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LE MAGAZINE DE L’ACTUALITÉ MUSICALE EN FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES N° 19 - SEPTEMBRE / OCTOBRE 2016

Robbing Millions SALUT, C’EST NOUS !

SAULE | SCYLLA | JOY AS A TOY | DELTA | PHILIPPE BOESMANS | QUATUOR MP4 | GÉNÉRATION BEATMAKING | AN PIERLÉ | LES INSTRUMENTS DIY | LA VIABILITÉ DES PRODUCTIONS INTERNATIONALES

LARSEN • SEPTEMBRE, OCTOBRE - 2016 2 3

CONSEIL DE LA MUSIQUE Quai au Bois de Construc- 14 24 Édito tion, 10 - 1000 Bruxelles www.conseildelamusique.be Si le Do It Yourself - ou autoproduction - est Contact par mail : [email protected] au départ associé à la marge, on constate Contactez la rédaction : aujourd’hui qu’il est devenu… la norme. Pour première lettre du rester maître de leur carrière ou pour survivre prénom.nom@conseil- delamusique.be face à l’impitoyable industrie musicale, beau- coup de musiciens ont en effet « fait le choix » RÉDACTION de l’indépendance : du DIY comme l’évoquent Directrice de la rédaction dans ce numéro des artistes aussi différents Claire Monville que Robbing Millions, Scylla ou le Duo Sybran- Comité de rédaction Nicolas Alsteen dus. Julien Chanet L’arrivée du numérique a évidemment une François-Xavier Descamps Christophe Hars responsabilité directe dans cette évolution, Claire Monville lui qui a provoqué une diminution des ventes Coordinateur de disques, amplifié la croissance des « home de la rédaction François-Xavier Descamps studios » et fait basculer l’ensemble de la fi- Rédacteurs lière musicale vers un modèle qu’elle peine Nicolas Alsteen encore à trouver. François-Xavier Descamps Une conséquence positive de cette situation Collaborateurs Nicolas Capart est que l’artiste DIY est aujourd’hui obligé de Ayrton Desimpelaere se transformer en entrepreneur, devenant Isabelle Françaix Véronique Laurent complètement indépendant, autonome. Un Luc Lorfèvre 20 pari pourtant presque intenable car, pour Jacques Prouvost David Salomonowicz réussir, il doit être également producteur, Didier Stiers attaché de presse, administrateur, manageur, Benjamin Tollet 28 éditeur ou encore bookeur… et certains de se Correcteurs Christine Lafontaine lasser ou de se décourager au point d’aban- Nicolas Lommers donner leur projet. Couverture Si l’artiste ne peut tout déléguer les yeux fer- © Marine Dricot més, il ne peut toutefois tout assumer. C’est pourquoi il essentiel qu’il puisse s’appuyer sur PROMOTION & DIFFUSION des structures ou des personnes qui lui faci- François-Xavier Descamps literont sa création : des manageurs, des boo- keurs ou encore… des locaux de répétition. ABONNEMENT Vous pouvez vous abonner Bonne lecture gratuitement à Larsen. [email protected] 8 Tél. : 02 550 13 20 Claire Monville

CONCEPTION CONCOURS GRAPHIQUE Sommaire ARTICLES Mikan Larsen vous offre 5 pass APERÇUS Rebel Rebel au Mac’s / Tour OUVERTURE Impression « Beautés Soniques » cybernétique P.27 Paperland (du 27 au 31 octobre) J’AI ACHETÉ DES DISQUES AVEC Saule P.4 DÉCRYPTAGE Génération Beatmaking P.28 Prochain numéro ainsi que 10 places pour EN VRAC P.5 LE.COM Les adaptations nécessaires Novembre 2016 les Secrètes Sessions du classique P.30 du Francofaune au VK RENCONTRES IN SITU Les Abattoirs de Bomel P.32 le 6 octobre. ENTRETIEN Robbing Millions P.8 ÉCHOS D’AILLEURS P.36 Pour gagner, il suffit RENCONTRE Joy as a Toy P.11 VUE DE FLANDRE An Pierlé P.37 d’envoyer un mail à RENCONTRE Clément Nourry P.12 larsen@conseildelamu- RENCONTRE La Jungle P.13 LES SORTIES sique.be avant RENCONTRE Scylla P.14 EN FÉDÉRATION WALLONIE-BRUXELLES P.34-35 le 15 septembre, avec RENCONTRE Isha P.15 LISTE DES SORTIES P.36 la place de votre choix. RENCONTRE Delta P.16 RENCONTRE Barbara Wiernik & Nicola Andrioli P.17 BONUS RENCONTRE Quatuor MP4 P.18 L’INTERVIEW INDISCRÈTE RENCONTRE Duo Sybrandus P.19 Phil Maggi (Ultraphallus) P.38 TRAJECTOIRE Philippe Boesmans P.20 C’ÉTAIT EN… Juin 1982 P.39 ZOOM La viabilité des productions internationales P.22 Les instruments DIY P.24

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4X4 EN VRAC…

4X4 T SASKIA DeDEVILLE Musiq’3 à France Musique

La Belge Saskia De Ville, Saule notamment productrice sur Musiq’3, remplacera Vincent Josse et prendra C’est un peu ma madeleine de Proust. Ma mère est une grande fan les rênes de la matinale de . Plus qu’avec Histoire de Melody Nelson ou L’homme de France Musique. Son

