Révision Du Statut D'hippopotamus Madagascariensis Guldberg, 1883
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Hippopotamus guldbergi n. sp. : révision du statut d’Hippopotamus madagascariensis Guldberg, 1883, après plus d’un siècle de malentendus et de confusions taxonomiques William FOVET Département d’Études allemandes et scandinaves, Faculté des Langues, Université Lumière-Lyon 2, 5 avenue Pierre Mendès-France, F-69676 Bron cedex (France) [email protected] Martine FAURE Faculté d’Anthropologie, Université Lumière-Lyon 2, et UMR CNRS 5276, Laboratoire de Géologie de Lyon : Terre, Planètes, Environnement, Université Claude Bernard-Lyon I/ENS Lyon, 27-43 boulevard du 11 novembre 1918, F-69622 Villeurbanne cedex (France) [email protected] Claude GUÉRIN UMR CNRS 5276, Laboratoire de Géologie de Lyon :Terre, Planètes, Environnement, Université Claude Bernard-Lyon I/ENS Lyon, 27-43 boulevard du 11 novembre 1918, F-69622 Villeurbanne cedex (France) [email protected] Fovet W., Faure M. & Guérin C. 2011. — Hippopotamus guldbergi n. sp : révision du statut d’Hippopotamus madagascariensis Guldberg, 1883, après plus d’un siècle de malentendus et de confusions taxonomiques. Zoosystema 33 (1) : 61-82. DOI: 10.5252/z2011n1a3. RÉSUMÉ Après une brève notice sur son auteur, dont l’œuvre scientifi que est actuellement mal connue, nous publions la première traduction intégrale en français de la description originale de l’hippopotame holocène disparu Hippopotamus madagas- cariensis Guldberg, 1883. Cette dernière est écrite en riksmaal, ancienne langue norvégienne inaccessible à la plupart des paléontologues. Nous en donnons un commentaire mammalogique prouvant que le spécimen décrit par Guldberg appartient en réalité à l’autre espèce malgache de petit hippopotame holocène, Hippopotamus lemerlei Grandidier, 1868. Depuis la publication du texte de Guldberg, une confusion initiale a été propagée dans de nombreux travaux, avec d’importantes conséquences en taxonomie. Ainsi, C. J. F. Major a décrit MOTS CLÉS Mammalia, en 1902 comme H. madagascariensis Guldberg, 1883 un nouveau squelette Hippopotamus malgache qui est bien diff érent de H. lemerlei. Mais H. madagascariensis n’étant madagascariensis, qu’un nom de remplacement de H. lemerlei, il n’est donc pas utilisable, de ce Madagascar, Holocène, fait nous proposons le nouveau nom d’Hippopotamus guldbergi pour désigner espèce nouvelle. l’espèce décrite en 1902 par C. J. F. Major. ZOOSYSTEMA • 2011 • 33 (1) © Publications Scientifi ques du Muséum national d’Histoire naturelle, Paris. www.zoosystema.com 61 Fovet W. et al. ABSTRACT Hippopotamus guldbergi n. sp.: revision of the status of Hippopotamus mada- gascariensis Guldberg, 1883, after more than a century of misunderstanding and taxonomical confusions. After a short notice upon its author, whose scientifi c works are presently rather unknown, we publish the fi rst complete translation in French language of the original description of the extinct Holocene Hippopotamus madagascariensis Guldberg, 1883, which was published in Riksmaal, an ancient Norvegian language incomprehensible for most palaeontologists. We provide a mammalogical com- ment of that description, showing that the Guldberg’s specimen actually pertains to the other small species of Holocene Malagasy hippo, Hippopotamus lemerlei Grandidier, 1868. Since Guldberg’s publication, that initial confusion was spread in many scientifi c works and has important taxonomical consequences. Th us, in KEYWORDS Mammalia, 1902, C. J. F. Major described under the name H. madagascariensis Guldberg, Hippopotamus 1883 a new Malagasy skeleton which is quite diff erent from H. lemerlei. But madagascariensis, because H. madagascariensis is no more than a replacement name for H. lemerlei, Madagascar, Holocene, it is not usable. We then propose the new name Hippopotamus guldbergi to new species. designate the species described in 1902 by C. J. F. Major. INTRODUCTION Cette description a été faite sur du matériel récolté dans la région d’Antsirabé. La faune subfossile malgache, dont l’âge est essen- Ces deux espèces ont fait l’objet d’une importante tiellement holocène, compte environ 25 espèces révision par Stuenes en 1989. Ce travail est une étude disparues de grands mammifères (Guérin 2002). comparative détaillée de leur anatomie crânienne, Parmi elles fi gurent trois espèces du genre Hippo- qui traite aussi de leur extension géographique et potamus Linnaeus, 1758 : H. lemerlei Grandidier, de leur position systématique. 