Les temps modernes Modern Times FFICHE FILM de Charlie Chaplin Fiche technique Etats-Unis - 1936 - 1h25 Réalisateur : Charlie Chaplin Scénario : Charlie Chaplin Musique : Charlie Chaplin Interprètes : Chaplin (le vagabond) Résumé Paulette Goddard Charlot est ouvrier dans une usine. Il tra- Cela le conduit tout droit à l’hôpital. Une (la gamine) vaille sur une chaîne à serrer des boulons fois guéri, il se lance dans une vie nouvel- et est tout à fait incapable de suivre le le… Henry Bergman rythme infernal imposé aux équipes par le patron. Comble de malchance : c’est lui qui (le propriétaire du café) est choisi pour essayer la "machine à man- ger" individuelle, un prototype destiné à Chester Conklin améliorer encore le rendement des ouvriers. Elle se transforme vite en instru- (le mécanicien) ment de torture au point que même le patron la juge peu pratique. Charlot reprend son travail et glisse par accident parmi les rouages des installations qui font fonctionner la chaîne. Quand il en ressort, il est atteint d’une sorte de danse de Saint-Guy et prend les boutons des robes de femmes pour des boulons à resserrer. L E F R A N C E www.abc-lefrance.com 1 D O C U M E N T S Critique le style de Chaplin, sous une apparente grands moments de cinéma à l’état pur, simplicité, devient de plus en plus mûr des numéros où éclate le génie du et sophistiqué : voir par exemple comédien et du clown. J’admire tout Au fil des années, les durées des films l’avant-dernière séquence du restaurant cela sans réserve mais sans enthousias- de Chaplin s’allongent ainsi que celles et son mélange de plans fixes (à l’inté- me. A vouloir tout centrer sur son per- des tournages et de l’intervalle qui rieur de la cuisine) et de plans en mou- sonnage, Chaplin limite son horizon qui sépare deux œuvres. (Le tournage des vement dès que Chaplin pénètre sur la ne s’ouvre jamais sur une expansion Temps modernes dura dix mois et cent piste et dans la salle où dînent les vers les autres, comme par exemple, il mille mètres de pellicule environ furent clients. Paulette Goddard interprète aurait dû y parvenir avec Paulette impressionnés.) Parallèlement, I’ambi- l’une des héroïnes les moins intéres- Goddard. Cet égocentrisme forcené, tion et l’universalité de l’auteur augmen- santes de l’œuvre de Chaplin. Son per- maladif, empêche Chaplin d’atteindre à tent, mais pas toujours son succès (celui sonnage, dénué de relief et d’émotion, la grandeur, contrairement à ce que l’on des Temps modernes sera très mitigé sert surtout à assurer à la fin la victoire affirme de tous côtés. On reste toujours à l’époque). Inspiré très partiellement de l’amour allié à l’individualisme contre au niveau des seules situations sans par A nous la liberté de René Clair, l’anonymat servile et la cruauté de la éclatement véritable. Tout est trop rai- Chaplin livre ici une grande fresque sur société. sonnable y compris la déraison. L’habili- (et contre) le machinisme attaqué au Les temps modernes apparaît comme té est toujours visible. La poésie est en nom de la dignité de l’individu. le film le plus dynamique et le plus effet recherchée consciemment au Le film est aussi une satire dirigée serein de l’auteur. L’individu y est même titre que l’émotion. L’une contre la mécanisation de toute la vie certes, par essence, la victime de la s’attache aux objets extérieurs, à un cer- sociale qui amène à ne juger les société mais c’est une victime qui peut à tain décorum, l'autre s’égare dans la hommes qu’en fonction du rendement et l’occasion se moquer de ce qui l’opprime sentimentalité. Un doute alors s’impo- des apparences. Que de malentendus et en passant à travers les mailles du filet se : le cinéma a-t-il été, pour Chaplin, de quiproquos dans cette intrigue ! ils et les rouages de la machine. autre chose qu’un moyen de réussir ? ont lieu aussi bien à la prison, à l’usine Jean Tulard Philippe Soupault (autre bagne) que dans la rue et fournis- Dictionnaire du cinéma in "Charlot" sent à l’auteur une source inépuisable de gags et de situations comiques. Individualiste forcené, Chaplin l’est C’est le premier film de Chaplin à affron- Les Temps modernes furent accueillis autant comme personnage que comme ter le public après une longue absence. en 1936 par quelques réserves. C’est créateur. Cinq ans après la sortie des Le succès acquis d’avance par l’habile avec ce film que commencèrent les sou- Lumières de la ville (février 