ORNES La Vie et la Mort d'un Village Meusien

ORNES 1914 Vue générale.

R N E s 1918 1 L'Église. Chanoine Charles LAURENT Vicaire Général Honoraire de Supérieur du Petit Séminaire de Glorieux

ORNES La Vie et la Mort d'un Village Meusien

1 M P R C M lE R D E C@NTÂIMT-LÂ@UIERRI BAR-LiE-IOIUJC -: - 36, RUE ROUSSEAU 1938

A LA MÉMOIRE VÉNÉRÉE DE SON PÈRE MONSIEUR EDMOND LAURENT MAIRE D'ORNES 1912-1924 PENDANT LA GUERRE ET L'APRÈS-GUERRE

AU SOUVENIR DE SES ANCÊTRES ET DE CEUX DES GENS D'ORNES

AUX ANCIENS HABITANTS D'ORNES ET A LEURS DESCENDANTS ATTACHÉS DE CŒUR AU CHER PAYS DISPARU

L'AUTEUR DÉDIE CE LIVRE.

Petit Séminaire de Glorieux, Le 20 Août 1937, Vingt-troisième anniversaire de l'évacuation d'Ornes.

AVANT-PROPOS

Ce livre est sur le chantier depuis vingt-cinq ans. C'est au cours des vacances de 1912 que l'idée en a été conçue et les premiers matériaux recueillis. Depuis lors, ce fut la guerre, la dispersion des gens d'Ornes et sa destruction totale; les multiples soucis d'après-guerre, l'oubli passager des notes jadis réunies, la difficulté entrevue de faire imprimer l'ouvrage, — sans que, pourtant, le désir de laisser une vivante image du cher village disparu ait jamais été complètement abandonné. C'est donc surtout à ses compatriotes que l'auteur a songé en écrivant ces pages. Que de souvenirs émouvants lui sont revenus en mémoire, tandis que se développait sous sa plume cette attachante histoire qui, d'année en année, s'allongeait au delà de toute prévision ! La destination de cette monographie en explique et en justifie les caractères. On s'est proposé avant tout de ravi- ver tout ce qui, dans le passé, a intéressé nos ancêtres. Pour cette raison, elle n'a rien d'une œuvre faite selon les règles classiques du genre. Delà viennent tout particulière- ment l'allure souvent anecdotique du récit et la longue énumération des familles et des individus. De là aussi l omission volontaire de tout appareil scientifique. On n'a pas cru devoir indiquer en détail, pour chaque point, les sources où se trouvent les documents utilisés. On les trou- vera citées en tête de l'ouvrage d'une façon générale, mais qui pourtant permet de se reporter, chapitre par chapitre, aux textes manuscrits ou imprimés qui les renferment, et aux témoignages oraux ou écrits qu'ils invoquent. Si cet ouvrage peut être publié aujourd'hui, malgré la hausse extraordinaire des frais d'édition, c'est grâce à un double concours : celui du Conseil municipal d'Ornes, dési- reux d'offrir ce livre à tous les habitants d'Ornes quiont sur- vécu à la guerre de 1914; celui de la Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le- Duc, qui a bien voulu l'accueillir dans la série de ses Mémoires, dont il formera le 49c volume. Aux personnes qui lui ont ainsi permis de livrer son travail à l'imprimeur, l'auteur se fait un devoir d'exprimer sa vive gratitude. Puisse cette évocation du passé servir de trait d'union entre les gens d'Ornes aujourd'hui dispersés et susciter chez leurs descendants un sympathique attachement pour le village où, sans la guerre, ils auraient pu vivre des jours heureux dans l'intimité de leurs familles et de leurs amis d'enfance. BIBLIOGRAPHIE

On a divisé en trois groupes les sources de l'histoire d'Ornes. D'abord les documents manuscrits et les sources orales. Puis les ouvrages imprimés. Enfin les gravures et les plans. 1° MANUSCRITS. — Ils seront énumérés selon les dépôts où ils se trouvaient avant la guerre et où beaucoup se trouvent encore aujourd'hui. Ornes. — Archives municipales : Registres des baptêmes, des mariages et des décès depuis 1609. Ils renfermaient souvent des annotations intéressantes sur les événements paroissiaux. Depuis la Révolution, les registres de l'état civil, naissances, mariages, décès, et les registres municipaux proprement dits. Ils ont tous été détruits au cours de la guerre de 1914. Un seul, qui se trouvait aux Archives départementales, série Q, a été sauvé. On a utilisé les notes nombreuses qui en avaient été extraites avant cette date. ' : Comme documents privés, d'abord les actes notariés conservés dans les familles et les études verdunoises. Puis les papiers, cor-' respondances ou mémoires. En première ligne, les papiers de Jean- Jacques Colsoo, réunis dans un registre qui appartenait, à la, veille de 1914, à l'une de ses descendantes habitant Buzy. Puis, tout aussi intéressantes, les notes inédites du lieutenant-colonel Mouteaux sur les troupes françaises à Ornes en 1915. Les sources orales, signalées dans le récit, ont été beaucoup uti- lisées. La courte étude sur le patois d'Ornes a été rédigée d'àprès les conversations d'anciens habitants qui ont gardé l'habitude de le parler entre eux. Verdun. — Les archives municipales et hospitalières de Verdun renferment de nombreuses pièces intéressant Ornes. Elles sont indiquées dans les inventaires de MM. Vernier et Labande, qui vont jusqu'à la Révolution. Pour la période postérieure, se repor- ter aux indications données par Edmond Pionnier, en tête de son Essai sur la Révolution à Verdun (Nancy, 1907). Mais les pièces les plus importantes se trouvent à la Bibliothèque municipale. On a consulté spécialement les manuscrits n05 172 à 176, 379, 386, 387, 388. On peut y joindre les Notes recueillies sur Amel, de Marseaux, qui se trouvaient autrefois dans ce village. Bar-le-Duc. — Les archives départementales contiennent de nombreux renseignements plus ou moins importants sur Ornes : Série B, nos 252, 374, 561, 568, 813. Série L, Registre des délibé- rations municipales. Série E, Archives de la famille de Nettan- court. Série Q, nos 946 et 947, Biens d'émigrés et biens d'Eglise. Collection Buvignier-Clouet, n° 30, Original de la lettre d'affran- chissement d'Ornes.

2° IMPRIMÉS. — D'abord les ouvrages généraux, puis les ouvrages spéciaux qui se rapportent plus particulièrement à un chapitre. Calmet (Dom A.), Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, 3 vol. in-f", 1728. Parisot (Robert), Histoire de Lorraine, 3 vol. et tables, in-8°, 1919-1924. Roussel (Chanoine), Histoire ecclésiastique et civile de Verdun, 2e éd., 2 vol. in-So, 1867-1870. Clouet (Abbé), Histoire de Verdun et dit pays verdunois, 3 vol. in-Se, 1867-1870. Liénard (Félix), Dictionnaire topographique du département de la , in-4°, 1872. Liénard (Félix), Archéologie de la Meuse, 3 vol. in-4°, 1881-1885. Aimond (Mgr Charles), Les relations de la et du Verdu- nois, in-8°, 1910. Robinet (N.), Pouillé du diocèse de Verdun, t. ter, io-Sù, 1888. Blache (Jules), etc., Géographie Lorraine, in-So, 1937. Buvignier (Amand), Statistique géologique... du département de la Meuse, in-8°, 1852. Grosdidier de Matons (Marcel), La Woëvre. Étude de géographie humaine, in-8°, 1926. Herbomez (Armand d'), Cartulaire de l'abbaye de Gorze, in-8°, 1898. ■ - 1 Marichal (Paul), Remarques chronologiques et topographiques sur le Cartulaire de Gorze, in-So, 1902. Bonvalot (Édouard), Le Tiers-ÉÍat d'après la loi de Beaumont, in 8°, 1884. Périn (Edmond), Catalogue des chartes de franchise de la Lorraine, in-8°, 1924. Hugo d'Etival (Le Père), Histoire de la maison De Salles, in-fol., 1716. Lepage (Henri), Les seigneurs, le château, la châtellenie et le vil- lage de Turquestein (Mémoires de ¡la Société d'archéologie lor- raine), 1886. Ludres (Comte de), Histoire d'une famille de la Chevalerie lor- raine, 2 vol. in-8°, 1904. Husson (Mathieu), Histoire verdunoise, éd. par l'abbé Frizon, 5 vol. in-8°, 1886 sqq. Petitot-Bellavène, Deux siècles de l'histoire de Verdun (Mémoires de la Société philomathique de Verdun), 1891. Calraet (Dom A.), Notice de Lorraine (Ornes et ), 2 vol. in-fol., 1756. Vuarin (Pierre), Journal (Recueil de documents sur l'histoire de Lorraine, 4), in-8°, 1858. Pionnier (Edmond), Essai sur la Révolution à Verdun, in-8°, 1907. Aimond �Mgr Charles), La guerre de 1 9i4-194 8 dans la Meuse, in-12, 1922.

