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Séquences La revue de cinéma

Quand un oeil étranger éclaire Hollywood Johanne Larue et François Dagenais

Les directeurs photo Numéro 167, novembre–décembre 1993

URI : https://id.erudit.org/iderudit/50009ac

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Éditeur(s) La revue Séquences Inc.

ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique)

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Citer cet article Larue, J. & Dagenais, F. (1993). Quand un oeil étranger éclaire Hollywood. Séquences, (167), 16–23.

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La sortie récente de , l'excellent documentaire de Todd McCarthy sur l'art de la cinématographie, nous a donné l'idée d'un dossier intemporel consacré à ces magiciens qui restent trop souvent dans l'ombre, les directeurs photo. Diplômé du département de cinéma de l'Université Concordia, François Dagenais voue une passion à l'art et la technique de la lumière cinématographique. Il a réalisé pour Séquences maintes entrevues avec des réalisateurs et des directeurs photo québécois et étrangers, aiguillonnant les Pierre Mignot, Alain Dostie, Michel Brault, Todd McCarthy et pour compléter sa recherche sur l'influence des opérateurs étrangers à Hollywood, une anomalie devenue exercer sa profession. François de La Fourmi et le Volcan de Céline hégémonie. De plus, François Dagenais s'apprête à quitter le Baril, la réalisation d'un premier Dagenais a choisi de braquer son Québec pour devenir chef opéra­ long métrage, l'indescriptible réflecteur sur Jean Lépine, le teur... au Honduras. Cuervo, et l'un des plus beaux films Québécois responsable de la Carlos Ferrand a effectué le d'art et d'essai québécois, Fenêtres photographie de Bob Roberts et The chemin contraire. Natif du Pérou, il sur ça, véritable poème de lumière et Player, pour lequel il s'est notam­ étudie aux États-Unis puis en de son. Philosophe à ses heures et ment mérité un New York Critic Belgique, et réalise quelques courts grand raconteur devant l'éternel, Award. Nul n'est prophète dans son métrages dans son pays d'origine Carlos Ferrand a accepté de nous pays puisque Lépine n'est pratique­ avant de s'établir à Montréal, dont il relater le souvenir de sa rencontre ment pas connu ici, une lacune que aime «la luminosité automnale et avec , un des maîtres notre collaborateur tente de l'immaculée blancheur du froid». On incontestés de la lumière au cinéma. rectifier. L'ironie veut que lui-même lui doit depuis la direction photo de doive maintenant s'exiler pour maints courts métrages, dont celle johanne Larue

16 Séquences Depuis les années 70, on remarque un nombre grandissant de directeurs photo étrangers travaillant aux États-Unis. L'affluence de ces créateurs aux nationalités différentes a marqué profondément l'évolution du cinéma américain des vingt dernières années. Bien sûr, le phénomène de l'immigration des cameramen étrangers vers les studios d'Hollywood ne date pas d'hier. C'est à la fin des années 20 que les premiers chefs opérateurs européens débarquent à Tinseltown. Ainsi, s'établit en Californie après avoir contribué à l'expressionnisme allemand en signant la photographie de Der Letze Mann (Le Dernier des hommes) de Murnau et Metropolis de Fritz Lang. En Amérique, il poursuit sa carrière en collaborant avec |ohn Ford et , en plus de réaliser lui-même un des classiques du cinéma fantastique, The Mummy (1932), qui met en vedette Boris Karloff. De même, Rudolph Maté, après avoir éclairé certains chefs-d'oeuvre de Cari Dreyer (Jeanne D'Arc et Vampyr), contribue au succès de plusieurs films noirs américains durant les années 40, notamment Gilda. Maté réalise lui- même certains de ces films policiers, dont l'excellent D.O.A. en 1950. Cette première vague d'immigrants boulever­ sera la conception que se faisait Hollywood du «I'm ready for my close-up, Mr. rôle des éclairagistes. Au début du siècle, le DeMille», Gloria Swanson devant les travail d'un directeur photo consiste à embellir les caméras dans Sunset Boulevard stars et savoir exposer la pellicule ortho­ chromatique. Vers la fin du muet, certains chefs opérateurs américains s'imposent, comme William Daniels pour sa maîtrise des filtres et des diffuseurs dans les films de Greta Garbo. Daniels respectait cependant la tradition de l'éclairage de studio et ses paysages paraissaient identiques quel o**i *»*J*. que soit le film. Les premières productions américaines ne brillent pas par l'originalité de leur cinématographie. Même dans des chefs-d'oeuvre comme Intolerance de D.W. Griffith et The Gold Rush de Chaplin, la photographie paraît fonctionnelle, sans plus. Un style qui dominera l'école américaine jusqu'à l'infiltration des directeurs photo européens. Cette domination peut s'expliquer par le système d'apprentissage en place à Hollywood. Alain Dostie, le Québécois responsable de la cinématographie de Iron Eagles II, explique sa perception de l'époque: «Les chefs opérateurs étaient formés à 16 ou 17 ans au sein même des studios. Ils apprenaient l'éclairage d'intérieurs de la bouche même de leurs aînés [qui l'avaient appris de la même façon] en fixant leurs réflecteurs au plafond selon leurs besoins (pour créer un éclairage principal, d'appoint ou à contre-jour); ce qu'ils faisaient très bien, en particulier et Harry Stradling Jr. Mais ces directeurs photo procédaient toujours à peu près de la même manière, mis à part [qui a tourné avec Welles,

