Repères Historiques Et Socio-Culturels
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Association culturelle pour la renaissance de la Langue Sereer 33310 - LORMONT Le peuple Sérère en marche : repères historiques et socio-culturels Par A. Raphaël NDIAYE Chercheur à ENDA/TM Bordeaux, le 25 juin 1994 2 Introduction Mesdames et Messieurs, Chers amis, Je voudrais vous dire ma joie d'être ici , avec vous ; de devoir à l'amitié que vous avez bien voulu me témoigner de venir partager avec vous une expérience de recherche, dans ses tâtonnements et hypothèses de travail; un certain sens de la vie avec ses orientations et ses valeurs essentielles. La démarche que j'engage avec vous et à votre initiative, revêt pour moi une signification profonde ! Pour ma part, et parce que je partage avec vous la conviction en la signification profonde de la culture et de l'éducation dans la vie de tout individu et de tout groupe, j'éprouve un réel sentiment de fierté ! Une émotion ténue m'habite, que je voudrais vous exprimer par la médiation d'un texte, que j'ai écrit par le passé, en m'inspirant des formules de salutations en usage chez les Sérères. Nous le savons, la salutation est la première marque de reconnaissance et de respect d'autrui. C'est pourquoi nous ne pouvons admettre, dans nos traditions, que quelqu'un nous parle directement sans marquer par la salutation, la relation - durable ou éphémère - qu'il veut instaurer avec nous. Le temps investi ici n'est point perdu; bien au contraire, il entre dans le capital convivial dont la société a besoin pour huiler ses jointures et harmoniser ses connexions ! Je voudrais donc vous saluer par la parole poétique, nimbée d'accords de guitare et de modulations harmoniques qui transmuent le texte poétique en un chant véritable, en appelant la paix sur et dans votre assemblée. Le texte sera dit d'abord en sérère, puis dans sa traduction française. 3 O fog ole mee simaa nuun Peuple mien, je te salue ! Njooko njal too jam fa nuun A toi honneur, reconnaissance et paix Jam naayum jam layiidum Car ma démarche est de paix Sam jam a rok n' mbind Mon message est : PAIX ! Sam jam a gar a gen Que soit la paix avant toutes choses Sam jam a sombel Et présente la paix, longtemps, O toujours Sam jam a maad Qu'entre et demeure la paix dans toute demeure Sam jam a miñ ! Mais du monde ouvrant la marche et la fermant Sam jam a yadooh Mais ceiturant le monde et la multitude des vivants Sam jam a fakit N'est-elle pas rare succulence ? Jam a fela fel ! Et répandue sur la terre une lumière de paix : Gi seey ni wat fa a kooland jam Or de l'aurore et resplandissement du zénith ! O yen olee muur ñoow we Mais nous enveloppe la nuit profonde O nibaan jam D'un manteau épais d'ombre qui soit paix ! Refatee o kiin o pog um Ah ne me dites plus : à tout homme son proche Ndah jam a noowand o fog soom Pour que prospère la parenté car mourrait la paix! O kiin o kend um oo Dites plutôt : à tout homme son prochain dah jam a sah, a saamb,a net, a rim Et que germe et se répande, plante rampante Ndah jam a ref pay njoor La paix poussée irrésistible régénérée toujours ! A muur adna ! Que soit la paix pour le monde dans l'attente Le pagne sur l'épouse aux portes de la demeure conjugale Aspergée de mil, de coton et de sel ! 4 En accord avec les organisateurs de cette rencontre, nous avons retenu pour thème de cette conférence : "Le peuple sérère en marche: repères historiques et socio-culturels". C'est dire que nous allons tenter de faire le point de nos connaissances sur les diverses dimensions du sujet, qui constituent des champs d'investigation pour la recherche. Ces champs ne sont pas isolés, mais sont au contraire reliés à ceux abordés dans d'autres parties de la sous-région, en raison de l'imbrication de l'histoire et de la culture des peuples qui partagent le même ensemble géographique. Les réponses aux questions que pose notre sujet, dépendent donc largement de celles apportées ailleurs dans la sous-région et l'interrogeons sur les Sérères vaut - peu ou prou - pour d'autres entités ethniques. C'est vous dire également que nous allons évoquer des données que vous connaissez déjà et que quelles que soient nos efforts en vue d'être exhaustif, le risque est grand de vous laisser sur votre faim. La question des origines L'on s'interroge beaucoup sur l'origine des Sérères. En fait toute personne veut savoir d'où vient, quelle est son ascendance, ce qu'elle a été par le passé. Il en est également ainsi des groupes sociaux, des entités ethniques. Les repères qui suivent participent des réponses à cette interrogation. Ces repères renvoient d'abord l'Egypte pharaonique nous dit Cheikh Anta DIOP, pour qui, dans la langue de ces Egyptiens, "sérère" signifierait: "celui qui trace les limites du temple" (Citation de mémoire). Et ils sont nombreux ceux qui considèrent que la religiosité dans son expression au sein de la société traditionnelle sérère constitue un legs qui pourrait bien remonter jusqu'à cette Egypte pharaonique... S'il en était ainsi, la question serait de savoir par quel itinéraire les Sérères sont arrivés dans le centre-ouest du Sénégal qu'ils occupent aujourd'hui ? 