stimulent l’innovation pour adapter aux spécificités de l’escalade libre le traditionnel harnais complet de montagne dont la conception n’a pas significativement évolué au cours des dernières décennies. G. Marbach, propriétaire de TSA et concurrent de Petzl sur le marché de la spéléologie, lance un harnais d’escalade en 1984.

19 Petzl arrive timidement sur le marché, la même année, puis, saisissant l’ampleur du marché, s’y engage résolument en développant de multiples améliorations techniques qui augmentent la sécurité et le confort de l’équipement comme, par exemple, la double boucle qui permet un serrage du baudrier aisé et sûr. Le marché de l’escalade grandit grâce au développement des structures artificielles d’escalades9 qui convertissent les urbains des plaines à cette pratique issue de la montagne (Raspaud, 1991). Pour répondre à une demande quantitativement importante et garantir la qualité d’un matériel soumis à des sollicitations intenses, Petzl investit dans des machines automatiques pour mécaniser l’assemblage des harnais. Cette étape est également importante dans la structuration de l’entreprise qui transforme son activité artisanale en une activité semi-industrielle

20 Alors que l’entreprise Petzl n’est pas historiquement liée à l’escalade, elle en devient un équipementier incontournable, notamment parce qu’elle développe une gamme axée

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sur l’amélioration de la sécurité. Ainsi, un dispositif d’assurage auto-bloquant, le « Gri- gri », voit le jour pour remplacer le « huit », dont les performances étaient conditionnées par l’attention de son utilisateur. Puis, Petzl, s’appuyant sur le développement de l’usage des mousses polystyrène, fait campagne en faveur du port du casque. Commercialisant ensuite des mousquetons et divers accessoires, les grimpeurs peuvent s’équiper très largement sur la base des produits de la marque.

21 En prenant la direction de l’entreprise, Paul Petzl a donc engagé une démarche de conquête de nouveaux marchés. Cette diversification10 était nécessaire vu le caractère restreint du marché de la spéléologie et a été possible par un glissement vers des pratiques plus larges ou émergentes. Elle a reposé aussi sur la polyvalence de certains équipements comme les lampes frontales, qui permettent de toucher plusieurs marchés de niche et d’atteindre des volumes relativement importants. Mais le succès commercial est également lié à la rencontre entre les valeurs promues par l’entreprise et les évolutions du marché : la recherche de qualité et de sécurité qui anime Petzl dans la conception de nouveaux produits, correspond aux besoins d’un public qui n’est plus celui de pionniers mais de pratiquants réguliers qui cherchent à réduire la prise de risque. Enfin, les efforts dans l’innovation ont permis à Petzl de se positionner rapidement avec des produits nouveaux qui ont parfois pu prendre de vitesse ses concurrents. Néanmoins, la pérennité de l’entreprise est également liée aux choix de stratégie et de gestion. L’investissement de Petzl dans la production de harnais d’escalade et d’équipements associés ainsi que le succès de l’escalade contrastent avec l’évolution du marché du ski qui décline depuis le milieu des années 1980 (Figure 1). Aussi, étant donné l’engouement général pour l’escalade, Paul Petzl décide d’abandonner la production de fixations de ski de randonnée. D’autres choix de gestion liés à l’organisation interne de l’entreprise ont assuré la prospérité de l’activité.

De l’atelier familial à la PME internationale

22 La croissance régulière de l’entreprise depuis les années 1970 conduit à évoluer du modèle artisanal initial à une production semi-industrielle puis industrielle par le développement de chaînes de montage automatisées qui permettent de répondre à une demande croissante. De plus, Petzl s’inscrit dans l’évolution générale de l’industrie et notamment de celle des articles de sport : rachat-fusion des entreprises, délocalisation des sites de production et course à l’innovation (Bouchet, Hillairet, 2009).

Une entreprise indépendante

23 Depuis les années 1980, l’industrie des articles de sport s’est concentrée autour de quelques grands groupes industriels. Petzl a résisté à ce mouvement et demeure à ce jour la propriété exclusive des membres de la famille tout en ayant elle-même racheté quelques firmes aux activités complémentaires.

24 En 1997 Petzl rachète l’entreprise iséroise TSA11. Les produits concurrents sur le matériel d’escalade sont supprimés et seuls sont conservés les produits de spéléologie et canyoning. Le rachat a permis à Petzl de renforcer sa position sur le marché de la spéléologie et d’éliminer l’un des principaux concurrents sur le matériel d’escalade. Cette procédure sera répétée sensiblement de la même façon lors de la seconde opération.

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25 Charlet-Moser est une entreprise spécialisée dans le matériel d’alpinisme, essentiellement orientée vers le matériel technique comme les piolets et les crampons. Elle est rachetée en 1983 par la société Leborgne et dynamise son activité en proposant des piolets au manche courbé, adaptés à une pratique alors en développement, l’escalade de cascades de glace. Malgré des résultat positifs12, la société Leborgne souhaite s’en séparer pour recentrer son activité sur son cœur de métier, l’outillage de jardin. Avec 30,5M€ de chiffre d’affaires et 200 salariés Petzl a la capacité de réaliser cette opération sans grand risque. De plus, Petzl et Charlet-Moser ont de nombreux distributeurs en commun, auprès desquels ils offrent des gammes complémentaires autour des activités « verticales ». Par cette acquisition, Petzl complète ses gammes et offre aux alpinistes et glaciéristes un équipement complet.

26 Ces achats ont permis d’éliminer quelques produits concurrents et surtout de compléter les gammes pour proposer aux clients des équipements complets. Il faut néanmoins remarquer que le rachat d’entreprises ne semble pas relever d’une stratégie de développement pensée par rapport à une rentabilité à court terme. Les produits issus de ces fusions, s’ils ont un intérêt dans une perspective d’élargissement de l’activité autour du concept central de verticalité ne sont pas ceux qui produisent le plus de profit. L’absorption des entreprises préserve également l’unité de l’entreprise familiale. Il est probable que la proximité des entreprises ait facilité ces intégrations. Mais le rachat de ces entreprises dans un rayon géographique restreint ne doit pas masquer le caractère international de l’activité de Petzl.

Petzl et la mondialisation

27 Dès ses débuts, l’entreprise Petzl a eu des clients étrangers. Nous évoquions les spéléologues en visite chez Fernand Petzl au cours des années 1950. Au-delà de ces contacts ponctuels, Paul Petzl cherche très tôt des distributeurs, d’abord dans les pays européens voisins puis aux États-Unis. Petzl y crée en 1998 une filiale commerciale à Salt Lake City13, au pied des Rocheuses, qui accueille de nombreuses entreprises ou filiales spécialisées dans les articles de sport14. Au fil des années, ce réseau s’agrandit pour toucher aujourd’hui près de cinquante pays avec 80% du chiffre d’affaires réalisé à l’exportation.

28 Mais l’élargissement des perspectives internationales vaut aussi pour les fabrications. En France comme à l’étranger les fabricants de matériels de sport mettent rapidement en œuvre des fonctionnements devenus courants dans l’industrie : la délocalisation des sites de production dans les pays étrangers où la main-d’œuvre est moins coûteuse, provoquant une diminution des emplois en France (Figure 2).

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Figure 2. Évolution de l’emploi dans la fabrication d’articles de sports et de camping en France de 1975 à 2005

FIFAS (enquête de branche, 1975-1990)

29 Selon Paul Petzl, ce sont les lois Aubry de 1998 sur les 35 heures qui le décident à lancer des productions à l’étranger. Néanmoins, cette décision est difficile à mettre en œuvre dans le respect de ses « valeurs », tant d’un point de vue social que marketing. Délocalisation et licenciements ont toujours des effets désastreux sur l’image d’une entreprise qui enregistre des bénéfices. Aussi, une solution se dessine. L’outil de production est maintenu en France mais l’augmentation de l’activité est réalisée dans les pays où la main-d’œuvre est économique. S’appuyant sur un réseau de sous- traitants, Petzl implante un site de production en Malaisie en 2009 qui emploie 38 personnes15 sur les 450 employés de la firme. L’évolution de la structure de la production a facilité les démarches : les innovations dans le domaine de l’électronique, notamment avec les lampes frontales à LED commercialisées dès 2000, facilitent l’usage massif de sous-traitants étrangers. En effet, les unités de production françaises ne sont pas orientées vers ce type d’équipements : le site de Crolles est largement dédié à la R&D et à la gestion de l’entreprise, tandis que le site de production d’Eybens est d’abord orienté sur l’assemblage de produits textiles, notamment les baudriers.

L’innovation : une tradition familiale et un projet d’avenir

30 Le dernier axe moteur du dynamisme économique de l’entreprise est l’innovation. Certains exemples évoqués précédemment témoignent des avancées techniques importantes réalisées en lien avec les évolutions des pratiques. W. Andreff (2002) qualifie l’innovation d’« arme particulièrement stratégique dans l’industrie des articles de sport, vu la recherche permanente de performance ». Ce type d’innovation techniciste est palpable dans la conception du matériel de remontée sur corde en spéléologie. Mais Petzl joue sur un second registre important dans les sports de nature où la pratique de loisirs prédomine à la recherche de performances. W. Andreff (2002, 94) complète son propos en rappelant qu’il ne faut pas négliger « une demande d’innovations facilitant la pratique d’un sport à tous les pratiquants, une demande de sécurité accrue, de confort ». La culture de la famille Petzl a toujours été

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particulièrement orientée vers l’innovation et cela reste l’élément moteur du développement commercial de l’entreprise. Malgré les contraintes liées à la gestion et la direction de l’entreprise, Paul Petzl reste fondamentalement motivé par la conception de nouveaux produits. Son nom figure parmi les inventeurs de 96% des brevets recensés à l’INPI et il est l’unique inventeur pour dix d’entre eux.

31 Dans cette dynamique, le centre de Recherche et Développement de l’entreprise, créé en 1986 et associé à une tour d’essai, est le centre névralgique de l’activité. Le premier ingénieur est recruté la même année. Aujourd’hui, près de 90 personnes y travaillent. En investissant dans l’innovation, Petzl améliore ses produits et multiplie les équipements. Le dépôt de brevets traduit cette dynamique accélérée (Figure 3). Les innovations qu’ils peuvent générer permettent à Petzl de maintenir des prix moyens plus élevés. Mais cet avantage est d’une durée extrêmement réduite. La veille concurrentielle entre les entreprises du secteur entraîne une réaction très rapide des concurrents. La stratégie de gestion de l’entreprise permet de gérer efficacement son développement ainsi que le maintien de son identité et de son unité. De cette manière, l’activité est pérenne : le chiffre d’affaires et le nombre de salariés augmentent régulièrement au fil des années (Figure 4).

Figure 3. Brevets Petzl

Source : Institut National de la Propriété Industrielle

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Figure 4. Évolution du chiffre d’affaires et du nombre de salariés de Petzl

Sources : presse spécialisée, Greffe du Tribunal de Commerce

Conclusion

32 Cette reconstruction de l’itinéraire de Paul Petzl montre comment celui-ci a repris et transformé l’activité artisanale de son père, en perpétuant certaines « valeurs » : engagement personnel dans le travail, recherche de l’indépendance, innovation centrée sur la qualité et la sécurité, tout en mettant en place une structure industrielle. Il a élargi son marché vers l’escalade et l’alpinisme en s’appuyant sur le savoir-faire acquis dans la spéléologie et le matériel commun aux différentes activités de montagne, puis a complété ses gammes pour offrir des solutions complètes et adaptées aux pratiquants sans cesse plus nombreux. La gestion de Paul Petzl privilégie les investissements, particulièrement en R&D, pour favoriser l’innovation mais reste centrée sur ses compétences, sa culture et son identité. Au final, Paul Petzl est parvenu à concilier croissance et renouvellement des marchés et maintien d’une structure familiale qui se veut l’héritière de l’esprit de l’entreprise artisanale paternelle, malgré l’envergure de l’activité (500 salariés, 100M€ de chiffre d’affaires). Petzl fonctionne depuis près de quarante ans sous l’autorité d’une même personne, dépositaire d’un certain nombre de valeurs. Il semble que cet élément ait favorisé la pérennité de l’entreprise. Aussi, il peut paraître intéressant pour les PME/PMI du secteur sportif, de mobiliser une analyse prosopographique des dirigeants pour mieux appréhender les trajectoires et les choix de gestion opérés.

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Entretiens

Paul Petzl, président de Petzl, le 24.08.2011 à Crolles (38).

Jacques de Rorthays, président directeur général du Vieux Campeur, le 30.09.2011 à Massy (92).

Georges Marbach, ancien fabricant (TSA) et distributeur (Expe) de matériel de montagne, le 28.11.2011 à Choranche (38).

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Michel Letrône, directeur de la commission de stages puis de l’École Française de Spéléologie au sein de la Fédération Française de Spéléologie, le 07.02.2002 à Villeurbanne (69).

NOTES

1. Je remercie les personnes qui ont bien voulu m’aider dans mes démarches, et plus particulièrement les professionnels en exercice qui m’ont accordé un temps précieux : Paul Petzl, Francine Del Rieu, Jacques de Rorthays, Georges Marbach et Catherine Trachtenberg. 2. Les catalogues été et hiver du Vieux Campeur (1970-2010), détaillant spécialisé reconnu pour l’étendue des produits distribués et bénéficiant d’une ancienneté significative permettent d’analyser le développement des produits et gammes vendues par Petzl et de les situer par rapport à la concurrence. 3. Essentiellement les revues trimestrielles de la Fédération Française de Spéléologie, Spelunca, et du Club Alpin Français, La Montagne et alpinisme, durant la période 1970-2010. 4. Le suivi de l’évolution du chiffre d’affaires et du nombre d’employés dans l’entreprise sur l’ensemble de la période est compliqué la volonté manifeste de l’entreprise de ne pas se soumettre systématiquement aux règles déclaratives. Les manques ont été partiellement comblés par une revue de presse. 5. Catalogue Vieux campeur, été 1970. 6. La Montagne et alpinisme, n°3, 1982. 7. La Montagne et alpinisme, n°1, 1986. 8. Des années 1970 à la fin des années 1990, différentes marques apparaissent sans durer, y compris des enseignes généralistes comme Panasonic ou Wonder. Seul Frendo, à partir des années 1990, s’inscrit durablement dans le paysage. 9. On dénombre 21 structures artificielles en 1980, près de 600 en 1989 et plus de 2 500 en 2012. 10. Citons également le développement de l’entreprise sur le marché professionnel – secouristes, ligneurs, élagueurs, militaires ou ouvriers spécialisés dans les travaux en hauteur, etc. – car le cadre de la présente étude nous pousse à nous centrer sur le marché du sport et des loisirs mais cette voie est la principale action de diversification de l’entreprise au cours des années 1990. Bien qu’elle soit un acteur beaucoup plus modeste sur un marché plus large que celui du sport, cet élargissement de son champ d’action lui apporte aujourd’hui la moitié de son chiffre d’affaires. 11. La Tribune, 10 décembre 1997. 12. En 2000, Charlet-Moser réalise 3,8M€ de chiffre d’affaires et un résultat de 350 000€ avec un effectif de vingt-huit personnes. 13. Wharton T. : « Petzl’s Fortunes Keep Climbing », The Salt Lake Tribune, 15 août 2001. 14. « Outdoor products companies announce investment in Utah », US Fed News, 29 janvier 2007. 15. L’Entreprise, n°296, janvier 2011.

RÉSUMÉS

Petzl est une entreprise du bassin Grenoblois dont l’activité est centrée sur la production de matériel de montagne. Aujourd’hui, l’entreprise est une importante PMI internationale de l’industrie des articles de sport, portée par des produits tels que les lampes frontales, les harnais

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d’escalade et les engins mécaniques assurant la progression sur corde. Hier, elle était une simple entreprise artisanale familiale, proposant du matériel de spéléologie. La présente monographie révèle l’évolution de l’activité sous la direction constante de Paul Petzl. Nous émettons l’hypothèse que ce dernier a engagé une dynamique de croissance qu’il a su pérenniser grâce à la culture des valeurs artisanales héritées de l’entreprise paternelle, fondée sur la qualité de la conception et de la production au service de la sécurité des pratiquants. Le développement de l’entreprise est principalement fondé sur la diversification de l’activité depuis la spéléologie vers le ski, l’alpinisme, l’escalade et de nombreux sports de montagne qui ont eu, à des époques données, un certain succès auprès du public. La réussite de l’entreprise dans l’élargissement de son marché est liée à sa capacité d’innover en proposant des équipements plus adaptés aux besoins des pratiquants, et en particulier par rapport à la sécurité, valeur qui transcende les pratiques et qui constitue une part importante de l’identité de l’entreprise.

INDEX

Mots-clés : industrie des articles de sports, entreprise, Petzl, spéléologie, escalade, innovation

AUTEUR

PIERRE-OLAF SCHUT Université Paris-Est, Marne-la-Vallée [email protected]

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A strategy of development based on innovation The case of the Petzl Company in Isere, France1

Pierre-Olaf Schut

EDITOR'S NOTE

Translation: Jeanne Schut

1 Petzl is a family business created in 1975, in the wake of the craft activity of Fernand Petzl, a pioneer of alpine caving. Initially specialized in material dedicated to the practice of speleology, Petzl has expanded its business to other mountain sports and outdoor recreation. Analyzing its history means taking a look at economic questions related to the development of an industrial company which keeps growing regularly until it becomes a small and middle-size but international company.

2 Our hypothesis is the following: Paul Petzl launched a growth dynamics which he managed to perpetuate, especially thanks to the cultivation of traditional values inherited from his father’s company : independence, quality, innovation. According to F. Cognie and F. Aballéa (2010), craft industry is an exemplary model in entrepreneurship because it is based on a proximity which structures the company organization and the service relationship offered to its customers. This closeness spreads out at every level, favouring the development of the know-how and the quality of the work until it gains its customers’ trust. It also makes innovation possible through the development of new solutions adapted to the evolutions of the needs. Finally, the fact that the company was born from its close link with speleology and the corporate culture built around Fernand Petzl’s fame as a member of mediatised caving explorations adds up to make a relevant whole from an economic point of view. Later, when the company grows and structurally moves away from the ideal-typical craftsman model, its manager, Paul Petzl protects its fundamental values to enjoy a lasting stability. In fine, through Paul Petzl’s entrepreneurial course, this article aims at demonstrating how a man can ensure his company sustainability supported by the

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values of the original family business – especially in its permanent search for innovations – and make relevant management choices.

3 The present study relies on several sources. First, an interview with Paul Petzl, the managing director witch allowed us to recount his vision of the company and the choices made by the management. We have also mobilized documents provided by the company: articles listed in distributors’ catalogues2 and advertisements published in specialist magazines3. To have a better view of the import of the manager’s comments, we had further conversations (fully listed in the appendix) with key actors in the company professional environment. Finally, the impossibility to have access to the company archives was partially compensated by a close study of specialist publications, minutes from the Commercial court4, and the database of the INPI (French national institute of industrial property) to gather administrative information relative to registered patents and economic statistics. The data were compared with those of the sector and then sorted again through the archives of the Federation of Industrialists and Manufacturers of Sporting goods (FIFAS).

4 The results of these analyses are presented in three phases: first, the construction of a value system stemming from the family business model; second, the company growth dynamics stimulated by opportunities of diversification connected to the development of sports practices and motivated by the desire or the necessity to innovate; and finally, the management choices imposed by the company development and the evolution of the economic organization in the sector. Thus, through a case study, this monograph opens up to a reflection on the management and strategy of an industrial company and on how the evolution of practices influences product manufacturers.

Launching the company: a legacy from Fernand Petzl, the speleologist

Fernand Petzl, a speleologist and craftsman

5 Petzl is a family business. To understand how it came about, we have to be aware of the culture and values Fernand Petzl passed on to his sons. In 1930, when Fernand Petzl (1913-2003) starts his speleology activities, he also unknowingly starts the company history. He became famous for his underground exploration of the Dent de Crolles and later of the Berger abyss (Schut, 2005). He assists Pierre Chevallier, an engineer with whom he shares caving and technical knowledge and proves to be a smart and efficient designer. But the speleologist’s fame strangely contrasts his “ordinary” professional life as a craftsman. Trained as a cabinetmaker, he works for himself as a modeller. Attached to his own independence, he is famous for his ingenuity which helps him find simple and effective solutions. His professional skills are soon requested for the production of specific tools needed for underground explorations. In 1968, Bruno Dressler, a member of the Seine Speleo-club and a creative engineer, asks him to produce several parts he has designed (Dressler and Minvielle, 1979): descender, pulley and brake handle5. This is how the production of speleology products started.

6 Marketing is made directly with the users, during speleology congresses or through the courses offered by the French Federation of Speleology. Fernand Petzl’s reputation also leads him to sell his products to foreign speleologists. The fact that speleologists constitute a close-knit community, both among inventors and among French and

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foreign followers, gives Fernand Petzl the opportunity to start a fortuitous additional activity.

Emergence of the speleology market and creation of the Petzl company

7 Concerned about his children’s future, Fernand Petzl wishes to pass his business onto them. Pierre, his elder son, joins him in the workshop and so does his younger son, Paul, a little later. Having both received an education and training in mechanical engineering, they begin to make speleology equipment in their father’s workshop. Within the family company, Fernand Petzl also passes on his values to his sons: first and foremost, work! Manufacturing these parts is very demanding, both physically and morally as the quality criteria are high. Because Fernand Petzl had been a team leader for speleologists during difficult underground explorations, and also because he is still engaged in speleological rescue, he is very much aware of the vital importance of the quality the equipment must have to resist the most severe tensions in a difficult environment. Quality in design and production is a constant concern for the conscientious and responsible craftsman. Moreover Fernand Petzl is animated by a taste for innovation which he dedicates to the improvement of existing parts and to the design of new tools to make the use of existing devices safer and more effective. In the first half of the 1970s, these values are instilled in Pierre and Paul Petzl by their father. They will strongly mark the culture of the family business.

8 Sales keep progressing, but production remains limited to a maximum of 300 pulleys per year. However the beginning of the 1970s is marked by an important evolution in speleology techniques: the development of methods for ascent on a single rope. Members of the La-Tronche speleology group decide to adapt a device used by Americans to the pre-Alps limestone abysses. A technique of ascent on a single rope by means of a locking device is finalized and made known by the club members. At that point, speleology is booming; the number of club members has doubled over fifteen years, reaching 6.000 in 1973. This technical upheaval opens up a market because every follower now needs specific equipment.

9 Fernand Petzl, now sixty-two years old and concerned with the professional future of his sons, helps them to create Petzl Ltd in 1975 where both partners, Pierre and Paul, launch into a full-blown production of speleology equipment.

10 The revolution of speleological techniques is underway, but it still heavily relies on the diverted usage of existing materials like, for example, the Jumar handle which was developed by mountain guides for rescue operations. Petzl’s good point is to quickly bring complete and adapted technical solutions through various innovations6. Until then, speleology devices were produced by clubs or individuals who created their own equipments manually and possibly sold them to other followers. However, within a few years, Petzl Ltd takes advantage of its strong links with the speleology community and becomes the main manufacturer of speleology equipment. Even though the company has competitors – and especially TSA for what regards belts or bags – tools for rope ascent are their own references.

11 At that time the company leaves the paternal workshop in Saint-Nazaire-les-Eymes and settles in premises seven times as large in Crolles, still in the Grenoble area. This moving is imperative because the Petzl family now has seven employees and their

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turnover has gone up to 500,000 French Francs. But this location is not simply connected to practical reasons: the site is symbolic because it is at the foot of the Dent de Crolles where all the speleological adventure began, and quite close to the Berger abyss which symbolizes great depths. Nevertheless the link with the speleology world is no longer exclusive; the company opens up to new activities offering excellent perspectives for development.

Beyond speleology: Paul Petzl diversifies on the mountain market

12 In the Petzl family, father and sons share many values, but their styles vary considerably where company management is concerned. Fernand Petzl had chosen to work alone, mainly to preserve his independence. Paul, his younger son, is very much involved into the development choices of the activity and his excellent eye for opportunities embarks the company into a sustainable growth, especially thanks to a diversification policy, a widening of the mountain activities spectrum. Paul Petzl’s lucidity in these investment choices is also marked by his personal commitment in these activities. He is totally part of the craftsman model, this exemplary entrepreneur defined by F. Cognie and F. Aballéa (2010).

Petzl glides towards bindings for ski touring

13 Paul Petzl, who regularly practice ski touring that his father was not interested, launched the company in this market by developing a new type of fastener.

Figure 1. Evolution of French winter sports equipment production (in thousands of French Francs)

Source: FIFAS (sector survey, 1975-1990)

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14 By positioning itself on this market, Petzl Ltd opens up to a vast potential business but it also has to face already established competitors. With this market, as opposed to speleology, Petzl can rely neither on the reputation attached to its name nor on a large network in ski circles. Hence the conquest of the market is only possible through classical ways in industrial competition. These strategies can be summarized into three scenarios: innovate to offer a better product; reduce production costs to propose a cheaper product; or look for an intermediate position aiming at obtaining the best possible value for money.

15 Following its leaders’ family values, the Petzl company follows the first avenue, always stimulated by the improvement of existing tools. The newly-developed binding is a great innovation because it makes it possible to glide down on the skis in a slightly more forward position with the same comfort as with an abutment. To penetrate the market, Petzl relies on targeted communications directed to ski touring followers, especially through the French Alpine Club magazine, focusing on safety and reliability: “In the safety race… Petzl arrives first!”7 or: “The safety instinct” 8. As for competitors, even though they also use arguments focused on technical aspects, they remain more general and do not stress the safety aspects.

Light on the company flagship product: the headband lamp

16 The ski market is not the only one Petzl ventures into. The versatility of mountain equipments offers many opportunities. As speleologists are condemned to permanent darkness, lighting is of the utmost importance as to lesser extent climbers who often start before daybreak. The specifications are quite similar: quality of lighting, autonomy and reliability in a cold and wet environment and if the French Federation of Speleology counts less than 6,000 followers in 1975, together the French Alpine Club and the French Federation of Mountain gather almost ten times more. As the distribution network is the same, selling to them does not require any more investment. As its competitors on the French market9 are not especially strong on this type of products, Petzl obtains a long-lasting success with the various users.

17 Twenty-five years later, the headband lamp market will extend even more. With the development of electro-luminescent diodes (LED) in 2000, lamps become simple, practical, light, economical and even attractive. Soon speleologists and climbers are successively joined by 5.7 million mountain hikers, 10.5 million other hikers and part of the 18 million cyclists who keep a spare lamp in their rucksack (INSEE, 2003). Non- sports usages also develop like for campers, but also for everyday life situations which require the use of a flashlight, so that the headband lamp market represents the largest part of the company receipts.

18 The development of the LED lamp is connected to a technological progress obtained outside of Petzl’s and which ended up with the production of white light spectrums with diodes10. The technology transfer attracts many more users. The innovation is all the more important as it is the fruit of a technical evolution and at the same time an extension of the uses of existing equipment (Hillairet, Richard, Bouchet, 2009). However, it is necessary to underline that the success of the lamp with its initial target public soon made it possible to produce large series at very competitive prices. The relatively attractive price makes this technology more accessible and favours its distribution with even more customers (Hillairet, 2005). Since then, faced with a

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henceforth considerable market, Petzl has been threatened by many competitors (Black Diamond, Princeton, Frendo, Silva, etc.). Today, Le Vieux Campeur holds 41 references for headband lamps produced by six different manufacturers.

The ascent of the climbing market

19 Paul Petzl, as a well-informed administrator and as a follower of many mountain activities, engages the company in other projects. Without lingering over all the activities Petzl covers, it is important for us to go back over a decisive stage in the 1980s when the climbing market enjoys an accelerated growth (Aubel, 2002). Americans appear like pioneers in this activity and manufacturers naturally follow this development. The Chouinard company, which will become Black Diamond in 2001, begins its production with moorings intended to belay the climbers’ progress. Troll is the harness specialist. At the beginning of the 1980s, the followers’ requests stimulate innovation to adapt the traditional complete mountain harness to the specificities of free climbing. The design of that harness had not significantly evolved during the past decades. G. Marbach, the owner of TSA and a competitor of Petzl’s on the speleology market, launch The “Presles” in 1984.

20 The same year, Petzl makes a timid arrival on the market but then, becoming aware of the scale of the market, decide a decisive plunge into this venture. The climbing market keeps growing with the development of artificial structures11 which attract city people to this activity originally born in the mountain (Raspaud, 1991). To meet the many requests and guarantee the quality of equipments subjected to intense stress, Petzl invests in automatic machines to mechanize harness assembly. This step is also important in the structuring of the company as it turns its craftsman activity into a partly industrialized one.

21 While the Petzl company is not historically connected to climbing, it becomes a major equipment manufacturer for the followers of this activity, especially because it continues to meet the users’ needs through a range of products which complete the climber’s outfit by improving its safety according to the company values. For example the “Grigri”, a device for self-blocking belaying, was produced to replace the “Huit” which required the user’s permanent attention. Then betting on the growing use of polystyrene froths, Petzl Ltd campaigns for helmet wearing. When karabiners and various other accessories are made available by Petzl, climbers can be fully equipped with the brand products.

22 When Paul Petzl took over the company management, his approach aimed at conquering new markets. First, this diversification12 is due to the limited character of the speleology market and to the opportunities which the increasingly emerging activities represent. This dynamics is made possible by the versatility of certain equipments like the headband lamps which allow the company to rely on its own skills. But commercial success is also connected to the harmony between the company values and the evolutions of the market: the search for quality and safety which has always led Petzl to designing new products meets with a public who tries to reduce risk-taking to its minimum. Finally, efforts in innovation enable Petzl to position itself quickly with new products which sometimes manage to get ahead of its competitors. However the company sustainability is also closely related to its choices in strategy and management. Petzl’s investment in the production of climbing harnesses and other

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associated equipments as well as the success of climbing contrast with the evolution of the ski market. After slowing down its growth in the middle of 1980s, skiing is now clearly declining (figure 1). So, considering the continuing enthusiasm for climbing, Paul Petzl decides to give up the production of ski touring bindings. Other management choices linked to the inside organization of the company have ensured the prosperity of the activity.

From the family workshop to an international company

23 In France, the production of equipment for sports and leisure activities was mainly based on a craftsman model up to the 1960s (Andreff, 2002). The partly industrialized production and the development of automated assembly lines make it possible to meet much larger demands. Indeed, this period corresponds to an unprecedented democratization movement in sports practices, including winter sports, thus entailing an increasing need for specific equipment. But beyond the narrow link binding manufacturers to consumers, the industrial production mode is part of a wider economic logic which specialists in sporting goods cannot escape. This is the reason why, even though Petzl Ltd has enjoyed a relatively regular and continuous growth since its creation, it is important to analyze the strategies implemented to face the transformations affecting industry and more specifically in the field of sporting goods: mergers and acquisitions, relocation of production sites and race for innovation (Bouchet, Hillairet, 2009).

An independent company with a powerful identity

24 Since the 1980s large industrial groups built on a merger and acquisition policy appear in the industry of sporting goods. This agitated history depicts the economic context, but it is widely different from the way Petzl developed. Indeed to this day the company remains the exclusive property of the family members and Paul Petzl intends to maintain this position. He declared he had declined every bid that had been made to him. In this way, he can keep the control of his company where he continues to cultivate certain values.

25 This determined will for independence is both the expression of the Petzl family values cultivated within the company and of Paul Petzl’s wish to keep control over its activities. On the other hand, the company engaged in two acquisitions which allowed it to strengthen its position on the. In both cases, the acquired companies had been put on sale by their respective owners within the framework of a transfer of activity for one, and a refocusing of the activity for the other. Nevertheless Petzl was strengthened by these acquisitions having thus enriched its product range and gained new market shares.

26 The first acquisition goes back to December 1997 when TSA, a local company owned by G. Marbach is sold to Petzl. After the acquisition, Petzl maintains the TSA products in speleology and canyoning, but immediately eliminates every competitive climbing product. Petzl’s acquisition has contributed to giving the brand an even more hegemonic position on the market of speleology and to eliminating one of its main

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competitors in climbing equipment. This way of conducting things will be repeated in a similar way during the second operation.

27 Charlet-Moser is a company specialized in climbing equipment, in particular technical materials like ice axes and crampons. In 1983 it is bought back by Leborgne, a company which revitalizes its activity by proposing ice axes with a bent handle adapted to a practice which is becoming more and more popular: ice climbing. In 2000, Leborgne wishes to part from it in order to refocus its activity on its main business line: garden equipment13. Petzl is perfectly indicated to make this deal. With its turnover of 30.5 million Euros and its 200 employees, Petzl is now almost ten times as large as Leborgne and can easily realize this operation without great risks. Furthermore, Petzl and Charlet-Moser have numerous distributors in common to whom they offer complementary ranges linked to “vertical” activities. By purchasing the company, Petzl completes its own product range and can now offer complete equipments to mountain climbers and ice climbers. It is quite possible that the geographical proximity of the companies facilitated the exchanges. The strong presence of sporting goods manufacturers in the Rhone-Alps area14 is closely related to the nearness of the sites of practice and contributes to the evolution of the sector15. But the fact that the acquired companies were geographically close together should not hide the international character of Petzl’s activity.

Petzl and globalization

28 From the start Petzl Ltd has had foreign customers. We have mentioned how speleologists used to visit Fernand Petzl early in his career. Going beyond these occasional purchases, Paul Petzl looks for distributors, especially abroad. Originally France was quite famous for its winter sports equipment and more than three-quarters of the national production was exported (Figure 1). Therefore the Petzl brand was soon distributed abroad, first in neighboring European countries and then in the United States. Over the years, this network got wider and it now includes fifty countries. This investment allows Petzl to have a definite international dimension and to realize 80% of its turnover in its foreign sales. Distribution is a very important point in the company strategy and its development. Petzl creates its own distribution network in France, especially with the help of mountain guides who can be economical seasonal commercial workers.

29 The same disappearance of an intermediary in the distribution network takes place on the American market. Paul Petzl creates a branch company in Salt Lake City in 199816, situated at the foot of the Rocky Mountains, where many companies or subsidiaries specialized in sporting goods is already established17.

30 Now companies established in countries where production costs are high more and more often resort to foreign subcontractors. Thus Petzl’s competitors soon implement a functioning mode that has become common practice in industry: relocation of the production sites in countries where the workforce is less expensive. This phenomenon is the rule in the whole industrial sector of sporting goods (Andreff, 2002). It reduces the products cost price. In return, this dynamics inevitably tends to reduce the number of industrial jobs as in France (Figure 2). In the end, either prices decrease or sales margins increase.

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Figure 2. Evolution of employment in the manufacturing of sports and camping articles in France from 1975 to 2005

Source: FIFAS (sector survey, 1975-1990)

31 According to Paul Petzl, the Aubry laws voting in 1998 a 35 hour working week in France persuade him to give a larger place to production abroad. But this decision is hard to implement considering the company values and its social policy. Relocation and lay-offs always have a disastrous impact on the image of a highly profitable company. But a justifiable solution takes shape when increased sales come to require further production: this will be mainly manufactured in countries where the workforce is economical. Relying more and more on a network of subcontractors, Petzl eventually establishes a production site in Malaysia in 2009. The site employs 38 people18 out of the company’s 450 employees. In this way, Petzl maintains all the existing jobs in France, including in its production sites, and manages to perpetuate its activity without compromising its image or values. The evolution of the production structure helped these initiatives. Innovations in the field of electronics – and especially the LED headband lamps marketed from 2000 onward – facilitate the massive use of foreign subcontractors as the French production units are not oriented in this type of equipment: the Crolles site is clearly dedicated to R&D and to the company management whereas the Eybens production site is mainly oriented in the assembly of textile products and bauds in particular.

