Au Pays De Mes Ancêtres (BREST ET SES ALENTOURS)
Total Page:16
File Type:pdf, Size:1020Kb
A la mémoire de ma Mère, Marie..Josèphe PELLEN, fille de Ridiny et Bretonne du vieux Monde, ce livre est pieusement dédié. Augustè^BERGOT Du même auteur, déjà paru aux Editions Poésia, Brest : Paraboles, poèmes philosophiques 3 fr. Pour Elle, poèmes intimes i5 fr. L'Espionne maquillée, roman ... 12 fr. Le Florilège, anthologie de poètes bre- tons : 8 tomes à ....... 5 fr. l'un. A paraître : Divers romans, poèmes, études. /^S^pnste BEIM6T / Sécrctaifc eux Floraux de Bretagne Au Pays de mes Ancêtres (BREST ET SES ALENTOURS) . Plouguerneau, Le Folgoët, Kersaint-Portsall, Porspoder Ouessant, Le Conquet, St-Mathieu, Landerneau, Camaret, etc... EDITIONS POÉSIA - BREST Prêche liminaire. Je viens de rencontrer un cortège funèbre, celui d'un homme fauché en pleine maturité et qu'hier encore j'approchais. — Par bonheur, il a laissé à ses enfants une œuvre, une belle œuvre, solide, vivante, qui met à l'abri du besoin leurs jours... — Et moi, me disais-je par un naturel retour sur moi-même, quelle œuvre ai-je laissé à ceux qui doivent me survivre ? Une chanson et rien de plus ! Mais une chanson tout de même, une chan- son qui berce et qui console, qui fait aimer la vie quand on est apte à la connaître, à la pénétrer, à la sentir... Ma petite Régine-Annaïk que je mêle désormais à tous mes espoirs jouait à mes côtés insouciant, à mes graves pensées comme je le fus jadis à celles de mon père. Elle représente pour moi, pour ma famille, le dernier rejet de la plante vi. vace que nous fûmes à travers les âges, depuis le temps lointain — le quatrième siècle j'imagine — où venus d'Hybernie, — à moins que ce ne soit du pays de Galles dont un village porte à peu près mon nom — mes aïeux débarquèrent avec les saints d'alors (qui naviguaient, dit la légende, en des auges de pierre) sur les côtes de Portsall où ils se fixèrent, essaimant dans un rgyon de quel- ques kilomètres à peine leur presque ture ainsi que l'attestent les pierres tombales de Ploudalmézeau (1), de Lannilis, de Plouguerneau, de Porspoder... Invinciblement, le cours de mes rêveries m'a- mena donc à songer à mes ancêtres, humbles laboureurs, dans la lignée de ma mère mystique et généreuse, marins aventureux et rudes du côté de mon père qui, adolescent, roula sous toutes les latitudes... Il combattit, en effet, à Madagascar, doubla le Cap de Bonne-Espérance, respira l'air de Sainte-Hélène, dormit sous le ciel brûlant de l'Equateur et de la Croix-du-Sud, pour échouer à Lisbonne et rentrer au port, au nid natal, où l'attendait celle qui devait être son épouse et qui dort aujourd'hui comme il dormira demain, com- me je veux dormir moi-même sous les ormes et les marronniers du cimetière de ce grand port maritime où j'aurai coulé le meilleur de ma vie... Or, chemin faisant, il m'est arrivé d'écrire quel- ques pages au hasard de mes courts loisirs... Réunies, coordonnées, et sans même que j'aie eu à les vouloir ainsi, elles sont une sorte de sym- phonie un peu barbare, un peu disparate, mais toute imprégnée d'une même atmosphère, celle de La lande rase, rose et grise et monotone Où croulent les manoirs sous le lierre et les ifs... (1) Aux dires d'un aimable facétieux, Ploudalmézeau, vocable breton traduit d'une façon un peu libre signifierait : Terre des aveugles et des ivrognes ! (Plou-dal-mézeau). Il va sans dire que ce ne peut être qu'iiae plaisanterie,.. ' - 1 - . Ces pages, ami lecteur, les voici. Ce sont polir la plupart des contes ou des nouvelles. Ils témoi- gneront à mon enfant, à mes amis, de l'amour profond du sol antique qui m'a vu naître. Et quel meilleur moyen de le servir sinon celui d'en par- ler comme je l'ai fait en épanchant tout naturelle- ment, tout simplement mon coeur ? AUGUSTE BERGOT. Initiation au pays des légendes. Nous parlions, ma femme et moi, de son pays d'adoption Boulogne-sur-mer et des nombreux souvenirs que l'histoire y a laissés, entr'autres les guerres des Anglais et l'occupation espagnole. — Ici aussi, lui répliquai-je, à Brest, nous avons « de l'autre côté de la mer », comme disent les habi- tants de Crozon, une « Pointe espagnole ». Char- mant pays, soit diten passant, que toute cette rive un peu nue sans doute, un peu sauvage, mais d'un panorama qui apparaît d'une réelle beauté quand on dirige ses regards vers la rade... D'ailleurs, tout le Finistère est fertile en sites pittoresques : l'intérieur avec le Ménez-Hom, le Ménez-Bré, mont sacré de la Bretagne où