La fouille de l’épave et du site fluvial de Beutin est menée, sous la direction d’Eric Rieth (CNRS – LAMOP/Musée national de la Marine), dans le cadre du programme d’archéologie nautique ARCHÉOLOGIE EN du Laboratoire de NORD-PAS-DE- L’ÉTAT ET LE PATRIMOINE Médiévistique Occidentale Publication de la DRAC ARCHÉOLOGIQUE de Paris (UMR 8589, Nord-Pas-de-Calais Université de Paris 1 Le Ministère de la Culture, en Service régional Panthéon- de l’Archéologie application du livre V du Code Sorbonne/CNRS). Ferme Saint-Sauveur du Patrimoine, a pour mission Le soutien logistique et Avenue du Bois d’inventorier, protéger et étudier technique de la fouille est 59650 Villeneuve d’Ascq. assuré par le Département le patrimoine archéologique, de programmer, des Recherches contrôler et évaluer la recherche scientifique Les résultats présentés dans Archéologiques cette publication portent sur tant dans le domaine de l'archéologie préventive Subaquatiques et Sous- les campagnes de fouille que dans celui de la recherche programmée. Marines (ministère de 2005-2009. Il assure également la diffusion des résultats. la Culture) dans le cadre d’une convention de La mise en œuvre de ces missions est confiée DIRECTION collaboration avec DE LA PUBLICATION : aux Directions régionales des affaires Culturelles le LAMOP. E. Rieth (Services régionaux de l’Archéologie). A la contribution scienti - fique et financière AUTEURS : du Service régional de Eric Armynot du Châtelet, l’archéologie Nord/Pas- LE SYNDICAT Jean-Louis Gaucher, Guillaume de-Calais s’ajoute l’aide Gosselin, Inès Leroy, Philippe MIXTE DE LA du Musée de la Marine Recourt, Eric Rieth, Virginie CÔTE D'OPALE d’Etaples-sur-Mer et Serna, Pierre Texier, Alain (SMCO) du Centre départemental Trentesaux. d’archéologie du Les élus du Littoral Côte d’Opale ont choisi Pas-de-Calais. PHOTOS : de mettre en œuvre un développement Etienne Champelovier harmonieux et concerté de leur territoire ÉTUDE DE L’ÉPAVE : (DRASSM), Jean-Louis en se fédérant au sein du Syndicat Mixte Eric Rieth avec Gaucher, Marine nationale 35 la collaboration de F/SP , Christian de la Côte d’Opale. Jean-Louis Gaucher Paulou, Michel Philippe (Musée Depuis sa création en 1996, cette structure (maquettes de recherche) Quentovic, Etaples-sur-Mer). de concertation, d’études et de projets ÉTUDE DU TERRITOIRE s’est progressivement affirmée comme DAO : Sophie François (Centre FLUVIAL : départemental d’archéologie un interlocuteur à part entière pour l’Etat, Virginie Serna (Service du Pas-de-Calais), Pierre Texier le Conseil Régional, les Conseils Généraux régional de l’archéologie, (Inrap). ou encore l’Union Européenne. Centre). COORDINATION : Chaque fois que cela s’avère possible, ÉTUDE Karine Delfolie (service régional notre Syndicat Mixte propose des réponses GÉOMORPHOLOGIQUE : de l’archéologie). communes et cohérentes au niveau de Alain Trentesaux, Eric l’ensemble du littoral. Armynot du Châtelet RELECTURE : (Laboratoire Géosystèmes, Karine Delfolie, Gérard Fosse, Dans ce cadre, le SMCO mène actuellement Université des Sciences et Stéphane Révillion, (service une réflexion globale pour optimiser Technologies de Lille 1). régional de l'archéologie). les conditions de mise en œuvre des lois de 2001, 2003 et 2009 relatives à l’archéologie ÉTUDE DENDROCHRO - RÉALISATION : NOLOGIQUE : Agence Linéal : préventive , avec le double objectif de concilier Catherine Lavier (C2RMF) 03 20 41 40 76 au mieux les impératifs économiques avec avec la collaboration de les règles de l’archéologie préventive et Victoria Asensi Amoros ISSN 1765-811X 2 P A A (Xylodata). R S C également de transformer des contraintes E 0 - H N Dépôt légal : 2010. D É E N O - 1 nouvelles en atouts susceptibles de valoriser O C ARCHÉOLOGIE EN NORD - PAS-DE-CALAIS L A TOPOGRAPHIE ET Diffusé gratuitement par le SRA R