30 GRAVURES ET PLANS. — On a dû restreindre l'illustration du volume au strict nécessaire. Si les circonstances le permettent, un album beaucoup plus complet sera publié plus tard. 1. Les armes d'Ornes. — Cette reproduction donnée sur le titre est celle d'un sceau de Jacques d'Ornes, celui-là même qui donna la charte de franchise en 1251. L'original se trouve aux Archives départementales de Meurthe-et-Moselle. Il nous a été signalé par M. Pierre Marot, conservateur des Archives, qui l'avait étudié, fait graver et reproduire. C'est à sa parfaite obligeance que la Société des Lettres doit la planche d'après laquelle ce sceau est ici reproduit. Un moulage du sceau de François d'Ornes, qui se trouve à la Bibliothèque nationale, fait partie de la collection Maxe-Verly à la bibliothèque de Bar-le-Duc. Il est en très mauvais état. 2 et 3. Ornes en t914 et en 1918. — Photographies prises, la première à la veille de la guerre, la deuxième aussitôt l'armis- tice. 4. Plan du finage d'Ornes, d'après le cadastre. — Ce plan a été gravé d'après le plan d'assemblage cadastral dressé en 1841. Il est facile d'y faire rentrer la description des lieux-dits donnés dans le texte en se servant des bois comme points de repère. La photographie du plan cadastral a été très aimablement faite pour la Société des Lettres grâce à M. Hospital, contrôleur des contri- butions directes et du cadastre, à Bar-le-Duc. 5. Plan du village d'Ornes.— Ce plan, qui malheureuse- ment n'est pas très net et n'a pu être obtenu autrement, décrit minutieusement les maisons et propriétés attenantes, à la veille de la guerre de 1914, en donnant souvent les noms des propriétaires. G. La charte d'affranchissement d'Ornes. — Photographie de l'originaldes Archives départementales de laMeuse, à Bar-le-Duc, collection Buvignier-Clouet, n° 30. 7. Photographie de l'église-abri. — Celle-ci a subi depuis quelques légères modifications. Toutes ces planches ont été gravées par les Arts graphiques modernes de Jarville-Nancy. ORNES

CHAPITRE 1 LA TERRE ET LES HABITANTS

1° Situation géographique. — Ornes était situé à soixante- trois kilomètres de Bar-le-Duc, à quinze de Verdun, à dix de Charny. Avant l'établissement des chemins de fer, la localité était un centre, grâce à la route départementale de Metz en Flandre. Mais, après la création des voies fer- rées, Ornes se trouva excentrique, à dix kilomètres des deux gares les plus proches, Charny et -Abaucourt ; aussi, les habitants accueillirent-ils avec joie, en avril 1914, le chemin de fer départemental de Verdun à Mont- médy, dont ils ne devaient jouir que trois mois.

2° Le nom d'Ornes. — Ce nom apparaît, pour désigner la rivière, dès 775, sous la forme Horne. Il revient assez fréquemment dans les chartes de l'abbaye de Gorze. La première mention que les documents historiques fassent d'Ornes, nom de lieu, se trouve dans un diplôme de Char- lemagne, en 812, sous la forme Urna. Les documents pos- térieurs écrivent Orna et ajoutent souvent in Wapria (en Woëvre) : Orna in Wapria serait la capitale du pagus Ornensis (pays d'Ornes), distinct du pagus Odornensis (pays d'Ornain). On verra plus loin qu'on a discuté sur cette distinction des deux pays. Jusque vers 1830, on écrivait indistinctement Ornes ou Orne. Depuis lors, on a pris l'habitude de réserver la forme Ornes à la localité, et la forme Orne à la rivière.

3° Le sol. — La majeure partie du territoire présente, sous la terre végétale, des couches de marne alternant avec des petits lits de calcaire argileux, d'un gris roussâtre, d'une pâte compacte très fine, ne contenant ni fossile ni autre corps étranger. La dernière couche de ce calcaire, par contre, présente de nombreuses coquilles fossiles et prend un aspect jaunâtre, de 2 à 4 mètres d'épaisseur. Il a fourni, dans les différentes carrières du territoire, une pierre excellente pour le bâtiment et pour la route. Plus profondément, on trouve des couches de calcaire blanc, de coral-rag (10 mètres environ), qui, bientôt, empâtent des grains d'oolithe ferrugineux. Par suite d'un brisement de l'écorce terrestre, cet oolithe a émergé, en un étroit ruban de 2 ou 3 kilomètres de long, sur le plateau d'Herbe- bois.

4° Les eaux. — De ce fait, les eaux souterraines ont été divisées en deux bassins : celui de l'Azanne, qui, jaillis- sant à Soumazannes (ou source de l'Azanne), à 316 mètres d'altitude, entraînera toutes les eaux des coteaux bas- wabriens, au nord, vers le bassin de la Meuse; celui de l'Orne, qui, de Semoune (ou source de l'Orne), à 274 mètres d'altitude, se dirigera vers la Moselle, en recueillant toutes les eaux des Hautes Woëvres, au sud. Seul de toutes les sources du territoire d'Ornes, le ruis- seau de Curemont, renforcé par le ruisseau des Fourrières, la fontaine de la Seholle et la source du pré Noël, ira rejoindre l'Azanne au nord de Grémilly, après s'être creusé un passage entre le plateau d'Herbebois et les Jumelles d'Ornes, ou côtes d'Ornes et de Grémilly, falaise des Côtes de Meuse s'avançant sur la Woëvre, comme les côtes de et de Romagne. Les deux bassins de l'Azanne et de l'Orne se rejoignent un instant, dans le bois du Breuil : l'étang Débat, dont les eaux se déversent dans l'Orne, et l'étang des Crocqs, qui alimente un petit ruisseau affluent de l'Azanne, près du Haut-Fourneau, sont réunis par un fossé. On ne sau- rait dire à quel bassin appartiennent les deux cents mètres qui séparent les deux étangs. Le village d'Ornes était bâti sur un terrain qui recouvre une nappe aquifère abondante. Cette nappe, qui plonge d'un mètre en moyenne, est entretenue d'eau par le vaste plateau, en partie boisé, qui borne le village à l'ouest, et par les deux contreforts qui l'encadrent au nord et au sud. Il semblerait même que cette nappe est alimentée par la haute Meuse, si l'on en juge par l'étroite et frappante relation qui existe entre les débordements du fleuve et la recrudescence du débit de notre rivière. Les cinq sources de l'Orne jaillissaient toutes proches du fond d'un étroit vallon, dominé à l'ouest par le vaste plateau des Hauts-de-Meuse, théâtre de l'attaque des Alle- mands sur le fort de Douaumont le 25 février 1916. Deux de ces sources avaient été captées, en 1910, pour fournir de l'eau à Etain. Après la guerre, deux autres l'ont été également pour Maucourt, , et Morge- moulin. Le vallon d'Ornes est séparé, par les contreforts de ce plateau, de deux autres vallons : au sud, celui de Bezon- vaux, au nord, celui de Curemont. L'Orne formait immé- diatement un ruisseau abondant qui, à moins de cent mè très, alimentait un petit étang. Cent mètres plus loin, le ruis- seau s'accroissait de l'apport de la source de la Roche et de quelques filets intermittents, qui tombent en cascade du contrefort nord du plateau. A quelque quatre cents mètres en aval, après avoir arrosé les jardins au nord de Semoune, l'Orne, retenu par une digue, remplissait jad is les fossés du château-fort et actionnait le moulin banal qui y était adjacent. Une filature de coton, établie en 1819 dans les dépendances de l'ancien château, utilisa la force hydraulique de la rivière. A cent mètres de la filature., l'Orne est encore grossi, à droite, par un fort courant d'eau,. provenant d'une série de sources étalées au pied de la col- line sud, et jaillissant entre les deux chemins de la Vaux, presque en face de l'emplacement du château (1). Dès lors, la rivière, après avoir traversé la rue de Dessous, va alimenter les biefs de trois moulins, distants de quatre à cinq cents mètres : le Petit-Moulin (ancienne huilerie), le moulin Camuzet, le moulin de Prés (ancienne forge), puis trois kilomètres plus loin, après avoir arrosé les prés riverains au moyen d'une série de barrages, le moulin de Maucourt. Sur le territoire d'Ornes, l'Orne reçoit quelques petits ruisseaux : à gauche, celui des Aunels; à droite, ceux du Javion, des Nœuds, du pré Gambette, de Beuze. Après un cours de quatre-vingts kilomètres, grossi par les ruisseaux sortis des vallons au pied des Hauts de-Meuse, la rivière va se jeter dans la Moselle à deux kilomètres en aval de Richemont, à douze en amont de Thion- ville. La nappe d'eau souterraine, d'où l'Orne a jailli, a déter- miné l'orientation du village. Tandis que, sortant des fossés de l'ancien château-fort, la rivière suit, comme de juste, le fond de la vallée, l'agglo- mération s'est constituée le long de la nappe souterraine, à mi-pente du versant nord de la côte sud, sur un petit plateau qui concentre les eaux et les laisse échapper au pied de son escarpement. Cette disposition permit d'avoir des puits nombreux et abondants, communaux et particu- liers, tout le long du village. C'est surtout dans le bout haut du village, entre les deux chemins qui conduisent à la Vaux, que ces sources jaillissaient au niveau du sol. Cette abondance des eaux fut même un des obstacles qui s'opposèrent longtemps à l'établissement de la route directe de Semoune au village : il fallait alors passer par la Vaux. Toutes les analyses de l'eau d'Ornes, aux différentes sources, prouvent qu'elle est de qualité supérieure.