No 167 — Novembre/décembre 199.* 17 Wyler et von Sternberg!. Il était très difficile à Hollywood. Parmi ces metteurs en scène, on d'aller contre le "système".» Dostie signale compte bien sûr les movie brats, ces cinq également «qu'à cette époque, la vitesse s'avérait cinéastes responsables de la renaissance un facteur important pour décider du talent d'un hollywoodienne: , George directeur photo; le résultat esthétique n'avait pas Lucas, , et Brian une grande importance pourvu que l'image soit de Palma. et John Milius convenable.» La plupart des réalisateurs de cette complètent ce groupe. Ces jeunes gens avaient, époque (et de la nôtre ?) établissent leur signature pour la plupart, appris le cinéma à l'université. Ils uniquement d'après la direction d'acteurs et la étudièrent l'histoire du Septième Art et mise en scène des séquences dialoguées. Il faudra découvrirent d'autres esthétiques que celle que des regards étrangers infiltrent cette industrie d'Hollywood. Tout comme les cinéastes Peter en vase clos pour donner un certain style à la Bogdanovich et William Friedkin venus à la photographie de studio et l'inscrire dans une réalisation par le biais de la critique et du démarche véritablement artistique. documentaire. , John Cassavetes et Outre l'influence majeure de l'expression­ Terence Malick, quant à eux, expérimentèrent de nisme allemand, propagée par un nombre nouvelles structures narratives en plus de finalement très restreint de directeurs photo venus renouveler l'esthétique cinématographique. Cette de l'étranger, Hollywood ne se laissera nouvelle génération de metteurs en scène cherche donc à se démarquer puissamment de la transformer qu'après le démantèlement des The Mummy studios et l'immigration d'une deuxième vague de précédente. Et qui plus est, elle le peur. Pour la chefs opérateurs européens. Les années 50 et 60 première fois dans l'histoire hollywoodienne, la voient l'arrivée de (le frère de relève possède un immense savoir-faire Dziga Vertov) dont le style particulier conviendra technique, avant même d'entreprendre sa carrière parfaitement aux premiers films de Sydney Lumet professionnelle. et , tous deux intéressés à renouveler Coppola, Altman et cie trouveront tout l'esthétique du cinéma réaliste. On note aussi la naturellement leurs compléments chez les venue de (Lolita), Ghislain directeurs photo étrangers. Pierre Mignot, qui a Cloquet (Mickey One) et la brève incursion de longtemps collaboré avec Robert Altman, croit Gianni Di Venanzo (Huit et demi) responsable de qu'il est très difficile pour les techniciens la photographie de The Honey Pot. américains de changer leur méthode à cause de Ironiquement, durant toutes ces années, les l'influence néfaste de la télévision et de la États-Unis demeurent un pays où les étrangers publicité. Il prétend que les Américains sont trop peuvent difficilement travailler. D'ailleurs, il habitués à reproduire certaines recettes. Michel existe encore des lois protectionnistes restreignant Brault, qui a fait la photo du film américain No le nombre de chefs opérateurs internationaux Mercy, en 1986, abonde dans le même sens, tout étrangers en Amérique. De plus, les syndicats de en ajoutant que «les Européens sont engagés pour cameramen américains empêchèrent longtemps Karl Freund une nouvelle vision et du sang neuf». Voilà qui tournant The ces techniciens d'éclairer les productions de explique, en partie, le choix de tant d'étrangers à Mummy Hollywood. Jusqu'à la fin des années 60, on ne des postes importants au sein des équipes de la reconnaîtra pas le talent de ces techniciens à la nouvelle génération hollywoodienne. Déjà, en soirée des Oscars, à l'exception près de quelques d'un Oscar pour , Storaro s'était 1971, Robert Altman choisissait un diplômé de Anglais facilement «camouflages». Il faut vu refuser, par la branche syndicale du IATSE-Los l'école de Budapest, , pour attendre 1968, pour voir l'Academy of Motion Angeles, le droit de travailler à Hollywood durant photographier son western McCabe and Mrs Picture Arts and Sciences décerner un trophée les cinq (derniers) jours de tournage requis par Miller. Pour ce long métrage à l'aspect pour la cinématographie à un immigrant. Il s'agit . Ce n'est qu'après avoir remporté nostalgique, Zsigmond crée une nouvelle de pour Romeo and Juliet son deuxième Oscar, pour Reds justement, que technique de laboratoire, le flashing, qui de . En 1973, Storaro se fit accepter par le syndicat. Un non- «désature» les couleurs et permet à la pellicule de remporte les mêmes honneurs pour sa sens. Les victoires de Storaro et De Laurentis ont rendre une atmosphère unique. Altman travaillera contribution au film de Bergman, Cris et ouvert les portes à une troisième vague aussi avec le Français Jean Boffety, avant de jeter Chuchotements d'ailleurs retenu dans la catégorie d'immigrants, plus importante quantitativement. son dévolu sur deux Québécois, Pierre Mignot et du meilleur film. Outre l'obtention de l'Oscar, La situation est telle maintenant qu'aucun Jean Lépine. De la même façon, Francis Ford une autre bataille importante fut gagnée lorsque, Américain n'a gagné l'Oscar du meilleur directeur Coppola choisira l'Italien pour dans les années 70, le producteur Dino De photo entre 1977 (Vilmos Zsigmond pour Close éclairer Apocalypse Now. Dans son pays Laurentis persuada le syndicat des cameramen de Encounters of the Third Kind) et 1992 (Robert d'origine, Storaro avait déjà révolutionné l'art de New York de le laisser tourner King of the Richardson pour)FK). la cinématographie en filmant, pour Bernardo Gypsies avec Nykvist. Sans Nykvist, De Laurentis Bertolluci, Le Conformiste et Le Dernier Tango à aurait plié bagages et quitté la ville. Au début des UNE NOUVELLE GÉNÉRATION Paris. Pour ce dernier film, l'idée du directeur années 80, c'était autour de Vitorrio Storaro de photo était d'éclairer les scènes à partir d'une pouvoir s'imposer à Hollywood après la La fin du règne des studios permit aussi à une mésaventure de Reds. Bien que déjà récipiendaire nouvelle génération de réalisateurs de s'implanter Voir l'entretien p. 24.

