Imaginaires Nationaux Et Mythes Fondateurs; La Construction Des
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Imaginaires nationaux et mythes fondateurs ; la construction des multiples socles identitaires de la Corse française à la geste nationaliste Ange-Toussaint Pietrera To cite this version: Ange-Toussaint Pietrera. Imaginaires nationaux et mythes fondateurs ; la construction des multiples socles identitaires de la Corse française à la geste nationaliste. Histoire. Université Pascal Paoli, 2015. Français. NNT : 2015CORT0008. tel-01404963 HAL Id: tel-01404963 https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01404963 Submitted on 29 Nov 2016 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. UNIVERSITE DE CORSE-PASCAL PAOLI ECOLE DOCTORALE ENVIRONNEMENT ET SOCIETE UMR CNRS 6240 LISA Thèse présentée pour l’obtention du grade de DOCTEUR EN HISTOIRE, HISTOIRE DE L’ART, ARCHÉOLOGIE Mention : Histoire et civilisation des mondes modernes, du monde contemporain Soutenue publiquement par Ange-Toussaint PIETRERA le 23 octobre 2015 __________________________________________________________ Imaginaires nationaux et mythes fondateurs ; la construction des multiples socles identitaires de la Corse française à la geste nationaliste __________________________________________________________ Directeur : M. Didier REY, Professeur, Université de Corse Rapporteurs : M. Christian AMALVI, Professeur, Université de Montpellier III M. Gérard NOIRIEL, Professeur, EHESS Paris Jury : M. Christian AMALVI, Professeur, Université de Montpellier III M. Gérard NOIRIEL, Professeur, EHESS Paris M. Didier REY, Professeur, Université de Corse M. Jean-Marie COMITI, Professeur, Université de Corse M. Eugène GHERARDI, Professeur, Université de Corse M. Jean-François SIRINELLI, Professeur, Sciences Po Paris 1 Remerciements Je tiens à remercier tout particulièrement mon directeur de thèse Monsieur le professeur Didier Rey, qui depuis mes travaux de maîtrise, n’a cessé de m’accorder sa confiance. À Petru Santu Menozzi, pour son aide et ses conseils. À Mélanie. 2 INTRODUCTION « Sans nul doute, l’irrationnel est l’énorme réservoir de l’esprit, comme les mythes le sont des nations1. » Cesare Pavese « Toute identité – en particulier l’identité nationale, qui se flatte d’être un don intangible de la nature – est un acte de volonté, héroïque et artificiel comme toute mise en œuvre d’une exigence morale impérieuse2. » Claudio Magris Au moins depuis deux siècles et jusqu’en ce début de XXIe siècle, nombre ont en effet essaimé au fil du temps les traits de réponse d’une question définitivement ouverte : Qu’est-ce qu’une nation 3? La réponse à ces questions a entraîné des propositions diverses, délivré des nombres multiples – combien de nations ? –, suscité enfin débats, controverses et même tragédies. C’est sans doute en raison de ce bouillonnement émotionnel qu’aborder un tel champ d’études ne peut s’affranchir d’une histoire des mots. Le mot nation a revêtu des sens extrêmement divers au cours du passé. Au Moyen- Âge, il est utilisé pour désigner les membres d’une même ethnie. Ce facteur de distinction se retrouve notamment au sein des universités afin de nommer les étudiants selon leurs contrées d’origine. À partir du XVIIIe siècle, le sens moderne du mot nation voit peu à peu le jour, favorisé par l’essor de la philosophie des Lumières. Jean-Jacques Rousseau en donne le 1 Cesare PAVESE, Le métier de vivre, Paris, Gallimard, Coll. « Folio », 1990, pp. 325-326. 2 Claudio MAGRIS, Microcosmes, Paris, Gallimard, Coll. « Folio », 2000, p. 181. 3 Outre l’ouvrage classique de Ernest RENAN, Qu’est-ce qu’une nation ?, Paris, Mille et une nuits, 1997 [1882], plus récemment, on pourra consulter sur la question Gérard NOIRIEL, Qu’est-ce qu’une nation ?, Paris, Bayard, 2015. 3 premier aperçu décisif en 1762 dans son Contrat Social1. Il imagine une libre-association de personnes, qui par le biais d’un pacte, formeraient le corps de la nation. La Révolution française porte alors la concrétisation de ces réflexions, supplées de surcroît par celles de l’abbé Sieyès intervenues entretemps2. Ainsi s’opère le mouvement conceptualisé par l’écrit, transformant un royaume de sujets en une nation de citoyens. Selon l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « le principe de toute Souveraineté réside désormais dans la nation » tandis que le « Vive la nation ! » de la bataille de Valmy, le 20 septembre 1792, scelle la défense du corps national face aux armées ennemies, les « mercenaires » des despotes de l’Ancien Régime. À la suite de cet événement, l’Europe voit bientôt l’irruption d’un référent inconnu : celui de l’État-Nation dont l’idée du modèle va se répandre comme une trainée de poudre. Selon Ernest Gellner, l’existence d’une nation s’avère établie lorsque « l’unité politique et l’unité nationale sont congruentes3. » Le XIXe siècle a constitué l’infatigable mise en place de cette