' Il) C'est en captant le lit souterrain de ces sources que la commune, en 1$66, put alimenter tout le village d'eau courante. 5° Les routes et les chemins. — Les anciennes voies de communication ont l'avantage d'évoquer les relations qu en- tretenaient nos ancêtres avec les autres localités et les loin- taines provinces. Deux voies romaines traversaient le terri- toire d'Ornes : la route de Verdun à Marville et celle de à Reims. I. — La route de Verdun à Marville, sortant de Verdun au nord-est du vieux Castrum, suivait le trajet actuel de la rue Chaussée, du pont Chaussée, du Faubourg-Pavé, et passait contre l'entrée actuelle du cimetière. Elle bifur- quait alors en deux embranchements : l'un vers Senon, l'autre vers Marville. Ce dernier, celui qui nous intéresse, existe toujours : il gravissait en biais la côte Saint-Michel, longeait le bois Saint-Michel (un sentier, actuellement), passait par Fleury et Douaumont. Arrivé à deux ou trois cents mètres à l'est des Chambrettes, dans la contrée appe- lée encore avant la guerre « Chemin de Marville », elle croisait l'ancienne route de Senon à Reims par ,, puis obliquait vers Ornes, descendait le chemin actuel de Verdun et celui de l'Essorbier, et gagnait le champ Ginette. En 1863, on y a retrouvé trois monnaies romaines en bronze, dont l'une encore lisible, à l'effigie de Maximien Hercule. Au delà d'Ornes, la route de Verdun à Marville gagnait la côte de Grémilly. En 1856, en creusant une carrière, on retrouva, au sommet de la côte, un cimetière ancien; les quelques sépultures qui furent fouillées renfermaient des armes, des urnes en poterie rouge, deux grands vases en bronze et diverses monnaies romaines, dont une partie fut recueillie par le Musée de Verdun, notamment un denier d'argent à l'effigie de l'empereur Valens, un grand bronze de Faustine la Jeune, deux moyens bronze de Trajan et de Faustine, un petit bronze de Constantin. La route passait ensuite à l'ouest de Grémilly, traversait Azannes et Romagne-sous-les-Côtes, passait à et arri- vait à Marville, pour se diriger ensuite vers Vieux-Virton.; II. — La seconde voie romaine qui passait sur le ter&-i-, toire d'Ornes, celle de Senon à Lochères et à Reims par Avocourt, partait de Senon vers le nord de l'étang d'Omel, gagnait les fermes de Rémany et du bois d'Arc, passait au sud de Pierreville, puis à l'Epina, où les restes enterrés d'une villa fournirent, en 1833 et 1834, six cents tombe- reaux de larges pierres; traversait le bois de Maucourt, où l'on trouva en 1817 des poteries romaines et des monnaies à l'effigie de Valérien, passait au sud d'Ornes, où l'on découvrit en 1863 trois monnaies romaines à l'effigie de Maximien Hercule, traversait la route de Verdun à Mar- ville à l'est de Chambrettes dans le Bois-Brûlé, puis gagnait Louvemont et , franchissait la Meuse grâce à un gué, se dirigeait vers Cumières, Forges, Avocourt et allait se souder à la grande route consulaire de Reims, dans l'Argonne. Si les deux voies romaines ont vraisemblablement été tracées avant l'existence du village, des chemins secon- daires l'ont été manifestement pour le traverser. De la route de Verdun à Marville, se sont détachés le chemin de Chaume (ruelle), vers Semoune; le chemin de la Goulette, vers la Vaux; le chemin de la Rochelle, vers le centre du village, pour se prolonger par le chemin de la Vierge et l'ancien chemin de Damvillers, tandis que la route primi- tive avait une bifurcation vers Chappe. 111. — Une autre vieille route plus récente, semble-t-il, unissait les deux forteresses épiscopales d'Hattonchâtel et de , en passant par Eix et Dieppe. Le sentier de Dieppe, le talus du pré Noël et de la côte de Grémilly à mi-côte en étaient encore les vestiges et jalonnent ses tronçons. IV. — Quand Louis XIV eut conquis la Flandre en 1668, une nouvelle route réunit cette province à Metz, pour mieux protéger les nouvelles frontières de la France. Ce fut la « route de Metz en Flandre », qui fut appelée, au xix* siècle, « route de Metz à Sedan », puis « route d'Etain à Damvillers », dénominations qui firent oublier son origine. C'est la vieille route ou simplement la route qui, venue de Maucourt, monte la Tarche et se dirige, par Souma- zannes, Ville, Damvillers, vers Sedan. Les relations d'Ornes avec les côtes de Woëvre étaient assurées par le chemin d'Ornes à , vieille route de . Celles d'Ornes avec Bezonvaux se firent long- temps, pour tout le haut du village, par le chemin de Fon- tenaux avec bifurcation sur Bezonvaux, et par le sentier de Bezonvaux qui prenait à l'intersection de la Croix d'Hi- laire. V. — D'autres vieux chemins ont aussi leur histoire, mais moins connue. Le chemin des Saulniers, suivant la croupe de la colline qui sépare les vallées d'Ornes et de Bezon- vaux, traversait le bois de Chaume, la nouvelle route de Chaume, la vieille route de Verdun à Montmédy et s'enga- geait dans le bois des Fosses. Ce chemin écarté avait-il des relations avec les saulniers, ou marchands de sel, autorisés ou contrebandiers, qui portaient le sel de Château-Salins en Champagne? Le chemin des Aunels eut aussi sa célébrité. (Suivant la rivière, après le gué de Chappe, il conduisait vers la forge, devenue moulin des Prés, bifurquait à droite par le chemin de la Prairie vers l'ancienne tuilerie et les prés à gauche, avec la largeur des grandes routes, vers le bois Lebat, ou quart en réserve, qu'il séparait du bois de la Côte. C'était certainement un chemin hirdal, réservé aux troupeaux. Il donnait ensuite naissance au chemin d'Ornes à Bill y, puis au chemin d'Ornes à la ferme des Crocqs. Signalons enfin la vieille route de Verdun à Montmédy (ou Haute Chaussée) par les Chambrettes, la ferme Saint- André, le haut de Soumazannes et Azannes. Ornes était mis en relation avec cette route par le chemin de Beau- mont qui allait rejoindre le chemin de la Vierge. En 1825, le Conseil municipal avait dressé le tableau des chemins communaux, en mentionnant leur longueur et leur largeur. Ce sont à peu près les chemins tels que nous les avons connus. Depuis lors, y ont été ajoutées deux nou- velles voies, celle de Bezonvaux à Grémilly, celle de Mau- court à Grémilly, à travers la prairie. On les trouvera plus loin à leur emplacement dans la description des lieux-dits du territoire. Au nombre de trente-deux, elles représentent une longueur de plus de trente-quatre kilomètres.