23 O L D 0 G notre littoral dans les domaines culturels, A È I

RESTITUTION 3D : sur demande écrite dans la I E S L’ÉPAVE DU XV SIÈCLE DE BEUTIN, scientifiques, touristiques et économiques. Pierre Texier (Inrap). limite des stocks disponibles. (PAS-DE-CALAIS) L’épave et le site

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L’ÉPAVE ET LE SITE : DE LA DÉCOUVERTE À LA FOUILLE ...... DE L’ÉPAVE ET DU SITE FLUVIAL DE BEUTIN

1. Carte de la région avec a Canche, fleuve côtier du nord de rive gauche et d’un léger coteau en Une dizaine d’années plus tard, l’épave a fourni une première estimation chrono - 4 et 5. Les premiers vestiges visibles la localisation du site. – membrures et bordages – la , s'étend sur 85 km de rive droite. fut l’objet d’une plongée de reconnaissance logique comprise entre la fin du XV e L de l’épave (Photo : E. 2. La Canche : e Petit Atlas Maritime de Bellin, long. Son bassin versant se situe entre L’épave de Beutin (Pas-de-Calais) a été archéologique menée sous l’égide du siècle et le milieu du XVII siècle. Champelovier, DRASSM). 1764. l'Authie au sud et la Liane au nord. Le trouvée en 1989 par des plongeurs spor - Musée de la Marine d’Etaples-sur-Mer En l’absence d’épaves anciennes en 3. Vue aérienne du site fleuve qui prend sa source en Artois à tifs dans la Canche, à 5 kilomètres envi - pour prélever un échantillon de bois en région Nord/Pas-de-Calais et en raison (Photo : Marine nationale, vue d’une première datation au radiocar - de la faible connaissance de l’histoire 35 F/SP Le Touquet). Gouy-en-Ternois se jette dans la ron en amont du port d’Etaples-sur-Mer. Manche entre Etaples-sur-Mer et Le En 1991 des plongées sans finalité bone. Parmi les éléments architecturaux régionale de l’architecture navale à clin Touquet-Paris-Plage. C’est dans cette archéologique ont provoqué une dégra - émergeant du fond du fleuve avaient été de la fin du Moyen Age et de l’époque basse vallée que se situe le méandre de dation importante des vestiges architec - identifiées plusieurs extrémités d’allonges moderne, l’épave de Beutin apparaissait Beutin où repose aujourd’hui l’épave, turaux, dont une extrémité de l’épave très érodées sur lesquelles étaient fixés comme un site archéologique d’intérêt dans une Canche dont la largeur ne intégralement détruite. des bordages à clin appartenant au flanc majeur. dépasse pas 25m, bordée de prairies en du bateau. La datation au radiocarbone 1 2

