Le Cinema Fantastique
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DE GEORGES MELIES A JAMES CAMERON : LE CINEMA FANTASTIQUE Il intrigue, il terrorise, il fascine, il repousse ; le cinéma fantastique est certainement la forme picturale ultime, ne laissant jamais le spectateur indifférent. Foisonnant, il est l’origine d’un véritable culte de la part d’admirateurs qui se succèdent de génération en génération, toujours à l’affût de nouvelles histoires, de nouveaux personnages, monstres, tueurs en série, et plus que tout, de nouvelles peurs. Pourquoi et comment suscite-t-il un tel engouement ? Pourquoi adolescents et adultes cherchent-ils en lui ces frayeurs, ces effets spéciaux qui impressionnent ou, au contraire, font rire ? Pourquoi le cinéma fantastique représente-t-il le vivier le plus impressionnant du 7e Art, emmenant le public vers des limites toujours dépassées grâce à l’imagination des scénaristes et réalisateurs, ainsi qu’à l’évolution des effets visuels, mécaniques ou numériques ? Avant tout, il s’agit de raconter des histoires originales. Pari osé, surtout si l’on considère ses débuts, constitués d’adaptations des œuvres les plus célèbres de la littérature gothique des XVIIIe et XIXe siècles. Solution de facilité ? On peut en douter, l’explication se trouvant dans l’influence des auteurs fantastiques (Edgar Allan Poe, Bram Stoker, Mary Shelley) sur la représentation picturale de la peur. Georges Méliès, père fondateur de ce cinéma, prouvera d’ailleurs le pouvoir de l’imagination dans le processus créatif, allant à l’encontre de principes ne résumant le cinéma en général – et le fantastique en particulier - qu’à une simple illustration d’œuvres déjà connues. Afin d’expliquer cette évolution, il convient, dans un premier temps, de définir exactement le cinéma fantastique et ses ramifications : épouvante, horreur, suspense, gore… Grâce à son histoire, son renouvellement continuel pour un public toujours plus exigeant, il nous sera possible d’approfondir la connaissance des différents styles utilisés, et d’analyser la raison poussant les spectateurs à rechercher la peur dans la manière dont celle-ci est montrée à l’écran. Il faut aussi comprendre pourquoi le public recherche cette peur ; pourquoi veut-il agripper ses sièges, sursauter, se faire surprendre ? Le cinéma fantastique, dans ce cas précis, fouille ce qu’il y a au plus profond de chacun d’entre nous, réveille la bête, nous expose les faces cachées de l’humanité pour mieux nous permettre de les catalyser. Afin d'atteindre cet objectif, deux possibilités dans l’illustration visuelle du surnaturel (qui, par définition ici, s’oppose au naturel de l’homme) : suggestion, ou exhibition. Ces deux manières de provoquer la réaction et la frayeur donnent également au cinéma fantastique une dimension sociale trop souvent ignorée. Il est, pour de nombreux réalisateurs tels que George Romero, Tobe Hooper ou John Carpenter, un outil de contestation de notre société, de ses dérives, de ses modifications continuelles ; il dénonce, montre du doigt ou anticipe. Les métaphores fantastiques deviennent alors politiques et anthropologiques. Autant de visions pessimistes et alarmantes d’un monde au bord du gouffre mais motivant aussi l’action plutôt que la passivité inhérente à l’homme. Plus que le cinéma contestataire des années 1970, le fantastique s’approprie les déviances de la science, du système administratif mondial, des outils politiques et économiques conduisant à la dérive du genre humain ; il tire la sonnette d’alarme et se sert de symboles pour parvenir à ses fins. Il est également témoin de l’Histoire, s’inspire de faits divers marquants (tueurs en série, catastrophes naturelles, religion, drames du quotidien) pour provoquer la réaction ; par la peur, mais également en imprégnant durablement la rétine et en permettant une vision active du public. Evidemment, le cinéma fantastique reste surtout, au-delà de ces considérations sociologiques, un pur produit de divertissement que les progrès de la technologie permettent de nourrir. A l’ère d’Internet, les films n’ont jamais été aussi nombreux, le commencement de cette consommation massive s’inscrivant dans les années 1980 grâce à l’explosion des vidéoclubs. C’est alors que sont mises au grand jour les séries B et Z, que nous définirons. Aujourd’hui, il est possible pour tout un chacun de réaliser son propre film avec peu ou pas de moyens, d’une part au moyen d'un simple ordinateur permettant de confectionner des effets spéciaux le plus souvent approximatifs (les sociétés de production américaines Nu Image et The Asylum, grands fournisseurs de téléfilms destinés à la chaîne câblée SyFy Channel) ou la réappropriation de genres fantastiques plus anciens (le faux documentaire tournée caméra à l’épaule, ou documenteur, remis au goût du jour par des films réussis comme le Projet Blair Witch ou le premier Paranormal Activity, entre autres) Et