5 Pour Ch. Anta DIOP, la migration des Sérères s'est faite dans une direction est- ouest, attestée par divers sites de pierres levées, des mégalithes encore présents au Sénégal, en particulier à Sine Gayène dans le Saloum, à l'est de Kaolack. L'attribution aux Sérères de ces vestiges du passé tient à divers facteurs dont, entre autres, le symbolisme des figurations portées sur ces monuments et la disposition des pièrres, et qui s'éclairent d'une intelligibilité certaine lorsqu'on les rapporte aux traditions de ce peuple. Reprenant l'analyse des figurations et du dispositif que décrivent ces mégalithes, le chercheur sérère Babacar Sedikh DIOUF retrouve là, en parfaite cohérence, des éléments liés à l'initiation traditionnelle ou kassak chez les Sérères. Les recherches sur la question des origines situent également, et avec beaucoup de données, la présence sérère dans le Tagant et dans le Hod, au Sahara. Le Sahara était très largement habité à l'époque par beaucoup de populations. L'empire de Ghana - 5e/11e siècles - y étendait l'essentiel de ses territoires, jusqu'aux berges du fleuve Sénégal. Avec son assèchement progressif, les populations vont glisser vers la vallée et s'y installer, avec une densité d'occupation élevée, qui se serait traduite à la longue par de nouvelles migrations. Celles-ci seront précipitées par des évènements historiques : les attaques multiples conduites par les Almoravides et la désagrégration progressive de l'empire, qui va connaître sa chute en 1076 avec la prise de sa capitale, Koumbi-Saleh. La cohabitation des Sérères et des Toucouleurs dans la vallée - et pour ne prendre que cet exemple - est bien connue. La présence des premiers est même très précisément localisée entre Podor et Saldé, sur 250 km, sur la base des fouilles effectuées dans la zone, et de la collecte ainsi que de l'analyse des traditions locales des Toucouleurs, demeurés sur place depuis lors. 6 La migration sérère à partir de la vallée est également attestée et bien connue. Elle a pris trois directions. C'est d'abord la vallée du Ferlo qui communiquait à l'époque avec la vallée du Sine. Des groupes sont partis directement le long de cette vallée jusqu'au Sine, dans une direction légèrement nord-est/sud-ouest. Le second itinéraire longe le fleuve Sénégal dont il descend le cours jusqu'à son embourchure, puis la côte atlantique jusqu'à la hauteur du Djender, avant d'obliquer vers le sud. les restes d'amas coquillers, encore visibles dans la zone de Rao, avant d'arriver à Saint-Louis sont attribués par les traditions locales aux Sérères; de même la façade atlantique du Djender jusqu'aux confins de Dakar, comportait beaucoup de lacs dont l'un - le lac Retba - était désigné, au 18e siècle par le Père Labat, "lac des Cérères"; appellation due sans doute à la présence significative de ces derniers dans ces lieux. Le troisième itinéraire depuis l'axe Podor-Saldé traverse le Fouta, puis le Djolof jusqu'aux confins du Sine et du pays safène. Il s'agit d'une migration relativement lente au cour de laquelle les migrants s'arrêtaient, fondaient des villages, y cultivaient plusieurs hivernages de suite, avant de reprendre leur route. D'où l'existence, au Sine comme en pays safène, de villages dont les habitants identifient des localités du Fouta ou du Djolof comme étant le point de départ de leurs ancêtres fondateurs. Mais comment concilier l'axe Egypte/Sine-Gayène/pays sérères actuels, à l'axe Tagant/Hod/vallée du fleuve Sénégal ? Si l'Egypte pharaonique était le point de départ, les Sérères avant leur migration se seraient-ils scindés en groupes différents qui auraient rejoint leurs sites d'installation par des voies différentes ? L'on continue de s'interroger sur cette difficulté, d'autant qu'il s'avère qu'une composante importante de ce peuple est venue, non pas de la vallée du fleuve Sénégal, mais du sud, précisément du Gabou, ancienne province occidentale de l'empire du Mali, qui couvrait des territoires situés dans l'actuelle Guinée- Bissau, la Gambie et la Casamance, etc. Et peut-être est-ce en raison de la cohabitation fondée par cette thèse que Diola et Sérères se donnent par le 7 mythe, une origine commune, qui fait naître les deux entités ethniques par deux soeurs, Diambogne et Aguène, séparées par la fracture de leur embarcation sur le fleuve Gambie, l'une - Diambogne, ancêtre des Sérères - ayant accosté sur la rive nord avec la moitié de la pirogue, la seconde - Aguène, ancêtre des Diola - sur la rive sud avec l'autre moitié ? Une autre interrogation hante l'esprit des chercheurs : ceux qui sont partis du Gabou étaient-ils des Sérères ou non ? Les traditions les présentent comme étant des Soos.