Traits fonctionnels, variabilité environnementale et bioindication : les communautés piscicoles des cours d’eau européens M. Logez
To cite this version:
M. Logez. Traits fonctionnels, variabilité environnementale et bioindication : les communautés piscicoles des cours d’eau européens. Sciences de l’environnement. Doctorat en Sciences de l’Environnement, Université de Provence, Aix-Marseille 1, 2010. Français. tel-02596713
HAL Id: tel-02596713 https://hal.inrae.fr/tel-02596713 Submitted on 15 May 2020
HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Thèse présentée à L’UNIVERSITE DE PROVENCE AIX-MARSEILLE 1
Ecole Doctorale SCIENCES DE L’ENVIRONNEMENT
Pour obtenir le grade de DOCTEUR Spécialité : ECOLOGIE
Traits fonctionnels, variabilité environnementale et bioindication : les communautés piscicoles des cours d’eau européens
Maxime LOGEZ
Soutenue le 13-12-2010
Composition du Jury : M. Rémi CHAPPAZ (Professeur, Université de Provence) Président M. Joël GUIOT (Directeur de Recherche, CEREGE) Examinateur M. Daniel HERING (Full Professor, Université de Duisbourg-Essen) Rapporteur M. Robert HUGHES (Senior Research Professor, Université de l’état d’Oregon) Rapporteur M. Bernard HUGUENY (Directeur de Recherche, IRD) Co-directeur de thèse M. Didier PONT (Directeur de Recherche, Cemagref) Directeur de thèse
Travaux réalisés dans l’équipe Ecosystèmes Eaux Courantes Cemagref – Unité de Recherche Hydrobiologie, HYAX
A mes parents
Remerciements De cette expérience, je me suis aperçu qu’une thèse est à la fois une aventure scientifique et humaine, impossible à mener à bien, sans l’aide, les conseils et le soutien de nombreuses personnes à qui je souhaite dire un grand merci.
La première personne que je souhaite remercier est Didier Pont. Didier merci de m’avoir donnée l’opportunité d’aller au bout de mon envie de thèse et d’avoir cru en moi. Merci pour tes conseils, tes explications, ton aide plus que précieuse tout au long de ces années, mais surtout merci d’être pour moi, beaucoup plus qu’un directeur de thèse. Si je devais résumer je dirais juste : merci pour tout !
Je souhaite aussi remercier mon co-directeur de thèse Bernard Hugueny. Bernard merci de m’avoir fait profité de tes lumières, de ta disponibilité sans faille, de tes conseils et de ton éclairage avisé sur ma thèse et les articles. Merci aussi de m’avoir fait partager ton immense et inimitable sens de l’humour.
Je tiens à remercier tout particulièrement, Daniel Hering et Robert Hughes, de m’avoir fait l’honneur d’être les rapporteurs de ce manuscrit et de parcourir autant de kilomètres pour faire partie de mon jury. Merci aussi à Rémi Chappaz et Joël Guiot d’avoir accepté d’évaluer ce travail en étant membre de mon jury.
Comment ne pas remercier tous les membres du projet européen EFI+, pour ce qui fut pour moi, une expérience professionnelle et personnelle géniale. Parmi toutes ces personnes j’adresse un grand merci à Teresa, Stefan, Andi, Rafi, Nico, Stéphane, Giuseppe, Enrico, Patrick, Pedro, Ian et Richard. Enfin, un merci tout spécial à Gerti pour ta gentillesse et tous ces bons moments passés en ta compagnie que ça soit au Cemagref ou durant EFI+. Merci aussi de m’avoir, sans le savoir, permis d’améliorer mon anglais.
Merci à l’ensemble des membres passés et présents de l’UR HYAX et plus particulièrement ceux de l’équipe Ecosystème Eaux Courantes pour l’accueil que vous m’avez réservé durant toutes ces années. Un remerciement spécial à Isabelle et Yann qui ont fait en sorte que cette thèse se passe sans accrocs.
Je souhaite remercier les membres de mon comité de pilotage de thèse pour leurs apports scientifiques : Joel Guiot, Stefan Schmutz, Jérôme Belliard.
Je veux aussi remercié ceux qui m’ont donné envie, à leur manière, de faire une thèse. Merci aux membres du bureau d’en face à l’université de Lyon : Asghar, Franck, Vincent, Yorick, Pablo. Parmi toutes ces personnes, comment ne pas te remercier plus particulièrement Pierre. La vie est étrange et a fait en sorte que nos chemins se suivent pendant mon DEA et ma thèse. Alors Pierre, merci pour nos discussions enflammées sur les statistiques et R, pour tes conseils plus qu’éclairés, pour avoir fait de chaque voyage une aventure, pour nos fous rires mémorables, pour la décoration du bureau et plus que tout, merci pour ton amitié.
Merci aussi à Dim et Nico pour cette année de DEA inoubliable. D’autres doivent encore s’en souvenir !
Merci à toi Renaud, pour avoir fait de ces années passées au Cemagref un grand éclat de rire. Je te remercie pour ta bonne humeur, pour tes blagues de plus ou moins bon goût mais qui me font tant rires et pour la complice amitié qui nous lie. Ah oui merci aussi d’avoir élargi mes horizons musicaux …
Un grand merci à Lionel pour ta naïveté rafraichissante, pour nos nombreuses parties de mots croisés le midi et pour nos grands délires. Notre duo de rire musical, l’otarie et la hyène, n’est pas prêt d’être oublié chez HYAX. Bon vent l’artiste dans tes nouvelles aventures ministérielles.
Je souhaite aussi remercier toutes les personnes qui ont participé de près ou loin à ce manuscrit. Alors merci à Oliv, Did, Clémence et sa maman, et à mes beaux-parents Brigitte et Yves. Un merci tout spécial à Georges, pour tes suggestions et pour les dessins de poissons qui égaillent certaines figures.
D’un point de vue plus personnel je veux remercier toute ma famille pour leur soutien et leurs encouragements tout au long de cette thèse, tout particulièrement ma maman, ma petite sœur Soso et mon beau-frère P’tilou.
Merci à toi Yann, mon gone, mon Biboune, qui fait de moi avec un sourire, un éclat de rire voir même un regard le plus heureux des papas. Chaque jour avec toi et ta maman est un enchantement. Merci d’avoir été aussi gentil et calme, de grandir sereinement et de m’avoir permis de travailler paisiblement durant cette dernière année de thèse.
Enfin, je remercie, Anne mon amour, pour avoir été là tout au long de cette aventure, de m’avoir supporté et soutenu, d’avoir fait preuve d’autant de patience (et oui …) et de compréhension, d’avoir tout fait pour que je puisse réaliser cette thèse dans les meilleures conditions qui soient, et pour m’apporter autant jour après jour, dans les bons comme dans les mauvais moments. Pour finir, promis c’est la première et la dernière ! Résumé La Directive Cadre sur l’eau (DCE) fournit un cadre pour la gestion et la protection des masses d’eau de surface, côtières, souterraines et de transition. Une des avancées majeures de la DCE est la prise en compte des différents compartiments biologiques (algues, macrophytes, macro-invertébrés et poissons) dans l’évaluation de l’état des masses d’eau. La DCE recommande que l’état écologique des masses d’eau soit évalué en comparant les communautés actuelles aux communautés théoriques observables dans les conditions de références (sans pressions anthropiques). La mise en place de la DCE par les différents états membres, a accéléré le développement d’indices basés sur plusieurs descripteurs des communautés (métriques) pour diagnostiquer l’état écologique.
Parallèlement aux indices poissons conçus à l’échelle nationale, le projet européen FAME a permis l’élaboration d’un premier indice poisson pan-européen (European Fish Index, EFI). Les 10 métriques, intégrées dans le calcul du score de cet indice, sont basées sur les caractéristiques (traits) biologiques et écologiques des espèces (ex. le substrat de ponte, le type de reproduction). Bien qu’EFI présente une réponse satisfaisante aux niveaux de dégradation des sites, plusieurs hypothèses sous-jacentes au développement de MMI n’ont pu être testées au cours du projet FAME. Le développement des indices multimétriques (MMI) repose en effet sur plusieurs postulats : la prise en compte de plusieurs caractéristiques des communautés devrait permettre une meilleure estimation de la condition des systèmes, les métriques intégrées au calcul de l’indice présentent des réponses spécifiques aux pressions et rendent compte de la particularité de la région où elles sont appliquées, le score (note) associé à une métrique pour un site donné est influencé uniquement par l’intensité de la dégradation .
La première partie de ce travail vise à tester certaines de ces hypothèses, et à développer des métriques spécifiques aux cours d’eau à faible richesse spécifique. L’étude du lien entre traits met en évidence une relative redondance fonctionnelle des communautés, notamment concernant les caractéristiques liées à la tolérance et à la reproduction des espèces. Il est aussi montré que la structure fonctionnelle des communautés évolue le long des gradients thermiques et physiques des cours d’eau de façon relativement similaire entre l’Europe de l’Ouest et la péninsule Ibérique, deux régions aux pools spécifiques pourtant distincts. Néanmoins certaines métriques présentent des réponses divergentes à l’environnement entre ces deux régions. Par ailleurs, parmi les 96 métriques testées intégrant les traits des espèces et la taille des individus, trois ont été modélisées avec succès en fonction de l’environnement et sont sensibles à l’altération anthropique. Ces résultats montrent qu’il est possible de prendre en compte la structure en tailles des peuplements dans l’évaluation des cours d’eau, en particulier lorsque la richesse spécifique est très faible. L’ensemble de ces travaux ont servi à la conception du nouvel indice poisson européen développé dans le cadre du projet européen EFI+.
La deuxième partie de ce travail consiste à proposer des solutions pour l’estimation de l’incertitude associée aux scores des métriques et de l’indice. Les valeurs attendues des métriques en absence de pressions sont prédites par des modèles statistiques reliant les métriques à l’environnement. Deux approches ont été proposées pour estimer l’intervalle de confiance de prédiction associé aux valeurs attendues des métriques. L’incertitude autour des métriques et de l’indice est estimée en propageant l’erreur autour des valeurs attendues (limites de l’intervalle de prédiction) des métriques. La troisième partie de ce travail a pour objet d’évaluer l’effet du changement climatique sur la mesure de l’état écologique des cours d’eau à l’aide d’indicateur de type prédictif. Il a été mis en évidence que la température joue un rôle majeur sur la croissance des jeunes de l’année de truite (Salmo trutta fario) et sur la distribution des espèces. Ces résultats présagent de conséquences importantes sur le long terme sur les modes actuels d’évaluation des cours d’eau et en particulier les états de référence.
Mots clés : Communautés piscicoles, traits biologiques et écologiques, variabilité environnementale, convergence, écorégions, indice multimétrique, condition de référence, classe de taille, incertitude, changment global, croissance, aire de répartition, Europe. Abstract The Water Framework Directive (WFD) establishes a framework for protecting and managing the different waterbodies: surface, transitory, coastal and underground waters. The WFD specifies that the different biocenosis components (diatom, macrophyte, benthic macroinvertebrate, and fish) must be taken into account in assessing the condition of waterbodies, a major innovation compared to past policies. The WFD recommends evaluating the ecological status of the waterbodies by comparing the observed communities to theoretical communities expected to reflect in reference conditions (without human pressures). The implementation of the WFD by the different member countries quickened the development of indices based on various assemblage characteristics (metrics) to diagnose the ecological state.
In parallel to the national fish index, the first Pan-European fish index was developed within the European FAME project: the European Fish Index (EFI). The ten metrics integrated into the EFI computation are based on species’ biological and ecological characteristics (e.g., spawning substrate, type of reproduction). Although the EFI score shows a satisfying response to the degradation level, several hypotheses underlying the development of a multimetric index (MMI) were not addressed in the FAME project. MMIs are based on several premises: taking into account different assemblage characteristics enables a better assessment of the system’s conditions, metrics show a specific response to human pressures and should reflect the specificities of the region where they are applied, and the score associated with a metric should only reflect the between-site difference in degradation.
The first part of this thesis tested a number of these hypotheses and developed new metrics specific to low-species rivers. The study of the relation between traits highlights the relative functional redundancy of the communities, especially for the characteristics related to species tolerance and species reproduction. The assemblage’s functional structure was also shown to vary along river’s physical and thermal gradients, in much the same way between Western Europe and the Iberian Peninsula, although these two regions have distinct species pools. Nevertheless, some metrics display a divergent response to the environment between these two regions. In addition, among the 96 metrics tested combining both species traits and fish body size, three were successfully modeled by the environment and are sensitive to anthropogenic alterations. These results show that it is possible to evaluate stream condition using assemblage size structure, especially when species richness is very low. All these investigations served to develop the new European fish index conceived within the European EFI+ project.
The second part proposes solutions to estimate the uncertainty related to metric and index scores. The metric’s expected values in absence of pressures are predicted using statistical models relating the metric to the environment. Two approaches were proposed to estimate the prediction interval associated with expected metric values. The uncertainty associated with metric and index scores was estimated by propagating the error associated with the expected values (prediction interval limits).