Séquences source lumineuse située hors du cadrage, à une réalisé par . Lorsque Seale discuta de Certains réalisateurs contemporains, comme bonne distance de l'action et latérale à celle-ci, son choix avec un directeur photo hollywoodien, ()oe Versus the Volcano), puis de laisser cette lumière rejoindre les acteurs récipiendaire d'un Oscar, ce dernier lui répondit: admettent ouvertement qu'ils ne connaissent rien après s'être débattue avec le décor sur lequel elle «Je suis un cameraman américain, je travaille à à la cinématographie, mais qu'ils savent devait rebondir. Coppola a aussi trouvé un des films américains et je tourne avec de la s'entourer de personnes compétentes dont ils collaborateur de choix en la personne de Gordon pellicule américaine.» respectent le jugement. Le cinéaste Alan ). Pakula Willis. À la suite de son travail sur les deux travaille aussi avec les meilleurs directeurs photo premiers Godfather, on le surnomma d'ailleurs le LE COURANT LITTÉRAIRE au monde (, Nestor Almendros, «prince des ténèbres», parce qu'il avait su Sven Nykvist, Guiseppe Rotunno), car il attend concevoir un éclairage très sombre et calfeutré. Les réalisateurs dits littéraires constituent beaucoup d'eux. Il a déjà dit à Gordon Willis: Bien qu'Américain, Willis possède une formation l'autre nouveau courant de cinéastes travaillant «Vous savez comment créer des images et je sais différente de la plupart de ses collègues. Il a régulièrement avec des chefs opérateurs étrangers. ce que je veux de mes acteurs. Je compte sur vous d'abord photographié des documentaires et servi Bien qu'ils se concentrent sur la direction pour m'aider à faire mes films.»131 de cameraman dans l'armée, une école qui l'a d'acteurs et sur le scénario, ils désirent néanmoins Deux raisons expliquent sans doute pourquoi tenu éloigné des conventions du glamour donner un style visuel distinctif à leurs films. Cette les réalisateurs, dits littéraires, portent leur dévolu hollywoodien. À la même époque, le réalisateur tâche incombe donc au directeur photo. Le chef sur des directeurs photo étrangers. On remarque Terence Malick désire lui aussi contrevenir aux opérateur , collaborateur de Tanner que ces derniers ont reçu la formation nécessaire conventions. Pour la photographie de Badlands, il et de Godard, se plaint de ce vedettariat. Selon lui pour faire de la mise en scène un concept visuel. engage , un Américain d'origine les réalisateurs sont de moins en moins de Les écoles de cinéma en Europe touchent autant à japonnaise ayant étudié en Angleterre, et pour véritables metteurs en scène. «Ils ne se posent la physique optique qu'à l'histoire de l'art. Jean celle de , le Cubain Nestor presque plus le problème essentiel de comment Lépine ajoute même «que l'école en Europe est Almendros, qui a beaucoup travaillé avec filmer, c'est donc toujours l'opérateur qui doit plus structurée et la formation plus complète.» Le François Truffaut. Dans son livre, Un homme à la décider de la place de la caméra et même du directeur photo , professeur à caméra, Almendros explique ce qu'il a dû mouvement des acteurs: "souvent des réalisateurs l'Académie du film de Budapest, décrit ainsi surmonter pour réussir à produire les images que ont des idées littéraires et très peu certains éléments de son cours: «Savoir comment voulait Malick. «L'équipe était typiquement de la cinématographique...».1" Ce phénomème n'est l'histoire de l'art s'est développée peut vieille garde hollywoodienne, habituée à une pas nouveau. L'excellent George photo très léchée. Il était inconcevable pour eux Cukor a déjà admis que «les effets que les visages restent dans l'ombre ou que le ciel visuels de Gaslight, A Woman's Face ne soit pas bien bleu. Aussi se sentaient-ils frustrés ou A Star is Born sont dus par le peu de travail que je leur donnais. [...] Le entièrement au cameraman».121 Il faut conflit alla en s'accentuant jusqu'au départ de sans doute se demander, à l'instar du certains». critique Andrew Sarris, combien de Les réalisateurs de la nouvelle génération directeurs photo ont doté des délaissèrent aussi l'arrière-cour des studios au réalisateurs médiocres d'un style profit des «locations», alors que les chefs «personnel» ? opérateurs américains avaient presque toujours travaillé à Hollywood même. En Europe, au contraire, on tournait sur des sites réels depuis les années 50, et même avant, comme en témoignent les premiers films du néo-réalisme italien tournés tout de suite après la Deuxième Guerre mondiale. On remarque, encore aujourd'hui, que les Européens et les Australiens exportent avec eux des méthodes de travail différentes et abordent l'Amérique avec un regard neuf. Ainsi, le chef opérateur australien avoue avoir été stimulé par la nouveauté des paysages nord- américains lors des tournages de , A Soldier's Story et Mrs Soffel. Ces directeurs photos continuent d'explorer de nouvelles façons d'éclairer. Pour The Hunt for Red October, )an De Bont illumina l'intérieur des sous-marins en concevant un système d'éclairage ambiant. Les sources lumineuses sont intégrées au décor. De plus, ce sont surtout les cameramen étrangers qui utilisent des pellicules autres que Kodak. Ainsi, l'Australien travailla avec du Fuji pour On the Waterfront le tournage de Mosquito Coast. On se rappellera photographié par des verts particulièrement vibrants de ce film Boris Kaufman