nos patrio- tes rêvaient d'ériger un jour la haute stature de Conan Mériadec ou du roi Arthur, puis le Yeûn marécageux et légendaire, les routes sinueuses et prenantes de Brasparts, de la Feuillée, quand tombe le crépuscule sinistre de l'hiver, enfin, notre petit Fontainebleau breton, le Huelgoat, avec sa mare aux sangliers, son gouffre, ses rochers chaotiques... Quant à la côte, à l'Armor, que l'on oppose fré- quemment à l'Argoat, le pays des bois, le pays des terres, elle est incomparable de Roscoffet Saint-Pol de Léon à Pont-Labbé, Concarneau et Pont-Aven, le paysdes moulins et des jolies filles, aux collerettes de dentelles si gracieuses... Mais que pourrais-je dire qui n'ait pas été - raconté par des plumes plus habiles, plus érudites sur l'Ile de Batz, sur le château du Taureau, sur les Iles d'Ouessant, l'archipel farouche, toujours en proie à la furie des vents et des vagues ?... As- tu entendu parler des proëllas, sortes de veillées funèbres que je te ferai lire dans Anatole Le Braz? du naufrage du Drummont Castle qui a tant frappé l'imagination des riverains, de YEgypt qui coula avec un chargement de un million de livres d'or?... Terre de tragédies, vois-tu, bien fidèlement traduite par le sombre pinceau d'un Charles Cottet, plutôt que de voluptés paresseusescomme celles que nous connûmes sous les cieux bénis de Nice et de la Côte d'azur.. Attentive, ma compagne écoutait cette initiation au pays devenu désormais le sien.. — Tu me parlais de la tour d'Odre, de Caligu- la... Je m'en souviens. Vestiges bien insignifiants aujourd'hui, n'est-ce-pas ? Les Romains en ont laissé bien d'autres sur leur triomphal passage ! Rappelle toi la tour d'Auguste que nous vîmes en- semble, la tour altière, quoique ruinée, de la Tur- bie... Hé bien, dans mon pays natal, je te montre- rai aussi quelque jour une ruine qui n'est pas sans grandeur, le château écroulé de Trémazan (1), dont le donjon il y a quelques années avait en- (t) Voir les œuvres de Le Janniç de Keryiz»} sur Tannegqy du Chatel. core une hautaine allure. Une brèche énorme ouvre maintenant son flanc menacé, et les corneil- les tournent sans cesse autour de sa cime qu'elles habitent, vol noir et croassant d'âmes anciennes, celles des mauvais chevaliers sans doute... Ce château a une histoire. La raconterai-je moi-même ici ? Non. Laissons plutôt la parole à Henry du Cleuziou qui tira le récit de l'œuvre bien connue d'Albert Le Grand : Sous le règne de Judual, roi de Domnonée, le- quel s'était réfugié pour lors en France à la cour du roi Childebert, environ vers l'an de grâce 525, vivait au Château de Trémazan un riche seigneur du nom de Galonus. Il avait eu de sa première femme, la belle Fleu- rance, fille d'Honorius, prince de Brest, deux enfants, Éode et Tanguy, que leur mère avait élevés en belles-lettres et exercices séants à leur qualité. Mais la belle princesse, étant tombée malade, mourut subitement les laissant à la seule garde de leur père. Galonus qui était encore jeune et qui souffrait bien fort de la solitude de sa demeure, s'en fut en Angleterre chercher une autre épouse ; il en ra- mena une dame riche et de bonne maison, mais infectée de l'hérésie de Pélagius et fort opiniâtre en ses erreurs. Cette nouvelle dame ne fut guère en son ménage qu'elle commença à regarder de travers les reje- tons de la belle Fleurance. Elle les rudoya de paroles, maltraita de gestes et fit tant enfin que Tanguy, déjà grand, à qui le sang commençait à bouillonner dans les veines, obtint congé de son père, quitta le pays, monta sur mer, descendit en Neustrie et s'en vint par terre à Paris dans la cour du roi de France, où se trouvait déjà son souve- rain légitime. Il y passa douze ans, paraissant aux tournois et se signalant en tous lieux parmi les plus vaillants et les plus courageux. La méchante marâtre anglaise pendant l'absence du fils, fit endurer mille tortures à la douce Éode, demeurée près de son père. Elle congédia d'abord ses demoiselles et servantes, puis la força à faire le service de la maison, à puiser de l'eau, à ba- layer les salles, à se mettre de cuisine, à laver la vaisselle, ne la nourrissant que de gros pain sec et de viandes grossières, lui enlevant ses beaux ha- bits pour la forcer à se revêtir de rude laine ; finalement l'envoya en une sienne métairie où on lui fit garder les vaches comme une simple pau- vresse en haillons. Éode, à laquelle jamais n'échappa parole d'im- patience, y demeura près de douze ans, conservant inviolablement le lys de sa virginité.