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FOCUS , BERCEAU DE L’IMPRESSIONNISME

CIRCUIT DÉCOUVERTE 1860 1862 Arrivée du train à Pontoise

SOMMAIRE 1863 1866 à 1869 1872 1873

3 Pontoise, Berceau Pissarro Pissarro s’installe Pissarro séjourne rue rue Malebranche s’installe au de l’Impressionnisme du fond de (rue de l’Hermitage) 26 rue de L’impressionisme l’Hermitage et accueille l’Hermitage (rue Maria- Cézanne, Béliard Deraismes) et Guillaumin pour 5 Pontoise et les peintres séjourne dans peindre le quartier Les lieux où a vécu du Chou à Pontoise Pissarro à Pontoise

8 La gravure impressionniste, Cézanne Cézanne installé à à Pontoise et dans sa région rend visite Auvers-sur-Oise rejoint à Pissarro Pissarro à Pontoise 10 Plan à Pontoise pour peindre 12 Les amis de Pissarro Paul Cézanne Monet tenté par Pontoise Edouard Béliard William Thorney 16 Les sites Pontoisiens qui ont inspiré les Impressionnistes 19 Lexique

Couverture : Camille Pissarro “Vue de l’Hermitage, côte des Grattes- Coqs”, 1967 Collection privée

Ci-contre : “Impression, soleil levant” 1873 © Musée Marmottan, . 1885 1874 Première exposition impressionniste à Paris

1873 à 1877 1874 à 1881 1875 à 1882 1879 1881 1882 1883 1884

Pissarro s’installe Pissarro s’installe au Pissarro Pissarro quitte au 18-18bis 85 quai du Pothuis séjourne à Osny pour rue de l’Hermitage (21 quai Eugène Eragny-sur-Epte (36 rue de Turpin à Pontoise) Piette séjourne l’Hermitage) régulièrement chez les Pissarro Premier séjour Gauguin Dernier séjour de Gauguin retourne chez de Gauguin chez les les Pissarro chez les Pissarro. Pissarro Ils travaillent en compagnie Cézanne travaille de Cézanne Cézanne régulièrement s’installe au avec Pissarro 31 quai du à Pontoise Pothuis à et à Auvers Pontoise Pontoise, berceau de l’impressionnisme

L’IMPRESSIONNISME

Le courant impressionniste naît à la fin Le groupe expose pour la première des années 1860. Il se caractérise par fois sous le nom de “Société anonyme un choix de sujets contemporains, le de peintres, sculpteurs et graveurs”, goût du travail sur le motif, notamment à Paris, du 15 avril au 15 mai 1874. en plein air et une "touche" (coup de Trente artistes dont Eugène Boudin, pinceau) qui utilise les couleurs pures et , , Claude reste visible. Les peintres qui élaborent Monet, Auguste Renoir, Paul Cézanne, ce style se rencontrent à Paris au début Berthe Morisot, Armand Guillaumin des années 1860. Ils fréquentent alors et... Camille Pissarro y présentent près les mêmes bistrots comme le café de 160 œuvres. Entre 1874 et 1886, huit Guerbois. Ils se retrouvent également expositions impressionnistes ont lieu à dans les mêmes ateliers de formation, Paris, elles ont un rôle majeur dans la notamment celui du peintre Gleyre découverte de ce style moderne. ou du Père Suisse, où se rencontrent à Camille Pissarro est le plus fidèle de partir de 1863, Camille Pissarro, Claude tous, il présente des œuvres à chacune Monet, Frédéric Bazille, Alfred Sisley et de ces manifestations. Auguste Renoir. Ils forment le “groupe des Batignolles” du nom de la rue où Le tableau de Claude Monet, “Impres- se situe l’atelier de travail de Renoir et sion, soleil levant” (1873, Musée Mar- Bazille. mottan, Paris) fait sensation. Le critique , dans un article cinglant du journal "Le Charivari", en fait le symbole de cette nouvelle peinture qui s’oppose aux canons esthétiques de la peinture classique. Le terme “impressionnisme*” est né. 3 Si le nom de Pontoise est connu dans le monde entier, c’est à Camille Pissarro que la ville le doit.