No 167 — Novembre/décembre 1993 1') grandement influencer un cinéaste dans la façon qu'il ou qu'elle a de tourner un film. Une partie VISIONS OF LIGHT de l'examen final exige que l'étudiant dessine une toile de mémoire et nous explique comment elle a Todd McCarthy a coréalisé, avec Arnold contraire leur style personnel tout en analysant influencé son travail.»141 Pour Todd McCarthy, le Classman et Stuart Samuels, un documentaire celui des autres. Ils apportent d'ailleurs une réalisateur de Visions of Light (voir l'encadré), la captivant sur les directeurs photo qui ont fait attention toute particulière au travail des artistes seule différence existant entre les meilleurs chefs évoluer le cinéma américain de sa conception à qui les ont influencés. Au bout du compte, opérateurs américains et les autres, concerne la nos jours. Pour tous les cinéphiles sérieux, Visions of Light résume à lui seul l'histoire du culture visuelle. «Les Européens possèdent une Visions of Light représente une source rare cinéma américain par le biais de sa connaissance plus large de la peinture et de d'informations. Les Gordon Willis, Haskell photographie. Il est particulièrement l'architecture. Ils ont étudié différents types de Wexler, Michael Chapman, Vittorio Storaro, rafraîchissant de voir le nom des directeurs lumière». Par ailleurs, Stephen Goldblatt avoue et Sven Nykvist sont interviewés photo, et non celui des réalisateurs, figurer sur que son expérience européenne lui permet de par des connaisseurs qui les incitent à dépasser la légende des nombreux extraits de films discuter avec les réalisateurs et d'interpréter leurs l'anecdotique pour s'exprimer en profondeur sur présentés. Par exemple, on oublie trop souvent désirs dans un essai visuel. «Ce n'est pas toujours leur profession et la nature de leur art. Le que le génie visuel de Citizen Kane revient un processus conscient. autant à Gregg Vous ne parlez pas Toland qu'à seulement d'équipement ou . d'efficacité [avec le metteur Visions of Light en scène] mais d'intention et rectifie ainsi de message».151 Cette quelques formation dans le domaine injustices visuel est sans doute à la impardonnables. base du succès de deux Seule ombre au jeunes directeurs photo tableau: comme le américains, film a été tourné (Do the Right Thing) qui sur vidéo puis possède un diplôme en transféré sur 35 architecture et Ed Lachman mm, on remarque (Desperately Seeking Susan une perte de et Mississippi Masala) qui génération dans la s'adonne à la peinture. Dans qualité visuelle cette discipline, Lachman a des extraits de très vite appris à apprécier films. Un les possibilités de la couleur problème Citizen Kane et à l'utiliser pour définir ou atténuer les formes. malheureux qui Lorsque les Américains reçoivent une éducation résultat n'apparaît jamais trop technique, mais devrait cependant disparaître lors de la diffusion adéquate, ils peuvent donc rivaliser avec leurs évite très largement les pièges de l'information de ce documentaire sur nos chaînes de collègues étrangers. divertissante, ou info/tainement, telle que la télévision culturelles. Espérons d'ailleurs que Reste que les différences culturelles affectent distille les Entertainement Tonight de ce monde, Visions of Light sera traduit en français. grandement la façon de filmer. Au Japon, en à renfort d'entrevues vides de sens. Très Italie, en , en Suède ou en Inde, les chefs candides, les intervenants démystifient au lohanne Larue opérateurs, d'après le critique Armond White, «laissent entrer un peu plus la lumière du soleil, opérateur à capter les performances. Si un apparition, la vidéo effectue une percée dans les un peu plus de réalisme. Leur sens de la vision est directeur photo ose même penser à la foyers, les vidéo-clips envahissent les chaînes et mieux servi par leur imagination que par une chorégraphie de la caméra, il outrepasse ses l'omniprésence de la publicité banalise les belles lentille anamorphique. Les directeurs photo fonctions. Les chefs opérateurs italiens apprennent images. Le réalisateur anglais Karl Reisz explique internationaux restent fidèles à une tradition très tôt que la caméra fait partie du langage visuel ainsi les conséquences néfastes de ce nivelage picturale qui traduit, plutôt qu'elle n'évite, un que développe le metteur en scène».171 À la esthétique: «Tant de belles images ont été à ce style accentué. Les, directeurs photo de lumière de ces différentes observations, on point vulgarisées par le film publicitaire qu'on ne Hollywood camouflent toute manipulation et tout comprend mieux pourquoi les cinéastes littéraires peut plus s'en servir. Il faut revenir à une photo artifice, préférant donner l'impression d'une ne sauraient se passer des directeurs photo plus directe et plus simple. Sinon, le public lit (sic) vision parfaite, alors qu'il s'agit là d'une fausseté étrangers. D'ailleurs, leurs qualités éclatent au vos couleurs en les associant au savon ou au technologique».,6> Bien sûr, il existe des grand jour durant les années 80. shampoing.»181 Reisz conclut en suggérant que exceptions, mais Vittorio Storaro arrive à des cela pourrait favoriser le retour d'une photo plus conclusions semblables lorsqu'il compare la LES ANNÉES 80 sentie que physique, chimique ou technique. On fonction des mouvements de caméra en Italie et obtiendrait ainsi une cinématographie taillée sur aux États-Unis. «Dans un film hollywoodien Au début de la dernière décennie, le monde mesure pour les directeurs photo étrangers, s'il moyen, l'accent est mis sur le jeu des acteurs et la de la télécommunication connaît de profonds faut en croire Jean Lépine qui affirme que «les structure du récit, réduisant ainsi le rôle du chef bouleversements. La télé par câble fait son Européens sont plus émotifs que rationnels» et