à la tête de chou, je me souviens avoir été particulièrement interloqué DR défi : donner une identité par la pochette du vinyle d’Aux armes et caetera : un mec pas rasé à pieds plus musicale à la tranche nus sur le sommet d’une dune dans le désert. Je me vois encore dans le salon LES PERLES DE L’UNDERGROUND horaire 7-9h. Saskia De sortir avec précaution le vinyle de la pochette, posé l’aiguille et faire un bon Tout un catalogue provenant de la collection de cas- Ville aura également été de trois mètres en arrière à cause du son produit par la section rythmique settes d’une radio « ultra » underground a été récemment présente sur la Première de Sly et Robbie. Une claque ! À l’âge de trente ans, j’en ai un peu marre cédé au site Archive.org. Un voyage incroyable au cœur et Musiq’3 comme ani- DR du format CD, je m’achète une platine vinyle et je pars le jour même des années 80 et 90 vous y attend. C’est à Myke Dye, matrice-chroniqueuse et Serge Gainsbourg à la recherche de 33 tours dans les magasins de seconde main en me jurant le présentateur de la radio canadienne CKLN-FM (1983- a réalisé quelques sujets Aux armes et caetera que le premier disque de ma collection personnelle sera Aux armes et caetera 2011), que l’on doit ces joyaux expérimentaux, indus, culturels pour Arte. Le temps passe vite mais n’a Universal (1979, éd. vinyle) de Gainsbourg. Coup de bol, je le vois dans la vitrine d’un brocanteur indie et autres sons DIY, qui dormaient jusqu’à présent aucune prise sur l’enthousiasme de Louvain-la-Neuve. Serge a cinquante ans quand il enregistre cet album sur un site web intitulé Noise-Arch (.net). L’occasion aussi à Kingston et c’est grâce à lui que la France va découvrir le reggae. de découvrir ce site consacré à l’archivage et qui regorge de Baptiste Lalieu. Dix ans après Il comprend avant tout le monde en Occident que le reggae est une musique de pépites en tous genres. poussée par le vent de la révolution, c’est pour cette raison qu’il y reprend FRANCO- www. archive.org/details/noise-arch Vous êtes ici, son premier éclat la Marseillaise dans une version rasta qui déclenchera la polémique. Trop cool. BACK IN NADA FAUNE sous le nom de Saule (et les Un festival et Les deux agences (boo- Pleureurs), le Montois annonce Sans jouer les vieux cons, je me dis que c’était quand même une autre époque. CONCOURS king & management, un Parcours En 1992, tous les ados, à commencer par moi, pogotaient sur Killing in FESTIVAL DE son quatrième album pour cet concerts) Nada et Back the Name et Bombtrack dans leur chambre. Ce disque trustait les premières L’ancienne Biennale de la in the Dayz ont décidé places du hit-parade et ça passait sur toutes les radios entre un morceau DE L’ÉTÉ WALLONIE Chanson rebaptisée « Par- automne. Enregistré au studio Le résultat des courses d’unir leurs forces et leurs Une nouvelle directrice de Soundgarden et un autre de Pearl Jam. J’ai découvert Rage Against cours Francofaune » offre ICP de Bruxelles avec Mark Plati complémentarités. Max The Machine grâce à Fun Radio qui le diffusait dix fois par jour. un coaching / accompa- C’est Jeremy Walch, le Mac DeMarco belge, qui Meli et Anthony Consi- Isabelle Bodson, d’abord directrice du Festi- Tu t’imagines un peu ça ? Ce serait impensable aujourd’hui. gnement scénique à des (producteur de David Bowie, emporte le tremplin du Verdur Rock 2016, emboî- glio, de Back In The Dayz, val pour la partie Wallonie-Hainaut, prendra Mon plus grand regret est de n’avoir jamais vu sur scène Rage Against artistes de la Fédération tant le pas à In Lakesh en 2015 et à d’autres rejoignent ainsi l’équipe de et aussi du dernier The Machine. Le jour de leur concert de reformation au Sportpaleis d’Anvers les rênes de la Fédération des sept festivals Wallonie-Bruxelles. Ont en place chez Nada, ame- (le 2 juin 2008 - ndlr), je jouais avec Saule. That’s life... groupes aujourd’hui bien ancrés sur nos scènes que compte l’événement. On souhaite le meil- été sélectionnés cette Grandgeorge) et mixé à New-York, Rage Against nant dans leurs valises un The Machine (Alaska Gold Rush, BRNS, Robbing Millions, …). leur au directeur sortant Baudouin Muylle ! En année : Mathias Bressan, joli catalogue hip hop & ce disque devrait emmener notre Rage Against The Machine Rendez-vous donc en 2017 pour le voir à Namur Mathilde Fernandez et électro qui compte La septembre, ce sont les Festival de Liège / Nuits Sony Music (1992) Fou Detective. Ils joueront Géant vers de nouvelles cimes. (et ailleurs entretemps bien sûr). Tandis qu’au Smala, Hamza, Vald, Guts de Septembre et le Festival musical du Bra- à plusieurs reprises durant Franc’Off, c’est le duo Rive qui est lauréat cette ou au compteur. bant wallon qui tiendront le haut de l’affiche. Je n’avais entendu que du bien le Festival qui prendra ses année. Ce duo pop en français avait déjà termi- Consultez le programme ! quartiers dans divers lieux sur Mark Plati et cette réputation En 94, je suis à fond dans la scène hardcore-punk. Je joue déjà dans né à la deuxième place du concours Du F. dans www.festivaldeawallonie.be culturels de Bruxelles du des groupes. On sort au Magasin 4, à Bruxelles, on joue dans des caves, le texte cette année. Sûr, on reparlera d’eux et GLIMPS 6 au 16 octobre. Au menu s’est confirmée dès notre première des squats. Un jour, un pote débarque dans notre local de répèt avec, dit-il, dans pas longtemps car un EP est d’ores et déjà notamment pour ces trois « un disque de gonzesses » dont il est très fier. C’est Grace de Jeff Buckley. rencontre. Non seulement, annoncé pour la rentrée. Glass Museum a quant IS DOOD lauréats : Secrètes Ses- Nous quittons le local avec le CD, on fait un tour en bagnole en le mettant L’événement gantois sions au VK de Molenbeek, il maîtrise parfaitement les aspects à fond et, tout aussi punks que nous sommes, on se met tous à chialer sur à lui gagné le Tremplin du Festival de Dour : son QUELLE PLACE POUR Glimps visait à « mettre à savoir une dizaine de sa reprise de Hallelujah de Leonard Cohen à tel point que nous devons nous groove a séduit et leur a permis de se produire le techniques, mais il te stimule en vitrine » des projets créations communes aux arrêter sur le bord de la route. Avec mon groupe My Second Skin, nous 15 juillet sur une des scènes de la Plaine de la Ma- LA MUSIQUE ? belges et européens afin Dans le patrimoine immatériel de trois artistes qui présen- aussi pour sortir de ta zone sommes très vite passés d’un rock très dur à une facette beaucoup plus chine à Feu. Aux Ardentes, c’est Soul’Art qui avec de professionnaliser leurs l’Unesco teront leurs compositions pop et éthérée. Jeff Buckley et Radiohead étaient passés par là... Le chant de confort et développer de Jeff Buckley son mélange de rap et de chant multi-langues a contacts et mettre sur créées ensemble. Une ini- Grace polymorphe de Buckley m’a marqué à vie. Il était capable d’emmener sa voix décroché une place au Festival. À suivre de près ! pied une coopération au Le Courrier International s’est posé une ques- tiative originale ! nouvelles idées. En attendant Sony Music (1994) particulièrement très haut dans les aigus et d’enchaîner ensuite niveau européen. Le fes- en éructant une reprise de Kick Out. The Jams de MC5. tion sérieuse et passionnante : Que représente www.francofaune.be de découvrir le fruit de cette tival, qui se définissait la musique dans le patrimoine immatériel de également comme confé- l’humanité recensé par l’Unesco ? Et quel est collaboration, Baptiste a ressorti rence, est mort faute de rien que pour nous ce qu’il appelle J’ai découvert Miles Davis sur le tard. Je devais avoir vingt-cinq MOCHÉLAN, financement pour conti- donc le pays qui comptabilise le plus d’élé- ou vingt-six ans. Je travaillais alors à la Médiathèque de la Communauté nuer l’aventure. Plus d’infos ments musicaux recensés ? Pas la Belgique les quatre piliers de sa discothèque. française où je m’étais fait pote avec un mec qui bossait au rayon jazz. sur www.glimpsgent.be mais elle y occupe quand même une belle Si tu ne dois écouter qu’un seul album de jazz dans ta vie, c’est celui-là, m’a-t-il dit LE COURT place. La réponse est à découvrir sur le net, via LUC LORFÈVRE Merci Jacky et Michelle un jour en me tendant Kind Of Blue de Miles Davis. Aujourd’hui, Kind Of une infographie imaginée par Martin Grand- Blue et Legend de Bob Marley restent toujours mes remèdes contre le monde Simon Delecosse, aka Mochélan, très actif sur extérieur. Quand je suis bloqué à l’aéroport ou dans un embouteillage, jean (chercheur en histoire à l’Université de je mets Miles dans mon casque et rien ne peut plus m’atteindre. Le monde tous les fronts (hip hop, théâtre, édition, pho- Lausanne et porte-parole d’Humanistica) et peut s’écrouler autour de moi, je sais que si j’ai Kind Of Blue à portée d'oreille, to) explore maintenant le cinéma et livre un sa femme Céline Grandjean (musicologue) et Miles Davis je m’en sortirai toujours. En jazz, j’écoute aussi Brad Meldhau, John Coltrane court-métrage inspiré par le célèbre site porno ce, grâce aux données collectées par l’UNESCO. Kind Of Blue ou encore le Esbjörn Svensson Trio, un groupe que m’a fait découvrir français : Jacky, Michelle et moi. Toujours dans Le lien est posté sur le site du Conseil de la Mu- Sony Music (1959, éd. vinyle) le bassiste de Charlie Winston. les bons plans ce Mochélan. À découvrir. sique, www.conseildelamusique.be.