The third part consists in evaluating the potential effect of global climate change on the assessment of the stream’s ecological status using predictive indicators. It was shown that temperature plays a major role on brown trout (Salmo trutta fario) young of the year and species distribution. These results suggest long-term consequences on how streams are currently assessed, especially on the reference states. Keywords: Fish community, biological and ecological traits, environmental variability, convergence, ecoregions, multimetric index, reference condition, size class, uncertainty, global change, growth, distribution area, Europe. Table des matières
1.Introduction ...... 17
Première partie : Synthèse ...... 25
2.Présentation des données ...... 27 2.1. Environnement ...... 27 2.2. Pressions anthropiques ...... 30 2.3. Données faunistiques ...... 32 2.4. Traits biologiques et écologiques des espèces ...... 32 2.5. Jeu de données utilisé ...... 34
3.Résultats ...... 35 3.1. Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication ...... 35 3.1.1.Structures fonctionnelles des peuplements et redondance des traits ...... 35 3.1.2.Influence de l’environnement sur les associations de traits bio/écologiques ...... 39 3.1.3.Test de la convergence des communautés de la péninsule ibérique et de l’Europe de l’Ouest ...... 45 3.1.4.Développement de métriques spécifiques aux cours d’eau à faible richesse spécifique ...... 53 3.1.5.Conclusion : Implication de ces résultats dans le développement du nouvel indice ...... 62
3.2. Incertitudes associées à l’usage des bioindicateurs multimétriques prédictifs ...... 67 3.2.1.Choix de l’intervalle de confiance ...... 68 3.2.2.Illustration : cas de la régression linéaire ...... 69 3.2.3.Estimation de l’incertitude autour du score ...... 70 3.2.3.1. Estimation de l’intervalle de prédiction par approximation ...... 71 3.2.3.2. Estimation de l’intervalle de prédiction par simulation ...... 72 3.2.4.Estimation de l’incertitude autour de l’indice ...... 72 3.2.4.1. Illustration de l’effet de la corrélation entre métrique, par simulation ...... 73 3.2.4.2. Estimation de l’incertitude autour de l’indice par approximation ...... 76 3.2.4.3. Estimation de l’incertitude autour de l’indice par simulation ...... 76 3.2.4.4. Perspectives ...... 77
3.3. Implications potentielles du changement climatique ...... 80 3.3.1.Croissance des jeunes de l’année de la truite, Salmo trutta fario, L...... 81 3.3.1.1. Limites : période d’échantillonnage ...... 83 3.3.1.2. Perspectives ...... 84 3.3.2.Modélisation de la distribution des espèces ...... 84 3.3.2.1. Qualité de l’ajustement et validation des modèles ...... 87 3.3.2.2. Effets des variables environnementales sur l’occurrence des espèces ...... 90 3.3.2.3. Intervalle de confiance ...... 99 3.3.2.4. Perspectives ...... 99 3.3.2.5. Limite : utilisation de la température de l’air et non de l’eau ...... 100
4.Discussion et perspectives ...... 102 5.Bibliographie ...... 109
Deuxième partie : Articles et traduction anglaise ...... 127
Introduction ...... 129
Presentation of the data ...... 139
P1: Functional fish assemblage structure in European rivers...... 155
P2: Do Iberian and European fish faunas exhibit convergent functional structure along environmental gradients? ...... 205
P3: Development of metrics based on fish body size and species traits to assess European coldwater streams...... 227
P4: Implication of this work in the development of the new European Fish Index, EFI+...... 247
P5: Uncertainty associated with predictive multimetric indices ...... 253
Climate change ...... 269
P6: Variation of brown trout Salmo trutta young of the year growth along environmental gradients in Europe...... 273
P7: Modelling ecological niche of fish species at the European scale: sensitivity to climate variables (temperature, run-off) and associated uncertainties...... 283
Discussion and Perspectives ...... 327
Annexes ...... 335 Annexe 1 : Description de la base de données EFI+ ...... 337 Annexe 2 : Manuel d’utilisation du logiciel EFI+ ...... 341
Appendices ...... 389 Appendix 1: Description of the EFI+ data base ...... 391 Appendix 2: EFI+ user guide (see pages 317–361)...... 395 Table des illustrations
Figure 1 : Premier plan factoriel de l’analyse de Hill et Smith : a) lien entre les variables, 2) ordination des sites. Les carrés gris représentent le barycentre des pays : Allemagne (DE), Autriche (AT), Espagne (ES), Finlande (FI), France (FR), Hongrie (HU), Italie (IT), Lituanie (LT), Pays-Bas (NL), Pologne (PL), Portugal (PT), Roumanie (RO), Royaume-Uni (UK), Suède (SE) et Suisse (CH)...... 29
Figure 2 : Ecorégions adaptées d’Illies (1978) : Alps (ALPS), Baltic province (BAL), Central highlands (C.H), Central plains (C.P), the Carpathiens (CAR), Eastern region (EAST), Great Britain (ENG), Ibero-Macaronesian (IBE), Italy, Corsica & Malta (ITA), Méditerranée (MED), Nordic region (NOR), Western plains (W.P) et Western highlands (W.H)...... 30
Figure 3 : Distribution des valeurs de l’indice de pression entre les cinq classes...... 31
Figure 4 : Localisation des 9 948 sites. En gris, les pays membres du projet EFI+...... 34
Figure 5 : Ordination de l’abondance relative des catégories de traits (aux contributions > 0,5 %) sur le premier plan factoriel de l’ACP (matrice de variance co-variance)...... 38
Figure 6 : La théorie des filtres écologiques, adaptée de Poff (1997). Selon cet auteur, la présence et l’abondance d’une espèce dans un environnement donné dépendent de ses caractéristiques (traits)...... 40
Figure 7 : Résultats de la RDA : a) ordination des catégories de traits, b) corrélation entre les variables environnementales et les deux premiers axes...... 42
Figure 8: Ordination des sites sur le premier plan factoriel de l’ACP. Les carrés gris sont placés au barycentre de chaque écorégion (cf. Figure 2)...... 42
Figure 9 : Relation entre une catégorie de trait et l’environnement dans deux régions, droite noire ou grise : a) convergence quantitative (le même modèle pour les deux régions) ; b), c) et d) convergence qualitative, les relations varient dans le même sens dans les deux régions ; e) et f) non convergence entre les régions, en e) la catégorie de traits varie avec l’environnement dans une région mais pas dans l’autre et en f) les relations à l’environnement sont opposées...... 46
Figure 10 : Effet marginal (Fox 1987, 2003) de la température (TEMP), de la pente (SLOP) et de la distance à la source (DIS) sur les 8 métriques basées sur la densité totale de poisson (DENS), sur la densité d’eurytopes (EURY), d’insectivores (INSEV), de lithophiles (LITH), d’omnivores (OMNI), de potamodromes (POTAD), de rhéophiles (RHEO) et d’intolérant (INTOL). Seules les variables ou les interactions entre variables et région avec un effet significatif ont été représentées (drop in deviance F-tests, Chambers & Hastie 1993). La réponse commune est représentée en pointillés (modèle 1), la réponse de la région IP en noir et de la région FB en gris. Les métriques avec des interactions significatives (modèle 3) sont indiquées avec un astérisque. Les environnements calcaires (c) et siliceux (s) sont différenciés si l’interaction entre la géologie et la région (GEO × REG) est significative. ns est ajouté sur le graphique si la variable environnementale avait un effet significatif, mais pas l’interaction avec la région...... 49 Figure 11 : Effet marginal (Fox 1987, 2003) de la température (TEMP), de la pente (SLOP) et de la distance à la source sur les 9 métriques basées sur la richesse spécifique locale (RICH), sur la richesse (Ns) de poissons benthiques (BENTH), eurytopes (EURY), intolérants (INTOL), lithophiles (LITH), potamodromes (POTAD), rhéophiles (RHEO), tolérants (TOLE) et vivant et se nourrissant dans la colonne d’eau (WATE). Seules les variables ou les interactions ente variables et région avec un effet significatif ont été représentées (drop in deviance 2-tests, Chambers & Hastie 1993). La réponse commune est représentée en pointillés (modèle 1), la réponse de la région IP en noir et de la région FB en gris. Les métriques avec des interactions significatives (modèle 3) sont indiquées avec un astérisque. 50
Figure 12 : Abondance relative du goujon, du chevaine et du vairon au sein des 35 peuplements IP lorsqu’ils sont présents...... 51
Figure 13 : Illustration du calcul des métriques pour une catégorie de trait donnée. Dans cet exemple, le calcul porte sur deux espèces caractérisé par le trait d’intérêt porté par la truite et le chabot (contours noirs) et seuls les individus de petite taille sont pris en compte (colorés en gris). (a) Tous les individus des deux espèces sont pris en compte soit 12/21. (b) Seuls les truites de petites tailles sont utilisées, le chabot n’étant pas une espèce de grande taille, soit 5/14...... 55
Figure 14 : Procédure de sélection des métriques et de calcul des scores...... 58
Figure 15 : Relations entre valeurs prédites et valeurs observées pour les sites de références : (a) nombre de petits individus intolérants aux faibles concentrations en oxygène (O2INTOL, N = 214), (b) nombre de petits individus intolérants à la dégradation de l’habitat (HINTOL, N = 214), (c) nombre de petits individus rhéophiles (RHEO, N = 212), (d) nombre de petits individus insectivores (INSEV, N = 212). La droite continue représente la première bissectrice et la courbe pointillée une tendance générale (régression loess, f = 0,667 ; Hastie et al. 2009)...... 59
Figure 16 : Variation du score des métriques le long du gradient de pression : (a) nombre de petits individus (< 150 mm) intolérants aux faibles concentrations en oxygène, b) nombre de petits individus intolérants à la dégradation de l’habitat, c) nombre de petits individus rhéophiles, d) nombre de petits individus insectivores...... 60
Figure 17 : Schéma du développement d’un indice multimétrique prédictif basé sur les conditions de référence, adapté de Pont (2010)...... 64
Figure 18 : Principe de la propagation d’erreur...... 68
Figure 19 : Relation théorique entre une métrique (ordonnée) et une variable environnementale (abscisse). La droite en noire représente les valeurs prédites par une régression linéaire, la bande grise foncée l’intervalle de confiance autour du modèle (de la moyenne) et la bande en gris clair l’intervalle de prédiction (autour d’une observation)...... 70
Figure 20 : Résultats des 1 000 simulations pour le site test : (a) résidus de la métrique Y1, (b) résidus de la métrique Y2, (c) lien entre les résidus des deux métriques (carré noir localisé au barycentre des deux distributions), et (d) distribution de la somme des résidus. La courbe en pointillés représente la distribution théorique de la somme des résidus en absence de corrélation et la courbe continue la distribution théorique de la somme des résidus avec une corrélation de 0,5424 (corrélation observée entre les deux distributions). Les deux segments représentent les bornes estimées de l’intervalle de confiance avec = 0,05...... 75
Figure 21 : Illustration de l’estimation de l’incertitude autour de l’indice (pointillés) pour des peuplements tolérants, avec un intervalle à 80 % (a) et à 95 % (b). Les bornes inférieures et supérieures (courbes noires) ont été obtenues par simulation...... 76
Figure 22 : Somme de 10 variables aléatoires distribuées selon des lois normales de paramètre = 0 et ² = 4, avec différents niveaux de corrélation (r) entre chaque variable : 0, 0,25, 0,5 et 0,75...... 78
Figure 23 : Exemple de la distribution en taille d’une population de truite. Les paramètres de la loi normale associée aux YOY (ligne pointillée) permettent d’estimer la taille maximale (le point noir)...... 81
Figure 24 : Profils marginaux (Fox 1987, 2003) de l’effet de la température moyenne annuelle de l’air et de la surface du bassin versant sur la taille maximale des 0+ de truite...... 82
Figure 25 : Localisation des 1 548 sites peu ou pas impactés...... 86
Figure 26 : Effet de la température moyenne de l’air en juillet sur la probabilité de présence des 24 espèces, une fois les valeurs des autres variables environnementales fixées (Fox 1987, 2003), à la médiane des sites où l’espèce est présente. La courbe rouge représente la probabilité estimée et le polygone gris, l’intervalle de confiance estimé par l’approche de Wald (Hosmer & Lemeshow 2000, Agresti 2002)...... 94
Figure 27 : Effet de la pente sur la probabilité de présence des espèces, une fois les valeurs des autres variables environnementales fixées (Fox 1987, 2003), à la médiane des sites où l’espèce est présente. La courbe rouge représente la probabilité estimée et le polygone gris, l’intervalle de confiance estimé par l’approche de Wald (Hosmer & Lemeshow 2000, Agresti 2002)...... 95
Figure 28 : Effet du pseudo run-off (lPA) sur la probabilité de présence des espèces, une fois les valeurs des autres variables environnementales fixées (Fox 1987, 2003), à la médiane des sites où l’espèce est présente. La courbe rouge représente la probabilité estimée et le polygone gris, l’intervalle de confiance estimé par l’approche de Wald (Hosmer & Lemeshow 2000, Agresti 2002)...... 97
Figure 29 : Effet de l’amplitude thermique entre janvier et juillet, sur la probabilité de présence des espèces, une fois les valeurs des autres variables environnementales fixées (Fox 1987, 2003), à la médiane des sites où l’espèce est présente. La courbe rouge représente la probabilité estimée et le polygone gris, l’intervalle de confiance estimé par l’approche de Wald (Hosmer & Lemeshow 2000, Agresti 2002)...... 98 Liste des tableaux
Tableau 1 : Récapitulatif des différents articles...... 23
Tableau 2 : Description des variables environnementales...... 27
Tableau 3 : Description des 11 traits écologiques et biologiques des espèces...... 33
Tableau 4 : Statistiques et p-valeur ajustées des tests, F pour les métriques en densité (Ni), de 2 pour les métriques basées sur la richesse (Ns), de comparaison des modèles emboités. La méthode de Benjamini et Yekutieli (2001), qui contrôle le taux de mauvaise erreur « false discovery rate » (FDR), a été utilisée pour ajuster les p-valeurs du fait des comparaisons multiples (Dudoit & van der Laan 2008). L’effet régional est non significatif (ns) si aucune des comparaisons n’est significative ; additif si la comparaison entre les modèles 1 et 2 est significative mais pas la comparaison entre les modèles 2 et 3 ; et interactif si la comparaison entre les modèles 2 et 3 est significative. Les métriques peuvent être soit non convergentes, présenter une convergence quantitative ou qualitative...... 47
Tableau 5 : Calcul des 12 métriques pour un trait donné...... 55
