Balkanologie Revue d'études pluridisciplinaires

Vol. XI, n° 1-2 | 2008 Volume XI Numéro 1-2

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/balkanologie/813 DOI : 10.4000/balkanologie.813 ISSN : 1965-0582

Éditeur Association française d'études sur les Balkans (Afebalk)

Référence électronique Balkanologie, Vol. XI, n° 1-2 | 2008, « Volume XI Numéro 1-2 » [En ligne], mis en ligne le 31 décembre 2008, consulté le 17 décembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/balkanologie/813 ; DOI : https://doi.org/10.4000/balkanologie.813

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SOMMAIRE

Partir, revenir: imaginaires et itinéraires migratoires bulgares en Europe (sous la direction de Nadège Ragaru et en partenariat avec la section balkanique de l’Institut et du Musée d’ethnographie de l’Académie des sciences bulgare)

Imaginaires et itinéraires migratoires bulgares en Europe. Une introduction Nadège Ragaru

Bibliographie - Les migrations bulgares contemporaines Nadège Ragaru

1. Les trajectoires migratoires bulgares : 1989, une rupture ?

Mobilités du travail (gurbet), stratégies sociales et familiales : Une étude de cas dans les Balkans centraux Petko Hristov

Les migrations des Roms balkaniques en Europe occidentale : mobilités passées et présentes Elena Marušiakova et Veselin Popov

2. Les stratégies de la mobilité : solidarités et réseaux migrants

Migration et identités parmi les Turcs de Bulgarie établis en Turquie (1989-2004) Mila Maeva

Being Gypsy in Europe. The Case of Bulgarian Roma Workers in Magdalena Slavkova

Les expériences migratoires bulgares en Grèce depuis 1989 Nikolaj Gabărski

Migrations in the “neighborhood”: Negotiations of identities and representations about “Greece” and “Europe” among Bulgarian migrants in Athens Aliki Angelidou

3. Les migrations vues depuis la Bulgarie: recompositions des univers sociaux et des identifications

Dynamique des réseaux sociaux dans un contexte de migrations intensives : le cas de Satovča (Rhodopes bulgares) Margarita Karamihova

Les mobilités internes en Bulgarie, 1989-2005 Rossitza Guentcheva

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La Serbie post-Milosevic

La Serbie post-Milošević : introduction Yves Tomić

Serbia 2000-2008: a changing political culture? Ivana Spasić

“Blocked political system”: Serbia 2000-2008 Srdjan Cvijic

Serbia’s parties on the mend? That state of intra-party democracy in before and after regime change Marlene Spoerri

The Continuing Presence of the Extreme Right in Post-Milošević Serbia Barbara N. Wiesinger

The UE and Civil society in Serbia: Governance rather than politics Adam Fagan et Mladen Ostojic

Notes de lecture

Les langues moins répandues en Grèce : état des lieux Evangelia Adamou (Sous la direction de), Le nom des langues II: Le patrimoine plurilingue de la Grèce (2008). Nicolas Trifon

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Partir, revenir: imaginaires et itinéraires migratoires bulgares en Europe (sous la direction de Nadège Ragaru et en partenariat avec la section balkanique de l’Institut et du Musée d’ethnographie de l’Académie des sciences bulgare)

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Imaginaires et itinéraires migratoires bulgares en Europe. Une introduction

Nadège Ragaru

1 En 2003, Dana Diminescu ouvrait sa réflexion sur les mobilités roumaines en Europe avec le constat d’un décalage entre le nombre des migrants et leur visibilité dans les espaces publics des pays de destination1. La surexposition médiatique des citoyens roumains en mouvement allait de pair avec la construction de représentations sociales négatives associées à des images de criminalité et d’illégalité. Les parcours des migrants originaires de Bulgarie suggèrent de prime abord l’observation inverse. Jusque récemment, ni la Bulgarie, ni les Bulgares n’avaient, à tout le moins en France, attiré l’attention des media ou des observateurs politiques. Mobilités il y avait assurément, mais de cette thématique-là il n’était guère question, y compris dans les travaux universitaires. Ce silence s’explique partiellement au regard du développement modeste des études bulgares en France. Dans le domaine des migrations, le poids démographique de la Bulgarie (7,9 millions d’habitants selon le recensement de 2001) a en outre convaincu les responsables d’organisations internationales et d’agences gouvernementales - commanditaires fréquents des recherches empiriques - que cet Etat ne présentait qu’un potentiel migratoire limité et constituait dès lors un site d’observation secondaire2.

2 La faible couverture des mobilités bulgares ne constitue toutefois pas l’apanage des écrits d’experts ou des travaux académiques en langue française ou anglaise. La thématique a également tardé à susciter l’intérêt des sciences sociales bulgares3. Ce, alors que les circulations migratoires – qui ne mobilisaient pas exclusivement le répertoire de l’ethnicité « turque » ou « rom » - ont été amorcées dès la chute du communisme et qu’elles ont rapidement contribué au développement de formes de sociabilité et d’arts de faire partiellement inédits, au refaçonnage des imaginaires sociaux du statut et des hiérarchies, à la transformation des rapports au temps et à l’espace. Dans les media, dans les conversations ordinaires, jusque vers la fin des années 1990 ces horizons du départ sont principalement thématisés sur le mode de la

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déperdition (« fuite des cerveaux », exode des jeunes) et de la déploration devant ce qui est vécu comme une inexorable dislocation des tissus sociaux et une lente érosion de la « bulgarité » même4. Nombreux sont les récits de familles déchirées par les déplacements incessants de pères et mères qui confient leurs enfants à des proches tout en espérant que les effets de ces séparations seront compensés par la plus grande aisance matérielle offerte aux enfants. Récurrentes sont les évocations de villages désertés, abandonnés à des personnes âgées sans avenir…ou à quelques retraités occidentaux, britanniques notamment, que séduit une « authenticité rurale » dans laquelle ils peinent à lire les traces du désarroi5.

3 Au tournant du siècle, cependant, les évocations des migrations commencent à se diversifier. Les premières rubriques consacrées aux « émigrants » (emigranti), aux « Bulgares à l’étranger » (bălgarite v čužbina) font leur apparition dans la presse quotidienne et hebdomadaire. Aux dénonciations douloureuses de la stratification (sociale, générationnelle, de genre) magnifiée par les installations dans la mobilité se conjugue désormais une célébration de la réussite des Bulgares partis ailleurs (leurs qualités, leurs performances, la reconnaissance acquise « là-bas »). Le détour par l’international, parfois encore soupçonné d’alimenter un brain drain, est aussi progressivement érigé en jalon indispensable à tout parcours de réussite sociale. Dans les classes supérieures, maints parents envoient leurs enfants à l’étranger dans des établissements privés, onéreux et réputés dès le lycée. L’âge du départ (avant ou après l’entrée à l’université ?) devient à lui seul un marqueur social6. Les transferts monétaires, la distribution de cadeaux et les pratiques d’évergétisme social contribuent à transformer les paysages ruraux et urbains. Y compris chez ceux qui restent, l’horizon du départ s’inscrit comme un repère, voire une norme. A l’instar de la société bulgare dont les images, éclatées, ont revêtu des contrastes grandissants, les figures migrantes en viennent à solliciter une pluralité d’associations - à la prospérité comme à la crise, à la « modernité » comme à une « régression », à l’« ouverture » comme à la dilution de soi. La Bulgarie démultipliée à travers ses citoyens en migration apparaît striée de parcours individuels et collectifs où se dessinent des lieux éphémères de rencontre et de reconnexion, de frottement aussi, dans le silence d’une nuit au Canada, aux Etats-Unis, en France ou ailleurs, où de jeunes diplômés polyglottes, poly-insérés dans la fluidité d’un monde globalisé, déversent parfois un fiel de tristesse et de rancœurs sur des forums de discussions bulgares.

4 Tardivement advenu à la conscience des enjeux politiques et économiques des nouvelles migrations, l’Etat tente à son tour de mobiliser le capital social de Bulgares dont certains ont réussi leur insertion professionnelle à l’international. C’est l’époque où, en avril 2000, le gouvernement Kostov (UFD, droite) lance une initiative connue sous le nom de Velikden (la Pâque) afin de réunir les cadres de la « diaspora bulgare » en Europe et aux Etats-Unis7. L’objectif est de valoriser leur potentiel d’intermédiation auprès des investisseurs étrangers, voire d’encourager les « Bulgares de l’étranger » à revenir dans leur pays8. Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha, le successeur d’Ivan Kostov, puisera d’ailleurs dans ce vivier de jupite (yuppies), fringants cadres bancaires à la City ou ailleurs, au moment de former son gouvernement en 2001. La perspective d’un « retour »9 apparaît pourtant bien fragile lorsque, au début des années 2000, les études empiriques consacrées aux migrations commencent à se développer en Bulgarie.

5 Certaines recherches sont financées par des organismes internationaux dans la perspective du futur élargissement de l’Union européenne (UE) à l’Est (dont la

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préparation a été couplée avec le transfert vers les Etats candidats de larges responsabilités dans la gestion des courants migratoires). A l’approche des adhésions, décideurs européens et internationaux s’inquiètent de l’impact de l’ouverture sur les marchés du travail nationaux et le développement de la criminalité organisée. L’objectif semble parfois plus de « juguler » que de comprendre, sinon de comprendre pour mieux contrôler. Pourtant, en Bulgarie et dans plusieurs universités européennes, une communauté de chercheurs se forge peu à peu, désireuse d’aborder - dans une démarche non normative - les profils et stratégies des migrants, ainsi que l’effet des nouvelles mobilités sur les définitions de la réussite sociale, les identifications ethniques et religieuses ou encore les constructions de la citoyenneté et du rapport à l’Etat. Le dossier proposé ici en partenariat avec la section balkanique de l’Institut et du Musée d’ethnographie de l’Académie des sciences bulgares (BAN) a vocation à mieux faire connaître ces écrits à un public francophone.

6 Après une brève mise en perspective des mobilités bulgares postérieures à 1989, le regard se déplacera vers les modes de constitution, en Bulgarie, d’un champ de recherche sur les enjeux migratoires, ainsi que vers les questionnements au croisement desquels les faits migratoires ont été saisis. Enfin, l’on présentera le prisme spécifique retenu dans le présent numéro de Balkanologie.

I - Ressources, parcours et temporalités migrantes : retour sur les années 1989-2008

7 Le développement de circulations bulgares après 1989 intervient dans un triple contexte : la chute du communisme et la formation d’une économie de marché ; une « globalisation » affectant, entre autres, l’organisation des économies nationales, les notions de frontières et d’espace et les imaginaires du possible et du pensable; la refonte des contours géographiques et des priorités de l’Union européenne (avec l’accentuation de la dimension sécuritaire des politiques publiques). Au niveau européen, les mouvements de citoyens bulgares participent en outre d’une mutation du système des mobilités corrélée au développement de flux migrants depuis l’Est de l’Europe vers le Sud (Portugal, Espagne, Italie, Grèce), autrefois zone traditionnelle d’émigration. Apprécier ces mises en mouvement impose d’envisager plusieurs espaces-temps : les migrations diffèrent dans leurs modalités, leur durée, le profil des participants, ainsi que leurs finalités en fonction des destinations et des périodes envisagées. En 2005, Ralitza Soultanova distinguait les demandes d’asile du début des années 199010, le « commerce de la valise », les mobilités de personnels hautement qualifiés et d’étudiants, les migrations « longue distance » visant une installation durable (Etats-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, etc.), les migrations irrégulières et les conventions d’échange de travailleurs11. Petya Kabakchieva préfère retenir une tripartition - migrants à installation définitive (settlers), migrants temporaires (Gastarbeiter) et migrants saisonniers - qui lui permet d’envisager des rapports distincts à l’espace, aux identités sociales et individuelles, aux rencontres avec d’autres cultures12. L’adoption d’un découpage chronologique, aussi imparfait soit-il, aidera à apprécier la pluralité de ces dynamiques et leurs inflexions temporelles.

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1 - Une redécouverte de l’international en situation de crise économique (1989-1993)

8 Les sources des douanes et de la police des frontières suggèrent qu’environ 250 000 personnes auraient franchi les frontières de la Bulgarie entre 1989 et 199213 ; ces données agrègent des mouvements très hétérogènes. Soumis entre 1984 et 1989 à une brutale politique d’assimilation forcée, quelque 320 à 340 000 Turcs bulgares ont été contraints à un exode forcé à destination de la Turquie entre mai et août 1989. Avant même la fin de l’année 1989, approximativement 150 000 migrants turcs étaient rentrés en Bulgarie14. Un second type de mouvements est rendu possible par la suppression des anciens visas de sortie communistes bulgares. La curiosité de l’ailleurs, le désir de découvrir un Occident rêvé, attendu, espéré sont renforcés dans certains milieux par la déception que constitue la victoire des anciens communistes lors des premières élections législatives libres de juin 1990, ainsi que par la récession économique transitionnelle15.

9 Dès 1990, des jeunes, des étudiants, des chercheurs et enseignants, mais aussi des actifs hautement qualifiés (microélectronique, nouvelles technologies) décident de s’établir à l’étranger. Le secteur de la recherche est particulièrement affecté par les restructurations post-communistes, la fermeture d’instituts de recherche publics, la réduction des crédits : entre 1988 et 1993, le nombre des personnels chute de 31%, celui des chercheurs de 18,9% (soit un peu plus de 6 000 personnes)16. Environ 600 chercheurs (médecine, chimie, architecture, biologie, physique, géologie, etc.) gagnent alors les Etats-Unis et l’Allemagne, mais aussi l’Afrique, le Canada et la Grande- Bretagne. La plupart sont dotés de savoirs linguistiques, d’une expérience antérieure à l’international et/ou d’une insertion dans des espaces de recherches internationalisés17.

10 La crise économique et la désorganisation de l’agriculture qu’aggrave la politique de restitution des terres nationalisées par le pouvoir communiste fournissent le contexte dans lequel interviennent de nouveaux départs à compter de 1991. En ces années de dépression, des Turcs, des Roms et des Bulgares musulmans pratiquent le « commerce de la valise », mettant à profit les différentiels de prix et d’accessibilité de biens de consommation (vêtements, alimentation, cigarettes et alcool) entre la Bulgarie et la Turquie, la Pologne et la Bulgarie, la Bulgarie et la Yougoslavie, etc.18. Certains Turcs bulgares cherchent à s’installer en Turquie (où ils rejoignent parfois des membres de leur famille dont ils ont été séparés en 1989), mais se heurtent à l’obligation de visa imposée par la Turquie en août 1989 (elle restera en vigueur jusqu’en 2001). Au cours de cette période, maints franchissements de la frontière s’effectuent illégalement grâce à des « passeurs »19.

11 Jusqu’au milieu des années 1990, les pays d’Europe centrale (Allemagne, Autriche, à un moindre degré, la République tchèque et la Hongrie) figurent parmi les destinations privilégiées par les migrants bulgares. La nature des procédures d’asile en vigueur jusqu’en 1993, une certaine familiarité entretenue à l’époque communiste avec la RDA, le dynamisme du marché du travail et une réputation de prospérité contribuent à expliquer l’attractivité de l’Allemagne aux yeux des Bulgares, des Turcs bulgares et des Roms bulgares. Dès 1991-1992, la Bulgarie et l’Allemagne concluent par ailleurs des accords encadrant l’envoi de travailleurs temporaires (principalement dans le secteur du tourisme et des services)20. Vers le milieu des années 1990, s’observe cependant une diversification des candidats au départ et une inflexion dans leurs itinéraires. Au même

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moment, les politiques migratoires européennes se durcissent avec l’entrée en vigueur de la Convention d’application des Accords de Schengen en 1995 et le placement de certains Etats post-communistes européens sur une « liste noire » des pays soumis à obligation de visa21.

2 - La diversification des expériences migrantes (1995-2001)

12 Dans un contexte d’effondrement du système bancaire et de crise sociale profonde (1996-1997), les migrations se poursuivent et s’orientent désormais plus volontiers vers les pays d’Europe du Sud, au premier chef la Grèce, puis l’Espagne et l’Italie, où des déficits de main d’œuvre sont chroniquement enregistrés dans l’agriculture, le bâtiment, les services à domicile, la restauration, l’hôtellerie et le tourisme22. Dans la branche agricole et la construction, les mouvements revêtent un caractère temporaire lié au rythme de travail propres à ces secteurs d’activité : un maillage de circulations migratoires se met alors en place, les séjours à l’étranger alternant avec des retours plus ou moins longs en Bulgarie. Cette tendance aux « migrations maintien » (pour reprendre l’expression de Mirjana Morokvasic) n’est pas propre à la Bulgarie ; elle concerne l’ensemble des Etats post-communistes. Les mobilités transnationales y constituent un moyen non de partir définitivement, mais de demeurer chez soi - certes au prix d’absences récurrentes23.

13 Les stratégies de survie économique bulgares participent d’une globalisation du marché du travail européen complexe et contradictoire. En 2000, on estime que près de 4,5 millions de saisonniers (dont 500 000 issus de pays extracommunautaires) sont employés dans l’agriculture des Etats membres de l’UE, faisant du recours périodique aux travailleurs étrangers « une caractéristique structurelle de l’agriculture intensive des pays d’Europe »24. Une forte croissance économique, le désir de s’assurer une main d’œuvre qualifiée et peu onéreuse conduisent les Etats grec, espagnol et italien à mettre en œuvre des programmes de régularisation de migrants devenus indispensables au fonctionnement de leurs économies (en 1998 et en 2002 pour l’Italie, en 1998 et en 2001 pour la Grèce, en 2000, 2001 et 2005 pour l’Espagne, etc.)25. En contrepartie, la différenciation des statuts et la segmentation des marchés du travail se renforcent, singulièrement dans la branche agricole, le maraîchage ou l’arboriculture. Migrants communautaires, migrants extracommunautaires (mais européens) et migrants originaires d’autres continents sont de plus en plus souvent mis en concurrence26.

14 Du point de vue des citoyens bulgares, le choix de la Grèce, de l’Italie et de l’Espagne - renforcé par la constitution progressive de réseaux d’entraide et d’interconnaissance - renvoie également à un sentiment de proximité culturelle relative et, dans le cas grec, géographique. En cette seconde moitié des années 1990, cependant, les ressortissants bulgares sont obligés d’obtenir un visa pour se rendre dans les pays de l’espace Schengen. Les conditions d’entrée, de séjour et de travail à l’étranger sont partiellement, voire entièrement irrégulières, et reposent sur l’existence de passeurs et d’intermédiaires. La décision adoptée par le Conseil européen en décembre 2000 de lever les visas Schengen amorce dès lors une troisième période dans l’histoire des migrations bulgares contemporaines.

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3 - Après la levée des visas Schengen (avril 2001)

15 A partir d’avril 2001, les Bulgares sont autorisés à séjourner moins de trois mois dans les Etats signataires des Accords de Schengen avec des visas de touristes. L’allègement des contraintes juridiques n’est toutefois que partiel puisqu’il n’engage pas un libre accès aux marchés du travail : fréquents sont les dépassements de séjour, les emplois informels non déclarés. Cette nouvelle phase coïncide avec une forte augmentation des départs et confirme l’attractivité croissante des Etats d’Europe du sud (y compris le Portugal, Chypre et Malte). Sur la base d’une enquête quantitative menée après de 1 000 foyers en novembre 2005, Veselin Minčev et Venelin Bošnakov distinguent alors deux types de mobilités : les mouvements saisonniers/pendulaires de quelques mois, qui concernent davantage les Etats d’Europe du Sud-Est ; des migrations un peu plus longues (de l’ordre d’un an et trois mois en moyenne) à destination de pays du nord de l’Europe, l’Allemagne attirant le plus fort pourcentage de migrants, essentiellement parmi les hommes27. Selon leurs estimations, à cette date, 15,2% de la population bulgare (soit environ 440 000 foyers) a d’ores et déjà connu une expérience migratoire, si l’on définit celle-ci comme un séjour à l’étranger d’au moins trois mois28.

16 Dans ce contexte, entre 2001 et 2004 les transferts monétaires que les travailleurs bulgares font parvenir à leurs parents restés en Bulgarie s’accroissent rapidement, fournissant un apport majeur à la balance des paiements courants. Sur la période 2000-2005, le volume annuel des transferts nets courants depuis l’étranger passe de 300 millions environ en 1999-2000 à plus de 900 millions en fin de période (ce qui représente environ 30% du déficit de la balance des paiements et jusqu’à 4% du PNB) (voir tableau 1). La Banque centrale bulgare (BNB) estime à 344,7 millions d’euros en 2004 et 335,5 millions d’euros en 2005 la part des versements provenant de Bulgares travaillant à l’étranger29. Veselin Minčev et Venelin Bošnakov jugent ces résultats sous- estimés et avancent le chiffre de 836 millions d’euros par an en moyenne entre 2001 et 2005 (1/5ème du déficit de la balance des paiements courants et 1/3 des investissements directs étrangers) sur la base de leur enquête auprès des ménages30.

Tableau 1 - Flux de transferts courant et privés en Bulgarie

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Transferts courants, crédits (en millions 309,6 386,2 674,0 676,9 762,5 1048,4 1110,8 d’euros)

Transferts privés, crédits (en millions d’euros) 232,2 295,7 450,7 517,2 600,2 798,9 720,0

En % du PNB 1,9 2,2 3,0 3,1 3,4 4,1 3,4

En % des exportations 6,2 5,6 7,9 8,5 9,0 10,0 7,7

En % des importations 4,9 4,5 6,0 6,7 6,8 7,5 5,4

En % de la balance des paiements 23,0 23,1 25,3 30,6 27,3 29,3 18,1

En % des IDE 39,6 38,8 40,9 52,8 32,4 35,1 43,7

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Par hab. en euros 28,3 36,2 57,0 65,7 76,4 102,7 92,5

PNB par hab. 1482 1674 1919 2101 2249 2498 2722

Source : Banque nationale bulgare (BNB) et Institut national statistique (NSI) cités dans Vesselin Mintchev and Venelin Boshnakov, « Bulgarian Return Migration and Remittances : Alternative Estimates of Worker Remittances Inflow After 2000 », Working Paper Series, Sofia, 11 mai 2006.

17 Dans quelle mesure ces ressources contribuent-elles à modifier les modes de vie, pratiques de consommation et horizons d’attente tant des travailleurs que de leurs proches ? Les sommes thésaurisées semblent avoir été jusqu’à présent majoritairement destinées à l’amélioration du quotidien, à l’achat de biens de consommation durables, à la réfection ou à la construction de logements31, plus rarement à l’investissement dans des activités entrepreneuriales32. De plus, l’aide apportée aux familles restées en Bulgarie tendrait à décroître au fur et à mesure que les migrants consolident leur situation légale, professionnelle et personnelle (avec la venue des conjoints et des enfants, voire avec de nouvelles naissances) dans leur nouveau lieu de résidence : l’étude réalisée par Eugenia Markova et Barry Reilly auprès de 198 Bulgares à , en novembre-décembre 2003 et en avril 2004, a ainsi suggéré l’existence d’une étroite corrélation statistique entre le statut juridique des migrants (légal ou illégal) et les montants envoyés en Bulgarie (plus conséquents tant que les personnes en mobilité vivent dans une situation précaire) 33.

4 - Les effets de l’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne

18 Les traités d’adhésion de 2003 avaient offert aux Etats membres de l’UE la possibilité de restreindre l’accès des nouveaux entrants à leur marché du travail pendant une période maximale de sept ans (selon un principe 2+3+2). Cette clause a été reprise dans les traités d’adhésion signés par la Bulgarie et la Roumanie deux ans plus tard. En 2004, seuls trois pays avaient décidé de n’imposer aucune restriction : la Grande-Bretagne, l’Irlande et la Suède. Au terme des deux premières années, en mai 2006, l’Espagne, la Grèce, la Finlande et la Portugal ont supprimé les barrières à l’entrée ; six autres pays ont décidé d’ouvrir aux nouveaux membres plusieurs secteurs d’activité confrontés à des déficits de main d’oeuvre (Belgique, Danemark, France, Italie, Luxembourg et Pays- Bas). L’Allemagne et l’Autriche ont en revanche maintenu leurs restrictions34. Un mois plus tard, l’Italie suivait l’exemple espagnol. En 2007, l’Allemagne et l’Autriche ont également facilité les embauches dans les spécialités confrontées à une pénurie de travailleurs.

19 On dispose désormais d’un recul suffisant pour apprécier les mouvements intervenus depuis l’Europe post-communiste après le 1er mai 200435 : fin 2006, dans les 15 anciens Etats membres (E15), la part des actifs originaires des Etats centre-européens ayant rejoint l’UE (les E8) était inférieure à 1% de la main d’œuvre (elle s’établissait à 0,8% en Grande-Bretagne et 0,6% en Allemagne). Les pourcentages les plus élevés concernaient l’Irlande (2,4%), l’Autriche (1,3%) et le Luxembourg (1%). Au total, 682 500 citoyens des E8 étaient employés dans l’un des quinze anciens membres de l’UE, principalement en Grande-Bretagne (34%, soit 233 200 personnes) et en Allemagne (33,1%, soit 226 700)36. La France n’a pas été une destination privilégiée, puisque seuls 15 800 ressortissants des E8 y travaillaient à cette date. Toutefois, certains Etats - à l’image de la Grande-

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Bretagne et de l’Irlande - ont été confrontés à un afflux de migrants très supérieur aux anticipations, principalement des travailleurs polonais. Accentuée par le contraste entre leur politique migratoire libérale et celle des autres Etats membres européens, l’intensité de ces courants migratoires a conduit les deux pays à réviser leur position au moment de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’UE37 : en octobre 2006, la Grande-Bretagne a décidé que les citoyens bulgares et roumains devraient disposer d’un permis de travail, s’inscrire sur les quotas de migrants temporaires dans l’agriculture et l’industrie agroalimentaire (respectivement 16 250 et 3 500 pour l’année 2007) ou quérir un emploi à travers les programmes spéciaux en faveur de la main d’oeuvre hautement qualifiée38. On notera cependant qu’en Grande-Bretagne comme en Irlande la mobilité post-2004 a été principalement de courte de durée : au printemps 2007, les premiers signes de retours vers les pays d’origine étaient d’ores et déjà enregistrés39. La crise économique de 2008 semblerait avoir accéléré ce mouvement en Grande-Bretagne, en Espagne et dans les autres Etats membres de l’UE.

20 En mai 2006, une enquête réalisée à la demande du ministère du Travail et des Affaires sociales bulgare estimait entre 45 700 et 50 000 le nombre des Bulgares envisageant de rechercher un emploi à l’étranger après le 1er janvier 2007 ; 2% des personnes interrogées indiquaient souhaiter quitter le pays définitivement40. Bien qu’il soit encore tôt pour pleinement évaluer l’impact de l’accession de la Bulgarie à l’UE, les premières estimations disponibles révèlent des mouvements post-adhésion plus faibles que prévu : d’après les données fournies par Eurostat, en 2007 la Bulgarie aurait enregistré un solde migratoire négatif de 33 000 personnes41. Comme au cours des années précédentes, ces déplacements ont concerné prioritairement l’Espagne, l’Italie et la Grèce (en dépit du fait que ces Etats n’avaient pas opté pour une ouverture intégrale de leur marché du travail). Plusieurs facteurs contribuent à expliquer les recours limités à la mobilité. Le premier réside sans doute dans le fait que, pour la Bulgarie, le pic de migration a été atteint dans les années 2000-2004 - soit plusieurs années avant l’adhésion. Au moment de l’entrée dans l’Union, la majorité des citoyens bulgares aspirant à travailler à l’international étaient déjà en mouvement. Les transformations socio-économiques intervenues dans le pays constituent une seconde variable explicative : la Bulgarie a enregistré une croissance soutenue depuis 1999 couplée à un afflux d’investissements étrangers, puis à l’émergence de déficits ponctuels de main d’œuvre (dans les professions hautement qualifiées, d’une part, dans des secteurs d’activité très dynamiques comme la construction, d’autre part). Dans les grandes entreprises internationales implantées en Bulgarie, les salaires sont attractifs et le différentiel par rapport aux rémunérations d’Europe de l’Ouest va décroissant42. Les contrastes en matière de salaires demeurent en revanche sensibles dans les métiers moins qualifiés (transport, services, bâtiment, agriculture, tourisme, etc.).

21 La conjoncture économique représente un troisième paramètre. L’éclatement de la « bulle immobilière » en Espagne et la crise qui sévit depuis plusieurs mois en Europe ont déjà provoqué une diminution des mobilités, singulièrement dans l’agriculture et la construction. Il n’est pas à exclure en la circonstance que les ressortissants bulgares suivent la trajectoire de migrants roumains dont certains ont utilisé les savoir-faire acquis à l’étranger pour créer une entreprise en Roumanie43. Ce, d’autant plus que la Bulgarie est parvenue à maintenir un rythme de croissance soutenu dans la seconde moitié de l’année 200844 et a - momentanément - joui d’un avantage comparatif par rapport à ses partenaires européens45. Une enquête réalisée en septembre 2008 à l’initiative du Ministère de Travail et des Affaires sociales bulgare auprès des migrants

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en Espagne suggérait toutefois que, même en cas de chômage (l’Espagne comptait 2,5 millions de chômeurs en août 2008, dont 500 000 travailleurs étrangers46), la majorité d’entre eux n’envisageraient pas de revenir en Bulgarie. Deux raisons étaient avancées par les participants à l’enquête : la faiblesse des salaires bulgares dans leur secteur d’activité (35% d’entre eux occupaient des emplois à faible qualification en Espagne) et les risques d’extension de la crise économique à la Bulgarie47.

22 Le processus d’intégration à l’Union européenne n’a pas seulement influencé – fût-ce à un niveau moindre que ce que l’on attendait - les mobilités internationales des Bulgares. Il a également participé du développement de flux migrants à destination de la Bulgarie (ou transitant par elle) et a contribué à redéfinir son insertion dans son environnement régional. En adhérant à l’UE, la Bulgarie a dû reprendre à son compte l’intégralité de la « liste noire des visas » dressée par l’Union48. Dès 1999, elle avait introduit un système de visa pour les anciennes Républiques soviétiques sauf la Russie et l’Ukraine qui ont bénéficié d’une période de grâce jusqu’en octobre 2001. En revanche, les autorités bulgares s’étaient abstenues d’imposer des visas à la Macédoine et à la Serbie-et-Monténégro voisines49. Cette décision reflétait l’existence d’enjeux à la fois symboliques (la majorité des Bulgares entretient des sentiments de proximité à l’égard des Macédoniens, un peuple perçu comme ayant des origines communes avec les Bulgares) et économiques (les bénéfices retirés du commerce frontalier et du tourisme). Avant l’introduction des visas, entre 700 000 et 800 000 Macédoniens se rendaient chaque année en Bulgarie – un chiffre impressionnant rapporté à la population du pays (2 millions d’habitants) (voir tableau 2). Commerce de proximité, investissements mixtes, tourisme et attractivité des universités bulgares aux yeux des étudiants macédoniens expliquaient ces mouvements. Dans le cas de la Serbie-et- Monténégro, les liens étaient moins soutenus mais leur renforcement progressif traduisait la découverte par les Serbes d’une destination touristique d’autant plus appréciée que le nombre des pays où ils pouvaient se rendre sans visa s’était effondré depuis la fin de la Yougoslavie. Dans un contexte d’isolement relatif, l’ouverture de la frontière bulgare avait acquis une valeur nouvelle.

Tableau 2 - Nombre d’entrées en Bulgarie de visiteurs de Macédoine et de Serbie-et-Monténégro entre 2000 et 2006

Pays d’origine 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

République de Macédoine 880 000 859 000 849 000 887 000 858 000 755 000 713 000

Serbie et Monténégro 512 000 591 000 841 000 887 000 853 000 775 000 827 000

Source : Institut national statistique (NSI), cité dans Angelina Tchorbadjiyska, « Bulgarian Experiences with Visa Policy in the Accession Process… », op. cit., p.96.

23 En amont de l’accession européenne, la Bulgarie a décidé la gratuité des visas et cherché à faciliter leur délivrance en ouvrant deux nouveaux consulats à Bitola (sud de la Macédoine) et à Niš (est de la Serbie). Mais ces mesures n’ont pas réussi à empêcher l’effondrement des contacts bilatéraux : au cours des premiers mois de 2007, les entrées depuis la Macédoine ne représentaient plus que 29,96% de celles relevées l’année précédente (28,75% dans le cas de la Serbie)50. Dans les régions frontalières, le surcoût en termes de temps et d’énergie a eu raison de stratégies de survie qui avaient pourtant

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contribué à atténuer l’impact de la crise économique affectant les régions orientales de la Macédoine51. Le nombre des permis de résidence de longue durée accordés à des Macédoniens avait cependant, lui, augmenté (4 100 au cours des dix premiers mois de 2007 contre moins de 2 800 en 2006)52.

24 Notons enfin que, bien que la Bulgarie reste un pays accueillant peu de travailleurs étrangers, de petites communautés migrantes - originaires de Chine, du Proche-Orient, ainsi que d’Afrique - se sont ces dernières années établies sur son territoire. Certaines y occupent des niches professionnelles spécifiques (tels les Chinois dans la restauration et le commerce en milieu urbain)53. En 1993, l’Institut statistique national bulgare relevait la présence de 32 000 citoyens étrangers ; en 1998, ils étaient 93 00054. Au cours de la même période, 11 000 étrangers ont reçu la citoyenneté bulgare. Ces données suggèrent le développement (encore modeste) d’une immigration en Bulgarie qui devrait se poursuivre dans les années à venir.

25 Une fois brossées à grands traits les principales mobilités bulgares depuis 1989, il convient maintenant de revenir plus en détail sur les conditions d’émergence des études migratoires en Bulgarie, ainsi que sur les interrogations autour desquelles ce nouveau champ s’est structuré.

II - Etudier les migrations en Bulgarie : les constructions plurielles d’un objet de recherche

26 En Bulgarie même, le développement des études sur les migrations intervient principalement au tournant du XXIème siècle55. Il mobilise des enseignants-chercheurs, des personnels d’organisations non gouvernementales (ONG), ainsi que des consultants travaillant pour des agences gouvernementales et/ou des commanditaires internationaux56. La désignation des migrations comme un « problème social »57 imposant une « mobilisation coordonnée » des pouvoirs publics - dominante sur les scènes internationale et européenne - n’est pas étrangère au rôle des organisations internationales et des organismes publics dans le financement de ces travaux, tout comme à l’influence des approches décisionnelles au sein du nouveau champ. La distribution des acteurs ayant investi la thématique migratoire en Bulgarie reflète en même temps les profondes transformations intervenues, dans ce pays comme ailleurs en Europe, dans les définitions des métiers de la recherche, leurs modes d’organisation et leur condition de légitimation sociale. L’émergence d’une logique de « projets » dans lesquels les vertus managériales sont parfois plus importantes que la maîtrise de savoirs méthodologiques et/ou empiriques, d’une part, la porosité croissante des rôles (chercheurs, consultants, prescripteurs de normes, décideurs…), d’autre part, ont peut- être revêtu un caractère plus brutal en Bulgarie (en raison de la fermeture d’instituts de recherche publics, de la réduction drastique des aides étatiques, etc.) que dans des pays comme la France, mais ils n’en relèvent pas moins de processus partagés.

27 La richesse de travaux produits ces sept dernières années n’en est que plus remarquable58. Trois acteurs institutionnels ont joué un rôle-pivot en la matière : l’Académie des sciences bulgare (BAN, notamment sa Section d’ethnologie balkanique, l’Institut de sociologie, l’Institut d’études balkaniques, l’Institut d’histoire et l’Institut de démographie) ; l’université de Sofia « Kliment Ohridski » (Départements d’ethnologie, de sociologie, d’histoire et de théorie de la culture en particulier) et la

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Nouvelle université bulgare (Départements d’études politiques et d’anthropologie). Par- delà ces institutions, il convient de saluer les recherches menées et/ou financées par l’Institut pour l’étude des minorités et des relations interculturelles (Meždunaroden centăr za izsledvane na malcinstvata i kulturni vzaimodejstvija, IMR) que dirige l’historienne ottomaniste, Antonina Željazkova. On doit notamment à IMIR d’importantes enquêtes qualitatives sur les migrations, mais aussi un travail majeur de diffusion et de valorisation de la recherche à travers la publication de thèses de doctorat. Le Center for Advanced Studies (CAS) de Sofia, une structure privée actuellement dirigée par l’historienne, Diana Miškova, joue par ailleurs depuis sa fondation un rôle remarquable de pépinière de la recherche59. Enfin, en dehors de Bulgarie, une nouvelle génération de chercheurs bulgares - souvent eux-mêmes forts d’une expérience migrante - est en train d’apparaître60.

28 Les modes de construction de l’objet « migrations » retenus reflètent les ancrages disciplinaires des chercheurs et, plus encore, les redéploiements intellectuels aux termes desquels les questions de mobilité ont été érigées en thèmes d’investigation. Certains universitaires - principalement des démographes et des économistes, plus rarement des sociologues - ont abordé les nouveaux courants migratoires dans le cadre de réflexions sur les transformations des tissus démographique, économique et social bulgares postérieures à la chute du communisme. D’autres analystes - au premier chef des ethnologues, anthropologues et historiens - sont venus aux enjeux de mobilités à partir d’un intérêt pour des minorités turque, bulgare musulmane et rom qui ont figuré parmi les grands acteurs des circulations de l’après-1989. Enfin la redéfinition des rapports entre la « Bulgarie », les « Balkans » et l’« Occident » a été au coeur d’interrogations - chez des politistes, sociologues et historiens - sur les territoires et la citoyenneté en un monde globalisé au sein desquels les migrations de travail, formes de mobilité parmi d’autres, ont été prises pour analyseurs.

29 Dès la première moitié des années 1990, plusieurs démographes et économistes envisagent les mobilités inaugurées à la faveur du changement de régime dans une perspective macrosociale, informée par les résultats du recensement de 1992. En 1994, la revue de démographie, Naselenie (Population) publie ainsi un dossier sur les migrations qui replace les mouvements de l’après-1989 dans une perspective historique plus longue61. En ce début de décennie, le phénomène migratoire est - on l’a vu - principalement approché sous l’angle du brain drain. La perspective de l’ « exode des cerveaux » sera abandonnée dans la seconde moitié des années 1990, laissant apparaître des configurations variées en fonction des professions et temporalités envisagées62. Des études fines ciblent alors des segments spécifiques de migrants potentiels, à l’instar de celle qu’Ivan Calǎkov, de l’Institut de sociologie (BAN, section « Sociologie des sciences et éducation »), consacre entre 2000 et 2004 aux « Etudiants bulgares dans les technologies de l’information : attitudes envers l’émigration ou le travail en Bulgarie » grâce à un financement du ministère de l’Enseignement et de la Recherche63. Ces travaux sont contemporains de la réforme du système d’enseignement bulgare et des efforts de revalorisation, sur le marché du travail local, des diplômes acquis à l’étranger.

30 Au même moment, un nombre croissant d’experts internationaux investit la thématique du « risque migratoire » en provenance des pays ex-communistes dans le cadre de vastes enquêtes empiriques64. En Bulgarie même, les matériaux statistiques s’enrichissent (notamment après la réalisation du recensement 2001) tandis que se

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multiplient les sondages sur les « attitudes » migratoires des citoyens. Commandités par des acteurs tels que l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), ces travaux s’emploient à dessiner les profils des migrants, leurs motivations, leurs itinéraires, les transferts monétaires qu’ils font parvenir à leurs proches, ainsi que les conditions d’un éventuel retour65. Sources statistiques et enquêtes d’opinion s’y côtoient au détriment de la collecte de matériaux qualitatifs (entretiens auprès des migrants, de leurs familles, de leur entourage, de leurs employeurs, observation participante, etc.). Les représentations sociales de l’ailleurs, les relations complexes entretenues avec les parents, amis et réseaux sociaux dans les lieux d’origine comme de résidence, les redéploiements des espaces et temporalités auxquels les va-et-vient donnent lieu restent en dehors de la focale66. Au début des années 2000, au sein des organisations internationales une attention émerge néanmoins pour une forme particulière de mouvements - les migrations pendulaires jugées caractéristiques de la période contemporaine. Dans l’étude qu’elles réalisent pour OIM en 2003, l’anthropologue, Rossitza Guentcheva, et la politologue, Petya Kabakchieva, s’attachent à approfondir la compréhension de ces circulations migratoires67.

31 Leur étude entre en écho avec une seconde gamme de travaux dont on pourrait dire qu’ils relèvent plus spécifiquement des « anthropologies du voyage » (Fariba Adelkhah)68 - appliquées ici aux migrations dites « ethniques ». Dans un pays dont la diversité de peuplement a été construite comme un enjeu par les élites politiques sur la moyenne durée, les questions minoritaires ont constitué un champ de recherche privilégié. Après 1989, l’exploration des proclamations identitaires et des relations intercommunautaires connaît par ailleurs un nouvel élan en raison de l’héritage de l’assimilation forcée (1984-1989)69. Des ethnologues, historiens, anthropologues et, plus rarement, politistes s’attèlent à déchiffrer les conditions de rétablissement d’une coexistence intercommunautaire sereine. A l’Académie des sciences bulgare, dans des ONG comme IMIR, le Comité Helsinki bulgare (Bălgarski Helsinki komitet, BHK), ACCESS, SEGA, cette large communauté de chercheurs70 apporte à l’étude des itinéraires migrants sa sensibilité au terrain, ses méthodes qualitatives, son goût pour l’analyse microsociale des arts de faire et des représentations socioculturelles71.

32 Les trajectoires de mobilité de la communauté turque (qui a connu un exode à fortes résonances politiques et sociales en 1989) sont les premières à recevoir une attention suivie72. Ces mouvements ne sont pas sans précédents historiques : depuis la création d’un Etat en Bulgarie et la sortie de facto de l’Empire ottoman en 1878, l’histoire des populations turques de Bulgarie a été marquée par une succession de vagues migratoires, tantôt désirées, parfois consenties, en d’autres circonstances forcées (1950-1951 et 1989)73. Les analyses des circulations du temps présent s’opèrent donc parallèlement à une relecture du passé et de la contribution des politiques publiques bulgares et turques aux mobilités des Turcs bulgares74. L’exploration des mouvements des Bulgares musulmans intervient quelques années plus tard. L’ethnologue Margarita Karamihova fait ici figure de précurseur, elle qui lance en février 2002 à l’Institut d’ethnologie de BAN une étude sur « Les attitudes migratoires de la population des Rhodopes » financée par IMIR75. Ce projet permet la réalisation d’un film documentaire et la publication d’un ouvrage collectif devenu depuis lors un classique où sont posés les premiers jalons d’une réflexion associant l’examen des circulations à une réflexion sur les redéfinitions des hiérarchies, appartenances et rôles induites par le fait migratoire76. Toujours à l’Institut d’ethnologie de BAN, mais cette fois-ci autour des ethnologues, Elena Marušiakova et Veselin Popov, se développent en parallèle des

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travaux sur les migrations des communautés roms77. Cette configuration institutionnelle et disciplinaire spécifique explique qu’aujourd’hui encore les mobilités des minorités (turque, musulmane et/ou rom) soient les mieux connues en Bulgarie78.

33 Les chercheurs spécialisés dans l’étude des minorités n’ont toutefois pas l’exclusive des interrogations sur les migrations et la renégociation des identités sociales et culturelles. Quelques sociologues et politistes ont abordé l’enjeu des mobilités depuis un questionnement sur les mutations des ordres stato-nationaux à l’heure de la globalisation et de l’intégration européenne. Les mises en mouvement des travailleurs bulgares y ont été envisagées comme l’une des mobilités d’un monde contemporain post-moderne (avec les séjours touristiques, les pèlerinages, les échanges universitaires, les missions d’experts, etc.). Dans leurs travaux, elles valent avant tout comme un lieu où saisir l’émergence de sensibilités et manières de penser inédites, corrélées aux processus de globalisation. La littérature post-moderne (Zygmunt Bauman, Arjun Appadurai) comme celle sur le transnationalisme fournissent ici des références intellectuelles très sollicitées79. L’entrée d’auteurs tels que Petya Kabakchieva et Ivaylo Ditchev dans le champ des migrations gagne aussi à être mise en relation avec l’importance qu’a revêtu, dans les sciences sociales bulgares des années 1990, le débat sur la « balkanéité » des Balkans et les relations symboliques Balkans/ Occident. L’ouverture de la Bulgarie post-communiste sur un espace régional en recompositions violentes, les interprétations orientalisantes des guerres d’ex- Yougoslavie ont suscité de vifs débats en Bulgarie. L’ouvrage de l’historienne d’origine bulgare, Maria Todorova, Imagining the Balkans (1997) y a rencontré un écho d’autant plus ample que les grilles de lecture utilisées pour interpréter les destinées nationales bulgares n’étaient pas toutes, loin s’en faut, exemptes de déterminisme et de culturalisme80. La préparation de l’adhésion à l’UE a par ailleurs relancé les interrogations sur une européanisation entendue comme modernisation. Dans leurs déplacements spatiaux – qui sont aussi des franchissements de démarcations culturelles et temporelles -, les migrants ont dès lors été vus comme acteurs ou, à défaut, comme sujets de ces « rencontres interculturelles ».

34 A partir d’interrogations inscrites dans des champs de connaissance différents, trois débats se sont constitués ces dernières années. Ils concernent les vécus du départ et de l’éloignement, les contributions de la mobilité à un refaçonnage identitaire et les logiques de territorialisation/déterritorialisation. Abordant les migrations en tant qu’expériences humaines, certains textes mettent en exergue les souffrances attachées à des mobilités jugées synonymes de déclassement social et d’humiliations ; la consommation ostentatoire pratiquée lors des brefs retours en Bulgarie, mécanisme compensatoire, serait impuissante à atténuer ces expériences81. D’autres écrits suggèrent l’existence de mécanismes complexes d’ajustement aux va-et-vient à la faveur desquels sont remodelés tant les lieux de résidence que les terroirs d’origine. L’accent est ici placé sur le caractère éminemment dynamique des identifications82. Plusieurs travaux soulignent également combien les mobilités ont été peu à peu incorporées à des définitions individuelles et collectives de l’existence « normale ». Mila Mančeva évoque à cet égard la situation de migrants turcs bulgares installés à Berlin pour qui la dissémination des membres de leur famille entre la Bulgarie, la Turquie, l’Allemagne, les Pays-Bas, etc. tient lieu de fait social banalisé. Elle y voit « un processus de transnationalisation des familles migrantes des Turcs bulgares, qui préservent leur potentiel non seulement comme une ressource et une forme de soutien

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matériel et social, mais aussi comme structures de hiérarchies d’âge et de genre au sein desquelles sont prises les décisions importantes engageant la vie des membres »83.

35 Cette remarque ouvre une deuxième discussion relative, elle, aux reformulations identitaires suscitées par les mobilités. Sur la base d’entretiens effectués auprès de migrants bulgares en Italie et en Bulgarie, Petya Kabakchieva déplore l’absence chez ces citoyens mobiles d’une « identité nationale clairement exprimée »84. Elle en veut pour preuve le fait que les migrants déclarent ne rien regretter de la Bulgarie à l’exception de paysages, d’aliments, de musiques, ainsi que d’amis et de proches. Le jugement peut surprendre si l’on se souvient que les pratiques culturelles participent fondamentalement de la création d’identifications valorisantes à un « nous », de la matérialisation d’un être ensemble et que c’est précisément pour cette raison qu’elles se prêtent volontiers à une construction en emblèmes identitaires. Le vêtement, les arts de la table, les odeurs, certaines sonorités forgent des sensibilités qui sont partie intégrante des appartenances, et notamment de l’appartenance nationale. Autrement dit, le « national » ne se réduit pas à la revendication de droits collectifs, pas davantage à l’exercice de la citoyenneté, ni d’ailleurs aux lieux et moments de politisation des identités. Dans le sillage des travaux de Rogers Brubaker, il n’est pas sans intérêt de s’arrêter sur les modalités – réflexives ou non - d’identitarisation et de dés- identitarisation (ces « intermittences » identitaires) des vécus quotidiens dont l’alimentation, le vêtement, la musique sont constitutifs85. Ces manières d’être et de se sentir appartenir, situationnelles et relationnelles, sont inscrites dans des expériences sociales dont l’intelligibilité est indispensable à une appréhension des constructions de soi. Enfin, l’on pourrait souhaiter rappeler que les valeurs auxquelles l’on se réfère pour fonder nos actions ne sauraient être, sans inventaire, tenues pour les moteurs de ces dernières86.

36 Plus largement, faut-il considérer que les expériences migratoires accentuent les identifications antérieures et renforcent les frontières entre « groupes », qu’elles s’accompagnent d’un processus d’hybridation des appartenances ou encore qu’elles sont gérées à travers des basculements (switching) entre répertoires identitaires en fonction des situations ? Pour Petya Kabakchieva, les mobilités mettent en jeu non la préservation d’une idée du « chez soi » et donc d’un territoire d’appartenance, mais plutôt la mise en flottement des identités et des lieux avec des mécanismes d’adaptation qui reposent sur l’alternance entre les codes d’« ici » et de « là-bas ». La perspective est fructueuse dans la mesure où elle rappelle le caractère contextuel et interactif des positionnements identitaires. Elle semble plus heuristique qu’une lecture qui tendrait à postuler la rigidité d’appartenances consolidées dans l’exposition à un Autre (oublieuse des différences dans les expériences migratoires, des trajectoires sociales contrastées des acteurs, des effets des apprentissages de la mobilité, etc.). Cependant, on pourrait lui préférer un regard plus attentif à la temporalité des parcours migrants et aux redéploiements identitaires qui s’y déroulent. Plus que d’un basculement entre codes – avec le postulat de stabilité que ces derniers impliquent - , il nous semblerait utile d’interroger des formes d’agrégation et de redéfinition de repères identitaires pluriels, de saisir la manière dont ils tiennent ensemble des individus dont les manières d’être peuvent différer dans le pays d’accueil et la terre d’origine, mais ne sauraient être réduits à une modalité unique dans l’un ou l’autre de ces espaces, ni être postulées pérennes.

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37 Un dernier débat concerne les vécus des territoires dans un contexte de généralisation des mobilités, internes comme internationales, temporaires comme durables. Faut-il considérer que les acteurs mobiles formeraient, dans leur va-et-vient entre deux ou plusieurs Etats, des communautés post-nationales ou transnationales habitant des espaces relationnels à cheval sur plusieurs territoires ? Ou doit-on au contraire les envisager comme des individus flottants entre des ailleurs dont aucun ne serait réellement vécu comme sien ? La question de la spatialité est au cœur des travaux sur les faits migratoires. Pourtant, qu’il nous soit permis ici de suggérer une piste de recherche dont il nous semble qu’elle mériterait d’être explorée plus systématiquement - à savoir l’articulation entre le rapport au territoire et au temps et, plus généralement, la prise en compte dans les recherches sur les refaçonnages identitaires induits par les migrations de l’existence, en parallèle, de transformations contemporaines dans les appréhensions du temps. Depuis une vingtaine d’années, les historiens - dans le sillage d’un Reinhardt Koselleck, par exemple - ont souligné l’irréductible pluralisation des expériences du temps social87. Ils ont également décrit l’existence de changements majeurs dans les « régimes d’historicité ». François Hartog a relevé le développement d’un présentisme en rupture profonde par rapport aux imaginaires des articulations entre passé, présent et futur qui, depuis le XVIIIème siècle, ont structuré notre compréhension des mondes vécus et notre capacité à penser les discontinuités88. S’il est vrai que le tracé par des élites intellectuelles et politiques d’une ligne historique sous- tendue par le « Progrès » a représenté depuis deux siècles une condition de possibilité des ruptures tissées dans la redécouverte d’un passé mis en contemporéanité (ou encore approchées depuis l’avenir comme une projection du futur), quelles peuvent être les conséquences d’une remise en question de ces légitimations du mouvement ? S’il est vrai que le tracé par des élites intellectuelles et politiques d’une ligne historique sous-tendue par le « Progrès » a représenté depuis deux siècles une condition de possibilité des ruptures tissées dans la redécouverte d’un passé mis en contemporéanité (ou encore approchées depuis l’avenir comme une projection du futur), quelles peuvent être les conséquences d’une remise en question de ces légitimations du mouvement ?

38 Ces remarques suggèrent deux directions de recherche : d’une part, il ne serait pas sans intérêt d’interroger la manière dont les déplacements dans l’espace sont aussi, en même temps, vécus comme des déplacements dans le temps qui permettent parfois de ressaisir une idée de soi et d’envisager la projection vers l’avenir des existences individuelles et de groupe. D’autre part, mais l’invitation est ici plus intuitive et mériterait d’être travaillée, il pourrait être fructueux de chercher à rendre compte des incidences, sur les identifications, de la fin d’un moment historique (grossièrement du XVIIIème siècle à la fin du XXème siècle) ayant reposé sur la capacité à opérer une disjonction entre le passé et le présent au service d’une construction du futur. Si ces mécanismes d’appréhension du changement social ne sont plus opérants, s’il est vrai que nous sommes entrées dans une ère dominée par le présentisme, alors nos approches des modalités d’appartenance et de création d’un « nous » vont devoir être reconsidérées. Ces dernières années, maints travaux de sciences sociales ont attiré l’attention sur l’émergence d’acteurs affichant des identités de plus en plus nombreuses ; par-delà leurs épaisseurs historiques variées et leur degré d’institutionnalisation plus ou moins achevé, ces identités apparaissent fluides, infiniment « zappées » (et d’autant plus rigidifiées dans les discours des acteurs qu’elles peuvent être plus rapidement troquées contre d’autres). Les migrations - dans leurs mouvements multiples qui ne se réduisent d’ailleurs pas à un avant et un après, un « ici » et un « là-bas », mais, plus

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souvent, à une démultiplication des « ici » et des « là-bas » - pourraient fournir un des sites où observer les possibilités de (re)conceptualisation d’une unité d’expérience lorsque des acteurs vivent différemment, mais en même temps, des processus sociaux seulement partiellement similaires. A défaut, elles pourraient donner à voir les modalités de production de nouveaux ordonnancements identitaires aux ancrages spatiaux et temporels inédits.

39 Sans statuer sur ces enjeux, les articles rassemblés dans ce dossier devraient nous permettre d’affiner notre compréhension tant des ressources migratoires que des modalités d’articulation des vécus mobiles dans des identités culturelles et sociales retravaillées.

III - Aborder les migrations depuis le microsocial : l’élaboration d’un dossier

40 Déficit d’information en langue française, richesse de la thématique, telles sont les deux principales motivations qui nous ont amenés, avec Elena Marušiakova et Veselin Popov, et en partenariat avec la Section balkanique de l’Institut d’ethnologie et du Musée ethnographique de l’Académie des sciences bulgare, à consacrer un dossier aux mobilités bulgares contemporaines en Europe. L’un de nos objectifs était de mettre en valeur l’apport de doctorants ou de jeunes docteurs ayant réalisé un travail de terrain souvent remarquable aux communautés scientifiques en Bulgarie. Les contributions présentées ici ont en commun de privilégier une démarche qualitative, attentive aux manières de faire, de ressentir et de dire le social. Les approches retenues sont pluridisciplinaires, tout en reflétant une sensibilité pour l’ethnologie, l’anthropologie et l’histoire.

41 Les articles sont ordonnés autour de trois polarités auxquelles ils ne se réduisent pas. Une première partie invite à inscrire les mobilités du présent dans un horizon temporel plus large parcouru de maillages spatiaux différenciés. Les excursions dans le temps suivent plusieurs voies : dans quelle mesure les mises en mouvement d’aujourd’hui s’inscrivent-elles en rupture ou en continuité - effective ou réinventée - par rapport aux mobilités communistes ou ante communistes ? Les réactualisations du passé fournissent-elles des répertoires de sens permettant de penser les choix migratoires contemporains ou doivent-elles être plus prosaïquement envisagées comme des viviers de savoir-faire et de réseaux sociaux? Jusqu’à quel point, d’ailleurs, l’exploration de nouveaux espaces participe-t-elle d’un apprivoisement de l’aujourd’hui, d’un effort pour interpréter des mutations politiques, économiques et sociales dépassant le seul fait migratoire ? Creuser les temporalités du mouvement invite ainsi à saisir, d’une part, la pluralisation des pratiques sociales du temps, d’autre part, les manières dont les transformations de l’après-1989 viennent plier et feuilleter des passés dont la proximité avec le présent est redéfinie.

42 Petko Hristov nous emmène ainsi sur les routes du gurbet89 - ces circulations de travail caractéristiques des Balkans ottomans à la faveur desquelles des migrants balkaniques monnayaient leurs savoir-faire d’agriculteurs et de bâtisseurs -. Source de revenus précieuse, le gurbet a également constitué un vecteur de remodelage des moments-clés de la vie sociale, ainsi que des expériences du territoire. Contrairement aux migrations contemporaines, le gurbet que nous décrit Petko Hristov est gendered (confiné pour

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l’essentiel aux hommes) ; il s’inscrit dans la durée d’une saison économique et n’engage pas la perspective d’une installation définitive. L’une des richesses de l’article réside dans la description fine du voyage comme passage (à l’âge adulte) et de la manière dont les présents gèrent l’absence en la symbolisant. Les départs, les retours se guettent à travers les traces qui les rendent possibles et dans lesquelles ils sont dits : les calendriers festifs familial et villageois, les cycles de vie (les mariages notamment) sont réorganisés pour épouser les rythmes du gurbet, tandis que les frontières entre l’ici et l’ailleurs sont marquées à travers la tristesse et les pleurs de la séparation à la lisière des villages. Nous voici d’entrée plongés au cœur des interactions entre individuation et appartenance au groupe qui jalonneront l’ensemble du dossier.

43 Pour Petko Hristov, la sortie de l’Empire ottoman s’est accompagnée moins d’une rupture que d’une réorientation du gurbet. Il voit dans les migrations de Gastarbeiter à destination de l’Allemagne et des pays d’Europe du nord des années 1970, comme dans les mouvements de l’après-1989, une déclinaison nouvelle de logiques pérennes. La comparaison entre migrations du début du XXème siècle et dynamiques post- communistes présente l’avantage de nous rappeler que des phénomènes parfois trop hâtivement qualifiés de nouveaux (sans que les termes de cette nouveauté ou les lignes de démarcation entre l’avant et le maintenant soient explicités et discutés) mériteraient d’être mis en regard avec celles observées dans d’autres configurations historiques - non pour postuler l’existence de similitudes, mais pour mieux saisir d’éventuelles singularités (parmi celles-ci figurent sans doute des ordres territoriaux marqués par la généralisation du modèle de l’Etat-nation et des politiques publiques de contrôle des frontières et des statuts de citoyenneté/d’étranger renforcé, etc.)90. Dans une telle démarche, il pourrait être utile d’établir une distinction entre les modes d’énonciation discursive des mobilités (des termes identiques peuvent désigner des pratiques sociales innovantes), leurs conditions d’intelligibilité par ceux qui y prennent part (la référence à des imaginaires sociaux anciens et à une longue durée historique peuvent servir de repère afin d’appréhender le présent, y compris dans ses changements, voire pour mettre en œuvre ces métamorphoses) et les éventuelles continuités observées dans les formes et ressorts des mobilités contemporaines.

44 Dans leur contribution, Elena Marušiakova et Vesselin Popov, qui désignent également les migrations contemporaines sous le nom de gurbet, ne choisissent pas entre ces interprétations. Mais ils invitent à repenser les découpages temporels du XXème siècle traditionnellement proposés dans l’historiographie des migrations. Leur article se concentre sur un groupe spécifique, lui-même hétérogène - les Roms originaires de Bulgarie, de Roumanie et de Yougoslavie. Afin d’éclairer les circulations d’aujourd’hui, ils proposent un détour par une histoire rom traversée, depuis leur arrivée en Europe au XVème siècle, de « vagues migratoires » successives. De leur point de vue, la principale rupture en la matière ne date pas de 1989 et de la chute du communisme, mais bien des années 1960-1970 qui voient s’amorcer une troisième migration historique, singulièrement depuis la Yougoslavie. Adopter cette chronologie n’est pas sans implication pour l’analyse : la compréhension des mobilités n’est plus recherchée dans le seul changement des régimes politique et économique à l’Est ; elle est proposée à l’intersection entre la transformation des politiques migratoires de pays ouest- européens, elle-même imputable aux premiers frémissements d’une globalisation des marchés du travail, et les stratégies économiques et démographiques adoptées par les Etats communistes. Pays capitalistes et non capitalistes se retrouvent ici englobés dans

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une histoire commune qui dépasse des lignes de démarcation entre blocs « Est » et « Ouest ».

45 On ne peut toutefois s’empêcher de songer que la configuration qu’ils décrivent n’éclaire pas au même degré l’ensemble des trajectoires des Etats socialistes : quelle distance, en effet, entre l’encouragement yougoslave aux migrations du travail et la politique d’autarcie adoptée par l’Albanie ou encore la fermeture de la Roumanie des années 1980. L’article n’en apparaît pas moins précieux en ce qu’il nous permet de relier des périodes (ante communiste, communiste, post-communiste) dont toutes ne nous sont pas connues au même degré. Ainsi que Ralitza Soultanova91 et Rossitza Guentcheva (dans ce dossier) l’ont justement souligné, les décennies communistes font trop souvent figure d’angle mort dans les recherches sur les migrations, alors même que voyages professionnels, formations universitaires, séjours touristiques, échanges interétatiques de main d’œuvre ont fourni aux citoyens bulgares des expériences de l’ailleurs ayant affecté tant leurs vécus du socialisme que la réalisation des projets migratoires de l’après 1989.

46 La seconde partie du dossier nous propose l’exploration d’itinéraires migratoires singuliers, ceux des Turcs bulgares en Turquie (Mila Maeva); des Roms bulgares en Espagne (Magdalena Slavkova) et des citoyens bulgares en Grèce (Nikolaj Gabărski, Aliki Angelidou). Par-delà leurs différences, ces contributions éclairent d’abord les modalités pratiques du transit – deux thématiques dont Stéphane de Tapia a rappelé qu’elles restent encore à la périphérie des études sur les migrations –92, les réseaux sociaux qui facilitent la mobilité et ceux qui se constituent à la faveur des déplacements, les modes d’insertion sur les marchés du travail locaux, ainsi que le rôle des politiques migratoires des Etats receveurs dans les choix d’installation - temporaire ou permanente - des migrants. Ces textes nous fournissent ensuite une première série d’indices pour apprécier les contributions du de l’éloignement et des retours à la reformulation des appartenances individuelles et collectives, à la fabrique des statuts sociaux, ainsi qu’à la constitution d’espaces relationnels entre lieux d’origine et de résidence.

47 Mila Maeva nous propose d’accompagner les Turcs de Bulgarie dans leurs trajets vers un pays, la Turquie, pensé comme une « mère patrie ». Elle décrit les difficultés du voyage, mais surtout la rencontre entre des migrants minoritaires en Bulgarie - qui espéraient s’insérer dans l’espace territorial et symbolique plus vaste de la nation turque - et des citoyens de Turquie pour qui ces nouveaux venus sont aussi, voire avant tout, des travailleurs migrants. Les modes d’entrée sur le marché du travail (dans des conditions initialement précaires), de logement (en périphérie des grandes villes) et de vie au quotidien (fondée sur la thésaurisation) contribuent à faire de cette rencontre un lieu producteur de « différences ». Turcs en Bulgarie, ils sont parfois considérés comme « Bulgares » (bulgarlar) en Turquie, au point de s’y ressentir une fois de plus comme une minorité. Les interactions font saillir les contrastes dans les rapports à l’islam (les Turcs de Bulgarie jugent les Turcs de Turquie plus « conservateurs »), le rôle de la femme, mais aussi les pratiques festives et alimentaires. Elles s’opèrent en parallèle avec un ré- ancrage symbolique dans une région d’origine autour de laquelle s’ordonnent les sociabilités reconstituées en terre de migration. Le lien densifié n’est pas celui qui unit à la Bulgarie en tant qu’Etat ni même à une idée de la bulgarité citoyenne, mais celui qui scelle le rapport physique, sensoriel et symbolique avec un « chez soi » situé en Bulgarie.

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48 La configuration que Mila Maeva nous expose n’est pas sans rappeler la situation des migrants magyars de Transylvanie partis travailler en Hongrie après 198993 et amenés à renégocier les définitions d’eux-mêmes et de la « mère-patrie » à l’intersection entre des assignations extérieures - liées non seulement à des univers culturels différents mais aussi à des positions socio-économiques spécifiques au sein de la société hongroise – et des identifications internes marquées par l’expérience de la distance sociale avec les citoyens de Hongrie94. Par rapport à la trajectoire des Magyars de Transylvanie, plusieurs éléments de spécificité peuvent être cependant notés : pour la majorité des migrants turcs de Bulgarie, le déplacement depuis leur terre natale vers la Turquie s’accompagne aussi d’un exode rural. Issus d’un univers essentiellement rural, ils s’installent en effet dans des centres urbains pourvoyeurs d’emplois. Le sentiment d’étrangeté, la nostalgie de la terre quittée sont aussi ceux de paysages de montagnes, de collines ou de terres agricoles remplacés par des cités bruyantes de vie. Les politiques des kin states (Hongrie et Turquie) envers leurs minorités de l’extérieur contribuent également à la singularisation de chaque configuration : Mila Maeva souligne que tous les informateurs qu’elle a rencontrés détenaient la double nationalité (bulgare et turque), alors que nombreux sont les migrants hongrois en Hongrie dépourvus de passeport hongrois. La majorité des migrants turcs de Bulgarie dont l’auteur a suivi les trajectoires se sont par ailleurs installés de façon durable, si ce n’est définitive en Turquie, quoique cette installation n’engage pas une disparition totale des liens avec la région de naissance. Seule une frange des migrants a pris le parti de revenir en Bulgarie. Enfin, dans les imaginaires croisés des Turcs de Bulgarie et des citoyens de Turquie, une dernière variable contribue à introduire un écart par rapport à la situation des Hongrois de l’extérieur : le processus d’intégration à l’Union européenne (UE). Là où la Hongrie et la Roumanie sont devenues membres de l’UE, quoiqu’à quelques années de décalage, seule la Bulgarie a rejoint l’Union à ce jour. Grand pays, imaginé plus prospère que la Bulgarie, plus « avancé » aussi, la Turquie s’est trouvée repositionnée symboliquement plus à l’Est au fur et à mesure que son voisin balkanique se rapprochait d’un horizon « européen ». La référence à « l’européanité » était déjà mobilisée par les migrants turcs bulgares dans leurs relations avec les citoyens de la « mère patrie », notamment pour valoriser des pratiques cultuelles et religieuses jugées plus « modernes », l’adhésion européenne de la Bulgarie a contribué à renforcer les usages de ces échelles symboliques qui font du migrant, minoritaire et souvent socialement fragilisé, un acteur culturellement « supérieur ».

49 La contribution de Magdalena Slavkova nous propose un double déplacement - vers un autre « groupe » et une autre destination - elle qui s’intéresse aux expériences migratoires des Roms de Bulgarie en Espagne. Elle souligne l’importance de se départir de deux assomptions erronées : la première réside dans l’idée selon laquelle l’insertion des Roms dans des réseaux migratoires traduirait la redécouverte du nomadisme par des populations sédentarisées de force pendant la période socialiste. Non seulement, dans le contexte bulgare, la part des Roms ayant mené une existence nomade au regard des populations sédentarisées était modeste mais, en outre, les recours à des stratégies de survie mobiles s’observent aussi bien parmi les sédentaires que dans les groupes ayant autrefois nomadisé. Le second postulat dont il convient de se dépendre est celui qui consisterait à supposer l’existence de solidarités immédiates, évidentes, fondées sur une commune appartenance « rom » entre les groupes désignés de l’extérieur comme tels. En migration, nous explique-t-elle, les distinctions entre les diverses communautés

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roms de Bulgarie sont maintenues (à travers les modalités de déplacement, les itinéraires et destinations choisies, voire le logement dans le pays de destination). De la même manière, il n’y a aucune solidarité automatique entre Gitanes d’Espagne (qui occupent une place généralement supérieure à celle des nouveaux venus sur l’échelle sociale), Roms de Roumanie (plus nombreux, plus visibles aussi dans l’espace public en raison de la préservation – chez certains d’entre eux - de codes vestimentaires distinctifs, qu’on ne retrouve pas à l’identique dans les groupes roms migrants venus de Bulgarie) et Roms de Bulgarie. Le tissage des liens n’est sensible que parmi les Roms convertis à l’évangélisme - pour ces derniers, l’engagement religieux fournit d’ailleurs une ressource clé dans les parcours de mobilité - et c’est alors principalement autour des pratiques religieuses communes et des réseaux sociaux qui y sont attachés que Gitanes, Roms roumains et Roms bulgares se retrouvent, non en raison d’une ethnicité partagée.

50 L’analyse proposée par Magdalena Slavkova jette également un éclairage précieux sur les appartenances valorisées en migration. Les définitions de l’individu et du groupe s’adossent à des démarcations dont certaines sont relativement pérennes (comme la délimitation entre Roms et non-Roms), mais nouent de manières complexes des interactions entre sous-groupe, « ethnicité » et nationalité. L’identification au pays d’origine et, dans une certaine mesure à une identité bulgare, nous dit-elle, sort doublement renforcée des mises en mouvement en raison du rôle que joue la nationalité dans le traitement des migrants par les autorités espagnoles, d’une part, et du regard porté sur les Roms de Roumanie au sein de la société espagnole, d’autre part. Cette présentation des strates identitaires plurielles - redéfinies les unes et les autres en interaction avec des acteurs publics et des interlocuteurs au quotidien - n’est pas sans affinité avec celle proposée par Mila Mančeva dans son étude sur les réseaux de solidarité « co-ethniques » (des Turcs d’Allemagne) mobilisés par les Turcs bulgares en Allemagne. Si son terrain l’amène à observer le rôle des solidarités communautaires dans la recherche d’un logement ou d’un emploi, par exemple, elle rappelle que ces dernières reflètent moins l’existence d’un sentiment d’appartenance « ethnique » commun (les différences culturelles entre les groupes étant également produites et/ou mises à jour dans des interactions conditionnées par leurs rôles sociaux et par la position singulière des Turcs allemands en Allemagne) qu’une structuration spécifique des communautés migrantes, de la politique migratoire et du marché du travail en Allemagne.

51 Sur les modes de présentation de soi, les rapports entretenus avec espaces de résidence et d’origine, les deux textes consacrés aux migrations bulgares en Grèce jettent un éclairage complémentaire. Une des premières destinations des migrations bulgares après 1989, la Grèce a vu sa position au sein des Balkans bouleversée par la fin de la guerre froide, tandis que des espaces frontaliers, longtemps interdits à la circulation, redevenaient lieu de passage et de solidarités adossées à la mobilisation de passés communs. L’analyse que nous propose Nikolaj Gabărski explore au premier chef les migrations bulgares en milieu rural, particulièrement dans la région de Pelasgia ; Aliki Angelidou, elle, a posé son regard sur la capitale, Athènes, et sa périphérie urbaine. Dans la première configuration, le travail agricole saisonnier occupe une place de choix dans les stratégies d’emploi adoptées par les migrants. Dans la configuration que nous décrit Aliki Angelidou, les services à domicile, la construction constituentles principaux débouchés des travailleurs migrants. Les deux auteurs se rejoingnent pour souligner les

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phénomènes de déclassement social corrélés à l’exercice de métiers faiblement qualifiés.

52 Avec Nikolaj Gabărski, nous sommes invités à suivre les migrants à travers chacune des étapes qui les conduisent depuis leur village ou ville d’origine jusqu’à leur destination en Grèce. Il retrace le développement des réseaux de passeurs (les kanaldžii) dont les services furent massivement sollicités avant la levée des visas Schengen, dessine les voies de passage entre les deux pays et déroule le récit de la recherche d’emploi par les migrants. Contrairement à ce que l’on aurait pu anticiper, ses recherches de terrain suggèrent par ailleurs que le rôle des passeurs n’a pas disparu au moment de la levée des visa Schengen en avril 2001 : les modalités des migrations n’ont changé que plus tardivement, à la fois en raison des conditions de mise en œuvre des nouvelles dispositions par les douaniers grecs et de l’attachement des migrants à des pratiques et interlocuteurs devenus familiers.

53 Dans la contribution d’Aliki Angelidou, nous retrouvons les migrants bulgares installés dans la précarité d’emplois peu qualifiés et, surtout, invités à dire la rencontre avec l’Autre, les sentiments - changeant dans le temps - de proximité et de distance, de familiarité et d’inconnu. Chacun des entretiens qu’elle a réalisés avec des travailleurs migrants nous ramène aux questionnements abordés plus haut : la circulation sur des terres européennes dont l’altérité culturelle, le degré « d’avancement » économique sont perçus comme impliquant un déplacement de soi dans le temps, aide-t-elle à apprivoiser le présent en lui offrant la perspective d’un devenir individuel tendu vers le progrès ? Pour les migrants bulgares, la découverte de la Grèce - un pays qui était envisagé avant le voyage comme un « nous en plus avancé » - passe par plusieurs étapes dont chacune implique des repositionnements du soi au regard d’étalons de valeur changeants. Au fil du temps, cet Ailleurs de la Grèce prend les formes - successives ou coexistantes - d’un « nous » en mieux, d’un « Autre », d’un « moins bien que nous ». Les confrontations plurielles à un écart culturel parce que social, modulé en fonction du statut des migrants (irrégulier ou non, précaire ou consolidé, avec ou sans maîtrise de la langue locale) s’accompagnent de relocalisations de soi sur une échelle temporelle (développé/retardé) qui n’en finit pas d’être également spatiale et culturelle. Dans le même temps, la circulation s’impose, à la lecture des entretiens d’Aliki Angelidou, également comme un moyen pour donner sens à des expériences de vie, y compris celles antérieures à la mise en mouvement. Se déplacer permet alors de trouver, de marquer sa « place » - laquelle ne se pense pas seulement dans les termes de la réussite sociale, de l’interconnaissance et de la reconnaissance, mais aussi comme une sensation en son corps.

54 Ce que suggère le texte d’Aliki Angelidou est dès lors qu’il nous faut, dans un troisième et dernier temps, revenir - géographiquement et symboliquement - vers la Bulgarie. Rossitza Guentcheva suit cette voie en nous proposant un premier « détour » (au sens de Georges Balandier) par les mobilités internes à la Bulgarie et les politiques publiques destinées à les encadrer. Sa contribution s’ouvre sur une interrogation fondatrice : de quel espace et de quelles circulations parle-t-on lorsque l’on travaille sur les migrations ? Il est de coutume, dans les études des faits migratoires, de se concentrer sur les seules « migrations internationales », celles qui traversent les frontières étatiques. Ce sont ainsi paradoxalement les milieux de recherche les plus prompts à remettre en question dans leurs travaux la pertinence des frontières stato-nationales (à travers l’utilisation de notions comme le transnationalisme, par exemple) qui réifient

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ces mêmes frontières en considérant que migrations « internes » (vătrešni) et « externes » (vănsni) devraient de relever de traitements distincts. Et si les déplacements internationaux ne constituaient que la poursuite, l’expansion des logiques de circulation existant à l’intérieur des espaces stato-nationaux, comment faudrait-il penser les interrelations entre ces deux types de mouvements ? A l’instar des travaux sur les migrations roumaines, Rossitza Guentcheva souligne les ressources que peuvent représenter de premières migrations internes en vue d’expériences migratoires ultérieures à l’étranger. Les apprentissages de la mobilité, l’incorportation des circulations dans des parcours de vie commencent souvent au sein d’un espace régional.

55 Sa contribution est par ailleurs riche d’une autre proposition de rupture méthodologique : en interrogeant aussi bien les pratiques migratoires que le mode de traitement, par la puissance publique bulgare, des migrations internes avant et après la chute du communisme, elle avance la nécessité de remettre en question le postulat d’une rupture en 1989 et, corrélativement, celui d’une alterité, d’une exceptionnalité socialistes. Dans les formes de mobilités elles-mêmes, l’auteur souligne l’existence de permanences sensibles : la tendance à la réduction de l’exode rural, par exemple, avait été amorcée dès les années 1960. La propension de l’Etat à vouloir encadrer, infléchir les flux migratoires apparaît elle aussi inscrite dans la moyenne durée : ce sont principalement les moyens qui ont changé (plus d'interdictions, mais des incitations), non l’ambition de contrôler. Les objectifs portent désormais moins sur la gestion de la rareté des biens publics dans les centres urbains que sur l’encouragement libéral à une flexibilisation de la main d’œuvre. Ils s’inscrivent dans l’affichage d’un idéal étatique et européen soumis à de nouvelles rationalités. Attentative aux continuités à l’intérieur des discontinuités, l’auteur attire cependant l’attention sur l’émergence d’un phénomène qui, à défaut d’être statistiquement significatif, n’en apparaît pas moins qualitativement intéressant - à savoir le retour vers les villages (mais pas nécessairement vers un mode de vie agricole) de populations urbaines confrontées à une crise des ressources ne leur permettant plus d’assumer les dépenses liées à un mode de vie urbain.

56 Observant les nouvelles dynamiques migratoires internationales depuis la Bulgarie, Rossitza Guentcheva nous propose enfin un éclairage original de la manière dont se redéploient les liens entre l’ici et l’ailleurs. Son article dessine en effet les contours d’une dichotomie possible entre l’étranger, lieu de mobilités plurielles et de travail, et une Bulgarie parfois vouée à une immobilité consommatrice. Certains migrants qui ont connu un emploi à l’étranger (et les rémunérations « occidentales » afférentes) ne peuvent plus envisager de travailler localement pour le salaire très inférieur qui leur serait proposé. Ils élaborent alors des modes d’existence bipolaires dans lesquels les séjours dans la terre d’origine s’égrènent dans l’épuisement progressif de l’épargne accumulée grâce au détour par l’international avant de nouveaux départs au-delà des frontières. Mobilités transnationales et immobilités bulgares deviendraient ainsi les deux faces d’une même réalité sociale.

57 Avec l’article de Margarita Karamihova, la palette des indices, des impressions, glanées tout au long du dossier viennent se réordonner en un ensemble des processus individuels et sociaux, générationnels et de genre, identitaires et culturels, qui sont d’autant mieux saisis dans leurs imbrications que l’auteur a choisi de consacrer son étude à un site spécifique, le village de Satovča, dans les Rhodopes occidentaux (au Sud-

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Ouest de la Bulgarie), où habitent une majorité relative de Bulgares musulmans, des Bulgares orthodoxes et des Roms musulmans pour certains récemment convertis à l’évangélisme. Avec cette recherche d’une très grande richesse ethnographique, le prisme d’analyse ne porte plus sur les lieux de destination des migrants, ni sur les itinéraires migratoires des citoyens en mobilité ; il se concentre sur l’espace du village natal, celui précisément dont Margarita Karamihova nous montre à quel point il est parvenu, au prix de transformations et différenciations nouvelles, à s’imposer comme le « noyau modal » d’une territorialité imaginée élargie aux « filiales » d’Espagne, de Grèce ou des Etats-Unis. Ce déplacement de focale présente au moins deux avantages pour l’analyse : il nous aide d’abord à nous départir de la propension, fréquente dans les études sur les migrations, à imputer aux faits migratoires la majorité des mutations de rôle, d’identités et de statuts observées dans des lieux où de larges segments de la population sont entrés en mobilité. Margarita Karamihova décrit très justement les interactions entre plusieurs séries de changements liées à la transformation de l’économie de subsistance locale, au réordonnancement de l’ordre politique post- communiste, au processus d’intégration européenne…et à des mises en mouvement multiples (migrants saisonniers, migrants de longue durée, jeunes partis suivre une formation en théologie islamique à l’étranger, etc.).

58 L’adoption d’un ancrage territorial spécifique nous rappelle ensuite les risques auxquels se heurte toute tentative de généralisation - à des groupes sociaux ou ethnoculturels particuliers ou à des espaces régionaux ou nationaux - d’observations sur les dynamiques migratoires. Elle permet également une plus grande sensibilité aux inflexions temporelles. Si le développement des circulations à Satovča dans la seconde moitié des années 1990 a ainsi contribué à la fabrication d’une « mythologie du succès migratoire » associant aux départs à l’étranger des images d’initiative, du force de caractère ou de réussite, ces représentations - qui ne furent jamais univoques - ont, nous rappelle Margarita Karamihova, connu une dévaluation rapide. Vers 2005, les migrations avaient cessé d’être pensées comme le vecteur premier de l’accomplissement de soi ou de la redéfinition des hiérarchies sociales. Tandis que les migrants de retour au village peinaient à traduire leur expérience de la mobilité spatiale en une mobilité sociale au sein de leur environnement d’origine - en dépit d’investissements dans des propriétés ou dans une consommation ostentatoire -, localement la stabilisation de la situation économique, un plus grand accès au crédit et surtout les bouleversements associés aux identifications musulmanes avaient déjà commencé à forger de nouveaux critères de définition des statuts.

59 Très attentif aux réseaux sociaux - notamment de lignages - et à la manière dont ils sont mobilisés et redéfinis au cours des expériences migratoires, le travail de Margarita Karamihova nous donne en effet à voir la manière dont les ressources symboliques, sociales et identitaires de l’islam peuvent faire partie intégrante des renégociations des hiérarchies internes au village. La formation reçue dans des pays arabes par de jeunes Bulgares musulmans parvenus à occuper des positions au sein des institutions religieuses et écoles locales, la mise en œuvre concurremment par l’Etat d’une politique encourageant l’enseignement des religions, ont contribué à placer les investissements dans le répertoire confessionnel au service d’un renversement des hiérarchies symboliques entre ceux qui migrent et ceux qui restent. Aux femmes demeurées au foyer pendant que les hommes partaient travailler au loin, l’adoption d’une nouvelle lecture de l’islam - qui conjugue les arguments de l’enracinement dans une tradition à ceux de la modernité et de la réussite sociale des puissances arabes du Proche-Orient -

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permet de négocier un rôle social et une autonomie décisionnelle renforcés. Plus largement, les habitants restés au village peuvent trouver dans le répertoire de la « vraie » foi le moyen de se projeter dans les espaces mobiles et immenses du monde musulman. A contrario, les migrants - dont les stratégies de survie à l’étranger peuvent passer par ce que Margarita Karamihova qualifie de « mimétisme identitaire », à savoir le non-affichage dans l’espace public des pays d’accueil de l’identité musulmane - peuvent se retrouver socialement disqualifiés par ce que certains des nouveaux prêcheurs musulmans, les « savants », présentent comme un éloignement de la foi. La reconquête d’une position sociale prestigieuse pour ceux qui sont partis en migration peut dès lors passer soit par une intériorisation des nouvelles normes religieuses, soit par un évergétisme social dans la sphère confessionnelle (la contribution financière à la construction d’une nouvelle mosquée, par exemple).

60 Au terme de ces parcours foisonnants, volontiers insaissisables, à travers certaines des migrations bulgares en Europe, ce dossier aura rempli son rôle s’il est parvenu à susciter, au sein d’un public de lecteurs et de chercheurs francophones, le désir de prolonger les recherches sur la Bulgarie et sur ses citoyens mobiles. Avant de clore cette introduction, il reste seulement à remercier tous les participants au dossier pour leur soutien et leur enthousiasme, ainsi que Bernard Lory, Miladina Monova et Sandrine Bochew pour leur participation à la traduction des articles bulgares.

NOTES

1. Voir Diminescu (Dana) (dir.), Visibles mais peu nombreux. Les circulations migratoires roumaines, Paris : Ed. de la Maison des sciences de l’homme, 2003, p.1-24 (esp. p.1-2). 2. Voir, par exemple, Leyard (Richard), Blanchard (Olivier), Dornbush (Rudiger), Krugman (Paul), East-West Migration Alternatives, Cambridge : MIT Press, 1992. Une étude menée en 1998 par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans onze pays de l’Est s’étonnait de la faiblesse des aspirations au départ en Bulgarie. Voir IOM Technical Cooperation Centre for Europe and Central Asia, « Migration Potential in Central and Eastern Europe », Geneva : IOM, 1999, à l’adresse : http://iom.ramdisk.net/iom/images/uploads/ IOM%20TCC%20Rep_1071067863.pdf (p.65-69) 3. Iordan Kalčev (démographe), Daniela Bobeva, Veselin Minčev (économistes) et Ivan Čalăkov (sociologue) font exception à cet égard qui, dès le début des années 1990, ont interrogé les mouvements migratoires du point de vue de leur impact démographique et économique sur la Bulgarie. 4. Ce mode d’interprétation des migrations gagnerait à être mis en regard avec l’existence, en Bulgarie, d’imaginaires sociaux de la nation organisés autour d’une peur de l’effritement, voire de la disparition - que ce soit à travers la perte d’un segment de territoire, la « débulgarisation » des émigrants ou encore l’existence de différentiels démographiques entre « Bulgares ethniques » et représentants des minorités. 5. Sur ce phénomène social, voir Kaneff (Deema), « Holiday Location or Agricultural Village? British Property Owners in Rural Bulgaria », Eastern European Countryside, 12, 2006, p.79-92.

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6. Voir à ce sujet la recherche de Marina Liakova sur les étudiants bulgares dans la Ruhr. Cf. Liakova (Liakova), « Hibridnijat žiznen svjat na bălgarskite studenti v Germanija » [L’univers hybride des étudiants bulgares en Allemagne], Kritika i Humanizăm (Critique et humanisme), 25, 2008, p.45-63. 7. 503 jeunes avaient pris part à la première réunion de la Pâque bulgare à Sofia, évènement depuis lors routinisé. Ils étaient plus de mille cinq cents l’année suivante, en provenance de 23 pays. Voir Weekly Government Bulletin, 24-20 avril 2000, à l’adresse : http://212.122.160.99/old/ eng/gis/bulletin/ 2000/24_28_April.htm#503%20Bulgarians%20Registered%20in%20the%20Initiative%20%93Bulgarian%20Easter%94%20until%20April%2026 8. Sur l’enjeu de « retour », voir Vasilev (Georgi), « Văzmožnija koridor za zavrăštane - Formi i varianti » [Un corridor possible pour le retour - formes et variantes], Sofia : Agence pour les Bulgares à l’étranger, 2002, à l’adresse : http://www.aba.government.bg/bg/pages/Izsledvaniya/ Reintegration/ 2%D0%9C%D0%B8%D0%B3%D1%80%D0%B0%D1%86%D0%B8%D1%8F%D1%82%D0%B0 9. Pour reprendre les catégories utilisées par les acteurs publics bulgares. On remarquera que celles-ci décrivent assez mal un fait migratoire nourri des circulations multiples et de départs récurrents. 10. Les principales destinations privilégiées ont été l’Allemagne, la Suède et l’Autriche. Entre 1989 et 1993, environ 96 000 citoyens bulgares ont déposé une demande d’asile dans des Etats ouest-européens, dont 78% en Allemagne. Voir UNHCR Centre for Documentation and Research, Background Paper on Bulgarian Refugees and Asylum Seekers, Geneva : UNHCR, 1994, cité dans August Gächter & International Labour Office (ILO), « The Ambiguities of Emigration : Bulgaria since 1988 », International Migration Papers, 39, 2002, p.23-24, Geneva, à l’adresse : http:// www.ilo.org/public/english/protection/migrant/download/imp/imp39.pdf ; sur le cas spécifique de l’Allemagne, voir aussi Mančeva (Mila), « Trudova migracija na bǎlgarskite turci v Germanija. Sǎetnični migrantski mreži i kulturi » [La migration de travail des Turcs bulgares en Allemagne. Réseaux et cultures migrants co-ethniques], Kritika i humanizǎm (Critique et humanisme), 25 (1), 2008, p.25-44 (p.2-4). 11. Voir Soultanova (Ralitza), « Les migrations multiples de la population bulgare », Actes du colloque « La France et les migrants des Balkans : un état des lieux », 20 janvier 2005, Paris, Courrier des Balkans, à l’adresse : http://balkans.courriers.info/article5504.html 12. Voir Kabachieva (Petya), « Temporary Migrants : Beyond Roles, Across Identities », in : Kiossev (Aleksander), Kabachieva (Petya), eds., Rules and Roles : Fluid Institutions, Hybrid Roles and Identities in East European Transformation Processes (1989 – 2005), Freiburg : LitVerlag (à paraître). Une tri-partition proche (settlers, migrants de moyen terme/plus d’un an, migrants de courte durée/moins d’une an) est retenue dans Mintchev (Vesselin), Boshnakov (Venelin), Kaltchev (Jordan), Goev (Valentin), « Who is leaving? Potential emigration from Bulgaria in the beginning of the XXI century », 2003, à l’adresse : http://www.cerge-ei.cz/pdf/gdn/ RRCIII_28_paper_01.pdf 13. 87 895 en 1990, 46 496 en 1991, 69 348 en 1992, 66 426 en 1993. Chiffres cités dans Bobeva (Daniela), Čalăkov (Ivan), Markov (Jordan), Migracijata – evropejskata integracija i iztičaneto na mozăci ot Bălgarija [La migration : l’intégration européenne et la fuite des cerveaux en Bulgarie], Sofia : Center for the Study of Democracy (CSD), 1996, p.19, à l’adresse : http://www.csd.bg/ artShowbg.php?id=6823 14. Voir Vassileva (Darina), « Bulgarian Turkish Emigration and Return », International Migration Review, 26(2), été 1992, p.342-352. 15. Hadjiisky (Magdaléna), Les migrations est-européennes dans le contexte de la transition : l’exemple de l’émigration bulgare, DEA d’études soviétiques et est-européennes, Paris : Sciences Po, 1993. 16. Les chercheurs en sciences sociales ont plutôt entrepris des reconversions vers l’administration ; maints spécialistes en ingénierie et en techniques se sont tournés vers

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l’économie privée. Voir Bobeva (Daniela), Čalăkov (Ivan), Markov (Jordan), Migracijata – evropejskata integracija i iztičaneto na mozăci ot Bălgarija, op. cit., p.15 et suiv. ; Cekova (Evgenja), « Zagubite na naučen potencial ot zvenata na BAN prez 1990-1992 » [Les pertes de potentiel universitaire depuis BAN en 1990-1992], Naselenie (Population), 4, 1993, p.93-96. 17. Daniela Bobeva et al. ont reconstitué les trajectoires de 544 chercheurs. Près de la moitié d’entre eux avaient pu suivre une spécialisation à l’étranger avant 1989. La voie migratoire a été choisie par 22,8% des personnels diplômés d’un pays occidental (13,3% de ceux formés dans un pays du bloc socialiste et 11,3% en Bulgarie). Ibid. 18. Sur le commerce de la valise en milieu rom, voir Konstantinov (Yulian), « Hunting for Gaps Through Boundaries : Gypsy Tactics for Economic Survival in the Context of the Second Phase of Post-totalitarian Changes in Bulgaria », European Journal of Social Sciences, 7(3), 1994, p.237-248. Concernant les trajectoires turques, voir Parla (Ayşe), « Irregular Workers or Ethnic Kin?: Post 1990s Labor Migration from Bulgaria to Turkey », International Migration 45(3), 2007, p.157-181. 19. Cf. le documentaire Les indésirables. La minorité turque en Bulgarie,réalisé par Adela Peeva, ARTE/ZDF, 2000, 55 minutes. 20. En contrepartie, l’Allemagne négocie avec la Bulgarie, comme avec d’autres Etats post- communistes, des accords bilatéraux de réadmission. Voir Angenendt (Stephen), « L’asile et l’immigration en Allemagne », Politique étrangère, 59(3), automne 1994, p.731-748. 21. Guild (Elspeth), Bigo (Didier), « Schengen et la politique des visas », Cultures & Conflits, 49, printemps 2003, à l’adresse : http://www.conflits.org/index921.html. 22. On note dans le même temps, à partir du milieu des années 1990, un développement des migrations en direction du continent américain (Etats-Unis et Canada), favorisé dans le cas des Etats-Unis par l’existence du système de « loterie » pour l’obtention des green cards. 5 411 Bulgares ont pu en bénéficier en 1998, 4 181 en 1999, 4 381 en 2000, 2 893 en 2001, 2 489 en 2002 et 2 843 en 2003, 3 482 en 2004, 4 068 en 2005, 2 131 en 2006, 1 674 en 2007 et 1 154 en 2008. Chiffres officiels disponibles à l’adresse : http://greencardlottery.visapro.com/Green-Card- Lottery-Results.asp 23. Le passage de mobilités temporaires à une installation définitive peut cependant intervenir en cas d’obtention de permis de séjour et de travail, de réunion familiale et/ou de naissance d’un enfant. Voir Morokvasic-Muller (Mirjana), « La mobilité transnationale comme ressource : le cas des migrants d’Europe de l’Est », Cultures et conflits, 33-34, 1999, p.105-122. 24. Voir Rau (Victor), Mesini (Béatrice), « Segmentation statutaire et ethnique du marché de l’emploi en agriculture : le cas des saisonniers migrants dans la production de fruits et légumes en Méditerranée ». Communication à la conférence « Nouvelles dynamiques migratoires : activités régulières et irrégulières sur le marché du travail européen », Université de Nice Sophia Antipolis, 6-8 décembre 2007, p.14, p.15, à l’adresse : http://www.unice.fr/migractivities/ 04_SousPression.pdf 25. Voir Sunderhaus (Sebastian), Regularization Programs for Undocumented Migrants, VDM- Verlag, 2007. 26. Les élargissements européens de 2004 et de 2007 n’ont pas remis en cause l’« utilitarisme migratoire ». Sur la base d’une étude réalisée dans le secteur fruit et légumes de la région PACA, au sud de la France, Victor Rau et Béatricie Mesini soulignent que, pour la première fois en 2004, le nombre des migrants saisonniers polonais (6 640) a quasiment égalé celui des Marocains (6 909). Voir Rau (Victor), Mesini (Béatrice), « Segmentation statutaire et ethnique du marché de l’emploi… », op. cit., p.14. 27. Les recherches menées par Mila Mančeva ont suggéré que la levée des visas en avril 2001 avait réduit la durée moyenne des séjours des migrants turcs bulgares en Allemagne. Le ralentissement du secteur de la construction, la hausse des prix consécutive à l’adoption de l’euro et la répression accrue, à partir de 2004, du travail non déclaré ont par ailleurs réduit

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l’attractivité de l’Allemagne au profit des Pays-Bas, de l’Espagne et du Portugal. Voir Mančeva (Mila), « Trudova migracija na bǎlgarskite turci v Germanija… », op. cit., p.4-5. 28. Mintchev (Vesselin), Boshnakov (Venelin), « Bulgarian Return Migration and Remittances : Alternative Estimates of Worker Remittances Inflow After 2000 », Bulgarian Academy of Sciences - Institute of Economics & University of National and World Economy (UNWE), Sofia, 11 mai 2006, p.7, à l’adresse : http://papers.ssrn.com/sol3/cf_dev/AbsByAuth.cfm?per_id=371392. 29. Op.cit., p.4. 30. Ibid., p.10 et 11. 31. Une recherche menée par l’Institute for Market Economics (Institut za pazarna ikonomika, un think tank libéral) sur le marché de l’immobilier dans plusieurs grandes villes bulgares a ainsi suggéré que quelque 10% des biens acquis entre 2002 et 2004 avaient été financés grâce aux envois d’argent des migrants. Cité dans Markova (Eugenia), Reilly (Barry), « Bulgarian Migrant Remittances and Legal Status : Some Micro-level Evidence from Madrid », South-Eastern Europe Journal of Economics, 5(1), 2007, p.57. 32. Dans la littérature, les liens entre remises des travailleurs migrants et développement économique des pays d’origine ont fait l’objet d’études innombrables aux résultats ambivalents. A l’échelle des Balkans contemporains, plusieurs recherches empiriques consacrées aux Albanais ont suggéré que les revenus issus des séjours à l’étranger étaient consacrés à l’alimentation, au vêtement, à la restauration des biens et propriétés, qu’ils étaient faiblement thésaurisés et plus rarement encore réinvestis dans des activités productives. Les migrations circulaires auraient de plus suscité le développement d’habitudes de consommation inédites qui favorisent les importations (depuis l’Occident) au détriment de la production locale. Une fois le bénéfice du travail à l’étranger épuisé, les citoyens albanais repartiraient en migration. Cf. Arrehag (Lisa) et al., « Cross-border Migration and Remittances in a Post-Communist Society : Return Flows of Money and Goods in the Korçë District, Albania », South Eastern Europe Journal of Economics, 1, 2005, p.9-40; Castaldo (Adriana), Reilly (Barry), « Do Migrant Remittances Affect the Consumption Patterns of Albanian Households? », South Eastern Europe Journal of Economics, 1, 2007, p.25-54; Gedeshi (Ilir), « Role of Remittances from Albanian Emigrants and their Influence on the Country’s Economy », Eastern European Economics, 40(5), 2002, p.49-72. 33. Markova (Eugenia), Reilly (Barry), « Bulgarian Migrant Remittances and Legal Status : Some Micro-level Evidence from Madrid », South-Eastern Europe Journal of Economics, 5(1), 2007, p.55-71. 34. Voir European Commission, « Enlargement, Two Years After. An Economic Evaluation », Occasional Papers, 24, May 2006, p.80, http://ec.europa.eu/economy_finance/publications/ publication7548_en.pdf. Pour une présentation plus détaillée des débats au sein des E 15 et des mesures adoptées par chacun des Etats de l’UE, voir Doyle (Nicola) et al., Freedom of Movement for Workers from Central and Eastern Europe, Experiences in Ireland and Sweden, Stockholm : Swedish Institute for European Policy Studies (SIEPS), 5, May 2006, p.24-27, à l’adresse : http:// ec.europa.eu/enlargement/pdf/5th_enlargement/facts_figures/20065_en.pdf 35. Voir, notamment, European Action Citizen Service (ECAS), Who’s Afraid of the EU’s Latest Enlargement ? The Impact of Bulgaria and Romania joining the Union on Free Movement of Persons, ECAS, 2008; E. Hönekopp, Labour migration studies in nine countries. General background and first attempt to present findings and proposals, Rapport présenté à Budapest à la conférence « European Cooperation in Labour Migration : Search for Best Practices », le 12 juin 2007 ; Doyle (Nicola), Hughes (Gerard), Wadensjö (Eskil), « Freedom of Movement for Workers from Central and Eastern Europe. Experiences in Ireland and Sweden », Report 5, mai 2006, Swedish Institute for European Policy Stuides (SIEPS); Barrel (Ray), Fitzgerald (John), Riley (Rebecca), « EU Enlargement and Migration : Assessing the Macroeconomic Impact », NIESR Discussion Paper, 292, mars 2007, Londres : National Institute of Economic and Social Research (NIESR). 36. Chiffres cités dans European Action Citizen Service (ECAS), Who’s Afraid of the EU’s Latest Enlargement ? op. cit., p.4.

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37. Voir Institute for Public Policy Research (IPPR), Bulgaria and Romania - Migrations Implication for the UK, EU Enlargement FactFile, avril 2006, à l’adresse : www.ippr.org/members/ download.asp?f=/ecomm/files/eu_enlargement_factfile.pdf&a=skip 38. Les étudiants et les personnes travaillant à leur compte ont été dispensés de ces obligations. Voir House of Commons. Trade and Industry Committee, Europe moves East : The Impact of the new EU Member states on UK business. Eleventh Report of Session 2006-2007, London: House of Commons, 18 october 2007, p.8. 39. Une enquête du Home Office, menée sur la période 2004-2006 à la faveur de l’inscription des nouveaux employés dans le cadre du Worker Registration Scheme, a ainsi suggéré que plus de 55% des ressortissants des E8 inscrits n’entendaient pas rester en Grande-Bretagne plus de trois mois. L’Institute of Public Policy Research (IPPR), un think tank britannique, a par ailleurs montré que, dès la fin 2006, près de 140 000 citoyens originaires des nouveaux membres avaient déjà quitté la Grande-Bretagne, soit approximativement 42% des migrants arrivés en 2004. Une conclusion similaire peut être trouvée dans: Office of the Committee for European Integration, Department of Analyses and Strategies, Four years Poland’s Membership in the EU, Analysis of Social and Economic Benefits and Costs, Varsovie, 2008, à l’adresse: http://ec.europa.eu/ enlargement/pdf/5th_enlargement/facts_figures/4_years_poland_en.pdf 40. Voir les résultats de l’étude sur les « attitudes migratoires » préparée par BBSS Gallup International pour le ministère du Travail et des Affaires sociales en septembre 2006, citée dans ECAS, op. cit., p.7 41. Voir Eurostat, « Données en bref, Premières estimations démographiques pour 2007 », Population et conditions sociales, 3/2008, p.1, à l’adresse : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ ITY_OFFPUB/KS-QA-08-003/FR/KS-QA-08-003-FR.PDF 42. Quelques branches restent plus exposées à un exode des cadres (les secteurs médical et dentaire, par exemple). 43. Voir Bran (Mirel), « L’Occident n’est plus le paradis qui nous faisait rêver », Le monde, 22 octobre 2008. 44. La croissance bulgare a été de 6,7% au deuxième trimestre 2008. Chiffres de la Banque nationale bulgare (BNB), à l’adresse : http://www.bnb.bg/bnb/home.nsf/fsWebIndex? OpenFrameset 45. Les prévisions de croissance du gouvernement bulgare pour l’année 2009 ont été revues à la baisse et seront sans doute inférieures à 2%. 46. Cité dans « Ispanija spira naemaneto na rabotnici ot Bălgarija » [L’Espagne arrête l’embauche de travailleurs de Bulgarie], Dnevnik, 4 septembre 2008. 47. Gutsuzjan (Mišel), « Emigrantite stavat trudovi nomadi » [Les migrants deviennent des nomades du travail], Dnevnik, 29 septembre 2008. A cette date, le nombre des Bulgares travaillant en Espagne était officiellement estimé à 120 000 personnes (officieusement, à environ 200 000). 48. Voir Council Regulation (EC) No 539/2001 of 15 March 2001 listing the third countries whose nationals must be in possession of visas when crossing the external borders and those whose nationals are exempt from that requirement, à l’adresse :http://eur-lex.europa.eu/smartapi/cgi/ sga_doc?smartapi!celexapi!prod!CELEXnumdoc&lg=EN&numdoc=32001R0539&model=guichett. 49. Cf. Tchorbadjiyska (Angelina), « Bulgarian Experiences with Visa Policy in the Accession Process : A Story of Visa Lists, Citizenships and Limitations on Citizens’ Rights », Regio, 2007, à l’adresse : http://www.ceeol.com/aspx/getdocument.aspx?logid=5&id=dee85631-bf49-40d6-a3eb- a8acbec3a53f 50. Chiffres de l’Institut national statistique, cités dans Tchorbadjiyska (Angelina), « Bulgarian Experiences with Visa Policy in the Accession Process.., op. cit., p.99. 51. Le petit commerce entre les deux pays, la vente sur les marchés permettaient à des Macédoniens de gagner quelque 130 euros par mois, dans un Etat où le salaire moyen est d’environ 250-300 euros, mais où le taux de chômage avoisine les 35%. Voir Karajkov (Risto),

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« Europe’s Visa Policy for the Balkans », World Press, 5 février 2007, à l’adresse : http:// www.worldpress.org/Europe/2662.cfm 52. Chiffres cités dans SOPEMI, International Migration Outlook 2008, Paris : OECD, 2008, à l’adresse : http://www.oecd.org/dataoecd/55/33/41252991.pdf. Les Turcs et les Britanniques occupent respectivement les seconde et troisième places pour ce qui concerne le nombre de permis de résidence de longue durée délivrés en 2007. 53. Krăsteva (Anna), « Kitajci » [Chinois], in Krăsteva (Anna), (dir.), Imigracijata v Bălgarija [L’immigration en Bulgarie], Sofia : IMIR, 2005, p.105-136. 54. Chiffres cités dans August Gächter & International Labour Office (ILO), « The Ambiguities of Emigration : Bulgaria since 1988 », International Migration Papers, 39, 2002, Geneva, p.9, à l’adresse : http://www.ilo.org/public/english/protection/migrant/download/imp/imp39.pdf 55. L’après-1989 est aussi marqué par la redécouverte des « Bulgares de l’extérieur » vivant en Ukraine, Moldavie, Russie, Slovaquie, etc. Dès les premières années des changements, des ethnologues et sociologues ont entrepris une exploration de leurs modes de vie, coutumes et identifications. Le changement de régime a en outre suscité la publication d’ouvrages consacrés aux émigrations politiques consécutives à l’avènement du communisme. 56. Ces postures ne sont pas mutuellement exclusives. Les situations de multi-positionnalités sont ici fréquentes. 57. Au sens où l’entend Edelman (Murray), Constructing the Political Spectacle, Chicago : University of Chicago Press, 1988. 58. La conférence organisée en juin dernier à Sofia offre un bon panorama des recherches en cours. Voir Migration in and from Southeastern Europe. International conference With the support of the Federal Ministry of Science and Research of the Republic of Austria in the framework of its SEE science cooperation initiative, Sofia, 2-3 juin 2008. Voir aussi le dossier consacré par la revue Kritika i Humanizăm (Critique et humanisme) aux migrations (25, 2008). 59. C’est notamment dans le cadre du projet de recherche de CAS consacré aux « Roles, Identities and Hybrids » (2003-2006) que Petya Kabakchieva a développé sa réflexion sur les migrations. Voir Kabakchieva (Petya), « Crossing Borders : Changing Roles, Changing Identities (Temporary Migration as a Form of Socio-Cultural Exchange in the Enlarged EU) », Research Paper, Sofia : Center for Advanced Studies (CAS), 2006, à l’adresse : http://v3.cas.bg/cyeds/downloads/ CAS_RIH_Kabakchieva.pdf 60. Sans prétendre à l’exhaustivité, on mentionnera les travaux d’Eugenia Markova (London School of Economics, Londres), de Dimitrina Mihaylova (Université d’Oxford), de Mariana Ljakova (Université d’Essen) et d’Elena Jileva (Center for Political and Constitutional Studies, Madrid). Parmi les doctorants ou jeunes docteurs, se distinguent les recherches de Neda Deneva (Central European University, Budapest), de Ralitza Soultanova (Université libre de Bruxelles), d’Albena Tcholakova (Université de Lyon II) et de Magdalina Dzhamdzhieva (Université de Neuchâtel). Cet univers de recherche est, notons-le, très gendered… 61. Voir Naselenie (Population), 1, 1994. 62. L’approche des migrations en terme de « fuite des cerveaux » n’a pas été absente non plus des préoccupations de la Commission européenne ou encore de l’Organisation internationale du travail. Cf. European Commission, Migration – Europe’s Integration and the Labour Force Brain Drain from Central and Eastern Europe, Brussels : European Commission, COST, 1997; Beleva (Iskra), Kotzeva (Mariana), Skilled Labour Migration from Developing Countries: Study on Bulgaria, Geneva : International Labour Office (ILO), 2001. 63. Pour plus de détails, voir http://www.sociology-bg.org/display.php? page=project&cat=1&article=7; Galev (Todor), Čalăkov (Ivan), « Naglasi za emigracija sred studentite ot informacionni i komunikacionni tehnologii v Bălgarija » [Attitudes en faveur de l’émigration parmi les étudiants bulgares en information et en technologies de la communication], Nauka (Science), 6, 2006, p.21-27.