SEPTEMBRE, OCTOBRE - 2016 • LARSEN LARSEN • SEPTEMBRE, OCTOBRE - 2016 6 7

EN VRAC… EN VRAC…

ÇA BOUGE À RTL KARIM Le pôle radio est réorga- MortRIP d’un RAF FESTIVALS, LA FIN COOPÉRATION nisé. Le groupe joue aux GHARBI magazine chaises musicales et a La chanson, UneDES étude HARICOTS crispée signée ? recruté avant la rentrée CULTURELLE c’est pourtant … de la difficulté à main- Un projet pour un bon accord ? de septembre et ce, dans Christophe Goethals tenir en vie un mensuel le but de réorganiser les son truc ! culturel gratuit en 2016. Les ministres de la Culture Sven Gatz et Alda grilles, de développer la Le foisonnement de festivals de musique en Merci à Rif Raf pour toutes Greoli lancent un nouvel appel à projet pour technologie DAB+ et en La Fédération des Festivals Belgique est devenu l’un des éléments qui font ces années de passions 2017. La coopération et l’échange entre les vue du renouvellement de Chanson Francophone la réputation du pays à l’international. Leur rassemble 30 festivals et de découvertes en des licences FM en 2017. DR nombre a considérablement augmenté ces deux Communautés occupent bien sûr une (Canada, Suisse, France tous genres. Nombre de