étonnamment, ces films fauchés produits à la chaîne pour le simple plaisir des soirées du samedi entre amis sont un véritable vivier de talents reconnus aujourd’hui, un tremplin pour des carrières d’acteurs ou de réalisateurs, grâce à la volonté d’artisans toujours plus motivés et que la passion n’a jamais quittés, comme Roger Corman ou Lloyd Kaufman. Ils permettent également, de plus en plus, de pallier le manque de qualité de la production fantastique cinématographique actuelle, faite de remakes, suites ou films aux scénarii très minces, créés en continu afin d’accroître le nombre d’entrées en salles au détriment de la qualité. Mais, comme pour toute forme d’art, il y a du bon, du moins bon et du véritablement mauvais, qui provoque le rire au lieu de l’effroi, mais devient alors culte de par sa médiocrité. I. HISTOIRE DU CINEMA FANTASTIQUE : DE L'AFFRANCHISSEMENT DES CLASSIQUES DE LA LITTERATURE GOTHIQUE AU BESOIN DE RENOUVEAU 1) Définition et apparition du cinéma fantastique Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le cinéma fantastique n’est pas apparu avec les premiers films de Georges Méliès (même si, comme nous allons le voir, il demeure le père fondateur de ce genre), mais bel et bien avec le second film des frères Lumière, « Arrivée d’un Train en Gare de La Ciotat » (souvent considéré à tort comme leur premier métrage, alors que celui-ci est « La Sortie des Usines Lumière »). En effet, lors de la première projection de ces images, certaines personnes présentes ont eu un mouvement de recul ou se sont enfuies de la salle en voyant, sur l’écran, le train se diriger vers eux, de peur de se voir percutés par la machine ! Dès ses débuts donc, le cinéma fantastique parvient à susciter la peur. Au-delà de cet exemple, le principe de cinéma (les « images qui bougent ») est lui- même de l’ordre du fantastique, du merveilleux : un progrès technique autorisant ses réalisateurs à montrer, par le mouvement, la vie et sa perpétuelle course en avant. Cet exemple de la réaction du public nous permet de nous poser la première question permettant de définir le cinéma fantastique : est-il uniquement source de peur ? Tout d’abord, il convient de comprendre ce qui est entendu par le terme « fantastique » : il oppose le naturel au surnaturel. Prenons l’exemple d’un homme se levant le matin pour vaquer à ses activités quotidiennes. Cet homme, de par les habitudes de ses journées, ira d’un point A (le lever) à un point B (le coucher), accomplira les différentes actions dont il a l’habitude et suivra sa routine habituelle. C’est ce que l’on appelle le naturel : dans leur déroulement, rien ne vient perturber les événements. Par contre, prenons ce même homme, cette même succession d'actions, mais imaginons la situation suivante : à un moment donné, sur la ligne droite menant de A à B, un événement imprévu survient ; cet événement est d'ordre surnaturel, c’est-à-dire inexplicable pour l’esprit humain. Il est de l’ordre de l’irrationnel et fait basculer l’individu (ou les individus) dans ce que Franck Henry, dans Le Cinéma Fantastique (éd. Cahiers du Cinéma – Les Petits Cahiers – SCEREN-CNDP), appelle « l’a-normalité ». Ainsi, ce qui échappe à toute explication logique est de l’ordre du fantastique ; cela permet d’affirmer, quitte à choquer les puristes, que ce terme possède différentes ramifications. En effet, du fait de son caractère surnaturel, cette a-normalité peut être de plusieurs types : un tueur, un monstre, une catastrophe naturelle, une invasion extraterrestre, un fantôme, pour ne parler que des thèmes le plus souvent abordés. De ce fait, le cinéma fantastique se définit par ses multiples sujets : horreur, épouvante, science-fiction, anticipation, mais aussi policier (même si ce style sous-entend une démonstration graphique violente des images présentées, comme par exemple dans le giallo en Italie, dont nous parlerons plus tard). Mais c’est aussi le merveilleux qui peut dominer l’œuvre (la fantasy, comme la trilogie « Le Seigneur des Anneaux » de Peter Jackson). Le but du cinéma fantastique est de provoquer une réaction chez le spectateur, lui donner à voir l’imprévisible, le déstabiliser mais également l’émouvoir. Au moment de son apparition à la fin du XIXe siècle, le cinéma crée ce sentiment, grâce à sa nouveauté, son mouvement. Pour la première fois, les images deviennent action, le quotidien en perpétuel mouvement apparaît par l’œil du cinématographe, et se présente ainsi comme le témoignage évolutif de son époque. Aux instantanés photographiques succèdent ces saynètes de la vie ; hommes est objets s’animent enfin. Or, si l’on se réfère à la littérature, un tel miracle n’apparaissait que dans les œuvres fantastiques ou de science-fiction. Les progrès de la science et la Révolution Industrielle trouvent un équivalent décrit dans les romans de Jules Verne bien sûr, mais également dans la littérature gothique, qui ancre l’irréel dans le réel.