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64. Voir, entre autres, Bauer (Thomas), Zimmermann (Klaus), « Assessment of Possible Migration Pressure and its Labour Market Impact Following EU Enlargement to Central and Eastern Europe », IZA Research Report, 3, 19999; Tito Boeri and Herbert Bruecker, « Eastern Enlargement and EU Labour-Markets : Perceptions, Challenges and Opportunities », IZA DP, 256, 2001; Stephen Drinkwater, « Go West? Assessing the Willingness to Move from Central and Eastern European Countries », University of Surrey (UK), Department of Economics, à l’adresse: www.econ.survey.ac.uk/sdrinkwater/go-west.pdf 65. Kalchev (Jordan), Profile and motives of potential migrants from Bulgaria, Budapest : IOM, 1997; International Organization for Migrations, Migration Potential in Central and Eastern Europe, Geneva : IOM, 1999; International Organization for Migration (IOM)-Sofia, Migration Potential in Bulgaria, Sofia : IOM, 2001. 66. Cf. le bilan dressé dans August Gächter & International Labour Office (ILO), « The Ambiguities of Emigration : Bulgaria since 1988 », International Migration Papers, 39, 2002, Geneva, à l’adresse : http://www.ilo.org/public/english/protection/migrant/download/imp/imp39.pdf. A l’époque, les travaux de Eugenia Markova, concernant les migrants bulgares en Grèce, figurent parmi les toutes premières recherches qualitatives. Voir Markova (Eugenia), Sarris (Alexander), « The Performance of Bulgarian Illegal Migrants in the Greek Labour Market », South European Society & Politics, 2 (2), 1997, p.57-77. 67. Guentcheva (Rossitza), Kabakchieva (Petya), Kolarski (Plamen), « Bulgaria : The Social Impact of Seasonal Migration », in : Sharing Experience : Migration Trends in Selected Applicant Countries and Lessons Learned from the ‘New Countries of Immigration’ in the EU and Austria, Vol I. Vienna : International Organization for Migration (IOM), 2003, à l’adresse : http://www.iom.int/ DOCUMENTS/PUBLICATION/EN/IOM_I_BG.pdf 68. Voir la journée d’étude « Migrations et anthropologie du voyage » organisée par Fariba Adelkhah et Jean-François Bayart au CERI, le 5 octobre 2005 et également Adelkhah (Fariba), Bayart (Jean-François), eds., Voyages du développement : émigration, commerce, exil, Paris : Karthala & CERI, 2007. 69. Cf., au sein d’une très riche littérature, les deux volumes édités par l’ONG ACCESS sous le titre Aspekti na etnokulturnata situacija v Bălgarija [Aspects de la situation ethnoculturelle en Bulgarie], Sofia : AKSES, 1992 et 1993 ; Zhelyazkova (Antonina ), éd., Relations of Compatibility and Incompatibility between Christians and Muslims in Bulgaria, Sofia: IMIR, 1995. Dans ce dernier ouvrage, Aleksandăr Antonov envisage les migrations (intra et interrégionales) depuis les régions de Zlatograd et de Assenovgrad. Des études ultérieures souligneront la contribution de ces premières expériences de mobilité à l’acquisition des savoir-faire ultérieurement utilisés dans le franchissement de frontières internationales. Cf. Antonov (Alexander), « Migration and Migration Process in the Regions of Zlatograd and Assenovgrad », in : Zhelyazkova (Antonina), éd., Relations of Compatibility and Incompatibility between Christians and Muslims in Bulgaria, Sofia: IMIR, 1995, p.323-331. 70. On peut songer aux travaux d’Antonina Zhelyaskova, directrice d’IMIR, mais aussi - par ordre alphabétique et sans prétendre à l’exhaustivité - à ceux de Mirella Dečeva, Valeri Grigorov, Petko Hristov, Margarita Karamihova, Mila Maeva, Mila Mančeva, Elena Marušiakova, Domna Mihajl, Veselin Popov, Valeri Rusanov, Valeri Stojanov, Ilona Tomova, Evgenija Troeva, Anastasija Vodeničarova. 71. Un même glissement depuis l’ethnicité vers les migrations peut être relevé dans le cas des recherches sur l’immigration. Le titre donné par Anna Krăsteva (qui dirige le CERMES à la Nouvelle université bulgare et a été un des principaux promoteurs de cette thématique) en 2004 au premier ouvrage qu’elle a consacré aux immigrants (Ot etničnost kăm migracija - De l’ethnicité aux migrations) est à cet égard éloquent. 72. Voir l’excellent Zhelyazkova (Antonina), éd., Between Adaptation and Nostalgia : The Bulgarian Turks in Turkey. Sofia : International Center for Minority Research and Intercultural Relations

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(IMIR), 1998. L’ethnologue Mila Maeva a consacré sa thèse de doctorat aux migrations turques bulgares en Turquie, une thèse publiée par IMIR. Voir Maeva (Mila), Bălgarskite turci-preselnici v Republika Turcija (kultura i identičnost) [Les Turcs bulgares installés en République de Turquie (culture et identité)], Sofia : IMIR, 2006. 73. Voir Stojanov (Valeri), Turskoto naselenie v Bălgarija meždu poljusite na etničeskata politka [La population turque en Bulgarie entre les pôles de la politique ethnique], Sofia : Lik, 1998. 74. En Turquie également, des travaux remarquables ont été réalisés sur les migrations des Turcs de Bulgarie. Songeons, par exemple, à Parla (Ayşe), « Irregular Workers or Ethnic Kin? Post nineties labour migration from Bulgaria to Turkey », International Migration 45(3), août 2007, p.157-181; Parla (Ayşe), « Longing, Belonging and Locations of Homeland among Turkish Immigrants from Bulgaria », Journal of Southeast European and Black Sea Studies 6(4), 2006; Parla (Ayşe), « Marking Time along the Bulgarian-Turkish Border », Ethnography 4(4), 2003, p.561-575. 75. Un an plus tôt, Margarita Karamihova avait amorcé un autre terrain de recherche à l’occasion d’un voyage touristique aux Etats-Unis (du rôle des mobilités des chercheurs dans les études de la mobilité…). Cette enquête, poursuivie de 2001 à 2003, a fait l’objet d’une publication dans Karamihova (Margarita), Amerikanski mečti.Pătevoditel sred părva generacija imigranti [Les rêves américains. Guide chez les immigrants de première génération], Sofia : IK ‘Krotal’, 2004. 76. Karamihova (Margarita), éd., Da živeeš tam, da se sănuvaš tuk. Emigracionni procesi v načaloto na XXI vek [Vivre là-bas, se rêver ici. Processus migratoires au début du XXIème siècle], Sofia : IMIR, 2003. 77. Marushiakova (Elena), Popov (Vesselin), Decheva (Mirella), « The Gypsies in Bulgaria and their Migrations », in Guy (Will), Uherek (Zdenek), Weinerova (Renata), eds., Roma Migration in Europe : Case Studies, Münster : Lit, 2004, p.135-142. Marušiakova (Elena), Popov (Veselin), « De l’Est a l’Ouest. Chronologie et typologie des migrations tsiganes en Europe », Etudes tsiganes, 27-28, 2006, p.10-26 ; Marušiakova (Elena), Popov (Veselin), « La mobilité des Tsiganes dans la fédération des Etats indépendants », Etudes tsiganes, 27-28, 2006, p.28-43 ; Slavkova (Magdalena), « Săvremenni trudovi migracii na bălgarski cigani kăm Ispanija i tiahnoto otraženie vărhu identičnostta im » [Les migrations de travail contemporaines des Roms bulgares à destination de l’Espagne et leurs répercussions sur leur identité], in Dečeva (Mirella), éd., Dinamika na nacionalnata identičnost i transnacionalnite identičnosti v procesa na evropeiska integracija [Dynamique de l’identité nationale et des identités transnationales dans le processus d’intégration européenne], Sofia : Paradigma, 2008. 78. En parallèle, a été redécouverte la thématique du gurbet, particulièrement investie par des chercheurs comme Petko Hristov. Ce regain d’intérêt a d’abord pris la forme d’un « Atelier sur le gurbet », initié par Margarita Karamihova à l’automne 2001 à l’Institut d’ethnographie. Récemment, un projet de recherche bulgaro-macédonien associant la Section d’études balkaniques de l’Institut d’ethnographie de BAN en Bulgarie à l’Institut pour l’histoire nationale et l’Institut du folklore en Macédoine a été lancé autour du thème des « Dynamiques de la mobilité du travail dans les Balkans » (2008-2009). 79. On notera que l’influence du « transnationalisme » et des cultural studies post- modernes excède les cercles des politistes et sociologues. Elle est sensible dans la majorité des travaux sur les migrations, toutes disciplines confondues. 80. Voir les écrits d’Aleksandǎr Kiossev sur ce qu’il a appelé les « cultures auto-colonialisées ». Kiossev (Alexander), « Notes on the Self-Colonizing Cultures », in Pejic (B.), Elliott (D.), eds., Art and Culture in post-Communist Europe, Stockholm: Moderna Museet, 1999, p.114-118; Kiossev (Alexander), The Dark Initimacy : maps, identities and acts of identification, à l’adresse: http:// kolektiviza.wordpress.com/test/the-dark-intimacy-maps-identities-acts-of-identification- alexander-kiossev/. 81. Cf., par exemple, Ditchev (Ivaylo), « Le citoyen mobile et l’ombre de son identité », in Rautenberg (Michel), éd., La Bulgarie et l’Europe, Paris : L’Harmattan, 2007, p.165-178.

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82. Voir, entre autres, les contributions de Margarita Karamihova, Mila Maeva, Magdalena Slavkova à ce dossier. 83. Cf. Mančeva (Mila), « Trudova migracija na bǎlgarskite turci v Germanija. Sǎetnični migrantski mreži i kulturi », op. cit., p.6. 84. Voir Kabakchieva (Petya), « Temporary Migrants : Beyond Roles, Across Identities », in : Kiossev (Alexander), Kabakchieva (Petya), eds., Rules and Roles: Fluid Institutions, Hybrid Roles and Identities in East European Transformation Processes (1989 – 2005), Freiburg : LitVerlag (à paraître). 85. Voir Brubaker (Rogers), Feischmidt (Margit), Fox (Jon), Grancea (Liana), Nationalist Politics and Everyday Ethnicity in a Transylvanian Town, Princeton & Oxford : Princeton University Press, 2006. 86. Cf. Veyne (Paul), Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paris : Le Seuil, 1983. 87. Voir Koselleck (Reinhardt), Le futur passé. Contributions à la sémantique des temps historiques, Paris : Editions de l’EHESS, 1990 (1ère éd. 1979). 88. Voir Hartog (François), Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris : Le Seuil, 2003. 89. Le terme gurbet, qui vient du turc, signifie « nostalgie » ; en langue bulgare, il a reçu la connotation de « l’étranger » (au-delà des frontières du terroir d’origine). 90. Pour une démarche en ce sens, voir Waldinger (Roger), « Immigrant « Transnationalism » and the Presence of the Past », Los Angeles, UCLA, 2006, à l’adresse :http://www.sscnet.ucla.edu/ soc/faculty/waldinger/pdf/B10.pdf 91. Soultanova (Ralitsa), Les migrations multiples de la population bulgare, Université libre de Bruxelles, Groupe d’études sur l’ethnicité, le racisme, les migrations et l’exclusion (GERME), à l’adresse : http://balkans.courriers.info/IMG/rtf/ Les_migrations_multiples_de_la_population_bulgare.rtf. 92. Voir Tapia (Stéphane de), « Migrations internationales et Anthropologie du voyage. La circulation des hommes et des biens dans le champ migratoire turc : itinéraires et impacts économiques », Paris : FASOPO, décembre 2006, à l’adresse : http://www.fasopo.org/ publications/anthropologievoyage_st_1206.pdf 93. Voir Fox (Jon), Identity Formation in Migration : The Case of Transylvanian Hungarian Guest Workers. Contribution à la Conférence Kokkalis, Harvard University, Cambridge, 2008, à l’adresse : http://www.hks.harvard.edu/kokkalis/GSW1/GSW1/05%20Fox.pdf 94. Elle pourrait également dialoguer avec les travaux sur les Allemands de Transylvanie ayant pris le chemin de l’Allemagne dans le cadre des migrations dites « ethniques » ou des migrations « de retour ». Voir Michalon (Bénédicte), « Migrations des Saxons de Roumanie en Allemagne. Mythe, interdépendance et altérité dans le ‘retour’ », Thèse de doctorat dirigée par Michelle Guillon, Migrinter, décembre 2003.

RÉSUMÉS

L’objectif de cet article est triple : il est d’abord de mettre en perspective les processus migratoires intervenus ces vingt dernières années depuis la Bulgarie. L’accent est ici placé sur les profils migrants, les ressources de la mobilité et la manière dont les circulations ont contribué à une redéfinition des hiérarchies et imaginaires sociaux, ainsi que des rapports à l’espace et au temps. Sont également envisagées les incidences (moindres qu’on ne l’a parfois dit) de l’adhésion

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européenne sur les parcours migrants. En raison de la rareté relative des travaux consacrés aux migrations bulgares, ce texte vise en second lieu à retracer l’émergence, en Bulgarie comme à l’international, d’un champ de recherche sur les mobilités et de présenter au lecteur les principales problématiques à l’aune desquelles ces circulations ont été appréhendées. C’est par rapport à cette littérature qu’a été pensé le présent dossier dont la dernière partie de l’introduction restitue les principaux axes.

INDEX

Index géographique : Bulgarie Mots-clés : Migrations, Immigration, Emigration, Mobilités

AUTEUR

NADÈGE RAGARU Dr. Nadège Ragaruest chargée de recherche au CNRS (CERI-Sciences Po) et enseigne à Sciences Po-Paris. Diplômée de science politique, relations internationales et études est-européennes, elle a soutenu une thèse sur « Apprivoiser les transformations post-communistes en Bulgarie : la fabrique du politique (1989-2004) » (Sciences Po, 2005). Ses recherches portent sur les identifications et politiques de minorités en Bulgarie et en Macédoine, les transferts et circulations de normes internationales, ainsi que le communisme au quotidien dans la Bulgarie des années 1970-1980. Elle a récemment publié : « La rivière et les petits cailloux. Elargissement européen et européanisation en Europe centrale et orientale », in : F. Bafoil et T. Beichelt (dir.), L’européanisation d’Ouest en Est, Paris : L’Harmattan, 2008, p.241-283 ; « Les investissements symboliques du ‘schisme’ dans l’Eglise orthodoxe bulgare », in : A. Capelle-Pogăcean, P. Michel et E. Pace (dir.), Religion(s) et identité(s) en Europe. L’épreuve du pluriel, Paris : P. Sciences Po, 2008, p. 213-254 ; « Repenser la politisation des identités. Les engagements militants dans les Balkans d’aujourd’hui », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 38(4), décembre 2007, p.5-28 ; « Quelques remarques sur les échanges de services et l’appropriation de l’ordre politique en Bulgarie communiste », in : Sandrine Kott, Martine Mespoulet (dir.), Le post-communisme dans l'histoire, Bruxelles : PUB, 2006, p.51-62. [email protected]

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Bibliographie - Les migrations bulgares contemporaines

Nadège Ragaru

1 L’auteur souhaite remercier tous les participants à ce dossier (Aliki Angelidou, Nikolaj Gabărski, Rossitza Guentcheva, Petko Hristov, Margarita Karamihova, Mila Maeva, Elena Marušiakova, Veselin Popov, Magdalena Slavkova) ainsi que Petja Kabakčieva, Ivajlo Dičev et Anna Krăsteva pour leur aide dans la préparation de cette bibliographie.

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Partir, revenir: imaginaires et itinéraires migratoires bulgares en Europe

1. Les trajectoires migratoires bulgares : 1989, une rupture ?

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Mobilités du travail (gurbet), stratégies sociales et familiales : Une étude de cas dans les Balkans centraux

Petko Hristov Traduction : Nadège Ragaru

1 L’étude des caractéristiques socioculturelles de la vie familiale dans les Balkans, entendue comme une partie intégrante de l’histoire du quotidien en Europe, se prête encore à diverses interprétations. Les historiens, anthropologues, ethnologues, sociologues et culturologues qui travaillent sur les Balkans sont confrontés à une difficile alternative : la « vie privée » résulte-t-elle d’un processus de civilisation historiquement et géographiquement situé qui aurait débuté pendant la Renaissance en Europe de l’Ouest1 ou la « sphère privée » représente-telle une constante des sociétés humaines revêtant des formes diverses en fonction des cultures et des périodes historiques considérées2 ? Les rares études disponibles sur la vie quotidienne en Europe du Sud-Est3, à l’image de celle d’Evelyne Patlagean consacrée à Byzance aux Xème/ XIème siècles4, montrent qu’au Moyen Age déjà, dans les Balkans, l’univers intime de l’individu ne se limitait pas au seul espace de la maison et de la famille comme nous sommes accoutumés à le penser. L’examen, dans une perspective historique ou contemporaine, de la mobilité de travail dans les Balkans soulève des problèmes similaires dans la mesure où elle n’échappe pas à la tendance générale à faire des migrations internationales un objet de débats politiques plus qu’un thème de recherche dont les dynamiques sous-jacentes et les caractéristiques socioculturelles se prêteraient à l’analyse5. Rares sont les chercheurs qui tentent de déterminer dans quelle mesure les migrations de travail (temporaires) résultent d’une décision personnelle - une partie de la « sphère privée » et des relations de famille - ou sont le fruit d’une tradition et de modèles de comportement collectifs hérités, que l’on rencontre dans des régions entières.

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2 L’objectif du présent article est d’étudier le phénomène social des migrations temporaires masculines (gurbet/perčalbarstvo) - encore peu connu dans ses dimensions historiques, culturelles et ethnologiques6 - en revenant sur les origines de cette tradition dans les Balkans centraux. Seront brièvement présentés ici les résultats d’enquêtes de terrain réalisées entre 2001 et 2005 dans les régions de la péninsule balkanique situées au croisement entre les frontières de trois Etats contemporains, la Bulgarie, la Serbie et la Macédoine, ainsi que dans les montagnes de l’ouest de la Macédoine. Dans les Balkans comme dans le reste de l’Europe de l’Est, cet enjeu a gagné en importance et en visibilité avec l’apparition de nouvelles vagues migratoires de travail en Europe de l’Ouest et en Amérique durant les « décennies de transition » de la fin du siècle dernier. Outre les matériaux rassemblés par l’auteur au cours de ses enquêtes de terrain (mémoires, histoire orale, documents), l’article présentera des sources écrites moins populaires et rarement usitées, à savoir les écrits anciens d’auteurs de Bulgarie, de Serbie et de Macédoine, principalement des historiens et ethnographes locaux, ainsi que des mémoires non publiés de révolutionnaires locaux, à l’image, par exemple, de Simi Sokolov. La migration du travail saisonnière (gurbet/ perčalbarstvo) sera présentée dans ses formes historiques (dans le contexte de la culture traditionnelle et de son quotidien), ainsi qu’à travers les transformations qu’elle a subies au fil du temps.

I – Le phénomène socioculturel du gurbet dans les Balkans

3 Les migrations de travail transnationales temporaires saisonnières de larges groupes de population vers des régions perçues comme « étrangères » (des migrations limitées à la péninsule balkanique dans la seconde moitié du XIXème siècle, élargies à l’Europe et à l’Amérique au début du XXème siècle) ont traditionnellement reçu l’appellation de gurbetčijstvo7et/ou de pečalbarstvo dans les langues balkaniques. Dans l’ensemble, ces migrations temporaires de travail (gurbetčijstvo) des dernières décennies de l’Empire ottoman - qui nous sont connues grâce aux sources historiques - sont associées à un large spectre d’activités agricoles et artisanales. Dans l’agriculture, les migrations saisonnières prennent surtout la forme de déplacements de main d’œuvre, pendant la saison des récoltes, depuis les montagnes (des zones caractérisées, selon Fernand Braudel, par l’archaïsme et la pénurie) en direction des riches plaines et des vallées - un mouvement que l’on retrouve dans toute l’aire balkanique et méditerranéenne8. Combiné à des degrés divers avec le travail agricole, le métier de berger et l’élevage saisonnier (entre les fêtes de la Saint Georges au mois de mai et la Saint Dimitri au mois d’octobre) sont également caractéristiques du XIXème siècle et de la première décennie du XXème siècle. Ces migrations saisonnières agricoles présentent, dans les diverses zones des Balkans, des structures distinctes en termes d’âge et de genre ; néanmoins dans leur variante féminine9, elles sont exclusivement le fait de jeunes filles10. Après leur mariage, les femmes restent traditionnellement auprès de leur famille, dans la maison de leur époux. Les guerres balkaniques de 1912-1913 mettront un terme à ces migrations en bouleversant la distribution du territoire de l’Empire ottoman.

4 Dans les régions montagneuses du centre et de l’est de la péninsule balkanique, le travail artisanal migrant, masculin et temporaire (gurbetčijstvo) est pratiqué massivement et il est traditionnellement très prestigieux11. Cette observation vaut

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particulièrement pour la région historico-culturelle située au cœur des Balkans et connue dans la littérature sous le nom de Šopluk12(un terme qui désigne, dans la littérature ethnographique, la région allant de Niš, sur le territoire de l’actuelle Serbie, jusqu’à Ihtiman, en Bulgarie, et de Vraca, en Bulgarie jusqu’à Kumanovo, en Macédoine) ; des légendes circulent sur ces hommes « capables de ferrer une puce et de couper en neuf les semelles »13. Cependant, dans les Balkans, les flux migratoires d’ouvriers saisonniers (pečalbari) les plus connus sont ceux des montagnes situées à l’ouest de la Macédoine actuelle (la région de Mijak), où l’environnement socio-culturel des villages s’est profondément transformé au cours des siècles sous l’effet des départs temporaires des hommes. Ces régions doivent donc être incluses dans l’étude en tant que base de comparaison possible.

5 Les migrations saisonnières des hommes-pečalbari des Balkans centraux sont bien attestées dans les sources ottomanes et les écrits de diplomates occidentaux14, de la seconde moitié du XIXème siècle, dans la décennie postérieure à la guerre de Crimée (1853-1856). Leurs mouvements sont principalement liés à l’exercice d’un artisanat de la construction (djulgerstvo) : l’historien tchèque, Konstantin Jireček, écrit ainsi, en 1899, « du printemps jusque tard dans l’automne » les hommes parcourent la péninsule balkanique « depuis la Serbie et la Valachie [les villages autour du Danube dans l’actuelle Roumanie] jusqu’à Istanbul, à l’Asie mineure et à la Perse »15. On rencontre dans la littérature l’hypothèse selon laquelle cette tradition du travail migrant dans le bâtiment plongerait ses racines dans les obligations d’entretien des routes auxquelles une partie de la population masculine locale était astreinte dans l’Empire ottoman. Cette population jouissait d’un statut spécifique, connu sous le nom de voynugan et de dervendji, lié à la logistique de l’armée du Sultan16. Il serait plus juste selon moi de rechercher l’origine de la migration saisonnière des hommes de ces régions de montagne dans le déclin de l’élevage des moutons, qui avait été encouragé et organisé par l’administration ottomane afin de satisfaire les besoins de l’armée pendant les premiers siècles de l’Empire. A la différence de la Šumadija en Serbie, par exemple, où le développement économique plus tardif a été lié à l’expansion de l’élevage porcin et au commerce avec l’Empire habsbourgeois, au centre de la péninsule, les registres ottomans ont édifié entre les XVème et XVIIIème siècles un réseau très développé de marchands de bestiaux et d’éleveurs d’agneaux (dželepkešan), principalement des chrétiens, approvisionnant l’Etat, l’armée et la capitale, Istanbul. L’effondrement du système agricole de l’Empire ottoman et la crise socio-économique de la fin du XVIIIème siècle et du début du XIXème siècle ont entraîné une diminution des pâturages, la perte du statut privilégié de la population locale et un allongement du cycle de complexité dans les nombreuses familles élargies (zadrugi) dont les membres vivaient plus longtemps ensemble.

6 Ces processus et la généralisation d’une agriculture de type čiflik (çiflik en turc) conduisent l’historienne, Maria Todorova, à défendre l’idée selon laquelle la zadruga, en tant que forme de complexité des foyers/familles, est un phénomène apparu dans les niches écologiques spécifiques des régions de pâturage ou à activités mixtes (élevage et agriculture) en réponse, nouvelle et cyclique, aux particularités du développement de l’Empire ottoman après le XVIIIème siècle. D’après elle, « la fréquence de distribution géographique de la zadruga suit invariablement la courbe des régions montagneuses des Balkans, traversant les frontières ethniques »17. Ces conditions socioéconomiques spécifiques de l’Empire ottoman expliquent également, me semble-t-il, la généralisation des migrations temporaires des hommes (perčalbarstvo) du centre des

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Balkans après le premier quart du XIXème siècle. A ces facteurs sont venues s’ajouter, dans le cas de l’ouest de la Macédoine, les incertitudes que faisaient peser, sur l’élevage des agneaux, les attaques incessantes des bandes de voleurs albanais. Plusieurs analystes de la fin du XIXème siècle voient dans cette insécurité la cause de l’accroissement rapide des migrations de travail18.

7 Le « déversement » saisonnier de la population masculine des montagnes allant gagner de l’argent (na pečalba) dans d’autres zones des Balkans a, en retour, contribué à inscrire dans la durée les familles élargies (zadrugite) et à conférer aux réseaux lignagers de ces régions une force et une efficacité proverbiales. La forme traditionnelle d’organisation des groupes de migrants du travail constitue également un facteur important pour comprendre la préservation et l’importance accordée à la structure familiale/de lignage dans la vie villageoise : ces groupes étaient formés sur un principe lignager et/ou de solidarité villageoise-locale et ils n’ont connu aucune réglementation écrite (de type guilde), pas même au début du XXème siècle ; ils ont suivi les normes de la pratique coutumière. Ce fait, tout comme le manque de données statistiques19 concernant l’ampleur des migrations saisonnières depuis la Bulgarie, la Serbie et la Macédoine20, explique la stratégie de recherche retenue ici : une reconstruction ethnographique reposant exclusivement sur des sources narratives, c’est-à-dire sur des récits oraux réunis dans des mémoires ou collectés par l’auteur, dans un travail d’histoire orale. Les premières tentatives de réglementation centralisée de l’artisanat alors traditionnellement le plus populaire parmi les migrants temporaires, la construction, datent du XIXème siècle. A partir des années 1890, à Crna Trava en Serbie, sont ainsi organisés, l’hiver, des cours trimestriels spécialisés de maçonnerie21 et, en 1903, une école du bâtiment est ouverte à Trăn, en Bulgarie. Réputée dans tout le pays, elle a continué à fonctionner jusqu’à aujourd’hui.

II - Sur les routes du gurbet

8 Les directions, les destinations et le caractère du travail saisonnier comme des migrations temporaires changent à plusieurs reprises au cours du XIXème siècle et dans les premières décennies du XXème siècle, sous l’effet de l’histoire tumultueuse de la péninsule. Au cours des cent trente dernières années, ces régions ont plusieurs fois changé d’appartenance étatique - ce qui, dans les Balkans, équivaut le plus souvent à un changement d’identité nationale, particulièrement dans les régions frontalières22. Avant l’accession de la Bulgarie à une indépendance de fait en 1878, les artisans du bâtiment se dirigeaient prioritairement vers la capitale de l’Empire ottoman, Istanbul. Les migrants saisonniers partaient au moment des grandes fêtes du printemps – Мladenci (la Fête des quarante martyrs), Džurdžovdăn (la Saint Georges) - ou, plus souvent, au début du carême de Pâques. Au moment de la Saint Constantin et Hélène, en mai, ils étaient déjà « au travail » (« u rabotu »)23. La Valachie (aujourd’hui en Roumanie) et la Serbie, alors libres, représentaient d’autres destinations privilégiées. Les migrants (pečalbari) se rendant en Valachie se rassemblaient à Godeč (aujourd’hui en Bulgarie), passaient par le col de Petrohan, la ville de Lom, le port de Turnu Severin et de Cetatea sur la rive roumaine du Danube, avant d’atteindre les villages de l’actuel sud de la Roumanie. Là-bas, ils ont construit des « bienici » célèbres - des maisons en terre battue particulièrement appréciées par la population valaque locale24. Dans plusieurs villages du sud-ouest de la Serbie et du centre-ouest de la Bulgarie, à la fin du

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XIXème siècle, la population masculine parlait couramment le roumain, une langue apprise à l’occasion des migrations saisonnières (u pečalbu) en Valachie25.

9 Pour ceux qui se rendaient en Serbie, avant 1878 les points de rassemblement étaient Smederevo, Paračin, Jagodina et Čjuprija. De là, les groupes de migrants saisonniers employés dans le bâtiment se dispersaient à travers toute la Šumadija. Dans la région de Trăn (centre-ouest de la Bulgarie) les hommes qui pratiquaient l’art de la construction dans la Serbie souveraine étaient connus sous le nom de šumadijci pour les distinguer des stamboldžiite, que le gurbet portait vers Istanbul et ses environs 26. Certains des premiers grands entrepreneurs du bâtiment en Serbie et dans sa capitale, Belgrade, étaient originaires des régions de Crna Trava (aujourd’hui en Serbie) et de Trăn (aujourd’hui en Bulgarie)27.

10 Plusieurs de ces maîtres-maçons et de leurs groupes d’ouvriers ont pris activement part aux luttes pour l’indépendance nationale des populations locales au XIXème siècle : lors de la prise de la forteresse de Belgrade en 1862, des soulèvements de la région de Sofia (Šopskoto) en 1877 ou encore de la région de Kresno-Razlog en 1878. A Čuprija précisément, en 1862, peu après la formation de la Première légion bulgare à Belgrade, à la demande de Georgi Rakovski, le célèbre architecte Grozdan Nasalevski a formé trois détachements de volontaires bulgares issus du milieu des ouvriers du bâtiment originaires de Trăn, qui ont pris part à la guerre serbo-turque28. Certains de leurs leaders (pečalbarski tajfi) ont obtenu des grades militaires dans les armées russe et serbe ; ils ont rejoint en tant que volontaires les troupes du général Černajev au moment de la guerre serbo-turque de 1876-1877, puis les volontaires bulgares lors de la guerre russo-turque de1877-1878 au terme de laquelle la Bulgarie a acquis l’indépendance. Les détachements d’un autre habitant réputé de Trăn, Simo Sokolov, ont participé, aux côtés des armées russe et serbe, à la libération consécutive des régions de Trăn (aujourd’hui en Bulgarie), Vranja (aujourd’hui en Serbie), Kriva Palanka et Kratovo (au nord-est de l’actuelle Macédoine)29. Ils ont également pris part au soulèvement de Kresna-Razlog, qui a éclaté après le Congrès de Berlin de juin-juillet 1878, dans les régions bulgares restées dans l’Empire ottoman.

11 Après la Libération de la Bulgarie, en 1878, la nouvelle capitale, Sofia, devient rapidement un centre attractif pour les bâtisseurs-pečalbari des régions de Trăn et de Caribrod en Bulgarie, de Crna Trava, Vranja et Pirot en Serbie et du nord-est de la Macédoine restées à l’intérieur des frontières ottomanes. D’après les données approximatives de Jelenko Petrović, pendant la dernière décennie du XIXème siècle et jusqu’en 1912, quelque 8000 personnes se rendaient chaque année à Sofia depuis la Serbie, dont 2000 environ de la seule région de Pirot30. Dans plusieurs villages du sud- est de la Serbie, jusqu’à un quart de la population masculine allait ainsi travailler en Bulgarie, le plus souvent à Sofia. De l’importance de ces migrations transfrontalières, nous pouvons seulement juger à partir d’un fait intéressant : dans la première décennie du XXème siècle, les monnaies bulgare et serbe étaient toutes deux, et à parts égales, en circulation à Pirot (Serbie)31. Cette situation a suscité une ingérence administrative active des pouvoirs serbes dans la région. Avec Cvetko Radokov, originaire de Trăn, le grand homme politique, Nikola Pašić, s’est également établi en tant qu’entrepreneur dans le bâtiment à Sofia, pendant les années de son bannissement forcé après le soulèvement de Zajčarska contre le roi Milan. Leur activité dans la construction a servi à dissimuler la préparation d’un soulèvement contre le roi en Serbie32.

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12 Outre les habitants de Trăn, les maçons et les entrepreneurs du bâtiment les plus connus à Sofia à la fin du XIXèle siècle et au début du XXème siècle étaient originaires de Macédoine. A juste titre, le chemin qui, passant par Kriva Palanka, conduisait depuis la Macédoine vers Sofia était appelé par les contemporains « le chemin des hommes partis faire de l’argent » (pečalbarski drum), parce que, tous les printemps, plus de 10 000 hommes de Macédoine parcouraient cette route pour se rendre dans la capitale de la Bulgarie libérée33. Leur nombre, pour les seuls villages autour de Kriva Palanka, est estimé à plus de trois mille34. En dehors de la construction, les migrants et les employés temporaires de Macédoine ont développé dans la capitale bulgare d’autres artisanats, comme la boulangerie, la crèmerie, la pâtisserie et le commerce. Les migrants temporaires de Macédoine occidentale (des régions de Tetovo, Debăr, Kičevo, Bitola et Kostur/Castoria), de Salonique et d’Istanbul avaient le même type d’activités35. Les guerres balkaniques de 1912-1913 et les nouvelles frontières politiques des Balkans signent la fin de ces migrations temporaires en fermant les routes, en direction du sud, traditionnellement suivies par les travailleurs saisonniers.

13 De nouvelles destinations les conduisent alors depuis la Macédoine occidentale principalement vers Belgrade, depuis la Macédoine orientale en direction de Sofia36 et, pour la population albanaise, vers l’Albanie devenue indépendante. Au début des guerres balkaniques et pendant la première Guerre mondiale, un grand nombre de ces travailleurs temporaires des Balkans centraux émigre vers l’Amérique afin d’échapper à la conscription. A partir de 1900, l’Amérique se transforme en une terre d’immigration attractive pour la main d’œuvre sans emploi de la région, d’abord celle de Macédoine37, puis, plus tard, de Bulgarie et de Serbie. Une partie de ces « Américains » est revenue dans les années 1920 ; toutefois nombreux sont ceux qui sont restés. Une autre frange des pečalbari de Macédoine prend part aux guerres balkaniques avec l’espoir de libérer leur terre d’origine du pouvoir ottoman38.

III - Les cultures au quotidien : vivre en l’absence des hommes

14 Organisés selon un principe lignager ou territorial, les groupes d’hommes migrant temporairement (pečalbarski tajfi) développent leur sous-culture spécifique à l’intérieur des grandes villes qui les accueillent, à Istanbul, Thessalonique, Belgrade et Sofia. Les hommes ont leurs lieux de rencontre et de discussion comme le célèbre hôtel Znepole à Sofia, où se retrouvent les ouvriers du bâtiment originaires de Trăn ou l’auberge Razlog, point de rencontre des migrants de Macédoine. Belgrade compte quelques kafani « macédoniens » à Čubura, dont la clientèle est issue de Macédoine occidentale39. Les particularités de leur dialecte font de celui-ci leur marqueur linguistique (et une langue originale « secrète ») en Bulgarie comme en Serbie40. Les groupes migrants des Balkans centraux sont acceptés par la population locale des deux côtés de la frontière comme une communauté spécifique: les bâtisseurs de Crna Trava en Serbie tout comme ceux de la région de Trăn en Bulgarie sont traditionnellement appelés кărkavci41et leurs groupes à déplacement saisonnier sont comparés aux bandes d’oiseaux migrateurs (les grues). Ces communautés d’artisans restent traditionnellement repliées sur leur sous-culture : la présence, dans leurs groupes, d’ouvriers issus d’autres régions constitue une rare exception jusqu’au milieu du XXème siècle. Les maçons de Kriva Palanka (aujourd’hui en Macédoine) racontent encore que, dans les années 1930-1940, ils préféraient

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travailler à Skopje avec des ouvriers bulgares de Bosilegrad (aujourd’hui en Serbie) plutôt qu’avec des bâtisseurs de Macédoine occidentale (de Vevčani), qui étaient d’une autre « école ».

15 Les voyages annuels des hommes des Balkans centraux pratiquant le gurbet ont suscité l’émergence, à travers les années, d’un système festif et rituel et d’un folklore spécifiques, avec des chansons du type « je vais à l’étranger, je quitte le paradis »42 – “Tugjina idem, ostavjam raj !”. En parallèle avec l’allongement du cycle de complexité des lignées et des familles élargies, s’observe un regroupement des fêtes familiales et lignagères les plus importantes (de type slava/služba/svetec) pendant l’automne et l’hiver du calendrier folkorique festif - des fêtes de la Saint Petka /Saint Parascève et de la Saint Dimitri au mois d’octobre jusqu’à la fête de Saint Athanase en janvier43. Mitrovden (la fête de la Saint Dimitri), Rangelovden (le jour de l’Archange Michel), Nikulden (la fête de Saint Nicolas) et Božik (la naissance du Christ) deviennent les centres sacrés du cycle du calendrier des fêtes et des rituels de famille44. Dans les villages de Macédoine occidentale, qui ont connu une longue tradition de pečalbari, on observe une créativité intéressante dans le processus rituel de célébration des fêtes dans l’esprit de la « tradition inventée »45 – à Vevčani, la fête Spassovden (l’ascension du Christ) est célébrée trois fois, en mai, en septembre et en janvier. La fête du jeudi avant le jour de la Saint Athanase (31 janvier) est appelée le « Spasovden pečalbar », parce que les hommes rentrés au village après avoir travaillé à l’étranger visitent la chapelle construite à flanc de montagne pour et par des travailleurs migrants46.

16 Dans les régions pečalbari des Balkans étudiées, toute la destinée de l’individu est prédéterminée par cette stratégie essentielle du travail temporaire/saisonnier. Chez les nouveaux-nés, le rituel traditionnel du baptême comprend une série de bénédictions et de symboles spécifiques qui visent à assurer au garçon, de manière magique, un destin de bon ouvrier-maître maçon. En Macédoine, le premier voyage des garçons en dehors de leur terre d’origine (« le premier solunče » à Galičnik) s’accompagne de rituels particuliers et de bénédictions en vue de rapporter un « grand gain ». Dans les régions montagnardes des Balkans centraux et de Macédoine occidentale47, la tradition populaire locale a élaboré un solide complexe rituel gurbet, lié au départ et au retour des groupes de migrants temporaires. Les femmes expédient leur mari et leurs fils loin au-delà des limites du village jusqu’à un endroit traditionnellement défini comme marquant la frontière de la région (Dăsčan kladănăc pour Znepole, Plači most pour Želino, la région de Tetovo et de Kičevo, Plači kruša pour Lazaropole et Vevčani, etc.), où se rassemblent les groupes de travailleurs saisonniers. Les appellations de ces toponymes pečalbari sont le plus souvent liées à la plainte et elles évoquent des scènes pathétiques de séparation familiale (temporaire). Telle est l’origine du vieux nom de kurbet planina (la montagne kurbet) qui sépare la région de Nišava de la vallée de la Morava48 dans la partie centrale des Balkans.

17 L’absence des hommes-pečalbari de leurs maisons pendant la majeure partie de l’année conduit à des transformations dans tous les rituels fondamentaux du cycle de vie. Dans les régions de montagne des Balkans centraux, les mariages sont célébrés l’hiver, lorsque les hommes-constructeurs sont de retour chez eux. Chez les habitants de la région de Mijak, en Macédoine occidentale, les mariages ont lieu seulement une fois par an, le jour de la fête du Saint patron du village (Petrovden à Galičnik 49, Ilinden à Lazaropole), lorsque les jeunes reviennent dans leur région natale. Si les jeunes fiancés (verenici) ne parviennent pas à s’unir ce jour-là, ils doivent patienter une année entière

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jusqu’à la prochaine fête. La seule variante de « réserve » autorisée par la tradition aurait été la fête de l’Assumption. Jusqu’au milieu du XXème siècle, ces régions de montagne sont strictement endogamiques. Dans quelques villages de Macédoine occidentale, cette endogamie est même interne au village : en vue de leurs noces, les jeunes hommes reviennent chercher des jeunes filles à marier dans leur région de naissance, en principe seulement parmi les « leurs » (d’un point de vue villageois- régional). D’après les personnes interviewées, aujourd’hui encore les jeunes femmes se marient le plus souvent pendant l’été, quand les descendants des pečalbari d’autrefois et des gastarbeiter d’Amérique et d’Australie rentrent chez eux y chercher des épouses « convenables ».

18 La tradition locale des migrations de travail temporaires a également donné naissance à un rituel complexe pour les enterrements des ouvriers saisonniers morts à l’étranger. Ces derniers sont symboliquement enterrés et pleurés dans leur village d’origine. Cette pratique rituelle est fréquente dans les Balkans ; mais, dans le village de Mešeišta (de la région de Struga, à l’ouest de la Macédoine), au cours de mes enquêtes de terrain en 2005, je suis tombé sur une forme accomplie de transformation de cette pratique. A la fin du XIXème siècle, à côté de l’église du village avait été creusée une tombe vide, dite jabandžijski, sur laquelle les proches pleuraient les hommes-ouvriers temporaires morts et enterrés quelque part à l’étranger. Restaurée à la fin du XXème siècle, cette tombe jabandžijski vide se dresse aujourd’hui, tel un monument au « pečalbar inconnu » des Balkans.

IV - Le temps des Gastarbeiter et les transformations des modèles traditionnels

19 Dans les pays de l’ancienne Yougoslavie, ce modèle traditionnel de migrations de travail saisonnières établi depuis des siècles s’est transformé au début des années 1970. Durant les dernières décennies du XXème siècle, les migrants temporaires des régions de Serbie et de Macédoine que j’étudie ont commencé à émigrer définitivement avec leurs familles en Europe occidentale et en Amérique (Etats-Unis et Canada), en Australie et en Nouvelle Zélande. Ce processus de transformation de migrants temporaires en émigrants était une conséquence de la nouvelle politique migratoire adoptée par plusieurs pays européens, au premier chef l’Allemagne (après 1972), qui facilitait l’immigration légale. Invités à travailler légalement pendant une période déterminée dans plusieurs pays d’Europe occidentale en quête de main d’œuvre agricole, les Gastarbeiter des Balkans ont bientôt fait venir leurs familles avec eux et se sont définitivement établis dans le pays qui les avait accueillis. L’Allemagne a « partagé » son modèle de migrations de travail temporaires, ainsi que l’appellation Gastarbeiter, avec les autres Etats d’Europe de l’ouest. Il en est résulté un bouleversement complet dans le modèle d’organisation des familles (temporairement) séparées dans les régions que j’étudie, en particulier en Macédoine occidentale. Le modèle du gurbet où les familles restent sur le lieu de naissance pendant que les hommes « gagnent de l’argent » à l’étranger – un argent qu’ils envoient à leurs proches et dépensent « à la maison » - a évolué vers un modèle pečalbar de culture Gastarbeiter. La majorité des Gastarbeiter, invités à venir travailler dans les pays d’Europe occidentale en tant que main d’œuvre légale (principalement en Allemagne de l’ouest), s’installent définitivement avec leurs familles dans les pays d’accueil. Et bien qu’une partie

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significative d’entre eux retournent dans leur pays d’ex-Yougoslavie au moment de leur retraite, leurs enfants, nés en Europe occidentale, restent dans la plupart des cas dans leur nouvelle patrie. Le modèle de migration du travail depuis les Balkans de type Gastarbeiter transforme aussi bien la situation sociale des pays d’émigration (avec un apport économique significatif pour les Républiques d’ex-Yougoslavie), que les modes d’identification des fils et filles nés en Europe occidentale50.

20 De nombreux villages ont été désertés pendant les décennies du socialisme. Mais la nostalgie de « la terre d’origine » est demeurée et une partie de ces Gastarbeiter reviennent du monde entier dans leur village des Balkans passer leurs derniers jours « chez eux, auprès des leurs ». Au sud-ouest de la Macédoine, nombreux sont les exemples de Gastarbeiter qui, bien qu’ils aient été naturalisés dans leur « nouvelle patrie », construisent une nouvelle maison dans leur village ou achètent à leurs enfants un appartement dans le principal centre urbain de leur région d’origine (Struga, Ohrid). Dans plusieurs villages de la région de Debar, ce sont eux qui financent la reconstruction des anciens lieux de culte orthodoxes, la construction de nouveaux lieux de culte et de chapelles, ainsi que celle de nouveaux bâtiments publics. Les exemples ne sont pas rares en Macédoine de villages qui furent pendant des décennies entièrement abandonnés et dans lesquels les populations locales reviennent chaque année pour la fête du Saint patron, afin de pratiquer collectivement le sacrifice du kurban et de partager un repas « afin que le village survive »51. L’effondrement de l’ancienne Fédération yougoslave, les guerres et conflits ethniques qui l’ont accompagné, l’émergence de nouveaux Etats indépendants dans les Balkans occidentaux et l’introduction de nouvelles frontières étatiques difficiles à franchir ont, à bien des égards, transformé ce modèle traditionnel pečalbar/Gastarbeiter, faisant apparaître, parmi les représentants des nouvelles générations de nouvelles stratégies de survie et de nouvelles attentes. Comment vont se développer les relations entre les diasporas de Gastarbeiter et les colonies de pečalbari dans le Nouveau monde (y compris en Australie et en Nouvelle-Zélande) et les communautés locales dans leurs régions d’origine des Balkans, l’avenir nous le dira. Pour le moment, nous pouvons seulement observer des processus d’identification complexes et pluriels chez les représentants de la nouvelle génération d’émigrés, dont la plupart sont nés en dehors des Balkans. D’un côté, ils font partie intégrante de la diaspora « balkanique », ancienne ou plus récente, dans les pays d’acceuil ; de l’autre, le retour dans les Balkans, au village, chez leurs parents âgés, est toujours perçu comme un moment de fête.

21 En Bulgarie, les années de la transition ont vu se développer des formes de migrations du travail qui ont reproduit certains des traits de l’ancien modèle transfrontalier du gurbet, tout en présentant de nouvelles caractéristiques, qui nous sont connues grâce à la culture Gastarbeiter des migrants temporaires d’ex-Yougoslavie. Dans un premier temps, des hommes (mais aussi de plus en plus souvent des femmes ces dernières années) quittent leur lieu de naissance en petits groupes pour aller travailler en Europe occidentale, d’où ils envoient de l’argent pour aider leur famille restée en Bulgarie à subvenir à ses besoins. Même lorsqu’ils font venir leur famille ultérieurement, ils continuent à aspirer à rentrer dans leur patrie, y compris pour y montrer leur réussite obtenue grâce « au gurbet ». L’étude de ces nouvelles migrations temporaires de travail (pečalbari) dépasse toutefois le cadre du présent article, tout comme celle des perspectives qui leur ont été ouvertes par la nouvelle adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne52.

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22 Pour conclure, les migrations de travail temporaire des hommes des régions montagneuses des Balkans centraux et de Macédoine occidentale ont suscité des transformations spécifiques dans le modèle socio-culturel traditionnel de la population locale, aussi bien dans l’organisation sociale que dans les modèles familiaux et les stratégies maritales, liées à l’allongement du сycle de complexité des lignées familiales et aux particularités des rôles hommes-femmes traditionnels, ainsi que dans les rituels du cycle de vie et du cycle calendaire. Les guerres balkaniques du début du XXème siècle ont entraîné un changement dans les directions de ces migrations temporaires (plus que dans leur nature). La nouvelle politique migratoire adoptée par certains pays d’Europe occidentale au début des années 1970 a, par ailleurs, radicalement modifié le caractère des relations sociales dans les régions pečalbari/Gastarbeiter des Balkans, en particulier dans les pays de l’ancienne Yougoslavie (y compris dans l’actuelle République de Macédoine). La pratique séculaire des hommes qui partaient « là-bas », à « l’étranger » afin de subvenir aux besoins des familles « ici », dans les Balkans, s’est transformée en une possibilité d’émigration légale avec réunion familiale dans les pays d’accueil entre les années 1970 et la fin du socialisme. En Bulgarie, le modèle de migration du travail d’ampleur limitée, contrôlée par l’Etat en direction des pays de l’ancien Bloc soviétique a également subi des transformations majeures après 1990, avec une accélération des flux migratoires illégaux temporaires (jusqu’à trois mois) en direction des pays de l’Union européenne, une mobilité transfrontalière renforcée et une féminisation du gurbet.

23 Les transformations intervenues au cours de la dernière décennie du XXème siècle dans la carte socio-économique de la péninsule balkanique ont fait passer certains Etats, comme la Grèce, du statut de pays d’émigration à celui de pays d’immigration, accueillant des travailleurs migrants saisonniers et temporaires. Dans le même temps, les traditions pečalbar et les représentations sociales spécifiques liées au gurbet démontrent une certaine résilience dans plusieurs régions des Balkans d’où sont issues les nouvelles vagues de gurbetčii ( pečalbari). Souvent, ces derniers, sous l’effet des conditions nouvelles qui prévalent dans la région, s’installent définitivement dans le pays qui les a accueillis, où ils deviennent des immigrants. La décision des pečalbari d’émigrer définitivement ou de continuer à chercher à revenir dans leur région d’origine dépendra dans une large mesure du développement socio-économique des Balkans et de l’avenir géopolitique des pays de la région. Des études ultérieures des mobiltiés de travail et des migrations depuis les Balkans détermineront dans quelle mesure la formule folklorique traditionnnelle «Où que j’aille, je reviendrai », que l’on rencontre dans le folkore pečalbar de plusieurs peuples balkaniques, continuera à s’appliquer au modèle de comportement social connu sous le nom de gurbet.

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NOTES

1. Elias (Norbert), Über den Prozess der Zivilisation : Soziogenetische und psychogeneitsche Untersuchungen, Bern: Francke Verlag, 1969, Bd. 1-2. 2. Duerr (Hans Peter), Nacktheit, Schamm, Der Mythos vom Zivilisationsprozess, Frankfurt am Main : Suhrkamp Verlag, 1988 ; pour une discussion de cet argument, voir Kaser (Kaser), « Privatni život u Jugoistočnoj Europi » [La vie privée en Europe du Sud-Est], OTIVM [Zagreb], 2(1-2), 1994, p.48-55. 3. Ariès (Philippe), Duby (Georges), Histoire de la vie privée, vol. 1-5, Paris: Seuil, 1999. 4. Patlagean (Evelyne), « Byzance Xème-XIème siècle », in : Brown (Peter), Patlagean (Evelyne), Rouche (Michel), Thébert (Yvon), Veyne (Paul), De l’Empire romain à l’An mil. Tome 1 de Histoire de la vie privée, Paris : Seuil, 1985, p.531-618. 5. Sur ce point, voir Kearney (M.), « Migration », in : Barfield (Thomas), ed., The Dictionary of Anthropology, Oxford: Blackwell, 1997, p.322-324. 6. Au sein de la très vaste littérature consacrée aux migrations du travail, les mobilités d’Europe du Sud-Est et, plus concrètement, des Balkans n’ont pas occupé une place très significative. Voir, par exemple, Palairet (Michael), «The Migrant Workers of the Balkans and Their Villages (18th Century – World War II) », in Roth (Klaus), Handwerk in Mittel- und Südosteuropa, München: Südosteuropa-Gesellschaft, 1987, p.23-46; Samardzić (Radovan), Djordjević (Mita), eds, Migrations in Balkan History, Belgrade: Srpska akademija nauka i umetnosti, 1989; Puskás (Julianna), ed., Overseas Migration from East Central and Southeastern Europe: 1880-1940, Budapest: Akadémiai Kiadó, 1990; Beer (Mathias), (Hg.), Migration nach Ost- und Südosteeuropa vom 18. bis zum Beginn des 19. Jahrhunderts: Ursachen – Formen – Verlauf – Ergebnis, Stuttgart: Thorbecke, 1999; Brunnbauer (Ulf), «Environment, Markets and the State: Human Adaptation in the Balkan Mountains, 19th – early 20th Century»,Ethnologia Balkanica, 8, 2004, p.129-154; Hristov (Petko), « The Market and the Piazza for Hired Hand in Sofia as Places to Exchange Cultural Stereotypes »,Ethnologia Balkanica, 9, 2005, p.82-90. 7. L’appellation vient du turco-arabe, gurbet, qui signifie « un travail en dehors de son lieu de naissance »; de là, fin XIXème, d’après le dictionnaire de N. Gerov, en langue bulgare, « gurbetuvam » signifiait « aller à l’étranger » (voir Gerov (Najden), Rečnik na bălgarski ezik [Dictionnaire de la langue bulgare], Plovdiv: Pečatnica Săglasie, première partie, p.26), et « gurbetčija », « étranger » (cf. voir Gerov (Najden), Dopălnenie na bălgarskija rečnik ot N. Gerov [Complément au dictionnaire bulgare de N. Gerov], Plovdiv : Pečatnica Trud, 1908, p.83). 8. Braudel (Fernand), Sredizemno more i sredizemnomorsijat svjat po vremeto na Filip II [La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II], kn.1, Sofia, 1998, p.30, p. 40-43, p.51-53. 9. Voir l’expression bulgare « descendre vers la Roumélie » (slizaneto na Romănja) qui signifiait « partir pour la moisson ». 10. Hristov (Petar), « The Market and the Piazza for Hired Hand in Sofia as Places to Exchange Cultural Stereotypes », Ethnologia Balkanica, 9, 2005, p.87-88. 11. Bobchev (S.), Sbornik na bǎlgarski juridičeski običai [Recueil des coutumes juridiques bulgares], vol. 2, Sofia, 1908, p.107; Petrović (J.), Pečalbari, naročito iz okoline Pirota, Beograd, 1920, p.18; Cvijić (Jovan), Balkansko poluostrvo i južnoslovenske zemlje, Кnj. druga, Beograd, 1931, p.134. 12. Hristov (Petar), « Granicite na “Šopluka” i/ili šopi bez granici » [Les frontières du « Šopluk » et/ou les Šops sans frontières], in Skrivene manjine na Balkanu [Les minorités cachées des Balkans], Beograd, 2004, p.67-82. 13. Cvijić (Jovan), Osnove za geografiju i geologiju Makedonije i Stare Srbije [Les bases de la géographie et de la géologie de la Macédoine et de la Vieille Serbie], Beograd, 1906, p.194.

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14. Sur les informations des consuls autrichiens, voir Mihov (Nikola Vasilev), Prinosi kǎm tǎrnovskata istorija na Bǎlgarija, vol. ІІ. Avstrijski konsulski dokladi [Contributions à l’histoire de la Bulgarie de Tǎrnovo. Rapports consulaires autrichiens], Т. 1, Sofia, 1943, p.331-332. 15. Concernant la Belgrade et toute la Šumadija, voir Irechek (Konstantin), Pǎtuvanija po Bǎlgarija [Voyages en Bulgarie], Sofia 1976, p.559. 16. Comparer avec la synthèse proposée dans Valchinova (Galia), « Znepolski pohvali ». Lokalna religija i identičnost v Zapadna Bǎlgarija [Religion locale et identité en Bulgarie occidentale], Sofia, 1999, p.46. 17. Voir Todorova (Maria), 1993, p.156, p.174. 18. Voir Petrov (G.), « Emigranskoto dviženie za Amerika v Makedonija » [Le mouvement d’émigration vers l’Amérique en Macédoine], Кulturno edinstvo, Sofia, 1909, p.3; Cvijić (Jovan), Balkansko poluostrvo i južnoslovenske zemlje [La péninsule balkanique et les pays slaves du sud], Кnj. druga, Beograd, 1931, p.134, p.162, p.169, p.199. 19. Malheureusement pour les chercheurs d’aujourd’hui, les statistiques officielles bulgares, par exemple, ne comptabilisent pas, à quelque moment que ce soit de leur histoire, les migrations saisonnières de travail d’une durée inférieure à six mois(voir Economy of Bulgaria, 1969, p.408). Telle est la raison pour laquelle nous pouvons seulement fournir des estimations concrètes des migrations de travail temporaire vers ou depuis la Bulgarie. 20. Dans l’Empire ottoman jusqu’en 1912. 21. Petrović (J.), Pečalbari, naročito iz okoline Pirota, Beograd, 1920, p.23. 22. Hristov (Petko), « The Use of Holidays for Propaganda Purpose. The “Serbian” Slava and/or the “Bulgarian” Sabor », Ethnologia Balkanica, 6, 2002, p.69-80. 23. Petrović (J.), Pečalbari, naročito iz okoline Pirota, Beograd, 1920, p.14. 24. Mironova-Panova (S.), Тrǎnskijat kraj [La région de Trǎn], Sofia, 1971, p.69-70. 25. Nikolić (V.), «Iz Lužnice i Nišavе», Srpski etnografski zbornik, knj. 16, Beograd , 1910, p.28. 26. Petrichev (L.), « Тrǎnskite dobrovolci v Srǎbsko-turskata vojna – 1876 godina » [Les volontaires de Trǎn dans la guerre serbo-turque en 1876], Trǎnski kraj, Sofia, 1940, p.140-162, p. 150. 27. Petrović (J.), Pečalbari, naročito iz okoline Pirota, Beograd, 1920, p.23. 28. Voir Petrichev (L.), « Тrǎnskite dobrovolci v Srǎbsko-turskata vojna – 1876 godina » [Les volontaires de Trǎn dans la guerre serbo-turque en 1876], Trǎnski kraj, Sofia, 1940, p.140. 29. Op cit., p.163-171. 30. Petrović (J.), Pečalbari, naročito iz okoline Pirota, Beograd, 1920, p.23. 31. Op .cit., p.27. 32. Hristov (Petko), « Nikola Pasič i njegovo delovanje u emigraciji u Bugarskoj », Razvitak, n°. 213-214, Zaječar, 93, 2003, p.113-120. 33. Cvijić (Jovan), Osnove za geografiju i geologiju Makedonije i Stare Srbije, Beograd, 1906, p.197. 34. Petrov (G.), Маteriali za izučavaneto na Makedonija [Matériaux pour l’étude de la Macédoine], Sofia, 1896, p.593. 35. Koneska (E.), « Мakedonci vo Istanbul » [Macédoniens à Istanbul], Etnolog, 1, 1992, Skopje, p. 64-72. 36. Cvijić (Jovan), Balkansko poluostrvo i južnoslovenske zemlje, Кnj. druga, [La péninsule balkanique et les pays slaves du sud, livre 2], Beograd, 1931, p.135-136. 37. Voir Petrov (G.), « Emigranskoto dviženie za Amerika v Makedonija » [Le mouvement d’émigration vers l’Amérique en Macédoine], Кulturno edinstvo, Sofia, 1909, p.3-6. 38. A titre d’exemple, sur les 74 ouvriers dans la construction originaires du village de Radibuš (région de Kriva Palanka) qui travaillent à Sofia, 72 s’inscrivent en 1912 dans le mouvement de volontaires de Macédoine et de Thrace auprès de l’armée bulgare.

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39. Voir Kjushkosky (A.), Pečalbarstvoto vo Vevčani [Les pratiques pečalbar à Vevčani], Bitola, 1998, p.21. 40. Cvijić (J.), Naselja srpskih zemalja, Beograd, Državna štamparija, 1912, p.219. 41. Nikolić (R.), « Krajište i Vlasina », Srpski etnografski zbornik, knj. 18, Beograd, 1912, p.231; S. Mironova-Panova, Тrǎnskijat kraj [La région de Trǎn], Sofia, 1971, p.65. L’expression, venue du turc, est l’appellation dialectale de la grue. 42. Voir la collection de chansons folkloriques de Karovski (L.), Makedonski pečalbarski narodni pesni [Chansons populaires pečalbar macédoniennes], Skopje, 1979. 43. Pesheva (R.), « Edin starinen semeen praznik. Praznuvane na svetec v Severozapadnata i Zapadna Bǎlgarija » [Une veille fête familiale. La célébration d’un saint dans la Bulgazrie du Nord- Ouest et de l’Ouest], Еzikovedski-etnografski izsledvanija v pamet na akad. Romanski [Etudes ethnographiques et linguistiques en souvenir de l’Académicien Romanski], Sofia, 1960, p.739; Hristov (P.), – « Ahnenkult in Westbulgarien : das Fest des Schutzheiligen », in Brunnbauer (U.)., Kaser (K.), éds, Vom Nutzen der Verwandten. Soziale Netzwerke in Bulgarien (19. und 20. Jahrhundert), Böhlau, Wien, 2001, p.187-199. 44. Hristov (P.), – « Ahnenkult in Westbulgarien : das Fest des Schutzheiligen », in Brunnbauer (U.)., Kaser (K.), éds, Vom Nutzen der Verwandten. Soziale Netzwerke in Bulgarien (19. und 20. Jahrhundert), Böhlau, Wien, 2001, p.193. 45. Hobsbawm (E.), « Introduction: Inventing Traditions », in Hobsbawm (E.), Ranger (T.), eds, The Invention of Tradition, Cambridge University Press, 1983, p.1-14. 46. Au cours de mes recherches de terrain au cours de l’été 2005, à Vevčani, j’ai visité la chapelle pour le « Spasovden pečalbar » avec des Gastarbeiter d’Allemagne ayant pris leur retraite et entrepris de la restaurer. 47. Voir, sur le cas de Mala Reka, Resova (M.), « Običai na Mijacite-gurbetčij ot Mala Reka » [Les coutumes des personnes pratiquant le gurbet originaires de la région de Mijak, de Mala Reka], Vesnik na Muzejsko-konzervatorskoto društvo na NRM, 1, Skopje, 1955, p.7-14; Spirovska (L.), « Za nekoj mijački pečalbarski običai pocebno ot Galičnik » [De quelques coutumes pečalbar de la région de Mijak, en particulier de Galičnik], Bitorski naučno-kulturni sobiri І, Gostivar, 1971, p. 259-263. 48. Irechek (K.), Istorija na Bǎlgarite [Histoire des Bulgares], Sofia, 1978, p.48. 49. Au cours des dernières décennies du XXème siècle, le mariage à Galičnik s’est transformé en une représentation folklorique. Jusqu’à aujourd’hui, cependant, les personnes qui souhaitent réellement se marier à Galičnik ne peuvent le faire dans l’église locale que le jour de la Saint Petrov. Au cours de l’été 2005, j’ai assisté à trois mariages consécutifs à Galičnik lors de la Saint Petrov. 50. Les relations entre les nouveaux Etats nés de l’effondrement de la Yougoslavie et la diaspora en Europe de l’ouest des Gastarbeiter constituent un thème intéressant qui mériterait de faire l’objet d’une étude séparée. 51. Hristov (P.), « Granicite na “Šopluka” i/ili šopi bez granici » [Les frontières du « Šopluk » et/ ou les Šops sans frontières], in Skrivene manjine na Balkanu [Les minorités caches dans les Balkans], Beograd, 2004, p.117-118. 52. Les premières études historiques, culturelles et ethnologiques relatives à ces migrations dans la région des Rhodopes en Bulgarie sont d’ores et déjà disponibles. Voir l’ouvrage collectif dirigée par Margarita Karamihova joliment intitulé, Da živeeš tam, da se sǎnovaš tuk [Vivre là-bas, se rêver ici], Sofia, 2003.

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RÉSUMÉS

L’article analyse, sur la base de sources historiques et de matériaux de recherche collectés à l’occasion de terrains effectués en Bulgarie occidentale et en Macédoine, l’histoire, les destinations (aussi bien à l’intérieur de la péninsule balkanique, y compris en Valachie/au sud de la Roumanie, qu’en direction de l’Europe et de l’Amérique) et les traditions de ce qu’il est convenu d’appeler le gurbet, à savoir les mobilités de travail temporaires, principalement masculines, de la seconde moitié du XIXème siècle et de la première moitié du XXème siècle. L’accent est placé sur la manière dont ces expériences de travail saisonnier dans le cadre du gurbet ont influé sur les modèles culturels traditionnels en matière d’organisation sociale, de rituels du cycle de vie ou de fêtes calendaires. Cette perspective historique apparaît indispensable à l’intelligibilité des représentations et des pratiques de la mobilité de travail observées dans la seconde moitié du XXème siècle, singulièrement à partir des années 1960 et 1970 - non pour postuler l’existence d’une continuité entre ces deux périodes historiques, mais pour mieux saisir les conditions de transformations des répertoires de la mobilité.

INDEX

Index géographique : Bulgarie, Macédoine, Balkans, Serbie Mots-clés : migrations, Gurbet, migrations saisonnières

AUTEURS

PETKO HRISTOV Dr. Petko Hristov est Directeur de recherche à l’Institut et au Musée d’ethnographie de l’Académie des sciences bulgares (BAN). Diplômé en ethnographie de l’Université de Sofia « Kliment Ohridski », il a soutenu en 1997 une thèse sur les « Normes de comportement dans le village traditionnel bulgare dans la Bulgarie du Centre-Ouest au début du XXème siècle ». Son habilitation, défendue en 2005, portait sur « Communautés et fêtes ». Professeur associé à l’Université du Sud-Ouest « Neofit Rilski » de Blagoevgrad depuis 2006, ses recherches concernent les institutions et normes populaires de comportement, les familles et relations de lignage, les définitions sociales des rôles dans la société bulgare traditionnelle, ainsi que les migrations de travail, singulièrement dans une perspective historique. Il a récemment publié : « Trans-border Exchange of Seasonal Workers in the Central Part of the Balkans », Ethnologia Balkanica, 12, 2008 (à paraître); « Celebrating the Abandoned Village (pusto selo): Pictures from the Ritual Process in the Post-Socialist Balkans », in Biljana Sikimić and Petko Hristov (eds), The Kurban on the Balkans, Belgrade, Institute for Balkan Studies, 2007, p.245-258; « Places to Exchange Cultural Patterns : The Market and the Piazza for Hired Labour in Sofia », Ethnologia Balkanica, 9, 2005, p.81-90. [email protected]

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Les migrations des Roms balkaniques en Europe occidentale : mobilités passées et présentes

Elena Marušiakova et Veselin Popov Traduction : Nadège Ragaru

NOTE DE L’ÉDITEUR

Traduit du bulgare par Nadège Ragaru

1 Depuis leur arrivée d'Inde en Europe, l’histoire des Roms a été scandée par plusieurs grandes vagues migratoires. À la faveur de ces mobilités, les Roms se sont déplacés vers de nouveaux territoires, ont traversé les frontières étatiques et se sont appropriés des nouveaux espaces socioéconomiques où ils se sont installés. Les migrations observées depuis la chute du communisme à l’est de l’Europe viennent dès lors s’insérer dans une historicité plus longue qu’il convient de restituer si l’on souhaite en comprendre les dynamiques singulières. De fait, comme on le verra dans le présent article, on peut considérer que les déplacements de l’après-1989 ne constituent pas en tant que tels une rupture décisive, mais qu’ils font partie intégrante d’une vague migratoire amorcée dans les années 1960 avec l’ouverture de plusieurs États d’Europe occidentale aux flux en provenance de pays est-européens, au premier chef, la Yougoslavie. Dans le cadre de l’analyse, une attention particulière sera par ailleurs accordée aux stratégies et aux profils migratoires des Roms de Bulgarie et de Roumanie : leurs trajectoires, sensiblement différentes, soulignent l’importance d’une réflexion sur les migrations contemporaines qui les mettent en relation avec les modes d’insertion sociale des Roms dans leur pays d’origine, aussi bien sous le socialisme qu’après les changements de 1989, au lieu de postuler un hypothétique enracinement des rapports à la mobilité dans des modèles culturels supposés spécifiques aux communautés roms et immuables.

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Un regard historique sur les mobilités roms et le nomadisme en Europe (XVème-XXème siècle)

Les premières migrations (XVème-XVIIIème siècle)

2 La première grande vague migratoire rom remonte au début du XVème siècle, lorsque de petits groupes roms en provenance des Balkans entrent en Europe médiane sur le territoire de l’actuelle Hongrie. Pendant plusieurs décennies, ils parcourent le continent, se présentant soit comme des pèlerins chrétiens, soit comme des réfugiés de la “Petite Égypte”, un pays dirigé par des musulmans, et ils recherchent le concours des pouvoirs locaux laïcs ou religieux1. Après les avoir initialement bien accueillis, ces derniers commencent à les pourchasser et s'efforcent de les bannir ou de les contraindre à se sédentariser et à s'assimiler - c'est-à-dire qu’ils cherchent, en fait, à les détruire en tant que communauté distinctive, parfois même physiquement. Au gré des conditions locales, les Roms reprennent leurs migrations et investissent progressivement de nouveaux territoires. Ils atteignent ainsi la Russie aux ХVI-ХVIIème siècles en passant par l'Allemagne et la Pologne2.

3 Au ХVIIIème siècle se dessine une image relativement stable de la présence rom en Europe : les Roms ont d'ores et déjà lié leur destinée à certains États et ils commencent, quoique lentement et avec plus ou moins de réussite, à s'intégrer dans les macro- sociétés d'accueil. Bien que ce processus ne soit pas linéaire, il est encadré et dirigé par les États. En Autriche-Hongrie et en Espagne, de larges groupes roms sont ainsi contraints à la sédentarisation sous la pression des pouvoirs publics3. En dépit de l’ forte des pouvoirs étatiques et locaux, cette première vague migratoire constitue un cas réussi d'appropriation de nouveaux territoires par une communauté nomade en quête de nouvelles niches socioéconomiques. Dans un premier temps, les Roms donnent à leurs migrations des motivations religieuses et politiques entièrement inventées. Il n'y a jamais eu d'État rom connu sous le nom de “Petite Égypte” et, ultérieurement, lorsque les migrations s’opèreront d'un État européen vers un autre, cette explication cessera d'être utilisée. Par ailleurs, les certificats de protection signés de la main de souverains européens qu'ils présentent aux pouvoirs municipaux sont le plus souvent falsifiés. Autrement dit, pendant cette période, la première grande vague migratoire des Roms de l'est vers l'ouest de l'Europe a des causes socioéconomiques, quels qu’aient été les efforts des personnes concernées pour lui attribuer des origines religieuses et/ou politiques.

L’émancipation des Roms de Moldavie et de Valachie et les migrations des XIXème-XXème siècles

4 La seconde grande vague migratoire se déploie dans les dernières décennies du ХIХème et pendant les premières décennies du ХХème siècle, quand entrent massivement en Europe de l'ouest et en Russie des groupes roms nomadisants originaires de Roumanie et de régions rattachées à l'Autriche-Hongrie (la Transylvanie et le Banat). Pendant quelques décennies, ils sillonnent l'Europe, une partie d'entre eux atteignant le Nouveau monde - l'Amérique latine, les États-Unis et le Canada. Une nouvelle cartographie de la présence rom émerge ainsi progressivement à l’échelle internationale entre les deux guerres4.

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5 Ce déplacement massif de Roms depuis les Principautés de Valachie et de Moldavie (qui ont été réunies au sein d’un même État roumain en 1859) a été traditionnellement interprété comme la conséquence directe de leur émancipation et de la liberté de circulation que leur avait alors été accordée5. La réalité est cependant différente : les origines de ces grandes migrations doivent être recherchées dans le système même d'asservissement des Roms. Dans les deux Principautés, le statut des Roms différait selon qu’ils appartenaient au Prince, aux monastères ou aux boyards. Les Roms du Prince étaient pour la plupart nomades, tout comme une partie des Roms dépendant de monastères ou de boyards. Tous les Roms nomades étaient répartis en quatre catégories – les Rudari (mineurs) ou les Aurari (chercheurs d’or) qui lavaient de l’or trouvé dans les rivières de montagne et que l’on appelait en Transylvanie les Bǎeši (c’est-à-dire ceux qui lavent de l’or) ;lesUrsari (montreurs d’ours)qui faisaient danser des ours dresséset qui proposaient également divers services de ferronnerie ;les Lungurari (fabricants de cuillères), qui taillaient des ustensiles ménagers en bois ; les Lăjaši (vagabonds/nomades)dont la majorité proposaient leurs services comme forgerons ou ferronniers, mais qui fabriquaient aussi despeignes en bois et des tamis de cuir et fournissaient par ailleurs une main d’œuvre dans la construction ou le travail agricole saisonnier6. Les Roms nomades n'avaient d'autre obligation envers l'État que de payer un impôt au Trésor public ou à leur propriétaire deux fois par an, au printemps et à l'automne (les jours de la Saint-Georges et de la Saint-Archange Michel, conformément au mode de définition traditionnel des principales relations contractuelles en Europe du sud-est). Ils étaient libres de circuler où ils le souhaitaient et aussi longtemps qu'ils le désiraient, n'étaient pas justiciables des crimes mineurs qu'ils avaient commis et jouissaient d'une autonomie dans le cadre de leur communauté (y compris sur le plan judiciaire) leur permettant de s'appuyer sur leurs traditions ethnoculturelles.

6 L'État n'intervenait qu’en cas de conflits entre des Roms et d’autres populations des Principautés et ce, seulement en cas d'infractions sérieuses au droit (meurtre, fabrication de fausse monnaie)7. Ainsi, le recueil de lois édité par le Prince moldave, Vasile Lupu, en 1646, prévoyait-il : « le ou la Rom, ou leur enfant, s'ils volent une, deux ou trois fois une poule, une oie ou une autre bagatelle, qu'ils soient acquittés ; s'ils volent quelque chose de plus gros, qu'ils soient réprimandés (sic !) pour vol »8. Globalement, à la différence des autres serfs roms, la situation des Roms nomades dans les Principautés valaque et moldave à cette époque n'est pas conforme aux représentations stéréotypées qui en sont proposées. Ils y jouissent d'une série de libertés et même de privilèges qui demeurent inaccessibles à la plupart des couches sociales, les paysans asservis par exemple9. En vérité, l’une des questions clé concerne ici le poids relatif des nomades (Lăjaši, Rudari/Aurari/Băeši, Lingurari et Ursari), d’un côté, et celui des Vatrašite (les serfs domestiques qui vivaient sur les domaines de leurs propriétaires, principalement des boyards et des monastères), de l’autre, dans la structure globale de l’asservissement. Les statistiques dont nous disposons à ce sujet sont assez incomplètes ; en outre, le rapport entre sédentaires et nomades a évolué dans le temps. En l’occurrence, on observe une tendance lente mais nette à l’accroissement de la part des Roms sédentarisés. Au milieu du XIXème siècle - une période au cours de laquelle le servage est progressivement aboli -, les données statistiques suggèrent que le rapport entre le nombre des Roms nomades et celui des sédentaires est d’ores et déjà de un à trois.

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7 Ce sont précisément les Roms nomades de Valachie et de Moldavie qui sont les acteurs des principales grandes migrations de la seconde moitié du ХIХème siècle. Le processus d'émancipation des serfs roms en Valachie et en Moldavie, qui s'étale sur quelques décennies (1829-1864), engendre pour les nomades des changements profonds. En pratique, leur nouvelle condition d'hommes libres en fait des habitants de villages ou de villes sur lesquels pèsent des obligations sociales et fiscales nombreuses, nettement plus lourdes que par le passé (notamment le respect des normes imposées par les corporations professionnelles, le paiement de diverses taxes locales, l’obligation de servir dans l’armée, etc.). De fait, la fin du servage en Valachie et en Moldavie constitue un facteur important dans les grandes migrations roms, même si elle n'en marque pas le début, pas plus qu'elle n'en épuise les causes. Les migrations ne résultent pas de la liberté obtenue ; les Roms nomades ont eu la possibilité de se déplacer avant cette date et ils ont plus d'une fois utilisé ces opportunités10. Bien que cela puisse sembler paradoxal, les grandes migrations postérieures à l'abolition du servage traduisent plutôt un effort pour fuir la liberté et les obligations et responsabilités citoyennes nouvelles qui en sont résultées. Ces obligations, les Roms nomades qui avaient vécu en communauté fermée avec un niveau d'intégration sociale bas, ne souhaitaient, ni ne pouvaient les assumer11.

8 En fait, la seconde grande vague migratoire est prioritairement déterminée par des variables socioéconomiques. Les facteurs politiques définissent seulement le cadre temporel de ces processus. Le décret du 6 novembre 1865 de l'empereur François- Joseph, qui supprime le contrôle aux frontières de l'Empire des Habsbourg (Emperor’s Decree, Nr. 116/1865) représente en la matière une date-clé : il marque le début des grandes migrations roms européennes, puis mondiales, entamées à la fin du XVIIIème siècle avec le déplacement de nombreux Roms nomades depuis la Valachie et la Moldavie vers le Banat et la Transylvanie. Ses principaux acteurs en sont les Roms nomades12 qui ont préservé leur mode de vie en raison de la situation spécifique prévalant en Valachie et en Moldavie et, corrélativement, leur niveau comparativement bas d'intégration sociale13.

Les expériences des Roms de Yougoslavie et les incohérences des politiques migratoires occidentales (des années 1960 à la chute du communisme)

9 La troisième vague migratoire des Roms d'Europe de l'est vers l'Europe de l'ouest débute dans les années 1960 et se poursuit jusqu'à nos jours. Souvent, des différenсiations d'ordre chronologique, géographique ou typologique sont introduites dans la littérature. La période est parfois même découpée en plusieurs sous-périodes14. Avec le recul cependant, nous préférons parler d'une seule et même vague migratoire, hétérogène et variable dans le temps.

10 Initié à la fin des années 1960, le mouvement se renforce dans les années 1970 quand la Yougoslavie ouvre ses frontières (formellement en 1968) et encourage ses citoyens à partir travailler en Europe occidentale. Il ne s'agit pas de migrations du travail typiques, mais plutôt de variantes du gurbet, une forme traditionnelle de mobilité du travail caractéristique des Balkans depuis l'époque de l'Empire ottoman15. Par ce terme, l'administration ottomane désignait une catégorie de population de l'Empire, d'identifications ethniques diverses, qui travaillait et vivait loin de son lieu de

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naissance pendant une période donnée, en général une saison économique dont la durée variait en fonction du type d'activité exercé, tandis que le reste des familles demeurait au pays. Après la fin de l'Empire ottoman, ce mode de mobilité, qui se déclinait sous plusieurs formes, a perduré dans les Balkans.

11 Initialement, les citoyens yougoslaves qui partent travailler en Europe occidentale (on les appelle des Gastarbeiter même s'ils ne travaillent pas seulement en Allemagne, mais aussi en Autriche, en Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède et dans d’autres pays) restent dans ce cadre : les migrants ne rompent pas les liens avec leur patrie d'origine, leurs familles y demeurent ; ils rentrent périodiquement, apportent une aide à leurs parents (rodnini) et construisent même des maisons pour les plus anciens, dans lesquelles ces derniers peuvent vivre à la façon de retraités occidentaux. Après 1972, quand les Gastarbeiter yougoslaves sont autorisés par les pouvoirs publics des pays d’accueil à procéder à un regroupement familial, une grande partie d’entre eux s’installe définitivement à l’Ouest et entreprend d’y légaliser sa présence. Autrement dit, de gorbetčii mobiles ils se transforment progressivement en travailleurs migrants.

12 Dans l’ensemble, les Roms de cette vague migratoire reproduisent les modèles de travail des autres citoyens de Yougoslavie : ils sont employés dans la construction, l’industrie ou les services. Dans les pays d’Europe occidentale, les Roms sont alors considérés comme “yougoslaves”, sans être distingués des autres Gastarbeiter yougoslaves dans la mesure où ils ne correspondent pas aux images stéréotypées que l’on peut y avoir des Roms. Pour cette raison d’ailleurs, les Roms locaux des pays d’accueil ne leur accordent pas d’attention particulière ; lorsqu’ils apprennent leur existence, ils ne les considèrent pas comme de “vrais Roms” et évitent tout contact avec eux.

13 Les Roms de Yougoslavie migrent en tant que citoyens yougoslaves, c'est-à-dire en tant que partie intégrante de la macro-société dans laquelle ils vivent. Dans un premier temps, la politique des États occidentaux envers eux ne se différencie pas de celle menée à l'égard des autres “Yougoslaves”. Elle s'inscrit dans une même démarche, sans qu'ils soient considérés comme une communauté distincte. Au cours des années 1970, cependant, cette configuration commence à changer avec la constitution des migrants roms comme une communauté à part exigeant une politique spécifique. L'une des premières illustrations de cette évolution concerne le programme spécial mis en place par la Suède dans le but de démontrer que l'État suédois était capable de proposer aux Roms un modèle d'intégration sociale performant. En 1970, le Parlement suédois décide de commencer à “importer” des Roms de l’étranger – jusqu’aux années 1950, l’immigration des Roms dans le pays était interdite – auxquels l’État garantirait des opportunités maximales d’adaptation sociale. La même année, sont ainsi “importées” en Suède 113 familles Lovari depuis l’Italie (des migrants originaires de Yougoslavie). Une équipe de travailleurs sociaux et d’enseignants est placée en soutien auprès de chaque famille ; des consultations régulières avec des anthropologues sont assurées afin de vérifier que l’intégration des Roms ne risque pas d’entrer en conflit avec leurs spécificités ethnoculturelles16. Il est rare que les résultats de ce programme d’envergure soient commentés dans l’espace public. Au cours des années suivantes, plusieurs dizaines de famille roms continuent à arriver en Suède depuis des pays d’Europe de l’est, principalement apparentés aux Lovari. En l’espace de quelques années, l’État suédois a ainsi attiré environ 10 000 personnes sur son territoire, lesquelles doivent

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faire l’objet d’un suivi permanent des services sociaux et sont dépourvues de perspective d’intégration sociale “normale”. Le programme spécial d’adaptation à l’attention des Roms est alors abandonné.

14 À la fin des années 1980, en Allemagne, une campagne en faveur de la légalisation des Roms migrants de Yougoslavie, en tant que communauté distincte et non au même titre que les autres citoyens yougoslaves, fut par ailleurs lancée avec la participation de plusieurs organisations de défense des droits de l'homme. Le début de l’investissement de la thématique rom par des organisations des droits de l’Homme date de la fin des années 1970, quand sur la base d’une initiative de la « Société des peuples menacés » (Gesellschaft für bedrohte Völker) et avec son soutien actif sont créées des organisations de Roms allemands (Sinti)17 et est lancée une campagne en vue d’obtenir des réparations pour les Roms victimes de l’Holocauste pendant la seconde Guerre mondiale. Les efforts d’acquisition d’une visibilité dans l’espace public des nouvelles organisations roms (lesquelles s’appellent désormais des organisations “des Sinti et des Roms” selon la terminologie officielle adoptée en Allemagne) et des militants des droits de l’Homme qui leur sont associés les portent vers les Roms de Yougoslavie d’autant plus aisément que la date-limite pour la régularisation des citoyens originaires de Yougoslavie travaillant en Allemagne approche et qu’un nombre significatif de Roms figure parmi eux. Cette mobilisation s'accompagne de manifestations, de grèves de la faim et même de procédures devant la Cour suprême de Karlsruhe (Bundesgerichtshof). L'idée originelle des organisations de défense des droits de l'Homme militant en faveur d'un traitement spécial pour les Roms (désormais connus sous le nom de “Roms”, non de “Tsiganes”) était de démontrer qu'ils constituaient une minorité opprimée dans leur pays où leurs droits de l'Homme fondamentaux étaient régulièrement bafoués. Or cette thèse ne saurait être retenue, en particulier si l'on compare la politique de la Yougoslavie envers les Roms avec celle des autres États européens à la même époque. Fut alors mobilisé l'argument selon lequel les Roms auraient été, depuis toujours, porteurs d'une culture spécifique liée à leur mode de vie nomade. Dans leur cas, le mode de vie et non la citoyenneté auraient constitué la variable déterminante. Pour cette raison, ils devaient être traités selon des normes différentes de celles appliquées aux autres citoyens yougoslaves18.

15 En pratique, cependant, à la différence des Roms de Valachie et de Moldavie qui ont joui d'un degré d'autonomie interne supérieur, les Roms des Balkans, longtemps partie intégrante de l'Empire ottoman, sont dans leur grande majorité des populations sédentarisées sur la longue durée. Depuis le XVème siècle, une période dont datent les toutes premières informations qui nous sont parvenues sur les Roms de l'Empire ottoman, la part des populations sédentarisées est très supérieure à celle des nomades. Dans la plupart des cas, ces derniers sont des migrants plus récents venus de Valachie et de Moldavie s'installer dans les Balkans au cours des vagues migratoires des ХVII- ХVIIIème siècles et des ХIХ-ХХ ème siècles. Et encore, leur mode de vie pourrait plus précisément être caractérisé comme semi-nomade avec un habitat stable en hiver (en général, des habitations sont louées à la population environnante) et une saison nomade active l'été19.

16 Les Roms de l'Empire ottoman avaient le statut de “citoyens” de l’Empire au sens sociopolitique du terme, une situation qu'ils n'obtiendront en Europe occidentale qu'aux ХIХ-ХХème siècles. Ils remplissaient leurs obligations citoyennes - certes, parfois avec quelques difficultés dans le règlement de l’impôt notamment, comme le montre

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justement l’exemple suivant : en 1693, en Bosnie, le Rom Selim, fils d'Osman, boulanger, demande à la cour de Sarajevo d'être dispensé du djizie (un impôt imposé aux “non croyants”). Dans sa requête, il écrit : « je suis fils de musulman et musulman. Je vis dans un quartier musulman et avec mes voisins du quartier je paie le porez (tereme) quand j'y parviens (sic !). Qui plus est, avec les autres musulmans, je fais mes cinq prières par jour et j'envoie mes enfants au mеtkeb, avec les autres enfants, étudier le Coran. Je m'occupe de mes commandes et selon la loi, ma femme évite les inconnus... ». À sa requête, le requérant joint un certificat de mariage (fetva) et une circulaire du Sultan concernant les impôts payables par les musulmans. Sur décision finale de la cour, il sera dispensé du djizie20.

17 En dernier ressort, avec le recul les Roms des Balkans se révèlent avoir atteint un niveau d'intégration à la société plus élevé que leurs frères d'Europe occidentale. Et ils l'ont préservé dans les États balkaniques successeurs de l'Empire, en particulier en Yougoslavie et en Bulgarie. De ce point de vue, l'entreprise qui visait à faire reconnaître comme “anciens nomades” les Roms de Yougoslavie et, corrélativement, à leur appliquer une politique spécifique, s'est avérée assez fragile. La curiosité de cette situation est apparue avec plus de relief encore lorsqu'une des organisations Sinti allemandes (Zentralrat Deutscher Sinti und Roma) - une communauté qui a mené et continue à mener, dans une large mesure, une vie nomade - a écrit une lettre ouverte aux militants ayant participé à la campagne publiée dans les media où elle expliquait qu’elle s’était si longtemps battue afin que les Sinti soient considérés comme des citoyens d'Allemagne “normaux” qu'elle ne pouvait accepter de les voir désormais classés comme “nomades”. Le summum de l'absurdité a été atteint quand, au moment où la Cour suprême allemande s'apprêtait à rendre son jugement, l'un des principaux plaignants a demandé le report de la procédure sous prétexte qu’il devait se rendre en Yougoslavie où il construisait sa maison sur la côte adriatique...

Les circulations du post-communisme

18 La situation des Roms migrant (ou cherchant à migrer) depuis l'Europe de l'est vers l'Europe de l'ouest change radicalement après l'effondrement à l’Est, en 1989-1990, de ce qu'il est convenu d'appeler le “système socialiste”. Le thème des atteintes aux droits de l'homme et des minorités et de la discrimination envers les Roms (selon la nouvelle terminologie politiquement correcte) en Europe de l'est revêt de nouvelles dimensions politiques et idéologiques quand les migrants roms tentent d'obtenir l'asile politique en Europe de l'ouest (ainsi qu'aux États-Unis et au Canada) en tant que représentants de communautés faisant l'objet de persécutions dans leur pays. Ces migrations varient dans leur ampleur, leur chronologie, les États dont elles procèdent et les destinations retenues21.

Les pouvoirs publics d'Europe occidentale face aux demandeurs d'asile du début des années 1990

19 En Europe occidentale, l'opposition des pouvoirs publics aux flux migratoires roms prend des formes variées, qui ont évolué au fil du temps. Au début des processus, les autorités cherchent plutôt à résoudre le problème de manière générale, ainsi qu'en témoigne le cas des Roms de Roumanie ayant tenté d'émigrer en Allemagne. Au début

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des années 1990, la Pologne se transforme en une immense zone de transit pour les Roms de Roumanie désireux de passer légalement ou, plus souvent, illégalement à l'Ouest. On estime leur nombre entre 50 000 et 100 000, parfois plus encore. La situation atteint un seuil critique en août 1992, quand les agences de presse internationales annoncent que 200 000 citoyens roumains, principalement des Roms, seraient concentrés autour de la rivière Oder et chercheraient à franchir illégalement la frontière avec l'Allemagne (ces chiffres sont clairement surestimés).

20 Devant l'urgence de la situation, les pouvoirs publics allemands réagissent promptement. En septembre 1992, un accord est signé à Bucarest entre l'Allemagne et la Roumanie, qui organise le rapatriement “réciproque” des citoyens ayant séjourné illégalement dans l'un des deux pays. Le 2 novembre 1992, le premier avion arrive à l'aéroport de Bucarest avec, à son bord, 18 migrants roumains illégaux. A la fin de l'année 1992, on estime à 130 000 environ le nombre de citoyens roumains, principalement roms, rapatriés après avoir séjourné illégalement en Allemagne ou avoir essayé d'obtenir l'asile politique. Le dernier vol a lieu en août 1993. Jusqu'à ce jour, le montant des aides que l'Allemagne aurait versées à la Roumanie en échange de la réadmission des demandeurs d'asile roms ne figure dans aucune source d'information publique. En Roumanie, les leaders roms évoquent des chiffres astronomiques, de l'ordre de plusieurs milliards de DM.

21 On mentionne plus rarement le fait que, pour endiguer les flux migratoires (ou, plus exactement, les circulations pendulaires) des Roms de Roumanie et de Bulgarie vers l'Allemagne au début des années 1990, les mesures légales-administratives se sont révélées nettement plus efficaces. Les pouvoirs publics allemands ont notamment limité le délai accordé aux autorités publiques afin de déterminer le statut de migrants (réfugiés politiques ou migrants économiques). Surtout, elles ont drastiquement réduit les aides financières accordées aux candidats à l'asile politique. Les Roms de Slovaquie qui avaient cherché à obtenir l'asile en Belgique en 1999-2000 ont connu une expérience similaire : le gouvernement belge a, à deux reprises, procédé à des rapatriements massifs et rétabli le régime de visa avec la Slovaquie. Mais, en dernier ressort, la mesure décisive pour arrêter ou, à tout le moins, réduire fortement les flux de migrants roms a été la suppression par le gouvernement belge, au début de l'année 2001, des aides financières accordées aux demandeurs d'asile. Leur furent dorénavant seulement garantis le couvert, un logement et une assistance médicale.

22 Pendant la décennie 1990, lorsqu'il est question de migrations roms (ou de tentatives de migrations) depuis l'Est vers l'Ouest, dans la grande majorité des cas, il s'agit à n'en pas douter de migrations économiques de Roms venant d'une Europe de l'est tombée dans une profonde crise économique et souhaitant rejoindre un “Occident riche” - des migrations dissimulées derrière des motifs politiques et idéologiques ou dans la phraséologie de la défense des droits de l'homme. De fait, et quoique cela puisse paraître de prime abord paradoxal, en la circonstance plus de 5 siècles après leur première grande migration et installation en Europe occidentale, les Roms tentent de reproduire le même modèle.

23 La trajectoire des Roms de l'ancienne Yougoslavie après son effondrement est spécifique. En raison des guerres et des nettoyages ethniques consécutifs, de larges groupes roms ont été contraints de migrer vers l'Ouest. Les premiers flux migratoires datent du début des années 1990 à une époque où, en pleine guerre de Bosnie- Herzégovine, de nombreux Roms (de Bosnie-Herzégovine mais aussi des autres

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Républiques ex-yougoslaves) gagnent prioritairement l'Italie et l'Allemagne. Les migrations depuis le Kosovo ont revêtu une ampleur particulière après l'intervention de l'OTAN au printemps 1999 et les opérations de “nettoyage ethnique” menées par des Albanais locaux qui s'en sont suivies : entre 120 000 et 150 000 Roms (d'après la terminologie actuellement admise “ Roms, Egyptiens et Ashkali”) ont été contraints de quitter la région et de fuir vers la Serbie, le Monténégro et la Macédoine22. Nombre d'entre eux sont parvenus à gagner l'Europe de l'ouest (Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Danemark, Suède, etc.), où ils ont été maintenus dans la menace permanente d'être renvoyés au Kosovo, bien que les forces internationales présentes au Kosovo n'aient pas été en mesure d’y garantir leur sécurité effectivement.

Mobilité du travail et migrations pendulaires

24 Cependant, de manière plus générale, il convient de ne pas réduire les migrations de la troisième et dernière vague aux seules demandes d'asile, ainsi que la littérature universitaire tend à le faire23. Bien qu'elles puissent revêtir dans certains cas une grande ampleur (ainsi, par exemple, avec les réfugiés d'ex-Yougoslavie), ces migrations ne constituent que la partie émergée de l'iceberg. Parallèlement aux demandes d'asile (qu'elles soient fondées ou masquent des motifs socioéconomiques) qui ont souvent reçu une large visibilité dans l'espace public, d'autres processus, moins médiatisés mais d'une ampleur incomparable, se déploient. Dès le milieu des années 1990, ont commencé des mobilités du travail à la faveur desquelles de larges segments des populations d'Europe de l'est (y compris roms) sont partis en Europe occidentale, Grèce incluse, à titre temporaire ou définitif. Après la création de l'espace Schengen en 199524 et avec la suppression des visas pour la Bulgarie et la Roumanie respectivement en 2000 et en 2001, les mobilités transfrontalières ont revêtu un caractère massif, en particulier dans des pays comme la Roumanie et la Bulgarie. À la différence des années 1970, les migrants travaillent alors dans plusieurs branches comme l'agriculture, la construction, les services sociaux (principalement illégalement ou semi-légalement) où ils compensent les déficits en main d'œuvre à faible coût et exercent des emplois non qualifiés. Les destinations privilégiées comprennent l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, la Grèce, etc. Elles varient, tout comme les méthodes de légalisation retenues, en fonction du pays d'origine des migrants, les Roms venant se mouler dans cette large vague migratoire qui embrasse toute l'Europe.

25 En Europe occidentale, les pouvoirs publics encouragent de facto la mobilité du travail Est-Ouest en fermant les yeux sur les pratiques illicites. C'est seulement de manière sporadique qu'ils s'emploient à lutter contre les migrations, en menant des actions exemplaires destinées à apaiser l'opinion publique - tel le rapatriement, plusieurs fois par an, de groupes de migrants illégaux ayant commis des crimes dans les pays d'accueil. Mais, en pratique, les États occidentaux s'emploient périodiquement à légaliser la présence migrante, fût-ce partiellement. Plusieurs indicateurs, comme l'augmentation des installations définitives de familles entières à l'Ouest et leurs efforts de légalisation, suggèrent l'existence d'une transition progressive entre la mobilité de travail et une migration permanente, une transition qui dépend du degré d’insertion des migrants sur les marchés du travail des pays d’accueil.

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26 L’ampleur réelle de cette mobilité de travail “cachée” en train de se transformer en migration définitive “manifeste” est difficile à déterminer. La rareté des données officielles sert volontiers à dissimuler, à l'Est comme à l'Ouest, ce qui relève du secret de polichinelle. Mais, à vouloir ne pas publiciser des phénomènes connus de la société, on aboutit parfois à des situations curieuses. Ainsi, lors du recensement de 2001 en Bulgarie, fut-il établi que 7 928 901 personnes vivaient dans le pays25. Tous ceux qui avaient une adresse officiellement enregistrée en Bulgarie - qu'ils fussent dans le pays ou à l'étranger au moment du recensement - furent “comptabilibisés”. Trois ans plus tard, cependant, l'annonce selon laquelle 1 414 270 habitants - soit plus d'un tiers des personnes en âge de travailler - ne payaient pas ou payaient irrégulièrement leur cotisation à l'Institut national de la sécurité sociale fit scandale. En dépit de l'introduction de plusieurs délais de régularisation, ce nombre tourne aujourd’hui encore autour du million. Si un tel chiffre est assurément composite, on peut penser qu'une grande partie de non-cotisants travaille (sous diverses formes) et vit à l'Ouest.

27 Les migrants du travail jouent un rôle important dans le système économique global des pays d'Europe de l'ouest, singulièrement dans certaines branches d'activité souffrant d'un déficit de main d'œuvre. Mais la mobilité “cachée” est encore plus essentielle à l'économie des pays de l'est les plus affectés par la transition, tels la Bulgarie et la Roumanie, où environ un tiers des flux financiers (ces derniers n’étant pas à caractère officiel, rares sont les données chiffrées publiques disponibles à leur sujet) proviendrait, selon les calculs d'économistes, des transferts effectués, à destination de leurs proches, par des personnes travaillant à l'étranger. En Bulgarie comme en Roumanie, rares sont les familles qui n'ont pas de parents, plus ou moins éloignés, employés au-delà des frontières ; rares sont les villages qui ne comptent de migrants à l'étranger. Dans certains petits villages montagneux de la région de Kărdžali en Bulgarie (Rhodopes orientaux) à l'arrêt d'autobus figurent seulement deux destinations - l'une, bi-hebdomadaire, vers le chef-lieu de district, l'autre, hebdomadaire, en direction d'Amsterdam. La même remarque vaut pour les pays de destination. En Espagne, à la gare de Malaga, 26 lignes d'autobus rallient des centres régionaux de Roumanie, soit plus que le nombre des lignes en direction des autres provinces d'Espagne26.

28 Une partie significative de cette migration du travail est composée de Roms des Balkans, principalement de Roumanie, de Bulgarie et des pays issus de l'ex-Yougoslavie - des pays dans lesquels la population rom oscille entre 5 et 10% des habitants. En dehors des cas de demande d'asile politique ou des réfugiés des guerres yougoslaves, leurs déplacements s'inscrivent dans les flux migratoires plus généraux des macro- sociétés dans lesquelles ils vivent. Ils y préservent néanmoins une certaine spécificité en tant que communauté, principalement au niveau du groupe ou de la région/village, laquelle perdure au moment de l'installation à l'Ouest. Ainsi, par exemple, une grande partie de la population de Vidin migre à destination de l’Italie et les Roms de cette ville suivent les mêmes routes que les autres habitants.Les migrants originaires de la région de Kărdžali (Rhodopes orientaux), qu’ils soient roms ou non, travaillent principalement aux Pays-Bas dans les orangeraies locales. Les habitants des villages des régions de Plovdiv et de Burgas effectuent un travail saisonnier dans l’agriculture au moment des récoltes en Grèce, tout comme les Roms (principalement des Rudari). Ils utilisent en général les mêmes formes de migrations, les mêmes stratégies pour trouver du travail, les Roms créant progressivement leurs réseaux à l’image des Bulgares ethniques.

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29 Les pays d'Europe occidentale ont mis en place diverses politiques envers les Roms d'Europe de l'est. Dans la plupart des cas, ces derniers sont traités comme citoyens de leur pays de provenance, sans qu'aucun dispositif spécial ne soit élaboré à leur adresse. Il y a cependant des exceptions. En Italie, au début des années 1990, des mesures radicales ont été prises en réponse au lobbying d'organisations non gouvernementales (dont certaines liées à l'Église comme, par exemple, l’organisation Opera Nomadi) s'appuyant sur des analyses à prétention universitaire qui “démontraient” la spécificité communautaire des Roms et les raisons pour lesquelles leur ethnoculture ne leur permettait pas de vivre au milieu d'une population autre. Tous les personnes arrivées comme réfugiés roms des guerres de Yougoslavie, soit entre 120 000 et 150 000 selon les estimations, ont été automatiquement classées comme “nomades” et, à ce titre, exclues des programmes d'intégration proposés aux autres réfugiés et migrants. En lieu et place, elles ont été directement orientées vers des camps temporaires situés à la périphérie des grandes villes, destinés à l'hébergement des Roms, Sinti et Kaminanti nomades locaux. Ont ainsi été déclarés “nomades” des gens dont les ancêtres étaient, pour la plupart, sédentarisés depuis des siècles. Eux-mêmes avaient atteint un assez haut degré d'intégration en Yougoslavie et quelques-uns d'entre eux y occupaient de bonnes situations en tant que juristes, enseignants, ingénieurs, ouvriers qualifiés de l'industrie, etc. Le fait de placer les Roms de Yougoslavie dans des conditions de vie absolument non attrayantes pour eux couplées à un statut social inédit, a entraîné un phénomène de désocialisation massive - en particulier chez les représentants de la nouvelle génération qui sont nés et ont grandi dans les camps sans connaître d'autre réalité socioculturelle. Il s'agit sans doute là du cas le plus saisissant qu'il ait été donné d'observer en Europe ces dernières décennies, un cas dont les conséquences restent à surmonter.

30 Heureusement pour les Roms d'Europe de l'est, la configuration italienne constitue plutôt une exception en Europe occidentale. La situation est dans une certaine mesure similaire en France, mais le panorama y apparaît plus diversifié et ne se prête pas à une interprétation univoque. Dans la majorité des cas, les Roms, migrants illégaux, n'y font pas l'objet d'un traitement spécifique ; pourtant, assez souvent, des Roms de Roumanie, plus rarement d'ex-Yougoslavie ou d'autres pays de l'est, sont orientés par les pouvoirs locaux ou s'installent d'eux-mêmes dans des hébergements précaires pour nomades assignés aux “gens du voyage” (des Roma, Manouches, Sinti et Gitans menant un mode de vie nomade et des non-Roms). Dans leur majorité, ce sont d'anciens nomades sédentarisés il y a une, deux ou trois générations ou des communautés qui n'ont jamais cessé de mener une existence, de fait, nomade. Dans ce dernier cas, on observe un processus de “re-nomadisation” qui atténue significativement les signes de désocialisation associés à une telle situation.