6° Le village. — D'après les chemins qui y aboutissaient, Ornes comprenait autrefois trois centres principaux nette- ment distincts : Semoune, le Village proprement dit et Chappe. D'autres quartiers s'y étaient développés au cours des siècles : la Vaux et la rue Dessous, double excroissance à l'ouest, et le Quartier du Roi, qui unit le village à Chappe (1). I. — Semoune, summa Orna, source de l'Orne, était réuni à Chaume par deux chemins : le chemin de Chaume qui conduisait à l'étang de Chaume et aux sources, à travers les chénevières, avec prolongement vers les Chambrettes et embranchement sur Beaumont; la ruelle de Semoune qui allait rejoindre le chemin des Saulniers par le chemin du Champ-Clément, entre les chénevières de Rutivie, les champs de la Croix-Magot et le bois de Chaume à droite, les champs de la « Quemine » et le champ Clément à gauche. Semoune était dominé au sud par le cimetière et, jadis, par l'église, auxquels on accédait par un sentier, tandis qu'un chemin y conduisait du village. En dessous, l'ancien presbytère d'avant 1830: une vieille plaque de cheminée y représentait deux anges convoquant les hommes au juge- ment dernier, avec leurs trompettes. Au nord du presby- tère, de l'autre côté du chemin, se trouvait le « Didâle » (2), (1) Dans les actes municipaux,Chappe s'écrit de différentes façons : Chappe- Chape-Chapes. Cette dernière forme est la plus ancienne ; elle se trouve dans la charte de 1251. (2) Çe nom vient peut-être de ce que ce pré était exploité parla famille Dasle, dont l'un des membres, Jean Dasle, était en 1750 admodiateur des dixmes et terrages du chapitre de la Madeleine de Verdun. pré qui avait la mauvaise réputation d'attirer la pluie quand on le fauchait. La Vaux (ou Vallée) fut de tout temps la place centrale du village. C'est là certainement que s'établit le premier groupement qui donna naissance au village, et qui resta, pendant des siècles, le lieu de refuge et d'assemblée des habitants. C'est là que se réunissait la population celto- belge, très probablement avant l'époque mérovingienne. Plus tard, suivant la règle, elle descendit vers le fond du vallon. La forme en éventail des constructions qui y furent faites n'évoque-t-elle pas encore ces assemblées? Plus tard, c'est à la Vaux que se tenaient les foires, les fêtes du village, les « bûles » de la Saint-Jean. La place, entourée par les jardins de la Vaux, était unie à Semoune par le chemin de la Vaux, au nord; au vil- lage, par la rue de la Vaux, au nord-ouest; au chemin de la Rochelle, par la ruelle de la Vaux, au nord-est, et au chemin des Saulniers, à quinze cents mètres au sud-ouest, par le chemin escarpé de la Goulette, qui à travers les jardins de la Vaux et du « Pal » et les champs du Haut de la Goulette, de l'Épinette et du Champ-Clément, atteignait la Croix de la Vaux, y croisait le champ des Saulniers et allait rejoindre, deux cents mètres plus loin, le chemin de Verdun. Presque au sommet de l'escarpement de la Gou- lette, en haut des jardins, le sentier Férée, à angle droit vers le sud, se dirigeait vers le chemin de Verdun, le chemin des Saulniers et le bois des Caurières. La rue de la Vaux descendait sur la place de la Balle (ou place du marché) où se tenaient encore les foires d'avant-guerre, et où s'élevait le lavoir de la Halle, ali- menté par les sources abondantes dont il a été question; la rue de la Vaux se continuait par la rue du Four (condui- sant au four banal de l'ancien château) et par la rue Des- sous. Au sud de la place de la Halle, la rue de la Cense se composait des maisons des fermes du château : le corps de logis et les jardins de la Cense donnaient sur le chemin de la Vaux, leurs granges et écuries s'ouvraient au nord sur le « Parterre » du château. Le château était entouré d'un large fossé qui, après la destruction du manoir, devint pré et étang. Seules les dépendances du château furent en partie conservées: une filature y fut construite en 1819 par M. Meunier. Au nord-est du château se trouvait le grand jardin, auquel on aboutissait par le sentier du Grand-Jardin. Ce chemin, partant de la rue Dessous, longeait le grand jardin et se continuait vers les champs de la Montagne qui s'éten- daient jusqu'au chemin de Beaumont à Ornes, par les champs au dessus du Tilleul. A la Révolution, cette contrée seigneuriale fut aliénée. Comment y accéder? A moins d'utiliser la digue de l'étang, il fallait faire un grand détour par le chemin de la Vierge, surtout quand, à la construction de la maison Briet en 1845, fut supprimé le sentier du Grand-Jardin. Ce fut, tout au cours du xix" siècle, la source d'une série de contestations et de procès. II. — Revenons à la place de la Halle. Le « village » proprement dit s'en détache vers l'est en une seule rue, dont les deux côtés ont reçu les noms de « rue d'En-Haut » (au sud) et de « rue d'En-Bas » (au nord), d'après leur élévation au flanc de la colline. Entre la place de la Halle et le village, le passage était barré en partie par la « maisonnette », petite maison placée seule au milieu de l'espace entre les deux rues et laissant seulement un chemin étroit, tortueux et montant, le long de l'escarpe- ment de la rue d'En-Haut. Les charretiers étaient souvent arrêtés en u grimpant à la maisonnette ». Même après la démolition du bâtiment et l'abaissement de la pente, en 1881, on continua à parler du chemin de la « mazenatte ». La rue d'En-Haut était percée, à cent mètres environ, par la ruelle de la Rochelle, qui continue le vieux chemin de Verdun à Ornes au sud. Il se poursuit, au nord, par la rue Dessous, dont l'autre extrémité rejoint la rue du Four. La ruelle de la Rochelle se continuait au nord par le chemin de la Rochelle à Fontenaux. Auparavant, par l'in- tersection de ce chemin avec l'ancien chemin de Verdun et l'ancienne route de Marville, à la Croix d'Hilaire, était formé le lieu-dit des Pointes. De la ruelle de la Rochelle se détachait le chemin de Derrière les jardins, qui rejoignait le chemin de l'Essorbier à cent mètres du village. Ces trois chemins encadraient, au sud, les lieux-dits de l'Essorbier et de la Gaille, que coupait, du nord au sud, le sentier de la Gaille, tandis qu'au sud le chemin des Jardins, le chemin de l'Essorbier et les jardins de la rue d'En-Haut entouraient les vergers du champ Pommier, où s'éleva, vers 1890, le château du docteur Simonin, en face de la nouvelle église. Quant à la « rue d'En-Bas », elle allait de la rue du Four à la ruelle Henrion (ou du Pâquis) qui conduisait à la maison « des Quatre vents ». Elle était interrompue quatre fois : par la rue Dessous, par la ruelle des Danses, par la ruelle du Petit-Moulin, par les chénevières, où fut cons- truite la nouvelle église, de 1827 à 1829. « La ruelle des Danses », ainsi appelée de la salle affectée à cet usage avant la Révolution, conduisait aux chénevières de la Périne bordées au sud par le bief du Petit-Moulin. La ruelle du Petit-Moulin, ou ruelle Grandjean, conduisait au Petit- Moulin, ainsi qu'à son canal de décharge. Elle bornait à l'est le petit Pâquis, qui faisait suite à la Périne et recevait à angle droit la ruelle du petit Pâquis. Le Petit-Moulin avait été construit par Louis Gille sur un terrain que la commune lui avait vendu deux cents francs le 2 septembre 1790 ; son bief ne fut creusé qu'en l'an IX (1800-1801) sur un terrain que le nouveau propriétaire, Louis Deville, avait acheté en 1794 des biens seigneuriaux. Entre la ruelle du Petit-Moulin, à l'ouest, et la ruelle du Pâquis, à l'est, s'étendait le Pâquis, limité au sud par le sentier du Pâquis, au nord par le chemin du Pâquis et coupé en deux par la rivière. Le Pâquis, ou pâturage, appartenait au château, ainsi que la Périne, le petit Pâquis et, plus loin, la Bourguette, lejardin de la Salée, le jardin et les prés des Etangs. Ils furent vendus en 1793 comme biens d'émigrés. Le chemin du Pâquis, qui, partant du gué de la rue Dessous, se poursuivait après le gué de Chappe par le chemin des Aunels, unissait toutes ces propriétés seigneuriales. Longtemps le « village » proprement dit se terminait à peu près à la place d'où partent le chemin de l'Essorbier, et la ruelle du Pâquis. La rue « Perdue », ainsi appelée à cause de sa position écartée, avait dû y être ajoutée assez tardivement, puis, plus tard encore, le Quartier du Roi qui, s'étendant de la ruelle du Pâquis à la route de Metz en Flandre, relia le « village » au quartier de Chappe. D'où vient ce nom de « Quartier du Roi » ? Peut-être en souvenir de la construction de la route sous le roi Louis XIV, peut-être même parce que la construction de ce quartier ou sa reconstruction après le passage des Suédois (1636-1640) datent de cette époque. III. — Quant à Chappe, ce quartier est l'un des plus anciens de la localité. Son Wé (du latin Vadum qui veut dire gué) avait peut-être servi de passage à la voie romaine de Verdun à Marville. L'autre côté de la rivière était également habité : il y avait la maison de la Bourguette qui, en 1706, était chargée de la redevance d'une pinte d'huile pour l'église. Plus loin, il y avait la forge, sur l'emplacement du futur moulin des Prés, puis la tuilerie. 7° Le finage et les lieux-dits. — En prenant l'église pour centre, on peut diviser le territoire d'Ornes en huit secteurs, dont les rayons sont constitués approximativement par les chemins, tandis que les bois ou des lignes conven- tionnelles entre les bois en seront le périmètre extérieur..

1° SECTEUR NORD. Rayons : le chemin de la Vierge prolongé par le chemin de Damvillers, et la nouvelle route de Grémilly. Limites extérieures : le bois d'Herbebois et le territoire de Grémilly. Principaux lieux-dits : en allant de l'ouest à l'est et du sud au nord : au-dessus du Moulin et la Tarche, la contrée de la Vierge, le champ des Pierres, le Pommetier, le champ des Fèves, le pré Coquelet, le champ Pierron, les Ouillons, le Seugnon, le Four, les Fourrières (avec leur fontaine), la grève Sussel, le pré Maîtrejean (1) et le pré Sussel, arrosés par le ruisseau de Curemont. Cette section est traversée du sud au nord par l'ancienne route de Metz en Flandre. On y trouve aussi : le sentier du Moulin, le prolongement du chemin de Beaumont qui, de 'la Vierge, allait rejoindre la route de Metz en Flandre, le sentier du champ Pierron et du pré Coquelet, le chemin de la Tuilerie. Ce dernier chemin mérite, ainsi que la contrée du Four, une mention spéciale. Quand, en 1912-1913, on établit la ligne Verdun-Montmédy, les travaux de terrassement ont mis à jour, au Four, les soubassements d'une maison et quelques cercueils en pierre qui, malheureusement, furent détruits. Qu'y avait-il autrefois en cet endroit? un four à briques? un haut-fourneau? La guerre n'a pas permis d'examiner sur place ces diverses hypothèses. Ce qui paraît probable, c'est que le chemin de la Tuilerie aboutissait à cet endroit, qu'il unissait à la tuilerie de Grémilly, établie au versant nord de la côte de Grémilly, et aussi probable- ment à la tuilerie du chemin de la Prairie. Il n'est pas possible d'identifier ces lieux-dits avec plus de précision, tout ce qu'on peut dire avec certitude c'est que cette région connut autrefois une certaine prospérité industrielle.