Tableau 6 : Aperçu de la matrice de variance-covariance du modèle reliant l’environnement à la métrique nombre de petits individus intolérants à la dégradation de l’habitat, estimée soit avec une distribution de Poisson, soit avec une distribution binomiale négative...... 56
Tableau 7 : Statistiques et p-valeur des tests de la somme des rangs de Wilcoxon entre les scores de la classe 1 et les scores des classes 4-5 de l’indice de pressions...... 60
Tableau 8 : Corrélations entre les scores des métriques ( de Spearman)...... 60
Tableau 9 : Traits des dix espèces les plus abondantes dans le jeu de données des cours d’eau froids (cellule grisée si l’espèce présente le trait)...... 61
Tableau 10 : Liste des 19 espèces caractéristiques des peuplements intolérants...... 65
Tableau 11 : Limites des classes pour l’indice « intolérant » (Bady et al. 2009a,b)...... 67
Tableau 12 : Résultat du partionnement hiérarchique de la régression multiple reliant la taille maximale des YOY aux variables environnementales : contribution indépendante (I), contribution jointe (J) et %Ii la contribution indépendante relative. * Les effets de la variable et de sa forme quadratique (équation 3.33) sont estimés simultanément...... 83
Tableau 13 : Résumé du nombre de sites disponibles pour chaque espèce et de leur prévalence au sein de ces sites et des régions marines où elles sont considérées comme natives (MMR ; Kottelat & Freyhof 2007, Reyjol et al. 2007)...... 87
Tableau 14 : Résumé de la qualité de l’ajustement des modèles : pourcentage de covariate pattern (Hosmer & Lemeshow 2000) supérieur à 4 (CovPat), facteur d’inflation de la variance moyen (Mvif ; Greene 2003, Kutner et al. 2005), pseudo-R² (pR²) basé sur le ratio de déviance (Estrella 1998), critère d’information d’Akaike (AIC ; Akaike 1974, Collett 2002), la probabilité seuil (Cut), la sensibilité (Sens), la spécificité (Spec), l’aire sous la courbe ROC (AUC ; Agresti 2002), la statistique kappa ( ; Agresti 2002) et le taux de bon classement (le pourcentage de sites bien classés, Class)...... 88
Tableau 15: Estimation de l’optimisme (Harrel 2001) du kappa et du taux de bon classement. Pour chaque espèce 200 nouveaux jeu de données train sont définis en sélectionnant aléatoirement et avec remise les sites de calibration. Les coefficients des modèles sont réestimés pour chacun des 200 nouveaux échantillons. A partir de ces modèles on calcule le kappa et le taux de bon classement pour le jeu de données train et pour le jeu de données initial (Init) des sites de calibration. La différence entre les moyennes des 200 valeurs calculées pour les sites de calibration sélectionnés aléatoirement (Train), et pour les sites de calibration initiaux, est une estimation de l’optimisme (Optim ; Harrel 2001)...... 89
Tableau 16 : Moyennes et écarts types de la sensibilité (Sens), spécificité (Spec), aire sous la courbe ROC (AUC), kappa et taux de bon classement (Class) des modèles, estimés sur un jeu de données indépendants par une méthode dérivée du split-sampling (Harrel 2001)...... 90
Tableau 17 : Résultat du partitionnement hiérarchique (Chevan & Sutherland 1991, Mac Nally 2000, Walsh & Mac Nally 2008) pour 24 espèces piscicoles européennes : réduction totale en déviance (R), contribution indépendante des variables (I), contribution jointe (J), ratio entre les contributions indépendantes et jointes (I/J) et contribution indépendante relative (%Ii = Ii/I)...... 91
1.- Introduction
1. Introduction
Cette thèse s’est inscrite dans le cadre du projet européen EFI+1 et dans la continuité des travaux du projet européen précédent FAME2. Ces deux projets avaient pour objectif le développement d’outils d’aide à la mise en place de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE ; European Union (EC) 2000). Parallèlement au développement de méthodes nationales, le projet FAME a permis l’élaboration d’un indice poisson « the European Fish Index » (EFI) applicable dans son principe à l’ensemble des cours d’eau européens (Pont et al. 2006, Pont et al. 2007). Le projet EFI+ avait pour but de poursuivre le développement et d’améliorer cet indicateur, afin d’en surmonter un certain nombre de limites. Pour ce faire, il était nécessaire de s'appuyer sur une base de données décrivant de façon plus précise les conditions environnementales et les pressions anthropiques s’exerçant sur les cours d’eau, mais aussi et surtout de tester certaines hypothèses sous-jacentes au développement d’un bioindicateur de ce type. C’est là l’objet de ce travail.
La Directive Cadre sur l’Eau (DCE) et les outils de bioindication La DCE est une politique environnementale instaurée par le parlement européen (European Union (EC) 2000). Elle établit un cadre pour la protection et la gestion des différentes masses d’eau : masses d’eau de surface (lacs et rivières), de transition (estuaires et lagunes), côtières et souterraines. La DCE définit un objectif de retour ou de maintien du « bon état » des masses d’eau d’ici à l’horizon 2015 (ou au plus tard 2027). Sa mise en oeuvre est planifiée selon trois phases. La première phase consiste à diagnostiquer l’état des différentes masses d’eau, la deuxième à établir des plans de restauration pour les masses identifiées comme étant dégradées, et la troisième à réévaluer l’état des masses d’eau après restauration. La DCE spécifie que l’évaluation des masses d’eau doit s’établir en considérant à la fois l’intégrité des processus physico-chimiques de l’écosystème (ex. régime hydrologique, polluants) et le fonctionnement des communautés (ex. composition en espèce, structure en
1 Improvement and Spatial extension of the European Fish Index (http://efi-plus.boku.ac.at/), 01/01/2007 – 31/04/2009, numéro de contrat 044096 2 Development, Evaluation and Implementation of a standardised Fish-based Assessment Method for the Ecological Status of European Rivers (http://fame.boku.ac.at/), 01/01/2002 – 31/10/2004, numéro de contract EVK1-CT-2001-00094 17 1.- Introduction
âge) de quatre éléments de la biocénose : les algues (diatomées), les macrophytes, les macro- invertébrés benthiques et les poissons. La caractérisation du fonctionnement écologique des masses d’eau pour évaluer leur état, constitue une des grandes innovations de cette directive. Le « bon état écologique » tel que défini par la DCE (European Union (EC) 2000) se doit d’être évalué en comparant les caractéristiques actuelles des communautés à celles attendues en l’absence d’altération anthropique : « reference condition approach » (Bailey et al. 1998). La DCE a ainsi encouragé et accéléré le développement d’indices nationaux basés sur les caractéristiques des communautés. En France, l’indice poisson rivière (IPR ; Oberdorff et al. 2002) a ainsi été développé pour évaluer la « santé » des cours d’eau français à partir des caractéristiques des peuplements piscicoles.
Les indicateurs biotiques (piscicoles) multimétriques La bioindication a déjà une histoire longue d’un siècle, principalement en relation avec l’évaluation de la dégradation des eaux liée aux rejets urbains et industriels (Kolkwitz & Marsson 1909).
En ce qui concerne le recours aux poissons comme indicateurs de l’état des milieux aquatiques, les travaux de Karr aux Etats-Unis ont été décisifs. Son « Index of Biotic Integrity », IBI (Karr 1981, Karr et al. 1986), a été développé directement dans le contexte de la mise en place des mesures de protection des eaux naturelles aux Etats-Unis, le Clean Water Act en 1972 (“To restore and maintain the chemical, physical, and biological integrity of the Nation’s waters.”) puis le National Wildlife Refuge System Improvement Act en 1977. L’IBI repose sur des postulats largement repris dans la Directive Cadre sur l’Eau et en particulier sur la notion d’intégrité biotique. Celle-ci se définit comme l’ensemble des caractéristiques des communautés biologiques (en termes structurels et fonctionnels) observables dans des sites dits « pristines », c'est-à-dire non perturbés par l’homme. L’IBI cherche ensuite à mesurer un écart à cet état, en liaison avec l’intensité des pressions anthropiques. De plus, il évalue la réponse des peuplements piscicoles aux perturbations à partir d’un ensemble de descripteurs (métriques) de l’état des peuplements. L’IBI a posé les fondations tant théoriques que pratiques du développement des indicateurs multimétriques (MMI). Le concept de cet indice, développé originellement pour les cours d’eau chauds du Midwest des Etats-Unis, a été exporté vers d’autres régions et types de cours d’eau des Etats-Unis (ex. Leonard & Orth 1986, Angermeier & Schlosser 1987, McCormick et al. 2001) et sur à peu près tous les continents (ex. Oberdorff & Hughes 1992, Lyons et al. 1995, Hugueny et al. 1996, Harris &
18 1.- Introduction
Silveira 1999, Hughes & Oberdorff 1999, An et al. 2002, Joy & Death 2004, Magalhaes et al. 2008). Les MMI reposent sur plusieurs postulats.
Le premier postulat suppose que la prise en compte de différentes caractéristiques des peuplements telles que la composition spécifique, la richesse, la structure trophique, les modes de reproduction, l’abondance et la santé des individus (Karr 1981, Fausch et al. 1984, Karr et al. 1986, Karr 1991, Karr & Chu 1999) permet une meilleure estimation de la condition des systèmes (intégrité biotique, santé, condition écologique, etc.) que la considération d’un seul attribut de ces peuplements (Karr & Chu 1999). Chaque métrique est supposée fournir une information singulière sur le peuplement (Karr et al. 1986) décrivant la qualité d’une composante de la communauté (Karr 1991).
Le second postulat suppose que ces métriques présentent des réponses spécifiques aux pressions (Karr & Chu 2000) et leur sensibilité doit varier le long d’un gradient de pressions anthropiques (Angermeier & Karr 1986). Dans le cas de sites très dégradés, plusieurs métriques doivent refléter ce mauvais état. L’intégration du signal contenu dans chaque métrique en un seul indice permet au final de détecter un grand nombre de pressions humaines et de représenter un degré global d’altération. Idéalement, un indice doit être sensible à l’ensemble des pressions anthropiques rencontrées dans la zone géographique d’application (Karr 1991). En plus de la spécificité du signal qu’elles renvoient, les métriques doivent rendre compte de la particularité de la région où elles seront appliquées : pool d’espèces, environnement et pressions. Ce postulat a priori trivial est d’une grande importance. Les résultats de Harris et Silveira (1999) montrent qu’incorporer une métrique faiblement représentée dans une région ne permet pas une discrimination pertinente des sites. Par exemple, dans le premier IBI, Karr a intégré une métrique basée sur le pourcentage de « crapet vert » (Lepomis cyanellus, Rafinesque). L’usage de cette métrique en Europe serait incohérent (Hering et al. 2006) puisque l’aire de répartition de cette espèce est limitée à l’Amérique du Nord (Lee et al. 1980, Nelson 2006).
Le troisième postulat inhérent au développement d’un MMI est que le score associé à une métrique est influencé uniquement par la différence de dégradation entre les sites (Hughes et al. 1998, Karr & Chu 1999, 2000, Oberdorff et al. 2002, Hering et al. 2006, Pont et al. 2007, Stoddard et al. 2008, Pont et al. 2009). Autrement dit, la différence de score entre les
19 1.- Introduction sites doit refléter une différence d’altération. Fausch et al. (1984) ont été les premiers à considérer que les caractéristiques des peuplements (la richesse) puissent être influencées par les conditions environnementales (la taille du cours d’eau et la région).
Deux stratégies sont possibles pour le choix des métriques. La première consiste à sélectionner des métriques considérées comme invariantes quelles que soient les conditions environnementales ou les régions considérées (Statzner et al. 2001). La deuxième consiste à contrôler la part de variabilité des métriques liées à l’environnement (Fausch et al. 1984, Angermeier & Karr 1986, Karr et al. 1986, Karr & Chu 1999, Oberdorff et al. 2002, Pont et al. 2007, Stoddard et al. 2008, Pont et al. 2009, Hawkins et al. 2010), soit en restreignant leur aire d’application, soit en les standardisant par rapport à l’environnement. C’est cette dernière approche qui a été retenue dans les deux projets européens (Pont et al. 2006, 2007, Melcher et al. 2007).
Quelles que soient les méthodes utilisées pour prendre en compte la variabilité environnementale des métriques ou de la composition des assemblages : - ligne de valeur maximale et ses dérivés (maximum species richness line, Fausch et al. 1984, Karr et al. 1986, Hughes et al. 1998, Roset et al. 2007), - modélisation statistique (Oberdorff et al. 2002, Baker et al. 2005, Pont et al. 2006, Pont et al. 2007, Pont et al. 2009), - analyse discriminante (Joy & Death 2002), - algorithme d’apprentissage (ex. forêt aléatoire ; Hawkins et al. 2010), - plus proche voisin (nearest-neighbour ; Bates Prins & Smith 2007) ; l’hypothèse sous jacente est toujours la même à savoir que deux communautés vivant dans les mêmes conditions environnementales en l’absence de pressions anthropiques présentent des caractéristiques similaires. Bien que majeure, cette hypothèse est très rarement testée.
Le développement d’indicateurs européens (projets FAME et EFI+) En parallèle au développement des méthodes nationales, le projet FAME a permis l’élaboration d’un indice poisson européen (European Fish Index, EFI) applicable dans son principe à l’ensemble des cours d’eau européens (Pont et al. 2006, Pont et al. 2007). EFI est basé sur l’agrégation des scores de 10 caractéristiques de la structure des peuplements, aussi appelées métriques (Hering et al. 2006). Les valeurs des scores sont calculées suivant le principe de la « reference condition approach » (Bailey et al. 1998) : les valeurs des métriques
20 1.- Introduction observées au sein des peuplements sont comparées à des valeurs théoriques attendues en l’absence de pressions anthropiques. La mise en place d’un tel indice a été possible par la création d’une base de données commune à 12 pays européens (FIDES) intégrant des données faunistiques (nombre d’individus capturés par espèces), des traits écologiques et biologiques des mêmes espèces (traits, guilde trophiques, reproduction), des descripteurs environnementaux (ex. pente, température) et une caractérisation des pressions humaines. La création de cette base est une des principales réalisations de FAME, particulièrement l’évaluation de cinq altérations anthropiques majeures sur le régime hydrologique, les conditions morphologiques, l’acidification et les toxiques, sur l’apport de nutriments organiques et les ruptures de la connectivité.