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POURQUOI ET COMMENT FOUILLER L’ÉPAVE ET LE SITE FLUVIAL DE BEUTIN

1. La Canche vue depuis la rive ’épave est localisée dans le lit mineur A l’issue de deux campagnes d’évaluation droite (Photo : E. Champelovier, POURQUOI ET COMMENT ENREGISTRER, de la Canche. Disposée en travers (2005-2006), la stratégie de la fouille DRASSM). L PUIS RESTITUER EN 3 DIMENSIONS 2. Mise à l’eau d’un archéologue- du fleuve, elle repose à une profondeur programmée (2007-2010) de l’épave a plongeur (Photo : E. - comprise entre 2,50 et 3,50 m selon les été adaptée aux contraintes de l’archéo - LES DONNÉES TOPOGRAPHIQUES Champelovier, DRASSM). marées. Au regard de la forte influence logie subaquatique en milieu fluvial. 3. Le site : épave et rives de l’environnement fluvial, il importait (Topographie et restitution 3D : seront reportés sur les dessins. Ils seront 1. Mise en référence dans l’espace P. Texier, Inrap). de mener la fouille de l’épave suivant un ans le cas de l’épave de la Canche, Définitions virtuel des différents types l’enregistrement en trois dimen - ensuite relevés dans le système de coor - 4. Pose de gabarits double objectif d’archéologie navale et D de relevés (Topographie Archéologie navale : et restitution 3D : P. Texier, Inrap). (Photo : E. Champelovier, d’archéologie du territoire fluvial. sions des données topographiques et données des gabarits. DRASSM). c’est l’ensemble de l’architecture (forme, structure, 2. Vue générale des vestiges leurs restitutions se révèlent fondamen - Après la fouille, toutes les données de 5. Relevés subaquatiques dimensions, fonction) et du système mécanique de l’épave (Topographie et (Photo : E. Champelovier, (propulsion, direction) du bateau qui devait être tales pour l’analyse et la compréhension terrain sont « géoréférencées » dans un restitution 3D : P. Texier, Inrap). DRASSM). étudié. de l’architecture du bateau. logiciel de topographie. Les dessins, les Archéologie du territoire fluvial : Pour les pièces de charpente essentielles photographies, les relevés manuels ou c’est le paysage de la Canche – son lit mineur et à l’interprétation de l’architecture géné - au théodolite (pour les pièces prélevées majeur – contemporain de celui de l’épave qu’il rale du bateau, l’information est complé - et enregistrées en surface) sont replacés s’agissait d’appréhender. tée par des photographies et des relevés dans l’espace virtuel pour élaborer une 4 Chacun de ces deux champs de recherche fait vue en trois dimensions de l’ensemble des appel à des méthodes et des techniques détermi - faits sous l’eau et à terre (pour les élé - nées. Ainsi, le prélèvement d’échantillons de bois ments prélevés) où est reporté un maxi - vestiges de l’épave qui envisage chaque sur des pièces de charpente sélectionnées en mum de détails (marques de tâcheron, pièce de charpente comme une entité fonction de leur représentativité architecturale clouterie, gournables, concrétions métal - unique ayant pu subir des réparations ou est une phase importante de la fouille puis, de l’étude de l’épave. L’analyse dendrochronolo - liques). Lors de l’acquisition des données, des déformations, et non de considérer gique de ces prélèvements est essentielle pour des points topographiques de calage sont des formes parfaites que l’on essaie de dater les bois et déterminer la nature des appro - positionnés sur les vestiges. Ces points « redistribuer » dans l’espace. visionnements du chantier naval où fut construit apparaîtront sur les photographies ou le bateau. 5 2

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L’APPORT DES MAQUETTES À L’ÉTUDE DE L’ÉPAVE DE BEUTIN

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ès la première campagne de fouille, sur une planchette correspondant au 1. Les sections transversales MB 23, IND 57, IND 67 il a été décidé de construire des « chantier » de construction. Ces gabarits COMMENT DATER L’ÉPAVE D (J.-L. Gaucher). maquettes afin de tester des hypothèses ont été déplacés jusqu’à ce que des 2. Troisième modèle d’une section telles que l’angle d’ouverture des flancs baguettes, assimilables à des « lisses », partielle de l’épave (Photo : J.-L. Gaucher). 1. Proposition statistique de e mobilier archéologique trouvé autour tion. L’époque d’abattage des chênes ayant du bateau ou l’évolution des formes de la prennent une courbure naturelle géomé - la date de 1425 sur l’ensemble 3. Deuxième demi-modèle servi à la construction du bateau a été située coque vers les extrémités. Trois modèles triquement plausible. Le gabarit repré - des chronologies d’Europe occi - Let dans l’épave (tessons de céramiques de forme sur gabarits et lisses e dentale (C. Lavier/V. Asensi et, surtout, fragments de pipes en terre) au cours de l’hiver 1425-1426. L’origine à l’échelle du 1/15 d’une section partielle sentant, à titre d’hypothèse (l’extrémité (Photo : J.-L. Gaucher). Amoros). correspond à des apports postérieurs à géographique des bois demeure pour de la coque correspondant à la section rive gauche étant détruite), l’étrave 2. Répartition des réponses le moment relativement imprécise, entre MB 31 de l’épave (proche du milieu rectiligne est incliné à 120°. En 2009, une des chronologies à la date la perte du bateau. C’est ainsi que les de 1425 avec la puissance pipes en terre cuite blanche sont pour l’estuaire de la Seine et celui de l’Escaut. du bateau) ont été réalisés. Les deux pièce isolée de même forme et correspon - du coefficient (taille du cercle) l’essentiel des productions datables de premiers modèles avaient été construits, dant sans doute à l’étrave a été retrouvée, (C. Lavier/V. Asensi Amoros). la seconde moitié du XVII e siècle, début à titre d’hypothèse, avec des flancs recti - confirmant ainsi cette hypothèse. 3. Echantillon de la virure e de sole SOL 4 (Photo : du XVIII siècle. Deux nouvelles mesures lignes. Le troisième, à partir de données Un deuxième demi-modèle de forme E. Champelovier, DRASSM). d’âge au radiocarbone effectuées par obtenues ultérieurement, a corrigé les basée sur une autre membrure en place le Centre de Datation au Radiocarbone de premiers modèles en affectant la partie (MB 23) correspondant probablement Lyon ont fourni un calage chronologique supérieure des flancs d’une courbure à la maîtresse-section montre que trois entre la première moitié du XV e siècle et rentrante. virures disposées à franc-bord dans la la première moitié du XVI e siècle. Les ana - Un demi-modèle de forme de carène au partie centrale de la coque s’assemblent lyses dendrochronologiques menées sous niveau de la section de la coque MB 31 à clin vers une des extrémités. Cette évo - la direction de Catherine Lavier (C2RMF), a été réalisé, toujours à l’échelle du 1/15 e. lution est l’un des marqueurs archéolo - avec la collaboration de Victoria Asensi Les contours extérieurs des membrures giques de la famille architecturale des Amoros (Xylodata), ont précisé cette data - ont été reportés sur des gabarits dressés cogues à laquelle se rattache l’épave. 3 1