1 Les Pissarro, Camille, Ludovic-Rodo, Lucien 1 et Félix vers 1893. © Musées de Pontoise

2 Camille Pissarro, “Le tribunal de Pontoise, vu depuis la place Saint-Louis”, 1873 Collection privée.

3 Camille Pissarro, “Maison de Pissarro, quai du Pothuis”, 1881 Collection privée.

4 Edouard Béliard, “Boulevard des Fossés”, 1872, 1873, © Musées de Pontoise.

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Pontoise, et les peintres

Si le nom de Pontoise est connu dans le L’arrivée du train transforme l’image de monde entier, c’est à Camille Pissarro la ville. La gare est inaugurée en 1862, que la ville le doit. Une visite au Museum Pontoise n’est plus qu’à trente minutes de of ou au Guggenheim de Paris. Avec le développement de nouvelles New-York et au Ohara Fine Art Museum techniques comme la peinture en tube, de Kurashiki au Japon, vous permet de plus facilement transportable, les artistes, retrouver les paysages de Pontoise qu’il leur matériel sous le bras, peuvent quitter a immortalisés. Que ce soit ses rues, ses la capitale pour une journée de travail à la collines et ses bois, les bords de l’Oise et campagne. Pontoise devient ainsi un site ses habitants à leur dur labeur, Pissarro très attractif pour les peintres de plein air nous offre un large panel de la ville à la fin qui y séjournent occasionnellement ou s’y du XIXème siècle. installent plus durablement.

Aujourd’hui, à Pontoise, un musée, une De plus, de nombreux peintres séjournent rue à proximité de l’hôpital et un lycée de déjà dans la région, notamment Charles- la ville, portent son nom. François Daubigny, installé à Auvers-sur- Mais procédons tout d’abord à un bref Oise depuis 1860. Cet artiste de la généra- retour en arrière. Pontoise est, au 19ème tion de 1830, ami de Jean-Baptiste Camille siècle, une ville pittoresque, avec ses nom- Corot et de Théodore Rousseau, invite breux marchés, ses champs, et ses bords souvent ses collègues à venir travailler de l’Oise. Cependant, peu d’artistes ont auprès de lui dans son bateau sur l’Oise, le exploité ces paysages avant la deuxième Bottin, ou dans sa maison-atelier d’Auvers- moitié du XIXème siècle. Le célèbre peintre sur-Oise. anglais William Turner réalise, en 1832, un dessin du panorama de la ville, mais il est peu diffusé. Les artistes s’intéressent alors d’avantage aux bords de et à la forêt de Fontainebleau.

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CAMILLE PISSARRO LES LIEUX OÙ VÉCU (1830-1903) PISSARRO À PONTOISE

Camille Pissarro est le premier des De 1866 à 1872, Pissarro ne loue A Pontoise, Pissarro a pour projet Impressionnistes à s’installer à qu’épisodiquement à Pontoise la d’inviter des amis peintres à vivre Pontoise. Son séjour est à l’origine maison du père Colomban au 1, près de lui pour travailler à une de la venue de nombreux autres rue du Fond de l’Hermitage (actuel nouvelle peinture, tout comme le peintres. 5, rue Maria-Deraismes). Pissarro fait son ami Monet à Argenteuil. possède en effet une maison à Il conçoit à ce moment l’idée Il arrive avec sa famille à Pontoise . Il y vit avec l’an- de l’association des peintres en 1866. Outre le train, cette cienne bonne de ses parents, Julie indépendants en s’inspirant des ville présente plusieurs attraits : Vellay. En 1870, l’armée prussienne statuts de la guilde des boulangers des paysages fluviaux, ruraux et réquisitionne et pille sa maison de Pontoise. Il accueille ainsi urbains variés, et la possibilité de Louveciennes. Pissarro s’exile Béliard, Guillaumin et Cézanne. Ils d’avoir une maison avec jardin à à Londres où il retrouve Monet, peignent en plein air, de nombreux des conditions avantageuses. Sisley et Daubigny qui le présente à paysages et scènes rurales. Une Paul Durand-Ruel. Il y épouse Julie, partie de ces œuvres sont pré- Il y a aussi la proximité de son le couple a déjà deux enfants. sentées à la première exposition ami Daubigny et des paysages Pissarro admire, à Londres, les pay- impressionniste de 1874. qui n’ont jamais été ou très peu, sages de Turner et de Constable. De peints. Très attaché à l’Hermitage, retour en , en 1872, Pissarro Cette même année, le collection- quartier de maraîchers dans les touche de maigres dommages de neur d’art Georges de Bellio achète faubourgs immédiats de la ville, guerre et décide de s’installer plus au marchand de tableaux Paul Pissarro en fait une représentation durablement à Pontoise, toujours Durand-Ruel, “Rue de l’Hermitage complète. Attiré par les bords de dans le quartier de l’Hermitage, à Pontoise”, pour 300 francs. Un l’Oise, il y trouve une illustration d’abord au 16, rue Malebranche an plus tard, Bellio fait la connais- de l’activité humaine, industrielle, (actuel 18, rue Revert, près du jar- sance de Pissarro qui rencontre de dans un paysage fluvial et végétal. din public) puis au 26, rue de l’Her- nombreuses difficultés financières mitage (la maison existe toujours mais travaille beaucoup. au 54 et 54 bis, rue de l’Hermitage). Le 11 octobre 1873, il écrit alors au docteur Gachet : “C’est pas gai mais c’est propre et il y a beaucoup de place.”