1868, H. madagascariensis Guldberg, 1883, toutes Mais d’une manière générale, de nombreux deux relativement petites (un adulte n’atteignait pas auteurs se sont heurtés au problème de la distinction 500 kg), et H. laloumena Faure & Guérin, 1990, de ces deux espèces, comme on le verra dans la plus grande. Hippopotamus laloumena est d’une taille partie « Commentaire taxonomique » du présent proche de celle des plus petits H. amphibius Linnaeus, article. La diffi culté réside d’abord dans le fait que 1758 actuels d’Afrique, il est donc nettement plus H. madagascariensis est beaucoup plus rare que gros que ses deux congénères et ne saurait être H. lemerlei, et surtout que sa description originale a confondu avec eux. En revanche H. lemerlei et été publiée en riksmaal, l’un des deux standards écrits H. madagascariensis, dont la taille est voisine, sont à l’époque en Norvège, ce qui la rend inaccessible à plus diffi ciles à distinguer l’un de l’autre. la plupart des paléontologues. Depuis 1883, cette Hippopotamus lemerlei a été décrit en 1868, à diffi culté linguistique est à l’origine d’une grande partir de restes découverts à Ambolisatra, sous une confusion taxonomique, car presque tous les auteurs forme identique à la fois dans les Annales des Sciences travaillant sur les subfossiles malgaches ont utilisé naturelles (A. Grandidier 1868) et les Comptes Rendus le taxon madagascariensis sans en avoir jamais pu de l’Académie des Sciences de Paris (Milne Edwards lire la description originale. Le meilleur exemple 1868). Hippopotamus madagascariensis a été décrit est donné par Guillaume Grandidier, qui loue la en 1883 dans la revue Christiania Videnskabsselskab « savante description de l’H. madagascariensis », forhandlinger, éditée à Christiania, l’actuelle Oslo. sans s’apercevoir qu’elle concerne en fait l’espèce 62 ZOOSYSTEMA • 2011 • 33 (1) Hippopotamus guldbergi n. sp. (Mammalia) lemerlei, défi nie par son père Alfred (G. Grandidier Bien que profondément religieux, Guldberg 1905b: 49). sut concilier sa foi et la théorie darwinienne de Avant de revoir le statut de H. madagascariensis, l’évolution. Son petit ouvrage sur Le darwinisme et nous donnons la traduction intégrale du texte sa portée (« Darwinismen og dens Rækkevidde »), originel de Guldberg (1883), précédée d’une brève publié en 1890, a connu un succès considérable. Il présentation de ce dernier. poursuivit seul ses recherches embryologiques sur les cétacés ; plusieurs de ses publications dans des revues de langue anglaise ou allemande sont encore citées GUSTAV ADOLF GULDBERG, (Walløe L., Store norske leksikon, www.snl.no). UN ZOOLOGISTE NORVÉGIEN Fils de pasteur, Gustav Adolf Guldberg, né en 1854, TRADUCTION INTÉGRALE DE entame des études de théologie qu’il abandonne en LA DESCRIPTION ORIGINALE dépit de la pression familiale. Il se consacre alors D’HIPPOPOTAMUS MADAGASCARIENSIS à la médecine, mais est contraint de subvenir à ses GULDBERG, 1883 besoins en enseignant jusqu’en 1879, année où il est nommé à titre temporaire conservateur au Nous nous sommes eff orcés de rester le plus près Musée zootomique de Christiania, aujourd’hui possible du texte de G. A. Guldberg. Nous avons Musée zoologique de Tøyen. Il obtient sa licence respecté en la traduisant la terminologie anatomique de médecine en 1881, ce qui lui permet d’occuper qu’il employait, et souvent noté entre parenthèses à titre permanent son poste de conservateur. Les la nomenclature latine qu’il utilisait abondamment. mois qui suivent sont marqués par des séjours à Nous avons précisé entre crochets la nomenclature Stockholm, Uppsala puis dans le Finnmark, où la anatomique actuelle offi cielle publiée par O. Schaller chasse à la baleine lui permet d’étudier diff érentes (2007), dont une édition antérieure a été francisée espèces de cétacés. Avant d’obtenir son titre de par R. Barone (1996). docteur en médecine en 1887, il voyage en Europe, Les planches I et II de Guldberg correspondent rencontre des anatomistes et histologistes célèbres, respectivement à nos fi gures 1 et 2. dont le darwinien Ernst Haeckel à Iéna. Nommé à titre temporaire professeur d’anatomie à l’Institut Carolin de Stockholm en 1887, il décline l’off re d’une RECHERCHE SUR UN HIPPOPOTAME chaire d’anatomie auprès de ce même institut pour SUBFOSSILE DE MADAGASCAR accepter en 1888 celle que lui propose l’Université de Christiania. Il occupera ce poste jusqu’à sa mort, G. A. Guldberg, 1883. Undersøgelser over en en 1908. subfossil fl odhest fra Madagascar, in Christiania Un premier travail, rédigé en allemand en 1885, sur Videnskabsselskab forhandlinger 6: 1-24, 2 pls. le système nerveux central des cétacés mysticètes, lui vaut la médaille d’or du prince héritier. Sa thèse de L’an dernier le Dr Borchgrevink a fait don au Musée doctorat est une étude comparative histo-anatomique zoologique de l’Université d’un spécimen extrême- de l’organisation d’une petite zone du cortex cérébral. ment curieux et intéressant, le squelette partiel, En collaboration avec son compatriote Fridtjiof dont le crâne bien conservé, d’un hippopotame Nansen, Guldberg entreprend une série de recherches subfossile qu’il avait fait exhumer d’un marécage sur l’embryologie des cétacés. Ils établissent ensemble d’altitude avant son retour. l’existence de rudiments de membres postérieurs Selon le Dr Borchgrevink, qui a prononcé une chez les embryons de marsouins, découverte qui conférence l’an dernier sur cette trouvaille, les pre- fait sensation sur le plan international, puisqu’elle mières traces de cette espèce subfossile d’hippopotame apporte un nouvel argument au débat scientifi que ont été trouvées par le Français Grandidier, qui avait de l’époque sur la théorie de l’évolution. quitté l’île en 1870 après un séjour de 7 ans. Au ZOOSYSTEMA • 2011 • 33 (1) 63 Fovet W.