Innovation: a family tradition and a perspective for the future

32 The last driving axis of Petzl’s economic dynamism is related to innovation. Some examples mentioned above testify of important advances linked to the family personal practice of mountain sports. W. Andreff (2002, 93) says about innovation that it is a “particularly strategic weapon in the industry of sporting goods, considering the permanent race for performance”. This type of technical innovation is tangible in the design of material for rope ascent in speleology. But Petzl also plays on another front: outdoor sports which can also be practiced as leisure activities where performance is secondary. W. Andreff (2002, 94) completes his comment by reminding that one should not neglect “a request for innovations facilitating the practice of a sport for all

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followers, a request for greater safety and comfort”. The Petzl family culture was always decidedly oriented towards innovation and this remains the driving element of the company business development. Despite the constraints linked to managing and directing the company, Paul Petzl remains fundamentally motivated by the conception and design of new products. His name appears among the inventors for 96% of the patents listed at the INPI and he is the only inventor for ten of them.

33 In this dynamics, the Research and Development center of the company, created in 1986 and associated with a trial tower, is the nerve centre of the activity. The first engineer is recruited that same year. About 90 persons are working there today. Investing in innovation, Petzl improves its products and multiplies its equipments. The patent registration bears witness to this accelerated dynamics (Figure 3). The innovations they can generate allow Petzl to maintain higher average prices. But this advantage is limited in time because business intelligence between companies in the sector entails very fast reactions from competitors.

Figure 3. Petzl patents

Source: INPI

34 The company managing strategy enables an efficient running of its development as well as the preservation of its identity and unity. In this way, the activity is long- lasting: the turnover and the number of employees keep increasing regularly over the years (Figure 4).

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Figure 4. Evolution of turnover and number of Petzl employees

Sources: specialist publications, Commercial court

Conclusion

35 This reconstruction of Paul Petzl’s course shows that his father’s craft company managed to pass on its values: personal involvement, independence, innovation focused on quality and safety, while moving to an industrial organization.

36 Paul Petzl takes the lead of the company created with his brother to pursue and develop the work initiated by their father. He knows how to maintain the craftsman’s virtues while engaging the company in a continuous growth policy. Along the way his choices are guided by inherited values and reasoned options which ensure the company sustainability. Petzl Ltd widens its market by opening up to various types of climbing, relying on the know-how acquired with speleology and the equipment common to various mountain activities, and then completes its product range to offer full and adapted solutions to a constantly developing custom. Paul Petzl’s management privileges investments, particularly in R&D to favour innovation, but it also remains centered on its own skills, its culture and its identity.

37 Paul Petzl manages to reconcile various strategic choices which lead the company to a continuous growth, thus allowing it to acquire an important position on the world market. Simultaneously, he maintains the spirit of a craft company despite the scale of the activity (500 employees and 100 million Euros’ turnover).

38 Petzl Ltd has been running for about forty years under the authority of the same person, the depository of many values. It looks as if this factor brings constancy to the work realized. Thus it may be interesting for the small and middle-size companies of the sports sector to make a prosopographic analysis of their managers to get a better perspective on business orientations and management choices.

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Entretiens

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Paul Petzl, président de Petzl, le 24.08.2011 à Crolles (38).

Jacques de Rorthays, président directeur général du Vieux Campeur, le 30.09.2011 à Massy (92).

Georges Marbach, ancien fabricant (TSA) et distributeur (Expe) de matériel de montagne, le 28.11.2011 à Choranche (38).

Michel Letrône, directeur de la commission de stages puis de l’École Française de Spéléologie au sein de la Fédération Française de Spéléologie, le 07.02.2002 à Villeurbanne (69).

NOTES

1. I would like to thank all the people who were kind enough to help me in this research, and especially those who granted me some of their precious working time: Paul Petzl, Francine Del Rieu, Jacques de Rorthays, Georges Marbach and Catherine Trachtenberg. 2. Summer and winter catalogs (1970-2010) of Le Vieux Campeur, a specialized retailer known for the wide range of products he distributes allow to analyze the development of the products and ranges sold by Petzl. 3. Essentially the quarterly magazines of the French Federation of Speleology, Spelunca, and of the French Alpine Club, La Montagne et alpinisme, between 1970 and 2010. 4. Following up the evolution of the turnover and the number of employees in the company on the whole period was complicated by the fact that Petzl refuse to be systematically submitted to declaration rules. These blanks were partially filled in by press reviews. 5. Vieux campeur catalogue, summer 1970. 6. A Petzl ad appeared in 1976 in Spelunca, the French Federation of Speleology magazine, showing a character progressing underground completely equipped with Petzl material: handle, lap blockers, stirrup, complete belt, lighting, helmet, overalls and bag. 7. La Montagne et alpinisme, n°3, 1982. 8. La Montagne et alpinisme, n°1, 1986. 9. From the 1970s till the end of the 1990s, various brands appear but do not last, including non- specialized ones like Panasonic or Wonder. Only Frendo will remain in the field from the 1990s onward. 10. After the first analyses made by the Russian technician O. Vladimirovich Losev at the end of the 1920s, the first luminescent electro diode (LED) light up in 1962 thanks to the work of N. Holonyak. In 1990, Professor Shuji Nakamura develops a blue spectrum LED; this will then be improved to obtain a very bright white spectrum which has numerous applications. 11. 21 artificial structures were listed in 1980, about 600 in 1989 and more than 2,500 in 2012. 12. We should also mention the development of the company on the work market – first-aid workers, aligners, pruners, servicemen, semi-skilled workers operating at high altitudes, etc. – because even though the frame of the present study makes us center on the sport and leisure activities market, that was the main diversification action of the company during the 1990s. Although it is a much more modest actor on this wider market than on the sport one, today this extension of its sphere of action brings in half of its turnover. 13. In 2000, Charlet-Moser has a turnover of 3.8 million Euros and profits exceeding 350,000 Euros for a staff size of twenty-eight people. 14. Panorama de l’économie Rhone-Alps. Park of activity and skills, “The industries of sports and leisure activities”, Rhone-Alps Chambers of Commerce and Industry, 2007. 15. Sporaltec, a division related to competitiveness, was created in the Rhone-Alps area to take advantage of the density of the companies present in the region and improve their performances.

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16. Wharton T.: “Petzl’s Fortunes Keep Climbing”, The Salt Lake Tribune, August 15, 2001. 17. “Outdoor products companies announce investment in Utah”, US Fed News, January 29, 2007. 18. L’Entreprise, n°296, January 2011.

ABSTRACTS

Petzl is a company located in the Grenoble region, in the northern French Alps. Its activity is centred on the production of equipment for mountain sports. Today, the company is an eminent international PMI (small and medium-sized industry) in the industry of sports items, carrying a range of products such as frontal lamps, climbing harnesses and mechanical machines securing rope ascents. It used to be a simple family business offering traditionally-made articles for speleology. The present monograph shows the evolution of its activity under the continued management of Paul Petzl. We hypothesize that the latter launched and perpetuated a growth dynamics thanks to the cultivation of the craftsmanship and values inherited from his father’s company: quality design and total dedication to the users’ safety. The development of the company is mainly established on diversifying its production from speleology to skiing, hiking, climbing, and various other mountain sports which became popular along the years. The success of the company expanding market is due to its capacity to innovate and to offer equipments better adapted to the followers’ needs, especially with regard to safety, a value which transcends all practices and which is the highlight of the company’s identity.

INDEX

Keywords: industry of sports articles, company, Petzl, speleology, climbing, innovation

AUTHOR

PIERRE-OLAF SCHUT University of Paris-Est, Marne-la-Vallée [email protected]

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La structuration du marché des sports d’eau vive dans les Alpes françaises Le cas de l’Ubaye

Antoine Marsac

NOTE DE L'AUTEUR

L’auteur remercie la Communauté de Communes de la Vallée de l’Ubaye pour son aide.

1 Les sports d’eau vive (kayak, rafting, tubing1 et nage en eau vive) font partie des activités qui se développent dans les Alpes depuis plus de 30 ans (AFIT, 2004). Ces pratiques consistent à descendre un cours d’eau dans des parties où le torrent présente un lit encombré et un débit rapide à des fins sportives. Mais ces activités restent hétérogènes et mal délimitées, la définition des sports d’eau vive (Mounet, 2000) incluant parfois le canyoning, pratique requérant une approche différente du milieu avec des techniques de cordes. Les sports d’eau vive recouvrent des supports qui offrent l’occasion aux pratiquants de découvrir des gorges inaccessibles à pied. C’est le cas de l’Ubaye qui coule dans une vallée étroite entre le Queyras au nord et le Mercantour au sud. Le cours d’eau ayant donné son nom au territoire est présenté comme « sauvage » par les pratiquants et les guides.

2 L’objectif de cet article n’est pas tant de réaliser l’histoire des sports d’eau vive en Ubaye que de montrer comment ces activités contribuent, via la création d’un marché, au tourisme dans la vallée. Nous analysons ce développement en reconstruisant les processus d’avènement des pratiques dans un espace alpin peu étudié. Pour pallier ce manque, nous nous interrogeons ici sur la formation du marché via la création d’activités commerciales de sports d’eau vive. Quelles sont les conditions d’émergence de ces sports en Ubaye ? Quels sont les processus à l’œuvre dans la création d’une offre dans la vallée ?

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3 Pour répondre à ces questions, nous analysons des données issues des archives du Canoë Club première société nautique créée à Paris en 1904 et des articles tirés de la presse spécialisée (Canoë-kayak Magazine (CKM), seule publication encore en parution en France). Ce corpus sera traité de manière à retracer le jeu des acteurs des sports d’eau vive. Cela permettra d’établir des relations entre le développement des compagnies de rafting en Ubaye et l’émergence d’une offre centrées sur le tourisme sportif dans le torrent. Nous croiserons ces sources avec les discours des acteurs ayant œuvré pour la structuration du marché (gérants de société, guides). Une grille d’entretien nous a permis de d’interroger les fondateurs des entreprises sur les conditions de leur développement. Pour analyser le contexte d’implantation, il convient d’abord de présenter la vallée de l’Ubaye, son territoire puis les particularités du torrent dans lequel se pratiquent ces sports.

4 L’Ubaye est une vallée de montagne du nord-est des Alpes de Haute-Provence qui regroupe 14 localités des périphéries de Gap à la frontière italienne. Sa population atteint à peine 8000 habitants répartis en creux de vallée, dans les escarpements des hauteurs et les alpages retirés des places fortes du tourisme provençal. Le peu d’aménagements2, hormis les stations de ski3 a permis de préserver l’écosystème de ce territoire situé à plus de 100 kilomètres de Nice. La physionomie du cours d’eau est celle d’un torrent alpestre engorgé dans sa partie basse, présentant une dénivellation importante et un courant propice à la navigation. La particularité du cours du torrent est surtout de ne pas être obstrué par des retenues artificielles. L’Ubaye ayant un régime nival, les débits sont forts au printemps et encore soutenus en été. Il se caractérise par une relative constance des niveaux d’eau permettant de naviguer durant ces deux saisons. Avec 52 kilomètres de rapides, ce linéaire demeure exceptionnel en France du fait de la construction des barrages ces dernières décennies qui ont artificialisé la plupart des cours d’eaux.

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Figure 1. Plan d’eau vive de l’Ubaye

5 Afin d’illustrer notre propos, nous nous appuierons sur le cas du rafting qui permet d’entrevoir le jeu des acteurs du marché et les dynamiques territoriales. Cette problématique fait référence aux travaux sur l’impact de ces activités sur le territoire (Mounet, 1994) qui mettent particulièrement l’accent sur la participation des acteurs du tourisme à l’ordre local. Pour compléter cette approche, on raisonnera également en termes d’images et de ressources territoriales (Gumuchian, Pecqueur, 2007) en s’appuyant sur les recherches consacrées au développement sportif de la vallée (Marsac, 2006).

6 L’étude s’articulera autour de trois périodes allant de l’entre-deux-guerres aux années 2010. Nous présenterons d’abord les prémices d’une offre touristique puis l’émergence des structures sportives pour enfin nous consacrer au développement du marché et à ses produits.

Le temps des « Pionniers » (1935-1970)

7 Depuis la première partie du XXe siècle, canoë et kayak sont deux activités distinctes qui ont permis aux touristes d’explorer les torrents. L’entre-deux-guerres apparaît comme une période propice à l’essor du tourisme. Si le géographe François Arnaud4 fut le premier promoteur du tourisme en Ubaye, des adeptes du canoë que nous nommons les « Pionniers » ont également séjourné dans la vallée à partir de 1935. Au Canoë Club, des membres parisiens liés au Touring Club de France (TCF), l’excursion en rivière s’impose comme un modèle de pratiques. Un réseau constitué par le TCF s’occupe à partir de 1932 d’aménager les sites alpestres. Les lieux d’embarquement et de débarquement sont ainsi directement indiqués aux pratiquants par des topo-guides

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touristiques spécialisés5. Mais comment l’action des pratiquants a-t-elle influencé la structuration des sports en Ubaye ?

8 À partir de 1939, les « Pionniers » partent en villégiature à Barcelonnette, alors sous- préfecture des Basses-Alpes6. Il existe une filiation entre leur activité et les premiers produits touristiques. Les semaines organisées par les campeurs ou les réseaux d’hôteliers (Bertho-Lavenir, 1999) représentent les prémices des séjours sportifs en Ubaye du TCF. Ce type d’hébergement correspond aux attentes des canoéistes parisiens dont l’activité est fondée sur un idéal de libre exploration de la nature.

9 Depuis cette exploration du torrent, la vallée est considérée comme un « fief » parisien. Mais durant près de 50 ans, les descentes de l’Ubaye ne peuvent s’effectuer intégralement tant la Gorge du Lauzet demeure impraticable en raison de la violence de ses eaux. Car l’alimentation de l’Ubaye entretient un régime de crue. Les parties moyenne et basse du torrent sont très difficiles7 car le courant peut être dangereux. Après un orage, le lit de la rivière évolue et ses eaux noires charrient du schiste.

10 Après la seconde Guerre mondiale, l’Ubaye est recensée dans le cadre d’un inventaire des rivières navigables. Le TCF établit le classement des haut lieux touristiques. En effet, ce torrent occupe une place majeure dans les topo-guides puisqu’il est promu au rang de « croisière fétiche »8 des pagayeurs. En 1952, ses auteurs le présentent comme « sauvage car ses berges sont bordées de forêts à la flore remarquable »9. Cette image lui confère une renommée dans ces clubs de la Capitale et au Kayak Club de France. En avril 1960, les « eaux ténébreuses »10 sont remarquables par la couleur des flots. Les premiers termes sportifs sont employés pour caractériser les difficultés du cours d’eau : « partie la plus sportive, la navigation devient athlétique »11. Pour les « Pionniers » réussissant la première descente de la Gorge du Lauzet12, le torrent apparaît comme un site sportif reconnu car la navigation à cet endroit est réputée de « grand sport »13. Cela signifie que les obstacles créant ces mouvements d’eau sont assimilés à une richesse du milieu. À cette période, le décryptage des difficultés par les pagayeurs devient l’essence d’une discipline touristique : la descente de rivière en bivouac.

11 Cette période est à la création des activités. Les acteurs y associent une tradition sportive et des infrastructures sans pour autant constituer un marché. Un lien s’établit entre la notoriété de l’Ubaye et l’émergence de l’offre. Le recours à une approche par les acteurs s’avère donc nécessaire pour appréhender cette action des entreprises.

La structuration d’une offre touristique : 1970-1990

12 Dans la vallée, le tourisme est devenu le premier secteur économique avec une marchandisation des pratiques liées au tourisme en montagne, qui inclut ces sports à partir des années 1970. Au-delà de l’action des « Pionniers », comment est-on passé d’une pratique sportive à une offre commerciale structurée ?

La construction d’une offre associative

13 En 1961, le développement est en partie freiné car le barrage de Serre-Ponçon est édifié et noie une partie de la Gorge du Lauzet14. Cela a pour conséquence de laisser à l’abandon des hameaux comme Roche-Rousse. Le lieu-dit sera utilisé comme première base d’appui en 1973 par les membres de l’association « Découvertes », pionnière dans

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la diffusion des produits sportifs. Les responsables de ce club créent un concept de stages ski-canoë qui amorce la commercialisation des activités d’eau vive. La création de l’association « Découvertes » en 1976 (Roggero, 1979) constitue un fait marquant puisqu’il s’agit de la première structure d’initiation en Ubaye. Mais son action ne se borne pas à cela. Cette structure facilite l’exploration du torrent à partir de la base15 et non plus en itinérance.

14 Néanmoins, le torrent est véritablement apparu comme un haut lieu des sports d’eau vive à partir du moment où le canoë s’est inséré dans l’offre touristique des guides de Barcelonnette. Cette localité concentre services et commerces. La cité regroupe plus du tiers des habitants de la vallée et devient l’épicentre du marché des sports dans la vallée. Si la professionnalisation de l’encadrement date des années 70, les guides font découvrir le torrent en exploitant un potentiel de neuf parties différentes.

Figure 2. Les neuf zones d’embarquement de l’Ubaye

15 Le torrent devient accessible à partir de lieux comme le Four à Chaux. Des aires de camping y sont aménagées pour les kayakistes. Une quinzaine internationale des torrents alpestres est organisée par les « Pionniers » de 1971 à 1978. Cet évènement permet de découvrir le torrent en groupe. Le torrent devient propice aux regroupements de pratiquants étrangers16 qui sont animés par la même passion : découvrir la nature. Des kayakistes du nord de l’Europe (Allemands, Belges…) sont en effet attirés par l’image d’une vallée « sauvage », aux paysages préservés de l’industrialisation et du tourisme de masse. Cette manifestation favorise la fréquentation d’une clientèle de plusieurs centaines de touristes qui séjournent régulièrement dans les hôtels de Barcelonnette.

16 Cependant, ces quinzaines disparaissent au seuil des années 80. Au fil des décennies, l’engouement pour les camps en itinérance et les descentes de rivière en autonomie s’estompe. Une pratique encadrée prend le relais, destinée à un public plus large, qui prend une forme associative d’abord, commerciale ensuite. Nous émettons l’hypothèse que le développement des sports d’eau vive en Ubaye résulte d’un processus de transformations des activités au cours duquel s’articulent deux temps forts de la structuration du marché, l’un issu de l’essor du canoë dans les Alpes lié à l’action des pagayeurs des clubs, l’autre de celui de la vogue des pratiques récentes de ces sports : rafting et nage en eau vive.

17 Le schéma suivant synthétise les modes d’apparition du canoë, du kayak, du tubing de la nage en eau vive et du rafting dans le mouvement associatif et la création d’une offre commerciale.

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L’émergence de l’offre commerciale

18 Le cadre associatif encourage la professionnalisation des encadrants. Celle-ci devient impérative pour l’association « Découvertes » qui rafraîchit son image en répondant à l’évolution de sa clientèle. Le club initie des enfants au tubing à partir de 1982 17. Une équipe de guides de canoë aidée par des bénévoles assure la sécurité des sites. Des évènements sportifs sont créés au printemps pour lancer la saison18 qui font de la vallée le théâtre de challenges19 et de raids. Les compétitions 20 au sein de l’association prennent la forme de rencontres amicales (un slalom parallèle21 permet « d’assurer le spectacle »22). Si l’association « Découvertes » initie des milliers de pratiquants pendant vingt ans, le besoin de segmenter le marché devient nécessaire pour diversifier l’offre. En 1984, les contraintes induites par la saisonnalité incitent deux guides parisiens à créer la première entreprise, AN rafting. À partir de la fin des années 80, cette compagnie organise également des stages de nage en eau vive.

19 Ces prémices de la commercialisation nous servent d’indice pour saisir l’émergence de l’offre car il n’y a pas eu à proprement parler d’étude de marché. Les entretiens menés avec des guides et l’office de tourisme (O.T) de la vallée montrent que la première entreprise est restée six ans sans concurrence. AN rafting, leader sur le marché français a développé en 1984, une offre de rafting pour la première fois en France. L’origine des fondateurs de cette société montre que les premiers guides proviennent en majorité de régions éloignées (Paris…) et s’installent dans la vallée pour développer leurs prestations. Il s’agit d’un facteur non négligeable dans la mesure où, dès ses débuts, le marché est peu contrôlé par les locaux.

20 Si seuls les produits d’initiation au kayak sont commercialisés jusqu’au début des années 80, le marché n’éclot qu’à partir de l’arrivée du rafting puis de la nage en eau vive.

L’extension de l’offre commerciale

21 Il s’agit maintenant d’analyser l’essor des entreprises. L’offre s’est structurée en se diversifiant avec les premiers produits commercialisés de « descentes de l’Ubaye sur quatre jours en bivouac »23. Si ce cours d’eau naturel correspond à un espace propice aux descentes en groupe, la puissance du torrent implique d’embaucher des guides professionnels pour assurer la sécurité des clients. AN rafting s’appuie alors sur les ressources associatives. Mais l’accueil de groupes composés de pratiquants novices ou occasionnels nécessite un encadrement accru. La sécurité des pratiquants de rafting ou des nageurs en eau vive est centrée sur la vigilance des accompagnateurs car l’Ubaye est réputée pour ses crues violentes.

22 Fort de cette image, le marché du raft se segmente peu à peu à la faveur de la concurrence des structures qui se positionne en diversifiant l’offre. Cela s’accompagne d’une revitalisation du kayak par l’arrivée d’embarcations d’initiation. Ainsi l’avènement du cano-raft en 1990 (engin gonflable appelé également « hot dog ») marque un tournant pour l’offre commerciale. Cette embarcation manœuvrée par deux personnes constitue une innovation qui permet à tous de descendre le torrent. Dès lors, l’activité commerciale des prestataires se décline selon plusieurs modalités : descentes accompagnées par des guides et prestations commerciales en raft ou en cano-raft. La pratique « commerciale » réside dans la capacité des hôteliers à capter leurs clients.

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Une école de sports d’eau vive est créée à la faveur d’un contexte propice à la complémentarité des hébergements (gîtes, hôtels). Le premier gérant d’AN Rafting relate les circonstances de sa fondation : « On travaillait avec quatre-cinq hôtels qui avaient l’habitude de fermer en mai-juin. Du coup, on leur envoyait des clients… et ils étaient complets ! On avait conservé un bureau sur Paris, ce qui nous permettait de vendre nos séjours… ». AN Rafting proposait une immersion d’une semaine en bivouac dans les parties sauvages de l’Ubaye et captait une partie de sa clientèle grâce aux réservations effectuées à la Maison du canoë-kayak. Cette pratique peu répandue a cessé à l’orée des années 90 car l’O.T de Barcelonnette, véritable centrale de réservation, a donné une meilleure impulsion au marché avec la commercialisation en masse de demi-journées de rafting et nage en eau vive.

23 Pour saisir la segmentation du marché des sports d’eau vive, nous analysons les stratégies des entreprises au sein de ce contexte et les relations de concurrence en émergence.

L’évolution des stratégies des acteurs : du sport au tourisme

24 Il s’agit maintenant d’examiner les processus à l’œuvre dans la commercialisation des prestations. La « mise en tourisme » désigne ici un processus de mobilisation des ressources du territoire. Les entreprises de sports d’eau vive se sont développées grâce à l’action des professionnels qui ont contribué à ce que le tourisme sportif devienne un secteur économique porteur en Ubaye (AFIT, 2004).

L’action des guides dans la « mise en tourisme »

25 Les guides sont des professionnels de ces disciplines formés par des cadres de la Fédération Française de canoë-kayak. Il convient donc maintenant de revenir sur leur contribution à l’essor du marché. Pour le mesurer, nous avons retenu des indicateurs liés à leur rôle dans la commercialisation des produits des compagnies. Ces derniers ont été les principaux acteurs de changement. L’employabilité de ces guides d’AN Rafting, entreprise pionnière, le prouve : « on tournait à une quinzaine de guides en moyenne par saison, je suis même monté à 20. Ceux qu’on employait au mois ont tous monté leur boîte par la suite»24. Cet acteur confirme qu’à partir de 1990, « d’autres compagnies de sports d’eau vive ont été créées par des pratiquants non originaires de la vallée ».

26 Lorsque le marché s’est développé, l’activité économique générée par les guides et les prestataires a imposé d’opter pour le statut d’entreprise individuelle ou de société. Depuis cette période, les compagnies permettent d’employer jusqu’à 18 guides en saison. L’appartenance des guides à des compagnies concurrentes est un facteur qui a favorisé l’éclosion du marché et la vente directe des prestations. Parmi les produits proposés par les guides, les demi-journées de rafting rencontrent le plus gros succès.

27 Mais la saisonnalité des activités perdure car les professionnels des sports d’eau vive vivent hors du territoire l’hiver. Au-delà de la contrainte climatique, le fait de travailler ainsi résulte d’une volonté de parfaire leur expertise professionnelle. Il y a aussi l’opportunité de créer une activité économique parmi les entreprises de sports d’eau vive répertoriées : « les pratiques d’eau vive représentent une part prépondérante dans

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l’activité estivale (dix bases de raft et deux écoles de kayak) avec des pratiques sportives ou une découverte ludique. » (AFIT, 2004). Avec l’arrivée de la concurrence, il y a eu la multiplication de petites entreprises de sports d’eau vive, via l’action des guides : « Maintenant, y’a plus ce phénomène de grosse boîte. Il y a même des guides qui travaillent seuls à partir de réservations en ligne »25. Si le lien historique entre l’O.T et les guides apparaît comme facteur de développement du marché, les points de vente des produits commencent à être supplantés par Internet.

28 Le rafting devient le produit d’appel du segment familial dans les stratégies commerciales et supplante le kayak, davantage lié à l’activité associative et non à celle des guides. Lors des descentes de l’Ubaye, les nouveaux guides associent la navigation en raft à l’exploration la de la rivière qui était jusqu’alors l’apanage des canoéistes. Ces travailleurs reconnus comme des professionnels par l’État se caractérisent par une connaissance fine de l’Ubaye. Cette population est majoritairement masculine. Sa culture composite héritée de la compétition en kayak provient des habitudes liées au fonctionnement des associations.

29 Mais la saisonnalité limite le développement du marché26 car elle restreint l’activité des guides à la période d’avril à septembre. Mais la concurrence demeure dans la mesure où la fréquentation des entreprises atteint son maximum en été. L’offre devient standardisée. Les entreprises proposent la descente des mêmes parcours ; les guides débarquant dans les mêmes lieux. La croissance de la capacité des prestataires sportifs entraîne des problèmes de cohabitation avec les pratiquants des autres compagnies. Dans la commercialisation des produits touristiques, il s’agit d’un développement à petite échelle puisque cinq communes de la vallée sur 14 déclarent faire des sports d’eau vive un « produit incontournable » de leur offre touristique27. La « mise en tourisme » correspond donc ici au passage de la pratique sportive liée à l’action des clubs vers l’offre caractérisée par le positionnement des entreprises sur des segments commerciaux (Massiera et Schuft, 2010).

Une concurrence qui profite au territoire

30 Avec l’apparition de cinq entreprises spécialisées, le marché est devenu plus concurrentiel à partir des années 90. À ces structures, s’ajoutent une dizaine de guides prestataires. Dans le même temps, les associations ont été dissoutes. L’offre commerciale a davantage travaillé avec des tours opérators et des centres de vacances. Les gérants ont pu s’appuyer sur le développement de moyens mis à disposition par l’O.T de Barcelonnette (actions de promotion). De plus, une coopération ponctuelle entre acteurs concurrents a permis d’aménager des points d’embarquement et de signaler les dangers du torrent. Les ressources repérées lors de la phase de lancement des sports d’eau vive en Ubaye sont remobilisés par les petites compagnies qui viennent concurrencer AN Rafting. Dès la fin des années 1990, l’idée d’une mutualisation des compétences d’acteurs se profile à travers la réalisation d’un partenariat public-privé. Le travail effectué par les associations et financé par les partenaires publics s’inscrit dans une logique d’économies d’échelles, de mutualisation des moyens alloués pour l’organisation d’évènements destinés à lancer la saison28. Cette démarche a généré une augmentation du nombre de nuitées dans les hôtels de la vallée : « Les gens étaient plus réactifs. On a permis aux hôtels de se remplir... La clientèle qui, au début était surtout étrangère, est venue aussi de la vallée »29.

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31 L’arrivée du rafting a engendré une commercialisation de produits dite de « niche » (Tribou, Ohl, 2004). Des stratégies de développement ont été mises en œuvre pour vendre cette activité comme l’organisation d’évènements organisés par les guides (raids, Ubayak30). Cela a permis de promouvoir le territoire. Au début des années 2000, la vallée a vu naître une tendance hédoniste, caractérisée par une demande ciblée. Pour Pigeassou et Chaze (2005) : « La dynamique des activités d’eau vive pendant la période 1985-1995 s’inscrit dans un mouvement d’attraction pour les activités sportives et ludo- sportives de pleine nature. D’une part, la thématique environnementale et la montée du souci écologique ont activé le besoin de contact avec la nature. D’autre part, le désir d’aventure et la soif de réalisation personnelle ont propulsé de nouvelles demandes vers l’univers de la rivière ». Les demandes des touristes ont induit le besoin d’une modernisation du marché des sports d’eau vive. Nous posons l’hypothèse que l’exploitation des ressources naturelles du torrent par les guides a généré une offre rendue attractive grâce la professionnalisation de l’encadrement.

32 Le torrent, jadis inexploité, devient un support d’images pour la promotion territoriale. Parmi les actions des guides se trouve la diffusion d’informations. La maison de la vallée accueille des touristes et les compagnies se dotent de moyens complémentaires à Internet (centrale de réservation). Une étude (AFIT, 2004) a montré que ce marché est en développement pour plusieurs raisons : l’augmentation de l’activité économique locale, une solution pour rompre avec la saisonnalité et une voie pour redynamiser le territoire de la vallée. Actuellement ne subsistent que les descentes touristiques du cours d’eau, ce qui a pour conséquence de recentrer le marché sur le cano-raft et entraîne une saturation au lieu-dit Le Martinet. En dépit de cette contrainte, l’environnement préservé est aujourd’hui présenté, au travers des sites Internet des prestataires comme le prouve le positionnement marketing des treize entreprises.

Les ressources territoriales : facteur d’essor du marché ?

33 La dimension environnementale vantée par les guides rend compte de cette richesse paysagère caractéristique de l’Ubaye. Cette logique de recherche des ressources territoriales (Gumuchian, Pecqueur, 2007) fondée sur un environnement « sauvage » est liée aux représentations de la nature. Le souci de pérenniser une offre s’inscrit dans un contexte concurrentiel entre destinations alpines (Queyras…). Malgré cela, les effets induits par l’irruption de nouvelles activités sur un espace de tourisme structuré ont été bénéfiques aux résidents31.

34 Aujourd’hui, pour les clients des compagnies de rafting, le cano-raft est une modalité d’entrée dans le domaine des sports d’eau vive adaptée à la découverte de sites jugés « sauvages ». Cette pratique a généré une nouvelle clientèle avide de sensations que n’offre pas d’emblée le kayak jugé plus technique32. Les collectivités territoriales ont été parties prenantes dans l’essor du marché car le Conseil Général des Alpes-de-Haute- Provence a impulsé un schéma départemental de tourisme (AFIT, 2004). Ce « contrat de développement des filières touristiques sensibles » aboutit à un plan de gestion durable du territoire incluant les problèmes de qualité environnementale et d’accès à la rivière (les berges de propriété privée, rendent difficile l’application du régime non domanial du cours d’eau33). Ce contexte complique les procédures, les autorisations et le cadre juridique d’exploitation des sites car les parties les plus en amont du cours d’eau

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demeurent interdites. Le développement des activités d’eau vive en pâtit, surtout en termes d’organisation et d’accès des pratiquants de rafting aux aires d’embarquement.

35 L’enjeu dépasse la promotion touristique pour s’inscrire dans les politiques d’aménagement mises en place pour dynamiser le territoire. La communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye s’est dotée d’un service tourisme pour renseigner les pratiquants et les groupes. Ce renouvellement des modalités de la coopération entre acteurs s’est révélé décisif pour la dynamique du marché. Pour pallier à d’éventuels pics de sous-fréquentation, les compagnies jouent sur la combinaison de produits nage en eau vive et rafting dans leurs points de vente. Les gérants de ces entreprises mettent l’accent sur « l’effet zapping » caractérisant le comportement versatile des clients.

36 Les élus de quatre communes de la vallée34 impulsent une dynamique touristique en s’appuyant sur l’initiative des guides. Dans un ouvrage publié sur les sports nautiques, l’auteur relève que les Alpes-de-Haute-Provence « offrent des supports exceptionnels pour la pratique des sports d’eau vive» (Olive, 1994). Les infrastructures et l’image du torrent forgée par les pratiquants facilitent l’apparition d’une clientèle avide de dépaysement. Les ressources du territoire sont exploitées car la vallée se donne à voir comme espace de contemplation. Une pluralité des représentations apparaît autour de « destination touristique » ou « espace de jeu ». De plus, les guides de l’école Ubaye- kayak font référence à la Provence pour se distinguer de l’offre développée dans la Durance, plus urbaine. Philippe Bourdeau, dans une étude sur cette vallée relève aussi un processus de « mise en tourisme » autour de l’attractivité territoriale du torrent : « Dans le cadre d’un Plan pluriannuel de développement touristique lancé au début des années 90, le ré-ancrage montagnard de l’Argentière va ainsi largement s’appuyer sur la valorisation des ressources naturelles et culturelles aussi riches qu’inexploitées offertes par la vallée de la Durance (gorges, eau vive)... » (Bourdeau, 2009). L’Ubaye s’inscrit dans la spatialité décrite par le géographe. Le lac de Serre-Ponçon est un bassin versant propice à la complémentarité de l’offre entre la vallée de la Durance. L’usage de ce plan d’eau complète celle des sports d’eau vive dans la mesure où son cadre moins enclavé est propice à la voile et à la baignade. Ce phénomène s’inscrit largement dans une « hybridation des modèles de référence » (Bessy, 2010) car cette combinaison de pratiques permet de pallier les effets de la saisonnalité.

Conclusion

37 La formation du marché des sports d’eau vive et les dynamiques territoriales du tourisme se sont construites à partir de trois principaux processus. Le premier est issu du développement historique du canoë-kayak. Le second s’intègre à la « mise en tourisme » de la vallée grâce à l’image de torrent préservé et entretenu par les guides. L’identification du potentiel et de la complémentarité de l’offre ont permis au tourisme sportif de se développer en Ubaye à partir des années 70. La troisième relève de la structuration des bases commerciales, autour d’une « niche » de produits sportifs mixés, promouvant le territoire.

38 Au milieu des années 80, l’émergence du marché est marquée par des évènements qui renouvèlent l’intérêt des clients grâce au rafting et à la nage en eau vive, plus accessibles que le kayak. Pour les entreprises, il s’agit de résoudre l’équation de la vente de séjours en synergie avec les acteurs. Nous validons nos hypothèses. La structuration de ce marché dépend autant de l’action des compagnies de sports d’eau vive que de la

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stratégie des professionnels (tours opérators, hébergeurs…) impliqués dans la stratégie de « mise en tourisme » de l’Ubaye avec le concours des collectivités territoriales. La configuration spatiale de la vallée s’est imposée comme un socle propice à la structuration du marché. La dynamique des activités repose sur des ressources qui participent à sa rente territoriale. Les aménagements ont peu modifié le cours d’eau car la « sauvagerie » du torrent est devenue la composante principale par laquelle le territoire se distingue des destinations alpines concurrentes.