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CONNAÎTRE L’ARCHITECTURE 3 DE L’ÉPAVE DE BEUTIN

1. Plan général de l’épave es vestiges de l’épave s’étendent sur du fond). Au niveau des joints intérieurs Parmi les pièces de charpente isolées, qui, très vraisemblablement, se termine en 1. Coupe transversale in situ. (Topographie et restitution près de 12 m entre la rive droite et des virures de la sole, l’étanchéité est les plus significatives sont constituées pointe, à l’avant sur une étrave et à l’arrière 2. Restitution axonométrique 3D : P. Texier, Inrap). L assurée par des lattes clouées recouvrant de la zone centrale 2. Prélèvement d’un échantillon la rive gauche, et sur plus de 3 m dans par un bau intégralement conservé en sur un étambot. Dans le contexte architec - (B. Drangréaux). de la sole, d’une latte e la zone centrale de l’épave où le flanc aval un lit de fibres de lin ou de chanvre. longueur (2,30 m) et plusieurs allonges et tural de la première moitié du XV siècle et 3. Relevés de la sole et du flanc d’étanchéité, d’une varangue, varangues. Deux d’entres elles témoignent dans les limites d’une zone d’origine des aval (Topographie et restitution et du vaigrage (Photo : est désassemblé de la sole et repose à plat. La charpente transversale constituée des 3D : P. Texier, Inrap). E. Champelovier, DRASSM). A ces vestiges s’ajoutent des pièces d’une réduction de la largeur de la sole vers bois entre Seine et Rhin, les caractéris - membrures – décomposée en varangues 3. Le bau IND 62 in situ (Photo : de charpente détachées de la structure de les extrémités et du nombre de ses virures tiques de l’épave présentent un certain plates au niveau du fond et d’allonges E. Champelovier, DRASSM). la coque et déplacées. à franc-bord conduisant à une augmenta - nombre de similitudes avec celles de au niveau des flancs. Disposées avec un tion du nombre des virures à clin des la famille architecturale des cogues. Dans la partie centrale représentative intervalle moyen d’axe en axe de 38 cm, flancs. Dans cette hypothèse, l’épave pourrait du principe général de construction du les membrures sont assemblées à la sole Les caractéristiques de l’épave se ratta - représenter l’une des branches régionales bateau, la structure se compose de trois et aux flancs par des chevilles en bois, chent à une architecture « sur sole » de de cette vaste famille de navires marchands ensembles principaux : les gournables. Les varangues sont recou - tradition fluviale. Cependant, l’épave du Moyen Age dont la typologie s’étend du vertes par un plancher fixe, le vaigrage. • La sole, c’est-à-dire le fond plat démuni possède plusieurs traits de structure et de grand navire hauturier (épave de la cogue 2 de quille, formée de cinq virures disposées • Les virures des flancs comportant, dans forme qui dénotent une adaptation de la de Brême, Allemagne, datées des années à franc-bord (tranche contre tranche). la partie inférieure et rectiligne deux coque à une navigation mixte, fluviale et 1380) au petit caboteur fluvio-maritime Si les trois virures centrales de 4 à 4,5 cm virures à franc-bord et, dans la partie côtière de proximité. (cas de l’épave d’Almere Wijk 13, Pays- d’épaisseur moyenne forment un plan supérieure et courbe, deux virures à clin Les dimensions restituées (longueur resti - Bas, datée du début du XV e siècle). C’est en horizontal, les deux virures latérales, plus (à recouvrement partiel) assemblées entre tuée 14 m, largeur au maître-couple toute probabilité à ce dernier groupe épaisses (6 cm), se relèvent (environ elles par des clous rivetés sur une virole 2,60 m, hauteur extérieure 1,40 m) semblent qu’appartient l’épave du caboteur fluvio- 5 degrés par rapport au plan horizontal (plaque de fer). définir une coque longue, étroite et basse maritime de Beutin. 3 1