Bien que les scores d’EFI « montrent une relation linéaire négative et significative à un indice de perturbation humaine » (Pont et al. 2007), cet indice présente plusieurs limites. - l’étendue géographique de son utilisation est insuffisante puisqu’aucun pays de l’Europe de l’Est ne faisait partie de FAME (Schmutz et al. 2007); - la sensibilité de l’indice est variable selon les différentes régions de l’Europe, EFI est notamment moins sensible dans les cours d’eau méditerranéens ; - la sensibilité d’EFI est significativement différente selon le type de pressions anthropiques, EFI est globalement plus sensible aux pressions chimiques qu’aux pressions hydro-morphologiques ; - l’utilisation de cet indice en grand cours d’eau est relativement limitée.
Le projet européen EFI+ avait pour but de poursuivre le développement et d’améliorer l’indice poisson européen, afin de surmonter ses limites actuelles. Pour ce faire, il était nécessaire d’améliorer nos connaissances et plus particulièrement de tester certaines hypothèses sous-jacentes au développement d’un indice multimétrique (MMI) n’ayant pas pu être étudiées au cours de FAME.
Les objectifs de la thèse Les objectifs de cette thèse sont à la fois théoriques et pratiques : - 1. Tester plusieurs hypothèses écologiques sur lesquelles repose le développement d’un indice multimétrique à large échelle et d’utiliser ces nouvelles connaissances dans le développement du nouvel indice poisson européen EFI+.
21 1.- Introduction
- 2. Aller au-delà du développement d’un indice, en proposant des solutions pour estimer l’incertitude autour du score des métriques et de l’indice. - 3. Estimer les conséquences du changement global et plus particulièrement du réchauffement climatique, sur les peuplements piscicoles, afin d’envisager les effets potentiels liés à ce changement, dans l’évaluation de l’état écologique des cours d’eau. Les résultats de cette thèse sont articulés en trois grandes parties.
La première partie concerne, le test des hypothèses sous-jacentes aux indices et le développement de l’indice poisson EFI+. L’utilisation des traits qui regroupent les espèces avec des mêmes caractéristiques au sein de la même guilde était à la base d’EFI. Le premier objectif de cette partie consiste à étudier la représentativité et le lien entre les traits biologiques et écologiques des espèces au sein des peuplements piscicoles européens ; le but étant de pouvoir apprécier la redondance fonctionnelle au sein des peuplements (P1).
Le deuxième objectif est d’évaluer l’influence de l’environnement sur la structure fonctionnelle des peuplements. Plus précisément, il convient d’étudier la part de variabilité de la structure des peuplements expliquée par l’environnement et le lien entre les gradients environnementaux et la variation de la structure des communautés (P1).
Le troisième objectif vise à tester la convergence des réponses fonctionnelles des communautés aux gradients environnementaux, entre deux régions ayant des pools d’espèces relativement distincts : la péninsule ibérique d’un côté, la France et la Belgique de l’autre. Le but étant de tester si la structure fonctionnelle des peuplements de ces deux régions, peut varier similairement le long des gradients environnementaux. Autrement dit, est-ce qu’un même modèle statistique est applicable aux deux régions pour prédire la valeur attendue d’une métrique dans un environnement donné ? (P2).
Le quatrième objectif est de développer pour les cours d’eau à faible richesse spécifique, des métriques basées sur les classes de taille, et sur les caractéristiques des espèces (P3).
L’implication des résultats obtenus dans ces travaux, dans le développement du nouvel indice poisson européen, conclue cette partie (P4).
22 1.- Introduction
La deuxième partie de cette thèse concerne l’estimation de l’incertitude associée au score des métriques et au score de l’indice. Une section de cette partie concerne plus particulièrement l’importance de la corrélation entre les métriques, dans l’estimation de l’incertitude associée au score de l’indice (P5).
La troisième partie porte sur les conséquences du changement global, plus particulièrement du réchauffement climatique sur l’évaluation future de l’état écologique des cours d’eau. L’influence de ce changement a été étudiée en évaluant l’effet relatif de la température et des autres facteurs environnementaux sur : la croissance des jeunes de l’année de truite (Salmo trutta fario, L.) (P6) et sur la présence-absence de 24 espèces européennes (P7).
Ce manuscrit est structuré en deux grandes sections. La première couvre les trois parties sous la forme d’une synthèse basée, sur les articles, des travaux menés au cours de cette thèse. Elle est structurée par une introduction, la présentation des données, les résultats, une conclusion et des perspectives suvies de la bibliographie. La seconde regroupe les articles rédigés au cours de cette thèse (Tableau 1), ainsi que la traduction anglaise des chapitres qui feront l’objet d’articles par la suite (chapitre sur l’indice poisson EFI+ et sur l’incertitude). Tableau 1 : Récapitulatif des différents articles. Partie Article Statut P1 Functional fish assemblage structure in European rivers. En preparation Journal of the North Do Iberian and European fish faunas exhibit convergent functional P2 American Benthological structure along environmental gradients? Society, publié Development of metrics based on fish body size and species traits to Ecological Indicators, P3 assess European coldwater streams sous presse
Implication of this work in the development of the new European Fish P4 Index, EFI+. P5 Uncertainty associated with predictive multimetric indices Variation of brown trout Salmo trutta young-of-the-year growth along Journal of Fish Biology, P6 environmental gradients in Europe sous presse
Modelling ecological niche of fish species at the European scale: P7 sensitivity to climate variables (temperature, run-off) and associated En préparation uncertainties
23
Première partie : Synthèse
2.- Présentation des données
2. Présentation des données
A l’exception de l’étude sur la convergence des communautés (P2) basée sur des données du programme européen FAME, l’ensemble des données utilisées proviennent du projet EFI+. La base de données EFI+ comprend 14 458 sites distribués parmi 15 pays. Elle contient des informations sur : l’environnement des sites (climat, facteurs abiotiques, structure du cours d’eau …), les pressions anthropiques (altérations physiques, qualité de l’eau, rupture de connectivité), les peuplements piscicoles présents dans ces sites (nombre d’individus par espèce, taille des individus) et les caractéristiques des espèces (traits biologiques, écologiques, d’histoire de vie).
Une présentation détaillée de la base de données est disponible sur le site : http://efi- plus.boku.ac.at/downloads/EFI+%200044096%20Deliverable%20D2_1-2_2.pdf. Une liste complète des variables de la base est également proposée dans l’annexe 1. Seules les données utilisées dans ce travail sont présentées.
2.1. Environnement
Douze variables ont été retenues (Tableau 2) pour décrire les conditions environnementales caractérisant les sites.
Tableau 2 : Description des variables environnementales. Variable Unité ou modalité Température annuelle moyenne de l’air °C Température moyenne de juillet de l’air °C Amplitude thermique entre janvier et juillet* °C Précipitations annuelles mm Pente ‰ Substrat petit, moyen, grand Géologie dominante du bassin versant calcaire, siliceuse, organique Surface du bassin versant km² Distance à la source km glacial, nival, pluvial, apports karstiques ou Régime hydrologique d’aquifères dominants Type géomorphologique méandrage, tressage, cours d’eau contraint Présence d'une plaine d'inondation oui, non
Seules des variables ayant des effets connus sur les peuplements piscicoles et peu ou pas modifiées par les activités humaines ont été sélectionnées. Le but est de décrire le site sur
27 2.1- Environnement la base de critères ne dépendant que de la variabilité « naturelle » de l’environnement. La largeur du cours d’eau n’a pas été utilisée car elle peut être facilement modifiée par l’homme, par exemple dans le cas de la chenalisation d’un cours d’eau. La surface du bassin versant et la distance du site à la source sont utilisées comme un proxi de la taille du cours d’eau, en raison de sa bonne corrélation avec la largeur.
L’hydro-morphologie des sites a été résumée en deux variables en synthétisant l’information contenue par les variables suivantes : surface du bassin versant, distance à la source, régime hydrologique, type géomorphologique et présence d’une plaine d’inondation. Pour ce faire, on a utilisé une méthode d’ordination capable d’analyser à la fois des variables quantitatives et qualitatives : l’analyse de Hill et Smith (1976). Cette analyse se comporte comme une analyse en composante principale (ACP) sur matrice de corrélation si elle n’est utilisée qu’avec des variables quantitatives. A l’inverse, elle se comporte comme une analyse des correspondances multiples (ACM) si elle est utilisée uniquement avec des variables qualitatives. Cette méthode recherche des combinaisons linéaires des variables, des axes orthogonaux deux à deux qui expliquent la plus grande part d’inertie du nuage de points.
Le premier plan factoriel de cette analyse représente 51,9 % de l’inertie totale dont 32,9 % expliquée par le premier axe et 19 % par le deuxième. Le premier axe (SYNGEO1) correspond à un gradient de taille de cours d’eau associé à la présence ou non de plaine d’inondation (Figure 1a). Le deuxième axe (SYNGEO2) oppose les cours d’eau tressés à régime non pluvial (forte composante glacio-nivale) aux cours d’eau à régime pluvial et non tressés (Figure 1a). Alors que le premier axe représente un gradient physique, le deuxième possède clairement une composante géographique. La Finlande et la Suède se distinguent très nettement des autres pays (Figure 1b).
28 2.1- Environnement
Figure 1 : Premier plan factoriel de l’analyse de Hill et Smith : a) lien entre les variables, 2) ordination des sites. Les carrés gris représentent le barycentre des pays : Allemagne (DE), Autriche (AT), Espagne (ES), Finlande (FI), France (FR), Hongrie (HU), Italie (IT), Lituanie (LT), Pays-Bas (NL), Pologne (PL), Portugal (PT), Roumanie (RO), Royaume-Uni (UK), Suède (SE) et Suisse (CH).
Chaque site a également été caractérisé par son appartenance à une écorégion (Illies 1978). Ces écorégions sont des unités géographiques contiguës qui donnent une description générale de l’environnement à une échelle régionale. Les écorégions utilisées dans le projet EFI+ sont une adaptation des écorégions telles de Illies (1978) afin de tenir compte des spécificités du jeu de données. Premièrement, du fait d’un nombre relativement faible de sites, certaines régions ont été regroupées dans des unités géographiques plus larges (Figure 2). Les écorégions « Alps » et « Pyrenees » ont été regroupées dans l’écorégion Alps, « Hungarian lowlands », « Eastern plains » et « Pontic province » dans l’écorégion Eastern region et les écorégions « Fenno scandian shield » et « Borealic uplands » en Nordic region. De plus, les écorégions d’Illies ne prennent pas en compte les particularités du climat méditerranéen (Gasith & Resh 1999). Afin de prendre en compte cette spécificité, une écorégion méditerranéenne a été définie à partir du niveau 1 de « méditerranitée » de la classification de Segurado et al. (2008).
29 2.1- Environnement
NOR
C.P BAL
ENG C.P EAST
C.H W.P CAR W.H ALPS EAST ITA IBE ALPS MED MED
Figure 2 : Ecorégions adaptées d’Illies (1978) : Alps (ALPS), Baltic province (BAL), Central highlands (C.H), Central plains (C.P), the Carpathiens (CAR), Eastern region (EAST), Great Britain (ENG), Ibero-Macaronesian (IBE), Italy, Corsica & Malta (ITA), Méditerranée (MED), Nordic region (NOR), Western plains (W.P) et Western highlands (W.H).
2.2. Pressions anthropiques
Cinq grands types d’altérations anthropiques ont été pris en compte dans le projet EFI+ relatives à la connectivité, à l’hydrologie, à la morphologie, à la qualité de l’eau et aux usages pouvant affecter la faune (navigation). Alors que le projet FAME n’utilisait qu’une classification à cinq modalités pour estimer le degré d’altération, une caractérisation beaucoup plus précise a été mise en place. Pour chaque altération, plusieurs descripteurs ont été considérés et évalués essentiellement par jugement d’expert. L’ensemble des pressions et leurs modalités sont décrites dans l’annexe 1B.XX. La caractérisation de ces pressions permet de sélectionner les sites qui sont peu ou pas impactés, considérés comme « références ». Les pressions prises en compte et le degré d’altération accepté ont été ajustés suivant la problématique de chaque article. Les critères employés pour les parties P1 et P3, sont plus restrictifs que ceux utilisés pour la partie P5. L’abondance relative des différentes catégories de traits est a priori plus facilement affectée par les pressions anthropiques que la présence-absence des espèces. Néanmoins, chaque sélection de sites a été accomplie de sorte que l’expression des phénomènes biologiques étudiés ne soit pas limitée par les activités anthropiques. L’objectif majeur de la définition des
30 2.2- Pressions anthropiques sites de références est d’avoir la représentation la plus fidèle possible des processus étudiés, par exemple la relation entre l’environnement et la structure fonctionnelle des communautés (P1). Les pressions anthropiques peuvent modifier les différentes composantes des assemblages (traits d’histoire de vie des espèces, composition spécifique, etc.) et par la même « bruiter » le signal biologique. La sélection des sites de références, sur des critères objectifs (Whittier et al. 2007), constitue ainsi une étape fondamentale dans le développement des indices basés sur l’approche par condition de référence (ex. Pont et al. 2006).