39 Mais la question de la constance des débits conditionne la navigation en eau vive. Et, sur ce point, les projets de construction de micro-centrale(s) en amont du Lauzet pourraient limiter l’essor du marché. La sauvegarde des espaces naturels est donc plus que jamais un enjeu de développement durable associant les prestataires aux acteurs locaux autour d’un projet commun.

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NOTES

1. Descente de groupe en convois de bouées dirigés à la pagaie. 2. Aucune ligne de chemin de fer ne sera construite. 3. La fréquentation de stations de ski (Pra-Loup, Vars, Saint-Anne-La Condamine) représente plus de la moitié de la charge touristique de la vallée. 4. Arnaud, F., Annuaire du C.A.F, 1875. 5. 47 « guides du canoéiste sur les rivières de France », Susse édition. 6. Nom donné aux Alpes-de-Haute-Provence avant le décret du 13 avril 1970 qui institua le changement de nom administratif du département. 7. Coté en classe IV-V (très difficile). 8. Annuaire du TCF. 9. Topo-guide Canoë-kayak en France, éditions Susse, 1961. 10. « L’Ubaye aux eaux ténébreuses », La Rivière, juin 1960, 407, p. 947. 11. Ibid. 12. La Première descente de cette partie nommée « Ex infrans » date d’août 1962. On trouve un défrichage de ce parcours par des canoéistes du Canoë Club. Il n’est toutefois pas réalisé dans son intégralité. Il faut attendre les années 1970 pour voir des kayakistes franchir tous les rapides qui composent cette section. 13. Enoch, J. L’Ubaye aux eaux bleues, La Rivière, 380, août 1954, p. 446. 14. Ibid. 15. Raimbault D., Guide de l’Ubaye, CKM, 32, mai-juin 1976. p. 19. 16. En atteste la littérature spécialisée en anglais (Storry, 1991) ou en allemand. 17. CKM, 97, juin-juillet 1990, p. 49. 18. « Trans-Ubaye », CKM, 97, juin-juillet 1990, p. 4 ; « Ubaye extrême », CKM, 104, juillet-août 1991, p. 13. 19. Par exemple, le défi Imade extrêmes, qui se déroulait en juin chaque année de 1989 à 1992, faisait suite au Triathlon de l’eau vive et regroupait des équipes d’entreprise, CKM, 111, octobre- novembre 1992, p. 10. 20. Il existe des modalités de pratique compétitives (slalom, descente) qui se déroulent sur des parcours ne présentant, en principe, aucun risque majeur. Les kayakistes chevronnés les opposent à la pratique de haute rivière qui se fonde sur une recherche des rapides caractérisés par des difficultés d’évolution. 21. Baudry M., 1er slalom parallèle en eaux vives sur l’Ubaye, CKM, n°64, mai 1983, p. 49. 22. Baudry, M. 1er slalom parallèle en eaux vives sur l’Ubaye, CKM, n°64, mai 1983, p. 48. 23. Entretien avec un membre fondateur d’AN Rafting, 2012. 24. Entretien avec un guide de rafting (26 ans), 2012. 25. Entretien avec un gérant (56 ans), 2012. 26. O.T de Barcelonnette. 27. Ibid. 28. « Dès 1986, une aide de 100 000 francs a été accordée par les acteurs publics locaux en lien avec le partenariat tissé avec l’Office de tourisme ». Source : entretien avec un fondateur d’AN rafting, 2012. 29. Ibid. 30. Duels et animations.

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31. O. T de Barcelonnette. 32. L’offre commerciale de kayak est assez peu développée dans les Alpes. 33. L’arrêté préfectoral 96-1284 réglemente la pratique des sports d’eau vive en Ubaye. Il est interdit de naviguer dans les parties les plus amont du torrent. 34. Outre Barcelonnette, cela concerne Le Lauzet-Ubaye, Méolans-Revels, Jausiers et la Condamine.

RÉSUMÉS

Dans cet article, nous cherchons à montrer comment les ressources territoriales de l’Ubaye ont permis la structuration du marché des sports d’eau vive. L’action associative, débutant par l’essor du canoë à la fin des années 1930, demeure la plus ancienne dans la vallée. À la fin des années 70, elle a connu son apogée en constituant les prémices des descentes commerciales. L’analyse des relations de concurrence et de stratégies des acteurs au sein du contexte local montre que cette offre repose sur des processus de « mise en tourisme » du territoire favorisant l’émergence d’une concurrence entre compagnies. Depuis les années 80, le développement de ces entreprises en Ubaye porté par les guides a largement contribué à commercialiser les premiers produits de rafting en France. En se segmentant, ce marché se compose aujourd’hui d’entreprises qui s’appuient sur l’image d’une vallée préservée pour se distinguer des destinations concurrentes.

AUTEUR

ANTOINE MARSAC Sociologue, Maître de conférences à l'Université de BourgogneLaboratoire Socio-psychologie et Management du sport- EA 4180 [email protected]

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The structure of the white water sports market in the French Alps The case of the Ubaye Valley

Antoine Marsac

NOTE DE L’ÉDITEUR

The author would like to thank the Communauté de Communes de la Vallée de l’Ubaye for its assistance.

1 White water sports (canoeing, rafting, tubing1 and ) are just some of the activities that have developed in the Alps over the last thirty years (AFIT, 2004). They involve the sport of descending a water course in areas where the torrent of water flows at high speed over a congested river bed. However, these activities remain many, varied and ill defined, and the definition of white water sports (Mounet, 2000) often includes canyoning, which requires a different approach to the environment, using rope techniques. White water sports include the use of equipment, giving people the chance to explore gorges that are inaccessible on foot. This applies to the Ubaye River, which flows through a narrow valley between the Queyras in the north and the Mercantour in the south. The water course that gave its name to the area is presented as “wild” by guides and visitors who use it.

2 This article aims not so much to give a history of white water sports in the Ubaye Valley as to demonstrate how the activities contribute to tourism there through the development of a market. We analyse this development, reconstructing the processes behind the emergence of sports activities in an area of the Alps that has barely been studied. To fill this gap, we consider here how the market was created through the development of commercial white water sports activities. Which conditions led to the emergence of these sports in the Ubaye Valley? Which processes are at work in the creation of the offering in the Valley?

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3 To answer these questions, we analyse data from the archives of the Canoe Club, the first nautical society created in Paris in 1904, and articles taken from the specialist press (Canoë-kayak Magazine (CKM), the only publication still published France). We will assess this body of information in order to trace back the interaction between the various players in the white water sports market. This will enable us to establish the relationships between the development of rafting companies in the Ubaye Valley and the emergence of an offering focused on sports tourism based on the river torrent. We will cross-reference these sources with contributions from stakeholders who have worked to structure the market (company managers and guides). We have used an interview grid to survey company founders on how they developed. In order to analyse the context in which development occurred, we first need to give a description of the Ubaye Valley, the surrounding area and the specific aspects of the river torrent where the sports are carried out. The Ubaye is a mountain valley in the North East region of the Alpes de Haute-Provence covering fourteen areas between the periphery of Gap and the Italian border. It has a population of only 8,000 living along the valley floor, on high escarpments and Alpine meadows far from the tourist hotspots of Provence. There are few facilities2, apart from the ski resorts, meaning that the ecosystem of this area over one hundred km from Nice has been preserved. The water course is an Alpine river torrent congested at the lower end, with a considerable drop in altitude and a current that is good for navigation. The main feature of the river torrent is that it is not blocked by artificial dams. The Ubaye exhibits a nival regime, meaning that flow is strong in spring and sustained in summer. Water levels remain relatively constant, meaning that navigation is possible over both seasons. With 52 kilometres of rapids, the route is exceptional for France, given that barrages have been built elsewhere in recent decades, resulting in artificial water courses.

Figure 1. The route of the Ubaye

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4 We will use the case of rafting to illustrate our submission, as it provides an insight into the interaction between market players and regional dynamics. This issue makes reference to work on the impact of this activity on the area (Mounet, 1994), mainly focusing on the involvement of players in the tourist sector at local level. As an addition to the approach, we will also employ regional images and resources (Gumuchian and Pecqueur, 2007) from research on the development of sport in the Valley (Marsac, 2006).

5 The study will be structured around three periods running from between the wars to the decade beginning 2010. We will describe how the tourist offering started out, followed by the emergence of sports facilities, finally looking at the development of the market and its products.

The “Pioneer” Era (1935-1970)

6 Since the first half of the 20th century, canoeing and kayaking have proved to be two distinct activities enabling tourists to explore river torrents. The inter-war period is seen to be a period favouring the rise of tourism. Geographer François Arnaud3 was the first to promote tourism in the Ubaye Valley, but canoe enthusiasts, whom we have called the “Pioneers”, have also spent time in the valley since 1935. River trips made by Paris members of the Canoë Club linked to the Touring Club de France (TCF) provide a good model for the activity. From 1932, a network set up by the TCF set out to equip sites in the Alps. Locations for entering and exiting the water are identified in specialist tourist guides4. But how have the activities of enthusiasts influenced the structuring of the sports offering in the Ubaye Valley?

7 Back in 1939, the “Pioneers” started staying in Barcelonnette, then the Sous-Préfecture des Basses-Alpes5. There is a link between their activities and the first tourist products to emerge. Weeks organised by campers and accommodation networks (Bertho- Lavenir, 1999) were the first examples of sports holidays run by the TCF in the Ubaye Valley. This kind of accommodation met the expectations of canoeists from Paris, who based their activities on the ideal of free exploration of nature.

8 Ever since they began exploring the river torrent, the valley has been seen as a Parisian “fiefdom”. But for around fifty years, it has not been possible to go down the whole of the Ubaye, as the Lauzet Gorge is impassable due to the extreme force of the water. This is because flow through the Ubaye is subject to high water levels. The middle and lower sections of the river torrent are very difficult6 because the current can be very dangerous. After a storm, the river bed changes and the black water picks up shale.

9 At the end of the Second World War, the Ubaye was included in a survey of navigable rivers. The TCF set up a classification system for top tourist destinations. This river torrent actually features as a major destination in guides because is promoted as a “must-do trip”7 for anyone armed with a paddle. In 1952, authors described it as “wild – its banks are edged by forest with fantastic flora”8. This image made it famous among Paris clubs and the Kayak Club de France. In April 1960, the “dark waters”9 were amazing. The top sports terms are used to describe the challenges of this water course: “in the most demanding section, navigation becomes quite strenuous “10. For the “Pioneers” making their first descent of the Lauzet Gorge11, the river torrent is a well- known sporting challenge, as navigation there is recognised as a “serious sport”12. This

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means that the obstacles generating the movements in the water are part of the rich environment. At that time, the way the canoeists unravelled the challenges became the essence of a tourist pursuit: descending the river and camping wild.

10 This was the period when activities were developed. Those involved linked it to sporting tradition and facilities, but without developing an actual market. A connection arose between the reputation of the Ubaye Valley and the emergence of the tourist offering. The various players therefore needed to adopt a specific approach to address business activity.

Structuring the tourist offering: 1970-1990

11 Tourism has become the number one economic sector in the valley, selling activities related to mountain tourism, and including sports from the 1970s. Aside from the activity of the “Pioneers”, how was the transition made from sports activity to a structured commercial offering?

Setting up a series of associations

12 In 1961, development was partially hampered when the Serre-Ponçon Barrage was built, flooding a section of the Lauzet Gorge13. This meant that hamlets such as Roche- Rousse had to be abandoned. The site went on to be used as a primary support base in 1973 by members of the Découvertes Association, which was a pioneer in supplying sports products. Those in charge at the club developed a ski/canoe course concept – the first instance of turning white water pursuits into a commercial proposition. The founding of the Découvertes Association in 1976 (Roggero, 1979) marks an important point, as it was the first to offer courses in the Ubaye Valley. But it did not restrict its activity to that – it made it easier to explore the river torrent starting from the base station14 without the need to camp.

13 Nevertheless, the river torrent truly became a top white water sports destination from the point when canoeing was included in the Barcelonnette guides’ tourist offering. Services and businesses are located there. Over a third of the people of the Valley live there and it has become the epicentre of the sports sector in the Valley. The professional offering goes back to the 1970s, with guides opening up the river torrent as a destination via nine potential different sections.

Figure 2. Nine launch points in the Ubaye

14 The river torrent became accessible from locations such as Four à Chaux. Camp sites were set up there for canoeists. The “Pioneers” held an international Alpine river torrent fortnight between 1971 and 1978. The event gave groups the chance to explore the river torrent, which became a destination for groups of overseas enthusiasts15 with the same passion for exploring nature. Canoeists from northern Europe (Germans, Belgians, etc.) were in fact attracted by the image of a “wild” valley and landscapes

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protected from industrialisation and mass tourism. This attracted several hundred tourists, who would regularly come and stay in the hotels in Barcelonnette.

15 But these fortnight-long events came to an end at the beginning of the 1980s. Over the decades, the craze for wild camping as you descended the river unguided petered out. Guided tours replaced this, aimed at a wider public and initially organised by associations and then commercial companies. We put forward the hypothesis that the development of white water sports in the Ubaye Valley resulted from a process of change with regard to pursuits involving two major points during the structuring of the market: the first when canoeing took off as a pursuit in the Alps due to action by canoe club members and the second when recent forms of the sport came into vogue: rafting and white water swimming.

The emergence of the commercial offering

16 Associations encouraged stakeholders to take a professional approach to their offerings. This became an imperative for the Découvertes Association, which overhauled its image in response to changes in customer demand. The club started offering white water tubing for children from 198216. A team of canoe guides and volunteers ensure site safety. Sports events are organised in spring to kick off the season17, turning the valley into a venue for challenges18 and raids. Competitions19 take the form of friendly meets (a parallel slalom20 “puts on a great show” 21). The Découvertes Association had been training thousands of people for twenty years now, but there was a need to segment the offering to make it more diverse. In 1984, seasonal restrictions led to Parisian guides founding the first ever company, AN Rafting. By the end of the 1980s, this company was also running white water swimming trips.

17 This initial commercial offering serves as an indicator of the beginning of the process, given that there has been no real market study. Interviews with guides and the Tourist Office in the valley reveal that the first company to arrive ran for 6 years without any competition. French market leader AN Rafting came up with the first rafting offering in France in 1984. The origins of the founders of this business show that the first guides mostly came from distant regions (Paris…), settling in the valley to develop their services. This is a significant factor in that, right from the start, local people have had little control of the market.

18 Only kayaking products were commercialised up to the beginning of the 1980s, and the market only opened up when rafting and white water swimming appeared on the scene.

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Expansion of the commercial offering

19 We now need to analyse the rise of certain companies. The offering developed by diversifying into the first commercialised products: “descents of the Ubaye with four days of wild camping”22. The natural water course is ideal for group descents, but the force of the river torrent means employing professional guides to ensure customer safety. AN Rafting therefore called upon the resources of various associations. But taking groups of beginners and amateurs requires increased supervision. Supervision by qualified assistants ensures the safety of white water rafters and swimmers, as the Ubaye is famous for its violent high waters.

20 Against this background, the rafting market has gradually segmented in favour of competition between organisations positioning themselves through diversification. Alongside this, kayaking has been revitalised as a pursuit by the advent of a boat suitable for beginners. The appearance of the canoe-raft in 1990 (an inflatable craft also called a hot dog) marked a turning point for the commercial offering. Steered by two people, this craft is an innovation that gives everyone the chance to do a river torrent descent. Commercial providers now provide services along a number of lines: guided descents and commercial rafting or canoe-rafting services. The “commercial” aspect resides in the ability of hoteliers to attract customers. A white water sports school was started up in a local context ripe for accommodation suppliers working together (self- catering and hotels). The first manager of AN Rafting speaks of how it started: “We worked with 4-5 hotels that would normally close in May/June. All of a sudden, we were sending them customers …and they were full up! We kept an office in Paris for selling our tours…”. AN Rafting offered an immersion course of one week of wild camping in the wild sections of the Ubaye, acquiring some customers from bookings made at the Maison du Canoë-Kayak. This isolated practice petered out at the beginning of the 1990s when the Barcelonnette Tourist Office, a proper booking centre, boosted the market through mass marketing half-day rafting and white water swimming sessions.

21 To assess the segmentation of the white water sports market, we will now analyse business strategy in this environment and emerging competitive relationships.

Strategic development: from sport to tourism

22 We will now examine the processes at work in the commercialisation of services. Here, “touristification” means the process of mobilising local resources. White water sports companies developed due to the activity of professionals, who helped to turn sports tourism into a promising economic sector in the Ubaye Valley (AFIT, 2004).

The role of guides in the “touristification” process

23 Guides are professionals in these disciplines trained by the Fédération Française de Canoë-Kayak. It is therefore appropriate at this point to review their contribution to the expansion of the market. To measure this, we have used indicators linked to their role in the commercialisation of company products. They have been the main agent for change. The employability of the guides at AN Rafting, a pioneering company, proves this: “We called on fifteen or so guides on average per season, and I even went up to twenty. The ones we employed by the month all went on to set up their own

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companies”23. This person confirms that from 1990 onwards, “other white water sports companies were set up by enthusiasts from outside the Valley”.

24 When the market started to expand, the economic activity generated by guides and service providers meant that businesses had to opt for the status of sole trader or company. Since that period, companies can employ up to eighteen guides in a season. The fact that guides belong to competing companies is a factor that favours the opening up of the market and the direct sale of services. Of all the services offered by guides, half-day rafting sessions have seen the biggest level of success.

25 But the seasonal nature of activities continues, as white water sports professionals live out of the area in winter. Beyond the limitations imposed by the climate, they work in this way because they want to perfect their professional skills. There is also the opportunity for listed white water sports companies to create an economic activity: “White water pursuits constitute a major proportion of summer business (ten rafting bases and two kayaking schools) offering sports and fun sports sessions.” (AFIT, 2004). With the advent of competition, lots of small white water sports companies sprang up on the initiative of the guides: “You don’t any see big companies these days. Some guides even work alone through on-line bookings”24. The historic link between the Tourist Office and the guides might appear to be a factor in the development of the market, but product sales outlets are now being overtaken by the Internet.

26 Rafting is becoming the number one draw for the family sector in commercial strategies and is replacing kayaking, which is linked more to associations than guides. As they lead the descent of the Ubaye, the new guides combine the rafting trip with exploring the river, which was once the sole preserve of canoeists. These State- recognised professionals know the Ubaye inside out. For the most part, they are male. Their composite culture inherited from kayak competitions derives from how associations usually operate.

27 But the seasonal factor restricts market development25 as it limits the activity of the guides to between April and September. But there is still competition in that companies are at their busiest in the summer. The offering becomes standardised. Companies offer descents on the same routes and the guides set off from the same points. The increased capacity of sports service providers leads to problems of people with different companies doing their sessions at the same time. Any commercialisation of tourist products is small scale, as five out of the fourteen communes in the valley say that white water sports is the “number one product” in their tourist offering26. So “touristification” here means moving away from sports pursuits connected to club activity and towards an offering defined by the positioning of companies across commercial sectors (Massiera, Schuft, 2010).

Competition that benefits the area

28 With the arrival of five specialist companies, the market became more competitive in the 1990s. Added to these were a further ten or so guides providing various services. At the same time, associations were being disbanded. Commercial providers began to work more with operators and holiday centres. Managers drew support from the development of resources provided by the Barcelonnette Tourist Office (promotional campaigns). Also, ad hoc cooperation between competitors made it possible to develop launch points and warn of dangers of the river torrent. The resources identified during

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the launch phase of white water sports in the Ubaye Valley have been revitalised by the small businesses that have come to compete with AN Rafting. By the end of the 1990s, the concept of sharing skills took concrete form in a public-private partnership. Work carried out by associations and financed by the public partners was designed to achieve an economy of scale and share allocated resources to organise events to kick off the season27. This approach led to an increase in the number of nights spent in hotels in the Valley: “People were more responsive. Hotels filled up... Customers were once mainly from outside, but they started to come from the valley itself”28.

29 The arrival of rafting led to the commercialisation of niche products (Tribou and Ohl, 2004). Development strategies were applied to sell this pursuit, such as organising events run by guides (raids, Ubayak29). This helped to promote the area. From the year 2000, the trend in the valley was one of hedonism, with targeted demand. To quote Pigeassou and Chaze (2005): “The dynamic of white water pursuits during the period 1985-1995 was one of an attraction to outdoor sports and fun. On the one hand, the issue of the environment and an increase in ecological concerns awakened a need for contact with nature. On the other hand, the desire for adventure and thirst for personal achievement generated greater demand for access to the river environment”. Tourist demand led to the need to update the white water sports market. We suggest that the use by guides of the natural resources of the river torrent led to a more attractive offering because the approach was now a professional one.

30 The river torrent, an unused resource in the past, became a useful source of images for promoting the region. The work of the guides involves providing information. The Maison de la Vallée welcomes the tourists and companies are acquiring resources to complement the Internet (booking centre). One study (AFIT, 2004) showed that the market is evolving for a number of reasons: an increase in local economic activity, a solution for addressing seasonality and a way to bring new impetus to the Valley area. At the current time, there are only tourist trips down the river torrent, which has focused the market on canoe-rafting, leading to saturation at Le Martinet. In spite of this limitation, service providers now feature this preserved environment on their web sites, as evidenced by the market positioning of the thirteen companies.

Regional resources: a factor in market expansion?

31 The environmental aspect promoted by the guides pays homage to the characteristically rich landscape of the Ubaye Valley. This approach of seeking out regional resources (Gumuchian and Pecqueur, 2007) based on the concept of a “wild” environment is linked to representations of nature. The concern is to provide a sustained offering against a background of strong competition amongst destinations in the Alps (Queyras…). In spite of this, the effects of the advent of new activities at a structured tourist area have been beneficial for the local residents30.

32 Today, canoe-rafting is a way for the customers of rafting companies to access white water sports suited to exploring sites considered to be “wild”. This pursuit has attracted a new type of customer looking for an experience that kayaking cannot provide, as it is considered to be more of a technical pursuit31. Local communities have been stakeholders in the expansion of the market, as the Conseil Général des Alpes de Haute-Provence has launched a departmental tourism scheme (AFIT, 2004). The “contract for the development of sensitive tourism networks” culminates in a

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sustainable regional management plan, covering environmental quality and river access issues (private river banks make it hard to implement a non territorial regime for the water course32). This context complicates procedures, permits and the legal framework for operating the sites, as access to the highest sections of the water course is still prohibited. The development of white water pursuits is suffering because of this, especially in terms of organisation and access for rafters to launch areas.

33 This matter is outside the remit of tourism promotion and comes under planning policies implemented to boost the area. The Communauté de Communes de la Vallée de l’Ubaye has set up a tourism service to provide information for enthusiasts and groups. The updating of procedures for cooperation between stakeholders proved to be important in terms of market dynamics. To address any severe drops in visitor numbers, companies operate a combination of white water swimming and rafting products at their sales outlets. Company managers focus on the “zap effect” of versatile customer behaviour.

34 Elected parties from four communes in the valley33 are putting new impetus into tourism using the initiative of the guides. In a work published on the subject of water sports, the author states that the Alpes de Haute-Provence region “offers amazing facilities for the pursuit of white water sports” (Olive, 1994). The infrastructures and the image of the river torrent created by enthusiasts help to attract customers who are looking to get away from it all. The area’s natural resources are put to good use, as the valley presents itself as a place for contemplation. A whole series of representations is built around the notions of “tourist destination” and “playground”. Also, Ubaye-Kayak school guide books make reference to Provence to differentiate from the offering developed in the Durance region, which is more urban. In a study of the valley, Philippe Bourdeau also identifies a process of “touristification” around the regional attraction of the river torrent: “Under a Plan pluriannuel de développement touristique launched at the beginning of the 1990s, the re-positioning of the mountainous Argentière region will be largely based on promoting the rich but unexploited natural and cultural resources offered by the Durance Valley (gorges, white water) ...” (Bourdeau, 2009). The Ubaye is defined by its specific geography. The Serre-Ponçon lake is a water catchment area with potential for complementary offerings between the Durance Valley. The use of this body of water is a useful addition to the white water sports offering in that the less restricted environment is ideal for sailing and swimming. This phenomenon widely constitutes “reference model hybridisation” (Bessy, 2010) as the combination of pursuits provides a remedy for the effects of seasonality.

Conclusion

35 The structuring of the white water sports market and regional dynamics of tourism derive from three main processes. The first comes from the historic development of canoeing. The second is due to the “touristification” of the valley based on the image of a protected river torrent fostered by the guides. The identification of the potential and complementarity of the offering enabled sports tourism to develop in the Ubaye Valley in the 1970s. The third comes from the structuring of commercial bases around a mix of niche sports products promoting the region.

36 In the mid 1980s, the emergence of the market was marked by events that rekindled customer interest due to the advent of rafting and white water swimming, which are

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more accessible than kayaking. Companies needed to resolve the issue of selling trips in synergy with stakeholders. We are validating our hypotheses. The structuring of the market is as much dependent on the activity of white water sports companies as on the strategy of professionals (tour operators, accommodation providers, etc.) involved in the “touristification” of the Ubaye Valley with the support of regional communities. The spatial configuration of the valley became a firm basis for structuring the market. The dynamic nature of the activities relies on resources that contribute to the revenue that the territory offers. Development has hardly changed the water course as the “wild nature” of the river torrent has become the main feature distinguishing the area from competing destinations in the Alps.

37 But white water pursuits depend on sustained water flow, and plans to build one or more micro-plants up the valley from the Lauzet could cap market expansion. Now more than ever, the protection of natural spaces is an issue for sustainable development, uniting service providers with local stakeholders around a shared project.

BIBLIOGRAPHIE

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TRIBOU G. et OHL F., 2004.– Les marchés du sport : consommateurs et distributeurs, Paris, Armand Colin.

NOTES

1. Group descent on a series of buoys guided by paddles. 2. No railway constructed. 3. Arnaud, F., Annuaire du C.A.F, 1875. 4. 47 guides du canoéiste sur les rivières de France, Susse édition. 5. Name given to the Alpes-de-Haute-Provence before the Decree of 13 April 1970 changing the administrative name of the department. 6. Class IV-V (v. diff). 7. TCF directory. 8. Guide du Canoë-kayak en France, Susse publications, 1961. 9. L’Ubaye aux eaux ténébreuses, La Rivière, June 1960, 407, p. 947. 10. Ibid. 11. The first descent of the section called Ex infrans was in August 1962. Canoe Club members cleared the route. Not in its entirety, however. It was not until the 1970s that canoeists navigated all of the rapids in this section. 12. Enoch, J. L’Ubaye aux eaux bleues, La Rivière, 380, August 1954, p. 446. 13. Ibid. 14. Raimbault D., Guide de l’Ubaye, CKM, 32, May-June 1976. p.19. 15. Attested to by the specialist literature in English (Storry, 1991) and German. 16. CKM, 97, June-July 1990, p. 49. 17. Trans-Ubaye , CKM, 97, June-July 1990, p. 4 ; Ubaye extrême, CKM, 104, July-August 1991, p. 13. 18. For example, the Imade Extrêmes Challenge, held in June every year between 1989 and 1992, came after the White Water Triathlon for company teams, CKM 111, October-November 1992, p. 10. 19. There are competitive pursuits (slalom and descent) on routes that, in principle, should present no major risk. Experienced kayakers see them as different to high river kayaking, which is based on seeking out difficult rapids. 20. Baudry, M., 1st white water parallel slalom on the Ubaye, CKM, n°64, May 1983, p. 49. 21. Baudry, M., 1st white water parallel slalom on the Ubaye, CKM, n°64, May 1983, p. 48. 22. Interview with a founding member of AN Rafting, 2012. 23. Interview with a rafting guide (26 years old), 2012. 24. Interview with a manager (56 years old), 2012. 25. Barcelonnette Tourist Office. 26. Ibid. 27. “Starting in 1986, 100,000 francs in aid was allocated by the local public players linked to the partnership forged with the Tourist Office”. Source: interview with one of the founders of AN Rafting, 2012. 28. Ibid.

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29. Duels and events. 30. Barcelonnette Tourist Office. 31. The commercial kayaking offering is not very advanced in the Alps. 32. Prefectoral Order 96-1284 regulates the pursuit of white water sports in the Ubaye Valley. Navigating the highest sections of the river torrent is prohibited. 33. Besides Barcelonnette, this concerns Le Lauzet-Ubaye, Méolans-Revels, Jausiers and La Condamine.

RÉSUMÉS

In this article, we aim to demonstrate how the natural resources of the Ubaye Valley have shaped the structure of the white water sports market. Work by associations, beginning with the boom in the pursuit of canoeing in the 1930s, dates back the longest in the valley. It reached its peak at the end of the 1970s, marking the beginning of commercial interest. An analysis of the competitive relationships and strategies of the various stakeholders within the local context shows that the offering is based on a process of “touristification”, encouraging the emergence of competition between the companies. Since the 1980s, the expansion of these businesses in the Ubaye Valley, supported by guides, has largely contributed to the development of the first commercial white water rafting offerings in France. The market has segmented, and now consists of companies trading on the image of a protected valley to differentiate itself from competing destinations.

AUTEUR

ANTOINE MARSAC Sociologue, Maître de conférences at the University of BourgogneLaboratoire Socio-psychologie et Management du sport- EA 4180 [email protected]

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Les premiers rassemblements alpins de vélos tout terrain Entre sport et économie touristique (1983-1987)

Jean Saint-Martin, Frédéric Savre et Thierry Terret

1 Le Vélo Tout Terrain, aussi appelé mountain bike, se définit comme « la pratique physique d’un vélo à pneus larges, hors de la route, sur terrains variés, sous forme utilitaire, de loisir ou de compétition » (Savre, 2010a). Inventé, développé et diffusé aux États-Unis durant les années 1970, l’implantation et l’expansion de ce nouveau sport se produit en France et en Europe au début des années 1980. Dès cette période, les premiers adeptes du VTT font des Alpes un territoire privilégié de sa pratique. L’organisation de plusieurs manifestations alpines permet notamment de découvrir cette activité encore peu répandue en France. En quelques années seulement, ces événements contribuent à mettre en scène le caractère doublement novateur du VTT, socialement et technologiquement. Pour les pionniers comme pour les responsables locaux, ce nouvel engin confirme toutes les promesses sportives et touristiques d’un marché émergent. Il s’agit ici de préciser à quelles conditions ces événements ont pu accélérer la rencontre entre une demande naissante et une offre alors quasiment inexistante1.

La valorisation événementielle d’une innovation sociale et technologique

2 Les Français entretiennent une véritable passion pour le cyclisme sur route dont atteste notamment le succès permanent du Tour de France (Vigarello, 1992). Entre 1971 et 1982, les effectifs fédéraux dans les sports de montagne (+87%), les pratiques de cyclisme (+129%) et les activités cyclotouristes (+633%) (Attali, 2007, 69) confirment cependant l’existence d’un terrain propice au développement et à la diffusion d’une nouvelle pratique cycliste venue des Etats-Unis : le mountain bike.

3 Sur le sol américain, au début des années 1980, des engins tels le Stumpjumper ou le modèle Alpine Univega renforcent la divulgation du mountain bike. Des courses et des

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rassemblements populaires, relayés par Fat Tire Flyer, le seul magazine spécialisé qui se fait l’écho du développement de cette nouvelle activité outdoor cycliste, drainent déjà des centaines de passionnés (Savre, Saint-Martin, Terret, 2007). En France, sur fond de réveil écologique, de désir d’évasion et d’aventure corporelle, l’arrivée de cette pratique renouvelle les symboliques dont le vélo était historiquement porteur dans l’imaginaire populaire. Le passeur culturel responsable de cette implantation est Stéphane Hauvette. Depuis 1979, ce chef d’entreprise possède une société d’organisation d’événements sportifs. Il organise des stages et des séjours sportifs et initie ses clients et amis aux nouvelles activités sportives de pleine nature comme le parachutisme, la spéléologie, le deltaplane ou la planche à voile. Conquis par l’esprit de la glisse de l’époque (Loret, 1995) et par les perspectives offertes par la lecture du magazine américain Outside, il ambitionne de développer un marché valorisant l’innovation sportive2.

4 En 1982, Stéphane Hauvette contacte Charles Tantet, une personnalité du monde du cyclisme en France, propriétaire de la revue Le Cycle. L’homme se montre « séduit à moitié »3, mais finit par orienter le jeune démarcheur vers un autre partenaire, Alain Baumann, spécialisé dans la distribution de vélos de route Peugeot pour le marché américain. Hauvette promet à Baumann quelques articles dans Le Cycle sur le Vélo Tout Terrain, en échange d’une aide à l’organisation d’une épreuve propre à ce nouvel engin. Baumann accepte et met à disposition une vingtaine de vélos Peugeot. Hauvette obtient alors rapidement l’accord de La Plagne pour l’été suivant. La station alpine, en recherche d’événements estivaux pour compléter son offre touristique à un moment où la crise de l’or blanc se confirme (Bessy, 2008), voit là une opportunité de publicité à moindre coût. Une expérience précédente avec des bicross avait d’ailleurs montré à ses responsables l’intérêt stratégique d’une telle rencontre.

5 La manifestation a lieu les 6 et 7 août 1983. Hauvette, dont l’objectif avoué est de séduire les journalistes invités pour la circonstance, n’hésite pas à faire venir également quelques personnalités sportives telles que Cyril Neveu, motard professionnel vainqueur du Paris-Dakar, et Sandrine Martin, spécialiste de Moto Tout Terrain. Le samedi débute par une journée de découverte pour la presse (Libération, Le Monde, L’Express, Le Nouvel Observateur) avec une randonnée en montagne et un pique- nique. Le lendemain, une formule descendante sous forme de compétition de VTT en slalom, entre Bellecôte et La Plagne, enthousiasme les participants. Ces derniers utilisent les remontées mécaniques pour atteindre le départ du parcours conçu par Hauvette : « Cela m’est apparu à l’époque comme étant le plus proche de ce que j’appelais à l’époque les sports de glisse. […] Cent personnes ont participé : des journalistes, des gens des stations, des touristes. […] Là, on est dans la glisse et pas du tout dans l’univers du vélo. On est sport de glisse, montagne en été.4 »

6 La presse et le public sont séduits par le concept. La station de La Plagne décide même de racheter les vingt VTT Peugeot utilisés pour l’événement. La présence d’un des pionniers américains, Gary Fisher, donne en outre du crédit à cette première expérience : « Et il y avait Gary Fisher, Gary était là ! C’est grâce à Peugeot qu’il est venu : ils m’ont dit : “On a un gars aux États-Unis, qui a l’air d’être l’inventeur. Est-ce que vous voulez le faire venir ? J’ai dit “Bien sûr !” […] Surtout on parlait de mountain bike : c’est la filière Ritchey, Fisher. C’était les noms que j’avais lus dans l’article avec Clunker et Repack Race. Cela faisait bien d’avoir un Américain ! Il a participé à la

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course. Il s’est bien amusé mais Cyril Neveu, plus connu des Français, a eu plus d’impact »5.