6 Camille Pissarro, 3 1 “Vue de Pontoise” 1873 Collection privée.

2 Camille Pissarro “Le Pont de Pontoise” 1878 © Yamagata Museum.

3 Camille Pissarro “Le marché aux chevaux, Foire saint-Martin”, 1883 © Musées de Pontoise.

4 Camille Pissarro “Rue de l’Hermitage”, 1874 Collection privée.

En avril 1876, Durand-Ruel Camille. Il s’installe ensuite au 85, plus. Cependant, sa situation accueille la deuxième exposition quai du Pothuis, actuel 21, quai financière ne s’améliorant pas, du groupe impressionniste. Eugène-Turpin, mais la maison Pissarro doit se résoudre à quitter Pissarro y présente 12 tableaux. n’est plus la même. Dans une lettre Pontoise et sa région pour aller Lors de la troisième exposition du 4 mars 1881, Pissarro propose plus loin dans le Vexin, en louant du groupe, en 1877, Pissarro à son marchand Durand-Ruel, puis en achetant une maison avec expose “Le Jardin des Mathurins”, d’exposer des œuvres peintes un atelier à Eragny-sur-Epte. toile représentant la propriété dans ce quartier qu’il peint inlas- louée par Maria Deraismes. Cette sablement : la “Côte du Jallais”, Entre 1866 et 1883, Pissarro a peint peinture réalisée en 1876 est alors la “Sente du Chou”, la “Côte des plus de 300 huiles ainsi que de très prêtée pour l’exposition par son Grouettes”, la “Récolte de pommes nombreuses œuvres graphiques à propriétaire, Georges de Bellio de terre” et la “Foire Saint Martin à Pontoise et dans ses environs. (aujourd’hui au Nelson-Atkins Pontoise”. Museum of Art). “... je suis obligé de quitter En 1882, un krach boursier met Pontoise à mon grand regret, ne Pissarro, qui loue également à en difficultés son marchand, trouvant plus une maison, bien Paris, revient tous les ans avec Durand-Ruel, et Pissarro qui ne située et dans des prix modestes… sa famille à Pontoise, à la belle peut plus compter sur lui, n’a plus le pays est très beau”. (Lettre de saison, dans le quartier de l’Her- les moyens de louer à Pontoise. Il Camille Pissarro à Claude Monet le mitage. Il enchaîne les déména- demeure néanmoins dans la région 18 septembre 1882). gements et habite un temps au et s’installe à Osny, les loyers y 18 bis, rue de l’Hermitage, actuel étant moins chers. Il emménage à n°36 rue de l’Hermitage. Les l’angle de la Grande-Rue et de la garde-corps conservés aujourd’hui rue du Grand-Moulin (actuelle rue sont visibles sur des peintures de Pasteur). Cette maison n’existe

CAMILLE PISSARRO FONDATEUR D’UNE DYNASTIE D’ARTISTES Camille Pissarro Julie Vellay (1830 - 1903) (1838 - 1926)

Lucien Jeanne dite Georges-Henri Félix dit Titi Ludovic-Rodo Jeanne dite Paul-Emile dit (1863 - 1944) Minette Manzana (1874 - 1897) (1878 - 1952) Cocotte Paulémile (1865 - 1874) (1871 - 1961) (1881 - 1948) (1884 - 1972) 7 Les Impressionnistes explorent les techniques de la gravure et réaliseront par la suite de nombreux paysages pontoisiens.

Norbert Goeneutte “Saint-Maclou - Pontoise”, 1893-1894 © Musées de Pontoise.

8 Camille Pissarro “Péniche sur Seine” 1873 © Musées de Pontoise. La gravure impressionniste, à pontoise et dans sa région

Le musée Pissarro de Pontoise possède Cézanne grave peu, on ne connait que cinq une belle collection de gravures de l’ar- estampes de sa main. Pissarro lui réalisera tiste. Camille Pissarro a en effet réalisé de nombreux paysages pontoisiens selon plus de 200 gravures et monotypes durant cette technique, des scènes de marché et sa vie dont une grande partie durant sa de la vie quotidienne. période pontoisienne. Ses premières planches réalisées dans Pissarro continue à explorer les techniques les années 1860, sont de simples eaux de la gravure en compagnie de Degas et fortes. Il n’est pas le seul impressionniste à Paris. à travailler l’estampe originale, celle-ci permet en effet, d’expérimenter plusieurs En 1891, atteint de tuberculose, Goeneutte variantes d’une même composition afin de s’installe à Auvers-sur-Oise sur les conseils trouver les justes valeurs. du docteur Gachet. Le peintre réalise alors quelques excursions vers Pontoise et A partir de 1873, il retravaille cette grave, vers 1893/1894, une vue du marché technique grâce à son ami le docteur de la ville. Il meurt peu de temps après des Gachet. Ce dernier possède une presse suites de sa maladie et repose depuis au dans sa maison d’Auvers-sur-Oise et cimetière d’Auvers-sur-Oise, auprès des invite Pissarro, Cézanne et Guillaumin à frères Van Gogh. venir y imprimer de petites eaux-fortes très rapides destinées initialement à la revue “Paris à l’eau-forte”. Selon la mode japonisante* (cf. p.19), chacun appose son cachet en bas de la gravure : un pendu pour Cézanne, une fleurette pour Pissarro, un chat pour Guillaumin et un canard pour le docteur Gachet, qui signe ses estampes du nom de Paul Van Ryssel. 9 10 1 2 Camille Pissarro Ludovic Piette "La Rue de L’Hermitage, Pontoise" "Rue de l’Hermitage" Collection privée. Collection privée.