2° SECTEUR NORD-EST. Rayons : la route de Grémilly, et le chemin des Aunels (près la route d'Ornes à Billy et, lisière de la forêt sur la prairie). Limites extérieures : le territoire de Grémilly, les bois de Grémilly, d'Azannes et de Billy, les fermes des Crocqs et de Pierreville. , Principaux lieu.x-cfits : deux groupes bien distincts : les champs et prés, et les bois. (i) Au xviii* siècle on écrivait encore le pré Maistre Jean. Pour les champs et les prés on trouve d'abord, en bor- dure du chemin de Grémilly et du chemin des Aunels : le pré Noël, la Bruyère, le pré Léger, le Toit de Paume, la Seholle et sa fontaine, le pré Matignon, le pré de la Cire, la Croix Sire Jacques, les Courtes-Roies, les Perchies, le Jardinet, par opposition au Grand-Jardin qui touchait au château, les Aunels, la Hazelle; puis, en montant la côte, les Entrevaux, le Surry, les Longues-Roies, à Halin, le Rousseux, le Coin de la Côte, et enfin la côte, le champ de Mauran, les Tessennières, le Haut des Longues-Roies, le Vaut de la Côte. Cette contrée est sillonnée par le chemin de la Tuilerie, le chemin des Courtes-Roies et le chemin de la Côte. Quant aux bois, ils comprenaient le bois communal de la Côte, le bois Lebat ou quart en réserve, et le Breuil, avec ses étangs de Robraquis, du Breuil, Débat et des Crocqs, qui, n'ayant pas été aliéné à la Révolution, a été rendu à la famille de -, héritière des sei- gneurs d'Ornes. C'est le dernier vestige de l'ancienne baronnie. Il a été classé, après la guerre, dans la zone rouge. Ces bois sont traversés par les anciens chemins d'Ornes à Billy et à la ferme des Crocqs et par la nouvelle route d'Etain à Montmédy. 3° SECTEUR EST. Rayons : le chemin des Aunels (le chemin de Billy et la lisière sud de la forêt) et le chemin des Haies de Chappe. Limites extérieures : les fermes de Pierreville et de l'Epina, le territoire et le bois de Maucourt. Principaux lieux-dits : En tournant avec le village comme pivot, nous trouvons successivement : entre le bois et les chemins de la Prairie et du pré Loyon, les portions de Pâquis, à Chênepré, la Reculette, le pré Loyon, le pré Jacquot; entre les chemins de la Prairie et la rivière : la Tuilerie, le Petit Bois, le pré de devant la Prairie, puis la Prairie, avec ses nombreuses appellations : le pré de la Magdeleine, le Grand Pré, le Mauvais Pré, le Coin des Maréchaux (t), le pré Saint-Maurice, les Tournions, le pré de la Chapelle, le pré le Battant, le petit Enclos, le grand Enclos, le pré Walmy, les Givaux, les grands prés de Givaux, sur le bois du Breuil, les Aulnes Martin; entre la rivière et le chemin des haies de Chappe : l'étang de Chappe et sa digue, le champ Ginette, le pré Jean Quillot, le pré Jacques Fouquet, les Jonquettes, le Petit Breuil, le Grand Breuil, Grève sur Breuil, l'étang des Chambrettes (pré rattaché à la ferme des Chambrettes qui manquait de prairie). 4° SECTEUR SUD-EST. Rayons : le chemin des Haies de Chappe et la route de Maucourt. Limites extérieures : le bois et le territoire de Maucourt. Principaux lieux-dits : le Javion et son ruisseau, le pont des Noces, la Chèvre, les Nœuds et leur ruisseau, le champ Lamelle, le pré le Prêtre, le pré Rondel et son chemin, les Noëls, le pré Gambette et son ruisseau, la Crotelette, le champ le Potier, le pré Boileau, Beuze et son ruisseau, devant le bois de Maucourt.

5° SECTEUR SUD. Rayons : le chemin de Maucourt et le chemin de la Rochelle à Fontenaux. Limites- extérieures : les territoires de Maucourt et de Bezonvaux. Principaux lieiix-dits : la Prêle et sa fontaine, la Mère d'Oie, la Haie du Pas, le Champ la Bonne, le champ de Chartonne,àGesnes-en-Woëvre(2), Vallette et son chemin, (t) Il y a un siècle, il y avait, dans le Coin, une maison avec verger, puits et bûcher important ; Michel Bourguignon y habitait l'été ; la maison fut démolie vers 1855, et le puits comblé avec ses décombres. t2) Ce lieu-dit, avec son terrain bouleversé, a tout l'air d'être le vestige d'une localité disparue. Ne serait-ce pas, à l'est du Verdunois, le pendant de Gesnes-en-Argonne, à 8 kilomètres au nord-ouest de Montfaucon; ce qui donnerait à cette supposition un semblant de raison, c'est un manuscrit d'un moine de Saint-Vanne, du xe siècle, qui indique, comme limites du comté de Verdun, Gesnes-en-Argonne et l'Orne. Dans notre hypothèse, Gesnes-en- Woëvre aurait déjà disparu à cette époque (?). l'Homme mort, et les jardins déjà décrits dans les envi- rons de la localité. 6° SECTEUR SUD-OUEST. Rayons : le chemin de la Rochelle à Fontenaux et la nouvelle route de Chaume. Limites extérieures : les territoires de Bezonvaux, de Douaumont et de Louvemont (au delà des Chambrettes). Principaux lieux-dils : en allant du village à la péri- phérie et de l'est à l'ouest : le Haut de Vallette, le champ Berger, le champ Pétaux, le Gros-Chêne, la Potence (l), le bois des Caurières, le vallon de Fontenaux où le ruisseau de Bezonvaux prend sa source, les Tailles à Fonte (plan- tations communales de sapins); puis, revenant au nord- ouest du bois des Caurières, les Houis, le sentier Féré, le champ Gabriel, le Mauvais Lieu; puis, se rapprochant de Chaume : l'Epinette, le champ Clément, la Croix la Vaux; et, enfin, le bois de Chaume. Ce secteur est traversé par de nombreux chemins déjà mentionnés : l'ancien chemin de Verdun, le chemin de Douaumont, le chemin des Saulniers, le sentier Féré, l'ancienne route de Verdun à Marville, l'ancienne route de Senon à Reims, le chemin de la Goulette, le chemin du Champ-Clément et l'ancien chemin des Chambrettes. Il en résultait entre Chaume, la Croix la Vaux et les Caurières un véritable enchevêtrement.

7° SECTEUR OUEST. Rayons : la route de Chaume et le chemin du Cerisier prolongeant le chemin de 4a Roche. Limites extérieures : territoire des Chambrettes, bois des . Fosses, territoire de Beaumont et d'Azannes, et Souma- zannes. Principaux liezix-dits : en allant du centre à la circon- (1) Ce lieu-dit a été ainsi nommé fort probablement à cause du « signe patibulaire » que le sieur de Triconvillc, seigneur de Bezonvaux, avait fait élever dans les environs, avec l'autorisation (26 janvier 1594) de l'abbesse de Juvigny, suzeraine du lieu.

férence et du sud à l'est : l'Enclos, la Castille et son ravin, Je Verre d'eau, la Carmagnole, le bois des Fossés, le Haut Col, la Croix de Pierre, la Charme, la Montagne, le Devant de la Montagne, le Vauzel, la Gaille, le champ Cendré, la Harangère et à Selande. Ce secteur est parcouru du sud au nord, à cent mètres du bois des Fosses, par la vieille route de Verdun à Mont- médy, qui passe près des ruines de l'ancienne ferme de Saint-André. Cette route est traversée près de Chaume par le chemin des Saulniers et, vers le milieu de son parcours vers Saint-André, par le chemin de Beaumont, qui a bifurqué en haut de la Roche, en même temps que le che- min du Cerisier. Entre le chemin de Beaumont et celui de Chaume on rencontre le chemin du Haut Col et le chemin du Verre d'eau (ou plutôt : Verdeau, c'est-à-dire du Ver- sa n t). La contrée à Selande mériterait une mention spéciale ; elle veut dire : vers la ferme de Selande. Cette ferme, située au nord de l'intersection du chemin de Beaumont à Azannes et de la route de Montmédy, eut un instant de célébrité à la fin du xvie siècle, pendant les guerres de reli- gion. Cette résidence seigneuriale, manoir et ferme, avait été construite avant 1580 par Jean de Schelandre, capitaine de reîtres allemands, à qui Jean de la Marck, prince de Sedan et huguenot acharné, avait donné le gouvernement de Jametz et le riche fief de Soumazannes, dépendant de l'évêché de Verdun. C'est là probablement que naquit, vers 1585, dans la religion calviniste, Jean de Schelandre, petit-fils du précédent, fils de Robert de Schelandre, qui défendit Jametz, en 1588-1589, contre le baron d'Hausson- ville, seigneur d'Ornes. Jean de Schelandre, soldat-poète, composa notamment une tragi-comédie, « Tyr etSidon », et vint mourir au château de Soumazannes, en 1635, des suites de ses blessures. La ferme de Selande, prononciation populaire de Sche- landre, tombait en ruine à la fin du xvinc siècle (1). Elle (1) Avant la guerre, les archives de la mairie d'Azannes avaient quelques pièces intéressantes sur Selande. est encore mentionnée sur la carte du département de la Meuse, dressée en exécution du décret de l'Assemblée Constituante du 30 janvier 1791. Son territoire était annexé à celui de la commune d'Azannes; on en voyait encore des vestiges avant la guerre : dépression de terrain et tuiles. Beaumontavait aussi son lieu-dit « à Selande », c'est-à-dire vers Selande. 8° SECTEUR NORD-OUEST. Rayons : le chemin de la Roche prolongé par le chemin du Cerisier, et le chemin de la Vierge prolongé par le chemin de Damvillers. Limites extérieures : l'ancien chemin de Beaumont à Damvillers et les territoires d'Azannes et de Grémilly. Principaux lieiix-dits : en allant du centre à la circon- férence et de l'ouest à l'est : la Roche, probablement ancienne ferme, dont les laboureurs déterraient autrefois des vestiges. Elle est mentionnée, le 5 février 1743, dans les actes relatifs à la réforme de la coutume de Verdun et du Verdunois, en même temps que Soubmazannes et Zélandre. Au-dessus de l'Enclos, le champ des Rates, la Saure, les Fosses Marchai, la Sablière, Herbebois, le bois Planté, la Montagne. Puis, revenant au nord de Semoune, derrière Semoune, les Tilleuls; au-dessus de Curemont et la contrée de la Vierge, les Vignes Madame, le coin de la Mariée et Curemont avec sa source, la Vaux Moget, au che- min de Damvillers, le Chêne le Vieux et Martinvaux. Cette section est traversée, sur le sommet qui sépare Semoune de Curemont, par l'ancien chemin de Beaumont à Ornes, appelé maintenant chemin des Tilleuls, par le chemin de Saure et par le chemin d'Herbebois, qui se détache à gauche, à l'extrémité du chemin de la Vierge, à l'endroit où le chemin de Damvillers s'en détache à droite, et par le chemin de Martinvaux qui se greffe sur le chemin de Damvillers. 8° Le territoire. 1° SUPERFICIE TOTALE. Une statistique communale de 1852 donne la liste des propriétés communales et personnelles avec leur conte- nance et leur revenu. Cette statistique dira, par le tableau suivant, ce que valait alors notre village disparu : CONTENANCE PROPRIÉTÉS Hect. Ares Cent. REVENUS Bâtiments 5 67 » 7.318106 Jardins 5 40 65 479 » Chénevières, vergers, houblonnières..... 19 64 24 1.292 85 Pâtis 15 57 90 230 69 Prés, oseraies, saussaies 152 71 80 7.000 46 Pâturages 61 30 9 20 Vignes 19 04 08 712 70 Terres labourables 751 90 19 7.775 02 Terrains plantés 3 48 64 139 46 Eaux, canaux, etc 1 15 20 4 44 Chemins 27 71 46 Routes, rues, places 12 97 93 Forêts 792 98 30 13.459 54 Etangs, marais 37 44 40 1.015 19 Terres incultes, friches, carrières ...... 3 33 15 2.18 TOTAL ...... 1.849 66 24 39.438f79