7 Gary Fisher et Stéphane Hauvette n’ont ni le même parcours ni le même profil. L’Américain, issu du milieu du cyclisme, est un inventeur de la première heure6 qui développe des innovations technologiques, quand le Français, adepte des pratiques de pleine nature, se positionne comme un promoteur et un spécialiste de l’événementiel. Néanmoins, Fisher a bien fait le déplacement en France pour stimuler le développement du VTT sur le vieux continent7. Bien qu’il ne termine qu’à la troisième place de l’épreuve, sa seule présence renforce l’image « fun » de l’activité, en l’associant aux autres sports « californiens » comme le windsurfing, le skate-board ou le surf.

8 Fort des retombées de presse positives et des impressions liées au succès de ce premier rassemblement, Stéphane Hauvette se rend au salon du cycle à Paris, en octobre 1983, où il expose le vélo de Gary Fisher sur le stand Peugeot. La marque française est alors en phase de veille active : elle souhaite évaluer le potentiel du marché pour les stations de montagne, mais craint une baisse rapide de l’engouement initial. Elle charge son équipe de production bicross de développer le VTT, mais de « manière peu volontariste et dans une position d’attente »8. Le salon de Paris confirme cependant l’intérêt d’autres industriels et sponsors, comme le fabriquant stéphanois de cycles Mécacycles ou encore Gitane. Suffisamment, en tout cas, pour justifier quelques semaines plus tard la création par Hauvette de l’Association Française pour le développement du Mountain Bike ou Vélo Tout Terrain (AFMB)9 et dynamiser ainsi encore davantage le marché : « Dans le même temps, je commençais à affiner un peu mon raisonnement et progressivement, je me rendais compte que l’on pouvait aussi se balader autour de chez soi. Je sentais qu’il y avait un vrai gros marché en train de se mettre en place et, en face, cela ne suivait pas. »10

9 Stéphane Hauvette prend aussitôt contact avec les membres de l’industrie du cycle. Présentant le mountain bike comme un engin tout à la fois facile à utiliser, écologique, économique, amusant, adapté à la demande du public, polyvalent et confortable, il anticipe un triple développement urbain, comme cela se produit alors aux États-Unis, familial et plus sportif, avec une croissance du marché de l’ordre de 10% annuels11. Hauvette envisage d’ailleurs trois catégories d’engins : un Vélo Tout Terrain simplifié pour un usage en ville et en sous-bois, un modèle de qualité possédant des composants solides, « destiné à un usage de randonnée extrême » et des vélos haut de gamme consacrés à la compétition « faits sur mesure ou d’une finition et d’une décoration exceptionnelle. » Les tarifs de vente, de 1800 francs (275 euros) à 6000 francs (914 euros) environ, seraient supérieurs à ceux des cycles classiques, mais justifiés par la dimension novatrice du VTT, créatrice d’attentes fortes à l’instar des planches à voile12. Pourtant, malgré ces perspectives, l’optimisme de Stéphane Hauvette se heurte aux réticences des industriels.

Des premiers rassemblements confidentiels pour une industrie du cycle attentiste

10 Dès 1984, l’AFMB lance un programme stratégique de structuration du VTT qui comprend par exemple la mise en place de contacts avec l’administration pour obtenir des droits de passage dans les forêts domaniales et les parcs nationaux, la création d’un dossier Vélo Tout Terrain en montagne pour son développement dans les stations

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d’altitude, la réalisation d’un bulletin d’information destiné au public et aux adhérents, la participation à des expéditions et prospections dans tout le pays en vue de favoriser la création de clubs locaux, ou encore l’organisation de compétitions et de journées grand public. L’idée générale est de jouer sur plusieurs tableaux, celui du loisir comme celui de la compétition, en valorisant des événements, notamment dans les stations de haute et moyenne montagne. Les adhésions des membres ne pouvant cependant suffire à assurer la réalisation d’un tel programme, Hauvette suggère aux industriels du cycle un accord financier par lequel l’AFMB peut délivrer contre rétribution une homologation des engins fabriqués. Quelques partenaires comme les « Ateliers de la rive » à Saint-Chamond, qui développent les tubes Vitus, se montrent intéressés au début de l’année 1984 et sont prêts à verser 5000 francs13. Pourtant, malgré une active campagne de promotion, l’industrie du cycle demeure plutôt attentiste. Au mois de mars 1984, Stéphane Hauvette tente alors une autre approche en fédérant les industriels et fabricants du secteur dans un « Pool France Mountain Bike », à l’instar de ce qu’a connu le ski 20 ans plus tôt, et en créant un label censé les protéger de la concurrence étrangère : « Il ne nous est pas possible, le public ne le comprendrait pas, que notre association refuse une homologation à un matériel conforme mais d’origine italienne ou japonaise. L’AFMB ne peut en aucune façon protéger les industriels français contre les importations étrangères. Par contre […] l’AFMB peut par la constitution d’un pool d’industriel français, aider le développement d’un label 100% français »14.

11 Pour Hauvette, le pool a plus particulièrement vocation à devenir l’un des sponsors principaux de l’AFMB et, à ce titre, doit participer au développement du VTT en France, par exemple avec l’apport d’un parc promotionnel de 50 à 100 engins au service des randonnées et des compétitions. Avec son aide, l’AFMB prévoit dès 1984 d’organiser un certain nombre de manifestations, des séances d’entraînement régulières en région parisienne, une randonnée Paris-Deauville, le Tour des Alpes, l’ascension du Kilimandjaro, prévue pour novembre et pour laquelle la chaîne de télévision « Antenne 2 » fait connaître son intention d’achat pour l’émission « Les carnets de l’Aventure ». En outre, un challenge d’été regroupant 15 compétitions dans les stations touristiques (bord de mer, montagne, campagne) ou dans les grandes villes, est envisagé entre le 1er juin et le 30 septembre. Parmi les stations d’altitude contactées et intéressées par la création d’une animation permanente mountain bike ou par la mise en place d’un parc locatif de VTT pour la randonnée, on compte ainsi La Plagne, les Arcs, La Clusaz, Courchevel, Tignes, Val Morel, Saint Gervais, Les Houches, Val-Cenis, Megève, Les Menuires, Val d’Isère, Les Contamines, Montjoie et Embrun.

12 Le coût de ce programme dépasse cependant les prévisions. Le budget annoncé fin 1983 est ainsi multiplié par cinq pour atteindre près de deux millions de francs15. Or les industriels ne répondent qu’avec une extrême prudence aux différentes propositions. Sans doute aussi sont-ils sceptiques sur la transparence du modèle économique qu’Hauvette met en place. Les relations presse et la recherche de sponsors extérieurs sont en effet dissociées de l’AFMB et sont assurées par une agence indépendante, nommée FLASE, dont le président n’est autre qu’Hauvette lui-même16.

13 Devant ces réticences, Stéphane Hauvette contacte le ministère de la Jeunesse et des Sports au printemps 1986, avec l’intention de créer une fédération afin d’être mieux reconnu et d’obtenir davantage de moyens. Mais la politique ministérielle est alors plutôt favorable à l’intégration des « nouveaux sports » au sein des fédérations

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historiquement implantées (Lassus, Martin, Villaret, 2007)17. Hauvette est donc orienté vers les fédérations françaises de cyclisme et de cyclotourisme : « Vers 86, 87, il a fallu que je vende à mes adhérents le fait que l’on allait rejoindre la FFC. Je faisais tout le boulot, je n’avais pas de moyens et le ministère commençait à nous bloquer.18 »

14 Le dialogue est d’autant plus difficile que l’AFMB ne compte encore que 350 adhérents et cinq clubs affiliés en 1986. Alors que le « vélo », annoncé comme premier choix d’activité chez les hommes (20,36%) et quatrième chez les femmes (14,59%) (Irlinger, Louveau, Métoudi, 1987), semble constituer un vivier de pratiquants quasiment inépuisable, le marché et les constructeurs français attendent la demande plus qu’ils ne la devancent. Le matériel, souvent lourd et peu fiable, s’avère difficile à trouver chez les détaillants traditionnels qui ne connaissent pas encore bien ce produit. Certains n’ont d’autres choix que d’importer et parfois de rapporter leur engin des États-Unis. Quelques rares artisans, tels Raymond Crozet19, produisent leurs premiers VTT en nombre limité. Peugeot et MBK commencent à s’intéresser à ce secteur, mais l’investissement reste timide. Les ventes sont alors de l’ordre de 1000 unités20.

15 Les premiers événements organisés par l’AFMB peinent d’ailleurs à connaître le succès. Après la « démonstration » relativement réussie de La Plagne, la seconde manifestation à mettre au crédit d’Hauvette est le Paris-Deauville, une épreuve de trois jours sur 210 kilomètres, lancée au printemps 1984. Or bien que la formule inaugure alors l’un des aspects majeurs de la massification future du VTT – la randonnée–, elle ne rassemble qu’une poignée de licenciés de l’AFMB et quatre Suisses. De même, le projet de Championnat de France sur 15 épreuves dans 15 stations différentes, prévu à l’été, avorte rapidement, faute de moyens matériels et financiers. Enfin, certaines stations, telle La Plagne, démarrent timidement avec un parc locatif, mais sans rassemblement ni organisation notoire. Quant à la compétition organisée à Saint-Tropez à l’automne 1984 sous le terme voulu attractif de « Roc d’Azur », elle n’attire que sept participants, qui sont loin de se douter que la manifestation deviendra 15 ans plus tard le plus grand rassemblement mondial de VTT (Savre, 2010b).

Vers un tourisme de masse : les Alpes, l’AFMB et le VTT (1985-1987)

16 Malgré les déboires des premières initiatives, les stations de montagne sentent rapidement qu’un marché se dessine. À l’issue de la saison touristique estivale, l’AFMB s’en félicite sous forme de bilan et estime que les conditions sont désormais réunies pour que les manifestations soient davantage suivies : « Au cours de l’été 1985, plus de 30 stations proposaient au public une activité Vélo Tout Terrain. Ces stations possèdent des parcs de vélo qu’elles peuvent mettre à la disposition de leurs visiteurs. […] Ce parc d’engins devrait nous permettre de compter sur une fourchette de 50 à 100 participants à chaque épreuve. La forte population de vacanciers présente dans les régions alpines devrait par ailleurs nous assurer une masse de spectateurs non négligeable. Il est à noter que les stations visitées comptent de 5 à 25 000 lits et qu’elles connaissent à cette époque un remplissage de près de 90%. Cette population sera très facilement sensibilisée. Dernier intérêt, les stations d’altitudes sont demandeuses de ce genre de manifestation et mettent à notre disposition une infrastructure idéale.21 »

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17 Dès lors, les saisons 1985 et 1986 voient se développer des initiatives qui laissent présager une diffusion à plus grande échelle du VTT sur le territoire français : le calendrier et la participation aux courses s’étoffent progressivement, de nouveaux types d’épreuves de longue durée apparaissent et le marché se diversifie un peu avec l’arrivée de constructeurs venus du milieu du BMX (Heimbourger, 2006). Les territoires alpins, sans être exclusifs, contribuent puissamment à cette étape, en accueillant plusieurs événements remarquables.

18 Ainsi, le « Trophée des Alpes », organisé par l’AFMB en 1986, regroupe dix épreuves dans dix stations des Alpes françaises pendant l’été22. Les vainqueurs de chaque épreuve se voient attribuer des points et le concurrent qui en cumule le plus sur ses six meilleurs résultats est déclaré vainqueur. Un classement par équipe de stations est également mis en place. L’une de ces épreuves devient aussi le support d’une des cinq manches du « Championnat de France National AFMB ». Second événement important de la saison, le championnat de France, dont la finalité est « de renforcer l’implantation du Vélo Tout Terrain dans des régions choisies, d’attirer des sportifs de haut niveau venant du cyclisme sur route, du cyclocross ou du triathlon pour créer rapidement une équipe de haut niveau pouvant concurrencer les équipes américaines, de créer des événements exploitables par les médias et de satisfaire à la demande des pratiquants.23 » Les épreuves ont lieu de mai à octobre à Saint-Étienne, en région parisienne et au cours d’une des manches du trophée des Alpes, à Ramatuelle.

19 Dans le même temps, le principe de l’itinérance sur plusieurs jours mais cette fois sous forme compétitive voit le jour, en transposant le modèle de référence des courses par étapes du Tour de France ou du Paris-Nice au VTT. La longue durée apparaît aussi lors d’épreuves comme les « 24 heures d’Auvergne » ou « la Funny Bike » à la Bourboule. Bientôt, des stations plus modestes du Massif Central, du Jura ou du Vercors se lancent timidement dans le développement de cette activité pour mobiliser les touristes en dehors de la période hivernale. Certaines zones et massifs de moyenne montagne récemment équipés de foyers de ski de fond et souvent déserts à cause du faible enneigement, cherchent à rentabiliser ces lieux durant la période estivale.

20 La saison 1985 voit aussi apparaître les premières compétitions de descente. Bien que n’étant pas organisées dans les Alpes mais dans le sud du pays, elles s’inspirent cependant des principes du ski alpin, comme l’admet Georges Edwards, organisateur pionnier des pratiques de descente à propos de la compétition qu’il organise à la Croix des Gardes, près de Cannes : « L’essence de l’activité : c’est l’alpin ! D’ailleurs tout ce qui relève de l’alpin, de la glisse est plus reconnu et plus valorisant. Cela rend le geste sportif plus intelligent que le seul effort.24 » Dans le même temps, Michel Forestier, pionnier et loueur de la première heure essaie, dans le Jura, de faire connaître le sport qu’il pratique depuis un an mais dans une logique plus « nordique » : « Personne ne voulait louer des vélos, donc je l’ai fait. Je l’ai monté dans le même principe que le ski de fond […]. J’ai commencé avec cinq VTT en 1985 pour de la démonstration et des animations. »25

21 Au-delà des désormais classiques Roc d’Azur, Paris-Deauville et autre trophée des Alpes, la saison 1987 confirme ces orientations en étant marquée par plusieurs innovations de pratiques, consacrées par différentes épreuves. D’une part, le championnat de France de l’AFMB est cette fois reconnu par la FFC, dont les licenciés peuvent prendre part aux neuf épreuves du programme26. D’autre part, en août, se déroule le premier « Open International de Mountain Bike », avec un peu plus de 300

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participants et dix nations présentes. L’événement, qui se déroule à Villard de Lans, est aussi qualifié de championnat du monde officieux, car ne dépendant d’aucune fédération ou association internationale27. Cette première confrontation internationale en France « crédibilise l’image du sport »28, par la présence de champions professionnels venus des États-Unis avec du matériel performant. La station du Vercors, pour sa part, compte sur cette publicité pour lancer le VTT en parallèle du ski de fond et procède alors à un balisage spécifique de son territoire. Serge Barnel, premier à se lancer dans la location et l’encadrement à grande échelle, y possède d’ailleurs déjà un parc locatif de plus de 100 VTT de marques françaises (Libéria, Peugeot, MBK). La présence à Grenoble du premier magasin spécialisé dans la vente de VTT en France, « Mountain Bike diffusion » qui importe alors des VTT de la marque « Marin » et « Trek », favorise bientôt cette dynamique dans toute la région.

Fabrication, distribution et innovations technologiques

22 Dans le cas du VTT, le triptyque vertueux événement-innovation-marché (Andreff, 1985 ; Chantelat, 1992) prend son essor précisément entre 1985 et 1987. Les ventes passent sur cette période de 4000 à 60 000 engins. Les deux premiers détaillants qui se consacrent entièrement au VTT apparaissent à Avignon et à Grenoble29. Sous l’impulsion de Philippe Tomasini, Trekking Bike est le premier importateur de matériel américain ; on y trouve des marques étrangères déjà bien structurées comme Fat Chance, Fisher, Muddy Fox, Salsa, Ritchey ou WTB, ainsi que des grandes marques implantées sur le marché du cycle traditionnel telles Peugeot, MBK, Gitane, Mercier, Raleigh France et Lapierre. Avec l’augmentation de la demande, des artisans tels Mécacycles à Saint-Étienne ou Ferraroli en Suisse, créateur de matériel très sophistiqué, parviennent aussi à s’imposer sur un marché qui reste encore une niche pour l’industrie du cycle. Ferraroli produit par exemple à petite échelle, en 1987, un modèle nommé , pesant moins de 11 kilogrammes, poids presque record à ce moment. Peugeot décline quant à lui son « VTT » en cinq modèles dont un 20 pouces pour enfants, un 24 pouces pour adolescents et, en haut de gamme, le « VTT 4 », élu VTT de l’année par le magazine de l’AFMB. Ce modèle rencontre beaucoup de succès chez les pilotes malgré le panachage de pièces d’origines diverses dont il est fait : cadre Reynolds 501 muni d’une fourche Uni crown et équipé d’un pédalier Stronglight, chaîne Sachs-Sedis, roue libre « Maillard », jantes Rigida, pneus Michelin, moyeux « diabolo », freinage Dia Compé à l’avant et « Roller-Came » XC Suntour à l’arrière et dérailleurs et manettes .

23 D’autres constructeurs, issus du monde du BMX cette fois, commencent aussi à se lancer dans la production artisanale de VTT, malgré le scepticisme ambiant. Max Commençal, par exemple, s’attache à transférer les conceptions ludiques et acrobatiques qu’il a développées avec le BMX dans le VTT : « Depuis 1980, je fais des BMX pour la marque Laffite puis je crée “Sunn BMX” en 1982. […] Je sais que le premier VTT que l’on a fait, c’est un gros BMX. On a gonflé le ratio de 20 à 26 pouces. On a fait quelque chose déjà enclin à sauter, à glisser. Je voulais faire des BMX pour aller dans les chemins. […] Déjà vers des pratiques descendantes. Je me souviens avoir emmené des gamins sur des pistes de ski voir ce que cela faisait. En France, tout le monde me dit cela ne marchera jamais. […] C’est quelque chose qui fait partir toute l’industrie du cycle en courant. Mais tous ! Excessivement mous, conservateurs, à la traîne. […] Moi je m’en

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fous. Je fais du business. Je fonctionne avec des imaginations et j’essaie d’amener un maximum de personnes dans mon délire. Dans ces années-là, au début, on n’est pas beaucoup. C’est du bricolage, plus que de l’artisanat. Le marché et le besoin, on le ressent »30.

24 Au-delà de ces fécondations technologiques issues de produits proches dans une généalogie déjà étudiée (Hillairet, 2005), les nouveaux VTT intègrent très vite les innovations technologiques qui font leur preuve sur le marché américain ou dans les rencontres françaises. Signe des temps, le premier test comparatif grandeur nature de mountain bikes est même réalisé en 1985 pour le magazine Moto Verte, avec six engins testés par Didier Coste, futur créateur de Vélo Vert Magazine31.

25 Sur le plan matériel, la création de « l’indexation » révolutionne le passage de vitesse qui peut se faire plus précisément et plus rapidement, modifiant à la fois l’efficacité en compétition et la simplicité d’utilisation lors des randonnées pour les non-initiés. L’augmentation du nombre de vitesses à 18 procure un meilleur étagement des développements pour le pratiquant et facilite ainsi l’efficacité lors des montées notamment. Au même moment, l’invention des roulements étanches augmente la durabilité des pièces et réduit d’autant l’entretien. Quant au groupe « Mavic », il développe des jantes en céramique qui améliorent la qualité du freinage. Ce type d’évolution technologique, orienté vers la simplification et le confort, accélère un peu plus l’adoption du VTT par les usagers novices qui apprécient l’efficacité et l’ergonomie des nouveaux matériels.

26 L’innovation porte aussi sur les couleurs, en comparaison de celles, plus austères, du cyclisme sur route. Les premiers VTT en circulation sur le territoire français se parent de roses, de verts, de jaunes fluorescents et de violets, autant de couleurs évocatrices de la mouvance psychédélique des années 1970, du fun et de la symbolique californienne (Loret, 1996). La tendance touche d’ailleurs aussi les vêtements avec des textiles plus spécifiques issus de la moto, comme la gamme JT Racing aux motifs bariolés et fluorescents ou les vêtements Fox, plus discrets. Ces changements vestimentaires renforcent le phénomène de distinction en cours entre le cycliste traditionnel et le vététiste. La transformation des appareils de protection relève de la même logique. La firme « Bell » produit par exemple le premier casque en série à coque rigide, spécifique à la pratique du VTT et du vélo. John Tomac, la star américaine montante, est rapidement sponsorisée par ce leader mondial qui se lance dans une production orientée vers le marché désormais demandeur du mountain bike. Auparavant, les pratiquants désireux de se protéger avaient recours aux casques en cuir, utilisés pour le cyclisme classique, ou à divers couvre-chefs issus d’autres sports, inadaptés, dangereux, et désormais jugés obsolètes.

Conclusion

27 Au milieu des années 1980, le VTT se trouve en France en phase de gestation avec des pratiques de moins en moins confidentielles qui se diversifient, une association active bien qu’encore en quête de légitimité et un engin de plus en plus fiable mais toujours relativement peu diffusé. Le temps de la pérennisation semble pourtant proche, car cette pratique possède déjà une viabilité technologique, elle est adoptée et promue par une communauté et, enfin, elle repose désormais sur une organisation spatio- temporelle dont témoigne la multiplication des événements de propagande.

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28 La seconde partie de l’année 1987 consacre d’ailleurs une étape décisive dans l’implantation du VTT en France. En juillet, comme pour célébrer une nouvelle étape, le mensuel Jogging International, qui cible d’ordinaire les populations de joggers actifs, publie un hors série sur le VTT tiré à 20 000 exemplaires. En septembre s’ouvre le premier salon entièrement dédié à cette activité dans le parc floral de Vincennes et le premier magazine spécialisé, VTT Magazine, paraît à compter du mois suivant. En quatre années seulement, les conditions sont ainsi réunies pour une diffusion encore plus large du VTT sur le territoire français. Cette rapidité exceptionnelle à l’échelle de l’histoire du sport, mais sans doute moins surprenante à celle de la commercialisation de l’innovation, tient incontestablement à la convergence de trois facteurs. D’une part, l’analyse a montré qu’elle repose sur une demande « révélée » par des passeurs culturels comme Stéphane Hauvette dont le succès tient autant à la passion du plein air qu’aux qualités d’organisateur. D’autre part, elle s’enracine dans la conviction, pour des zones touristiques parfois en crise comme le sont alors de nombreuses stations alpines, que le VTT peut renforcer leur offre de loisir. Enfin, si l’offre en matériel a un temps de retard sur la demande, elle connaît toutefois une phase d’intense innovation technologique qui, par invention, filiation, hybridation ou transfert de connaissances, permet de rattraper la demande en lançant sur le marché des engins confortables, sûrs, efficients et en phase avec les attentes de la première vague de pratiquants. Si les innovations elles-mêmes sont loin d’avoir toutes été produites dans le contexte très favorable de la filière sport-loisir rhônalpine (Richard, 2007), il n’en est pas moins vrai qu’elles ont largement bénéficié de la visibilité des grandes manifestations, ludiques ou compétitives, accueillies par les stations de ski, renforçant du coup l’importance des territoires alpins comme lieux de pratique du VTT par excellence dans les imaginaires.

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NOTES

1. Cet article s’appuie notamment sur une série d’entretiens semi directifs menés auprès des principaux acteurs des années 1980, complétée par l’analyse d’archives fédérales et de magazines spécialisés telles Les Pages Vertes publiées par la FFC, VTT Magazine et Vélo Vert . 2. Entretien avec Stéphane Hauvette, Paris, 28 juin 2006. 3. Hauvette (entretien cité) rapporte ainsi les propos de Tantet : « C’est marrant ton truc. Qu’est- ce que c’est que ces brouettes, cela pèse trop lourd, c’est moche ! » 4. Idem. 5. Idem. 6. Fisher est le premier à ajouter un dérailleur avant Suntour-Spirit sur un clunker, la tige de selle réglable et aussi la commande sur le cintre appelé shifter. 7. Entretien avec Gary Fisher, San Anselmo, 8 mars 2005. 8. Entretien cité avec Stéphane Hauvette. 9. Journal Officiel de la République Française, n°274, 26 novembre 1983. Stéphane Hauvette est élu président. Le vice-président, Éric Saint Frison, 26 ans, est attaché de direction ; le trésorier, Étienne Boisrond, 32 ans, est publicitaire, et le secrétaire général, Pierre Étienne Gautier, 35 ans, travaille aussi dans la publicité. Tous sont parisiens ou de la couronne parisienne. 10. Entretien cité avec Stéphane Hauvette. Sur ces aspects, Cf. Savre, 2011.

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11. Documents de présentation, décembre 1983, archives privées de Stéphane Hauvette. 12. Idem. 13. Correspondance entre les « Ateliers de la rive » et l’AFMB, 10 Janvier 1984, Archives de l’AFMB. 14. Document interne, 8 mars 1984, Archives de l’AFMB. 15. Idem. 16. Archives de l’AFMB, document interne du 8 mars 1984. La rémunération de cette agence est fixée à 10% des sommes versées par le Pool France Mountain Bike et 15% de celles versées par les autres annonceurs. 17. L’intégration de la planche à voile se fait par exemple au sein de la Fédération Française de Voile (FFV) alors que l’escalade est rattachée à Fédération Française des sports de Montagne et d’Escalade (FFME). 18. Entretien cité avec Stéphane Hauvette. 19. « Œuvre d’un constructeur Stéphanois : Le vélo qui grimpe aux montagnes », Loire Matin, 15 Janvier 1984. 20. « Le VTT sort ses dents et bouffe le marché », Libération, 27 août 1990. 21. Archives de l’AFMB, « Programme d’activité 1986 », p. 2. 22. Courchevel, La Clusaz, La Plagne, Les Arcs, Les Houches, Megève, Saint Gervais Tignes, Val Cenis, Val Morel. 23. Archives de l’AFMB, « Rapport d’activité 1986 ». 24. Entretien avec Georges Edwards, Fréjus, le 6 octobre 2006. 25. Entretien avec Michel Forestier Les Rousses, 20 octobre 2007. Michel Forestier est moniteur de ski de fond. 26. Le Vercors accueille la dernière manche estivale entre Villard-de-Lans et Lans en Vercors. 27. La même année, la NORBA organise en Californie à Mammoth Mountain un autre « World Championship » officiel à l’échelle américaine mais tout aussi officieux sur le plan mondial (Savre, Saint-Martin, Terret, 2010). 28. Entretien avec Jacques Devi, 24 septembre 2006. Devi est le premier champion de France de VTT en 1987. 29. Respectivement Trekking Bike et Mountain Bike Diffusion. 30. Entretien avec Max Commençal, fabricant de VTT, responsable du team Sunn, Fréjus, le 13 octobre 2007. 31. Entretien avec Didier Coste, Fréjus, 14 octobre 2007.

RÉSUMÉS

Au cours des années 1980, la diffusion en France du mountain bike connaît sa première étape dans les territoires de montagne qui découvrent son intérêt socio-économique. Au-delà des aspects structurels et organisationnels, le Vélo Tout Terrain devient par ailleurs un support privilégié d’innovation technologique et sociale. Il s’agit ici de réfléchir aux différents enjeux sous-tendus par l’implantation sur le territoire alpin d’une nouvelle activité corporelle nécessitant un engin à deux roues et s’inscrivant dans l’esprit et les valeurs des pratiques californiennes déjà existantes. Plus qu’une pratique, le VTT devient au cours de cette décennie un marché. Ces enjeux économiques vont participer de son imminente

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institutionnalisation. Parmi les vecteurs de son développement, les premières compétitions et/ou manifestations jouent un rôle essentiel en établissant des relations privilégiées entre sport et économie touristique. Véritable second souffle pour certaines stations de ski alors en pleine crise, le VTT offre ainsi l’opportunité aux différents acteurs (pratiquants, marchands de cycle, responsables politiques et institutionnels) de valoriser une innovation technique et sociale dans les espaces de montagne.

INDEX

Mots-clés : VTT, Vélo Tout Terrain, innovation, événement, station alpine

AUTEURS

JEAN SAINT-MARTIN Maître de conférences, HDR en STAPS à l'Université Joseph Fourier (UFRAPS) [email protected]

FRÉDÉRIC SAVRE Docteur et enseignant en STAPS- Aix-Marseille Université, Sport, Management et Gouvernance Laboratoire EA4670 [email protected]

THIERRY TERRET Professeur, CRIS, Université Lyon 1, Recteur de l’Académie de La Réunion [email protected]

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Early Alpine mountain bike events Between sport and tourism economy (1983-1987)

Jean Saint-Martin, Frédéric Savre and Thierry Terret

1 Mountain biking may be defined as “a physical activity using a wide-tyred bicycle off- road, over diverse terrain, for utilitarian purposes, leisure or competition” (Savre, 2010a). Invented, developed and diffused in the United States during the 1970s, the introduction and growth of this new sport in France and Europe took place in the early 1980s. From the very beginning, early followers made the Alps a favoured location for mountain biking. The organisation of several Alpine events, in particular, encouraged the discovery of the new activity which was not yet widespread in France. In the space of a mere few years, these events served to highlight the dually innovative character of mountain biking, i.e. social and technological. For pioneers and local officials alike, the new vehicle confirmed all the sporting and touristic promises of an emerging market. The aim here is to determine the conditions under which these events were able to speed up the encounter between a nascent demand and an almost nonexistent offer1.

Event valorisation of a social and technological innovation

2 French people share a real passion for road cycling, as can be seen, in particular, by the ongoing success of the Tour de France (Vigarello, 1992). Between 1971 and 1982, the number of federation members for mountain sports (+87%), cycling (+129%) and cyclotourist activities (+633%) (Attali, 2007, 69) confirmed, however, the existence of conducive ground for the development and diffusion of a new form of cycling coming from the United States, mountain biking.

3 On American soil, bikes such as the Stumpjumper and Alpine Univega model enhanced the mountain-bike revelation in the early 1980s. Popular races and events featured in Fat Tire Flyer, the only specialist magazine to relay information on the development of this new outdoor cycling activity, already attracted hundreds of enthusiasts (Savre, Saint-Martin, Terret, 2007). In France, against a background of ecological awareness and desire for freedom and physical adventure, the arrival of this activity revived the

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symbolics historically conveyed to the popular imaginary by the bicycle. The cultural purveyor responsible for introducing the activity was Stéphane Hauvette. Since 1979, this company boss has owned a firm specialising in the organisation of sports events. He has set up sports training programmes and sports holidays, as well as showing his clients and friends how to do new outdoor sporting activities, such as parachuting, potholing, hang-gliding and windsurfing. Totally captivated by both the sliding sport spirit of the moment (Loret, 1995) and the perspectives offered when reading the American magazine Outside, his aim was to develop a market that valorised sporting innovation2.

4 In 1982, Stéphane Hauvette contacted Charles Tantet, a well-known figure of the cycling world in France and owner of the journal Le Cycle. The man was only “half convinced”3, but finally directed the young prospector to another partner, Alain Baumann, who specialised in distributing Peugeot road bicycles to the American market. Hauvette promised Baumann a few articles on mountain biking in Le Cycle, in exchange for help in organising the new vehicle’s very own event. Baumann accepted and promptly provided twenty or so Peugeot bicycles. Hauvette then quickly secured agreement to hold the event in La Plagne the following summer. Indeed, with the white gold crisis setting in (Bessy, 2008), the Alpine resort was on the lookout for new summer events to add to its tourist attractions and saw in it a low-cost advertising opportunity. A previous BMX event had, moreover, already shown the resort managers the strategic importance of such a meet.

5 The event was held over the weekend of 6 and 7 August 1983. Hauvette, whose avowed objective was to win over the journalists invited for the occasion, did not hesitate to also invite a number of sports personalities such as Cyril Neveu, professional motocycle rider and winner of the Paris-Dakar, and Sandrine Martin, a dirt bike specialist. The Saturday was a day of discovery for the press (Libération, Le Monde, L’Express, Le Nouvel Observateur), with a trail ride in the mountains and picnic. A downhill slalom mountain bike race between Bellecôte and La Plagne the following day enthused participants. The latter used ski lifts to reach the starting point of the race designed by Hauvette, “It seemed to me to be the closest thing to what I called sliding sports at the time. […] A hundred people took part, including journalists, resort people, tourists. […] Now, we are in the world of sliding and in no way that of the bicycle. We, the mountains in summer, are sliding sport”4.

6 Both press and public were won over by the concept, and the resort of La Plagne decided to purchase the twenty Peugeot mountain bikes used during the event. In addition, the presence of one of the American pioneers, Gary Fisher, gave credit to this first experience, “And there was Gary Fisher, Gary was there! It is thanks to Peugeot that he came. They told me ‘There’s this guy in the United States, who looks like he’s the inventor. Do you want to ask him to come?’ I said ‘Of course!’ […] Most of all, we were talking mountain bike. The Ritchey, Fisher ones. They were the names I had read in the article, along with Clunker and Repack Race. It looked good to have an American! He took part in the race. He had good fun, but Cyril Neveu, better known to the French, made more impact”5.

7 Gary Fisher and Stéphane Hauvette had neither the same background nor the same profile. Coming from the cycling milieu, the American was an early inventor6 who developed technological innovations, whereas the Frenchman, an outdoor activity enthusiast, positioned himself as an event promoter and specialist. Nonetheless, Fisher

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made the effort to travel to France in order to stimulate the development of mountain biking in the Old World7. Although coming only third in the event, his very presence reinforced the ‘fun’ image of the activity, by associating it with other ‘Californian’ sports, such as windsurfing, skateboard and .

8 Buoyed up by the positive press spin-off and impressions related to the success of this first gathering, Stéphane Hauvette attended the Paris Cycle Show in October 1983, where he exhibited Gary Fisher’s bicycle on Peugeot’s stand. The French car brand was undergoing an active observation phase at the time: it wished to assess the market potential of mountain resorts, yet feared a rapid dwindling of initial enthusiasm. It assigned its BMX production team the task of developing the mountain bike, albeit in “only a vaguely proactive way and while in waiting position”8. The Paris Show confirmed, however, the interest of other industrialists and sponsors, such as the St Etienne bicycle manufacturers Mécacycles and Gitane. Sufficient interest, in any event, to justify Hauvette’s creation, a few weeks later, of the Association Française pour le développement du Mountain Bike ou Vélo Tout Terrain (AFMB) (French association for the development of mountain biking),9 thus further galvanising the market, “At the same time, I began refining my thinking and, gradually, I realised that it was also possible to go cycling not too far from home. I had the feeling there was a really large market coming into being and that we weren’t keeping up”10.

9 Stéphane Hauvette immediately contacted members of the cycle industry. In presenting the mountain bike as user-friendly, ecological, economic and entertaining, as well as being adapted to public demand, multipurpose and comfortable, he was anticipating a threefold urban development, as in the United States at the time, i.e. family-oriented, more sportive and with an annual market growth of roughly 10%11. Hauvette foresaw, moreover, three categories of mountain bike: a simplified mountain bike for use in town and through undergrowth, one of quality with sturdy components, “intended for extreme riding”, and a top-of-the-range competition bike, “custom-made or with a finish and decoration that were exceptional.” Selling prices, ranging from roughly 1,800 francs (275 euros) to 6,000 francs (914 euros), would be higher than those of standard bikes, but were justified by the innovative dimension of the mountain bike as a creator of great expectations, following in the footsteps of the windsurfing board12. Yet in spite of such perspectives, the optimism of Stéphane Hauvette was met with reticence among the industrialists.