3 4 Camille Pissarro Camille Pissarro "Maison de Pissarro, "Maison bourgeoise à l’Hermitage, quai du Pothuis" Pontoise", 1873, Collection privée. Kunstmuseum, Saint-Gallen.

5 6 Camille Pissarro Camille Pissarro "Les Coteaux de L’Hermitage, "Vue de l’Hermitage, côte des Gratte-coqs", Pontoise" Pontoise 1867 1876 Guggenheimmuseum, New-York. Collection privée.

7 8 Camille Pissarro Ludovic Piette "Dans le jardin des Mathurins, Pontoise" "Place Notre-Dame à 1877 Pontoise" Collection privée. 1874 Musées de Pontoise.

9 10 Ludovic Piette Camille Pissarro "Marché place du Petit-Martroy, Pontoise" "Le tribunal de Pontoise, vu 1876 depuis la place St Louis" Musée de Pontoise. Collection privée.

11 12 Ludovic Piette Edouard Béliard "Le marché de "Boulevard des Fossés" Pontoise" 1872, 1873 Musées de Pontoise. Musées de Pontoise.tif

13 14 Camille Pissarro Paul Cézanne "Le Pont de Pontoise" "Le moulin de la Couleuvre à Pontoise" 1878 1881 Yamagata Museum. Alte , Berlin.

11 D’une grande générosité, Pissarro encourage et soutient ses amis. A la fin des années 1870, Gauguin, à son tour, rejoindra Pissarro à Pontoise et à Osny pour suivre les conseils de son maître.

Pissarro et Cézanne vers 1873 © Musée de Pontoise.

12 les amis de pissarro

Paul Cézanne “Le jardin de Maubuisson à Pontoise” 1877. Collection privée.

PAUL CÉZANNE (1839-1906)

La collaboration entre Pissarro et leurs techniques qui vont De 1878 à 1882, Cézanne exécute et Cézanne durant les années progressivement se construire en à Pontoise de nombreux paysages 1870 sera fondamentale pour divergeant. Ainsi la “Côte des Bœufs” tels que : “Le Clos des Mathurins” l’évolution des deux artistes. Ils se à Pontoise est représentée de (1875, musée Pouchkine, Moscou), connaissent et s’estiment depuis façon bien différente par chacun. “Le Jardin de Maubuisson à Pon- leur rencontre en 1861, dans l’ate- De plus, si Pissarro travaille sans toise” (1877, collection privée), lier du Père Suisse à Paris. Cézanne relâche, Cézanne préfère attendre “L’Hermitage” (1881, Von der Heydt fera, à partir de 1872, plusieurs un moment précis pour trouver la Museum de Wuppertal), “Le pont longs séjours aux côtés de son ami, lumière juste. et le barrage de Pontoise” (1881, s’installant après un bref séjour à National Museum of Western Art, l’Hôtel du Grand-Cerf à Saint-Ouen- , le fils de Camille, ) et tant d’autres… l’Aumône, et à Auvers-sur-Oise rapporte ainsi cette anecdote tout près de la maison du docteur survenue à son père et son ami en Pissarro restera toujours un maître Gachet. 1872-1873 : “Cézanne était assis spirituel pour Cézanne. Après la sur l’herbe, sans doute attendant mort de Camille en 1903, il arrivera Pissarro conseille à Cézanne : l’heure de son effet et papa pei- parfois à Cézanne de signer ses “Ne peins jamais qu’avec les trois gnait un peu plus loin, un paysan aquarelles “Paul Cézanne, élève de couleurs primaires et leurs dérivés qui passait s’approcha de papa Pissarro”. Il confiera au marchand immédiats”. A Pontoise, Cézanne et lui dit : “il s’la foule pas vot’ de tableaux : reprend pour l’interpréter une ouvrier ” (lettre de Lucien Pissarro “Quant au vieux Pissarro, ce fut un grande composition de Pissarro à son frère Paul-Emile Pissarro de père pour moi. C’était un homme à représentant une vue de Louve- 1912). consulter et quelque chose comme ciennes. le bon Dieu”. ("Souvenirs d’un Cézanne revient dans la région en marchand de tableaux", Ambroise Soutenu et imposé par Pissarro, 1873. L’année suivante, Pissarro Vollard, 1937). Cézanne participe à la première fait un portrait à l’eau-forte de son exposition des Impressionnistes, ami, puis, d’après cette estampe, en 1874. Pissarro lui fait expé- un beau portrait à l’huile. Cézanne rimenter des coloris plus clairs réside alors à Auvers et ne fait que qu’il n’en a l’habitude. Les deux de courts séjours à Pontoise de peintres travaillent souvent côte 1875 à 1877, pour retrouver son à côte et sur les mêmes motifs compagnon de peinture. confrontant ainsi leurs visions 13 1 Paul Gauguin, “Jardin de Pissarro, quais du Pothuis”, 1881. Collection privée.