20 LES BIENS COMMUNAUX. Cette même statistique, en 1852, détaille comme il suit les biens communaux : Rect. Ares Cent. Presbytère, écoles, église, cimetière 42 01 Terres labourables, plantées en bois ...... 1 43 90 Pâtures 44 50 Friches et carrières 2 6 50 Pâtis ...... 10 24 90 Bois ...... 355 47 50

Le tout était estimé valoir : 601.200 francs, et rapporter : 8.557 francs de revenu. Un simple rapprochement entre ces deux statistiques fera remarquer que les bois particu- liers sont plus étendus que les bois communaux : 355 hec- tares 47 ares 50 centiares pour les bois communaux; 437 hectares 50 ares 80 centiares pour les bois particuliers (le Breuil et le Chaume). 3° LES BOIS COMMUNAUX. Le plan des bois appartenant à la communauté d'Ornes avait été dressé le 8 avril 1728 par Jean Antoine, arpen- teur commis au siège royal des Eaux et Forêts de Metz. Ce vieux document est intéressant à plus d'un titre, notam- ment en rappelant les anciennes dénominations de nos bois, Ils contenaient en leur ensemble 677 arpents 75 perches, qui valent 346 hectares 15 ares 22 centiares, soit 9 hectares 32 ares 33 centiares de moins qu'en 1852, savoir au détail : Le bois des Fosses 107 arpents, 40 perches. Le canton de l'Ermitage 49 — 45 — Le canton du bois Brûlé 55 — 94 — Le canton du bois La Fonde 3 Le canton d'Herbebois ...... 232 — 2 — La Coste de Saussure 46 — 12 — Total des bois taillis d'Ornes ...... 493 arpents, 93 perches. II faut y ajouter le canton de Clairs-Chênes, appelé bois Bas : 483 arpents 82 perches. Le texte, qui explique le plan dressé par Antoine, conti- nue : L'Ermitage est situé entre les terres du ban d'Ornes et le bois Brûlé au nord, Fontenaux à l'est, les bois de Mau- tauban, titre d'un évêque de la famille de Vaubecourt, seigneur d'Ornes, et les terres de Bezonvaux au sud, les terres et haies d'Ornes à l'ouest, c'est-à-dire entre le sen- tier de Fontenaux aux Chambrettes, le chemin de Douau- mont, le ravin du chemin de Douaumont à Fontenaux. Le bois Brûlé se trouvait entre Fontenaux et les terres du champ Gabriel. C'était le bois des Caurières actuel. Le bois La Fonde était au sud de Fontenaux, appelé actuellement « taillis la Fonte ). Ajoutons que Fontenaux était plus large qu'avant-guerre, Jes sapins n'existaient pas, le bois de La Fonde était moins étendu. 9° L'exploitation du territoire.

10 LE BÉTAIL. En 1857 il y avait à Ornes 441 bêtes bovines : 70 bœufs, 1 taureau, 220 vaches, 150 veaux; — 50 moutons et 200 brebis et agneaux ; — 500 porcs.

