Polaire Par Elle-Même
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POLAIRE PAR ELLEMÊME PARIS ÉDITIONS EUGÈNE FIGUIÉRE 166, BOULEVARD MONTPARNASSE Il a été tiré de cet ouvrage : quatre exemplaires sur Japon, des Manufactures impériales, à fausses marges, numérotés 1 à 4. – Quatre exemplaires sur Hollande Van Geler à fausses marges, numérotés de 5 à 8. – Trente exemplaires sur Alfa, numérotés de 9 à 38. Trois mille exemplaires sur Vélin bouffant, constituant l'édition originale. Tous droits réservés Copyright 1933 by POLAIRE ...C'est en cachette qu'il faut faire l'aumône. POLAIRE. Paradoxale... Polaire n'a pas tout a fait cessé de l'être... Catulle MENDES. 2 Table des matières MOI ............................................................................................................................................................................ 4 JE SUIS NÉE... ......................................................................................................................................................... 6 ROVIGO .................................................................................................................................................................... 8 MUSTAPHA ......................................................................................................................................................... 10 MAMAN ! .............................................................................................................................................................. 14 PREMIER CONTACT AVEC PARIS... ........................................................................................................... 17 FAMILLE ............................................................................................................................................................... 24 LES BOSANO ....................................................................................................................................................... 26 MA «MÈRE» GOETZ ......................................................................................................................................... 28 MES DÉBUTS ARTISTIQUES ......................................................................................................................... 31 DES AMBASSADEURS A LA SCALA... ......................................................................................................... 36 PREMIERES DECEPTIONS SUR LE THEATRE ....................................................................................... 44 CLAUDINE ............................................................................................................................................................ 47 AVEC JEAN LORRAIN, AU PAYS DE MARIUS ......................................................................................... 5 3 DEDICACES ......................................................................................................................................................... 57 CHEZ LES FOUS... .............................................................................................................................................. 59 LE FRIQUET ........................................................................................................................................................ 64 MON VOISIN ....................................................................................................................................................... 66 YVES MIRANDE ET «MA GOSSE» ............................................................................................................... 68 QUELQUES AUTEURS, QUELQUES PIÈCES ............................................................................................ 7 0 «LE VISITEUR» .................................................................................................................................................. 75 «AU PAYS DES DOLLARS» ............................................................................................................................. 78 UN DIRECTEUR MODERNE .......................................................................................................................... 84 1914 ....................................................................................................................................................................... 87 LES BÊTES... ET LES HUMAINS ................................................................................................................... 90 LE FISC ! ................................................................................................................................................................ 93 SERIE NOIRE ...................................................................................................................................................... 98 MON PORTRAIT PAR LA GANDARA ...................................................................................................... 101 JEUX DE L'AMOUR... OU DU HASARD... ................................................................................................. 103 CEUX QUI ME PLAISENT ............................................................................................................................ 112 AUX FOYERS DES «CIGALES» ................................................................................................................... 116 3 MOI Je vais vous livrer ici les souvenirs de ma vie, tels qu'ils s'agitent en mon âme tumultueuse. J'ai l'impression que c'est comme un cri que je ne puis ne pas pousser... Cri d'appel, de détresse, de joie, ou d'adieu ? Je ne sais ; aussi bien ne me suis‐je point souciée de le démêler... Je tiens cependant à ne pas avoir l'air de poser à la femme de lettres, tant s'en faut ! Vous verrez plus loin comment et pourquoi je ne suis jamais allée qu'à l'école maternelle, à un âge où je tenais à peine sur mes jambes ; je n'y ai, en tout et pour tout, appris qu'à tracer des bâtons qui ne marchaient guère plus droit que moi. Ce n'est que plus tard, au hasard des leçons de la vie, que j'ai pu, acquérir les notions qui m'avaient manqué, apprendre à exprimer à peu près ma pensée. Je dis les choses telles que je les ressens, et rien n'a flétri en moi cette petite fleur bleue que j'ai toujours gardée au fond du cœur. C'est donc en bavardant, voulez‐vous ? Que je vous dirai, au hasard du souvenir, les mille choses que j'ai vues, sans ordre, peut‐être, mais en toute sincérité. Oh ! Je sais qu'on ne peut pas tout raconter, surtout quand on parle des autres. En ce qui me concerne, j'entends être très franche ; je ne le serai pas moins pour les gens dont j'aurai à vous entretenir, sous les réserves qui s'imposent notamment en regard de certaines petites canailleries que la vie moderne semble accepter, de plus en plus, avec une indulgence amusée dont je ne dois pas être la seule à me trouver confondue. Toute vérité n'est. pas bonne à dire, je ne l'oublie pas, mais tout ce que je vous révèlerai restera de la plus rigoureuse exactitude. Les impressions dont je vous ferai part me demeurent, j'y insiste, personnelles, Il est même possible que je me sois parfois trompée sur le compte d'autrui, tout comme on s'est, si souvent, imaginé à mon sujett des choses complètement erronées : chacun n'est‐il pas libre de ses opinions ? Parce que j'ai débuté ‐ et réussi ‐ très jeune, que je suis née avec une peau très mate ‐ ce qui n'est pourtant pas si rare sous le soleil d'Alger ‐ parce que j'avais une taille fine à l'excès, et un physique que l'on n'était pas, alors, accoutumé de rencontrer à Paris, on a affecté de ne voir en moi qu'un phénomène. Les amateurs de déductions faciles ont étendu à ma mentalité les traits exceptionnels dont la nature avait gratifié mon corps et mon visage! Il paraît que j'incarnais le Vice, avec un grand V, s'il vous plaît ! J'ai laissé courir les légendes. Et puis, j'ai été longtemps à ne pas croire au mal : Dieu sait, pourtant, si je l'ai souvent côtoyé, à mon insu 1 Et, d'ailleurs, la Vie n'a‐t‐elle pas créé pour nous le maximum de sensations, sans qu'il soit besoin d'aller solliciter les raffinements extravagants qu'on étale si complaisamment aujourd'hui A mon avis, snobisme mis à part, ne ont par les êtres incapables d'éprouver ce que la nature a mis à leur disposition, ou ceux qui n'ont plus suffisamment les moyens d'en profiter, qui font appel à des recherches maladives pour provoquer la vibration impuissante, goûter l'extase qui se refuse ! Les tempéraments sains ne m'ont jamais paru avoir besoin de ces plaisirs artificiels. Vous voyez, je laisse vagabonder mon esprit au gré de mes impulsions ; je voudrais pourtant essayer de mettre un peu d'ordre dans tout ce qui se heurte en moi de sensations et de souvenirs. Tâchons de commencer par le commencement, ce qui est encore la méthode la plus pratique. Toutefois, il m'arrivera certainement de m'évader, ayez l'indulgence d'admettre que cela puisse tenir lieu de l'antaisie. Que voulez‐vous, je n'aime guère, pour moi, ces parterres où tout est géométriquement planté, disposé et taillé ; j'ai l'impression que les arbres y sont en tôle et les végétations en zinc. Combien je préfère, au contraire, les massifs touffus, où les corolles, à leur gré, paraissent lutter pour se chiper mutuellement la meilleure place... Souvent un 4 beau désordre est un effet de l'art. Ces souvenirs couleront donc, sous ma plume, épars et touffus comme dans les parterres que j'aime... Ceci explique que, sous les fleurs que je m'efforcerai de répandre,