À Quelle France Rêvent Les Musiciens Québécois Durant La Première Moitié Du Xxe Siècle1 ?
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Document généré le 24 sept. 2021 19:43 Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique À quelle France rêvent les musiciens québécois durant la e première moitié du xx siècle ? Which France Did Quebec Musicians Dream of during the First Half of the 20th Century? Marie-Thérèse Lefebvre Transferts culturels et autres enjeux stylistiques Résumé de l'article Volume 16, numéro 1-2, printemps–automne 2015 L’histoire des relations politiques et culturelles entre le Québec et la France a fait l’objet de nombreuses études et plusieurs d’entre elles ont été consacrées à URI : https://id.erudit.org/iderudit/1039615ar l’analyse des discours qui ont imprimé dans l’esprit des Québécois une certaine DOI : https://doi.org/10.7202/1039615ar image de la France : celle de l’Ancien Régime, une France monarchique, catholique et conservatrice admirée par la majorité des intellectuels de cette e Aller au sommaire du numéro première moitié du xx siècle ; ou celle de la Troisième République, une France républicaine, laïque, libérale et moderne, à laquelle se sont identifiés une minorité de Québécois de la même époque. On est en général assez bien renseigné sur l’allégeance des uns et des autres à travers leurs écrits. Éditeur(s) On connaît cependant beaucoup moins le point de vue de la France sur le Société québécoise de recherche en musique Québec. Les réflexions des intellectuels et artistes français au sujet du Québec semblent, à tout le moins, plus discrètes. Au-delà des observations générales ISSN publiées par les artistes français suite à leurs rencontres avec les Québécois installés en France ou suite à leur retour de tournées en Amérique, que 1480-1132 (imprimé) pensaient réellement les musiciens français des Québécois croisés en France 1929-7394 (numérique) ou au Québec ? En a-t-il déjà été question dans leur correspondance ? On souhaite donc explorer ici la nature des échanges dans les milieux Découvrir la revue musicaux, français et québécois, liens qui nous semblent teintés de quelques méprises. Admiration d’un côté, indifférence, de l’autre ? Alors que la France dirige son regard vers les États-Unis, le Québec regarde directement la France. Citer cet article Cette équivoque soulève cette question : à quelle France rêvent les musiciens québécois ? Pour y répondre, nous étudierons l’évolution du regard des uns et Lefebvre, M.-T. (2015). À quelle France rêvent les musiciens québécois durant des autres au cours de l’entre-deux-guerres, puis la transformation des e la première moitié du xx siècle ? Les Cahiers de la Société québécoise de mentalités au cours des années 1940. recherche en musique, 16(1-2), 85–96. https://doi.org/10.7202/1039615ar Tous droits réservés © Société québécoise de recherche en musique, 2017 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ À quelle France rêvent les musiciens québécois durant la première moitié du XXe siècle1 ? Marie-Thérèse Lefebvre (Université de Montréal) ’histoire des relations politiques et culturelles entre comme le montre les fréquents rapports qu’ils ont adressés à le Québec et la France a fait l’objet de nombreuses leur ministre des Beaux-Arts4. études et plusieurs d’entre elles ont été consacrées L Dans ce contexte, on souhaite explorer ici la nature des à l’analyse des discours qui ont imprimé dans l’esprit des échanges dans les milieux musicaux, français et québécois, Québécois une certaine image de la France : celle de l’Ancien liens qui nous semblent teintés de quelques méprises. régime, une France monarchique, catholique et conservatrice Admiration d’un côté, indifférence, de l’autre ? Alors que admirée par la majorité des intellectuels de cette première la France dirige son regard vers les États-Unis, le Québec moitié du XXe siècle, ou celle de la Troisième République, regarde directement la France. C’est le constat qui se dégage une France républicaine, laïque, libérale et moderne, à de l’analyse des activités en Amérique du Service d’échanges laquelle se sont identifés une minorité de Québécois de la même époque. On est en général assez bien renseigné sur artistiques à l’étranger mis en place par le ministère des l’allégeance des uns et des autres à travers leurs écrits2. Affaires étrangères français au début des années 1920. Cette équivoque soulève donc une question : à quelle France rêvent On connaît cependant beaucoup moins le point de vue les musiciens québécois ? Pour y répondre, nous étudierons Lde la France sur le Québec. Les réfexions des intellectuels l’évolution du regard des uns et des autres au cours de l’entre- et artistes