2° LES PRODUITS. Grâce aux chiffres consignés annuellement en commune depuis 1857, on peut facilement déterminer, depuis lors, le mouvement agricole, tant pour l'étendue des terrains cultivés que pour la quantité des produits récoltés. Comme vue d'ensemble, voici d'abord la statistique communale de 1851 : Blé, 3.000 hectolitres. — Avoine, 3.000 hectolitres. — Orge, 1.200 hectolitres. — Pommes de terre, 4.000 hec- tolitres. — Vin, 450 hectolitres. — Trèfle, 900 quintaux. Foin, 2.280 quintaux. — Luzerne, 35 quintaux. — Chanvre, 640 kilos. — Bois, 3.200 stères. — 50.000 fagots. Blé. — De 240 en 1853, le nombre des hectares ense- mencés en blé s'élève à 250 en 1857, puis reprend le chiffre de 240 jusqu'en 1870, et s'abaisse ensuite à 190. Quant à la récolte, elle varia de 4.800 hectolitres en 1858 à 1.680 en 1866, et 200 seulement en 1871, par suite de la guerre. Sauf en 1858, où l'excédent sur les besoins était de 182 hectolitres, il y eut donc un déficit de la récolte par rapport à ces besoins : 2.708 hectolitres en 1866. Avoine. — Depuis 1853, les terrains ensemencés en avoine varièrent suivant une courbe qui indique les hési- tations des cultivateurs : 280 hectares en 1853, 215 de 1861 à 1863, 165 en 1866, puis un relèvement progressif qui atteint 195 en 1904. La récolte moyenne approximativement équivalente aux besoins fut de 3.000 hectolitres. La grêle avait tout détruit en 1853. Orge. — De 75 hectares en moyenne de 1853 à 1870, les terrains ensemencés en orge s'élevèrent à 105 hectares en 1871, la guerre ayant empêché les semailles de blé, pour tomber à 25 hectares en 1872, puis peu à peu à 5 hec- tares en 1904. En 1853, les besoins d'orge s'élevaient à 960 hectolitres. La grêle ayant tout détruit, il fallut les acheter ailleurs à 12 francs l'hectolitre. Seigle. — 12 hectares en 1853, une moyenne de 5 hec- tares de 1 855 à 1870, 40 hectares en 1873, puis progres- sivement de 15 à 25 hectares. En 1853, 96 hectolitres suf- fisaient à la consommation. Pommes de terre. — Occupant 100 hectares en 1853, elles n'en couvrirent plus que 65 à partir de 1856, puis 75 de 1863 à 1870. Après la guerre, en raison de l'emploi des pommes de terre par les distillateurs, on en cultiva jusqu'à 120 hectares de 1873 à 1890, puis 100 hectares. En 1853, on en récolta 8.000 hectolitres suffisant aux besoins. Légumes secs.-Au cours du dernier demi-siècle, 2 ou 3 hectares en donnaient 50 hectolitres en moyenne pour la consommation. En 1853 la grêle avait presque tout détruit. Prairies naturelles et artificielles. - Jusque vers 1880 les prairies naturelles couvraient 150 hectares; elles s'éten- daient les années suivantes jusqu'à 200 hectares; 50 hec- tares pouvaient être irrigués par l'Orne. Quant aux prai- ries artificielles, durant cette période, le trèfle occupa de 20 à 30 hectares, le sainfoin baissa de 70 à 30 hectares, la luzerne s'éleva de 14 à 74 hectares. Belleraves. — De 1885à 18901a betteravedevint de mode : elle occupait 5 hectares; cette culture retomba à 1 hectare en 1893, à néant en 1894, pour retrouver sa vogue avec 5 hectares en 1895. Produits divers. chanvre, qui occupait encore 4 hec- tares de 1872 à 1877, n'en occupait plus que 2 en 1878, l en 1881, 50 ares en 1886, et disparut tout à fait en 1894. Le lin était cultivé sur 2 hectares en 1872 et ne tarda pas à disparaître. Colza et navette ne parurent guère, sauf en quelques champs isolés et de façon irrégulière, après 1885. La viqne. — Le vin d'Ornes avait une certaine renommée. On lisait dans La Revue de la Meuse de 1844 (1er vol., p. 21) : « Les collines bien exposées qui bordent l'Orne fournissent des vins blancs et rosés qui sont estimés des gour- mets ». Vers cette époque, il n'était pas rare, aux bonnes années, de récolter 400 hectolitres de vin ; il y en eut 450 en 1851. On avait conservé le souvenir, comme années exception- nelles, de 1865 et de 1884. Mais, après cette dernière date, les mauvaises années se succédèrent, en même temps que la facilité des transports amena les vins du Midi et d'Algérie à des prix modérés; ce qui, avec la diminution de la main- d'œuvre et l'apparition du mildiou en 1886, amena l'aban- don progressif de la culture de la vigne. Tandis que, de 1858 à 1862, la superficie du vignoble était de 18 hectares, elle tomba à 10 hectares après l'hiver rigoureux de 1879-1880. De 1886 à 1900, il y eut encore 10 hectares en vigne, mais cultivés sans entrain. A part quelques récoltes rémunératrices (120 hectolitres en 1885, 100 en 1887, 1889 et 1892, 200 en 1893 d'un vin excellent, 300 en 1894, 250 en 1896, 150 en 1899), la plupart des récoltes furent vraiment décourageantes (rien en 1891, 10 hectolitres en 1895, 30 en 1897, 20 en 1898, rien en 1900). Aussi, malgré la récolte abondante de 1901 (400 hectolitres), on commença à défricher les vignes et à les remplacer surtout par des arbres fruitiers. Bientôt seuls les anciens propriétaires de vignes continuèrent à les entre- tenir tant bien que mal, et sauf une nouvelle vigne plantée à la Côte par Théodule Laurent vers 1905, iesgensd'Ornes s'étaient, à la veille de la guerre, tout à fait désintéressés de cette culture. Arbres fruitiers. — A défaut d'autres données, la statis- tique des arbres perdus par suite des gelées de l'hiver de 1879-1880 donne une idée de la véritable couronne de verdure et de fleurs qui, au printemps, entourait le village d'Ornes. C'était un spectacle délicieux à contempler. Les gelées de l'hiver 1879-1880 firent périr 904 arbres fruitiers; 728 périrent avec la sève d'août : soit un total de 1.632 arbres estimés 9.810 francs. Ces arbres perdus se répartissaient ainsi : 50 abricotiers, 52 cerisiers, 48 néfliers, 12 novers, 30 pêchers, 150 poiriers, 250 pommiers, 1.000 pruniers. 3° LES PRIX DES PRODUITS AGRICOLES. De 1857 à 1860 le pain se vendait entre 11 et 15 centimes le kilo ; la viande, au demi-kilo : bœuf, de 0 fr. 40 à 0 fr. 60 ; vache, 0 fr. 30 à 0 fr. 60 ; mouton, 0 fr. 35 à Ofr. 70; veau, 0 fr. 40 à 0 fr. 60 ; porc, 0 fr. 50 à 0 fr. 75. Les volailles de grosseur moyenne : poulet, de 0 fr. 75 à 1 franc; oie, de 1 fr. 75 à 3 francs ; canard, de 1 franc à 1 fr. 50 ; le beurre, de 0 fr. 75 à 1 franc ; la douzaine d'œufs, de 0 fr. 50 à 0 fr. 60. Pour les denrées à cette époque, les prix extrêmes furent les suivants : blé, 13 fr. 50 et 24 francs l'hectolitre ; seigle, 8 francs et 11 francs; orge, 8 fr. 75 et 12 francs; avoine, 6 fr. 50 et 8 francs; pommes de terre, 1 fr. 85 et 5 francs; haricots, 25 et 30 francs; cameline, 20 francs; chanvre, 11 francs le kilo; lin, 1 franc et 1 fr. 50 le kilo; foin naturel, 5 francs et 10 francs le quintal; foin artificiel, 3 francs et 5 francs le quintal (mauvaises récoltes). Les boissons se vendaient : le vin, de 20 à 25 francs l'hectolitre; au litre, le vin, de 0 fr. 40 à 0 fr. 50; la bière, de 0 fr. 25 à 0 fr. 30; l'eau-de-vie, de 0 fr. 75 à 1 fr. 20. Le bois se vendait de 5 à 6 francs le stère. Bien que le pain ne se vendit alors que 15 centimes le kilo, M. Molinet, maire, se plaignit, le 10 janvier 1857, que les deux boulangers d'Ornes vendaient le pain plus cher qu'à Verdun, alors que le blé et le bois leur coûtaient moins cher. C'était au détriment de la classe pauvre. Le tiers de la population environ prenait son pain chez le boulanger. Le prix du pain ayant augmenté encore après 1860, il fut taxé officiellement à 0 fr. 25. Mais cette taxe fut supprimée, par décret impérial, le 22 juin 1862, et les deux boulangers mirent bientôt le pain à 0 fr. 27 le kilo.

4° LES INDUSTRIES. C'est en 1818 que Jean-Louis Lecoq, filateur à Ëtain, établit, sur les dépendances de l'ancien château, une fila- ture qui devait, pendant près d'un siècle, donner à Ornes l'allure d'un bourg industriel. Tout en continuant de gérer son importante entreprise d'Etnin — 869 francs de contri- butions en 1824 — il se contenta d'avoir à Ornes quelques apprentis, et de vendre des tissus à la coupe. Son gendre, Benoit Meunier et mademoiselle Athalie Meunier, à partir de 1850, amenèrent leur filature au point de prospérité que l'on a connu. Peu à peu, aux cardes tournés à bras, furent substitués des métiers à broches (216 au métier, marchant d'abord à la main, puis à l'eau et, enfin, vers 1890, à l'électricité). Cette transformation fut l'œuvre de M. Poin- celet, neveu par alliance de mademoiselle Athalie Meu- nier. La nouvelle filature alla constamment en prospérant jusque vers 1875, puis en déclinant jusque 1914. Elle avait attiré à Ornes beaucoup d'ouvriers et occupait une notable partie de la population, et même des tisserands venaient, des villages voisins, y chercher de l'ouvrage. Mais il arriva un temps, vers 1850, où elle n'aurait pas suffià fournir du tra- vail à tous. C'est alorsqu'une dizaine de fabricants de tissus de coton de Bar, notamment les sieurs Millot et VilLeroy. embauchèrent à Ornes de nombreux ouvriers. Ainsi, de 1855 à 1860, sur 173 tisserands qui demandèrent des livrets, 157 furent délivrés à des employés des fabricants de Bar. De 1850 à 1875 environ, une voiture faisait sans l'aller et retour de Bar à Ornes, apportant le coton et emportant les tissus. Durant cette période, la filature d'Ornes subit deux crises dont souffrit la majeure partie des habitants d'Ornes. En 1862 et 1863, l'arrêt de la production cotonnière aux Etats- Unis, par suite de la guerre de Sécession, ralentit les manu- factures de coton et les métiers particuliers. Plus de 200 ouvriers d'Ornes se trouvèrent alors sans travail. Le conseil municipal établit, en leur faveur, des ateliers de charité sur les chemins ruraux. Pendant toute la durée de la guerre de 1870, la filature fut fermée. Trois cents ouvriers tissiers ou fileurs se trouvèrent sans travail. Ce chômage exerça une influence funeste sur la population. Aux années de prospérité, les « tissiers » gagnèrent beau- coup d'argent; en outre, plus de la moitié d'entre'eux fai- saient deux moissons, l'une en Champagne et l'autre en Meuse. Aussi dépensaient-ils sans compter, les dimanches et jours de fête, dans les auberges. A tel point que le vin fameux de 1865 s'appelait à Ornes « le vin de tissier ». Ils fêtaient saint Blaise, leur patron. A partir de 1875, les fabricants de Bar trouvèrent que les frais étaient trop élevés pour fournir de l'ouvrage aux ouvriers. C'est alors qu'un ancien commis vendeur de la maison Meunier, Schemouder, utilisa les 22.000 francs qu'il avait reçus de la maison en 1869 pour 20 années de service, et monta une usine à son compte. Elle prospéra à partir du jour où les ouvriers cessèrent d'être pourvus de travail à Bar, après 1875. Enfin, un ancien ourdisseur de Schemouder, Emile Remy, se mit également à son compte, avec un ouvrier, en 1882. Quelques chiffres complèteront cet aperçu de l'industrie cotonnière à Ornes, dans la deuxième moitié du xixe siècle. En 1862, la filature Meunier occupait 50 ouvriers avec ses métiers et fournissait de la matière première à 250 tis- siers à domicile. En 1875, au plus fort de la prospérité de cette industrie, 500 ouvriers d'Ornes y étaient occupés. Même des fils de cultivateurs laissaient la charrue pour le métier. A cette date, la filature Meunier avait 46 ouvriers dirigeant ses 260 tours à filer et alimentait 190 métiers à main installés à domicile. Schemouder occupait alors 38 ouvriers qui, au cours des années suivantes, après que Bar eut cessé de fournir du travail, devinrent 70 en 1877, 120 en 1878, 135 en 1892. Les métiers à domicile étaient installés partout : dans les remises, dans les caves, au grenier. C'était, d'un bout à l'autre du village, le tic tac monotone et ininterrompu des métiers. Avec 2 francs par jour pour les hommes, et 1 fr. 50 pour les femmes, grâce à l'apport du produit de quelques champs, d'une vache et d'un porc, d'une moisson faite au village ou dans les fermes, on vivait content de son sort. Après 1900, les filatures d'Ornes, ne pouvant soutenir la concurrence avec les grandes usines des Vosges, péricli- tèrent peu à peu et étaient à la veille de fermer en 1914 quand éclata la guerre. Durant ces années, le manque de travail avait encore provoqué, comme vers 1875, l'exode de nombreuses familles.