Early small-scale events for a cycle industry playing the waiting game

10 In 1984, the AFMB launched a strategic programme for structuring mountain bike activity, which included, inter alia, establishing contacts with the administration for right of way in national forests and parks, setting up an alpine mountain bike project for its development in mountain resorts and publishing a newsletter for members and the public, as well as taking part in expeditions and prospecting across the country with a view to encouraging the creation of local clubs, and organising competitions and days for the general public. The general idea was to have several options, whether in leisure or competition, by valorising events, particularly in medium and high-altitude mountain resorts. As member subscriptions were insufficient, however, to ensure the implementation of such a programme, Hauvette offered cycle industrialists a financial

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agreement whereby the AFMB would issue certification for the cycles they produced in return for a fee. A few partners such as the Ateliers de la rive in Saint Chamond, which developed the Vitus tubes, showed an interest in early 1984 and were willing to pay five thousand francs13. Yet despite an active promotional campaign, the cycle industry adopted a somewhat wait-and-see attitude. In March 1984, Stéphane Hauvette tried a different approach by uniting the industrialists and manufacturers in a “France Mountain Bike Pool”, similar to that of the ski sector twenty years earlier, and by creating a label that was supposed to protect them from foreign competition: “It is not possible for our Association to refuse certification for equipment that conforms, but which is made in Italy or Japan, the public would not understand. The AFMB itself can, in no way, protect French industrialists against foreign imports. On the other hand […] the AFMB can contribute to the development of a label that is 100% French by creating a pool of French industrialists”14.

11 For Hauvette, the pool was more particularly intended to become one of the main sponsors of the AFMB and, as such, contribute to the development of mountain biking in France, as, for example, when it provided a promotional fleet of between fifty and a hundred vehicles for rides and competitions. With its help, the AFMB planned, from 1984 onwards, to organise a certain number of shows and regular training sessions in the Paris region, together with a Paris-Deauville ride, the Tour des Alpes and an ascent of Kilimanjaro, scheduled for November and whose television rights “Antenne 2” wished to purchase for its programme “Les carnets de l’Aventure” (tales of adventure). In addition, a summer challenge, including 15 competitions in tourist resorts (by the sea, in the mountains, in the country) or in cities, was contemplated between 1 June and 30 September. Among the mountain resorts contacted and interested in the creation of a permanent mountain bike event or the setting-up of mountain bike rental fleets for trail riding were La Plagne, les Arcs, La Clusaz, Courchevel, Tignes, Val Morel, St Gervais, Les Houches, Val Cenis, Megève, Les Menuires, Val d’Isère, Les Contamines Montjoie and Embrun.

12 The cost of the programme, however, exceeded forecasts. The budget announced late 1983 was thus five times higher and reached almost 2 million francs15. And yet, industrialists responded only with extreme caution to the different proposals. They were undoubtedly also sceptical about the transparency of the economic model Hauvette was setting up. Relations with the press and search for sponsors were, in fact, kept separate from the AFMB and carried out by an independent agency called FLASE whose President was none other than Hauvette himself16.

13 In the face of this reticence, Stéphane Hauvette contacted the French Ministry of Youth Affairs and Sports in the spring of 1986, with the intention of creating a federation to gain greater recognition and increased means. However, ministerial policy was rather more in favour of integrating “new sports” into historically established federations (Lassus, Martin, Villaret, 2007)17. Hauvette was therefore directed towards the French Cycling and Cyclotourism Federations: “In about 86, 87, I had to sell the fact to my members that we were going to join the FFC. I was doing all the work, I was without means and the Ministry was starting to put obstacles in our path”18.

14 Dialogue was all the more difficult given that the AFMB had only three hundred and fifty remaining members and five affiliated clubs in 1986. While cycling was said to be the favourite choice of activity for men (20.36%) and fourth favourite for women (14.59%) (Irlinger, Louveau, Métoudi, 1987), and appeared to represent an almost

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unlimited supply of riders, both the market and French manufacturers were merely waiting for demand rather than anticipating it. Equipment, which was often heavy and not very reliable, was difficult to find at traditional retailers who were, as yet, unfamiliar with the product. For some, the only solution was to import their vehicle, or even bring it back with them, from the United States. A small number of artisans, such as Raymond Crozet19, produced only a limited number of their early mountain bikes. Peugeot and MBK were just starting to take an interest in the sector, but investment remained hesitant. Sales at the time reached roughly 1000 units20.

15 The first events organised by the AFMB, moreover, struggled to succeed. Following the relatively successful “demonstration” at La Plagne, the second event that Hauvette should be given credit for was the Paris-Deauville, a 210-kilometre event held over three days and launched in the spring of 1984. Yet, while the event format launched one of the major features of the future mountain bike mass phenomenon – trail riding –, it attracted only a mere handful of AFMB members and four Swiss people. In the same way, the French championship project of fifteen events in fifteen different resorts, planned for the summer, quickly fell through due to lack of material and financial means. Finally, a number of resorts, such as La Plagne, hesitantly set up rental fleets, albeit with no well-known gathering or organisation. As for the competition organised in Saint-Tropez in the autumn of 1984, with the intendedly attractive name of “Roc d’Azur”, it attracted a mere seven participants, who never imagined that the event would become the world’s biggest mountain bike gathering fifteen years later (Savre, 2010b).

On the way towards mass tourism: The Alps, AFMB and mountain biking (1985-1987)

16 In spite of the setbacks of the first initiatives, mountain resorts quickly sensed that a market was emerging. The results at the end of the summer tourist season gave the AFMB cause for satisfaction, and the Association considered that all conditions were now fulfilled for events to attract a greater number of followers: “During the summer of 1985, over 30 resorts offered some form of mountain bike activity to the public. These resorts have bike fleets their visitors can use […]. Such fleets should enable us to guarantee between 50 and 100 participants for each event. The large number of holidaymakers in the Alpine regions should, moreover, guarantee a very considerable crowd of spectators. It should be noted that the resorts visited have a sleeping capacity of 5 to 25,000 beds and that, at this time of year, they have an occupancy rate of almost 90%. These people will be easily reached. Last point, mountain resorts are hungry for this type of event and are able to provide us with an ideal infrastructure”21.

17 Consequently, the 1985 and 1986 seasons saw the development of initiatives that heralded a more large-scale diffusion of mountain biking throughout France: calendar and race participation increased progressively, new types of extended events appeared and the market diversified slightly with the arrival of manufacturers from the BMX milieu (Heimbourger, 2006). Albeit not the only ones to do so, the Alpine territories contributed greatly at this stage by hosting several noteworthy events.

18 The “Trophée des Alpes”, for example, organised by the AFMB in 1986, included ten events held in ten resorts in the French Alps over the summer22. The winners of each event were awarded points, and the competitor with the most points from his/her best

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six results was declared overall winner. A ranking system for resort teams was likewise set up. One of the events also served as a support for one of the five heats of the “AFMB French National Championship”. The second important event of the season was the French Championship, which aimed “to reinforce mountain biking in chosen regions and to attract top-level sportsmen from road cycling, cyclo-cross or triathlon in order to quickly form a high-level team capable of competing against American teams, as well as to create media-usable events and to satisfy biker demand”23. The events were held, from May to October, in Saint Etienne, in the Paris Region and, during one of the heats of the Trophée des Alpes, in Ramatuelle.

19 At the same time, the principle of roaming for several days, but competitively this time, saw the light of day when the reference model of the multi-stage Tour de France and Paris-Nice races was adapted to mountain biking. Long duration also appeared during events such as the “24 heures d’Auvergne” (24 hours of Auvergne) or “la Funny Bike” in La Bourboule. Before long, the more modest resorts of the Massif Central, Jura and Vercors were hesitantly starting to develop the activity with a view to mobilising tourists beyond the winter period. Certain mid-altitude mountain areas, recently equipped with hostels for cross-country skiing but often empty due to low snowfall, were looking for ways to make these places profitable during the summer period.

20 The first downhill competitions were also a new feature of the 1985 season. Albeit not organised in the Alps, but rather in the south of the country, they were, however, inspired by the principles of Alpine skiing, as Georges Edwards, pioneer organiser of downhill practices, admitted on the subject of the competition he was organising in la Croix des Gardes, near Cannes; “The essence of the activity is Alpine! Moreover, anything Alpine or to do with sliding is given more recognition and is more valorising. It makes the sporting gesture much more than mere effort”24. At the same time, Michel Forestier, one of the early pioneers and renters endeavoured, in the Jura, to introduce the sport he had been practising for a year in a more ‘Nordic’ way: “No one wanted to rent bikes, so I did. I set it all up in the same way as for cross-country skiing […]. I started off with five mountain bikes in 1985 for demonstration and entertainment purposes”25.

21 Over and beyond the now standard Roc d’Azur, Paris-Deauville and Trophée des Alpes, the 1987 season confirmed these directions in that it was marked by considerable practice innovation, sanctioned, in turn, by various different events. On the one hand, the AFMB’s French Championship was now acknowledged by the FFC, with its members being able to participate in the nine events on the programme.26 On the other, the first “Mountain Bike International Open” was held in August, with just over 300 participants and ten nations present. The event, which took place in Villard de Lans, was also described as an unofficial world championship, since it was not dependent on any federation or international association27. This first international meet in France “gives credibility to the image of the sport”28, through the presence of professional champions from the United States and their high-performance equipment. As for the Vercors resort, it was relying on the publicity to launch mountain biking alongside cross- country skiing, and began placing specific trail markers throughout its territory. As the first to become involved in large-scale rental activity and instruction, Serge Barnel already owned a rental fleet of over one hundred French brand mountain bikes (Libéria, Peugeot, MBK). The establishment in Grenoble of the first specialised store for the sale of mountain bikes in France, “Mountain Bike Diffusion”, which imported

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“Marin” and “Trek” brand mountain bikes at the time, soon encouraged the trend throughout the region.

Manufacturing, distribution and technological innovation

22 In the case of mountain biking, the virtuous triptych event-innovation-market (Andreff, 1985; Chantelat, 1992) underwent a boom precisely between 1985 and 1987. During the period, sales increased from 4000 à 60 000 vehicles. The first two retailers to dedicate themselves entirely to mountain bikes set up business in Avignon and Grenoble29. Spurred on by Philippe Tomasini, Trekking Bike became the main importer of American equipment; already well-established foreign brands, such as Fat Chance, Fisher, Muddy Fox, Salsa, Ritchey and WTB, could be found there, together with major traditional cycle market brands, such as Peugeot, MBK, Gitane, Mercier, Raleigh France and Lapierre. Increased demand meant that artisans such as Mécacycles in St Étienne and Ferraroli, the creator of very sophisticated equipment in Switzerland, were able to establish themselves on a market that continued to represent a niche in the cycle industry. In 1987, for example, Ferraroli produced, on a small scale, a model called California, which weighed less than eleven kilogrammes, an almost record weight at the time. As for Peugeot, it developed its mountain bike into a five-model range, including a 20 inch bike for children, a 24 inch bike for adolescents and a top-of-the-range “Mountain Bike 4”, elected mountain bike of the year by the AFMB’s magazine. This model proved extremely successful among racers, despite the different origins of the parts used to make it: a Reynolds 501 frame with a Unicrown fork and fitted with a Stronglight chain-drive system, a Sachs-Sedis chain, Maillard freewheel, Rigida wheel rims, Michelin tyres, Diabolo hubs, Dia Compé braking at the front and Suntour XC Roller Came at the back, with Shimano derailleurs and levers.

23 Other manufacturers, this time from the world of BMX, likewise decided to try their hand at the artisanal production of mountain bikes, in spite of prevailing scepticism. Max Commençal, for instance, endeavoured to transfer the recreational and acrobatic concepts he had developed for BMX to mountain biking, “Since 1980, I have been making BMX bikes for the Laffite brand, then in 1982, I created “Sunn BMX”. […] I know that the first mountain bike ever to be made was a large BMX bike. The ratio was blown up from 20 to 26 inches. It was something that was all ready to jump and slide. I wanted to make BMX bikes to go along trails. […] Already going towards downhill riding. I can remember taking kids down ski slopes to see how it felt. In France, everyone told me it would never work. […] It’s something that makes everyone in the cycle industry run the other way. Without exception! Excessively vigourless, conservative, lagging behind. […] Personally, I couldn’t care less. I’m doing business. I work with imagination and fantasy, and I try to take as many people as possible with me in my wild ideas. In those years, at the beginning, there weren’t many of us. It was more makeshift than artisanal. The market and the need, we could feel them”30.

24 Over and beyond these technological enrichments, coming from proximate products on a line genealogy already studied (Hillairet, 2005), the new mountain bikes very quickly integrated the technological innovations that had proved their worth on the American market or during French meets. Sign of the times, the first full-scale mountain bike comparison test was even carried out in 1985 for the magazine Moto Verte (green

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motorcycle), with six vehicles being tested by Didier Coste, future creator of the magazine Vélo Vert (green bicycle)31.

25 As far as equipment was concerned, the introduction of “indexing” revolutionised gear changing, making the latter more precise and rapid and, as a result, enhancing its effectiveness in competitive riding and its ease of use for new riders during trail riding. The increase in number of speeds to 18 gave the rider better speed progressiveness and thus facilitated effectiveness on uphill slopes in particular. At the same time, the invention of watertight bearings enhanced the durability of parts and reduced their maintenance equivalently. As for the Mavic Group, it developed ceramic wheel rims that enhanced braking capacity. This type of technological evolution, aimed at simplification and comfort, accelerated novice riders’ adoption of the mountain bike, since they appreciated the effectiveness and ergonomics of the new equipment.

26 Innovation also concerned the colours used, in comparison with the duller ones of road cycling. The first mountain bikes in circulation on French soil were covered in pinks, greens, fluorescent yellows and purples, all reminiscent of the psychedelic movement of the 1970s, of fun and the Californian symbolic (Loret, 1996). The trend likewise affected clothing, with more specific fabrics coming from motorcycling, such as the JT Racing range with its multicoloured and fluorescents patterns, or the more discreet Fox clothes. Such changes in clothing served to heighten the distinguishing phenomenon under way between traditional cyclist and mountain biker. The transformation that protective gear underwent followed the same logic. The worldwide leading company Bell, for example, mass produced the first hard shell helmet, specific to both mountain biking and cycling. John Tomac, a rising American star, was quickly sponsored by this world leader, as it launched production aimed at a market that was hungry for the mountain bike. Riders wishing previously to protect themselves had had to resort to wearing leather helmets, used in traditional cycling, or headgear from other sports that was not adapted, dangerous and now considered out of date.

Conclusion

27 In the mid-1980s, mountain biking in France was undergoing its gestation phase with practices that were becoming more widespread and diversified, an association that was active albeit still in search of legitimacy and a vehicle that was increasingly reliable, but as yet relatively undiffused. Its future seemed guaranteed, however, since the activity already boasted technological viability, was adopted and promoted by a community and, finally, was organised spatio-temporally, as shown by the increase in number of propaganda events.

28 The second part of 1987, moreover, marked a decisive stage in the establishment of mountain biking in France. And in July, as if to celebrate the new stage, the monthly magazine Jogging International, which ordinarily targeted active joggers, published a special issue on mountain biking, printing 20,000 copies of it. In September, the first show entirely dedicated to the activity opened in the Vincennes Floral Park, and the first specialised magazine, VTT Magazine, made its entrance the following month. In only four years, conditions were thus fulfilled for an even wider diffusion of mountain biking throughout France. Such exceptional speed in the field of the history of sport, albeit undoubtedly less surprising in the marketing of the innovation, was undeniably due to the convergence of three factors. On the one hand, analysis showed that it relied

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on demand “revealed” by cultural purveyors, such as Stéphane Hauvette whose success stemmed as much from his passion for the outdoors as his organisational qualities. On the other, it took root in the conviction, for tourist areas facing occasional crisis, as Alpine resorts at the time, that mountain biking may enhance their range of leisure activities. Last but not least, although equipment supply was one step behind the demand, it was nevertheless undergoing an intense phase of technological innovation which, through innovation, filiation, hybridisation and knowledge transfer, made it possible to catch up with the demand by launching onto the market vehicles that were comfortable, safe, efficient and in line with the expectations of the first wave of mountain bikers. While the innovations themselves were far from having all been produced in the rather favourable context of the Rhône-Alpes sport and leisure industry (Richard, 2007), it is nevertheless true that they greatly benefited from the visibility of the large events, both recreational and competitive, hosted by the ski resorts, thus reinforcing the importance of Alpine territories as the mountain bike location par excellence in the imagineries.

BIBLIOGRAPHY

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NOTES

1. The article is based, in particular, on a series of semi-directive interviews conducted with the main actors of the 1980s, completed by the analysis of federation archives and specialist magazines, such as Les Pages Vertes, published by the FFC (French Cycling Federation), VTT Magazine and Vélo Vert. 2. Interview with Stéphane Hauvette, Paris, 28 June 2006. 3. Hauvette (above-mentioned interview) reported the words of Tantet as follows: “What funny things. What on earth are these wheelbarrows, they weigh far too much, aren’t they hideous!” 4. Idem. 5. Idem. 6. Fisher was the first to add a Suntour Spirit front derailleur to a Clunker, with an adjustable seatpost and shifter. 7. Interview with Gary Fisher, San Anselmo, 8 March 2005. 8. Above-mentioned interview with Stéphane Hauvette. 9. Journal Officiel de la République Française, n° 274, 26 November 1983. Stéphane Hauvette was elected President. The Vice-President, Éric Saint Frison, 26 years old, was Executive Assistant; the Treasurer, Étienne Boisrond, 32 years old, was an advertising executive, and the Secretary General, Pierre Étienne Gautier, 35 years old, also worked in advertising. Both were Parisian, from the city’s inner suburbs. 10. Above-mentioned interview with Stéphane Hauvette. On these aspects, cf. Savre, 2011. 11. Presentation documents, December 1983, private archives of Stéphane Hauvette. 12. Idem. 13. Correspondence between the Ateliers de la rive and the AFMB, 10 January 1984, AFMB Archives. 14. Internal document, 8 March 1984, AFMB Archives. 15. Idem.

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16. AFMB Archives, internal document of 8 March 1984. Remuneration of the agency was fixed at 10% of the amounts paid by the France Mountain Bike Pool and 15% of those paid by the remaining advertisers. 17. Windsurfing, for example, became part of the Fédération Française de Voile (FFV) (French Sailing Federation), while rock climbing joined the Fédération Française des sports de Montagne et d’Escalade (FFME) (French Federation for Mountain and Climbing Sports). 18. Above-mentioned interview with Stéphane Hauvette. 19. “Œuvre d’un constructeur Stéphanois: Le vélo qui grimpe aux montagnes”, Loire Matin, 15 January 1984. 20. “Le VTT sort ses dents et bouffe le marché”, Libération, 27 August 1990, p. 35. 21. AFMB Archives: “1986 Activity Programme”, p. 2. 22. Courchevel, La Clusaz, La Plagne, Les Arcs, Les Houches, Megève, St Gervais Tignes, Val Cenis, Val Morel. 23. AFMB Archives: “1986 Activity Report”. 24. Interview with Georges Edwards, Fréjus, 6 October 2006. 25. Interview with Michel Forestier Les Rousses, 20 October 2007. Michel Forestier is a cross- country ski instructor. 26. The Vercors hosted the last summer heat between Villard-de-Lans and Lans en Vercors. 27. In the same year, the National Off-Road Bicycle Association (NORBA) organised, at Mammoth Mountain in California, a further “World Championship” which was official in America, but still just as unofficial at the world level (Savre, Saint-Martin, Terret T, 2010). 28. Interview with Jacques Devi, 24 September 2006. Devi was France’s first mountain bike champion in 1987. 29. Respectively Trekking Bike and Mountain Bike Diffusion. 30. Interview with Max Commençal, mountain bike manufacturer and Sunn team manager, Fréjus, 13 October 2007. 31. Interview with Didier Coste, Fréjus, 14 October 2007.

ABSTRACTS

During the 1980s, the diffusion of mountain biking in France underwent its first phase in mountain territories that discovered its socio-economic value. Over and beyond the structural and organisational aspects, the mountain bike also became a favoured medium for technological and social innovation. The aim here is to reflect upon the various underlying stakes of introducing, into Alpine territory, a new physical activity that required a two-wheeled vehicle and had its roots in the spirit and values of the already existing Californian practices. More than just an activity, mountain biking would become a market over the course of the decade. Its economic stakes would contribute to its imminent institutionalisation. Featuring among the vectors of its development, the first competitions and/or events played an essential role in establishing a special relationship between sport and tourism economy. As a new lease of life for a number of ski resorts undergoing crisis at the time, mountain biking offered the various actors (riders, cycle dealers, political and institutional leaders) an opportunity to valorise a technical and social innovation in mountain areas.

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INDEX

Keywords: mountain bike, mountain biking, innovation, event, Alpine resort

AUTHORS

JEAN SAINT-MARTIN Maître de conférences, HDR in STAPS at University Joseph Fourier (UFRAPS) [email protected]

FRÉDÉRIC SAVRE Doctor and teatcher en STAPS- Aix-Marseille University, Sport, Management et Gouvernance Laboratoire EA4670 [email protected]

THIERRY TERRET Professor, CRIS, University Lyon 1, Recteur of th Academy of La Réunion [email protected]

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De la construction à la gestion des stations L’émergence de logiques de groupes dans la vallée de la Tarentaise

Emmanuelle George-Marcelpoil et Hugues François

1 L’aménagement touristique de la montagne s’appuie souvent sur un discours de « mise en valeur » (Guérin, 1984) impliquant un investissement soutenu. Cependant, comme le démontre B. Larique (2006), les acteurs locaux ne sont pas passifs et s’approprient progressivement le secteur du tourisme. Se pose alors la question de l’équilibre entre maîtrise locale et apport externe de crédits. À cet égard, l’équipement des sites d’altitude soutenu par le Plan neige en France est un cas d’étude particulièrement intéressant. Les stations sont des pôles de croissance dont la dynamique doit structurer l’ensemble d’une économie locale. Le Plan Neige1, politique définie au niveau national, portée par les services de l’État apparaît ainsi comme une dynamique a-territoriale laissant peu de place aux acteurs locaux, tout du moins durant son apogée, sur la période 65-75.

2 Pourtant, nul ne saurait nier le rôle majeur qu’a joué le département de la Savoie en impulsant à Courchevel, la démarche d’intégration fonctionnelle des stations et l’aménagement global d’un site d’altitude à des fins touristiques. Ceci a permis la formation d’un discours défendu puis mis en œuvre par les services de l’État, via l’administration déconcentrée de l’équipement avant de faire l’objet d’un service national dédié, le SEATM2. Le recours ultérieur à des investisseurs privés va permettre de dépasser la seule capacité d’un acteur public, le Département, à déployer le modèle de la station intégrée. Faire la part de la maîtrise locale et du recours à des moyens externes se révèle donc une tâche ardue.

3 Ainsi, la première partie de notre contribution analysera comment la politique touristique nationale a été territorialisée, avec un réseau d’acteurs locaux ayant interagi avec des acteurs extérieurs à la vallée de la Tarentaise. Ce processus a permis l’arrivée d’acteurs qui occupent aujourd’hui une place centrale dans la gestion des sites d’altitude. La constitution de ce milieu innovateur s’inscrit dans la reconnaissance des coordinations localisées d’acteurs, qui ont été qualifiées dans le domaine industriel, par les concepts aujourd’hui largement diffusés, de districts industriels (Becattini, 1992), de

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Systèmes Productifs Localisés (Courlet, 1994), de Milieux Innovateurs (Crevoisier et Maillat, 1995) ou bien encore de clusters (Schmitz, Nadvi, 1999). Les spécificités de systèmes d’acteurs des stations se sont affirmées au travers du concept de Système Touristique Localisé (Perret, 1994). Les caractéristiques de l’activité touristique, permettant l’accueil d’une population temporaire, se prêtent effectivement plus que d’autres à une interprétation mobilisant le jeu des acteurs en lien avec le contexte macroéconomique. De fait, les interactions entre prestataires de différentes natures (principalement loisir, hébergement, restauration) contribuent directement à l’émergence d’une destination et de son attractivité.

4 Dans ce cadre analytique, la lecture des stratégies des acteurs gestionnaires de domaines skiables sera au cœur de la deuxième partie. Elle montrera comment, à travers une gestion localisée des stations, émergent des logiques de groupe, plus proches d’une approche de filière que d’une vision territoriale, questionnant la plus- value économique pour les territoires concernés. Cette question des retombées locales du tourisme d’hiver guide également l’action du département de la Savoie en matière d’accompagnement des stations, une action que nous décrypterons dans la troisième et dernière partie.

5 Sur un plan méthodologique, cette contribution s’appuie sur l’analyse de la genèse et de l’évolution des stations de la vallée de la Tarentaise (Marcelpoil et al., 2011, 2012). Pour ce faire, nous avons mobilisé un riche matériau, articulant le dépouillement des archives départementales, communales et issues de fonds privés et des entretiens semi- directifs auprès de 40 acteurs, privés comme publics, individuels comme collectifs. Les conclusions avancées dans cet article sont le fruit de l’analyse de ce matériau. Cependant, au vu de son caractère sensible, nous avons fait le choix de conclusions génériques, avec l’insertion ponctuelle de verbatims, quand ces derniers ne permettent pas de reconnaître leur auteur.

Le plan neige ou la dimension locale d’une politique nationale

6 De nombreux auteurs l’ont souligné, plus qu’un réel exercice de planification, le Plan neige désigne avant tout une intention, voire une doctrine (Knafou, 1978 ; François, 2007). Dès 1964, la mise en place de la CIATM ou CIAM3, a pour rôle de coordonner l’action de l’État, grâce à l’expertise du SEATM fondé en 1972 sur la base d’une cellule d’experts de la division chambérienne de l’équipement4. Ainsi, les racines mêmes du Plan neige apparaissent plus localisées que la doctrine ne le laisse penser. Plus précisément, il s’inscrit dans une volonté de maîtriser localement le développement national du tourisme hivernal (Marcelpoil et al., 2010 ; Marcelpoil et François, 2012), avec une rotation des élites savoyardes et un bouleversement des valeurs traditionnelles des sociétés montagnardes. Le recours à l’État est permis par la capacité des acteurs locaux à produire un discours technique sur l’organisation moderne du tourisme de sports d’hiver, et ce, le plus souvent après une formation initiale qui les a conduits en dehors de la Savoie. Parallèlement, cette production est relayée par des hommes politiques ayant une réelle dimension nationale. Dans le domaine de la technique, les acteurs majeurs ont pour la plupart des racines savoyardes, à commencer par L. Chappis, originaire d’Aix-les-Bains, et M. Michaud, venant de Saint-

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Genix-sur-Guiers5. Reste que si le terreau des promoteurs est savoyard, le déploiement des stations dans l’ensemble de la vallée tarine a impliqué une diversité d’investisseurs.

7 Dans ce contexte, Courchevel joue un rôle fondateur dans l’histoire des stations. Prototype de la station intégrée, elle constitue la première brique du processus d’erreurs-corrections s’appliquant à différents domaines : la maîtrise foncière, le promoteur unique ou encore les modalités d’intervention des collectivités locales. La préoccupation foncière, présente dès l’origine du projet départemental, renvoie à l’expérience de Val d’Isère. La croissance du tourisme avalin et les profits tirés des ventes foncières ont attisé les convoitises et les effets de la spéculation sont bien présents à l’esprit des aménageurs, orientant l’implantation de la station départementale. Est alors retenue la commune de Saint-Bon, prête à mettre gracieusement à disposition du département, les terrains dont elle est propriétaire, fixant la limite altitudinale basse de l’urbanisation de la station à 1800 mètres. La question foncière va prendre de l’ampleur au travers de l’ordonnance de 1958 (ordonnance n°58-997) qui permet aux communes de demander l’expropriation pour cause d’utilité publique pour des projets concédés à un acteur privé. Le mécanisme permet d’acquérir des terrains au prix du foncier agricole afin de revendre des appartements au prix de l’immobilier touristique, favorisant une plus-value considérable. Ce recours à l’expropriation fut systématisé pour construire les stations de troisième génération, plaçant la commune dans une position stratégique (Perret, 1992 ; Marcelpoil et al., 2011). Cette dernière assure également une partie des équipements collectifs. Le concours de l’État se traduit par une participation financière de différents fonds (FDES6, FSIR7, FAL8) en complément de son expertise technique, sans toutefois couvrir l’ensemble des investissements publics. La réalisation de la station elle-même est, selon la doctrine, confiée à une société privée faisant office de « promoteur unique9».

8 À Courchevel, le Département va aménager de manière cohérente un site autour des sports d’hiver : il prend en charge l’équipement du domaine skiable et orchestre l’urbanisation, mais n’assure pas directement la maîtrise d’œuvre immobilière reposant sur une diversité d’initiatives privées. M. Michaud affirme à cette occasion la place centrale de remontées mécaniques dans le modèle économique des stations : l’investissement initial important dans les remontées mécaniques finit par être la principale source de profit d’une station comme en témoigne le succès de Courchevel, qui atteint son équilibre financier en 1956 (Marcelpoil et al., 2010). Cependant, bien qu’ayant financé le repérage des sites potentiellement intéressants pour créer des stations, à l’aube des années 60, le département de la Savoie, déjà fort investi à Courchevel, adopte alors une position de retrait en laissant l’aménagement des sites aux opérateurs privés. Or, l’initiative privée, pour être viable, appelle des résultats plus rapides. Aussi, l’idée d’aménagement global du site émerge, avec la volonté d’une urbanisation proportionnelle au développement du domaine skiable. La mécanique est donc la suivante : la construction puis la vente d’appartements en résidences secondaires permettent de dégager les profits qui équilibrent l’équipement du domaine skiable. Certains (notamment Perret, 1992) décrivent à ce sujet un cercle vicieux, la vente de l’immobilier contribuant au remplissage des remontées mécaniques jusqu’à ce que leur saturation appelle de nouveaux investissements, eux-mêmes financés par la promotion immobilière, entraînant une nouvelle saturation, etc.

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9 Progressivement, la concession d’aménagement se transforme en concession d’exploitation, anticipant le dispositif de Délégation de Service Public entre la commune et l’exploitant actuel, la Société des Trois Vallées. D’autres facteurs favorisent cette relation, tel le FAL, fonds de concours de l’État encourageant l’implantation d’une station sur le territoire communal en réservant une part aux « stations nouvelles ». Plus les communes investissent et s’endettent, plus elles perçoivent une part importante du fonds. Le mécanisme de l’affermage est ainsi indirectement, mais fortement encouragé : les communes investissent dans les appareils de remontées mécaniques qu’elles louent aux exploitants pour le montant des annuités de la dette qu’elles ont contractée.

10 Du point de vue des principes, la figure du promoteur unique a directement structuré les jeux d’acteurs rencontrés aujourd’hui en station mais il est également instructif de se pencher sur les acteurs qui ont donné naissance au promoteur unique, avec l’exemple emblématique de la vallée des Belleville. À l’origine de l’équipement des Trois-Vallées, le territoire de Saint-Martin-de-Belleville semblait le plus propice à l’implantation d’une station, mais la mission départementale s’est heurtée à l’opposition des habitants. Cependant, quelques années après, le succès de Courchevel sur la commune voisine a permis à Joseph Fontanet, fervent défenseur du concept de station intégrée au sein du Conseil Général, de porter le projet de station sur Saint- Martin-de Belleville après en être devenu maire. Dans cette optique, J. Fontanet entend bénéficier des mêmes avantages que Saint-Bon-Courchevel.

11 Le Département étant alors fortement mobilisé par Courchevel, l’idée du promoteur unique a germé avec la constitution de la SODEVAB10 en 1961. L’objectif est de trouver des financements au-delà des seules capacités départementales, avec dès 1959, l’appui de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), dont l’actuelle Compagnie des Alpes (CDA) est une filiale. Si à l’origine le but de la Société d’Economie Mixte SODEVAB est de reproduire les recettes de Courchevel dans un cadre mieux maîtrisé, l’initiative privée ne répond pas aux attentes des aménageurs et la CDC11 prend les choses en main en créant la SCIVABEL12. La vallée des Belleville a donc vu naître le concept de promoteur unique (Marcelpoil et al., 2011, 2012) et en quelques années, est passée du statut d’opposition à celui de priorité nationale au regard de l’aménagement touristique de la montagne. Dans le même temps, la volonté de développer une offre de ski sur glacier à Val Thorens a cristallisé l’opposition environnementale aux stations de sports d’hiver et conduira à la 4e génération dont la représentante emblématique est Valmorel. Finalement, ceci marque à la fois la fin de l’équipement systématique de la montagne à des fins touristiques et l’aboutissement des aménagements dans la vallée tarine.

La structuration des acteurs et l’émergence des groupes

12 Actuellement, forte de leur dynamique passée, les grandes stations de Tarentaise concentrent près de 70 %13 du moment de puissance savoyard 14 (le département représentant 42% du moment de puissance alpin). Logiquement, les acteurs économiques s’organisent pour exploiter au mieux cet outil et la gestion en cours questionne la part de la variable territoriale dans leurs stratégies. Une fois la majorité des stations construites, le mouvement de retrait de l’Etat et de transfert des compétences et des responsabilités à l’échelle des communes supports de stations est

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initié (lois de Décentralisation, loi Montagne de 1985). Les remontées mécaniques étant officiellement reconnues comme un service public sous la responsabilité des collectivités locales, ces dernières peuvent alors opter pour une gestion directe de leur outil de production ou pour une délégation à un opérateur touristique. Aujourd’hui, le statut de Service Public à caractère Industriel et Commercial (SPIC) des remontées mécaniques parle de lui-même : l’activité oscille entre un rôle d’aménagement du territoire et les pressions concurrentielles fortes sur le marché touristique. Le SPIC intègre dans des proportions différentes, les sphères du public et du privé en fonction des périodes et des enjeux15.

13 La recherche d’un délégataire prend un caractère stratégique, au vu du risque d’exploitation et du contexte réglementaire peu adapté à la gestion d’un SPIC soumis à forte concurrence (notamment, absence d’usagers captifs par rapport à d’autres services susceptibles de délégation). Les années 80 et 90 ont d’ailleurs mis en avant certaines limites des collectivités locales dans la gestion de leurs outils de production (cf. notamment les critiques des rapports Lorit, 1991; Pascal, 1993).

14 Dans un contexte de maturation du marché, quel équilibre s’établit entre délégant et délégataire ? Nous constatons aujourd’hui des phénomènes d’exclusion dans les cas où les autorités compétentes ne parviennent pas à trouver de délégataire du fait d’un risque d’exploitation trop important. Le changement climatique donne un poids croissant à l’aléa d’enneigement dans la décision du risque d’investissement16. L’enjeu est alors celui de l’articulation entre logique territoriale et logique de groupe dans un objectif de maximisation et de sécurisation de l’activité d’une station et de l’entreprise structurante de remontées mécaniques. Pour apporter des éléments de réponse, notre approche a interrogé les politiques de deux groupes majeurs afin de décrypter leurs stratégies par sites et comprendre comment elles s’agencent.

Labellemontagne, la mutualisation de moyens au service de l’aménagement du territoire ?

