A Propos Du Parc Naturel Régional De Saint-Amand-Les-Eaux - Raismes (Nord)
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Cette rubrique est dirigée par A. SOUBEIRAN Ingénieur du G . R . E . F. Section Technique Centrale des Espaces Verts Sous-Direction de l'Espace Naturel Direction des Forêts 1ter, avenue de Lowendal PARIS - (7e ) A PROPOS DU PARC NATUREL RÉGIONAL DE SAINT-AMAND-LES-EAUX - RAISMES (NORD) R . MINAIR Au début du siècle, un mouvement qui prit naissance simultanément dans de nombreux pays, retint l'attention des gouvernements sur la nécessité de protéger la nature et de mettre en réserve de vastes territoires . Ce fut là l'origine des parcs, le plus souvent nationaux. La plupart des pays d'Europe Centrale ou Septentrionale, d'Amérique et même d'Asie, édic- tèrent une réglementation visant à protéger des surfaces de leurs territoires souvent importan- tes . La France, semble-t-il, resta en arrière . Si des réalisations ponctuelles ou très spécialisées virent le jour : séries artistiques dans les forêts domaniales, réserves de chasse, institution d'une législation sur la protection des sites, etc ., la protection à buts multiples d'ensembles rela- tivement vastes resta étrangère aux préoccupations . II faut dire, d'une part, qu'il n'y avait pas urgence et d'autre part, que les difficultés étaient grandes. II n'y avait pas urgence : après l'immense tuerie de la première guerre mondiale, la popula- tion française restait stable, voire même allait en régression ; l'agriculture maintenait un mode d'exploitation assez traditionnel qui ne risquait pas de bouleverser le paysage ; jusqu'en 1936, les Français voyageaient peu : le nombre des automobiles était faible, les congés payés n'existaient pas et la population n'éprouvait pas le besoin d'effectuer des migrations importantes pendant l'été ou chaque week-end. II y avait des difficultés : dans les pays neufs, la population était très inégalement répartie et les secteurs ruraux non colonisés se prêtaient particulièrement bien à une mise en réserve qui, de fait, ne gênait personne . De même, dans certains pays de vieille civilisation, il était facile de réserver de vastes landes, à sol trop pauvre pour susciter une activité vraiment rémunératri- ce : dans les pays scandinaves par exemple, il est assez curieux de constater que les neuf dixièmes de la population vivent sur le dixième sud du pays, laissant d'immenses surfaces prati- quement inhabitées, où la puissance publique peut facilement intervenir . En France, bien au contraire, tout le territoire, à l'exception peut-être des très hauts sommets, est approprié et occupé par l'homme, et jusqu'aux fortes altitudes, l'influence humaine s'est manifestée depuis très longtemps, façonnant le paysage et rompant les équilibres qui ne peuvent plus être qua- lifiés de a naturels a au sens strict de ce terme. Après la deuxième guerre mondiale, le contexte se modifia rapidement : les naissances se firent plus nombreuses, la reconstruction du pays se doubla d'une extension des agglomérations parfois anarchique, souvent inesthétique . Les difficultés du marché agricole entraînèrent un bouleversement profond dans l'occupation des sols et le remembrement modifia profondément le paysage rural, supprimant haies et talus, faisant disparaître les petites enclaves boisées, déplaçant l'habitat. L'ALLÉE DES HETRES OU DRÈVE A FAUX 593 PHOTO A. BELURIER Parallèlement, l'élévation constante du niveau de vie, dont la manifestation la plus sure a été ie développement prodigieux du parc automobile, fit naître un besoin de retour dans des espaces non urbanisés qui rendait nécessaire la création d'un équipement d'accueil adap- té. La situation devint telle qu'il fallut songer à faire quelque chose et à le faire rapidement. Satisfaisant à cet objectif, comme également à d'autres aussi importants — sauvegarde d'une nature d'une qualité exceptionnelle, conversion d'une économie rurale en déclin dans des ré- gions en voie de dépeuplement — les Parcs Nationaux ont été institués . Leurs critères d'éta- blissement sont précis et leurs exigences vis-à-vis des sites naturels qu'ils englobent élevées afin de répondre au label international de « Parc National ' et justifier l'intérêt national qui leur est porté . Leur conception accorde donc de l'importance à la protection et à l'aménage- ment d'un espace naturel très vaste, le « parc „ proprement dit, les équipements d'accueil se développant autour, dans la zone périphérique «, qui bénéficie par ailleurs d'un programme de mise en valeur économique et touristique prioritaire. Les parcs nationaux constituent ainsi l'échelon supérieur de cette conservation de la nature, pour le plus grand service de l'homme, internationalement reconnue nécessaire dont je parlais en commençant cet article . Mais il devait y en avoir d'autres afin de satisfaire plus directement, dans des conditions économiques différentes et des situations géographiques variées, le besoin d'espace et d'évasion des