5° L'ÉVOLUTION DES PROFESSIONS. On aura une idée assez précise de l'évolution des pro- fessions à Ornes par leur relevé à quelques époques typiques : à la veille de la Révolution de 1789; après la période troublée de la Révolution et de l'Empire; aux années les plus prospères de la filature de coton (1861); à la veille de la grande guerre. 1° Le relevé des professions en 1789 reproduit la situa- tion moyenne des siècles précédents. Alors, il n'y avait pas de changements notables dans le genre de vie de nos ancêtres. Cette liste des professions a été établie d'après les indications contenues dans les actes de l'état civil de 1780 à 1789. 2° La seconde colonne indiquera les professions d'après la matrice des contributions de 1822. 3° La troisième colonne repose sur la statistique commu- nale de 1861, en pleine prospérité du second Empire. 4° La dernière colonne est constituée d'après l'état civil des quinze années qui ont précédé 1914, complété par les souvenirs personnels. Les chiffres de cette statis- tique ne sont pas absolument rigoureux, mais ils donnent cependant une idée exacte de l'évolution économique d'Ornes depuis 1861.

(1) La statistique de 1861 indique, en outre, le nombre de personnes que font vivre les principales professions : ce nombre a été ajouté entre paren- thèses.

Les documents officiels sont avares de renseignements sur la condition matérielle des ouvriers. Un état municipal

(1) Une statistique de 1874 porte 200 propriétaires et 5 fermiers. de 1858 porte les salaires suivants : domestiques, pour un an : homme 200 francs, femme 120 francs ; journée de manœuvre : 1 fr. 50; journée d'ouvrier (maçon, char- pentier, menuisier, forgeron), 2 francs.

10° Le mouvement de la population. — Les sources de cette étude sont : 1° les registres de l'état civil, pour les naissances (pour les baptêmes jusqu'à la Révolution) depuis le 30 avril 1609, avec une interruption du 4 mai 1636 au 15 février 1637 pendant la peste; — pour les mariages, depuis 1655, avec de nombreuses omissions jusqu'en 1668 (sont mentionnés seulement: 4 mariages en 1655, 7 en 1660, 1 en 1661 et 3 en 1668 ; — pour les décès, depuis 1668, avec mention préalable de 430 vic- times de la peste en 1636, du 1er janvier au 24 juillet. C'est donc seulement à partir de 1668 que les actes sont complets et permettent de dresser une statistique compa- rative des naissances, des décès et des mariages. Puis : 2° le relevé du chiffre de la population. — Peu de données avant le xixe siècle. Depuis lors, les recense- ments, le partage des affouages, l'établissement des budgets et des listes électorales permettent d'établir des statistiques précises.

I. -- STATISTIQUE GÉNÉRALE DES NAISSANCES, DES DÉCÈS ET DES MARIAGES. Cette statistique ne peut être dressée qu'à partir de 1668. Auparavant, les actes portent, pour les naissances : 46 pour 1609 et 1610; 391 de 1611 à 1620; 418 de 1621 à 1630; 232 de 1631 à 1635; 127 de 1637 à 1640; 298 de 1641 à 1650; 223 de 1651 à 1660; 190 de 1661 à 1667. Après 1668, cette statistique permettra d'embrasser d'un coup d'oeil le mouvement de la population, et même, par les quatre colonnes consacrées aux décès, on pourra com- parer de dix en dix ans la mortalité infantile ou préma- turée et la longévité. II. — LES NAISSANCES. 1° La moyenne des naissances, 31 par an de 1609 à 1914, a été dépassée de 1609 à 1640 et de 1791 à 1860. La plus forte moyenne fut atteinte de 1631 à 1635, les cinq années qui précédèrent la peste de 1636 : 232 naissances, soit 46 par an ; l'année qui eut le plus de baptêmes fut celle qui suivit la peste de 1637 : 69 à partir du 15 février. La plus faible natalité décennale fut de 164, de 1901 à 1910 ; l'année la plus faible de toutes fut 1909 avec 5 naissances seulement. 2° La proportion des naissances par 1.000 habitants, d'après les actes de l'état civil et les tableaux de recense- ment, qui était de 38,2 de 1801 à 1818, a continuellement baissé, pour tomber à 22,8 de 1901 à 1910. 3° Naissances multiples. — « Chose remarquable, une femme du bourg d'Ornes accoucha de quatre enfants mâles qui furent baptisés et peu après moururent » (1). Le registre des baptêmes les mentionne, au 31 décembre 1637, comme « quatre fils à Nicolas Collet, d'une ventrée ». Le 21 mai 1872, Nicolas Cochenet et Hortense Michel eurent trois filles qui moururent dans les 48 heures. Outre ces deux cas extraordinaires, il y eut à Ornes, de 1609 à 1914, exactement 100 doubles naissances. Le cas le plus typique est celui de Jean-Baptiste Bertrand et d'Henriette Lambert qui, après la naissance normale de cinq fils, eurent quatre séries de jumeaux, deux fils. deux fois deux filles, un fils et une fille.

III. — LES DÉCÈS. 1° La moyenne des décès, 28 par an de 1678 à 1914, n'a pas été atteinte avant 1711, puis elle a été dépassée de 1711 à 1760, de 1771 à 1800, de 1811 à 1840 et de 1851 à 1860. La plus forte mortalité décennale (399 décès) fut at- teinte de 1781 à 1790,1a plus faible(174décès)de 1901 à 1910. 2° Les années les plus endeuillées furent l'année de la peste 1636, avec 430 décès du 1er janvier au 20 juillet, et l'année du choléra 1832 avec 80 décès. L'année la moins endeuillée fut 1694, avec 6 décès seulement. 30 Barème de la mortalité d'après L'àqe.- De 1668 à 1914, sur 100 personnes décédées, 36 avaient moins de deux ans (petits enfants); 9 avaient de 2 à 10 ans (enfants) ; 3 de 10 à 20 ans ; 46 de 20 à 80 ans ; 6, plus de 80 ans. Le tableau suivant permettra de constater la diminution progressive de la mortalité infantile en même temps que l'augmenta- tion de la longévité. (1) Bibliothèque de Verdun, Manuscrit n° 172, p. 68. 4° Cas de longévité extraordinaire. — Parmi les 420 per- sonnes décédées après 80 ans, de 1668 à 1914, 299 avaient de 80 à 85 ans; 81 de 85 à 90 ans; 33 de 90 à 95 ans; 6 de 95 à 100 ans; deux paraissaient avoir été centenaires. Ces deux centenaires auraient été : Nicolas Mangin, dit Desmoulin, âgé, comme il dit, de 110 ans, mort de mort subite le 31 novembre 1777, et Poincette Riot, âgée de 100 ans ou environ, décédée le 4 février 1680. Il y eut, au xix" et au XXC siècles, deux « presque centenaires » plus authentiques : Angélique Henry, veuve Molinet, décédée le 25 février 1905 à 99 ans 9 mois et 14 jours; Elisabeth Cochenet, veuve Aimond, décédée Je 15 février 1880, à 99 ans 6 mois et 15 jours. Puis viennent, par ordre de longévité : Marie-Anne Cochenet, veuve Fourquin, décédée le 11 novembre 1883 à 98 ans; Catherine Jonvaux, le 24 mars 1876 à 97 ans; Jean Férée, le 3 thermidor an XIII (22 juillet 1805) à 97 ans; Marie Hanau, veuve Fontenelle, le 26 décembre 1865 à 95 ans; Nicolas Nicolas, le 18 juillet 1851 à 95 ans. En même temps que diminuait la mortalité infantile croissait la mortalité sénile. Au xixe siècle, il y eut deux ADDITIONS ET CORRECTIONS

Quelques inexactitudes et oublis s'étant glissés dans la rédaction, on les relèvera ici : p. 371 sq., avant-dernière ligne, lire : L'instituteur reçoit 204 fr. 16 1/3, y compris un rappel de 29 fr. 16 1/3 pour les deux derniers mois de 1817. Les religieuses reçoivent 145 fr. 83 1/3, y compris un rappel de 20 fr. 83 1/3 pour le même temps. p. 379, dernière ligne, ajouter : M. Huvet,qui lui succéda, était originaire de . Il avait enseigné à Béthincourt et à Mouzay. Retiré à Belleville en 1903, c'est là qu'il mourut. p. 380, première ligne : M. Dambraine, né à Belleville, avait été maître-adjoint à Ornes, puis instituteur à Vi 11 e-sur-Cousance 1 ibid., avant-dernière ligne/âjbuter a$vès Mm* Brunei : Mlle Legrand.

Bar-te-Duc. —Imprimerie Contant-Laguerre. — 1938.

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