français au sujet du Québec semblent plus rares, deux-guerres, puis la transformation des mentalités au cours ou à tout le moins, plus discrètes. Au-delà des observations des années 1940. Mais, afn de comprendre les fondements générales publiées par les artistes français suite à leurs de ces relations, nous proposons d’abord quelques repères rencontres avec les Québécois installés en France ou suite historiques permettant de contextualiser ces échanges, suivis 3 à leur retour de tournées en Amérique , que pensaient d’une brève analyse des premiers contacts de musiciens réellement les musiciens français des Québécois croisés e québécois qui ont séjourné à Paris au XIX siècle. en France ou au Québec ? En a-t-il déjà été question dans leur correspondance ? Pour ne donner qu’un exemple, que Quelques rappels historiques5 pensait Maurice Ravel de Léo-Pol Morin qui le fréquentait assidûment, qui l’avait accompagné lors d’une tournée À la signature du traité de Paris en 1763, la France cède européenne en octobre 1923 ainsi qu’à Montréal en avril le Canada à l’Angleterre. La Conquête marque la fn de la 1928 ? En a-t-il laissé une trace dans ses écrits ? D’autres colonisation française. Environ 60 000 Canadiens passent correspondances sont par ailleurs plus loquaces ; entre ainsi d’un régime monarchique à un système parlementaire autres, celles des consuls de France à Montréal (surtout pour et à la britannisation des structures de gouvernement. En les années 1928 à 1939). Ceux-ci semblent cependant porter 1774, pour éviter que les Canadiens se joignent aux insurgés plus d’intérêt à la communauté anglophone montréalaise américains, le Parlement anglais vote l’Acte de Québec qui 1 Nous avons choisi le terme « Québécois » car cette réfexion s’inscrit dans un projet plus large d’une histoire de la vie musicale québécoise. Par ailleurs, lorsque le contexte le justife, nous utiliserons l’expression « Canadien français ». 2 Michel Lacroix en donne un bon aperçu dans son étude L’Invention du « Retour d’Europe » : Réseaux transatlantiques et transferts culturels au début du XXe siècle (2014, 2, note 2). Voir aussi Argument 1999 et Roy et al. 2012. 3 Armand Yon a étudié cette relation à travers diverses publications offcielles (romans, nouvelles, notes de voyage, rapports gouvernementaux) excluant les correspondances personnelles, dans une série de dix articles intitulée « Les Canadiens français jugés par les Français, 1839-1939 » (Yon 1964-1967). 4 Particulièrement la correspondance des consuls Ludovic Carteron, Léon Marchal et René-Antoine Turck (Dossier « Canada », Archives du ministère des Affaires étrangères de France, Dépôt de Nantes). On peut consulter une copie microforme de ces documents à Bibliothèque et Archives Canada (Série Questions politiques, série B-Amérique, fonds du ministère des Affaires étrangères [France] (R11663-6-8-F), Bibliothèque et Archives Canada, Ottawa). 5 Ce survol historique s’inspire en partie de l’entrevue de l’historien Yvan Lamonde (1999). Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en musique, vol. 16, nos 1 & 2 85 permet l’usage des lois civiles françaises et assure la liberté national de musique de Paris dans la classe de composition de religion. La Révolution française de 1789 et l’exécution d’Ernest Guiraud, et la pianiste Victoria Cartier, qui profte du roi Louis XVI en 1793 annoncent un discours contre- de ses passages à Paris entre 1899 et1902 pour développer révolutionnaire entretenu par les autorités britanniques et un réseau ; elle sera à l’origine d’ententes conclues en 1922 des membres du clergé catholique qui ont fui la France, entre l’École normale de musique de Paris et le Secrétaire discours qui divisera pour longtemps la société canadienne- de la Province de Québec, Athanase David7. française dans son adhésion, pour les uns, à une France Celui qui représente cependant le mieux cette nostalgie monarchique (dont on rêve) ou, pour les autres, à une de la France évoquée plus haut, est l’auteur d’un Hymne France républicaine (dont il faut se méfer). L’année 1844 national au Dieu des Francs et des Gaulois (1875), marque les débuts des combats libéraux6 avec la création de Guillaume Couture, qui étudie à Paris entre 1873 et 1875, l’Institut canadien de Montréal. Tout au long du XIXe siècle, et à nouveau durant l’année 1876-1877. Il fréquente les ce courant libéral se porte à la défense de la démocratie et des membres de la Société nationale de musique (fondée en libertés individuelles et traverse l’histoire comme une lame 1870), dont Camille Saint-Saëns, César Franck, Romain de fond contre l’ultramontanisme, puis le conservatisme du Bussine avec qui il étudie le chant et Théodore Dubois, XXe siècle.