Éric Adelbrecht prendra DR place centrale dans cet appel et chaque pro- mélomanes en musiques trente dernières années, au point que certains en charge la direction des et Belgique avec le Festival jet soumis devra compter au moins un parte- actuelles ont pu parfaire parlent d’un phénomène de « festivalisation » programmes de Bel RTL et DÉCÈS DE HARRY CLASSIC ACADEMY Francofaune et les Fran- leurs connaissances de pour caractériser cette tendance à la multipli- naire issu de chaque Communauté. Les opé- aura donc comme tâche HALBREICH cofolies de Spa). La Fédé l’actu musicale internatio- rateurs culturels qui le souhaitent peuvent première de refondre la 2016 propose chaque année cation, à la diversification et à la massification Spécialiste de la musique De la flûte et de l’accordéon nale grâce à Rif Raf et à sa introduire une proposition jusqu’au 15 octobre grille des programmes. une sélection de chansons des festivals. Un phénomène qui a profondé- moderne et contempo- gratuité. A bientôt ! 2016. Pour rappel, en 2016, 22 organisations Concernant les pro- et leurs (22) interprètes. La ment modifié le paysage culturel. Les festivals raine, le musicologue et La soirée de clôture de la Classic Academy La chan- grammes des chaînes compil s’appelle jouent dorénavant un rôle important pour l’ac- ont pu concrétiser leur initiative commune. producteur de radio Harry 2016 s’est déroulée le 21 juin dans le cadre de son, c’est pas mon truc et musicales (Contact, Mint La plateforme de coopération mise sur pied KIDS AVATARS, Halbreich est mort le 27 la Belgique y est représen- cès à la culture, au même titre que les institu- et Contact R’n’B), RTL a la Fête de la Musique. Le principe ? Chaque dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord juin à Bruxelles. Il était âgé tée par Karim Gharbi et tions culturelles permanentes. Mais depuis engagé Stéphane Gilbert, année sont sélectionnés quatre jeunes musi- LOUIS SUBFIELD, HITASURA de 85 ans. Il fut également par le groupe franco-belge quelques années, les festivals sont soumis à Culturel, examinera toutes les propositions Nouveaux labels en Fédération ex-directeur des pro- ciens parmi les meilleurs étudiants de chaque Directeur artistique du Sages comme des sau- de très fortes pressions : concurrence accrue, de projets. Wallonie-Bruxelles grammes NRJ. Il travail- conservatoire de la Fédération Wallonie- LORTIE festival de Royan de 1973 vages. À vos lecteurs ! Rigueur et lera aux côtés de Thomas crise économique et financière, diminution des www.cultuurculture.be à 1976 où il a contribué par Bruxelles (Bruxelles, Liège, Mons et l’IMEP de Simonis, nommé Music www.ffcf.fr ouverture budgets publics et, par conséquent, de cer- Kids Avatars est un tout nouveau label qui sa grande curiosité à la Namur). Ils ont l’occasion de jouer pour la pre- Manager Radios : il aura taines subventions. Du fait d’un changement proposera comme première production l’al- découverte de nombreux mière fois en solistes, avec l’Orchestre Phil- Louis Lortie est le nouveau donc la tâche de dégager bum Jazz for Kids de Manu Hermia, ici accom- jeunes compositeurs. maître en piano de la Cha- de contexte, n’assisterait-on pas à un essouf- la stratégie musicale de harmonique Royal de Liège. Cette année, la UN NOUVEAU GUIDE ! pagné par Sam Gertsmans à la contrebasse pelle Musicale Reine Élisa- flement de la fièvre festivalière en Belgique ? l’ensemble du groupe. flûtiste Sofia Gantois (23 ans, Conservatoire Pour les radios non classiques de la UGH ! beth. Fort d’une longue et par Pascal Mohy au piano. Les trois excel- Royal de Liège), l’accordéoniste Cristian Per- See You, C.U. Vers un essoufflement de la fièvre festivalière RTBF lents musiciens reprennent de grands clas- proximité avec la Cha- en Belgique, une étude de Christophe Goethals ciun (22 ans, IMEP, Namur), le guitariste Thi- pelle, il succède à Maria FOCUS SUR LA 2 En 2016, le C.U. Festival de à découvrir sur le site www.crisp.be. Suite à l’appel à candidatures lancé en avril siques de la chanson pour enfants (D’Une bault Debehogne (22 ans, Arts Mons) et le João Pires, qui avait elle- souris verte à Bonjour, tout va bien) et en live CULTURE 2015 Liège (à prononcer « See pour le poste nouvellement créé de directeur pianiste Silviu Dumitrache (23 ans, Conserva- You ») garde le même nom même pris la succession, du pôle musical radio (non classique), la RTBF leur expliquent ce que veut dire le terme « im- L’Administration générale toire Royal de Bruxelles) ont pu ainsi fouler la (quoique), le même ton (as- il y a 4 ans, à Abdel Rah- a désigné Joël Habay pour cette fonction. provisation ». Un nouveau label pour les kids : de la Culture publie son scène de la Salle Philharmonique. À l’issue de surément), le même esprit man El Bacha. Assisté par Avo Kouyoumdjian, Louis Passionné de musique, Joël Habay a débuté c’est une bonne idée. Subfield porte bien son traditionnel « Focus », tra- la soirée, deux prix ont été décernés : le « Prix (toujours) mais change… duisant la volonté d’infor- Lortie espère former ses en tant qu’animateur dans de nombreuses nom puisqu’il s’est trouvé comme vocation de l’Orchestre Philharmonique Royal de son orthographe ! Il devient de se spécialiser dans l’exploration de tous mer les citoyens, les asso- le Sioux Festival : un festival artistes de façon très ri- radios en région liégeoise avant de prendre la Liège » a été attribué à Sofia Gantois qui a in- goureuse et toujours avec les sous-genres musicaux. À l’initiative de l’in- ciations, les entreprises itinérant riche d’échanges direction des programmes de radio Nostalgie. et les institutions sur les terprété le Concerto pour flûte en ré mineur l’ouverture comme maître fatigable Geoffrey Mugwump et de !K7, le la- MUSIC, culturels et artistiques. Du Depuis 2014, il dirigeait les programmes de moyens investis dans la de Bach. Elle sera invitée à jouer en soliste 9 au 11 septembre, tout un à penser. bel ne s’intéressera pas exclusivement à ses Chérie FM. culture, tout en renfor- THE FINAL avec l’Orchestre lors de la Fête de la Musique parcours dans la Cité Ar- propres productions de Mugwump mais bien çant la visibilité du secteur 2017. Le « Prix du public » a été attribué à l’ac- dente avec An Pierlé, Cas- aussi à d’autres artistes (Front de Cadeaux, culturel. L’ouvrage pré- FRON- cordéoniste Cristian Perciun pour son inter- tus, Ébbène, Facteur Che- DR …). Enfin, on avait un peu oublié de parler sente de manière trans- prétation de l’Opale Concerto de Galliano. Il val, The Scrap Dealers, Thee FUTURS parente la mise en œuvre Marvin Gays, … Visages STRITARTY dans ces colonnes du label Hitasura créé par LaTIER… musique belge sera l’invité de la Salle Philharmonique de Un musée à ciel ouvert Frédérik Haas pour jouir d’un espace de liber- de la politique culturelle, pâles, vous savez où aller ! VLADIMIR QUATUOR DANEL tant dans ses aspects Liège pour un récital dans la série Musique à P…ain, 25 ans ! à Madagascar té qui nous permette de réaliser ce que nous en pochettes quantitatifs à travers midi. Le début de bien belles carrières ? OU rêvons de réaliser, ce que nous croyons pou- En juin, le célèbre quatuor fêtait ses 25 an- Du 3 au 12 octobre prochain aura lieu la pre- l’exposé du bilan chiffré, The Vinyl Frontier pt 2 est www.oprl.be voir réaliser, de la façon dont nous pensons que qualitatifs à travers un livre au format 33 tours ENNIO ? nées d’existence : 25 années sur les routes, mière édition du festival Stritarty à Diego- Soundtracks que cela doive être réalisé, c’est à dire en sui- l’exposé des réalisations qui retrace l’histoire de la foulant les plus prestigieuses scènes du globe. Suarez (nord de Madagascar). Ce festival est vant les voies qui nous semblent justes. Pre- et activités déployées. musique belge à travers Competition On leur souhaite le meilleur pour les 25 an- totalement dédié aux arts urbains (graffiti, ses pochettes. La sortie miers enregistrements à avoir vu le jour et à www.culture.be nées à venir. Toute leur actu sur leur site ! danse, hip hop, slam...) et est organisé par du bouquin a été accom- MORT D’UN CLUB Une chance de travailler venir : Concertos de Bach, Sonates de Scar- Le Soul Inn a rendu l’âme l’Alliance Française de Diego-Suarez et un col- pagnée d’une expo cet dans le monde du cinéma, www.quatuordanel.eu latti, … Bons vents à tous ! comme s’annonce la com- été à Ostende. De Telex On vous annonçait il y a quelques mois la fer- DR lectif de jeunes dessinateurs de la ville, D-Sa- pétition. Vous pouvez pos- ry. Un des objectifs des organisateurs est de www.manuel-hermia.com à Stromae en passant meture du « mythique » DNA (Bruxelles) et par Allez Allez ou dEUS SO LONG, TOOTS tuler dans trois catégories faire de Diego-Suarez un musée à ciel ouvert www.the-subfield.com dans la foulée sa réouverture sous le nom de www.facebook.com/hitasuraproductions (et aussi les labels qui distinctes (Classique, SONORISATION pour un véritable embellissement de la ville. Soul Inn, avec deux DJ bien connus de nos Nous apprenons la dispa- Contemporain, Frees- ont marqué l’histoire de rition de Toots Thielemans Quatre artistes belges s’y rendront, ils sont scènes bruxelloises à la bar(re) : DeejayRee- tyle) et emporter jusqu’à la musique pop belge), au moment de boucler ce & FIELD RECORDING tous portés sur les arts visuels : Parole, L’Es- le tout à travers des ar- doo et Funky Bompa. Quelques semaines plus 5.000 euros. Inscriptions La Semaine du Son résonnera en 2017 du 30 numéro de Larsen. Nous jusqu’au 25 septembre. piègle, Fred Lebbe, Caroline Vercruysse. chives, des interviews, des tard, le Soul Inn n’est plus non plus… ou de la reviendrons prochaine- janvier au 5 février. Deux concours y sont or- anecdotes, … Une édition difficulté de tenir un club dans le centre de ment sur l’influence du http://soundtracks- ganisés. L’un aura pour thème la sonorisation bilingue SVP à l’initiative Bruxelles et de son piétonnier en 2016. RIP musicien, lui qui a marqué competition.weebly. d’un film muet (Saïda a enlevé Manneken Pis). de Red Bull Elektropedia. donc. Mais tel le phénix, la salle revivra-t-elle ? définitivement la mu- com Dans toutes les bonnes L’autre se penchera sur le field recording avec Affaire à suivre… sique. Don't you cry, don't les sons de Bruxelles. Deadlines, règlement et librairies ! you fret, You can bet one lucky day you'll waken… infos sur www.lasemaineduson.be