31 Dans les autres pays d'Europe occidentale, ainsi en Allemagne et aux Pays-Bas, les cas d'adaptation des Roms d'Europe de l'est au mode de vie des Roms nomades locaux relèvent plutôt de l'exception. Le plus souvent, les Roms migrants prennent place dans les réseaux migratoires des pays dont ils sont originaires et utilisent, pour l’essentiel, leurs stratégies de mobilité du travail. À l'exception des réfugiés d'ex-Yougoslavie, l'autre cas particulier concerne la majorité des migrants roms de Roumanie. Une comparaison de leur trajectoire avec celle des Roms de Bulgarie aidera à mettre en exergue cette singularité.

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Les modèles de mobilité bulgares et roumains

32 Les stratégies migratoires des Roms de Bulgarie et de Roumanie se distinguent clairement des autres migrations roms observées massivement ces quinze dernières années. Leurs particularités nous autorisent à les séparer pour forger deux modèles typologiques de migrations roms dans lesquels la mobilité du travail tend à évoluer vers des migrations permanentes. Afin de mettre en exergue ces différences plus systématiquement (toute construction de modèle suppose un certain degré de systématisation), il convient de répondre à deux questions : quels Roms migrent ? (on a ici en vue l'hétérogénéité interne de la communauté rom qui comprend des sous- groupes plus ou moins constitués aux systèmes différents) et comment migrent-ils ?

33 En Bulgarie, depuis leur installation sur les terres bulgares les Roms sédentarisés ont toujours prédominé. Quand, en 1956, le processus de sédentarisation obligatoire des Roms nomades est mis en œuvre par les pouvoirs publics, on ne recense que 14 000 nomades27, alors que la même année, 197 865 personnes se déclarent “roms” à l'occasion du recensement, bien que les Roms aient été, en réalité, sensiblement plus nombreux28. Au moment de la sédentarisation, sur décision des pouvoirs publics la plupart des Roms s'installent non dans les quartiers roms des grandes villes, mais au milieu de la population des villages et des petites villes. Avec le soutien actif de l'État, qui leur propose des prêts pour la construction de maisons et d'autres systèmes préférentiels, ils connaissent alors un processus d'intégration sociale relativement rapide. Ce succès tient à l'épuisement des ressources du mode de vie nomade dans les nouvelles realia socio-économiques du socialisme bulgare : à cette même époque, les Roms nomades eux-mêmes recherchaient les moyens de passer à un mode de vie sédentaire et de développer de nouvelles formes d'activité économique. L'État intervient à un moment historique adapté - ce qui se rencontre rarement dans l'histoire des politiques étatiques envers les Roms - et se contente de faciliter le développement économique de la communauté et son intégration dans la société. Cependant, une partie des Roms nomades connus sous le nom de Kalajdžii “thraces” (qui s'auto-désignent comme Vlahorja) n'abandonneront jamais leur mode de vie traditionnel saisonnier, semi-nomade.

34 Lorsque commencent les mobilités de travail transfrontalières au début des années 1990, les anciens groupes nomades y prennent part de manières contrastées. Certains restent en dehors des flux migratoires : les Kalajdžii “thraces” poursuivent leur mode de vie traditionnel, légèrement modernisé (avec, par exemple, un abandon des carrioles tirées par des chevaux au profil de vieilles automobiles).Chez les Burgudžiite (ou Parpulii) qui vivent dans le nord-est de la Bulgarie, on rencontre même dans la population âgée des cas de renomadisation. Mais dans une situation comme dans l'autre, la mobilité n'excède pas le cadre territorial du pays. À l'autre pôle, les Rudari de langue roumaine29 figurent parmi les premiers groupes roms à partir massivement travailler au-delà de la frontière, d'abord en Grèce, puis en Italie et en Espagne, de manière illégale. Chez ceux qu'il est convenu d'appeler les Kardaraši/Kaldaraši (qui s'autodéfinissent comme Rrom ciganjak au sens de “vrai Tsigane”), la mobilité transfrontalière revêt souvent une forme spécifique, les jeunes filles et les jeunes femmes mariées étant emmenées travailler comme pickpockets.

35 Globalement, cependant, parmi les migrants prédominent des groupes dont les ancêtres mènent un mode de vie sédentaire depuis des siècles. Ils reproduisent les

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modèles de la population environnante et utilisent leurs réseaux migratoires régionaux pour trouver des emplois dans l'agriculture (les récoltes, l'élevage des animaux) ou les services sociaux (l'assistance aux personnes âgées ou aux malades, le travail à domicile) en Méditerranée (Grèce, Italie, Espagne et Portugal). Parfois, d'autres réseaux sont utilisés, ainsi par les Roms turcophones qui épousent les trajectoires des Turcs bulgares employés dans les serres des Pays-Bas ou la construction en Allemagne et en Suède. Certains réseaux transfrontaliers circonscrits sont dominés par des Roms, comme dans la région de Dobrič, où les migrants travaillent dans le commerce au détail sur les marchés de Pologne. Globalement, s'il existe une séparation communautaire des Roms, elle se situe à un niveau plus bas : ainsi, au sein des groupes de migrants d’un village donné, les personnes roms sont informellement identifiées et les relations avec elles sont un peu plus distantes, mais elles s’établissent toutefois dans le cadre d’une seule et même communauté migrante.

36 Les Roms de Bulgarie ne se différencient pas non plus de la population environnante dans leurs stratégies migratoires. Les premiers partants pratiquent le gurbet traditionnel : d'ordinaire, un seul membre de la famille s'en va. En la matière, les femmes sont placées sur un pied d'égalité ; dans de nombreux cas, ce sont précisément elles qui partent et les hommes qui restent à la maison. Ensuite, toute la famille en âge de travailler quitte le pays. Progressivement, la mobilité transfrontalière s'élargit avec le départ des adolescents aptes au travail. Seuls demeurent au foyer les personnes âgées qui s'occupent des enfants en bas âge. Jusque là, les stratégies migratoires restent dans des cadres connus : il s'agit de gagner de l'argent à l'étranger et de vivre dans sa patrie (ou, à tout le moins, d'avoir cette perspective). La transition de la mobilité de travail transfrontalière vers l'émigration définitive intervient au moment où naissent des enfants à l'étranger ou lorsque sont emmenés les enfants très jeunes qui iront à l'école et se socialiseront dans le pays d'accueil. Les migrants entament alors un processus de légalisation de leur séjour qui s'amplifie peu à peu.

37 La situation des Roms de Roumanie est assez différente. En dépit de mesures étatiques sporadiques visant à sédentariser les Roms nomades dans les années 1950, 1960 et au début des années 1970, le pays comptait 66 500 nomades et semi-nomades selon les données du recensement de 1977. Parmi eux, environ 84% étaient “sans travail”, c'est- à-dire officiellement non engagés sur le marché du travail30. Au même recensement de 1977, 227 398 personnes s'étaient déclarées Roms31, mais selon les données d'agences gouvernementales, leur nombre était estimé à environ 540 00032. La même année, l'État roumain adopte un programme spécial d'intégration sociale des Roms nomades : des parcelles et des terres sont mises à leur disposition pour la construction de maisons dans un cadre préférentiel. Les Roms ne disposant pas de documents d'identité sont enregistrés comme citoyens, les mariages sont également répertoriés. Des mesures sont prises afin d'envoyer les enfants à l'école et pour que les jeunes fassent leur service militaire33. Pour diverses raisons - au premier chef la crise économique générale à laquelle la Roumanie est confrontée au cours de cette période - ce programme reste toutefois inabouti. Après la “révolution télévisuelle” de 1989, il s'avère qu'une partie non négligeable des Roms nomades en Roumanie ne s'est de facto jamais sédentarisée ou qu'elle a seulement modernisé son mode de vie mobile traditionnel et que son degré d'intégration sociale est relativement bas.

38 Ce sont précisément les Roms nomades (ou plutôt, les anciens nomades récemment sédentarisés) de Roumanie qui prennent la part la plus active aux migrations massives

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du début des années 1990 et engendrent l'image stéréotypée, répercutée dans les media, à tout le moins en Europe de l’est, de masses roms immenses se déversant en Europe occidentale jusqu'à aller déployer leurs tentes sous la Tour Eiffel. Le rapatriement des Roms depuis l'Allemagne en 1992-1993 et le durcissement consécutif du régime des visas ont brutalement réduit la durée de séjour et les aides sociales accordées aux demandeurs d'asile. En dernier ressort, le refus d'accorder le droit d'asile aux personnes originaires de pays dit “sûrs” (parmi lesquels figurent la Roumanie) limitent temporairement les migrations de Roms roumains.

39 Un nouveau type de mobilité du travail transfrontalière émerge alors, qui reste pour l'essentiel dans le cadre du gurbet avec la recherche d'un travail illégal à l'étranger principalement en Italie, en France, puis en Espagne et au Portugal, en raison de la proximité linguistique. Ces processus prennent de l'ampleur, en particulier après la suppression des visas Schengen pour les Roumains en 2001. D'importants groupes roms y participent, qui reproduisent les stratégies migratoires de la population environnante. Certains sont d'anciens nomades, ainsi des Gabori de Transylvanie de langue romanes qui vont travailler en Hongrie et en Allemagne (essentiellement dans la construction, l'agriculture et le commerce). Cependant, les Roms sédentarisés prédominent dont beaucoup ont perdu leur langue. On compte aussi des communautés roumanophones (que les autres Roms appellent de manière péjorative Vatraši ou Kaštale) et des Rumungri hongarophones dont certains ont développé des identités préférentielles respectivement roumaine ou hongroise.

40 Les Roms nomades (ou anciennement nomades) de Roumanie34 restent dans une large mesure en dehors de ces processus et développent leurs propres stratégies de mobilité transfrontalière, progressivement transformée en migrations. Si une frange d'entre eux demeurent en Roumanie où ils poursuivent leur mode de vie nomade traditionnel, la plupart portent leurs parcours nomades au-delà de la frontière en s'adaptant partiellement aux nouvelles conditions économiques et sociales. À la différence des Roms sédentarisés, ils partent avec leurs familles entières et tendent à émigrer définitivement. Certains rentrent l'hiver en Roumanie (où ils disposent de leur propre maison) reproduisant un modèle de vie semi-nomade avec une saison nomade active. Mais, de plus en plus, s'impose un modèle de résidence permanente en Europe occidentale, entrecoupé de retours sporadiques dans le pays d'origine (parfois, des rapatriements). Les migrants de ce groupe continuent à mener une vie communautaire entre eux en Europe occidentale, en liaison avec les personnes demeurées au pays ou rentrées pour une brève période. Pour le moment, on ne saurait parler de migrations roms définitives, parce que les parents des populations migrantes restent en Roumanie, que des contacts réguliers sont maintenus avec le pays et que le statut d'ordinaire incertain des migrants au-delà des frontières (avec la menace omniprésente d'une expulsion) ne leur permet pas de s'installer de façon permanente dans leur nouveau lieu de vie. On observe néanmoins une tendance à l'installation définitive chez certains groupes roms.

41 Dans le nouvel environnement socio-économique d'Europe occidentale (les destinations privilégiées sont la France, l'Italie et l'Espagne en raison du milieu linguistique), ce sont les femmes qui assurent la survie de la famille, soit par la mendicité, soit par le vol à la tire. Les hommes cherchent également des niches économiques dans les sphères les plus diverses, souvent à la lisière de la loi. Ils se concentrent dans ou en bordure des grandes villes et utilisent souvent - en Italie et en France - les possibilités de résidence

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offertes par les pouvoirs locaux ou les hébergements temporaires des Roms locaux et d'autres nomades sans pour autant adopter un mode de vie nomade.

42 Ce modèle de mobilité transfrontalière des Roms de Roumanie (nomades ou anciens nomades) les différencie des autres migrants d'Europe de l'est et les rend “visibles” dans les sociétés occidentales. D'autant que les femmes principalement continuent à porter certains éléments-clé des vêtements traditionnels (de longues jupes, des cheveux longs avec un fichu sur la tête), alors que les femmes roms des autres États est- européens (ou des autres groupes roms de Roumanie) ne se différencient pas du reste de la population par leur vêtement. Telle est la raison pour laquelle la présence des Roms de Roumanie est toujours connue dans l'espace public, alors que celle des Roms de Bulgarie ou d'autres pays est-européens n'est guère remarquée par le grand public.

43 Globalement, les Roms de Bulgarie et de Roumanie présentent deux modèles différents de migration de l'Est vers l'Ouest. De prime abord, cette différence pourrait être imputée au mode de vie traditionnel, nomade ou sédentaire. La plupart des Roms de Roumanie se distinguent par leur passé ou même par leur présent nomade, alors que les Roms de Bulgarie mènent pour l'essentiel une vie sédentaire et reproduisent le modèle migratoire du reste de la population, un modèle commun à l'ensemble des Balkans. Mais cette explication n'est satisfaisante qu'au premier regard. Le mode de vie nomade ne constitue pas une caractéristique immuable ; il est imposé par les conditions. Chez les Roms, le nomadisme a été historiquement déterminé : il traduisait la recherche de niches socioéconomiques et a cessé de constituer une caractéristique culturelle centrale lorsque d'autres options ont été trouvées. Telle est la raison pour laquelle les Roms anciennement nomades de Bulgarie n'ont pas épousé le modèle migratoire des Roms nomades de Roumanie. Qui plus est, une frange significative de ces derniers adoptent un mode de vie sédentaire à l'ouest si la possibilité leur en est offerte. Dès lors, les différences des modèles migratoires doivent plutôt être recherchées dans le degré d'intégration sociale atteint au cours des siècles passés. Et en la matière, la présence ou l'absence de passé nomade constitue seulement une des variables.

44 A la date présente, il est difficile de déterminer quelles seront les perspectives d'évolution des migrations roms de Bulgarie et de Roumanie vers l'Europe occidentale. Pour le moment, il semblerait qu'elles aient quasiment atteint leur apogée et que l'on ne puisse guère s'attendre à de nouveaux développements de grande ampleur. On peut toutefois anticiper un délitement progressif des liens avec les pays d'origine, suivi d’une légalisation et d’une installation définitive en Europe occidentale - ce qui dessinerait, en dernier ressort, une nouvelle cartographie de la présence rom dans l'Europe unie.

NOTES

1. Colocci (Adriano), Gli Zingari. Storia di popolo errante, Torino : Arnaldo Forni Ediore, 1889, pp. 33-66 ; Fraser (Angus), The Gypsies, Oxford / Cambridge : Blackwell, 1995, pp. 65-84.

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2. Mroz (Lech), Dzieje Cyganow - Romow w Rzeczypospolitej XV-XVIII, Warszawa : Wydawnictwo DIG, 2001, pp. 19-55, 220-255. 3. Liegeois (Jean-Pierre), Roma, Gypsies, Travellers, Strasbourg : Council of Europe, 1994, pp. 121-152 ; Fraser (Angus), op.cit., pp. 85-129. 4. Fraser (Angus), « The Rom Migrations », Journal of the Gypsy Lore Society, Ser. 5, 2 (2), 1992 ; Marushiakova (Elena), Popov (Vesselin), « Segmentation vs. Consolidation : The example of four Gypsy Groups in CIS », Romani Studies, Ser. 5, 14 (2), 2004, pp. 164-170. 5. Hancock (Ian), The Pariah Syndrome : An Account of Gypsy Slavery and Persecution, Ann Arbor : Karoma, 1987, pp. 37-48 ; Fraser (Angus), op.cit., pp. 226-237. 6. Kogălniceanu (Mihail), Esquisse sur l'histoire, les moeurs et la langue des Cigains, Berlin : Librairie de B. Behr, 1837. 7. Achim (Viorel), Ţiganii în istoria României, Bucuresti : Editura Enciclopedica, 1998, pp. 58-63. 8. Carte, Carte românească de învătătură. Ediţia critică, Bucureşti, 1961, p. 68. 9. Marushiakova (Elena), Popov (Vesselin), « The Slavery of Gypsies in Wallachia and Moldavia », in Sprawy Narodowosciowe, Poznan : Zaklad Badan Narodowosciowych (PAN), 2007 (à paraître). 10. Témoin les migrations des ХVI-ХVIIème siècles vers la Pologne et l'Ukraine ou celles des ХVII- ХVIIIème siècles vers l'Empire ottoman (Barannikov (Alexey),The Ukrainian and South Russian Gypsy Dialects. Leningrad : Academy of Sciences of the USSR, 1934, pp. 8-9 ; Marushiakova (Elena), Popov (Vesselin), Gypsies in the Ottoman Empire, Hatfield : University of Hertfordshire Press, 2001, p. 50). 11. Marushiakova (Elena), Popov (Vesselin), « The Slavery of Gypsies in Wallachia and Moldavia » (art.cit.). 12. En premier milieu, les Kelderari et les Lovari et d'autres groupes et sous-groupes qui leur sont proches par la filiation, et les descendants des groupes connus sous le nom de Lješi. 13. Marushiakova (Elena), Popov (Vesselin), « Segmentation vs. Consolidation : The example of four Gypsy Groups in CIS » (art.cit.), pp. 164-170. 14. Reyniers (Alain), Evaluation of Gypsy Populations and their Movements in Central and Eastern Europe and in some OECD Countries, focusing on the issues of migration, application for asylum, demography and employment. Occasional Papers, Paris : OECD, 1999 ; Klímova (Ilona), Pickup (Alison), eds., « Romani Migrations : Strangers in Anybody's Land ? », Cambridge Review of International Affairs, 13 (2), 2000. 15. Concernant la tradition du gurbet, se reporter à l’article de Hristov (Petko), « Mobilités du travail (gurbet), stratégies sociales et familiales. Une étude de cas dans les Balkans centraux », dans ce dossier. 16. Marta (Claudio), The Acculturation of the Lovara, Stockholm : IMFO-Gruppen & University of Stockholm, 1979. 17. Les Sinti sont un des sous-groupes de la communauté rom (au même titre que les Roma, les Manouches, les Kalo/Jitanos/Gitanes,etc.) dont des représentants vivent en Allemagne, en Autriche, en Suède et au Nord de l’Italie. 18. Matras (Yaron), « The Development of the Romani Civil Rights Movement in Germany 1945-1996 », in Tebbut (S.), ed., Sinti and Roma. Gypsies in German-speaking Society and Literature. New York : Berghahn, 1998. 19. Par contraste, en Europe centrale et occidentale, les Roms nomades locaux nomadisent toute l'année. 20. Marushiakova (Elena), Popov (Vesselin), op.cit., pp. 47-48. 21. On peut ainsi distinguer plusieurs migrations : les grandes vagues de Roms de Bulgarie et de Roumanie demandeurs d'asile en Allemagne en 1991-1993 ; l'émigration des Roms comme “réfugiés politiques” depuis la Pologne et la Lettonie vers la Grande-Bretagne pendant la seconde moitié des années 1990 ; l'émigration des Roms au Canada, qui a revêtu un caractère massif après

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1997 et concerné des Roms de République tchèque, de Slovaquie et de Hongrie ; l'entrée de Roms de Tchéquie et de Slovaquie en Grande-Bretagne en 1997 et dans les années qui suivirent ; les vagues de réfugiés roms de Slovaquie vers la Belgique et la Finlande en 1999-2000 et l'arrivée d'un groupe de Roms de Bulgarie en Norvège en 2001, etc. Klímova (Ilona), Pickup (Alison), eds., art.cit. ; Sobotka (Eva), « Romani Migration in the 1990s : Perspectives on Dynamics, Interpretation and Policy », Romani Studies, Series 5, 13 (2), 2003). La plupart de ces migrations (ou tentatives de migration) s’effectuent grâce à l’obtention de visas de touristes. Une fois entrés dans le pays de destination, les Roms déposent des demandes d’asile politique. Dans certains cas, ils peuvent bénéficier des services d’agences de tourisme. Dans d’autres, ils s’appuient sur les réseaux de Roms ayant émigré plus tôt. Enfin, parfois, ils doivent compter sur leurs propres moyens, faute de relais déjà établis sur place. 22. Andjelković (Zoran), Scepanović (Sonja), Prlincević (Guljsen), Days of Terror. (In the Presence of the International forces), Beograd : Center for Peace and Tolerance, 2000 ; Marushiakova (Elena), Heuss (Herbert), Boev (Ivan), Rychlik (Jan), Ragaru (Nadège), Zemon (Rubin), Popov (Vesselin), Friedman (Victor), Identity Formation among Minorities in the Balkans : The cases of Roms, Egyptians and Ashkali in Kosovo, Sofia : Minority Studies Society « Studii Romani », 2001. 23. Sobotka (Eva), art.cit. 24. L'accord de Schengen, originellement signé en 1985 par cinq États européens, visait à faciliter la circulation entre les États partie ; il prévoyait également des mesures d'harmonisation de la politique aux frontières et dans l'octroi des visas. Il est entré en vigueur dans quinze États européens en mars 1995. 25. Chiffres cités sur le site Internet de l'Institut national statistique bulgare (NSI) à l'adresse : http://www.nsi.bg/Census/Census.htm 26. Pour plus de détails sur les expériences migratoires des Roms de Bulgarie en Espagne, se reporter à l’article de Slavkova (Magdalena), « Being Gypsy in Europe. The Case of Bulgarian Roma Workers in Spain », dans ce dossier. 27. Voir Protocole n°А 182 du 4 juin 1959 du Secrétariat du Comité central du Parti communiste bulgare. 28. Rezultati ot Prebrojavaneto na naselenieto. Tom 1. Demograhski harakteristiki, Sofia : Nationalen statističeski institut, 1994, p. xxv. 29. Ils comprennent, comme sous-groupes, les Lingurari et les Ursari. 30. Achim (Viorel), op.cit., p. 159 31. Recensămăntul populaţiei si locuintelor din 7 ianuarie 1992, Bucureşti : Comisia Naţionala pentru Statistica, 1994, IV : Tab. No 2. 32. Crowe (David), A History of the Gypsies in Eastern Europe and Russia, New York : St. Martin's Griffin, 1994, p. 139. 33. Achim (Viorel), op.cit., pp. 181-182. 34. Ils sont fréquemment connus sous le nom générique de Laeši, Pletoši ou Kortorari, et divisés en groupes, en sous-groupes et en lignées familiales distinctes.

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RÉSUMÉS

L’article vise d’abord à inscrire les migrations présentes dans leur contexte historique. Pour ce faire, il revient brièvement sur les trois principales vagues migratoires roms en Europe : la première remonte au XVème siècle et voit l’installation progressive en Europe de Roms des Balkans. La seconde vague migratoire intervient à la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle : à cette époque, des groupes roms, originaires des principautés valaque et moldave, se dispersent peu à peu à travers le continent européen et au-delà. La troisième vague migratoire des Roms d’Europe de l’Est est amorcée dans les années 1960 et l’on peut considérer que les mobilités observées après 1989 ne constituent qu’une étape, un redéploiement de cette vague migratoire. Au fil de l’article sont envisagées les principales causes socio-économiques des migrations roms - au premier chef, la recherche de nouvelles niches économiques et de nouveaux territoires. Ces variables nous paraissent plus importantes que les motivations politiques et idéologiques souvent avancées par les Roms eux-mêmes ou par une partie des chercheurs. Une attention particulière est accordée aux formes prises par les migrations actuelles depuis l’Europe de l’Est : le modèle de la mobilité de travail temporaire permet à un grand nombre de Roms de rester « non visibles » dans les pays d’Europe de l’Ouest (en dehors de situations spécifiques donnant lieu à un travail de scandalisation publique). Les politiques adoptées par les pays « d’accueil » des migrants temporaires sont également étudiées. Enfin, l’article examine plus en détail les stratégies migratoires spécifiques des Roms de Bulgarie et de Roumanie, mettant en évidence le rôle de l’hétérogénéité interne de la communauté rom, des modes de vie traditionnels (nomade ou sédentaire) et du degré d’intégration sociale au sein des pays d’origine dans la définition de chaque trajectoire migratoire singulière.

INDEX

Index géographique : Bulgarie, Roumanie, Europe de l’ouest Mots-clés : Roms, Tziganes, migrations

AUTEURS

VESELIN POPOV Dr. Elena Marušiakova et Dr. Veselin Popov sont tous deux directeurs de recherche à la Section d’Ethnologie balkanique de l’Institut et du Musée d’ethnographie de l’Académie des sciences bulgares (BAN), où ils ont fondé une bibliothèque dotée d’un fonds d’archives sur les « Etudes roms » (Studii romani). Elena Marušiakova dirige la Section d’ethnologie balkanique. Ils sont les auteurs de nombreux ouvrages et articles sur l’histoire, la structure sociale, l’ethnoculture et les mouvements politiques et sociaux des Roms en Europe centrale, en Europe de l’Est et en Europe du Sud-Est, dont une série d’ouvrages collectifs sur le folklore rom « Studii romani » (volume 1, 1994 ; volume 2, 1995 ; volumes 3-4, 1997, volumes 5-6, 1998). On leur doit également la première étude compréhensive sur les Roms de Bulgarie (1997), un ouvrage sur les Roms dans l’Empire ottoman (2000) et un livre sur les Roms dans les pays du Nord de la mer Noire (E.Marushiakova, U. Mischek, V. Popov, B. Streck, Zigeuner am Schwarzen Meer, Leipzig : Eudora Verlag, 2008). Leurs publications récentes comprennent : Elena Marušiakova et Veselin Popov, Studii romani. Izbrani [Etudes roms. Textes choisis], vol. 7, Sofia : Paradigma, 2007 ; Elena Marušiakova et

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Veselin Popov, « ONG, mouvements et partis roms en Bulgarie : quels modes d’organisation pour quelle articulation des intérêts ? », Revue d’Etudes comparatives Est-Ouest, 38(4), 2007, p.49-66 ; Elena Marushiakova et Veselin Popov, « De l’Est a l’Ouest. Chronologie et typologie des migrations tsiganes en Europe », Etudes Tsiganes, 27-28, 2006, p.10-26. [email protected]

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Partir, revenir: imaginaires et itinéraires migratoires bulgares en Europe

2. Les stratégies de la mobilité : solidarités et réseaux migrants

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Migration et identités parmi les Turcs de Bulgarie établis en Turquie (1989-2004)

Mila Maeva Traduction : Miladina Monova

NOTE DE L’ÉDITEUR

Traduit du bulgare par Miladina Monova

1 La minorité turque en Bulgarie attire depuis longtemps l’attention des chercheurs bulgares. Apparue avec la dissolution de l’Empire ottoman et la formation d’un Etat- nation bulgare indépendant (1878), elle représente aujourd’hui 10% de la population du pays1. Du fait de leur nombre important, de leur appartenance ethnique et religieuse ainsi que de leur emplacement géographique, les Turcs bulgares ont toujours fait l’objet d’un traitement politique particulier, aussi bien de la part de l’Etat bulgare que de l’Etat turc. Mais à la différence d’autres recherches effectuées sur la question, la présente étude propose de porter l’attention non sur les Turcs en Bulgarie, mais sur ceux qui ont quitté le pays pour s’établir définitivement en Turquie2. L’exode massif de la population turque de Bulgarie s’est effectué en plusieurs temps et cela est dû aux politiques opaques et contradictoires conduites durant plus d’un siècle par les gouvernements bulgare et turc. Ainsi s’est constituée une masse importante d’immigrants originaires de Bulgarie, aux trajectoires complexes et dont les caractéristiques ne pourraient pas être exposées ici de manière exhaustive. Dans cette étude, il sera question essentiellement de ceux qui arrivent en Turquie dans la période 1989-2004, c'est-à-dire après la chute du régime communiste.

2 Ce que l’on appelle la « nouvelle émigration » des Turcs bulgare vers la Turquie commence à l’été 1989. Elle est due tout d’abord à la campagne de « bulgarisation » des noms et des prénoms qui débute pendant l’hiver 1984 et vise à faire disparaître tous les noms d’origine turque et arabe dans le pays. Le gouvernement bulgare introduit

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également des mesures de restriction des libertés individuelles : interdiction de parler turc dans les lieux publics, de porter des habits traditionnels musulmans, de pratiquer les coutumes et les rituels musulmans tels que la fête du Kurban-Bajram, la circoncision, le mariage traditionnel. Il est même défendu d’écouter et de danser sur de la musique turque. L’Etat bulgare interdit aussi les publications en langue turque3. La plateforme idéologique visant à justifier cette politique de « bulgarisation » n’a été formulée que dans l’année 1988, vers la fin de la campagne connue sous le nom de « Processus de renaissance » (văzroditelen proces). L’idéologie officielle se réfère ainsi à l’idée courante d’une « Renaissance manquée » parmi les Turcs bulgares, lesquels, Bulgares d’origine, auraient été assimilés de force à l’identité turque et musulmane au cours des siècles de « joug turc ». Aujourd’hui, ils doivent retrouver leur véritable identité. Le but est de construire « une nation socialiste bulgare unie »4. Cette tentative d’assimilation par la violence a conduit, au cours du printemps et de l’été 1989, à une immense vague d’émigration de Turcs de Bulgarie, appelée « la Grande excursion ». Plus de 350 000 Turcs ont été forcés à quitter la Bulgarie5.

3 Même si environ 152 000 personnes retournent en Bulgarie dès l’année suivante, l’émigration vers la Turquie se poursuit aussi après la chute du régime communiste en novembre 1989. La nouvelle vague est due, cette fois-ci, à la crise économique. Au cours de l’année 1991-1992, les partants sont plus nombreux que ceux de 19896. Dans la période de 1990 à 1997, en moyenne entre 30 000 et 60 000 personnes se rendent en Turquie, munies de visas de séjour temporaire ou de tourisme7. Cette vague comprend également ceux qui pendant le régime communiste n’étaient pas autorisés à quitter le pays, ainsi que des personnes qui rejoignent des parents partis avec « la Grande excursion » et déjà établis en Turquie. Certains ne quittent pas le pays avant l’été 1989 parce que leurs enfants sont soit à l’armée, soit encore scolarisés. Ainsi raconte un père de famille : « Au début, je ne suis pas parti parce que les enfants étaient à l’école. Mon, fils aîné étudiait dans une Ecole d’études supérieures en informatique à Kardzhali. Je me suis dit, attendons au moins qu’il termine. Mais après la troisième année je me suis dit, et bien, il peut terminer ses études aussi en Turquie. J’avais appris qu’il pouvait continuer ses études là-bas »8.

I - Les motivations de l’émigration

4 Les dispositions psychologiques des personnes jouent un rôle important dans la prise de décision concernant le départ. La capacité des parents et proches déjà installés en Turquie de recevoir et de prendre un certain temps en charge le reste de la famille est un facteur important. Même si pendant un certain temps les autorités turques demandent un visa aux ressortissants de Bulgarie, on ne leur crée pas beaucoup de difficultés. Au consulat, certains donnent des dessous de table pour obtenir le visa. L’émigration clandestine est une autre option. Nombreuses sont les histoires de traversée de la frontière avec un visa « aller simple » ou dans l’arrière de bus ou de trains avec l’aide d’un réseau de trafic de personnes9.

5 Dans la période de 1989 à 2001, les autorités turques attribuent la nationalité « à titre exceptionnel » à environ 16 000 personnes10. Or, selon les données non officielles, les immigrants de Bulgarie sont beaucoup plus nombreux11. Selon les experts, dans la période de 1989 à 1996, les nouveaux arrivants de Bulgarie comptent environ 400 000 personnes12. Leur nombre augmente à partir de 2000 avec la suppression du régime des

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visas. A partir de cette époque on peut passer librement la frontière avec un visa de séjour de trois mois. Le réseau de transports transfrontaliers qui se développe de plus en plus facilite la circulation des personnes entre les deux pays.

6 Dans les dernières années, on observe une nouvelle vague de migration de la Bulgarie vers la Turquie. Nous pourrions l’appeler « la migration des brues ». Il s’agit de femmes turques de Bulgarie qui se marient à des immigrants déjà établis en Turquie ou à leurs enfants. De fait, la minorité turque de Bulgarie est également touchée par le phénomène d’effondrement démographique et le vieillissement de la population caractéristiques de l’ensemble de la société bulgare. La décision de partir se marier en Turquie repose sur deux facteurs essentiels : d’une part, les jeunes femmes célibataires ne trouvent pas de partenaire en Bulgarie, d’autre part, dans les représentations collectives, la Turquie est perçue comme offrant de meilleures conditions de vie.

7 Parmi ces jeunes femmes beaucoup ont fait partie de la vague de retours en Bulgarie de l’automne 1989-l’hiver 1990 après la « Grande excursion ». La circulation transfrontalière de plus en plus libre, le tourisme, les différentes fêtes familiales et religieuses facilitent les rencontres entre femmes turques en visite et immigrants turcs installés en Turquie. Les rencontres se font également en Bulgarie, lorsque les émigrants sont de retour pour quelque occasion ou dans le milieux étudiants lorsque les jeunes femmes de Bulgarie partent en Turquie faire des études supérieures. On observe que les jeunes couples mariés préfèrent s’établir définitivement en Turquie où ils estiment que les conditions de vie et les salaires sont meilleurs qu’en Bulgarie. De même, si l’on compare les immigrants originaires de Bulgarie à d’autres groupes de migrants on remarque que les Turcs bulgares viennent pour s’établir de manière permanente en Turquie et non pour transiter vers un pays d’Europe occidentale ou vers les Etats-Unis13.

8 Lors de la « Grande excursion » de l’été 1989, les candidats à l’immigration traversent la frontière bulgaro-turque avec très peu d’affaires personnelles : « Seulement des vêtements, couvertures, couettes, des choses en textile. Je ne pouvait pas transporter en Turquie mes meubles de cuisine par exemple…»14. Ensuite, ils sont installés dans des écoles désertes en été ou dans des campements avec des tentes construits spécialement pour eux. A l’automne avec le début de l’année scolaire, les familles sont transférées dans camps de vacances, propriété de l’Etat. D’autres camps de réfugiés ont été construits les villes de Edirne, Istanbul, Bursa, Izmir, Tekirdag, Eski Shehir, Ankara, Bolu, etc15. Le gouvernement prévoyait au début d’installer les réfugiés dans la partie orientale de l’Anatolie: « Nous les Göçmeni (les déplacés) on est comme des soldats. Tu vas là où on te dit. »16 Cette région est peu peuplée et à majorité kurde. Les personnes qui y vont, restent peu de temps et partent ensuite vers les parties occidentales de la Turquie. Pour la plupart, ils disent ne pas pouvoir s’adapter au climat rude de certaines régions et préfèrent des régions « plus civilisées » où ils peuvent trouver du travail. En conséquence de ces migrations internes, effectuées dès le premiers mois et à l’initiative des migrants, environ 100 000 personnes échappent au contrôle des autorités turques. Une autre partie des nouveaux arrivants se dirige vers les grandes villes comme Bursa (80 000 réfugiés) ou encore Istanbul et Edirne. A Bursa par exemple, le flux massif d’immigrants qui arrivent par vagues dans la ville oblige les autorités locales à construire des barrières autour de la ville, incapable d’accueillir plus de réfugiés17.

9 Une partie des immigrants rejoignent des parents qui ont quitté la Bulgarie lors de vagues d’émigration précédentes (1950-51 et 1968-78). Les déplacements sont effectués

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avec l’assistance des autorités locales et de l’Etat : « Là-bas il y avait des agents publics qui nous prenaient en charge. Ils nous conduisaient là où on avait des parents proches. Non pas avec des bus mais en voiture »18. Le séjour chez les parents est bref, pas plus de quelques jours selon les interrogés. La raison principale en est le manque d’hospitalité des proches qui ne les « supportent pas plus de deux-trois jours ». D’autres, qui ne peuvent pas compter sur l’aide de la famille sont pris en charge par des institutions religieuses musulmanes et certains, sans logement ni travail, sont même hébergés dans des mosquées. « Au début, mon père ne pouvait pas trouver du travail et nous avons passé un an dans une pièce de la mosquée locale, prévue pour héberger des gens pauvres. »19 Bien qu’ils soient originaires de zones rurales en Bulgarie, les migrants préfèrent s’établir à proximité ou dans les villes. « On s’y est fait difficilement. Nous habitions de petites villes et nous voulions vivre dans une petite ville ici aussi mais il n’y a pas de travail donc nous sommes venus vivre en ville. » 20

10 Les populations immigrées en Turquie se rendent au début à Edirne et à Istanbul, dans la partie européenne. Dans un second temps, elles se déplacent vers d’autres villes du pays et, pour ce qui est des Turcs de Bulgarie, ils préfèrent les villes de Bursa, Izmir, Çorluet Karadag. Plusieurs facteurs essentiels sont intervenus dans le choix de la ville d’établissement. Premièrement, il est fonction des vagues d’immigration précédentes, pas seulement de Bulgarie mais aussi d’autres pays des Balkans et de l’Asie. Les immigrants bulgares préfèrent rejoindre les colonies d’immigrants déjà constituées dans les grandes villes turques ou devenues elles-mêmes des bidonvilles : « J’ai vécu 4 ans à Istanbul, je n’ai pas pu m’y faire du tout. Trop de gens ce n’est pas pour nous. A Çorlu ça va, c’est une ville d’immigrants, il y a 80% des gens qui viennent de la Bulgarie, de la Yougoslavie, de la Grèce, de la Thrace occidentale. »21

11 Un autre facteur qui intervient dans le choix concerne les conditions climatiques. Certains se rendent à Bursa parce que le climat est semblable à celui de la Bulgarie, d’autres préfèrent aller dans le sud à Izmir ou au bord de la mer Egée parce qu’il y fait plus chaud en hiver. Le marché du travail constitue un autre facteur important. « J’ai choisi Izmir parce que je me suis dis c’est une grande ville, il y a un port, un aéroport, ça veut dire qu’il y a des perspectives »22. Ils préfèrent les grandes villes parce que « là- bas c’est différent, il y beaucoup de fabriques de textiles entre Lüleburgaz et Çorlu alors qu’il n’y en a pas à Istanbul. Dans ces fabriques il n’y a pas seulement nous, il y a aussi des ouvriers de l’Anatolie, pour la plupart des Kurdes »23. Les individus affichent différentes préférences selon les classes d’âge. Par exemple les plus âgés se sont installés à Bursa, ville « plus religieuse » et les plus jeunes vont à Izmir, qu’ils estiment plus moderne et européenne. En effet, les jeunes après un certain temps passé avec leurs parents se sont déplacés vers le sud, la partie européenne de la Turquie dite « la Thrace » ou la Turquie occidentale avec sa côte égéenne.

12 Pour les nouveaux arrivants le critère de « l’européanité » de la ville est important. Ainsi, dans une ville « plus européenne » ils ne vont pas se sentir gênés de porter « des vêtements européens », les femmes peuvent porter tranquillement des jupes et des pantalons. « A Izmir les femmes ne sont pas voilées, les gens sont plus ouverts, comme en Bulgarie. On peut porter des shorts, des pantalons, aller partout, comme dans une ville européenne. A Ankara, à Bursa ce n’est pas comme ça. Certaines personnes vont peut-être faire pression pour que tu t’adaptes à eux, ils vont te regarder d’un autre œil. Si je n’avais pas pu venir à Izmir, je serais retourné en Bulgarie. Honnêtement »24.

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13 La confession est un autre critère important. Les Turcs de Bulgarie de confession alevi25 se dirigent vers Istanbul et Çorlu. Même leurs connaissances littéraires interviennent dans le choix et la représentation du lieu, comme c’est le cas pour Izmir, selon un informateur : « Nous avons connu Smyrne par les écrits de Hristo Smirnenski26».

14 A la suite de leur immigration en Turquie, les Turcs de Bulgarie doivent s’adapter aux nouvelles conditions politiques, économiques et sociales. On observe trois stratégies d’adaptation : l’acculturation et l’intégration ; l’opposition ou la réaction ; le retrait et la marginalisation. Si les nouveaux arrivants conservent des éléments de leur culture d’origine, ils empruntent aussi à la culture d’accueil. Les relations d’interaction avec la société locale sont dynamiques et varient sur une échelle qui va de l’intercompréhension au conflit déclaré. Dans ce cas les migrants maintiennent les relations avec leur pays d’origine, ce qui conduit à la construction d’une communauté transnationale27. Plusieurs étapes peuvent être distinguées dans le processus d’adaptation. Premièrement, le groupe cherche à démarquer son territoire, les acteurs se l’approprient progressivement comme étant celui de leur espace de vie. Avec le temps cette espace vient à être pensé comme sien. Dans ce processus le degré de concentration ou de dispersion du groupe sur le territoire est important. La deuxième étape dans l’appropriation du nouvel espace débute avec la construction d’un logement familial. On considère que l’acte de vendre sa propriété dans le pays d’origine suivi de l’achat d’une nouvelle dans le pays d’accueil montre le degré d’avancement du processus d’intégration. La troisième étape concerne la construction des topos ou lieux de rassemblement entre immigrants tels que le marché, le restaurant, le centre culturel où l’on se rencontre régulièrement. A travers ces différentes étapes les immigrants tentent d’organiser le nouvel espace de vie et créent une culture subjective, afin d’obtenir le droit d’exercer un contrôle sur leur territoire28. Le statut socioprofessionnel, le niveau d’éducation et la participation des migrants à la vie économique locale jouent un rôle essentiel dans le processus d’insertion et dans la construction des hiérarchies sociales. L’obtention de la nationalité turque représente une étape importante.

15 Les réseaux informels sont de même essentiels à la survie des groupes de migrants. Ceux-ci comprennent les relations d’entraide entre amis, parents, voisins, individus dont l’ensemble assure le processus d’adaptation et d’insertion du groupe. Ces réseaux relient les migrants à leur groupe d’origine, dans le lieu d’origine mais aussi avec les autres membres de la communauté vivant dans d’autres régions de Turquie. La mise en place d’organisations et d’associations qui non seulement défendent les droits des immigrants mais aussi servent de relais entre différentes communautés représente un stade supérieur dans l’usage de ces réseaux. Les activités en commun nourrissent les relations entre les individus et renforcent le sentiment d’appartenance au même groupe.

16 Pour les individus, l’exode de l’été 1989 a représenté un bouleversement radical dans leur existence, amenant de nouvelles épreuves et difficultés à survivre dans le nouveau contexte. Pour ces hommes et femmes il s’agit de « recommencer sa vie à zéro ». Souvent les Turcs bulgares opposent d’un coté la « belle vie » dans le passé, en Bulgarie, à celle d’aujourd’hui : « Là-bas c’était la vie, alors qu’ici on rame et on s’accroche pour survivre »29. Selon les personnes interrogées, les premières années sont les plus difficiles ; pour survivre, il faut s’adapter, faire attention, mesurer ses actes, ne faire confiance à personne. « L’immigré doit avoir des yeux dans le dos »30 .

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17 La plupart des immigrés Turcs de Bulgarie se sentent rejetés dans leur pays d’origine, sans être pour autant acceptés dans la nouvelle patrie. Ainsi se crée le sentiment d’appartenir à une minorité en Turquie même. Il existe différentes catégories de migrants selon les parcours, mais aussi selon l’identité ethnique et culturelle qu’ils privilégient. Ainsi, on peut distinguer trois groupes : les migrants (ceux qui restent en Turquie) ; les ré-émigrants (ceux qui, déçus de la nouvelle patrie, reviennent en Bulgarie) ; les personnes naturalisées.

II - Autodéfinitions identitaires et expériences vécues en Turquie

18 Au XIXème siècle, dans l’Empire ottoman multiethnique, la population turque dans la région était considérée comme majoritaire et l’élite turque était dominante. Après la dissolution de l’Empire, une partie importante des sujets turcs et musulmans s’est trouvée incluse dans les territoires des nouveaux Etat-nations balkaniques. Dans l’Etat bulgare, la communauté turque a subi un processus d’acculturation qui a conduit à la différencier de plus en plus des Turcs de la « mère-patrie », la Turquie. Devenus une minorité, les Turcs de Bulgarie ont développé un sentiment d’appartenance ethnique et le groupe, conscient de sa différence, s’est davantage refermé sur lui-même. La politique de l’Etat bulgare a également contribué à la construction des différences et le groupe ethnique turc à pu conserver certains traits culturels comme la langue et la religion. Si la communauté a pu se préserver, c’est aussi en réaction à la violente politique d’assimilation entreprise par les autorités bulgares dans certaines périodes de l’histoire. Dans la formation d’un sentiment d’appartenance ethnique, la politique turque a également joué un rôle : elle a défendu les droits de « sa » minorité en Bulgarie mais au-delà, ses intérêts politiques et économiques dans la région.

19 Après l’émigration en Turquie, le sentiment de différence avec les Turcs de Turquie apparaît de plus en plus structurant pour les migrants. Cette différence explique le va- et-vient constant entre les deux « patries », mobilité qui construit une identité de migrant31. Un des phénomènes propres au monde moderne et globalisé concerne la disparition des frontières, la circulation intense des individus et des groupes et ses effets induits sur leurs représentations et leur identifications. Tel est le cas également pour les Turcs de Bulgarie aux identités multiples et changeantes. Les identifications des migrants varient en fonction des situations et des individus. C’est pourquoi il semble difficile de les catégoriser en fonction de marqueurs tels que l’ethnicité, la religion, la langue ou la culture.

20 Les communautés de migrants sont des « communautés transnationales ». Elles dépendent à la fois de la politique de l’Etat de départ et de l’Etat d’accueil. La communauté de migrants en tant que telle dépend de la relation à ces deux Etats et les individus sans cesse circulent, dans le double objectif de conserver leur model culturel d’avant et d’en acquérir un autre qui leur permettra d’accéder à une meilleur statut socio-économique. Les caractéristiques principales de ce groupe sont : la double nationalité, la mobilité constante, un peuplement compact, des activités en commun, la diglossie, le bilinguisme, la conservation des pratiques religieuses et des traditions culturelles, l’endogamie et enfin un discours de valorisation de ces marqueurs. Dans le comportement des migrants au quotidien, toutes ces valeurs peuvent être observées :

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Double nationalité On conserve ou on recouvre la nationalité de l’Etat d’origine. On acquiert la nationalité de l’Etat d’accueil

Mobilité intense Mobilité intense entre l’Etat d’origine, l’Etat d’accueil et d’autres pays.

Peuplement compact dans les Construction de quartiers nouveaux et des topos demigrants (lieux quartiers/villes/villages de culte, marchés, magasins, cafés, restaurants, etc.)

Activités en commun Entraide, rencontres villageoises, célébrations de fêtes…

Diglossie Maîtrise de différentes langues orales et/ou standardisées

Bilinguisme Maîtrise orale de la langue officielle du pays d’origine et du pays de destination

Conservation des pratiques Maintien de la variante locale de la religion pratiquée dans le pays religieuses d’origine

Conservation de la culture Perpétuation des pratiques rituelles et festives d’origine traditionnelle

Endogamie Mariage à l’intérieur du groupe de migrants

Valorisation de la culture Les acteurs se représentent leur culture comme étant la plus « pure » et la « vraie ».

Source : tableau réalisé par l’auteur

21 La double nationalité est un marqueur particulièrement important32. Pour les Turcs de Bulgarie, les deux nationalités désignent à la fois leur identité nationale et le lien originel avec la société dans laquelle ils ont été élevés. Cette double citoyenneté permet à cette communauté transnationale de participer à la vie politique en exerçant son droit de vote à la fois dans le pays d’origine et dans le pays d’accueil. La mobilité intense est une des caractéristiques essentielles du monde globalisé et de la société post-moderne. Les Turcs de Bulgarie circulent ainsi non seulement entre la Bulgarie et la Turquie, mais aussi en Europe occidentale et aux Etats-Unis pour des raisons telles que le travail, les vacances, les biens à gérer, des parents à visiter, l’accès aux soins médicaux ou encore les fêtes.

22 Les migrants avec lesquels des entretiens ont été réalisés lors des missions de terrain de 2005 ont des représentations ambivalentes de leurs deux patries. L’Etat d’origine revêt pour eux plusieurs visages aux traits à la fois positifs et négatifs. Les personnes interrogées parlent de « patrie d’origine » où l’on a vécu son enfance, sa jeunesse, où ont été abandonnés les propriétés et les biens de famille. La terre d’origine est qualifiée de « jardin d’Eden », celle qui appartiendra bientôt à l’Union européenne (UE)33. Mais aussi c’est aussi un lieu de discrimination et de crise économique. La Bulgarie est présente dans les souvenirs du passé, mais elle apporte aussi des avantages au présent : des papiers d’identité bulgares et donc européens, qui permettent de voyager sans visa à destination de certains pays. En Bulgarie, les migrants soulignent qu’ils ont pu faire

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de bonnes études et encore aujourd’hui, grâce à la double nationalité, ils peuvent bénéficier du système scolaire et de la sécurité sociale bulgares, par exemple. Ce n’est pas un hasard sur de nombreux Turcs installés en Turquie préfèrent voir leur enfant accomplir leurs études supérieures en Bulgarie, particulièrement depuis que le pays est membre de l’Union européenne. Evidemment, cette question présente aussi un aspect financier dans la mesure où l’enseignement supérieur est moins onéreux en Bulgarie qu’en Turquie, d’autant plus que la détention de la citoyenneté bulgare permet d’obtenir des avantages connus en la matière.

23 Aux yeux de la plupart des migrants, le pays d’accueil représente la patrie historique d’où sont venus leurs ancêtres, il y a des siècles. Aujourd’hui, la Turquie accueille de nouveau ses enfants et les aide à s’épanouir dans la vie ; elle leur permet de vivre librement leur identité de Turcs et de musulmans. Avec le temps, les migrants réalisent que la nouvelle patrie n’est pas celle des rêves, des mythes et des légendes dont ils ont entendu parler depuis des générations. Elle leur est apparue comme différente et inconnue, leur offrant une vie difficile et pleine de péripéties. Cependant, au long du processus d’adaptation, les immigrants la découvrent et modifient leurs représentations afin de s’approprier leur nouvelle patrie et de la concevoir comme étant un véritable « chez soi ».

24 La concentration et la densité du peuplement d’immigrants par lieu d’habitation constitue un autre critère essentiel à la conservation et au renouvellement des « traditions anciennes » du groupe. C’est pourquoi les nouveaux arrivants sont à l’origine de nouveaux espaces urbains et créent de nouveaux quartiers, comme par exemple celui de Cörece, près d’Izmir. Certains ont été construits par l’Etat précisément pour accueillir les Turcs de Bulgarie. Ils sont situés dans les environs des grandes villes et représentent d’immenses complexes urbains où s’élèvent des blocs en béton. Les appartements sont attribués par loterie, mais la priorité est accordée aux victimes de la répression durant la politique d’assimilation en Bulgarie dans les années 1980. Les Turcs bulgares qui vivent à Izmir et à Istanbul ont préféré s’établir dans des villages proches des centres urbains et y construire leur quartier d’habitation. L’Etat turc les autorise à acheter des terrains à des tarifs préférentiels et à y construire leurs maisons. A Izmir, ce sont les quartiers de Sarnach et de Buca. Les migrants des différentes régions bulgares non seulement souhaitent s’établir en un même lieu avec tous leurs proches, mais ils cherchent aussi à échapper aux mégapoles turques. Telle est la raison pour laquelle ils préfèrent vivre dans les quartiers périphériques des grandes villes, qui ressemblent davantage aux petits villages qu’ils ont quittés. Dans le même temps, le choix d’une migration en zone urbaine s’impose pour des raisons pratiques : les précédentes vagues migratoires ont été également dirigées vers les villes. En outre, les grandes mégapoles donnent plus de possibilité de réalisation professionnelle et d’accès à l’éducation. Dans le même temps, les migrants s’emploient à changer radicalement leur vie et à recommencer à zéro.

25 Les Turcs de Bulgarie construisent des maisons à deux ou à trois étages, d’un style caractéristique dans tout le pays. Ils assurent eux-mêmes la construction des maisons selon un principe d’entre-aide, contribuant au renforcement des solidarités et du sentiment d’intégration dans la société turque. Lorsqu’ils expliquent leur empressement à construire des maisons, les personnes interrogées se réfèrent aux « habitudes de Bulgarie », au désir d’avoir « sa » maison et au modèle patrilocal de leur société d’origine. Ainsi, ils ont le sentiment de « faire pousser des racines » dans la

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nouvelle patrie34, ce qui équivaut à un établissement définitif. La nouvelle maison incarne la fin de l’espoir de revenir dans l’ancienne patrie et le début d’une nouvelle vie dans une nouvelle patrie. Cependant, peu de migrants se décident à vendre leurs propriétés en Bulgarie et ils préfèrent les louer à des parents ou même laisser en jachère leurs terres cultivables. Ces choix prouvent que leur ré-enracinement dans la nouvelle patrie ne met pas radicalement fin aux liens avec la Bulgarie et que les individus ne peuvent pas véritablement rompre avec leur passé.

26 Le développement de nouveaux quartiers comprend aussi la construction de mosquées et de marchés, ces derniers ayant la particularité de représenter la culture culinaire des migrants et de les réunir les jours de marché. Le marché est ouvert un jour par semaine ou bien tous les jours, comme à Buca. Sa principale fonction est de fournir les habitants en produits en provenance de Bulgarie : ces produits sont apportés par bus, sur des lignes régulières quotidiennes entre la Bulgarie et la Turquie. Il est fréquent que le différentiel de prix soit inexistant, mais les migrants installés en Turquie les considèrent comme plus « savoureux ». Les immigrants se disent « habitués » à consommer des produits bulgares, qui sont de « très bonne qualité ». Les habitants importent également des habitudes ou des activités pratiquées pendant leur temps libre en Bulgarie. Ainsi les hommes vont-ils à la chasse au gibier35, alors que les femmes aiment se réunir au café du quartier. Le processus d’acculturation ne détruit pas le modèle culturel spécifique.

27 Les activités en commun contribuent au renforcement des solidarités au sein du groupe et démontrent un certain degré de fermeture. Les individus partagent la même histoire et les mêmes problèmes aujourd’hui, ils rencontrent compréhension et soutien seulement au sein du même groupe. Ils s’aident mutuellement pour résoudre des difficultés personnelles, trouver du travail, construire une maison. Ils sont ensemble dans leurs activités économiques mais aussi lors des fêtes de famille, des fêtes religieuses. Ils organisent souvent des rencontres villageoises, pour se parler et se souvenir « du bon vieux temps » en Bulgarie, autour de repas et de verres de rakia importés depuis là-bas. Ainsi se construit un sentiment d’appartenance à une identité locale et régionale particulière qui, au-delà du village ou de la ville d’origine, rassemble les individus en immigration par le partage de traits culturels communs : on parle ainsi des « gens » du Džebel, de Cernoocen, de Kărdžali, etc.

28 A la suite de leur arrivée en Turquie, les Turcs de Bulgarie ont constaté des différences importantes entre leur langue turque et celle des populations locales. Ils disent qu’ils parlent « une autre langue » qui présente des caractéristiques empruntés au vieux turc ottoman, plus exactement au dialecte oguz36. Cette forme archaïque de la langue orale turque a pu être conservée en Bulgarie37 et aujourd’hui elle est toujours pratiquée parmi les migrants en Turquie, même lorsque ces derniers ont appris la langue turque standardisée. Au sein du groupe ils continuent à communiquer dans leur parler d’origine. De même, dans leurs communications privées, ils emploient la langue bulgare. Ainsi la diglossie et le bilinguisme construisent et renforcent le sentiment d’être différent des autres.

29 L’appartenance religieuse est un autre marqueur important dans la construction des identifications sociales et culturelles. Dans la patrie de tous les Turcs, les Turcs de Bulgarie découvrent, déçus, qu’ils pratiquent une variante locale de l’islam assez différente de celle pratiquée en Turquie. Si cette prise de conscience représente, pour les plus âgés, une véritable tragédie, les jeunes et moins jeunes n’en font pas grand cas.

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En effet, les personnes âgées sont réellement pratiquantes, alors que les jeunes semblent avoir principalement recours à la foi en situation de crise. De fait, le marqueur de la pratique religieuse contribue également à renforcer le sentiment de différence entre le groupe immigrant et la société d’accueil. Il en est de même pour les rites et les coutumes représentant des variantes locales en Bulgarie. En Turquie les éléments qui différencient la culture traditionnelle locale de celle des migrants sont perçus comme une frontière démarquant les locaux des nouveaux arrivants. Les Turcs bulgares considèrent certaines pratiques issues de leur tradition comme très conservatives. Ils donnent l’exemple du rituel de consommation de nourriture et de la danse accompagnant les rites de passage tels que le sunet (la circoncision) et le mariage. La perpétuation de ces pratiques en Turquie permet d’assurer non seulement la socialisation religieuse des jeunes mais aussi leur socialisation au sein du groupe d’immigrants, en tant que Turcs de Bulgarie. Les spécificités linguistiques, la religion, les pratiques festives et cultuelles particulières expliquent l’endogamie au sein du groupe des migrants de Bulgarie. Cela conduit au cloisonnement de la communauté et à la conservation du modèle culturel ancien.

30 Les Turcs de Bulgarie se conçoivent comme supérieurs aux Turcs de Turquie, ils estiment avoir conservé l’identité ethnique, la langue, la foi et les traditions « les plus pures ». La population d’origine locale ne les considère pas comme étant « des nôtres » non plus. Elle voit en eux l’Autre ou l’étranger, des porteurs des marques de l’identité bulgare et de la chrétienté. Les comportements sociaux, les attitudes corporelles et gestuelles, les vêtements, les normes morales que les nouveaux arrivants apportent avec eux sont perçus comme les marques de cette culture étrangère à la Turquie. De même, aux yeux des locaux ils représentent une menace pour l’emploi, ils « profitent » de la sécurité sociale et des aides de l’Etat et lorsqu’ils réussissent socialement, leur ascension sociales est également mal perçue. Le rejet de la population locale vis-à-vis des immigrants de Bulgarie apparaît dans les dénominations collectives : les Turcs de Turquie les appellent « Gjauri » (incroyants) ou « Bulgarlar », exonymes qui stigmatisent en attribuant une identité ni turque, ni musulmane. En définitive, l’identité collective des migrants oscille entre celle de l’Etat d’origine et de l’Etat d’accueil, ce qui précisément fait du groupe une communauté transnationale.

III - Les trajectoires des « ré-emigrants » et des « naturalisés »

31 Parmi les immigrants de Bulgarie en Turquie, certains n’ont pas réussi à trouver leur place dans la société d’accueil ; entre 1989 et 1990, plus de 152 000 personnes sont ainsi rentrées en Bulgarie. Un informateur relate son expérience en ces termes : « Nous, on avait des parents là-bas, mais ils ne nous ont pas aidés. Finalement, ceux qui sont allés dans les camps pour immigrés s’en sont sortis mieux que nous car l’Etat leur a donné des maisons, alors que nous n’avons rien eu, ni logement, ni travail »38. D’autres rentrent parce qu’ils ont en Bulgarie des parents âgés qui ont refusé de partir, mais dont ils doivent s’occuper. D’autres encore n’acceptent pas la nouvelle réalité économique, sociale et culturelle de Turquie et ne supportent pas l’attitude méprisante et le rejet des Turcs locaux. Ainsi le refus ou l’incapacité de s’adapter au nouveau contexte les conduit-il à migrer de nouveau et massivement vers la Bulgarie, dès avant la chute du communisme en novembre 1989, mais également dans les premiers mois du nouveau régime. Même si

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leur identité ethnique et religieuse coïncide avec celle du pays d’immigration, pour eux, l’identification à la Bulgarie comme pays d’origine prédomine. L’identité bulgare prend le dessus sur les identifications ethniques et religieuses.

32 La catégorie des personnes « naturalisées » inclut les migrants qui réussissent à s’intégrer totalement dans le pays d’accueil. Dans le processus d’acculturation ils parviennent à « oublier » qu’ils ont été des immigrés. Généralement il s’agit d’individus dispersés sur le territoire de la Turquie, vivant dans les quartiers anciens avec les locaux qui n’entretiennent pas de relations régulières avec les autres immigrants de Bulgarie. Leur relation au pays d’origine est presque interrompue, ils n’ont pas de parents là-bas, ni de biens immobiliers. Ils se marient avec des Turcs de Turquie et ne parlent plus que la langue littéraire turque (et non des dialectes locaux et régionaux, dans la mesure où ils espèrent être ainsi mieux acceptés). Leur identité ethnique coïncide avec leur identité nationale. Ils ont délaissé leurs traditions d’origine et pratiquent les rites et les coutumes du pays d’accueil39.

Conclusion

33 On peut difficilement prévoir les processus identitaires que les Turcs de Bulgarie connaîtront à l’avenir. Leur future trajectoire est susceptible de dépendre de nombreux facteurs : la situation économique et politique en Turquie comme en Bulgarie, les politiques des Etats à leur égard. L’admission de la Bulgarie au sein de l’Union européenne a eu un impact dont il est sans doute trop tôt pour prendre pleinement la mesure ; certains migrants envisageaient avant l’adhésion de rentrer en Bulgarie. On peut également supposer que de nombreux individus d’âge moyen rentreront en Bulgarie après la retraite. Certains indicateurs témoignent de ces intentions comme les vagues d’acquisition de propriétés dans les zones mixtes (Turcs et Bulgares), qui ont entraîné une forte hausse des prix de l’immobilier dans ces régions. Une partie des immigrants va certainement transiter par la Bulgarie dans l’objectif de s’établir en Europe de l’Ouest ou aux Etats-Unis. Pour ceux qui resteront en Turquie, le processus d’assimilation s’achèvera avec succès, comme cela était le cas pour les générations précédentes. On peut émettre l’hypothèse que les particularismes culturels du groupe migrant disparaîtront progressivement ainsi que le sentiment d’appartenance des individus à une identité collective à part, celle des Turcs de Bulgarie.

NOTES

1. Selon les données du dernier recensement en 2001, se sont déclarés Turcs environ 746 664 personnes, soit 9,41% de la population totale. 2. Cet article se base sur des données recueillies lors d’enquêtes de terrain effectuées en Bulgarie, parmi des Turcs de retour dans leur pays d’origine pour une courte période (1999-2005). De même, entre mars et septembre 2002, j’ai conduit une enquête dans les quartiers de Buca, Bornova, Görece et Sarnic construits aux environs de villages non loin d’Izmir, en Turquie. La

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plupart des immigrés Turcs bulgares sont originaires de la région de Haskovo et de Kardzhali en Bulgarie du sud. Les entretiens - environ 140 au total, en Bulgarie et en Turquie - ont été menés en bulgare et/ou en turc, en fonction des interlocuteurs, de l’environnement et du contexte de l’étude. L’auteur a choisi la langue de discussion en fonction de chaque situation spécifique. 3. Voir sur cette question : Eroğlu (Hamza), « The Question of Turkish Minority in Bulgaria from Perspective of International Law », in The Turkish Presence in Bulgaria. Ankara, Türk Tarih Kurumu Basımevi, 1986, pp. 59-90; Memişoğlu (Hüseyin), TheBulgarian Oppression in Historical Perspective, Ankara, Devran Matbaasi Necatibey Cad, 1989; Şimşir ( Bilal), Contribution a l`histoire des populations turques en Bulgarie (1876-1880), Ankara, TKA, 1966. 4. Zhivkov (Todor), « Etnokulturno razvitie na Vuzroditelnia protses », in Problemi na razvitieto na balgarskata narodnost i natsia, Sofia, BAN, 1988, pp. 127-143; Zhivkov (Todor), Memoari, Sofia, Siv, AD, 1997; Zagorov (Orlin), Vuzroditelniyat protses. Teza. Antiteza. (Otritsanie na otritsanieto), Sofia: Pandora, 1993. Mihailov (St),Vuzrozhdenskiyat protses v Bulgaria,Sofia, M&M, 1992; Tahirov (Sh), Edinenieto, Sofia, OF, 1981. 5. Plusieurs sources statistiques différentes proposent des évaluations contrastées du nombre des Turcs ayant quitté le pays. L’auteur a donc retenu un chiffre moyen. 6. Karamihova (Margarita), « T. nar. “Vuzroditelen protses”. Politika i rezultati 1987-1997 ». In Za promenite (sbornik), Sofia, 1997, pp. 397-398. 7. Zhelyazkova (Antonina), « Turcite v Bulgaria » in Dve, Vera Moutafchieva and Antonina Zhelyazkova, Sofia, 2002, pp. 161–197. 8. Voire les archives de l’Institut d’Ethnographie et Musée, Sofia : (AEIM), № 574-ІІІ, 27. 9. Le nombre d’immigrés clandestins arrêtés en provenance de Bulgarie pour la période entre 1994 et juin 2004 s’élève à 9 111 personnes. Voir : Apap (Johanna), Carrera (Sergio) and Kirişci (Kemal). « Turkey in the European Area of Freedom, Security and Justice», EU-Turkey Working Paper, n°3, Brussels: Centre for European Policy Studies, 2004, p. 18. Voir aussi : Baldwin- Edwards (Martin). « Migration in the Middle East and Mediterranean. A Regional Study prepared for the Global Commission on International Migration », January 2005, p. 13 (http:// www.gcim.org/attachements/RS5.pdf). 10. Stojanov (Valeri). « Turskoto naselenie v Bulgaria mejdu polusite na etnicheskata politika », Sofia, 1998, pp. 11. Selon les informations de l’Agence de Presse Bulgare (BTA) du 12 février 2001, les ressortissants bulgares d’origine turque ont lancé un appel au ministre de l’Intérieur afin d’accélérer le processus de régularisation de leur situation et celui de l’attribution de la nationalité turque à ceux qui sont venus après 1992. Selon les auteurs de l’appel : « Les Turcs bulgares qui n’ont pas été naturalisés se trouvent obligés chaque année de payer environ 100 dollars de frais pour l’obtention de la carte de séjour. Cela crée de grandes difficultés financières pour des familles généralement nombreuses et à bas revenus. Pour ceux qui sont venus de Bulgarie avec des visas de touristes ou clandestinement il y a un autre problème : ils sont traités comme des clandestins et ils n’ont d’autre choix que de se cacher, sans papiers, ni assurance maladie. » 12. Zhelyazkova (Antonina), « Turcite v Bulgaria », op. cit. p. 192. 13. Icduygu, (A.), « Irregular Migration in Turkey »– IOM Migration Research Series, 2003, № 12. 14. AEIM, № 574-ІІІ, 55. 15. Dimitrova (D), « Balgarskite turci precelnitsi v Republika Turcia prez 1989 godina. Adaptacia i promeni v kulturnia model ». In Zhelyazkova (Antonina),dir.,Mezdu adaptaciata i nostalgiata. Balgarskite turci v Turcia, Sofia, MCPMKV, 1998, pp. 76-139, op. cit. p. 84. 16. Dimitrova (D), op. cit, p. 85. 17. Ibidem, p. 84. 18. Arhiv na Megdunarodnia centar za izsledvane na malcinstvata i kulturnite vzaimodeistvia (AMCIMKV) N° 3321/19. 02.2004, p. 188.

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19. http//www.orhanco.com 20. AEIM, N°574-ІІІ, p. 18. 21. AMCIMKV, N°3321/19. 02.2004, p. 224. 22. AEIM, N°574-ІІІ, 13. 23. AMCIMKV, N°3321/19. 02.2004 г., 201 24. AEIM, N°574-ІІІ, 55 25. Sur les musulmans hétérodoxes en Bulgarie, voir Georgieva (Ivanichka) (ed.). « Bulgarskite aliyani » [Les Alijani bulgares], Sofia : Universitetsko izdatelstvo, 1991; Gramatikova (Nevena). « Isljamski neortodoksalni techeniya v bulgarskite zemi » [Les courants musulmans non orthodoxes sur les terres bulgares], In Gradeva (Rositsa), Istoria na mjusjulmanskata kultura po bulgarskite zemi [Histoire de la culture musulmane sur les terres bulgares], Sofia, 2001, pp. 192-284 ; Karamihova (Margarita). « Prikazka za Osman baba » [Récit sur Osman baba], Sofia, 2002; Mikov (Ljumobir) « Izkustvoto na heterodoksnite mjusjulmani v Bulgaria (XVI-XX vek). Bektashi i alevi/alevi » [L’art des musulmans hétérodoxes en Bulgarie (XVIè-XXè siècle). Bektaschi et alevi/alevi]. Sofia, Akademichno izdatelstvo “Marin Drinov”, 2005; Aleksiev (Bojidar), « Folklorni profili na mjusjulmanskite svetsi v Bulgaria » [Profils folkloriques des saints musulmans en Bulgarie], Sofia, Akademichno izdatelstvo “Marin Drinov”, 2005. 26. Hristo Dimitrov Izmirliev (Smirnenski) ( 1898 – 1923) est un poète bulgare, un brillant représentant du post-symbolisme dans la littérature bulgare. En dépit d’une mort précoce, il s’est fait remarqué comme un auteur prolifique— l’une des dernières éditions de ses œuvres complètes comprend huit volumes. couvert d’éloges par la critique littérataire de gauche (pricipalement en raison des idées socialistes dans son oeuvre) et considéré par les cercles littéraires conservateurs de son époque comme un auteur de « poésie décorative »,Smirnenski est un poète au remarquable potentiel parodique et doté de possibilités versificatoires exceptionnelles. 27. Baumann, Z. Europe of Strangers - WPTC, 1998, 3; Cohen, R. Transnational Social Movements: an Assessment - WPTC, 1998, 10; Crisen, S. National Identity and Cultural Self-Definition: Modern and Post-modern Romanian Artistic Expression. 1998 (http://www.ics.si.edu/Programs/REGION/ EES); Debeljac, A. Varieties of National Experience: Resistance and Accommodation in Contemporary Slovenian Identity – Space of Identity, 2001, vol. 1, 35-47; Djuric, J. The Concept of Models of Identity: Existance without Identity – In: Golubovif, Z. (ed.). Models of Identities in Postcommunist Societies. Yugoslav Philosophical Studies, I. Cultural Heritage and Contemporary Change. Series IVA, Central and Eastern Europe, 1995, vol. 10; Faist, T. Transnationalism in International Migration: Implication for the Study of Citizenship and Culture - WPTC, 1999, 8; Guarnizo, L. Assimilation and Transnationalism. Determinants of Transnational Political Action among Temporary Migrants – AJS, 2003, vol. 108, nom. 3, 1212-1248; Moalem, M. Foreignness and Be/longing: Transnationalism and Immigrant Entrepreneurial Spaces - Comparative Studies of South Asia, Africa and Middle East, 2000, vol. XX, Nos. 1&2, 200-216; Petrovic, E. Re-Creation of Self: Narrative of Emigrant Women from Yugoslavia living in Western Canada – Space of Identity, 2003, vol. 3, 8-25; Reisenleitner, M. Tradition, Cultural Borders and the Construction of the Space of Identity – Space of Identity, 2001, vol. 1, 7-13; Sandhu, A. No More Inside/Outside: Transnationalism and The New Politic Economy – Alternatives, 2002, vol. 1, nom. 3; Schiffauer, M. Islamism in the Diaspora. The fascination of Political Islam among Second Generation of German Turks - WTPC, 1999, 06; Siemiatycki, M. Immigration, transnationalisme et citoyenneté. Politique et pratique en matière d’immigration au Canada – Cahiers d’études sur la Méditerranee orientale et le monde turco-iranien, 1992, vol 13, janvier-juin; Sklair, L. Transnational Practices and the Analyses of Global System. Seminar delivered for the National Communities Programme Seminar Series, 1998, 22; Smith, M., Guarnizo, L. (eds.) Transnationalism from Below – Comparative Urban and Community Research, 1998, vol. 6; Vertovic, St. Religion and Diaspora – WPTC, 2001, 1; Vertovic, St. Transnational Challenges to the new “Multiculturalism” – WPTC,

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2001, 6. Pour une analyse des différentes théories portant sur les phénomènes transnationaux voir Sultanova, R. : « Transnatsionalizma kato podhod pri izuchavaneto na postmigracionnia opit na migrantite ». In: Mihova, M. (dir) Da zhiveesh tam, da sanuvash tuk, p.268-291. 28. Gottmann (J.), La politique des Etats et leur géographie. Paris, 1952, p. 70-71. 29. AEIM, N°574-ІІІ,50 30. “Göçmen olmak, gözü arkada olmak.” 31. Parla (Ayse), « Marking Time Across the Bulgarian Turkish Border », Ethnography, 2003, 4(4) ; Parla (Ayse),. « Locating the Homeland : Bulgarian-Turkish “Return” Migration in Transnational Perspective », à l’adresse: www.sant.ox.ac.uk/esc/esc-lectures/parla.pdf [consultée le 17 octobre 2008]. 32. Tous les interlocuteurs avec l’auteur a eu l’occasion de travailler détenaient la double nationalité. 33. La Bulgarie a rejoint l’Union européenne en janvier 2007 (ndr). 34. Voir Bachelard (G.), La poétique de l'espace, PUF, 1957; Ledru (Raimon), « L’Homme et l’espace », In Poirier (Jean), Histoire de mœurs. Les temps, l`espace et les rythmes. Paris, 1990, Editions Gallimard, pp. 66-122. 35. Les migrants chassent avant tout des sangliers, une pratique qui est vue comme distinctive ; la chasse constitue à la fois un divertissement et un moyen de se procurer du porc gratuitement. 36. Au sujet des dialectes turcs en Bulgarie voir : Kowalski, (T). Les Turcs et la langue turque de la Bulgarie du Nord-Est. Mémoires de la Commission Orientaliste de l’Académie des Sciences de Cracovie, No. 16. Krakow: Polska Akademja Umiejetnosci, 1933; Аndrews, (Аlford), Türkiye`de Etnik Gruplar, Ankara, 1992, ANT Yayınları. Les linguistes distinguent plusieurs dialectes turcs de Bulgarie. Ici nous parlons d’un dialecte car il s’agit d’une catégorie d’usage commun, correspondant aux représentations des personnes. 37. Des écoles turques ont existé en Bulgarie sur une longue période, entre l’indépendance du pays obtenue, de fait, en 1878, et même après l’établissement du régime communiste après 1944. Le Parti communiste bulgare a progressivement adopté une politique visant à réduire leur rôle, avant de décider de les fermer vers la fin des années 1950. Par ailleurs, le pouvoir communiste a créé en 1958 une commission universitaire dont le but était de faire entrer des termes bulgares dans la langue turque. Au terme de cette politique, de nombreux termes turcs, noms de villes, de mois, d’institutions ont été remplacés par des mots bulgares ou translittérés selon des règles linguistiques bulgares. Cette « bulgarisation » du dialecte turc de Bulgarie a contribué à sa distanciation et différenciation par rapport à la langue turque parlée en Turquie. Voir Jalămov (Ibrahim), Istoriya na turskata obshtnost v Bulgariya [Histoire de la communauté turque en Bulgarie], Sofia, 2002, pp. 336-337. 38. AMCIMKV, N°3321/19. 02.2004, p. 299. 39. Pour plus de détails sur ces deux derniers groupes de migrants, se reporter à Maeva (Mila), « Les migrants tucs bulgares en République de Turquie (culture et identité). Sofia, IMIR,2006, à l’adresse : www.imir-bg.org/imir/books/balgarskite%20turci%20preselnici.pdf

RÉSUMÉS

En raison de leur poids démographique, de leurs appartenances ethniques et confessionnelles et de leur distribution géographique, les Turcs bulgares ont toujours fait l’objet d’une attention

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particulière de la part des pouvoirs publics bulgares et turcs. L’article présent retient toutefois un angle d’approche spécifique en se concentrant sur la trajectoire des Turcs de Bulgarie qui ont quitté le pays pour s’installer en République de Turquie entre 1989 et 2004. L’article identifie plusieurs types de vagues migratoires : la première, provoquée par le « processus de Renaissance » (l’assimilation forcée), la seconde par les changements politiques et économiques du post-communisme et la troisième, la plus récente, connue sous le nom de « migration de brues ». Il envisage ensuite les difficultés d’adaptation que les Turcs installés en République de Turquie ont pu rencontrer. Parmi les Turcs de Bulgarie, trois sous-groupes peuvent être distingués : les « migrants », les « ré-émigrants » et les « personnes naturalisées ». La politique de l’Etat d’origine et de l’Etat d’accueil des migrants, les modes d’organisation du nouveau territoire, les stratégies d’adaptation sociale, le niveau de réalisation socio-économique, les relations de contact et de conflit avec la population locale exercent tous une influence sur les auto-définitions ethnoculturelles adoptées par les migrants turcs en Turquie. La notion de « communauté transétatique » nous semble ici précieuse pour désigner une communauté qui appartient à deux Etats et se déplace régulièrement de l’un à l’autre dans un effort pour préserver son ancien modèle culturel tout en cherchant à optimiser ses conditions de vie. Les principales caractéristiques de ce groupe sont la double citoyenneté, une mobilité permanente, un habitat compact, des activités professionnelles communes, la diglossie, le bilinguisme, la préservation de la religion et de la culture nationale traditionnelle, l’endogamie et, finalement, la valorisation d’un système de valeurs propre.

INDEX

Index géographique : Bulgarie, Turquie Mots-clés : Turcs, Minorité turque, Migrations, émigration

AUTEURS

MILA MAEVA Dr. Mila Maeva est chercheur à l’Institut d’ethnographie de l’Académie des Sciences bulgares (BAN), Sofia. Diplômée d’ethnologie à l’Université de Sofia « Kliment Ohridski », elle y a soutenu en 2005 une thèse sur « l’Identité ethnoculturelle des Turcs bulgares migrants », après avoir également effectué des recherches sur les Bulgares musulmans dans le cadre d’un travail de maîtrise. En 2007, elle a obtenu une bourse de spécialisation du British Council au Center for Research of Ethnic Relations (CRER) de l’Université de Warwick (Grande-Bretagne). Ses recherches actuelles portent sur les migrations bulgares en Grande-Bretagne, mais également sur les enjeux identitaires et les groupes ethnoculturels (musulmans, turcs). Elle a récemment publié : « Religija i identičnost na turcite, preselnici ot Bălgarija v Republika turcija [Religion et identités des Turcs émigrants en République de Turquie], in : Margarita Karamihova (dir.), Ti imaš ajsen znak ! ‘Zavrăštane’ na religiosnostta v kraja na XX i načaloto na XXI vek [Tu as un signe distinctif clair ! Le « retour » de la religiosité à la fin du XXème et au début du XXIème siècle], Sofia : Faber OOD, 2007, p.143-158 ; Bălgarskite turci-preselnici v Republika Turcija (kultura i identičnost) [Les Turcs bulgares émigrants en République de Turquie (culture et identité)], Sofia : IMIR, 2006. [email protected]

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Being Gypsy in Europe. The Case of Bulgarian Roma Workers in Spain

Magdalena Slavkova

1 The multidimensional character of identity enables speaking of various ones, revealing different aspects of community societal positions. The dynamic processes of the enlarging and integrating Europe arouse and continue to arise significant changes in the processes of experiencing of identity/identities and their expressions. The identity of the communities is laid on new conditions and it acquires new dimensions, so that we could speak of new forms of identity negotiation. The changes caused by the downfall of the socialist regime of governance in Bulgaria in the last 19 years and the ensuing social and economic crises led to the migration waves towards Western Europe and Mediterranean area. Spain became one of the preferred destinations for work abroad.

2 In the article I deal with the new significations of Gypsyness generated by the transnational labor mobility of Bulgarian Roma. I have adopted the ethnological approach. It is based on field work carried out in the cities of Murcia and Cartagena in Southeastern Spain and settlements in different parts of Bulgaria. The link among the communities dealt with in the text is the “journey” to Spain.

Gypsies in Bulgaria

3 The heterogeneous community of the Bulgarian Gypsies leads a varied way of life1. Part of them speak Romanes (Gypsy language), but to others the mother tongue is either Romanian, Turkish or Bulgarian. Some of the Gypsies are Christians (Orthodox or Protestants), yet others are Muslims.

4 The most important distinctive marker among the Gypsy groups is the self- consciousness of belonging to the community. The combination of the criteria such as vocational specialization, lifestyle, religion, language etc. impacts the complex structure of Roma identity. In the recent past some of the Roma led a mobile way of life (Rudari, Košničari, Kardaraši, Burgudžii, Thracian Kalajdžii, Čelenderi, Kamčibojlii,

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Carenge roma, etc.), unlike those whose ancestors have long since settled (Erlii, Muzikanti, Xoraxane roma, Dasikane roma, Asparuhovi bâlgari [“Asparukh Bulgarians”, they define themselves like this after the name of the old Bulgarian Khan Asparukh, whom they consider to be their “king”], Millet, Gypsies with a preferred Turkish identity, etc.). The last of nomadic groups settled after the 1950s, when the No. 258 decree of the Council of Ministers ordered compulsory sedentarization and settling at a given address of all nomads2. In the majority of the Gypsies the endonym of the group originated from the kind of livelihood they practiced or have practiced – for example Košničari (they weave baskets, chairs, flower stands, etc.), Kalajdžii (because they tinned utensils), Muzikanti (they play music), Čelenderi (they manufactured various hardware, etc.)3.

5 The inclusion of the Gypsies in the common migration flows varies according to the group and thus the question should be asked whether the former nomads or settled Gypsies were more likely to practise labour in emigration. Overall, both representatives of the two communities – former nomads and settled Gypsies - leave. Altogether the successors of the Gypsies who had settled for centuries in the Bulgarian lands dominated the migrant scene. Representatives of almost any settled communities tried their luck abroad. Leaders from the former nomads in the illegal labor mobility are the representatives of Rudari group. Generally, representatives of communities who led a different way of life and had practiced and some of the partly still practice specific traditional crafts left for the Iberian Peninsula. An interesting moment in the period after the gradual settling down of the former nomads from the 1950s onwards was the inclusion of the Gypsies in the new socialist cooperatives, the so-called TKZS (Labour Co-operative Farms) and the DZS (State Farms).

6 After 1989 the Gypsies were involved in various labour spheres and implemented varied economic strategies, some of them had not been practiced before. Some of these are “illegal business”, for example the bearings scam by the Burgudžii. Gypsy NGOs also began to appear, as a new way of solving the problems of the Roma and realising the activity for the “Roma community” through the financing of various projects by different sponsors4. During that period, pick-pocketing by the Kardaraši increased. The groups of Gypsies from Bulgaria turned towards cross-border labour mobility as a new economic strategy and form of adaptation in search of a way out of the difficult economic and social situation.

7 Moreover, the out-migration does not constitute a new phenomenon. During the socialist years transnational migration was also known among Bulgarian citizens as included work in destinations inside or outside Europe (socialist states, USSR, Libya, Israel). Roma men (or families) are active participants in the out-migration flows as well. They have worked mainly as constructors or musicians. The current migratory movements originating in Bulgaria resemble a traditional pattern in the area, the so- called gurbet, through which workers migrated abroad for short periods of time (usually for one working season, depending on the type of the labor activity) in order to provide some extra income to their households, where the families are left behind5. Like the surrounding population initially the Roma stuck to the common Balkan migration pattern of the gurbet. Until 1878 workers on gurbet migrated to other regions in Central Europe under the control of the Ottoman Empire, but after that date and until the thirties of the 20th century one of the preferred destinations for Bulgarians had been the US6. Nowadays it could be often heard that the family or some

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of the members is/are on gurbet, the transnational workers are called gurbetchii as well.

The Experience of Migration towards Spain

8 Spain is a Mediterranean country and is situated in Southwestern Europe, thus it is quite far away from the motherland of Bulgarian Roma migrants. Nevertheless, Spain is one of the most preferred destinations and an important area of European mobility of Bulgarian citizens in the Mediterranean. Spain is one of the states, once known for outward migration (in the 1970s), transformed later to a country receiver of immigrants7.

9 Contemporary migration movement towards Spain have developed since 1990, as it could be determined three main flows – in the end of 1990s ; since 2001 when Bulgaria was removed from the “black Schengen list”, which scrapped the visa regime with Spain ; since 2007 when the state has joined the European Union, and Bulgarian citizens are able to travel freely to Spain only with their IDs. The statistic shows that nowadays the most attractive destination for both Bulgarians and Rumanians still remains Spain.

10 During the years after 1989 the Kingdom became an attractive destination for work of all Bulgarian nationals8. After the mid-1990s the process sped up and could be named a “migration wave” in that direction, thus the Bulgarian migration to Western Europe took on a larger dimension prompted by the economic crisis. The year 2001 constitutes an important turning point in the migratory movements originating in Bulgaria. The Bulgarian residents are able to stay without visa for a maximum duration of 90 days every six months from the day of the first entry in a Schengen state. The possibility to travel regularly between Bulgaria and Spain has set off a new migratory process, a pendulum migration9. In January 2007 Bulgaria joined the European Union, and now Bulgarian residents are able to travel freely within the Union only with their IDs. Border control has been suspended in terms of marking the date of exit and entry, and “black” seals are long gone. However, the Spanish governments apprehended that Bulgaria’s membership would translate into large numbers of immigrants and have imposed a moratorium on the entrance of Bulgarian and Rumanian migrant workers until 2009. This means that those who wish to work still need a special permission given by the government. In recent years migration towards Spain is still going on, but at the expense of neighboring Portugal in some cases because of the saturation of the Spanish labour market.

11 It is hard to say exactly how many Gypsies have left Bulgaria to work in Spain. Researchers say that migration from Bulgaria has an ethnic profile and that in some communities Gypsy emigration prevails10. According to data of the Bulgarian National Statistical Institute (NSI) in 2001 9% of the emigrants believed Spain was a country where they could work and solve their material problems. In 1992-1993 nearly 60 000-65 000 people left Bulgaria but it is not clear how many of them were Gypsies11. The deterioration of the social and economic situation after the mid-1990s invigorated the dynamics of the migration process. After April 2001 we could count some 600 000-800 000 people who left Bulgaria, again without a notion how many of them were Gypsies12. According to data for 2007 of the Spanish national statistical institute (INE), the number of Bulgarian nationals residing in the country is 122 057 and the greatest number of them lived in the administrative regions of Valencia and Madrid,

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27 542 and 26 306, respectively13. In all likelihood the Bulgarian migrants, including the Gypsies, in Spain outnumber the above-mentioned figures.

12 The main and defining reason for emigration in Spain is the economic drive. The transition from a government-run to a market economy in the 1990s in Bulgaria has been related to the high inflation and unemployment rates that affected the entire population of the country. Many Gypsies remained without jobs when the industrial giants of the past closed production and the agricultural cooperatives went bankrupt. The common crisis affected severely all ethnic communities but the Gypsies in particular14.

13 The various Gypsy groups could have a different motivation to go to work in the given country. The Rudari with their subdivisions of Lingurari (“spoonmakers”, also called Kopanari, “troughmakers”) and Ursari (“beartrainers”) are the most active among the Gypsies who used to lead a mobile way of life. They are one of the first group of Gypsies who started work abroad : at first in Greece and Cyprus and then in Spain, Italy and Portugal15. An important reason for them to prefer Spain is the proximity of their mother tongue, Romanian, to Spanish. The representatives of the Carenge roma (from “cara” – a Gypsy camp) from the regions of Pazardzhik and Peshtera, the Čelenderi from Yambol region, and the Kamčibojlii from Burgas region (all of the towns are in Southern and Southeastern Bulgaria) are also active in the practice of migrant labour. Spain became a popular destination for labour with them just like with the rest of the Bulgarian nationals for a number of reasons, including the existence of already established migration networks. Unlike those groups, the Thracian Kalajdžii, the Burgudžii etc. take almost no part in the migration processes or have registered only isolated cases of travels abroad. The Kardaraši joined the processes of cross-border mobility, but their excursions took a specific shape (the practice of pick-pocketing). Bulgarian Gypsy migrants in Western Europe in their majority migrate as composite (though in some extent separate) part of the overall migratory waves of citizens from the country of their origin. They as a whole repeat in big extent the same basic strategies of labour mobility. In this meaning, there is no difference in migratory patterns between the settled for centuries Gypsies and the ones, who are former nomads, relatively soon settled (during the 50es and 60es of the 20th century). The main reason is that the most of the former nomads have preserved many of their group characteristics and inter-group social organization. Indeed, they adopt the changes in the society they live in their own way in comparison with settled Gypsies, where the changes reflect them stronger.

14 Spain is one of the most remote destinations in the EU from the point of view of distance from Bulgaria and the ride by coach takes nearly two-three days. The Gypsies, like the rest of the Bulgarians, use various transportation means to get there. Those who leave try to respect the requirements of the law for travels abroad in order to guarantee the success of their journey, despite the fact that often they use forged papers to prove the purpose of their travel. One of the most common ways to get to Spain is through the use of the so-called “traffickers” (kanaldzhii), who drive their passengers across the border in vans and rely on a network of “traffickers”. An informant I met in Murcia in May 2006 had arrived in Spain via a network of traffickers, and had paid € 200 to get to Spain and only € 70-80 to get back. A popular way to travel until April 2001 was the tourist visa to Spain that guaranteed legal passage at the border checkpoints. Bulgarian migrant workers went to Spain by bus since a bus ticket

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costs not too much and making the trip economically possible for most people. The freedom of movement along the EU inaugurated in 2001 also meant a diversification of the means of transportation used by immigrants. Indeed, to travel by airplane is becoming a popular means of transportation from Bulgaria to Spain, although the bus still is very popular. Flying in many ways avoids unnecessary border control and has fewer risks. The long-lived in Spain Rudari usually travel by plain because they have a financial opportunity to do it and self-confidence of workers earning well. Altogether, the Gypsies like all immigrants try to spend less on travel fares, so they always find the mot feasible way to make the journey. A car ride supposes greater convenience, those who travel are “inconspicuous”, and could state various purposes of their journey in front of the border officials. A family of Kamčibojlii left for Spain in their own car in 2004. They were going to Lorca (Southeastern Spain, region of Murcia) to a friend of the father of the family, who had promised to help them find work and a place to stay. Before they reached Italy they told the border officials they were going to visit a grandfather who lived in Italy and whom they had not seen in a while.

Roma Workers in Spain

15 The Mediterranean area in Spain became very popular destination among the migrants, including Gypsies. The transnational workers usually direct their migratory projects to the two types of settlements – big cities which are situated near the capital city of Madrid or they arrive at the nearby towns of the capital of the Spanish provinces (Burgos, Valencia, Murcia, Bilbao, etc.). The second mode is oriented to the small towns and villages, which are situated, however, in developed tourist regions or in fruitful agricultural regions.

16 The most desired destinations of the Gypsies for practising migration labour are the South of Spain (Comunidad de Andalucía, Región de Murcia), the East and part of the North of the country (Comunidad Valenciana, Cataluña, Aragón, Castilla y León). There are a great number of Gypsy migrants in País Vasco (Northern Spain) as well. The central areas (Comunidad de Madrid and Castilla-La Mancha) are some of the most attractive destinations. Migrants prefer those regions because they can easily find relatively well-paid work there. Certain tourist sites are located in those regions, which creates more jobs and offers a variety of activities to do. In the northern regions (Galicia, Asturias, Cantabria etc.) there are only a few Bulgarian immigrants due to the fact that they are underdeveloped in economic terms compared to the rest of the country.

17 Gypsy migration to Spain is in most cases in the short term, but there are examples of a transition from cross-border labour mobility to lasting emigration. Seasonal mobility processes have been registered among migrants, in whose families only one or two members work abroad during the farming season, and then return to Bulgaria and then go back to Spain again. There is another type of longer lasting labour migration in Spain, that can also be termed “temporary”, because the family wishes to return to Bulgaria forever after some time, but meanwhile they will have to “make some money”. In both cases they work abroad but wish to settle in their land of origin. The transition from cross-border labour mobility to lasting emigration happens when the first children in immigration are born, or when their children born in Bulgaria join them in

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immigration and have to start school or socialize in the new surroundings. Thus, a process of legalization in the host county begins.

18 Spain is an example of availability of Gypsy migrant clusters, mainly with Rudari residents. The predominant number of migrating Gypsies headed for destinations where they already had relatives or close people who could help them adapt, find a job and a place to stay. The latter condition turned out to be a powerful factor as it created in migrants the feeling of security, whenever they stayed with their families and kin. Similar to other migrants they adapted more easily by means of grouping together or the so-called “chain migration”16. The first people who left for Spain were followed by other family members, their relatives, and finally, the neighbours and other acquaintances from the neighbourhood. In some Gypsy neighbourhoods in Bulgaria almost each family has a relation or a more distant family member working in Spain. The multiple stage migrations (migrations of relatives that take place in several stages) are characteristic of both the Bulgarian population and the Gypsies. Settling by means of grouping together provides quicker adaptation to the new living conditions and helps preserve the identity of the migrants. In some regions the migration process has acquired such dimensions that the Gypsies from the same neighbourhood go to the same city or village abroad, whereas people from another neighbourhood in the same place of origin in Bulgaria leave for a totally different part of Spain or even another country. For example the Gypsies from Peshtera (Gypsies with a preferred Turkish identity, Carenge roma, Dasikane roma) have had years of experience in emigration to Western Europe17. The former inhabit the Ediveren neighbourhood, while the rest live in the Lukovitsa neighbourhood. The Ediveren Gypsies emigrate mostly to France (Bordeaux) and Germany (Berlin, Stuttgart, Dusseldorf), whereas Dasikane roma and Carenge roma from Lukovitsa go to work in Southern Spain (Murcia ; El Ejido, Matagorda, province of Almeria) and Northern and Central Portugal (Porto, Guarda). In certain regions of Bulgaria the Gypsies always choose the same countries to go to and “try their luck”. Thus, the Rudari from Byala Cherkva (Veliko Turnovo region, northern Bulgaria) emigrate to Spain and Italy, and those from Burgas region prefer to go to Greece, mainly. The Turkish Gypsies from Balchik and Kavarna (northeastern Bulgaria) prefer to work in Poland, whereas the representatives of the same group from Sandanski (Southwestern Bulgaria) go to Cyprus, Greece and Spain. During my fieldwork in Bulgaria I came upon the Rudari neighbourhoods (Pleven, Vratsa region, etc.) of which the adjective “barren” would not be an exaggeration. The shops in Letnitsa neighbourhood (Pleven, northern Bulgaria) had padlocks on. Most of the houses were empty, elderly women set on the benches outside their homes and little children were playing around. The able-bodied population had gone to Spain.

19 If the respondents had remembered and know the exact location of their family and acquaintances from the neighbourhood abroad, that would attest to a well-developed migration process. For example, Dasikane roma from Lukovitsa neighbourhood in Peshtera have families in El Ejido and Matagorda, some of the Gypsies from Sliven (Muzikanti, Dasikane roma) have closer or more distant relatives in Murcia. Informants from the group of Muzikanti from Kotel periodically perform in (northeastern Spain), while the Muzikanti from Zlataritsa live and work in Bilbao. The Asparukh Bulgarians from Kotel emigrate to Zaragoza (northern Spain), Barcelona and Madrid. I talked to Kamčibojlii from Aitos (Burgas region), who until recently had worked in Lorca and others in Madrid. The Košničari from Lukovit (Pleven region) and the Gypsies with a preferred Turkish identity from Pleven region have relatives in

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Madrid. I met families of Rudari from Byala Cherkva, whose relatives lived and worked in , Iscar (northern Spain, province of Valladolid), Valencia (eastern Spain) and Rudari from Shabla, whose acquaintances were in Madrid and Cuenca (central Spain, district of Castilla-La Mancha). Gypsy musicians from Pernik (Sofia region) have relatives in Cartagena and Madrid.

20 Spain became popular with the Bulgarians as a destination for migration because in their opinion one could find a job and earn more or less well. The authorities in Spain have de facto accepted and aided the expansion of labour migration through regular campaigns to legalize migrants18. In 2005 Spain launched a campaign for legalizing the status of those not allowed to stay. The government granted a legal stay status to some 500 000 illicit immigrants who had a labour contract, had spent at least six months in the country (had a registered address) and had not committed criminal offence. More than 20 000 Bulgarian nationals who did not have a permit to stay applied for legalization of their stay19.

21 Spain started to become a net receiver of immigrants, so that nowadays there are many Latin Americans, Arabs and Africans living illegally/legally in the country. The Spaniards have become more or less used to being surrounded by people of different ethnic origins and a different color of the skin, so none of them was shocked by the fact that the labour from Bulgaria were Gypsies, nor has it been made into a problem. On the other hand, the Spanish residents find it hard to distinguish between Bulgarians and Gypsies and assume that they are Bulgarians. That is particularly so when the migrants do the same kind of labour, lead a similar way of life and in some cases inhabit the same immigrants' quarters.

22 A characteristic feature of the Gypsy emigration towards Western Europe, Spain in the case of this paper, is its gender and age profile. The Gypsies from Bulgaria do not look much different from the surrounding population in their common migration strategies. Within the framework of the common migration flow they preserve a certain isolation as community (mostly on group or regional-residence) level, which remains once they have settled in the foreign country. At first, one family member leaves the country. In this case women are equal participants, and in many cases it is women who leave abroad, while the men stay behind. The feminization of transnational labor mobility is a typical for Rudari ; it could be observed in some cases among the Turkish and Bulgarian Gypsies, but rarely among the Millet (i.e. “people”, they are Muslims), the Gypsies with a preferred Turkish identity, etc. Sometimes, the first to leave are single young men. The reason is that they do not have a family or children to look after, and this enables them to adapt more quickly. Another important prerequisite for their journey is the high unemployment rate, especially in the countryside, among the young able-bodied population and the lack of prospects for fulfillment in Bulgaria. According to an informant from Peshtera, one of the first from the Lukovitsa neighborhood to leave form Spain was his grandson. He left for Spain 11 years ago. He stayed there a few months after failing to find a job, and moved on to France, where a Serbian Evangelist helped him to find a job. The Serb invited him to his home, gave him food and helped him to learn French. Currently the grandson is still in Bordeaux, and owns his own construction company.

23 The next stage is that all the able-bodied family members leave. In the event of only one family member leaving the country, travel fares and expenditure for settling in the new place are lower. This turns out a major advantage to many families. Gradually,

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cross-border mobility expands and the able-bodied young people leave in emigration. Only the elderly generations remain to look after the little children. This is where the principal difference with the emigration of Romanian Gypsies towards Spain lies. In most cases entire families leave creating the impression that they leave for good20. Another form of emigration with the Bulgarian Gypsies is several family members traveling together (a family couple, two brothers, a mother and her son, an uncle and nephew etc.). Migrants hope they will adjust more quickly to the new surroundings by having a close person by their side. Respondents have admitted to the common belief that it is always better that spouses should stay together in order to preserve their family. For instance, among the Gypsy musicians men travel and work abroad alone as well as with their spouses because they have joint performances at the street or in restaurants.

24 Upon their arrival on the Iberian peninsula the Bulgarian Gypsies find themselves in a foreign country, with a different living standard and culture. Adaptation to life in the Kingdom to each of the families is of various duration and difficulty. However, the representatives of the separate communities happen to be extremely flexible in their ability to find work and to “get used to the conditions”. Some of the Gypsies are forced to live (albeit initially) in very difficult conditions that might seem unacceptable to other migrants. In any case the family, or group principle of settling, followed by the neighbourhood/city/village and finally the country principle (for example, Gypsies from Bulgaria) is observed in decreasing order of importance. The collective way of life preserves the traditional norms, and migrants feel in their own element even away from their land of origin, and it also helps save money for room and board. In the first years of emigration people often left for Spain “to try their luck” without a clear idea where they were going and what they were going to do. A lady informant from Sliven arrived in Spain many years ago, but had no relatives to stay with and “slept in the fields” until she picked the language and found a job. When settling the emigrants prefer places where they have relatives and acquaintances who have already established themselves. Thus, the Rudari from Byala Cherkva leave for Iscar, whereas the Rudari from Vratsa region preferred to go to Burgos, Segovia, Zaragoza (Northern Spain, Castilla y León) etc. Once they arrived in Spain the Gypsies from Bulgaria settled in immigration quarters, where they could find cheaper lodgings. Thus, a musician from Pernik has rented rooms in the old part of Cartagena, where mostly Arabs live. A family of Kamčibojlii from Aitos settled in the Moroccan quarter in Lorca, where life is cheaper, and the other inhabitants are Muslims lime them. In Patiño (Murcia region) I met Gypsy immigrants from Bulgaria and Romania. They lived together is an abandoned semi-dilapidated building. The workers from Bulgaria were originally from Kyustendil (Western Bulgaria) and Pazardzhik region. Most of them were men, but there were a few family couples. All of them had rented a single room. Next to them lived Romanian Gypsies. What is interesting in this case is that some of the Bulgarian and Romanian Gypsies were Evangelists and in their free time they held religious services on a meadow in the open air21. The Gypsies from two neighbouring countries feel they have more in common because of their common faith in Jesus Christ, compared to their common ethnic origins. i.e. the fact that they are Gypsies. The Gypsies turn to the immigrant hostels run by various charities only as a last resort. In one such hostel (“Jesús Abandonado”) in Murcia in May 2006 there was not a single Bulgarian or Romanian national. Most of them were from Mali, Mauritania, Senegal, Ghana, etc. Very seldom migrants from Bulgaria can afford to stay at a hotel while they

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work abroad. However, there are exceptions. For example a lady informant from Kotel and her husband work for a month or two abroad (including in Spain) as musicians. For the time of their stay they always hire a hotel and seldom use private lodgings.

Labor Activities and Performance of Identit(ies)

25 Labor activities of Roma abroad is influenced by several chief factors: migratory politics of the state (laws and regulations concerning migration); the period of sojourn abroad ; plans of the families for the future (whether they have an intention to live in emigration or they want to come back at home after a certain period of time; education and qualification of migrants ; actual situation of migrants abroad (legal/illegal) ; labor conditions and payment.

26 The migratory politics of the state toward migrant workers and the multiple ways through which national and international laws control transnational migration are very important circumstances to be preferred one or another destination. State regulations towards transnational migration determines a variety of aspects such as the number of immigrants allowed to enter and to work legally in the country, the facilities and the possibilities to “regulate” their legal status, the opportunity to have a job contract and work in the formal economic sector, the choice of destination (in relation to police controls in the borders upon arrival, at airports or in public places). The influence of state regulations transcends the control of the migratory flows and permeates the realm of the everyday life of immigrants because, to a large extent, national legislation on foreigners shapes migrants’ experiences and local people’s attitudes towards immigration and immigrants. These regulations may enact specific definitions of kin and family restricting the rights to family reunification22.

27 Because of the short period of living in Spain for many of the migrants theirs education and professional qualifications are not winning in order to include at the Spanish labor market. On the other hand, even they have higher qualification it is quite difficult to realize because they remain immigrants. More chance in that way have their children who educate in the local schools, socialize in the new conditions and could be integrated successfully in the society. Enjoyment of the required permits for work and stay is an important factor to be practiced one or another job in Spain. The foreigners who wish to stay and work legally in Spain need to produce Autorización de residencia y trabajo en España (“Stay and work permit”). The official Spanish name of the papers has coined the term residencia, which has become a familiar word with the immigrants in Spain and their families in Bulgaria. A lot of Gypsies (as well as other Bulgarian nationals) live and work in Spain without the required permits and are in fact illegal or semi-illegal (i.e. they have a permit to stay, but not to work). The Gypsies I met in Murcia in May 2006 had already been living there for several months without the right papers. Other of the Gypsy informants have spent years in Spain at the time I met them and had even taken their families with them and had residencia.

28 The labor activity of the Bulgarian Gypsies in Spain is gender specific. There is a professional specialization with the communities as tradition. The Gypsies repeat overall the patterns of the surrounding population in finding a job abroad and the community distinction is at a lower level within the common framework of the cross- border mobility of the Bulgarian residents. They fill in shortages of cheap labour in various spheres and do different kinds of unqualified labour. Often Gypsies from

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various groups work in the same field. Some communities turn to specific (“marginal” in society perception) activities when abroad (for example begging), that are either a modified version of a previous occupation, or a new kind of economic strategy. In this way they resemble some of the groups of Romanian Gypsies, who also opt for marginal activities in Spain23.