populations urbaines concentrées dans des mégalopolis. La formule qui a été trouvée est le parc naturel régional, pièce nécessaire de l'aménagement de la région comme l'est la métropole régionale . Pour en cerner le contour, des journées na- tionales d'études, auxquelles ont pris part de nombreux Ministères, d'emminentes personnalités politiques et scientifiques aussi diverses que des sociologues et des artistes, des forestiers et des médecins, des géographes et des paysagistes, se sont tenues, en septembre 1966, dans un petit village de Haute-Provence : ce fut LURS I . Ces journées d etudes feront date dans l'histoire des Parcs . Après une nécessaire décantation des idées, il apparaît que là ont été réunis les éléments essentiels d'un immense puzzle, qui, en définitive sera concrétisé un jour par la chaîne de Parcs Naturels Régionaux . Bien sûr, la doctrine, si doctrine il doit y avoir, ne s'est pas trouvée instantanément fixée . Faut-il d'ailleurs la fixer, d'une manière statique, ou au contraire, simplement s'appuyer sur quelques fondements sûrs et solides et admettre un mécanisme de révision, toute une évolution susceptible de suivre en permanence les besoins et de tirer profit de l'expérience et des connaissances acquises ? Quoi qu'il en soit, LURS I fut bientôt suivi par la mise en place d'un Cycle d'études et de for- mation sur les Parcs Naturels Régionaux regroupant des « élèves « de régions et de formations très diverses, dont la tâche essentielle a été, non d'absorber religieusement des cours magis- ”< LA SABLIÈRE DU MONT DES BRUYÈRES " PHOTO A . BELURIER 594 Nature loisirs et forêt traux, mais, au contraire, de réfléchir en commun sur des problèmes soulevés, soit par divers conférenciers spécialisés, soit par la visite de réalisations étrangères en Europe, en Amérique du Nord et en Asie, et d'apporter ainsi une pierre nouvelle à l'édification des parcs . Pendant ce temps, les études se poursuivaient en vue de créer une quinzaine de Parcs répartis sur toute l'étendue du territoire français. Et parmi ces quinze parcs, il y a, bien sûr, celui de SAINT-AMAND-LES-EAUX, le premier, le plus étrange et certainement, aussi, le plus différent de tous. Qu'est-ce que le Parc de SAINT-AMAND-LES-EAUX ? Si l'on regarde la carte de France, tout en haut, à la frontière belge, dans une région plate, qu'on dit humide, bien qu'il y pleuve moins qu'à Paris, dans une région des plus peuplées d'Europe, puisque le Nord fait partie de cet énorme ensemble de population qui, depuis ROT- TERDAM jusqu'à la RUHR et VALENCIENNES, regroupe près du quart de la population de l'Eu- rope Occidentale, on trouve le Parc de SAINT-AMAND-LES-EAUX . Sa surface théorique est de 10.000 hectares . En fait, son dessin est des plus capricieux . Autour de 5 .000 hectares de forêts, essentiellement domaniales, des liaisons englobent des paysages ruraux et les agglomérations enclavées ou périphériques se trouvent exclues . La carte du Parc apparaît comme une fine den- telle enserrant dans ses jours, villes très peuplées et usines . Et pourtant, le site méritait sa con- version en Parc. Où trouver en effet, à moins de 40 kilomètres de Lille, la métropole régionale, 10 .000 hectares de terroir pas trop dégradés, accessibles facilement par le rail et par la route, prolongeant sur le territoire national, les réalisations ou les projets belges et offrant, malgré la faiblesse du re- lief, une variété de paysages, allant de l'herbage à la vieille futaie de hêtre, en passant par des étangs, des bouquets de résineux, des monuments historiques et des parcelles forestières en croissance ? Où trouver, également, un paysage dans lequel se trouvent mieux marquées l'histoire de la Na- tion et de ses luttes, l'histoire de la ténacité d'une population agricole, qui sut fertiliser jus- qu'à les rendre riches, des sols ingrats, marécageux et sableux ? Où trouver également, un paysage aussi marqué par la révolution industrielle du XIX" siè- cle mais qui panse peu à peu les plaies causées par les extractions minières jusqu'à les rendre esthétiquement supportables ? Où trouver encore une telle qualité de ciel, semblable à celui qu'ont si bien su rendre les peintres de l'Ecole flamande, une telle douceur, une telle variété de couleurs, alors que tant d'hommes n'ont comme horizon quotidien que la pelouse rase qui relie l'immeuble collec- tif à l'ensemble voisin ? SAINT-AMAND a été, dès le départ, le jaillissement d'une idée locale . L'idée du Parc résulte de la convergence de la volonté des forestiers de faire des forêts domaniales de SAINT- AMAND et de WALLERS, un ensemble de promenade agréable et celle des Elus locaux de faire lever la malédiction qui pèse sur la région du Nord que chacun croit affreuse, alors que le Sud de la Belgique, voisin, bénéficie lui d'une bonne réputation . Dire que cette convergence d'idées n'était pas sans contradiction serait passer rapidement sur les longues discussions, les mises au point délicates, voire même les impossibilités .