Pour ce faire, un indice synthétique des pressions anthropiques a été développé, afin d’estimer globalement le niveau d’altération des sites. Il a été calculé en prenant le premier axe d’une ACM basée sur sept pressions : modification de la vitesse du courant par une retenue, régime d’éclusée, prélèvement d’eau, présence de substances toxiques, qualité d’eau, modification de la section transversale liée à la chenalisation, présence d’une barrière à la migration à l’aval du tronçon. Le premier axe oppose les modalités qui reflètent l’absence de pressions ou de dégradation (ex. très bonne qualité d’eau, pas d’éclusées, pas de substances toxiques) aux modalités représentatives d’un stress maximal (ex. forts prélèvements d’eau, modification extrême de la section transversale, présence d’éclusées). Les catégories des différentes pressions sont majoritairement ordonnées le long de cet axe, selon le niveau de dégradation qu’elles représentent.
Les coordonnées factorielles des sites ont été 1 2 replacées dans une échelle de valeurs allant de 0 (peu à 3 4 pas d’impact) à 1 (très fortement impacté) avec une 5 transformation min-max (Legendre & Legendre 1998, Saporta 2006). Cinq classes allant de 1 (peu ou pas impacté) à 5 (fortement impacté) ont été définies en 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 partitionnant les valeurs de l’indice (Figure 3) avec 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 3 Figure 3 : Distribution des valeurs algorithme k-means (Hartigan & Wong 1979) . de l’indice de pression entre les cinq classes. 3
3 Pour plus de détails concernant le développement de cet indice de pression, voir le rapport EFI+ 4.1 et 4.2 (Bady et al. 2009a,b). 31 2.3- Données faunistiques
2.3. Données faunistiques
Tous les sites ont été échantillonnés entre 1955 et 2007, pour l’essentiel après 1995, par pêche électrique à pied ou en bateau selon la profondeur du cours d’eau. Les individus capturés lors des différents passages (entre 1 à 5) ont été identifiés à l’espèce. Un total de 161 espèces et de 7 686 350 individus ont ainsi été capturés et 6 309 639 poissons ont été mesurés, soit 82 % des individus. Afin d’utiliser les données les plus homogènes possibles, seuls les individus échantillonnés lors du premier passage ont été considérés. De plus, pour limiter l’autocorrélation temporelle, une seule occasion de pêche (date) par site a été sélectionnée aléatoirement.
2.4. Traits biologiques et écologiques des espèces
Parmi les 24 traits considérés dans le projet EFI+, dont 15 traits écologiques et biologiques (qualitatif) et 9 traits d’histoire de vie (quantitatif), je me suis uniquement focalisé sur les 11 caractéristiques écologiques et biologiques suivantes: tolérance à la temperature, tolérance à l’hypoxie, tolérance à la dégradation de l’habitat, régime trophique, habitat d’alimentation; habitat (affinité au courant), substrat de ponte, type de reproduction, comportement de reproduction, soins parentaux, comportement migratoire.
Chaque trait biologique ou écologique est décrit par plusieurs catégories (Tableau 3) et une seule catégorie par trait est attribuée à chaque espèce. A la différence des macro- invertébrés benthiques (Usseglio-Polatera et al. 2000), une espèce ne peut être représentée dans plusieurs catégories, et seules les caractéristiques à l’état adulte sont considérées.
32 2.4- Traits biologiques et écologiques des espèces
Tableau 3 : Description des 11 traits écologiques et biologiques des espèces. Trait Catégories Eurytherme (EUTHER) : espèce tolérant une large ampltitude thermique Tolérance à la température Sténotherme (STTHER) : espèce ne vivant que dans une plage étroite de températures Intolérante (O2INTOL) : espèce qui a besoin de plus de 6 mg.L-1 Intermédiaire (O2IM) : espèce relativement tolérante aux faibles Tolérance à l’hypoxie concentrations en oxygène Tolérante (O2TOL) : espèce capable de vivre dans des eaux avec moins de 3 mg.L-1 Intolérante (HINTOL) Tolérance à la dégradation de Intermédiaire (HIM) l'habitat Tolérante (HTOL) Détritivore (DETR) : alimentation composée d'une forte proportion de détritus Herbivore (HERB) : alimentation composée d'au moins 75 % de matière végétale Insectivore (INSEV) : alimentation composé au moins de 75 % d'insectes Guilde trophique des adultes Omnivore (OMNI) : alimentation composée de plus de 25 % de matière végétale et de plus de 25 % de matière animale Parasite (PARA) : présente un mode d'alimentation parasitaire Piscivore (PISC) : alimentation composée de poisson à plus de 75 % Planctivore (PLAN) : alimentation composée d'au moins 75 % de phytoplancton Benthique (B) : espèce préférant vivre et se nourrir vers le fond Habitat d’alimentation Colonne d'eau (WC) : espèce qui vit et se nourrit dans la colonne d'eau Limnophile (LIMNO) : espèce qui préfère les courants faibles ou les eaux Affinité pour la vitesse du stagnantes courant Rhéophile (RH) : espèce qui préfère les eaux courantes Eurytope (EURY) : espèce avec une large tolérance (LIPAR) espèce pondant préférentiellementdans des eaux stagnantes Habitat de ponte (RHPAR) espèce pondant préférentiellement dans des eaux courantes (EUPAR) espèce sans préférence marquée Ariadnophile (ARIAD) : espèce spécialisée dans la construction d'un nid, comportement très souvent associé avec des soins parentaux Lithopelagophile (LIPE) : espèce pondant dans les rochers ou les graviers, avec des embryons pélagiques libres Lithophile (LITH) : espèce pondant exclusivement sur les graviers, galets, pierres, rochers ou débris avec des larves photophobes Ostracophile (OSTRA) : espèce qui pond dans les mollusques bivalves Pelagophile (PELA) : espèce qui pond dans la zone pélagique Reproduction Phyto-lithophile (PHLI) : espèce qui dépose ses œufs dans des habitats d'eau claire, sur des plantes ou d'autres supports immergés tels que des souches, des graviers, des rochers. Sa larve est photophobe Phytophile (PHYT) : espèce qui dépose ses œufs dans des eaux claires sur des plantes immergées Psammophile (PSAM) : espèce qui pond sur les racines ou sur l'herbe au- dessus d'un fond sableux ou sur le sable lui-même Spéléophile (SPEL) : espèce qui pond dans les espaces interstitiels, fissures ou cavernes
33 2.4- Traits biologiques et écologiques des espèces
Tableau 3 : Description des 11 traits écologiques et biologiques des espèces. (Suite) Trait Catégories Unique (SIN) : espèce ayant une ponte unique au cours de la saison de reproduction Fractionné (FR) : espèce qui se reproduit répétitivement dans la saison ou Comportement de reproduction dont différentes fractions de sa population se reproduisent à différents moments Prolongé (PRO) : espèce qui se reproduit sur une longue période durant la saison reproductrice (PROT) espèce dont les stades embryonnaires ou larvaires sont protégés Soins parentaux (NOP) espèce n’assurant pas de protection des jeunes stades Résident (RESID) : espèce aux déplacements limitiés, au sein d'un segment de cours d'eau particulier Potamodrome (POTAD) : espèce qui se déplace au sein du réseau hydrographique Comportement migratoire Anadrome (LMA) : espèce qui vit au stade juvénile ou sub-adulte dans la mer et qui migre dans les rivières à sa maturité Catadrome (LMC) : espèce avec les jeunes stades vivant en eau douce qui migre en mer à maturité pour se reproduire
2.5. Jeu de données utilisé
Après sélection des sites pour lesquels l’ensemble des informations environnementales, de pressions anthropiques et faunistiques (abondance par espèce) était disponible, le jeu de données final regroupe 9 948 sites (Figure 4) échantillonnés entre 1974 et 2007 (87 % des sites après 1995). Cent quarante sept espèces et 1 938 339 individus ont été capturés. Les données de tailles sont disponibles pour 3 436 occasions de pêche représentant 727 976 individus. Figure 4 : Localisation des 9 948 sites. En N gris, les pays membres du projet EFI+.
0 500 1000 km
34 3.- Résultats
3. Résultats
3.1. Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
Ce chapitre synthétise les résultats des études menées dans les articles P1, P2, et P3. Les objectifs sont : d’étudier la structure fonctionnelle des peuplements (basée sur la composition en traits biologiques et écologiques), d’étudier l’influence relative de l’environnement et des écorégions sur la composition en traits des peuplements, de tester la convergence de la réponse de la structure fonctionnelle des communautés aux gradients environnementaux dans deux régions aux pools d’espèces relativement distincts, et de développer des métriques spécifiques aux cours d’eau à faible richesse spécifique qui intégrent la taille des individus et les caractéristiques des espèces. L’article P4 décrit le processus de développement de l’indice EFI+ et l’apport de mes travaux dans celui-ci.
3.1.1. Structures fonctionnelles des peuplements et redondance des traits La première étape du développement d’un indice multimétrique (MMI) suppose de sélectionner des métriques représentatives de la région d’intérêt (Karr 1991, Angermeier et al. 2000). Par conséquent, l’étendue de cette région ainsi que la richesse spécifique conditionnent le choix des métriques candidates pour un indice.
Idéalement, les métriques sélectionnées doivent permettre d’évaluer les peuplements indifféremment de l’environnement dans lequel ils vivent. La diversité des conditions environnementales et des cours observés dans les différentes régions en Europe (Koster 2005, Tockner et al. 2009), constitue le premier défi du développement de l’indice poisson européen. Les métriques doivent être utilisables dans des conditions climatiques, hydrologiques et géomorphologiques très contrastées. Elles doivent pouvoir évaluer la condition écologique de cours d’eau méditerranéens, alpins, côtiers, scandinaves, etc.
La diversité de la faune piscicole européenne constitue le deuxième défi majeur de l’indice poisson européen. Cette diversité s’exprime à la fois par le nombre d’espèces présentes en Europe, un peu plus de 500 selon Kottelat & Freyhof (2007), et par la disparité des pools d’espèces régionaux (Reyjol et al. 2007). En regroupant les grands bassins hydrographiques selon leur similarité faunistique, Reyjol et al. (2007) ont défini sept
35 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication ichthyorégions. La richesse et la composition faunistique de ces régions sont très variables et dépendantes de l’aire de répartition des espèces.
La niche des espèces (Hutchinson 1957, Pont et al. 2005), la structuration spatiale de l’environnement (Huet 1954, Grenouillet et al. 2004), la géographie (Hewitt 2004), les trois grands processus évolutifs que sont la spéciation, l’extinction et la migration (Stearns 1992), sont les principaux facteurs naturels responsables de la distribution actuelle des espèces. Une espèce ne peut être présente dans une région que si les conditions environnementales nécessaires à son existence sont réunies (Hutchinson 1957). Or, à l’échelle d’un continent, un facteur environnemental clé comme la température varie avec la latitude, l’altitude et la continentalité (Ward 1985, Figure 1.5A de Tockner et al. 2009). La formation des bassins hydrographiques et les dernières glaciations sont les deux événements géologiques les plus récents qui ont le plus contribué à la répartition actuelle des espèces. L’isolement géographique des populations qui a suivi la formation des bassins hydrographiques a favorisé des processus de spéciations allopatriques. C’est notamment le cas de la péninsule ibérique où des espèces du même genre (ex. Luciobarbus, Kottelat & Freyhof 2007) sont présentes dans des bassins hydrographiques différents (Gomez & Lunt 2007, Filipe et al. 2009). Les limites des bassins sont des barrières géographiques infranchissables. Chaque bassin peut être considéré comme une île biogéographique (Hugueny 1989). Seules les espèces anadromes (Tableau 3) ou supportant des eaux saumâtres seront à même de migrer d’un bassin à un autre.