20 Séquences Lajos Koltai qui croit que les finissants de scène [lorsque c'est le cas) par une photo aussi l'Académie du Film de Budapest «sont moins brillante que vaine».1'41 Encore une fois, à cause orientés sur la technique que leurs homologues de leurs antécédents, les étrangers demeurent américains».,9) mieux préparés que les Américains pour Si la cinématographie instinctive gagne du concevoir une image très stylisée qui doit terrain à Hollywood, il en va de même de son camoufler les lacunes de scénario. Pour certains, opposé, l'esthétique superléchée du vidéo-clip. comme Robby Mûller (Paris, Texas), le fait de Pour attirer un public jeune, les producteurs travailler sans scénario solide, dans la seule hollywoodiens se sont mis à concevoir des optique de produire des images, constitue Une des images baroques de The Hunt for Red October fictions arborant une facture vidéo-clipée. A preuve les Flashdance, Footloose et Streets of Fire tournés au début des années 80. À la même époque, la percée de la vidéo domestique entraîne une baisse de spectateurs dans les salles de cinéma. Pour contrecarrer ce mouvement, qui rappelle celui qui caractérisa la venue de la télévision dans les années 50, les producteurs ont voulu attirer l'attention du public en tournant des films à la photographie spectaculaire, souvent sur 70 mm, et possédant un son Dolby multipiste. On pense à Amadeus, Aliens, The Untouchables, Terminator 2 - Judgement Day, , Top Gun, Far and Away ainsi qu'aux films de Steven Spielberg. Cette prolifération de films hautement technologiques a forcément affiné la connaissance de l'image chez le cinéphile. Ainsi Jan De Bont croit que «les spectateurs d'aujourd'hui sont éduqués de façon très visuelle et anticipent les belles images».1101 Le professeur Armond White va plus loin en associant la qualité de l'image au succès commercial de certains films: «La popularité de The Black Stallion, Warriors, Excalibur et prouve qu'il existe un public plus conscient qu'auparavant de l'aspect visuel pour apprécier ce genre d'éclairage stylisé.»1"1 On voit de plus en plus de longs métrages délaissant le contenu au profit de la forme. Le critique Andrew Sarris témoigne de cette orientation lorsqu'il écrit: «Faites votre choix: l'écriture, la performance, le drame, la narration, la psychologie et la sociologie peuvent avoir été délaissés en faveur du plaisir visuel.»1'21 On remarque cette tendance particulièrement dans les thrillers où «Hollywood a sagement décidé de transférer le genre chez les stylistes —[Adrian] Lyne, Roger Donaldson, —, parce que ces films ont comme point de départ des scénarios qui, Un système d'éclairage ambiant conçu par Jan De Bont cependant une expérience déconcertante. «J'ai sans le succès de Jagged Edge, auraient été dans The Hunt for Red October fait Body Rock, un film sur le [...] break dance. destinés à la télévision [...], tandis qu'il faut un C'est la première fois de ma vie que je faisais un styliste comme Lyne ou Donaldson pour fixer film uniquement commercial... l'avais un l'attention du public sur de tels sujets pendant réalisateur très sympathique; je lui ai dit: c'est très deux heures avec rien d'autre que les "pauvres" étrange pour moi, l'histoire est stupide, moyens du cinéma».{U) insignifiante, il n'y a pas d'intrigue; il n'y a que On assiste maintenant, selon Frédéric des images à faire»."51 Stephen Goldblatt abonde Sabouraud, à «un cinéma qui, après avoir cherché dans le même sens en disant à propos de Joe du côté du scénario ou du casting la solution Versus the Volcano: «Le scénario avait besoin du miracle, a trouvé dans la lumière une nouvelle genre d'imagerie que nous avons créé. Dans planche de salut. Incombe alors à l'opérateur la plusieurs films, on ne trouve que des mots et charge écrasante de combler l'absence de mise en aucune image.»1"11 Un directeur photo comme