2 Paul Gauguin “Les pommiers de l’Hermitage”, 1879. Collection privée.

3 Ludovic Piette “Le marché de Pontoise”, 1876 © Musées de Pontoise.

4 Guillaumin " Vue de Boigneville", 1893, Collection privée.

PAUL GAUGUIN (1848-1903)

De nouveau, c’est Camille Pissarro qui est à l’origine du séjour pontoisien de Paul Gauguin. Les deux artistes se rencontrent par l’intermédiaire du collectionneur Gus- tave Arosa. Ce dernier achète régulière- ment des toiles à Pissarro, et connaissant le goût pour la peinture moderne de son ami Gauguin, il les présente l’un à l’autre en 1878. Pissarro et Gauguin deviennent vite proches, ils sont en effet anarchistes et ont passé tous deux une partie de leur enfance à l’étranger : les Iles Vierges pour Pissarro, le Pérou pour Gauguin. A cette époque, Gauguin n’est encore qu’un peintre amateur, il travaille en effet comme courtier en bourse. Il souhaite néanmoins peindre sérieusement et tente de s’inspirer du travail de Pissarro auquel il achète trois toiles en 1879. Cette même plus les moyens de louer à Pontoise les année, Pissarro l’invite à le rejoindre à années suivantes. La même année, suite l’Hermitage en compagnie de Cézanne, au grand krach boursier, Gauguin quitte afin de le conseiller. son travail à la banque pour se consacrer dorénavant entièrement à la peinture. Il En 1881, Gauguin retourne travailler sur le reste proche de Pissarro dont il a adopté la motif à Pontoise chez Pissarro, aux côtés touche et dont il se réclame encore l’élève. de Cézanne. Gauguin s’essaie à peindre Ils se retrouvent à Rouen en 1883 mais des vergers et des pans de fermes à Pissarro pousse de plus en plus Gauguin diverses heures de la journée. De Pissarro, à étudier Cézanne. L’évolution de Pissarro il acquiert le respect de la nature, le sens qui prépare le néo-impressionnisme du travail humble et artisanal à l’égard de s’oppose désormais aux idées de Gauguin la réalité, le dégoût de toute forme d’aca- et les deux artistes se brouillent. Gauguin démisme ou de facilité. A Pontoise, il peint se libère alors de la double influence de le Quai du Pothuis et la Carrière du Chou Pissarro et de Cézanne et inaugure une dont il fait plusieurs versions. Il revient nouvelle esthétique plus synthétique qu’il 14 une dernière fois en 1882, Pissarro n’ayant développera à Pont-Aven en Bretagne. 3 4