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ENTRETIEN ENTRETIEN

« Si vous continuez comme ça, vous allez devenir un groupe énorme ! »

Vous « produisez » tellement au point d’être de disques qu’on aimait bien (Animal Col- déjà dans le prochain album ? lective, Deerhunter, Jaakko Eino Kalevi, … - L.F. : Quand on a fini de mixer cet album, ndlr). En tout cas, il a répondu assez vite on a aussi fait une pause avec les concerts, parmi ceux dont on avait fait une petite et je me suis retrouvé avec pas mal de temps liste. Du coup, on est allé là-bas deux se- ous êtes arrivés en 2013 avec devant moi. Pour ma santé mentale, il faut maines. C’était souvent moi qui étais assis Ages & Sun, l’EP suivant, Lonely que je me sente productif. J’ai tendance à dans le studio pendant qu’il mixait, et de Carnivore, est sorti en 2014 : me dire qu’une bonne journée, c’est une temps en temps les autres passaient. Ça a l’album vous aura finalement journée où j’ai au moins enregistré un petit duré deux fois cinq jours. Mais l’album a été pris pas mal de temps ! bout de quelque chose. Donc le temps passe enregistré et produit par nous ici. Lucien Fraipont : C’est juste et les morceaux s’accumulent. J’ai aussi tou- parce qu’il est difficile de mettre en place un jours des réactions. Par rapport à cet album Il fut un temps où, pour un groupe belge, al- équilibre de groupe. Les membres ont pas qui va sortir. Je l’aime beaucoup mais il y a ler travailler aux États-Unis relevait du mi- Vmal changé, et puis il a fallu trouver une vraie dessus des trucs par rapport auxquels j’ai racle, alors qu’aujourd’hui, on a l’impres- manière d’avancer, de travailler, ce qui n’est aussi envie de prendre un contrepied… sion que c’est d’une facilité ! pas simple quand ça tourne autour de tes L.F. : C’est vrai qu’en Belgique, il y a plus de compos et qu’il faut tous essayer de se mettre Sur cet album, votre « pop psyché un peu gens qu’on ne pense qui le font. En même dessus. Je pense que pour les prochains al- barrée » est toujours bien là, mais le son a temps, une fois au bout des dix jours, j’ai en- bums, on aura déjà une méthode plus rôdée. changé… Les gens qui vous connaissent des core pu faire des retouches via des contacts deux EP’s et des concerts vont être surpris ? par mail. Et il n’y a pas la même proximité Vous avez travaillé comment jusqu’ici ? Ou rassurés ? que si on avait travaillé avec quelqu’un à L.F. : Le premier EP, c’était moi seul. En- G.R. : Je pense qu’on a plus une image définie Bruxelles. Pour le prochain, je préférerais © Tina Herbots suite, Jakob (Warmenbol, batterie - ndlr) et en live qu’en enregistrement. Les gens ne travailler avec quelqu’un qu’on connaît bien, Gaspard (Ryelandt, guitare - ndlr) sont venus savent pas encore de quoi on est fait véritable- laisser mûrir des mixes, le temps de faire à la maison enregistrer des trucs. Pour le ment, et jusqu’où on peut aller en enregistre- des essais, en discuter avec lui dans un bar. deuxième, on est allé dans un studio, mais ment. Là, on a franchi une nouvelle étape. G.R. : Même si on s’est très bien entendu avec on était limité par le budget et donc, le L.F. : Je pense qu’on est dans une continuité notre mixeur, la proximité est une valeur temps. Ici, j’ai écrit des morceaux chez moi, qui est assez logique pour nous. Après, je ne ajoutée. À New York, on a été jouer plusieurs on a enregistré dans un studio avec Daniel sais pas, on va voir. concerts. Et quand en même temps, il faut as- (Bleikolm- ndlr), notre claviériste qui faisait sumer le mixage de l’album, c’est d’office se un peu ingé-son. Une fois qu’on a eu une Intituler ce disque Robbing Millions, c’est mettre dans une situation qui n’est pas confor- grosse base de live pour chaque morceau, assez… minimaliste ! table. j’ai repris les trucs et continué à bosser chez L.F. : Ça me semblait être un bon statement. moi pendant un bon moment. Il y avait un C’est un premier album, c’est nous, salut, Comment le public américain reçoit-il un Robbing choix à faire parce qu’on avait enregistré 16 on s’appelle comme ça. Et puis, il n’y avait groupe belge qui débarque comme ça ? Par titres. Et chacun revenait avec ses commen- pas trop la place sur la pochette… de la curiosité ? taires. Du coup, ça a duré, cette période de L.F. : Ben, quand il y avait des gens ! Sur les chipotage à la maison avant le mix. Un mot sur l’artwork ? huit concerts, il y en avait bien trois où il n’y G.R. : C’est de la 3D, par un artiste qui s’ap- avait quasi personne. On a fait des concerts Millions C’est la constante chez vous, ce « do it your- pelle Monsieur Pimpant et qui modélise des juste pour notre manager ! self » ? œuvres. Je le connais un peu. J’avais vu ce L.F. : Oui, je pense qu’on va garder ça dans dessin sur sa page Facebook, et j’ai trouvé Sérieux ? la recette. que ça allait très bien pour faire la pochette. L.F. : Oui ! On a joué dans un festival où il SALUT, C’EST NOUS ! Gaspard Ryelandt : Tout en se modernisant. Peut-être qu’on travaillera avec lui sur du devait y avoir quinze groupes dans chaque En 2013, quand ils sont montés sur la scène des Ardentes, les cinq Bruxellois Enfin, toi tu évolues vachement, je pense ! merchandising… bar… Mis à part ces concerts-là, là où il y Je fais toujours des maquettes des mor- avait du public, les gens étaient vraiment n’avaient encore que peu d’expérience du live. Et peu d’expérience de groupe L.F. : ceaux chez moi. Quand j’ai commencé Rob- Une partie du disque a été concoctée aux enthousiastes. aussi, d’ailleurs. Ça a démarré vite, et puis, ça a… stagné, s’amuse aujourd’hui bing Millions, c’était la première fois que je États-Unis. G.R. : C’était tellement extrême que ça re- Lucien Fraipont, le guitariste et chanteur. Plus sérieusement : après trois ans, travaillais comme ça, et du coup, j’ai acquis des L.F. : En fait, tout le disque a été concocté met les idées en place. Même dans les réflexes qui font que je vais plus vite. L’album ici, et tous les morceaux de l’album sauf le concerts où il n’y avait vraiment personne, deux EP’s et un paquet de concerts, voilà enfin le premier album… sort, mais je suis déjà le nez dans celui qui va premier ont été mixés à New York. On a on se donnait à fond la caisse, je me rou- suivre. Et je me pose un peu la question de sa- contacté un gars (Nicolas Vernhes - ndlr) dont lais par terre… Un soir, la serveuse du bar DIDIER STIERS voir comment on va faire sur le prochain. le nom se retrouvait sur plein de pochettes vient me voir et me dit : Les gars, si vous