29 There is a local Gypsy population in Spain called Gitanos (or Calé/Calos). Their living standards are higher than those of the Balkan Gypsies, and they occupy their specific economic niches and do not have professional contacts with the Gypsy immigrants. The only migrants with which the Gitanos could have had certain relations or origins of such relations are the Evangelists. The Gypsy Evangelists hope to find work by means of the Evangelist network, as well24. Keeping in mind the religious profile of the migrants (Muslim, Orthodox and Protestants), we could say that the Evangelists are the one who help each other out to the greatest extent. The other practise their religion both in Spain and in Bulgaria is a rather passive way and religion is not a key factor in emigration. Solidarity in the labour sphere among the Bulgarian immigrants is manifested at various levels with the family principle being the leading one. The communities be it former nomads or long ago settled have various ideas of how money should be earned and families fed, and therefore have different visions on “morality” in business dealings. If some of the groups turn to begging, others consider it a “very shameful occupation”.

30 Women and men do different kinds of work. The Gypsies manage to find work in a limited number of areas – agriculture, social and public service, construction and music entertainment25. Jobs in the agriculture are more often than not seasonal ones and engage in all sorts of vegetable and fruit picking – oranges, lemons, olives, grapes, peaches, tomatoes, artichokes, lettuce, cucumbers, beans, potatoes, etc. People work wages or a certain daily output they have to submit as minimum requirement, either in the fields or in greenhouses. Both men and women opt for this kind of work. For example a family of from Aitos has been living in Lorca for several years. The whole family began work (the mother, the father and the two children) as seasonal hands in the agriculture sector. An Ecuadorian hired them. The children went to a Spanish school, and in the weekend and during the school holidays they help their parents put in the field. Rearing domestic animals (goats, etc.) is another option for employment in Spain. This sector hires more often men, but also women. After some time the father of the same Kamčibojlii family contacted some Moroccan employers from their quarter and found a job as a driver, who drove workers to the field, while his wife started rearing goats. Many of the Rudari migrants are busy in farming as seasonal workers. Women migrants often work in the social and public sphere services. They are either housemaids or look after elderly and sick people. Sometimes the women work as cleaning ladies in various offices or do the washing up in restaurants. Men in the same sphere work as gardeners (maintenance of private parks and gardens) in the homes of well-to-do Spaniards. They can also find work in the transportation business. A key area of employment for the qualified male labour is construction and other related activities. They usually start as unqualified. Men from various Gypsy groups do that. The nephew of a Rudari informant from Turnovo region has been residing in Spain for many years. He works as a wood carver there. In Bulgaria he graduated the Vassil Levski Higher Military University in Veliko Turnovo, but has never worked in his major.

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31 The Gypsy musicians work abroad too. They are either street musicians or get hired to play in restaurants. The people from musicians’ families earn their living in Spain by doing only this26. Some of my informants were descendants of family military band musicians, who originated from Kotel (Sliven region). The Muzikanti when abroad play various versions of Balkan (including Gypsy songs), popular, and traditional European music27. This occupation is regarded as a prestigious one, because it earns “good” money. Playing in the street is also prestigious because of the good earnings and the positive attitude of the Spanish people unlike the attitude in Bulgaria, where street musicians are perceived as beggars. An informant and his family have been residing in Spain for a few years. They live in the country legally and own a flat in the central part of Murcia (old lodgings from the times of general [1939-1975] in an immigrants’ quarter). He teaches music lessons to children in a culture club, and performs at concerts. In his free time he works as a street musician. The informant said he would not give up playing the accordion in front of Murcia’s Cathedral because he made good money and there was his “office”, i.e. the venue where he struck his professional engagements. Street musicians shared the key areas suitable for making music in the central city areas. In this way they do not stand in one another's way and earn money each for themselves. During my stay in Murcia my informant from Sliven introduced me to a colleague of his, an accordion player from Romania (from the group of the Lautari). The two musicians played in the city centre, in the same area, but had placed one another at such a distance so as not to get in the way of the other and thus, lose customers. In Kotel I met some informants who had been working as gurbet makers in a Greek Tavern in Barcelona. Later they decided to work as street musicians in the French city of Perpignan. The husband and the wife have been touring the world as musicians since the 1980s. They have worked in various countries - Bulgaria (in the resorts), Germany, Poland, Spain, and France. They spent a month, or two at the most, abroad, after which they returned to Bulgaria and then left again. The lady informant performed Bulgarian folk songs, Gypsy songs, etc. while the husband accompanied her singing.

32 Some of the migrants manage to find a more lucrative and more prestigious job with time. This is usually accessible to immigrants, who have been residing in Spain for many years, and have learned the language well, and also the local ways. Some of them find fulfillment as chefs, or assistant chefs, shop assistants, factory workers, etc. I met a lady informant in Spain, a Gypsy woman from Sliven, who had settled in Murcia with her son for several years. She worked as a housemaid. She had found an extra job as a mediator to the ASPROSOCU NGO. Her work consisted in contacting Bulgarian Gypsies, helping with conducting interviews and interpreting from and into Spanish.

33 There are isolated cases when the Gypsies get involved in the criminal world, for example, soliciting in the West (including in Spain). In my opinion however we cannot establish a trend, and a large-scale participation of Gypsies in the shady business. Begging is a typically Gypsy adaptation strategy and representatives of groups, who have not practised it in their home land (at least the latest generations), turn to this trade. The relatives from the neighbourhood refuse to comment it, and keep it a secret, and talk of an occupation beyond any doubt in front of neighbours and acquaintances. Beggars have problems with the police, if they are caught red-handed, but the benevolent attitude of the Spanish people towards those “seeking mercy” and the money they make, allow begging to exist as a possible occupation. I met a few Bulgarian

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immigrants who worked as beggars in front of the Catholic churches in Murcia, despite the fact that they themselves were Muslims or Evangelists. They usually “work” in couples, man and woman. All informants are unanimous that begging was only a temporary “job” while they found something “better”, and “more suitable”. The migrants I met in Murcia said they would continue begging until the season for the picking of the peaches and the artichokes began. They said begging was not considered shameful in Spain and that the local people always left a coin in the plastic goblet with a smile. In Murcia there has been a non-written distribution of the territory for work among the Bulgarian and Romanian Gypsies, as well as among the Bulgarian Gypises from various places and regions in Bulgaria. In most cases I saw Romanian Gypsies beg in front of underpasses (the women) or sell handkerchiefs (in pairs) on the road lanes to passing drivers (“hidden begging”). Among the group of the Kaldaraši cross-border mobility in a great number of cases takes a rather weird shape – taking girls or young married women, accompanied by the mother-in law or male relatives to pick pockets abroad. In Spain they go to “work” in the huge cities, Madrid, Barcelona, and Valencia.

34 To employers immigrant labour is cheaper than that of the Spanish people. The majority of the Bulgarian migrants are aware that labour without “residencia” costs less. A lady informant from the region of Vratsa told me about her experience in Spain. She and her sister-in-law were engaged as hired workers in agriculture and they worked on the field all the day. The owner did not pay them money, as he promised initially, but he gave them a bag with potatoes. The women could not look for their rights because they had not legal documents, neither the women spoke Spanish to take a conversion with him.

35 To a great many of workers, however, the money they earn is enough so that their families could lead a decent life in Spain and to help their relatives in Bulgaria. According to field work data, the musicians earned the most. For example, a night of performing at a Greek tavern in Barcelona earns a couple of musicians € 500. Street musicians also make good money. Those who work wages (construction workers, farm hands, cattle breeders) earn € 25-50 a day depending on the type of work and the region they reside in. Others, who work on monthly salaries (gardeners, housemaids, social workers, etc.) receive sums that are close to the country’s minimum working salary. Those who do specialized labour get payment nearing the country's average salary. The Gypsy beggars in Murcia for example collect enough money to subsist on, but are unlikely to earn more, if provided they found another job, they gave up begging. It is difficult to tell how exactly how much pickpockets make on average, or per day or per month. The latter trade however is not without its risks, one of the being caught by the police.

36 The role of labour migrants in the overall economic life of the countries of Western Europe (and Spain) is an important one. Far greater is this significance to the countries in transition in Eastern Europe, and in particular Bulgaria (and Romania), where a considerable share of the money turnover is maintained with the help of the means imported from abroad and that the migrants send their relatives at home. According to data of the State Agency for the Bulgarians residing abroad, the Bulgarian nationals abroad had transferred through various bank accounts the sum of € 614 million between January and October 2005. The emigrants in Spain assist their relatives in Bulgaria by regularly cabling various amounts of money in foreign currencies28. Entire families live on this “migrants’ money”, which helps maintain a certain living standard,

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often higher than that of the neighbours and acquaintances. The money is used for everyday needs, but also as investment in the construction of big houses. The elderly parents who have remained in Bulgaria supervise the construction works. The Gypsies in Spain send the money to their relatives via bank transfers (including via Western Union), or they give cash to someone traveling to Bulgaria. The most important purpose of the emigrants who leave Bulgaria is to “make money” and improve their living standards. Their everyday lives in Spain are organized around this objective. The principal strategy of their stay abroad is to save money, and to spend as little as possible on individual needs (room and board), so that they can have what to live on when they return to Bulgaria. The pending issues of the immigrants are related to finding employment and a place to stay, the care after their own survival and proving financial assistance to their families in Bulgaria.

37 One of the most difficult obstacles to life in Spain happens to be the command of the local language. Language problems are part of the everyday life of the Gypsies. Very often when they leave for Spain, they do not speak a word of Spanish (castellano). In most cases the migrants manage to learn the basics of the local language, so as to be able to handle the first-hand needs of the migrants. The lack of command of Spanish or any other western language limits communication to the confines of the familial community, and the acquaintances from the region and from Bulgaria, or Bulgarians. Employment abroad and life among a foreign-language speaking population is of particular significance to those who have come from Bulgaria regardless of their ethnic or religious identity. The feeling of belonging to the Bulgarian state (as Bulgarian Gypsies) is enhanced by during their stay in Spain. The common land of origin and the equal attitude towards the emigrants from Bulgaria as foreigners play a uniting role. Thus, the Bulgarian Gypsies are able to feel closer to the Bulgarians, unlike the Romanian Gypsies or the local Gitanos, with whose groups they almost never meet or get in contact. This applies also to the case of Rudari, who while are living in Bulgaria demonstrate usually identity of Rumanians (old Rumanians) and Wallachians, but during their stay in Spain they always present themselves as Bulgarians in front of Spaniards, not in meaning that they change their previous identity, but by reason of that through comparison with the Romanians from Romania they realize that are totally different from them. The Rudari avoid to speak in Romanian in front of the Spaniards in order do not think about them as Romanians or worse to identity them as Gypsies and thus to dismiss them. According to the interlocutors’ talks the Romanians from Romania are worse workers and are thieves, so nobody wants to identify with them.

38 The duration of the stay in Spain influences the degree in which the newcomers master the castellano. The Gypsies who have lived there longer, have a better command of the language, which enables them to communicate with Spaniards, and use the services of various institutions. The children of migrants who have been residing in the country for many years and are able to attend Spanish schools learn the language very fast and in some cases better than their parents. Through communication with local peers the children get to know actively the customs and the culture of the environment in which they have found themselves. In many cases they develop a new identity, complex and bilateral. When I met a 16-year-old girl from Aitos she spoke hardly any Bulgarian at all, and was unable to read and write in Bulgarian. She has never been to a Bulgarian

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school and she communicates with her parents in Turkish. The only school she has been to is the Spanish school in Lorca.

39 Bulgarian Gypsies of various religions leave for Spain - Orthodox Christians, Muslims, and Protestants. The only ones who actively demonstrate and practise their religion are the newly converted Christians. The Orthodox Christians and the Muslims remain such by tradition without adhering strictly to the observance of religious prescriptions. Some of the reasons stated include the lack of time and conditions to practise their religion and the hard work. In Bulgaria things are almost the same. Unlike the Orthodox and the Muslims the Evangelists organize prayer meetings on every occasion, no matter when and where. In September 2004 I met Košničari from Lukovit. The informant’s family had returned from an unsuccessful journey to Spain a few days before. Her son is in Madrid and some of his relatives tried to reach the country pretending they were paying him a visit and hoped that they would be able to find work there. But they were sent back at the Italian border. The day I met her the woman said she still felt the shock of what she had been through and would not go to church that day. When she felt better, she said, she would go to the church to thank her brothers and sisters in Christ that they had prayed for their successful journey to Spain. Emigration abroad is one of the key topics discussed during the praying gatherings of the Evangelists. The example is a clear indication of the fact that the journey to Spain has been “ritualized”. Some of the Rudari are also converts and attend Evangelist churches. During the active farming season the people from the neighbourhoods leave to work in Spain. During that time no Evangelist gatherings take place because the spiritual leaders are abroad. Most of my informants in Patiño (Murcia) are Evangelists. Some of the men claim that they are preachers, ordained back in Bulgaria, including a Kelderar from the Romanian Gypsies. Religious services are held on the lawn in front of the common immigrants’ home. On the day I visited them, they were expecting a visit from Gypsy preachers from Lom (northwestern Bulgaria), who had arrived in an attempt to conduct a large-scale baptization of Evangelists among immigrants. The Gypsy beggars in front of the Catholic churches in Murcia are also Protestants and when I met them one of the men showed me a business card of a local Evangelist of the Gitanos, whom they were trying to contact and ask to help them find work. Belonging to God's chosen, i.e. the Evangelist community, turned crucial in emigration. Practising the Evangelist religion is the only reason for which three various groups of Gypsies (the local Gypsies and those from Bulgaria and Romania) feel they belong to a community, that of the “newly converts” and those “who have believed in Jesus Christ”. The Evangelists demonstrate initial steps of maintaining contacts among the three Gypsy groups, the Romanian, Bulgarian and Spanish Gypsies, which is almost non-existent among non-Evangelists. If Evangelists hope to find work through Evangelist networks, the other Gypsies do not care and would never get in contact with the Gitanos, whereas the Romanian Gypsies openly consider them dangerous and job rivals.

40 On the other hand, the Bulgarian Gypsy migrants share the same fate as the Romanian immigrants. Except for residing away from their homes, they often do the same jobs to earn their living, inhabit the same immigrants' quarter, and have the same problems. The two communities however keep the borderline. They differ not only in their community, but also in their national belonging (Gypsies from Bulgaria and Gypsies from Romania). The land of origin is important because it becomes an important marker of distinction from the rest. The Romanian Gypsies are more “visible” to

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Spanish society because of their huge numbers and the fact that some of their women (in some groups at least) preserve part of their traditional costumes, the long skirts, the long hair and the mandatory headscarves, or the wearing of various “Gypsy” jewellery. The presence of the Bulgarian Gypsies remains almost unobtrusive because at first sight they do not differ considerably from the Spanish. The Gypsies from Bulgaria maintain their group identity and tend to distinguish themselves from the rest of the communities on that basis.

41 The migrants in Spain maintain their contacts with their relatives in Bulgaria over the phone in most cases. The phone is used to discuss family matters, material issues, and exchange greetings on holidays. With the help of an informant from Lom (Northwestern Bulgaria), who owns a snack-bar in one of the four Gypsy neighbourhoods and telephone booths with preferential costs of abroad calls we managed to determine in which countries there worked people from the quarter. In his words, the most common phone calls the Gypsies form the neighbourhood were to Germany, Italy and only a few families called relatives in Spain.

42 The migrants who have resided in Spain for a long time have felt the influence of the local customs on their way of life and identity. With time the entire family settles in Spain. The children are able to socialize in the new environment. Gradually the ties with Bulgaria and the more distant relatives are severed, their stay is legalized and they settle permanently. The family members begin more active communication with the locals and also benefit from the advantages of the “Spanish way of life”. They start feeling more “Spanish” than the temporary migrants. Rudari, for instance, in all cases try to celebrate traditional feasts, no matter in modified variant. One of the most important feast and along with this group characteristic for Rudari is the celebration of gurban (the kurban is a wide-spread Balkan tradition with ritual sacrificial offering of an animal on a given feast in the name of saints or for good health, etc.), which plays crucial role in traditional self-identification. Living abroad they continue to celebrate the gurban, but do not practice the ritual blood sacrifice and just buy a lamp or part of lamp from the local shop. The displacement of gurban leads not a loss of function of the custom, but to the transformation of the cultural heritage of the migrants in accordance with the new environment29. The joint celebration of the feasts for the Rudari has an important role and maintains the kin affiliations, they gather to celebrate together no matter of the big distances between the places, where the relatives live. Informants from Rudari group now are living in Spain. In occasion of the christening of a one-year-old child the family organizes big celebration in restaurant in Burgos with 200 guests. The relatives from Bulgaria, other parts of Spain and Italy are invited too. The ceremony was conducted by an Orthodox priest, also immigrant in Spain and of Bulgarian ethnic origin.

43 Gurbet influences the self-esteem of the people and their living standards upon their return to Bulgaria. Besides being better – off than their neighbours and acquaintances, which they never fail to demonstrate, those who have returned from gurbet start feeling Europeans, because they have left their native neighbourhood, have been to the west and have tackled the challenges abroad. “European=Spanish” is demonstrated by various means. Informants from Karnobat (Southeastern Bulgaria) gave a party to their son's prom in May 2007 in a restaurant. The father organized the celebration in the way “the Spanish do it”. The only difference is that the school graduate is not given presents. Instead every one of the guests leaves an envelope with some cash inside.

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Upon their return to Bulgaria many of the men start up their own business – in construction, mushroom exports, cars imports and exports, etc. They become the new “businessmen” of the neighbourhood.

44 On important family gatherings such as a wedding or a funeral the migrants do their best to return to Bulgaria to attend. Migrants I met in Murcia told me by all means to go and see their elderly mother in Peshtera, if I happened to go there. I did go to Peshtera, but the woman in question had died. Her sons and daughters-in-law had arrived for the funeral from Murcia. One of the greatest blows to a migrant is the impossibility to attend the funeral of a close person or the wedding of a relative. This fear is common to all emigrants regardless of their religion and ethnicity. The youth in emigration try by all means to marry someone from their native place. The real nice celebrations and occasions are held in Bulgaria. Spain is for work, whereas Bulgaria is the place to live “in the Spanish manner”.

45 Under the terms of cross-border labour mobility (and emigration) the multidimensional structure of the Gypsies’ identity gains new dimensions. Identity is not a static category and often has situational character, so that in different social conditions of living various markers of belonging to the community are demonstrated. The Gypsies revise the idea of self and “other” in ethnic context. The distinction between Gypsy and non-Gypsy (Gadže) is preserved. Regional belonging and the native place acquire greater importance than before. The Gypsies manage to sustain some kind of isolation as community within the migration flow (mostly on the level of groups or coming from the same place) during their settling in Spain. The Bulgarian Gypsies preserve their ethnic belonging to a community (Gypsies and their preferred identity as Bulgarians, Turks or Romanians) and differ from the rest of the Gypsies by most diverse specific categories - way of life, mother tongue, religion, culture, occupation. In some situations the Gypsies are able to demonstrate a feeling of solidarity in the labour sphere or to consider the Bulgarians closer than the rest of the Gypsies. This is a process of self-consciousness as part of the Bulgarian nation, although at the level of an ethnic minority (“Bulgarian” Gypsies). This identity is felt more strongly in emigration than at home. On the other hand, unlike everyone else, Evangelists are able to feel other Gypsy groups, such as the Gitanos or the Romanian Gypsies closer due to the fact that they too are believers, and not because they are Gypsies. Life in emigration strengthens the faith in Jesus Christ and becomes a form of adaptation.

46 When in emigration (or labour mobility) the processes of developing the preferred ethnic identity (and/or the creation of a new identity) among some Gypsy groups have interesting manifestations. Life in a foreign-language environment and the linguistic proximity of the Spanish, Italian and Romanian languages gives the Rudari from Bulgaria ground to feel that they share common origins with the Spanish and Italians. Their stay in both countries enhances the feeling of Rudari identity and proves they have nothing in common with the “Gypsies” and that they belong to a separate Rudari community that has its own history and origins. According to some informants the Rudari, Italians and Spanish bore a physical resemblance (they shared an anthropological closeness).

47 Bulgaria’s EU entry enhanced the feeling of the Gypsies of belonging to the European community. During my field work in Spain all the immigrants said they hoped Bulgaria would join the EU in 2007. According to the informants, the event was of particular

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importance because as EU citizens they would enjoy greater privileges. The migrants and their families discussed Bulgaria's EU entry even over the phone.

Conclusion

48 The labour migration of Bulgarian Gypsies to Spain is a process that develops at various paces through the years. The Gypsies and the surrounding population take part common migration flows and are part of a common trend of practising migration labour abroad as a direct consequence of the social and economic crisis after the fall of the socialist regime in the country. The Gypsies together with the rest of the Bulgarian citizens developed similar adaptation strategies abroad. Some of those who leave are temporary migrants, who return to Bulgaria sooner or later, while others turn from labour migrants into emigrants settling permanently in the host country and adjusting to the “Spanish way of life”. Gradual interrupting of relations with the country of origin, thus legalization, permanent settling and socialization of migrants in the new societies in Spain, could be expected. Appearance of migrant clusters is one of the main results from the transnational labor migration in addition. The migration shifts lead in the end to a new picture of the Gypsy presence in Spain.

49 The complex structure of Gypsy identities gains new dimensions in emigration and shows that the processes are often influenced by factors that are external to the community/communities. The boundaries among the individual Gypsy communities are maintained, and so is the distinction between Gypsy and non-Gypsy. The new way of life and the “journey” to Spain give grounds to many Gypsies from Bulgaria to feel “Gypsies in Europe”.

NOTES

1. See Marushiakova (Elena), Popov (Vesselin), Tsiganite v Balgaria [Gypsies in Bulgaria], Sofia : Club’90, 1993 ; Marushiakova (Еlena), Popov (Vesselin), « Bulgaria : Ethnic Diversity – a Common Struggle for Equality », in Guy (Will), ed., Between Past and Future. The Roma of Central and Eastern Europe, Hatfield Hertfordshire : University of Hertfordshire Press, 2001. 2. Postanovlenie N-258 na Ministerski Savet ot 17.12. 1958 [Decree No. 258 of the Council of Ministers]. - Tsentralen darzhaven arkhiv, F. 1, op. 28, а.е. 15. 3. See Marushiakova (Elena), Popov (Vesselin), op.cit. 4. See Marushiakova (Еlena), « Gypsy/Roma Identities in New European Dimensions : The case of Eastern Europe », in Marushiakova (Еlena), ed., Dynamics of National Identity and Transnational Identities in the Process of European Integration, Cambridge : Cambridge Scholars Publishing, 2008 ; Popov (Vesselin), « The Gypsy/Roma between the Scylla of Marginalization and the Charybdis of Exotisation in New EU Realities », in ibid. 5. See Marouchiakova (Elena), Popov (Vesselin), « De l’Est à l’Ouest. Chronologie et typologie des migrations tsiganes en Europe », Etudes tsiganes. Migrations tsiganes, (27-28), 2006. 6. See Ibáñez Angulo (Monica), « Nation Building within the European Union : Reframing Bulgarian National Identity from Abroad », in Marushiakova (Elena), ed., op.cit.

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7. See Ramírez Goicoechea (Eugenia), Inmigrantes en España. Vidas en experiencias, CIS : Madrid, 1996 ; Hellermann (C.), Stanek (M.), « Nuevas perspectivas en los estudios sobre la inmigración de Europa central y oriental en España y Portugal », Papeles del Este, (11), 2006. 8. Markova (Eugenia), « Legal Status and Migrant Economic Performance. The Case of Bulgarians in Spain and Greece », paper presented at the conference To be a European. Bulgaria and Europe in Europe : Past, Present and Future, London : University College, 5 March 2004 ; Rangelova (Rossitsa), Vladimirova (Katia), « Migration from Central and Eastern Europe : the Case of Bulgaria », South-East Europe Review, (3), 2004 ; Markova (Eugenia), Reilly (Barry), « Bulgarian Migrant Remittances and Legal Status : Some Micro-level Evidence from Madrid », South-Eastern Europe Journal of Economics, (1), 2007. 9. See Ibáñez Angulo (Monica), art.cit. 10. Guentcheva (Rossitza), Kabakchieva (Petya), Kolarski (Plamen), Migration Trends in Selected EU Applicant Countries. Vol. 1 Bulgaria. The Social Impact of Seasonal Migration, Viena : IOM., 2004, p. 82. 11. Marushiakova (Еlena), Popov (Vesselin), « Bulgarian Gypsies in Exile. Migration and Gypsy Traditions », Migration. European Journal of International Migration and Ethnic Relation, 2006. 12. Ibid. 13. INE, Revisión del Padrón municipal 2007. Población extranjera por sexo, comunidades y provincias y nacionalidad, 2007. 14. Ringold (Dena), Roma and the Transition in Central and Eastern Europe : Trends and Challenges, Washington, DC : The World Bank, 2000 ; Ringold (Dena), Orenstein (Mitchell), Wilkens (Erika), Roma in an Expanding Europe - Breaking the Poverty Cycle, Washington, DC : International Bank for Reconstruction and Development, 2003. 15. Marushiakova (Еlena), Popov (Vesselin), Decheva (Mirella), « The Gypsies in Bulgaria and their Migrations », in Guy (Will), Uherek Zdenek), Weinerova (Renata), eds., Roma Migration in Europe : Case Studies, Münster : Lit, 2004 ; Marushiakova (Еlena), Popov (Vesselin), « Bulgarian Gypsies in Exile. Migration and Gypsy Traditions » (art.cit.). 16. See Karamihova (Margarita), ed., Da zhiveesh tam, da sanuvash tuk. Emigratsionni protsesi v nachaloto na ХХІ vek [Living there, dreaming here. Emigrational attitudes in the beginning of 21 century], Sofia : IMIR, 2003. 17. Ibid. 18. Rangelova (Rossitsa), Vladimirova (Katia), art.cit. ; Markova (Eugenia), Reilly (Barry), art.cit. 19. Ministerio de trabajo y asuntos socialеs [Ministry of Labor and Social Affairs] 2005 - http:// www.mtas.es/balance/pagina8.htm 20. Gamella (Juan), « L’immigration ignorée : les Roms roumains en Espagne », Etudes tsiganes. Migrations tsiganes, (27-28), 2006. 21. Slavkovа (Маgdalena), Tsiganite evangelisti v Balgaria [Evangelical Gypsies in Bulgaria], Sofia : Paradigma, 2007. 22. Ruiz Vieytez (Eduardo Javier), Ruiz Lopez (Blanca), Las políticas de inmigración. La legitimación de la exclusión, Bilbao : Universidad de Deusto, 2001 ; Ibáñez Angulo (Monica), art.cit. 23. Gamella (Juan), art.cit. 24. Slavkova (Magdalena), « Contemporary labor migrations of Gypsies from Bulgaria to Spain », in Marushiakova (Еlena), ed., Dynamics of National Identity and Transnational Identities in the Process of European Integration, Cambridge : Cambridge Scholars Publishing, 2008. 25. Marushiakova (Еlena), Popov (Vesselin), Decheva (Mirella), art.cit. ; Marushiakova (Еlena), Popov (Vesselin), « Bulgarian Gypsies in Exile. Migration and Gypsy Traditions » (art.cit.).

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26. Peycheva (Lozanka), Dimov (Ventsislav), « Migratsii i gurbeti ot Balgaria : muzikalni orbiti » [Migrations and migrants work coming from Bulgaria : music orbits], in Karamihova (Margarita), ed., Gradivo za ethnologiya na migratsiite, Sofia : EIM-BAN, 2006. 27. Ibid. 28. Markova (Eugenia), Reilly (Barry), art.cit. ; Karamihova (Margarita), ed., op.cit. 29. Sorescu Marinković (Annemarie), « The gurban displaced: Bayash guest workers in Paris », in Sikimić (Biljana), Hristov (Petko), eds., Kurban in the Balkans, Belgrade : Serbian Academy of Sciences and Arts / Institute for Balkan Studies, p. 148.

ABSTRACTS

The changes following the collapse of the Socialist regime in Bulgaria - 19 years of social and economic crises - have resulted in waves of migration toward Western Europe. Spain has become one of the most popular destinations for Bulgarians working abroad. In this article about labour migration from Bulgaria to Spain in the years 1990-2008, I write about the new concepts of "Gypsyness" generated by this new transnational labor mobility. My key objective is to demonstrate how the choices of employment made by migrating Gypsies are adaptation strategies. The Gypsies and the surrounding non-Gypsy Bulgarian population all take part in common migration flows - part of the tendency to work abroad to cope with the social and economic changes resulting from the fall of the socialist regime in the country. Some migrate temporarily while others become permanent immigrants, settling in the host country and adjusting to the "Spanish way of life". These migration shifts have lead to the emergence of new social representations of the Gypsies in Spain (and in Europe).

INDEX

Geographical index: Bulgarie, Espagne Mots-clés: Roms, Tziganes, Migrations

AUTHOR

MAGDALENA SLAVKOVA Dr. Magdalena Slavkova is an ethnologist in the Department of Balkan Ethnology at the Ethnographical Institute and Museum, Bulgarian Academy of Sciences, Sofia. Her recent publications include : « Contemporary labor migrations of Gypsies from Bulgaria to Spain », in : Marushiakova, Еlena (ed.), Dynamics of National Identity and Transnational Identities in the Process of European Integration, Cambridge : Cambridge Scholars Publishing, 2008, p.189-213; « Săvremenni trudovi migracii na bălgarski cigani kăm Ispania i tiahnoto otraženie vărhu identičnostta im » [Les migrations du travail temporaires des Roms bulgares vers l’Espagne et leurs répercussions sur leur identité], in : Decheva, Mirella (ed.), Dinamika na nacionalnata identičnost i transnacionalnite identičnosti v procesa na evropeiska integracija [Dynamique de l’identité nationale et identités transnationales dans le processus d’intégration européenne], Sofia : Paradigma, 2008, p.289-318;

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Ciganite evangelisti v Bălgarija [Les Roms évangélistes en Bulgarie], Sofia : Paradigma, 2007. [email protected]

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Les expériences migratoires bulgares en Grèce depuis 1989

Nikolaj Gabărski

NOTE DE L’ÉDITEUR

Traduit du bulgare par Nadège Ragaru

1 Identifier les origines des mouvements migratoires, les mécanismes à travers lesquels ils se déploient, ainsi que leurs répercussions sur l’existence et les représentations des migrants, n’est pas sans poser des défis. A fortiori, si l’on considère la distance géographique de l’objet d’étude, ces migrants qui vivent et travaillent à l’étranger. Une autre difficulté tient à la méfiance parfois exprimée par les personnes en mobilité devant le chercheur désireux de leur poser des questions personnelles ou relatives aux aspects financiers de leur séjour. C’est sans doute en partie pour ces raisons que la dernière « vague » migratoire depuis la Bulgarie, celle de l’après-1989, n’a jusque récemment guère retenu l’attention des milieux universitaires.

2 L’article présent vise à présenter les résultats d’une enquête sur les expériences des migrants bulgares menée dans le village de Pelasgia (région de Fthiotida) en Grèce centrale, à 45 kilomètres au nord du centre régional le plus proche, Lamia (voir carte 1). Les données ont été collectées lors d’un séjour de trois mois réalisé entre le 15 octobre 2002 et le 1er janvier 2003 - soit, après la levée des visas Schengen pour les citoyens bulgares (avril 2001), mais avant l’entrée de la Bulgarie dans l’Union européenne (1er janvier 2007). Il nous a été possible de nous insérer dans la communauté migrante, de l’observer et de participer à la vie et au travail des Bulgares installés dans ce village. L’objectif de la recherche était d’explorer les origines des processus migratoires, ainsi que leurs modalités : le profil socioprofessionnel des migrants, les facteurs de choix de la destination privilégiée, les voies d’entrée, la recherche d’un emploi, les conditions de vie, mais aussi les effets, sur les migrants, de leur expérience à l’étranger. Les conclusions proposées sont fondées sur l’analyse d’un matériau empirique comprenant un travail d’observation participante et des

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entretiens. Plusieurs méthodes ont été mobilisées : entretiens non directifs et directifs, récit autobiographique et documentation photographique. Aux sept interviews réalisées sur place sont venues s’ajouter de nombreuses rencontres et discussions informelles. Cinq entretiens ont été obtenus à l’occasion de voyages vers Athènes. Ont également figuré parmi nos informateurs deux anciens migrants bulgares, rentrés en Bulgarie après avoir séjourné plusieurs années en Grèce, et qui, au moment de la rédaction de ce texte, n’exprimaient pas le désir d’y retourner1. Enfin, bien que certains citoyens bulgares installés à Pelasgia aient refusé d’évoquer directement, en entretien, leur vie et leurs activités, nous avons pu inclure dans cet article, avec les notes explicatives nécessaires, des observations concernant essentiellement leur travail en Grèce.

3 Afin de mieux cerner le contexte culturel et social dans lequel interviennent les migrations de Bulgares en Grèce – lequel se reflète directement sur les relations tissées avec la population locale et les employeurs –, il convient de rappeler un point fréquemment souligné dans les travaux sur les migrations en Grèce, à savoir le fait que cette dernière s'est récemment transformée d'un pays traditionnel d'émigration en un Etat accueillant des « migrants étrangers, principalement d'Europe de l'Est et du Sud- est, mais aussi d'Afrique, d'Asie et d'autres régions du monde »2. Par ailleurs, bien qu’il soit toujours délicat d’apprécier la fiabilité des données statistiques disponibles, en 2004, l’Institut national statistique grec estimait à 66 787 le nombre de Bulgares résidant légalement dans le pays. Les femmes représentaient 60% des migrants bulgares, les hommes 40% (soit une distribution en termes de genre assez proche de celle rencontrée parmi les migrants originaires de Russie, d’Ukraine ou des Philippines, différente en revanche de la répartition par sexe des migrants d’Albanie ou de Roumanie, parmi lesquels les hommes sont en nombre prépondérant)3.

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Carte 1 - La région de Pelasgia en Grèce

Source : http://www.aboutromania.com/maps182.html

I – Les contours d’une enquête : le profil social des migrants bulgares

4 La présentation des caractérisques sociales des citoyens bulgares ayant émigré en Grèce est fondée sur une analyse des données personnelles fournies par les enquêtés concernant leur âge, leur niveau d’éducation, leur situation familiale, les raisons qui les ont poussés à émigrer, le choix de leur destination, ainsi que les moyens grâce auxquels ils ont pu réaliser leur projet. Quatre classes d’âge peuvent être ainsi définies : I – 20-30 ans, II - 30-40 ans, III – 40-50 ans, IV – 50-60 ans. Prédominent la première et la troisième tranches d'âge. Six des quinze personnes interrogées relèvent du premier groupe, cinq du troisième. Les groupes II et IV comprennent chacun deux enquêtés; mais il convient de rappeler que la moitié d’entre eux4 sont en Grèce depuis de longues années. Si l'on avait considéré l'âge auquel ils sont partis, ils auraient été classés dans les groupes I et III. La prépondérance des classes d’âge I et III est confirmée si l’on prend en compte l’ensemble des migrants bulgares connus de l'auteur ou des interviewés5. Les 20-30 ans ont pour la plupart émigré directement après l’achèvement de leur scolarité, le plus souvent sans avoir connu d’expérience professionnelle en Bulgarie. Chez les hommes astreints au service militaire, le départ pour la Grèce est intervenu une ou deux années après la fin de l’école. Les représentants du groupe des 40-50 ans se sont retrouvés sans emploi et sans ressources après les changements du 10 novembre 1989. Pour la plupart d’entre eux, outre l’âge, leur faible niveau de formation explique leur incapacité à s’adapter rapidement aux transformations du marché du travail bulgare.

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5 Presque tous les migrants bulgares ayant participé à l’enquête ont reçu une éducation secondaire ou une formation spécialisée. Les deux seules exceptions concernent les familles de kopanari6 de Marija et Todor V. (dont l'éducation a été interrompue après le collège) et de Paunka et Jordan M. (sans éducation). Leurs enfants n'ont pas non plus suivi de formation en raison d'un départ précoce et non désiré, qui leur a interdit d'entamer une scolarité au collège. Comme leurs parents changent régulièrement d’emploi et de lieu de résidence (aussi bien en Bulgarie qu’en Grèce), les enfants ne peuvent rester scolarisés dans la même école plus de quelques mois ou d’une année. Radka et Mihajl, les aînés, ont pu terminer le collège en Bulgarie, avant que leur mère ne les emmène en Grèce. Маriana est allée deux ans à l’école en Bulgarie et Ivanka, qui n’a jamais fréquenté l’école, ne sait ni lire, ni écrire. Ils constituent plutôt une exception parmi les personnes interviewées et ne contredisent pas l’affirmation selon laquelle presque tous les émigrants ont terminé leurs études secondaires7. L'autre classe d'âge regroupe en majorité des personnes qui ont perdu leur emploi suite à des réductions de personnels ou à la fermuture de l'entreprise dans laquelle ils étaient depuis longtemps employés8. Aucun d’entre eux n’a la possibilité d’exercer sa profession en Grèce. Tous, quelles que soient leur qualification et leur expérience, s’ajustent à l’offre d’emploi existante (la remarque vaut également pour les migrants plus jeunes). Il convient ici de souligner la quasi-absence de diplômés de l'enseignement supérieur parmi les Bulgares établis en Grèce dont l’auteur a pu avoir connaissance. Les seuls migrants ayant poursuivi leurs études au-delà du lycée sont les infirmières qui travaillent le plus souvent comme garde-malades, c’est-à-dire très en- dessous de leur niveau de qualification9.

6 Trois catégories de migrants peuvent être identifiées au regard de leur situation familiale. Seuls les kopanari vivent en couple. Ils ont des membres de leur lignée éparpillés sur tout le territoire de la Grèce continentale et dans les îles grecques, qui vivent également en famille, souvent avec leurs enfants. L’auteur ne connaît pas de kopanari qui se soient installés seuls en Grèce. Lorsqu’un membre du couple part en premier, il s’emploie à faire venir sa famille au bout de quelques mois - le plus souvent, en payant un « passeur » (kanaldžija) pour le franchissement de la frontière10. Par contraste, les Bulgares qui travaillent en Grèce sont dans leur grande majorité seuls, souvent célibataires lorsqu’ils ont 20-30 ans, divorcés pour les 40-50 ans. Le profil des migrants couverts par l’enquête sans avoir pris part à des entretiens ne se distingue pas des précédents.

7 On peut faire l’hypothèse que la situation familiale des migrants a constitué l’un des facteurs les ayant incités à partir en Grèce. D’un côté, ne pas être lié à un mari/une épouse et à des enfants (particulièrement en bas âge) permet de rester longtemps hors du pays d’origine; de l’autre, les personnes seules - singulièrement les femmes d’âge intermédiaire qui élèvent seules leurs enfants - figurent parmi les plus touchées par la crise financière en Bulgarie aujourd’hui. Témoin le cas de Stefka Štiljanova : originaire de Gabrovo, elle est au chômage et a un enfant (âgé de 14 ans en 2003) qu’elle ne peut laisser seul. Pendant un an, elle a effectué plusieurs séjours de courte durée en Grèce, avant de rentrer en Bulgarie, faute de disposer d'une famille en mesure de veiller sur son fils, laissé à la charge d'amis pendant ses absences. La principale motivation avancée par les migrants est économique11. Jutta Lauth Bacas a, dans la langue de l’économiste, formulé une conclusion similaire : « le principal moteur des nouveaux mouvements de population des années 1990 est la position supérieure de la Grèce

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relativement aux autres pays balkanique, qui a favorisé le développement d’une immigration économique. Après 1990, les économies des pays post-socialistes voisins sont entrées en récession profonde, alors que l’économie de la Grèce présentait d’importantes différences structurelles »12. D’un enquêté à l’autre la différence concerne seulement la sévérité des difficultés financières rencontrées. Certains interviewés sont partis parce qu’ils n’avaient ni travail, ni ressources; d’autres ne possédaient par ailleurs aucun logement propre (ou n’avaient pas le désir d’en acquérir). Un troisième segment des migrants a été contraint au départ non par des conditions extrêmes, mais par un manque de moyens relatif. Enfin, plusieurs migrants – surtout parmi les 20-30 ans - ont décidé d’émigrer dans la mesure où un de leur parents ou amis se trouvait déjà sur place. Cette dernière variable est centrale en tant qu’elle donne aux migrants un sentiment de confiance : ils savent pouvoir, en cas de besoin, être hébergés chez un ami ou un parent pour des périodes de durée variable. La très grande majorité privilégient les destinations où ils ont un proche ou, à tout le moins, un ami capable de les orienter dans leur recherche d’un emploi et d’un logement. La présence de ces réseaux joue un rôle essentiel dans le choix du pays de destination. La Grèce présente, par ailleurs, l’avantage d’être géographiquement proche de la Bulgarie ; il est possible de s’y rendre sans encourir des dépenses trop conséquentes. Avant leur départ, plusieurs migrants étaient dans une situation telle (avec, parfois aussi, des dettes) qu’il leur aurait été impossible de se rendre dans un autre pays européen.

8 L’existence d’un réseau déjà établi de « passeurs » (kanaldžija) à travers toute la Bulgarie fournit une autre variable permettant d’expliquer l’attractivité de la Grèce aux yeux des candidats à la mobilité internationale. La Grèce a été l’une des premières destinations des migrants bulgares après 1989 ; pour cette raison, un système des firmes ou des conducteurs privés a pu se développer dans les villes ou même dans certains grands villages bulgares. Le plus souvent, les « passeurs » s’entraident : deux ou trois couvrent une même région de façon à garantir la prise en charge des personnes et des bagages. Les « passeurs » effectuent des arrêts dans plusieurs villes et villages afin d’emmener un maximum de clients. Leur destination finale est Athènes, mais certains desservent également, en fonction de la demande, des villes et villages situés à proximité de l’autoroute. Bien que le transport avec un kanaldžija/koletadžija soit nettement plus onéreux, la plupart des migrants préfèrent voyager ainsi : en 2000, un « passage » coûtait 600 dollars; en 2002-2003, le prix avait été ramené à 500 euros. A la même date, un billet par la ligne de bus régulière entre Athènes et Sofia valait 41 euros. L'explication la plus probable réside dans le fait que les kanaldžij sont perçus comme ayant le « savoir-faire » nécessaire - auprès des employés des douanes - pour « faire entrer » sans problème des migrants en Grèce, alors qu'une telle issue n'est pas certaine en cas de voyage avec une compagnie de bus régulière. Pour ces raisons, les kanaldžij sont privilégiés comme « moyen de transport » et leur présence dans un lieu de résidence donné garantit aux travailleurs migrants un transport régulier, ainsi que la possibilité d’expédier des bagages en Grèce13. Particulièrement dans les villes et villages qui ne sont pas reliés à une ligne de bus internationale, l’existence de cette infrastructure a constitué une variable importante dans le choix de la destination retenue.

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II – Les ressources de la mobilité : le rôle des kanaldžij et des grafijte

1 - Entrer en Grèce avant et après la levée des visas Schengen (avril 2001)

9 Dans les années 1990, le voyage vers la Grèce et le franchissement des frontières n’étaient pas toujours aisés. Divers « systèmes » de transport des personnes ont dès lors été mis en place qui n’étaient pas tous en conformité avec les lois bulgares ou grecques. Avant la levée des visas pour les citoyens bulgares désireux de se rendre dans des pays ayant signé les Accords de Schengen, en avril 2001, l'une des méthodes les plus fréquentes concernait l'obtention d'un visa de touriste pour la Grèce ou pour un autre pays de l'espace Schengen. Ne connaissant pas la procédure à suivre, la plupart des migrants payaient des kanaldžij avec qui ils voyageaient ou des firmes. De jure ces firmes étaient des tours opérateurs; dans les faits, elles s’occupaient d’obtenir des visas de tourisme auprès des consultats des pays Schengen en fonction des réseaux dont elles disposaient en leur sein. Très souvent, ces visas n’étaient pas destinés à de « réels » touristes. La somme nécessaire à l'obtention d'un visa oscillait entre 500 et 600 dollars. Ce prix, versé à un kanaldžija, comprenait souvent le transport jusqu’à Athènes ainsi que la remise des migrants au grafija14 avec lequel le kanaldžija travaillait. Un kanaldžija - connu de l’auteur sous le nom de Nikolaj Kompota - a ainsi longtemps « monopolisé » le marché du transport depuis Gabrovo vers la Grèce : avant d’atteindre le poste-frontière de Kulata (au Sud-Ouest de la Bulgarie), il passait par Loveč, Sofia et par les villages situés le long de sa route, emportant hommes et bagages (voir carte 2). Il possédait son propre microbus et disposait d'une large clientèle – des migrants désireux de faire parvenir des bagages en Bulgarie, des Bulgares ayant légalisé leur présence et obtenu un permis de travail en Grèce, souhaitant rentrer quelques semaines voir leurs proches en Bulgarie ou encore des migrants se rendant en Grèce pour la première fois. Jusqu'en 2001, le prix du transport était de 600 dollars et comprenait le « service rendu », à savoir l'obtention du visa de tourisme. A l'époque, selon les données du service consulaire grec, un visa coûtait 30 leva (environ 15 euros) et le billet d'autobus Sofia- Athènes, 35 dollars. Les intermédiaires réalisaient ainsi des bénéfices substantiels.

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Carte 2 - Un exemple de trajectoire d’un kanaldžija reliant la Bulgarie à la Grèce

Source : le fonds de carte provient de http://en.journey.bg/bulgaria/map.php?region=4 et a été retravaillé par N. Ragaru

10 La popularité de ces kanaldžij et des firmes spécialisées dans l’obtention des visas au sein de la population migrante bulgare s’expliquait dans une large mesure par le comportement très négatif des employés du service consulaire grec en Bulgarie. Ce facteur tout comme la barrière de la langue (à l'époque la grande majorité des employés ne parlaient ou ne souhaitaient pas parler bulgare, alors que les candidats à l'obtention d'un visa n'étaient pas en mesure de communiquer avec eux en grec) ne permettaient souvent pas aux postulants de préparer et de soumettre par eux-mêmes leurs documents (et, de la sorte, d'économiser une partie des dépenses liées au départ). Par ailleurs, le nombre des demandes et les horaires d'ouverture limités du service consulaire contraignaient les personnes désireuses de solliciter un visa à passer la nuit entière devant le consulat, afin de disposer d’une place réservée dans la file d’attente, le matin, au moment de l'ouverture du service.

11 Munis d’un visa, les migrants entraient légalement dans le pays, en général par le poste frontière de Kulata. Après l’expiration du visa (dans la plupart des cas au bout d’un mois), ils restaient illégalement en Grèce et cherchaient à se procurer permis de résidence et de travail. Faute de quoi, en cas d’interpellation par la police ils étaient extradés vers la Bulgarie. Lorsqu’un migrant décidait de rentrer en Bulgarie de son propre chef après l’expiration de son visa et sans être parvenu à légaliser sa présence dans le pays (en obtenant, avant 2001, une « carte verte » (« πράσινη κάρτα ») et, après 2001, une autorisation de résidence, « άδεια παραμονής »), il devait payer une amende à sa sortie de Grèce s’il souhaitait éviter de voir apposer un « tampon noir » sur son passeport. Ce tampon valait interdiction de voyager pendant 5 ans dans un pays de l’espace Schengen – la pire configuration pour des migrants souvent amenés à repartir travailler à l’étranger après un bref retour en Bulgarie.

12 Les changements introduits en avril 2001 ont officiellement donné la possibilité aux Bulgares de voyager sans visa pour des périodes de moins de trois mois. Ce changement

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de réglementation n’a toutefois pas immédiatement modifié les modes de déplacement des citoyens bulgares se rendant en Grèce, dans la mesure où les agents de la police des frontières ont continué à refouler, sous divers prétextes, une large partie des migrants. Le système des kanalidžij a survécu et a parfois même continué à se développer. Dans la mesure où il leur devenait plus difficile d’entrer eux-mêmes en Grèce et d’y faire passer des migrants, les kanaldžij ont commencé à proposer à leurs clients un nouveau voyage avec un trajet inédit : ils sortaient de Bulgarie par le poste frontière de Kalotina (à l’Ouest de la Bulgarie) et prenaient le chemin de la Serbie, de la Croatie et de la Slovénie (parfois aussi de l’Autriche) avant de gagner l’Italie. Là-bas, les voyageurs recevaient un tampon d’entrée dans l’espace Schengen leur donnant le droit de séjourner dans tout pays ayant signé les accords de Schengen pendant trois mois. Depuis l’Italie, ils se rendaient ensuite en Grèce par la mer en suivant le trajet Bari-Igoumenitsa, Bari- Pyrrhée ou Venise-Pyrrhée (voir carte 3). En principe il aurait dû être possible d’entrer directement en Grèce ; mais, en pratique, les policiers des postes frontières de Promahonas et d’Ormenion semblent avoir érigé en règle informelle l’obligation, pour les personnes entrant en Grèce, de déclarer la durée exacte anticipée de leur séjour (dans la limite des trois mois évidemment). Ces informations étaient ensuite enregistrées sur une base de donnée informatique comportant la date prévue du départ de Grèce. Tout échec à respecter ce délai (quand bien même le report n’aurait pas excédé le cadre des trois mois autorisés) faisait des tentatives d’entrée ultérieures une causa perduta, la police des frontières gardant les informations relatives au non respect des délais précédents. Par surcroît, sous prétexte que le voyageur était un touriste, les agents des douanes n’autorisaient souvent pas les entrées en Grèce pour plus de dix jours. Les citoyens bulgares se sont ainsi retrouvés privés de la possibilité de jouir du droit de séjour de trois mois qui leur avait été officiellement accordé. L'auteur de cet article a lui-même rencontré des difficultés aux douanes - en dépit des documents dont il disposait et qui l'identifiaient comme un étudiant du département d’ethnologie de l’Université « Kliment Ohridski » de Sofia. De telles procédures n’étaient en revanche pas appliquées à la frontière italienne, de sorte que l'entrée par l'Italie s'est révélée plus aisée pour les migrants qui se rendaient en Grèce pour la première fois ou encore pour les migrants réguliers ne disposant pas de permis grecs de séjour ou de travail (άδεια παραμονής, άδεια εργασίας).

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Carte 3 - Les voies de passage des migrants bulgares vers la Grèce depuis l’Italie

Source : carte réalisée par l’auteur à partir de Google Earth

13 Avec le développement des migrations bulgares à destination de l'Italie, toutefois, un contrôle strict a également été établi à la frontière italienne en 2002 de sorte que les kanaldžij ont été obligés de passer par la Slovénie pour se rendre en Autriche, y obtenir un tampon Schengen et entrer sans entraves en Italie - un détour significatif qui a également entraîné une hausse du coût du trajet. Par ailleurs, les pouvoirs frontaliers grecs, s’étant familiarisés avec les nouvelles modalités d'entrée dans le pays, ont renforcé leur contrôle sur les bâteaux faisant la navette entre l'Italie et la Grèce, ce qui a rendu ce type de parcours plus difficile. Le mode de transport précédemment décrit a été principalement utilisé par des migrants qui voyageaient pour la première fois en Grèce ou par des saisonniers travaillant par périodes de trois mois dans l’agriculture avant de rentrer en Bulgarie sans avoir enfreint la durée légale de séjour en Grèce.

14 Les difficultés rapportées plus haut constituent la principale raison pour laquelle un troisième mode de franchissement de la frontière entre la Bulgarie et la Grèce a été mis en place, qui est connu parmi les migrants sous le nom de « passage par les sentiers ». La frontière était alors franchie illégalement avec l’aide d’un guide, originaire de la région. Le passage s’effectuait à travers de petits sentiers de montagne en zone frontalière. Deux routes existent : la première part de Petrič, par Belasica, et longe le versant sud de la montagne qui débouche en territoire grec (voir carte 4). La seconde route passe par les Rhodopes, au Sud de la Bulgarie : elle part des villages situés aux alentours de Momčilgrad ou de Krumovgrad et se termine au niveau du versant sud de la montagne, en général dans les villages pomaks du nord de la Grèce (voir carte 5). Quelle que soit la voie retenue, une fois entré en territoire grec, le guide bulgare remettait les migrants à son partenaire grec qui les conduisait jusqu’au gros bourg le plus proche, à partir duquel ils rayonnaient ensuite vers l’intérieur de la Grèce. Dans

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certains cas, l’intermédiaire grec utilisait un taxi afin d’éviter d’éventuels contrôles de police dans les transports publics (lesquels ne sont pas rares)15. Les migrants versaient également une certaine somme aux kanaldžijte côté grec, mais l’auteur n’en connaît pas le montant exact. En 2002, J. Bacas faisait, concernant ces routes, le prognostic suivant : « Etant donné que la Grèce a une frontière terrestre de 1000 km avec les Balkans et une ligne côtière de 15 000 km, il est probable que de plus en plus de migrants illégaux parviendront à entrer dans le pays »16.

Carte 4 - Le chemin des sentiers : la zone de Belasica

[la zone de Belesica est encerclée en rouge] Source : http://en.wikipedia.org/wiki/Image:Belasiza_Balkan_topo_de.jpg

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Carte 5 - Le chemin des sentiers : le passage vers la Grèce par les Rhodopes

Source : http://en.journey.bg/bulgaria/map.php?region=10 (retravaillée par N. Ragaru)

2 - La recherche d’un emploi : entre solidarités familiales et recours à des intermédiaires

15 Une fois entrés en Grèce, les migrants se dirigent le plus souvent vers Athènes, sauf s’ils ont de la famille ailleurs, auquel cas ils se rendent directement auprès de leurs proches. Il ne leur est alors pas nécessaire de chercher seuls un logement ou un emploi ; ce sont leurs parents, familiers de la région et de la population grecque locale, qui s’en occupent. Dans la majorité des cas, les migrants bulgares disposent d’un travail à leur arrivée qu’ils débutent immédiatement et qu’ils gardent le temps de s’orienter dans leur nouvel environnement, de surmonter la barrière de la langue et de pouvoir chercher par eux-mêmes un emploi mieux rémunéré17. Lorsque les nouveaux arrivants n’ont pas de proches en mesure de les accueillir et de leur apporter une première aide, ils se tournent généralement vers un grafija. En général, les grafijte proposent aux femmes des positions en tant qu’aides à domicile ou garde-malades. Accepter un tel emploi constitue le moyen le plus simple, rapide et sûr de s’assurer le logis et le couvert. Au moment de notre enquête de terrain, les services des grafiijte coûtaient 150 euros (150 dollars avant le 1er janvier 2001 date à laquelle la Grèce a adopté l’euro). Si le sollicitant ne dispose pas d’une telle somme, il laisse son passeport comme gage qu’il ne quittera pas l’emploi trouvé par le grafija avant d’avoir payé ses dettes et il le rachète avec son premier salaire. Lorsque le travail relève des soins à la personne, la seule consigne donnée au futur employé (des femmes bien sûr) concerne l’adresse, le sexe et l’état de santé du malade (est-il alité ou peut-il se déplacer ?). Si la migrante n'accepte pas les conditions qui lui sont proposées ou si elle ne convient pas aux employeurs grecs, elle revient vers le grafija et a droit à deux autres choix. Il lui faudra ensuite verser encore 150 euros pour obtenir de nouvelles propositions. Cependant, en pratique, les Bulgares en quête de travail ne peuvent guère se prévaloir de ce droit, attendu que les offres d’emploi peuvent concerner n’importe quelle ville de Grèce.

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Revenir vers le grafija signifierait retourner à Athènes - où les migrantes n'ont souvent pas de logement et doivent choisir entre prendre une chambre d’hôtel, ce qui représente une dépense assez significative pour de nouveaux arrivants ayant souvent dû emprunter de l'argent en Bulgarie, ou dormir dans la rue (avec le risque d'être interpellés par la police). Une fois qu'elles ont appris la langue et sont parvenues à économiser une certaine somme d’argent, les employées à domicile osent changer de lieu de travail - en particulier si elles ont des contacts dans les milieux migrants et peuvent y échanger des informations.

16 Il est intéressant de noter que les hommes partent généralement en Grèce à condition d’y avoir des parents ou amis en mesure de leur trouver un emploi, de sorte qu’il est extrêmement rare qu’ils utilisent les services d’un grafija18. L’autre possiblité - qui vaut aussi bien pour les hommes que les femmes – concerne les annonces de journaux. Toutefois, seuls les migrants installés en Grèce depuis de longues années, qui maîtrisent la langue grecque et disposent d’autorisations de séjour et de travail, peuvent avoir recours à ce moyen, dans la mesure où la plupart des annonces concernent des emplois en milieu urbain ou à « l’extérieur », c’est-à-dire dans des magasins, des restaurants ou des cafés. Le risque que la police vienne vérifier les documents des employés est assez élevé de sorte que les employeurs grecs eux-mêmes refusent d’embaucher des migrants illégaux par crainte des fortes amendes qui pourraient leur être infligées19.

17 Les kopanari bulgares représentent un cas spécifique pour ce qui concerne la recherche d’un emploi. En général, ils ont des parents répartis sur l’ensemble du territoire grec qui leur fournissent des informations relatives aux offres d’emplois et aux rémunérations journalières proposées. Souvent, lorsqu’ils estiment pouvoir trouver ailleurs des meilleures conditions de travail et de salaire, ils déménagent et viennent s’installer chez leurs proches. L’auteur a eu l’occasion d’observer une situation de ce type : lorsque Marija et Todor V. ont décidé de quitter le village de Pelasgia pour se rendre chez leurs neveux à Sparthe (dans le Péloponèse), leurs parents sont venus les chercher en voiture. Il n'est pas inutile de rappeler que les deux sites sont distants de quelque 600-650 kilomètres, mais cela ne représente pas un obstacle aux yeux des kopanari quand il s'agit de venir en aide à un membre de leur famille. De la même façon, le fils aîné de Paunka et de Jordan M., Mihajl est parti travailler à Gargalianoi (dans l'ouest du Péloponèse) chez des parents, après que ceux-ci l'eurent informé que le salaire y était deux fois supérieur à celui qu'il touchait à Pelasgia où il résidait jusqu'alors avec sa famille.

18 Le soutien et l’entraide observables parmi les kopanari ne se retrouvent pas chez les migrants bulgares, qu'ils vivent seuls en Grèce ou avec leur famille20. Les kopanari entretiennent des relations soutenues avec des membres plus éloignés de leur lignée – des neveux, des cousins, des membres de la famille par alliance, etc. - qui les aident comme ils le feraient pour leurs propres enfants ou parents. Ils sont pour cette raison nettement plus mobiles que les Bulgares et ne recourent presque jamais aux services des grafijte. Comme une grande partie d’entre eux travaillent dans l’agriculture (la récolte des oranges, des olives, du coton et du tabac), ils se déplacent de région en région en fonction des cultures et des périodes de récolte. Nombre d’entre eux travaillent l’été dans le tabac et se déplacent l’hiver vers les régions où l’on cultive des olives et des oranges. Ainsi, par exemple, d’octobre à avril, au moment de la cueillette des olives, des migrants de toute la Grèce – des kopanari de Bulgarie, des Roms musulmans d’Albanie, des Albanais - viennent à Pelasgia ramasser les olives, une

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culture réputée dans cette région. Pendant cette « saison de travail », il est quasiment impossible de trouver un logement au village et une grande partie des nouveaux arrivants, principalement des Roms albanais, se construisent des « maisons » de fortune avec du carton, des copeaux de bois, des nylons, etc. sur une site défini par la municipalité, une colline localisée à la périphérie du village. Aucun des kopanari bulgares, ni des Bulgares en Grèce ne vit dans les conditions misérables des Roms nomadisants albanais.

III - Vivre en migration : stratégies professionnelles et de survie

1 - L’enjeu du logement

19 A Pelasgia comme ailleurs en milieu rural, la plupart des migrants bulgares logent dans de vieilles maisons grecques appartenant à des personnes âgées (70-90 ans), dépourvues du minimum de confort moderne. Il s’agit de petites maisons en pierre aux fenêtres étroites, souvent privées de salle de bain et de toilettes. Nul ne saurait rêver d’y trouver chaudière (chauffe-eau, solaire ou électrique), machine à laver ou installations électriques. Le plus souvent, les migrants font chauffer de l’eau dans des marmites, sur les cuisinières à gaz, pour se laver. Telles sont les conditions de vie non seulement des ouvriers agricoles, mais aussi souvent des femmes employées pour veiller sur des personnes âgées. Plusieurs migrants, installés dans le village depuis quelques années, ont réussi à se procurer une vieux téléviseur, un réfrigérateur, un radiateur au gaz et les objets du quotidien les plus indispensables. Des salles de bain ont été rajoutées aux constructions existantes sans porte, sans fenêtre normale ou sans espace additionnel.

20 Alors que dans les villages, les migrants vivent dans des conditions pour le moins défavorables, les personnes employées dans de grandes centres urbains (en général, Athènes) louent des appartements aménagés de façon à satisfaire les attentes des citoyens grecs. Les femmes qui s’occupent de personnes âgées et sont hébergées dans les appartements de celles-ci, jouissent de conditions de vie supérieures à celles des migrantes habitant dans des villages. On rencontre bien sûr quelques exceptions de migrants à fortes rémunérations ou occupant des emplois spécifiques qui logent dans des maisons assez luxueuses, plus confortables que celles qu’ils avaient connues en Bulgarie. Mais, souvent, les garde-malades vivent avec le patient dont elles s’occupent dans une seule et même pièce et ne disposent pas d’un téléviseur. Au final, il est très rare que le niveau de vie des Bulgares installés en Grèce soit supérieur à celui qu’ils avaient connu en Bulgarie. Ils sont souvent obligés d’accepter des conditions extrêmement difficiles à la seule fin de pouvoir travailler. Les concessions concernent également les conditions de travail.

2 - Les conditions de travail dans les centres urbains et au village

21 Au moment d’entamer une activité professionnelle, le migrant et son employé s’entendent sur la durée de travail, le jour de repos, le salaire et les obligations faisant partie intégrante de l’emploi. En raison de la particularité de leur travail, les femmes qui s’occupent de malades ou d’enfants n’ont pas d’horaires de travail mais elles ont en

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principe droit à un jour de repos qui devrait leur être payé à un tarif double lorsqu’il n’est pas chômé. Toutefois les employeurs grecs ne respectent pas toujours leurs engagements et les migrants sont obligés soit d’accepter une charge supplémentaire, soit de quérir un autre emploi. Une telle démarche dépend de la personnalité de chacun et tous les migrants, en particulier lorsqu’ils sont sans papier, ne sont pas prêts à franchir ce pas. Comme le fait remarquer B. Pavlov, « souvent, faute d’offres sur le marché du travail officiel, on passe vers ce qu’il est convenu d’appeler le marché noir. Dans de nombreux cas, les gens sont contraints par les conditions et n’utilisent pas leurs droits de travailleurs migrants »21. La situation est similaire dans l’agriculture, particulièrement dans la cueillette des olives. Une règle informelle veut que l’employeur donne à un journalier, outre son salaire, un litre d’huile par jour travaillé. Mais cet accord n’est pas toujours respecté. Très souvent aussi, les migrants sont contraints de faire passer les olives par une trieuse (qui les classe par tailles) après la fin de leur journée de travail, sans que cette tâche additionnelle soit retribuée.

22 Les grandes villes et les sites touristiques de Grèce offrent des opportunités professionnelles plus nombreuses et variées que les villages. L’activité la plus fréquemment proposée aux femmes de plus de quarante ans est celle de garde-malade, d’aide à domicile pour des personnes âgées et plus rarement de baby sitter. Les femmes de de moins de quarante ans travaillent souvent comme femmes de ménage dans des hôtels ou sur des croisières de luxe. Ce type de travail, tout comme les emplois de serveuses dans des cafés et restaurants, requiert la détention d’un permis de séjour et de travail en raison des risques d’inspection et d’extradition. Le secteur de la restauration emploie souvent les femmes les plus jeunes. Enfin, certaines migrantes oeuvrent comme assistantes à domicile sans loger sur leur lieu de travail et elles vivent seules, en location. Un seul salaire ne leur permet pas de subvenir à leurs besoins, de sorte qu’elles conjuguent plusieurs activités.

23 Dans les « professions masculines » également, les offres d’emploi sont plus riches en milieu urbain et dans les zones touristiques. Le plus souvent, les hommes travaillent comme mаçons, s’ils sont qualifiés, ou, sinon, comme simples ouvriers dans la construction ; ils sont également employés dans des stations essence ou des parkings privés. Ceux qui ne trouvent pas de travail fixe se proposent comme porteurs ou comme ouvriers journaliers. Très tôt le matin, ils se rendent sur la place Omonoia à Athènes, où les employeurs grecs en quête de main d’œuvre viennent discuter avec eux le travail envisagé, les horaires et le salaire. Les entretiens ont principalement permis d’établir l’existence de ce mode d’embauche à Athènes et à Thessalonique où la place devant la gare ferroviaire joue un rôle similaire à celui d’Omonoia dans la capitale grecque.

24 En milieu rural, la gamme des emplois est extrêmement limitée : le seul métier sûr et stable pour les femmes est celui de garde-malade, souvent obtenu par l’entremise d’un grafija à Athènes. L’agriculture constitue le second débouché professionnel pour les femmes comme pour les hommes. A Pelasgia, la récolte des olives et l’entretien des arbres sont les deux principales activités agricoles. Une grande partie des habitants cultive par ailleurs du coton et loue les services de migrants pour la récolte22. Certains hommes parviennent à être embauchés comme ouvriers dans la construction ou comme assistants sur des bateaux de pêche, mais il ne s’agit là bien souvent pas d’un emploi stable et rémunérateur. Les kopanari prennent également part à la récolte des olives à Sparthe et à Gargalianoi dans le Péloponèse, à Eretini dans l’Attique et en Crète.

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3 - L’exemple de la récolte des olives

25 La récolte des olives, manuelle, requiert une force physique qui en réserve l’exercice aux hommes. Les femmes sont principalement chargées de ramasser les olives tombées à terre qui sont utilisées dans la fabrication de l'huile. Ainsi s’explique le choix des kopanari de migrer et travailler en famille. Une fois l’arbre « nettoyé », ce sont également des femmes qui entourent les troncs de deux grandes bâches en plastique ou en toile de chanvre. Le travail des hommes consiste principalement à secouer les arbres pour faire tomber les olives; pour ce faire, ils utilisent des gaules lisses en bois dont la longueur varie en fonction de la partie de l’arbre sur laquelle ils travaillent. Pendant ce temps, les femmes s’occupent des branches inférieures avec une sorte de peigne (cacaro) destiné à faire tomber les olives qui se trouvent à leur portée. Pendant que les hommes secouent l’arbre suivant, les femmes nettoient les branchettes et les feuilles mêlées aux olives avant de verser ces dernières dans des caisses en bois.

26 Les récits des migrants, essentiellement des kopanari, ayant effectué un travail similaire dans le Péloponèse et en Crète permet d’apprécier les différences régionales dans la récolte des olives, elles-mêmes corrélées aux variétés d’olives produites et à leur usage : là-bas, il s’agit principalement de petites olives destinées à la production d’huile. Pour cette raison, les branches des arbres sont coupées (une tâche confiée aux hommes) pendant que les femmes rassemblent les fruits des branches en les tapant avec une courte gaule en bois. Elles les versent dans des sacs en toile de chanvre. En principe ce travail peut aussi être effectué par des hommes seuls de sorte qu'il leur est plus facile que pour les femmes de trouver un emploi hors binôme. La négociation des salaires avec l’employeur tout comme leur réception font partie des prérogatives des hommes. Après la fin de la journée de travail - qui dure en général de 8H00 le matin à 16H00 - les migrants rentrent au village dans la voiture ou le tracteur de leur employeur, renversent les cageots remplis d’olives et les font passer par le « dialogue », une machine destinée à les trier par calibre. En principe, ce travail devrait faire l’objet d’une rémunération complémentaire, mais tel n’est pas toujours le cas. La dernière étape dans le traitement des olives avant qu’elles ne soient placées dans de l’eau et du sel, consiste à leur faire « bango »23. Cette tâche, exclusivement féminine, est accomplie dans les hangars où sont conservées les olives.

27 A la fin de la saison des olives24, commence ce que l’on appelle le kladema des arbres : il s’agit de la coupe des branches et du nettoyage des jeunes pousses jaillies des racines de l’arbre. Ce travail est assuré par les hommes tandis que les femmes rassemblent les petites branches et les feuilles coupées en gros tas qu’elles brûlent en les entourant de pierres afin que le feu ne s’étende pas aux arbres alentour et ne les dessèchent pas. Il s’agit là d’un travail difficile, physiquement exigeant, lourd en responsabilités, qui doit être achevé au début du mois de mai, parce qu’au-delà de cette date la législation grecque interdit d’allumer des feux dans les vergers. A partir de ce moment et jusqu’au mois d’octobre, il ne reste plus aucun travail agricole à effectuer au village et les migrants rencontrent d’immenses difficultés à trouver un emploi. Une grande partie des kopanari quittent alors le village pour aller chercher un emploi ailleurs, dans les régions agricoles à « cultures d’été », avant de revenir en octobre s’ils n’ont pas trouvé de meilleure option.

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Conclusion

28 Plusieurs conclusions peuvent être tirées de l’observation de la « réalité migratoire bulgare ». Concernant le profil socioprofessionnel des migrants, tout d’abord. La majorité des migrants installés en Grèce ont un niveau d’éducation secondaire et n’ont que rarement acquis une profession précise au terme de leur formation. Presque aucun d’entre eux n’a, en Grèce, la possibilité d’exercer un métier qui corresponde à la qualification obtenue en Bulgarie. En termes de situation familiale, deux groupes se distinguent : les migrants venus et travaillant dans un cadre familial, principalement des kopanari, et des migrants vivant et travaillant seuls à l’image de la majorité des Bulgares, en particulier parmi les femmes. Deux stratégies peuvent être également identifiées dans la recherche d’un emploi : alors que les kopanari, essentiellement employés dans l’agriculture, sont assez mobiles, toujours en relation avec leur famille, et ne restent que rarement longtemps en un même lieu, les Bulgares entreprennent plus rarement des voyages à travers la Grèce et passent le plus souvent par un grafija ou par des annonces de presse pour trouver un emploi.

29 En termes de travail, les centres urbains présentent les opportunités les plus diversifiées ; les conditions de logement et de vie y sont généralement préférables à celles prévalant en milieu rural. Les migrants bulgares connaissent cependant des situations qui, à la lumière de notre enquête, ne semblent pas toujours meilleures à celles expérimentées en Bulgarie. Seul les retient en Grèce le différentiel de salaires. Pour la majorité des migrants, le séjour en Grèce permet de mieux se nourrir, plus rarement d’atteindre une qualité de vie supérieure ; il permet surtout d’assister périodiquement, fût-ce de manière modeste, les proches restés en Bulgarie. Une minorité seulement des migrants gagne bien sa vie. Toutefois, même les représentants de ce groupe exercent un travail non qualifié. Le point commun aux récits des migrants - indépendamment de leur âge, de leur niveau d’éducation et de leur emploi - réside dans le désir presque toujours affiché de rentrer en Bulgarie. Aucune des personnes interrogées n’a exprimé le souhait de s’installer en Grèce de façon permanente. Cependant, au moment où l’enquête de terrain fut réalisée, c’est-à-dire en 2003, aucun migrant non plus n’envisageait de rentrer en Bulgarie dans un avenir proche.

30 Dans les années 1990 et jusque vers 2001-2002, la Grèce a constitué une destination privilégiée pour les migrants bulgares. Depuis lors, de nouvelles destinations sont apparues, principalement l'Espagne et l'Italie, et, dans une moindre mesure, les Pays- Bas, l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Le durcissement des contrôles policiers en Grèce, le rétricissement du marché du travail avec la venue de migrants originaires des anciens pays socialistes (les Albanais, extrêmement nombreux, mais aussi des migrants des ex-Républiques soviétiques et des Roumains) ont contribué à modifier l’image de la Grèce. Il semblerait que seuls continuent à vivre et travailler en Grèce, d’une part, les migrants déjà installés, possédant des documents légaux de séjour et des autorisations de travail dans le pays et, d’autre part, les ouvriers agricoles saisonniers, principalement roms ou pomaks (une population bulgarophone de confession musulmane), embauchés avec un visa de travail obtenu grâce à leur employeur pour une présence dans le pays à la durée clairement fixée.

31 Au moment de l’entrée de la Bulgarie dans l’Union européenne, en janvier 2007, la Grèce a décidé de limiter transitoirement, pour une période de deux ans, l’accès des migrants bulgares à son marché du travail. Les citoyens bulgares souhaitant exercer

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leur droit au travail en Grèce doivent dès lors obtenir un permis de travail auprès de l’Ambassade de Grèce en Bulgarie. Toutefois les Bulgares qui disposaient d’une autorisation de travail à durée indéterminée douze mois au moins avant l’adhésion européenne de la Bulgarie, ont pu bénéficier automatiquement du même traitement que les autres citoyens de l’Europe communautaire. Aujourd’hui, le nombre de migrants bulgares en Grèce est estimé selon des sources non officielles autour de 300 000 personnes (sur un total de quelque 1,5 millions de migrants). En dépit des protestations et des articles publiés dans la presse grecque selon lesquels les « immigrés envahiraient la Grèce », ce nombre ne cesse d’augmenter. Une décision récente de la Cour suprême grecque, en date du 8 novembre 2007, laisse toutefois augurer de meilleurs jours pour les Bulgares vivant en Grèce25 : la Cour a en effet décidé de légaliser la présence de tous les travailleurs étrangers illégaux employés dans les secteurs de l’élevage et de l’agriculture. Une décision qui n’est pas sans importance, si l’on sait que les Bulgares travaillent principalement dans le secteur agricole.

32 Il demeure cependant trop tôt pour déterminer si l’on observera dans les années à venir un retour progressif des migrants en Bulgarie en vue de créer, grâce aux ressources tirées de leurs expériences migrantes, de petites et moyennes entreprises - comme l’ont fait en Grèce, dans les années 1970 et 1980, certains migrants grecs partis travailler en Allemagne et aux Etats-Unis.

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NOTES

1. Ces entretiens se sont déroulés en Bulgarie. 2. Voir Lauth Bacas (Jutta), « Greece and its New Immigrants. Features and Consequences of the Recent Immigration to Greece », Ethnologia Balkanica, 6, 2002, p.197-208 (p.197). Valeri Grigorov, envisageant en parallèle les migrations économiques bulgares, celles de la population albanaise et, dans une moindre mesure, des migrants d'ex-URSS et de Roumanie, souligne de même cette transformation de la Grèce d'un pays d'émigration en pays d'immigration et remarque que « pour de nombreux Grecs, l'accroissement rapide du nombre des immigrants provoque un réel choc culturel ». Voir Grigorov (Valeri), « Les immigrants économiques en Grèce »[Ikonomičeskite imigranti v Gărcija], in Karamihova (Margarita ), ed., Vivre là-bas, se rêver ici. Les processus d’émigration au début du XXIème siècle [Da živeeš tam, da se sănuvaš tuk. Emigracionni procesi v načaloto na XXI vek], Sofia : IMIR, 2003, p.236-248 (p. 242). 3. Voir Mediterranean Migration Observatory, Panteion University, Statistical Data on immigrants in Greece. An Analytic Stady of Available Data and Recommadantions for Conformity with European Standards, Athens: IMEPO, 2004, 80p., à l’adresse : http://www.mmo.gr/pdf/general/ IMEPO_Final_Report_English.pdf [consultée le 9 octobre 2008] 4. Dimităr (groupe II) et Jordan (groupe IV). 5. Il est possible de fournir les prénoms, âges et lieux de naissance de certains d'entre eux : Lidija, 49 ans, originaire de Gabrovo (en Grèce depuis six ans); Bisser, 27 ans, originaire de Ruse (en Grèce depuis sept ans); Sofija, 49 ans, originaire de Gabrovo (depuis six ans en Grèce); Кrasimir, 28 ans, originaire de Haskovo (depuis sept ans en Grèce); Velizira, 28 ans, orignaire de Gabrovo (en Grèce depuis 5 ans). 6. Sont connus sous le nom de kopanari, des Roms (cigani) chrétiens à auto-définition rudari, qui parlent un dialecte du roumain. Il convient de souligner que certains d'entre eux ne se définissent pas comme Roms (cigani). 7. Les personnes évoquées en note 2, avec lesquelles l'auteur n'a pu réaliser d'entretiens, présentent le même profil scolaire.

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8. Pour des conclusions similaires concernant une période antérieure, voir Маrkova (Eugenia), Saris (Alexander), « Les migrants bulgares sur le marché du travail grec » [Bălgarskite emigranti na grăckija trudov pazar », Ikonomika, 7, 1997, p.24. 9. L'auteur ne connaît personnellement pas de femmes dans cette situation. Leur présence en Grèce lui a été communiquée par les récits de migrants et des journaux des migrants publiés dans le pays. A la place d'Elena Georgieva, une Bulgare partie travailler en France en 2003 dans le secteur agricole, est désormais employée comme infirmière à Pelasgia Margarita, une Bulgare originaire d'un village de la région de Orjahovo. 10. Rappelons que les données évoquées ici concernent la période antérieure à l’entrée de la Bulgarie dans l’Union européenne. 11. Voir également les conclusions auxquelles parviennent Маrkova (Eugenia), Saris (Alexander), « Les migrants bulgares sur le marché du travail grec » [Bălgarskite emigranti na grăckija trudov pazar », Ikonomika, 7, 1997,, 1997, p.25. 12. Voir Bacas (J.), op. cit., p.202. 13. Les chauffeurs des lignes de bus régulières entre les deux pays acceptent, contre une certaine somme, de transporter de l’argent et des bagages depuis la Grèce vers la Bulgarie – mais jamais en sens inverse. 14. Grafija (pluriel grafij) est la prononciation bulgarisée du terme grec γραφείο, qui signifie en l’occurrence le « bureau de travail » privé à travers lequel les migrants cherchent le plus souvent un emploi - en échange d’une somme de 150 euros ou de la remise de leur passeport à leur intermédiaire. Ils récupèrent leurs documents une fois qu’ils ont reçu leur premier salaire et payé ce qu’ils doivent au grafija. 15. Parmi les enquêtés, un couple est entré en Grèce avec ses enfants en suivant cette voie. L’auteur connaît également un grand nombre de kopanari originaires des villages de Bratica et de Kameno (région de Karnobat), qui ont par le passé travaillé en Grèce et franchi la frontière ainsi. La plupart d’entre eux étaient rentrés chez eux au moment de l’enquête, en 2003, mais ils avaient toujours des membres de leur famille en Grèce. 16. Voir Bacas (J.), op. cit. p.200. 17. Pour un constat similaire, voir Маrkova (Eugenia), Saris (Alexander), op. cit., p.26. 18. Ibid., p.24. 19. Notons qu’en 2005, un nouveau programme de régularisation des migrants a été lancé par le gouvernement grec à travers, notamment, l’adoption de la Loi 3386/05. Toutes les personnes pouvant apporter la preuve qu’elles résidaient en Grèce avant le 31 décembre 2004 ont été déclarées éligibles, de même que les migrants qui avaient échoué à renouveler leur permis de résidence. Les amendes passées infligées pour non-respect de la durée légale de séjour devaient cependant être réglées sous peine de voir les dossiers rejetés. 152 400 migrants ont déposé une demande de régularisation. Fin 2006, 76 952 personnes avaient été régularisées pour la première fois (25 497 Albanais, 7 480 Bulgares et 6 257 Roumains) et environ 85 000 migrants dont le permis de résidence avait expiré avaient pu bénéficier du progamme. Le nouveau texte de loi a par ailleurs fondu en un seul document - un permis de résidence désormais émis au niveau de la région - les anciennes autorisations de résidence et permis de travail. Chiffres cités dans Center of Planning and Economic Research, Policy Report on Migration, Asylum and Return in Greece, 1st Draft, Athènes, juin 2007, à l’adresse : http://www.antigone.gr/listpage/selected_publications/eu/071109.pdf 20. Chez eux, il s'agit généralement des parents les plus proches – mère, père, enfants. 21. Voir Pavlov (B.), « Les droits des travailleurs migrants » [Pravata na rabotnicite migranti], Problemi na truda, 9, 1996, p.54. 22. Notons que ce sont des Roms qui travaillent dans la récolte du coton. Aucun des migrants bulgares connus de l’auteur ne travaille dans ce domaine.

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23. Il s'agit du processus de tri manuel des olives en fonction de leur maturité et de leur qualité. Après quoi, les olives passent par le dialogue. 24. En janvier ou en février en fonction de la récolte. 25. Ils tombent sous la protection d’un contrat de travail collectif, y compris lorsque l’accord passé avec les employeurs l’a été par voie orale. Voir « Les accords verbaux avec les employés ont force de contrat de travail [Ustnite ugovorki s rabotnicite săs silata na trudov dogovor] », à l’adresse : http://www.grreporter.info/.

RÉSUMÉS

L’étude présente a pour objectif d’éclairer les migrations bulgares à destination de la Grèce, intervenues dans le sillage des bouleversements politiques et économiques de l’après-1989. La proximité géographique du pays a constitué l’une des variables ayant conduit les Bulgares à en faire une destination privilégiée. A la différence des départs vers les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou même certains pays ouest-européens, nous sommes ici en présence de migrations essentiellement pendulaires, reposant sur l’alternance entre séjours en Grèce et retours en Bulgarie. Les modes d’insertion professionnelle des migrants sont également spécifiques, avec des emplois dans la construction ou l’agriculture, les services à la personne, l’hôtellerie ou la restauration. L’article explore tout particulièrement les réseaux sociaux mobilisés par les migrants pour franchir la frontière bulgaro-grecque et le rôle des « passeurs ». Le passage illégal de la frontière est resté prépondérant jusqu’en avril 2001, au moment de la levée des visas Schengen. Mais les ressources de l’illégalité n’ont pas disparu après cette date ; elles se sont déplacées depuis une entrée irrégulière vers un emploi parfois non déclaré. Enfin, les formes de solidarité sollicitées par les migrants sont examinées (mettant en exergue la différence entre le rôle des réseaux familiaux chez les kopanari, un groupe rom, et leur moindre prégnance en milieu bulgare) tout comme les modes d’insertion des travailleurs temporaires dans la société d’accueil.

INDEX

Index géographique : Bulgarie, Grèce Mots-clés : Migrations

AUTEUR

NIKOLAJ GABĂRSKI MA. Nikolaj Gabărski est titulaire d’une maîtrise en ethnologie de l’Université de Sofia « Kliment Ohridski » consacrée aux migrations bulgares en Grèce. [email protected]

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Migrations in the “neighborhood”: Negotiations of identities and representations about “Greece” and “Europe” among Bulgarian migrants in Athens

Aliki Angelidou

1 Τhe last two decades intense interest has been developed among scholars around the questions of “migration” (Brettell 2003), “diasporas” (Clifford 1994, Brah 1996, Cohen 1997, Vertovec & Cohen 1999) and “transnationalism”1. This academic interest is related to phenomena associated with late modernity, such as the inflation and acceleration of the movements of goods, services, information and people around the planet or the reconnection through these processes of places which seemed far remote in the past2. This is the case of Bulgaria and Greece, both of which have faced new forms of migration since the end of socialism. The former has known a massive external emigration, a phenomenon practically inexistent during socialism, whilst the latter has been transformed from an emigration to an immigration country, receiving immigrants mainly from Balkan states and the former Soviet Union3.

2 In addition, as several researches have shown, the reopening of the borders after the end of socialist regimes has activated processes of stereotyping and demonizing the “Western” or “Balkan” Other respectively, as an opposite to the Self4. The new increasing trans-border movements at the edges of the European Union, between two neighboring countries that until very recently were separated not only by a national but also by a European border, do not imply only diverse changes of the socioeconomic situation of the persons that move, but are also invested with new meanings and values and signify new ways of defining individual and collective identities5. It is thus interesting to explore how the experience of migration permits the confirmation and/ or reevaluation of stereotypes about the Self and the Other in the context of movement

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between two neighboring states that have constructed their image of the (national) Self in opposition and antagonism to each other6.

3 It is in this sense that this paper deals with the perceptions Bulgarian migrants have of “Greece” and “Europe” during their daily interactions with their Greek employers, civil servants and neighbors. Emphasis is placed upon the reconsideration of the images migrants used to have before their arrival to Greece, through the experience of daily life there. More specifically, I explore the reconfigurations of their image of Greece, as a member of the EU and a “wealthy” and “successful” country, on the one hand, but on the other, also as a neighboring country which seems much familiar and similar to Bulgaria. In addition, I look into the impact of these representations on the migrants’ ideas about the EU and the negative attitude that most of them adopt towards the ascension procedure. Last call of attention is for the diverse self-images that are activated through the migration process as well as for the new power relations involving both the newcomers and the Greeks.

4 The analysis is based on the material collected through fieldwork research conducted in the area of Athens in 2005-2006, just before Bulgaria’s ascension in the EU7. Subsequently, further research was conducted in 2007-2008, after Bulgaria’s entry, in an attempt to detect potential changes in practices and representations initiated by this fact. The research was based on fieldwork including participatory observation and interviews with Bulgarian migrants in Athens and the semi-urban area of Marathonas8. In contrast to most recent social research on migration in Greece, which draws on quantitative data and on the institutional aspects of the new migration (legislation, official policies and discourse), this anthropological research attempts to turn to the unofficial aspects of migration, focusing on qualitative data and life stories9. Thus, by giving voice to the discourse of the migrants themselves it explores the ways in which they perceive both European and Greek society, redefining their identities through the migration process10.

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Map 1 – Region of Attica: main places of fieldwork

Source : http://www.travel-greece.orgathens_atticaatticamap

The motives of migration and the initial representations about Greece

5 In numbers, the Bulgarians are, after the Albanians, the largest migration group in Greece today11. Their massive arrival in the country started almost a decade latter than that of the Albanians, at the end of the 1990s and continues until nowadays12. Bulgarian migrants in Greece are mainly Christian women13 of working age, who move individually, usually leaving their family back. They undertake, legally or illegally, unskilled jobs as agricultural workers, house-cleaners, baby sitters and private nurses for elder people. They also work in restaurants or bars as waitresses, cleaners or cooks and in the entertainment, including sex services14.

6 Concerning the motives of their migration, most Bulgarian immigrants state economical reasons: “We came for the money. That’s it” remarks Tanja, 33 years-old. They mention that the basic reason for crossing the borders was the important difference of wages between the two countries. Many of them stress that they would not have come in Greece if this difference did not exist. Consequently, the border signifies economic differences and makes mobility profitable in this case of migration, as in many other cases, since it produces value through economic inequalities that exist on both sides15. Some refer to unemployment as a motive for migration but most of them had a job and were owners of a house or apartment in Bulgaria. Nevertheless, the salaries they received were too small to allow themselves and their families to save money or satisfy their needs, such as the education of their children, the maintenance of their

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apartment or, more rarely, the acquisition of a house. So although many of them could be considered as “wealthy”, having a job and owning a real estate, they decided to migrate because they perceived themselves as “poor” and insufficient to cope with the demands of the new capitalist way of life.

7 In addition, they underline that they decided to move in Greece specifically, because of its proximity with Bulgaria, both geographical and cultural: “The two countries are very close regarding the mentality and way of life” remarks Lily, aged 54. For most of them, Greece seemed a nearby country to which they had an easy access and from which they could easily reach back Bulgaria: “I was thinking that in case something happens, I can reach the Bulgarian border even on feet” 34 year-old Mariana notes. So the sense of moving to a familiar and proximate country was a crucial factor determining the choice of Greece in comparison to other EU countries. Many of my younger co-discussants envisaged Greece as a first stop in their movement towards another European country, whilst older ones preferred Greece exactly because of its proximity, as they considered that they were migrating temporarily (although the duration of their stay was not clear to them) and that the movement back and forth between the two counties was possible.

8 Concerning the initial representations about Greece before traveling there, many informants remark that they had few or vague images “I knew nothing about Greece before coming here, only that people come to work and earn good money” Daniela, aged 38, remarks. Few had traveled abroad before their migrant experience, almost exclusively to countries of the ex-socialist block. So most of their images were constructed either through the narratives of relatives, colleagues, or neighbors who had migrated to Greece - or had heard from other people who had done so - or through the various Greek movies and soap operas that pass in the Bulgarian television the last years.

9 In the narratives they had from their acquaintances, Greece was presented in a stereotypical way as a “wealthy”, “developed” and “beautiful” country where “people live well”, images in total contradiction to the situation of socio-economic crisis in Bulgaria at that moment. Some of them, the most educated ones, had an idealized image of Greece, associated with the antiquity and with the ancient Greek civilization, drawn from their school education or from their personal readings. In a more general way, most Bulgarian immigrants note that Greece represented for them a country “equivalent” to their own in terms of shape and geopolitical situation but which has met a more successful economic development during the last decades and has profited from generous EU funding: “you have chosen the right camp, we didn’t” Valentin, aged 40, notes16.

10 Another feature of the Bulgarian migration to Greece is the very little planification regarding the displacement. In their majority, my co-discussants claim that they didn’t have any specific program in respect to the place where they were going, the job they would do or the duration of their stay: “I didn’t have any initial plan, I just decided one day to live and I left the next” 37 year-old Iva explains. They are giving emphasis to the fact that they envisaged a temporary movement, just to escape a difficult socio-economic situation in their country: “I left for some months to earn some money for repairing our apartment and here I am still in Greece for 9 years now!” 38-year-old Daniela says. No one of my informants left with the idea that s/he wouldn’t return to Bulgaria and that s/he was leaving in order to be settled permanently to Greece. And nobody made any long- term preliminary preparations, as for example learning Greek before arriving there17.

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The transformation of the initial representations through the migration experience in Greece

The Greek state, the informal networks and the private sector

11 The very first impressions after the arrival in the “host”-country were positive. As most persons have crossed the borders by bus, in their descriptions they refer to the difference and beauty of the scenery: the sea, the lack of green compared with Bulgaria, the nice weather. They also remark the “order” and “cleanliness” of the landscape: “here all the houses are white and clean, you don’t see neither mud, nor dirt as you see in Bulgaria, that is what surprised me most at first” remarks Iva. Furthermore, they describe the Greeks as “open”, “spontaneous” and “joyful” people. And, despite the differences, they quickly had a sense of familiarity in their new social environment, especially those who found themselves in rural areas: “I had heard that Greece is a modern and rich county but when I came to Marathonas (a small agricultural town in the suburbs of Athens) I found my village” notes Nadka, aged 46.

12 However, for many migrants the first positive impressions have been followed by a kind of disappointment. Their disappointment and disillusionment is associated with the lack of involvement and assistance, towards them as migrants, from both the Bulgarian and the Greek state. To my question how did you arrive in Greece Liliana replies “by paying and through acquaintances” (s pari i chrez poznati). Most of them collected all the practical information about the trip from relatives and acquaintances who had already migrated and were familiar with the procedures. They traveled with one of the specialized Greek-Bulgarian tourist firms that assure the visa and organize the trip to Greece. Upon their arrival, they have been initially hosted by acquaintances who also helped them to find their first job. Many of them, especially women, underline that the presence of relatives or acquaintances was a decisive factor that oriented them towards Greece. In other cases, they have been settled in one of the hotels reserved for immigrants in the center of Athens and they have been addressed for a job to a specialized office.

13 It becomes clear that the informal networks of support and the personal relations, assisted by the private business sector are the main sources of information. As there is no bilateral agreement between the two countries to provide a framework to this mobility, migrants try to resolve the problems of their movement towards Greece as well as those associated with their residence and their search for a job through these complex networks, in which both Greek and Bulgarians are involved. Since structures of accommodation do not exist, as it is the case in other EU countries, the presence of the state in all these procedures is limited and usually becomes synonym of maltreatment and inefficiency. For all these reasons migrants turn to private sector and to personal contacts to deal with permanent or less permanent hardships in the new country18.

14 Most of the migrants have entered the country with a short-term tourist visa and remained after its expiration. Many have legalized their status in Greece and regularly apply for the actualization of their official documents. Especially for persons that left their family behind, the official documents are of first importance since they can circulate back and forth freely, and this is the reason they seek to have a legitimate status despite the efforts demanded and the important financial cost of the procedure.

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Others, mostly those who envisage their return in Bulgaria in the years to come, prefer to remain undocumented workers as they consider that they don’t get any profit from the money they are asked to pay and that the years of work in Greece won’t be recognized in Bulgaria once they will return. In addition, many negotiations take place between employer and employee whether the former will pay for social security or not and most, especially women who work as house-cleaners or private nurses, prefer a kind of public “self-insurance”(«αυτοασφάλιση») where the employer is not involved19.

15 During the first years of their stay they live in an intense state of temporariness, mobility, invisibility and lack of interaction with the state20. They are employed at seasonal or short-term jobs, they change frequently place of work and residence, employers and sector of work, often moving from rural to urban areas and vice versa21. They claim living under stress, fear and insecurity related to lack of legal status, insufficient knowledge of the language, distance from their relatives and cohabitation with people they know very little and who are often old and sick. In most of the cases the first trip to Bulgaria takes place after three or five years, time necessary to legalize their situation in Greece and being able to circulate without any major difficulties inside and outside the country.

16 As time goes by, their presence becomes more visible in the public space and are created “meeting places”, markets and restaurants where they can socialize and consume products coming from their country. Furthermore, they get to know the language better and, especially women, prefer to leave their “internal” domestic jobs (vûtreshna rabota) in order to work as freelance house-cleaners (vûnshna rabota), they hire an apartment and share it with one or more co-ethnics. One decisive factor stipulating these changes is the legalization of their residence in the “host” country and their passage from the status of “illegal” immigrants to that of “legal” (foreign) workers: “During the first years I was very afraid, I was not going out, we used to meet with two other friends of mine to a small public garden nearby in order to avoid being seen. We avoided the public transport, we were not speaking Bulgarian in public spaces … now everything has changed, I am not afraid anymore!” 54 year-old Stefana remarks. All these changes signify a qualitative transformation of the migrant’s presence in Greece.

17 Nevertheless, as a consequence of the lack, or loose implementation, of law regarding their residence and the conditions in the workspace, there is a great freedom of action in the labor market but also less security for both the employers and the workers. As most of them are involved in jobs where the relations with their employers are more personal –especially those who look after children and elderly people- trust and personal involvement are developed. It is indicative that finding a job through acquaintances is considered to assure both to the employer and to the employee a kind of guarantee:“My employers trust me, now they even give me the keys of their house. But I also behave myself well. Because everything is a matter of confidence” Rada, aged 55, remarks.

18 At the same time, the transactions with the state are most of the times synonymous to maltreatment, inefficiency and exploitation. To this perception contribute the experiences with the public services, a contact which most of the times is unfavorable to them. Many migrants believe for example that the health system they left in Bulgaria was much better compared with the Greek one, but they feel that nowadays “even this one has changed for the worstand became like the Greek one!” (Dana, aged 47). They refer to the long queues and to the waste of time in front of the desks of the services, or to the inefficiency of the employees. They all have faced difficulties to obtain the

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necessary documents for their legalization procedures and they are shocked by the Greek bureaucracy: “during my stay in Greece I have collected as many documents as for my entire thirty years life in Bulgaria”32 year-old Dida notes. Some decide to hire a lawyer for dealing with all their transactions with the public services but they complain that they are often exploited instead of served. For example, they are demanded to provide huge amounts of money for small services or they are treated without the necessary seriousness: Greek lawyers talk to them impolitely, they don’t take the time to listen to them, they are always busy when their clients call them for their affair.

19 The most serious complain and disappointment has to do with the hardships and lack of respect they face both from the public services and the civil servants. They are very critical about the latter “who get their salary from us but treat us like rubbish. Very few are polite and civilized” (Ιva). They also feel that the Greek state is interested only in getting profit from them. For example, most of the time the work and residence permissions they get are expired: “we pay for our obligations and we give the money on time, but they (the civil servants) don’t do their job properly, they only are interested in getting the money” Katia, aged 49, complains. Nonetheless, many migrants believe that this kind of treatment is not reserved to them specifically, but concerns the Greek citizens too. And although many declare themselves dissatisfied by the social services they use them systematically. They even adopt some attitudes of the local population. For example, Mariana made an important operation in a public hospital. She says: “I received my money from the social security but I knew that I had to give to the doctor who operated me some extra money (roushvet). This is a common secret in Greece”. Others prefer to visit private doctors only, as many Greeks do: “if it is necessary I prefer to go to a private doctor. You go, you pay and have your job done, whilst in a public clinic you have to wait for months to have an appointment with a doctor!” Ivan, 33 years old, explains. In all cases, they perceive the contradiction between the strict legal framework and the weakness and malleability of the state regarding the application of the law as a feature of the Greek society concerning not only the immigrants but also the Greek citizens. They realize that the personified and unofficial character of the relation of both Greek citizens and immigrants to a weak institutional framework and a powerful bureaucratic mechanism is quite similar to the way the Bulgarian state functions, driving them to feel Greece more familiar and proximate with Bulgaria.

Relations with the Bulgarian state and association with the co- nationals in Greece

20 The above perceptions are interrelated to the images Bulgarian migrants have about the Bulgarian state and its representatives in Greece (mainly the embassy). Almost unanimously they have a very negative opinion about it, as well as for the Bulgarian Association in Athens22, as they consider that they both are indifferent to the real problems of Bulgarian citizens and do not care for helping them abroad: “the Greeks treat us better than the staff in our embassy. They think that they are installed in a throne and that all those who are behind the desk are a distant 22nd category of people. I feel total disappointment” (Daniela, 38 years-old). This is the reason why most of them systematically avoid every possible contact with the above-mentioned institutions. For example, few assist the official celebrations organized by the Bulgarian embassy in collaboration with the Association in the 24 of May, Day of Cyril and Methodius. The great majority despises such events reacting to the lack of interest and support that

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they perceive from them: “we don’t need parties and fiestas when we don’t even have legal papers here”Dida remarks.

21 The church doesn’t constitute either a pole of attraction or a meeting point for the Bulgarians in Athens, as it is the case with the Russian orthodox church or the Polish catholic church23: “We, Bulgarians are not so religious (viarvashti)” 34 year-old Mariana notes. The ones who wish to attend the liturgy go to the Russian church or to Greek orthodox churches in the neighborhood they live. Some, especially older women, are influenced by the overall situation in Greece where many people go often to the church, and accompanying the older people they take care of, visit the church much more frequently than they used to do in Bulgaria. Others have joined the Pentecostal, Evangelical and other non-orthodox churches in Athens.

22 In a more general way, there is not a sense of “community” among the Bulgarians in Athens. As it doesn’t exist any distinct neighborhood (most of them live either in the city center in mixed immigrant neighborhoods or they are dispersed in the city according to the places their employers are located), nor a shopping district (only some “ethnic” shops here and there in the center of Athens), there is an absence of a geographically or network-based ethnic community. In their free time, people socialize mainly in the Bulgarian restaurants or at the Bulgarian market in the center of Athens, in coffee shops and parks all around the capital. They also invite and organize feasts at home. Nevertheless, social networks are weak and neither serve any strategic purposes nor do they play any important political role24.

23 Most of our co-discussants declare having friendships almost exclusively with other Bulgarians25 and at the same time they speak in a very negative way for their compatriots: “when I see how some of us behave I am ashamed that I am Bulgarian” 38 year- old Daniela remarks.“We Bulgarians are a little bit jealous one another (zavizdame se). Albanians are not like that. The gypsies neither. They might cheat one another but if you cheat one of them they will come and kill you. Whilst Bulgarians will ignore you and won’t give you any help … why should I have to associate with people who at least each word they state out of three is a lie?”42 year-old Galia makes a typical comment. Most of them met their co- ethnics in Athens through common acquaintances or whilst waiting in the long queues for their documents or, simply, by hearing them speaking Bulgarian in the bus or another public place: “I had never met as many Bulgarians from so many different corners of the country as I have met here” 45 year-old Rumiana explains.

Performances of symbolic boundaries and redefinition of Bulgarian identity

24 Except the relations with the Greek state, everyday interaction with natives contributes to the ambivalent sentiments and images that most Bulgarian migrants have of Greece. From the time of Fredrik Barth's seminal study on borders (1969), it has become quite commonsensical within anthropology that boundary maintenance involves complex symbolic processes of inclusion and exclusion that safeguard the “integrity” of the respective groups. This is more so in the case of Balkan identities, in the light of their historical background and today's population flows. As G. Tsimouris notes about Greece “migrants’ identities, especially those who have Balkan origin (…), are shaped in the fissures of a framework of antagonist ethnocentric traditions” (2008b: 9). Since their

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formation in the 19th century, both the Greek and the Bulgarian state have constructed their national identity at the base of antagonisms with the neighboring Others, a competition expressed and nourished first by the numerous Balkan conflicts and second by the cold War divisions. Both states have also lacked of a pluralist ideology, giving emphasis to assimilation and national homogenization rather than multiculturalism26. With the opening of the two countries to new migration flows the stereotypes about the Self and the Other are challenged. Thus, in this context are formed the ways in which Bulgarian migrants perceive Greeks and through the interaction with them reconsider their self-images and question or confirm their “Europeaness”.

25 As there is not any physical Bulgarian community in Athens, most individuals have regular everyday contacts with their Greek neighbors, colleagues or employers. On the one hand, they recognize several common features between Bulgarian and Greek people: “We both are Balkan people, aren’t we? … A little bit savage (he laughs) … A little bit Oriental (he laughs). This is not something negative for me. We both have something … how could I explain, a kind of madness, a temperament (tamperamentni). We are not cold (studeni) like the Germans or the Austrians for example” Anton, aged 41, comments. They also refer to the common religious tradition “we are Christians, like you are” (Violeta, aged 49), although they consider Greeks to be much more religious than they are.

26 However, through their stay in Greece they develop a more critical view of the Greeks, related to the bad behavior and the lack of respect they often receive from them: “they look at me in some unfriendly way, as if I am an enemy, because I am a foreigner and have an accent. I would like them to look at me just like a human being” Stefana recalls. They believe that younger Greeks are more open as they are interested to learn about socialism as well as about the actual situation in Bulgaria, whilst elderly people are often more reserved and biased. For example, the latter often refer to the old territorial competitions between the two countries or deny tasting Bulgarian food, demanding from the Bulgarian domestics they hire to cook Greek food. What affects the migrants more is the stereotypical ideas many Greeks have about life in Bulgaria as quite “poor” and “underdeveloped” and their total ignorance about the Bulgarian history and the actual situation of the country: “What angers me more is when people here ask me whether during communism we had refrigerators, washing machines and other facilities, or even if we have such things today! What do they think, that we live like savages?” Daniela notes.

27 In addition, the new work relations initiated by migration contribute to the transformation of the participants’ perceptions regarding their social status. Most of my informants note a reconsideration of hierarchy relations between the two countries after the end of the Cold War due to their economic inequalities. They remark that immigrants take all the jobs Greeks don’t want to do any more, like -agricultural- workers, house-cleaners, builders, and that this situation creates social differentiations. They criticize the moral and economic superiority that they feel that Greeks perform in relation to foreign workers. They also believe that until recently both Greece and Bulgaria were peripheral and poor countries and that in many aspects Bulgaria was in a better economic position than Greece: «Greeks don’t treat us like equals. They have a short memory, as they don’t remember any more that some years before they also were immigrants in Germany or Australia. Now they behave like bosses!” (Rumiana). Many explain how difficult their everyday life is and the social degradation that migration implied for them “I have

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worked as a teacher all my life long and here I came in my late forties to become a house-cleaner in a foreign country” Katia complains.

28 It becomes clear that due to Greece’s economic development during the last decades Greeks can now perform new roles. As Lauth Bacas notes, “from potential migrants they turned into potential employers of migrants” (2002: 206) and this transformation process has important implications to the ways they reaffirm their social identities. Through their contacts with immigrants, Greeks develop a sense of superiority and “Europeaness”. Nevertheless, Bulgarian migrants criticize this image as they consider that Greeks look for easy money, that they are lazy and wasteful: “you pass your time drinking coffees, eating out and spent a lot of money purposeless, just for pleasure” Rada remarks. These practices are in contrast with the economic strategies most migrants adopt, working double and triple jobs in order to save money and invest it for their children’s education or for the construction, repairing or buying of property. This is the reason why Bulgarian migrants challenge the Greek image of the self as “successful” and “European”: “You have become rich with foreign money and now you want us to respect and serve you” 40 year-old Valentin voices a typical comment. Furthermore it seems that these hierarchies are constantly in balance as in many occasions Bulgarians reverse the hegemonic images which Greek society fabricated of them. For example, Greece is seen in many ways as inferior compared with Bulgaria of the socialist era. They recall the achievements of their country in many domains of the public life, the standards of services that seem to have been much higher rather than in contemporary Greece, as for example the education or health system. In many cases, they also declare that they are not interested in getting the Greek nationality and that what is more important for them is the possibility to assure a legal status in the country. “Why should I look for a Greek passport? Now that we have entered the EU it has the same value with the Bulgarian one. The only thing I want is to have legal documents, to be able to live free in this country as in my own ” 34 year-old Mariana comments.