La dernière période glaciaire du Pléistocène (entre –110 000 et –10 000 ans) constitue une période clé pour la répartition actuelle des espèces (Hewitt 1999, 2000, Kontula & Vainola 2001, Koskinen et al. 2002, Hewitt 2004, Griffiths 2006). Le recouvrement d’une grande partie des terres émergées européennes par la calotte glaciaire (Banarescu 1992, Keith 1998, Clark et al. 2009) a entraîné une forte extinction d’espèces (Hewitt 2000). Au maximum de l’expansion glaciaire, la calotte recouvrait le nord de l’Europe, l’Islande, les îles britanniques, et s’étendait plus au sud jusqu’en Allemagne et en Pologne. Seules les régions les plus au sud, telles que le bassin du Danube et la région ponto-caspienne, la péninsule ibérique, ont constitué des zones refuges pour la faune piscicole (Banarescu 1992, Hewitt 1999, 2004). Les phases d’expansion glaciaire correspondent à des phases de contraction des aires de répartition (Qian & Ricklefs 2000). A l’inverse, le retrait des glaciers correspond à une phase d’expansion des aires de distribution de certaines espèces (Hewitt 2000). Les zones
36 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication glacées ont été recolonisées par les espèces présentes dans les zones refuges (principalement la région ponto-caspienne) via différentes voies migratoires (Banarescu 1989, 1992, Hewitt 1999, Nesbo et al. 1999, Hewitt 1999, 2000, 2004, Kontula & Vainola 2001, Koskinen et al. 2002, Hewitt 2004, Griffiths 2006). Le bassin du Danube a été le principal foyer de dispersion pour la recolonisation. D’immenses lacs d’eau froide formés suite à la fonte des glaces ont établi des passages entre des bassins hydrographiques adjacents (Banarescu 1992, Griffiths 2006). Les espèces d’eau froide, généralistes, avec une forte capacité de dispersion, ont été les plus à aptes à recoloniser les zones glacées (Griffiths 2006). Les chaînes de montagnes, véritables barrières géographiques, ont isolé les régions les plus au sud, telle que la péninsule ibérique, et empêché toute recolonisation à partir de ces zones (Hewitt 2000, 2004). Les conséquences les plus visibles de ces événements sur la faune piscicole européenne actuelle sont : la présence d’un gradient latitudinal et longitudinal de la richesse spécifique (Griffiths 2006), aini qu’un nombre plus élevé d’espèces endémiques dans les zones non attenteintes par les glaces (Bianco 1995, Reyjol et al. 2007). L’Europe de l’Ouest présente peu d’espèces endémiques et une faune plus pauvre, constituée majoritairement d’espèces originaires d’Europe Centrale (Reyjol et al. 2007). Par conséquent, à large échelle, les patrons dérivés de l’analyse de la composition faunistique des peuplements reflètent principalement le rôle des facteurs historiques et géographiques sur la distribution actuelle des espèces (Van Sickle & Hughes 2000, Heino 2005, Bremner et al. 2006a, Hoeinghaus et al. 2007). L’usage de métriques basées sur la composition (présence-absence, abondance relative d’une espèce ; Alcorlo et al. 2006, Pollard & Yuan 2009) pour développer un indice à l’échelle de l’Europe ne semble pas pertinent. L’étendue spatiale de l’utilisation de ces métriques est limitée par l’aire de répartition de chaque espèce. L’utilisation de métriques qui regroupent au sein d’une même variable les espèces ayant des traits biologiques et écologiques similaires (Usseglio-Polatera et al. 2000, Melville et al. 2006, Hoeinghaus et al. 2007, Noble et al. 2007) permet de comparer des peuplements faunistiquement différents (Moyle & Herbold 1987, Wiens 1991, Kelt et al. 1996, Smith & Ganzhorn 1996, Reich et al. 1997, Statzner et al. 1997, Winemiller & Adite 1997, Bellwood et al. 2002, Lamouroux et al. 2002, Vila-Gispert et al. 2002, Goldstein & Meador 2004, Statzner et al. 2004, Melville et al. 2006, Bonada et al. 2007, Hoeinghaus et al. 2007, Irz et al. 2007, Ibañez et al. 2009). Par conséquent, dans le cadre du projet EFI+, seules les métriques basées sur les traits biologiques et écologiques des espèces ont été considérées (voir le chapitre 2.4). En plus de leur couverture spatiale, l’utilisation de ces traits a été recommandée
37 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
(Statzner et al. 2001, Bonada et al. 2006) et utilisée avec succès en bioindication, notamment à large échelle (Pont et al. 2006, 2007, 2009).
L’analyse de l’association des 41 modalités de traits (88 espèces, Tableau 3) au sein de 849 peuplements piscicoles européens peu ou pas impactés (P2) démontre une certaine redondance entre les catégories de traits. Elle se traduit par la proximité des projections associées à chaque catégorie sur le premier plan factoriel de l’ACP (Figure 5a). Deux gradients principaux sont observés : un gradient de tolérance et un gradient de reproduction. Le premier axe (48,3 % de l’inertie) oppose les peuplements dominés d’une part par des individus sténothermes (STTHER), intolérants vis-à-vis de l’hypoxie (O2INTOL) et d’une dégradation de l’habitat (HINTOL), aux peuplements dominés par des individus eurythermes (EUTHERM), avec une tolérance intermédiaire quant à l’oxygènation des eaux (O2IM) et tolérants la dégradation de l’habitat (HTOL). Le premier axe représente aussi un gradient trophique et d’habitat. Il oppose les catégories « insectivore » et « rhéophile » aux catégories « omnivore » et « eurytope ». Le deuxième axe (15,4 % de l’inertie) oppose les peuplements composés d’individus peu mobliles (RESID), sans préférences d’habitat de ponte (EUPAR) et ayant des reproductions fractionnées (FR) à des peuplements d’individus potamodromes pondant préférentiellement en eau courante (RHPAR) et ayant une seule ponte annuelle (SIN). L’orthogonalité observée entre ces deux gradients révèle leur relative indépendance. Des communautés dominées par des individus tolérants pourront tout aussi bien l’être par des individus à ponte unique ou à ponte fractionnée.
FRFR RESIDRESID EUPAREUPAR INSVINSV STTHERSTTHER O2INTOLO2INTOL RHRH NOPNOP HINTOLO LITHLLITH PHLI HTOLHTOL HIMHIMM O2TOLL O2IMO2IM PROTPROT OMNIOMNI EURYEURY EUTHER
POTADPOTAD RHPAR SINSIN
Figure 5 : Ordination de l’abondance relative des catégories de traits (aux contributions > 0,5 %) sur le premier plan factoriel de l’ACP (matrice de variance co-variance).
38 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
Implication de ces résultats pour le développement d’un indice multimétrique. La forte redondance de certaines catégories de traits limite le nombre de métriques disponibles pour le développement de l’indice. Les catégories fortement liées comme STTHER, O2INTOL et HINTOL, fourniront a priori la même information sur l’état des peuplements, ce qui est contraire à la théorie des MMI (Karr & Chu 1999). Dans le cas où ces métriques passent les différentes phases de sélection (Hughes et al. 1998, Hering et al. 2006, Pont et al. 2006, Stoddard et al. 2008) et permettent de mesurer l’effet des pressions anthropiques, il conviendrait de n’en retenir qu’une. En plus de leur capacité de détection des pressions, la distribution géographique des métriques doit être un critère de sélection. Dix-neuf catégories sur les 41 ne contribuent que très faiblement au premier plan factoriel (contribution relative inférieure à 0,5 %) et n’ont pas été représentées sur la Figure 5a. Parmi ces catégories, certaines sont peu fréquentes au sein des peuplements et donc participent très peu à l’analyse. La reproduction ostracophile (OSTRA), les régimes alimentaires parasitaires (PARA) et herbivores (HERB) sont présents dans moins de 10 % des sites. Les métriques rares sont peu représentatives des peuplements et sont donc peu utiles pour le développement d’un indice. Elles peuvent être utilisées pour le développement d’outils additionnels spécifiques à certains types de peuplements ou de cours d’eau. Certains traits peuvent varier indépendamment des deux gradients majeurs et contribuer à la construction d’autres axes. C’est le cas de l’habitat d’alimentation dont les modalités sont principalement représentées sur le troisième axe de l’ACP. Ces catégories sont très intéressantes puisqu’elles intègrent une information complémentaire sur la structure des peuplements. De même des catégories relativement stables entre les peuplements, qui ne participent que très faiblement à l’analyse, sont potentiellement intéressantes pour le développement des MMI (Charvet et al. 2000, Statzner et al. 2001, Hering et al. 2006).
3.1.2. Influence de l’environnement sur les associations de traits bio/écologiques Théorie Plusieurs hypothèses ont été émises pour expliquer l’association des traits au sein des peuplements. La théorie neutre, « neutral theory » développée par Hubbel (2001), considère chaque individu de chaque espèce comme écologiquement équivalent. D’après cette théorie, la structure des communautés est uniquement due à la dérive écologique. La structure des communautés est supposée indépendante de la niche et des caractéristiques des espèces. Cette théorie ne prédit aucun lien entre l’environnement, les interactions spécifiques et l’abondance relative des espèces ou leurs traits.
39 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
A l’inverse, la théorie de la similarité limitante, « limiting similarity », stipule que l’abondance relative des espèces dans un peuplement dépend de la compétition interspécifique (MacArthur & Levins 1967). Cette théorie suggère que la co-occurrence et l’abondance d’espèces avec des caractéristiques similaires au sein d’un même peuplement (trait, niche, morphologie) sont limitées (Weiher & Keddy 1995, Winston 1995, Kelt & Brown 1999, Mouillot et al. 2007, Cornwell & Ackerly 2009). Sous cette hypothèse, on s’attend à une surdispersion des traits. Les théories de l’« habitat templet » (Southwood 1977, Southwood 1988, Townsend & Hildrew 1994) et des « landscape filters » (Tonn et al. 1990, Poff 1997) considèrent que l’habitat est le facteur clé explicatif de la répartition des espèces au sein des peuplements. La théorie de l’habitat templet déclare que la variabilité spatio-temporelle de l’environnement dirige l’évolution des traits des espèces. La théorie des filtres suppose que la composition spécifique d’une communauté dépend du pool régional d’espèces et de l’action de différents filtres (Figure 6). Chaque filtre agit à une échelle spatiale différente (Poff 1997) et sélectionne les espèces qui possèdent la ou les caractéristiques adéquates (Keddy 1992, Diaz et al. 1998, Diaz et al. 1999, Weiher & Keddy 1999, Lamouroux et al. 2004, Statzner et al. 2004). Seules les espèces possédant les caractéristiques nécessaires à leur maintien et à leur développement dans un environnement donné, seront sélectionnées. Selon cette théorie, les traits devraient être sous dispersés au sein des peuplements (Mouillot et al. 2007).
Pool d'espèce régional
Bassin versant
Vallée
Unité du chenal
Microhabitat
Peuplement local Figure 6 : La théorie des filtres écologiques, adaptée de Poff (1997). Selon cet auteur, la présence et l’abondance d’une espèce dans un environnement donné dépendent de ses caractéristiques (traits). 40 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
Analyse et résultats Les résultats de la RDA (Redundancy Analysis ou ACP sur variable instrumentale ; Lebreton et al. 1991, Legendre & Legendre 1998, Baty et al. 2006) confirment que l’environnement influence fortement la structure des peuplements (Poff & Allan 1995, Diaz et al. 1998, Bellwood et al. 2002, Oberdorff et al. 2002, Goldstein & Meador 2004, Haybach et al. 2004, Heino et al. 2005, Bêche et al. 2006, Bremner et al. 2006a, Yoshimura et al. 2006, Bonada et al. 2007, Hoeinghaus et al. 2007, Ibañez et al. 2007, Horrigan & Baird 2008, Tedesco et al. 2008, Cornwell & Ackerly 2009, Friberg et al. 2009, Ibañez et al. 2009), piscicoles en Europe (Lamouroux et al. 2002, Santoul et al. 2005, Pont et al. 2006, Blanck & Lamouroux 2007). La température, l’amplitude thermique, la pente, la taille du substrat et la géomorphologie expliquent 30,5 % de la structure en traits des peuplements (test de Monte- Carlo, P < 0,001). L’effet de l’environnement est principalement représenté sur le premier axe de la RDA (83,2 % de l’inertie expliquée par l’analyse). Les gradients de tolérance et de trophie sont relativement bien expliqués par l’environnement. Le gradient de reproduction est moins distinct que dans l’ACP (Figure 5 et Figure 7a).
Les peuplements sont structurés le long d’un gradient thermique « Tjuly » (Wehrly et al. 2003) et d’un gradient physique représenté par la pente et SYNGEO1 (Figure 7b ; Huet 1954, Matthews 1998, May & Brown 2002). La relative orthogonalité entre ces deux gradients (Figure 7b) suggère, qu’à large échelle, ces deux gradients structurent les communautés de façon indépendante. Lorsque l’environnement est pris en compte, l’inertie expliquée par les écorégions, est beaucoup plus faible (Sandin & Johnson 2004, Bremner et al. 2006b, Hewitt et al. 2008), soit environ 7 %. La variabilité spatiale observée dans la composition en traits des communautés est donc principalement due à la spatialisation de l’environnement (Hoeinghaus et al. 2007) en Europe (Koster 2005, Tockner et al. 2009). A large échelle, la température varie avec la latitude, l’altitude et la continentalité (Ward 1985), alors que les conditions physico-chimiques d’un cours d’eau évoluent le long du gradient amont-aval (Allan & Castillo 2007).
41 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
a b
TDIF
SYNGEO1 PROT FR RESID PHLI PISC EUPAR HTOL SYNGEO2 NATSED-small STTHER LMA O2INTOL RH OMNI EURY O2IM HINTOL RHPAR EUTHER SIN HIM NATSED-medium INSV POTAD LITH NOP
SLOP TJULY
Figure 7 : Résultats de la RDA : a) ordination des catégories de traits, b) corrélation entre les variables environnementales et les deux premiers axes.
Effet des écorégions L’ordination des sites démontre clairement une structure spatiale dans la répartition des traits (Figure 1b). L’inertie inter-écorégion (adaptées d’Illies 1978, Figure 2) représente 29,4 % de l’inertie totale (test de Monte-Carlo, P < 0,001). Lorsque l’effet de l’environnement est pris en compte, les écorégions n’expliquent plus que 7 % de l’inertie de la structure des peuplements. Cet effet, bien que faible, suggère une variation interrégionale de la réponse des traits aux conditions environnementales.
ITA ENGENG
Figure 8: Ordination des sites sur le premier plan factoriel de l’ACP. Les carrés gris sont placés au barycentre de chaque écorégion (cf. Figure 2). 42 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
Limites potentielles de ces résultats : une majorité de petit ou moyen cours d’eau. Le jeu de données comptant 849 sites peu ou pas perturbés contient peu de grands cours d’eau. Quatre-vingt-quinze pourcent des sites sont situés dans des cours d’eau ayant un rang de Strahler inférieur ou égal à cinq. Cette restrition du jeu de données est principalement dû à l’accroissement des activités humaines en aval des cours d’eau. Il est probable que ce jeu de données ne reflète que partiellement les peuplements et les processus dans les grands cours d’eau pourvu d’une plaine alluviale. Néanmoins, il est représentatif du jeu de données du projet EFI+, puisque 92 % des 9 948 sont situés dans des cours d’eau avec un rang de Strahler inférieur ou égal à cinq.