MONET TENTÉ PAR PONTOISE LUDOVIC PIETTE (1826-1878) ARMAND GUILLAUMIN (1841-1927) En septembre 1881, Monet installé Rencontré au début des années à Vétheuil depuis 1878, quitte son 1860, à l’académie du Père Suisse, Armand Guillaumin se lie d’amitié domicile pour emménager à Poissy Ludovic Piette est avec Cézanne avec Pissarro et Cézanne, à l’aca- en décembre 1881 où il produit l’un des plus proches amis de démie du Père Suisse. En 1872, très peu. Monet cherche alors un Pissarro. Les Piette accueilleront Guillaumin accepte l’invitation de autre lieu et écrit à Pissarro pour chez eux, dans la Mayenne, la Pissarro à venir peindre les bords lui demander des renseignements famille Pissarro et en retour, Piette de l’Oise. Fidèle des expositions sur Pontoise et son collège où il viendra rendre visite à Pissarro impressionnistes de Paris, il souhaite scolariser son fils Jean. à Pontoise à partir d’avril 1874. retourne régulièrement visiter Pissarro lui répond dans une Au début de l’année 1878, Piette Pissarro à Pontoise ou séjourne lettre du 18 septembre 1882 : “...Il meurt prématurément à l’âge de chez le docteur Gachet à Auvers- y a sur la Côte du Jallais, dans la 52 ans. Le musée Pissarro conserve sur-Oise. ville même mais à deux pas des de nombreuses œuvres réalisées champs, une ou deux maisons par Piette à Pontoise. WILLIAM THORNLEY (1857-1935) avec jardin à louer. C’est bâti par exemple, à la légère, comme celles EDOUARD BÉLIARD (1832-1912) Aimant les bords de l’Oise, il vit à d’Asnières, Bois Colombes, en Osny de 1892 à sa mort. Il réalise un mot, les villas des environs de Elève de Corot, Béliard s’inscrit des aquarelles près de la rivière Paris... Ce doit être cher. Voici le à l’académie du Père Suisse à à Pontoise ou dessine les vieilles nom du propriétaire : M. Maillot, Paris, au début des années 1860. rues de la ville. Grand lithographe, entrepreneur. Je ne me rappelle Il y rencontre Pissarro, Cézanne les peintres impressionnistes tels pas le nom de sa rue ; je pense et Guillaumin et les rejoint en Monet et Pissarro lui demandent que c’est rue d’Ennery... Quant au 1872 à Pontoise, pour peindre en de graver leurs toiles. Sa tombe est collège, je pense que vous pourrez plein air. Il s’installe à Saint-Ouen- visible au cimetière de Pontoise et y mettre Jean, c’est bien tenu. l’Aumône et présente des toiles les musées de la Ville possèdent Murer y envoie son fils...” Finale- aux deux premières expositions plusieurs de ses œuvres. La ville ment, Pissarro quittera Pontoise impressionnistes de Paris, dont la d’Osny a constitué une importante et Osny pour Eragny-sur-Epte. plupart ont été peintes à Pontoise. collection Thornley. Quant à Monet, il trouvera pour Franc-maçon engagé politique- sa nombreuse famille une grande ment, il deviendra par la suite le demeure avec le jardin souhaité à Maire d’Etampes et délaissera la Giverny ; les deux artistes demeu- peinture. rant géographiquement proches, tout en s’éloignant de Paris. 15 Le quartier de l’Hermitage est sans aucun doute le site qui a le plus inspiré Pissarro.

Camille Pissarro “Vue de l’Hermitage, côte des Grattes-Coqs”, 1867 Collection privée

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1 Ludovic Piette “Place du Petit Martroy", 1 1876 © Musées de Pontoise.

2 Camille Pissarro “Les coteaux de l’Hermitage,Pontoise” 1867. Guggenhein Museum, New York.

les sites pontoisiens qui ont inspiré les Impressionnistes

Le quartier de l’Hermitage est sans aucun doute le site Par ailleurs, Pissarro représente les jardins potagers, qui a le plus inspiré Pissarro. Vergers, sentes, jardins, caractéristiques de la région. Ces petits lopins de font l’objet de nombreux tableaux sans oublier les terre se situent sur un terrain vallonné. Tout comme cultures maraîchères. l’Hermitage, le quartier qui le jouxte dénommé “Le Sur son tableau intitulé “Vue de l’Hermitage, côte des Chou”, alors très cultivé à Pontoise, a lui aussi une Grattes-Coqs” (collection privée) et réalisé en 1867, place prépondérante dans son œuvre. Pissarro représente une vue générale du quartier, Pissarro est également inspiré par les sentes. Il avec le ciel, des espaces de culture et quelques immortalise “La sente des Toits rouges” en 1877 habitations. Au centre de cette ruralité préservée non (Musée d’Orsay), et “La sente du Chou”, en 1878 loin du cœur de la ville, des maisons plus bourgeoises (musée de la Chartreuse, Douai). Pissarro fait égale- signalent une certaine diversité sociale chère au ment preuve d’originalité dans “Un coin de l’Hermi- peintre. Cependant, cette urbanisation n’est visible tage” (Oskar Reinhart Collection, Winterthur) réalisé que parcimonieusement, l’aspect maraîcher et les en 1874. Il représente en effet une portion de paysage coteaux verdoyants dominent cette œuvre. alors que les artistes plus traditionnels du XIXème siècle peignaient plutôt l’intégralité d’un panorama. Loin de La rue de l’Hermitage est représentée par Pissarro à mettre en exergue l’étendue de l’Hermitage, Pissarro plusieurs reprises lors de ses premières années dans recherche la complexité de ce site, il s’y fond complè- ce quartier. A cette époque, la rue est nouvellement tement ne cherchant jamais à le représenter d’une percée. Les maisons bordent la route comme c’est le manière descriptive et globale. D’autre part, pour cas encore aujourd’hui. illustrer ces espaces restreints, il peint le même sujet à différentes saisons “Effet de neige à l’Hermitage” Toujours à l’Hermitage, Pissarro entretient de (collection privée) et “L’Hermitage en été” (Musée bonnes relations avec Maria Deraismes, féministe et des Beaux-Arts, La-Chaux-de-Fond), respectivement franc-maçonne. Il se rend souvent chez elle, à deux réalisés en 1874 et 1877. pas de sa maison, où il peint sa propriété du jardin des Mathurins qui existe toujours aujourd’hui. 17 Edouard Béliard, “Pontoise. Vue depuis le quartier de l’écluse” 1872, © Musées de Pontoise