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ENTRETIEN RENCONTRE

continuez comme ça, vous allez devenir un RENCONTRE POP groupe énorme ! Ça fait plaisir, parce que tu arrives à le faire juste pour le faire. Une performance toujours incarnée, quoi ! Mais ça fait aussi mûrir : tu peux ensuite faire Joy as a Toy n’importe quel concert dans n’importe quelle condition ! LÀ-HAUT L.F. : Le week-end passé (le dernier week- end de juillet - ndlr), on a joué en Angleterre, Longtemps perçus comme de tendres hurluberlus, deux concerts le même jour. On est arrivé les musiciens de Joy as a Toy se détachent des quasi en retard pour le premier, dans un festival genre foire aux cochons (ils rigolent films d’horreur, du « vampire rock » et de tout ce qui - ndlr). Ce n’était pas très agréable. Le soir, fait un peu peur (des improvisations free-jazz aux on jouait dans un club (le Old Blue Last à Londres - ndlr), et là c’était génial. Je suis démonstrations prog-rock) pour se concentrer sur

quand même sensible aux bons et aux DR l’enregistrement d’un disque fascinant. Mourning mauvais concerts, ça peut vite me mettre Joy as a Toy Mountains est un sommet ensoleillé, un pic à mal ou vraiment bien. Mourning Mountains Humpty Dumpty/[PIAS] escalader sans corde ni mousqueton. Juste pour Y a-t-il un moment où le projet Robbing Mil- le sport, l’ivresse, la satisfaction d’apercevoir de lions a pris toute sa consistance, pour vous ? nouveaux horizons et d’écouter de belles chansons : L.F. : Depuis le début, j’ai l’impression qu’on a quelque chose. Après, je me dis parfois u moment où l’on retrouve le des harmonies vertigineuses et quelques mélodies à en écoutant un nouveau morceau que j’ai bassiste et chanteur Gilles siffler en altitude. Histoire de prendre de la hauteur. fait que c’est cool, ou que c’est la direction Mortio, il s’affaire dans un stu- à prendre, et puis en général, une semaine dio bruxellois situé à deux pas NICOLAS ALSTEEN plus tard, je dis la même chose d’un truc de la rue du Trône. Au taquet, qui est assez différent. Donc non, c’est en le musicien peaufine les der- évolution perpétuelle. Je n’ai pas vraiment niers détails du troisième album de Joy as eu d’épiphanie, au point de me dire : Allé- a Toy. Souvent annoncé, régulièrement re- ment Nourry et Gilles Mortio prennent la trop et les guitares s’expriment sans débor- luia, on a trouvé notre son, faisons la même Aporté, l’objet surgit enfin dans l’actualité. route d’Anvers en vue de bosser avec Pascal dement, en harmonie. Revigoré, en état de chose pendant 20 ans ! Pour l’inspiration, en Pour gravir les chansons de Mourning Deweze (ex-Metal Molly, Gruppo di Pawlows- grâce, le groupe bruxellois s’approprie la mé- général j’écoute quelque chose, j’essaie de Mountains et graver une œuvre à la hauteur ki). Il a produit d’excellents groupes belges (Bed lancolie bucolique des Kings of Convenience faire « un peu comme ça », et d’habitude je de ses ambitions, le groupe s’est imposé une Rugs, The Germans ou Creature With The (The Satisfaction Key) ou les belles escapades rate. Ça donne un truc pas terrible, suivi ascension compliquée : une montée escar- Atom Brain - ndlr). Pascal nous semblait en épiques de Grizzly Bear (Cowboy Mode). Sur par une partie chouette, et c’est ce que j’es- pée, riche en rebondissements. Avec ce mesure de faire avancer le projet. Mais, très vite, Ghost Train, les riffs s’échappent même en saie de garder. Tout reste assez instinctif, disque, on a tout remis en question, résume le il a mis le doigt sur nos défauts : des choses que Afrique de l’Ouest, galopant sur des sentiers pas très réfléchi, c’est du tâtonnement. chanteur en arrosant une plante totalement nous savions déjà avant de pénétrer dans son de terres rouges tracés à même la savane. G.R. : Je crois que l’important, c’est de savoir déshydratée. Sorti en 2012, le précédent studio. Par le passé, Joy as a Toy s’est souvent Cette fois, on ne s’est fixé aucune limite. Il nous distinguer, dans ce qu’on fait, à quel mo- Dead as a Dodo invitait le rock progressif à compliqué la vie, édifiant des architectures éla- est d’ailleurs arrivé d’enregistrer dix versions ment c’est bien. gesticuler sur une bande-son fantastique. À borées, des chansons virtuoses et vertueuses. Le d’un seul et même morceau. Pour nous, tout est