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2 LES ÉTUDES SÉDIMENTOLOGIQUES ... UNE AIDE À L’INTERPRÉTATION ET MICROFAUNISTIQUES DE L'ENVIRONNEMENT (FORAMINIFÈRES ET THÉCAMOEBIENS ), ... DU NAUFRAGE

1 et 2. Synthèse des observations Objectif ou groupe d'espèce a une affinité écolo - En parallèle, un modèle de la distribu - plusieurs bras, progressivement rassem - 1. Evolution de l’environnement sédimentologiques. Pour de l’épave enregistré dans chaque carotte, on note gique et environnementale propre : tion de la microfaune actuelle est établi blés. On peut donc imaginer que le navire les carottes sédimentaires. à gauche la couleur Depuis le naufrage, l’environnement estuaire ouvert, chenal, vasière, pré-salé, entre une zone amont à l'épave et la mer. naviguait dans un haut estuaire composé 2. Analyse des correspondances du sédiment puis, à droite, de la Canche a évolué naturellement pâture... Il est donc possible d'évaluer de plusieurs chenaux aux influences croisée à une analyse hiérar - la colonne lithologique. et sous l’influence de l’homme. l'évolution de l'environnement dans Interprétation marines plus marquées qu’aujourd’hui. chique basée sur la proportion La largeur de cette colonne des espèces dans les sédiments est proportionnelle à la taille L'empreinte des variations de l’environ - l'espace proche de l'épave et dans le Depuis, l’évolution du fleuve a entraîné de surface le long de la Canche moyenne du sédiment. nement est conservée dans les sédiments temps. A la base de la plupart des carottes on une incision plus profonde du chenal (liée et dans les carottes. Pour Les figurés indiquent la chacun des groupes identifiés présence des éléments et dans son contenu en foraminifères observe une formation continentale peut être à l’endiguement) et à la mise en (de A à G), une position permettant d’affiner l’inter - et thécamoebiens (Protozoaires). Les Observations composée de colluvions, riches en craie. place de barres de méandre. Enfin, il typique dans l’environnement prétation environnementale. est proposée. Des clichés Orthophotographie : PPIGE foraminifères sont caractéristiques des Au dessus, des dépôts sableux montrent existe des indices sédimentologiques des organismes les plus (IGN, I2G, TELE ATLAS). environnements marins alors que les Dix carottes ont été prélevées sur le site une forte affinité marine. Ils peuvent être caractéristiques d’un affouillement du lit typiques, réalisés au MEB, (Laboratoire Géosystèmes thécamoebiens sont présents dans les de l’épave pour une analyse des sédiments le témoin d'un fleuve et d'un estuaire, du fleuve postérieur à la mise en place accompagnent chaque groupe Université Lille I). (Taille moyenne = 150 m). milieux d’eau douce. Chaque espèce et du contenu en microfaune. plus large qu'aujourd'hui, présentant de l’épave. (Laboratoire Géosystèmµes Université Lille I). 1