No 167 — Novembre/décembre 1993 21 Jan De Bont anticipe la façon dont réagissent les spectateurs face à l'image. C'est ce qui explique sans doute son succès. Sur The Hunt for Red October, il a jugé bon de concevoir des plans LE SECRET baroques. «Il nous fallait utiliser une grande variété d'éclairages, de mouvements de caméra, d'angles, [...] pour garder les spectateurs alertes et intrigués malgré un décor restreint. [...] Le rouge fut utilisé pour ponctuer les moments de danger. Il n'y a rien de tel qu'une lumière rouge intermittente pour garder les spectateurs en haleine.»1'71 Alain Dostie considère que De Bont est le meilleur directeur photo à Hollywood. Il a éclairé, de façon magistrale, des films au scénario déficient qui se révélèrent des succès commerciaux importants: Flatliners, Basic Instinct et Die Hard, par ailleurs fort bien réalisé par John McTiernan, le metteur en scène de The Hunt for Red October. La critique de Die Hard, parue dans les Henri Alekan et Carlos Ferrand Cahiers du Cinéma, s'avère révélatrice. «L'idée de départ de Die Hard est celle de cinquante thrillers sur l'éclairage au cinéma, j'étais très excité, car américains. [...] Le résultat est sidérant [,] à la fois « Et la lumière h, demandais-je au légendaire directeur photo Henri Alekan. «Ahh, la on ne rencontre pas un maître de la lumière totalement idiot et maîtrisé: chronométré, cadré et lumière... C'est beau, n'est-ce pas h, répondit-il. comme lui tous les jours. En plus, étant moi- découpé de façon exceptionnelle... pour pas Je laissai tomber les bras, découragé. C'était la même directeur photo, j'ai toujours été fasciné grand chose. Die Hard est l'exemple même du dixième fois que j'essayais de percer le mystère par la grande difficulté qui existe à parler de la film hollywoodien rageant (sic): aux commandes du «secret Alekan» avec, à chaque occasion, plus lumière de façon intelligible. J'avais hâte de voir un cinéaste talentueux et un excellent comédien ou moins le même résultat. comment Alekan choisirait de s'exprimer. réussissent à faire exister un scénario indigent». Cela faisait bien deux ans que je poursuivais J'avais une valise pleine de questions. Je M. Alekan pour le convaincre de faire partie des voulais l'entendre parler de la lumière en Il existe enfin une raison très simple à la Vieux Surdoués, un documentaire que je réalise profondeur, mais surtout des ombres, des prolifération de directeurs photo étrangers à sur ces gens qui continuent à créer passé l'âge de différentes qualités de diffusion, d'angles Hollywood. Lorsque des réalisateurs immigrent 80 ans. Nous avions choisi Henri Alekan parce d'éclairage, de l'opposition entre la lumière aux États-Unis, ils amènent souvent avec eux leur qu'il illustre de façon magistrale la thèse de notre artificielle et la lumière naturelle. Je voulais chef opérateur. Ainsi des réalisateurs australiens film: vieillir n'est pas synonyme de décrépitude. connaître le fond de sa pensée sur le noir et comme Peter Weir ou ont pu Mais j'avais aussi le secret espoir de pouvoir blanc, etc. travailler avec leurs complices d'outremer, Russel trouver la clef d'une ou deux de ses recettes Je n'étais pas le seul à vivre dans l'expectative. d'éclairage... Boyd et John Seale. De même, la domination L'immense pièce était pleine d'étudiants tassés jusqu'aux corniches. britannique peut s'expliquer par le nombre Henri Alekan m'avait donné rendez-vous à la Cinémathèque de Paris où il donnait un colloque Le cours commença avec à peine quelques grandissant de metteurs en scènes anglais minutes de retard. Pendant une heure et demie, oeuvrant à Hollywood. En plus des réalisateurs, les producteurs étrangers ont aussi obtenu des culture visuelle ainsi qu'un style certain, ont-ils dû le comprend tout simplement pas. «Il faisait un visas de travail pour plusieurs de leurs chefs accepter des films mineurs? En discutant avec boulot exceptionnel, ilya dix ou douze ans opérateurs. Ainsi, Dino De Laurentis permit à Todd McCarthy et Alain Dostie, une réponse a été [Raging Bull] mais, dernièrement, il n'a tourné et Sven Nykvist de travailler esquissée. Premièrement, Caleb Deschanels (deux que des navets [Ghostbusters II, Kindergardeii régulièrement aux États-Unis et Golan-Globus fois candidat pour un Oscar), voulait absolument Cop, Dr Hollywood], Peut-être a-t-il pris la parraina Adam Greenberg (The Terminator). passer à la réalisation. Il a donc abandonné la décision de devenir un directeur photo direction photo pour se consacrer à la mise en commercial. Mais honnêtement, je ne saurais dire ET LES AMÉRICAINS ? scène. On lui doit The Escape Artist et Crusoe, pourquoi». Gageons cependant que l'excellent ainsi que quelques épisodes de la série Twin travail accompli par Chapman pour Rising Sun Cette analyse et ces commentaires Peaks. Gordon Willis, quant à lui, se serait fait réconciliera son critique avec l'ancien chef n'expliquent pas cependant comment certains bouder à cause de son caractère austère et de ses opérateur de Martin Scorsese. McCarthy se révèle chefs opérateurs vedettes américains comme exigences professionnelles qui rendent toute d'ailleurs assez optimiste lorsqu'il envisage la Michael Chapman, Caleb Deschanels et Gordon collaboration avec lui assez difficile. Le cas le relève américaine. «J'ai vu récemment plusieurs Willis furent éclipsés durant les années 80. plus étrange demeure sans doute Michael nouveaux noms au générique de productions à Pourquoi des directeurs photo, possédant une Chapman. McCarthy déclare à son sujet qu'il ne petits et moyens budgets qui ne venaient pas de