15 L’originalité de la politique de Labellemontagne réside dans son choix de gestion orienté vers des stations dites moyennes, à la fois par leur taille et leur altitude. Le groupe estime que ces stations présentent des marges de croissance intéressantes par rapport à l’investissement nécessaire pour en prendre la gestion. Les marges de manœuvre se trouvent non seulement dans le domaine skiable dont l’aménagement peut être optimisé mais également dans l’hébergement touristique. La stratégie croisée immobilier / remontées mécaniques de ce groupe présente une spécificité : ici, l’hébergement exploité représente une portion congrue du volume que peuvent absorber les remontées mécaniques, mais la multiplication des sources de revenus contribue pour Labellemontagne, à l’équilibre de l’ensemble de l’exploitation d’un site. La dynamique de l’immobilier est plutôt orientée par le besoin de réinvestissement pour maintenir le site à niveau. L’immobilier joue un rôle déterminant et les mécanismes juridiques facilitant ces opérations ont été adaptés à des problématiques d’exploitation plus que d’investissement : désormais, avec la résidence de tourisme, l’investissement immobilier n’est plus nécessairement une source de profits à court terme mais constitue, a minima, une opération de rentabilisation de l’exploitation. L’objectif est d’assurer le remplissage et donc le fonctionnement. Le promoteur / gestionnaire de la résidence se trouve, comme à l’époque du Plan Neige, dans une

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position dominante comme en témoignent les révisions unilatérales des montants des loyers aux propriétaires des appartements afin d’amortir les difficultés de gestion rencontrées. Finalement, l’hébergement permet de diversifier les revenus de l’exploitation d’une station au-delà des seules remontées mécaniques. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que seul ce type des stations moyennes, réputées difficiles, est ouvert à ce type de stratégie sans crainte de position monopolistique et voit d’un œil favorable l’intervention d’un leader du tourisme pour dynamiser l’activité locale.

16 En effet, la possibilité d’occuper une place prépondérante en termes d’hébergements marchands, est requise par Labellemontagne, avant même son intervention sur le site. En occupant à la fois les créneaux de l’hébergement et des remontées mécaniques, le groupe occupe une position dominante dont il entend se servir pour être une véritable locomotive du secteur touristique, notamment en termes de définition de la gamme de la station et donc des prix. De plus, ses objectifs dépassent le seul immobilier de loisir et touchent une diversité de prestataires, en les impliquant dans des produits « tout compris » associés à l’hébergement (notamment la location du matériel de ski). La stratégie du groupe vise à garantir sa force d’intervention par sa structuration interne (mutualisation en interne des compétences de marketing, de communication et de commercialisation ainsi que certains services administratifs et comptables centralisés afin de réduire les coûts propres à chaque site) en appui à son animation du tissu de socioprofessionnels locaux. Sous cet angle, une certaine forme d’intégration territoriale existe en filigrane de l’intervention du groupe Labellemontagne.

La Compagnie des Alpes, le fédéralisme au service d’un groupe ?

17 En contrepoint du Groupe Labellemontagne, la CDA adopte une stratégie différente pour la sécurisation de son activité, avec une source de revenus extérieure à la zone montagne et aux stations de sports d’hiver, grâce au secteur des loisirs et des parcs d’attraction, tout en ne conservant que des sites de sports d’hiver dont l’exploitation paraît stabilisée. Ce sont des stations d’envergure internationale qui ne souffrent pas de problèmes d’attractivité, suffisamment en altitude pour assurer une « garantie neige », si besoin à l’aide d’équipements de neige de culture.

18 De facto, la CDA occupe une place prépondérante dans le marché des sports d’hiver français, avec une constellation de stations qui domine économiquement et géographiquement l’offre nationale17 : les stations CDA représentent 1/3 du moment de puissance français et 65% du moment de puissance des stations du périmètre de l’assemblée des Pays Tarentaise Vanoise (Base de données stations IRSTEA, 2012). Les craintes d’abus de position dominante et de mainmise sur le marché du ski qui inquiètent les acteurs locaux18, notamment publics sont-elles fondées ? Comment la CDA mobilise-t-elle l’expertise acquise et accumulée du fait de son action sur les marchés nationaux et internationaux ? Ces questions interrogent à la fois, la stratégie économique d’un groupe et sa légitimité à gérer une activité de service public conçue à l’origine comme un instrument d’aménagement du territoire. En particulier, les objectifs financiers sont primordiaux et liés à la cotation boursière de la CDA, dont rien n’assure la compatibilité avec l’optique d’aménagement du territoire et d’animation de la vie économique locale.

19 Un des axes du discours CDA consiste à affirmer sa proximité avec les territoires supports de station au travers des marges de manœuvre laissées aux équipes locales. De

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fait, la gestion d’une station implique un minimum de moyens propres sur site en termes de personnels et d’équipements. Concrètement, le fédéralisme s’est imposé mais ne doit pas masquer la liberté d’action des managers. Gestionnaires des plus grandes entreprises de remontées mécaniques françaises, leur crédibilité repose à la fois sur leur capacité à prendre des décisions en toute autonomie et sur leur connaissance approfondie du fonctionnement des stations. Leur mobilité professionnelle contribue directement à leur formation en les confrontant à la fois à des fonctions et à des contextes d’actions différents. Finalement, plus que de simples exécutants de la stratégie d’un groupe, ils constituent une véritable force de proposition, démultipliée par le nombre de sites dont ils assurent la gestion. Les expérimentations locales et leur partage contribuent ainsi à l’innovation à l’échelle de la CDA. L’articulation entre territoires supports et gestion des stations par la CDA est donc posée, en particulier sous l’angle du choix du délégataire le plus à même de contribuer à l’intérêt général à travers la gestion d’un service public dont la collectivité demeure garante.

20 Adossée à la CDC, la CDA dispose de fait de moyens importants pour mettre en œuvre sa stratégie ainsi qu’un accès privilégié au crédit. D’un côté, la capacité de mobilisation de capitaux d’origine bancaire peut être jugée favorablement pour la qualité des domaines skiables que la Compagnie exploite, mais de l’autre, cela contribue à limiter l’ouverture réelle à la concurrence pour la délégation de gestion des sites dont elle s’occupe. Ainsi, les communes supports sont, dans une certaine mesure (puisqu’elles restent l’autorité délégante), tenues par l’excellence : les investissements effectués par les filiales du groupe participent à la croissance du droit d’entrée pour un nouveau gestionnaire, ce qui peut constituer un frein à l’ouverture des appels d’offre, sauf si la collectivité ne trouve dans ses ressources propres, les moyens de diminuer ce droit d’entrée19.

21 Le jeu de l’excellence est d’autant plus risqué que la CDA s’est dotée d’une capacité d’analyse de la demande et d’une force de frappe commerciale sans équivalent dans le domaine des sports d’hiver. Son parc de stations lui permet de toucher très directement une diversité importante de clientèles, notamment internationales et d’avoir une connaissance fine de leurs pratiques et de leurs attentes. De fait, la Compagnie peut ainsi arguer de sa capacité à saisir les tendances et son expertise lui confère un écho structurant auprès de collectivités pour qui un tel niveau d’information fait défaut. Ainsi, la question commerciale contribue également à brouiller les cartes de la Délégation de Service Public (DSP) par communes isolées alors que la CDA gère une variété de sites plus ou moins directement connectés entre eux.

Savoie Stations Participations, le département tenu de s’adapter aux nouvelles pratiques de gestion ?

22 Face à ces groupes, le département de la Savoie a fait évoluer son intervention dans le domaine des sports d’hiver. Si la Savoie revendiquait en 1945 (Marcelpoil et al., 2011), sa capacité à porter un projet que la seule initiative privée ne pouvait envisager, elle doit aujourd’hui composer avec un paysage fortement renouvelé. Elle doit faire face à des acteurs puissants, structurés à l’image de la CDA, afin d’optimiser une phase d’exploitation de l’outil station vis-à-vis duquel le département souffre d’une moindre légitimité par rapport à la phase d’aménagement. La maitrise technique, héritée de l’expérience de Courchevel, a donné une position dominante au département. Cette position est également liée au FACET20, affichant non seulement la réussite de

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l’expérience départementale mais lui permettant également de porter un regard sur les différents projets de développement en cours.

23 Aujourd’hui, le contexte de marché mature limite la légitimité d’action d’un département, dont la rente de situation découlait de la primauté de son action dans le domaine des sports d’hiver. Avec l’affirmation des groupes dans la délégation du service des remontées mécaniques, le Conseil Général de la Savoie a face à lui des acteurs à la forte expertise interne et gérant souvent un plus grand nombre de domaines que lui. À titre d’exemple, par rapport à l’ensemble des stations en site vierge, Courchevel fait figure d’excellence dans le développement de l’hôtellerie, notamment de luxe, mais tend à se rapprocher des stations « village » comme Chamonix, Megève ou Val d’Isère plutôt que de la station de 3ème génération fortement marquée par le développement de la résidence secondaire.

24 Dans ce contexte, le Département affirme en 2007, sa volonté de se réapproprier le développement territorial des stations avec la mise en place du Plan tourisme. En premier lieu, il revendique sa capacité d’action avec le déblocage de crédits importants tirés du patrimoine départemental, notamment la vente de foncier à Courchevel. En cédant ce patrimoine, la boucle est bouclée : les subsides dégagés de l’exploitation d’une station sont reversés dans les sports d’hiver et le développement territorial. En réallouant ces fonds dans une diversité de stations, le département ne se place plus simplement dans une logique de maximisation des profits tirés du site qu’il exploite en propre mais bien en tant qu’acteur public soucieux de la bonne allocation des moyens sur l’ensemble de son territoire. Avec le Plan tourisme, apparaît la volonté de développer un volet « été », tout en conservant un axe « domaines reliés » à l’origine de son action en matière de développement touristique. Ce volet de la politique départementale révèle un changement de posture : auparavant leader de l’innovation, il se retrouve ici dans une position de « suiveur » de la Région Rhône-Alpes et du département isérois ayant déjà initié de telles actions, respectivement depuis 1995 (contrats stations-entreprises de la région) et 2003 (Contrats de développement diversifié en Isère), sans pour autant résoudre la délicate question de la diversification.

25 Comment comprendre cette évolution de la position départementale et la place de Savoie Stations Participations (SSP21) holding financière, dans un tel contexte ? Est-elle le signe de la capacité d’adaptation du Conseil Général désireux d’accompagner l’évolution du rôle des stations au sein de l’aménagement du territoire ou une évolution du rôle et du statut des stations dans l’aménagement du territoire ?

26 La réalité a changé et la pratique de la subvention, pensée au cas par cas, en fonction de critères propres à chaque station et à la structuration de son offre de séjours dédiés au ski, paraît aujourd’hui dépassée. Une approche intégrant des critères de réussite économique semble en pratique, un gage de pertinence pour une allocation efficace des crédits publics. Ceci tend à promouvoir une logique de capitalisme régional qui consiste à privilégier une répartition locale des richesses créées et accumulées via les stations. Cette dimension de SSP, éminemment politique, devra être évaluée au regard des pratiques mises en œuvre, mais une différence sensible avec un acteur purement privé réside sans aucun doute dans le niveau d’exigence en matière d’évaluation des bénéfices (pas seulement monétaires mais également de qualité de vie, de création d’emplois, des effets d’entraînement sur les territoires concernés, etc.) et dans la maximisation des profits à plus ou moins court terme.

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27 Finalement, SSP fait de la rentabilité des stations, un des critères de l’aménagement du territoire afin que le développement touristique hivernal accompagne la vie économique des territoires sans que son coût de fonctionnement et/ou d’investissement vienne obérer leur devenir. L’interrogation réside dans la capacité de SSP à apporter sa participation dans une diversité de stations. Comment fixer l’ordre des priorités ? Les sites les moins rentables, quel que soit leur potentiel, sont les plus en péril, mais leur accorder la primauté risquerait de fragiliser SSP. Au contraire, en laissant la priorité aux sites les plus intéressants, le risque n’est-il pas de condamner les plus fragiles ?

Conclusion

28 Le glissement de la construction des stations jusqu’à leur gestion actuelle s’est accompagné d’un renouvellement des acteurs et de leurs modalités de gestion. Les contraintes importantes dans chacun de ces grands pôles d’activité touristique (le parc d’hébergement souffre de son ancienneté et de la sortie de lits du marché alors que les remontées mécaniques demeurent une activité fortement capitalistique) encouragent les acteurs à des logiques de filière afin de maximiser leur exercice.

29 Par ailleurs, la remise en cause de la capacité des collectivités territoriales à gérer efficacement des stations a conduit les autorités organisatrices à se tourner vers des gestionnaires privés. Cette introduction d’acteurs nouveaux dans le fonctionnement des stations, ou la transformation du promoteur unique en simple exploitant de remontées mécaniques, a pu modifier profondément les modalités d’ancrage des stations.

30 Paradoxalement, alors que le temps écoulé ouvrait la porte à une territorialisation accrue des stations implantées dans la dynamique du Plan neige, la tendance est plutôt la logique de filière portée par les groupes spécialisés dans la gestion des remontées mécaniques et dont la stratégie de croissance consiste à déployer leurs activités sur différents sites. L’approche de la station n’étant plus globale, elle encourage une approche par métiers, celui des remontées mécaniques étant la branche la plus fructueuse.

31 Ainsi, les groupes tels que CDA, Labellemontagne et, dans une certaine mesure SSP proposent une approche horizontale des stations gérées sur des territoires multiples, là où l’approche territoriale privilégiait une intégration verticale du tourisme. Ceci interroge la pérennité des stations comme outil d’aménagement du territoire, selon deux axes essentiels.

32 En premier lieu, l’aménagement des stations a contribué à la constitution d’un milieu innovateur touristique tarin. Quelle capacité d’innovation pour les stations et comment cette dynamique compose avec des acteurs globalisés ? Aujourd’hui, celle-ci semble plutôt s’orienter vers des questions de promotion et commercialisation, mais est-elle réellement pérenne ? En second lieu, la question se pose de la répartition des fruits de l’exploitation des domaines skiables. Dans quelle mesure les profits réalisés par un groupe bénéficient-ils au territoire support de la station ? Il existe de fait un risque de transferts entre territoires ou de redéploiement dans les différentes activités du groupe (par exemple les parcs d’attraction en ce qui concerne la CDA). La question des transferts interterritoriaux est particulièrement intéressante dans la mesure où elle

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peut recouvrir des réalités particulièrement contrastées pour ne pas dire opposées : d’un côté, ils peuvent constituer un facteur de mutualisation des risques d’exploitation et réaffirmer le rôle des stations dans l’aménagement des territoires, mais de l’autre, ils participent de l’emprise d’un acteur dans le domaine des sports d’hiver, en lui conférant une position dominante.

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NOTES

1. Cette période n’est qu’indicative dans la mesure où le Plan Neige n’a fait l’objet d’aucune planification.

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2. Service d’Études d’Aménagement Touristique en Montagne. 3. Commission Interministérielle de l’Aménagement Touristique de la Montagne. 4. Celle-là même qui a activement contribué à la construction de la station de Courchevel 1850 et à la tête de laquelle œuvre M. Michaud qui se verra par la suite qualifier de Dictateur de la neige (Arnaud, 1975). 5. De même, la famille de C. Perriand est originaire de Yenne, G. Rey-Millet qui a travaillé avec elle aux Arcs est un haut-savoyard, G. Regairaz est chambérien, et dans la même équipe B. Taillefer, avalin d’origine, est une figure emblématique de l’ascension sociale permise par la construction des stations, tout comme R. et Y. Blanc pour les Arcs. 6. FDES, Fonds de Développement Economique et Social. 7. FSIR, Fonds Spécial d’Investissement Routier. 8. FAL, Fonds d’Action Locale. 9. Le promoteur unique est central dans la logique d’aménagement prônée par le Plan Neige. Roger Godino incarna ce promoteur pour la station des Arcs en Savoie. 10. Société d’Équipement de la Vallée des Belleville. 11. Le lien entre la CDC et le monde des sports d’hiver ne s’arrête d’ailleurs pas aux Belleville puisque l’organisme financier est le principal prêteur des collectivités locales. 12. Société Civile Immobilière de la Vallée des Belleville. 13. Source : BD Stations 2012 Irstea / STRMTG FIRM 2011. 14. Le moment de puissance correspond au produit du débit par la dénivelée totale des remontées mécaniques d’une station (Source : STRMTG). 15. Les pouvoirs publics cherchent à attirer des capitaines d’industrie grâce à des conditions d’installation avantageuses (acquisition du foncier et exclusivité de la concession d’aménagement) et à un modèle de développement stabilisé fort de ses certitudes. 16. La récente faillite de Transmontagne a souligné les risques d’exploitation d’un domaine skiable et a touché un groupe, dont la solidité était supposée acquise du fait du déploiement de ses actifs dans une diversité de stations et d’activités, remontées mécaniques comme immobilier de loisir. 17. La CDA a aussi des participations variables dans 14 stations d’envergure en France : Val d’Isère, Tignes, Méribel, La Rosière, Valmorel, Serre-Chevalier, Les 2 Alpes, Chamonix, Flaine, les Arcs, la Plagne, Sainte Foy, les Menuires, Peisey-Vallandry. 18. C’est également l’éloignement du centre de décision qui est reprochée à la CDA par les élus : « ce que les élus reprochent à la CDA, ce n’est pas du tout la manière d’exploiter, ce sont de bons professionnels, il n’y a aucun souci là-dessus. Simplement le fait que le centre de décision finalement, de plus en plus, il est à Paris ». 19. Ainsi, sans être un mouvement de fond, plusieurs collectivités locales supports de stations, parfois grandes, réfléchissent à une reprise de la gestion de leur site : « Aujourd’hui la commune est capable de reprendre… Ce que je dis simplement, c’est qu’aujourd’hui quand on est [dans une grande station], et quand on croit aux sports d’hiver, on peut se permettre des folies pareilles. Mais je n’aurais pas ce raisonnement si j’étais ne serait-ce qu’à la Clusaz ». 20. FACET, Fonds départemental d’Aide aux Communes pour l’Équipement Touristique. 21. Participations de la Holding SSP, créée en 1991 dans les stations : SEDS, 100% ; SETAM, 43,78% ; SAMSO, 13,33% ; SEMAB, 11,55% ; SEMVAL, 10,00% ; Pralognan- Labellemontagne, 10,00% ; SEM de Valloire, 9,29% ; SEM du Jaillet, 6,98% ; SEM des Bauges, 5,04% ; SEM du Mont-Cenis, 4,74% ; SEM du Val d’Arly, 4,58% ; Crest Volland- Labellemontagne, 2,51% ; Société des RM de Megève, 2% ; Société des Trois Vallées 0,003%, STOR, 1 action.

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RÉSUMÉS

L’aménagement touristique de la montagne s’appuie souvent sur un discours de « mise en valeur » (Guérin, 1984) impliquant une démarche soutenue d’investissement et un fort volume de fonds d’origine externe. Cependant, les acteurs locaux, privés comme publics, ne sont pas restés inactifs et ont également porté, par leurs investissements, leurs idées, le développement touristique en montagne. L’expansion des stations a ainsi étroitement articulé les dimensions locale et globale, concourant à la diversité de sites. Cependant, dans le contexte actuel fortement concurrentiel, le devenir de ces destinations interroge, notamment sous l’angle des logiques des acteurs économiques, gestionnaires des remontées mécaniques. Aussi, l’analyse des logiques de trois catégories d’acteurs, gestionnaires de remontées mécaniques dans des stations de la Tarentaise, visera à cerner la part de la variable territoriale dans leurs stratégies et les conséquences en termes d’aménagement du territoire savoyard.

INDEX

Mots-clés : stations de sports d’hiver, territorialisation, opérateurs touristiques, vallée de la Tarentaise

AUTEURS

EMMANUELLE GEORGE-MARCELPOIL Irstea Grenoble – UR DTM [email protected]

HUGUES FRANÇOIS Irstea Grenoble – UR DTM [email protected]

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From creating to managing resorts Emerging stakeholder group rationales in the Tarentaise valley

Emmanuelle George-Marcelpoil et Hugues François

1 Developing tourist facilities in the mountains is often based on an approach evoking its “enhancement” (Guérin, 1984) and involving sustained investment. However, as B.Larique demonstrates (2006), local stakeholders are not passive and are progressively taking over the tourism sector. The question then arises of the balance between local control and external funding. In this respect, fitting out the high-altitude sites supported by the Snow Plan in France is a particularly interesting case-study. The resorts are growth centres, the dynamics of which structure the entire local economy. The Snow Plan1, a policy defined at national level, and instigated by government agencies, thus appears rather as a non-regional movement leaving little room for local stakeholders, at least during its heyday in the period 1965-1975.

2 However, there is no getting away from the major role played by the Savoie department (administrative region) in stimulating the functional integration of the resorts at Courchevel and the overall development of a high-altitude site for tourism. This resulted in an approach defended and subsequently implemented by government agencies via decentralised administration of the equipment before it had its own national agency, the SEATM2. Subsequent recourse to private investors then made it possible to go beyond the capacity of a public stakeholder (the department) alone to deploy the integrated resort concept. Defining the parts played by local control and the use of external means has proven difficult to achieve.

3 The first part of our contribution will therefore analyse how the national tourism policy has been regionalised, with a network of local stakeholders interacting with stakeholders from outside the Tarentaise valley. This process has permitted the arrival of stakeholders who today have a central role in the management of high altitude sites. The forming of this innovative sector involves the recognition of localised stakeholder coordinations, which have been qualified in the industrial sector, by concepts which are widely publicised today, of industrial districts (Becattini, 1992), localised production systems (Courlet, 1994), innovative regions (Crevoisier and Maillat, 1995) or clusters (Schmitz H., Nadvi K., 1999). The specific features of the resort stakeholder systems were confirmed through the concept of the Localised Tourism System (Perret,

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1994). The characteristics of tourism, an activity allowing the accommodating of a temporary population does indeed lend itself better than others to an interpretation mobilising the interplay of stakeholders in connection with the macroeconomic context. Indeed, interactions between service providers of different kinds (mainly leisure, accommodation and catering) contribute directly to the emergence of a destination and its attractiveness.

4 In this analytical context, reading the strategies of the stakeholders managing the ski areas will be the focus of the second part. It will show how group of cableway companies approaches emerge through the local management of resorts which are closer to a sector-based approach than a regional vision, questioning the economic added value for the regions involved. This question of the local effects of winter tourism also guides the action of the Savoie département in terms of support for resorts, action which we will be deciphering in the third and final part.

5 With regard to methodology, this contribution is based on the analysis of the germination and development of resorts in the Tarentaise valley (Marcelpoil et al., 2011, 2012). For this purpose, we have used a vast amount of material, based on the examination of the regional and municipal archives and of private resources and semi- directed interviews with 40 private and public stakeholders, both individuals and organisations. The conclusions put forward in this article are the fruit of the analysis of this material. However, given its sensitive nature, we have opted for generic conclusions with the occasional use of verbatim reports when the authors cannot be identified.

The Snow Plan, or the local side of a national policy

6 Many authors have drawn attention to the fact that rather than an actual exercise in planning, the Snow Plan refers first and foremost to an intention, or even a doctrine (Knafou, 1978; François, 2007). As far back as 1964, the purpose of setting up the CIATM or CIAM3 was to coordinate the government’s action through the expertise of the SEATM, founded in 1972, based on a team of experts from the Chambéry equipment division4. The actual roots of the Snow Plan are thus more localised than doctrine would have us believe. More specifically, it is part of a desire to control the national development of winter tourism at a local level (Marcelpoil et al., 2010; Marcelpoil et François, 2012), with a rotation of the Savoyard elite and an upheaval in the traditional values of mountain societies. Calling upon the government for assistance was made possible by the ability of the local stakeholders to deliver a message about the technicalities of the modern organisation of winter sports, more often than not after initial training outside the Savoie area. This message is passed on in parallel by politicians with a real national dimension. With regard to the technical side, most of the major stakeholders had roots in the Savoie region, notably L. Chappis, from Aix-les- Bains, and M. Michaud, from Saint-Genix-sur-Guiers5. Even so, although the breeding ground of the promoters was Savoie, the deployment of the resorts throughout the Tarine valley brought in a broad spectrum of investors.

7 In this context, Courchevel played a founding role in the history of the resorts. As the prototype integrated resort, it was the first brick in the trial-and-error process applied to different fields, property management, the single developer or the conditions under which local authorities intervened. The property issue, present right from the start of

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the departmental project, refers back to the experience of Val d’Isère. The growth of tourism in Val d’Isère and the profits made from the sale of property whetted investors’ appetites and the effects of speculation were uppermost in the minds of the developers directing the layout of the regional resort. The village of Saint-Bon, willing to make its land available to the département free of charge, was then selected, establishing the lowest altitude for the urban development of the resort at 1800m. The property issue began to accelerate due to the order of 1958 (order No. 58-997) which allowed villages to expropriate owners in the public interest of projects awarded to private stakeholders. This measure allowed land to be acquired at the price of farmland in order to sell apartments at tourist accommodation rates, thus generating a considerable value-added factor. Expropriation became systematic for the building of third generation resorts, placing the municipality in a strategic position (Perret, 1992; Marcelpoil et al., 2011). The municipality also provided part of the communal equipment. The government’s participation took the form of financial participation in various funds (FDES6, FSIR7, FAL8) in addition to its technical expertise, but this did not cover all the public investment costs. Construction of the resort itself was, as dictated by the doctrine, entrusted to a private company acting as the “sole developer”9.

8 At Courchevel, the département developed a coherent site focused on winter sports. It took charge of equipping the ski area and orchestrated the urban development, but did not directly manage the real estate projects based on a broad spectrum of private initiatives. M. Michaud confirmed the central role of the ski lifts in the economic model of the resorts. The considerable initial investment in ski lifts ultimately became the main source of profit for a resort, as shown by the success at Courchevel, which achieved financial stability in 1956 (Marcelpoil et al., 2010). However, although having funded site identification with the potential to be developed into resorts at the start of the 1960’s, the Savoie département, which had already heavily invested in Courchevel, took a backseat and left the development of these sites to private operators. Private initiatives required quicker results in order to be viable. The concept of global development of sites thus emerged with the aim of achieving urban development in proportion to the development of the ski area. The mechanism was therefore as follows: the construction and subsequent sale of flats as second homes brought in profits which balanced the cost of equipping the ski area. Some (particularly Perret, 1992) described this as a vicious circle, whereby the sale of property contributed to filling the ski lifts to maximum capacity, until their saturation required further investment, in turn funded by property development leading to renewed saturation of the lifts, etc.

9 Progressively, concessions for development purposes became concessions for operation, anticipating the Public Service Delegation measure between the municipality and the current operator, the Société des Trois Vallées. Other factors favoured this relation, such as the FAL, a fund with government participation, encouraging the installation of a resort on municipal land, reserving a share for “new resorts”. The more the municipalities invested and borrowed, the more they received from the fund. Subcontracting is thus indirectly, but strongly encouraged. Municipalities invested in ski lift equipment which they then hired out to operators for the amount of the annual payment of the loan they had taken out.

10 From the point of view of principles, the figure of the sole developer directly structured the interplay of the stakeholders today encountered in resorts, but it is also instructive

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to look at the stakeholders who brought about the concept of the sole developer with the emblematic example of the Belleville valley. When the Trois-Vallées resort was originally planned, the land belonging to Saint-Martin-de-Belleville seemed the most suitable for the location of the resort, but the departmental mission found itself up against opposition from the inhabitants. However, a few years later, the success of Courchevel in the neighbouring town allowed Joseph Fontanet, a fervent defender of the integrated resort concept within the Conseil Général (Council of the Département), to carry through the project for the resort at Saint-Martin-de Belleville after becoming the Mayor. With this end in mind, J. Fontanet intended to benefit from the same advantages as Saint-Bon-Courchevel.

11 As the département was at this time deeply involved in Courchevel, the idea of the sole developer germinated with the constitution of the SODEVAB10 in 1961. The aim was to find funding above and beyond that available from the département only, with from 1959 onwards, the support of the Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), of which the current Compagnie des Alpes (CDA) is a subsidiary. Although the original aim of the SODEVAB mixed economy company was to reproduce the income generated at Courchevel in a better-managed context, the private initiative did not come up to the expectations of the developers and the CDC11 took over, creating SCIVABEL 12. The Belleville valley therefore experienced the emergence of the concept of the sole developer (Marcelpoil et al., 2011, 2012) and in just a few years switched from being in opposition to being a national priority with regard to the development of mountain regions for tourism . At the same time, the desire to develop skiing on the glacier at Val Thorens crystallised environmental opposition to ski resorts and was to lead to the fourth generation, of which Valmorel is emblematic. Finally, this marked both the end of the systematic development of mountain regions for tourism purposes and the successful achievement of developments in the Tarine valley.

Structuring of stakeholders and emergence of groups

12 Thanks to their past growth, the large Tarentaise resorts now represent 70%13 of the Savoie’s power moment14 (which represent 42% of all the winter destination). Logically, the economic stakeholders organise themselves to operate this tool in the best possible way and current management questions the share of the regional variable in their strategies. Once the majority of the resorts are built, the government starts to withdraw and the transfer of skills and responsibilities to the municipalities hosting the resorts is initiated (Decentralisation laws, Mountain laws of 1985). As ski lifts are officially recognised as a public service under the responsibility of the local authorities, the latter may therefore opt to manage their production tool themselves or delegate it to a tourism operator. Today, the status of ski lifts as an industrial and commercial public service (SPIC) speaks for itself: activity wavers between the role of regional development and the strong competitive pressures of the tourism market. SPIC incorporates the public and private spheres in different proportions depending on the period and the stakes15.

13 Seeking a company to delegate the running of the ski lifts to is strategic, given the operating risk and the regulatory context which is not adapted to the management of a SPIC which is subject to strong competition (in particular, no captive users as compared to other services likely to be delegated). The 1980’s and 1990’s highlighted some of the

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limits of local authorities in the management of their production tools (in particular, see criticisms of the Lorit report, 1991 and Pascal report, 1993).

14 In the context of a mature market, what state of balance can possibly be reached between the delegating party and the operating company to which it delegates? Today, there are evident phenomena of exclusion in cases where the competent authorities have not been able to find an operating company due to operating risks being too great. Climate change is lending growing weight to the uncertain snow coverage factor in decisions concerning the investment risk16. The issue is therefore the coordination between a regional approach and a group approach with the aim of maximising and securing the activity of a resort and the ski lift business structure. To provide some elements of an answer, our approach examined the policies of two major groups in order to decipher their strategies per site and understand how they fit together.

Labellemontagne, sharing means at the service of regional development?

15 The originality of the Labellemontagne policy lies in its choice of management focusing on resorts considered to be medium-sized both by their size and altitude. The group judges that these resorts represent interesting growth margins compared to the investment required to manage them. There is room for manoeuvre not only in the ski area whose development can be optimised, but also in that of tourist accommodation. The crossed property/ski lift strategy adopted by this group has a specific feature: here, the accommodation represents only a very small portion of the volume which the ski lifts can absorb, but the multiplication of income sources contributes to the equilibrium of the entire operation of the site for Labellemontagne. The real estate approach is orientated by the need to reinvest to maintain the level of the site. Real estate plays a decisive role and the legal mechanisms facilitating these operations have been adapted to operating issues rather than investment issues. Henceforth, with tourism residences, property investment is no longer necessarily a source of short- term profit, but constitutes a way of ensuring that operation is profitable. The aim is to ensure that the facilities are filled and thus guarantee their operation. The developer/ manager of the residence is in a dominant position, as during the Snow Plan era, as shown by the unilateral reviewing of the rental sums for flat-owners to compensate for any management difficulties encountered. Finally, accommodation allows the operating income of a resort to be diversified beyond the ski lifts alone. Moreover, it is noteworthy that only this type of medium-sized resort (resorts which have the reputation of being difficult) is open to this type of strategy without any danger of a monopoly and welcomes the intervention of a leader in the tourism sector to boost local activity.

16 Indeed, the possibility of occupying a prominent position on the commercial accommodation scene is a prerequisite for Labellemontagne before it starts to operate on the site. By occupying both the accommodation and ski lift slots, the group occupies a dominant position which it intends to use to be a real driving force in the tourism sector, in particular in terms of defining the target clientele of the resort and thus the prices. Moreover, its aims go beyond simply leisure property and affect a variety of service providers, involving them in “all-inclusive” products associated with accommodation (in particular the hire of ski equipment). The group’s strategy aims to

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guarantee its intervention strength by its internal structuring (sharing of marketing, communication and sales skills internally and of some centralised administrative and accounting services to reduce the costs of each site) based on its use of local social and professional structures. From this angle, a certain form of underlying regional integration exists in the intervention of the Labellemontagne group.

The Compagnie des Alpes, federalism at the service of a group?

17 Conversely to the Labellemontagne group, the CDA has adopted a different strategy to secure its activity, with a source of income outside the mountain area and winter sports resorts, thanks to the leisure sector and amusement parks, whilst only conserving those winter sports sites where operation appears to be stabilised. These are resorts on an international scale which have no image problems and are at a sufficiently high altitude to ensure “guaranteed snow coverage”, if necessary using snow-making equipment.

18 De facto, the CDA occupies a prominent place on the French winter sports market, with a constellation of resorts which dominate the national offer both economically and geographically17: CDA resorts represent 1/3 of the French power moment and 65% of the power moment of resorts in the perimeter of the Assemblée des Pays Tarentaise Vanoise (Tarentaise Vanoise districts group) (IRSTEA resorts database, 2012). Are fears concerning the abuse of a dominant position and a stranglehold on the ski market which worry the local stakeholders18, in particular the public stakeholders, founded? How does the CDA mobilise the expertise acquired through its action on national and international markets? These issues concern both the economic strategy of a group and its legitimacy in managing a public service activity originally intended to be an instrument for regional development. In particular, financial objectives are of prime importance and are linked to the CDA’s position on the stock market. Nothing guarantees their compatibility with regional development and organisation of the local economic life.

19 One of the messages upheld by the CDA consists in asserting its proximity with lands on which resorts are located through the room for manoeuvre left to local teams. Indeed, managing a resort involves the site itself having a minimum amount of means in terms of personnel and equipment. In concrete terms, federalism is imposed but must not mask managers’ freedom of action. As managers of the largest ski lift companies in France, their credibility lies both in their ability to make decisions autonomously and on their in-depth knowledge of the running of the resorts. Their professional mobility contributes directly to their training, by confronting them both with different functions and actions in different contexts. Finally, they are more than just puppets executing the strategy of a group. They constitute a real source of proposals multiplied by the number of sites they manage. Local experimentation and the sharing of this experimentation thus contribute to innovation on the scale of CDA. Coordination between regions hosting resorts and management of the resorts by the CDA is therefore established, in particular in terms of the choice of the operating company most likely to contribute to the general interest through the management of a public service for which the municipality remains the guarantee.

20 Backed by the CDC, the CDA does in fact have significant means to implement its strategy and enjoys privileged access to credit. On the one hand, the ability to mobilise

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capital from banking sources can be considered favourable for the quality of the ski areas which the company runs, but on the other this contributes to restricting the opening to competition of the delegation of management of the sites in its care. Thus, the host municipalities are to some extent (since they remain the delegating authority) bound by excellence: the investments made by the group’s subsidiaries participate in the increase of the entry fee for new managers, which restrict the opening of calls for tenders, unless the municipality can find the means to reduce this entry fee in its own resources19.

21 The game of excellence is all the more risky in that the CDA has an ability to analyse the demand and commercial clout, unparalleled in the winter sports sector. Its range of resorts allows it to reach a very broad range of customers, in particular international, and to compile very detailed knowledge of their practices and expectations. Indeed, the Company can thus argue that it has the ability to grasp the current trends, and its expertise endows it with a structuring echo with municipalities which do not dispose of this level of information. Thus, the commercial issue also contributes to clouding the issue of Public Service Delegation (DSP) by isolated municipalities whereas the CDA manages a variety of sites more or less directly connected to each other.

Savoie Stations Participations, is the département obliged to adapt to the new management practices?