congruence, érigée sous le sceau du « principe des nationalités ». En dehors de la France, l’autre pays intéressant à observer dans ce cadre demeure l’Allemagne. Depuis le XVIIIe siècle, de nombreux chercheurs travaillent à leur tour sur la question, faisant intervenir un nouveau critère : le facteur ethnique. À l’inverse de l’universalisme républicain, désormais se pose la question de ce qui distingue un Allemand d’un quelconque voisin européen. Ici s’impose la figure de Herder, philosophe opposé aux Lumières et défendant les principes du génie national4. En Allemagne comme dans nombre de pays voisins, le patriotisme devient la norme au XIXe siècle. Sorti de ses campagnes, le peuple se trouve désormais placé au centre de tous les enjeux, tour à tour savoir vivant, dépositaire du passé et gardien du « génie national ». Au moyen de nouvelles disciplines très en vogue telles la philologie, cet investissement se retrouve notamment au sein de la culture populaire qui est grandement mise à l’honneur, passant par un vigoureux paradigme : les chants populaires. Pour Herder en effet : « Tous les peuples non policés chantent, agissent. Ils chantent leurs actions. Leurs chants sont archives du peuple, trésor de sa science et de sa religion, de sa théogonie et de ses cosmogonies. Ils sont le trésor des hauts faits de leurs pères, retracent leur histoire, portent l’empreinte de leur 1 Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, Paris, Garnier-Flammarion, 1966 [1762]. 2 Emmanuel SIÉYÈS, Qu’est-ce que le tiers-état ?, Paris, Flammarion, Coll. « Champs-Classiques », 2009. 3 Ernest GELLNER, Nations et nationalisme, Paris, Payot, 1989, p. 11. 4 Johann Gottfried HERDER, Histoire et cultures. Une autre philosophie de l’histoire, Paris, Flammarion, 2000. 4 cœur, illustrent leur vie domestique dans la joie et la peine, au lit nuptial et à la tombe1. » Dans ce domaine, les autres personnages incontournables demeurent les frères Grimm, dont le grand rêve avorté fut d’établir un vaste réseau de collecteurs à travers tout le continent. Enfin, dans la première moitié du XIXe siècle, l’Europe invente un terme semblant couronner ces initiatives : le Folk-lore. Conçu en 1846 par le bibliothécaire anglais Thoms, le « savoir qui émane du peuple » se trouve désormais institué. L’évocation de la situation allemande nous mène à la guerre de 1870 qui distille une autre étape majeure dans l’histoire de la nation. Deux conceptions de la nation semblent s’affronter ; une première dite « à la française », héritée des Lumières, une structure contractuelle au moyen de la « volonté générale » ; une autre dite « à l’allemande » adoptant un principe davantage organique, basé sur des critères ethniques et culturels. En 1882, Ernest Renan prononce une célèbre conférence à la Sorbonne intitulée Qu’est-ce qu’une nation ? dans laquelle il entend répondre aux historiens allemands – notamment Strauss – qui légitiment l’annexion de l’Alsace-Lorraine. Cette amputation conduira en effet les historiens des deux camps à justifier ou contester cette annexion ; si pour les historiens allemands celle- ci est légitime en raison de facteurs culturels, leurs homologues de l’autre côté des Vosges tels Renan et Fustel de Coulanges2, répliquèrent que si la volonté des habitants est de demeurer français, celle-ci devait primer sur le reste. De là naîtra cet antagonisme entre ces deux manières de penser la communauté nationale3. Mais si l’opposition entre nation « à la française » et nation « à l’allemande » a durablement marqué l’historiographie, elle semble toutefois quelque peu dépassée aujourd’hui. La recherche historique a mis en lumière les liens qui au contraire ont uni les deux pays dans leur processus réflexif d’édification nationale4. En cela, leurs rapports ont fonctionné moins par antagonisme radical que par échanges et circulations implicites. 1 Cité par Anne-Marie THIESSE, La création des identités nationales, Paris, Le Seuil, Coll. « Points-Histoire », 2001, p. 39. 2 Sur Fustel de Coulanges, voir François HARTOG, Le XIXe siècle et l’histoire. Le cas Fustel de Coulanges, Paris, Le Seuil, Coll. « Points-Histoire », 2001. 3 Il existait un autre modèle sur lequel nous ne reviendrons pas ici, car il n’entre pas dans notre problématique. Rappelons néanmoins que le modèle britannique, quant à lui, demeurait basé sur l’association entre la légitimité dynastique du monarque et la légitimité populaire du suffrage universel ; ici par conséquent, les nations pouvaient exister sans avoir de structure étatique particulière. Cela était également le cas de la Double- Monarchie, autrement dit l’Autriche-Hongrie, mais dans des conditions quelques peu différentes et parfois conflictuelles. 4 Hegel a notamment germanisé des concepts venus de France, tandis que le mot « nationalité » apparu dans les années 1820, n’est que la traduction française du terme « Volkstum », qui caractérisait l’identité allemande.