22 Séquences finalement que les écoles de cinéma nord- américaines prendront note de la leçon à tirer du succès de leurs homologues européennes. La D ' A L E K A N lumière n'a pas de frontière.

les étudiants ont bu chacune des paroles d'Henri commencé à abandonner tout espoir de pouvoir François Dagenais Alekan en notant toutes ses idées. À la fin du discuter avec lui quand une occasion inespérée se cours, des sourires de satisfaction illuminaient présenta. J'allais, pour le retour à Paris, partager le leurs visages. Ils avaient l'air d'avoir découvert même compartiment de train qu'Henri Alekan. Je Predal, René. 1.? Photo de cinéma, Du Cerf, Paris, p.121. Higham, Charles. Hollywood Cameramen, Garland, New York, des trésors incalculables ! Cependant, mon l'aurais à moi seul pendant trois heures ! 1986, p.8. cahier était resté immaculé. Alekan avait parlé de Une fois dans le train, je commençai, en guise Zito, Stephen. " who boost direclors reputations" façon si élémentaire que je n'avais rien appris. dans Action, mai-juin 1978, p.28. d'introduction, à parler... de nos chemises. En -, "Lajos Kollai" dans International Cinematoftrapher, octobre Je me suis dit: «Ce n'est pas grave, le vais voir effet, j'avais remarqué que par hasard nous 1991, p.19. s'il accepte de tourner avec nous, et alors, je le portions tous deux la même chemise noire à pois Rogers, Pauline. "Stephen Goldblatt" dans tnterndtion.il , p.13. coincerai.» À ma grande joie, quelques jours plus blancs. En me pensant très malin, je le lui fis White, Armond. "Illuminations" dans film Comment, sept. 1989, tard, il accepte de participer au documentaire. remarquer pour ensuite ajouter: «Vous ne pensez p.58. pas que, comme nos chemises, c'est surtout le Rutter, Carol. "Vittorio Sloraro" dans American CinematORrapher, Nous filmons alors une première, l'inauguration septembre 1989, p.47. d'un «chemin de lumière». C'est que M. Alekan noir qui est l'élément fondamental de l'art de voir note 1, p. 172. travaille maintenant à sa nouvelle carrière de l'éclairage ?» Il me regarda un instant, et avec un voir note 4. Fisher, Bod. "|an De Boni" dans International Cinentatographer, paysagiste urbain: des trottoirs de lumière, des grand sourire de complicité, me dit: «Ahh... les p. 27. découpes projetées sur des bâtiments et de ombres, le mystère des ombres...» Il fit le geste voir note 6, p. 60. minces fils lumineux soulignent la structure de d'une volute de fumée qui s'évapore dans l'air Sarris, Andrew. "The Cinematographer as Superstar" dans American Film, avril 1981, p.34. merveilles architecturales. Le directeur photo pour ensuite redescendre gracieusement et... Kohn, Bill. "Fatal Attraction" dans Gibiers du Cinema, no 404, fév. s'attèle à donner une nouvelle vie à la grisaille ouvrir son journal. Il se mit à lire, tout en souriant 1988, p. 27. Sabouraud, Frédéric. "La Couleur du temps" dans Cahiers du nocturne de villes comme Bruxelles, par exemple. et en hochant la tête. Cinéma, no 396, mai 1987, p. 41. Ce sont des projets fabuleux qui demandent une Soudainement tétanisé par un sentiment de Niogret, Hubert. "Entretien avec Robby Mûller" dans Positif, juin recherche exhaustive sur les nouveaux matériaux 1984, p.22. frustration totale devant mes carences Voir note 5, p.12. disponibles et les moyens de financement. Alekan d'interviewer, je suis tombé d'un seul coup dans Voir note 10, p.27. et son équipe doivent convaincre couche après un sommeil troublé par des ampoules de lumière couche de politiciens et de fonctionnaires avant qui explosaient et des éclipses à répétition. de voir se concrétiser leurs idées. Quand je me suis réveillé, nous arrivions à la QUELQUES DIRECTEURS PHOTO ENGAGÉS Henri Alekan ne paraît pas très