1931 à concert des louanges adressées à pirs traditionnels sur le tort qu’ont les New York), il persiste à offrir au public l’auteur et la curiosité qui s'attache aux clowns arrivés de vouloir philosopher un film sonore mais non parlant où les oeuvres rarissimes, n'entrera pas en sur l’homme et la société. Reproche qui "dialogues" consistent principalement ligne de compte dans l’appréciation de fit aussi le fond des réserves formulées en borborygmes, aboiements, cris divers ce film. Le décor de la cuisine n’a pas contre M. Verdoux et Limelight. Je ne et enfin en une chanson aux paroles d’influence directe sur la qualité du plat sais s’il faut l’attribuer au recul qui informes interprétée par Chaplin qu’on y prépare. Dans le film de Chaplin, remet bien des choses en place, mais lui-même dont on entend la voix pour la le canard à l’orange convoité par un cette critique apparaît aujourd’hui première fois. Le son demeure pour lui client impatient de s’en lécher les comme un lourd contresens. objet de dérision et matière à nombreux doigts, restera accroché sur le lustre de Il se peut qu’au lendemain de la crise gags : ex. Ie chien qui aboie quand il la salle de restaurant . On peut voir ici mondiale, à l’aube du Front populaire, les entend les bruits d’estomac de la femme l’image même du sentiment éprouvé en allusions politico-sociales parussent une du pasteur en visite à la prison. Le rire face des Temps Modernes : la convoi- volonté de satire directe (encore que chez Chaplin vient à la fois du plus pro- tise trop longuement aiguisée, on reste confuse). Ce qui se dégage au contraire fond du sujet (la société vue comme lieu un peu sur sa faim quand le maître tout maintenant, c’est la hauteur que prend privilégié du triomphe des masques et puissant décide de l'apaiser. Ce n’est Chaplin sur son sujet et la constante pri- des faux-semblants) et d’une rare virtuo- pas un os que Chaplin jette à notre mauté du style. Entendons-nous : je ne sité à employer ou à refuser telle ou appétit. veux nullement dire que le fond a perdu telle technique (ici la sonorisation utili- Son film est loin d’être négligeable. Il y de son intérêt, mais au contraire que la sée contre le dialogue). Techniquement, a là de très belles séquences, de très force et la justesse de la parabole se L E F R A N C E SALLE D'ART ET D'ESSAI CLASSÉE RECHERCHE 8, RUE DE LA VALSE 42100 SAINT-ETIENNE 04.77.32.76.96 RÉPONDEUR : 04.77.32.71.71 2 Fax : 04.77.32.07.09 D O C U M E N T S dégagent bien mieux aujourd’hui, ampleur et une rigueur classiques au plus absolument muet, paraissait alors au-delà des polémiques d’actualité. contact du grand thème qu’elle désuet et anachronique. Mais le temps, Critiquer le règne de la machine et la orchestre. en effaçant les perspectives, le restitue division du travail, n’a, en effet, guère Déjà dans la plupart de ses films Charlot à son classicisme et révèle clairement de sens et si le film peut être utilisé nous avait fait rire par ses démêlés avec qu’au-delà des styles l’important est le contre le capitalisme, il le peut tout les objets. L’animosité sournoise d’une style. Et plus que le style, le génie. autant contre le stakhanovisme sovié- échelle, d’un réveille-matin, d’un esca- Bazin tique ; aussi bien jeta-t-il, paraît-il, un lier, d’un lit à bascule..., lui avait fourni "Charlie Chaplin" certain froid à Moscou. d’inépuisables gags. Contre leur hostili- Edition Ramsay C’est qu’il n’est rien moins qu’un film à té Charlot usait d’ailleurs d’une ruse thèse et si Chaplin s’y affirme effective- toute spirituelle, il leur trouvait un autre ment avec l’homme, contre la société et emploi que celui auquel ils étaient desti- Filmographie ses machines, son affirmation ne se nés. Pour déconcerter et par là déconte- situe pas sur le plan contingent de la nancer la méchanceté des choses, il fei- Films: Pour la Keystone (1913-1914, politique ou de la sociologie, mais uni- gnait de les prendre pour d’autres. Nous essentiellement acteur, parfois réalisa- quement de la morale et toujours par le avons dans Les Temps modernes, un teur): style. Le mouvement créateur y procède résidu de cette technique quand il pro- Making a Living de l’expression comique et le sens qu’il pose au contremaître mécanicien dont il (Pour gagner sa vie) développe n’est d’abord que la parfaite vient d’écraser la burette à huile, de Kid Auto Races at Venice mise en scène d’une situation..