Attirés par le fleuve, Pissarro et Béliard peignent à plu- Piette est très attentif à l’aspect urbain médiéval de sieurs reprises le Quai du Pothuis. Le Quai Fontaine Pontoise tout comme il le fut des vieilles villes de et le pont de Pontoise inspirent également Pissarro Laval ou du Mans. Alors que les Impressionnistes qui observe les mutations industrielles de la ville. parisiens sont attachés aux grands boulevards ainsi Celle-ci est en effet devenue un lieu d’installation qu’aux réalisations haussmanniennes et aux progrès pour les usines, l’Oise connaissant alors son apogée de cette fin de siècle, Ludovic Piette explore les rues commerciale. sinueuses de Pontoise, lorsqu’il peint en 1876, de la rue du château, un panorama et son centre-ville avec Pissarro écarte de ses motifs le pittoresque des la cathédrale en arrière-plan. bateaux-lavoirs qu’il évite de représenter bien que travaillant souvent non loin, tout comme il n’a jamais Parmi les œuvres de Cézanne peintes à Pontoise, on peint la modernité trop exclusive du nouveau quartier retiendra “Le moulin de la Couleuvre” daté de 1881 et de la gare. Pissarro se plonge au cœur des marchés conservé à l’Alte national gallery de Berlin. Aujourd’hui qu’il peint à de très nombreuses reprises s’intéressant occupé par le CAUE (Conseil d’Architecture d’Urba- peu à les resituer dans une ville particulière, alors nisme et de l’Environnement du Val d’Oise) situé rue que son ami Piette, Maire de sa ville de Melleray, se des Deux ponts à proximité du château de Marcouville, recule pour les embrasser du regard et en décrire cet ancien moulin à blé devenu tannerie est utilisé dès l’organisation comme dans “Le marché de Pontoise" le XIIème siècle. Il est aujourd’hui inscrit à l’inventaire et "Le Marché, place du Petit Martroy” datés de 1876 supplémentaire des Monuments Historiques. et conservés tous deux au musée de Pontoise. A la fin des années 1870, Pontoise est une ville très com- Pontoise, porte du Vexin français impressionniste merçante, les marchés sont alors la représentation De nombreux Impressionnistes choisissent de pour- suivre leur voyage au-delà de Pontoise et s’aventurent de l’activité de la ville. L’Impressionnisme étant dans le Vexin français. Les paysages agricoles, fores- une peinture de l’instant, les marchés de Pontoise tiers et fluviaux sont une grande source d’inspiration transfigurent les lieux dans lesquels ils se déroulent. pour ces artistes qui cherchent à retrouver un pano- Les foires et les fêtes ont également leur importance, rama préservé de l’industrialisation. Pissarro, Cézanne et Piette ont ainsi représenté sous Auvers-sur-Oise : Cézanne, Gauguin, Van Gogh, un même angle de vue la petite fête du quartier de Boggio et Goeneutte. Pontoise : Pissarro, Jimenez, l’Hermitage. Quant à Pissarro -comme plus tard son Sanchez-Perrier, Utrillo et Loiseau. La Roche-Guyon : fils Ludovic-Rodo-, il s’est plusieurs fois inspiré de la Monet, Renoir, Pissarro et Cézanne. Vétheuil : Claude foire Saint-Martin comme de celle de la Septembre. Monet. Cézanne, quant à lui, en plus de Pontoise, Auvers-sur-Oise et la Roche-Guyon, s’attarde à Montgeroult et à Marines. Le Parc naturel régional du Vexin français a été labellisé Pays d’art et d’histoire en 2014 grâce à ses paysages et son patrimoine toujours préservés. En vous promenant sur ses sentiers, vous découvrirez de nombreux panneaux vous relatant les 18 itinéraires des artistes impressionnistes. comment découvrir pissarro à pontoise

Le Musée Pissarro Les audioguides Pour en savoir plus : 17, rue du Château Le circuit de la visite est Catalogue de l’exposition 2004 Tél. : 01 30 38 02 40 disponible en 3 langues (Français, "Entre ciel et terre. Le Musée Pissarro possède une Anglais et Allemand). Location Camille Pissarro et les peintres importante collection de toiles et à l’Office de Tourisme (6€) de la vallée de l’Oise". gravures pré-impressionnistes, ou téléchargez gratuitement impressionnistes ou autour de l’application "Découvrir Pontoise" l’Impressionnisme. sur www.ville-pontoise.fr Ouvert : du mercredi au dimanche de 14h à 18h. Le parcours Peintres de la Vallée de l’Oise Les visites découvertes propo- Composé de 28 plaques, ce sées par l’Office de Tourisme de parcours le long de l’Oise permet -Pontoise - Porte du Vexin aux visiteurs de se promener entre Place de la Piscine Pontoise et Auvers-sur-Oise. Tél. : 01 34 41 70 60 L’Office de Tourisme propose "Pissarro et Pontoise aux sources de l’Impressionnisme", le 2ème dimanche du mois d’avril à octobre.