impressionné Gare du Nord. Le voyage tirait à sa fin et je PAR LES AMÉRICAINS par les difficultés. Avec une amabilité exquise et n'avais toujours pas su percer le secret d'Alekan. QUÉBÉCOIS BRITANNIQUES un enthousiasme constant pour tout ce qu'il Désespéré, j'ai osé alors le provoquer avec ma Michel Brault entreprend, il n'arrête jamais de travailler. Sa propre définition de la lumière. Peu m'importait Alain Dostie Peler Biziou persévérance pourrait s'appeler «acharnement» si de la soupçonner d'être mélodramatique à la Guy Dufaux Ernest Day elle n'était pas accompagnée d'un sourire limite du quétaine; c'était mon dernier espoir. lean Lépine Pierre Mignot Gerry Fisher espiègle et d'une aura de tranquillité qui «Vous ne trouvez pas que la lumière est comme François Protat réussissent toujours à mettre à l'aise son une musique silencieuse ?», lui demandais-je René Verziei Slephen Goldblatt entourage. (C'est peut-être pour ça qu'à 86 ans, il pour la dernière fois. «Aaaahhhh...», me dit-il en Alan Hume a l'allure d'un sexagénaire bourré d'énergie.) souriant comme s'il venait de découvrir un AUSTRALIENS nouveau jouet. «C'est vrai, c'est vrai... comme lan Baker Douglas MisTome Nous fêtions la fin du tournage et je n'avais Russell Boyd Tony Pierce Roberts toujours pas eu l'opportunité de parler avec M. une musique, comme une belle musique, mais Peler Levy Bruno Pratt Alekan en tête à tête. Le repas était délicieux et le surtout silencieuse». Il mis un doigt sur sa bouche Don MeAlpine maître en grande forme. Il buvait, chantait, parlait et fit «ssssshhhhhh» comme s'il me demandait de Dean Seamier de lean Cocteau et de Wim Wenders et, avec une garder son secret. Oliver Stapleton grande délicatesse, jouait dans les cheveux des HOLLANDAIS Alex Thompson filles en les faisant miroiter dans la lumière. J'avais Carlos Ferrand lan De Bont David Watkin Robby Mûller Billy Williams Théo Van De Sande l'étranger. Cette nouvelle vague s'affirme parce un milieu très dur [où] les individus ne comptent lost Vocano ITALIENS que les vétérans travaillent moins ou deviennent pas pour beaucoup — [...] les gens se lassent des HONGROIS ( luisseppe Rolunno plus sélectifs. Les opérateurs qui ont débuté dans autres. Alors, régulièrement, on fait venir des Lajos Kollai Danic Spinotti l'industrie du vidéo-clip devraient commencer à troupes fraîches, [e pense aussi que cela trahit une Laszlo Kova< ks Vittorio Storaro Vilmos Zsigmond Luciano Tovoli tourner des longs métrages sous peu». certain goût pour l'exotisme. [...] C'est enfin une Le directeur photo Philipe Rousselot (Diva, question de mode». Quoi qu'il en soit, Rousselot AUTRES Hope and Glory) nous éclaire autrement sur et ses confrères européens en auront bien profité, ALLEMAGNE: Michael Balhaus l'avenir des directeurs photo hollywoodiens. «Je pour le plus grand enchantement des cinéphiles ARGENTINE: Felix Moiili ne crois pas que l'on fasse venir des étrangers avertis. DANEMARK: Michael Salomon ESPAGNE: loan Ruis Anchia pour des raisons valables, parce que s'il s'agissait Il sera très intéressant de surveiller, dans les FRANCE: Patrick Bossier el de bonnes raisons, cela voudrait dire que les chefs prochaines années, l'évolution de l'immigration Philipe Rousselot opérateurs européens sont meilleurs que les ISRAEL: Adam Greenberg des directeurs photo étrangers à Hollywood. Nous SUÈDE: Sven Nykvist Américains, ce qui est complètement faux». Selon pourrons aussi constater de quelle façon les YOUGOSLAVIE: Vilko Filai lui, si les Américains invitent des talents Américains auront réagi à la domination de ces F.D. internationaux c'est parce qu'«à Hollywood —[...[ nouveaux venus durant les années 80. Espérons

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