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LA CANCHE MÉDIÉVALE, 2

UN PAYSAGE QUI SE DÉVOILE 4 UNE ÉPAVE, UN PAYSAGE FLUVIAL 1. Lettre relative à la navigation ’homme est intervenu de tous temps digues…). L’exploitation de la Canche sur la Canche - 6 mai 1352. sur le fleuve. En témoignent, outre imprime aussi sa marque sur le paysage. (A.D. Pas-de-Calais, E-Dépôt L ’analyse des cartes des XVII e-XVIII e Un fleuve navigué ? 1 et 2. Carte de la Canche 588AA2). (Photo : I.Leroy). les traces dans le paysage, les archives La pêche, par exemple, relativement d’Etaples à dit siècles montre une Canche aux bras La navigation semble absente des représenta - graphiques et écrites. A travers celles-ci, intensive, se pratique sur des « parcelles » L « Plan corographie » multiples, densément équipée. Moulins à tions cartographiques de la Canche. Aucun daté de la fin du XVII e ce sont des bribes du paysage médiéval qui délimitées. Les filets sont retenus par des tan, moulin du roi et blanchisseries sur ses port, quai, débarcadère au droit des agglomé - siècle [A.D. Pas-de-Calais, se dévoilent au gré des mentions de pieux fichés dans la Canche qui en resser - CPL144R] affluents, pont en bois, sas comble ou sas rations n'est figuré, seule la présence énigma - (Photo : J.-L. Gaucher). travaux d’aménagements et d’entretien rent le cours et entravent la navigation. en maçonnerie marquent ainsi le lit et les tique d'un bateau dans la boucle de Beutin 3 et 4. Plan de la rivière Canche du fleuve, ou encore de son exploitation Les textes relatifs à la navigation sont berges du fleuve. Le Plan de la rivière laisse présager une activité fluviale sur une depuis Hesdin jusqu’à Montreuil, (après1757), piscicole. rares. En 1352, une lettre atteste la zone e Canche (daté après 1757), présente un carte du XVIII siècle. Le site archéologique [A. D. Pas-de-Calais, La première mention de la « viel Canche » portuaire au Wis, probablement l’actuel paysage de la basse vallée, des marais de de l’épave de Beutin reste à ce jour une des 7J112] (Photo : J.-L. Gaucher). date de 1279 et évoque un nouveau bras Visemarest. Bateaux à quille et bateaux à Marles à l’amont de Montreuil jusqu’à traces les plus captivantes d’un territoire e aménagé peut-être à la fin du XII - début fond plat se côtoient : en 1378, une taxa - Beutin très anthropisé. Digues, fossés, nautique que nous avons peine à imaginer. e XIII siècle pour favoriser le développe - tion différenciée leur est imposée pour canaux et renclôtures forment un ample ment du port de Montreuil. Diverses aborder sur les propriétés de l’abbaye de équipement lié à la régulation des hautes Ce que nous apprend l’épave sur le paysage structures et travaux modifient le débit du Saint-Josse. eaux et à la protection des habitations et La présence de l’épave et les rares indices courant : en 1366 une écluse à Montreuil, Au cours du XV e siècle, la Canche est des cultures en cas d'inondation, tandis repérés dans les sources écrites sont les plus tard un mur de 6 pieds de large victime d’un ensablement progressif. Les qu’épis et fascines indiqués sur des plans témoins d’une navigation fluvio-maritime construit à même le lit et des îles suppri - activités maritimes migrent alors vers à plus petite échelle sont édifiés pour remontant jusqu'à Montreuil-sur-Mer, mées pour faciliter le passage des bateaux. Etaples. Seules de petites embarcations la colmater les brèches et assurer une « poldé - le courant alternatif engendré par la marée Ces exemples attestent les changements remontent encore à marée haute jusqu’au risation » des terres . fournissant un moteur naturel permettant le de comportement du fleuve souvent XVIII e siècle. En 1812, la Canche est va-et-vient aisé des bateaux entre l’aval et néfastes aux équipements (ponts, quais, déclarée non navigable. l’amont. 1 1 2