22 Faced with these groups, the Savoie département has updated its intervention in the field of winter sports. Where Savoie was proud to announce in 1945 (Marcelpoil et al., 2011) its ability to support a project which private initiative alone could not envisage, it must today come to terms with a very different landscape. It must face up to strong stakeholders, structured along the lines of the CDA, in order to optimise an operating phase of the resort tool for which the département appears less apt than for the development phase. Technical expertise, gleaned from the experience of Courchevel, has given the département a dominant position. This position is also linked to the FACET20, displaying not only the success of the département’s experience, but also affording it a view of the various projects currently under development.

23 Today, the mature market context restricts the legitimacy of action of a département for which the secure income results from the primacy of its action in the winter sports sector. With the assertion of groups in the delegation of ski lift services, the Savoie Conseil Général is faced with stakeholders with strong internal expertise and often managing a greater number of domains than it does itself. For example, in relation to all the resorts in new sites, Courchevel excels in the development of hotels, in particularly luxury hotels, but tends to be closer to “village” resorts such as Chamonix, Megève or Val d’Isère rather than 3rd generation resorts strongly marked by the development of second homes.

24 In this context, the département asserted its intention to claw back the regional development of resorts with the implementation of the tourism plan. First of all, it asserts its ability to act with the releasing of considerable credit drawn from departmental property, in particular the sale of real estate in Courchevel. By selling this property, the cycle is complete: The subsidies generated by running a resort are channelled into winter sports and regional development. By reallocating these funds into a broad spectrum of resorts, the département is no longer simply seeking to draw

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the maximum amount of profit from the site it is running itself, but is rather seeking to allocate means correctly over its entire territory as a public stakeholder. With the Tourism Plan, a willingness to develop a “summer” part appears, whilst maintaining a “connected domains” theme which is the basis of its action with regard to tourism development. This part of the departmental policy reveals a change of position. Whereas previously it was in a pioneering position, in this case it is a “follower” of the Rhône-Alpes region and the Isère department which have already initiated this type of action, respectively since 1995 (contracts between resorts and companies in the region) and 2003 (diversified development contracts in Isère), without having solved the delicate matter of diversification.

25 How are we to understand this change in the position of the département and the place held by Savoie Stations Participations (SSP21) financial holding company, in such a context? Is this a sign of the Conseil Général’s ability to adapt, wishing to accompany the evolution of the role of resorts in the context of regional development or an evolution of the role and status of resorts in regional development?

26 The reality has in effect changed and the practice of subsidies, considered on a case by case basis according to criteria specific to each resort and the structuring of its ski holiday offer, seems outdated today. An approach integrating criteria for economic success seems in practice to be a guarantee of relevance for effective allocation of public credit. This tends to promote a regional capitalism approach which involves giving preference to the local distribution of the wealth created and accumulated via the resorts. This dimension of the SSP is eminently political and should be assessed in comparison to the practices implemented, but a significant difference with a purely private stakeholder doubtlessly lies in the level of requirement with regard to assessment of the benefits (not only monetary but also quality of life, job creation, spillover effects in the areas concerned, etc.) and in the maximisation of profits in the more or less short term.

27 Finally, SSP makes the profitability of resorts one of the criteria for regional development in order for the development of winter tourism to accompany the economic life of the regions without its operating and/or investment costs compromising their future. The questions lie in the ability of SSP to bring its participation to a broad range of resorts. How should the order of priority be established? Less profitable sites, whatever their potential, are in the most danger, but giving them priority would risk weakening SSP. Conversely, would giving priority to the most interesting sites not condemn the more fragile ones?

Conclusion

28 The slide from resort construction to their current management has occurred in step with a renewal of the stakeholders and their management methods. The significant constraints in each of these large centres of tourist activity (the accommodation facilities are suffering from ageing and from beds leaving the market whereas ski lifts remain a highly capitalistic activity) encourages the stakeholders to adopt a sector- based approach to maximise their activity.

29 Moreover, the question hanging over the ability of the regional authorities to manage the resorts has led the organising authorities to turn to private managers. This introduction of new stakeholders in the running of the resorts or the transformation of

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the sole developer into a simple ski lift operator may have profoundly modified the resorts’ anchoring policies.

30 Paradoxically, whereas in times gone by the door was thrown open to an increased regionalisation of resorts set up in the context of the Snow Plan, the trend is now rather towards a sector-based approach initiated by groups specialised in ski lift management and whose growth strategy involves deploying their activities on different sites. As the resort approach is not global, it encourages an approach by trades, the ski lift profession being the most fruitful branch.

31 Thus, groups such as CDA, Labellemontagne and to a certain extent SSP propose a horizontal approach to resorts managed on multiple territories, whereas the regional approach favours the vertical integration of tourism. This calls into question the sustainability of resorts as a tool for regional development according to two main themes.

32 Firstly, developing resorts has contributed to the constitution of an innovative tourist environment in the Tarentaise area. What is the innovation capacity of the resorts and how can this movement come to terms with globalised stakeholders? Today this seems to be directed towards questions of promotion and commercialisation but is it really going to last? Secondly, the question of the distribution of the fruits of running the ski areas arises. How far do the profits made by a group benefit the area where the resort is located? There is indeed a risk of transfer between areas or redeployment in the various activities of the group (e.g. amusement parks for the CDA). The question of inter-area transfer is particularly interesting insofar as it can hide particularly contrasting, if not opposing, realities: On the one hand, they may constitute a factor sharing the operating risks and reasserting the role of resorts in land-use planning, but on the other, contribute to a single stakeholder gaining a hold over the winter sports sector by assuming a dominant position.

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NOTES

1. This period is only indicative insofar as the Snow Plan has never been the object of any planning. 2. Service d’Études d’Aménagement Touristique en Montagne (Department for the Research and Planning of Tourism in the Mountains) 3. Interministerial Commission for the Development of Tourism in the Mountains. 4. The same group which actively contributed to the construction of Courchevel 1850 headed by M. Michaud who would later be dubbed the Snow Dictator (Arnaud, 1975). 5. In the same way, C.Perriand’s family is from Yenne, G. Rey-Millet who worked with her at Les Arcs is from the Haute-Savoie area, G. Regairaz is from Chambéry and in the same team, B. Taillefer, from Cal d’Isère is symbol of the upward social mobility made possible by the construction of the resorts, as are R. and Y Blanc for Les Arcs. 6. FDES, Economic and Social Development Fund. 7. FSIR, Special Roads Investment Fund. 8. FAL, Local Action Fund. 9. The concept of the sole developer is central to the development approach advocated by the Snow Plan. Roger Godino represented this promoter for the resort at Les Arcs in Savoie. 10. Société d’Équipement de la Vallée des Belleville. (Belleville Valley Equipment company) 11. The link between the CDC and winter sports did not stop at Belleville, as the financial organisation is the main lender for local authorities. 12. Société Civile Immobilière de la Vallée des Belleville. (Belleville Valley non-trading real estate company) 13. Source: BD Stations 2012 (IRSTEA) / STRMTG 2011 14. The power moment corresponds to the product of the passenger flow by the total altitude difference of a resort’s ski lifts (source: STRMTG). 15. Public authorities seek to attract industry leaders by advantageous installation conditions (property acquisition and exclusive rights to development licenses) and a convincing, stable development model.

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16. The recent bankruptcy of Transmontagne underlined the risks involved in running a ski area and affected a group which was assumed to be sound, given the deployment of its assets in a broad spectrum of resorts and activities, both for ski lifts and leisure property. 17. The CDA also has variable shares in 14 large resorts in France: Val d’Isère, Tignes, Méribel, La Rosière, Valmorel, Serre-Chevalier, Les 2 Alpes, Chamonix, Flaine, les Arcs, la Plagne, Sainte Foy, les Menuires, Peisey-Vallandry. 18. Local elected representatives also criticise the CDA for placing the decision-making centre at a distance: “What the elected representatives criticise the CDA for is not the way they run the resorts, they are very professional, there are no worries on that score. It is simply the fact that final decisions are increasingly made in Paris.” 19. Thus, without this being a groundswell movement, several local authorities hosting resorts, sometimes large ones, are considering taking over management of their site: “Today, the municipality is in a position to take over…What I am saying is simply that today if you are [in a large resort] and you believe in winter sports, you can allow yourself this kind of madness. But I would not be reasoning like this if I was just at la Clusaz” 20. FACET, Departmental Support Fund for Municipalities for Tourism. 21. Shares of the SSP Holding, founded in 1991 in the following resorts: SEDS, 100%; SETAM, 43.78%; SAMSO, 13.33%; SEMAB, 11.55%; SEMVAL, 10.00%; Pralognan- Labellemontagne, 10.00%; Valloire SEM, 9.29%; Jaillet SEM, 6.98%; Bauges SEM, 5.04%; Mont-Cenis SEM, 4.74%; Val d’Arly SEM, 4.58%; Crest Volland-Labellemontagne, 2.51%; Megève ski lift company, 2%; Société des Trois Vallées 0.003%, STOR, 1 share.

RÉSUMÉS

Developing tourist facilities in the mountains is often based on an approach evoking its “enhancement” (Guérin, 1984) based on massive investments sustained by heavy funding from the outside. However, local actors, private as public ones, were not passive and they also brought their investments, ideas to develop mountain tourism. Growth of ski resorts has thus been relying on crossed local and global forces, leading to a diversity of local developments. Nevertheless, nowadays, in a strongly competitive context, their becoming is uncertain, specifically linked to cableway companies’ strategies and organisation. Thus, the analyse of three pattern of management, through three cableway managers, involved in Tarentaise’s resorts will aim to highlight the regional factor and its consequences for local development in Savoie.

INDEX

Keywords : ski resort, winter destinations, regionalisation, tourism developer and manager, Tarentaise Valley, cableway companies

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AUTEURS

EMMANUELLE GEORGE-MARCELPOIL Irstea Grenoble – UR DTM [email protected]

HUGUES FRANÇOIS Irstea Grenoble – UR DTM [email protected]

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Combinaison de proximités géographiques et socio- économiques La filière « Tourisme sportif de montagne et de nature » en Rhône-Alpes

Éric Boutroy, Philippe Bourdeau, Pascal Mao et Nicolas Senil

1 La prise en compte du rôle de l’espace dans les dynamiques économiques a été relativement tardive. En dépit de quelques travaux pionniers interrogeant la localisation hétérogène des individus, des biens et des phénomènes (de Marshall à Von Thunen), il faut attendre les années 1980 pour que l’espace ne soit plus considéré uniquement comme un support neutre de l’activité et des échanges économiques, mais comme ayant un rôle actif dans les processus de développement. Appréhendé comme un construit social, le territoire apparaît lié avec différentes proximités créatrices potentielles d’avantages comparatifs.

2 En s’intéressant à des cas exceptionnels de foyers d’innovation économique ou technologique, des recherches révèlent l’existence au sein de ces ensembles productifs d’intenses relations d’échange entre les différentes entreprises qui les composent, et de liens étroits avec le système local, générateurs de cultures communes et de savoir-faire partagés. Ces travaux vont donner lieu à différentes conceptualisations – District Industriel (Beccatini, 1989), Systèmes Productifs Locaux (Courlet, Pecqueur, 1991, Gilly, Grossetti, 1993, Courlet, 1994), Milieu Innovateur (Maillat, Quévit, Senn, 1993, Camagni, Maillat, Matteaccioli, 2004), Cluster (Porter, 2000) – qui par-delà leurs nuances, partagent un certain nombre de fondements : appréhension systémique d’un agrégat productif d’entreprises, co-localisation assez étroite génératrice d’externalités positives, prise en compte de relations coopératives.

3 Pensé comme une construction socioculturelle résultant des interactions localisées d’acteurs en système, le territoire est placé au cœur du fonctionnement des modes d’organisation de ces formes productives. Il offre ainsi une dialectique entre proximité géographique et proximité organisationnelle (Pecqueur, Zimmerman, 2004) qui « favorise l’existence et la pérennisation de relations sociales sur la base desquelles ces

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coopérations peuvent s’établir » (Grossetti, 2004). Dans cette optique, « le territoire, compris comme un système social et non simplement spatial, est à l’évidence un fournisseur privilégié de ces ressources relationnelles » (Veltz, 2002). Cette reconnaissance est lisible dans le renouvellement des politiques publiques d’aménagement du territoire qui encouragent aujourd’hui le regroupement localisé des activités économiques et de recherche d’un secteur donné : SPL, pôles de compétitivité, cluster, pôles d’excellence ruraux, systèmes régionaux d’innovation…

4 Il sera nécessaire d’étayer ce constat, mais la région Rhône-Alpes est aujourd’hui reconnue comme présentant une concentration hors norme d’organisations sportives avec une position de leader à l’échelle nationale dans le sous-secteur des sports de nature et de montagne, aussi bien sur le plan de l’offre d’espaces, sites et itinéraires de pratique, des compétences d’encadrement professionnel, de formation et de recherche, mais aussi de l’industrie et de la distribution spécialisée, des médias... On pourra alors s’étonner que les concepts de la proximité y aient été mis à l’épreuve sans résultats concluants. Le phénomène ne semble donc pas relever des paradigmes classiques analysant les interrelations territorialisées entre acteurs industriels, de recherche et de formation. Sur un versant académique, il n’a par exemple pas été possible de valider l’hypothèse de l’existence d’un « milieu innovateur » dans l’industrie d’articles sportifs en Rhône-Alpes (Aydalot, 1986, Hillairet et Richard, 2004 et 2005). Sur un versant plus opérationnel, force est également de constater les atermoiements des tentatives de structuration et d’animation par le haut : évaluation négative du pôle de compétitivité Sporaltec labellisé en 2005 (BCG et CMI, 2008), éparpillement et nébulosité des formes institutionnalisées de rapprochements organisés (Sporaltec, Clusters « Industrie de la neige » ou « Industries de la Montagne », Projet de Cluster « Sport et Loisirs Outdoor », Réseau Montagne de la CCI Savoie, Grappe d’entreprises Outdoor Sport Valley…).

5 Si une application stricte des modèles des sciences régionales ne semble pas concluante dans ce cas, nous souhaiterions montrer qu’il existe néanmoins des interactions fortes entre acteurs géographiquement, mais aussi culturellement proches. Plutôt que de chercher à vérifier (ou non) l’existence des formes systémiques exemplaires évoquées précédemment, le propos de cet article sera plus modestement d’essayer de mettre en évidence l’existence et certaines caractéristiques (géographiques, relationnelles) d’une filière « tourisme sportif de montagne et de nature » à l’échelle rhônalpine.

6 Parmi les différentes acceptions de la filière (Sekkat, 1987), nous en retiendrons une définition assez large : ensemble d’activités articulées (et parfois intégrées) verticalement (en relation amont-aval) mais aussi horizontalement (en relation de support ou de complémentarité) concourant à rendre possibles des consommations finales de sports de nature. Il s’agira donc bien de prendre en compte plusieurs sous- systèmes en interactions permanentes : la classique chaîne de valeur de la production/ distribution d’articles sportifs, celle de la production et valorisation des sites et espaces sportifs (conception/fabrication/promotion/animation) qui rendent possible ou développent l’utilisation desdits articles, ou encore l’ensemble des fonctions supports (formation/recherche/soutien). L’intérêt de la notion de filière est de permettre d’assouplir le paradigme organisationnel et productif. Plutôt que de se limiter à certains types d’organisation (à l’instar du triptyque industrie-recherche-formation du milieu innovateur), elle permet de prendre en compte un grand nombre d’acteurs dont les activités s’imbriquent (média et éditeurs, organisateurs événementiel, clubs et mouvement sportif…) pour produire espaces, biens, services ou informations relatives à

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des consommations sportives singulières. La dimension systémique y est moins marquée et permet de décrire des configurations productives : articulations souples, réseau, recombinaison en laissant ouverts les modes de coordination pris en compte (marché, contrat, règles mais aussi coopérations non formalisées, don…).

7 A partir des résultats d’une enquête croisant approches géoéconomique et géoculturelle (Bourdeau et al., 2007)1, cet article commencera donc par montrer en quoi la région Rhône-Alpes supporte une filière « Tourisme sportif de montagne et de nature » de premier rang en détaillant ses caractéristiques structurelles et territoriales : échelle spatiale étendue, pluralité des acteurs et fonctions inter-reliés… A partir d’une démarche compréhensive fondée sur une analyse de cas, nous essaierons alors de montrer l’existence de configurations localisées de coopérations fondées sur la combinaison de plusieurs formes de proximités qui leur confèrent une pertinence. On s’efforcera de montrer la nécessité de prendre en compte le substrat territorial et culturel pour comprendre les relations fonctionnelles.

Diagnostic structurel et fonctionnel d’une filière « Tourisme sportif de montagne et de nature » en Rhône-Alpes

8 Le tourisme sportif de nature et de montagne est un des éléments structurants du territoire rhônalpin. Les questions du territoire au sens large (espaces naturels, pratiques, aménagement, infrastructures, développement, gestion des usages de l’espace, gestion environnementale et sécuritaire, gouvernance, acteurs, représentations et identités...) se posent avec d’autant plus d’acuité que le territoire constitue le support et la ressource de base de l’attraction et de l’animation récréative, pour les pratiques de loisirs de proximité comme pour les pratiques touristiques.

9 La Région Rhône-Alpes constitue une région « phare » positionnée systématiquement au premier rang national du point de vue de l’offre d’espaces ou de sites d’activités sportives de nature dans la majorité des pratiques de montagne, aussi bien d’un point de vue quantitatif que de la qualité des sites2.

Tableau 1. L’offre d’espaces d’activités sportives de montagne et de nature estivales

Place de la Région Nombre de sites de Part en % de l’offre rhône- Pratiques Rhône-Alpes dans pratique dans la Région alpine par rapport à l’offre l’offre nationale Rhône-Alpes nationale

Escalade 1er rang 492 25 %

Via-ferrata 1er rang 34 60 %

Canyoning 2ème rang 168 33 %

Alpinisme 1er rang 260 -

Spéléologie 1er rang 541 30 %

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10 Cette richesse constitue un facteur d’attractivité pour les habitants pratiquants3, les professionnels du tourisme sportif (encadrement, services…) et par effet de synergie pour la filière. Dans les modèles classiques, l’analyse se focalise sur les acteurs en apparence les plus directement impliqués dans l’innovation technique : l’industrie- distribution et les services de formation-recherche. Le choix fait ici est d’élargir la focale pour appréhender la filière économique et sportive de manière extensive en associant industriels et fabricants, centres de formations, concepteurs d’espaces récréatifs, cabinets-conseils, d’expertise ou d’ingénierie, distributeurs et grossistes, éditeurs et groupes de presse, organisations syndicales et professionnelles ou agences spécialisées. En 2006, ce tissu culturel et productif territorial réunit de facto en Rhône- Alpes près de 370 opérateurs socio-économiques de lisibilité nationale, voire internationale, aussi divers que complémentaires au sein du secteur des loisirs et du tourisme sportif de montagne et de nature (Figure 1).

Figure 1. Le champ fonctionnel et relationnel de la filière « tourisme et loisirs sportifs de nature et de montagne » en Rhône-Alpes

11 Ces acteurs sont implantés sur l’ensemble du territoire régional avec de fortes polarités autour des agglomérations de Grenoble, Chambéry, Lyon, Annecy et dans une moindre mesure Chamonix. Au-delà du domaine bien connu du ski (Rossignol, Salomon…), citons par exemple Eider dans l’Ain, Lafuma dans la Drôme, Francital et Rivory-Joanny dans la Loire, Petzl, Entreprises et Béal en Isère, Frendo en Savoie, Millet, Simond, Quechua ou Wedzee en Haute-Savoie… Sur un registre voisin, on notera encore la concentration en Rhône-Alpes des principales revues généralistes ou spécialisées concernant la montagne, d’Alpes Magazine (Chambéry) à l’Alpe (Grenoble), et de Vertical à Montagnes Magazine, tout comme de la plupart des éditeurs positionnés sur le créneau de la montagne (Arthaud, Glénat, Guérin, Alzieu, Editions de Belledonne, Ex Libris…). De même, Rhône-Alpes est à l’échelle nationale la principale concentration résidentielle et professionnelle des métiers sportifs de montagne, soit près de 20 000 professionnels, et

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donc le lieu d’implantation logique de tous leurs syndicats professionnels – à Chambéry, Montmélian et Meylan.

12 Enfin, il convient aussi de mentionner le rayonnement national et international des centres de formation et de recherche spécialisés que sont l’ENSA/ENSM à Chamonix, l’ANENA, le CEMAGREF et le Centre d’Études de la Neige à Grenoble, sans oublier les pôles universitaires de Chambéry (CISM, Institut de la Montagne) et de Grenoble (Institut de Géographie Alpine et son antenne délocalisée en Ardèche le CERMOSEM, UFR STAPS, CERAT…).

Carte 1. Répartition communale des acteurs économiques par type d’activité en Rhône-Alpes en 2006

Source : Groupe CIT, PACTE – Territoires – CERMOSEM UMR 5194, 2006

13 À la lecture de la Carte 1, il apparaît qu’en étant directement liés aux sports de montagne, les phénomènes de fréquentation touristique, de pratique sportive de proximité et de savoir-faire industriel, professionnel, culturel et scientifique observés à une échelle régionale (Augustin, 2002) constituent une offre socio-territoriale globale qu’il est possible de décrire comme « une place internationale des sports de montagne » de rang européen. Une telle représentation est à la fois très classique (« Chamonix, capitale mondiale de l’Alpinisme », « La Tarentaise, capitale mondiale du ski alpin »…) et peu valorisée sous l’angle d’une globalité de phénomènes qui apparaît comme constitutive de l’identité rhônalpine. Ce phénomène apparaît d’autant plus prégnant que la géographie de la filière sportive de nature s’organise tout autant par rapport à la proximité des espaces de récréation sportive que des centralités urbaines (Figure 2).

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Figure 2. Esquisse de schématisation de l’organisation spatiale de la filière sportive de nature et de montagne dans la Région Rhône-Alpes en 2006

Une configuration de double proximité géographique et organisée

14 Telle que nous l’abordons, la « filière sportive de nature montagne Rhône-Alpine » s’illustre par une grande diversité des types d’activité, des domaines d’intervention et de compétences des acteurs qui tous concourent à produire ou entretenir une offre sportive et de loisirs. Ce constat conforte l’idée de l’existence d’une filière en suggérant la possible articulation ou complémentarité entre les secteurs d’activités représentés à l’échelle régionale avec des bassins organisés autour des grandes métropoles rhônalpines. L’hypothèse de l’existence d’un « effet territorial » s’appuyant sur des proximités entre espaces de récréation, espaces de vie perçus comme zones de chalandise et émettrices de pratiquants, des zones de production associées à des espaces de consommations peut alors être avancée. Mais au-delà de diverses formes de concentration aussi bien horizontales que verticales, les multiples agents économiques observés bénéficient-ils d’effets positifs liés à des effets de proximité ?

15 En prenant appui sur les travaux de la French school of proximity (Torre, 2008), il est possible de clarifier les différentes formes de proximité (Bouba Olga, Grossetti, 2008). Il est ainsi convenu de distinguer la proximité spatiale, appréhendée en termes de localisation et de distance physique4, et la proximité organisée, appréhendée en termes de contiguïté socio-économique5. Cette dernière recoupe deux formes : la proximité de coordination, liée pragmatiquement à des dispositifs (réseau, médiation) qui structurent ou stimulent des interactions concrètes ; la proximité de ressources, liée au partage de cadres de référence matériels (patrimoines, statuts sociaux…) ou cognitifs (savoirs, culture, normes…) similaires ou compatibles qui facilitent les échanges et les coordinations. Ainsi mobilisées, ces notions peuvent aider à éclairer à la fois les co- localisations et les interactions entre les acteurs de la filière sportive rhônalpine.

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Une proximité géographique composite

16 La proximité géographique, qui se repère par la co-localisation des acteurs potentiellement favorable à la liaison, ne doit pas occulter le rapprochement d’un concepteur avec des sites emblématiques. « Annecy c’est un carrefour très intéressant. Déjà, c’est à 60 kilomètres de Grenoble, à côté de Lyon, mais aussi à côté de l’international : Suisse, Italie… C’est pratique. Annecy condense aussi toutes les montagnes : l’hiver et l’été, la haute montagne, la moyenne montagne et la basse vallée, la performance, le fun et le loisir. Annecy, c’est un concentré d’outdoor. Le signe c’est que tout le monde dans Salomon peut y trouver son plaisir. Et puis surtout on est à côté de lieux super symboliques. Je pense par exemple au mont-Blanc ou à Chamonix. Il y a de l’histoire. On peut se rattacher à tout ça. C’est là que l’on est bien. C’est là que l’on est créatif. C’est là que l’on est visible » (J.Y. Couput, Salomon).

17 À cet égard, il existe un effet de proximité entre les espaces de récréation (là où se déroulent les pratiques), les pratiquants sportifs6 et les espaces de productions de biens et de services dont témoignent les implantations de Petzl (Crolles), Lafuma (Anneyron), Expé (Auberives en Royan) ou plus récemment Raidlight (Saint-Pierre-de-Chartreuse). M. Béal, PDG du leader mondial des cordes (loisirs et métiers de sécurité) évoque ainsi son maintien à Vienne (38) en termes d’externalités locales : facilitation des échanges, itération, expertise. « On est quand même dans un environnement proche des montagnes. Surtout on est très bien placé ici, puisqu’on n’est pas loin de Chamonix, à deux heures. Et on est content de ne pas être trop loin de Chamonix parce qu’on a tout le temps des rapports avec des gens là-bas, par exemple l’ENSA. Et également les tests, pour nos cordes, sont faits à Grenoble – le labo principal pour les tests c’est l’APAVE, en gros un des trois labos dans le monde qui font les tests, à Fontaine exactement. C’est beaucoup plus pratique d’être proche d’eux. Cette proximité, on pourrait s’en passer, mais c’est mieux comme ça : il nous est facile, s’il y a une difficulté dans le test, une différence d’interprétation de la norme, ou de résultat, on va sur place en une heure et on regarde comment ils font. On règle le problème tout de suite. Et la route du sud passe par ici, c’est clair, avec tous les grands centres d’escalade nationaux : Buoux, Cimaï, Calanques, Sainte Victoire. Donc on est particulièrement bien placé sur le chemin des conseillers techniques et des pratiquants7. Le lieu est un atout complémentaire, même s’il n’est pas décisif » (Béal).

18 Pour illustrer ce processus, le cas chamoniard est exemplaire. L’identité forte du lieu et sa lisibilité internationale au sein des sports de montagne ont favorisé l’implantation de nombreuses entreprises souhaitant autant attacher à leur production l’image du Mont- Blanc que profiter du voisinage commode d’autres acteurs et des sites de pratique. Peuvent être cités entre autres Simond, Charlet-Moser, Grivel pour les fabricants de matériel, Guérin pour l’édition, l’ENSA pour la formation et l’expertise, de multiples grossistes et agences spécialisées, etc. La marque Quechua (groupe Oxylane), dont le siège social – conception, design, marketing – est installé à Domancy (proximité fonctionnelle et symbolique de Saint-Gervais Mont Blanc), s’est développée par mitage dans le Pays du Mont-Blanc (Chedde, Fayet, Passy, Magland) avec l’ambition de former une « chaîne de production verticale» allant de la conception des produits aux tests sur le terrain en passant par la production, promotion et commercialisation. Depuis février 2012, une boutique vitrine Quechua est même ouverte à Chamonix, afin de symboliser un rattachement symbolique au pied du Mont Blanc. La création récente d’un Mountain

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Lab8 à Chamonix, plateforme technoscientifique de test en conditions réelles pour l’industrie de l’outdoor qui envisage la création d’un label « testé au Mont Blanc », témoigne de cet effet territorial, mais elle illustre aussi combien la proximité est liée à des dispositifs de coordination ou de ressources.

Une proximité organisée à la fois formelle et informelle

19 En effet, il existe en Rhône-Alpes des interactions fortes entre rapprochements géographiques et proximité organisée, illustrant très bien comment « la proximité spatiale des organisations influe sur la proximité spatiale des individus, qui influe sur la proximité relationnelle individuelle, qui favorise les rapprochements entre organisations, à condition que celles-ci soient complémentaires » (Bouba-Olga et Grossetti, 2009).

20 La proximité de coordination est la première forme repérable, notamment dans le progressif « encastrement des relations dans des réseaux sociaux ou individuels localement constitués » (Bouba-Olga et al., 2009). Ces chaînes de relations personnelles apparaissent très importantes dans les témoignages recueillis lors de notre enquête, avec une manifestation tangible de « l’existence d’échanges au moins partiellement non marchands entre les organisations de ces systèmes, échanges ayant entre autres pour effet le partage, la diffusion ou la construction commune de savoirs techniques ou économiques » (Grossetti, 2004).

21 E. Le Lann, responsable de la communication de Petzl, décrit à l’aune d’échanges très peu formalisés ses relations avec une marque qui deviendra progressivement son employeur : dons de matériel (athlète haut niveau) pour retombées médiatiques, retours (expertise technique, promotion) spontanés, relations durables, recrutement comme conseiller technique puis comme responsable. « La relation que j’ai avec Petzl aujourd’hui (…) se fait petit à petit, au fil des années, et pendant longtemps on ne se rend pas vraiment compte de ce que l’on échange » (E. Le Lann, Petzl).

22 De fait, les activités de ce guide de haute montagne font un lien emblématique avec un grand nombre de pôles de la filière entre lesquels se tissent des relations directes ou non. Il a ainsi fait partie d’une équipe fédérale de haut niveau (FFME), a été formé à l’ENSA (74), est adhérent d’un syndicat professionnel (SNGM, 73), a été organisateur événementiel (Ice World Cup) et par ce biais en relation avec un grand nombre d’entreprises et de collectivités, a eu un contrat de conseiller technique avec plusieurs fabricants de matériel avant d’être recruté par l’un d’eux comme responsable sponsoring et événementiel (Petzl, 38), est pigiste pour la presse spécialisée (Glénat, puis Nivéales, Grenoble), réalise des documentaires montagne (Seven Doc, Grenoble) tout en continuant à exercer comme guide indépendant (par une volonté explicite de conserver un lien direct avec les marchés de référence). Ce réseau, fondé sur des relations durables et récurrentes, représente lorsqu’il est activé ce que Torre (2010) désigne comme un grand « potentiel d’interaction ou d’actions communes »9.

23 C’est bien sur la base de relations personnelles et façon peu formalisées que ce sont amorcés les partenariats entre un syndicat professionnel et des industriels, pour progressivement désencastrer la dimension personnelle. « Cela s’est fait de manière un peu bricolée au début. L’un d’entre nous connaît bien telle entreprise, et par son intermédiaire, un peu naturellement, on pouvait recevoir un petit soutien. La première collaboration nette, troquée collectivement, a été avec Béal, qui nous a proposé il y a

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déjà 10-12 ans des dons de matériels pour l’organisation de nos recyclages [(ré)actualisation de la formation des guides assurée par le SNGM]. Nous, on avait du matériel au top, et Béal pouvait être en contact privilégié pour présenter ses produits, ses nouveautés avec des utilisateurs intenses qui sont aussi de bons prescripteurs. Les recyclages sont aujourd’hui l’occasion à la plupart des grandes marques de nous soutenir. En échange, elles peuvent participer au salon que l’on organise à l’occasion de chaque assemblée générale : ça fait quand même entre 300 et 400 guides, sans parler de la couverture médiatique » (B. Pellicier, président du Syndicat national des guides de montagne).

24 Mais la proximité de coordination peut aussi s’appuyer sur des institutions de médiations susceptibles de mettre en contact et de faciliter l’appariement des acteurs et des ressources. Les nombreux dispositifs déjà évoqués (SPL, cluster, grappe…) relèvent de ce domaine dans une structuration des coordinations top-down soutenue par une mosaïque d’institutions (DATAR, MITRA, CIADT / RFIS, CCI…). Il existe néanmoins d’autres formes de coordination de médiation (typées bottom-up) par formalisation (institutionnalisation, centralisation décisionnelle) variable de coopérations : essaimage, entreprise étendue, réseau institutionnalisé. Créée en 1989, la société Dianeige a toujours été ancrée en Rhône-Alpes : basée au départ en Savoie lors de sa création par Louis Guily, elle s’est déplacée en 1996 à Grenoble où elle emploie 20 personnes. Centrée sur le domaine de l’ingénierie touristique, son activité combine à la fois le conseil à l’aménagement et la maîtrise d’œuvre dans un secteur – l’industrie des domaines skiables – assez large qui couvre aussi bien l’indoor que l’outdoor. Autant dire que le champ des savoir-faire nécessaires à la conduite des projets est vaste et a impliqué constitution d’« un club d’experts [maîtrise d’œuvre en installation de remontées mécanique, expertise environnementale, marketing] que nous mobilisons à chaque fois que c’est nécessaire. D’autres fois, nous nous réunissons directement pour répondre à un appel d’offres et être plus costaud ». Ce fonctionnement étendu est indissociable de la reconnaissance, de la durée, de la confiance et de la réciprocité. « Du coup il est très facile de travailler comme ça. Nous savons exactement sur qui compter. Nous nous connaissons aussi personnellement. Et il est vrai qu’à d’autres moments, nous pouvons être à notre tour sollicités par certains de nos partenaires lorsqu’ils ont besoin de nos compétences. Cela nous permet d’être réactifs et de profiter souplement de compétences que l’on n’a pas en interne ».

25 La filière « Tourisme sportif de montagne » se caractérise également par un rôle important de la proximité organisée de ressources. À côté de la proximité sociale classique, par exemple de type capital social, la « similarité ou complémentarité des valeurs, des « allants de soi », des projets, des routines, des conventions, des référents, etc. » (Bouba-Olga et Grossetti, 2008) facilite la circulation des connaissances et le partage de la confiance, parfois de manière tacite, dont témoignent explicitement plusieurs acteurs dans des descriptions du Salon International de Grenoble (SIG) comme microcosme affinitaire où derrière les dimensions fonctionnelles (promotion, observation des concurrents) se donne à voir l’ensemble de la filière et « d’une certaine manière ce partage d’histoire, de valeurs, [qui] favorise le travail en commun » (J.-M. Asselin, ancien rédacteur en chef de Vertical).

26 Il existe ainsi un cadre social favorable à l’échange et à la coopération où s’articulent appartenance (relations personnelles entre acteurs) et similitude (cultures et ressources partagées). Pour Éric Bouchet, dirigeant d’un cabinet de consulting installé à

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Montmélian, « le réseau professionnel, le réseau de partenaires, c’est à la fois une communauté d’opinions, d’intérêts et de manière de faire » ; « dès lors que je me retrouve avec des gens qui ont une vision du tourisme durable sous la forme d’un consensus. Ce qui implique une certaine démarche, on va dire une certaine éthique, du coup les choses se font facilement. Dans le réseau des gens avec qui je travaille, on sait comment, et pourquoi on travaille. C’est indispensable. […] Aujourd’hui, je ne travaille qu’avec des gens avec qui je partage des choses : ce que l’on a fait ensemble, mais aussi ce que l’on veut faire plus tard. D’abord c’est vachement plus agréable. Mais en plus on travaille mieux et le commanditaire ou les clients s’y retrouvent » (E. Bouchet, Alterespaces).