Representing “Europe” and the European Union

29 Concerning the entrance of their country inthe EU, in contrast to the favorable opinion that most of their compatriots in Bulgaria express, Bulgarian migrants, in their majority, are much more skeptical and often they are against it: “I would prefer that we remain independent, like Switzerland or Norway, I don’t know exactly which are these countries in the North, who have chosen not to enter. I personally disagree, but nobody asked my opinion” Violeta remarks. Many are very pessimistic about the situation in their country and consider that the entrance to the EU will not change anything to the positive direction: “I’m completely disappointed from Bulgaria. I think we will enter the EU next year, isn’t it? Then the country will be evacuated. Every single person who has the opportunity will leave” notes Daniela. Also, most believe that nothing will change in their everyday life in Greece because of the integration of Bulgaria in the EU. Some others have not a clear idea and say they expect to see what will happen in relation to the enlargement in order to decide whether they will return or not.

30 For most of my co-discussants “Europe” seems to be an idealized and abstract entity, hearing many things about it but having few experiences. They remark that during their stay in Bulgaria EU policies affected very little their everyday life. They also argue, that for the moment, they do not notice any major impact in the life of their

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relatives in Bulgaria as a result of the country’s attachment to the EU. Most of the time, they stress that the only tangible experience they had of the EU was the important problems they faced in their attempt to have access and free movement within the EU space. In view of such difficulties, they seem to reject a relation with a “Europe” with which they believe they share common values, but which treats them as different, and inferior, because of their economic inefficiencies. Considering themselves as members of Europe in cultural terms, they expect solidarity and assistance to their individual and national effort of economic and political transformation. Instead they see themselves placed at the bottom of the hierarchy of the European nations and treated in the same way as other immigrants from Asia or Africa which they perceive as distant and different “We are Europeans, but here we are treated just like all other immigrants” Dana makes a typical comment. This is the reason why they reject the partial European citizenship and legal rights that the EU enlargement implies and the new limits it demarcates between the “old” and the “new” Europe27.

31 In addition, many are very skeptical and consider European policies to be unfavorable for the smaller and less powerful European states, like Bulgaria. In several aspects, their experience from Greece drove them to become more reserved: “We will become like you. The prices will catch up in European levels whilst the salaries will remain Bulgarian” Vesselin, aged 31, comments. In a more general way, the experience of a country like Greece, who has benefited from the economical advantages of its participation to the European project but which did not achieve to fully adapt to the ‘European’ institutions, enforces an image of Europe’s powerlessness and creates more doubts about the interest of adhering to it. At the same time, they foresee a future for their country similar to that of Greece and make of it an example with which they can compare and identify their country: “one day we can become like Greece, but we will never become like Britain or Germany” Iva notes. So Greece represents for many migrants not a model of what a European country is but a plausible model of what Bulgaria will become through its participation to the EU.

32 Concerning their plans for the future, no one can give a definite reply: “It is very difficult to foresee at this moment. During communism we were used to make long-term plans. This is no longer the case. World is now insecure” 34 year-old Lily says. In a more general way, their discourse is characterized by pessimism for the future: “I amnot at all optimist” Daniela says “I am hearing since long that the situation will get better, but I do not see any improvement. On the contrary, things are getting worse and worse. The difference between people in Bulgaria, between the poor and the rich, has become too obvious. Who can make me optimist? I only hope that things will get better formy children, although I doubt.” As a result, Bulgarian migrants in Greece live in the present. With a lot of references to the past and few expectations or dreams for the future, they try to cope with the uncertainties and the unstable conditions that have followed the fall of socialism and the integration of Bulgaria to the contemporary, globalized world.

33 These perceptions explain to a large extent the fact that very few are planning their return to Bulgaria in the near future, especially among the younger ones. Disappointed by the Bulgarian state, and pessimistic of the future in Bulgaria, they face Greece as a country close to their country of origin and, at the same time, providing them with more favorable economic opportunities and better conditions of work and life in the present. Many note that they believe that jobs and conditions of life in other European countries are better than in Greece and that they, especially the younger ones, had

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envisaged moving towardsthe “West”, namely countries like France, Germany, the UK or the States. But they admit that they finally stayed in Greece because after learning the language and after their struggle for legalization it was too hard for them to try all that once again in another place. As a result, although many of them migrated with the perspective to get back to Bulgaria some, especially those who have no family obligations, changed their minds and wish to establish themselves in Greece or to stay for a longer period of time, until they see the situation improving in Bulgaria.

Conclusion

34 Through displacement Bulgarian migrants create new categories and reconsider their self-images in relation to a neighboring Other with whom they have an ambivalent relationship. For most of them, migration to Greece was initially a movement with temporary character, towards a close destination, where they had already networks of acquaintances, a kind of “safe” relocation which could permit them to face the short- term economic difficulties that followed the end of socialism in their country. They departed for Greece with neutral or positive images about a country similar to their country of origin but which has achieved a better economic success the last decades, partly through its integration to the EU.

35 Nevertheless, the first positive representations have been followed by disillusionment. Their direct experiences in Greece generated the reconsideration of the migrant’s perceptions of the Greek society, which they consider as a “wealthy” and “democratic” one, but less “European” from other member-states of the EU, since ‘Europeaness” does not deal only with prosperity but also with the organization and the power of the state, as well as with the implementation of the law, domains which are less developed in Greece, exactly as it is the case of Bulgaria. As a consequence, the migration experience among Bulgarians comes to enforce the sense of proximity and familiarity between the two countries. This is the reason why they challenge the hierarchical relations developed between the Greeks and themselves through the process of migration. They question the construction of the Greek Self through the new work relations and the promotion of a ‘European” identity which opposes the Greeks as employers to the non- European Others, and more specifically to the new Other which are the immigrants. Furthermore, they equally experience and wish to challenge the role of a “second category” member in the EU and reverse this position by claiming a neutral role and a European identity such as that of Switzerland or Norway whose belonging to “Europe” is not questioned even though they are not part of the EU.

36 As our ethnographic example has attempted to show, the new Greco-Bulgarian contacts through migration create new frontiers and new performances of power. Like many other European countries, Greece was ill prepared to shift from an emigration to an immigration country. It also lacks a pluralist ideology and has based the construction of its national identity to an ideal of “homogenization” and “purity”, giving emphasis to assimilation rather than multiculturalism. In this context, the cross-cultural interaction between Greeks and immigrants leads to the intensification of social boundary maintenance. After all, disappointed from both the Bulgarian and the Greek state and reserved regarding the benefits they could get from their participation to the European project, Bulgarian migrants reject the hegemonic (Greek and EU) hierarchical

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representation about their migration and claim a place, both inside the Greek society and the “European family” as equal and legitimate members.

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NOTES

1. With important contributions (among others) the works of Glick Schiller, Basch & Szanton Blanc 1992 and 1994, Kearney 1995, Vertovec 1999, Kivisto 2001 or Levitt 2004. 2. It is also related to new theoretical advances such as the criticism of “methodological nationalism” (Wimmer & Schiller 2002) and of the binary (national) frames of thinking the migration, the focus on “deterritorialisation” (Appadurai 1991: 196) of social relations and identities or the interest about the subjective meanings of displacement. 3. According to the last census of 2001, about 70% of the immigrants actually presentin Greece come from the above-mentioned countries (National Statistical Service of Greece). 4. For the construction of the “European” Self in relation to the “Balkan” or “Eastern” Others see for example the work of M. Todorova (1997) and L. Wolff (1994). Also, for the ways Southeastern Europeans imagine themselves in relation to the “West” see M. Bakic-Hayden (1995) and V. Neofotistos (2008). 5. For the renegotiations of stereotypes and power relations of Greek tourists through the crossing of the Greek-Bulgarian border see the analysis of D. Kofti (forthcoming). 6. For a critical review of anthropological studies of migration in Greece see Agelopoulos (2007) and Tsimouris (2008a). 7. This presentation is based on material collected during my participation to the research program PYTHAGORAS II “Multiculturalism and migration in Greece: Ethnic groups, identities, representations and practices in the era of globalisation”, conducted by the Department of Social Anthropology, Panteion University and co-financed by the European Union and the Greek Ministry of Education. 8. Athens and Marathonas (region of Attica) are characterized by one of the most important concentrations of immigrants in the country. Mediterranean Migration Observatory, Panteion University, Statistical Data on immigrants in Greece. An Analytic Study of Available Data and Recommendations for Conformity with European Standards, Athens, IMEPO, 2004, p. 6 (http:// www.mmo.gr/pdf/general/IMEPO_Final_Report_English.pdf). 9. The features and character of migrants’ networks and their relation to space have not been considered as a priori given, but as one of the questions included at the research agenda. The research started from concrete individuals and has followed them in their everyday movements in order to investigate their social relations and the degree of their “territorialisation”. Interestingly, although this research was conducted in two places with different social features (the urban area of Athens and the ‘mixed’ or semi-urban area of Marathonas) and althoughI spoke to persons from both urban and rural areas in Bulgaria, I have not noticed any important differences regarding their representations and views. Actually such a rural/urban divide has proved inaccurate in my analysis since many of my co-discussants often move from one to the other while changing places of work and/or residency. 10. For some recent studies on migration in Greece see Labrianidis & Liberaki (2001), Nitsiakos (2003), Papataxiarhis (2006) and in Bulgaria Karamihova (2003), Krasteva (2005) and Ditchev (2008).

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11. Τhe Bulgarians represent 5% of the registered immigrant population, whilst the Albanians 55,6%, (Mediterranean Migration Observatory, op. cit., p. 5). 12. Bulgarian migration to Greece became massive after 1997, when the country encountered a deep political and economic crisis which pushed many people to seek for better living conditions outside Bulgaria. 13. According to the last census of 2001 (National Statistical Service of Greece) 60% of the immigrants are women. Nevertheless, the above picture does not concern the totality of Bulgarian migrants in Greece. During my research I realized that there are many families as well as many individuals with various educational levels and from various backgrounds who study, work and live nowadays in Greece. So I approach the migrants as a heterogeneous and polyphonic rather than a homogeneous, compact and stereotypical category. My research has focusedmostly on women informants not only because of their quantitative over-representation among Bulgarian migrants, but mostly in order to cover a big gap in the study of recent migrations in Greece, which is the study of the role of gender to migratory processes. Although this paper does not focus on gender issues it was important to mention that the majority of my informants have been women. For an anthropological analysis of the gender aspects of Bulgarian migration in Greece see also Angelidou (2008). 14. E. Markova 2001. 15. For the values created as a consequence of the inequalities between the two sides of the borders see the analyses of N. Green (2004) and M. Kearney (2004). 16. It is worth noting that these perceptions are already different from those I had collected during the fieldwork for my PhD dissertation in Bulgaria, in the mid-1990s, when the economic crisis in Bulgaria was just in its beginning and the mass emigration had not started yet. At that time, there was an important lack of information and images about Greece, which was considered as a culturally similar country to Bulgaria as well as equally peripheral and weak in terms of international political power. However, socialist Bulgaria was described as more successful in terms of technology and economic growth. These antagonistic and to a certain extent despising images were, to my opinion, related to the stereotypes the communist propaganda had disseminated during socialism about the “capitalist” neighbour. 17. Most of them have learned the language in their place of work, in their everyday discussions with their employers and colleagues or by watching television, whilst very few have taken any courses. As a consequence, after some years of stay in the country they speak more or less fluently but very few know how to write or read in an elaboratedway. 18. Initially they moved directly form Bulgaria to Greece with a tourist visa. But since 2001, when the Shenghen visa restrictions were abolished for Bulgarian citizens who could then travel and stay without any visa up to three months to any country of the EU, the controls on the northern Greek borders became stricter. For this reason many migrants followedlonger itineraries (through Serbia, Hungary, Austria, Italy or Serbia, Croatia, Slovenia and Italy), in order to have easier access through the less controlled Greek-Italian border. In this case also it was the private “tourist” companies that organized the trip and the official procedures. After 2007, entrance to Greece is not restricted any more to Bulgarians as EU citizens. But the procedures for getting a work and residence permit [«άδειαεργασίας», «άδειαπαραμονής»] are still complicated and expensive. 19. As private domestics and cleaning ladies they initially work without official documents and without social security and as the time goes by they obtain their legal documents and pay social security. Employers are more reluctant to pay any social security to their employees in taverns and bars. 20. The procedure of legalization started relatively late, in the late 1990s, almost a decade after the first massive arrival of immigrants in Greece.

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21. This temporariness is also expressed in the measures adopted by the Greek state: for example the work and residence permits have to be regularly actualized after their first edition. 22. This is the most important organization of Bulgarian migrants in Athens, assembling some of the most educated individuals and trying to cope with different questions concerning the every day life in Greece, such as the organization of Greek language courses or the provision of information about the legalization procedures. However, most of my co-discussants complain for its inefficacy and lack of organization. 23. The first Bulgarian church in Athens has been recently established. 24. The most significant activity of Bulgarian associative networks is the publication of four journals in destinated to the migrants, providing them with practical information about everyday life and about the legalization of their status in Greece. 25. They also claim some friendships or relations with Greeks but very rarely with migrants of another nationality. 26. For a series of critical analyses of the specific modes of construction of the relation between Nation and State in the Greek and Balkan case through special focus on the study of minorities and migration phenomena in contemporary Greece, see the works of the interdisciplinary Minority Groups Research Center (KEMO) (www.kemo.gr). 27. For example, in their effort to avoid massive migrations from the former socialist countries, many “older” member-states of the EU, Greece included, have taken some transitory measures limiting the free access to work and residence in their territory for citizens coming from the “new” member-states.

ABSTRACTS

This paper deals with the new increasing trans-border movements between two neighboring countries that until very recently were separated not only by a national but also by a European border. More specifically it explores the perceptions Bulgarian migrants have of “Greece” and “Europe” during their daily interactions with their Greek employers, civil servants and neighbors. Emphasis is placed upon the reconsideration of the images migrants used to have before their arrival to Greece through the experience of daily life there. Is also examined the impact of these representations on the migrants’ ideas about the EU and the negative attitude that most of them adopt towards the ascension procedure. Last call of attention is for the diverse meanings of “Bulgarian identity” that are activated through the migration process as well as for the new power relations involving both the newcomers and the Greeks.

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Geographical index: Grèce, Athènes Mots-clés: Bulgares, Migrations

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AUTHOR

ALIKI ANGELIDOU Dr. Aliki Angelidou is lecturer in Social Anthropology at the Department of Social Anthropology, Panteion University, Athens. She completed her PhD in Social Anthropology at the Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, in Paris, exploring the socio-economic transformations in post-socialist rural Bulgaria. Currently, she carries out research on migration and multiculturalism in Athens, with special focus on migrants from former Soviet Union and East European countries, and on the elites’ mobility in the Balkans. Her recent publications include : “Becoming the breadwinners : Economic practices and gender identities among Bulgarian female migrants in Athens”, in : To Vima ton Koinonikon Epistimon (The Tribune of Social Sciences), 18p. (forthcoming) ; “Returning to Cooperation: Production, Consumption and Identities in Post- socialist Rural Bulgaria”, in : V. Nitsiakos et als (eds.), Balkan Border Crossings : First Annual of the Konitsa Summer School, Munster : LIT-Verlag, 2008, p.126-176; « Identités en transition : communisme agraire et appartenance locale dans un village bulgare post-communiste », Divinatio, 25, Spring-Summer 2007, p.139-160. [email protected]

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Partir, revenir: imaginaires et itinéraires migratoires bulgares en Europe

3. Les migrations vues depuis la Bulgarie: recompositions des univers sociaux et des identifications

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Dynamique des réseaux sociaux dans un contexte de migrations intensives : le cas de Satovča (Rhodopes bulgares)

Margarita Karamihova Traduction : Bernard Lory

1 Cet article présente une analyse de la dynamique des différents réseaux sociaux dans un village montagnard et frontalier de Bulgarie, soumis à des courants migratoires intensifs. La notion de réseaux sociaux permet de décrire et d’analyser dans leur évolution les interactions réciproques d’acteurs impliqués dans des noyaux sociaux complexes plus ou moins durables. La description de ces processus complexes, produits d’un milieu culturel qui n’est que partiellement connu pour ses phases antérieures, constitue un sérieux défi scientifique, pour lequel il faut mobiliser toutes les ressources propres à l’ethnologie ou empruntées aux sciences humanitaires voisines. Le postulat de départ de la description du processus en cours est classique : chaque individu entre en interaction complexe avec des personnes qui appartiennent à des groupes de diverses natures. Ces interactions se fondent sur des rapports de caractères variables, qui tissent des réseaux intriqués. Une des possibilités consiste à classifier ces rapports dans la durée : liens de courte durée (par exemple vendeur-acheteur) ou liens de longue durée (par exemple liens d’amitié, de parenté). Cette première classification conduit à la suivante, celle qui juge de la force et de l’intensité des rapports. Il est indéniable qu’une caractéristique générale de tous ces rapports est leur tendance à se modifier continuellement. Selon leur importance dans la stratégie individuelle de chacun, à chaque moment donné, des liens de courte durée peuvent manifester une tendance à se transformer en liens de longue durée, et réciproquement. Il est plus pertinent pour notre analyse de considérer les rapports en fonction de leur force (White, Houseman 2), c’est à dire de leur importance ou leur intensité. Ainsi les rapports par lesquels chaque individu élabore ses réseaux seront-ils qualifiés de faibles (en général de courte durée) ou de forts (de longue durée). Les rapports faibles se caractérisent par un

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investissement limité en temps et en ressources (White, Houseman 2). Les rapports forts exigent un investissement plus grand (souvent répété) dans le temps ainsi qu’un engagement émotionnel. Pour parvenir à positionner un individu sur la carte sociale des réseaux, il importe de déterminer combien de liens et de quelle nature il gère et maintient en activité. Les études des sociétés urbaines d’Amérique du Nord contemporaines montrent que les rapports forts (de type durable) constituent entre 35 et 40 % du réseau d’un individu donné (Wetherell, Plakans, Wellman, 1994 : 648). Jusqu’à présent on n’a pas procédé à des études quantitatives dans ce domaine en Bulgarie. Par ailleurs, la communauté qui fait l’objet de cette présentation présente des paramètres fort différents, ainsi qu’il sera montré. Néanmoins ce pourcentage nous donne un certain ordre de grandeur.

2 Les rapports faibles et forts qui tissent les différents réseaux tendront à se modifier au cours de l’étude de ce milieu, resté longtemps quasi-statique, puis connaissant une très forte tendance à l’émigration, due à l’action de facteurs nouveaux. Durant l’observation ici présentée émergera un jeu complexe et mouvant, modifiant la force et l’importance des rapports tissant les différents réseaux sociaux, impliquant des noyaux en mouvement, aux lieux et aux frontières variables, et ce dans un laps de temps très court. La véracité de l’axiome qui veut que l’essence d’une communauté réside dans sa structure sociale, et non pas dans sa structure spatiale, s’y vérifie pleinement (Wetherell, Plakans, Wellman, 1994 : 645). On peut s’attendre à ce que ce jeu produise bientôt de nouveaux éléments culturels et que se dessinent de nouvelles tendances modifiant l’importance et la configuration spatiale des noyaux résiliaires (pour l’individu et le sous-groupe auquel il participe immédiatement). L’objet de cet article s’inscrit dans le cadre d’un processus intense, enclenché depuis une dizaine d’années, c’est à dire sur un laps de temps suffisant pour que les phénomènes et les tendances acquièrent assez de lisibilité.

Cadre général

3 Au début de la transition démocratique en Bulgarie, en même temps que les autres pays du bloc socialiste (1989), s’enclenchent des processus migratoires rapides et très intenses. Ils s’opèrent aussi bien à l’intérieur que vers l’extérieur du pays. Pour la seule période 1990-1992, plus de 250 000 personnes ont officiellement quitté le pays. La Bulgarie et les Balkans ont connu des migrations volontaires ou forcées tout au long du XXe siècle. Les exodes en provenance de certains pays voisins, résultat des nombreuses guerres et conflits politiques, ont laissé un souvenir traumatisant, toujours vivant, dans les mémoires familiales et font partie de l’expérience individuelle de bon nombre de citoyens bulgares. A l’époque du totalitarisme (1944-1989) la nation socialiste était enclose dans les frontières étatiques, et ses mouvements migratoires, étroitement encadrés, concernaient des groupes restreints selon un axe : village – petite ville – grande ville. Un pourcentage infime de la population pouvait effectuer des migrations de travail temporaire dans le cadre du Conseil d’Assistance Economique Mutuelle (CAEM / Comecon) ou vers le monde arabe, sous le contrôle étroit de l’Etat. Des cas individuels parvenaient à franchir le Rideau de Fer et à s’installer en Europe occidentale, aux USA ou en Australie. On aurait pu croire que l’habitude de voyager de par le monde s’était perdue.

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4 Après 1989, les citoyens bulgares adoptent un comportement migratoire comparable à celui des autres pays de l’ex-Bloc de l’Est (que l’on désigne à présent par euphémisme comme « pays en transition économique»). De 1990 à 1994, entre 1.500 000 et 1.900 000 personnes ont émigré de ces pays (International… 2002 : 25). Ces « grandes invasions barbares » d’un nouveau genre n’ont guère surpris les spécialistes. La région a une longue tradition de vagues migratoires massives et un potentiel migratoire important (International… 2002 : 43).

5 La longue et difficile transition vers l’économie de marché, commencée en 1989 sous une économie dirigée fortement érodée, a touché particulièrement durement les régions montagneuses et frontalières de Bulgarie. Les ateliers locaux des usines ont été fermés et l’agriculture décollectivisée. Cette forme de transition est qualifiée de violence économique par certains chercheurs (Pickles 2002 : 6). En situation de violence économique, les groupes et les régions marginales sont toujours sacrifiés (Creed 1998). C’est également le cas de la région frontalière du massif des Rhodopes qui nous intéresse ici. La nature de la plupart des entreprises implantées dans les Rhodopes conditionnait aussi leur impuissance à évoluer durant la période de transition : elles avaient été créées comme filiales de conglomérats industriels et n’avaient pas suffisamment d’autonomie pour assurer une transition moins heurtée, aussi furent- elles les première victimes de la déstructuration massive (Pickles 2002 : 6). La perte de leurs anciens marchés ou d’une grande partie de leur production (par exemple le tabac) n’a fait que précipiter la tragédie économique pour la population montagnarde. Selon un rapport officiel du Ministère de l’Aménagement et du Développement Régional, les départements de Smoljan et de Haskovo, qui couvrent les Rhodopes centraux et orientaux, sont en 1996 parmi les quatre départements les plus affectés par la crise (les deux autres, ceux de Pernik et de Vidin sont situés sur la frontière occidentale). La situation ne s’est pas arrangée durant les années suivantes. La violence économique est qualifiée de « génocide économique » dans le village rhodopéen que nous avons étudié ; elle frappe à égalité la population montagnarde de tous les groupes ethno-culturels (Bulgares chrétiens, Bulgares musulmans, Turcs, Roms).

Cadre idéologique

6 Ces seize dernières années, les ethnologues et historiens de Bulgarie et du reste du monde se sont à maintes reprises penchés sur la culture et le sort historique des Bulgares musulmans (Todorova, Marushiakova & Popov, Konstantinov, Karagianis, etc.) Ce groupe important, qui se compose d’une multitude de sous-groupes, parle la langue bulgare et confesse l’Islam. Les données du recensement de 2001 permettent, avec quelques réserves, de les évaluer à 83 000 personnes, soit 1,2 % de la population totale (Marushiakova & Popov). Dans la littérature scientifique ce groupe est également désigné comme Pomaks, terme qui a une connotation extrêmement offensante pour lui. Dès la fin du XIXe siècle, alors que se constituait l’idéologie nationale bulgare, les Bulgares musulmans furent stigmatisés comme des « Bulgares apostats ». Ceci détermina une politique de longue haleine visant à leur assimilation. Sous le Troisième Royaume bulgare (1878-1944) et sous le régime totalitaire (1944-1989), cette politique se manifesta crûment dans plusieurs opérations de baptêmes forcés, conçues comme des opérations de bulgarisation : en 1912-1913, à la fin des années 1930 et au début des années 1940, au début des années 1960, au début des années 1970 (Gruev, Karamihova,

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Marushiakova & Popov). Cette politique d’assimilation mettait en jeu toute la gamme clairement répertoriée par O’Leary (O’Leary, 1993 : 1-40) : hégémonie et contrôle total de la part de la majorité, déportations à l’intérieur du pays, émigration forcée, tentatives d’intégration sur une base supra-ethnique (« la fraternité de la classe ouvrière socialiste »), assimilation forcée. Lors de chaque offensive les noms musulmans furent remplacés par des noms « bulgares ». Après la dernière opération achevée vers 1974, le pouvoir totalitaire estimait avoir définitivement assimilé les Bulgares musulmans (Marushiakova & Popov), mais jusqu’en 1989 il ne cessait de contrôler étroitement leur vie publique et privée, afin de ne laisser passer la moindre pratique qui puisse être perçue comme une » spécificité pomaque ». Au début des années 1990, les sociologues purent établir qu’à peine 5 % de chaque groupe confessionnel se percevait et s’auto-identifiait sur le plan religieux comme des pratiquants réguliers. De fait, l’idée que « la religion est l’opium des peuples » avait été inculquée dans la conscience de masse ; dans un monde moderne et rationnel, elle ne pouvait donc subsister, vouée à un lent dépérissement, que dans les couches de population les plus pauvres et les moins éduquées, c’est à dire, pensait-on, parmi les personnes âgées et dans les campagnes.

Le village de Satovča, la commune de Satovča

7 Le village de Satovča a une population de 2400 habitants. C’est le centre administratif d’une commune, dont la limite méridionale coïncide avec la frontière entre la Bulgarie et la Grèce. Le village se situe à 1029 mètres d’altitude.

8 Selon la statistique officielle, y résident des Bulgares musulmans (50 %), des Bulgares orthodoxes (40 %) et des Roms musulmans, qui depuis peu passent rapidement et massivement à l’évangélisme (10 %). Le village possède une église orthodoxe et une mosquée, toutes deux en fonction. Les différents groupes vivent depuis longtemps dans des quartiers mélangés. Les Bulgares musulmans constituent un groupe significatif dans le village et dans la commune. Suite à la politique d’athéisme agressif du régime totalitaire, renforçant la tendance générale à la sécularisation qui caractérise les temps modernes, les habitants du village et de la commune faisaient preuve, en 2002, d’un degré de religiosité très faible. Les signes extérieurs de l’identité religieuse musulmane dans l’espace publique se réduisaient au seul minaret de la mosquée. Les générations nées après 1944, qui ont bénéficié d’une éducation toujours plus poussée en dehors du cadre montagnard, ont délaissé les connaissances religieuses et rituelles propres à leur groupe, les jugeant inutiles pour leurs stratégies individuelles. L’érosion des connaissances religieuses, y compris parmi les responsables spirituels, l’absence de contrôle de la stricte exécution des prescriptions rituelles (et même, au contraire, l’obligation de les oublier), le nouveau rythme et les nouvelles règles de la vie moderne, tout cela a conduit à une forte sécularisation des consciences chez eux, comme d’ailleurs pour l’ensemble des citoyens bulgares.

9 Le système, lié à la société pré-industrielle, que l’on désigne traditionnellement comme la culture populaire s’est irréversiblement décomposé au début des années 60 du XX e siècle. C’est en 1961 que la dernière noce traditionnelle a été célébrée à Satovča. Vers la même époque la pratique du jeûne du ramadan est tombée en désuétude. La religion semblait donc en voie d’extinction ; néanmoins l’appartenance à un groupe confessionnel gardait une forte valeur de signe d’appartenance ou de différenciation.

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10 La politique systématique d’assimilation a créé une incertitude et la peur d’une nouvelle « bulgarisation » qui sont devenues une composante permanente de la vie quotidienne. Le complexe pomak continue de peser de nos jours sur les membres de ce groupe. Depuis les dernières années, les Bulgares musulmans des Rhodopes ont l’espoir qu’avec l’entrée de la Bulgarie dans l’Union Européenne, leur problème identitaire disparaîtra enfin. Ils se fondent en cela sur l’expérience des Pomaks de Grèce (Mihail, 2003), avec lesquels nombre d’entre eux entretiennent des liens de parenté et de voisinage vivaces, malgré les limitations imposées par le régime frontalier.

11 L’activité des habitants du village de Satovča après 1989 se réduit à trois petits ateliers de confection, une agriculture de montagne parcellisée (culture du tabac et élevage de bovins), le commerce local, l’administration communale, l’exploitation forestière, l’école (cursus primaire et secondaire). La culture et le conditionnement primaire du tabac a été une des caractéristiques de l’économie locale presque tout au long du XXe siècle. Mais l’absence de possibilité d’investir l’argent gagné par cette activité pénible et laborieuse, quoique relativement bien rétribuée à l’époque socialiste, est à l’origine de l’usage de construire de grandes maisons à plusieurs étages. La natalité parmi les musulmans restée relativement élevée à l’échelle du pays (en moyenne 3 enfants par famille, contre 1,5 pour l’ensemble de la population), les liens familiaux et de parenté solides, la solidarité interne au groupe et les contraintes du terrain montagneux ont contribué à l’adoption du principe : un étage par fils. Malgré l’incertitude permanente née de l’interminable processus de privatisation du secteur du tabac, cette culture reste aujourd’hui encore une source de revenus complémentaires pour les ménages de Satovča. Les revenus du tabac permettent de maintenir un niveau de vie à peu près correct ou bien sont investis dans les études des enfants. La culture du tabac constitue l’unique revenu annuel en argent pour une très petite proportion des habitants du village seulement.

12 Selon les données officielles, le taux de chômage du village est relativement faible. Mais les employés de la commune avec qui j’ai eu l’occasion de discuter, m’ont eux-mêmes mis en garde contre ces chiffres. D’une part les musulmans, qui constituent le gros de la population en âge de travailler, éprouvent de la honte à se déclarer chômeurs, d’autre part plus des deux-tiers de la population sont engagés dans un processus d’émigration temporaire ou permanent. Les chrétiens constituent une communauté vieillissante de retraités, dont la descendance a pour la plupart émigré vers l’intérieur du pays, bien avant 1990.

13 Au début de la transition, la vie sociale des musulmans du village se caractérisait par un système stable et hiérarchisé de liens de parenté. Les réseaux de parenté peuvent servir d’exemple des larges imbrications de réseaux basés sur des liens de type fort (White, Houseman : 5). Dans le cas de Satovča, ils constituent un puissant cercle d’endogamie, basé sur un mariage bilatéral, monogame. Cette organisation induit un contrôle familial et de voisinage, perceptible dans la vie quotidienne, qui s’exerce sur tous les groupes d’âge selon le sexe. Dans l’espace publique, l’autorité masculine traditionnelle (islamique) est soulignée, et d’une façon générale l’autorité des plus âgés. La modernité a très lentement modifié ce schéma hiérarchique, en créant une petite cohorte de femmes éduquées, qui promeuvent une certaine émancipation économique et sociale. Même celles dont la réussite est la plus nette respectent l’autorité masculine et des personnes âgées dans l’espace publique. L’observateur étranger a l’impression que les hommes ont malgré tout l’apanage des décisions de la vie quotidienne ou à prendre en

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cas de crise ; elles sont toujours prises en fonction des intérêts du lignage. Ce modèle classique que l’on peut qualifier d’islamique puise sa vitalité dans l’isolement relatif du village (et des villages faisant partie du cercle d’endogamie), dans les pressions répétées de la politique d’assimilation à l’encontre des musulmans et dans l’étroite solidarité qu’exigent des exploitations peu mécanisées, dans le cadre d’une agriculture de montagne à faible rendement.

Géographie migratoire

14 La grande vague migratoire pour les Bulgares musulmans de Satovča date de 1997-1998 environ. Le gouvernement socialiste de Ž. Videnov (1995-1997) fut marqué par une inflation inouïe et par la destruction du peu d’emploi qui subsistait, des acquis sociaux et d’une façon générale de toute perspective pour les habitants d’une région montagnarde frontalière. Cela confirma définitivement les musulmans locaux dans leur opinion que l’Etat bulgare menait une politique de « génocide économique » à leur encontre. L’émigration restait une solution possible.

15 Dans le village de Satovča, comme partout au monde, les premiers à chercher de nouvelles destinations de migrations saisonnières ou durables, furent quelques hommes qui avaient déjà une expérience de gurbet (travail saisonnier) à l’étranger. Grâce à leur expérience antérieure, ils envisageaient avec optimisme la possibilité de gagner rapidement de l’argent dans des conditions relativement correctes. Leur initiative personnelle les confrontait cependant après 1989 aux conditions nouvelles d’un marché du travail inconnu, souvent hostile et semi-légal, sans garanties ni assurances, sans traducteurs ni chefs pour prendre en charge ou répondre de leurs problèmes. Le mécanisme de base des premières migrations saisonnières sur lequel s’appuyaient ces hommes, était les liens de parenté forts. Partaient ensemble des frères, des cousins ou des beaux-frères. La décision de partir, que ce soit à court ou long terme, était prise par le cercle de parenté élargi. Les familles qui restaient au village unissaient solidairement leurs ressources (y compris financières) pour résoudre les problèmes qui survenaient en l’absence d’un membre de la maisonnée (par exemple accompagner les enfants à l’école si la mère travaille en équipe de nuit, couper et stocker le bois de chauffage pour l’hiver, etc.) Comme dans la plupart des pays en voie de développement, le travail s’est aussi féminisé en Bulgarie au cours des dernières années dans les ateliers de confection ou de chaussures ; l’activité agricole s’est également féminisée (Sassen- Koob 1996 : 1145, 1148). Les femmes ont dû prendre elles-mêmes des décisions ordinaires ou exceptionnelles, qu’elles auraient prises auparavant après consultation avec leur mari. Une partie de ces décisions ont été prises après consultation par téléphone ou par Internet avec le mari absent, une autre après avoir demandé l’avis ou l’approbation de la parenté ou des voisins. La plupart néanmoins leur incombèrent directement. En général elles ne considèrent pas ce changement comme une émancipation, mais plutôt comme une charge supplémentaire. Le souci global des femmes du village a visiblement augmenté.

16 Progressivement la géographie de la conquête du nouveau marché du travail s’est élargie. Les liens forts ont intensément fait circuler l’information, les ressources financières ont été mises en commun, pour assurer le voyage dans le pays choisi, l’épargne a commencé à arriver au village. Les défis nouveaux ont rapidement fait émerger une mythologie du succès migratoire parmi les habitants du village étroitement

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soudés. Son influence était si forte qu’en 2003 le seul fait de travailler à l’étranger était déjà devenu synonyme d’esprit d’initiative, de preuve de caractère pour les hommes, mais aussi pour les femmes, dans toutes les classes d’âge.

17 Au début de 2002, la commune de Satovča devint célèbre dans les média électroniques de Bulgarie pour son nombre « énorme » de migrants aux USA. Notre étude a montré qu’en fait le pourcentage d’émigrants aux USA était faible (moins de 1 %), mais la motivation pour partir était très puissante. De 1999 jusque vers 2004 presque 100 % de la population adulte du village et de la commune participait à la loterie américaine pour la diversification de l’immigration (Green Card). Certains ayant gagné le droit à partir en profitèrent, d’autres y renoncèrent. Les partants se concentrèrent à Strasburg, Pennsylvania. A la base de ce choix géographique on trouve un migrant illégal d’un village voisin, qui avait réussi à gagner les USA à la fin des années 1980. Avec la liberté de circulation, il rétablit les contacts avec sa région d’origine et se porta garant pour ses nombreux imitateurs. Ainsi ce pionnier, dont les liens au sein du réseau étaient très lâches à cause de son émigration illégale à l’époque du totalitarisme, se retrouva bientôt au centre d’un noyau nouveau. Dans ce noyau les relations de type faible (obtenir de l’information auprès d’une connaissance ou d’un parent éloigné) se sont rapidement transformées en relations de type fort : il se porte garant pour les nouveaux venus, organise les premiers temps de leur séjour sur place, sert d’intermédiaire avec l’administration locale ou les employeurs, etc. La filière de la loterie Green Card s’est très rapidement transformée en une migration en chaîne, basée sur les liens de parenté. En 2005, il y avait déjà 25 personnes du village à Strasburg, Pennsylvania, mais plus de 250 personnes de la commune, amis ou parents (cf. Karamihova 2003 : 80-104).

18 Les émigrants élaborent une topologie nouvelle de liens distendus à travers l’espace (White, Houseman : 3). Les réseaux construits sur les liens forts montrent une tendance à se constituer en cercles ou en agrégats (cluster) particulièrement nets dans l’émigration. Il en résulte une interdépendance à plusieurs niveaux, aux configurations internes complexes. Ceux qui, avant l’émigration aux USA, étaient reliés par des liens forts ou faibles constituent à présent un noyau monolithique solide ; celui-ci, à distance, met en interaction les membres des réseaux initiaux en Bulgarie selon des modalités nouvelles. Le régime de transports relativement libéral, le milieu d’accueil bienveillant, qui ne fait preuve d’aucun préjugé racial ou confessionnel, l’accès à la communication et aux transports tout ceci détermine un réseau de communication très intense (presque quotidien par téléphone ou par Internet) entre les migrants et leur famille restée au village. Les vacances passées chaque année à Satovča (ou aux USA pour les membres de la famille invités) sont devenus un élément incontournable du rythme annuel. A l’automne de 2005, les habitants du village considéraient que l’attrait de l’émigration aux USA avait considérablement baissé. Il est clair que l’on a atteint la masse critique d’émigrants et que les ressources d’autres migrations à plus courte distance révèlent leurs avantages.

19 De fait, le flux à destination de l’Espagne et du Portugal, qui s’était amorcé en même temps que celui vers les USA, l’a actuellement dépassé. Le 10 avril 2004, les citoyens bulgares ont obtenu le droit de pénétrer dans les pays de l’espace-Schengen sans visa et d’y séjourner légalement pendant 90 jours (sans avoir le droit d’y travailler). L’accès facilité aux pays de l’espace-Schengen rend plus simples et plus stables les migrations de courte durée (3 mois), initiées vers 1997-1998. Simultanément les spécificités du

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marché du travail dans l’économie parallèle, mais aussi les objectifs personnellement poursuivis, exigent des séjours à l’étranger aussi longs que possible. Ainsi, ayant dépassé les trois mois autorisés, certains se sont vu interdire un nouveau séjour par un « cachet noir » sur leur passeport. Dans une telle situation, ils ont déployé tous leurs efforts pour rétablir leur droit d’accès, en faisant à nouveau jouer leurs liens forts et faibles, agissant en Bulgarie ou dans le pays concerné. Dans le flux à destination de l’Espagne et du Portugal, deux tendances se laissent clairement discerner d’ores et déjà : 1) Etablissement durable, légalisation des papiers de séjour et regroupement familial, pour les migrants les plus jeunes. 2) Navettes régulières de trois mois pour le gurbet dans l’économie parallèle : bâtiment, travail agricole, tourisme et travail domestique, pour toutes les classes d’âge. Les habitants du village affirment en plaisantant que la commune de Satovča possède déjà des filiales aux USA, en Espagne et au Portugal. C’est ainsi qu’ils caractérisent les nouveaux noyaux apparus dans leurs réseaux et qu’ils soulignent leur propre position centrale.

20 La plus grande demande saisonnière en travailleurs migrants semi-légaux reste la Grèce voisine. Vers le milieu des années 1990, on observe une tendance croissante chez les agriculteurs grecs les plus entreprenants à recruter des travailleurs pour la saison d’été dans les villages musulmans bulgares des Rhodopes. Ayant une bonne opinion du savoir-faire et de l’endurance de leurs voisins balkaniques, les entrepreneurs s’adressent à des couples mariés âgés de 35-40 ans. Ce travail agricole, qui dure en moyenne six mois, est relativement bien payé et est considéré, surtout par les femmes, comme un moyen de gagner de l’argent infiniment plus facile que l’agriculture domestique : après le temps de travail, elles n’ont pas le souci de la maisonnée et de l’exploitation familiale, qui accaparent leur temps quand elles sont chez elles. Durant l’été de 2005, plus de 150 personnes du village profitaient de la possibilité de travailler dans l’agriculture en Grèce. Ce travail saisonnier n’est pas vécu comme une migration. Il est perçu simplement comme un travail que l’on va chercher un peu plus loin, pour un peu plus longtemps. C’est ainsi que s’est rétablie une des destinations traditionnelles des migrations de travail saisonnier des montagnards, qui avait été coupée par les frontières politiques du XXe siècle ; la structure par âge et par sexe est cependant différente.

21 L’agriculture serbe permet périodiquement des migrations temporaires à de très petits groupes (des couples mariés) de Bulgares musulmans de Satovča. Les entretiens révèlent que cette destination de gurbet agricole est considérée comme peu rentable, malgré la proximité géographique et la langue slave facilitant les contacts les employeurs. Les migrations de travail vers Israël concernent de petits groupes d’hommes qui partent avec des contrats pour des entreprises de bâtiment israéliennes. Les conditions climatiques pénibles, l’insécurité permanente et des salaires en baisse expliquent l’abandon progressif de cette filière par les gurbetčii. Ils continuent pourtant à s’intéresser aux possibilités de travail là-bas et saluent volontiers en hébreu leurs invités, marquant une certaine sympathie pour le peuple israélien. Une destination tout à fait récente d’émigration (encore) temporaire a été essayée en 2005 : l’Italie, où sont partis cinq hommes pour travailler dans le bâtiment.

22 Jusqu’à présent les statistiques ne prennent pas en compte les habitants du village qui ont émigré durablement à l’étranger. On sait seulement avec certitude que durant l’été de 2005 cinq habitants de la commune ont été obligés de choisir entre la nationalité allemande et la nationalité bulgare. On affirme qu’ils sont « devenus allemands ». Cette

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question ne se pose pas encore pour les émigrants de longue durée dans les autres pays. Les représentants du pouvoir local ne sont eux-mêmes pas très au courant et ne s’intéressent guère à la question de la double nationalité dans la législation des pays d’accueil.

Les deux extrémités des réseaux migratoires

23 La majorité des partants, qu’ils soient légaux ou non, ont occupé les niches du marché du travail classiques pour des émigrants. Ce sont des emplois faiblement qualifiés, mal rétribués, en général du travail manuel pénible, sans sécurité sociale et sans accès aux avantages sociaux dont jouissent les citoyens du pays d’accueil. Leur ignorance complète de la langue locale au moment de leur arrivée et le besoin d’amasser rapidement des moyens pour s’établir, entraînent l’apprentissage laborieux et maladroit d’une sorte d’argot vernaculaire, en général au contact d’autres immigrants, d’origine slave eux aussi le plus souvent. Quelques rares individus, parmi les plus jeunes, investissent dans les études et la formation. Dans une perspective à long terme générale, cela signifie qu’au cours de leurs trois-quatre premières années, les émigrants durables s’efforcent de régler la question des papiers de séjour et d’un emploi légal dans le pays concerné. Ils travaillent pour de faibles salaires, sans cotiser à des fonds de pension privés ou sociaux.

24 Rares sont ceux qui parviennent à s’élever d’un cran dans l’échelle sociale après la régularisation de leur séjour. La plupart voient leur statut baisser radicalement sur l’échelle sociale, en comparaison avec celui qu’ils occupaient en Bulgarie : par exemple un instituteur devient et reste simple ouvrier du bâtiment. Ceci signifie que les salaires qu’ils touchent légalement, après un certain temps passé dans l’économie parallèle, leur assureront au mieux une retraite minimale dans le pays concerné, compte tenu de leur basse catégorie salariale et de leur temps d’activité professionnelle relativement court. A l’heure actuelle, ces retraites possibles et envisagées, qui se montent à 500-600 euros, apparaissent très satisfaisantes à l’échelle de la Bulgarie, où la retraite moyenne atteint à peine 60 euros par mois. Nombreux sont cependant ceux qui se demandent quel sera leur véritable pouvoir d’achat après l’admission tant attendu de la Bulgarie dans l’Union Européenne (janvier 2007) et le probable rattrapage des salaires et des prix par rapport à l’Europe. Une des réponses relevées dans nos entretiens à Satovča a été : « Ils en reviendront au tabac sur leurs vieux jours, tout comme nous ! » Leurs velléités d’occuper des positions plus élevées dans la hiérarchie villageoise grâce à leurs revenus actuels apparaissent donc vouées à l’échec à long terme. Le fait de résider dans un milieu étranger, que l’on peut supposer plus ouvert à la modernité et à la globalisation, ne leur vaut pas un prestige social supplémentaire, du fait de la perception très nette de leur statut social dégradé « là-bas ». Les visites de travail qu’effectuent les villageois auprès de leurs proches en émigration ont largement contribué à une meilleure connaissance des conditions de vie réelles à l’étranger. En 2005, j’ai pu observer l’érosion de pans entiers de l’idéologie migratoire, que j’avais relevés en 2002. Il m’a semblé que les démonstrations ostentatoires d’un niveau de vie élevé de la part des émigrés, ce qui était une des composantes majeures de cette idéologie, sont actuellement à contre-courant de la sensibilité migratoire ; elles sont considérées comme des dépenses inutiles et sont désapprouvées.

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25 L’autre réponse apportée par les migrants est l’investissement dans une maison au village natal. J’ai noté en 2002 le premier achat de maison par une jeune famille émigrée aux USA. La mythologie migratoire locale affirmait que cette famille était particulièrement pauvre, mais qu’en deux années d’émigration elle avait mis de côté suffisamment d’argent, non seulement pour venir en vacances, mais même pour acheter la maison des douaniers. En 2005, le marché immobilier était particulièrement animé à Satovča. On m’a signalé et ont m’a présenté les cas d’un certain nombre d’émigrants « très pauvres », qui, ou bien avaient acheté une maison au bout de deux ou trois ans à l’étranger, ou bien retapaient de fond en comble leurs maisons familiales. Ces investissements sont indicatifs d’une part des stratégies familiales visant à s’assurer d’un logement de qualité pour les années de retraite, que l’on prévoit de vivre en Bulgarie, dans le noyau même du réseau. D’autre part, on peut l’interpréter comme un investissement immobilier, qui pourra être avantageusement revendu plus tard. Depuis trois ans environ, en effet, dans différents coins du pays, des maisons sont achetées par des étrangers venant littéralement de tous les coins de la planète (Japonais, Anglais, Albanais, etc.) ce qui a fait flamber les prix de l’immobilier. Pour la première fois en Bulgarie, les gens commencent à considérer la maison comme une marchandise, et non plus comme un nid familial lourd d’une charge sentimentale et sociale. Le paradoxe, c’est que dans ces success stories apparaissent des familles nucléaires, coupées de leurs réseaux familiaux ou autres, qui, toutes seules (« au prix d’un travail honorable ») parviennent à la réussite. Ces premières indications de la mise en avant de l’individu (néanmoins inclus dans un couple marié) par rapport au groupe, donc en dehors de tout réseau, marquent une tendance très intéressante.

26 La distance sociale sur laquelle s’échelonnent les membres du groupe est encore faible. Cela tient d’une part à la stratégie efficace de nivellement social et économique pratiquée par le socialisme. D’autre part, le statut relativement inférieur des émigrés sur le marché du travail et les dépenses importantes qui leurs sont imposées, ne permettent pas l’ouverture rapide de « ciseaux » sur le plan social entre ceux qui sont restés au pays et les migrants. Quoique les revenus financiers des familles de Satovča soient modestes, grâce à la mobilisation des liens forts, ils peuvent assurer, par le seul investissement du travail, leur nourriture tout au long de l’année (selon certaines sources c’est le poste budgétaire le plus important des ménages en Bulgarie : jusqu’à 45 %), ils habitent des maisons dont ils sont propriétaires, qui ont été assez bien équipées durant la période précédente, ils utilisent l’important trousseau traditionnel des épouses (vêtements et tissages). La grande solidarité locale, combinée avec le modèle éthique balkanique de responsabilité partagée envers les gens dans le besoin, renforcé d’ailleurs par la conception musulmane de la charité, rend la redistribution de tous les biens à l’intérieur du groupe obligatoire et interdit d’admettre une pauvreté extrême. Tout ceci explique la faible distance sociale entre les différents petits noyaux du réseau (White, Houseman : 3). Ce mécanisme connaît une très lente érosion, en raison des facteurs énumérés précédemment.

27 La solidarité économique est un élément-clé du fonctionnement de réseaux tels que ceux que nous étudions. Les ressources sont redistribuées par les économiquement forts vers ceux qui sont dans le besoin. Bien qu’en général plutôt mal payés, les émigrants gagnent et économisent davantage d’argent que leurs proches à Satovča, en particulier que les retraités âgés. En 2002, j’entendais sans cesse parler d’aide financière attendue par les proches des émigrés. Les parents âgés la mentionnaient souvent

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comme quelque chose qui leur était dû. En 2005, ce thème n’apparaît plus dans les conversations, à l’exception du cas d’une femme très malade qui reçoit périodiquement de petites sommes de son fils travaillant illégalement en Espagne. Assurément les émigrés continuent d’envoyer de petites sommes selon la voie traditionnelle (par l’intermédiaire de quelqu’un qui fait le voyage) à leurs parents âgés et en cas d’urgence à des membres de la famille au sens large. Mais l’attente de base de cette solidarité serait à présent plutôt l’aide fournie au nouveau partant par ses proches et connaissances pour s’installer facilement lors de ses débuts à l’étranger. Il semble que l’on soit parvenu à un équilibre entre « ici » et « là-bas » et l’aide financière est désormais répartie là où le besoin s’en fait sentir, ce qui n’est plus nécessairement à Satovča même.

28 Mes observations de 2005 m’ont permis de constater que les habitants de Satovča ont élaboré un modèle propre de stratégie de réussite à court ou à long terme. Ce modèle n’exclut pas les séjours de gurbet à court terme en Europe. Mais en 2005, il n’est plus suggéré qu’il faille émigrer « à tout prix », ce qui était martelé trois ans plus tôt. Les habitants de Satovča semblent pour la première fois émancipés sur le plan économique et avoir pris quelques distances avec leurs co-villageois partis en émigration. Une distance commence à se marquer entre le noyau initial du réseau, localisé au village natal, et les nouveaux agrégats (cluster) formés par les émigrants de longue durée en Europe et en Amérique. Il est évident que les modifications des circonstances induisent des modifications des réseaux. De nouveaux réseaux viennent s’imbriquer : ceux des émigrés entre eux et leur progressive ouverture vers les habitants du pays d’accueil (pour l’instant des liens de type faible), mais aussi ceux des restés au village entre eux (avec des liens faibles qui prennent de l’importance). Les différents réseaux, localisés différemment, se recouvrent pour l’instant dans la plupart des domaines et constituent un ensemble commun distendu dans l’espace, à l’intérieur duquel les liens individuels, de type fort ou de type faible, ne cessent de se transformer. On observe parallèlement un cycle de globalisation et de renforcement des réseaux régionaux, aussi bien à Satovča que dans les agrégats (cluster).

29 Pour l’instant les ressources du marché du mariage dans la commune, avec laquelle coïncide le cercle endogamique, sont suffisantes. Dans la stratégie encore hésitante des deux groupes, celui des migrants définitifs et celui des migrants temporaires, on n’observe pas de tendance à une ouverture rapide du cercle de mariage (avec des femmes ou des hommes du pays d’accueil) comme élément possible d’une intégration mieux réussie dans les sociétés locales. Pour l’instant, à l’instar de toutes les descriptions d’émigrants du XXe siècle, on « importe » des femmes de son propre cercle endogamique.

Politique et religion

30 L’accès au pouvoir, aux centres de décision et d’attribution de ressources au niveau local, régional ou national est un facteur majeur pour le succès des stratégies de réussite collectives élaborées et entretenues par les différents réseaux : ce sont les représentations politiques qui s’en chargent. En Bulgarie, le principal représentant politique des musulmans est le Dviženie za Prava i Svobodi (DPS : Mouvement des Droits et Libertés), créé le 26 mars 1990 à Sofia et dont le leader est Ahmed Dogan. C’est un secret de polichinelle qui revient périodiquement dans le débat publique, que, en

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contradiction avec la Constitution, le DPS est de facto un parti ethnique qui représente les Turcs de Bulgarie. Dans les Rhodopes occidentaux, le soutien des Bulgares musulmans au DPS est très puissant. Les Bulgares musulmans de Satovča votent massivement pour ses représentants. Ils estiment que cela les protège d’une nouvelle politique d’assimilation. Leur accès réel au pouvoir et aux ressources, par ce biais, reste limité au niveau du pouvoir local. Ils n’occupent de leadership dans le DPS qu’à un niveau local (Marushiakova & Popov). Si bien que le noyau de pouvoir et de contrôle qui crée et exige l’existence d’un réseau fonctionne dans un cadre géographique relativement étroit. Au niveau local, il se confond avec les quelques lignages qui occupent traditionnellement des positions dominantes. Les liens de type fort consolident ainsi leur existence dans le nouveau contexte politique aussi. Les faibles ressources de l’économie locale et par conséquent l’intérêt médiocre qu’il y a « à être au pouvoir » (ou tout au moins à en être proche) sont tels qu’on pourrait s’attendre à ce que ces liens se déploient à un niveau d’importance assez faible. Il est important de noter, cependant, que l’action du DPS sert aussi à construire et à stabiliser l’identité musulmane, tant au niveau national que régional.

31 L’opinion générale en Bulgarie associe traditionnellement l’islam à des membres de la société pauvres et sans éducation. Longtemps l’islam était l’attribut visible des personnes les plus âgées, de ceux qui à la fin de leur vie espéraient se purifier de leurs péchés et s’assurer une garantie de survie dans l’au-delà. Je constate qu’au début du XXIe siècle cette image commence à se modifier : à Satovča les porteurs de l’islam sont désormais de jeunes intellectuels, ayant une éducation à la fois laïque et religieuse, exerçant une forte influence (y compris sur le plan économique) sur le milieu local et jouissant d’appuis politiques solides. A la fin des années 1990, le village et la commune avaient envoyé quelques jeunes gens faire des études dans des universités islamiques d’Arabie Saoudite et de Jordanie. En 2002, je n’avais rencontré qu’un seul garçon, en sixième classe du primaire, qui étudiait systématiquement le Coran et souhaitait expressément poursuivre ses études secondaires à l’école confessionnelle de Momčilgrad, dans la partie orientale des Rhodopes. Son père était le premier à formuler clairement le discours, qui en 2005 est visiblement devenu une norme admise, selon lequel le retour à l’islam garantit le succès en affaire. Dans ce cas concret, le père avait cessé de vendre de l’alcool dans son petit magasin et affirmait qu’Allah l’avait récompensé dans son commerce. En 2003-2004 de jeunes diplômés en sciences religieuses islamiques, dont personne ne parlait en 2002, sont revenus et occupent des fonctions dans les mosquées et les écoles du village et de la commune.

32 Dès 2005, les paramètres des changements en profondeur que les jeunes voulaient promouvoir étaient perceptibles. Leur objectif était de changer fondamentalement aussi bien la vie intérieure, intime des musulmans, que d’affirmer la présence extérieure, publique, de la religion « nouvelle et pure ». Pour l’instant les « savants », ainsi qu’on nomme les réformateurs dans le village, luttent pour modifier trois pratiques importantes dans la vie religieuse de la communauté. Toutes trois interviennent dans le cycle rituel le plus dramatique : celui des funérailles et des commémorations funéraires (mevlid) qui touchent l’essence la plus intime de la culture locale. Cette tentative de modifier radicalement le domaine le plus fondamental et profondément intime de la vision du monde, les rituels de passage, suscite de vives réactions. Bien que partant de positions radicales, les jeunes s’efforcent de comprendre leurs opposants plus âgés. « Les vieux ont l’habitude de tenir pour bon ce qu’ils ont fait

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depuis 30 ou 40 ans » admettent-ils. « Etions-nous donc sur la mauvaise route depuis tant d’années ?! » ripostent leurs aînés. A l’heure actuelle, la tendance observée ne semble pas mener à un conflit ouvert. Les plus âgés s’en sortent plus simplement en ayant recours à de « vieux » hodjas, venus de l’extérieur. Simultanément cependant, ces personnes atteintes dans leur conviction la plus intime, recourent au discours commode, servi par les médias nationalistes selon lequel l’islam moderne est par définition lié au fondamentalisme et au sectarisme. Les jeunes sont étiquetés « talibans » dans les cancans villageois. Et pour être sûrs que les usages seront respectés, les vieux recourent à la croyance, toujours très vivace, à la fonction performative de la parole : « On dit ici : si vous ne me faites pas de mevljud, je vous maudirai depuis la tombe ! »

33 Les villageois ne surmonteront évidemment pas ce clivage interne à la communauté tant que la génération ancienne est en vie et tant que les non-pratiquants s’en tiennent à leur mode de vie moderne et confortable, affranchi des règles restreignant la vie quotidienne dans un Etat laïc, mais par définition chrétien orthodoxe. Les « savants » de leur côté sont fortement motivés pour introduire des réformes. Ils ont adopté une stratégie efficace en agissant sur la génération la plus malléable : les jeunes écoliers. L’idée dominante de cette réforme est l’édification d’un système de valeur et d’un modèle comportemental vigoureux, clairement défini comme musulman. Durant l’année scolaire 2001-2002, pour la première fois en Bulgarie, on a introduit dans les régions mélangées un enseignement religieux obligatoire, avec une option musulmane, financée par le Bureau du Grand Mufti (Glavno Mjuftijstvo). En août 2003, le Grand Mufti Selim Mehmed a présenté les premiers manuels de religion pour les écoles (de la première à la huitième classe). Ils sont gratuits et ont reçu l’approbation du Glavno Mjuftijstvo et du Ministère de l’Education et des Sciences. A Satovča la nouvelle matière a été immédiatement introduite. A l’heure actuelle il y a cinq groupes pour les 1ère- 4ième années et neuf pour les 5ième – 12ième années, ce qui rassemble 40 % des élèves. Pour les enfants des quatre premières classes, ce sont les mères qui décident, c’est pourquoi certains d’entre eux n’y participent pas. L’année dernière « …a faiblement marché dans le cours supérieur, sauf si les parents sont impliqués dans l’islam, s’ils vont à la prière du vendredi et s’ils font les cinq namaz (prières). » L’intérêt nouveau qui s’est créé pousse les enfants à chercher une information complémentaire. Les écoliers regardent la série télévisé brésilienne « Cloning », dans le genre soap opera, qui présente la vie de riches musulmans. Dans les entretiens sur le thème de la religion avec les habitants de Satovča, les deux mots clés étaient « les savants » et « la connaissance ». Ainsi les transformations en cours sont-elles présentées sous une étiquette moderne, comme un mouvement progressiste au niveau des idées et de la pratique.

34 On considère traditionnellement que ce sont les hommes qui pratiquent l’islam et le représentent dans l’espace publique. Dans une situation où les hommes en âge de travailler sont perpétuellement absents, un nouveau processus de prise de décision s’esquisse où s’affirme l’influence du monde féminin. En 2005, les hodjas « savants » ont reçu le ferme soutien de femmes jeunes ayant un emploi, dont les interviews montrent qu’elles se sont mises à s’intéresser à la théorie et à la pratique de l’islam, introduisant peu à peu dans leur foyer le jeûne du ramadan (vers 2004). Indubitablement les femmes sont les « gardiennes des liens de parenté » qu’elles entretiennent et utilisent plus souvent que les hommes (Wetherell, Plakans, Wellman, 1994 : 649). Ainsi, encouragées

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par les jeunes hodjas, les femmes font appel aux ressources des réseaux de type fort ou faible pour introduire de nouvelles normes comportementales dans le village.

35 La seconde entreprise d’importance à laquelle se consacrent actuellement les « jeunes » est la construction d’une mosquée de taille imposante dans le village. Le comité d’initiative a élaboré un projet et cherche des financements, aussi bien auprès de fondations musulmanes que des locaux et des émigrés. Cette initiative est accueillie avec des sentiments mitigés. Une partie des habitants ne croit pas que l’on parviendra à rassembler les fonds nécessaires. Ils redoutent que l’on ne détruise l’ancienne mosquée datant des années 1930, et que l’on reste ensuite sans lieu de prière. D’autres s’inquiètent de faire à nouveau l’objet de critiques de la part de la majorité chrétienne, car « la nouvelle mosquée ne fera qu’agacer les Bulgares ».

36 La hiérarchisation interne des réseaux à Satovča comme dans l’émigration est sans nul doute en pleine évolution. Le principe de base de la hiérarchie est en train de se modifier : le poids des jeunes (les enfants des émigrés, les enfants ou le frère cadet resté au village) augmente au point de prendre des décisions de plus en plus importantes, car ils peuvent s’adapter plus vite aux conditions nouvelles. La tendance à une légère modification de la position de la femme (la fille, l’épouse) prend des dimensions nouvelles, du fait de l’adoption plus massive du modèle comportemental islamique publique de la part des jeunes du village. Comment cette « islamisation » réformiste du noyau de base se répercute-t-elle sur les relations avec les nombreux émigrés temporaires ou durables ?

37 Une bonne partie du dialogue entre les « locaux » et les émigrés se formulait en 2005 en ces termes : « On réussit, aussi bien ici qu’en émigration, si on est un musulman croyant ! » Les leaders spirituels locaux, avec une bonne dose de fatuité, commentent l’éloignement des émigrés par rapport à la foi. Ils disent que « toute la foi de la plupart des émigrés se résume au fait de porter des amulettes (muska) ». « Porter des muskas n’a de sens que si on croit que c’est la parole d’Allah qui y est inscrite et qu’on a fortement la foi. Quand ils partent pour l’étranger, ils vont voir le hodja : « Hodja, écris-moi une muska pour que mon voyage se passe bien et que je sois bien là-bas ! » Ils s’écartent de la foi, ils n’ont d’attention que pour la muska, qu’ils suspendent au rétroviseur de leur voiture pour qu’elle y pendouille. Le croyant n’a pas besoin de muska, il s’adresse directement à Allah pour avoir Sa protection. Celui qui n’a pas la foi peut bien avoir cent muskas…»

38 Nous observons donc un processus déjà bien avancé de stabilisation du grand noyau local des réseaux, sur le thème de la religion, ainsi qu’un éloignement croissant, qui n’est plus seulement géographique, d’avec les communautés émigrées. C’est sur ce thème aussi que les liens forts se relâchent. Ce processus est favorisé par différents facteurs : l’Etat, par l’intermédiaire du Ministère de l’Education et des Sciences, encourage le développement de l’éducation musulmane. Après avoir accepté que la matière Religion soit étudiée dans toutes les classes, le ministère ne contrôle pas le contenu du processus éducatif. De facto, le système éducatif laïque bulgare laisse le champ libre à la propagande et la formation religieuses dans les écoles d’Etat. Le Bureau central du mufti à Sofia fournit gratuitement des manuels à tous ceux qui en font la demande. Ils ont été écrits par des hommes de religion arabes et véhiculent les discours caractéristiques des différentes tendances spirituelles auxquelles appartiennent leurs auteurs. Le Glavno Mjuftijstvo organise des cours pour les enseignants musulmans ayant démontré leur attachement à la religion. Il assure aussi

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les moyens financiers permettant aux enseignants (y compris ceux de Satovča) de se rendre dans la monde arabe. Diverses universités et fondations islamiques en Arabie Saoudite et en Jordanie assurent une formation pédagogique supérieure aux musulmans, financent des écoles religieuses privées et contrôlent directement l’éducation dans les écoles musulmanes d’Etat. Les communautés locales, qui ont subi les tentatives d’assimilation répétées de l’Etat bulgare tout au long du XXe siècle, en réponse à cette violence passée, encouragent ces transformations par le biais de leurs structures familiales, de parenté, de voisinage et par leurs réseaux de groupes.

39 Certains facteurs nuancent pourtant la rapidité et l’ampleur du processus. Tous les groupes ethno-culturels de Bulgarie, et parmi eux les Bulgares musulmans, avaient atteint un fort degré de sécularisation à la fin du XXe siècle. Construire une vision du monde profondément religieuse est un objectif difficile et lent à atteindre à notre époque laïcisée. Les tentatives d’assimilation de la monarchie bulgare (1878-1944) et de l’Etat totalitaire (1944-1989) ont créé un sentiment d’insécurité (la crainte de brusques revirements) qui structure le quotidien des Bulgares musulmans. Elles entretiennent la conviction d’une grande partie des villageois qu’il convient de se donner les apparences de citoyens loyaux, qui ne font pas étalage de leur appartenance religieuse, afin de ne pas susciter de nouvelles mesures d’assimilation de la part du pouvoir. Les stratégies migratoires dans le monde contemporain, particulièrement après le 11 septembre 2001, imposent un mimétisme identitaire aux émigrants. L’émigration, en bonne partie illégale, vers les pays chrétiens impose d’abandonner l’identité musulmane, ou tout au moins de la « dissimuler » à l’intérieur de la maison. Dans l’espace publique, on ne manifeste pas les signes identitaires extérieurs ; les noms officiels des émigrants n’ont pour la plupart pas de consonance musulmane. Le modèle de pratique religieuse qui a largement cours en Bulgarie est lié aux personnes âgées à la retraite ; il libère psychologiquement pour l’instant les émigrants d’avoir à pratiquer leur religion. Ils travaillent avec acharnement à l’accumulation initiale de moyens matériels et reportent à plus tard l’adoption des pratiques religieuses « pour quand ils vieilliront et reviendront au pays. »

40 La plupart des émigrés se retrouvent avec un statut social infériorisé, des liens affaiblis avec leurs réseaux habituels (y compris la parenté), une identité instable, fluctuante, en cours d’adaptation au pays d’accueil. Simultanément, la plupart de ceux qui sont restés au village voient leurs revenus stabilisés, utilisent la nouvelle politique de crédit bancaire, développent avec succès une stratégie durable de développement pour leur famille et leurs enfants, entretiennent et élargissent des réseaux sociaux stables, intègrent progressivement les mutations de leur société, sans ruptures, et adoptent peu à peu de façon durable la « nouvelle » identité musulmane porteuse de prestige.

41 Ainsi, le noyau du grand réseau local qui envoie ses migrants au loin cesse d’occuper une position passive. Il se met à exercer une influence sur les migrants selon divers mécanismes, y compris la prochaine adhésion de la Bulgarie à l’UE, qui transforme le village natal (le point nodal du réseau) en un lieu attractif, où les émigrés peuvent investir, à l’heure actuelle principalement par l’achat de maisons luxueuses. Les habitants locaux préparent activement ce changement, ils sont bien insérés dans les structures locales, ils protègent systématiquement leur cadre de vie. Ils mettent la barre haut dans la compétition pour l’étalage de leur niveau de vie et de leur statut social qui ne cesse de s’élever (business prospère, revenus du tabac, éducation supérieure pour les enfants). Dans cette compétition, le seul fait de gagner de l’argent

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et de déployer du « luxe à crédit » de la part des migrants a déjà beaucoup perdu de son prestige. Les réformateurs musulmans proposent un ensemble de valeurs dont la nécessité se fait dramatiquement ressentir pour chaque habitant, dans un monde aussi plein de tragédies et de conflits, dominé par les médias et globalisé que le nôtre. Cet ensemble de valeurs a l’avantage de se présenter auréolé par la tradition, mais aussi rénové par les processus de modernisation en cours dans le monde musulman. L’islam sous sa forme réformée propose une identité clairement rénovée au groupe et à chacun des individus qui le compose. Ses propagandistes sont des habitants locaux, prospères et jouissant d’autorité, issus de familles respectables. La variante modernisée de l’islam propose une identification nouvelle, élargie au vaste réseau de l’Umma, laquelle associe pour la première fois la population locale, frontalière, d’une région plutôt pauvre et considérée comme arriérée, avec le monde fastueux des cheikhs du pétrole auquel est confié la tâche d’assurer la garde des Lieux Saints au nom des croyants.

Conclusion

42 Nous sommes donc témoins d’un nouveau processus en cours. Le milieu initial dont émanent les migrants ne se trouve désormais plus en situation passive. Satovča n’attend pas de la part de ses émigrés de l’argent, des technologies nouvelles, des connaissances, des valeurs, un style de vie, comme c’était le cas pour les régions de migrations classiques. Au contraire, nous voyons les leaders du noyau central du réseau adopter une position active nouvelle, qui exerce son action sur les migrants, leur pose des conditions et leur impose certaines valeurs et normes comportementales nouvelles. L’adoption et le déploiement ostentatoire de l’identité musulmane deviennent une des conditions pour l’émigration temporaire, afin de maintenir facilement et sans conflits les liens de type fort. Une partie des migrants a déjà adopté les nouvelles règles. Je suis convaincue que les émigrés ayant le mieux réussi investiront le plus dans la construction de la nouvelle mosquée, car c’est un comportement migratoire classique, quelle que soit de la religion pratiquée. Ce sera pour eux un moyen d’affirmer leur statut prééminent au sein de la communauté et de valider la justesse de leur choix d’émigrer. En fait, ils se soumettront aux normes dictées par le milieu natal où se concentre la vitalité du réseau auquel ils appartiennent. Nous pouvons cartographier la dynamique des nœuds du réseau selon une logique centre-périphérie. Au départ les émigrants, indépendamment de l’endroit où ils se sont établis, ont eu tendance à s’affirmer comme centre de gravité ; en 2005, Satovča rétablit clairement sa position de centre le plus actif, par le biais des nouvelle tendances religieuses.

43 La situation marginale du groupe des Bulgares musulmans sur une période historique suffisamment longue, combinée avec la situation d’isolement relatif du village liée au contexte montagnard frontalier et à l’économie à dominante agricole, confèrent une importance exceptionnelle aux réseaux familiaux et de proximité communautaire, avec un recours intensif aux liens de type fort (durables). Les processus migratoires entretiennent ces liens très solidement et n’incluent qu’un nombre relativement faible de liens de type faible (à court terme), servant fondamentalement à résoudre des problèmes concrets majeurs. Ce vaste réseau qui englobe de petits noyaux éloignés géographiquement continue d’être dominé par son centre actif, le village de Satovča, qui renforce ses positions en s’inscrivant activement dans les réseaux plus vastes du monde musulman, et quoiqu’à un moindre degré, dans ce qu’il perçoit comme sa

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propre représentation politique. La différenciation sociale encore très faible maintient les liens de type fort à l’intérieur des noyaux et entre eux, ainsi qu’entre les individus qui les composent. Je considère que les processus liés à l’édification d’une identité claire (islamique ou autre) seront des facteurs décisifs pour le maintien ou pour la lente désagrégation du réseau au sens large.

44 Traduit du bulgare par Bernard Lory

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RÉSUMÉS

L’article propose une analyse du jeu des réseaux sociaux dans un petit village bulgare de montagne, situé à la frontière avec la Grèce et confronté aujourd’hui à d’intenses mouvements migratoires. Les habitants de Satovča sont des Bulgares musulmans ; ils appartiennent à un

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groupe qui a été soumis par l’Etat bulgare à une politique d’assimilation pendant tout le XXème siècle. Sont étudiés les liens hétérogènes à travers lesquels s’établissent des réseaux sociaux dynamiques et entremêlés de façon complexe. La centralité des réseaux locaux - sociaux comme de parentèles - au sein desquels des liens forts et durables sont mobilisés s’explique par la conjugaison entre la situation sociale marginale des Bulgares musulmans sur la longue durée et le relatif isolement du village étudié (en raison de sa localisation périphérique et montagneuse et de son économie avant tout agricole). Les processus migratoires contemporains confèrent à ces liens un grande stabilité dans la mesure où les mobilités ne font intervenir qu’un nombre très limité de liens faibles (de courte durée) principalement consacrés à la réalisation de tâches concrètes. Le large réseau qui comprend de plus petits noyaux géographiquement éloignés est dominé par le village de Satovča qui puise des ressources complémentaires dans son insertion active dans le monde musulman plus vaste ainsi que dans la participation, même limitée, à une représentation politique vécue comme propre. La différenciation sociale encore minimale à l’intérieur des groupes de Bulgares musulmans rend possible l’entretien de liens à l’intérieur du noyau nodal comme entre ce dernier et les individus qui le constituent. On peut avancer à titre d’hypothèse l’idée selon laquelle le travail de définition d’une identité claire, qu’elle soit musulmane ou autre, constituera un facteur décisif pour l’avenir de ces réseaux, leur préservation ou leur délitement progressif.

INDEX

Index géographique : Bulgarie, Rhodopes Mots-clés : Migrations, Réseaux sociaux, Musulmans

AUTEURS

MARGARITA KARAMIHOVA Dr. Margarita Karamihova est diplômée d’histoire et d’ethnologie. En 1991 elle a soutenu une thèse de doctorat sur « Le mariage sur les terres bulgares pendant la période de domination ottomane ». Directeur de recherche à la Section d’ethnologie balkanique de l’Institut et du Musée d’ethnographie de l’Académie des sciences bulgares (BAN) et enseignante à l’Université de Sofia « Kliment Ohridski » ainsi qu’à l’Académie nationale de police, elle travaille sur les dynamiques culturelles chez les musulmans et les groupes ethnoculturels qui les entourent dans les Balkans avec, pour principaux champs de recherche, la famille, le pèlerinage, les migrations et les politiques publiques (notamment socialistes) des minorités. Elle a récemment publié : « Identities Palette in the Course of European Integration : A Case Study of Satovcha Village », in : Elena Marushiakova (ed.), Dynamics of National Identity and Transnational Identities in the Process of European Integration, Cambridge : Cambridge Scholars Publishing, 2008, p.248–270 ; « Les Bulgares musulmans dans la vie politique après 1989 : un groupe politique anonyme », Revue d’études comparatives Est – Ouest, 38(4), déc. 2007, p.29-48 ; « C’est un signe du destin! La dynamique des rapports entre un groupe d’émigrés et leur pays natal », In : Vivre ensemble au XXème siècle ? Actes du colloque international de l’Institut de sociologie de l’Université libre de Bruxelles, Bruxelles : ULB, 2007, p.427-446 ; Gradivo za etnologija na migraciite [Contribution à l’ethnologie des migrations] (sous la dir.), Sofia : EIM, 2006. [email protected]

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Les mobilités internes en Bulgarie, 1989-2005

Rossitza Guentcheva Traduction : Nadège Ragaru et Sandrine Bochew

NOTE DE L’ÉDITEUR

Traduit du bulgare par Nadège Ragaru et Sandrine Bochew

1 Le présent article vise à dessiner les tendances des migrations internes en Bulgarie au cours de la période 1989-2005 tout en les comparant à celles de l’avant-1989. Les données statistiques utilisées sont issues des deux derniers recensements, des annuaires de l’Institut national statistique (NSI) et des recherches scientifiques consacrées à cette thématique en Bulgarie. Les flux migratoires seront analysés par âge, par sexe, par niveau d’éducation, par appartenance ethnique et en fonction de l’occupation économique des migrants ; l’étude fera également apparaître des changements intervenus dans les directions des mobilités (ville-ville, ville-village, village-ville et village-village). Une attention plus spécifique sera accordée aux migrations entre départements et au sein des départements, tout comme aux déplacements de travail quotidiens. Nous discuterons également les politiques publiques mises en œuvre par l’Etat afin d’encourager les circulations internes, à l’image des programmes de renforcement de la mobilité de la main d’œuvre. Enfin, il nous semble indispensable de lier l’étude des mobilités internes à l’analyse des migrations internationales, même si une telle démarche se heurte à des difficultés sur lesquelles nous reviendrons.

2 Ces dix-huit dernières années, le problème des migrations internes en Bulgarie a rarement retenu l’attention des chercheurs. À la différence de leurs collègues de la période précédente, sociologues, anthropologues, économistes et politistes bulgares ont avant tout cherché à décrire et à interpréter les processus d’émigration. Avant le changement de régime, les migrations externes des citoyens bulgares n’étaient pas seulement strictement surveillées, contrôlées et régulées par les institutions de l’État

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socialiste1 ; leur champ et leur intensité étaient également limités pour des raisons politiques et économiques. L’étude des mouvements de population vers l’étranger constituait un thème interdit aux chercheurs en sciences sociales. En outre, par leur ampleur, par leur intensité, les migrations internes revêtaient un caractère nettement plus visible et exerçaient un effet incomparable sur le développement de la société. Jusqu’en 1989, le contexte politique et la nature même des migrations dominantes ont ainsi tous deux orienté la recherche vers l’étude des mouvements de population intervenant à l’intérieur de l’État. Ce, au détriment d’une exploration des migrations externes. Les processus d’industrialisation et d’urbanisation, leurs effets sur les structures familiales, la distribution territoriale de la main d’œuvre, la croissance naturelle de la population, ainsi que sa mobilité sociale, ont alors figuré parmi les principales thématiques développées.

3 Après 1989, la suppression des restrictions aux sorties de territoire2 a entraîné un renouvellement du champ des études. Le regard des chercheurs s’est, comme celui de l’opinion publique, déplacé vers des migrations internationales particulièrement intenses fin 1989 et au début des années 1990. Le boom migratoire de la décennie 1990, provoqué aussi bien par la nouvelle liberté de circulation que par les difficultés associées à la transition politique et économique, s’est imposé durablement dans les quotidiens, les media électroniques et l’espace public. Jusqu’à ce jour, les départs des migrants continuent à servir d’explication à la fuite des cerveaux, à la crise démographique, à la baisse de la population en âge de travailler et au vieillissement de la nation, tandis que la solution est souvent recherchée dans un encouragement au retour des migrants (depuis l’Espagne, l’Italie, etc.) ou dans des programmes d’aide à l’installation en Bulgarie des Bulgares ethniques vivant en dehors du pays (Ukraine, Moldavie, etc.3). Dans ce contexte, les mobilités internes sont devenues un thème d’étude marginal après 1989 et rares sont les discussions publiques consacrées à leurs principales tendances, à leurs causes comme à leurs effets sociaux. Assurément, statisticiens et démographes continuent à étudier la mobilité territoriale interne et l’Institut national statistique a organisé la collecte de données relatives aux mouvements internes de population lors des recensements de 1992 et de 2001, ainsi qu’en dehors d’eux. Toutefois, dans les analyses des statisticiens et des démographes, les problèmes de mobilité interne sont principalement envisagés dans leurs aspects démographiques4. À quelques exceptions près, ces dernières ne sont pas appréhendées en tant qu’enjeu économique et social.

4 Si l’intérêt pour les migrations dans les débats publics et universitaires bulgares peut aisément s’expliquer au regard des processus politiques, économiques et sociaux intervenus dans le pays, on rappellera que cette tendance n’est pas propre à la Bulgarie. En Europe et aux États-Unis, ces vingt dernières années, maints sociologues, anthropologues, politistes, historiens et économistes se sont consacrés aux émigrations et immigrations, aux migrations transfrontalières et transcontinentales, ainsi qu’à la constitution de champs sociaux transnationaux. Les processus de globalisation et l’intensification sans précédent des circulations - qui a été vue, jusque récemment, comme sa résultante - ont promu des enjeux tels que l’intégration et l’assimilation des migrants, les liens sociaux multiples qu’ils entretiennent avec le pays d’accueil comme avec leur État d’origine, le rôle économique des transferts d’argent, etc. Le mouvement transfrontalier des gens, biens, capitaux et idées se situe ainsi au cœur des concepts de “flux culturels”, “transnationalisme”, “hybridité”, “zones de contacts” et “communautés diasporiques”5. À la différence des migrations impliquant un

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franchissement des frontières étatiques, dans cette littérature, les circulations se déployant à l’intérieur des territoires nationaux reçoivent une attention modeste.

Les mobilités internes en Bulgarie entre 1944 et 1989 : exode rural et urbanisation

5 Bien que, dans les États socialistes, la mobilité interne ait été tenue pour la seule forme de circulation envisageable en l’absence de liberté de mouvement à l’international, cette migration n’était ni libre, ni illimitée, pas davantage indépendante. Les déplacements des citoyens bulgares à l’intérieur du territoire étaient - tout comme les migrations externes - très régulés, contrôlés et surveillés, quoiqu’avec des instruments et selon des mécanismes différents6. L’introduction de restrictions à l’installation dans la capitale, Sofia, date d’avant la fin de la seconde Guerre mondiale. Un régime de domiciliation (mestožiteltsvo) a été institué peu après. Progressivement, mais irrésistiblement au cours des années 1950-1960, dans un nombre croissant de municipalités l’arrivée de nouveaux habitants a été soumise à des conditions sociales et professionnelles, de sorte qu’au milieu des années 1970 l’obtention d’une autorisation de domiciliation constituait un préalable à toute installation en ville (à l’exception de quelque 30 bourgades de taille modeste ou situées en zone frontalière). Des mesures administratives, telles que le retrait d’autorisation de domiciliation permanente, la suspension d’une domiciliation temporaire ou encore la relégation forcée à l’intérieur du pays, ont permis à l’État d’intervenir directement sur les mobilités internes.

6 Parallèlement au renforcement de cet arsenal administratif, le pouvoir socialiste a mis en oeuvre une politique d’industrialisation, d’urbanisation et de collectivisation de l’agriculture à grande échelle, qui est entrée en conflit avec sa gestion des domiciliations dans les grandes et petites communes. Les mesures restrictives adoptées afin de réglementer l’accès aux biens publics (rares et précieux) proposés en milieu urbain (les écoles gratuites, les crèches, les soins médicaux, les logements à prix subventionnés - au nom du principe selon lequel tout citoyen socialiste y a également droit -, etc.), entrent en effet en contradiction avec les besoins en main d’œuvre des chantiers de construction de l’industrie et du bâtiment qui se multiplient dans la capitale et les villes bulgares en pleine expansion7. Au moment même où se précise et s’élargit le contrôle administratif sur les domiciliations en ville, la Bulgarie connaît une urbanisation rapide associée à d’intenses mouvements de population. Ces processus sont particulièrement dynamiques entre le milieu des années 1950 et des années 1960. Le point culminant est atteint entre les recensements de 1956 et de 1965, avec près d’un million et demi de changements de lieux de résidence permanente8. Au cours des dix années suivantes, 1,304 millions de personnes adopteront une nouvelle domiciliation. Pendant la période 1976-1985, les migrations internes perdent en ampleur et en intensité, avec seulement 711 034 changements de domicile9.

La population rurale, moteur des migrations

7 L’un des traits caractéristiques de la migration interne sous le socialisme tient au fait qu’elle a pour moteur la population agricole. Dans la décennie 1956-1965, trois-quarts des migrants sont d’origine rurale ; au cours de la période suivante, leur part reste supérieure à 60%. Les chercheurs bulgares en concluent que le déclin de la population

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rurale et, consécutivement, de sa participation aux mobilités internes, constitue le principal facteur de ralentissement des migrations dans les années 198010. La place prépondérante de la population rurale dans les larges processus migratoires internes que la Bulgarie a connus au cours des années 1960 et 1970 se répercute également sur la direction des migrations (les rapports villages-villes), comme le montre le tableau 1.

Tableau 1 - Les migrations internes en Bulgarie entre 1956 et 1985 (en %)

Direction des migrations 1956-1965 1966-1975 1976-1985

Du village vers la ville 44,7 42,7 34,3

Village-village 30,6 17,2 14,1

Ville-ville 16,6 30,2 38,3

Ville-village 8,1 9,9 13,3

Source : NSI, Prebrojavane na naselenieto, (op.cit.), p. 28.

8 À la fin des années 1950 et au début des années 1960, les mouvements les plus importants vont du village vers la ville à l’unisson avec les processus d'urbanisation, d'industrialisation et de collectivisation des terres agricoles. Les déplacements inter- villageois arrivent en seconde place : leur visibilité et leur importance proviennent du fait qu'à cette époque l'essentiel de la population bulgare réside encore en milieu rural. Au cours des années 1966-1975, l’exode rural continue à dominer, mais les mouvements inter-urbains se hissent au second rang en raison de l'augmentation rapide de la population urbaine. Entre 1976 et 1985, pour la première fois les déplacements ville- ville deviennent prépondérants dans la structure des courants migratoires, tandis que les déplacements intervillageois ou ville-village sont d’ampleur presque égale. Sur les quatre décennies socialistes, plusieurs tendances stables se dessinent ainsi dans l’orientation des migrations : l'exode rural décroît progressivement, tout comme les migrations de village à village, tandis que les mouvements inter-urbains s'accroissent, ainsi que ceux de la ville vers les villages, quoiqu'à des rythmes plus lents. L’accroissement des migrations inter-urbaines doit également à des changements strictement administratifs, c’est-à-dire à la transformation de certains villages en ville (et, jusqu’en 1968, à l’existence de villages de type urbain) : en l’espace de quatre décennies, environ 130 de plus gros bourgs se sont ainsi vu octroyer le statut de villes.11

9 Entre 1946 et 1956, c’est la capitale, Sofia, qui enregistre les soldes migratoires les plus élevés, 12 188 habitants par an en moyenne; suivent les villes de Plovdiv (3 072), Ruse (2 426) et Varna (2 050) (voir carte 1). Quelques autres centres urbains connaissent un solde migratoire supérieur à 1 000 habitants : Burgas, Dimitrovgrad, Pernik, Pleven, Stara Zagora et Šumen. Šumen est le centre d'une région agricole élargie; Pernik et Dimitrovgrad sont des centres industriels à croissance rapide. Les autres villes appartenant à ce groupe sont des chefs-lieu de régions (oblasti) et plus tard de départements (okrăzi)12. Trois régions enregistrent le solde migratoire positif le plus élevé : la région de Sofia-Pernik, celle de Haskovo-Kărdžali et les villes de la Sredna Stara planina. Rares sont les agglomérations qui voient leur population se contracter durant

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cette période. Il s’agit avant tout de communes de montagne où l’approvisionnement de la population n'est pas toujours aisé et qui se situent à proximité d’importants centres industriels13.

Carte 1 - Les principales villes de Bulgarie (découpage administratif de 1999)

Source : http://commons.wikimedia.org/wiki/Image:Oblasti_de_Bulgarie_depuis_1999.png

Le profil des migrants

10 Pendant toute la période socialiste, la contribution des femmes aux mobilités internes excède celle des hommes. Entre 1946 et 1956, 130 973 femmes ont migré pour seulement 105 550 hommes. De 1956 à 1965, les femmes représentent 50,6% des migrants ; elles sont 52,6% entre 1966 et 1975 et leur part croît encore pour atteindre 54,1% entre 1976 et 1985. Ce différentiel s'explique à la fois par la tradition qui veut que, lors d'un mariage, ce soit la femme qui change de lieu de résidence et par la participation active des femmes à la production et à la vie publique après 194414. La majorité des migrants sont jeunes. Néanmoins, à partir de 1966, le taux des plus de 60 ans s'accroît progressivement : de 3,7% en 1966-1975, il s’élève à 5,4% au cours de la décennie suivante pour atteindre 9,4% sur la période 1986-199215. Les recensements de 1975 et de 1985 nous fournissent également des renseignements sur l’état civil des migrants. En 1975, les personnes mariées prédominent (53,8% contre 41,9% de célibataires) ; mais le pourcentage de ces derniers au sein de la population globale est nettement inférieur à celui des mariés (34,7% contre 57,7%). En 1985, les célibataires représentent 34% de la population, mais ils contribuent à hauteur de 38,5% aux migrations, alors que les personnes mariées (56,3%) ne comptent que pour 55,3% des migrants. Sur l'ensemble de la période socialiste, la tendance est à un léger déclin du pourcentage des personnes mariées en Bulgarie, tandis que leur participation aux migrations s'accroît faiblement. Une évolution très sensible s’observe également dans le profil scolaire des migrants. En 1956-1965, une large majorité des migrants (73,2%) a un niveau d'éducation primaire ou secondaire (collège). Au cours de la décennie

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suivante, leur part tombe à 50,7%, puis à 37,2% pour la période 1976-85, reflétant la généralisation de l’accès à l’enseignement secondaire et les mutations sociales plus larges impulsées par le régime socialiste16.

11 Le profil type du migrant pendant la période socialiste en Bulgarie est une femme, paysanne, jeune, mariée, qui a arrêté ses études après l’école primaire ou le collège et travaille dans l'industrie. Cette tendance n'est pas propre aux États socialistes. En 1975 déjà, dans son analyse des migrations internes en URSS, Peter Grandstaff observait qu'en dépit des différences essentielles supposées entre la société soviétique et les sociétés à économie de marché, les processus migratoires des pays occidentaux décrivaient assez bien l'expérience soviétique des années 1960-1970. La grande ampleur des migrations en URSS était liée au développement industriel. La croissance de l'industrie provoquait des circulations internes, tandis que les niveaux soutenus de développement industriel engendraient d'importants déplacements inter et intra- régionaux. Le piètre prestige des métiers agricoles, l’attrait pour le travail et la vie en milieu urbain étaient à l’origine d’un fort exode rural. Peter Grandstaff concluait que les tendances migratoires des pays socialistes et capitalistes présentaient des ressemblances significatives et que, pour ce qui concernait les mobilités internes, les sociétés socialistes et de marché suivaient des trajectoires similaires17.

Les politiques de gestion des mobilités sous le régime socialiste

12 La politique gouvernementale active de gestion de la population constitue un autre facteur ayant significativement influencé les migrations internes en Bulgarie socialiste. Cette catégorie comprend – outre la distribution des permis de domiciliation – les politiques de peuplement des régions frontalières (en vue d’y contrôler la composition ethnique de la population) ou encore des zones à faible population (comme la région de Strandža-Sakar dans le sud-est de la Bulgarie), l’expulsion hors des villes des personnes au comportement jugé “amoral” et les efforts d'amélioration de la composition sociale de la capitale comme des grands centres régionaux18. Les démarches de l’État visant à créer une nouvelle ville socialiste - Dimitrovgrad, par exemple - et à en faire un symbole de la nouvelle société et du nouvel homme socialiste, ont également encouragé les migrations. En 1947 au moment où commence la construction de Dimitrovgrad, la population des trois villages qui forment son noyau est de 9 200 âmes. En 1956, Dimitrovgrad compte 34 200 habitants ; elle atteindra environ 54 000 habitants au milieu des années 198019. Mais c'est sans doute l'interprétation, par le gouvernement, des migrations internes comme un processus planifié dont le but essentiel était de répondre aux besoins régionaux en main d'œuvre qui a joué le rôle principal dans la détermination de l’ampleur et dans l’orientation des mouvements de population. Les chercheurs qui ont étudié les politiques socialistes de gestion des populations ne manquent pas de souligner que la plupart d’entre elles étaient des “politiques ex ante”, conçues et adoptées pour influencer, changer, améliorer le peuplement, non pour accompagner et réguler des événements et des processus en cours et que, le plus souvent, elles ont été subordonnées à une rationalité plus sociale que démographique20.

13 La transition politique et économique de l’après 1989 a mis un terme à ces politiques. Le contrôle strict des mobilités internes a été levé au mois d’août 1990, lorsque le premier Président démocratiquement élu de Bulgarie, Jeliou Jelev, a supprimé le régime de domiciliation. Il convient maintenant de déterminer si la disparition des régimes

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d’encadrement du peuplement en milieu urbain a exercé une influence sur les tendances migratoires en Bulgarie qui pourrait être comparée aux effets de la suppression du contrôle des frontières extérieures sur les migrations internationales. Les changements politiques, économiques et sociaux radicaux suscitent-ils de nouvelles dynamiques migratoires en Bulgarie après 1989?

Les mobilités internes en Bulgarie après 1989 : explosion des déplacements après la levée des contrôles ou persistance des tendances antérieures ?

14 Contre toute attente, la tendance des mouvements de population sur le territoire bulgare est restée largement inchangée après 1989. L’annulation des restrictions administratives pesant sur le libre choix du lieu de résidence n'a pas donné lieu à l’accroissement des mobilités que l’on aurait pu anticiper21. Entre 1986 et 1992, 345 711 personnes ont changé de lieu de résidence et, pour la période 1993-2001, le nombre des migrants s'élève à 385 637, la différence entre les deux résultats étant certainement imputable non à une intensification de la mobilité interne mais à la période plus longue entre les deux recensements. Deux facteurs peuvent expliquer le ralentissement des migrations internes. L'absence d'un marché du travail suffisamment dynamique dans la plupart des régions de peuplement est le premier. En effet, dans la décennie qui fait suite aux changements de 1989, la nécessité d’une restructuration radicale de l’économie et des droits de propriété a entraîné une profonde crise économique, marquée par la fermeture de maintes entreprises industrielles (en particulier dans l’industrie lourde), une chute de la production agricole et un taux de chômage élevé. Entre 1989 et 1997, le PNB perd ainsi 32%, tandis que le taux d’inflation annuel moyen sur la période 1990-1997 est de 210,1%22. L'ouverture des nouvelles opportunités de migrations internationales constitue le second paramètre ayant pesé sur le dynamisme des migrations internes.

Ressemblances et dissemblances dans les tendances migratoires de l’avant et après 1989

15 La surreprésentation des femmes dans les mobilités internes se maintient. Pour la période 1986-1992, 52,9% de personnes ayant changé de lieu de résidence sont des femmes. Leur part atteint 54,1% entre 1993 et 200123. Les jeunes continuent à être plus actifs dans les mobilités internes que leurs aînés : entre 1993 et 2001, plus de la moitié des migrants (57%) ont moins de 29 ans. De la même façon, demeure inchangée la tendance à un accroissement de la part des plus de soixante ans : en 1986-1992, ils représentaient 9,5% des migrants ; en 1993-2001, leur nombre s’élève à 11,1%.La diminution, entamée pendant la période socialiste, de la part de personnes ayant reçu une éducation primaire ou élémentaire parmi les migrants se poursuit au profit d'une hausse du nombre des diplômés du lycée et de l'enseignement supérieur. En 1986-1992, le pourcentage des migrants qui ont fait des études élémentaires et primaires est tombé à 35,2% ; il continue de se contracter sur la période 1993-2001 pour atteindre 29,8%. À l'inverse, en 1986-1992, la part des migrants ayant accédé à l’enseignement secondaire (lycée) ou supérieur (deug ou bachelor) dépasse pour la première fois les 50% pour culminer à près de 60% sur la période 1993-200124.

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16 On peut toutefois constater, dans le profil des participants aux mobilités internes, des tendances tout à fait nouvelles. À la fin des années 1980, la part des actifs dans les migrants a brutalement chuté pour tomber en deçà de 45% ; vers l’année 2001, elle s’était légèrement redressée à 48,1%. La frange des actifs au sein de la population migrante s’est ainsi révélée légèrement inférieure à leur pourcentage dans la société, lequel s’élevait en 2001 à 48,6%25. En toute probabilité, ce phénomène plonge ses racines dans les restructurations radicales qui ont affecté tous les secteurs de l’économie et le marché du travail dans l’ensemble du pays après 1989. Bien que la tendance à la réduction, parmi les migrants, des employés dans l’industrie soit une constante depuis le milieu des années 1960, en 1993-2001, ils restaient le groupe migrant le plus important avec 21,2%. On observe en revanche une forte hausse du nombre des migrants travaillant dans le commerce, l’hôtellerie, la restauration et les travaux de réparation (19,3%, en deuxième place) à l’image de la recomposition des secteurs d’activité économique observée en Bulgarie au cours de ces années de transition vers une économie de marché à forte insertion internationale26.

17 Les actifs qui effectuent quotidiennement des trajets plus ou moins longs pour se rendre sur leur lieu de travail représentent une catégorie intéressante27. Pendant la période socialiste, leur nombre avait augmenté au fur et à mesure que se développaient, dans de petites et moyennes communes, des industries fournissant un emploi aux populations des villages environnant. Une enquête sociologique réalisée parmi 3 819 ruraux en 1988 avait ainsi établi qu’un quart d’entre eux parcouraient chaque jour plus de 4 kilomètres pour se rendre à leur travail ; mais que deux tiers d’entre eux n’effectuaient pas plus de 15 kilomètres. 8,6% des participants à l’enquête avaient déclaré réaliser plus de 15 kilomètres par jour jusqu’à leur travail28. Après 1989, cette tendance s’est inversée. En 1975, les migrations de travail journalières concernaient 622 716 personnes, en 1985, 751 654 et seulement 328 762 en 2001. Ce résultat est deux fois moins important qu’en 1975. Actuellement, 60% des participants aux migrations de travail journalières sont des hommes (40% des femmes). Environ 11% (37 698) des actifs se rendent tous les jours en dehors de leur département (oblast) pour travailler. Près de 61% des migrations de travail quotidiennes se réalisent dans des villes et 28% dans des villages du département de résidence des migrants. La majorité des flux concerne des personnes qui ont fait des études secondaires spécialisées ; viennent ensuite les migrants ayant reçu une éducation primaire. Les diplômés de l’enseignement supérieur semblent moins mobiles, sans doute en raison de la concentration de ces derniers dans les centres urbains. Dans les villages, 17% d’entre eux doivent se déplacer chaque jour (11% dans les villes). Les migrations les plus intenses sont enregistrées dans les départements de Sofia, Kjustendil, Pernik et Stara Zagora ; à l’autre extrémité de l’échelle, se situent les départements de Vidin, Ruse, Montana ainsi que la ville de Sofia.

18 L’essentiel des migrations de travail quotidiennes dans la région de Sofia et les régions voisines de Kjustendil et de Pernik s’effectue en direction de la capitale, Sofia, qui constitue, dans le pays, le centre le plus attractif pour la main d’œuvre. Cette attractivité explique également la faiblesse du nombre des personnes allant chaque jour quérir un travail en dehors de la région de Sofia. Stara Zagora attire des migrants en raison du fort développement de l’industrie dans cette région, avec, notamment, le complexe industriel-énergétique Marica-Iztok, le producteur de bière Zagorska, du Domaine Menada viticole, etc. Les régions de Vidin et de Montana, toutes deux situées

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au nord-ouest de la Bulgarie, sont parmi les moins développées sur le plan économique, suite à l’effondrement de l’industrie chimique bulgare après 1989. Elles tendent également à voir leur poids démographique diminuer en raison du vieillissement de la population régionale, du taux de chômage élevé, de problèmes écologiques et d’une infrastructure de transport insatisfaisante. Mais, de façon générale, les circulations quotidiennes liées au travail n’ont pas entraîné, après 1989, de redistribution territoriale ou structurelle significative de la main d’œuvre29.

19 Des changements sont intervenus dans la situation familiale des migrants : la part des célibataires a augmenté au détriment de celle des mariés. En 1992, 43,9% des migrants étaient non mariés et 49,2% mariés. En 2001, pour la première fois, le pourcentage des célibataires a dépassé celui des personnes mariées (respectivement 49,4% et 40,5%)30. Ce renversement s’explique certainement par les nouvelles dynamiques migratoires contemporaines : les changements de résidence à des fins matrimoniales sont passés à l’arrière-plan, tandis que les mouvements liés à la recherche d’un emploi et au marché du travail ont acquis une visibilité et une importance nouvelles31. Le développement de formes de vie commune en dehors du mariage peut également avoir exercé une influence, tout comme les mariages plus tardifs. Il n’est pas sans intérêt, pour cette raison, de citer les résultats d’une enquête sociologique représentative consacrée à l’analyse des migrations de la décennie passée en Bulgarie : près de 50% des personnes interrogées ont indiqué qu’elles avaient entrepris une mobilité pour des raisons familiales ; 37% ont invoqué comme motivation la recherche d’un emploi qui corresponde à leur qualification professionnelle32.

De la ville vers le village

20 Plusieurs traits saillants ressortent également de l’observation de la direction des flux migratoires détaillée dans les tableaux 2 et 3.

Tableau 2 - Les migrations internes en Bulgarie entre 1956 et 1985 (en %)

Direction des migrations 1986-1992 1993-2001

Du village vers la ville 22,0 16,6

Village-village 12,1 10,8

Ville-ville 42,5 46,5

Ville-village 23,4 26,1

Source : NSI, Prebrojavane na naselenieto, op. cit., p.28.

21 Le tableau 2 montre une persistance des dynamiques de la période socialiste, avec une réduction graduelle de l’exode rural et des migrations intervillageoises et un accroissement des déplacements interurbains, ainsi que des mobilités entre les espaces urbains et ruraux. La structure actuelle de la population en Bulgarie, urbaine à 69%, explique en partie la nature de ces mouvements; d’autres raisons tiennent aux opportunités d’emploi, aux prix du logement, aux niveaux de vie, etc. Les données

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disponibles mettent par ailleurs en évidence plusieurs processus inédits, telle la prépondérance des migrations villes-villages. À la fin du XXème siècle, ces dernières apparaissent une fois et demi supérieures aux mouvements en sens inverse.

Tableau 3 - Les migrations internes en Bulgarie en 2004 et 2005 (en %)

Direction des migrations 2004 2005

Village-ville 21,0 22,0

Village-village 11,0 10,0

Ville-ville 45,0 44,0

Ville-village 23,0 24,0

Source : NSI, Naselenie i demografski procesi prez 2005

22 En 2004 et 2005 (tableau 3), la répartition des migrations internes est demeurée inchangée : en 2004, environ 145 000 migrations ont été enregistrées dans le pays, qui ont concerné 137 000 personnes33. Les données pour l’année 2005 sont de 168 000 (environ 150 000 migrants). Les déplacements les plus nombreux suivent une ligne ville-ville, suivis par les mobilités villes-villages. Au terme de ces mouvements entre espaces urbains et ruraux, la population urbaine a décru de 3 164 personnes en 2005, un chiffre qui a pour pendant un accroissement de l’habitat rural34.

23 Les politiques de restitution des terres agricoles35, le chômage et l’attractivité du travail agricole (grâce aux subsides accordés par l’Union européenne au titre du processus d’adhésion)36, ainsi que les problèmes relatifs à la réforme du système de retraites37 éclairent ces retours au village. Le phénomène n’est d’ailleurs pas propre à la Bulgarie post-socialiste. Des processus similaires ont été observés en Roumanie voisine après 1997 pour des raisons identiques à celles rencontrées en Bulgarie - le chômage en milieu urbain et la restitution des terres, etc.38. En termes générationnels, les 50-59 ans constituent le premier groupe de migrants (22%) devant les 40-49 ans (16%)39. Autrement dit, les personnes qui quittent les villes pour le monde rural ne sont pas seulement des retraités, désireux de passer leurs dernières années dans un univers rural serein, propre et calme, mais des personnes en âge de travailler qui espèrent, par ce changement de résidence, trouver les moyens de gagner leur vie.

24 D’un point de vue régional, les migrations internes de l’après 1989 n’ont pas suivi de direction clairement définie, à la différence, par exemple, de ce qui a pu être observé en ex-URSS où les mobilités intervenues après 1991 (dorénavant des migrations externes entre les nouvelles Républiques souveraines) se sont caractérisées par un ample mouvement depuis l’Ouest vers l’Est40. Sous l’effet des déplacements régionaux en Bulgarie, en 2001, 21 départements (sur 28) avaient vu leur population diminuer de 61 843 personnes au total. Les départements de Smoljan (dans les Rhodopes occidentaux), de Silistra (au nord-est du pays), de Vraca et de Montana (nord-ouest), de Haskovo (Rhodopes orientaux), de Tărgovište (nord-est) et de Jambol (centre-est) étaient particulièrement touchés, principalement en raison de la dégradation de la situation économique. Seuls sept départements présentaient un solde migratoire

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positif. Sofia détenait la première place avec 52 347 nouveaux habitants, suivie par Varna, Plovdiv, Veliko Tărnovo, Šumen, Burgas et Gabrovo. Les raisons de ces mouvements sont à rechercher, notamment, dans le développement de la construction et du tourisme autour de la mer Noire, la prospérité économique de Plovdiv et le développement de ces villes en tant que centres universitaires. Entre 1993 et 2001, quelque 42% des migrations sont intervenues à l’intérieur même des départements. Le flux qui se dessine le plus clairement concerne les mouvements en direction de Sofia, centre migratoire le plus attractif. Les autres dynamiques notables portent sur des déplacements entre départements voisins. Dans 60% des cas, les actifs franchissent les frontières de leur département d’origine41.