© Tina Herbots l’époque, nous avions répondu à une invitation problème, c’est que ça n’impressionnait per- bon à prendre. On ne cherche jamais à coller une Aujourd’hui, qu’est-ce qui vous touche, mu- lancée par le BIFF (Festival International du sonne. Nos propositions étaient alambiquées et, étiquette sur notre son. Dans Joy as a Toy, tous sicalement ? Film Fantastique de Bruxelles - ndlr). L’idée, au final, on passait à côté de l’essentiel. Cette fois, les musiciens viennent du jazz. À travers nos Un peu de tout. Via YouTube, des c’était d’écrire des morceaux inspirés par le ci- nous avons simplifié la donne, en essayant d’al- chansons, nous essayons sans doute de retrou- G.R. : Sortir un album à une époque où la consom- Robbing Millions vieilleries, des choses passées inaperçues mation de musique privilégie surtout le for- Robbing Millions néma de Dario Argento ou George A. Romero : ler directement au cœur du morceau, sans re- ver la force originelle d’un genre qui doit beau- en leur temps et qui remontent à la surface. mat court, c’est aussi un statement ! [PIAS] Recordings Belgium des films d’horreur dont la musique a été com- fouler les mélodies. Imaginé tel un kaléidos- coup à l’improvisation et à la liberté d’expres- En ce moment, j’écoute pas mal de musique L.F. : Je pense que c’est plus pertinent sur la posée par le groupe italien Goblin. Nous ne cope réfléchissant les facettes d’une pop sion. Depuis quelques mois, le trio s’est de jeux vidéo, des trucs japonais, beaucoup scène dj, dans la musique électronique, la sommes pas fans de ce genre de truc, mais le multicolore, le nouveau Mourning Mountains métamorphosé en quatuor. Le truc, c’est que d’ambient et des instrumentaux. musique à tubes… Pour un groupe comme défi nous excitait.Imaginé dans le prolonge- rassemble huit points culminants sous un nous avons toujours composé des morceaux pour L.F. : Là j’écoute des trucs brésiliens, Chico le nôtre, et on nous l’a déjà dit chez [PIAS], ment de cette expérience cinématogra- titre qui, traduit littéralement, signifie « les soixante musiciens. Alors que nous étions trois. Buarque que Gaspard m’a envoyé. Je me le fait d’avoir un album est quand même im- phique, Dead as a Dodo impose un son puis- Montagnes du Deuil »... Si les paroles sont par- C’est pour ça que nous avons engagé les dix suis fait une semaine brésilienne en es- portant, que la couverture médiatique est sant, des refrains de série B et une chasse fois douloureuses, nous avons toujours veillé à doigts d’une musicienne supplémentaire. C’est sayant de découvrir des trucs que je ne alors plus conséquente, que ça va nous ou- aux zombies sans véritable chanson. Soit soigner l’habillage musical. Ici, nous ne sommes assez schématique, mais ça explique bien pour- connaissais pas et au final, quand j’ai réé- vrir d’autres portes notamment dans cer- un album intriguant, mais jamais renver- jamais dans la complainte, souligne Gilles quoi nous avons fait appel à Alice Perret. Une couté ce que je préférais de ce que j’ai trou- tains festivals. Mais chez moi, l’envie de sant. Massacrée (à la tronçonneuse), cette Mortio. Jouant intelligemment sur les violoniste aux claviers, des idées décalées to- vé sur YouTube, c’était des trucs que je faire un album est là depuis le début. On a production a néanmoins le mérite de jeter contrastes, Joy as a Toy injecte effectivement talement recadrées, décidemment, Joy as a connaissais déjà (il rit - ndlr). Le matin, j’ai quand même grandi en écoutant des al- les dés du changement… un maximum de couleurs dans un monde Toy ne fait rien comme les autres. Une rai- ma tasse de café, et je vais sur Facebook où bums, et dans mon ADN, c’est une étape qui, trop souvent, broie du noir à force de res- son de plus pour les aimer différement. il y a toujours un ou deux potes qui ont mis obligée. Enfin, c’est juste normal. SE METTRE EN QUATRE sasser des sujets d’actualité en crise, en des trucs chouettes, que j’écoute et qui G.R. : Une chanson qui marche, ça passe, Début 2014, Joy as a Toy relance la machine. berne ou ensanglantés. Sur Mourning Moun- m’emmènent vers autre chose. Ça fait une mais un bon album, ça reste. C’est ça le défi, Le batteur Jean-Philippe De Gheest (colla- tains, les voix sont parfaitement posées. La espèce de patchwork assez éclaté. je pense. C’est la classe ! www.facebook.com/robbingmillions borateur de Mark Lanegan), le guitariste Clé- batterie ne tente plus le geste technique de www.joyasatoy.com

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RENCONTRE RENCONTRE

RENCONTRE ROCK EXPÉRIMENTAL RENCONTRE ROCK Clément Nourry La Jungle RIFIFI SOUS LES RÉCIFS RETOUR À L’ÉTAT SAUVAGE Cheville ouvrière du groupe Joy as a Toy, musicien attitré Après l’excitation suscitée par un premier disque tribal et trippant, de Nicolas Michaux, le guitariste Clément Nourry profite de la rentrée les deux Montois de La Jungle explorent de nouvelles parcelles pour s’échapper en solitaire. Le temps d’un disque instrumental sonores : des terres à défricher en serrant les dents, des terrains et introspectif, l’homme à lunettes accorde la beauté (du geste) à cultiver autrement mais, toujours, avec les mêmes instruments à ses envies de liberté (improvisée). Entre vague à l’âme et plages (une guitare électrique, une batterie épileptique). Increvable, ensoleillées, mélodie et mélancolie, l’album Under The Reefs traverse hyperkinétique, le deuxième album du duo promet des transes sans la ligne de flottaison qui sépare le jazz du rock. Sans fausse note. fin et quelques nuits sans lendemain. Sauvage, dansant, suave et

NICOLAS ALSTEEN toxique. Kraut, math ou noise : le rock de La Jungle fait la loi. NICOLAS ALSTEEN DR © Chapa Art Prod Clément Nourry La Jungle Under The Reefs La Jungle Cheap Satanism Records Rockerill Records/Black Basset Records