LEXIQUE

Académisme : Impressionnisme : Le : se dit d’une œuvre d’art qui suit les courant pictural qui se développe ce terme désigne la grande préceptes dictés par l’Académie dans les années 1870-1880 en exposition de peinture et de de peinture et de sculpture. Les France. Il prend comme motifs sculpture qui se déroule en août conventions à respecter sont la des sujets contemporains, et des et septembre à Paris depuis 1725. mise en valeur de sujets d’histoire paysages peints en plein air avec Ceux souhaitant y exposer doivent tirés de la Bible et de la mythologie des couleurs pures. soumettre leur travail à un jury qui et une touche lisse et fondue. Les opère une sélection d’après des détracteurs de ce style l’appellent Peindre sur le motif : critères académiques. Les artistes l’art pompier. se dit d’un artiste qui peint direc- novateurs ou dits indépendants tement l’essentiel de son œuvre ne sont que très peu admis, les Exotisme : devant un motif et non en atelier. œuvres impressionnistes étant courant pictural qui s’inspire des souvent considérées comme des pays lointains et qui met en avant : esquisses inachevées. l’étrangeté et la fantasmagorie. influence du Japon sur l’art occi- dental à partir du dernier quart du XIXème siècle.

19 «LE PAYS EST TRÈS SAIN, À MI-CÔTE SURTOUT ET SUR LES CÔTES, DANS LE BAS, LE LONG DE L’OISE, IL Y RÈGNE DES BROUILLARDS, LES MAISONS SONT BÂTIES DANS DES MARAIS DESSÉCHÉS... J’OUBLIAIS, LE PAYS EST TRÈS BEAU.» Lettre de Pissarro à Monet le 18 septembre 1882

Laissez-vous conter Pontoise, Renseignements et réservations Pontoise appartient au réseau Ville d’art et d’histoire… national des Villes et Pays d’art … en compagnie d’un guide conféren- Office de Tourisme et d’histoire cier agréé par le ministère de la Culture de Cergy-Pontoise - Porte du Vexin Le ministère de la Culture et de la de de la Communication. Le guide vous Place de la piscine Communication, Direction Générale accueille. Il connaît toutes les facettes 95 300 Pontoise des Patrimoines, attribue l’appellation de Pontoise et vous donne des clefs de Tél. : 01 34 41 70 60 Villes et Pays d’art et d’histoire aux lecture pour comprendre l’échelle d’une Fax : 01 34 41 70 68 collectivités locales qui animent leur place, le développement de la ville au [email protected] patrimoine. Il garantit la compétence fil de ses quartiers. Le guide est à votre des guides-conférenciers et des anima- écoute. N’hésitez pas à lui poser vos Hôtel de Ville teurs du patrimoine et la qualité de leurs questions. Service Patrimoine et Tourisme actions. Des vestiges antiques à l’archi- 2, rue Victor-Hugo tecture du XXème siècle, les villes et pays Le Service Tourisme et Patrimoine 953000 Pontoise mettent en scène le patrimoine dans sa qui coordonne les initiatives de Pon- Tél : 01 34 43 35 21 diversité. Aujourd’hui, un réseau de 166 toise, Ville d’art et d’histoire, a rédigé www.ville-pontoise.fr villes et pays vous offre son savoir-faire ce livret-découverte. Il se tient à votre sur toute la France. disposition pour tout projet. A proximité, Boulogne-Billancourt, Si vous êtes en groupe Etampes, Meaux, Noisiel, Rambouillet, Pontoise vous propose des visites toute Saint-Quentin-en-Yvelines, Vincennes, l’année sur réservation. Des brochures Chantilly, le Parc Naturel Régional du conçues à votre attention peuvent Vexin Français, Plains Commune bénéfi- vous être envoyées à votre demande. cient de l’appellation Villes et Pays d’art Renseignements à l’Office de Tourisme. et d’histoire.

Crédits photographiques Rédaction des textes : Anne-Françoise Callandreau et Pauline Prévot. Recherches iconographiques : Pauline Prévot. Ce livret a été réalisé par le Service Tourisme et Patrimoine.

Conception graphique : Maquette : Ville de Pontoise