25 Avec la création d’un système de planification régional, en 2000, sous l’influence du processus de préparation de l’intégration à l’Union européenne, a commencé la collecte de données relatives aux mobilités au sein comme entre les six régions de planifications NUTS (sud-ouest, sud-centre, sud-est, nord-ouest, nord-centre, et nord-est)42. Seule la région sud-ouest (qui comprend la capitale) a enregistré un solde migratoire positif entre 2001 et 2003, tandis que les cinq autres voyaient leur population décroître sous l’effet des migrations internes43.

Les migrations ethniques

26 Les recensements de 1992 et de 2001 nous permettent de mieux connaître l’appartenance ethnique des personnes mobiles. Dans les deux cas, la mobilité des représentants des principaux groupes ethniques correspond globalement à leur poids démographique au sein de la population. Sur la période 1992-2001, les Bulgares représentent la part la plus importante des migrants (81,9%), suivis par les Turcs (9,5%) et les Roms (4,1%)44. Dans le même temps, seuls 55% des Roms de Bulgarie vivent en milieu urbain, alors que la population urbaine représente en moyenne plus de 69% de la population du pays.45 La concentration des Roms dans les villages, leur faible maîtrise de la langue bulgare et leur difficulté à communiquer dans un environnement dynamique constituent des variables importantes dans la décision de migrer à l’intérieur du pays et semblent s’accompagner d’une moindre participation des Roms de Bulgarie aux migrations internes. Couplé avec l’abandon des villages par leurs autres habitants, le grand nombre des Roms vivant en milieu rural est en train de transformer certaines écoles en écoles de facto rom - un problème inédit pour la société et le système scolaire bulgares46. On rappellera toutefois que les données statistiques disponibles concernant les populations roms sont peu fiables - que ce soit en raison de leur identification à un autre groupe ethnique ou parce qu’ils ne sont pas enregistrés - et il est possible que leurs mobilités ne soient pas correctement appréciées.

27 Bien que les Roms ne soient pas statistiquement surreprésentés dans les circulations internes, leurs mouvements reçoivent souvent une attention médiatique et sociétale supérieure à celle des Bulgares et des Turcs. Il n’est pas rare que les projets d’installation de familles ou de groupes roms dans de nouveaux villages, villes ou quartiers de la capitale se heurtent à une forte hostilité et aux protestations des habitants. La concentration de la population rom dans certains quartiers de Sofia ainsi que dans les grandes villes est souvent interprétée comme reflétant, chez les Roms, une stratégie de sélection des lieux de résidence en fonction des opportunités d’accès aux aides sociales. Le déplacement des Roms vers des sites où l’Etat prévoit de leur

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construire des logements ou encore, s’ils sont nouveaux venus, leur rapatriement vers leur lieu de domiciliation permanent sont parfois vus comme les réponses à apporter aux problèmes sociaux auxquels ils sont confrontés : la pauvreté, les constructions illégales de logements ou encore la criminalité.

Les politiques gouvernementales de gestion des migrations

28 Si les politiques socialistes de gestion des migrations intérieures ont été supprimées à la fin 1989, les migrations internes n’ont pas pour autant été confiées à la seule logique du marché. Après 1989, les gouvernements bulgares (en particulier ces quatre ou cinq dernières années sous l’influence de la conditionnalité européenne) ont conçu une variété de programmes visant à administrer les migrations de travail. En lieu et place des anciennes politiques socialistes ont été développées des politiques destinées à assurer un développement plus équilibré des régions et à réduire le taux de chômage en augmentant la mobilité de la main d’œuvre. Depuis 1989 et, plus encore, depuis 2001, l’État bulgare n’envisage nullement de renoncer à réguler les migrations internes, lui qui a entièrement repris à son compte la vision - présente au sein de l’EU - selon laquelle la mobilité de la main d’œuvre constituerait un facteur-clé de croissance économique et d’augmentation des niveaux de vie.

29 Toute une série de documents du ministère du Travail et des Affaires sociales (à l’image des plans d’action nationaux pour l’emploi de 2005 et 2006) se donne pour priorité l’intensification de la mobilité et de la flexibilité des ressources humaines. L’accroissement de l’adaptabilité, de la mobilité et de la compétitivité de la main d’œuvre figure ainsi parmi les principales priorités de l’actuel Programme opérationnel pour “le développement des ressources humaines” du ministère des Affaires sociales47 qui fournit le cadre de la gestion des fonds structurels européens pour la période allant de 2007 à 2013. La stratégie bulgare pour l’emploi 2004-2010, adoptée par le Conseil des ministres en novembre 2003 et préparée conformément à la stratégie européenne en matière d’emploi, a entièrement repris à son compte les dix priorités de cette dernière, parmi lesquelles figurent l’encouragement à l’adaptabilité et à la mobilité sur le marché du travail48.

Etudier en parallèle les migrations internes et externes : un nouvel agenda de recherche

30 Ces dernières années, les auteurs spécialisés dans l’étude des migrations - en particulier transnationales - ont remis en cause l’un des principes fondateurs de la recherche en sciences sociales, à savoir les délimitations territoriales. Les études des trans-migrants montrent comment ces derniers parviennent à entretenir des réseaux sociaux multiples aussi bien avec leur pays d’origine qu’avec l’État qui les a récemment accueillis en franchissant aisément les frontières nationales et en parvenant à contourner les institutions classiques de l’État-nation. Le concept, d’ores et déjà largement usité, d’État-nation déterritorialisé aide à diluer les frontières nationales et à dépasser le modèle de la société-container. La critique du nationalisme méthodologique dans les sciences sociales remet en question la conviction selon laquelle l’État-nation serait la seule forme politique et sociale du monde moderne49.

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31 Dans ces conditions, il est étonnant que, précisément dans ces études pionnières qui ont ébranlé la stabilité de l’État-nation comme catégorie d’analyse, une stricte séparation entre les migrations internes et externes prédomine. Non que soient totalement absentes les études abordant conjointement les deux types de migrations, mais leurs processus caractéristiques sont considérés comme distincts. Une telle démarche cimente la centralité de la frontière étatique et empêche de découvrir le degré de dépendance mutuelle entre les déplacements à l’intérieur du territoire de l’État-nation et en dehors de lui. Le travail de Neda Deneva constitue une exception à cette règle. Dans l’une des études les plus innovantes et les plus riches consacrées aux migrations bulgares contemporaines, elle a établi - en s’appuyant sur l’exemple du village de Ribnovo, au Sud-Ouest de la Bulgarie- un lien entre les mouvements intervenant à l’intérieur de la Bulgarie et en dehors de ses frontières50.

32 Dans le cas bulgare, une démarche particulièrement heuristique consisterait à étudier la manière dont les migrations internationales – au sein desquelles prédominent les formes de migrations temporaires, saisonnières, circulaires et par réseaux au détriment des émigrations permanentes – influencent les intentions et décisions de circulation à l’intérieur du pays, à la faveur de retours de courte durée, de moyenne durée ou définitifs. Les études disponibles montrent en effet que de telles mobilités internes sont provoquées et aiguillées par les migrations externes qui les ont précédées. Il serait utile d’étudier quel facteur ou quelle combinaison de facteurs suscite les déplacements internes : l’épargne migrante, les savoir-faire acquis ou le changement culturel lié à la nouvelle organisation du travail et au nouveau mode de vie, source de nouvelles attitudes et visions du monde51. Il serait également intéressant de déterminer le rôle des moyens financiers, ramenés en Bulgarie ou envoyés à des parents, dans l’encouragement des migrations internes depuis les villages vers les villes, depuis les centres urbains vers les espaces ruraux ou dans toute autre direction. Au nord-est de la Bulgarie, la migration saisonnière des Turcs bulgares vers la Suède, l’Allemagne, la Belgique, la Hollande et l’Espagne a entraîné d’autres migrations aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Dans la région de Kărdžali (Rhodopes orientaux), s’observe par exemple un déplacement des Turcs d’abord des villages vers les villes proches, puis, vers les grands centres urbains et les chefs-lieu de district. Ces mouvements sont renforcés par l’épargne issue des migrations saisonnières à l’étranger. Dans un premier temps, ces ressources sont utilisées pour réparer les maisons au village, puis pour acheter des biens fonciers à Kărdžali et enfin pour acquérir un appartement à Plovdiv, la seconde plus grande ville de Bulgarie. Une fois les économies investies dans une propriété, les migrants saisonniers restent sans emploi en Bulgarie ; ils ne souhaitent pas travailler pour un salaire inférieur à celui auquel ils ont été habitués à l’étranger et n’ont pas la possibilité de lancer leur propre activité entrepreneuriale. Cette situation les contraint à entamer un nouveau cycle de migrations temporaires, saisonnières ou circulaires en dehors du pays.

33 Plus fructueuse encore serait l’étude de la manière dont les migrations internationales peuvent conduire à une immobilité contrainte dans des secteurs économiques à forte mobilité traditionnelle comme la construction, par exemple. En raison du caractère propre à ce type de travail, les ouvriers du bâtiment figurent parmi les groupes professionnels les plus mobiles depuis l’époque du régime socialiste. Après 1989, ils sont devenus une des mains d’œuvre les plus recherchées à l’étranger. Légalement ou au noir, les ouvriers bulgares (en particulier les Turcs et les Pomaks, mais aussi les

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Bulgares ethniques) trouvent généralement un emploi en Allemagne, en Autriche, en Belgique, aux Pays-Bas, en Grèce ou ailleurs. Cependant, à leur retour en Bulgarie, en dépit du développement rapide de la construction ces dernières années, du déficit permanent de la main d’œuvre dans ce secteur et des rémunérations relativement attractives qui y sont proposées (par comparaison avec les autres domaines d’activité en Bulgarie), ils peinent à trouver du travail, démotivés par l’absence de salaires “européens”. Il en résulte fréquemment une immobilisation forcée - une inertie imposée à soi-même - dans l’attente de nouvelles opportunités de départ à l’étranger.

34 Un autre domaine de recherche prometteur concerne les mouvements internes des immigrants en Bulgarie, qu’ils soient des citoyens étrangers ayant trouvé un refuge, une famille ou un travail dans le pays ou des citoyens bulgares revenus après un long séjour à l’étranger. Par comparaison avec celles des populations locales, la migration interne des étrangers n’a attiré l’attention que d’un faible nombre de chercheurs52. Il conviendrait pourtant d’étudier quelle contribution les immigrants installés en Bulgarie apportent aux migrations internes. La remarque vaut pour les immigrants économiques (par exemple, les Chinois dans le secteur de la restauration ou du commerce à un lev) comme pour les migrants qui s’installent en Bulgarie en raison du climat, de l’environnement et de la différence de niveaux de vie. Ces dernières années, le développement d’une nouvelle migration de retraités - principalement des Anglais, des Irlandais et des Japonais - a pu être observé. Selon certains analystes, ces flux devraient s’imposer dans les décennies à venir comme l’un des courants migratoires les plus importants au sein de l’Europe unie53. En raison de la stratégie d’installation en groupe de ces migrants ou de leur implantation dans certains villages situés au bord de la mer Noire ou en montagne, il serait intéressant de déterminer si leur présence suscite également l’arrivée de Bulgares attirés par la perspective d’une redynamisation du tissu économique des régions concernées grâce à l’apport d’argent étranger.

Conclusion

35 L’étude de la migration interne en Bulgarie a montré que plusieurs tendances importantes de la période socialiste s’étaient maintenues après les grandes transformations politiques, économiques et sociales de 1989. Parmi celles-ci figurent la diminution des flux migratoires depuis les années 1960 et le déclin de l’exode rural. Le sexe, l’âge et le niveau d’éducation des participants aux mobilités sont restés largement inchangés. De ce point de vue, 1989 ne représente pas une ligne de partage et une rupture marquée. Dans le même temps, cependant, le libre franchissement des frontières bulgares, l’intégration à l’Union européenne et la nouvelle place de la Bulgarie au sein de la communauté internationale ont exercé une influence significative sur les migrations internes. Envisager ces processus dans leurs interrelations avec les migrations internationales représente le plus grand défi pour l’étude des migrations en Bulgarie aujourd’hui.

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NOTES

1. En mars 1948, l’État bulgare avait adopté une loi sur la nationalité envisageant la possibilité de déchoir de leur nationalité des Bulgares ayant voyagé hors du pays sans autorisation. De 1944 à 1948, le contrôle des sorties du territoire relevait des prérogatives de la Commission de contrôle interalliée, qui a également mis en œuvre une politique de déplacement de la population en Bulgarie et émettait les autorisations d’entrée comme de sortie du pays. Voir Büchsenschütz (Ulrich), Malcinstvenata politika v Bălgarija. Politikata na BKP kăm evrei, romi, pomaci i turci (1955-1989) [La politique des minorités de la Bulgarie. La politique du Parti communiste bulgare envers les juifs, les Roms, les Pomaks et les Turcs (1944-1989)], Sofia : IMIR, 2000, pp.13, 95, à l’adresse : http://www.imir-bg.org/imir/books/malcinstvena%20politika.pdf. Le 4 mars 1948, l’État bulgare a adopté la Loi sur les passeports et le contrôle de la milice sur les étrangers, qui introduisait des visas de sortie (“miliciens”) et interdisait l’attribution de passeports aux citoyens « dont les voyage é[tait] inutile ou nuisible à l’État ». Deux jours plus tard était adoptée la Loi sur la citoyenneté bulgare qui permettait d’ôter aux personnes ayant illégalement quitté le pays leur citoyenneté bulgare et de confisquer leurs biens au profit de l’État. Voir Dăržaven vestnik, (69), 25/03/48 et (70), 26/03/48. En 1951, les sorties illégales de territoire ont été criminalisées avec l’introduction dans le code pénal d’un crime de « préparation, tentative et fuite hors des frontières », passible de dix années d’emprisonnement et de 500 000 leva d’amende (ces deux clauses ont été par la suite adoucies à divers degrés). Voir Nakazatelen zakon [Code pénal], Sofia : Nauka i izkustvo, 1952 ; Nakazatelen kodeks [Code pénal], Sofia : Nauka i izkustvo, 1956 ; Nakazatelen kodeks [Code pénal], Sofia : Nauka i izkustvo, 1969 . Les proches des “émigrés” pouvaient eux aussi faire l’objet de poursuites : en vertu de la loi, leur correspondance pouvait être ouverte et les biens des époux restés dans le pays pouvaient être confisqués par l’État. En dehors des mesures prévues par la loi, les parents des personnes ayant fui à l’étranger ont souvent fait l’objet d’une surveillance par les organes de la Sûreté d’État (Dăržavna sigurnost) ; voyager à l’étranger (et en particulier à l’Ouest) leur était interdit ; ils ont souvent été soumis poursuivis et exilés (à l’intérieur du pays) et leur progression de carrière a été entravée. 2. Le 11 mai 1989, les pouvoirs bulgares ont amendé et complété la Loi sur les passeports internationaux sous la pression de l’effervescence enregistrée au sein des populations de Turcs bulgares - soumises depuis 1984 à une politique d’assimilation forcée connue sous le nom de “Processus de renaissance”. Le nouvel article 1 a posé que tous les citoyens bulgares avaient le droit de quitter le pays et d’y revenir, alors que les ordonnances antérieures prévoyaient que « les citoyens de République populaire de Bulgarie peuvent franchir la frontière étatique et séjourner dans un autre pays ». Dans le même temps, cependant, les visa de sortie ont été maintenus ; toutefois, un délai d’un mois a été introduit pour l’examen des demandes de passeport et de visa, tout refus devant désormais être motivé par écrit avec la possibilité, pour le requérant, de faire appel de la décision. L’amende prévue en cas d’infraction au régime des passeports est passée de 200 à 500 leva, pouvant atteindre 1 000 leva en cas de retour dans le pays deux ans après l’expiration du visa de sortie. Cette dernière clause, tout comme le postulat selon lequel les personnes devant des sommes significatives à l’État ou à d’autres citoyens ne peuvent se voir remettre un passeport, montrent que les changements introduits dans le régime de sortie du pays ont été conçus en vue d’une future émigration des Tucs bulgares vers la Turquie. Bien que le nouveau texte ait prévu une entrée en vigueur des amendements au 1er septembre 1989, le gouvernement a commencé à émettre des passeports et des visas pour les Turcs bulgares immédiatement, rendant possible l’émigration massive de l’été 1989, appelée, par euphémisme, “la grande excursion”. Voir Dăržaven vestnik, (38), 19/05/89. La majorité des citoyens bulgares n’a

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réellement obtenu la possibilité de sortir et d’entrer dans le pays qu’après le renversement de Todor Jivkov, le 10 novembre 1989. 3. Selon les données officielles du dernier recensement de 2001, 204 600 Bulgares vivraient en Ukraine. Voir http://www.ukrcensus.gov.ua/eng/results/general/nationality/. Le dernier recensement de Moldavie, qui date de 2004, suggère la présence de 65 662 Bulgares dans ce pays (mais ce chiffre en comprend pas les Bulgares de Transnistrie, lesquels sont estimés par l’Agence pour les Bulgares à l’étranger à plus de 13 000). Voir http://www.statistica.md/recensamint.php? lang=ru et http://www.aba.government.bg/news.php?newsid=174. Selon des données officieuses, un grand nombre de Bulgares résideraient également aux États-Unis (plus de 200 000), en Espagne (plus de 120 000) et en Grèce (110 000). Voir Nacionalnata strategija na Republika Bălgarija po migracija i integracija (2008-2015) [Stratégie nationale de la République de Bulgarie pour les migrations et l’intégration], à l’adresse :http://www.mlsp.government.bg/bg/docs/index.htm. 4. Voir les articles consacrés aux migrations dans la revue, Naselenie [Population], après 1990. 5. Voir Appadurai (Arjun), Modernity at Large. Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis / London : University of Minnesota Press, 1996 ; Basch (Linda), Glick Schiller (Nina), Szanton Blanc (Cristina), Nations Unbound. Transnational Projects, Postcolonial Predicaments and Deterritorialized Nation-States, Pennsylvania : Gordon and Breach, 1994 ; Kivisto (Peter), « Theorizing transnational immigration : a critical review of current efforts », Ethnic and Racial Studies, 24 (4) ; Bauböck (Rainer), « Towards a Political Theory of Migrant Transnationalism », International Migration Review, 37 (3), 2003 ; Werbner (Pnina), Modood (Tariq), eds., Debating Cultural Hybridity. Multi-cultural Identities and the Politics of Anti-Racism, London / New Jersey : Zed Books, 1997 ; Pratt (Mary Louise), Imperial Eyes : Travel Writing and Transculturation, London / New York : Routledge, 1992. 6. Voir Guentcheva (Rossitza), From Banishment to Ascribed Residence : Controlling Internal Movement in Socialist Bulgaria (1944-1989), Research Paper, Sofia : Center for Advanced Studies (CAS), 2006, à l’adresse : http://v3.cas.bg/cyeds/downloads/ From_Banishment_to_Ascribed_Residence.pdf [consultée le 25 août 2008]. 7. Voir Vasileva (Bojka), Migracionni procesi v Bălgarija sled Vtorata svetovna vojna [Les processus migratoires en Bulgarie après la seconde Guerre mondiale], Sofia : Université Kliment Ohridski, 1991, p.106. 8. Ce boom migratoire n’a pas automatiquement suscité le développement de recherches sur ces thématiques. À la fin des années 1960 une étude systématique des tendances migratoires internes et de leurs conséquences pour la société bulgare faisait encore défaut. Un manque d’intérêt similaire pouvait être observé en URSS où, entre 1930 et 1964, aucun livre n’a été consacré aux mobilités internes. Voir Grandstaff (Peter), « Recent Soviet Experience and Western “Laws” of Population Migration », International Migration Review, 9 (4), 1975, p.479. À la fin des années 1960, l’étude des migrations en URSS a été proclamée prioritaire pour l’économie nationale, ce qui a donné une impulsion aux études universitaires non seulement en URSS, mais également dans l’ensemble du bloc socialiste. En Bulgarie, c’est en 1972 qu’ont paru les travaux de Minkov (Minko), Migracija na naselenieto [Migration de la population], Sofia : Partizdat, 1972 et de Totev (A.), Demografija. Izbrani temi [Démographie. Thèmes choisis], Sofia : UI “Kliment Ohridski”, 1972. Ils ont été suivis deux ans plus tard par l’étude fondatrice Demografija na Bălgarija [Démographie de la Bulgarie], Sofia : Nauka i izkustvo, 1974. 9. Voir NSI (Nacionalen Statističeski Institut), Prebrojavane na naselenieto, žilištnija fond i zemedelskite stopanstva prez 2001 [Recensement de la population, du fonds pour le logement et de l’agriculture en 2001], t.1 ; NSI, Naselenie [Population], livre 6 ; NSI, Migracija na naselenieto [Migration de la population], Sofia : NSI, 2004, pp.13-14. 10. Ibid. 11. Voir Živkova (Veska), Seloto. Sociologičeski analiz [Le village. Analyse sociologique], Sofia : Partizdat, 1989, p.9.

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12. Entre 1949 et 1959, le maillage administratif de la Bulgarie reposait sur l’existence de départements (okrăzi, dont le nombre a oscillé entre 13 à 15 selon les années, la ville de Sofia jouissant du statut d’okrăg), eux-mêmes subdivisés en districts (okolij). De 1959 à 1987, le pays a été administrativement divisé en 28 départements, d’environ 300 000 habitants chaque, et les okolij supprimés. Le nouveau découpage administratif adopté en 1987 comprenait 9 régions (oblasti), subdivisées en municipalités (obštini). Depuis 1998, le nombre des régions est passé de 9 à 28 - lesquelles correspondent aux départements de l’avant 1987 - tandis que le niveau communal a été maintenu (on comptait 265 communes en 2005). 13. Voir Vasileva (Bojka), op.cit., pp.100-101. 14. Ibid. ; voir aussi NSI, Prebrojavane na naselenieto, (op.cit.), pp.15-16. 15. Ibid., p.16. 16. Ibid., p.20. 17. Voir Grandstaff (Peter), art.cit., p.495 ; voir aussi Grandstaff (Peter), Interregional Migration in the USSR : Economic Aspects, 1959-1970, Durham : Duke University Press, 1980. Dans cet ouvrage, l’auteur développe l’idée selon laquelle un marché du travail relativement libre aurait existé dans l’URSS de l’époque. La thèse de Grandstaff selon laquelle le pouvoir soviétique aurait supprimé une partie des limites posées à la mobilité interne - ce qui aurait conduit à une réduction de la migration contrôlée et régulée par l’État - a été critiquée au début des années 1980 par des chercheurs n’acceptant pas les thèses relatives à la similitude des processus économiques et sociaux en URSS et dans les pays occidentaux. Pour une critique de ce type, voir Linz (Susan), « Review of Interregional Migration in the U.S.S.R.: Economic Aspects, 1959-1970. By Peter J. Grandstaff. Durham : Duke University Press, 1980 », Journal of Economic History, 41 (2), 1981. 18. Voir Guentcheva (Rossitza), op.cit. 19. Brunnbauer (Ulf), « “The Town of the Youth” : Dimitrovgrad and Bulgarian Socialism », Ethnologia Balkanica, 9, 2005, p.95. Entre 45 et 50 000 membres des Brigades de jeunesse ont également participé à la construction de Dimitrovgrad. De la sorte, à partir de la fin des années 1940 le mouvement des Brigades de jeunesse en Bulgarie - auquel ont pris part près d’un demi- million de jeunes - s’est transformé en un instrument puissant de mise en mobilité et de mélange des populations. Voir ibid., p. 94. 20. Voir Macura (Milos), « Population Policies in Socialist Countries of Europe », Population Studies, 28 (3), 1974, pp.373-374. 21. Voir NSI, Prebrojavane na naselenieto…, (op.cit.), p.14. 22. Voir Anatomija na prehoda. Stopanskata politika na Bălgarija ot 1989 do 2004 [Anatomie de la transition. La politique économique de la Bulgarie de 1989 à 2004], Sofia : Siela, 2004. Pour une chronologie politique de la transition en Bulgarie, voir Kalinova (Evgenija), Baeva (Iskra), Bălgarskite prehodi, 1939-2002 [Les transitions bulgares, 1939-2002], Sofia : Paradigma, 2002 ; voir aussi Rajčev (Andrej), Stojčev (Kănčo), Kakvo se sluči. Razkaz za prehoda v Bălgarija, 1989-2004 [Ce qui s’est passé. Récit de la transition en Bulgarie, 1989-2004], Sofia : IK “Iztok-Zapad”, 2004 et Čalăkov (Ivan) et al., Mrežite na prehoda : kakvo svăštnost se sluči v Bălgarija sled 1989 [Les réseaux de la transition : ce qui s’est réellement passé en Bulgarie après 1989], Sofia : IK “Iztok-Zapad”, 2008. 23. NSI, Prebrojavane na naselenieto…, (op.cit.), p.15. 24. Ibid., p.16. 25. Ibid., p.20. 26. Ibid., p.23. 27. Quelques chercheurs, qui se rallient à la définition officielle des migrations (comme absence de son lieu d’habitation pendant plus d’une année) qualifient ce phénomène de “voyages de travail quotidien” (ežednevni trudovi pătuvanija). D’autres, qui mettent l’accent dans leurs travaux sur les ressemblances dans le type de mobilité, ses origines et les réseaux au sein desquels elle intervient, ainsi que sur les effets des migrations tant sur les migrants que sur la région, préfèrent employer le terme de “migration de travail quotidienne”.

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28. Voir Creed (Gerald), Domesticating Revolution : From Socialist Reform to Ambivalent Transition in a Bulgarian Village, University Park : The Pennsylvania State University Press, 1998, рp. 168-169. Les chercheurs travaillant sur les migrations quotidiennes de travail sous le socialisme saluent leur développement dans la mesure où elles sont tenues pour une alternative à une migration définitive et au dépeuplement des villages, d’une part, et comme un instrument devant servir la modernisation de ces derniers, d’autre part. Voir Ninov (Z.), « Ežednevnite trudovi pătuvanija i razvitieto na urbanizacionnija proces » [Les migrations de travail quotidiennens et le développement du processus d’urbanisation], Izvestija na Bălgarskoto geografsko družestvo [Bulletin de l’Association de géographie bulgare], 28 (18), 1980 ; Nikolova (Marija), Ženite ot migriralite v grada semejstva [Les femmes des familles ayant migré vers la ville], Sofia : AI “Prof. M. Drinov”, 2003. 29. Voir Kalčev (Jordan), « Vătrešna i vănšna migracija na naselenieto » [Migration interne et internationale de la population], communication présentée lors du séminaire La stratégie européenne pour l’emploi et la Bulgarie - amélioration de l’adaptivité et de la mobilité de la main d’œuvre, 17-18 novembre 2005, Sofia, à l’adresse : http://www.eesbg.info/bg/activity/7-Sofia.htm. 30. Voir NSI, Prebrojavane na naselenieto…, (op.cit.), p.18. 31. Voir Sardon (Jean-Paul), « Demographic Change in the Balkans since the End of the 1980s », Population : An English Selection, 13 (2), 2001, p. 56. 32. Voir NSI, Nătrešna i vănšna migracija na naselenieto v Bălgarija (rezultati ot representativno izučavane) [Migration interne et internationale de la population en Bulgarie (résultats d’une enquête représentative], à l’adresse : http://www.nsi.bg/Census/Vivmigr.htm. Viennent ensuite, dans la liste des motivations, la recherche des conditions de vie meilleures (22%), d’un avenir meilleur pour les enfants (15%), de l’éducation souhaitée (1%), de revenus plus élevés (8%), etc. 33. Voir Rapport annuel du ministère de la Jeunesse et des Sports, 2004, p.7. 34. NSI, Naselenie i demografski procesi prez 2005 [La population et les processus démographiques en 2005] (Sofia, 2006). 35. La restitution des terres agricoles à leurs anciens propriétaires et à leurs descendants a débuté en 1991. La Loi sur la propriété et sur l’utilisation des terres agricoles alors adoptée a subi des amendements en 1992 et en 1995, liés aux changements de majorité politique (gouvernement des ex-communistes, de l’opposition démocratique puis, de nouveau, des ex-communistes). Ces initiatives juridiques ont eu pour effet une liquidation des coopératives socialistes et une fragmentation extrême de la propriété agricole. Le principe retenu était celui d’une restitution des terres dans leurs frontières réelles de 1946- une année qui avait marqué l’apogée du morcellement des terres dans l’histoire moderne de la Bulgarie, puisque 92% des terres agricoles y occupaient alors une superficie inférieure à 10 hectareset seulement 1% dépassaient les 20 hectares.54% de la population a déposé une demande de restitution ; des requêtes ont également été soumises par des églises, des mosquées, des communes, l’État et d’autres institutions.Comme moins de 13% des terres n’avaient subi aucun changement de découpage depuis 1946, une redistribution des terres s’est imposée qui a rendu le processus de restitution exceptionnellement âpre, entravé par une multitude d’objections, de plaintes formelles et de disputes enflammées entre nouveaux propriétaires, comme entre ces derniers et l’État. En 2004, la taille moyenne des parcelles agricoles était de 0,6 hectares.Voir Giordano (Christian), Kostova (Dobrinka), « The Social Production of Mistrust », in Hann (Chris), ed., Postsocialism. Ideals, Ideologies and Practices in Eurasia Londres : Routledge, 2002 ; Creed (Gerald), op.cit. ; Strong (Ann Louise), Restitution of Farm Land in Bulgaria, 1995, à l’adresse : http://www.ssc.upenn.edu/ east/spring95/strong.html. Voir aussi Iliev (Ilia), « The Division of Labor between Small and Large Farms in Bulgaria : A Four Decade Anomaly », in Kabakchieva (Petja), Avramov (Rumen), eds., East-West Cultural Encounters. Entrepreneurship, Governance, Economic Knowledge, Sofia: n.d., 2004.

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36. Le financement pluriannuel de pré-adhésion au titre du programme SAPARD de la Commission européenne a été adopté en 2000. Il prévoyait que 592 961 125 euros (un chiffre comprenant les financements communautaires et la co-financement bulgare) soient accordés aux régions rurales d’ici l’adhésion de la Bulgarie à l’UE en 2007. Depuis l’intégration européenne de 2007, un Programme pour le développement des régions rurales (2007-2013) est en vigueur, en vertu duquel 4 278 384 487 еuros (un chiffre qui comprend le financement communautaire, le co- financement national et des contributions privées) devaient être octroyés à la Bulgarie à travers le Fonds européen de développement régional (FEDER). Voir Programa za razvitie na selskite rajoni (2007-2013) [Programme pour le développement des régions rurales], décembre 2007, p.82, p.234, à l’adresse :http://www.mzh.government.bg/Articles/363/Files/ RDP_official_version_BG%20_2633468019477500000.pdf. 37. La réforme du système de retraites introduite en 1998-2001 est considérée, y compris par les experts en matière d’assurance sociale, comme “exceptionnellement restrictive” du point de vue du niveau des retraites proposé (en pourcentage du revenu) et des conditions d’éligibilité. Le rapport entre le montant moyen des retraites et le salaire bulgare moyen était, en 2001, de 34% (43% en 2007). Dans le même temps, les retraites ont été plafonnées : jusqu’en 2004, elles ne pouvaient excéder quatre fois le montant de la pension sociale. Depuis 2004, elles sont limitées à 35% du revenu d’assurances maximum (soit 1 000 euros en 2008). L’âge de départ à la retraite a été porté de 60 à 63 ans pour les hommes et de 55 à 60 ans pour les femmes. La durée de cotisation donnant droit à une retraite - qui était, dans le régime précédent, de 25 ans pour les hommes et de 20 ans pour les femmes (à l’exclusion de quelques groupes bénéficiant de régimes spéciaux) - a été augmentée de fait par l’introduction d’un système de points (100 pour les hommes, 94 pour les femmes).Cette réforme s’explique par l’incapacité financière de l’État à couvrir les droits de retraite accumulés dans le cadre du précédent système - plus généreux - et par le désir d’éviter un effondrement financier du système de retraite. Voir Tafradjiyski (Borislav), Lukanova (Pobeda), Shopov (George), Staykova (Dochka), The Pension Reform in Bulgaria – Two Years After the Start, 2001 : http://www.ier.hit-u.ac.jp/pie/Japanese/ discussionpaper/dp2001/dp64/text.pdf; Hristoskov (Jordan), Bulgarian Pension Reform, presentation at the Moldova Pension Reform Workshop, Chisinau, June 10-11, 2008, à l’adresse : http://siteresources.worldbank.org/INTMOLDOVA/Resources/ Bulgarian_Pension_System_en.ppt. 38. Voir Sardon (Jean-Paul), art.cit., p.55. 39. Ibid. 40. Voir Fassmann (Heinz), Munz (Rainer), « European East-West Migration, 1945-1992 », International Migration Review, 28 (3), 1994, p.531. 41. Voir NSI, Prebrojavane na naselenieto…, (op.cit.), pp.30-34 ; Kalčev (Ivan), art.cit. 42. Six régions de planification ont alors été créées en vue de l’intégration de la Bulgarie à l’UE et de la gestion du développement régional avec l’aide des Fonds structurels communautaires. Ces régions ne correspondent pas à des unités territoriales ayant connu une existence antérieure ; elles ne reflètent pas non plus des liens sociaux ou économiques d’ores et déjà existants. Dans la mesure où il ne s’agit pas d’entités administratives-territoriales, elles ne sont utilisées qu’à des fins de statistique régionale et de planification. En 2006, les frontières de presque toutes les régions ont été modifiées pour répondre aux exigences d’Eurostat (une région ne doit pas comprendre moins de 800 000 habitants). Voir http://www.europe.bg/htmls/ page.php?id=7707&category=82. 43. Voir NSI, Statističeski godišnik [Annuaire statistique], Sofia : 2004, qui contient des données de 2003 ; NSI, Statističeski godišnik [Annuaire statistique], Sofia : 2003 (données de 2002) ; NSI, Statističeski godišnik [Annuaire statistique], Sofia : 2002 (données de 2001). 44. Voir NSI, Prebrojavane na naselenieto…, (op. cit.), p. 21. Selon le dernier recensement de 2001, les Bulgares représentent 83,9% de la population, suivis par les Turcs (9,4%) et les Roms (4,7%).

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Voir http://www.nsi.bg/Census/Census.htm.Concernant les migrations roms, voir aussi Pamporov (Aleksej), « Demografskite harakteristika na romskite migracij v Bălgarija » [Les caractéristiques démographiques des migrations roms en Bulgarie], Naselenie, 13 (1-2), 2002. 45. Voir Nacionalnata programa za podobrjavane na žilištnite uslovija na romite v Republika Bălgarija za perioda 2005-2015 [Programme national pour l’amélioration des conditions de logement des Roms en République de Bulgarie sur la période 2005-2015],http://ethnos.bg/index.php? TPL=2&MID=423&SID=423. 46. Voir Denkov (Dimităr), Stanoeva (Elica), Vidinski (Vasil), Romskite učilišta v Bălgarija [Les écoles roms en Bulgarie], Sofia : Fondacija Otvoreno Obštestvo, 2001, à l’adresse : http:// www.osi.hu/esp/rei/romaschools.bg.osf/bg/the_problem.html ; voir aussi Mihajlov (Dočo), Željazkova (Antonina), Okončatelen doklad po proekt : ocenka za săštestvuvaštite obrazovatelni politiki i praktiki za predostavjane na raven dostăp do obučenie na deca ot malcinstvata i za razrabotvane na preporăki za ustojčivo rešenie za obrazovatelnite problemi na malcinstvata [Rapport final du projet : évaluation des politiques et des pratiques éducatives existantes concernant l’égal accès des enfants des minorités à l’enseignement et élaboration de recommandations pour une résolution efficace des problèmes des minorités], Sofia : IMIR, 2003, à l’adresse : http://www.imir-bg.org/ imir/reports/obrazovanie-malcinstvata.pdf. Les auteurs de l’études affirment qu’il y a en Bulgarie en 2002-2003 des écoles dans lesquelles entre 50 et 100% des élèves sont roms, desservant des villages qui sont principalement ou entièrement roms, ainsi que des quartiers et des ghettos urbains. Toutefois, d’après eux, cette ségrégation à l’école n’est pas imputable à un phénomène de discrimination, mais aux migrations intensives de l’après-1989, différenciées selon les groupes ethniques. D’après A. Željazkova et D. Mihajlov, la concentration des Roms dans certains villages, quartiers et ghettos ne doit pas seulement aux tendances démographiques enregistrées dans le pays, mais également à un repli ethnocommunautaire (etnokapsulacija) provoqué par l’appauvrissement radical et par un désir croissant d’organisation spatiale séparée des Roms à des fins de survie. Le Comité Helsinki bulgare (BHK) a également mis l’accent sur la nécessité d’œuvrer à une déségrégation des écoles devenues de facto roms sous l’effet des migrations ou d’autres facteurs dans certains villages restés jusqu’à ce jour en dehors du champ de l’action publique. Voir Po pătja kăm zrelostta. Ocenka na desegregacionnija proces, osăštestjavan ot nepravitelstveni organizacii v Bălgarija [Sur la voie de la maturité. Evaluation du processus de déségrégation mis en œuvre par des organisations non gouvernementales en Bulgarie], Sofia : BHK, 2008, pp.16-17, à l’adresse : http://www.bghelsinki.org/upload/resources/ Po_patya_kam_zrelostta.pdf. 47. Voir http://ef.mlsp.government.bg/bg/page_op.php?id=1433[consultée le 3 septembre 2008]. 48. Dans deux Rapports successifs sur les avancées de la Bulgarie en matière de satisfaction des exigences du Rapport commun portant sur l’évaluation des priorités de la politique de l’emploi en Bulgarie (2004 et 2005) du Ministère du Travail et des Affaires sociales, sont répertoriées les initiatives prises en matière de renforcement de la mobilité de travail. Ainsi, en 2003, afin d’accroître la mobilité territoriale des chômeurs ayant été embauchés ailleurs que sur le lieu de travail (art. 42 de la Loi sur la stimulation de l’activité de décembre 2001 prévoyant le versement d’une aide au déménagement des meubles ; le remboursement des dépenses quotidiennes liées au transport depuis et vers le lieu de travail ; remboursement des frais de transport relatifs à la présentation devant l’employeur) ont été alloués 33 798 leva (approximativement la moitié en euros) pour 362 chômeurs ; en 2004, à la même fin ont été dépensés 79 015 leva pour 642 chômeurs. Les documents cités dans le paragraphe précédent comme dans celui-ci peuvent être consultés sur le site du ministère de Travail et des Affaires sociales à l’adresse : http:// www.mlsp.government.bg/bg/docs/index.htm [consultée le 3 septembre 2008]. 49. Voir Wimmer (Andreas), Glick-Schiller (Nina), « Methodological Nationalism and the Study of Migration », Archives européennes de sociologie, 93 (2), 2002, p.217.

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50. Deneva (Neda), « The Role of Ethnicity in the Re-construction of the Community: Internal and International Migration in a Bulgarian Muslim Village », in Szczepaniková (Alice), Čaněk (Marek), Grill (Jan), eds., Migration Processes in Central and Eastern Europe: Unpacking the Diversity (Multicultural Center Prague : Prague, 2006), http://aa.ecn.cz/img_upload/ 79a33131c9c4293e0fcefb50bfa263ef/Migration_Processes_in_CEE_MKC.pdf. 51. Ce paragraphe, ainsi que les deux suivants, reprennent des points développés dans Guentcheva (Rossitza), Kabakchieva (Petya), Kolarski (Plamen), Migration Trends in Selected EU Applicant Countries. Vol. I – Bulgaria : The Impact of Seasonal Migration, IOM : Vienna, 2004, pp.50-51. 52. Voir, par exemple, K. Bruce Newbold, « Internal Migration of the Foreign-Born in Canada », International Migration Review, 30( 3), 1996, p.728-747; Douglas Gurak and Mary Kritz, « The Interstate Migration of U.S. Immigrants : Individual and Contextual Determinants », Social Forces, 78 (3), 2000, pp.1017-1039. 53. De concert avec la migration des étudiants et celle de personnes à haute qualification. Voir Ettore Recchi, Damian Tambini, Emiliana Baldoni, David Williams, Kristin Surak and Adrian Favell, « Intra-EU Migration : A Socio-Demographic Overview », PIONEUR Working Paper, 3, juillet 2003, à l’adresse : http://www.obets.ua.es/pioneur/documentos_public.php [consultée le 25 août 2008].

RÉSUMÉS

L’article analyse les tendances des migrations internes en Bulgarie au cours des quinze années qui ont suivi la chute du régime socialiste en les confrontant aux processus migratoires antérieurs à 1989. Il attire l’attention sur les flux migratoires entre ville et village, sur le profil des migrants, sur leur occupation économique et sur les migrations de travail quotidiennes. Ce faisant, il souligne l’existence de continuités intéressantes entre l’avant et l’après-1989 dans les aspirations de l’Etat bulgare à contrôler et à orienter les migrations internes. Les instruments mis au service de cette politique ont pu changer, tout comme les priorités définies, mais l’ambition de promouvoir une politique de peuplement qui soit placée au service d’autres finalités étatiques, notamment économiques, est demeurée. Enfin, l’article suggère quelques pistes pour penser les migrations internes dans leurs relations avec les migrations externes, mettant en exergue les thèmes, les problèmes et le champ que de telles recherches pourraient souhaiter explorer.

INDEX

Index géographique : Bulgarie Mots-clés : Mobilités, Migrations internes

AUTEURS

ROSSITZA GUENTCHEVA Dr. Rossitza Guentcheva est maître de conférence (asistent) au Département d’anthropologie de la Nouvelle université bulgare à Sofia. Elle est titulaire d’une maîtrise en histoire de l’Université

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de Sofia « Kliment Ohridski » (1992), d’un Master en histoire de la Central European University à Budapest (1995) et d’un doctorat en histoire de l’Université de Cambridge (2001). Ses recherches portent sur les migrations et la mobilité, l’anthropologie de l’Europe de l’Est, l’histoire sociale et culturelle du socialisme et l’histoire sociale de la langue. Elle a récemment publié : « Images of the West in Bulgarian Travel Writing during Socialism (1945-1989) », in : Wendy Bracewell and Alex Drace-Francis (eds), Under Eastern Eyes: A Comparative Introduction to East European Travel Writing on Europe, Budapest & New York : Central European University Press, 2008, p.355-378; « From Banishment to Ascribed Residence : Controlling Internal Movement in Socialist Bulgaria (1944-1989) », paper in the framework of the project « Roles, Identities and Hybrids » of the Centre for Advanced Study – Sofia, May 2006; « Sounds and Noise in Socialist Bulgaria », in : John Lampe and Mark Mazower (eds.), Ideologies and National Identities. The Case of Twentieth-Century Southeastern Europe, Budapest : Central European University Press, 2004, p.211-234. mailto:[email protected]

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La Serbie post-Milosevic

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La Serbie post-Milošević : introduction

Yves Tomić

1 Ce dossier réunit la plupart des contributions à la demi-journée d’études organisée par l’Association française d’études sur les Balkans le 8 février 2008 et intitulée « La Serbie post-Milošević : continuités/discontinuités ».

2 Cette manifestation a été organisée afin d’évaluer les changements intervenus en Serbie depuis la chute de Slobodan Milošević le 5 octobre 2000. En effet, le retrait de la vie politique du président yougoslave a ouvert la voie à la démocratisation de la Serbie. Pour autant, l’idéologie dominante des années 1990, le nationalisme et la défense des intérêts nationaux serbes ont-ils été remis en question ? Dans quelle mesure la Serbie a- t-elle rompu avec son passé immédiat ? Dans quelle mesure existe-t-il un danger de remise en cause des acquis démocratiques ? Les forces nationalistes et autoritaires (en premier lieu le Parti radical serbe et le Parti socialiste de Serbie) peuvent-elles remettre en cause l'évolution démocratique que connaît la Serbie depuis l'automne 2000 ? Les questions territoriales, liées à la résolution du statut du Kosovo en particulier, auront- elles des conséquences sur la vie politique du pays ?

3 Les services de renseignements, autrefois principaux rouages du pouvoir du président yougoslave, sont-ils complètement sous le contrôle du pouvoir politique ? D'un point de vue systémique, la Serbie est-elle sortie d'un système économique et social où l'Etat est omniprésent ? Sur le plan idéologique, quelles sont les éventuelles continuités avec le précédent régime ?

4 Les différentes interventions de la demi-journée d’études n’auront pas permis de répondre à l’ensemble de ces questions. En effet, les réformes économiques et sociales n’ont pas été abordées et certains aspects de la transition démocratique n’ont été traités que superficiellement1. Parmi les éléments significatifs de la transition figurent la question de la réforme des structures de sécurité et surtout de l’agence de renseignement, dénommée aujourd’hui BIA. Le Service de sécurité d’Etat (Služba državne bezbednosti, SDB) a joué un rôle important dans l’exercice du pouvoir de Slobodan Milošević. Ce service n’a pas été purgé après les événements du 5 octobre

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2000 du fait du soutien apporté par Vojislav Koštunica à Radomir Marković, le chef du SDB qui a été maintenu dans ses fonctions jusqu’en janvier 2001. Ce dernier a eu tout le temps de faire détruire les dossiers compromettants. La création de l’Agence de sécurité et d’information (BIA) ayant succédé au SDB n’a pas apporté de modifications significatives quant à la transparence des activités de cette structure2. Cette dernière semblait ne pas être sous le contrôle complet des autorités politiques jusqu’au printemps 2008.

5 Si la transition démocratique a bien commencé au cours des années 1989-1990 avec l’introduction du pluralisme politique et le lancement de la privatisation des entreprises sociales, force est de constater que la transition a été bloquée, les autorités politiques serbes entravant l’alternance politique en ne reconnaissant pas la victoire de leurs opposants démocrates (crise de 1996-1997, élections de septembre 2000)3. De même, le processus de privatisation a été stoppé au milieu des années 1990 et de nombreuses privatisations du début de la décennie ont été annulées. Le régime de Slobodan Milošević respectait certaines formes de la démocratie (élections pluralistes) mais les conditions de la démocratie n’étaient pas pour autant toute réunies (principaux médias .contrôlés par le pouvoir, etc.). Ce système peut être défini de régime hybride ou d’autoritarisme électoral (electoral authoritarianism)4.

6 L’article d’Ivana Spasić, sociologue, étudie la transition démocratique du point de vue des citoyens. Elle a participé à plusieurs enquêtes sociologiques entre 2002 et 2007 dans le but d’analyser les liens entre la vie quotidienne des citoyens et leurs perceptions des transformations politiques et sociales. A l’optimisme constaté en 2002 a succédé la déception en 2005 et 2007.

7 Srdjan Cvijic, observateur de la vie politique serbe, analyse les événements de la période 2000-2008. Il constate la prégnance du nationalisme dans la société serbe qu’il considère comme un obstacle à la consolidation de la démocratie. Néanmoins, il s’interroge dans quelle mesure le « système politique bloqué » du fait de l’exclusion du Parti radical serbe de l’exercice du pouvoir n’entraîne pas des conséquences négatives sur les institutions du pays (assemblée nationale, présidence). Néanmoins, depuis février 2008, la situation a sensiblement évolué puisque le Parti radical serbe a connu une scission importante avec le départ de son vice-président Tomislav Nikolić suivi par de nombreux cadres qui ont depuis fondé le Parti progressiste serbe (Srpska napredna stranka). L’article de Srdjan Cvijic n’en demeure pas moins utile puisqu’il pose la question de la tolérance des partis considérés comme intolérants et antidémocratiques.

8 Marlene Spoerri, doctorante au Département des études est-européennes de l’Université d’Amsterdam, s’interroge sur les pratiques démocratiques internes des partis politiques en Serbie. Dans quelle mesure les changements démocratiques depuis octobre 2000 ont-ils facilité la démocratisation des formations politiques serbes ? L’auteur constate que ces dernières sont devenues paradoxalement moins démocratiques, ne contribuant pas ainsi à améliorer l’image de la classe politique serbe.

9 Barbara N. Wiesinger étudie l'extrême droite dans la Serbie d’aujourd’hui et plus particulièrement les groupes Srpski Sabor Dveri, Otačastveni Pokret Obraz, Krv i čast et Nacionalni stroj. L’auteur montre que les programmes de ces organisations sont très semblables : ils sont basés sur un nationalisme exacerbé reposant sur l'idée de la renaissance nationale et une remise en cause des institutions et des valeurs démocratiques.

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10 Enfin Adam Fagan et Mladen Ostojić étudient l’impact de l’intervention de l’Union européenne sur la société civile et la démocratisation de la société serbe.

11 De nombreux progrès ont été enregistrés depuis le 5 octobre 2000. La Serbie est désormais une « démocratie électorale » où les résultats des scrutins ne sont plus falsifiés. Néanmoins, des faiblesses structurelles existent toujours avec le maintien du domaine réservé de la sécurité d’Etat. En outre, le passé immédiat de la Serbie n’a pas été remis en question sérieusement, en particulier les crimes de masse commis au nom des Serbes, comme en témoignent les ouvrages scolaires et les débats entre hommes politiques et intellectuels. Le système électoral est loin d’être parfait puisqu’il lie davantage les représentants du peuple aux directions des différents partis plutôt qu’aux citoyens électeurs. Néanmoins, la Serbie a franchi en 2008 une étape importante dans le processus de consolidation de la démocratie avec la formation d’un gouvernement de coalition entre le Parti démocrate et le Parti socialiste de Serbie. En outre, le Parti radical serbe sort affaibli de la scission qu’il a subie en 2008. Aujourd’hui, le SRS n’attire plus que 10% des électeurs, tandis que le Parti progressiste serbe de Tomislav Nikolić bénéficie d’un score deux fois supérieur.

NOTES

1. A propos des réformes économiques et sociales, voir Zec (Miodrag), Cerović (Božidar), Kuda ide Srbija : ostvarenja i dometi reformi, Beograd, Ekonomski fakultet u Beogradu, 2008, 301 p. ; Reforme u Srbiji : dostignuća i izazovi, Beograd, Centar za liberalno-demokratske studije, 2008, 108 p. (consultable à l’adresse URL : http://www.clds.org.yu/newsite/Reforme u Srbiji dostignuca i izazovi-1.pdf). Il existe une version anglaise de cette étude : Reforms in Serbia: Achievements and Challenges, consultable à l’adresse : http://www.clds.org.yu/newsite/Reforme08-eng.pdf. 2. Voir Pavlović (Dušan), Antonić (Slobodan), Konsolidacija demokratskih ustanova u Srbiji posle 2000. godine, Beograd, Službeni glasnik, 2007, pp.124-140. 3. Lazić (Mladen), « Les obstacles sociaux et institutionnels au processus de transformation en Serbie », Revue d’études comparatives Est-Ouest, volume 35, mars-juin 2004, n°1-2, pp. 17-34. 4. Voir Pavlović (Dušan), Antonić (Slobodan), Konsolidacija demokratskih ustanova u Srbiji posle 2000. godine, Beograd, Službeni glasnik, 2007, pp.78-82.

INDEX

Mots-clés : Transition démocratique Index géographique : Serbie

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Serbia 2000-2008: a changing political culture?

Ivana Spasić

Introduction

1 The aim of this paper1 is to indicate some trends in the changing political culture in Serbia from the point of view of ordinary citizens. Discussions of political and economic transitions in Eastern Europe have tended to privilege the top-down approach, presenting general outlines and macro-processes. This paper on the contrary starts from the assumption that this must be complemented by a more bottom-up, fine- grained view that takes seriously what ordinary people think and say about what is going on. The choice is methodological and does not imply that what citizens think is necessarily "correct" in cognitive or moral terms. There is just the belief that, in a democracy, the real, living people, with all their virtues and vices, must be taken into account since they are the true basis of any political processes and the source of their legitimacy.

2 The main database I draw on has been collected by the long-term qualitative study "Politics and everyday life". This project, conducted in three successive waves between 2002 and 2007, applied the method of semi-structured interviews and centered on topics of political transition and social transformation in Serbia. The idea was to look for connections between people's everyday life and their evaluations of the political developments in the Serbian society. Ordinary people of different backgrounds and living in different places were interviewed.2 The project was not a true panel study, since not exactly the same people were interviewed (although there are a handful of them who took part in all three stages). The sample varied in size and composition following the slightly different objectives of the three studies, and the topics included in the interview guide were not identical. The most important difference in the character of the sample, apart from its size, was that in the first study both politically active and passive citizens were targeted, both supporters and opponents of the change of regime in 2000, while in the other two studies this provision was not strictly applied,

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the result being a slight overrepresentation of respondents with a pro-democratic orientation. In terms of breadth, the first study broached the largest number of issues, while in 2007 we focused specifically on electoral abstention. For all these methodological reasons, the findings are not strictly comparable, but there are trends which, with all the necessary caution, can be roughly traced and followed through all three stages.

3 In addition to these data I will use other sources as well, mainly quantitative and "objective", like election results, public opinion polls etc. Comparisons of this sort can be very helpful in reconstructing whether and how the political culture of Serbian citizens has been evolving over the past eight years.

4 One more note is in order at the very beginning: I will not discuss at all the issue of Kosovo and the huge impact Kosovo’s declaration of independence on February 17, 2008 has had on Serbian politics, because I am basing my analysis on data collected well before the event. Moreover, the question is too complex to be dealt with summarily.

The "Great Shift": 2002 Findings

5 Let me first summarize briefly the main findings of our first study, since they will be used as the baseline against which to assess the developments in the meantime. The 2002 interviews showed that attitudes of Serbian citizens toward politics in general, political change of 2000, new post-Milošević government and the problems Serbia was facing were marked by a positive change as compared with the kind of political behavior (most) Serbs had engaged in during late 1980s and early 1990s. In our first publication we called this shift "New Realism" and found its manifestations in increased prominence of elements such as rational reasoning, down-to-earthness, tolerance, moderation etc.

6 The first and most obvious corroboration is provided by the very events of October 5, 2000: hadn't Serbian citizens changed, they would not have been capable of staging such a massive yet disciplined protest, and probably would not have succeeded in toppling Milošević. Not surprisingly, this event occupied central place in 2002 interviews, and the way people described it provided a focal point for articulating the new political values. The "meanings of October 5" extracted from respondents' accounts may be summarized as follows: 1) It was a historical event and a turning point in recent Serbian history; 2) The victory was won by the joint struggle of united citizens; 3) It marks the beginning of a radical change in all aspects of life – "we must build our common house anew", as dozens of them put it; 4) This was popular defense of one's right to vote freely – votes are sacred in a democracy; 5) Risks were high but people went out anyway, because they could not be intimidated any more. It is important to stress that this characterization of "October 5" was basically the same across political groupings – even those who in principle opposed the political change were ready to concede this set of features to the event itself and fundamentally accepted its consequences (as inevitable, if not desirable). We shall see how this, too changed in later years.

7 At that initial moment of the post-Milošević era, citizens had quite distinct ideas about what the new government had to do first. These ideas apart from substantive contents

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also included a strong normative component, and so may be called "normative expectations": • 1. Economic recovery: more jobs, higher pay, better living standards; • 2. Equality before the law and legal security: no impunity for anyone, a functioning legal system, protection of rights; • 3. Institutional rules: eliminating corruption, general regularization of procedures in state institutions; • 4. Depoliticization of life chances: political memberships, preferences or activities must not influence a person's non-political well-being (as it had been customary all the time since 1945); • 5. Caring for the common good instead of partisanship.

8 Finally, here is a list of integral elements of "New Realism" along with two accompanying shifts in attitudes to the political sphere:

9 1. New Realism • - rationality: when assessing a situation, one has to be reasonable, take into account the objective circumstances and weigh the possibilities; • - rejection of war as a means to achieve political goals: war must be avoided, negotiations are always better no matter how difficult the problem; • - suspicion of "fast and easy" solutions, premium on pragmatism and compromise: lasting solutions are hard and slow to come by, one has to be patient; • - normal life as politicians’ mandate: those in power ought not to fulfill grand missions, but simply to provide conditions so that people can live normally • - openness to the world: Serbia must never be isolated again

10 2. Democratic threshold: government is accountable to the voters (not God-given), changeable (not there forever), and changed by popular vote (not by force)

11 3. Ambivalence of the political: the ambiguous valences ascribed to the political sphere • - bad politics/good politics: politics is devil’s business and decent people should avoid it any price; "good" politics also exists (it means making responsible and wise decisions determining the course a society takes) but not in Serbia – maybe not anywhere actually... • - the paradox of (non)involvement: politics is dirty, parties are trash, I want them out of my life but we, the people must remain involved in order to control the government.

12 We argued in our first study that the events of 2000 were due to a process of social learning, whose subject was the Serbian polity. As a political community, citizens of Serbia had taken some lessons from the bitter experience of the 1990s, and were putting these lessons – an ‘emergent political culture' – to practice. We also argued that these changes in political outlook could serve to preclude a possible reverting to the past. The 1990s would never return again. People have developed a strong suspicion, perhaps even a sort of immunity, to demagogic and populist appeals. They had learned the hard way what their price was.

13 However, what happened in Serbia since that time seems to have taken a very different direction. Most of the events after 2002, including political behavior of citizens at some critical junctures, seem to prove our whole analysis wrong – overly optimistic and misplaced. What I will try to do in the rest of this article is to defend at least some of our previous conclusions. I believe that at least some of our arguments are still valid, but provided they are placed in a context. I wish to look at the period after 2002 at two

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levels simultaneously – the level of political actors, to see what of the citizens' "normative expectations" they have accomplished, and the level of citizens' attitudes and conduct, to see what parts of the emergent political culture have been preserved.

The Mixed Destiny of Collective Lessons

14 The collective lesson that has undoubtedly survived into 2005 and 2007 is the democratic threshold - the idea of changeability of government through elections. Elections and voting have become thoroughly normalized. Hardly anyone questions their necessity or democratic capacity anymore. The normal life demanded from politicians (subpoint of New realism) survived too: a government's value is steadily measured in rational terms, by the visible and tangible results it has produced. What counts is the performance, the efficiency demonstrated by holders of executive offices, and not their personality traits, charisma, or ideological congeniality, as it had been quite usual before.

15 Such positive developments were reinforced by some new points that have emerged in the later studies. One of these is acceptance of political pluralism (obviously related to the democratic threshold). This mood, increasingly prominent through 2005 and 2007, is most easily measured negatively – by the declining frequency of expressed aversions to the political system based on free competition among different political parties.3 Another new point is emotional defusing of the way people talked about politics. This was to be expected, as euphoria naturally subsides with time. This is in turn connected with new realism, since it implies less passion and less ideology in people's political judgments, to the benefit of normal life and performance as expected from officials.

16 Another interesting point was also increasingly felt in the later studies: individualism. The impression is that more and more often people assume self-consciously (though not always gladly) the attitude of "minding their own business", taking care of themselves and their families, instead of waging historical wars for some larger-than- life goals (betterment of the nation, improvement of democracy, national pride, etc.). Concentrating their energies on their self-growth and small-scale interests may be discounted as unwelcome "privatization", but it may also be interpreted as healthy development of an individualistic stance, so much missing from the Serbian historical and cultural tradition.

17 Unlike the foregoing "collective lessons" that have more or less survived, many more of them have become quite shaky – if not totally destroyed, then certainly seriously threatened. The most obvious candidates are rationality, rejection of war and suspicion of fast solutions. All of them seem to be thoroughly refuted by the revival of the ancien regime political forces more specifically, the (SRS). For, everything about the SRS – from the values it promotes to its records in power and outside of it to the public manners of its officials – is the direct opposite of these "collective lessons" as we identified them. So if the citizenry really took these lessons, as we claimed, how is SRS's success to be explained?

18 From its near-disappearance in 2000, the SRS returned to the political scene and is continuously improving its ratings in elections and public opinion polls. For the first

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time it emerged as the strongest single party in parliamentary elections of December 2003.

Table 1. Parliamentary elections 2003

G17 PLUS 11.46

SERBIAN RADICAL PARTY (SRS) 27.61

DEMOCRATIC PARTY OF SERBIA (DSS) 17.72

DEMOCRATIC ALTERNATIVE 2.20

DEMOCRATIC PARTY (DS) 12.58

SERBIAN RENEWAL MOVEMENT/NEW SERBIA 7.66

OTPOR 1.63

FOR PEOPLE'S UNITY 1.79

SOCIALIST PARTY OF SERBIA (SPS) 7.61

INDEPENDENT SERBIA (Vladan Batić) 1.18

TOGETHER FOR TOLERANCE (Nenad Čanak) 4.22

YUGOSLAV LEFT (JUL) 0.09

Source: Statistical Office of the Republic of Serbia, http://webrzs.statserb.sr.gov.yu/axd/en/Izbori/izbori1.php?ind=1

19 In this table, parties winning below 1% are omitted, with the exception of the – the once all-powerful party of Milošević's wife. This is meant to illustrate the fact that not all ancien regime parties experienced a renaissance: as may be seen, JUL was virtually wiped out, while SRS soared.

20 Next year, in presidential elections, SRS candidate Tomislav Nikolić entered second round, to be defeated, by not too great a margin, by the Democrat Boris Tadić (53.24 % : 45.40 %). The trend continued in 2007 parliamentary elections, when SRS fared even better than in 2003 – 28.6 % of votes and 81 seat in the National Assembly, that is 17 seats more than the next strongest party, the Democratic Party (DS). The parties of the so-called "democratic bloc" however managed, after long months of difficult negotiations seasoned with fights and scandals, to agree on a majority cabinet that excluded the SRS. (This government fell in March 2008 on the Kosovo problem, but that is another story.) Finally, the repeated contest between the same rivals in February 2008 presidential elections was even more uncertain to the very end (first round: Nikolić 39.99 % : Tadić 35.39 %; second round Tadić 50.5 % : Nikolić 47.3 %).

21 My suggestion here is that the renewed attraction of SRS may not necessarily be interpreted as a collapse of all the improvements and "collective lessons" identified in the early 2000s: perhaps unfortunately, the SRS has profited from some aspects of the

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transformation of Serbian political culture. The newly found rationality of the Serbian electorate which is a guarantee of its democratic future has also contributed to the success of the Radicals – partly because this rationality is itself insufficiently stabilized, and partly due to the unfavorable objective constellation. I will try to substantiate this claim in the following sections.

22 To begin with, the current support to SRS is not of the same kind as the mass craze centered on Milošević in the late 1980s, the infamous "anti-bureaucratic revolution" as his ideologues named it, which was hotly emotional, passionate, and ideological – in a word, irrational. Though the two phenomena may share some of the same sources (like similar values, worldviews, and cultural moods), in SRS followers one does not see deluded people, tricked into believing everything they are told by a collection of bizarre, megalomaniac figures. The support to SRS is more interested-based and interest-driven, more "down to earth", and therefore more "rational", if we take this word in its most elementary sense of weighting one's chances and having articulable reasons for what one does i.e. chooses.

23 For illustration, take the correlation of party preference and replies to the following question in a survey: Taking into account life as a whole, would you say you have been predominantly a winner, a loser, or a little of both? The distribution of "winners" and "losers" according to political parties the respondents like clearly shows how political orientation depends on the subjective experience of transition.

Table 2. Experience of being a loser and party preference

Winner Loser Both Total

DS 27 15 58 100

SRS 4 47 49 100

No preference 8 29 63 100

Average 12 30 58 100

Source: Mihailović 2006: 61

24 From the figures it is clear that SRS base is located mostly among the so-called transition losers. These people believe (quite realistically) that, given their unfavorable profile (advanced age, lower education, rural residence...), their chances in an open capitalist competition are rather slim. So they opt for a corporative, nationalist state that will protect them – for a closed economy and egalitarianism promised by the SRS.

25 The correlation becomes even more striking if to this personal pessimism we add the experience of total, collective loss, operationalized by the question: Taking into account all that has been going on over the past 4-5 years, do you see our country as a winner, a loser, or a little of both? The following table presents correlations of the "combined loss index" with attitudes to democracy (respondents answering "Agree" to the listed statements):

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Table 3. Experience of general loss and attitudes to democracy

winner loser both don’t know

Democracy is better than any other form of government 77 30 45 18

For people like me, democratic and undemocratic regimes are 8 17 14 10 the same

Sometimes an undemocratic government is better than a 7 30 18 13 democratic one

Don’t know 8 23 23 59

Total 100 100 100 100

Source: Stoiljković 2007: 29

26 While the above measures are subjective (respondents themselves decided whether they are classified as winners or losers) the connection between SRS vote and being located on the lower rungs of the social ladder is also visible if we use objective variables, like education:

Table 4.Education and announced vote in presidential elections 2008, 2nd round

Nikolić Tadić Average

Elementary school 27% 16% 24%

Trade school 17% 7% 11%

Secondary school 45% 52% 48%

College or university 11% 25% 17%

Total 100% 100% 100%

Source: CeSID, January 2008

27 To conclude: subjective "winners", the better educated, and respondents who see their family's standard of living as "fair" to "middle" opt predominantly for democratic parties. The latter thus tend to politically represent the "winners", and the former the "losers". The correlations are quite high, especially with the combined "loss index"4.

28 The message of these figures is clear: the greater the number of people who feel they are profiting from the current social transformation, the firmer the democracy. In other words, without rapid and powerful economic improvement democracy in Serbia is not likely to be stabilized soon. This is not the only condition, but it is a major one.

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29 Further support to the claim that current popularity of the SRS has rational grounds may be obtained if we concentrate on the trajectory of the normal life component of the new realism collective lesson from 2002, and the concomitant performance criteria for assessing politicians in power. These lessons have survived: in our 2005 and 2007 studies this way of judging the authorities at all levels of government was ever more prominent, even becoming routinized. Yet here this gain for a new political culture acts as a double-edged sword. Let us first make a detour through the way people listed societal priorities, that is, the most important things that ought to be achieved in Serbia. The questionnaire item was: Which aspirations and goals should be achieved in order for Serbia to become a society you would like to live in? Choose three and rank them.

Table 5. Priorities for Serbia in the opinion of citizens

. % 2003 Rank 2003 % 2005 Rank 2005

Decent living standards 57 1 63 1

Good employment opportunities 42 2 46 2

Minimum crime and corruption 36 4 41 3

Rule of law 40 3 37 4

Political stability 26 6 35 5

Successful economy 33 5 33 6

Well functioning democracy 14 7 14 7

Social justice 14 8 13 8

Accomplishment of national goals 6 9 7 9

Source: Mihailović 2006: 59

30 We can see how the effect of the performance criteria is double-edged: on one hand, it is undoubtedly positive that citizens have gotten used to applying the measure of efficiency to evaluate political figures; this is a sign of a more rational (should I say more "Western-like"...) political culture. But on the other hand, it is only the democratic parties that have been in power after 2000; in this way they were exposed to being judged by the electorate along these lines. And the dissatisfaction with the results they achieved – which, though not negligible, are certainly not fantastic – makes many people turn to the SRS reasoning that, maybe, the SRS would "do better".5

31 One more detail is interesting to note in Table 5: the low rating of "Accomplishment of national goals". It may seem bizarre that in the (presumably) very nationalistic Serbian public opinion this collective goal was twice ranked the last and got just 6-7 percent of support. This change of mood amongst the Serbian electorate has been registered for some years and, of course, the SRS strategists know it very well. So it is not accidental

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that this party has lately taken pains to "polish" its public image, to soften its rhetoric, and to shift the accent from national to social topics. Thus for a couple of years already the SRS is insisting on pro-social security, anti-privatization, anti-globalist and egalitarian messages. Though not left out of course, chauvinism is no longer foregrounded in their public image.

The disenchantment: was it inevitable?

32 Unlike the optimistic, sometimes euphoric mood that dominated our first interviews, what prevailed in 2005 and, especially, 2007 is the gloomy tone of disappointment and disillusionment. When talking about how they felt, and how people around them felt, interviewees said that hopes were dashed, that there was nothing to be expected any more. In 2002 people were saying they knew that change could not happen overnight and that they were ready to wait for life to get better in Serbia. Three years later, they were still in principle patient, though stating that they no longer knew how much longer this improvement would take. And in 2007, they stopped waiting altogether: there was nothing to wait for, they said. Or, as Golubović6 summarized it: until 2005, people were dissatisfied with the pace of changes; from 2005 on, they are no longer sure as to the direction of changes. In the beginning, they used to say "it's generally OK, but the government could do things more quickly"; later on, this was replaced by fundamental doubt: "I'm not sure where Serbia is going".7

33 Disenchantment was routinely registered in all post-communist countries, after the brief period of initial euphoria. But is it perhaps specific in Serbia? Is it more intense, or in some other ways different? What are its primary causes?

34 To begin with, some of people's normative expectations listed above remained unfulfilled. First, economic recovery did not really take place, or at least not to the extent most people deemed necessary8. It could be argued that in economic matters actors' performance is strongly dependent on objective circumstances, and the Serbian economic policy makers faced a very unfavorable situation indeed, having to distribute extremely scarce resources to many equally deserving priorities.

35 But economy is not the whole story and many things that could have been done at little or no cost, were not achieved, or not completely. Most of these concern the strictly political sphere and the conduct of political actors. Let us see what happened with the demand for depoliticization of life chances. While an individual's political orientation no longer brings direct risks to life and limb – as it did under Milošević – Serbia is still much of a "party-state", only pluralized. Party membership is crucial for appointments, often even for getting a simple job or some other benefit. Political parties, interviewees say, do not represent actually existing social groups or identifiable ideological positions but on the contrary try to divide up the society in accordance with their own pursuits. They develop clientelism: instead of breaking once and for all with Milošević's practice of choosing people for political offices at all levels of government and in government- controlled enterprises on the basis of political obedience and personal loyalty rather than expertise and capability, the democratic parties have continued doing just the same. Within the parties, one cannot speak one's own mind – uncritical false unanimity is fostered instead of critical reflection and individual integrity.

36 The overcrowded and chaotic character of the Serbian party scene is confirmed by various data. One measurement of party positionings yielded a telling distribution

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along the Left-Right dimension: this distinction is shown to be virtually inapplicable here, since literally all parties are found at all positions, from Extreme Left to Extreme Right. The differences are just in percentages – and even they are not very large9. In our 2005 interviews, respondents often presented a reasonable and argued criticism of the existing political offer, pointing out that it was not clear at all which party stands for what kind of policy or values; who is a natural ally of whom, and who supports whom. The respondents called for a "clearing up" of the party scene, where like- minded parties would be grouped in recognizable blocs.10

37 The generalized criticism and rejection of the totality of the political sphere (political leaders, parties, parliament, government bodies...) sharpened over time in our interviews. After a certain rapprochement between "ordinary people" and "politicians", as a result of the joint struggle in 2000, the gap soon widened again. The aversion to politics has lead either into utter passivization, or into bitter resentment (To the issue of personal involvement I will return below.) But ironically, the individualism noted above as one of the new motifs appearing in the later studies arises precisely in connection with this depressed mood. As people stopped believing political change would make any sensible positive impact in their lives, they started to look away from the political sphere at themselves and their small private worlds, searching them for possible strengths and assets. That is increasingly their choice, although they might not be very convinced it will work. Whether from the general perspective of democracy in Serbia this is more of a "negative" or a "positive" development, is difficult to judge.

38 The next extremely important expectation that has been betrayed is caring for the common good. Against the backdrop of citizens' emphatic belief that, after the new beginning of October 2000, everybody had to contribute to the benefit of the community (cf. "building our common house anew"), the behavior of political parties stands out in sharp contrast. For, they acted in exactly the opposite way, engaging in continuous mutual quarrels and conflicts, never putting particularistic differences and interests behind the interests of all. Unashamed partisanship played out in various public arenas, from the parliament to the media, disgusted the citizens (once again). A remarkable instance of the political elite's inability to operationalize the common interest is their failure to agree upon a new Constitution until October 2006. This indicates their unwillingness to take seriously the institutionalization of democracy and their detrimental disregard for the chances provided by the moment of symbolic hegemony of the "democratic side" in the immediate aftermath of October 5.11

39 However, as already noted in relation with growing individualism, such developments often carry ambiguous potentials. What is destructive from one point of view may hold out a promise from another. So despite the bleak picture of life in Serbia our interviewees were describing in 2005 and 2007, what slowly emerged in the background was a sort of state and social system that, very gradually and very insecurely, was beginning to function. This institutional infrastructure that was being put together piece by piece might not meet anybody's expectations in terms of performance and quality of services, but still, it 'worked' in a way. Though the respondents criticized much of what this system was doing, these very criticisms were an indirect proof that there was something to criticize in the first place. In 2005 I termed this paradoxical situation "low normalization", to denote the inchoate sense that Serbia was slowly becoming something of a "normal" society. The depth of disappointment expressed by

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our interviewees was proportionate to the unrealistically high hopes they had invested in the "new beginning" of 2000; but these in turn, with their strong emotions and the feeling of total freedom in choosing the collective future (building our common house anew) had its price. Everything seemed possible just because everything had been ruined.

Disengagmenet and electoral abstention

40 A consequence of all these processes has been the extremely low esteem that political parties, political figures and the whole political system enjoy in the eyes of citizens. The strong rejection of the party system has also resulted in declining rates of voter turnout from one election to another. Shrinking electoral participation has become a concern in recent years, especially in the "democratic camp". Various actions have been undertaken to, first, study the phenomenon and, secondly, to reverse the trend 12. The issue is complex however. Here objective facts mingle with political fears. For one thing, abstention has actually not been so high as was believed. CeSID data measuring voter turnout show a vacillating line, not at all unlike what one finds in other countries. It has ranged around 50-60%, with quite explicable lows (under 40 % in failed presidentials in 2003) and highs (the decisive elections of 2000)13. Moreover, even these percentages must be corrected upwards, because the official electorate, for various technical reasons, is significantly larger than realistic.14

41 What actually caused concern was an indication consistently emerging from studies since the late 1990s, that in addition to "structural" or "sociological" abstainers (those who are too sick, too old, too poor, and generally too socially alienated to vote) there was also the other kind – a significant part of the younger, urban and relatively well educated electorate tending to the democratic option that didn't vote, thereby contributing to the good score of the SRS. The reasons were located within these young people's general apathy and/or dissatisfaction with the behavior of democratic parties. One of the first students of the phenomenon coined the phrase "abstainers against the façade democracy" and interpreted this kind of abstention not as a sign of political apathy but on the contrary of the critical stance aimed at the way the existing parties operationalized the democratic option15. Although of course this group does not comprise all the abstainers, their numerical share is obviously not negligible since their attitudes color significantly the general picture of the whole category of abstainers. For instance, one poll has found clear divergences in terms of values between abstainers (in general) and voters: the former had a more marked democratic and pro-European attitude than the latter, but at the same time were more disheartened and more pessimistic.16

42 The 2008 presidential elections seemed to refute the growing apathy hypothesis: turnout was well over 60 % (and even higher, in real terms). But this fits very well in what our 2007 interviewees told us: they said they would give up their abstention if the vote was clearly decisive. Obviously, these presidential elections, especially their second round, were felt to be just that – an occasion when Serbia was choosing its future, between two distinct and opposed options. Moreover, there is some indication that the belief in more frequent abstention of young, democratically minded people hadn't been totally unfounded: the turnout was considerably higher, and Tadić's score as well, in the second round.

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43 This whole discussion is meant to point to a paradoxical situation concerning political participation in Serbia at this moment. This "paradox of (non)involvement" affects both citizens-voters and the analyst. On one hand, distancing and disengagement from politics are an individual right, a legitimate personal choice and, as such, an important element of a liberal democracy. After all, it was an important component of the "normality" people were fighting for on October 5, 2000: one of the most frequently repeated statements in our 2002 study was that people wanted to get rid of politics, to chase it out of their everyday life. Yet on the other hand, they question is, can we afford it yet? Isn't such an attitude a sort of luxury in today's Serbia, when not even the most fundamental issues have been resolved? Aren't the consequences of citizens' disaffection and withdrawal into privacy too serious?

44 Back in 2002, reflecting on this strongly expressed desire of citizens to be let alone by politics, we predicted that this attitude, in combination with an equally strong desire to keep an eye on state officials lest they become abusers like Milošević, would produce an unresolvable tension and contribute to backlashes in the process of democratization. This is precisely what happened. And the tension could have been reduced, if political leaders had taken more care to maintain the relations of mutual respect with citizens established through joint struggle in 2000. I return to this question in the closing section.

45 To conclude on the paradox of (non)involvement and its analytical consequences: for the analyst, it is manifested most pointedly in the dilemma of how to evaluate citizens' critique of "politics". Is there a way to distinguish between rational and constructive criticism put forward by committed but individualistic citizens aware of their rights, on one side, and desperate, indiscriminately negative attitudes of angry but politically passive people, on the other? The former leads to democracy, at least in the long run; the latter to apathy, possibly seasoned with occasional bursts of violence, like in February 2008.

The inadequacies of the political system

46 There is an additional source that helps explain the attractiveness of SRS in more or less rational terms: the inadequacies of the Serbian party scene. It has often been noted that a genuine social democratic option is missing. This may seem strange, since post- socialist transition structurally demands and produces this political supply, but on the other hand it is not strange at all, since in most other post-socialist countries this place is occupied by the reformed communists, while in Serbia the communists never underwent any true reform, they just changed the party name. But what is almost never is that the conservative option is equally missing – conservative in the conventional European sense of center-right, voelkisch politics, like the German Christian Democrats, French conservatives or, closer to home, HDZ in Croatia after 2000. Among Serbian parties, it is Koštunica's DSS that is best suited for this role. And they do play it to some extent, but the extent is really quite modest. The DSS hasn't grown into a respectable party with a clear profile, remaining instead a fuzzy catch-all which appeals to everybody and nobody in particular. It lacks a developed infrastructure and virtually any recognizable and strong personalities apart from Koštunica himself.17 There are, I believe, sizeable segments of the Serbian population who would, "naturally" as it were, tend to this party – elderly, traditionalist people, a

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bit slow and outmoded, with a strong national feeling but not fascist or openly authoritarian. Yet this segment of the electorate has not become attached to the DSS on a continuous basis; the party has not won their loyalty and the vote it gets is incidental and unstable. In the absence of sufficient pulls from DSS, most of these voters are likely to end up voting SRS.18

47 And finally, there is the issue of symbolic institutionalization of "October 5". How can we explain the fact that today, seven years after the event, it is possible to claim in public – as the SRS is doing – that all evils in Serbia started in 2000: from poverty and unemployment to hurt national pride and international powerlessness? That is, how is it possible to find people to believe it? And how come many among these believers themselves participated in the people's revolution of 2000? The answer lies in the neglect of the symbolic aspect of politics amongst the democratic forces. The "October 5" should have been institutionalized into a sort of new national holiday – if not literally, then at least figuratively; it could be remembered as a great date in recent Serbian history when citizens undertook their own collective political subjectivation. This symbolic crystallization could have channeled a portion of popular emotional energies away from celebrating aggressive nationalist symbols into celebrating democracy. This opportunity was not taken, and "October 5" was almost immediately vulgarized and devalued by quarrels and mutual accusations of the democratic leaders. Hence it did not become forever fixed as a rupture between a "before" and an "after". The way was opened for later radical reinterpretations of what seemed to be clear to everybody – that the Milošević era was one of the worst periods in modern Serbian history. In our interviews, this process is also reflected, in the changing way our respondents talk about "October 5": in 2002, it was a historical date, the new dawn for Serbia etc. In 2005, it began to pale and sink down into the indistinguishable morass of "politics". In 2007, its mention makes people angry rather than proud, because they feel it to be the symbol of failed hopes and cheated promises.

Conclusion

48 So, is the Serbian political culture changing? Is it becoming more democratic, tolerant, reasonable? The answer depends on how much weight we ascribe to this variable. Political culture in its broad sense of diffuse sentiment, set of attitudes (never homogeneous) and symbolic patterns (not necessarily coherent) related to the definition and making of politics, is definitely changing. Yet it cannot stand on its own, without the support of an equally changing political structure of society. The evolving political culture needs to rely on a set of ever more stabilized institutions that serve as a framework for "doing politics" in ways different than before, in accordance with new, post-authoritarian rules. This other, objective and systemic side of the transformation of Serbian politics has played its part less well. Ordinary people have been, so to say, left alone to democratize their political outlook as best they can.

49 It is especially the democratically oriented citizens of Serbia that have been let down by "their" political representatives, the parties of the democratic bloc. The nationalists, supporters of authoritarian rule, and anti-Europeans have been much more satisfied with "their" champions – partly because they are, by definition, less demanding, and partly also because the democrats didn't care so much to attract and keep their own

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supporters. And from the mass of the undecided, most have either gone to the Radicals or into abstention rather than being drawn by the democrats.

50 In the conclusion to their recent book, two students of the Serbian political transition argue that, in 2007, Serbia is an electoral democracy, which means a democracy indeed (not an authoritarian or hybrid regime) but of an inferior kind19. It has not yet reached the level of liberal or constitutional democracy. In addition, it is neither fully consolidated nor in shambles, but instead "underconsolidated": it is functioning and the danger of a possible return to the past ways is not imminent, but not fully ruled out either.20 Democratic changes are visible and on the whole institutionalized, but are not absolutely irreversible. In the authors' opinion, the crucial and distinctive institution of electoral democracy is (truly) free and fair elections; and precisely this is taken to be the most important investment for the future democratic development of Serbia: "Free elections, as long as their outcomes are respected, have the capacity of producing political elites which each next time will build another brick into the democratic building, eventually bringing about a consolidated democracy in Serbia"21. Let us hope the building is erected and made to stand firm before another earthquake arrives.

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NOTES

1. The paper is part of the research project “Social Actors and Social Change in Serbia 1990-2010” (No. 149005), of the Institute of Sociological Research, Faculty of Philosophy in Belgrade, supported by Ministry of Science of Serbia. 2. Here is a brief description of the three stages: 1) Stage One, hereafter referred to as "2002 study": 300 interviews conducted in 19 cities between November 2001 and February 2002; the results published as: Golubović (Zagorka) et al., éds.,. Politika i svakodnevni život: Srbija 1999-2002 [Politics and everyday life: Serbia 1999-2002], Beograd, IFDT,.2003; for condensed findings in French see Spasić (Ivana), "Citoyens contre politiques: le 5 octobre 2000 et la construction de la Serbie de l'après Milošević", Revue d'études comparatives Est-Ouest, vol. 35, no. 1-2, mars-juin 2004: 269-295.; 2) "2005 Study": 30 interviews, 6 cities, February 2005, findings published in the special section of the journal Filozofija i društvo (see Golubović (Zagorka), "Rezultati demokratske tranzicije kroz prizmu građana Srbije 2005" [Results of democratic transition in the eyes of Serbian citizens], Filozofija i društvo 2 (27): 13-44.; Spasić (Ivana), "Politika i svakodnevni život u Srbiji 2005: Odnos prema političkoj sferi, promena društvenog poretka, javnost" [Politics and everyday life in Serbia 2005: views of politics, change of the social system, the public sphere], Filozofija i društvo, 2 (27), 2005, pp.45-74.; Jarić (Isidora), "U kandžama izneverenih očekivanja" [In the claws of betrayed expectations], Filozofija i društvo 2 (27), 2005, pp.75-87. Also available online: http://www.doiserbia.nbs.bg.ac.yu/issue.aspx?issueid=194); 3) "2007 Study": 100 interviews, 10 cities, December 2006-January 2007, published as: Golubović (Zagorka), éd.,. Probuđene nade – izneverena očekivanja [Awakened hopes – betrayed expectations], Beograd, Heinrich Böll Stiftung, 2007. 3. Such opinions were by no means rare in 2002 interviews, especially among older respondents. 4. Mihailović (Srećko), éd., Pet godina tranzicije u Srbiji II [Five years of transition in Serbia II], Beograd: Socijaldemokratski klub/FES, 2006, p.62. 5. At that, it is somehow "forgotten" that the SRS was in power in the late 1990s, with disastrous results. This forgetfulness may be ascribed to the combined effects of people’s strong focus on surviving in the present moment and disregarding everything else, and of successful SRS propaganda. 6. Golubović (Zagorka), "Angažovanost građana i apstinencija u postoktobarskoj Srbiji" [Citizens' engagement and abstention in post-October Serbia], in Lutovac (Zoran), éd., Birači i apstinenti u Srbiji, Beograd: FES/FPN/IDN, p.71. 7. One should bear in mind though that the 2007 interviewees were extremely disillusioned and critical by research design, as precisely such subjects were sought. But they may differ from the average only in intensity or articulateness, not in the general mood, since the findings of other surveys undertaken in the last years concur with ours. 8. For an overview see Stojanović (Božo), "Strana ulaganja – stanje i perspektive" [Foreign investments – situation and prospects], in: M. Đurković (ed.), Srbija 2000-2006: država, društvo, privreda, Beograd: Institut za evropske studije, 2007, pp.171-198; Kontić (Ljiljana), "Privatizacija" [Privatization], in Đurković (M.), éd., Srbija 2000-2006: država, društvo, privreda, Beograd: Institut za evropske studije, 2007, pp.149-170.

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9. Bogosavljević (Srđan), "Odnos birača prema drugim strankama i koalicijama" [Attitude of voters toward other parties and coalitions], in Lutovac (Zoran), éd., Birači i apstinenti u Srbiji, Beograd: FES/FPN/IDN, p.269. 10. In a sense, this is exactly what happened in the 'great split' of 2008 presidential and parliamentary elections (for better or for worse...). 11. This symbolic dominance is interestingly illustrated by a 2001 poll. Anxious to show their loyalty to the new government and the prevailing political climate, 70 % of respondents said they had voted for DOS in the December 2000 republic elections. The problem is that this number is larger than the total voter turnout in the same elections! (see Logar (Svetlana), "Vrednosne orijentacije birača i apstinenata" [Value orientations of voters and abstainers], in Lutovac (Zoran), éd., Birači i apstinenti u Srbiji, Beograd: FES/FPN/IDN, 2007, p.85.) Our data confirm the hegemony of the "new spirit" prevalent throughout society in 2001-2002, when even opponents of the political change, as we saw, complied with its generally positive characterization. 12. Lutovac (Zoran), éd., Birači i apstinenti u Srbiji [Voters and abstainers in Serbia], Beograd: FES/ FPN/IDN, 2007, especially the papers by Sajc, Logar, Ristić, Vuković and Stoiljković. It is remarkable that this is the second collective volume (in addition to ours) devoted to the same topic that appeared in the same year. See also Slavujević (Zoran), Izborne kampanje: pohod na birače – slučaj Srbije od 1990. do 2007. godine [Election campaigns: fight for the voters, the case of Serbia 1990-2007], Beograd: FES/FPN/IDN., 2007; Pantić (Dragomir), Pavlović (Zoran), Javno mnenje: koncept i komparativna istraživanja [Public opinion: the concept and comparative research], FES/IDN, 2007. 13. See Logar (Svetlana), "Vrednosne orijentacije birača i apstinenata" [Value orientations of voters and abstainers], in Lutovac (Zoran), éd., Birači i apstinenti u Srbiji, Beograd: FES/FPN/IDN, 2007, p. 82. 14. 6.5 instead of about 5.5 million, according to CeSID estimates (Vuković 2007). 15. Sajc (Aleksandra), "Izborni apstinenti protiv fasadne demokratije: prilozi za razumevanje izbora u Srbiji" [Electoral abstainers against facade democracy: towards understanding elections in Serbia], Nova srpska politička misao Vol. IX(1-4), 2002, pp.47-66. 16. Democratic pro-European orientation: abstainers 55 % : voters 33 %; Pessimism: "Serbia is heading in a bad direction" - abstainers agree in 74 %, voters in 41 %; "There is no future for young people in Serbia" - 72 % : 47 %, respectively (Logar (Svetlana), "Vrednosne orijentacije birača i apstinenata" [Value orientations of voters and abstainers], in Lutovac (Zoran), éd., Birači i apstinenti u Srbiji, Beograd: FES/FPN/IDN, 2007, pp.89, 93, 94). 17. DSS supporter has been found to lack any recognizable profile – differences within their corpus are greater than differences between the averages of this group and the supporters of other, very diverse parties (Marković (Vera), "Promene vrednosnih orijentacija" [Changes in value orientations], in Mihailović (Srećko), éd., Pet godina tranzicije u Srbiji II, Beograd: Socijaldemokratski klub/FES, pp.219-227, p.224). 18. Here is an illustration: in 2008 presidential election, the candidate DSS endorsed, their coalition partner Velimir Ilić, won only 7 percent. Evidently, most DSS-tending voters split between Nikolić and Tadić. 19. Pavlović (Dušan), Antonić (Slobodan), Konsolidacija demokratskih ustanova u Srbiji posle 2000. godine [Consolidation of democratic institutions in Serbia after 2000], Beograd: Službeni glasnik, 2007. 20. The parallel with what I termed "low normalization" is striking. The difference is in the analytic focus, not in substance. 21. Pavlović (Dušan), Antonić (Slobodan), Konsolidacija demokratskih ustanova u Srbiji posle 2000. godine [Consolidation of democratic institutions in Serbia after 2000], Beograd: Službeni glasnik, 2007, p.292.

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ABSTRACTS

The aim of this paper is to indicate some trends in the changing political culture in Serbia from the point of view of ordinary citizens. Discussions of political and economic transitions in Eastern Europe have tended to privilege the top-down approach, presenting general outlines and macro- processes. This paper on the contrary starts from the assumption that this must be complemented by a more bottom-up, fine-grained view that takes seriously what ordinary people think and say about what is going on. The choice is methodological and does not imply that what citizens think is necessarily "correct" in cognitive or moral terms. There is just the belief that, in a democracy, the real, living people, with all their virtues and vices, must be taken into account since they are the true basis of any political processes and the source of their legitimacy.

L'objectif de cet article est d'indiquer certaines tendances dans l'évolution de la culture politique en Serbie, du point de vue des citoyens ordinaires. Les débats sur la transition politique et économique en Europe de l'Est ont eu tendance à privilégier l'approche "top-down", en présentant les grandes lignes et les macro-processus. Cet article, au contraire, part de l'hypothèse que cela doit être complété par une appoche du bas vers le haut, qui prend en compte ce que les gens ordinaires pensent et disent de ce qui se passe. Le choix est méthodologique et n'implique pas que ce que pensent les citoyens est nécessairement "correct" en termes cognitifs et moraux. Il y a juste la conviction que, dans une démocratie, les personnes réelles et vivantes, avec toutes leurs vertus et leurs vices, doivent être prises en considération, car elles sont le véritable fondement de tout processus politique et la source de leur légitimité.

INDEX

Geographical index: Serbie Mots-clés: Culture politique

AUTHOR

IVANA SPASIĆ Associate Professor. Department of Sociology - Faculty of Philosophy - University of Belgrade

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“Blocked political system”: Serbia 2000-2008

Srdjan Cvijic

Introduction

1 After the demise of Milosevic’s regime and the parliamentary elections of December 2000 that followed, the political parties gathered in the anti-Milosevic coalition won more than 2/3 of the parliamentary seats, enabling them to radically change the Serbian political system and state structure. Soon after these elections, however, internal bickering among the ruling political elite began. It took 6 years to enact a Constitution and thus lay the foundation for the new democratic state. Weak governments, internal and external political instability, the institution of a Partycracy (Partitocrazia (it.) - referring to the monopolisation of state institutions by political parties), patronage, the consequent erosion of legitimacy of government institutions, the de-ideologisation of politics, and the political free-riding of the anti-system opposition comprised the ugly face of what could otherwise be branded the story of a relatively successful economic and social recovery. The aim of this paper is to point out the main obstacles impeding rapid democratisation and the overall development of Serbia.

2 One of the greatest obstacles to the further consolidation of democracy in Serbia is the continuous appeal of nationalism among the Serbian population. At the same time, a “blocked political system” has had a corrosive effect on the country’s institutions.1 One of the most obvious manifestations of the “blocked political system” is the de facto impossibility of the most popular political party, the Serbian Radical Party2, to participate in government.

3 This statement is seemingly paradoxical when bearing in mind the particular situation in Serbia, the nationalist profile of SRS and its past performance. In fact, in 2000 Serbia found itself in a partially lose-lose situation with regard to the prospect of building its democracy and rule of law. Integrating the political parties of the ancien régime into the state institutions and government was (and arguably remains) too dangerous in the

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politically unstable situation existing in the immediate aftermath of the regime change. Simultaneously, however, Serbia finds itself in a deformed political system thanks in part to the taboo-isation of collaboration with the ruling parties of the Milosevic period. The country’s political landscape is made up of a permanent ruling political block3 and a permanent opposition.4 In this way, Serbia has failed to experience what is usually considered in political theory one of the fundamental preconditions for reaching the next step in the democratisation process: a genuine alternation of power (“government turnover”) since the fall of Milosevic.5

4 Through an overview of the relationship between the ruling democratic parties6, the international community, and the Radicals, this paper will attempt to answer the question of whether the cost of this “blocked political system” (i.e. immobile democracy) is higher than the continuous exclusion of the SRS from power. In this way, the paper will touch upon some fundamental dilemmas of political theory such as the toleration of the intolerant and the role of the international factor in the democratisation process of a country. Moreover, a short overview of the theories of democratisation will be used to define the “blocked political system” phenomenon. The methodological approach of this paper draws on an analysis of a general theory of democratisation, and a politico-historical analysis of Serbia from 2000-2008.

5 The essay is divided into five parts. Section 2 focuses on the domestic and international de facto prevention of the SRS from participating in any of the post-Milosevic governments. The most extensive section, Section 3, deliberates on the negative effects of the lack of government turnover in Serbia, concentrating on the lack of respect for the independent parliamentary mandate, the deligitimisation of the institution of the President of the Republic, and the obstructionist role of the factions of the post- Milosevic political elite in the fight against powerful organised crime networks in Serbia. Section 4 touches on the debate over the relationship between the geopolitical orientation of a country and its democratisation process, while also exploring the effect of government turnover on the success of a country’s transition. Finally, concluding remarks (including a brief consideration of the future political developments in the country) are set out in Section 5.

The taboo of the Radicals’ participation in power

6 In the initial period of Serbia’s post-Milosevic transition (up until the parliamentary elections of December 2003) the SRS was on the margins of the political life of a nation dominated by the disputes between the two main democratic parties: the Democratic Party (hereinafter DS) and the Democratic Party of Serbia (hereinafter DSS). Concerning the results of the parliamentary elections held in December 2000, the Radicals were seemingly on a path of increasing political irrelevance, receiving only 8.5% of the vote.

7 Yet, the ‘permanent’ opposition parties, primarily the Radicals, were the obvious beneficiaries of the infighting between the two Democratic parties in the sense that they were able to free ride on the back of the “blocked political system”. Being permanently in opposition, the protest vote was almost automatically channelled towards them. Consequently, in the 2003 and 2007 parliamentary elections, the SRS was the strongest party in the National Assembly, gaining 27.7% and 28.7% of the vote respectively. The failed November 2003 Presidential elections7 following the

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assassination of late Prime Minister Djindjic (12 March 2003) marked the steady rise of the SRS. The SRS’ comeback was confirmed in the June 2004 Presidential elections where although Boris Tadic (president of the DS) triumphed, Nikolic finished second, winning 1,431,833 votes (or 45%) – which was the highest count for the Radicals since the fall of Milosevic. In the second round of the 2008 Presidential elections Nikolic won 2, 177, 872 votes (47.9%) while incumbent President Boris Tadic garnered 2, 294, 605 votes (50.5%).

8 The reasons for the electoral ‘comeback’ of the SRS are varied but the majority of observers attribute it to voters’ dissatisfaction with the nature of the reforms in Serbia. 8 Usually the bulk of the SRS electoral is identified with the so-called losers in the transition process. In the foreign academic and political literature on Serbia, the perception of the political divide is dominated by a distinction between “nationalists” and “reformers.” Such a depiction of Serbia’s political system is incomplete as it undermines the importance of social and class distinctions among Serbian voters. In a study on post-2000 Serbian political parties, Zoran Slavujevic argues that 65% of Serbia’s poorest vote for the Radicals. Moreover, the author shows how the Radicals, as with the Socialists, enjoy support of social groups usually referred to as ‘losers in the transition process’; thus, both parties enjoy the support of the working class, agricultural workers, the oldest, the least educated and the poor.9

9 Despite the fact that the parties which were in power during the 1990s never won enough votes to form a government independently, on several occasions, due to key disagreements between the DS and DSS, Kostunica’s party was tempted to join forces either with the SRS or SPS. However, this did not happen due to the exclusion of the Radicals from power, which was the result of both exogenous and endogenous factors.

10 The boycott of the Radicals has been two-pronged: international and domestic. The international community and its policies towards Serbia are marked by a de facto veto that pressures the ‘democratic’ political parties to refuse cooperation with the Radicals at the national level. As far as Serbian internal politics is concerned, the post-Milosevic ruling political elite often uses popular fear of the Radicals as an essential component of its own political campaign, thus legitimising its claim to governance. The exclusion of the Radicals (or the Socialists) from power at the national level justifies branding Serbia’s political system as “blocked” because it precludes the possibility of a genuine government turnover.

11 To illustrate international reactions to the attempt of Serbia’s post-Milosevic parties (i.e. DSS) to break the taboo of forming a governing alliance with the SRS or the SPS, this section will concentrate on the four most significant examples. Concerning domestic attitudes towards the Radicals, it is sufficient to focus on the 2008 Presidential election campaign.

12 In the aftermath of the parliamentary elections held in December 2003, the DSS and its coalition partners formed a minority government supported by the Socialists on the 3rd of March 2004 after marathon negotiations failed to form a majority government comprised only of post-Milosevic parties. During these negotiations, representatives of the international community pressured the DSS and their potential partners in the minority government to not make arrangements with Milosevic’s party.10 Despite the fact that the government depended on support from the SPS, it managed to extradite numerous war crime suspects to the ICTY (by applying the strategy of voluntary

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surrender) and in this way gained the confidence (albeit limited) of the Euro-Atlantic partners.

13 The strategy of voluntary surrender reached its limit in the case of indicted Bosnian Serb General, Ratko Mladic. The inability to apprehend him led to a phased ending of the first Kostunica government in 2006.11 Arguably, international pressure made it difficult for parts of the DSS (that were ready to fully include the Socialists in the government) to convince opponents to break the taboo and share the reigns of power with the structures of the old regime. Nevertheless, the functioning of the executive branch was to indirectly depend on the SPS. Though the Socialists participated indirectly in power in the post-Milosevic period, direct political arrangements of any kind made with the SRS remained taboo.

14 This taboo was partially broken after the September 2004 municipal elections, in which the Radicals made a solid showing.12 As a consequence, former members of the DOS formed coalitions with ex-regime parties in several municipalities. The only large city won by the SRS was Novi Sad, where Radical party candidate Maja Gojkovic managed to defeat the DS candidate in the second round of the mayoral elections.13 Not only were the Radicals to hold the position of the Mayor, but the majority of the municipal council was also formed thanks to the votes of municipal councillors from the DSS.14 International opposition to cooperation with forces of the ex-regime continued; EU and US Ambassadors refrained from publicly meeting the Mayor of Novi Sad. Asked why he did not meet Mayor Maja Gojkovic, Michael Polt, former US Ambassador to Serbia, said that the US administration refuses to talk with officials who oppose cooperation with ICTY or democratic changes in society.15

15 Furthermore, towards the conclusion of negotiations on the formation of the current Serbian government, Tomislav Nikolic, acting head of the SRS16, was elected Speaker of the Serbian Parliament on 7 May 2007. Nikolic won a comfortable majority, backed by the Socialists and the Democratic Party of Serbia of outgoing Prime Minister Vojislav Kostunica. DSS's support for Nikolic was seen by many as a possible precursor to an alliance with the Radicals; however, this move appeared to be more a strategic ploy to position the DSS more favourably within the new ‘grand coalition’ dominated by Ministers from Tadic’s DS. European Union Officials and the international press overtly disapproved of Nikolic’s election, arguing that by this Serbia had “lurched back towards the pariah status of the 1990s.”17 Oli Rehn, the EU’s Enlargement Commissioner stated, “[t]he election of an ultra-nationalist as Serbia's parliamentary speaker is a worrying sign." As a consequence of Nikolic’s election the EU postponed the signing of a visa facilitation agreement with Serbia, and the Council of Europe postponed the ceremony of raising the Serbian flag to mark the upcoming Serbian Presidency over the Committee of Ministers of the Council of Europe. Facing an imminent vote for a new president of the Serbian parliament, and the second government of Vojislav Kostunica, Nikolic resigned five days later.

16 Finally, on the eve of runoff voting in the 2008 Presidential elections, the EU continued to exert moderate pressure on Serbian voters to choose Tadic over Nikolic. The decision to delay (until after the second round of voting) an opportunity for Serbia to sign a political agreement with the EU on trade liberalization, visa liberalization and education was interpreted as implicit pressure on Serbian voters to vote against the Radical candidate. Asked whether a political agreement with Serbia would be signed even if Nikolic wins in the elections, Javier Solana replied, “[u]ntil the Serbian

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government stays on the road it is today there is no reason for a change in our positions.”18 Thus, apart from the attempt to boost Tadic in the presidential race, the intention of the EU was probably to ensure that even in case Nikolic triumphed, the present government would not be replaced by a new parliamentary majority that included the Radicals. Janez Jansa, the Slovenian Prime Minister, gave a statement in this regard. Jansa explained that the EU would respect the results of the Serbian Presidential elections, but stated that “the results of the elections will probably have an impact on the speed” of Serbia’s EU integration. Similar statements were issued from the EU on the eve of the extraordinary parliamentary elections in May 2008.

17 After a short overview of several instances in which the Radicals came close to power sharing but were denied this opportunity due to a combination of international opposition and the hostility of domestic political forces, the paper will focus on the political and institutional effects of the exclusion of the Radicals from government, and will in this way illustrate the “blocked political system” in Serbia.

Blocked Political System: a tempest in a tea-cup

18 As a result of the preclusion of government turnover due to the exclusion of the Radicals and Socialists from power, the space for political maneuver was narrowed significantly. Thus, political struggle was dominated by the post-Milosevic parties: primarily the DS of President Tadic, and Prime Minister Kostunica’s DSS. As a result, the National Assembly, the Constitutional Court, the Office of the President of the Republic, other institutions, and even the Radicals and Socialists were merely instruments in this clash. This situation led not only to the crumbling of the legitimacy of the aforementioned institutions but also resulted in a significant political blow to the parties in power.19

19 The ‘permanent’ opposition parties, primarily the Radical Party, were and remain the obvious beneficiary of this blocked political system.20

20 In Serbia’s case of, proof that participation in power during a transition process almost automatically leads to a decrease in political popularity can be found in the results of the January 2008 presidential elections. Namely, the vote in municipalities where Radicals hold power swung in favour of the incumbent president and vice versa.21

21 Internal bickering among the DOS coalition started immediately after the 5th of October 2000 when two sides of the victorious coalition decided to make power arrangements with different parts of Milosevic’s security services.22 Not even the assassination of the Serbian Prime Minister Djindjic managed to achieve at least a temporary union of the two democratic parties. In reaction to the assassination, Kostunica refused to support the imposition of a state of emergency and, quite surprisingly for this political moment, proposed the formation of a government that would gather together all political forces, including the Radicals and the Socialists.

22 The nature of Serbia’s political system as well as the behavior of its major actors has contributed to a deviation from a model of representative democracy leading to the entrenchment of certain negative trends such as the establishment of a system whereby political parties have absolute control over the civil administration and judicial system (including the appointments and behavior of the aforementioned). Illustrative examples of the deformation of Serbia’s democracy are the lack of respect

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for the independent parliamentary mandate, the obstructionist behavior of political parties during the failed presidential elections in 2002 and 2003, a lack of political agreement to elect members of the Constitutional Court of Serbia, and the DSS’ obstructionist approach to Djindjic’s attempts to reform the country’s criminal code which aimed to strengthen the fight against organized crime.

Limited independence of parliamentary mandate

23 Before we embark on an analysis of the limitations on the freedom of the parliamentary mandate in Serbia, it is important to give some background.