Implication de ces résultats pour le développement de l’indice : Lorsque l’environnement est pris en compte, les ichtyorégions (régions regroupant les bassins hydrographiques selon leur similarité faunistque; Reyjol et al. 2007) expliquent 2,3 % de l’inertie résiduelle (P < 0,001) soit 1,6 % de l’inertie totale de la structure des peuplements. Ce résultat montre qu’à large échelle, l’utilisation de métriques basées sur les traits permet de surmonter les différences faunistiques régionales (Pont et al. 2006). La même métrique peut être représentative de régions aux conditions environnementales similaires, mais aux pools d’espèces différents. A l’inverse, bien que la composition des peuplements varie avec l’environnement (Huet 1954, Rahel & Hubert 1991, Schlosser 1991, Hawkins et al. 1997, Matthews 1998, Magalhaes et al. 2002a, Wehrly et al. 2003, Hoeinghaus et al. 2007, Infante et al. 2009), à large échelle les patrons dérivés de l’analyse taxonomique reflètent majoritairement les différences géographiques liées à la distribution des espèces (Oswood et al. 2000, Van Sickle & Hughes 2000, Hoeinghaus et al. 2007). Par conséquent l’utilisation de métriques basées sur « l’identité », la composition spécifique, sera limitée spatialement.
Idéalement, la valeur du score associée à une métrique reflète uniquement le degré d’altération du site (Hughes et al. 1998, Karr & Chu 1999, Hering et al. 2006, Pont et al. 2007, Stoddard et al. 2008, Pont et al. 2009). La variation inter-site des scores devrait représenter la variabilité du degré d’altération entre les sites. Dans le cadre de la « reference condition approach » (Bailey et al. 1998), la première étape consiste à comparer la valeur observée de la métrique à une valeur attendue en absence de pressions. Les résultats de la RDA montrent la nécessité de prendre en compte l’environnement dans le calcul du score des métriques basées sur ces catégories de traits (Oberdorff et al. 2002, Pont et al. 2006, Pont et
43 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication al. 2007). Sans cette étape, il semble impossible de distinguer la part relative de la variabilité des scores due à l’environnement et aux pressions.
Une possibilité consiste à modéliser la variabilité des métriques en fonction de l’environnement (Oberdorff et al. 2002, Baker et al. 2005, Pont et al. 2007, Pont et al. 2009, Hawkins et al. 2010) en utilisant des sites de référence (Stoddard et al. 2006) comme sites de calibrations. Ces sites sont sélectionnés sur des critères objectifs (Whittier et al. 2007) pour être peu ou pas impactés (ex. Hughes et al. 1998, Bates Prins & Smith 2007, Pont et al. 2007, Stoddard et al. 2008, Pont et al. 2009). La valeur prédite par le modèle correspond à la valeur attendue de la métrique pour un environnement donné. La variabilité environnementale est prise en compte en soustrayant la valeur attendue de la métrique à la valeur observée : le résidu. Les résidus « mesurent la gamme de variation d’une métrique attendue après avoir ôté l’effet des prédicteurs abiotiques » (Pont et al. 2009). La fiabilité des prédictions des valeurs attendues, dans un environnement donné en absence de pressions, conditionnera en partie la capacité de détection des métriques. Sans prédiction cohérente, il est impossible de savoir ce que représente la déviation entre valeur observée et valeur attendue, ceci, quelle que soit la méthode utilisée : modèles linéaires et modèles linéaires généralisés (Pont et al. 2006, Pont et al. 2007, Pont 2010), analyse discriminante (Joy & Death 2002), plus proche voisin (Bates Prins & Smith 2007), forêt aléatoire (Hawkins et al. 2010), ligne de valeur maximale (Fausch et al. 1984, Hughes et al. 2004, Roset et al. 2007), etc.
L’inertie résiduelle expliquée par les écorégions (paragraphe sur les écorégions), suggère que les variations des catégories de traits le long des gradients environnementaux peuvent variées selon les écorégions. Par conséquent, peut-on utiliser le même modèle pour prédire les valeurs attendues d’une métrique pour l’ensemble des régions (Pont et al. 2006, Pont et al. 2007) ? Faut-il utiliser un modèle par région (Pont et al. 2009) ? Pour répondre à ces questions, il convient de tester la convergence de la réponse des communautés aux variations environnementales entre les différentes régions (Wiens 1991, Smith & Ganzhorn 1996, Bellwood et al. 2002, Lamouroux et al. 2002, Irz et al. 2007, Ibañez et al. 2009, Hugueny et al. 2010).
44 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
3.1.3. Test de la convergence des communautés de la péninsule ibérique et de l’Europe de l’Ouest La convergence de la structure des communautés vivant dans des environnements semblables est prédite par la théorie du déterminisme local (Ricklefs & Schluter 1993, Ricklefs 2006). Cette théorie considère que l’environnement est le déterminant principal de la structure des communautés (Tonn et al. 1990, Townsend & Hildrew 1994, Weiher & Keddy 1995, Poff 1997, Diaz et al. 1998, Bellwood et al. 2002) et que l’évolution est unidirectionnelle. Les mêmes stratégies, ensemble de traits, seraient sélectionnés pour faire face aux mêmes conditions environnementales. La théorie du déterminisme local prédit la convergence des communautés vivant dans des environnements similaires, indépendamment de la proximité géographique et de l’histoire évolutive des régions.
Deux types de convergence, quantitative et qualitative, peuvent être observées (Hugueny et al. 2010). La convergence quantitative correspond à des réponses identiques à l’environnement entre les deux régions (Figure 8a ; Irz et al. 2007). Le même modèle peut être utilisé pour prédire la structure des peuplements quelle que soit la région. Dans le cas d’une convergence qualitative, les réponses à l’environnement dans les deux régions sont analogues mais pas identiques (Figure 9b, c et d). Des modèles spécifiques à chaque région sont nécessaires pour prédire la structure des peuplements.
A l’inverse, des facteurs spéciaux (Ricklefs 2006) comme des facteurs historiques (Ricklefs & Schluter 1993, Smith & Ganzhorn 1996, Samuels & Drake 1997, Lobo & Davis 1999, Qian & Ricklefs 2000, Tedesco et al. 2005, Vitt & Pianka 2005) tels les effets séquences (Samuels & Drake 1997) ou la coévolution entre espèces (Smith & Ganzhorn 1996), peuvent conduire à des divergences entre les régions (Figures 8e, f ; Wiens 1991, Smith & Ganzhorn 1996, Irz et al. 2007).
La variabilité environnementale interrégionale est une source attendue de divergence entre les communautés. Des peuplements évoluant dans des milieux différents devraient présenter des structures différentes (Wiens 1991).
45 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
abc
de f Catégorie de trait
Environnement Figure 9 : Relation entre une catégorie de trait et l’environnement dans deux régions, droite noire ou grise : a) convergence quantitative (le même modèle pour les deux régions) ; b), c) et d) convergence qualitative, les relations varient dans le même sens dans les deux régions ; e) et f) non convergence entre les régions, en e) la catégorie de traits varie avec l’environnement dans une région mais pas dans l’autre et en f) les relations à l’environnement sont opposées.
La convergence de la réponse des structures des communautés aux gradients environnementaux a été testée en comparant les peuplements de la France et de la Belgique (FB) avec les peuplements ibériques (IP). Ces deux régions présentent des histoires évolutives (Banarescu 1992, Hewitt 2000, 2004) et des faunes relativement différentes (Ferreira et al. 2007a, Reyjol et al. 2007). La péninsule ibérique n’ayant pas été affecté par les dernières glaciations (Hewitt 2004) et présentent de nombreuses espèces endémiques (Reyjol et al. 2007). Parmi les 57 espèces recensées dans les deux régions, seules 10 sont communes aux deux régions. Trois modèles avec des hypothèses différentes ont été définis par catégorie de trait. Le premier modèle considère une convergence quantitative entre les régions (Figure 8a). Le deuxième modèle considère que les réponses à l’environnement sont parallèles entre les régions (convergence qualitative, Figure 9b). Le troisième modèle permet que les réponses à l’environnement des traits peuvent être : similaires mais avec des amplitudes variables selon les régions (Figures 8c,d), opposées entre les régions (Figure 8f), et visibles dans une région et absentes dans l’autre (Figure 8e). Les résultats de la comparaison des modèles deux à deux (Tableau 4) montrent que les réponses à l’environnement de la structure des peuplements, sont globalement convergentes (Bellwood et al. 2002, Lamouroux et al. 2002, Tedesco et al. 2005, Hugueny et al. 2010) entre les deux régions. Parmi les 17 métriques testées, trois présentent des convergences
46 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication quantitatives, 11 des convergences qualitatives (dont huit des réponses parallèles) et trois présentent des réponses non convergentes (Tableau 4). Ces résultats tendent à démontrer que les structures des peuplements, provenant de pools d’espèces régionaux différents, peuvent avoir des réponses similaires aux variations environnementales (Bellwood et al. 2002, Lamouroux et al. 2002, Hoeinghaus et al. 2007). L’environnement peut être considéré comme une force majeure de la sélection sur les traits des espèces (Tonn et al. 1990, Keddy 1992, Townsend & Hildrew 1994, Weiher & Keddy 1995, Poff 1997, Townsend et al. 1997, Diaz et al. 1999, Cornwell et al. 2006, Cornwell & Ackerly 2009). Ces résultats sont cohérents avec ceux de la RDA (chapitre 3.1.2).
Tableau 4 : Statistiques et p-valeur ajustées des tests, F pour les métriques en densité (Ni), de 2 pour les métriques basées sur la richesse (Ns), de comparaison des modèles emboités. La méthode de Benjamini et Yekutieli (2001), qui contrôle le taux de mauvaise erreur « false discovery rate » (FDR), a été utilisée pour ajuster les p-valeurs du fait des comparaisons multiples (Dudoit & van der Laan 2008). L’effet régional est non significatif (ns) si aucune des comparaisons n’est significative ; additif si la comparaison entre les modèles 1 et 2 est significative mais pas la comparaison entre les modèles 2 et 3 ; et interactif si la comparaison entre les modèles 2 et 3 est significative. Les métriques peuvent être soit non convergentes, présenter une convergence quantitative ou qualitative.
Modèle 1 vs Modèle 2 Modèle 2 vs Modèle 3 Effet Métrique Convergence Statistique P-valeur Statistique P-valeur régional DENS 4,023 0,309 4,522 0,008 interactif non Ni_EURY 1,545 1,000 4,729 0,006 interactif qualitative Ni_INSEV 0,196 1,000 5,586 0,002 interactif qualitative Ni_LITH 2,576 0,617 3,184 0,068 ns quantitative Ni_OMNI 0,964 1,000 1,854 0,610 ns quantitative Ni_POTAD 13,897 0,004 6,191 0,001 interactif non Ni_RHEO 12,288 0,007 5,454 0,002 interactif non Ni_TOLE 9,897 0,018 0,470 1,000 additif qualitative RICH 27,039 < 0,001 13,150 0,154 additif qualitative Ns_BENTH 19,022 < 0,001 1,157 1,000 additif qualitative Ns_EURY 1,777 0,983 16,880 0,041 interactif qualitative Ns_INTOL 33,438 < 0,001 4,506 1,000 additif qualitative Ns_LITH 16,342 0,001 4,556 1,000 additif qualitative Ns_POTAD 0,819 1,000 15,563 0,068 ns quantitative Ns_RHEO 31,059 < 0,001 10,230 0,439 additif qualitative Ns_TOLE 9,604 0,018 9,560 0,540 additif qualitative Ns_WATE 9,633 0,018 14,862 0,081 additif qualitative
La majorité des métriques convergentes entre les régions, présentent des convergences qualitatives (Irz et al. 2007, Hugueny et al. 2010). Parmi ces onze métriques, huit présentent des réponses parallèles et trois présentent des patrons de réponses similaires mais avec des amplitudes de variation différentes (Figure 10 et Figure 11). Seuls le nombre d’espèces potamodromes (Ns_POTAD, Figure 11), la densité d’espèces lithophiles (Ni_LITH, Figure 10) et la densité d’espèces omnivores (Ni_OMNI, Figure 10) présentent des convergences
47 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication quantitatives. Il est probable que les différences observées entre les régions (écart constant ou amplitude de la réponse différente) soient les conséquences de processus géographiques ou historiques (Ricklefs & Schluter 1993, Lobo & Davis 1999, Qian & Ricklefs 2000, Lamouroux et al. 2002, Johnson et al. 2004, Tedesco et al. 2005, Ricklefs 2006, Irz et al. 2007, Hugueny et al. 2010).
48 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
Figure 10 : Effet marginal (Fox 8.5 9.5 IP 1987, 2003) de la température 9 (TEMP), de la pente (SLOP) et de la ns FB 7.5 distance à la source (DIS) sur les 8 8.5 IP & FB
log(DENS)* 6.5 8 métriques basées sur la densité totale de poisson (DENS), sur la densité d’eurytopes (EURY), d’insectivores (INSEV), de lithophiles (LITH), d’omnivores (OMNI), de potamodromes (POTAD), de rhéophiles (RHEO) et d’intolérant (INTOL). Seules les variables ou les log(Ni_EURY)* interactions entre variables et région avec un effet significatif ont été c s 6 s 9 représentées (drop in deviance F- c 8 c tests, Chambers & Hastie 1993). La 2 7 s réponse commune est représentée en 6 s pointillés (modèle 1), la réponse de -2 5 c log(Ni_INSEV)* la région IP en noir et de la région FB en gris. Les métriques avec des interactions significatives (modèle 3) 8 sont indiquées avec un astérisque. Les environnements calcaires (c) et 7 siliceux (s) sont différenciés si
log(Ni_LITH) l’interaction entre la géologie et la 6 région (GEO × REG) est significative. ns est ajouté sur le 5 4 graphique si la variable 4 environnementale avait un effet 3 3 3 significatif, mais pas l’interaction 2 2 avec la région. 1 log(Ni_OMNI) 1 1
6 6 6 2 4 ns 4 2 -2 0 2 log(Ni_POTAD)*
9 8 7 8 6
5 7 log(Ni_RHEO)* 0 123 4 5
6 6 4 2 2 0
log(Ni_TOLE) -2 681012 14 16 -1 0 123 4 TEMP log(SLOP) log(DIS)
49 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
Figure 11 : Effet marginal (Fox 6 10 IP 1987, 2003) de la température FB (TEMP), de la pente (SLOP) et de la 4
RICH 6 IP & FB distance à la source sur les 9 métriques basées sur la richesse 2 2 spécifique locale (RICH), sur la richesse (Ns) de poissons benthiques 7 (BENTH), eurytopes (EURY), 3 intolérants (INTOL), lithophiles 5 2 (LITH), potamodromes (POTAD), 3 rhéophiles (RHEO), tolérants Ns_BENTH 1 1 (TOLE) et vivant et se nourrissant dans la colonne d’eau (WATE). Seules les variables ou les 5 interactions ente variables et région 3 avec un effet significatif ont été représentées (drop in deviance 2-
Ns_EURY* 1 tests, Chambers & Hastie 1993). La réponse commune est représentée en pointillés (modèle 1), la réponse de la région IP en noir et de la région 2.5 FB en gris. Les métriques avec des 1.5 interactions significatives (modèle 3) sont indiquées avec un astérisque.