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L’ÉPAVE DE -LE-CHÂTELET 3 4 EPAVES ET MUSÉOGRAPHIE : LA SALLE 1. Vue d’ensemble des vestiges la fin de l’année 2005 ont été découverts Ces différents éléments sont identifiables in situ (Photo : M. Philippe, Àsur la plage de Tardinghen-Le-Châtelet à un fragment de pavois renforcé dans D’ARCHÉOLOGIE NAUTIQUE DU MUSÉE Musée Quentovic). (Pas-de-Calais) les vestiges d’une épave. sa partie supérieure par une lisse de plat 2. Détail (Sabord de nage QUENTOVIC D’ETAPLES-SUR-MER des vestiges in situ). Cette zone de l’estran se caractérise par un bord et muni dans sa partie inférieure de (Photo : M.Philippe, substrat de tourbe qui, au gré des marées et des sabords de nage. Si ces derniers renvoient Musée Quentovic). tempêtes, apparaît et disparaît sous des bancs à une propulsion à la rame, il serait bien ne salle du Musée Quentovic La plus ancienne est celle de Douvres 1. Maquette de l’épave de l’Age 3. La structure assemblée du Bronze de Douvres avec, du pavois. de sable. hasardeux, en raison de l’étendue réduite (Kent, Angleterre), datée des années Ud’Etaples-sur-Mer consacrée à l’ar - à gauche, les trois hypothèses (E. Veyrat, DRASSM). Compte tenu des risques de destruction, des vestiges, de considérer l’épave comme chéologie nautique a été inaugurée en 1550 avant J.-C., dont l’architecture repose de restitution de l’extrémité détruite (Photo : C. Paulou). les vestiges ont été topographiés, prélevés celle d’un bâtiment de la famille des galères 2008. C’est en écho au passé du territoire sur un assemblage par des ligatures végé - naviguant uniquement à la rame. Les tales des planches du fond et des bordages 2. Maquette de l’épave et conservés. Un échantillon de bois préle - nautique du détroit du Pas-de-Calais du caboteur de tradition vé sur l’épave a donné lieu à une datation navires à voile de pêche et de cabotage uti - comme entité géo-historique que la salle des flancs. L’épave la plus récente est celle « romano-celtique » au radiocarbone par le laboratoire lisaient aussi la rame à titre de propulsion a été conçue par Michel Philippe, d’Utrecht 1 (Pays-Bas) datée du début du de Blackfriars (Londres, Angleterre) datée du II e siècle secondaire. La disposition à franc-bord e Archéolab, situant l’échantillon en 53 et à l’époque directeur du musée. XI siècle après J.-C. dont l’architecture après J.-C. (Photo : C. Paulou). des virures semble pouvoir rattacher la 257 après J.-C. La découverte était donc L’idée de base a consisté à réunir un fait appel à une structure primaire 3. Maquette de l’épave importante puisqu’il s’agissait des pre - partie supérieure de la coque, au mode monoxyle associée à des éléments d’extré - du caboteur à clin de la fin ensemble de maquettes de bateaux resti - è è de construction « romano-celtique ». du IX , début du X siècle miers, et toujours uniques, vestiges d’un tuant l’histoire de l’architecture navale de mité et de flancs rapportés et assemblés. de Graveney, Angleterre bateau antique trouvés le long du littoral Ces vestiges d’un navire antique situés non la Manche et de la mer du Nord entre Toutes ces épaves traduites en maquettes (Photo : C. Paulou). français de la Manche. loin du port et de la base militaire de témoignent d’architectures différentes, 4. Maquette de l’épave de proto - l’Age du Bronze et l’aube du Moyen Age houlque d’Utrecht 1, Pays-Bas Boulogne-sur-Mer et dans une zone mari - Les éléments en chêne s’étendaient sur une classique. Chaque modèle réduit réalisé tant au niveau des principes de concep - (Photo : C. Paulou). longueur totale de 4,45 m et une largeur de time fréquentée par les unités de la Flotte à l’échelle du 1/25 e, de façon à permettre tion que des méthodes de construction, 0,62 m. Ils se composent de trois fragments de Bretagne (la Classis Britannica) méri - des comparaisons entre les bateaux, qu’au plan des systèmes de propulsion de virures d’épaisseur comprise entre 2,5 et taient d’être conservés et valorisés. C’est correspond à une épave déterminée dont et de direction. Ces architectures illus - 4 cm disposées à franc-bord et dont la ainsi que ces fragments, après avoir la coque a été restituée à partir des trent des savoir-faire et des savoirs qui tranche est taillée en biseau. Une matière été traités et restaurés dans le laboratoire vestiges archéologiques plus ou moins sont porteurs de cultures techniques organique très tassée et servant de joint Arc-Nucléart de Genoble, ont rejoint complets selon les cas. Au total, douze particulières à telle période ou tel terri - d’étanchéité est située dans les coutures les collections du Château-Musée de épaves localisées à l’extérieur de la région toire de ce détroit d’entre Manche et mer séparant les bordages. Boulogne-sur-Mer. Nord/Pas-de-Calais, ont été sélectionnées. du Nord.