24 In the summer of 2001, the political struggle between the DS, the DSS and the rest of the DOS coalition broke out into the open. Slobodan Milosevic was extradited to the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia (hereinafter ICTY) on 28 June 2001. The DSS and its Ministers in the Djindjic government publicly contested the extradition of Slobodan Milosevic to the ICTY. Moreover, the judges of the Constitutional Court (most of them appointed during the regime of Milosevic) opposed the Serbian government’s decree to extradite Milosevic to the ICTY, and thus acted on the basis of a provision in the 1992 Constitution of the Federal Republic of Yugoslavia (equally the creation of Milosevic’s regime) that stated in article 17.3, “[a] Yugoslav citizen may not be deprived of his citizenship, deported from the country, or extradited to another state.”23 As a consequence of this decision, Djindjic and the government of the Republic of Serbia were forced to circumvent the Federal authorities and take a legally dubious but arguably justifiable political decision to extradite Milosevic to the ICTY.

25 The Constitution, in article 16.2, left room for a different interpretation proclaiming, “International treaties which have been ratified and promulgated in conformity with the present Constitution and generally accepted rules of international law shall be a constituent part of the internal legal order.” In this sense, the legality of Milosevic’s extradition to this particular tribunal could be justified since the ICTY was instituted in May 1993 on the basis of the UN Security Council Resolution 827 as an international body, not a foreign state.

26 Prior to the summer of 2001, Djindjic was trying to get the support of Montenegrin Federal MPs in order to enact a law that would change the constitution to create the legal possibility for the extradition, but he was unable to acquire this support from the political opposition of federalist Montenegrins, who were allies of Milosevic in the past. Since the pressures of the international community to extradite Milosevic persisted, and thanks to the support of the Serbian Ministers in the Federal government, the government (of the then federal unit of Serbia) issued a decree allowing the arrest.

27 Milosevic’s extradition led to a split between the DSS and the DS. Consequently, the DOS coalition in the Serbian parliament remained without the support of 45 DSS parliamentarians (from a total of 176 MPs). The weakened coalition was still strong enough to support a governmental majority but made the entire legislative process more difficult because the government was vulnerable to the demands of numerous smaller parties in the DOS. In order to strengthen parliamentary support for the DOS Government, the DS and their allies in the DOS coalition decided to expel DSS parliamentarians from the Parliament. In June 2002, 21 MPs from the DSS, together with parliamentarians from other parties in the DOS coalition, were replaced by new

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parliamentarians on the basis of a decision of the Administrative Committee of the Serbian National Assembly.24 The rationale for the decision was irregular attendance at the parliamentary plenary sessions and committee meetings by the aforementioned members of the parliament. Soon after, the Federal Constitutional Court annulled Parliament’s decision.

28 With regards to the Federal Court decision, Stefano Saninno, the Head of the OSCE Mission to Serbia at the time, gave implicit support to the principle of “legalism”, upheld by Kostunica and his party. The position of the OSCE continued to provoke controversy in the following months.25

29 The DS’s immediate reaction to the ruling of the Federal Court was to expel all 45 DSS MPs. The legal interpretation justifying the decision found ground in article 88 of the Law on the Election of Representatives of the Republic of Serbia. Article 88 gives several reasons justifying the termination of the mandate of an elected representative before the expiration of his/her term. For example: “if his membership in the political party or coalition of parties on whose electoral list he was elected is terminated” (Art. 88.1) and “if the political party, or the other political organization on whose electoral list he was elected, removes his name from the register kept by its competent body” (Art. 88.9).26 DS representatives claimed that DSS breached the DOS coalition agreement requesting each member of the coalition to support the government, and that DOS Presidency legitimately reacted by expelling DSS from the coalition. Representatives of the DSS protested this decision, arguing that the DOS coalition was never registered as a legal entity or entered into the registry of political parties, and that consequently “the DOS Presidency, as an informal body, does not have the right to dispose of parliamentary mandates.”27 DSS representatives accused the DS of a “mini coup d’êtat”. 28 As a reaction to this, the DSS tried to protect its rights via domestic legal procedures, but it also requested the opinion of the OSCE and the Council of Europe. Later, high officials of the DS acknowledged previous OSCE conclusions that considered laws limiting the liberty of a parliamentary mandate contrary to international standards; however, they maintained that OSCE representatives also confirmed that the decision to strip 45 DSS deputies of their mandate complied with the legal requirements of the Serbian system.29

30 On the eve of the failed 2002 presidential elections and the restructuring of the Yugoslav Federation into the state Union of Serbia and Montenegro, Kostunica and Djindjic reached an agreement that led to the return of the DSS deputies to the Parliament on 5 November 2002.30 Thus, an essentially legal dispute was annulled by a political agreement between bitter political opponents who had once been post- Milosevic allies. Such an outcome certainly did not help the ratings of the two democratic parties and inevitably led to a deterioration in the perceived legitimacy of state institutions.

31 According to Goran Svilanovic (former Foreign Minister of the Federal Republic of Yugoslavia and the state union of Serbia and Montenegro, ex-leader of the Civic Alliance member of the DOS coalition, and a member in the DOS negotiating team that reached the aforementioned political agreement with DSS) evicting DSS parliamentarians from the National Assembly remains one of the most serious political errors of DOS. “…I think that this was at the time legally possible … but politically unsustainable … and deeply wrong”, maintains Svilanovic.31

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32 The legal discussion over the ownership of the parliamentary mandate materialized in the 27 May 2003 decision of the Constitutional Court of the Republic of Serbia to declare the controversial paragraphs 1 and 9 of Article 88 of the Law on the Election of Representatives of the Republic of Serbia unconstitutional. The Court’s decision addressed the issue as to whether a mandate belongs to the elected parliamentarian or to the political party of which he is a member, and decided in favour of the independent parliamentary mandate. Moreover, the Venice Commission and the OSCE/ ODHIR in their Joint Recommendations on the Laws on Parliamentary, Presidential and Local Elections, and Electoral Administration in the Republic of Serbia, welcomed the decision of the Serbian Constitutional Court concluding, “[o]nce elected, deputies should be accountable primarily to the voters who elected them, not to their political party. The fact that a deputy has resigned from or has been expelled from the party should therefore not entail their expulsion from parliament.”32 Furthermore, the joint recommendation stated that such a legal provision contradicted the 1990 OSCE Copenhagen Document, paragraph 7.9, arguing, “should the law be amended in this area in the future, new provisions should ensure that mandates of elected representatives belong to them and not to political parties on which lists they were elected.”

33 After the December 2003 parliamentary elections, the constitution of the new Parliament and the formation of the first Kostunica government, the problem of an independent parliamentary mandate did not disappear from political life in Serbia. Kostunica’s fragile minority government depended on the vote of every single deputy which was often threatened by the individual decisions of parliamentarians switching sides. Allegations were made that powerful business interests virtually “buy” parliamentarians and their loyalty.33 During this period, the Serbian National Assembly was often jokingly referred to as a ‘stock-market’, where MPs played the roles of stocks and shares. Almost every political party in the government and the opposition experienced “betrayals” in the parliament. In this way, political parties that did not even participate in the 2003 elections were awarded parliamentary seats. Serbian political parties revealed that they had forced their future deputies to sign blanco resignations prior to the constitution of the post-election (2003) parliament. This instrument was (in one instance, at least) used to save the parliamentary majority of the first Kostunica government. As a result, the DSS followed the path of the previous government majority and violated European standards on the rights and obligations of parliamentarians, thus seriously injuring the democratic legitimacy of the Serbian Parliament.34

The legitimacy of the Office of the President of the Republic of Serbia

34 Due to the principle of legal continuity with Milosevic’s system that prevailed in the aftermath of the regime-change, numerous laws and regulations from Milosevic’s era remained in use. The Law on the Election of the President of the Republic of Serbia, enacted in 1992, was one of these acts. In this way, Milosevic’s conception of the institution of the President of the Republic was imposed on the new democratic system.

35 Article 6 of this Law proscribed: “The elected President of the Republic shall be the candidate who wins the majority of votes of voters who voted, if at least one half of the

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total number of voters in the Republic turned out in the elections.”35 As a result of this law, citizens of Serbia voted in three presidential elections that failed to elect a President.

36 This law was changed immediately after the first failed presidential elections, abolishing the turnout requirement in the 2nd round. Yet, the number of citizens who voted in the first round of the December 2002 and November 2003 elections was already lower than 50%. At the beginning of 2004, the 50% turnout requirement was completely abolished.

37 The first election of the President of the Republic of Serbia was held in September and the second round in October 2002. The results of the first round were the following: Vojislav Kostunica 31.2%; Miroljub Labus 27.7%; Vojislav Seselj 22.5% with a voter turnout of 55.7%. Kostunica and Labus entered the second round winning 66.68% and 31.06% of the vote respectively. However, voter turnout in the second round (45.53%) was insufficient to validate the result. The second re-run election was held in December 2002, whereby Kostunica won 57.5% of the vote while SRS leader Seselj earned 36.3% (with a turnout of 45.1%). Finally, a third re-run of presidential elections took place in November 2003. Once more, the turnout (38.6%) was lower than the required legal minimum. Nikolic won 46.9% and the DOS candidate Micunovic got 35.3%.36

38 The reasons for the low voter turnout are varied. The failure of the elections was partially due to low motivation on the part of the citizens perhaps owing to the relatively limited constitutional powers of the institution of the President. Yet, many argued that to a large extent responsibility for such a voter turnout could be ascribed to the DS and Djindjic because of the 2002 elections and to Kostunica for the failed presidential elections of November 2003. On both occasions the two democratic parties used obstructionism to prevent the opposing candidate from winning. As a result, Milan Milutinovic, an old Milosevic ally who was elected President of Serbia in 1997, remained in office until the end of 2002. Milutinovic was sent to the detention centre of the ICTY at the beginning of 2003 and Serbia was thus to remain without a President until the summer of 2004. Continuous warnings from the Serbian Constitutional Court failed to put sufficient pressure on the political elite to change this situation. The Constitutional Court was in turn blocked because of an insufficient quorum (some judges had retired) for almost two years due to the inability of the political elite to reach an agreement on the election of new judges.

39 Cedomir Jovanovic, leader of the Liberal Democratic Party and a close partner of the late Prime Minister Djindjic, in referring to the first failed presidential elections admitted that the obstruction of the electoral process presented a strategic political choice for the DS: “[t]omorrow [after the first round of presidential elections 29 September 2002] a meeting was held in the government building where we discussed the election results and the forthcoming second round. We agreed that we couldn’t win against Kostunica with our candidate [Labus], but using the minimum turnout requirement would mean that the election would not be successful since the number of people voting would not be sufficient.”37 The DS’s candidate was nominally Labus, however, many argue that the DS and Djindjic offered only lukewarm support to Labus’ candidacy fearing that his victory would strengthen the (then a group of experts and now a political party in Serbia).38 If one is to take this statement at face value, and statistical data justify such conclusions39, then even ideological excuses justifying the vote against Kostunica as a vote against the policies of the ex-regime

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cannot apply. Labus was considered undoubtedly a pro-European reformer, yet the DS party machine barely supported him.

40 The fear of losing primacy within the democratic block determined the actions of both the DS and DSS. In the context of Serbia’s blocked political system, a dominant position among the democratic parties ensured automatic participation in government. An alliance and a gradual homogenization of the democratic block would necessarily result in an ‘either/or political choice’ - between a united block of post-Milosevic parties and the Radicals and Socialists. The internal dynamics of the blocked political system proved to be incompatible with such a scenario, for the invisible political line drawn in the aftermath of October 5th had to be crossed sooner or later. As we already demonstrated, a combination of international and domestic pressure prevented the DSS from forming a coalition with the Radicals, for such a coalition would have inevitably left the democratic political space open to the absolute domination of the DS and other smaller parties with an uncompromising pro-European orientation, and would have left the DSS with an uncertain future exposed to the centripetal forces of a coalition with the much stronger Radicals. The May 2008 parliamentary elections and their aftermath will be a test of this scenario.

41 Misuse of the parliament, ignoring the decision of both Federal and Serbian Constitutional Courts, obstructionism during the presidential elections and the absurd situation of a country without an elected president for almost two years had a spillover effect on the pace of reforms in the country. Corruption is one illustrative example. According to the findings of Transparency International, corruption in Serbia remains high (despite moderate improvement since 2000), occupying the 79th position on the Corruption Perceptions Index for 2007.40 With respect to other countries in the region, Serbia lags behind Bulgaria, Croatia and Romania, but is ahead of Macedonia, Albania, and Montenegro.

Obstructionism in the struggle against organized crime

42 The influence of the security services on the course of Serbia’s development remains, according to some authors, the main obstacle to Serbia’s successful transition:

43 In most countries, even in the Balkans, security agencies take orders from their political masters, but in Serbia this is reversed. [ ] This is the most important explanation for Serbia's present state, and its unique position in comparison with its neighbors. This explains Serbia's failure to arrest fugitive General Ratko Mladic and other war crimes suspects. For them, keeping Serbia away from European integration is not just a matter of ideology, but of their very survival. 41

44 The links between security services and organised crime networks are indissoluble. The support that both gave to the popular uprising on the 5th of October 2000 42 offer organized criminal gangs and corrupt parts of the secret services the legitimacy to continue their activities in the post-2000 period. This presented a serious impediment to the attempts of the Djindjic government to reinforce the rule of law in the country, which would have in turn assured, inter alia, effective cooperation with the ICTY. Additionally, perceived organised crime links and the persistence of mafia-related murders on the streets of post-Milosevic Serbia had a negative impact on both the internal and international image of the first post-Milosevic Serbian government, most notably on the DS and its leader, Djindjic.

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45 An example of the government’s powerlessness against criminal and security interests was illustrated in the November 2001 rebellion of the Unit for Special Operations, the so-called “Red berets” of the Serbian intelligence agency. (The same people who organized this rebellion are now sentenced for having organised and conducted the 12 March 2003 assassination of Prime Minister Djindjic).43 The rebellious Unit had issued the following political demand: resignation of Djindjic’s Minister of the Interior and head of the Intelligence Service etc. Kostunica, in the capacity of the President of the Federal Republic of Yugoslavia at the time, publicly justified the rebellion, thus consciously or unconsciously sided with the criminals. As a result of the Djindjic government’s inability to fully oppose the demands of the Unit for Special Operations and crush the rebellion, a compromise was reached: the Minister of the Interior was to keep his position, but the head of the intelligence Service loyal to Djindjic and his government had to go. After having lost all control of the secret service apparatus, Djndjic decided to crush the Unit for Special Operations and allied mafia clans, declaring 2002 the year of the fight against organised crime.

46 Consequently, the Djindjic government adopted the Law on the Fight Against Organized Crime in July 2002. However, in order for this law to be implemented, it first had to be included in the Code on Criminal Procedure, which was at the time under the jurisdiction of the Federal state. One of the main novelties of the law was the introduction of the institution of “collaborator of justice”, a legal instrument which comparative studies demonstrated as having a devastating effect on organized crime networks. Parallel to the adoption of these legislative changes Djndjic’s government launched an operation targeting members of the criminal gang willing to testify against their previous partners. This action achieved some success when the government located a key member of the clan willing to cooperate with the prosecuting team. Yet, in order for this cooperation to have full effect, the adoption of the law and the introduction the “collaborator of justice” was an absolute priority.

47 The balance of power in the Federal Assembly did not correspond to that in the parliament of Serbia. Kostunica’s DSS and their Montenegrin federalist allies held decisive sway over the parliamentary majority and refused to vote for the new law that would have introduced changes necessary for the fight against organised crime. Obstructionism in the Federal Parliament lasted until December 2002 when DSS finally decided to support the bill as proposed by the Djindjic government. This was possibly the consequence of a trade-off in which Djndjic’s political block decided to restitute the parliamentary mandates taken from the DSS in return for a cooperative stance in both Federal and Serbian parliaments – including a positive vote on the Law on the Fight Against Organized Crime and the ensuing changes to the Federal Code on Criminal Procedure.44

48 Prime Minister Djindjic’s fight against organized crime and the corrupt security services ended tragically with his assassination on the 12th of March 2003. A victory in the fight against the security and criminal structures that organized and conducted the assassination of the PM materialised in the sentencing of the organizers and perpetrators.

49 The nature of the overthrow of Milosevic’s regime and the participation of parts of the ex-regime’s security services in the entire process largely shaped further political developments in Serbia. Yet, gradual improvement was possible, though not without a common policy between the DOS and DSS. Reform of the security structures was a

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priority in which the post-Milosevic political elite had to reach consensus. Though it is true that the political responsibility for the instrumentalisation of Milosevic’s security structures lies with both democratic parties, as we have seen, a larger part of the responsibility lies with Kostunica’s DSS.

Government turnover vs. stability

50 In young democracies “government turnover” is seen positively not only in the sense that it renders state institutions less vulnerable to the power of private business interests, but also because it reinforces the legitimacy of democratic procedures, showing citizens that their vote counts and can lead to government change.45

51 In the Trade, Equity, and Development Project of the Carnegie Endowment for International Peace, a group of authors argue that “political turnover has been a healthy development for governance in Eastern Europe”.46 Through simple game theory and cost and benefit analysis, the authors concluded that due to the risk of alternating power-holders a system based solely on corruption and “influence buying” does not pay off in the long run. Thus, powerful private business in transition countries have an interest in supporting the establishment of the rule of law, as the experience of the Central European transition countries have demonstrated. The authors maintain, “[I]t is true that when businesses expect political turnover, they may respond by trying to influence the entire political spectrum of parties. But attempting to influence all political players is prohibitively costly if there are many parties with widely different political ideologies.” Indeed, the report demonstrates that the democratisation process in transition countries that did experience the return of the ex-Communist parties in power did not suffer.

52 Despite what many feared then, the countries that switched from right-wing to left- wing coalitions were able to keep key reforms intact. Instead of putting democracy in jeopardy, these orderly transitions between political parties of different ideologies gave an air of stability to the new democracies, rooted the democratic transition, and — it can be argued — improved governance.

53 One can also conclude from a 2002 World Bank report on the first ten years of transition, that change of government remains an important precondition for furthering the democratization process.47 Similarly, the authors of the aforementioned Carnegie Endowment report claim that countries with frequent government turnover show the best economic results. Post-Communist Poland experienced nine changes of government, Estonia six, Hungary four, etc. between 1990 and 2002.

54 In contrast to countries that did experience an alternation of power without disrupting the overall course of reforms, the authors list several (mainly post-Soviet) countries, as examples. Limited alternation of power in Russia (together with the absence of a credible political opposition) is seen as the main obstacle to governance in the country. Yet, there is a sense in which a large part of the democratisation literature comes up short in valuing the importance of political stability vis-à-vis the benefits of unblocking the political system. On the other hand, one could strongly argue that a complete disregard of the importance of the stability factor (vs. government turnover at any cost) has led the authors to design a paradoxical theoretical construct that could, if

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applied, cancel out the democratic system that it is pretending to promote and improve.

55 The democratisation-related literature considered in the writing of this essay does, however, mention that countries with an absence of credible opposition remain less likely to progress in the field of governance. This brings us to the issue of political stability in light of a situation where populist political parties are the only alternative to the oligarchy maintained by a blocked political system – which is arguably the case in Serbia.

56 The debate on government turnover as a precondition for the successful process of democratisation of a country thus inevitably raises the question of the international historic and geopolitical environment in which the very process of democratisation evolves.

57 In this section of the paper, the intention is to propose and test a hypothesis linking the process of democratisation with the geopolitical factor. This consideration is especially pertinent in the case of Serbia which finds itself in a unique situation of simultaneous clash and integration with the European Union and the United States. According to Freedom House’s “Freedom in the World Report 2008” Serbia is the only country classified as free that finds itself in a serious clash (over the territorial integrity of its state in Kosovo) with arguably the main pillars of the liberal democratic world: the US and the largest EU states.48 It is in this sense that Serbia’s democratisation process cannot be compared to that of Poland, Hungary, Estonia etc. The case of Kosovo demands more caution towards claims backing the absolute normative value of government turnover.

58 The aim of this paper is not to indulge in a culturally relativist exercise questioning the normative quality of the concept of liberal democracy, or to enter into the Huntingtonian debate on the possibility of developing a democracy outside “the West” in the civilisational sense.49 Rather, the intention is to explore whether democratisation is intrinsically dependent on the geopolitical interests of the ‘West’, as well as to determine if a country can successfully carry out a democratisation process despite serious political disagreements with the EU and the US. Though it is beyond the scope of this paper, answering this question would shed some additional light on the academic discussion of “liberal peace theory.”50

59 That said, democratisation processes are likely to be thwarted when facing unfavourable geopolitical conditions. The situation in which post-Milosevic Serbia finds itself provides an excellent example. On one hand, the US and the EU (with the exception of some member states) recognised Kosovo’s unilateral declaration of independence, treating it as a “unique case”, and consider its supervised independence a pragmatic solution aimed at stabilising the Western Balkans. On the other hand, Serbia, invoking peremptory norms of international law and supported by a considerable number of countries (including Russia, China, South Africa, India, Spain, Romania, Greece etc.), defends its territorial integrity and opposes formalisation of the de facto separation of its southern province.

60 Serbia’s relationship with the EU is especially complicated. Formally, the two issues - Serbia’s EU integration and its struggle to keep Kosovo - remain separate. Practically, however, Serbia’s relationship with the EU could receive incongruous turns. On one hand, Serbia downgraded diplomatic relations with EU member states that recognized the independence of Kosovo, while at the same time it entered into a contractual

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relationship with the EU with the signing of the Stabilisation and Association Agreement in Luxemburg 29 April 2008. The May 2008 elections will have a decisive impact on the future of Serbia’s European integration process, since the coalition grouped around Kostunica’s DSS and the Radicals oppose the signing of the Agreement and threaten to prvent its ratification should they acquire parliamentary majority after the elections. A victory for the unconditionally pro-European forces assembled around the DS and the likelihood of an espousal of a soft approach to Kosovo’s independence would have a positive impact on the country’s membership perspective.

61 A stalemate on integration and the severing of Serbia’s diplomatic relationship with the EU could endanger its democratisation process. It would (though less likely) create an unprecedented situation whereby a post-communist country proceeds with the democratisation process while simultaneously maintaining a difficult, almost conflictual relationship with the ‘West’. More probable however is that Serbia will lack the inner strength to proceed alone with the post-Milosevic democracy-building and overall reforms when facing a serious severing of diplomatic relations with the ‘West’, coupled with persistent instability in Kosovo. This would occur partially as the result of worsening economic conditions in the country. In this situation, the hypothesis positing dependence of the democratisation process on the geopolitical factor will prove correct.

62 The boycott of the SRS and SPS by the ‘West’, besides being motivated by an ethical lack of willingness to cooperate with the political party that took part in Milosevic’s regime, also reflects the tension between Serbia, the EU and the US over the issue of Kosovo.

63 Serbia’s ‘hard’ reaction to the recognition of Kosovo’s independence by US and most of the EU Member States is not likely to result in a smooth relationship between Serbia and the EU. SRS participation in power would most likely, in the short run, render cooperation with the EU difficult, which would in turn have a damaging effect on Serbia’s democratisation process due to the possible ensuing lack of international support.

64 We have now reached the essence of Serbia’s paradoxical situation. On one hand, we demonstrated how the lack of government turnover negatively affects its democratisation process. On the other hand, we reached a conclusion wherein, at least in the short run, a substantial government turnover - and the rise of the Radical Party to power - remains a dangerous prospect due to the international framework in which the country’s democratisation evolves.

Conclusion – Tail wagging the dog

65 The problem of the “blocked political system”, as demonstrated, is not only that the will of a large portion of the electorate remains underrepresented in the political institutions that govern the country, but also, in the case of Serbia, due to the hitherto impossibility of the Radical Party’s participation in power, serious political conflict exists only within the block of democratic parties. The SRS remains on the margins of the struggle for power, and as a consequence, acquires the virtually automatic support of protest voters. Thus Serbia’s post-2000 political development resembles a situation where the tail wags the dog: the attempt to fight a problematic opposition party by excluding it from power actually strengthens the opposition’s position and in turn

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legitimises the public discourse that renders the opposition party problematic in the first place.

66 The first attempt to end the conflict within the Democratic bloc was made by Boris Tadic, President of Serbia and President of the DS. Namely, after being elected President of the Republic in the summer of 2004, he refrained from attacking the government and led a policy of rapprochement with the DSS and their coalition. Because of the cohabitation with Kostunica’s DSS, Tadic was often criticized by the most socially progressive wings of Serbian society. Consequently, Tadic’s position led to the political profiling (and eventually electoral success) of the Liberal Democratic Party, while it also led him to win many moderate centrist votes that did not belong to any political party per se.

67 The victory in the second round of the 2008 Presidential elections demonstrated the strong electoral potential of an uncompromising pro-European Serbia, as well as politically rewarding Tadic’s moderate approach.51 Simultaneously, the 2008 election demonstrated a sign of the normalisation of politics in Serbia and the maturing of Serbia’s democracy regardless of the external instability related to Kosovo’s unilateral declaration of independence.

68 Predictions that the Radicals would contest the electoral results proved to be incorrect. Once again, the SRS demonstrated willingness to play the game according to the rules established on the 5th of October 2000. Only two hours after the closing of the polls, Tomislav Nikolic argued, “[w]e are going to count the ballots all night long, but as early as now I am prone to say that Boris Tadic has won. I congratulate him and would like to thank all people that went to the polls and voted. I promise to my electors that very soon they shall have new opportunity to vote for our program.”52 Nikolic was right – the second Kostunica government soon dissolved and the new parliamentary elections were scheduled. Tadic, on his behalf congratulated his opponent and said that he would meet with him soon, because he deserved respect on the basis of the number of votes he received.53

69 Some Serbian authors are convinced that government turnover will lead towards an improvement of Serbia’s democracy.54 Concerning SPS support for Kostunica’s first minority government from 2004-2006, Pavlovic argues that the “deep polarization that followed the change of the regime was watered down through a peaceful evolution of the parties of the ex-regime”, singling out the SPS as the positive example and the SRS as a negative example of party transformation.55 For him the fundamental concern is whether there are political parties in Serbia that would, in the event of an electoral victory, cancel-out the reforms and attempt to reestablish the pre-5th October situation. Regarding this question, the author argued in December 2005 that two events will prove essential for the successful stabilization of the democratic system in Serbia: adopting the new Constitution, and the new electoral law. Should there be consensus on these, argued the author at the time, all political parties would in a way become systemic – including the Radicals.56

70 On 30 September 2006, one year after the aforementioned article was published , the Radicals voted for the Constitution. There is a sense, however, that the adoption of the Constitution was not sufficient to prove the Radicals’ loyalty towards the post- October 5th Serbian state. Strong patriotic undertones linking the adoption of the Serbian Constitution with the attempts of the Serbian government and president to countenance the secessionism of the Kosovo Albanians justified SRS participation in the

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vote and referendum campaign even in the eyes of the staunchest opponents of post- Milosevic Serbia in the electorate. For this reason, the Radicals need to be put to another ‘test’ in order to further prove their willingness to play according to the rules set up after 5th October 2000. A sign that they will act constructively was offered by the Radicals right after 2007 Parliamentary elections. The constitution and electoral legislation limits the period of negotiations for the formation of a new government, and should the political parties fail to reach an agreement, the country would have to vote once again. After painful negotiations, the DS, DSS and the G 17 reached an agreement to form a coalition government which was confirmed by the MPs of the parties 30 minutes before the legal deadline. The Radicals were in a position to prevent the formation of the government and provoke new elections through filibustering (a move they frequently utilized in the post-2000 period) but they refrained from this, stating clearly that they would not resort to obstructionism.57

71 Indeed, from the point of view of the international community and the Serbian post- Milosevic power parties it may seem paradoxical to make political arrangements with the Socialists while distancing themselves from the Radicals.58 After all it was Milosevic’s SPS, not Seselj’s SRS, that played the greatest role in the devastating politics of the 1990s. Having said that, the Radicals had often appeared the more uncompromising nationalists than Milosevic; yet, it was he and his party that largely determined the fate of Serbia in that period.

72 Stability arguably remains a basic concern when considering the possibility of government turnover and the full political inclusion of Radicals and Socialists. Here, the position of the EU and the US vis-à-vis the alternation of power in Serbia remains justified due to a fear of the Radicals’ ability to fundamentally reverse the pace of reforms in the country.

73 The Radical vote should not be sought after in nationalist discourse and politics. Since 2002, as a result of the negative effects of their exclusion from power, the SRS has continuously attracted the protest vote of people unsatisfied with the nature of reforms in Serbia, lack of social solidarity and corruption. Serbian elections are guided by two dominant feelings: fear of a return of the 1990s, and anger directed against post-2000 political elite, corruption, the negative effects of transition, and the disregard for the rule of law etc. The Radicals were largely successful in capitalising on the anger building against the post-Milosevic political elite; however, they were not able to convince a sufficient number of voters that the reasons for fear of their return to power are vastly exaggerated. As predicted by some analysts, the protest vote was not sufficient enough to bring about an electoral victory for the Radicals.59 The essence of Tadic’s campaign in the 2008 Presidential elections was to whip up a fear of the Radicals. The plebiscitary nature of Tadic’s campaign in the second round of the 2008 Presidential elections is such that this can hardly be repeated. As indicated by a prominent Serbian politician, “this is the last time Radicals were defeated on the basis of fear.”60 The May 2008 parliamentary elections will present a test of this assertion since the pre-electoral rhetoric of Tadic’s block largely resembles that of previous elections. The reasons for anger will persist, but the reasons for fear will disappear once Serbia finds herself firmly on the EU track. It is also possible that the May 2008 parliamentary elections will confound these predictions.

74 Since the Radicals presently do not face a serious competing political force in the opposition able to attract the votes of people dissatisfied with reforms, they are

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unlikely to disappear from the political scene of the country. Serbia’s system, in spite of its proportional representation system in parliamentary elections, is affected by a centripetal force that lends itself to polarisation, leaving Tadic’s DS on one side and the Radicals on the other. The January Presidential elections undeniably signaled such developments, and it is likely that the homogenisation of Serbia’s politics will continue in the May parliamentary elections. Such a situation will undoubtedly put additional pressure on Serbian political parties to do away with this form of blocked political system and venture toward crossing the invisible line separating the pre- and post-2000 power parties.

75 The homogenisation of Serbia’s politics will not necessarily represent a positive development, since, should it occur, it is bound to divide Serbia into two polarised political blocks: one led by the Democrats and other by the Radicals. In this way a new kind of blocked political system might emerge, leaving no space for cooperation between the two political parties (DS and SRS).61 Hence, further democratisation of Serbia can occur only if the political culture changes dramatically enough to create possibilities for cooperation and compromise between the DS and SRS, including agreement on the future course of the country.

76 It remains to be seen whether Kosovo will play a crucial role in the upcoming 11th May 2008 parliamentary and local elections; whether the DS will manage to capitalise on the electoral success of its presidential candidate and the subsequent signing of the Stabilisation and Association Agreement; and whether Kostunica and his party DSS will still play a crucial role in Serbia’s politics. Some predictions argue that Milosevic’s Socialists might take over the role of the kingmaker from the DSS’s political block after the May 2008 parliamentary and local elections.62 Regardless, one likely outcome of the upcoming elections is, apart from the homogenisation of political spectrum in favour of DS and SRS, a close result and the inability of any party or group of parties to form a stable government.

77 The situation in 2008 is however by no means similar to that of 2000 when, arguably, the entire political discourse in the country, including that of the Radicals, shifted towards gradual EU integration. The situation in Kosovo and the unresolved issue of cooperation with the ICTY will continue to condition political developments in the country in the near future, but not to the extent that they would completely reverse the pace of democratic reforms. In the worst-case scenario, the disagreement with the international community over Kosovo will only slow the reforms. The Serbian population has still to fully comprehend the devastating effect of Milosevic’s politics and its responsibility for the wars of the 1990s. Yet this stabilisation is most likely to be achieved through a gradual democratisation of the country, through the ‘external’ legitimisation of all mainstream political actors, including the Radicals, and through securing the country’s EU future.

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NOTES

1. See Ginsborg (Paul), “Explaining Italy’s Crisis”, In Gundle, S. and Parker, S, The New Italian Republic, Routledge, London, 1996; Sartori (Giovanni), Parties and Party Systems: A Framework for Analysis, Cambridge University Press, Cambridge, 1976; See Mammarella (Giuseppe), Italy after fascism – A political history, University of Notre Dame Press, Notre Dame, Indiana, 1966. This paper borrowed the term “blocked political system” from political science analyzing the evolution of the post-WW II political system in Italy, were despite a multitude of governments, a substantial government turnover did not occur until the fall of the Iron Curtain. Geopolitical circumstances after WW II produced a deformed political system in Italy that on the one hand saw a permanent ruling Party (the Christian Democracy and the smaller parties that entered governing coalitions on numerous occasions) and the permanent opposition (the Italian ), without alteration. This political system was usually referred to as “polarized pluralism” or “blocked political system” and was marked by corruption, irresponsible rule, and clientelism by parties permanently in power. 2. Hereinafter the Radicals or SRS. 3. Democratic Opposition of Serbia – DOS - a group of political parties that overthrew Milosevic from power. Including the Democratic Party (late Prime Minister Zoran Djindjic and current Serbian President Boris Tadic), Democratic Party of Serbia (Prime Minister Kostunica), G 17 Plus (Dinkic) and other smaller parties. Some parties that did not take part in DOS but were in opposition to Milosevic’s regime took part in the post-2000 governments, for example Vuk Draskovic’s . 4. SRS and the Socialist Party of Serbia – hereinafter the Socialists, SPS. 5. See Aslund (Anders), Building Capitalism, Cambridge University Press, Cambridge, 2002. 6. The term ‘democratic’ is conceived very broadly and is used according to the analysis of the record of Serbian political parties while in power. The terms refers to the parties en bloc and not to the individual members of these parties, bearing in mind the fact that certain, at times even prominent members of Milosevic’s regime managed to infiltrate post-Milosevic political parties and institutions. It does not imply that Radicals and Socialists are inherently undemocratic or that they will not change their behaviour should they manage to govern Serbia in the future. 7. Tomislav Nikolic, the presidential candidate of the SRS won 46.9% of the vote, but the voter turnout was lower than the legal minimum (Article 6 of the Law on the Election of the President of the Republic, "Official Gazette of the Republic of Serbia", No. 1/90, 79/92 stipulated, “The elected President of the Republic shall be the candidate who wins the majority of votes of voters who voted, if at least one half of the total number of voters in the Republic turned out in the elections”). See http://www.cesid.org (accessed on 4 April 2008). 8. Spasic (Ivana), “Poruke razocaranih biraca”, in Golubovic (Z.) et al., Politika I svakodnevni zivot: probudjene nade – izneverena ocekivanja, Fondacija Heinrich Boell, Beograd, III, pp. 97-115. 9. Slavujević (Zoran), “Socijalna utemeljenost stranaka pre i posle izbora 2000“, in Goati, V. (ed.) Partijska scena Srbije pre i posle 5. oktobra 2000 , IDN and Friedrich Ebert Stiftung, Beograd, 2002, 159-194. 10. On 4 February 2004, Xavier Solana, the High Representative for the Common Foreign and Security Policy of the EU, made no secret that the EU preferred the formation of a majority government that would exclude the Socialists, arguing that such a government would move Serbia closer to the EU. See “Solana: Demokratske stranke u Srbiji da oforme vladu “, B 92, 4 February 2004. http://www.b92.net/info/vesti/index.php? yyyy=2004&mm=02&dd=04&nav_id=131872 (accessed on 4 April 2008). In reaction to the possible participation of SPS in the government, William Montgomery, the US Ambassador to Serbia at

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the time argued that it is not a question whether SPS would support the government but rather, “[w]hat will they do”. See “SPS uslovno podržava izbor Maršićanina i zahteva pregovore o programu Vlade”, B 92, 3 February 2004. http://www.b92.net/info/vesti/index.php? dd=3&mm=2&yyyy=2004 (accessed on 4 April 2008). Montgomery also implied that US would not be opposed to some kind of partnership with the SPS if they would make a clean break with the policies and personality of Slobodan Milosevic and support the government in its reform policies. See “Montgomeri o novoj vladi Srbije”, B 92, 4 February 2004.http://www.b92.net/info/vesti/ index.php?yyyy=2004&mm=02&dd=04&nav_id=131897 (accessed on 4 April 2008). Serbian media at the time also implied that the EU principally opposed the formation of the minority government with the SPS. See “Izvor: EU protiv aranžmana sa SPS“, B 92, 11 February 2004. http://www.b92.net/info/vesti/index.php?yyyy=2004&mm=02&dd=11&nav_id=132489 (accessed on 4 April 2008). UN representatives in the country called the formation of such a government, “politically irresponsible” and argued that the consequences for the international credibility of Serbia would be negative. See “UN: Bivše snage u vlasti nedopustive - usledio bi ekonomski pad i siromaštvo”, B 92, 6 Feburary 2004. http://www.b92.net/info/vesti/index.php? dd=6&mm=2&yyyy=2004 (accessed on 4 April 2008). 11. The Serbian law proscribes the holding of parliamentary elections every 4 years, thus formally speaking the 2007 January elections were not premature; however, it is clear that they were held ahead of schedule since the elections leading to the formation of the first Kostunica government were held in December 2003 and the following elections in January 2007, thus the period between the two governments lasted 3 and not 4 years. 12. See http://www.cesid.org/rezultati/sr_sept_2004/index.jsp (accessed on 4 April 2008). 13. See http://www.cesid.org/rezultati/sr_sept_2004/index2.jsp (accessed on 4 April 2008). 14. 4 out of 5 DSS municipal councillors voted for the SRS majority. See “Novi Sad: DSS podržao SRS”, B 92, 29 November 2004, http://www.b92.net/info/vesti/index.php? dd=29&mm=11&yyyy=2004 (accessed on 4 April 2008). The leadership of DSS remained publicly opposed to such a move and sanctioned the Novi Sad branch of their party, however, without having an impact on the formation of the local government. See “Raspušten novosadski odbor DSS-a”, B 92, 30 November http://www.b92.net/info/vesti/index.php? yyyy=2004&mm=11&dd=30&nav_id=156935 (accessed on 4 April 2008). 15. See http://www.mfa.gov.yu/Bilteni/Engleski/b310305_e.html (accessed on 4 April 2008). 16. In the absence of Vojislav Seselj (Head of the SRS who is currently in custody at the Scheveningen Detention Centre of the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia, and undergoing a trial before this court) Nikolic is the de facto leader of the Party. Arguably, Seselj’s departure (March 2003) contributed to the growing popularity of the SRS., In the 2003 parliamentary elections the SRS effectively experienced a genuine renaissance in popular support. Whereas it would be an over-exaggeration to attribute the electoral success solely to the practical change in Party leadership, a marked difference in style and mentalities of both leaders certainly had a strong influence on the Serbian electorate. 17. Traynor (Ian), The Guardian, May 9, 2007. Seehttp://www.guardian.co.uk/serbia/article/ 0,,2075324,00.html (accessed on 4 April 2008). 18. Mitic (Aleksandar), “EU nudi ‘politicki sporazum’ umesto SSP”, Politika, 29 January 2008. 19. It is important to mention that during the campaign for parliamentary elections in 2003 - but certainly after the internal Party elections within the DS and the victory of Boris Tadic, which took place at the beginning of 2004 - the DS experienced a gradual improvement in popular support. The results of the 2003 Parliamentary elections were not as devastating as expected. This was largely due to Tadic’s distancing from the aforementioned misgovernment and the then unpopular leadership of the Party who had led the Serbian government during the State of Emergency following the assassination of the Prime Minister Djindjic. On a television aired on the eve of the December 2003 elections, Tadic decided to break the silence and confess

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the wrongdoings of his party in the Serbian Parliament. Namely, on 22 July 2003, lacking a clear parliamentary majority to elect the Governor of the National Bank of Serbia, the governing DOS majority resorted to voting instead of the absent MPs. The governor was elected by a majority of one parliamentarian who was later proved to be on vacation in Bodrum, Turkey at the time of voting. The DSS and Kostunica did not manage to make a significant turnaround with regard to its post-2000 political record, and it almost completely lost the plebiscitary support of its Presidential candidate in the 24 September 2000 elections. 20. The blocked political system has also had a negative impact on the political responsibility of the Radicals and their readiness to consider political coalitions which could bring them to power. The leadership of the party is certainly aware of the new international environment in which Serbia finds itself, as well as being conscious that holding power in the transition process entails an almost automatic decrease in popularity. Moreover, the Radicals are possibly mindful of the fact that the government’s rating would be even more devastated in the face of international isolation. All this leads the proponents of what I decided to brand as ‘the Radical's bluff hypothesis’ to believe that for now the Radicals feel comfortable in opposition, and that they deliberately avoid participating in power at the national level, not least because they also receive important budgetary contributions due to their electoral successes, and they hold power in several municipalities in Serbia with a likelihood of further success in the May 2008 municipal elections etc. The decision to name the electoral list for the May 2008 parliamentary elections “Serbian Radical Party – Dr. Vojislav Seselj” and the electoral list at the municipal elections “Serbian Radical Party – Tomislav Nikolic” due to the higher popularity of Nikolic, tends to support the ‘the Radical's bluff hypothesis’. 21. See “Ko je gde pobedio”, B 92, 22 January 2008. http://www.b92.net/info/predsednicki- izbori-2008/analize.php?nav_id=281620 (accessed on 8 April 2008). 22. See for example Bujosevic (Dragan), Radovanovic (Ivan), The fall of Milosevic : the October 5th revolution, Palgrave Macmillan, New York, 2003; Mihajlovic (Dusan), Povlenske Magle i Vidici, I, II, Nea, Beograd, 2005; Milos Vasic, Atentat na Zorana, Narodna knjiga, Politika, Vreme Beograd, 2005. 23. The Federal Republic of Yugoslavia ceased to exist on 4 February 2003, when the federal parliament of Yugoslavia created a loose confederation – The State Union of Serbia and Montenegro. Until then the institution of Federal Constitutional Court existed. For more on the constitutional implications of the extradition of Milosevic see Srdjan Cvijic, “Giustizia internazionale vs. Sviluppo democratico”, in Stefano Bianchini (ed.), Guida ai Paesi dell’Europa centrale orientale e balcanica: anuario politico-economico, Il Mulino, 2002, pp. 103-108. 24. See Culibrk (M.), “DSS Ostao bez mandata”, Dnevnik, Novi Sad, 30 July 2002. http:// www.dnevnik.co.yu/arhiva/30-07-2002/Strane/dogadjaji.htm (accessed on 4 April 2008). 25. In an interview for a local media outlet B 92, Saninno, answering the question of whether he considered the targeted expulsion of deputies of from the parliament democratic, stated the following: “This issue is now under the scrutiny of the courts. A complaint was filed and the federal constitutional court has ruled in a certain way and I think it’s important that all parties have accepted that ruling. If I can add in brackets, what we have tried to work on very much over almost two years is the development and the strengthening of the institutions in the country, meaning the rules of the game that must be recognised by everybody. Once you have rules that are recognised by everybody then you can play the game properly and do what is necessary, so I think it’s important this continues to be done.” See “Interview with Stefano Sannino”, B 92, 1 August 2002http://www.b92.net/eng/insight/tvshows.php?yyyy=2002&mm=08&nav_id=34213 (accessed on 4 April 2008) and “Falsifikuju stav OEBS-a”, Dnevnik, 6 October 2002.http:// www.dnevnik.co.yu/arhiva/06-10-2002/Strane/politika.htm. (accessed on 4 April 2008). 26. See http://www.venice.coe.int/docs/2005/CDL-EL(2005)026-e.asp (accessed on 4 April 2008).

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27. See “DSS napusta parlament”, Glas Javnosti, 28 May 2002. http://arhiva.glas-javnosti.co.yu/ arhiva/2002/05/28/srpski/P02052708.shtml (accessed on 4 April 2008). 28. Op Cit. 23. 29. See “Zivkovic: OEBS nije usvojio nikakvu odluku”, B 92, 4 October 2002. http://www.b92.net/ specijal/predsednicki-izbori/vesti.php?yyyy=2002&mm=10&dd=04&nav_id=71988 30. See “DSS se vratio u Skupstinu”, B 92, 5 November 2002. http://www.b92.net/info/vesti/ index.php?yyyy=2002&mm=11&dd=05&nav_id=74843 (accessed on 4 April 2008). 31. Goran Svilanovic, email to Srdjan Cvijic, 8 April 2008. 32. Opinion n°. 347/2005, Strasbourg, 23 March 2006. See http://www.venice.coe.int/docs/2006/ CDL-AD(2006)013-e.asp (accessed on 7 April 2008). 33. See http://www.b92.net/info/vesti/index.php?yyyy=2005&mm=11&dd=29&nav_id=181370 (accessed on 7 April 2008). 34. The violation of an independent parliamentary mandate in European democracies occurred only in Mečiar’s Slovakia after the parliamentary elections of 1994. MP František Gaulieder was expelled from the Slovak Parliament and substituted by Emil Spišák. This example provides an only instance of the flagrant violation of the principle of an independent mandate in post- communist Europe. See Galanda Milan, Hrabko Juraj, Poslanecký mandát na Slovensku, IVO, Bratislava, 1998; East European Constitutional Review, Volume 6, Number 4, Fall 1997. See http://www.law.nyu.edu/eecr/vol6num4/constitutionwatch/slovakia.html 35. "Official Gazette of the Republic of Serbia", N°. 1/90, 79/92 36. See http://www.cesid.org (accessed on 4 April 2008). 37. Jovanovic (Cedomir), Moj skuob s prosloscu, Dan Graf, Danas, p. 128. 38. Labus was heading the G 17 Plus at the time. For the nature of the relationship between DS and the G 17 during this period see Slobodan Cuparic, “Sudar Guvernera I Premijera: Talasanja medju reformistima”, Nezavisna Svetlost, No. 368, 19 October 2002. see http://www.svetlost.co.yu/ arhiva/2002/368/368-3.htm (accessed on 7 April 2008). 39. In the first round of 2002 Presidential elections Labus won 995.200 votes, and 74 000 fewer votes in the second . See http://www.politikolog.com/SrbijaPredsIzbori.pdf 40. http://www.transparency.org/policy_research/surveys_indices/cpi (accessed on 7 April 2008). 41. Anastasijevic (Dejan), “What's Wrong With Serbia?”, European Stability Initiative, Belgrade, 31 March 2008. http://www.esiweb.org/index.php?lang=en&id=310 (accessed on 7 April 2008). 42. Op. cit. 15. 43. For more background on the role of the security services in the post-Milosevic Serbia please see the following account of the history of the Red Berets, their role in the security sector and their connection to other paramilitary units as presented in the documentary and TV programme respectively: Filip Schwarm, "The Unit", VREME Film and B92, 2006. http:// www.youtube.com/watch?v=WFmeXPgvj3s (accessed on 7 April 2008); Brankica Stankovic, “Politicka Pozadina atentata”, B 92, 13 March 2008. http://www.b92.net/info/emisije/ insajder.php (accessed on 7 April 2008). 44. In autumn 2002, as mentioned above, the DOS was negotiating with the DSS on resolving the political crisis, provoked by, among other things, the eviction of DSS parliamentarians from the Serbian National Assembly. The DOS negotiating team was composed of Goran Svilanovic, Dragoljub Micunovic (high DS official) and Dusan Mihajlovic, Interior Minister in the first Djindjic government. On the DSS team were Dragan Marsicanin (high DSS official and former Speaker of the National Assembly of Serbia) and Ljiljana Nedeljkovic, Chief of Cabinet of Kostunica, President of FRY at the time. Svilanovic maintains that both sides tried to reach a face-saving agreement – “we get them [DSS] back to the Parliament, and they promised that they would not be destructive, that was the essence, nothing more than that.” According to Svilanovic, the DSS negotiating party promised a more cooperative stance towards the policies of the government.

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As a consequence of this agreement, DSS parliamentarians had their mandates returned, but they remained generally hostile to the DOS majority. Their vote on the government’s legislative proposals differed from case to case. See Op. Cit. 28. 45. Ware (Alan), Political Parties and Party Systems, Oxford University Press, Oxford, 1996; European Bank for Reconstruction and Development, Transition Report 1999: Ten Years of Transition, Brussels, 1999; Goati (Vladimir) (2002). “Partije Srbije od 1990. do 2002. u komparativnoj perspektivi”, in Goati (Vladimir), éd., Partijska scena Srbije posle 5. oktobra 2000. Beograd : Friedrich Ebert Stiftung and Institut Drustvenih Nauka; Morlino (Leonardo), “What is a Good Democracy?”, Democratization, Vol. 11, No. 5, December 2004, pp. 10-32; O’Donnell (Guillermo), “Delegative Democracy”, Journal of Democracy, vol. 5, No. 1, 1995, pp. 55-69. 46. Karla Hoff, Shale Horowitz, and Branko Milanovic, “Political Alternation, Regardless of Ideology, Diminishes Influence Buying: Lessons from Transitions in Former Communist States”, Trade, Equity, and Development Project, the Carnegie Endowment for International Peace, January 2005. 47. The World Bank, Transition: The First Ten Years, Washington, 2002. 48. See http://www.freedomhouse.org/uploads/fiw08launch/FIW08Tables.pdf (accessed on 7 April 2008). 49. Huntington (Samuel P.), “After Twenty Years: The Future of the Third Wave”, Journal of Democracy, Vol. 8, No. 4, 1997, pp. 3-12. 50. Liberal (democratic) peace theory, holds that democracies — usually, liberal democracies — never or almost never go to war with one another. Doyle (Michael), "Kant, Liberal Legacies, and Foreign Affairs", Philosophy and Public Affairs, 1983, p. 205 (207-208). Doyle (Michael W.), Ways of War and Peace: Realism, Liberalism, and Socialism, New York: W. W. Norton, 1997; Elman (Miriam Fendius), éd., Paths to Peace: Is Democracy the Answer?, Cambridge, MA: The MIT Press, 1997. Brown (Michael E.), éd., Debating the Democratic Peace: An International Security Reader. Cambridge, MA: The MIT Press, 1996. 51. The turnout in the second round of the 2008 Presidential elections was 67.7% or 4 544 304 out of 6.732.762. Boris Tadic, the incumbent President won 2 294 605 votes (50.5%) and Nikolic won 2 177 872 votes (47.9%). In the elections for the President of the Federal Republic of Yugoslavia, held 24 September 2000, Kostunica, representing the governing coalition DOS, won 2 470 304 votes (50.24%), Milosevic 1 826 799 (37.15%) and Nikolic 289 013 (5.88%). Another 3.88% were won by other candidates and 2.88% were not valid. The turnout was 71.5%. Out of 6 871 595 voters 4 916 920 voted. See http://www.politikolog.com/SrbijaPredsIzbori.pdf 52. See “Serbia chose Tadic and EU”, Blic online, 4 February 2008. http://www.blic.co.yu/news.php?id=1512 (accessed on 7 April 2008). 53. The meeting between Tadic and Nikolic did not occur but the post-electoral period indicated a normalisation of political dialogue in Serbia, regardless of the Kosovo declaration of independence and the extraordinary parliamentary elections scheduled for 11 May 2008. 54. Dusan Pavlovic, "Polarizacija stranačkog sistema nakon 2000. godine" [Polarization of the Party System in Serbia After 2000], in: Lutovac (Zoran), éd., (2005). Političke stranke u Srbiji: Struktura i funkcionisanje. [Political Parties in Serbia: Structure and Functioning.] Beograd: Friedrich Ebert Stiftung, pp. 157-162. 55. Ibid., p. 159. 56. Ibid., p. 162. 57. See “Izabrana Vlada Srbije”, B 92, 16 May 2007.http://www.b92.net/info/vesti/index.php? dd=15&mm=5&yyyy=2007 (accessed on 9 April 2008). 58. Here we refer not only to the DSS’ pact with the Socialists in the aftermath of the 2003 parliamentary elections. We refer equally to an inconspicuous lack of Socialist support for Nikolic in the second round of the 2008 elections. According to the Serbian press (reporting on the statements made by DS representatives) inclusion of the SPS in the government would be

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possible theoretically in the future under the condition that they are fully accepted by the international community (i.e. in the case of the SPS managing to enter the Socialist International as implied by certain DS officials) See “ŠUT-KARTA ZA G17?!”, Press online, 14 January 2008. http://www.pressonline.co.yu/vest.jsp? id=27694§ionId=29 (accessed on 9 April 2008). The SPS failed to support the Radical candidate, partially because of the fear of being ‘eaten up’ by the larger party; but more likely because of a alleged promised alliance with the democrats 59. Orlovic (Slavisa), “Jedan na Jedan”, Politika, 28 January 2008. 60. See “Svilanović: Bilo bi politički časno da Koštunica podnese ostavku”, Blic online, 3 Feburary 2008. http://www.blic.co.yu/politika.php?id=29148 (accessed on 4 April 2008). 61. For example, the political system of Serbia’s northern neighbour Hungary, despite a number of government turnovers since 1990, arguably experiences an essentially blocked political system offering no space for compromise or alternative political course. George Schöpflin characterises the Hungarian system as “cold civil war”. See Schöpflin (George), “Hungary's cold civil war”, Open Democracy, 14 November 2006. http://www.opendemocracy.net/democracy-protest/ hungary_civil_4093.jsp (accessed on 7 April 2008). 62. Petrović (M. R.), “Ucenjivački potencijal socijalista”, Politika, 8 April 2008. http:// www.politika.co.yu/rubrike/Politika/Ucenjivachki-potencijal-socijalista.lt.html (accessed on 8 April 2008).

ABSTRACTS

Through an overview of the relationship between the ruling democratic parties, the international community, and the Radicals, this paper will attempt to answer the question of whether the cost of this “blocked political system” (i.e. immobile democracy) is higher than the continuous exclusion of the SRS from power. In this way, the paper will touch upon some fundamental dilemmas of political theory such as the toleration of the intolerant and the role of the international factor in the democratisation process of a country. Moreover, a short overview of the theories of democratisation will be used to define the “blocked political system” phenomenon. The methodological approach of this paper draws on an analysis of a general theory of democratisation, and a politico-historical analysis of Serbia from 2000-2008.

Grâce à une vue d'ensemble de la relation entre les partis démocratiques gouvernants, la communauté internationale, et les Radicaux, cet article tente de répondre à la question de savoir si le coût du blocage du système politique (c'est-à-dire la démocratie immobile) est plus élevé que la poursuite de l'exclusion du SRS du pouvoir. De cette manière, l'article abordera certains des dilemmes fondamentaux de la théorie politique, tels que la tolérance de l'intolérance et le rôle du facteur international dans le processus de démocratisation d'un pays. En outre, un bref aperçu des théories de la démocratisation sera utilisé pour définir le phénomène du "système politique bloqué". L'approche méthodologique de cette étude s'appuie sur l'analyse d'une théorie générale de la démocratisation et d'une analyse politico-historique de la Serbie entre 2000 et 2008.

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INDEX

Geographical index: Serbie Mots-clés: Partis politiques, Parti radical serbe, Elections

AUTHOR

SRDJAN CVIJIC External Advisor on the Western Balkans, European Policy Center ([email protected])and Policy Officer on EU Affairs, The Association of the Local Democracy Agencies [email protected]

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Serbia’s parties on the mend? That state of intra-party democracy in before and after regime change

Marlene Spoerri

1 Almost a century after political parties’ devolution into oligarchy was declared inevitable, rosy portrayals of political parties’ democratic attributes remain few and far between. In old and new democracies alike, political parties are widely regarded as corrupt and opaque organizations, rarely practicing what they preach.1 Perhaps for this very reason, the past two decades have witnessed renewed interest in the inner workings of political parties. Unwilling to accept the deterministic theses offered by Ostrogorski, Michels and others, scholars have sought to explore the dimensions and prospects of intra-party democracy. According to some, intra-party democracy is not only desirable, it is possible. Proponents argue that not only are internally democratic parties more likely to select capable leaders, but that they are better positioned to achieve electoral success. In new democracies where public confidence in the political system tends to be low, intra-party democracy is thought to add much needed legitimacy to the democratic process, as well as to encourage an otherwise apathetic citizenry to take greater part in politics. Building on such claims, this paper examines the state of intra-party democracy in one new democracy, that of Serbia.

2 Since the onset of multiparty politics in 1990, political parties have been both a promoter of and a hindrance to what little political progress has been made in post- communist Serbia. Many believe that a lack of intra-party democracy is at least partly to blame. Some have even gone so far as to assert that parties’ democratic deficits have compromised the country’s democratic trajectory.2 Certainly there is widespread agreement that during the period under Slobodan Milosevic’s semi-authoritarian rule, parties on either side of the political spectrum were prone to oligarchy, if not outright autarchy. Not only were they highly centralized and prone to exclusivity, but in many cases party leaders’ authoritarian tendencies ostracized the very individuals upon whom their support was meant to rest, a phenomenon which undoubtedly hurt rather than helped Serbia’s democratic opposition. Yet the very same parties who suffered so

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blatantly from democratic deficits in the 1990s lay at the forefront of Serbia’s democratic transition in October 2000, paving the way towards regime change and overseeing the process of democratization which followed. Has the onset of democracy in Serbia facilitated the democratization of the country’s main political parties? By most accounts, the answer is no. Robert Michels’ ‘iron law of oligarchy’ thus appears all too relevant in a Serbian context. This paper seeks to understand whether and to what extent this remains the case in a post-Milosevic context. Have Serbia’s political parties evolved organizationally since the early 1990s? Are parties’ organizational structures uniformly undemocratic or do differences exist with respect to different parties? To answer these questions this paper relies on domestic media coverage, interview with party members, as well as party statutes. Before delving into the specifics of Serbia’s political parties, the case for (and against) intra-party democracy is laid forth.

Intra-party Democracy

3 Studies of intra-party democracy explore how political parties govern themselves. This includes how parties reach the decisions they make, what steps they take to ensure that those decisions are in tune with the will of their membership, and the lengths to which they go to protect the rights of members who do not share the majority opinion. More specifically, intra-party democracy, also known as internal party democracy, refers to those mechanisms that make parties’ governance processes more inclusive and more representative of the party membership in its entirety. Studies of intra-party democracy focus on one or more of the following three dimensions of party organization: inclusiveness, referring to how extensive or representative the group of party decision-makers is; centralization, or how often decisions are made by only a single body3; and institutionalization, pertaining to how formalized the procedures of governance are.4 An internally democratic party is likely to boast governance methods which are inclusive, at least partially though not necessarily wholly decentralized, and institutionalized. By contrast, parties that suffer democratic deficiencies tend towards exclusivity (with a limited, unrepresentative set of party members holding decision- making powers), go to extremes in either centralization or decentralization (to such a degree that the final outcome does not reflect the will of the general party membership), and/or tend to be poorly institutionalized (although the opposite may also be true, as rules of exclusivity may be firmly in place).

4 Exploring how political parties govern themselves is invariably a complex, if not daunting task. Given the multiplicity of methods and mechanisms whereby parties seek to democratize such processes, providing an exhaustive illustration of the state of intraparty democracy is no doubt impossible. This analysis therefore limits itself to the three most significant sets of choices parties can make when crafting their organizational structures and practices. These include choices pertaining to: selection, or how parties decide on which policies to uphold, candidates to recruit, or leaders to support; accountability, meaning how parties ensure that the individuals and policies selected remain responsive to the will of the party membership; and tolerance, referring to how parties respond to competing perspectives or opinions from within party ranks. Though the vast majority of scholarly research focuses on selection procedures, mechanisms to ensure accountability and tolerance within political parties are arguably no less central to internal party democracy. After all, a party which boasts

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inclusive selection procedures but has not institutionalized the means by which to hold the selected accountable to the party membership cannot be said to be fully democratic, nor can a party which allows for inclusive internal suffrage but denies members the right to express their dissent in an organized fashion. The following pages examine the range of choices Serbia’s political parties have made with respect to methods of selection, accountability, and tolerance. Each of these is assessed in light of the three dimensions of intra-party democracy (inclusivity, decentralization, and institutionalization) discussed above.

5 Bille writes that “it is common in politics for the written rules to be one thing, while the practice actually adopted when decisions are made and implemented is quite another.”5 As such, this paper relies not only on party statutes but also first-hand interviews with party members and domestic media reports, both of which help to elucidate the state of intra-party democracy in practice. Still, it would be foolish to overstate the accuracy of even the most thorough of such analyses. Reliable empirical data is often hard to come by given the wealth of unofficial and more importantly untraceable channels at party leaders’ disposal. In this respect, what Gallagher and Marsh call the ‘secret garden’ of politics extends far beyond candidate selection alone.6 Indeed, for all of scholars’ attempts to shine light on the subject, internal party politics remains shrouded in mystery.

Intra-party Democracy: Why it Matters

6 In spite of the limitations confronting the study of intraparty democracy, scholars continue to devote serious attention to it. This is because advocates argue that intraparty democracy matters, not only for parties themselves but also for the larger democratic process. Arguments for intra-party democracy stem from these two separate modes of logic, one instrumental and the other normative in nature. As pertains to the latter, authors such as Bille argue that how parties govern themselves internally has a direct bearing on the larger democratic process. As he explains, “It is hard to understand how a regime can be classified as democratic if the political parties have an organizational structure that leaves no room for citizens to participate and have influence. The decision-making process within the parties, that is, the degree of internal party democracy becomes an interesting and even crucial issue for analysis.”7 For parties to facilitate, rather than hinder, the democratic process, they must therefore practice what they preach. A similar argument is put forward by Augustine Titani Magolowondo, who writes that internal party democracy is one of a handful of institutional guarantees that parties must “fulfill if they [a]re to effectively meet what is expected of them in a democracy.”8 Such normative lines of argumentation derive from the conviction that in drawing their members into the fold of the decision-making process, the distance between the elector and the elected is narrowed, and the legitimacy of the democratic process thereby enhanced.

7 A second line of defense of intra-party democracy pertains to its instrumental value. Unlike an oligarchic party, in which decisions regarding policy and candidates are made by a small elite or even a single individual, democratic parties incorporate their members into the decision-making process. Not only do they have a say in who represents them, but methods of accountability ensure that members also have a say in how they are governed. Should they disagree with their representatives or fellow

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members, they are free to voice such disagreements as they see fit. Members of democratic parties thus have a stake in both the policies that their parties’ promote and the candidates who represent them. This, in turn, awards political parties a competitive edge. This includes party leaders and candidates who are thoroughly vetted and widely admired, policies and platforms that reflect the needs and interests of the party’s membership, and a large, dependable pool of human and financial resources with which to launch electoral campaigns. Writes Susan Scarrow, “…parties using internally democratic procedures are likely to select more capable and appealing leaders, to have more responsive policies, and, as a result, to enjoy greater electoral success.”9 Yet not everyone is equally convinced.

8 Critics of intra-party democracy tend to fall into one of three camps: those who think it is impossible to achieve, those who believe it is undesirable, and finally, those who warn that it is ultimately harmful. Members of this first camp include two of the subject’s founders: Michels and Ostrogorski. Both were stark critics of parties’ ‘oligarchic’ tendencies but found the pursuit of internal party democracy to be destined for failure. Hence Michels’ unsettling conclusion “that this cruel game will continue without end.”10 Whereas the first camp desires intra-party democracy but questions its feasibility, the second questions its very desirability. To this group of skeptics belong veritable party experts such as Schattschneider and Sartori, both of whom argue that intra-party democracy is irrelevant to the larger pursuit of democracy. For Schattschneider the implementation of intra-party democracy would be as self- defeating as would an employer’s wish to meet the demands of the employee at the expense of the consumer. Democracy, after all, exists between, not within, political parties. Members of the third camp go one step further. Critics such as Duverger and McKenzie argue that intra-party democracy threatens to make parties more vulnerable to internal strife, decreasing their efficiency and unity, and undermining their electoral competitiveness. In the words of Duverger, “Democratic principles demand that leadership at all levels be elective, that it be frequently renewed, collective in character, weak in authority. Organized in this fashion, a party is not well armed for the struggles of politics.”11 The critique offered by May differs in its origins, but is no less damning. According to May’s law of curvilinear disparity, parties that follow the will of their staunchest supports do so at their own peril.12 For May, party activists are partisan ideologues who seek to tilt the party to one polar extreme or another, the ultimate effect of which is the disenchantment of the average voter and a reduction of the party’s overall competiveness. For this latter group of critics, intra-party democracy is not merely unfeasible or undesirable, it poses an outright danger to political parties.

Intra-party Democracy: Why it is Necessary in Serbia

9 Undoubtedly, the aforementioned arguments pose significant questions for advocates of intra-party democracy and deserve ample consideration. Yet for all their value, they are unpersuasive when applied to the subject of new democracies, where the issue is less about establishing intra-party democracy as such and more about the democratization of parties’ governance processes. Indeed, if the major parties of Western Europe and North America are said to be oligarchies, than those of Eastern Europe and the former Soviet Union tend towards autocracy. Writing in 1995 Kopecky

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predicted that the organizational form most likely to emerge in post-communist Europe would be one in which members played only subsidiary roles and leaders were dominant.13 The work of van Biezen has confirmed these predictions. 14 Throughout much of the post-communist world, parties are little more than personalized vehicles of self-aggrandizement, bearing scant identity apart from that which their leader bestows. In such an atmosphere, even basic measures to widen the circle of decision- makers and expose party leaders to minimal oversight—while certainly falling short of the vision of internal democracy sketched above—would be a vast improvement. This is because new democracies, particularly those to emerge from the ashes of communism, suffer from the very same problems efforts to democratize party life help remedy.

10 To say that citizens of post-communist Europe have been disillusioned by post- communist politics is to state the obvious. Distrust of political parties runs high, as does dissatisfaction with democracy.15 By almost any measure, whether one looks at the level of voter turnout, the strength of party membership, the degree of party identification, or the stability of voting patterns, support for party systems in the post- communist world is lacking. Serbia is certainly no exception in this regards.

11 In a 2005 study conducted by the Center for Free Elections and Democracy (CESID), 63 percent of respondents declared themselves to have no trust in political parties.16 An even higher number—65 percent—expressed no trust in executive authority. While a majority of those polled (57 percent) stated that they could identify with at least one party in Serbia, 43 percent could not. A 2006 opinion poll conducted by the International Republican Institute found similarly worrisome results. When asked about corruption in Serbia’s parliament, almost 70 percent of respondents answered that the “majority of” or a “considerable number of” MPs were corrupt.17 Less than one in four respondents believed that corruption was confined to “only a small number of individual cases”. Dissatisfaction with the status quo has led some in Serbia to question the very desirability of democracy. Although the CESID study found that 42 percent of respondents favored democracy to other forms of government, 20 percent stated that non-democracies were better in some cases, and 14 percent answered that non- democracies and democracies were equal. There can be little doubt that lingering suspicions of their political representatives deserve at least part of the blame for such sentiments.

12 According to Zsolt Enyedi “Most scholars suspect that behind the generally low level of popularity of party politics stand the weak linkages between parties and social groups. 18 Intra-party democracy has the potential to help parties address these issues. On the one hand, greater internal democracy means greater transparency and accountability, both of which serve to bolster parties’ democratic credentials and add to their legitimacy. On the other hand, stronger links between party leaders and members may encourage an otherwise apathetic citizenry to partake in the democratic process. This in turn might facilitate the stabilization of partisan attachments, ultimately reducing electoral volatility and strengthening voter loyalty.19 Given the prospect that the democratization of parties’ internal governance processes may positively contribute to Serbs’ confidence in their party system, identifying existing democratic deficits is vital. The upcoming section does precisely this by laying out the state of internal party democracy in Serbia today. This is followed by a comparative analysis sketching the differences and similarities between political parties before and after regime change in

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an effort to understand how Serbia’s parties have responded organizationally to the onset of their country’s democratic transition.

The State of Intra-party Democracy Today

13 Serbia’s first post-communist elections were held in December 1990. By that time, dozens of political parties had already sprung into action, most boasting no more than a handful of members. Over the course of the next two decades hundreds of political parties would be registered throughout Serbia, the vast majority of which would never make it into parliament. Of the parties that did, the following seven were arguably most important and will be the focus of this analysis: the Democratic Party (DS), the Democratic Party of Serbia (DSS), the G17 Plus, the Liberal Democracy Party (LDP), the Serbian Renewal Movement (SPO), the Serbian Radical Party (SRS), and the Socialist Party of Serbia (SPS). The differences between these parties were and remain extreme. While in the 1990s the SPS boasted unlimited access to state media, parties such as the DSS and SPO went virtually ignored. Whereas the SRS remains an ongoing proponent of a Greater Serbia, the LDP calls for full cooperation with the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia and has demanded that Serbia recognize the independence of Kosovo. Yet for all their differences, the parties which emerged in the aftermath of communism continue to share much in common, particularly when it comes to their internal make-up. This section provides an overview of the state of intra-party democracy today, beginning with a brief introduction to parties’ basic organizational structures.

14 Like their counterparts in Western Europe, Serbia’s parties are each composed of a number of party organs that oversee party life, the most important of which are the party assembly (also known as the congress), the main board, the presidency, and the executive board.20 In addition, specific party functionaries—the party president in particular—take on considerable (one might argue, excessive) authority and thus assume as organ-like status in their own right. Understanding how party authority is shared between each of these organs is the first step in uncovering the state of intra- party democracy in Serbia.

15 The party congress is the largest organ of the party, ranging from some six hundred members (DSS) to three thousand (SRS). Meeting once every two to four years, it is in the party congress that party platforms are approved, statutes are ratified, and party leaders are elected. In practice however, congress’ functions are ceremonial. Its true authority lies in the rubberstamp with the ratification of key party documents and leadership positions following little, if any, deliberation. By contrast, the main board is smaller in size but boasts greater responsibilities. In almost all parties, this includes the task of establishing party politics and approving party strategy, including whether to enter republican-level coalitions with political adversaries. In some parties (the G17 Plus and SPS in particular), the main board enjoys truly significant prerogatives. For the SPS this includes the right to propose and confirm who in the party will serve as a member of parliament (MP). Yet such institutional arrangements are the exception rather than the rule. In most cases, the powers of the main board pale in comparison to those of the party president and presidency, who are often responsible for the formulation of party policy and strategy, as well as the proposal of party candidates and high functionaries. In general, it is the party president and his or her inner circle

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that is responsible for crafting party positions on pressing issues, with other party organs signing off on their decisions. Finally, the power of the executive organ tends to focus on oversight of local party work, including appointment of local party leaders as well as their dismissal. The following pages provide further clarification of the implications of such institutional arrangements for the state of intra-party democracy in Serbia today.

1. Selection Procedures

16 To understand the level of intra-party democracy in Serbia, it is necessary to examine the choices parties make with respect to: leadership selection, candidate selection, and policy selection. The following pages explore the lengths to which Serbia’s political parties go to incorporate their members into each of these processes.

Selecting Party Leaders

17 Political parties in new democracies are often dominated by strong leaders and Serbia has proven to be no exception in this regard.21 In Serbia, party presidents play a central role in virtually all of the most meaningful decisions parties make. It is not uncommon, for example, for party presidents to be tasked with filling the most important positions within their parties, as well as dictating the work party organs conduct.22 In some instances, parties themselves have little identity save in terms of their presidents, hence the fact that most major parties in Serbia have never experienced a change in leadership. The means by which parties determine who their leaders are is thus one of the more important aspects of a party’s organizational life.

18 Table 1 provides an overview of parties’ leader selection processes as pertain to the election of party presidents. Perhaps the most telling conclusion that can be drawn from the table is just how few parties clearly delineate the process of leader selection. Indeed, one of the foremost problems afflicting the process is a lack of institutionalization. Under-institutionalization manifests itself in two respects: rules are either unspecified in party statutes or they are disobeyed in practice. As pertains to the former, part statutes are often unclear about who has the capacity to nominate a party leader and how such a nomination may be initiated.

19 Where party rules are explicitly stated, they are often violated in practice. A prime example of this is the rule of secret ballot. While all party statutes stipulate that party leaders are to be elected by secret ballot, the actual secrecy of such ballots is questionable. The SRS statute, for example, states that party presidents will normally be elected by secret ballot, and only in exceptional cases is election by public acclamation acceptable.23 In practice, it is the latter which is the norm and the former the exception as the SRS president is almost invariably elected by public acclamation in the SRS assembly. More worrisome is the DS, whose statute states that voting will be conducted exclusively by secret ballot. However, the DS’s 2004 assembly meeting caused a stir when major violations of the electoral process were leaked to the press.24 It was alleged by the DS President of the Electoral Committee, among others, that prior to their submission the ballots of assembly delegates from local municipalities were screened by municipal presidents. Suspicions were further aroused in 2006 when in the days preceding the assembly meeting documents were uncovered which revealed the precise outcome of the assembly’s decisions.

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Table 1: Leader Selection Procedures25

DS DSS G17 LDP SPO SPS SRS

Procedures for electing party presidents are implemented at the:

National level only - - - - X

National and Sub-national levels X X - - - -

Sub-national level only - - - -

Candidates for president are nominated by:

Electoral Committee - - - - - X

Main board - - - - -

Municipal Boards X- - - - -

Assembly - - - - -

All party members - - - - -

Presidents are elected by:

Electoral Committee

Main board

Assembly X X X X X X

All party members X

Presidents are elected by virtue of:

Public acclamation X

Secret ballot XXXXXXX

Leader Selection rules are:

Entirely undefined in statute

Unclearly stipulated in statute X X X X X

Clearly stipulated in statute but deviated from in practice X X

Clearly stipulated in statute and upheld in practice

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20 The DS affair shone the spotlight on some very unsettling practices. In 2006, the party responded by unveiling a dramatic step towards greater intra-party democracy: the introduction of the primary system. Beginning in 2010, DS presidents will be elected by all party members through a secret ballot system. This represents a major departure from standard practice. At present, elections of party presidents remain highly centralized affairs occurring at a single meeting on a national scale. This meeting point is of course the assembly.26 Although staging an election of a party president in an assembly allows for greater inclusivity than it would the main board or presidency it is still a far cry from a truly inclusive election procedure, which would include the party membership in its entirety. For the proponents of intra-party democracy, one can only hope that the DS is setting a trend which its rivals will follow in years to come.

Selecting Party Candidates

21 Of no less vital concern for proponents of intra-party democracy is the matter of candidate selection. In any representative democracy, one of political parties’ most important functions is that of recruiting individuals (i.e. candidates) who will run for office in their name.27 Table 2 provides an overview of MP selection methods. As can be seen, the process is inordinately centralized, exclusive and in contrast to leader selection processes, well institutionalized. There is little variation across the political spectrum in the process of MP selection, with the notable exception of the SPS. For most parties, the party president or presidency plays the central role by determining the potential pool of party MPs. It is thus this small party elite (in some cases, one individual) which draws up the list of MPs prior to an election. Although it is ultimately up to the main board to approve that list, they often do so with little deliberation. The SPS is the only true exception in this regards, in so far as its statute awards the party’s main board the right to propose the draft of MPs, in addition to the right to confirm them.

Table 2: Candidate Selection

DS DSS G17 LDP SPO SPS SRS

Process of MP selection conducted at:

National level only X X X X X X

Sub-national and National levels X

Sub-national level only

Electoral list of MPs proposed by:

President X X X X

Presidency X X X

Main board X

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Municipal boards X28 X29

Electoral list of MPs approved by:

President

Presidency X

Main board XXXXXXX

Assembly

Rules for candidate selection are:

Entirely undefined in party statute

Unclearly stipulated in party statute X

Clearly stipulated in party statute but deviated from in practice

Clearly stipulated in party statute and upheld in practice X X X XXX

22 Serbia’s parties are not bound by law to respect the MP list presented to voters on Election Day. Thus, once the votes are tallied and the number of mandates assigned, parties are free to pick and choose amongst their members as they see fit. In some cases (for example, the SPS), party statutes explicitly state that the final list of MPs may deviate from the electoral list. Few parties are explicit however in how mandates will ultimately be awarded. The DSS is an exception here, in so far as its statute states that the electoral list must be respected.

Selecting Party Policy

23 Another crucial aspect of intra-party democracy concerns the processes through which policy positions are crafted and selected. In more inclusive parties the rank and file is actively engaged at each step of the policy making process. Understanding who contributes to this process is central to uncovering the state of intra-party democracy in Serbia today. As Table 3 illustrates, the process of policy selection in Serbia is a top- down affair that suffers from a lack of institutional clarity. Although party statutes leave much to be desired with respect to clarity, it is evident that policy positions are crafted by the president and presidency and require the approval of the main board. Local municipal boards have little say in the process outside of their representatives’ membership in these organs.

Table 3: Policy Selection

DS DSS G17 LDP SPO SPS SRS

Policymaking processes incorporate the viewpoints of:

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National organs only XXXXXXX

National and Sub-national organs

Sub-national organs only

Initial proposals for policy positions incorporate the viewpoints of:

President X X X X

Presidency XXXX X

Policy deliberation committee X X X X X X

Main board X

Assembly X

All party members

Policy positions approved by:

President X X

Presidency

Policy deliberation committee

Main board XX X X X X

Assembly

All party members

Rules for determining policy positions are:

Entirely undefined

Unclearly stipulated XX X X X X

Clearly stipulated in party documents but deviated from in practice

Clearly stipulated in party documents and upheld in X practice

24 The precise actors involved in the formulation of policy positions vary per party. Although the president or presidency are invariably most determinative, in most cases parties have established specific advisory councils who play a role in formulating party positions. The precise composition (i.e. inclusivity) of these councils varies per party. The parties boasting the most inclusive of such councils are the LDP, SPO and SPS, each

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of which incorporates both party members and non-party members. The LDP’s statute even makes explicit mention of nongovernmental organizations.30 Other parties have taken a more exclusive approach by demanding that members of policy advisory councils also be members of the party. Unfortunately, the precise magnitude of these councils’ decision-making powers is generally left unspecified in party statutes. Only in the DSS and DS are such councils awarded the status of party organ. In other parties, they are assigned only advisory powers and their decisions can thus be assumed to carry little weight. Nowhere do statutes stipulate that the proposals of the advisory board must be included in policy proposals, nor do they demand that these proposals be so much as considered by the main board. It is thus unclear to what effect they may be.

2. Accountability

25 All forms of representative democracy involve a trade-off between those who govern and those who are governed.31 In the modern state citizens award impressive powers to political parties in exchange for guarantees of political accountability. According to the proponents of intra-party democracy, the authority of political party leaders should rest on a similar trade-off. Mechanisms must therefore exist through which party leaders can be held accountable to the party membership. This means, among other things, that: internal elections are free and fair; rules for the removal of party leaders are clearly codified; internal checks and balances exist and are fully functional and; key leadership positions are assigned fixed term limits. Serbia’s political parties fail in each of these respects.

26 As was previously discussed, internal party elections in Serbia are neither free nor fair. In most cases, the rules of electoral conduct are either unwritten or violated to such an extreme that their democratic character is jeopardized. This paper has argued that the under-institutionalization of the electoral process is in large part to blame. However, fraudulent elections are not the only respect in which Serbia’s political parties fail to live up to the norms of democratic accountability. As Table 4 illustrates, the process of removing party leaders is no less problematic. As is the case with election procedures, rules governing the removal of party presidents are often left undefined in party statutes. Thus for the SPS and DSS, allrules pertaining to leader removal are conveniently absent, while for the G17 Plus and LDP they are only partially so. For both of these parties, while their assemblies are tasked with the power to remove party presidents, how such a procedure might be initiated is left unclear.

27 This is rectified in the cases of the DS, SPO, and SRS, where the rules for the removal of party presidents are clearly laid out in party statutes. However, almost two decades of multiparty politics suggests that such rules are rarely, if ever, upheld in practice. After all, not a single leader of any one of these parties has ever faced so much as a single vote of no confidence. Thus, despite the fact that he has been confined to a prison cell in the Netherlands for the past five years, the authority of Vojislav Seselj—President of the SRS—has yet to be called into question. Similarly, despite having been defeated in presidential elections on five separate occasions, the position of Vuk Draskovic as SPO party president remains firmly intact. Such facts suggest that even where procedural rules exist, they have few practical implications for the accountability process.

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Table 4: Accountability

DS DSS G17 LDP SPO SPS SRS

The process of removing a party president occurs at:

National level only X X - X -

National and Sub-national levels - X - X

Sub-national level only - -

Procedures to remove a party president be may initiated by:

Presidency - - - -

Main board X---X-X

Municipal boards - - X - X

Assembly X - - -

Referendum (i.e. all party members) - - -

Final authority to remove a party president

Presidency -

Main board -

Municipal boards -

Assembly XXXXX-X

Referendum (i.e. all party members) -

Rules for removing a party president are:

Entirely undefined in party documents X

Unclearly stipulated in party documents X X X

Clearly stipulated in party documents but deviated from in X X X practice

Clearly stipulated in party documents and upheld in practice

28 Perhaps the most worrisome of political parties’ democratic deficits is the absence of functional checks and balances. Even when rules regulating the means for their removal exist, the powers of party presidents go virtually unrestrained. Much of the

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problem lies in the extensive freedoms party presidents are awarded with respect to the appointment or so-called ‘recommendation’ of top party functionaries. In the G17 Plus, for example, the president has the right to propose up to 60 permanent members of the main board.32 In the DSS the prerogatives of the president stretch even further; he or she is charged with nominating all members of the presidency (including all the party’s vice presidents), up to 24 members of the main board, three members of the party’s monitoring board, as well as all members of the party’s disciplinary commission.33 No less impressive are the powers of the SPO president who nominates members of the presidency34, the party’s general secretary and director, the president of executive board, as well as the party’s vice president. In the LDP, the party president has the right to nominate an unlimited number of members to be co-opted by the party’s main board.35 In addition, he or she may recommend members of the presidency, the secretary of the party, as well as the secretary of the presidency.36 In the case of the DS, the party president is charged with selecting candidates for deputy president, vice president, members of the presidency, president of the executive board, secretary and director of the party, secretary of the presidency, and members of the political council.37 The powers of the SRS president are no doubt most impressive. He or she can suggest candidates for the deputy president, main board, statutory commission, monitoring board, presidency, secretary general, vice presidents of main board, ten members of the executive board, and state functionaries.38 Even for the SPS, which boasts the weakest party president, members of the presidency are elected at the suggestion of the party president.39 Although presidential prerogatives are generally limited to the power of nomination rather than appointment, in practical terms it is the party president who is responsible for filling the most significant leadership functions within the party. As a consequence, they are often able to install loyal party members who are unlikely to question, let alone threaten, their authority. This phenomenon strengthens party leaders’ positions horizontally and ultimately undermines any notion of checks and balances within the party.

29 The poor record of accountability in Serbia’s political parties is further exacerbated by the lack of presidential term limits. No statute in Serbia stipulates a given number of years or terms after which a party president must step down. Thus, three of the eight parties under review have never experienced a change in leadership. This means, among other things, that Vojislav Kostunica, the president of DSS, has maintained his position for 16 years, while Vojislav Seselj has been SRS president for 17 years, and Vuk Draskovic the president of the SPO for 18 years. Having the possibility to be ‘leader for life’ does little to encourage leaders to accommodate other (popular) personalities in their party. Such individuals, no matter how qualified, are likely to be seen as potential competitors, and thus edged out of party life. A prime example of this occurred in 2004, when an up-and-coming member of DSS, Zoran Drakulic, rescinded his membership to the party. Over the course of just a few months time, Drakulic had gained a reputation as an active reformer seeking to change his party from within. Although his message had ample supporters—he outperformed the rest of his party in city-wide elections held that year—Drakulic’s success stood to “endanger the internal equilibrium inside DSS and, unavoidably, called the existence of the steadfast party leader [Kostunica] into question.”40 After learning that, despite Kostunica’s personal assurance to the contrary, he would not be nominated as the party’s vice president, Drakulic gave up his membership to the DSS and took an early exit from politics. When potential alternatives to party presidents are pushed out of party life in this fashion, the entire

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discussion of accountability becomes purely academic. After all, if party presidents can rest assured that rivals do not exist within their midst, they have little reason to fear for their removal.

3. Tolerance

30 One of the basic principles of intra-party democracy concerns the right of party members to voice their opinions openly and without fear of reprisal. Ideally, it also means that members have the right to organize on the basis of those opinions, even to form factions if they so desire. Table 5 examines the extent to which Serbia’s parties tolerate internal dissent.

Table 5: Tolerance

DS DSS G17 LDP SPO SPS SRS

Party members whose opinions differ from the majority:

Have a right to express such opinions within the confines of X-XX-X- the party

Face expulsion for expressing such opinions publicly X - X -XX41

Have a right to express such opinions publicly - - - X - - -

Are permitted to organize on the basis of such opinions - - - - - X -

Have a right to form factions ------

Members of parliament are:

Required to sign an agreement with the party stipulating --X---- their rights and duties

Required to vote in accordance with decisions made by the XXXXXXX party organs

MPs are allowed to vote in parliament contrary to the ------majority decision of the party

Rules establishing the freedom of opinion of party members and MPs are:

Entirely undefined in party documents X X X

Unclearly stipulated in party documents X X X

Clearly stipulated in party documents but deviated from in practice

Clearly stipulated in party documents and upheld in X practice

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31 As can be seen, Serbia’s parties fall into one of two groups: those whose statutes are (at least partially) explicit with regards to members’ freedom of opinion, and those who are entirely silent. To the former category belong the DS, G17 Plus, LDP, and SPS and to the latter, DSS, SPO, and SRS. In contrast to the former, the latter group’s statutes concentrate solely on membership duties, in particular members’ commitment to upholding party policies and programs. While the DSS statute makes no mention of members’ rights to independent opinion, for example, it explicitly states that membership will be revoked as a consequence of the failure to abide by the party’s decisions.42 One can only assume from this that tolerance for internal dissent in these parties is low.

32 By contrast the statutes of the DS, G17 Plus, LDP and SPS are more forthright with regards to the limits of their tolerance. While each of these parties permits its members to express their opinions in the confines of the party, only the LDP goes so far as to allow them to speak freely in public.43 Arguably, however, the most liberal political party when it comes to internal dissent is the SPS which, like all parties in Serbia, does not permit factions but does allow members to form groups on the basis of their divergent opinions, as doing so “contributes to internal party democracy”.44 Although it is unclear on how a faction may be distinguished from a group, explicitly protecting members’ rights to organize on the basis of minority opinions is quite unprecedented in Serbia.

33 Statutes aside, parties’ failure to tolerate differences of opinion is well known. Although the SPS is the only party to state this explicitly, all parties in Serbia forbid the formation of factions. In many respects, however, their intolerance goes far beyond this. Although in theory most parties respect differences of opinion amongst their membership, in practice, individuals who are particularly vocal or steadfast in adhering to a minority opinion are unlikely to have a future in their party. This was most recently exhibited with the departure of Maja Gojkovic, the popular mayor of Novi Sad, from the SRS. But it is also visible in other parties, including the G17 plus and DS. A 2006 rift amongst members of the G17 Plus concerning the party’s decision to support the government despite its failure to apprehend Ratko Mladic ended in the ouster of those party members who had supported the losing side (in this case, this included the party’s then-president, Miroljub Labus). In December 2004 the DS revoked the membership of Cedomir Jovanovic and his supporters after they attempted to form a liberal democratic faction within the party. Parties’ inability to accommodate competing perspectives within their midst is in fact a leading reason that so many members go on to form their own parties. The DS, for example, in addition to spawning the DSS and LDP, also accounted for formation of the Serbian Liberal Party and Democratic Center. The incessant formation of spin-offs compromises the stability of Serbia’s party system and calls the democratic legitimacy of many parties into question.

34 The section has demonstrated that with respect to the areas of selection, accountability, and tolerance, Serbia’s parties are largely centralized, exclusive and under-institutionalized. Parties are centralized in so far as their decision-making processes are often conducted in a single party organ on a national level. Local branches rarely have much, if any, say as to how their parties are run. Serbia’s parties are exclusive to the extent that average party members have little access to the levers of the decision-making power and are rarely asked to contribute to the decisions their

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parties’ makes. Finally, it had also been shown that Serbia’s parties are under- institutionalized in so far as the rules governing governance processes are either poorly elucidated or violated in practice.

35 Clearly, the state of intra-party democracy in Serbia leaves much to be desired. This verdict applies to all major parties in Serbia, irrespective of ideology or size. Thus the LDP, which holds just 13 seats in parliament and espouses libertarian ideals, shows little sign of being substantially more democratic than the SRS, which boasts 78 seats in parliament and advocates a nationalist ideology. By contrast the SPS—no less nationalistic than the SRS but significantly less successful (it has just 12 seats in parliament)—is not less democratic than the DS, the self-proclaimed leader of Serbia’s bid for EU membership. While slight variations no doubt exist with respect to specific dimensions of internal governance—the SPS and LDP, for example, being slightly more tolerate of internal dissent, the G17 Plus and the SPS boasting somewhat weaker presidents, and the DS employing what will soon be the most inclusive leader election process—such differences are the exception not the rule. There is little evidence to suggest that any party in Serbia so much as resembles an internally democratic party.

36 That said, an analysis which concentrates solely on the current failings of intra-party democracy says little about the direction in which Serbia’s parties are headed. Without understanding how parties’ organizational practices have evolved since their founding, we can say little about the prospect for further reform. Nor can we gauge the degree to which the onset of democracy in Serbia has impacted upon parties’ organizational development. The following section therefore offers a comparative perspective on the state of intra-party democracy before and after regime change.

A Comparative Perspective

37 By now it has become clear that political parties in Serbia suffer from enormous democratic deficits. Their governance processes are centralized, exclusive, and under- institutionalized. Today’s parties are, without exception, internally undemocratic. Yet this assessment is not without its share of caveats. To say that Serbia’s parties are entirely oligarchic, even autarchic, would be an overstatement. Certainly there are faint indications that Serbia’s parties do indeed see the need to democratize at least some aspects of their organizational life. Hence the DS’s decision to introduce a primary voting system and the LDP’s explicit consent for party members to speak their minds’ publicly. But is there evidence to suggest that we are witnessing a gradual democratization of internal governance processes? Have parties become any more democratic or perhaps, less oligarchic, since the onset of democracy in Serbia?

38 Yes and no. In some respects Serbia’s parties are certainly better institutionalized and less centralized today than they were at the outset of multiparty politics in 1990. Yet there are also indications that Serbia’s parties are actually less democratic than they were almost two decades ago. To verify these seemingly contradictory trends, this section begins by examining the state of intra-party democracy in the 1990s.

39 Of the seven political parties examined in this study, all but two (the LDP and G17 Plus) can trace their roots to the years either immediately preceding or following Serbia’s first multiparty elections held in 1990. These parties’ most formative years were thus spent in the highly politicized environment of Milosevic’s Serbia.45 During this period, political parties were free to exist but did so amidst an onslaught of political, financial,

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and physical hurdles aimed at undermining their popular appeal. Serbia’s democratic opposition responded to such pressures by launching large-scale political protests engaging thousands of citizens for weeks and sometimes months at a time. For parties to launch such protests effectively, they relied on a personalized form of politics based on their leaders’ popular appeal and charisma. According to Vesna Pesic, a former party president herself and an avid critic of the wanton state of intra-party democracy today, the lack of intra-party democracy “…was understandable when the only goal was bringing down the Milosevic regime. It was not necessary to develop wider forms of internal democracy...”46 With their focus on hard-pressing issues such as coalition formation and regime change, party leaders struggled just to reach compromises amongst themselves, let alone their entire membership. The prospect of investing time and energy into the means and methods of intra-party democracy would likely have been unfathomable.

40 All the more surprising then that Serbia’s first party statutes awarded such limited powers to top party brass. The DS statute of 1990, for example, claimed its president’s sole prerogative was that of calling the main board into session.47 The powers of the DSS president were portrayed as similarly meager in the party’s first statute issued in 1992. Over the course of the following decade, however, party statutes awarded an ever greater array of powers to the position of party president. Thus by 1998 the DSS president formally had the right to coordinate party work, to propose candidates for the executive board and vice presidents, as well as to compose an electoral list of MPs. By 2001 he or she was also awarded the power to initiate a procedure of dismissal of the party presidency, council, and electoral board. Today, the president’s powers are even more impressive. The increasing concentration of power in the hands of party leaders would indicate that Serbia’s parties have becomes less, as opposed to more, democratic. Yet it also points to one of the major problems of studying intra-party democracy during this period; parties’ first statutes were essentially fluid documents that mimicked trends in parties’ development but did little to regulate them. Far more so than today, these documents were inexplicit with regards to even the most basic details of internal governance processes, such as the exact prerogatives of party organs or the manner in which elections were conducted. As such, a comparative analysis of intra- party democracy based on information obtained from party statutes is neither persuasive nor meaningful. A more helpful approach is to examine the evolution of parties as this occurred in practice. This comparison can occur across parties over time (i.e. the evolution of parties from 1990 -2000) as well as between them (i.e. parties formed before as compared to after regime change). The following pages begin with the former approach relying on each of the three aspects of intra-party democracy discussed above.

Selection Procedures

41 Selection procedures refer to the methods by which party leaders, candidates, and policy are chosen. This paper has demonstrated that such procedures are, with few exceptions, exclusive, centralized, and under-institutionalized. While improvements are notable with regards to the matter of institutionalization (these processes having been largely devoid of institutionalization in the 1990s), on the whole there has been little meaningful change over the course of the past two decades.

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42 If one looks, for example, at the process of leader selection one finds little evidence that such processes have changed for either the better or worse. Measuring levels of leadership turnover we see that of the five parties operational in the period between1990-2000 (DS, DSS, SPO, SPS, and SRS), just one experienced a change in leadership: the DS. By contrast, in the post-2000 period, three of our seven parties witnessed a change in leadership: the DS, G17 Plus and SPS. Yet of these, the death of a party leader prompted the transition in two of the three cases (Djindjic in the case of DS and Milosevic in the case of the SPS). Only the G17 Plus’ transition from Miroljub Labus to Mladjan Dinkic in 2006 is a legitimate instance of leadership turnover.

43 Measurements of levels of intra-party competition show equally scant evidence of organizational change. In the 1990s it was common for parties to rely on what Vladimir Goati calls ‘fictive’ opponents. Such individuals stood no chance of defeating sitting party presidents but their candidacy awarded the electoral process an air of legitimacy. A prime example of this phenomenon occurred in 1990 at the SPS’s first party assembly meeting. Slobodan Milosevic’s ‘opponent’, Radmila Andjelkovic, conducted no campaign in the run-up to elections and made no substantive case for her appointment. As a consequence, few were surprised when she received a mere 66 votes to Milosevic’s 1228.48 Yet since 2000, intra-party elections have become no more competitive. In some cases, parties continue to rely on fictive opponents, while in most they simply run as the sole candidate. The DSS’s Vojislav Kostunica, for example, has run unopposed for some 16 years.

44 Perhaps the only party in Serbia whose electoral process is truly competitive is that of the SPS. Following the death of Milosevic in 2006, the SPS underwent a period of profound turmoil, during which the party split into two large blocs, one pro-reform and the other anti-reform. Until the staging of presidential election in December 2006 it remained unclear which of these groups would prove victorious.49 The victory of Ivica Dacic—leader of the party’s pro-reformist wing—marked the first time in Serbia’s post- communist history that a major political party boasted truly competitive elections. Yet apart from this one example there is little reason to believe that electoral processes have truly democratized. Although the DS’s introduction of the primary system is certainly a major step in the right direction, it has yet to be implemented and its impact can therefore not yet be gauged.

45 As pertains to candidate and policy selection, a similar pattern is evident. While the rules governing such processes are no doubt better defined in contemporary statutes than they were a decade ago, they show little evidence of being either more inclusive or decentralized. The selection of MPs, for example, remains a thoroughly top-down affair in which average party members and local party branches simply have no say.

46 The evolution of policy selection has proven equally slow going. While the introduction of policy deliberation committees in the early 2000s adds some legitimacy to the process, it remains unclear how these committees actually contribute to the policy- making process. One might even argue that the process has become less inclusive, as NGOs continue to play an ever marginal role in the formulation of party policy. In the late 1990s, non-profits like the G17 (which later spun-off into the G17 Plus) and OTPOR played active roles in the policy-making process. After 2000 however, such relationships cooled, in some cases approaching outright hostility. Except in the case of the LDP, NGOs currently play no formalized role in either the crafting or selection of policy. The process has thus become less inclusive in this respect.

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Accountability

47 Accountability is perhaps where parties fail most flagrantly. Today, as in years passed, the means and methods for ensuring that party leaders stay in check are few and far between. Although some parties have added clauses to their statues which roughly delineate how a party leader might be removed, no major party in Serbia—either in the 1990s or in the years that followed—has ever launched a procedure of no confidence, despite that the 2000s have only offered members more reason to seek the ouster of their leaders. Over the past five years, Vuk Draskovic has overseen his party’s decline from prominence and Vojislav Seselj has been indicted for war crimes. Such phenomena would seem to offer ample pause for party members. Apparently however, they do not. This suggests that greater institutionalization aside, Serbia’s parties are no more or less democratic with regards to standards of accountability than they were in the 1990s.

Tolerance

48 On the matter of tolerance equally somber conclusions may be drawn. No doubt, in many instances recent party statutes have drawn greater focus on the rights of party members, particularly as concerns free speech. Parties such as the LDP and SPS are noteworthy for the (comparatively) broad liberties they assign their members. Arguably the most truly democratic party in this regards in the SPS. As a result of an almost 50:50 split within the party, it has been forced to accommodate competing visions within its ranks. More than any other party, the SPS has proved adept at addressing competing interests and perspectives without forcing its (admittedly large) minority to branch off in new directions.

49 One might argue that growing tolerance is responsible for the decline in party fragmentation since 2000. During the 1990s, minority groups were incessantly branching off from mother-parties to launching rival organizations. The DS, for example was directly responsible for having spawned three separate parties during this period. Thus, in 1991 DS members formed the Serbian Liberal Party in protest of the DS’s decision to partake in national elections. In 1992 Vojislav Kostunica and his followers formed the DSS after the party refused to join the Democratic Movement of Serbia (DEPOS). Later in 1996, the former president of DS, Dragoljub Micunovic, left the DS to form Democratic Center in protest of what he saw to be Zoran Djindjic’s increasingly nationalistic tone. These parties, in turn, became a source of further off- shoots. Thus, in 1997 after the DSS declared its unwillingness to join ranks with Zajedno, members broke paths with their party to form the Christian Democratic Party of Serbia. While the DS is certainly the most notorious of Serbia’s parties with regards to the phenomenon of successor parties, it is certainly not alone. The Civic Alliance of Serbia, for example, was also the source of three different parties formed in the 1990s: the League of Social Democrats of Vojvodina, the National Peasant’s Party, and the Social Democratic Union. In 1995, members were put off by Vuk Draskovic’s authoritarian tendencies and left the SPO to form the Assembly National Party. Even the SPS, at the height of its powers in the early 1990s, could not accommodate competing views. In 1992, a group of members left the party to form the Social Democratic Party.

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50 In the past few years, the number of parties formed as off-shoots has dropped considerably. The most recent examples are the creation of the LDP (an offshoot of DS), the formation of the Serbian Democratic Renewal Movement (formerly of SPO), and Maja Gojkovic’s citizens group (an offshoot of the SRS). On the surface, this would seem to indicate that parties have become more accommodating of competing perspectives. More likely, however, it is simply reflective of the gradual institutionalization of the party system. Disgruntled party members have little reason to suspect that spin-off parties will be accompanied by greater electoral success. Instead of forming their own parties they are more likely to follow the path taken by the former president of G17 Plus, Miroljub Labus, and simply give up politics altogether.

51 One striking indication of just how intolerant political parties have become was witnessed with the passing of Serbia’s first post-Milosevic constitution in 2006. Art. 102 of the constitution states that an MP is “free to irrevocably put his/her term of office at disposal to the political party upon which proposal he or she has been elected.”50 In contrast to the 1990s and early 2000s, Serbia’s parties thus currently have the right to revoke their MP’s mandates at a time and place of their own choosing. In practical terms this means that parties are fully justified in demanding that parliamentary candidates sign blank resignations prior to taking office. Parties may publicize such resignations when an MP fails to abide by the party’s ruling. Thus, MPs are no longer able to divert from party line on even a single vote. This unprecedented ruling effectively represents the further institutionalization of the party’s power over individual party members. It is a major step away from the further democratization of Serbia’s political parties.

52 A second, and final approach, by which to compare the periods prior and after regime change is to contrast the parties formed in the 1990s (i.e. DS, DSS, SPO, SPS, SRS) to those formed post-2000 (LDP and G17 Plus). There is little doubt that the parties formed after 2000 are, programmatically speaking, Serbia’s most progressive. Both the LDP and G17 Plus are staunch supporters of Serbia’s EU aspirations. Both have been firm advocates of cooperation with the ICTY. The LDP, in particular, has awarded significant attention to the protection of minority rights in Serbia. Given their programs, one might expect similarly progressive organizational practices. Yet as tables 1 – 5 illustrate, they do not perform substantially better than do any of the parties examined here, with the exception of the SRS. As has been shown, governance processes of the LDP are highly centralized. The party’s president is awarded substantial prerogatives, making the LDP one of the most top-down parties examined here. Although it is significantly more tolerant of internal dissent than are other parties—it is after all the only party in Serbia which does not demand its MPs sign a blank resignation—this is the only area in which it excels. The G17 Plus offers an interesting point of contrast. A few years older than the LDP, the G17 Plus boasts more statutes through which to gauge the party’s organization development. Over the years, these statutes indicate that internal governance processes have become less inclusive and less tolerant over time. The G17 Plus’ current statute is in fact the only statute in Serbia to explicitly mention MPs’ obligations to sign a contract proclaiming their obedience to the party (the infamous blank resignation). While the powers of the president are substantially more limited in the G17 Plus than they are in the LDP, they are not more limited than, say, the powers of the SPS president. This indicates that, on the whole, we should not

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expect parties established post-2000 to be harbingers of greater internal democratization.

53 Conclusion

54 Many of what are today Serbia’s most important parties can trace their roots to the immediate post-communist period. Some of these parties led the way towards regime change. Others sought to secure the status quo, ignoring calls for the democratization of Serbia’s political life. Regardless, Serbia’s parties were and indeed remain internally undemocratic. This applies to all major parties in Serbia today, irrespective of ideology, age, or size. There are few signs that Serbia’s parties are troubled by the status quo. To the contrary, in many respects they have become less, rather than more, democratic over the years. It is true that as time has passed, they have further institutionalized the rules and regulations of internal party life. But this has often been at the expense of greater inclusivity, hence the growing concentration of power in party leaders’ hands. Indeed, the evidence suggests that the onset of democracy in Serbia did little to spur the inception of democracy within Serbia’s foremost political parties.

55 This is troubling for many reasons. Political apathy runs high throughout Serbia and a lack of intra-party democracy does little to deter it. My own interviews with current and former party members exposed significant disillusionment with the state of internal party politics. Few admitted to being part and parcel of the decision-making process. Many expressed frustration at their own inability to bring about change and the top-down manner in which decisions were made. As a consequence, quite a few of those with whom I spoke had either abandoned their positions within their parties or opted to withdraw from party life at the time of writing. Parties’ habit of ostracizing their most competent members only hampers the larger political process and arguably threatens the longevity of democracy in Serbia.

56 There is no doubt that Serbia has made considerable political progress over the course of the decade. It is now time for the country’s political parties to make similar headway.

NOTES

1. Transparency International, available at: http://www.transparency.org/global_priorities/ corruption_politics. 2. Orlović (Slaviša), Političke Partije i Moć, Beograd, Čigoja Stampa , 2002, pp.103-143. 3. The analytical distinction between inclusiveness and decentralization is often overlooked but is important nonetheless. There is after all no reason to assume a priori that a transfer of authority from a national to a local level will bring greater inclusivity. Deferring a decision from a national party congress which often includes thousands of party activists to local representatives who may number no more than 100 would, for example, make the governance process less rather than more inclusive.Reuven Y. Hazan and Gideon Rahat make this case persuasively in their chapter; “Candidate Selection: Methods and Consequences” in Katz (Richard), Crotty (William), éds., Handbook of Party Politics, London, Sage, 2006, pp.109-121.