Ns_INTOL 0.5
6
4 Ns_LITH
2
1.2 2 1.5 0.8 1
Ns_POTAD 0.4
4 6 3 4 2 Ns_RHEO 1 2
4 1
0.6 2 Ns_TOLE 0.2 0
5 2.5 4 2 3 1.5 2 Ns_WATE 1 681012 14 16 -1 0 123 4 TEMP log(SLOP) log(DIS) 50 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
A taille égale, la richesse locale des cours d’eau méditerranéens ibériques est plus faible que celle des cours d’eau de l’Europe de l’Ouest (Reyjol et al. 2007) et que celle des cours d’eau méditerranéens français (Ferreira et al. 2007a). Un maximum de six espèces a été observé pour les peuplements méditerranéens, conformément à des observations antérieures (Godinho et al. 1997, Carmona et al. 1999, Pires et al. 1999, Godinho et al. 2000, Magalhaes et al. 2002a,b, Mesquita & Coelho 2002, Clavero et al. 2004, Pires et al. 2004, Clavero & Garcia-Berthou 2006, Mesquita et al. 2006, Ferreira et al. 2007a, Ferreirai et al. 2007b), contre un maximum de 20 espèces pour les cours d’eau français et belges. Les écarts des réponses aux gradients environnementaux des métriques basées sur la richesse spécifique (Figure 11) sont donc pour partie dus à la différence de richesse locale entre ces deux régions (Reyjol et al. 2007, Leprieur et al. 2008b). La richesse spécifique locale est elle-même dépendante de la richesse spécifique régionale (Hugueny et al. 2010). Une part des convergences quantitatives est donc probablement due aux différences régionales de la taille des pools d’espèces (Hugueny et al. 2010).
Limites de ces résultats : poids des introductions dans la faune ibérique
Les introductions d’espèces originaires de l’Europe centrale 100 ou de l’ouest (Clavero & Garcia-Berthou 2006) peuvent avoir 80 brouillé les résultats des tests de la convergence (Leprieur et al. 60
2008a). Parmi les 10 espèces communes aux deux régions, trois 40 sont natives de FB et pas d’IP (Kottelat & Freyhof 2007) : le 20 goujon (Gobio gobio, L.), le chevaine (Squalius cephalus, L.) et le Abondance relative (%) 0 MED vairon (Phoxinus phoxinus, L.). Ces espèces sont présentes dans Figure 12 : Abondance 46,7 % des sites IP et représentent entre 1,5 et 98,5 % des individus relative du goujon, du chevaine et du vairon au quand elles sont présentent (Figure 12). Cette homogénéisation sein des 35 peuplements peut avoir favorisé la convergence des traits portés par ces espèces. IP lorsqu’ils sont présents.
Perspectives : quelle est l’influence de la phylogénie sur la structure des communautés et la convergence ?
La convergence entre les communautés de deux régions est plus facilement observée quand les espèces de ces deux régions, bien que différentes, appartiennent aux mêmes lignées (Bellwood et al. 2002, Lamouroux et al. 2002). A l’inverse, des régions composées d’espèces appartenant à des lignées différentes présentent rarement des patrons convergents (Cadle &
51 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
Greene 1993, Smith & Ganzhorn 1996). L’évolution différente de lignées d’un même phylum et leur déploiement géographique différent, peuvent expliquer les divergences de structures des peuplements observées entre deux régions (Cadle & Greene 1993, Ricklefs & Schluter 1993). L’histoire évolutive d’une lignée peut jouer un rôle profond sur les caractéristiques actuelles des espèces (Vitt & Pianka 2005). Bien que seules 10 espèces soient communes aux deux régions, la grande majorité des espèces appartiennent aux mêmes genres, sous-familles ou familles. Cette proximité phylogénétique des pools d’espèces régionaux favorise probablement la convergence observée au sein de ces deux régions (Bellwood et al. 2002). De nouvelles techniques pour prendre en compte la phylogénie sont développées et devraient permettre à l’avenir de mieux appréhender cette question (par exemple, Pavoine et al. 2010).
Conséquence pour le développement de bioindicateurs
Ces résultats confirment l’importance de la prise en compte de l’environnement dans l’établissement des scores associés à chaque métrique (Joy & Death 2002, Oberdorff et al. 2002, Hughes et al. 2004, Pont et al. 2006, Bates Prins & Smith 2007, Pont et al. 2007, Roset et al. 2007, Hawkins et al. 2010). Ils démontrent aussi que les variables environnementales, qui expliquent la variabilité des métriques, diffèrent d’une métrique à l’autre. Il est donc essentiel de sélectionner les variables environnementales qui expliquent le mieux la variabilité de chaque métrique (Oberdorff et al. 2002, Pont et al. 2006, Bates Prins & Smith 2007, Pont et al. 2009, Hawkins et al. 2010). Conserver l’ensemble des variables environnementales pour prédire les valeurs attendues entrainerait un problème « d’over-fitting » (Hastie et al. 2009). Plus le nombre de variables intégrées au modèle augmente, plus l’erreur de prédiction sur le jeu de données de calibration diminue, mais plus l’erreur de prédiction sur un jeu de données indépendant risque d’être élevée (voir la figure 2.11, p. 38, de Hastie et al. 2009). Le faible nombre de métriques présentant des convergences quantitatives implique que la région doit être prise en compte lorsqu’on utilise des métriques basées sur la densité ou le nombre d’espèces (Oberdorff et al. 2002, Pont et al. 2006, 2009). L’utilisation d’un modèle commun pour prédire les valeurs attendues de ces métriques biaiserait l’estimation des valeurs attendues. Dans le cas d’une réponse parallèle entre les régions, un modèle commun surestimerait en moyenne, les valeurs attendues dans une région et sous-estimerait les valeurs attendues dans l’autre.
52 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
Néanmoins, les régions méditerranéennes abritent de nombreuses espèces endémiques (Reyjol et al. 2007), et des phylums spécifiques, par exemple le genre Iberochondrostoma (Kottelat & Freyhof 2007). Il est donc possible que la singularité de la faune méditerranéenne ait exacerbée les divergences fonctionnelles observées avec la France et la Belgique. A l’inverse, les différences spécifiques entre les autres régions de l’Europe sont beaucoup moins marquées (Reyjol et al. 2007). On peut donc supposer que les structures fonctionnelles des peuplements de ces régions sont relativement similaires. Par conséquent les mêmes métriques devraient être utilisables pour l’ensemble de ces régions (Pont et al. 2006, 2007). Les régions méditerranéennes constituent probablement un cas particulier en Europe. Ces hypothèses restent à tester. Une possibilité pour surmonter les différences régionales est de considérer des métriques basées sur les ratios (Matzen & Berge 2008) du nombre d’espèces ou d’individus présentant une catégorie de traits donnés.
3.1.4. Développement de métriques spécifiques aux cours d’eau à faible richesse spécifique
En Europe, les cours d’eau à faible richesse spécifique (moins de quatre espèces) concernent majoritairement, les cours d’eau méditerranéens, les cours d’eau côtiers et les cours d’eau froids. Ces derniers ont reçu une attention particulière de par la spécificité de leur environnement et de leurs peuplements (Lyons et al. 1996, Mundahl & Simon 1999, Mebane et al. 2003, Wang et al. 2003, Hughes et al. 2004). En plus de leur faible richesse, les peuplements vivant dans ces cours d’eau sont majoritairement composés d’espèces aux caractéristiques proches (Halliwell et al. 1999, Zaroban et al. 1999), majoritairement intolérantes (Figure 7, paragraphe 3.1.2). La singularité de la réponse aux pressions anthropiques des communautés piscicoles d’eau froide, conforte le développement d’outils de bioindication spécifiques (Lyons et al. 1996, Mundahl & Simon 1999, Wang et al. 2003, Hughes et al. 2004). De nombreuses métriques présentent des réponses opposées aux pressions entre les cours d’eau chauds et froids (Lyons et al. 1996, Mebane et al. 2003). Communément, la richesse spécifique diminue avec l’altération du milieu dans un cours d’eau chaud et peut augmenter dans un cours d’eau froid (Lyons et al. 1996, Mundahl & Simon 1999).
53 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
Développer des métriques, des indices, pour des cours d’eau naturellement pauvres en espèces (Harris & Silveira 1999) est un défi. La faible richesse limite le nombre de métriques et leur variabilité (Simon & Lyons 1995, Lyons et al. 1996). En réponse à ces limites, certains indices développés pour ces cours d’eau ont, soit intégré des métriques basées sur d’autres groupes de vertébrés (Hughes et al. 2004), soit considéré un plus petit nombre de métriques que pour les cours d’eau chauds (Lyons et al. 1996, Langdon 2001, Southerland et al. 2007). Une autre possibilité est de considérer d’autres attributs des peuplements comme la structure en âge ou en taille (Oberdorff & Porcher 1994, Langdon 2001, Breine et al. 2004, Hughes et al. 2004). C’est cette possibilité que nous avons exploré. L’objectif était de développer de nouvelles métriques propres aux peuplements à faible richesse spécifique, vivant majoritairement dans les cours d’eau froids. Ces métriques devaient prendre en compte à la fois les traits des espèces et la taille des individus. Huit catégories de traits représentatives de ces peuplements (Figure 5) ont été considérées : intolérante à la plupart des pressions (INTOL), intolérante aux faibles concentrations en oxygène (O2INTOL), intolérant à la dégradation de l’habitat (HINTOL), rhéophile (RHEO), insectivore (INSEV), potamodrome (POTAD), lithophile (LITH) et n’ayant qu’une ponte par an (SIN, cf. Tableau 3). La structure en taille a été prise en compte en considérant, soit les petits individus, soit les grands individus, définis en fonction d’une taille limite. Cette étude est une étape préliminaire dans le développement de telles métriques. Par conséquent, trois tailles limites ont été testées pour définir les classes de taille : 100, 150 et 200 mm. La première étape consiste à dénombrer les individus d’une population possédant le trait d’intérêt, par exemple le nombre d’individus O2INTOL. La deuxième étape consiste à distinguer parmi ces individus, les poissons ayant une taille inférieure ou supérieure à la taille limite, selon la classe de taille considérée. Les métriques correspondent au nombre d’individus qui présentent un trait donné et qui appartiennent à la classe de taille d’intérêt (petit ou grand), par exemple le nombre de petits individus, inférieurs à 100 mm, rhéophiles (Tableau 5). Les individus de petite taille, regroupent à la fois les individus des espèces naturellement petites (ex. le chabot, Cottus gobio, L.), et les jeunes individus des grandes espèces (ex. le barbeau, Barbus fluviatilis, L.) (Figure 13). Pour prendre en compte cette dichotomie, les mêmes métriques ont été calculées en se basant soit sur l’ensemble des espèces du peuplement (Figure 13a), soit uniquement sur les espèces de grandes tailles (taille maximale de l’espèce 300 mm ; Figure 13b).
54 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
ab
Trait Oui Non Taille Oui Non Figure 13 : Illustration du calcul des métriques pour une catégorie de trait donnée. Dans cet exemple, le calcul porte sur deux espèces caractérisé par le trait d’intérêt porté par la truite et le chabot (contours noirs) et seuls les individus de petite taille sont pris en compte (colorés en gris). (a) Tous les individus des deux espèces sont pris en compte soit 12/21. (b) Seuls les truites de petites tailles sont utilisées, le chabot n’étant pas une espèce de grande taille, soit 5/14.
Pour chacun des huit traits, 12 métriques ont été calculées, chacune correspondant à l’une des combinaisons pool d’espèces (toutes les espèces ou que les grandes espèces), taille limite (100, 150 ou 200 mm), classe de tailles (petits ou grands individus, Tableau 5). Au final 96 métriques ont ainsi été développées. Tableau 5 : Calcul des 12 métriques pour un trait donné. Pool d'espèces Seuil (mm) Classe de taille Petit 100 Grand Ensemble des Petit 150 espèces Grand Petit 200 Grand Petit 100 Grand Espèces de Petit grandes tailles 150 Grand Petit 200 Grand
Chaque métrique a ensuite été reliée à l’environnement en utilisant des modèles linéaires généralisés (GLM ; McCullagh & Nelder 1989, Faraway 2006). Dans un GLM, le prédicteur linéaire est relié linéairement aux variables explicatives X (les variables environnementales) par la relation : X ii 3.1 avec l’ordonnée à l’origine, i le paramètre associé à la variable environnementale Xi. Les paramètres des modèles sont estimés au maximum de vraisemblance (McCullagh & Nelder
55 3.1- Hypothèses et contraintes sous-jacentes à l’usage des traits fonctionnels en bioindication
1989). La liaison entre la variable expliquée Y et le prédicteur linéaire s’établit avec la fonction de lien g de sorte que : Yg )( 3.2