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Séquences La revue de cinéma

En terres (in)connues The Good Lie Julie Vaillancourt

Numéro 294, janvier–février 2015

URI : https://id.erudit.org/iderudit/73402ac

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Éditeur(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique)

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Citer ce compte rendu Vaillancourt, J. (2015). Compte rendu de [En terres (in)connues / The Good Lie]. Séquences, (294), 28–28.

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Julie Vaillancourt algré le fait qu’il soit produit sous assises hollywoo- réfugiés soudanais sont incarnés par des acteurs ayant vécu de diennes, The Good Lie semble thématiquement lié au près où de loin cette guerre. Arnold Oceng et Kuoth Wiel sont Mparcours de Philippe Falardeau et le réalisateur n’y va des enfants de parents soudanais, tandis que Ger Duany, origi- pas d’une prostitution idéologique ou formelle afin de séduire. naire du sud du Soudan (autrefois enfant soldat), est réfugié aux Bien avant ce Monsieur Lazhar qui propulsera son aventure États-Unis, au même titre qu’Emmanuel Jal, à l’image de son américaine, ce natif de Hull étudie en sciences politiques et autobiographie War Child : A Child Soldier’s Story. Ceci rejoint relations internationales à l’Université d’Ottawa, fait La Course les théories de Jean Rouch – père du film ethnographique (sur destination monde, travaille comme caméraman sur Attendre l’Afrique d’ailleurs) – avec ce principe de fréquentation des fil- (Marie-Claude Harvey, 1995) – moyen métrage documentaire més, approche essentielle pour relater l’expérience documen- sur la famine au sud du Soudan – et réalise Pâté chinois (1997), taire. Évidemment, The Good Lie demeure un film de fiction, un moyen métrage sur l’immigration asiatique au Canada. Avec mais le choix d’un casting basé sur l’expérience soudanaise des The Good Lie, Falardeau n’est donc pas en terrain inconnu acteurs, plutôt que sur le mercantilisme d’un star-système, est puisque ce nouveau film s’imbrique à son curriculum. Si les judicieux pour incarner l’expérience du vécu. L’oscarisée Reese premières images nous présentent ces Soudanais qui quittent Witherspoon arrive tardivement dans la trame narrative dans pour l’Amérique, la narration fait rapidement basculer le récit le rôle d’une jeune femme aidant les Soudanais à intégrer leur – 13 ans plus tôt, alors que la guerre civile fait rage au sud nouvelle vie. du Soudan. Les quelques images bucoliques d’une jeunesse Étonnamment, la distribution du film par la Warner fut africaine s’effacent rapidement sous ces fusillades de pères et limitée. Au Québec, il prend l’affiche dans quelques rares mères, faisant place aux orphelins. De cette première partie, où salles (en version originale sous-titrée). Pourtant, The Good nous suivrons les enfants perdus du Soudan, on sent le regard Lie est bien fait : acteurs touchants, sujet d’actualité, héros du quotidien… Ces enfants perdus du Soudan ont des parcours du Falardeau documentariste ayant autrefois filmé les images héroïques, maintes fois relatés dans diverses autobiographies d’Attendre : l’observation anthropologique laisse parler les (dont Running for My Life de l’athlète américain Lopez sujets. Les enfants s’expriment dans leur langue, sans que la Lomong, réfugié soudanais) ou portés à l’écran, notamment musique de Martin Léon soit trop mélancolique, exploitation avec l’exceptionnel documentaire God Grew Tired of Us commune dans les productions du vétéran . Si on (Christopher Dillon Quinn, 2006) qui relate poétiquement, entre demeure dans le drame hollywoodien, les artifices cinémato- tragédie et humour, le parcours de trois réfugiés soudanais graphiques n’offrent pas une lecture trop appuyée, laissant lors de leur arrivée en Amérique. Si The Good Lie adopte une la quête des personnages parler d’elle-même. La distribution structure narrative similaire et présente une histoire touchante, favorise aussi l’approche documentariste puisque les quatre sans excès mélodramatiques, il ne possède cependant pas la puissance émotionnelle de God Grew Tired of Us où le choc culturel était authentique, se produisant sous nos yeux, ce que la fiction peut difficilement reproduire, malgré ses artifices. Comparer fiction et documentaire semble injuste, mais permet de revenir à l’essentiel : bien raconter une histoire, c’est faire revivre l’expérience d’une vie en suivant le désir d’un héros et sa transformation pour y parvenir. C’est d’autant plus puissant lorsque le désir est primal : survivre. ➤ Cote : ★½

■ LE BEAU MENSONGE | Origine : États-Unis / Kenya / Inde – Année : 2014 – Durée : 1 h 50 – Réal. : Philippe Falardeau – Scén. : Margaret Nagle – Images : Ronald Plante – Mont. : Richard Comeau – Mus. : Martin Léon – Son : Chris Durfy, Simon Rice, Perry Robertson – Dir. art. : Aaron Osborne – Cost. : Suttirat Anne Larlarb – Int. : Arnold Oceng (Mamere), Ger Duany (Jeremiah), Emmanuel Jal (Paul), Kuoth Wiel (Abital), (Carrie) – Prod. : Ron Howard, , Karen Kehela Sherwood, Thad Luckinbill – Dist. / Contact : Warner.

L'observation anthropologique laisse parler les sujets SÉQUENCES 294 | JANVIER — FÉVRIER 2015