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4. Scarrow (Susan), “Political Parties and Democracy in Theoretical and Practical Perspectives: Implementing Intra-Party Democracy”, National Democracy Institute for International Affairs (2005), 6. 5. Bille (Lars), “Democratizing a Democratic Procedure: Myth of Reality?: Candidate Selection in Western European Parties, 1960-1990”, Party Politics, 7 (2002) 3, pp.363-380, p.369. 6. Gallagher (Michael), Marsh (Michael), éds., Candidate Selection in Comparative Perspective: The Secret Garden of Politics (London: Sage, 1988). 7. Ibid, p.364. 8. Magolowondo (Augustine Titani), “Internal Party Democracy: The State of Affairs and the Road Ahead”, Netherlands Institute of Multiparty Politics, 2007, 2. 9. Scarrow (Susan), “Political Parties and Democracy in Theoretical and Practical Perspectives: Implementing Intra-Party Democracy”, National Democratic Institute for International Affairs (2005), 3. 10. Michels (Robert), Politics Parties: A Sociological Study of the Oligarchical Tendencies of Modern Democracy,New York, The Free Press, 1962, p.371. 11. Duverger (Maurice), Political Parties: Their Organization and Activity in the Modern States (London: Methuen, 1954), p.134. 12. May (John), “Opinion Structure of Political Parties: The Special Law of Curvilinear Disparity”, Political Studies, 21( 1973), pp.134-151. 13. Kopecky (Petr), “Developing Party Organizations in East-Central Europe: What Type of Party is Likely to Emerge?”, Party Politics, 1(1995) 4, 515-534. 14. Biezen (Ingrid van), Political Parties in New Democracies: Party Organization in Southern and East- Central Europe, London, Palgrave, 2003. 15. Enyedi (Zsolt), “Party Politics in Post-Communist Transition”, in Katz (Richard), Crotty (William), éds., Handbook of Party Politics, London, Sage, 2006, pp.228-238, p.233. 16. CESID, “Political Divisions in Serbia: Five Years Later”, 2005, available at: http:// www.cesid.org/programi/istrazivanja/index.jsp. 17. International Republican Institute, “Serbia June 2006”, (Massachusetts: Williams and Associates, 2006). 18. Enyedi (Zsolt),op. cit., p.233. 19. Bojinova (Denitza A.), “The Electoral Benefits of Internal Party Democracy? Theoretical and Practical Perspectives”, working paper delivered at the Annual Meeting of the Midwest Political Science Associating, Chicago, April 20-23, 2006. 20. There are some exceptions to this. The SPS, for example, lacks a presidency. The LDP lacks an executive board. The DS, in addition to the president and presidency, has a mid-presidency which is charged with considerable prerogatives (see: DS Statute, 2006, Art. 48). 21. This is confirmed in the work of Ingrid van Biezen, Petr Kopecky, and Paul G. Lewis, among others. 22. The DSS is a prime example of this phenomenon. The president of the DSS nominates members of the party presidency. It is the presidency which formally has the most power within the party. However, it is the president himself who sets the agenda for the presidency and can even overturn its decisions if and when he so chooses (DSS Statute 2005, Art. 22) 23. SRS Statute (2006), Art. 63 and Art. 66. 24. Gligorijević (Jovana), “Skupština Demokratske Stranke: Kontrolisani Glasovi”, Vreme, 23 February 2006, No. 790, available at: http://www.vreme.com/cms/view.php?id=444128. This phenomenon was also confirmed during my interviews with former DS members. 25. For each of the following tables, X indicates a ‘yes’ while – indicates that the party’s most recent statute does not address the issue. 26. Given its final say in the election of a party president, the composition of the assembly says much about the inclusivity of the electoral process. Although specifics vary per party, all

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assemblies include representatives of local branches, some of which are appointed by virtue of their position within the local branch, while others are elected as assembly delegates by local party leaders. In addition, assemblies often include party MPs, members of party presidencies, members of the main board, representatives of youth and women’s wings, etc. 27. See for example: Biezen (Ingrid van), “How Political Parties Shape Democracy”, Center for the Study of Democracy, 4 (2004), p.16. 28. According the DS Statute, the president should take into account the suggestions of district municipal boards when drafting their proposals. 29. According the DSS Statute, the presidency should take into account the suggestions of district municipal boards when drafting their proposals. 30. LDP Party Statute 2007, Art. 41 and Art. 42. 31. Schedler (Andreas), “Conceptualizing Accountability”, in Schedler (Andreas), Diamond (Larry), Plattner (Marc F.), éds., The Self-Restraining State: Power and Accountability in New Democracies, Boulder and London, Lynne Reinner Publishers, 1999. 32. G17 Plus Statute 2006, Art. 31. 33. DSS Statute 2007, Art. 22, Art. 16, Art. 86, Art. 15. 34. SPO Statute 2005, Art. 20. 35. LDP Statute 2007, Art. 24. 36. Ibid, Art. 29. 37. DS Statute 2006, Art. 39. 38. SRS Statute, Art. 58. 39. SPS Statute, 2006, Art. 37. 40. Goati (Vladimir), Partijske borbe u Srbiji u postoktobarskom razdoblju, Belgrade, Friedrich Ebert Stiftung, 2006, p.121. 41. The SRS statute states that members will face disciplinary actions for voicing contrarian opinions publicly. It does not go so far as to state that expulsion will be the result. 42. DSS Statute 2006, Art. 6. 43. LDP Statute 2007, Art. 17. 44. SPS Statute 2006, Art. 6. 45. Levitsky (Steven), Way (Lucan), “The Rise of Competitive Authoritarianism”, Journal of Democracy, 13 (2002) 2, pp.51-65. For more on Serbia’s regime type under Milosevic see: Gordy (Eric D.), The Culture of Power in Serbia: Nationalism and the Destruction of Alternatives, Pennsylvania, University of Pennsylvania, 1999. Thomas (Robert), The Politics of Serbia in the 1990s, New York, Columbia University Press, 1999. 46. Pešić (Vesna), “(De)Blokiranje tranzicije I unutarstranačka demokratija”, in Lutovac (Zoran), éd., Demokratija u Politickim Strankama Srbije, Belgrade: Friedrich Ebert Stiftung, 2006, p. 23. 47. DS Statute 1990, Art. 14. 48. Goati (Vladimir), op. cit., p.118. 49. See for example: “SPS Bira Predsednika”, BBC Serbian, 2 December 2006, available at: http:// www.bbc.co.uk/serbian/news/2006/12/061202_sps.shtml. 50. Constitution of the Republic of Serbia (2006), Art. 102, available at: http:// www.parlament.sr.gov.yu/content/eng/akta/ustav/ustav_ceo.asp.

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ABSTRACTS

Has the onset of democracy in Serbia facilitated the democratization of the country’s main political parties? By most accounts, the answer is no. Robert Michels’ ‘iron law of oligarchy’ thus appears all too relevant in a Serbian context. This paper seeks to understand whether and to what extent this remains the case in a post-Milosevic context. Have Serbia’s political parties evolved organizationally since the early 1990s? Are parties’ organizational structures uniformly undemocratic or do differences exist with respect to different parties? To answer these questions this paper relies on domestic media coverage, interview with party members, as well as party statutes.

Est-ce que l'apparition de la démocratie en Serbie a facilité la démocratisation des principaux partis politiques du pays? Selon la plupart des constats, la réponse est non. La «loi d'airain de l'oligarchie» de Robert Michels apparaît donc tout aussi pertinente dans un contexte serbe. Cet article cherche à comprendre si et dans quelle mesure cela reste le cas dans un contexte post- Milosevic. Est-ce que les partis politiques de Serbie ont évolué sur le plan organisationnel depuis le début des années 1990? Les structures organisationnelles des partis sont-elles antidémocratiques de manière uniforme ou bien existe-t-il des différences en fonction des partis? Pour répondre à ces questions, cet article s'appuie sur les médias locaux, des entretiens réalisés avec des membres de partis politiques, ainsi que les statuts de ces mêmes partis.

INDEX

Geographical index: Serbie Mots-clés: Partis politiques, Démocratie

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The Continuing Presence of the Extreme Right in Post-Milošević Serbia

Barbara N. Wiesinger

Introduction

1 This paper aims at surveying the extreme right scene in present-day Serbia. Its focus is on informal associations which represent the prototypical organizational form of the contemporary extreme right1 rather than on political parties. 2 So far, such loosely- structured groups have rarely been studied3, presumably because their societal impact seems hard to assess.4 The case of Serbia however, where they have flourished especially since the ousting of Slobodan Milošević, demonstrates that informal extreme right groups and networks, while they may not have realistic chances of usurping political power, can considerably limit the security and civil freedoms of other citizens. 5 Over the past few years, Serbian extreme right activists have abused public space and the civil rights they deny others to spread their ideology of hatred and intimidate or even attack perceived enemies.6 The climate of insecurity and fear created by such mostly unsanctioned offences poses a threat to the strengthening of civil society and the success of democratic reform in Serbia which should not be underestimated.

2 Before I go on to discuss the programme and activities of Serbia’s most visible extreme right groups in more detail, it might be useful to define the term “right-wing extremism”.7 The most inclusive (and therefore also contentious) definition was suggested by the British historian Roger Griffin, who sees contemporary right-wing extremism as a form of fascism, which he defines as “(…) a political ideology whose mythic core in its various permutations is a palingenetic form of populist ultra- nationalism“8. Other scholars have proposed to include a second characteristic – a fundamental opposition to democratic values, institutions and processes – into the definition of right-wing extremism.9 Obviously, such minimum definitions are the result of idealizing abstraction and do not embrace all possible aspects of the

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phenomenon being investigated10. However, they seem useful in that they avoid the problems associated with definitions which enumerate various elements of right-wing extremism11, for example, that it is not clear if the ideology of a given party or association has to demonstrate all, most, many, a few or maybe only one of those characteristics in order to be classified as extreme right.

3 In this paper, I classify such groups as extreme right (a) whose ultra-nationalist ideology emphasizes populism and the idea of renewal or rebirth culminating in the creation of a new social order (Griffin’s definition)and (b) whose “political culture stands against the fundamentals of the democratic system“12.

Extreme right associations in contemporary Serbia

4 Since 2001, the Serbian extreme right, which emerged during the 1990s, has gained considerable public visibility.13 Arguably, its flourishing is connected to Serbia’s perennial political and economic instability as well as to the accompanying crisis in value orientation and social norms.14 The Serbian extreme right scene is a loosely-knit network of informal groups which can be (and sees itself as) divided into two camps. The Christian right, whose ideology is characterized by clerical nationalism, political conservatism, and xenophobia, has forged links with the Serbian Orthodox Church (Srpska Pravoslavna Crkva, SPC) as well as with the political establishment15. The most prominent groups in this camp are the Srpski Sabor Dveri (Serbian Assembly Doorway16) and the Otačastveni Pokret Obraz (Fatherland Movement Dignity). Students’ associations such as Sveti Justin Filozof17 (Saint Justin the Philosopher), which originated at Belgrade University’s Faculty of Philosophy, or Nomokanon18, anassociation of law students,and the group Vitez (Knight), which is based at Belgrade’s medical school, also belong to the Christian right.19

5 The racist extreme right,which is well-connected to international neo-Nazist and white supremacist networks, consists of groups such as Krv i Čast (Blood and Honour), Nacionalni stroj (National Formation)and Rasonalisti20.21Just like the Christian right, these groups stress xenophobia, authoritarianism and the need for a fundamental renaissance of the nation. What distinguishes them is their insistence on the centrality of “race”, while Orthodox religion is relegated to the background. The racist extreme right seems to have less activists than the Christian right. Since it has repeatedly and aggressively encroached on public space, however, it should not be lightly dismissed as marginal.

6 Currently, the Serbian extreme right seems to concentrate on spreading its worldview through publications and events such as public discussions, concerts, demonstrations etc. Its most important platform is the internet, which activists and sympathizers use to communicate with each other, announce events, and circulate propaganda material. 22 Many extreme right groups also publish magazines and books; one even hosts a TV programme.23

The Christian right: Srpski Sabor Dveri and Otačastveni Pokret Obraz

7 The Srpski Sabor Dveri originated in 1999 when a group of students of Serbian philology at Belgrade University started publishing the magazine Dveri Srpske.24 Today, the Srpski

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SaborDveri has chapters in more than 20 Serbian towns. Dveri regularly organize well- attended public lectures and meetings in Belgrade, other Serbian towns and abroad.25 Together with Vitez, an association of Orthodox physicians, Dveri campaign against abortion and for higher birth-rates to strengthen the Serbian nation(Pokret za život/ Movement for Life)26. Dveri are affiliated with the Association of Serbian Youth (Sabor Srpske Omladine).27 They also initiated the Srpska Mreža (Serbian network), a network of Christian Right groups.28

8 Dveri’s programme is based on svetosavlje, i.e. a combination of Serbian Orthodox piety and extremely nationalist attitudes.29 The prominent place Dveri accord to svetosavlje links their programme to early 20th century Serbian Orthodox thinkers such as Bishop Nikolaj Velimirović, who is controversial because of his anti-Semitic opinions30. In a speech entitled “The Nationalism of St. Sava” (1935), Velimirović portrayed the medieval saint as the creator of the SPC and of the Serbian nation, thereby postulating an indissoluble bond between religious and national sentiments.31 In accordance with this interpretation of Saint Sava’s heritage, Dveri propagate the close cooperation of state and church, which they see symbolized in the two-headed eagle of the Serbian coat of arms and personified in Saint Sava and his brother Saint Stefan Prvovenčani.32 Consequently, Dveri demand substantial changes in the political system which would give more power to professional associations and “crkveno-narodni sabori”, councils of (arbitrarily chosen) “representatives of the people” and the SPC.33Dveri also promote the restauration of the monarchy.34

9 A conviction that there is a special bond between god and the Serbian nation lies at the centre of Dveri’s worldview. Supposedly, Saint Sava forged a covenant (zavet) with god, which was later confirmed by Car Lazar when he opted for a “heavenly kingdom” (carsko nebesko) on the eve of the Battle of Kosovo Polje (1389). By organizing the 1804 Serbian uprising against the Ottomans, Karađorđe renewed this covenant. The Serbian nation is obliged to eternally bear witness to the covenant by respecting the nation’s spiritual and moral values and by defending its ethnic territory.35 This includes the repression of everything deemed “abnormal”: “For Serbs, homosexuality and other forms of deviant behaviour, abortion or sectarianism [i.e. membership in non-traditional religious groups or participation in their activities, BNW] cannot be normal phenomena and we will fight against them by peaceful means.”36

10 In their programme and other publications, Dveri stress a nationalized religiousness, secular national issues and the need for a comprehensive renewal (obnova) of the nation which alone would make Serbia once again “strong and healthy”.37 Their ethnopluralism38, as well as their homophobia and non-acceptance of alternative faith groups, points to the fact that their proclaimed tolerance39 is rather limited. Also, Dveri express a deep-seated mistrust not only of the current political elite, but more generally of liberal democracy, which they aim to replace with a hierarchical society governed by pseudo-democratic institutions (the crkveno-narodni sabori) and a king. In Dveri’s utopia religious, political and personal freedom would be restricted in case of its incompatibility with the “spiritual and moral values” of the Serbian nation. Following the definition given in the introduction, Dveri could therefore be classified as belonging to the extreme right. Importantly, however, Dveri is the only organization discussed in this article which admits the importance of human rights40 and explicitly limits its struggle for a national renaissance to peaceful means.

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11 The Otačastveni Pokret Obraz is a more radical Christian right organization, which was set up in the mid-1990s when a group of Belgrade students began publishing the magazine Obraz.41 Today, the association allegedly has several thousand activists in Serbia, Montenegro, and the Republika Srpska.42Obraz,led until 2001 by the late Nebojša M. Krstić43, became notorious when a number of its members participated in the assault on the 2001 lesbian and gay pride parade in Belgrade44. Over the years, various racist, especially anti-Semitic, graffiti were attributed to Obraz; however, such accusations were never proven.45

12 Similarly to Dveri, Obraz sees orthodox piety and an exaggerated patriotism as the foundations of the Serbian nation and frequently refers to Nikolaj Velimirović as its chosen spiritual and moral authority.46 Using the words of epic poetry, the association represents its activities as a struggle for the “honourable cross” and “golden freedom”. 47Obraz portrays itselfas the furtherer of the Serbian nation’s resurrection on the basis of svetosavlje: “Obraz is the only movement for a school with faith, politics with honour, a patriotic army and a state with God’s blessing.”48Obraz’s central goal is the establishment of a strong and wealthy nation-state which would be able to defend itself against its many perceived enemies.49 In order to achieve this, liberal democracy, which Obraz calls a “judeo-masonic” tool of oppression, must be replaced by a corporative state led by patriotic and pious statesmen.50 In Obraz’s ideal society, “offences” such as homosexual orientation or a non-Orthodox creed would be punishable.51

13 What distinguishes Obraz from the more moderate Dveri is Obraz’s openly proclaimed hatred for non-Serbs, especially for Albanians, Muslims and Croats, their fervent anti- Semitism and their repeated threats to resort to violence in order to realize their aims. 52 It comes as no surprise that Obraz denies any Serbian responsibility for the Yugoslav wars of secession53 and celebrates Radovan Karadžić and Ratko Mladić as Serbian heroes54. In 2002, for example, the organisation launched a campaign in support of Radovan Karadžić under the heading “Every Serb is Radovan” (“Svaki je Srbin Radovan”). 55 Furthermore, Obraz threatensthat Serbia will use force to regain hold of Croatia, Bosnia-Herzegovina and Kosovo, which it defines as “territories of the Serbian Fatherland”.56

14 Even such a short survey of Obraz’s programme shows that the organization fulfills the criteria for being classified as extreme right.57 Firstly, Obraz promotes an aggressive nationalism with strong clericalist elements. Secondly, it claims that a profound renewal is necessary for the Serbian nation to overcome its present wretched and decadent state. Thirdly, Obraz rejects liberal democracy and the humanistic values it is based on.Fourthly, Obraz endorses the use of violence against opponents.58

Krv i Čast and Nacionalni stroj

15 The association Krv i čast (Blood and Honour)was founded in 1995 as a member of the international, UK-based Blood and Honour neo-Nazi network 59.60Combat 1861, an organization which Krv i čast describes as its activist branch, was set up in 2003. 62Krv i čast boasts chapters in Belgrade, Novi Sad, Niš, Apatin and Jagodina. It publishes four magazines, organizes concerts, participates in neo-Nazi meetings abroad, regularly celebrates Hitler’s birthday etc.63Krv i čast promotes “leaderless resistance”, a strategy which emphasizes individual and small group activism. There is no formal membership, making it impossible to say how many activists the organization has.64

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16 Krv i čast is affiliated with Nacionalni stroj (National formation), another informal white supremacist and ultra-nationalist group.65 The Krv i čast website features the programme and proclamations of Nacionalni stroj, reports on its activities and promotes its controversial leader Goran Davidović66. Nacionalni stroj’s programme is very similar to that of Krv i čast, and as a member of the US-based white supremacist network Stormfront, Nacionalni stroj undoubtedly belongs to what could be termed the “racist international”.

17 Over the past few years, activists of Krv i čast and Nacionalni stroj may or may not have been involved in incidents such as the destruction of the Belgrade and Niš mosques in March 2004 (connected to clashes between Albanians and Serbs in Kosovo in the same month67), attacks on the pacifist group Žene u crnom (Women in Black) in July 2005, and, more recently, an assault on Bosnian and Serbian peace activists in Niš (May 2007). In any case, these and other similar incidents are celebrated on Krv i čast’s website as laudable patriotic acts.68 In autumn 2007, Krv i čast and Nacionalni stroj organized a nationalist rally in Novi Sad (the “March for Serbian Unity”), which was prohibited by the local authorities. Nevertheless, several dozen extreme right activists were able to gather in the city centre, which resulted in clashes with counter-protesters.69 Planning for similar marches to take place this year is already under way.70 The “activism” of Nacionalni stroj and Krv i čast includesdiscriminatory graffiti on public and private property, which constitutes an offence under Serbian law as an incitement of ethnical, racial or religious hatred.71

18 Krv i čast can undoubtedly be classified as a neo-Nazist association. Not only do they openly admire National Socialism and venerate Adolf Hitler. Even more significantly, they believe that humanity is divided into unequal “races” of which the white “race” is allegedly the most highly evolved. In the modern world, however, the white “race” is in peril of extinction unless it overcomes the ills of multi-culturalism, decadence and democracy through a revolutionary struggle for its biological continuance and cultural rebirth.72 This rebirth depends, inter alia, on higher birth-rates and a ban on abortion – a view that Krv i čast share with the Christian right groups Dveri and Obraz.73 According to Krv i čast, the most dangerous enemies of the white “race” are the Jews74, who are held responsible for the current sorry state of Serbia75 and especially for the 1999 NATO bombardement76 (a claim also made by Obraz77). The neighbouring nations, who are said to unjustly “occupy” the “Serbian” territories of Bosnia-Herzegovina, Montenegro, and Kosovo78, are similarly disliked by Krv i čast activists.

19 The programme of Nacionalni stroj resembles that of Krv i čast. Nacionalni stroj promotes the “preservation and rebirth of the healthy values of the Serbian nation as a constituent part of the white race”.79 The associationdemands a centralized nation-state based on “national liberty, social rights and the racial-biological protection of the nation”. According to Nacionalni stroj, “racial” and national consciousness have the potential to overcome the conflicting interests of different strata of society, resulting in the harmonious coexistence of the “organic national community”. This community would be led by an authoritarian head of state, who would enjoy the support of a strong army and the national church, presumably the SPC. Only white people loyal to the Serbian nation would be entitled to full citizenship. Furthermore, the media would be controlled by the state, while homosexuality, pornography, abortion and non-traditional religious groups would be outlawed.80

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20 Krv i čast and Nacionalni stroj clearly deserve the label “extreme right”. They promote an aggressive nationalism, based on the purported supremacy of the white “race”. They claim to fight a revolutionary struggle for the renewal of the Serbian nation and the white “race” in general. Krv i čast and Nacionalni stroj incite hatred against other nations, political opponents and religious, ethnic and sexual minorities. They despise the notion of equality, reject democracy, and, judging by their activism, endorse the use of violence to further their aims.

Summary and outlook

21 This paper surveyed the extreme right scene in contemporary Serbia and discussed four groups – Srpski Sabor Dveri, Otačastveni Pokret Obraz, Krv i čast and Nacionalni stroj – in more detail. It showed that the programmes of these organizations are strikingly similar in that they focus on an exaggerated nationalism centred on the idea of national rebirth and a populist suspicion of democratic values, institutions and processes. The main difference seems to be that the Christian right groups yearn for a renewal of the nation through a return to “traditional values”, among which Orthodox piety, hierarchical social relations and a rural way of life feature most prominently, while the racist right associations strive for a national renaissance based on the alleged supremacy of the white “race”. In their call for authoritarian rule and a strong leader who would guarantee national unity by suppressing internal dissent while at the same time “defending” the nation’s interests against its many perceived external enemies, all four groups are united. They also share a hatred of difference which expresses itself in the refusal to accept as legitimate opinions and lifestyles other than their own.

22 Necessarily, the descriptive survey presented in this article leaves many questions unanswered. What do individual activists and sympathizers believe, and how does that relate to the programmes formulated by extreme right groups and parties on the one hand, and the opinions of the non-extremist majority of Serbian citizens on the other? How widespread are extreme right ideas in contemporary Serbia? How can we evaluate Serbian right-wing extremism in its international context? To answer these questions, further and more detailed research is needed.

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NOTES

1. Griffin (Roger), « Fascism’s new faces (and new facelessness) in the „post-fascist“ epoch », in Griffin (Roger) et al., éds, Fascism Past and Present, West and East. An International Debate on Concepts and Cases in the Comparative Study of the Extreme Right. Stuttgart: ibidem, 2006, pp. 54-56; Eatwell, (Roger), « Ten Theories of the Extreme Right », in Merkl (Peter H. ), Weinberg (Leonard), éds, Right-Wing Extremism in the Twenty-First Century, London/Portland, OR, Cass, 2003, p.106. 2. Since the early 1990s, the Serbian Radical Party (SRS, Srpska Radikalna Stranka) has been the most important extreme right party in Serbia (cf. Irvine (Jill A.), « Nationalism and the extreme right in the former Yugoslavia », in Cheles (Luciano) et al., éds., The Far Right in Western and Eastern Europe. London/New York: Longman, 1995, pp.145-173., Pribićević (Ognjen), « Changing Fortunes of the Serbian Radical Right », in Ramet (Sabrina P.), éd., The Radical Right in Central and Eastern Europe since 1989. University Park, Pennsylvania State University Press, 1999, pp. 193-211., Thomas (Robert), Serbia under Milosevic : Politics in the 1990s, London, Hurst, 1999). Other extreme right parties include(d) the Serbian Saint Sava Party (Srpska Svetosavska Stranka) and Željko Ražnjatović-Arkan’s Party of Serbian Unity (Stranka Srpskog Jedinstva), which joined the SRS in December 2007 (http://www.blic.co.yu, 23/12/2007, accessed 30/01/2008). 3. Mudde (Cas), « Central and Eastern Europe », in Mudde (Cas), éd., Racist Extremism in Central and Eastern Europe. London/New York, Routledge, pp.269-271) 4. Eatwell (Roger), « Ten Theories of the Extreme Right », in Merkl (Peter H. ), Weinberg (Leonard), éds., Right-Wing Extremism in the Twenty-First Century. London/Portland, OR, Cass, 2003, p.68. An exception is the work of British psychologist Jovan Byford, who has published on the Serbian Christian right (« Christian Right-Wing Organizations and the Spreading of Anti- Semitic Prejudice in Post-Milosevic Serbia: The Case of the Dignity Patriotic Movement », East European Jewish Affairs, 32(2), 2002, pp.43-60; « Anti-Semitism and the Christian Right in post-

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Milošević Serbia: From conspiracy theory to hate crime », Internet Journal of Criminology (IJC), 2003) and more generally on the emergence of anti-Semitism in contemporary Serbia : « Serbs never hated the Jews: the denial of anti-Semitism in contemporary Serbian Orthodox Christian culture », Patterns of Prejudice, 40(2), 2006, pp.159-180; « Distinguishing ‘Anti-Judaism’ From ‘Anti- Semitism’: Recent championing of the Serbian Bishop Nikolaj Velimirović », Religion, State and Society, 34(1), 2006, pp.7-31. 5. To cite just two examples: In February 2008, members of Obraz prevented the opening of an exhibition featuring works by Kosovo Albanian artists (cf. « Obraz i policija u centru Beograda », 07/02/2008, http://www.b92.net/, accessed 27/04/2008, « Neophodna zabrana klerofašističkih organizacija », 09/10/02/2008, http://www.danas.co.yu/, accessed 27/04/2008, « Sprečavanje šiptarske izložbe u Beogradu », 07/02/2008, http://www.srb-obraz.org/, accessed 01/03/2008). A few days later, self-declared sympathizers of the same organization tried to prevent the promotion of a publication by contributors to the critical radio broadcast Peščanik (« Obraz na promociji knjige Peščanika », 12/02/2008, http://www.b92.net/, accessed 27/04/2008, « Obrazovci napali autore Peščanika », 13/02/2008, http://www.blic.co.yu/, accessed 27/04/2008). 6. Attacks on members of Serbia’s Muslim, Romany and Jewish minorities proliferate (cf. AI 2001, Byford 2003:5f, Stephen Roth Institute 2005). Sexual minorities are also targeted by violent extremists, as the incidents in connection with the 2001 gay pride parade in Belgrade illustrate (cf. AI 2001, Nikolić 2001). Frequent threats against critical journalists and civil rights activists (cf. GSA: Policija ignoriše pretnje, 22/04/2008, Pretnje smrću predsedniku NDNV, 05/04/2007, both on http://www.b92.net/, accessed 26/04/2008) can often also be traced to origins in the extreme right scene. 7. For a comprehensive discussion pertaining especially to Central and Eastern Europe, cf. Ramet 1999. 8. Griffin (Roger), « Fascism’s new faces (and new facelessness) in the „post-fascist“ epoch », in Griffin (Roger) et al., éds, Fascism Past and Present, West and East. An International Debate on Concepts and Cases in the Comparative Study of the Extreme Right. Stuttgart: ibidem, 2006, p.41; Betz (Hans-Georg), « The Growing Threat of the Radical Right », in Merkl (Peter H. ), Weinberg (Leonard), éds., Right-Wing Extremism in the Twenty-First Century. London/Portland, OR, Cass, 2003, p.76; Ignazi, (Piero), « The Extreme Right: Defining the Object and Assessing the Cause », in Schain (Martin) et al., éds, Shadows over Europe. The Development and Impact of the Extreme Right in Western Europe. New York/Basingstoke, Palgrave Macmillan, pp.24-25) 9. Ignazi, (Piero), « The Extreme Right: Defining the Object and Assessing the Cause », in Schain (Martin) et al., éds, Shadows over Europe. The Development and Impact of the Extreme Right in Western Europe. New York/Basingstoke, Palgrave Macmillan, p.23 and 25-27; Jaschke (Hans-Gerd), Rechtsextremismus. Available from www.bpb.de/themen/DU09IB.htm, accessed 21/01/2008, p.2). For a critique of the emphasis on the anti-system properties of right-wing extremism in many definitions see Kowalsky (Wolfgang), Schröder (Wolfgang), « Einleitung. Rechtsextremismus – Begriff, Methode, Analyse », in Wolfgang Kowalsky and Wolfgang Schröder, éds, Rechtsextremismus. Einführung und Forschungsbilanz. Opladen, Westdeutscher Verlag, 1994, p.9. 10. Griffin (Roger), « Fascism’s new faces (and new facelessness) in the „post-fascist“ epoch », in Griffin (Roger) et al., éds, Fascism Past and Present, West and East. An International Debate on Concepts and Cases in the Comparative Study of the Extreme Right. Stuttgart: ibidem, 2006, p.37. 11. Hagtvet (Bernt), « Right-Wing Extremism in Europe », Journal of Peace Research, 31(3), 1994, p. 241. 12. Ignazi, (Piero), « The Extreme Right: Defining the Object and Assessing the Cause », in Schain (Martin) et al., éds, Shadows over Europe. The Development and Impact of the Extreme Right in Western Europe. New York/Basingstoke, Palgrave Macmillan, p.25.

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13. Krv i Čast was founded in 1995, the closely affiliated group Combat 18 in 2003 ( http:// www.bhserbia.org/interview.htm, accessed 14/11/2007). The Otačastveni pokret Obraz was founded in 1998 (cf. http://www.srb-obraz.org/, Hronologija, accessed 01/03/2008; see also Stephen Roth Institute 2005, Nikolić 2001, AI 2001.) The Srpski Sabor Dveri – Nacionalna Organizacija Slobodnih Ljudi started with a student paper in 1999 (cf. http://www.stari.dverisrpske.com/, O Nama, accessed 15/11/2007). 14. Several important aspects of Serbian statehood – territory, form of government, constitution, and symbols – remained unresolved until rather recently. Political violence, which culminated in the 2003 assassination of Prime Minister Zoran Ðinđić, also contributed to Serbia’s instability. Roger Eatwell (2003:50-58) called explanations of the rise and success of right-wing extremism that focus on such structural aspects „demand-side theories“. 15. Byford (Jovan), « Christian Right-Wing Organizations and the Spreading of Anti-Semitic Prejudice in Post-Milosevic Serbia: The Case of the Dignity Patriotic Movement », East European Jewish Affairs 32(2), 2002, pp.43-60., Petrović (Ivana), Lazić (Nikola), Klerikalna desnica pridobija srpsku omladinu, 2005. Available from http://www.razmena.org/sh/88/1/746/?tpl=94, accessed 25/04/2008) 16. This translation follows Byford 2003:6. Literally, dveri means doors. The term refers to the doors in the ikonostas, the partition in Orthodox churches which divides the sanctuary from the nave (cf. Kuburic:4). 17. The association promotes “national values” in institutions of higher education with the aim of introducing such contents into teaching and research as would “lead to the spiritual and cultural renewal” of the Serbian nation. http://www.svetijustin.cjb.net/, O nama, accessed 26/04/2008. 18. Cf. their site http://www.nomokanon.org.yu/. 19. These groups’ classification as extreme right, however, would need to be based on a thorough analysis of their respective ideology and activities which this short survey cannot offer. 20. A pun on rasa/race and nacionalisti/nationalists. Cf. their site http://www.rasonalisti.net/. 21. All three associations were classified as neo-Nazist by the Serbian Interior Ministry. Cf. Prvi zvaničan spisak neonacista (10/12/2005), http://www.b92.net/, accessed 14/11/2007. 22. Internet forums and blogs are the most important means of communication for the extreme right. See for example Komentar–Srpski Internet Parlament/Glas Desnice ( http:// www.komentar.org.yu/, accessed 30/01/2008) or http://www.vidovdan.org/, accessed 26/04/2008. On Internet use by the German extreme right, see Fromm 2007 and Schenkel 2007. 23. Krv i Čast publishes the magazines “Krv i Čast“, “Novi Signal“ (New Signal) and “Beli Vuk“ (White Wolf). The group’s newest product is “Obnova” (Renewal), whose first edition (with a focus on Kosovo) is currently advertised on the Krv i čast website (http://www.bhserbia.org/, accessed 28/04/2008). Srpski Sabor Dveri’s magazine is called “Dveri Srpske“. The association also presents a TV programme on TV Galaksija 032 (cf. http://www.dverisrpske.com/, 15/11/2008). The first issues of the magazine “Obraz” appeared in 1995 (cf. http://www.srb-obraz.org/, Hronologija, accessed 01/03/2008). 24. Between 1999 and 2007, 31 issues of the magazine appeared. Currently, the regular issues are published electronically, while the special issues still appear in print. Cf. http:// www.stari.dverisrpske.com/, O nama, accessed 15/11/2007, see also http:// www.dverisrpske.com/, Štampano izdavaštvo and Elektronsko izdavaštvo, accessed 01/02/2008. Special issues in the past discussed, for example, “Communist crimes against the Serbian people”, “Hate speech against everything Serbian” and controversial historical figures such as Draža Mihajlović, the World War II Četnik leader, or Nikolaj Velimirović, the early 20th century theologian, Serbian nationalist and Orthodox saint. 25. According to Dveri, its popular Thursday lectures at Belgrade University’s Technical Faculty are usually attended by several hundred people (www.staridverisrpske.com, Beogradska duhovna

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renesansa, accessed 15/11/2007). On other events organized by Dveri, see http:// www.dverisrpske.com/, O nama, accessed 26/04/2008. 26. Cf. http://www.stari.dverisrpske.com/, O nama, accesssed 15/11/2008, http:// www.stari.dverisrpske.com/, Aktivnosti, accessed 15/11/2008, also http:// www.dverisrpske.com/, Načela i smernice Srpskog sabora Dveri, Obnova domaćinske porodice, accessed 16/01/2008. 27. “Radi se o omladinskom pokretu za utemeljenje u crkvenom iskustvu i nacionalnom identitetu mladih ljudi koji žele da se stave na raspolaganje na korist svoje crkve i otačanstva.“ http://www.stari.dverisrpske.com/, O nama, accesssed 15/11/2008. 28. Members of Srpska Mreža include, among others, Naši (Aranđelovac, http://www.nasi.org.yu/, accessed 16/01/2008), Serbian and Bosnian chapters of the Svetosavska Omladinska Zajednica, the Sabor Omladine Justinove (Vranje), Nomokanon, and the SPC’s Odbor za Jasenovac. See http:// www.vidovdan.org/, Srpska mreža, accessed 28/04/2008. 29. See Branimir Nešić, Svetosavlje i evropske integracije, http://www.dverisrpske.com/, accessed 01/02/2008, http://www.stari.dverisrpske.com/, O nama, accessed 15/11/2007, and http://www.dverisrpske.com/, Načela i smernice Srpskog Sabora Dveri, Obnova Svetosavlja, accessed 16/01/2008. 30. Byford (Jovan), « From ‘Traitor’ to ‘Saint’: Serbian Bishop Nikolaj Velimirovic in Public Memory. Analysis of Current Trends in Antisemitism series », (ACTA), No. 22, published by the Sassoon International Centre for the Study of Antisemitism, Hebrew University, Jerusalem, 2004 ; Byford (Jovan), « Canonisation of Bishop Nikolaj Velimirović and the legitimisation of religious anti-Semitism in contemporary Serbian society », East European Reports, 6 (3), 2004. 31. Ðorđević (Mirko), Srpska konzervativna misao. Belgrade, HCHRS, 2003, p.58. The text was re- published by Ihtus, a publishing company notorious for promoting right-wing extremism. Cf. http://www.dr-jurjevic.org/IhtusKatalog.pdf, accessed 27/04/2008. 32. Cf. http://www.dverisrpske.com/, Načela i smernice Srpskog Sabora Dveri, Obnova demokratije i monarhije, accessed 16/01/2008. 33. Cf. http://www.dverisrpske.com/, Načela i smernice Srpskog Sabora Dveri, Obnova parohijske zajednice i crkveno-narodnih sabora, accessed 16/01/2008: “U participativnoj demokratiji, u kojoj razna stručna i patriotska udruženja imaju svoj glas i uticaj, vidimo neophodno korekciju građanskog rata političkih stranaka koji je demolirao srpsku politiku.“ Dveri’s corporativism is also expressed in their slogan “Za nacionalnu sabornost u različitosti profesija!” http://www.stari.dverisrpske.com/, Aktivnosti, accessed 15/11/2007. Such ideas are resonant of ultra-conservative, clericalist regimes such as Austrofascism (cf. Tálos/Manoschek 2005). 34. Cf. http://www.dverisrpske.com/, Načela i smernice Srpskog Sabora Dveri, Obnova demokratije i monarhije, accessed 27/04/2008): “Kraljevina omogućava nadstranački red i mir (…). Kralj je simbol nacionalnog jedinstva, štit pobožnosti i čuvar državne celine.” 35. “Ovo naše opredeljenje [for svetosavlje, BNW], dakle, nije mit o samozavaravanje o Srbima kao narodu najstarijem i nebeskom, već praksa svakodnevnog svedočenja duhovnih i moralnih vrednosti našeg naroda i odbrane njegovog opstanka na vekovnom životnom tlu.” http:// www.dverisrpske.com/, Načela i smernice Srpskog Sabora Dveri, Obnova svetosavlja, accessed 16/01/2008. 36. “Homoseksualizam i drugi vidovi devijantnog ponašanja, abortus ili sektaštvo za Srbe ne mogu biti normalne pojave i protiv njih ćemo se boriti svim miroljubivim sredstvima.” http:// www.dverisrpske.com/, Načela i smernice Srpskog Sabora Dveri, Obnova srpske prosvete, accessed 16/01/2008. 37. “Obnova našeg naroda mora početi od obnove vere, duhovnosti i morala, institucija parohijske zajednice i crkveno-narodnih sabora, pa preko obnove porodice, prosvete i sela, voditi u obnovu nacije i države.” http://www.dverisrpske.com/, Načela i smernice Srpskog Sabora

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Dveri, Uvod, accessed 16/01/2008. References to a “strong and healthy nation” can be found ibid., Obnova domaćinske porodice. 38. “Srbija se zalaže za Evropu nacija kao zajednicu različitih naroda, kao zajednicu u kojoj se susreću i kroz koju se uvažavaju razne kulture (…).” http://www.dverisrpske.com/, Načela i smernice Srpskog Sabora Dveri, Odnos sa drugima, accessed 16/01/2008. 39. “Mi ne mrzimo druge, nego volimo svoje, mi ne napadamo druge, nego branimo svoje.“ http://www.stari.dverisrpske.com/, O nama, accessed 15/11/2007, see also ibid., Odnos sa drugima. Specifically on anti-Semitism, see Boško Obradović, Trojanski konj antisemitizma, 01/12/2007, http://www.dverisrpske.com/, accessed 01/02/2008. 40. However, only the rights to life, property, education and equality before the law are recognized as “God-given”, basic human rights. Cf. http://www.dverisrpske.com/, Načela i smernice Srpskog Sabora Dveri, Obnova srpske prosvete, accessed 16/01/2008. 41. According to Obraz, Nebojša M. Krstić founded the publishing house Srbski obraz in 1994 with the support of the SPC. The magazine “Obraz” was first published in 1995. Cf. http://www.srb- obraz.org/, Hronologija, accessed 01/03/2008. 42. Cf. AI 2001. 43. Nebojša Krstić died in a car accident in 2001. His death aroused suspicions of a politically motivated murder among his admirers, who promptly proclaimed him a martyr of the national cause. Cf. Jerej Velibor Džomić, U večni spomen: Nebojša M. Krstić; Nenad M. Jovanović, Novi srpski mučenik; Bojan Mitić, Neustrašivi vitez krsta, all on http://www.srb-orbraz.org/, accessed 29/01/2008. 44. Cf. Nikolić 2001, AI 2001. Recently, Obraz again threatened to use violence in order to prevent public manifestations of gay and lesbian pride in Serbia. Cf. Homo frka, http://www.srb- obraz.org/, accessed 26/04/2008. 45. This, again, is possibly due to the alleged sympathies of high-ranking individuals in Serbia’s political establishmentfor Obraz and its aims. 46. Cf. http://www.obraz.org.yu/, Why Obraz?, accessed 14/11/2007. This website is now defunct. The new website can be found under http://www.srb-obraz.org/. 47. “Mi smo za Srbstvo sa Obrazom i zato smo (…) za krst časni umesto demonske petokrake, za slobodu zlatu umesto novog svetskog poretka (…).” http://www.srb-obraz.org/, Osnovne smernice, accessed 01/03/2008. 48. “Obraz je jedini pokret za školu sa verom, politiku sa poštenjem, vojsku sa rodoljubljem i državu sa Božijim blagoslovom.” http://www.srb-obraz.org/, O nama, accessed 01/03/2008. This phrase refers to a statement by Nikolaj Velimirović quoted ibid. See also http:// www.obraz.org.yu/, Why Obraz?, accessed 14/11/2007. 49. Cf. http://www.obraz.org.yu/, The Basic Guidelines, accessed 14/11/2007, cf. also Mladen Obradović: Srbska mladost za srbsku Srbiju, http://www.srb-obraz.net/, accessed 29/01/2008. 50. Cf. http://www.obraz.org.yu/, The Basic Guidelines, accessed 14/11/2007. 51. Cf. http://www.srb-obraz.org/, Srbskim neprijateljima, accessed 01/03/2008. 52. Croats are referred to as “Ustaše”, Muslims as “extremists”, and Albanians as “terrorists”. The term “Cionist” is defined as “anti-Christian Jewish racist”. Cf. http://www.srb-obraz.org/, Srbskim neprijateljima, accessed 01/03/2008. Other “enemies” of the Serbian nation include “communists”, “fascists” (sic), “satanists”, “mondialists” etc. Cf. http://www.obraz.org.yu/, The Basic Principles, accessed 14/11/2007. 53. “In our glorious Serbian history we have never and nowhere subjugated nor persecuted anyone.” http://www.obraz.org.yu/, The Basic Principles, accessed 14/11/2007. 54. Cf. “God is with us!” Interview with Nenad M. Jovanović, Pravda, 01/03/2002, http:// www.newsfromrussia.com/politics/2002/03/01/26725.html, accessed 14/11/2007.

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55. Cf. “Nije svaki Srbin ratni zločinac“, http://www.pcnen.com/, 17/04/2002, accessed 01/02/2008; “Možda je poneki Srbin i Radovan ali nije svaki zločinac”, http:// www.dnevnik.co.yu/, 18/04/2002, accessed 01/02/2008. 56. Cf. http://www.srb-obraz.org/., Srbskim neprijateljima, accessed 01/03/2008. 57. The Serbian Ministry of Interior Affairs and the Security Council of the Vojvodina Assembly classified Obraz as a clerical-fascist ( klerofašistički) organization. Cf. Prvi zvaničan spisak neonacista, 10/12/2005, http://www.b92.net/ , accessed 14/11/2007. 58. Cf. http://www.obraz.org.yu/, The Basic Principles, accessed 14/11/2007. 59. Cf. http://www.bloodandhonour.com/, World Wide Chapters, accessed 02/02/2008. 60. Cf. http://www.bhserbia.org/, O nama, accessed 14/11/2007. 61. In neo-Nazi circles, “18” stands for the initials of Adolf Hitler. 62. Cf. http://www.bhserbia.org/, Osnivanje Combat 18, accessed 14/11/2007. 63. Cf. http://www.bhserbia.org/, Izdanja and Koncerti, accessed 14/11/2007. 64. Cf. http://www.bhserbia.org/, O nama, Intervju, accessed 14/11/2007. On the same website, the cowardly assault of four activists on a gay man in Belgrade in July 2004 is celebrated as a good example of “leaderless resistance”. Cf. http://www.bhserbia.org/, Vesti, accessed 14/11/2007. 65. Cf. http://www.bhserbia.org/, O nama, accessed 14/11/2007. Only recently, Nacionalni stroj established its own website, cf. http://www.nacionalnistroj.org/, accessed 28/04/2008. 66. Cf. http://www.bhserbia.org/, Vesti, accessed 14/11/2007. On Goran Davidović see also his website http://www.gorandavidovic.com/. Over the past few years, Goran Davidović repeatedly came into conflict with the law. In 2006, he received a one-year prison sentence for inciting hatred after he and other members of Nacionalni stroj had attacked participants in a public discussion at the University of Novi Sad in November 2005 (cf. Osuđeni članovi Nacionalnog stroja, 10/11/2006, http://www.b92.net/, accessed 28/04/2008). The sentence will be reviewed by Serbia’s High Court in June 2008 following an appeal by Davidović (cf. U junu o žalbama Nacionalnog stroja, 21/04/2008, http://www.b92.net/, accessed 28/04/2008). In connection with the Novi Sad incident, Davidović already served a seven day prison sentence for physically assaulting one of the participants (cf. Saslušanja i zatvor za neonaciste, 09/10/2007, http:// www.b92.net/, accessed 28/04/2008). In 2007, Davidović was detained and later released by the police in relation with death threats against journalist Dinko Gruhonjić published on Nacionalni stroj’s pages on http://www.stormfront.org/ (cf. Goran D. pušten iz zatvora, 08/04/2007, http:// www.b92.net/, accessed 28/04/2008). In June 2007, Davidović was found guilty of libel in a law suit brought against him by Gruhonjić (cf. Odšteta za povredu časti novinara, 25/07/2007, http:// www.b92.net/, accessed 28/04/2008). In autumn 2008, Goran Davidović was interrogated by the police under suspicion of breaching public order in connection with the “March for Serbian Unity” (cf. Saslušanja i zatvor za neonaciste, 09/10/2007, http://www.b92.net/, accessed 28/04/2008). 67. Cf. http://www.b92.net/specijal/kosovo2004, accessed 04/02/2008. 68. Cf. http://www.bhserbia.org/, Vesti, accessed 02/02/2008. 69. Cf. Ipak zabranjen skup neonacista, 26/09/2007 and Incident na antifašističkom skupu, 07/10/2008, both on http://www.b92.net/, accessed 27/04/2008. For Krv i čast’s version of the event, cf. http://www.bhserbia.org/, Vesti, accessed 02/02/2008. For Nacionalni Stroj’s version, cf. Goran Davidović: O događajima 7. oktobra u Novom Sadu, http://www.gorandavidovic.com/, Tekstovi, accessed 02/02/2008. 70. Cf. http://www.stormfront.org/, Stormfront Srbija, Aktivizam, accessed 02/02/2008. 71. Examples can be viewed on http://www.stormfront.org/, Aktivizam, accessed 28/04/2008. 72. Cf. http://www.bhserbia.org/, Deset Principa Nacional Socijalizma and Lična Revolucija, accessed 14/11/2007. 73. Cf. http://www.bhserbia.org/, Biblioteka, Članci, Abortus, sredstvo planskog uništenja and Muškarci i žene, accessed 14/11/2007.

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74. Cf. http://www.bhserbia.org/, Osnivanje Combat 18 u Srbiji, accessed 14/11/2007. The website hosts the notorious antisemitic pamphlet “Protocols of the Elders of Zion” (http:// www.bhserbia.org/, Biblioteka, Knjige, accessed 02/02/2008). Copies of anti-Semitic publications such as Milorad Mojić’ “Srpski narod u kandžama Jevreja” (The Serbian people in the claws of the Jews”, ca. 1941) and Vasa Pelagić’ “Vjerozakonsko učenje Talmuda” (The Talmudic Teachings of Religious Law, 1877) can be bought from Krv i čast, cf. http://www.bhserbia.org/, Izdanja, Brošure, accessed 02/02/2008. 75. “Samo su ljudi snažne ličnosti i volje spremni da žrtvuju sve i krenu u borbu za spasenje i preporod naše nacije i rase i rušenje cionističko-kapitalističkog sistema koji uništava našu voljenu majku Srbiju.” http://www.bhserbia.org/, Biblioteka, Članci, Lična revolucija, accessed 14/11/2007. 76. http://www.bhserbia.org/, Glavna, accessed 02/02/2008: “24. mart 1999 - 24. mart 2007: Osam godina od cionističke NATO agresije na Srbiju.” On March 24, 2007, Nacionalni stroj organized a public meeting in Belgrade to mark the eighth anniversary of the beginning of the NATO bombardement. Among the speakers was Goran Davidović. Cf. http:// www.stormfront.org/, Aktivizam, Memorialni skup, accessed 13/11/2007. A similar meeting this year was banned by the authorities, but took place nevertheless. Cf. http:// www.nacionalnistroj.org/, accessed 30/04/2008. 77. Obraz refers to NATO as “Judeo-masonic murderers”, http://www.obraz.org.yu/, The Basic Principles, accessed 14/11/2007. 78. Cf. http://www.bhserbia.org/, O nama, Intervju, accessed 14/11/2007. This is another parallel between Krv i čast and Obraz. 79. Cf. http://www.stormfront.org/, Nacionalni Stroj, Aktivizam, Program i statut Nacionalnog Stroja, accessed 13/11/2007: “Cilj Nacionalnog stroja je očuvanje i preporod zdravih vrednosti srpske nacije, kao sastavnog dela bele rase (…).” 80. Cf. http://www.stormfront.org/, Nacionalni Stroj, Aktivizam, Program i statut Nacionalnog Stroja, accessed 13/11/2007. Quotations: “Zalagaćemo se za unitarnu srpsku nacionalnu državu u kojoj će osnovna načela biti nacionalna sloboda, socijalna pravda i rasno biološka zaštita naroda.“ (pt. 5); “U korist jedinstvene funkcije srpskog nacionalnog tela, rasna i nacionalna svest mora ugasiti borbu među klasama i strukama u jedinstvu, od radnika i seljaka do intelektualaca, da svako vrši svoju funkciju u organskoj narodnoj zajednici.“ (pt. 26) Again, the similarity to Obraz’s programme is striking, the one main difference being Nacionalni stroj’s emphasis on racism.

ABSTRACTS

This paper surveyed the extreme right scene in contemporary Serbia and discussed four groups – Srpski Sabor Dveri, Otačastveni Pokret Obraz, Krv i čast and Nacionalni stroj – in more detail. It showed that the programmes of these organizations are strikingly similar in that they focus on an exaggerated nationalism centred on the idea of national rebirth and a populist suspicion of democratic values, institutions and processes. The main difference seems to be that the Christian right groups yearn for a renewal of the nation through a return to “traditional values”, among which Orthodox piety, hierarchical social relations and a rural way of life feature most prominently, while the racist right associations strive for a national renaissance based on the alleged supremacy of the white “race”.

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Cet article étudie l'extrême droite dans la Serbie d’aujourd’hui et aborde quatre groupes - Srpski Sabor Dveri, Otačastveni Pokret Obraz, Krv i čast et Nacionalni stroj –plus en détails. Il montre que les programmes de ces organisations sont très semblables en ce qu'ils se concentrent sur un nationalisme exacerbé basé sur l'idée de la renaissance nationale et une remise en cause populiste des valeurs, des institutions et des processus démocratiques. La principale différence semble être que les groupes de la droite chrétienne aspirent à un renouveau de la nation par un retour aux "valeurs traditionnelles", dont la piété orthodoxe, les relations sociales hiérarchiques et un mode de vie rurale prédominant, tandis que les associations de la droite raciste œuvrent en faveur d'une renaissance nationale fondée sur la prétendue suprématie de la "race" blanche.

INDEX

Geographical index: Serbie Mots-clés: Extrême droite, Nationalisme

AUTHOR

BARBARA N. WIESINGER PhD (University of Salzburg, Austria), [email protected]

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The UE and Civil society in Serbia: Governance rather than politics

Adam Fagan and Mladen Ostojic

Introduction

1 Following the demise of communism, support for civil society development has become a top priority on the agenda of democracy assistance programmes implemented in Central and Eastern Europe by Western governments, aid agencies and donors. This policy has led to the emergence of a ‘third sector’ predominantly composed of donor- driven non-governmental organisations that have acquired significant influence on the public sphere in most transitional countries.

2 In Serbia, foreign assistance has been vital for upholding independent organisations and medias against the repression of an authoritarian regime throughout the nineties. Reminiscent of CEE in the late 1980s, a coalition of non-governmental organisations (NGOs) played a critical role in the downfall of Milosevic in October 2000 by campaigning for free and fair presidential elections and helping to mobilize voters, particularly the young. Civil society thus came to represent the liberal democratic conscience of Serbia. For some commentators, it continues to provide a lens or vantage point on political liberalisation, westernization, and the upholding of human and minority rights.

3 This paper looks at the impact of EU intervention on the third sector in post-Milosevic Serbia. We argue that the framing of EU pre-accession assistance to Serbia in terms of ‘developing civil society’ is a political distraction; it obfuscates the true purpose and outcomes of EU intervention by implying that the focus of aid is the empowerment and strengthening of civil society as an arena of political contestation and as the basis of democratic regime change. In practice, EU assistance has as its goal far less politically radical objectives: the aim is to build governance and state capacity.

4 Indeed, we claim that the impact and outcomes of EU assistance has, in reality, little to do with democracy promotion, widening political participation, or extending

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representation. Since its inception, EU assistance for civil society has largely by-passed those organisations engaged in criticism of the government. Instead it has privileged an elite of professional NGOs engaged in policy development and service provision. In light of the incomplete regime change that arguably took place in Serbia, the strategy deployed by the EU has been criticized by human rights activists for having consolidated the status of political elites that are unwilling to make a break with the past and embrace the values and principles of liberal democracy. This state of affairs challenges the ability of the current democracy assistance programmes to generate a positive impact at the political level in transition countries. It even suggests that the action of the EU may have generated adverse effects, and raises further questions regarding how foreign interventions should be envisaged in societies where illiberal political groupings remain influential.

5 We start with a brief discussion on civil society as conceptualised by donors as part of development programmes and as a means for promoting democracy. In tune with other recent scholarly analysis of civil society promotion and donor intervention, we place particular emphasis on the conflation of civil society with NGOs.1 In a second phase, we consider in more detail the political and legal contexts in which civil society development- or lack of it- is taking place in Serbia, with particular reference to EU assistance channelled through NGOs via short-term project grants. The final section looks at the status of the politically engaged human rights activists and their interaction with other NGOs and groupings within civil society. In the conclusion, we reflect on the implications of our analysis for democracy assistance policies and ponder how, what appears to be a divided and polarized “civil society”, impacts upon the process of regime change.

Developing 'Civil Society': NGOs as a Strategy for Democracy Promotion

6 Whereas a comprehensive analysis of 'civil society development’ as a strategy of democracy-assistance clearly exceeds the scope of this paper, it is necessary to give a brief overview of the developments that took place in this domain during the last two decades in order to contextualise the situation in Serbia. Having played a pivotal role in the demise of the communist regimes during the eighties, civil society was seen by many observers as the most promising support for the implementation of liberal democracy in Eastern Europe2. In response to the legacy of socialism during which the state exerted control over, or had an overwhelming influence on, every aspect of the public sphere, civil society was conceptualized as a political and social space in which citizens could articulate their interests and challenge the exercise of power.

7 By the mid nineties, civil society development became a key tool in democracy assistance programmes, in conjunction with support for electoral processes and institutional reforms that were already in place. In the ensuing period, significant amounts of foreign aid have been channelled to an array of locally established non- governmental organisations that sought to promote democratization through advocacy work, civic education, and the monitoring of elections and policies implemented by the government. This has led to the emergence of an affluent third sector composed of western-style professional organizations as the primary recipients of foreign aid in countries experiencing political and economic transition. These NGOs have generally

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been successful in establishing linkages within the elite circles, and some of them have gained a considerable degree of political influence as they became involved in particular policy areas. By supporting and coordinating the activities of these nonpartisan organisations, foreign actors sought to exert an impact on the processes of democratisation in transition countries without getting directly involved in domestic politics. The logic of supporting democratization by developing civil society was reinforced by the advancement of the notion of 'social capital' that became particularly prominent amongst Western policy-makers at that time. This concept stressed the importance of associational life in fostering norms of reciprocity and trust that are essential for the active participation of citizens in decision-making processes and the smooth functioning of democratic institutions. Consequently, there was a widespread belief that a 'vibrant civil society' constituted a necessary element for the implementation of plural democracy in transitional societies, as well as for the good functioning of established democracies.

8 However, the concept of civil society adopted by international aid agencies and donors is substantially different from the one suggested by most scholars dealing with democratic theory. Indeed, international donors have endorsed a liberal notion of civil society based on partnership with the state and the representation of diverse interests at the elite level. In this view, the role of civic organisations is to assist the state in the implementation of its neo-liberal agenda, notably by taking up some responsibilities in the domain of regulation and social protection. Hence, most of the civil society development programmes focus on building the capacity of interest associations to participate in policy and decision making processes. This ‘partnership’ interpretation of civil society is fundamentally different from the ‘radical’ understanding of the concept as a realm in which power and dominant values can be contested. The latter perspective views civil society as politically-engaged grass-roots movements and organizations acting as a vehicle for contesting political and economic power. It is a normative conception of civil society that draws on the New Left Gramscian idea of a politicized, radical civil society, as well as veering close to Jurgen Habermas or Hannah Arendt’s notion of a discursive public sphere. It is also akin to the implicit and fundamental premises of earlier liberal interpretations of civil society; the reclaiming of autonomous critical space and the eighteenth-century notion of trying to reconcile individual self-interest unleashed by commercial activity with the common good.

9 It is from this perspective that some political scientists have questioned the capacity of 'civil society development' programmes to foster democratic consolidation in recent years. Research shows that, while these organisations have certainly produced some positive effects on policy, service provision and governance, their capacity to represent citizens’ interests remains weak owing to their remoteness from the local population3. Donors have largely overlooked the existing citizen’s networks and associations present in the recipient countries, focusing instead on those organisations that complied with their strict criteria in terms of activity and administrative capacity. This contributed to the creation of a donor-led, elite-based, and professionalized NGO sector that is largely isolated from the societies surrounding it. Critiques argue that foreign intervention has disengaged the NGO sector from domestic constituencies, and thus prevented them from creating social linkages. In this context, the legitimacy of non- representative organisations to play an active role in political life is highly questionable.

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10 Nevertheless, democracy assistance constitutes a vital support for opposition to authoritarian regimes. In societies where political space is restricted, foreign intervention can play a critical role in mobilising and organising opposition to the regime. Democracy assistance has proved particularly conducive for undermining ‘electoral’ or ‘competitive’ authoritarianism. The overthrow of Milosevic in Serbia is a case in point. Indeed, foreign aid was vital for upholding civic organisations and independent media against the repression orchestrated by the regime throughout the nineties. Whilst initially limited to small-scale projects, democracy assistance developed into a major instrument for undermining Milosevic’s rule after the end of the Kosovo crisis. Foreign donors sought to organise and increase the capacity of opposition political parties, civil society organisations and independent media in order to overthrow the regime through elections. This strategy had already proved successful in removing semi-authoritarian regimes in Slovakia (1996) and Croatia (1999). As Milosevic called for early elections to be held on 24 September 2000, foreign donors intensified their efforts to foster opposition to the regime4. Besides providing training and funding for political parties, they supported electoral monitoring organisations and NGOs campaigning to mobilize the voters. External support amply contributed to the victory of the democratic coalition in the elections, as well as to the success of the popular mobilisation that led to the fall of Milosevic on 5 October 20005. However, this outcome would have been unlikely in the absence of a pre-existing network of well– established civic organisations. As Carothers points out, the success of foreign intervention needs to be put in the context of ‘a decade long struggle by Serbian opposition politicians and civic activists to challenge the hold of Milosevic and the SPS of Serbia’.

Political and Legal Framework for NGOs in Serbia

11 Since the downfall of Milosevic, Serbian ‘civil society’ has been characterised by the dichotomy between a core of politically ‘approved’ (but essentially apolitical and non- contentious) organisations that are involved in partnerships with state agencies and the government in the context of service provision and EU-funded initiatives; and a politically ostracised and media-targeted tier of long-established, ideologically liberal organisations that played a significant role in the opposition to Milosevic during the late 1990s.

12 During Kostunica’s term in office, the DSS has been overtly hostile towards civil society organisations, in particular, the more overtly political organisations working on human rights issues, such as the Helsinki Committee and the Humanitarian Law Centre. Though they were not publicly castigated in the same way, there was nevertheless a latent suspicion of the foreign funded apolitical NGOs involved in EU development projects. These supposed partners of the government and state agencies were tolerated insofar as they enabled the government to gain EU project funding6. The Democratic Party representatives, such as Milan Markovic, the former minister for Public Administration and local government, were generally more positive about the role of NGOs, or at least recognised the importance of civil society organisations in fostering good relations with the EU. However, the most vocal support for civil society came from President Tadic, whose pro-EU stance no doubt explains his recent decision to establish the ‘Council for Relations with Civil Society’. The Council, which consists of 8 members

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drawn from the NGO sector, is the only formal institutional representation for civil society in Serbia.

13 Critics of the Serbian government’s attitude towards civil society have focused either on the absence of a coherent legal and fiscal infrastructure from within which NGOs and civil society organisations can maximise their role and influence, or have sought to highlight the political animosity and deliberate condemnation of organisations deemed by the ‘regime’ to be political opponents. The two issues are, of course, connected: the former Kostunica government lacked the political will to strengthen civil society and this explains why the draft law on NGOs was not enacted. Indeed, the law was originally drafted in 2001 and was about to be presented to parliament for ratification by the reformist government of Zoran Djindjic. His assassination and the collapse of his government delayed the passage of the legislation. The law was about to be presented to parliament again towards the end of 2006, just prior to the collapse of the first Kostunica government. Its adoption has been further delayed by the instability of Kostunica’s second government. It is almost certain that the law will be enacted during this parliament; the current coalition government has adopted the draft law in July 2008. The Council of Europe and, rather belatedly, the EU have exerted pressure on the new government to enact the law.7 However, even when it is passed the law will only offer NGOs basic legal status; their capacity to raise funds, to gain tax exemption and to exist financially as charitable organisations will have to be enshrined in subsequent legislation. Nevertheless, granting NGOs legal status effectively gives them recognition in Serbia as legitimate entities. Such is the animosity that has been directed towards NGOs in recent years, this is seen as an important first stage.

The EU’s Approach to Civil Society Development in Serbia

14 The EU has focused on civil society as a development priority for Serbia only recently and, nearly a decade since the demise of Milosevic, somewhat belatedly. Since 2000, EU assistance has largely been geared towards the requirements of enlargement and the conditions of the Stabilization and Association process (SAp): institution building, the strengthening of the country’s infrastructure, justice and home affairs, economic development and cross-border co-operation. Whilst re-building the economy and developing the infrastructure in order to attract foreign investment have been over- riding priorities, this has been combined with measures to strengthen democratic governance and political processes.

15 Support designated specifically for civil society - not as part of a reconstruction or infrastructure project - is a more recent focus and has only become a designated aid objective since 2007 as part of the IPA (Instrument for Pre-accession Assistance). Indeed, during the 1990s it was American donors such as the Soros and Rockerfeller foundations that provided support to the civil society organisations battling against the Milsoevic regime. During this period the EU dealt directly with the government rather than with NGOs; after October 2000 and the change of leadership, more emphasis was placed on working with civil society and building partnerships around emergency relief and infrastructural development. The Zagreb Summit of 2000 and the start of the Stability and Association process with what was then still the Federal Republic of Yugoslavia was in a sense a turning point, enabling local NGOs to gain access to

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resources through the CARDS programme and various EIDHR initiatives designed to build state capacity, improve administrative know-how, or develop the provision of social services.8

16 The European Agency for Reconstruction (EAR). EU assistance for civil society development has been administered by the semi-autonomous European Agency for Reconstruction (EAR), which represents the main arm of EU assistance in Serbia. Support for NGOs therefore began in the context of the provision of emergency energy relief in Kosovo immediately after the ending of hostilities between NATO and the Milosevic government9. It is important to note, that although NGOs are routinely engaged as implementing partners, or are granted service contracts and tenures, most EAR funding is channelled through the government of Serbia in the form of large infrastructure projects, which are signed directly with the state. Today, most EU aid and assistance for Serbia, as part of CARDS, is administered by the EAR, which, via its regional office in Belgrade, implements the Commission’s Annual Action Programmes for the country. The Agency essentially implements schemes and projects agreed by the Commission and the Serbian government10.

17 Though the EAR does not specifically involve itself with democratic development, there is obviously overlap, particularly with regard to supporting civil society organizations and, as is the case with nearly all EU initiatives and assistance, EAR projects tend to involve local NGOs in some way, either as implementing partners or as direct beneficiaries of projects. In all its various schemes the agency places emphasis on partnerships between NGOs and government. For example, as part of the Agency’s €6 million scheme to provide specialised equipment to vocational education and training centres, local NGOs have been involved in delivering various aspects of the reform and in providing training.

18 Of the €1.28 billion of aid committed to the country overall since 2002, the EU has, through the Agency, provided €11.5 million specifically for the support of civil society11.In 2006-7 the EAR ran 7 grant programmes designed specifically for civil society development, which benefited local NGOs in 50 municipalities in central and western Serbia. These programmes tended to target organisations operating in socially deprived areas, working on issues and in areas where the EAR is already active; namely, environment, education, EU compliance and promotion, and regional integration. The administration and monitoring of these small grant projects was out-sourced to various implementing partners, such as the European Movement, a local NGO network.

19 The overriding aim of such civil society assistance has been to engage local NGOs in joint projects, to build their managerial and administrative capacity to manage projects, and to enable organisations to apply for further funding. Generally much of the agency’s aid for NGOs has focused on strengthening the capacity of civil society organisations to participate in policy development and the implementation of poverty reduction measures. Local NGOs have also been supported to deliver various social services in conjunction with local authorities. In particular, the aid has been targeted towards supporting civil society organisations and encouraging them to participate in the preparation of the Poverty Reduction Strategy Paper through the setting up of the Civil Society Advisory Committee, a forum of local NGOs. The aim here being to augment the input of NGOs within consultation processes around local poverty reduction strategies.

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20 EU funds have also been used to establish a Social Innovation Fund (SIF), which, in conjunction with the Ministry of Social Affairs (now the Ministry of Labour, Employment and Social Policy), has provided resources for joint projects between government and non-governmental sectors with particular regard to economic regeneration and development, employment and social service provision. In addition, a separate fund (Fund to Support Civil Society) designed to support projects concerned with improving the legislative and fiscal context in which NGOs operate was established. This Fund has also helped to strengthen the input of NGOs within planning and implementing community development programmes.

21 What appear to be a myriad of EAR initiatives, all seeking to support civil society in some way or other, have at their core the objective of building NGO capacity for project management, and to develop the agency of NGOs within various broader policy initiatives. The Agency’s commitment to working closely with NGOs and to providing what it describes as ‘on the job training’ (budget psycho-management, record-keeping, accounting as well as tutelage on EU norms and practices) reflects the underlying emphasis on supporting and professionalizing civil society organisations as a means of realising broader development objectives – economic regeneration, policy compliance, and bureaucratic efficiency. In terms of improving the project management capacity of the NGO sector, the EAR believes it has been reasonably successful: over 60% of applications used to fail the first stage of the process because the log-frame or other aspects of the form had not been completed correctly. In 2006-7 this was reduced to only 30%, which does suggest an improvement in the quality of applications and know- how within the NGO sector. This improvement is aided by the existence of independent experts in Serbia who now provide NGOs with training and assistance12.

22 In its administration of EU funds, the Agency acknowledges a fundamental constraint with regard to developmental assistance based on trying to build interaction and partnership between NGOs and government: most initiatives and the interaction between local actors is invariably donor-driven, with the threat that once the project ends the communication will also end. However, certain positive legacies and sustainable outcomes have occurred; an EAR field manager with responsibility for local projects observed:

23 ‘In Versac (in the north east of Serbia), they (a women’s NGO) were talking to the mayors because we were there…because of the project. But when I went back 12 months later, the municipality had provided a fund for NGOs.’13

24 The local delegation of the European Commission to Serbia. From January 2009, on closure of the EAR, the European Commission’s administering Delegation to the Republic of Serbia (‘the Delegation’) will assume responsibility for and co-ordinating EU assistance to the country. The Delegation administers EIDHR micro projects, which have only recently been made available to Serbia and are awarded to local NGOs. For the first call for proposal in July 2006, the themes were ‘fostering a culture of human rights’ and ‘advancing equality, tolerance and peace’, which are typical initiatives promoted by the EIDHR14. The number of applications from NGOs received was 108, out of which 21 project awards were made. The project grants allocated are relatively small, delivering between €20-80,000 to recipient organisations, mostly for self-contained, year-long projects. Although most of the funded projects involved the lead NGOs working across the country in collaboration with local partners, the majority of recipients were Belgrade-based NGOs with an established reputation for managing projects. In other

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words, projects tend to be broad in terms of their geographic reach, but the successful NGOs tend to be based in the capital and to have a proven track-record.

25 EU-funded projects in Serbia: focus, impact and outcomes. The EU is rapidly becoming the main donor for NGOs and civil society organisations in Serbia. Whilst several of the European and American donors have withdrawn or scaled down their involvement, the EU is setting the agenda for those that remain, both with regard to the focus of assistance and in terms of organisational management and delivery expectations. In other words, the EU is a critical player and through its micro and macro grants is defining the operational and organisational norms of recipient NGOs15.

26 The majority of projects funded by the EU in Serbia involve some kind of partnership, however nominal, between NGOs and government. Indeed, as already noted, the bulk of EU funding actually benefits the Serbian government, either directly as contracts and tenures for specific infrastructure development, or indirectly through project grants involving NGOs.

27 Whilst the latter mostly involve NGOs offering a social or public service that is not otherwise being provided, the EU, via the EAR, encourages the government to stimulate NGO activity and co-operate with the non-governmental sector. In other words, in channelling its aid through organisations is ostensibly engaging and targeting the government. This is reflected in the nature and focus of funded projects: for example, psychosocial support for victims of torture and the rehabilitation of concentration camp victims16, or contain an education, training or employment skills component, usually targeting a specific marginalised community, or working specifically with internally displaced persons (IDPs) in a particular area17. Several projects provided training for key workers such as prison guards, teachers or social workers. There were also several examples of projects focusing on some form of human rights education for high school students or younger children and their parents.

28 The Belgrade Centre for Human Rights, which has been successful in 2 out of the 3 applications it has made to the EAR, is typical of the sort of Serbian NGO that receives EU project grants. It is relatively long established (1995), employing more than 10 full- time staff the majority of whom are professionals recruited for their specific expertise. The organisation has international links (they are the Serbian branch of the International Association of Human Rights Institutes), and the director is an academic who has significant experience in applying for and managing project grants. The organisation has little apparent difficulty in securing the 20% match funding from another donor that the EU requires. Additional donors have included various embassies, foreign development agencies and multi-lateral donors18.

29 But not all skills training programmes funded by the EU deliver sustainable outcomes. Unless a state agency or local municipality takes over the running of the provision, or provides funding for the NGO to continue with the project, the sustainable long-term benefit of such skills and training projects is limited. It is not possible for the organisation to apply for additional revenue from the EU to extend the project. The only option for an NGO is to apply for a different project on a similar theme, but this depends on whether the theme of the latest call for projects is relevant.

30 Recent calls for proposals as part of both CARDS and EIDHR have focused on aspects of minority and human rights. Not surprisingly, several funded projects therefore contain a human and minority rights dimension, usually focusing on providing support to marginalised groups within civil society, either in the context of helping them exercise

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their legal rights or in terms of enabling them to access economic, social and political resources. Unless the outcome of such projects is direct advocacy around a new piece of human or minority rights legislation emanating from an international treaty or agreement that Serbia has signed, or results in more effective implementation of an existing law, the sustainability of project outcomes is questionable. The dilemma faced by a recipient organisations is that a short-term project of between €50 - 100,000 enables them only to help a fraction of those affected. For example, the organisation Pomoc Deci has received several EU project grants to work on strengthening the capacity of Roma organisations and communities, and assisting Roma communities with the process of birth registration. However, due to EU rules and procedures, it was not possible to extend any of the projects into neighbouring communities, or to widen the scope of the provision beyond the terms of the award.

31 EU assistance supposedly targeted towards civil society organisations and NGOs with the intention of engaging them in partnerships with the government as part of the EU’s commitment to building “good governance” has delivered a limited ‘partnership’ impact. In large part this is due to the fact that from the outset the focus of EU assistance in Serbia, delivered through the EAR, was infrastructure reconstruction and energy sector modernization. What might be termed democracy promotion, human rights, or civil society development aspects of EU assistance have only recently become a focus, largely as a consequence of the SAp and pre-accession considerations. The most tangible legacy of EU assistance in Serbia would appear to be the existence of a small tier of Belgrade-based professional NGOs with significantly developed capacity to apply for and manage small and medium sized grants. There is little evidence of the diffusion of expertise and know how to small local organisations, nor an increased capacity of the larger organisations to take on larger projects.

32 This then begs the question as to whether recipients of EU civil society development assistance represent civil society as such, are connected with citizens’ networks, and the extent to which they perform a political function other than assisting in legislative approximation and policy development. Even with regard to NGOs assuming these policy-related functions, some doubt is cast on the impact of assistance: when and where it occurs at all, the interaction between recipient NGOs and government or state agencies happens at a low level and invariably involves little more than the granting of licenses or the provision of data. If NGOs do gain access to policy foras as a consequence of EU projects, it is in the context of collating data and producing reports. Most of the activities generated by CARDS funding involved NGOs providing services in communities either in lieu of, or in conjunction with the state and the market. The main findings of the research into EU assistance channelled through NGOs, carried out in Serbia during 2007, can be summarised thus: • A core of professional organisations with developed management know-how and organisational capacity exists, mostly within Belgrade. • These organisations dominate each round of project grants, work closely with the EAR and the Serbian Office for European Integration, as well as with certain pro-European ministries and state agencies. • Assistance benefits a small elite of NGOs, located usually in Belgrade or in other large urban centres (little evidence of diffusion to rural or local level civil society organisations – unless they have been contracted by the large NGOs as implementing partners ‘in the field’) • Assistance thus entrenches existing hierarchies within the community of NGOs

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• The same core organisations dominate each project grant round, largely because they now posses ‘capacity’ to apply for and manage EU small grants • Funded projects focus on service provision in lieu of the state or the market; the provision of policy-related information of data • All projects are short-term (typically 12-18 months) and that the interaction between NGO recipients and state agencies is minimal and superficial • Little monitoring on behalf of the EU takes place at the local level; none by the Commission in Brussels. Key criteria of success are reporting that the objectives of the project have been met and that the money has been spent.

Human Rights NGOs as an Instance of ‘Political’ Civil Society

33 In stark contrast with the ‘institutionalized’ NGOs, the major domestic human rights advocacy groups (HRG) continue to experience a difficult relationship with the Serbian authorities. The widely unpopular and politicized nature of their activities, essentially centred on issues of war crimes and transitional justice, makes them a prime target of nationalist attacks and an uneasy partner for reformist elites. Essentially composed of Belgrade-based intellectuals, most of these organisations were established in the beginning of the nineties as anti-war movements. During Milosevic’s rule, they represented an alternative voice to the domestic nationalist discourse, and became internationally prominent by exposing the war crimes and human rights abuses perpetrated by the Serbian authorities. Like most independent organisations, the HRGs were the targets of continuous repression by a semi-authoritarian regime, which tolerated critics only to the extent that they did not endanger its hold on power.

34 In spite of the political changes initiated in October 2000, the activities of human rights organisations remained highly contentious and unwelcome by the authorities. The new government clearly had no intention of addressing the human rights violations and atrocities perpetrated by the former regime in the neighbouring countries and at home. This became obvious, as cooperation with The Hague Tribunal proved difficult due to opposition within the ranks of the new political elite. The failure of the Yugoslav Commission for Truth and Reconciliation further corroborated this state of affairs. It exposed in broad daylight the irreconcilable ideological divisions and conflicting interests within the ruling class. On the one hand, civil society activists and liberal fractions in government promoted the idea of creating a truth commission in order to establish a record of human rights violations perpetrated by the former regime and redress the victims. On the other hand, the conservative circles represented by Kostunica, who established the commission through a presidential decree, saw it as an opportunity for consolidating the nationalist narrative and appeasing the pressure of the Hague Tribunal. In those circumstances, this initiative proved unworkable from the start.

35 The transitional justice agenda was thus taken on by domestic HRGs, which were already fully integrated in regional and international human rights networks as a result of their activism during the nineties. These organisations constituted an important source of local support for the war crimes trials at the International Tribunal for the former Yugoslavia (ICTY). They assisted the prosecutor’s office in putting together evidence and providing legal expertise, as well as material and psychological

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support for victims at the local level. Local organisations, such as the Humanitarian Law Centre and the Lawyer’s committee for Human Rights, also participated in the dissemination of the court’s findings in partnership with the ICTY’s outreach office in Belgrade. In addition, the HRGs have played a major role in supporting and monitoring domestic war crimes trials since the War Crimes Chamber was established at the Belgrade District Court in 2003.

36 In terms of advocacy work, human rights organisations have focused their activities on sensitising public opinion over the devastating legacy of nationalism and war - a project commonly labelled ‘facing the past’. This primarily consists in promoting public acknowledgement of past atrocities and exerting pressure on the authorities in order to generate political accountability. The campaign reached a peak in the summer of 2005, as the tenth anniversary of the Srebrenica massacre was approaching. It was marked by the broadcasting of a video footage featuring the execution of six Bosniak teenagers from Srebrenica by members of the Serb paramilitary unit ‘Škorpioni’. This video, which was made public by the HLC, instantly sparked off public debate over the Srebrenica massacre. This was further pressed forward through the organization of public actions, such as the provocative display of billboards reminding the residents of Belgrade about Srebrenica. Eight NGOs came together to form a lobby group in order to put forward a draft declaration condemning the massacre in Srebrenica for the Serbian parliament to adopt. The initiative was eventually turned down due to the opposition of the far–right Radical Party, Milosevic’s Serbian Socialist party, and the Serbian Democratic Party of Prime Minister Kostunica. Nevertheless, it succeeded in bringing the issue of war crimes into domestic politics, and led president Tadic to symbolically attend the commemoration of the tenth anniversary of the Srebrenica massacre.

37 The HRGs were overtly critical towards Kostunica’s government, which they blamed for perpetuating public denial of atrocities committed in the name of the Serbian nation and reinforcing the political culture of ethno-nationalism. Indeed, the members of this group of organisations generally perceived and portrayed the new authorities as an extension of the nationalist rule established in the nineties. But political contestation came at a high cost. The major human rights organizations incarnated by Natasa Kandic, Sonja Biserko, and Biljana Kovacevic-Vuco were subject to a fierce campaign of intimidation and harassment orchestrated by the most conservative elements in society. The onslaught against what amounts to less than ten organisations were predominantly personal and extremely vindictive. The prominent women who run several of these organisations have been the target of verbal attacks and harassment perpetrated by politicians and leading media commentators. As well as their sanity and loyalty to the state being put to question, they are accused of being part of the communist elite, or not being truly Serb19. Questions have also been raised regarding the financing of these organizations, with the suggestion that they are the recipients of illegal funding, or are on the payroll of various international mafias. On top of that, human rights activists and independent journalists have been subject to physical assaults on several occasions. In April 2007, a prominent journalist who extensively covered the issue of war crimes was the target of a bomb attack in the centre of Belgrade.

38 Besides being in open conflict with the nationalist elites, the HRG are also highly critical towards those fractions of civil society that cooperate with, or have become partners of, the government. The split within what used to constitute a common front

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in opposition to the regime of Milosevic is manifested by the divorce between organizations seeking to establish a pragmatic dialogue with the new authorities, and those radical human rights groups challenging the foundations of the new order. The divergent views were publicly expressed through a lengthy polemic between members of civil society that took place in the weekly newspaper 'Vreme' in 2002 20. On the one hand, the human rights activists blamed the independent media, especially B92 and the weekly 'Vreme', of collaborating with the elites in concealing and mitigating the war crimes and avoiding to mention the responsibility of Serbian society. In their view, public disregard for war crimes trials was the intended result of inadequate media coverage of these issues in Serbia. On the other hand, these charges were refuted by representatives of the media sector who attributed the failure of Serbian society to address the legacy of war crimes to the incapacity of the ICTY and local human rights organizations to generate public engagement with the past in Serbia. Indeed, the human rights NGOs have been subject to severe criticism from their former comrades for being excessively politicized and for having adopted an aggressive strategy of 'confronting' the public with the past, which has not produced the desired effects on society.

39 Although cooperation with the Hague tribunal is an intrinsic component of the EU conditionality towards the Western Balkans, EU assistance for civil society in Serbia has largely bypassed those organizations dealing with war crimes and transitional justice. Indeed, EU policy with regard to war crimes in the Western Balkans essentially consists in pressuring the governments from the region to cooperate with the ICTY. It does not involve any support for local human rights advocacy groups, which do not have access to EIDHR funding. This policy can be explained by the reluctance of EU institutions to get involved into any kind of partisan politics at the domestic level. As mentioned earlier, war crimes issues are extremely sensitive and highly politicized. This is illustrated by the frequent clashes between HRGs and right-wing organizations that promote nationalist values and glorify the suspected war criminals. While most of these right-wing organizations are affiliated to the Serbian Radical Party, several representatives of the most prominent HRGs are sitting on the political council of the Liberal-Democratic Party. In those circumstances, any support for HRGs from the EU would be interpreted as involvement in domestic politics and open hostility towards the nationalist elites.

40 The absence of a coherent European democracy assistance policy in Serbia has led to the emergence of conflicting interests within the donor-driven civil society. These divergences became visible in April 2007, when several human rights NGOs appealed to the EU not to sign the SAA with Serbia before it had handed over all suspected war criminals to The Hague. These organizations have suggested the EU adopt a new kind of dialogue with Serbia that would include civil society, youth, small entrepreneurs and pro-European parties. The 'institutionalized' NGOs, led by the European Movement, immediately reacted by expressing their disagreement with these appeals. Nevertheless, these different fractions within civil society have shown that they are able to overcome their differences when their common interests are imperiled. This is best illustrated by their common appeals calling upon the EU to sign the SAA with Serbia as soon as possible and condemning the emerging anti-European discourse in Serbia in the wake of the presidential elections in January 2008. Indeed, it seems that in view of the deteriorating political climate, the human rights NGOs have rallied to the

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cause of accelerating Serbia's rapprochement with the EU in order to prevent 'non- and quasi- democratic forces from once again isolating the country'21.

Conclusion

41 The emphasis placed by the EU/EAR on capacity-building has, inadvertently perhaps, served to reinforce the dichotomy between the community of professional NGOs on one hand, and “political” civil society on the other: granting projects to non-political service provider NGOs has helped institutionalise such organisations and their activities as ‘acceptable’ civil society. By engaging them in what amounts to low-level partnerships with the state, contracting them to deliver services in the community, and raising their profile generally in society the EAR has helped consolidate the status of organisations such as the European Movement, Group 484 and other Belgrade-based NGOs as institutional representations of civil society.

42 On the other hand, the human rights groups that are dealing with politically sensitive issues are generally ineligible for EU assistance by virtue of the issues on which they work, and are therefore being further marginalized and ostracised. For critics, this merely contributes to the legitimization of the government’s illiberal political stance towards politically-engaged civil society and towards issues such as human and minority rights. In their pursuit of good governance and intra-sectoral partnership, the EU and other donors stand accused of having failed to challenge the political and moral discourses that stand as the greatest impediments to the emergence in Serbia of a truly civil society based on western values22.

43 Partnership between the non-governmental and governmental sectors is indeed an aspect of developing civil society. But in situations where the state is weak, or lacking in its commitment to upholding liberal rights, the capacity of civil society organisations to articulate a political critique and engage in deliberation with government is vital. Whether or not foreign donors can contribute towards the development of this aspect of civil society remains open to question.

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NOTES

1. There is huge literature analysing the impact of NGOs and western assistance in Central and Eastern Europe, Central Asia, the FSU and the Balkans. See in particular, Wedel (J.), Collision and Collusion: The Strange Case of Western Aid to Eastern Europe, 1989–1998 (New York: St Martin’s Press); Henderson (note 8); Cellarius (B. A. ) and Staddon (C.), ‘Environmental Nongovernmental Organisations, Civil Society and Democratization in Bulgaria’, East European Politics and Societies, Vol.16, No.1 (2002), pp.182–222; Mandel (R.), ‘Seeding Civil Society’, in Hann (C. M.), Postsocialism: Ideals, Ideologies and Practices in Eurasia, London: Routledge, 2002, pp.279–96; Belloni (Roberto), ‘Building Civil Society in Bosnia- Herzegovina’ (Human Rights Working Paper No. 2, January 2000); Sali-Terzic (S.), ‘Civil Society’, in Papic (Z.) et al., éds, International Support Policies to South-East European Countries: Lessons not Learned in B-H, Sarajevo: Muller, 2002. 2. Kaldor (Mary), Vejvoda (Ivan), Democratization in Central and Eastern Europe, London: Pinter, 1999; Green (Andrew T. ), Skalnik Leff (Carol), ‘The Quality of Democracy; Mass-Elite Linkages in the Czech Republic’, Democratization, Vol. 4, No. 4 (1997) 3. Ottaway, M. and Carothers, T. (ed.) Funding Virtue: Civil Society Aid and Democracy Promotion, pp. 293-310 4. Carothers (Thomas), ‘Ousting Foreign Strongmen: Lessons from Serbia’, Carnegie Endowement Policy Brief, 1:5, 2001, pp. 2-3. 5. For a detailed account of Milosevic’s downfall, see Bujosevic (Dragan), Radovanovic (Ivan), The Fall of Milosevic: The October 5th Revolution, New York: Palgrave Macmillan, 2003. 6. Interview with Miljenko Dereta.

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7. The EU has only recently focused on the issue, which is surprising considering the importance of NGOs in aid and assistance. The recently appointed head of the Local Delegation to Serbia, Josep Lloveras, took up the issue and placed it on the list of 15 priorities that Serbia has to deal with as part of the SAp. 8. The Zagreb Summit of November 2000 formally established a new relationship with the Federal Republic of Yugoslavia. The Summit marked the start of the SAp, and in its declaration stated that:‘the prospect of a stabilization and association agreement is now established in accordance with the invitation issued by the Council on 9 October 2000. A decision has been taken to set up a "EU/FRY consultative task force". The Commission will work on a feasibility study with a view to negotiating directives for a stabilization and association agreement." (http://www.delscg.cec.eu.int/en/documents/24-11-2000-zagreb-declaratione.htm) accessed 26/7/07. 9. The Agency continues to distribute aid to Kosovo, but via its Pristina office. 10. The EAR’s mandate in Serbia, which has been extended twice, is to come to an end in December 2008 when the Local Delegation will assume responsibility for administering the Commission’s priorities and funds for Serbia in the context of the IPA framework. Critics of this decision emphasise that the EAR has proved to be an efficient aid agency, which enjoys significant authority and devolved and decentralised power, and that such flexibility and capacity may well be lost when funding is administered by the Delegation. Until 2008 the funding priorities for the EAR are essentially those highlighted in the European Commission’s 2002-6 Country Strategy Paper, the associated three-year Multi-annual Indicative Programme (MIPs), the recommendations arising as part of the Stabilization and Association process (SAp), which started again in June 2007, and the European Partnership priorities. 11. Most EU support for NGOs comes from CARDS, via the EAR. Whilst a few NGOs have obtained funding directly from Brussels, usually as part of global EIDHR macro project initiatives, EIDHR micro grants have not been made available to the NGO sector in Serbia. 12. Interview with Vassilis Petrides, The European Agency for Reconstruction (EAR), 23rd March 2007, Belgrade. 13. Interview with Vassilis Petrides, The European Agency for Reconstruction (EAR), 23rd March 2007, Belgrade. 14. EuropeAid/123857/L/ACT/CS (2006). 15. Interview with Jelena Radojkovic, Belgrade Centre for Human Rights, 22nd March 2007 (Belgrade) 16. For example, projects run by International Aid Network (Belgrade) and Srpski savet za izbeglice (Serbian Refugee Council). 17. Srpski Demokratski Forum and International Aid Network (Belgrade). 18. For example, Royal Norwegian Ministry of Foreign Affairs, Olaf Palme International Centre, OSCE, Council of Europe, Royal Danish Embassy, Canadian International Development Agency (CIDA), Open Society Institute in Belgrade (Soros Foundation). 19. For instance, the vicious personal attacks on Sonja Biserko, president of the Helsinki Committee and a leading human rights activist in the former Yugoslavia, in mainstream and respected publications such as Politika (3rd September 2006), Ogledalo (6th July 2006), Srpski nacional (19th June 2005). Biserko, a Nobel prize nominee in 2005, was physically attacked outside her home in Belgrade and was repeatedly castigated in the media for speaking out against human rights abuses and the issue of Srebrenica in particular. 20. See Vreme, vol. 604 to 621, from 1 August to28 November 2002. 21. 'Letter to the Governments of the EU Member States' issued on 18 January 2008 and accessed on www.helsinki.org.yu/index.html 22. Interview with Sonja Biserko, June 2007, Belgrade.

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ABSTRACTS

This paper looks at the impact of EU intervention on the third sector in post-Milosevic Serbia. We argue that the framing of EU pre-accession assistance to Serbia in terms of ‘developing civil society’ is a political distraction; it obfuscates the true purpose and outcomes of EU intervention by implying that the focus of aid is the empowerment and strengthening of civil society as an arena of political contestation and as the basis of democratic regime change. In practice, EU assistance has as its goal far less politically radical objectives: the aim is to build governance and state capacity.

Cet article examine l'impact de l'intervention de l'UE sur le tiers-secteur dans la Serbie de l'après-Milosevic. Nous sommes d'avis que l'élaboration de l'aide de pré-adhésion à la Serbie en termes de «développement de la société civile» est une politique de distraction, il cache le vrai but et les résultats de l'intervention de l'UE en sous-entendant que la priorité de l'aide est l'autonomisation et le renforcementde la société civile, en tant que scène de la contestation politique et en tant que base du changement du régime démocratique. Dans la pratique, l'assistance de l'UE a des objectifs beaucoup moins radicaux sur le plan politique : l'objectif est de renforcer la gouvernance et la capacité de l'État.

INDEX

Geographical index: Serbie, Union européenne Mots-clés: Société civile, Démocratie

AUTHORS

ADAM FAGAN Senior Lecturer. Department of Politics, Queen Mary, University of London

MLADEN OSTOJIC PhD Candidate. Queen Mary, University of London

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Notes de lecture

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Les langues moins répandues en Grèce : état des lieux Evangelia Adamou (Sous la direction de), Le nom des langues II: Le patrimoine plurilingue de la Grèce (2008).

Nicolas Trifon

1 Cinq auteurs grecs se sont penchés sur le nom et la situation actuelle des langues moins répandues dans leur pays : Stamatis Beis sur l’aroumain, Eleni Botsi sur l’arvanitika, Evangelia Adamou sur l’arménien, Georges Drettas sur le gréco-pontique, Irène Sechidou sur le romani, E. Adamou et G. Drettas sur le slave. Il s’agit du deuxième tome de la série « Le nom des langues » intitulé Le patrimoine plurilingue de la Grèce, un livre à la fois pertinent (les auteurs sont des spécialistes des domaines abordés), riche en informations, indispensables pour saisir la complexité des situations, et édifiant pour ce qui est de la politique linguistique menée par l’Etat grec.

2 Le turc, c’est-à-dire la langue de la seule catégorie des citoyens grecs disposant du statut de minorité, à titre de musulmans, est absent pour des raisons techniques : l’article n’est pas arrivé à temps (p. 16).

3 Les langues abordées sont transmises oralement, dans un cadre familial, n’ont pas de statut officiel, n’ont pas été standardisées, ne sont pas enseignées et ne permettent pas de mobilité sociale aux locuteurs, précise-t-on dans l’introduction (p. 16-17) . Il y a cependant une petite exception, l’arménien, enseigné à Athènes (350 élèves) par des professeurs relevant de l’Education nationale grecque. Le nombre de ses locuteurs est restreint, environ 20.000. Certains sont les descendants des réfugiés des années 1919-1923 à Thessalonique, d’autres, la plupart, sont arrivés depuis 1990 de la République ex-soviétique d’Arménie (p. 72). « En Grèce, l’arménien n’a pas le statut de langue minoritaire alors que sa présence est parmi les mieux acceptées par les pouvoirs publics ou par la communauté grecque en général. » (p. 71.) De ce point de vue aussi l’arménien constitue une exception, vraisemblablement parce que cette langue ne représente pas un enjeu sur le plan national.

4 Les locuteurs du gréco-pontique (provenant des territoires situés autour de le mer Noire (Pont Euxin) sont nettement plus nombreux. Leur établissement sur le territoire

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grec remonte à l’échange de populations avec la Turquie en 1923. Une nouvelle vague est arrivée dans les années 1990 en provenance des anciennes républiques soviétiques. Comme tous les dialectes de l’ensemble grec oriental, le gréco-pontique présente suffisamment de différences pour que l’on puisse parler de langue pontique, écrit G. Drettas (p. 75). Chez ses locuteurs, la question des langues n’est pas conflictuelle, poursuit-il en rappelant que, face aux difficultés auxquelles ces déplacés se sont retrouvés confrontés, la langue qui avait de l’importance était celle du pays où ils venaient d’arriver (p. 88). En tout cas, « le grec pontique n’a jamais posé de problème lié à l’identité nationale » (p. 85) et les initiatives en sa faveur ont été peu suivies (p. 86-87). S’agissant officiellement d’un dialecte, son introduction à l’école n’a pas été envisagée.

5 A tous point de vue, la situation de l’arvanitika, de l’aroumain et du slave est différente. Aux yeux de nombre de Grecs, ce sont des « dialectes grecs » en quelque sorte. Le pensent-ils sous l’influence des arguments officiels, qui sont fondés souvent sur des hypothèses invérifiables et qui cherchent à prouver qu’il s’agit de variétés historiques plus ou moins éloignées du grec ? Pas forcément, selon E. Adamou, qui estime qu’il s’agit surtout de l’idée bien enracinée selon laquelle « il y a correspondance naturelle d’une langue à une identité nationale ». Dans les Balkans, « l’idéologie linguistique dominante rattache toute langue de tradition orale, non standardisée, à une langue standard (…), à une langue nationale, et, partant, intègre la population concernée à une identité nationale ou ethnique », ce qui « constitue une source de tension entre les Etats voisins », rappelle E. Adamou, en insistant sur le fait que, « en Grèce, à l’exception du romani, toutes les autres langues s’apparentent à des langues nationales dans les autres Etats de la région » (p. 21-22). Pour ma part, je ne la suivrai pas tout à fait dans cette explication. Des situations similaires se présentent aussi dans les autres pays du Sud-Est européen sans que les locuteurs des langues nationales perçoivent celles parlées par leurs compatriotes « minoritaires » comme des « dialectes ». Le turc, le grec ou le hongrois ne sont pas perçus comme des dialectes du bulgare en Bulgarie, de l’albanais, en Albanie ou du roumain en Roumanie.

6 Les rapports entre les langues moins répandues de Grèce et celles en usage dans les Etats voisins ne sont pas expressément évoqués par les auteurs. Leurs contributions ne permettent pas moins d’en saisir la complexité et de comprendre le comportement souvent contradictoire des locuteurs des langues minoritaires en Grèce. Bien placés pour savoir que, en dernière instance, se sont les politiques et non les linguistes qui décident en la matière, les auteurs du livre se gardent bien de se prononcer en termes catégoriques sur le statut du slave, de l’aroumain ou de l’arvanitika. Ils fournissent en revanche suffisamment d’indications pour que le lecteur puisse envisager ces langues comme des réalités vivantes, donc en évolution constante, au-delà des stéréotypes dépréciatifs ou laudatifs circulant sur leur compte.

7 La zone dans laquelle on parle le slave, la partie nord-est de la Macédoine en Grèce et les Rhodopes grecques, est contiguë à la Bulgarie et à la République de Macédoine dont les frontières actuelles ont été établies pour l’essentiel en 1913. Selon des « estimations optimistes », la slavophonie méridionale compterait quelque 200.000 locuteurs, de confession chrétienne (grecque orthodoxe) et musulmane (p. 126). Les premières implantations slaves dans ces régions remonte aux VIe-VIIe siècles (p. 112).

8 Issu du dialecte tosque (sud de l’Albanie), l’arvanitika est parlé par quelque 95.000 personnes (p. 60). Sa présence en Grèce, dans des enclaves éloignées pour la plupart de

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l’aire albanophone, remonte aux mouvements de population entre la fin de l’ère byzantine et les XVIIe-XVIIIe siècles (p. 48-49) . De confession chrétienne (grecque orthodoxe), les locuteurs de l’arvanitika se sont retrouvés au cœur du premier Etat grec indépendant en 1821.

9 Attestés pour la première fois au Xe siècle dans la région, les Aroumains sont présents traditionnellement en Grèce du Nord mais aussi dans le Sud albanais et en République de Macédoine. Leur langue, qui remonte à l’administration romaine des Balkans, n’est pas issue du roumain « comme un lecteur contemporain pourrait l’imaginer », mais à l’instar d’autres parlers romans de la région a connu « un développement indépendant sous forme orale » et « n’a jamais été standardisé » (p. 31). La Bulgarie et la Serbie séparent les aires aroumanophone et roumanophone qui ne sont entrées en contact qu’au dernier tiers du XIXe siècle.

10 Tout en mettant en évidence la diversité des parlers regroupés sous les noms de slave, arvanitika et aroumain, les auteurs font état de nombreux traits communs qui rendent l’intercompréhension entre les locuteurs de chacune de ces langues facile (p. 126, 60 et 36). A ce propos, les signataires de la contribution sur le slave relèvent les effets pervers tant de la sous-estimation que de la surestimation des différences au demeurant bien réelles entre les variétés d’une langue ou à l’intérieur d’un groupe de langues. Le premier cas de figure est illustré par le traitement comme un tout du « groupe roman balkanique » et du « roumain » ou encore des variantes diachroniques et synchroniques de la langue grecque (p. 123-124). La séparation opérée entre le bulgare et le macédonien après la Seconde Guerre illustre par excellence à leurs yeux le deuxième cas. Il existe un « degré important d’intercompréhension entre la plupart des dialectes bulgares et macédoniens », concluent-ils, tout en faisant par ailleurs état des « petits blocages qui, une fois accumulés en discours, empêchent l’intercompréhension totale [entre les locuteurs des diverses variétés slaves de Grèce] alors que sur le plan structurel les similarités sont nettement présentes » (p. 125).

11 La prise en compte du degré d’intercompréhension peut en effet se révéler précieuse dans toute une série de situations bloquées aussi bien par les interprétations divergentes émises par les linguistes eux-mêmes sur les similitudes et les différences structurelles entre des langues ou des variétés de langues apparentées que par les spéculations d’ordre historique ou plutôt génétique qui circulent à ces sujets. Je pense surtout aux rapports entre le roumain et l’aroumain. Dans les faits, les aroumanophones et leurs interlocuteurs roumanophones peuvent le vérifier à tout instant, il y a un très faible degré d’intercompréhension entre les deux. Le phénomène ne s’explique pas seulement par la forte influence du grec moderne sur le lexique aroumain, rappelée par S. Beis (p. 36), le suivi par un grécophone d’une discussion en aroumain étant encore plus improbable. A eux seuls, ces faits, qui sont mis en évidence par l’application d’un critère somme toute empirique, ne permettent évidemment pas de décréter que l’aroumain est une langue à part. Ils ne sont pas moins incontournables, et en faire abstraction, se serait faire fi des réalités.

12 Plus précisément, se serait faire fi d’un aspect des réalités parmi bien d’autres. Le fait que, par exemple, l’aroumain ne soit pas simplement un dialecte historique extraterritorial du roumain, donc qu’il pourrait être traité de manière indépendante, ou que les parlers slaves de Grèce soient si proches de ceux de la Bulgarie et la République de Macédoine voisines, ne saurait peser lourd par rapport à tout une autre série de faits non moins incontournables : dans le contexte grec, les locuteurs de ces

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parlers, une petite minorité mise à part, n’aspirent pas à les ériger en langues tout court ou à les aligner sur d’autres langues nationales. La complexité des raisons qui les conduisent à adopter cette attitude ressort très bien des contributions portant sur le slave et à l’arvanitika .

13 En effet, l’histoire régionale qui a engendré la configuration nationale grecque moderne, la résistance des institutions et des mentalités aux changements y compris dans le contexte de l’Union européenne (p. 65), l’effet dissuasif de la répression pratiquée par le passé, sous la dictature de Metaxa notamment, n’expliquent pas tout. Il y a aussi, par exemple, le penchant des locuteurs des petites langues, isolées de surcroît, conduits par les circonstances à utiliser celle de la majorité, de considérer leur parler comme un bien à eux, relevant en quelque sorte de l’intime que l’on hésite et parfois on se refuse à exhiber. Les slavophones, chrétiens comme musulmans, n’appellent-ils pas leur langue (nash-ta) « la notre »? (P. 118.) E. Adamou et G. Drettas avancent l’explication suivante : « l’expression notre langue ne constitue pas seulement un processus de masquage d’une réalité problématique, mais elle souligne l’enracinement de la langue dans un espace villageois dont elle ne représente que l’un des attributs » (p. 119).

14 « Pour la plupart des locuteurs arvanites, il s’agit d’un code local acquis seulement par les initiés avec une fonction exclusivement interne plutôt que d’une langue « comme les autres », écrit E. Botsi, qui rapporte l’étonnement provoqué par le contact avec les immigrés arrivés d’Albanie dans les années 1990. Dans les discussions quotidiennes, on évite de citer le terme « arvanitika », en recourrant aux stratégies d’omission », poursuit-elle, tout en rappelant par ailleurs l’expression stéréotypée grecque « Ne me parle pas en arvanitika = Ne me parle pas dans une langue incompréhensible ! » (p. 55-56).

15 La « subordination » et la « dépréciation de soi » constatées chez les « locuteurs finaux (terminal speakers) de l’arvanitika » (p. 68) s’expliquent selon E. Botsi par « le refus de l’Etat grec d’admettre un espace public pour les citoyens hétéroglottes et hétérodoxes » (p. 59). Cela vaut également pour les locuteurs du slave et de l’aroumain, langues dont l’avenir semble tout aussi compromis. La situation des Turcs, comme celle de bon nombre de Slaves (Pomaques) et de Roms de confession musulmane, est différente. Aux termes du traité signé par la Grèce et la Turquie à Lausanne en 1923, les musulmans de Thrace occidentale, la région exempte de l’échange obligatoire de populations, ont une existence légale en Grèce et un enseignement en turc est dispensé dans les écoles publiques de ce pays, notamment depuis 1954 (p. 109). En revanche, l’existence d’une minorité turque n’est pas reconnue. Parmi les effets non recherchés induits par ces dispositions contradictoires il y en a au moins deux qui méritent d’être relevées. D’une part, en se déclarant musulmans, ceux qui ont comme langue première le slave et le romani, langues qui ne sont pas enseignées en Grèce, sont amenés à suivre les cours de turc (et, à une moindre échelle, d’arabe, dans les écoles coraniques). D’autre part, les défaillances de l’enseignement du turc dans le système scolaire grec et les vexations dont font l’objet les « Grecs musulmans » suspectés de nationalisme turc rendent très attractive la Turquie voisine auprès de ces derniers qui s’y rendent par exemple volontiers pour poursuivre leurs études dans de meilleures conditions (131). En Thrace occidentale, des pans entiers de la population échappent ainsi de fait sur certains points à l’autorité de l’Etat grec. Efficace face aux Arvanites, aux Aroumains et aux Slaves grecs-orthodoxes, la stratégie nationale de l’Etat grec fondée sur le choix du

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critère confessionnel hérité de l’Ancien Régime ottoman et le rejet catégorique du critère ethnolinguistique peu ou prou national dans la définition des minorités semble avoir échoué face à ce qui est en train de prendre la forme d’un pôle turc et/ou musulman.

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