27 Souligner le rôle de ces valeurs et référents partagés implique toutefois de considérer la proximité de ressources de façon plus segmentée (par exemple en termes de sous- filières) ; qu’il s’agisse de cultures professionnelles liées par exemple à des secteurs d’activités (industrie, distribution, prestation de services…) et surtout de cultures sportives liées à des familles d’activités, comme par exemple entre sports en milieu « vertical » et sports d’eau vive.

Conclusion

28 Ni activité solitaire des acteurs, ni système d’interactions fortement structuré observable ailleurs dans quelques territoires exceptionnels, le fonctionnement ordinaire de la filière rhônalpine de « tourisme sportif de montagne » s’appuie de manière souple sur des proximités potentialisables autour de projets, de profils de compétence et d’identités professionnelles et (géo)culturelles. En ce sens, elle constitue une forme ordinaire de proximités géographique et organisée définissables comme un « potentiel [qui] peut être mobilisable ou activable par l’action et les représentations des acteurs » (Torre, 2010, p. 412). La région Rhône-Alpes se caractérise ainsi par une richesse de proximités variablement activées dans des configurations localisées de coordinations. Il s’agit donc moins de présupposer la détermination par le local que d’en faire un construit des interactions des acteurs. De fait, il paraît illusoire de vouloir systématiser les différentes formes d’interdépendance tissées à l’échelle régionale (Doloreux et Bitard, 2005).

29 Au contraire, il peut sembler intéressant de resserrer la focale afin d’observer au plus près les acteurs dans les modalités complexes de leurs liaisons concrètes. À cette échelle, la prise en compte des proximités pourrait s’appuyer de manière heuristique sur les outils descriptifs offerts par l’analyse sociotechnique et associationniste (Akrich, Callon, Latour, 2006). Plutôt que de postuler des effets (géographiques, systémiques), il s’agirait de décrire au ras du sol la manière dont se (re)configurent et parfois s’élargissent des réseaux autour de projets partagés. Dans cette perspective, la création d’un produit ou l’invention d’un nouveau territoire (Rech, Mounet, Briot, 2009) apparaît comme le résultat d’une consolidation progressive et incertaine associant des acteurs hétérogènes mais aussi des éléments non-humains (espaces, sites, équipements…). Une telle description pourrait ce faisant mesurer le poids des proximités (récurrences des liaisons favorables à la stabilisation des réseaux) et l’importance des éléments matériels et des localisations. En ce sens, le travail exploratoire présenté dans ce texte est actuellement poursuivi10 sous la forme de suivis

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sociotechniques de trajectoires d’innovation de plusieurs industriels sportifs rhônalpins.

30 Mais de la sociologie de la traduction on ne retiendra pas les recommandations radicales sur la neutralisation des médiations normatives du lien social (Quéré, 1989) sous la forme par exemple du partage culturel. De fait, à une autre échelle, l’analyse suggère que l’ensemble des acteurs reconnaît un fond commun qui apparaît nécessaire au fonctionnement du système. Abordé sous l’angle du partage, du vivre ensemble, de l’éthique, ce lien ténu mais essentiel renvoie in fine à ce que l’on pourrait appeler une intelligence culturelle territoriale (Bourdeau, Mao et Corneloup, 2008), encore largement sous-évaluée dans la pluralité de ses composantes structurelles et interactionnelles, organisées et informelles. Dans un secteur du tourisme et des loisirs qui doit faire face à des incertitudes et défis climatiques, énergétiques et économiques, cette intelligence offre aux acteurs qui la partagent une faculté d’adaptation accrue, à charge pour eux de la conforter grâce à des dispositifs de médiation et d’animation plus participatifs, apprenants et réflexifs, en même temps qu’orientés vers la créativité et l’action.

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NOTES

1. Ce travail s’appuie d’une part sur l’établissement et le traitement de plusieurs bases de données spécifiques construites entre 2002 et 2006 (Espaces, Sites et Itinéraires, pratiquants, opérateurs industriels, culturels et sportifs, prestataires de services sportifs…) ; et d’autre part sur des entretiens approfondis réalisés avec 18

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professionnels (dirigeants, managers) représentant la diversité des types d’organisation de la filière. 2. Chamonix et le massif du Mont Blanc pour l’alpinisme, les réseaux savoyards (Gouffre Berger…) pour la spéléologie, etc. 3. Les fédérations sportives de montagne connaissent un fort développement tant d’un point du vue du nombre d’adhérents que des taux de pénétration largement supérieurs aux moyennes nationales (ex. : 7 pour 1000 habitants pour le CAF). La Région concentre ainsi pour le CAF et la FFME entre 30 et 40% des pratiquants fédérés français. 4. Dimension assurément relative, devant tenir compte des distances fonctionnelles, des coûts de déplacement ou de transports, des infrastructures, mais aussi des perceptions des acteurs. 5. « Elle concerne différentes manières qu’ont les acteurs d’être proches, en dehors de la relation géographique, le qualificatif « organisée » faisant référence au caractère agencé des activités humaines, et non à l’appartenance à une organisation en particulier » (Torre, 2010, p. 415). 6. Sachant qu’un grand nombre de salariés de ces entreprises sont eux-mêmes pratiquants, plusieurs dirigeants évoquent également la localisation comme facteur d’attractivité de collaborateurs performants. 7. Le même PDG, listant des produits pour lesquels le lien direct avec les pratiquants a été décisif, explique combien cette proximité est un « sucre lent » de l’innovation : « Le contact avec les grimpeurs, la proximité géographique de certains des lieux incomparables de cette évolution, ça nous a aidés à saisir la transformation du rapport à la chute, la culture montagne – on ne tombe pas. Un changement de mentalité absolu ». 8. Qui coordonne localement des partenaires d’expertise et de recherche (Ifremmont, ENSA…) et des partenaires institutionnels (Compagnie du Mont-Blanc, Outdoor Sport Valley…). 9. Cette proximité fait l’objet d’une (re)construction permanente : « En tant que responsable promotion chez Petzl, ils voulaient notamment un guide, et qui avait une bonne expérience des événements et des médias. Alors j’ai pu négocier avec mon poste de conserver une activité de guide en prenant des congés sans solde dans la mesure où ça n’interfère pas avec les événements et les trucs importants. Je leur ai fait pointer du doigt le fait qu’être à la promotion et gérer tout ce qui fait en montagne au sein d’une société, si tu perds le contact direct avec le milieu et les réalités des pratiquants, t’es comme un journaliste qui sortirait jamais de son bureau. Et puis j’ai besoin d’être affûté comme je bosse avec le bureau d’étude » (id.). 10. Dans le cadre d’un contrat ANR TIMSA (Territoire, Innovations, Marchés et Sports dans les Alpes).

RÉSUMÉS

S’il est aujourd’hui reconnu que la région Rhône-Alpes se caractérise par une concentration singulière d’entreprises sportives, en particulier dans le secteur des sports de montagne et de nature, ce phénomène ne semble pas relever des paradigmes classiques analysant les interrelations territorialisées entre acteurs industriels, de recherche et de formation. Ces constats ne signifient pas l’absence à l’échelle rhône-alpine d’interactions fortes entre acteurs géographiquement proches, mais incitent à aborder ce phénomène à partir d’une approche plus descriptive et mesurée. À partir des résultats d’une enquête croisant géographie économique et géographie culturelle, cet article commencera par montrer en quoi Rhône-Alpes supporte une

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filière « Tourisme sportif de montagne et de nature » de premier rang en détaillant ses caractéristiques structurelles et territoriales : échelle spatiale élargie, pluralité des acteurs et fonctions interreliées… Dans une démarche compréhensive, nous essaierons ensuite de montrer l’existence de configurations localisées de coopérations, fondées sur une complémentarité de proximités géographiques et socio-économiques. À l’heure d’un questionnement des politiques publiques centralisées de clustering (Duranton et al., 2008), il semble ainsi légitime d’observer les dynamiques « spontanées » entre organisations pour comprendre de manière plus réaliste les liens entre l’attractivité des territoires et la compétitivité d’une filière.

INDEX

Mots-clés : filière, montagne, proximité géographique, proximité socio-économique, sport, tourisme

AUTEURS

ÉRIC BOUTROY Centre de Recherche et d’Innovation sur le Sport (CRIS, EA 647), Université de Lyon [email protected]

PHILIPPE BOURDEAU Département Territoire (UMR PACTE), Université de Grenoble [email protected]

PASCAL MAO Département Territoire (UMR PACTE), Université de Grenoble [email protected]

NICOLAS SENIL Département Territoire (UMR PACTE), Université de [email protected]

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Combination of geographical and socio-economic proximities The “mountain and nature sports tourism” commodity chain in the Rhône-Alpes region

Éric Boutroy, Philippe Bourdeau, Pascal Mao et Nicolas Senil

1 The role of space in economic dynamics was taken into consideration at a relatively late stage. In spite of a few pioneer works examining the heterogeneous localisation of individuals, possessions and phenomena (from Marshall to Von Thunen), it was not until the 1980s that space ceased to be considered solely as a neutral support for economic activity and exchange, but was rather seen as having an active role in development processes. Comprehended as a social construct, territory appears to be connected with various proximities, potential creators of comparative advantage.

2 In taking a close interest in a number of exceptional cases of economic or technological innovation hubs, research has revealed, within these productive complexes, both the existence of intense relationships between the various firms and close local system ties generating common cultures and shared know-how. The various works have given rise to various conceptualisations, – Industrial District (Beccatini, 1989), Local Production Systems (Courlet, Pecqueur, 1991, Gilly, Grossetti, 1993, Courlet, 1994), Innovative Milieu (Maillat, Quévit, Senn, 1993, Camagni, Maillat, Matteaccioli, 2004), Cluster (Porter, 2000) – which, over and beyond their nuances, share a certain number of fundaments, including systemic apprehension of productive firm conglomeration, relatively tight co-localisation generating positive externalities, and consideration of cooperative relations.

3 Conceived as a sociocultural construction resulting from the localised interactions of actors in the system, territory is placed at the heart of the functioning of the organisational modes of these productive forms. It thus offers a dialectic between geographical proximity and organisational proximity (Pecqueur, Zimmerman, 2004), which “fosters the existence and sustainability of social relations on the basis of which this cooperation may develop” (Grossetti, 2004). From this perspective, “territory, considered as a social system and not merely a spatial one, is obviously a favoured

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supplier of these relational resources” (Veltz, 2002). Recognition of this is visible in the renewal of public town and country planning policies that today encourage localised grouping of a given sector’s economic and research activities: local production systems, competitive hubs, clustering, rural centres of excellence, regional innovation centres etc.

4 Although it will be necessary to support this observation, the Rhône-Alpes region is today acknowledged as featuring an exceptional concentration of sports organisations and as being the nationwide leader in the sub-sector of nature and mountain sports, as much in terms of its sports spaces, practice sites and itineraries, professional support, training and research skills, as of industry and specialised distribution, mass media etc. It may therefore be considered surprising that the concepts of proximity be put to the test here without yielding any conclusive results. The phenomenon would thus not appear to fall within the classic paradigms for analysing the territorialised interrelationships between actors in the fields of industry, research and training. On the academic side, it has not been possible, for example, to validate the hypothesis concerning the existence of an “innovative milieu” in the sporting goods industry in Rhône-Alpes (Aydalot, 1986; Hillairet et Richard, 2004 et 2005). On the more operational side, the delay in attempts at top-down structuring and management must be noted: negative assessment of the Sporaltec sport innovation cluster certified in 2005 (BCG and CMI, 2008), and the dispersion and nebulousness of the institutionalised forms of organised groupings (Sporaltec, Industrie de la neige and Industries de la Montagne clusters, Sport et Loisirs Outdoor cluster project, Réseau Montagne of Savoie’s Chamber of Commerce and Industry, Outdoor Sport Valley business cluster, etc).

5 While strict application of regional science models does not appear to be conclusive in this particular case, the wish is to show that there exists, nevertheless, strong interaction between actors who are not only geographically, but also culturally close. Rather than seeking to verify (or not) the existence of the previously mentioned exemplary systemic forms, the more modest aim of this article is to endeavour to highlight both the existence and certain characteristics (geographical, relational) of a “mountain and nature sports tourism” commodity chain at the Rhône-Alpes level.

6 Among the various meanings of commodity chain (Sekkat, 1987), a fairly wide definition shall be adopted: a set of activities articulated (and sometimes integrated) vertically (upstream-downstream relationship), as well as horizontally (as a support or in complementarity), combining to enable final consumption of nature sports. It will therefore be necessary to take into account several permanently interacting subsystems: the classic value chain of production/distribution of sporting goods, that of production and valorisation of sports sites and spaces (design/manufacturing/ promotion/management) which enable or develop use of the aforementioned goods, and all support functions (training/research/support). The advantage of the commodity chain notion is that it gives greater flexibility to the organisational and productive paradigm. Rather than being limited to certain types of organisation (following the example of the industry-research-training triptych of the innovative milieu), it makes it possible to take into consideration a great number of actors whose activities are interlinked (media and publishers, event organisers, clubs and sports movement) in order to produce spaces, goods, services and information relating to singular sports consumption. The systemic dimension is less marked and makes it possible to describe productive configurations: flexible articulations, network,

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recombination by leaving open the coordination methods taken into account (market, contracts, rules, as well as non-formalised cooperation, donations etc).

7 On the basis of the results of a study cross-cutting geoeconomic and geocultural approaches (Bourdeau et al., 2007), 1 this article will first show how the Rhône-Alpes region sustains a leading “mountain and nature sports tourism” commodity chain, by detailing its structural and territorial features, including broadened spatial scale, plurality of actors and interrelated functions. On the basis of a comprehensive approach founded on case analysis, an attempt will be made to show the existence of localised cooperation configurations based on the combination of several forms of proximity, which give them pertinence. Endeavours will likewise be made to show the necessity of taking into account the territorial and cultural substratum in order to understand functional relationships.

Structural and functional diagnosis of a “mountain and nature sports tourism” commodity chain in Rhône-Alpes

8 Nature and mountain sports tourism is one of the structuring elements of the Rhône- Alpes territory. Territory issues in their broadest sense (natural spaces, activities, planning, infrastructure, development, space use management, environmental and security management, governance, actors, representations and identities, etc.) become all the more acute in that territory constitutes the fundamental resource of attractiveness and recreational activity for both local leisure practices and tourism.

9 The Rhône-Alpes region constitutes a “flagship” region that is systematically positioned at the forefront of national supply in terms of nature sports activity spaces and sites for most mountain practices, from both a quantitative point of view and that of site quality.2

Table 1. Summer mountain and nature sports activity spaces

Position of the Rhône- Number of sites where activity % share of sites in Rhône- Activities Alpes region is practised in the Rhône- Alpes compared with nationally Alpes region national supply

Rock 1st 492 25 % climbing

Via ferrata 1st 34 60 %

Canyoning 2nd 168 33 %

Alpinism 1st 260 -

Speleology 1st 541 30 %

10 Such wealth constitutes a factor of attractiveness for practising inhabitants3, sports tourism professionals (guides and instructors, services…) and, through synergy, for the

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commodity chain. In classic models, analysis focuses on actors who appear to be the most directly involved in technical innovation, i.e. distribution industry and training- research services. Here, the choice has been made to widen the focus in order to encompass the economic and sports commodity chain in an extensive manner, by including industrialists and manufacturers, training centres, recreational space designers, consulting, expertise and engineering firms, wholesalers and retailers, publishers and press groups, trade unions and professional organisations, and specialised agencies. In 2006, this territorial cultural and productive fabric incorporated, de facto in Rhône-Alpes, over 370 socio-economic operators with national, not to say international visibility, and as diverse as they were complementary in the sector of leisure and mountain and nature sports tourism (Figure 1).

Figure 1. Functional and relational field of the “tourism and nature and mountain recreational sports” commodity chain in Rhône-Alpes

11 These actors are established throughout the region’s territory with strong polarities around the cities and suburbs of Grenoble, Chambéry, Lyon, Annecy and, to a lesser extent, Chamonix. Over and beyond the well-known ski sector (Rossignol, Salomon etc.), reference may also be made to Eider in the Ain department, Lafuma in the Drôme, Francital and Rivory-Joanny in the Loire, Petzl, Entreprises and Béal in Isère, Frendo in Savoie, Millet, Simond, Quechua and Wedzee in Haute-Savoie, to name but a few. In a similar vein, the concentration in Rhône-Alpes of the main non-specialised and specialised mountain journals, from Alpes Magazine (Chambéry) to L’Alpe (Grenoble), and from Vertical to Montagnes Magazine should also be noted, as should that of most of the publishers positioned in the mountain niche (Arthaud, Glénat, Guérin, Alzieu, Editions de Belledonne, Ex Libris). Similarly, Rhône-Alpes is nationally the main residential and professional concentration of mountain sports professions, i.e. roughly 20,000

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professionals, and thus logically the place for all their professional associations – in Chambéry, Montmélian and Meylan.

12 Finally, the national and international reputation of the specialised training and research centres should be mentioned, with ENSA/ENSM in Chamonix, ANENA, CEMAGREF and Centre d’Études de la Neige in Grenoble, not forgetting the university complexes of Chambéry (CISM, Institut de la Montagne) and Grenoble (Institut de Géographie Alpine with its centre in Ardèche, CERMOSEM, UFR STAPS, CERAT).

Map 1. Local distribution of economic actors per activity type in Rhône-Alpes in 2006

13 According to Map 1, it would appear that by being directly linked to mountain sports, the phenomena concerning tourist visits, local sports practice and industrial, professional, cultural and scientific know-how observed at regional level (Augustin, 2002), constitute a global socio-territorial supply that may be described as “an international stronghold of mountain sports” at European level. Such representation is both classic (“Chamonix, world capital of Alpinism”, “La Tarentaise, world capital of Alpine skiing”, etc.) and under-valorised from the perspective of the globality of the phenomena, which appears to constitute the identity of the Rhône-Alpes region. This phenomenon seems all the more significant since the geography of the nature sports commodity chain is organised as much according to the proximity of recreational sport spaces as of urban centralities (Figure 2).

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Figure 2. Diagram schematising the spatial organisation of the nature and mountain sports commodity chain in the Rhône-Alpes region in 2006

A configuration of twofold geographical and organised proximity

14 As considered here, the “Rhône-Alpes nature and mountain sports” commodity chain distinguishes itself by a great diversity of activity types, scope for intervention and actors’ competence, which all combine to produce or maintain a supply of sports and leisure activities and facilities. This observation reinforces the idea concerning the existence of a commodity chain, by suggesting a possible articulation or complementarity between activity sectors represented at regional level with centres organised around the metropolises of Rhône-Alpes. The hypothesis concerning the existence of a “territorial effect”, based on proximities between recreational spaces, living spaces perceived as catchment areas producing followers, and production areas associated with consumer spaces may thus be put forward. Yet, over and beyond different forms of concentration, both horizontal and vertical, do the many economic agents observed benefit from positive effects linked to the effects of proximity?

15 Using the works of the French School of Proximity (Torre, 2008) as a base, it is possible to clarify the different forms of proximity (Bouba Olga and Grossetti, 2008). It has therefore been agreed to distinguish spatial proximity, comprehended in terms of localisation and physical distance4, and organised proximity, comprehended in terms of socio-economic contiguity5. The latter covers two forms: coordination proximity, pragmatically linked to systems (network, mediation) that structure or stimulate concrete interactions; resource proximity, linked to the sharing of material frameworks of reference (assets, social status, etc.) or of cognitive ones (knowledge, culture, norms, etc.), similar or compatible, which facilitate exchange and coordination. Mobilised in this way, these notions may help shed light on both co-

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localisation and interaction between the actors of the Rhône-Alpes sports commodity chain.

Composite geographical proximity

16 Geographical proximity, which may be recognised by the co-localisation of those actors potentially in favour of liaison, should not mask the connection between a manufacturer and emblematic sites. “Annecy represents a very interesting crossroads. To start with, it is 60 kms from Grenoble, near Lyon, but likewise not far from the international side: Switzerland, Italy… It is convenient. Annecy also ‘condenses’ all mountains: winter and summer, high mountains, mid-altitude mountains and the low valley, performance, fun and leisure. Annecy is a concentrate of outdoor activities. The proof is that everyone can find what they’re looking for at Salomon. And most of all, we’re right next door to super symbolic places. I’m thinking, for instance, of the Mont Blanc and Chamonix. There’s history all around us. We can relate to all that. This is where we feel good. This is where we are creative. This is where we are visible” (J.Y. Couput, Salomon).

17 In this respect, there exists a proximity effect between recreational spaces (where the activities take place), practising sportspeople6 and production spaces for goods and services, as may be seen by the presence of Petzl (Crolles), Lafuma (Anneyron), Expé (Auberives-en-Royans) or more recently Raidlight (Saint-Pierre-de-Chartreuse). M. Béal, CEO of the world’s leading rope manufacturing company (for leisure activities and safety professionals) explains the decision to keep his company in Vienne (Isère) in terms of local externalities, including exchange facilitation, iteration and expertise. “After all, we are in an environment close to the mountains. Above all, we have a prime location here, since we’re not far from Chamonix, only two hours away. And it’s good we’re not too far from Chamonix because we’re always working with people over there, ENSA for instance. Also, the tests for our ropes are done in Grenoble – the main testing lab is APAVE, in a word one of the three labs worldwide doing these tests, in Fontaine to be more precise. It’s much more convenient to be close to them. This proximity, we could manage without it, but it is better this way: if there’s a problem with a test, a difference in interpretation of the norm or result, we’re there in an hour and can see how they’re doing it. We solve the problem straightaway. And the road to the south goes through here, that’s for sure, with all the major national climbing areas: Buoux, Cimaï, Calanques, Sainte Victoire. So, we have a particularly good location on the road of technical advisors and practisers.7 The place is an additional asset, even if it isn’t decisive” (M. Béal, Béal).

18 As an illustration of the process, the case of Chamonix is exemplary. On account of the strong identity of the place and its international reputation in mountain sports, many firms have been encouraged to set up there, wishing to link the image of the Mont Blanc to their production and, at the same time, take advantage of other actors and practising areas conveniently located nearby. By way of example, it is possible to mention, inter alia, equipment manufacturers Simond, Charlet-Moser and Grivel, the publishing company Guérin, ENSA for training and expertise, and a great number of wholesalers and specialised agencies, etc. The Quechua brand (Oxylane Group), whose office for conception, design and market is located in Domancy (with the functional and symbolic proximity of Saint-Gervais Mont Blanc), has undergone

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sprawling development in the Pays du Mont-Blanc (Chedde, Fayet, Passy, Magland), with the aim of forming a “vertical production chain” going from test design to field tests, via production, promotion and marketing. A Quechua showcase store was even opened in Chamonix in February 2012, representing a symbolic connection at the foot of the Mont Blanc. The recent creation of a Mountain Lab8 in Chamonix, as a technoscientific testing platform under real conditions for the outdoor industry, and intending to create a “Tested at the Mont Blanc” label, testifies to this territorial effect, as well as illustrating how proximity is linked to coordination or resource systems.

Formal and informal organised proximity

19 It is a fact that there exists strong interaction between geographical groupings and organised proximity in Rhône-Alpes, providing a clear illustration of how “the spatial proximity of organisations impacts the spatial proximity of individuals, in turn impacting individual relational proximity, which encourages groupings between organisations, providing they are complementary” (Bouba-Olga, Grossetti, 2009).

20 Coordination proximity is the first identifiable form, in particular in the gradual “embedding of relationships into locally constituted social or individual networks” (Bouba Olga et al., 2009). These personal relationship chains were given great importance in the accounts received during the study, with real evidence that “at least partially non-commercial relations exist between the organisations of these systems, resulting, among other things, in the sharing, diffusion or mutual construction of technical and economic knowledge” (Grossetti, 2004).

21 E. Le Lann, Communications Manager at Petzl, described his relations with a brand that would progressively become his employer as lightly formalised exchange that included equipment donations (for high-level athletes) for communication purposes, spontaneous feedback (technical expertise, promotion), durable relations, and recruitment as technical advisor then manager. “The relationship I have today with Petzl […] has built up gradually, as the years have passed, and for a long time, we didn’t really realise exactly what we had exchanged” (E. Le Lann, Petzl).

22 In fact, the activities of this high mountain guide make an emblematic link with a great number of the commodity chain’s clusters, between which direct or non direct relationships are being woven. He was, for example, member of a high-level federation team (FFME), graduated from ENSA (74), was member of a professional syndicate (SNGM, 73), event organiser (Ice World Cup) and, as a result, in contact with a large number of firms and authorities, he had a contract as technical advisor with several equipment manufacturers before being recruited by one of them as sponsorship and event manager (Petzl, 38), was a freelance journalist for the specialised press (Glénat, then Nivéales, Grenoble), and made mountain documentaries (Seven Doc, Grenoble), while continuing to work as an independent guide (due to an explicit desire to maintain a direct link with the reference markets). Based on durable and recurring relations, this network represented, when activated, what Torre (2010) referred to as a great “potential source of interaction or mutual actions”9.

23 It was indeed on the basis of slightly formalised personal relationships and ways that partnerships were initiated between a professional trade union and industrialists, with the aim of progressively disembedding the personal dimension. “It happened in a rather makeshift way at the beginning. One of us knows such-and-such a company well,

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and from it, we could receive a small amount of support. The first definite collaboration, collectively bargained, was with Béal, who had already given us, 10-12 years earlier, equipment donations for our retraining [refresher training for guides carried out by the Syndicat national des guides de montagne (SNGM) (French National Union for Mountain Guides]. As for us, we had top-level equipment, and Béal had preferential contact for presenting his products, his new things to intense users, who are also effective ‘prescribers’. Retraining courses today are the opportunity for most of the major brands to support us. In exchange, they can take part in the exhibition we organise at each general assembly: that means between 300 and 400 guides, not to mention the media coverage” (B. Pellicier, President of the Syndicat national des guides de montagne).

24 Yet, coordination proximity may also be based on mediating institutions likely to bring into contact and facilitate the pairing of actors and resources. The many setups mentioned previously (SPL, clusters, etc) are from this field in a top-down structuring of coordination, supported by a patchwork of institutions (DATAR, MITRA, CIADT / RFIS, CCI, etc). There exist, nevertheless, further forms of mediating coordination (of the bottom-up type) through variable formalisation (institutionalisation, centralised decision-making) of cooperation: spin-off, extended enterprise, institutionalised network. Created in 1989, the company Dianeige has always been rooted in Rhône- Alpes. Based initially in Savoie, after being set up by Louis Guily, it moved, in 1996, to Grenoble where it employs 20 people. Focused on the field of tourism engineering, its activity simultaneously combines planning and development consulting and main contractor services in a sector –skiable area industry– that is relatively wide and covers both the indoors and outdoors. Needless to say, the extent of know-how necessary for project management is immense and has required the setting-up of a “club of experts [main contractor work in ski lift installation, environmental expertise, marketing] that we mobilise whenever necessary. At other times, we meet directly to respond to a call for tender and be stronger”. This extended way of working is indissociable from recognition, duration, trust and reciprocity. “As a result, it is very easy to work like that. We know exactly who we can count on. We also know each other personally. And it is true that at other times, we may, in turn, be called upon by some of our partners when they need are skills. It means we can be reactive and benefit easily from skills we don’t have in-house”.

25 The “mountain sports tourism” commodity chain is likewise characterised by an important role of the organised proximity of resources. Alongside classic social proximity, of the social capital type for example, the “similarity or complementarity of values, “self-evidences”, projects, routines, conventions and referents, etc” (Bouba- Olga, Grossetti, 2008) facilitates the circulation of knowledge and sharing of trust, sometimes tacitly, as indicated explicitly by several actors in their descriptions of the Salon International de Grenoble (SIG) (Grenoble International Exhibition) as an affinity microcosm where, behind the functional dimensions (promotion, competitor observation), it is possible to see the whole commodity chain and “to a certain extent, this sharing of history, of values, [which] encourages collaborative work” (J.-M. Asselin, former editor in chief at Vertical).

26 There exists, therefore, a social framework conducive to exchange and cooperation where the feeling of belonging (personal relations between actors) and similitude (shared cultures and resources) are articulated. For Eric Bouchet, manager of a

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consulting firm established in Montmélian, “the professional network, the partner network, is a community of opinions, interests and approaches, all at the same time”; “from the moment I find myself with people who have a vision of sustainable tourism in the form of a consensus. Which implies a certain approach, let’s say a certain ethic, as a result everything happens easily. In the network of people I work with, we know how and why we work. It’s essential. […] Today, I only work with those people I share things with: what we’ve done together, but also what we want to do later on. For a start, it’s a damn sight more agreeable. But, what’s more, we work better, and the orderer and clients are happy”. (E. Bouchet, Alterespaces).

27 Highlighting the role of these shared values and referents implies, however, considering resource proximity in a more segmented manner (for example in terms of sub-commodity chains); in the case of professional cultures linked, for example, to activity sectors (industry, distribution, service provision, etc) and, more especially, sports cultures linked to activity families, as, for example, between vertical sports and white water sports.

Conclusion

28 As neither the solitary activity of actors, nor the system of heavily structured interaction observable elsewhere in some exceptional territories, the normal functioning of the Rhône-Alpes “mountain sports tourism” commodity chain is loosely based on potentiatable proximities around projects, and professional and (geo)cultural competence and identity profiles. In this sense, it constitutes a normal form of geographical and organised proximities, definable as a “potential [which] may be mobilisable or activable by the action and representations of the actors” (Torre, 2010, p. 412). The Rhône-Alpes region is therefore characterised by a wealth of proximities that are variably activated in localised coordination configurations. It is consequently less a question of presupposing determination by localness than making it a construct of actors’ interactions. In fact, it appears illusory to intend to systemise the different forms of interdependence woven together at regional level (Doloreux, Bitard, 2005).

29 On the contrary, it may be interesting to narrow the focus for a close-up observation of the actors within the complex modalities of their concrete liaisons. At this level, the consideration of proximities may draw heuristically on the descriptive tools offered by sociotechnical and associationist analysis (Akrich, Callon, Latour, 2006). Rather than postulating the effects (geographical, systemic), it would be more a question of describing, at ground level, the way in which networks are (re)configured and sometimes widened around shared projects. In this perspective, the creation of a product or invention of a new territory (Rech, Mounet, Briot, 2009) appears as the result of progressive and uncertain consolidation associating heterogeneous actors, as well as non-human elements (spaces, sites, equipment, etc). Such a description would, in doing so, be able to measure the influence of the proximities (recurrence relations favourable to network stabilisation) and the importance of material elements and localisations. In this sense, the exploratory work presented in this text is currently being continued10 in the form of sociotechnical tracking of the innovation trajectories of several sports industrialists in Rhône-Alpes.

30 However, from the sociology of translation, the radical recommendations on the neutralisation of the normative mediation of social linkage shall not be taken (Quéré,

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1989) in the form of cultural sharing, for example. In fact, on a different level, analysis suggests that all actors recognise a common base which appears necessary for the functioning of the system. Considered from the perspective of sharing, living together and ethics, this fine but essential link refers in fine to what may be called cultural territorial intelligence (Bourdeau, Mao et Corneloup, 2008), still greatly undervalued in the plurality of its structural, interactional, organised and informal components. In a tourism and leisure sector that is dealing with climate, energy and economic uncertainty and challenges, this intelligence offers actors who share it greater adaptability, with the responsibility of reinforcing it thanks to more participative, instructive and reflexive mediation and management means directed, at the same time, towards creativity and action.

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NOTES

1. This work is based, on the one hand, on the setting-up and processing of several specific databases created between 2002 and 2006 (Espaces, Sites et Itinéraires (ESI) (spaces, sites and itineraries), practisers, industrial, cultural and sports operators, sports service providers); and, on the other, on detailed interviews with 18 professionals (leaders, managers) representing the diversity of the organisation types in the commodity chain. 2. Chamonix and the Mont Blanc Massif for alpinism, Savoie (e.g. Gouffre Berger) for speleology, etc. 3. Mountain sports federations are undergoing strong development in terms of both member numbers and penetration rates which are significantly higher than national averages, e.g. 7 per 1000 inhabitants for the Club Alpin Français (CAF) (French Alpine Club). Indeed, for the CAF and Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade ( FFME) (French Mountain and Climbing

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Federation), between 30 and 40% of French practising federation members are concentrated in the region. 4. The dimension is undoubtedly relative, having to take into account functional distance, travel and transport costs, infrastructures, as well as actors’ perceptions. 5. “It concerns the different ways in which actors may be close, beyond geographical relationship, with the term ‘organised’ referring to the structured nature of human activities and not to the fact of belonging to a particular organisation” (Torre, 2010, p. 415). 6. Taking into account the fact that a large number of the people working in these companies are also themselves practising sportspeople, several leaders also consider localisation as an attractiveness factor for high-performing colleagues. 7. The same CEO, when listing the products for which the direct link with practising sportspeople had been decisive, explained to what extent this proximity was the “slow burning fuel” of innovation: “Contact with climbers, geographical proximity of some of the incomparable places in this evolution, all of that helped to understand the transformation in the relationship with falling, in mountain culture – you don’t fall. A completely new way of thinking”. 8. Responsible for coordinating expertise and research partners locally (Ifremmont, ENSA, etc.) and institutional partners (Compagnie du Mont-Blanc, Outdoor Sport Valley, etc). 9. This proximity is being (re)constructed on a permanent basis: “As Promotions Manager at Petzl, they particularly wanted a guide, and one who had strong experience in events and media. So, I could negotiate continuing to work as a guide alongside my job by taking unpaid holiday, as long as it didn’t interfere with any events or important things. I pointed out to them that while doing promotional work and managing everything to do with mountains in the company, if you lose direct contact with the milieu and people’s realities, you’re like a journalist who never leaves his office. And, in any case, I need to be razor-sharp as I work with the research department” (id.). 10. As part of an ANR (Agence Nationale de la Recherche) (French National Research Agency) contract entitled TIMSA (Territoire, Innovations, Marchés et Sports dans les Alpes) (Territory, Innovations, Markets and Sports in the Alps).

RÉSUMÉS

While it is today acknowledged that the Rhône-Alpes region is characterised by a singular concentration of sport-related firms, specialising particularly in the mountain and nature sports sector, the phenomenon does not appear to fall within classic paradigms for analysing the territorialised interrelationships between actors in the fields of industry, research and training. Such observations do not imply the absence, in Rhône-Alpes, of strong interaction between geographically close actors, but rather prompt a more descriptive and measured approach in addressing the phenomenon. On the basis of the results of a study cross-cutting economic geography and cultural geography, this article will first show how the Rhône-Alpes region sustains a leading “mountain and nature sports tourism” commodity chain, by detailing its structural and territorial features, including broadened spatial scale, plurality of actors and interrelated functions. As part of a comprehensive approach, an attempt will then be made to show the existence of localised cooperation configurations, based on complementarity of geographical and socio-economic proximities. At a time when centralised public cluster policies are coming under question (Duranton et. al., 2008), it would seem legitimate to observe the

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“spontaneous” dynamics between organisations, in order to gain a more realistic understanding of the link between the attractiveness of the region’s territories and the competitiveness of a commodity chain.

INDEX

Keywords : commodity chain, mountains, geographical proximity, socio-economic proximity, sport, tourism

AUTEURS

ÉRIC BOUTROY Centre de Recherche et d’Innovation sur le Sport (CRIS, EA 647), University of Lyon [email protected]

PHILIPPE BOURDEAU Département Territoire (UMR PACTE), University of Grenoble [email protected]

PASCAL MAO Département Territoire (UMR PACTE), University of Grenoble [email protected]

NICOLAS SENIL Département Territoire (UMR PACTE), University of [email protected]

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