oda à la main, fine moustache Quelques jours avant le bug de l’an 2000, trouve aujourd’hui au cœur de l’album Un- ne guitare, une batterie. La for- instrumentale sans chichi : une musique do- Jungle s’est matérialisé entre le Rockerill, le sous le nez, Clément Nourry Clément Nourry traverse la frontière et der The Reefs, disque instrumental qui ho- mule est rudimentaire, connue, pée par des riffs répétitifs et d’impression- Vecteur et les studios de Steve Dujacquier, ressasse le fil de sa vie dans un s’inscrit à un stage de jazz, à Namur. Dans nore l’esprit des grands aventuriers de la six éprouvée mais pas encore épui- nantes éruptions de percussions. Dans ses in- metteur en son féru d’ovnis wallons (on le re- café portugais. Pour l’heure, la foulée, il réussit l’examen d’entrée du cordes. De John Fahey à Atahualpa Yupan- sée. Du côté de Mons, La Jungle tentions, La Jungle recalcule la trajectoire trouve, notamment, à l’œuvre en compagnie tout est calme. Au moment de Conservatoire de Bruxelles. Cette ville m’a qui, de Bert Jansch à John Frusciante. En- l’exploite comme si c’était la math-rock établie par Battles et détale à pieds du groupe carolo-italiano-gigolo Spagguetta notre rencontre avec le guita- métamorphosé. À Lille, je ne côtoyais pas les registré par l’ami Nicolas Michaux, emballé dernière fois. Sous ce nom de nus sur les charbons noise-rock de Lightning Orghasmmond). Pour ce deuxième album, riste bruxellois, l’équipe de Ronaldo n’a pas milieux alternatifs. En Belgique, tout est pos- sous une pochette imaginée par Antoine Bo- scène verdoyant se cachent deux musiciens Bolt. Parfois, la paire hypnotise aussi le krau- nous voulions emmener notre musique ailleurs, encore soulevé sa coupe d’Europe. Et la sible. Ici, il n’y a pas cette culture de l’élitisme nan (Great Mountain Fire), le disque dévoile en manque de sensations fortes. À gauche, trock comme un charmeur de serpent en- détaille Matthieu Flasse. Un objectif atteint SFrance, pleine d’espoir, n’a toujours pas propre à la France. L’excellence n’est pas une ses charmes introspectifs comme autant de Uil y a la barbe rousse du batteur Rémy Ve- voûte sa bestiole. Et puis, à la façon des Japo- haut la main. En cinq titres, La Jungle fa- perdu sa finale.Moi, j’ai grandi à Lille, dé- nécessité préalable pour s’engager dans une vagues roulant au large des sentiments. Il y nant, jamais aperçu auparavant. À droite, on naises de Nisennenmondai, les Montois çonne en effet une fresque électrique en taille l’artiste entre deux gorgées de limo- voie. J’ai donc commencé à fréquenter le a tout un imaginaire sous-marin dans ce trouve Mathieu Flasse. Ce dernier a connu débitent du post-rock sur le dancefloor. De trompe-l’œil. Un impressionnant mur du son nade. À l’école, j’étais dans une section à Beursschouwburg, les musiciens d’Orange disque. En disant ça, je pense davantage à un une autre vie avant de s’aventurer dans La quoi gesticuler en agitant les cheveux. Bref, qui semble profilé pour jouer à cache-cache horaires aménagés. Moitié musique, moitié Kazoo, les soirées dans les squats... En 2006, naufrage qu’à la vie aquatique. L’album a été Jungle. D’abord au sein du groupe The Dan- Rémy Venant et Mathieu Flasse balancent avec l’électro. Pourtant, tout a été réalisé avec la enseignement traditionnel. C’est comme ça fraîchement diplômé, Clément Nourry bri- composé après une rupture sentimentale. cing Naked Ladies, ensuite en compagnie de du lourd, du gros son : une matière incandes- guitare, annonce fièrement le musicien. Pour que j’ai appris à jouer du cor et de la flûte à bec. cole un premier album solo. J’avais envie C’était une époque de changement. J’avais l’im- Petula Clarck. Être à deux, ce n’est pas une cente qui brûle ses calories dans la transe. son comparse, ça ne fait d’ailleurs aucun Mais j’étais un cancre. L’approche académique de m’éloigner du jazz, d’enregistrer un truc pression de sombrer. Mais je me rattachais à la déclaration d’intention ou un plan de carrière, doute : l’essence du projet reste le rock. ne me convenait pas. C’est grâce à mon beau- plus sauvage. Pour moi, ce style musical tra- musique. Je continuais d’en faire, seul, dans ma explique-t-il. On aurait très bien pu se retrou- COCOTIER, PASTÈQUE ET GUILLOTINE père que j’ai posé les doigts sur une guitare duit l’expression d’une ébullition sociale. Sauf chambre. Comme à mes débuts. Chaque mor- ver à trois. C’est juste que nous n’avons pas trou- Enregistré au studio Koko en compagnie de Pour la deuxième fois de son histoire, le pour la première fois. J’ai appris à gratouiller qu’en s’institutionnalisant, le jazz s’est « nor- ceau est traversé par l’idée de mouvement. En vé la bonne personne pour nous suivre au mo- l’ingé-son John Roo, le premier album de La groupe publie un album sans titre. L’objet vers 16 ans, en essayant de reproduire des malisé ». Il est devenu moins palpitant. Son composant, j’imaginais un scaphandrier mar- ment où nous avons commencé. Je ne suis pas Jungle sort du bois en janvier 2015. Au départ, déambule ainsi dans son plus simple appa- chansons chipées dans la discothèque fami- disque gravé en poche, le musicien s’élance chant au fond de l’océan. Je me raccrochais à contraire à l’idée de m’investir avec d’autres mu- rien n’était réfléchi, expose le batteur. Nous reil, sous l’enseigne « La Jungle ». Ça ne nous liale: AC/DC, Queen, Lou Reed. Que des trucs à l’arrache sur les routes européennes. Là, cette image. C’est pour cette raison que l’album siciens. Mais uniquement des locomotives, pas avons simplement publié ce disque pour le vendre semblait pas naturel de lui trouver un nom. qui marchaient moyennement sur des cordes je suis tombé dans des bars à moitié vides avec s’intitule Under The Reefs. C’est un jeu de des wagons. Tirer des gens en répétition ou les à la sortie des concerts. Depuis, La Jungle flirte Dans le doute, on n’en a pas mis. On aime pen- en nylon. Mais bon, j’ai fait mon chemin avec des gens que ça intéressait moyennement. mots qui relie mon état d’esprit à la guitare. Ce pousser dans le dos pour monter sur scène, je ne gentiment avec la barre des 150 prestations. ser que le public fera une distinction sur base de ça, en autodidacte. À l’époque, je passais l’es- Mais bon, ils étaient là. Et moi, j’étais mort de disque, c’est tout ce qui se passe sous les riffs. Il suis plus prêt à le faire. J’ai donné. Sur scène, la performance du duo tient de l’ex- la pochette.Cette fois, plus l’ombre d’un coco- sentiel de mon temps seul, isolé dans ma trouille. Cette expérience m’a marqué à vie. y a des polyphonies, un désir d’harmonie, une ploit olympique : un show robotique, maîtri- tier enlacé sur l’emballage. À la place, une chambre. Je m’inventais des histoires. Je C’était l’épreuve du feu. certaine idée de la transe. Jeune papa, Clé- La Jungle voit le jour en juin 2013 dans la Cité sé, électrique et exaltant. À force de concerts guillotine se charge d’exécuter quelques pas- m’imaginais sur scène avec mon instrument. ment Nourry n’arrête plus de célébrer les du Doudou. On s’était rencontrés quelques mois renversants, La Jungle s’est fait un nom. Une tèques. C’est l’œuvre de Gideon Chase, un Dans la réalité, Clément Nourry atterrit à SCAPHANDRIER ET GUITARE EN APNÉE naissances. Entre son album solo et l’arrivée plus tôt en s’impliquant dans le collectif Déwane. solide réputation. Du coup, certains attendent peintre et illustrateur californien. C’est lui qui l’Université de Lille 1, option math-phy- De retour à Bruxelles, le guitariste s’im- annoncée d’un nouveau disque de Joy as a L’idée, c’était d’organiser des concerts à Mons et, notre deuxième album au tournant. Cela dit, on avait réalisé l’iconographie du premier. On sique. Plus j’avançais, moins j’allais aux plique au sein de Joy as a Toy, formation Toy, le garçon mérite de capter l’attention. éventuellement, de mettre un petit label en place. n’a rien précipité ou forcé à cause de la pression. cherche à relier nos disques via les visuels. C’est cours. C’est comme ça que j’ai envisagé la pos- pop-rock ouverte à toutes les possibilités. De- Et de recevoir d’innombrables félicitations. Depuis sa création, l’association a publié cinq Pour la bonne et simple raison que nous avions cohérent. De bout en bout. sibilité de vivre de la musique. Pour être hon- puis 2009, je compose pour le groupe. Certains disques et organisé une cinquantaine de spec- déjà composé la suite. À l’été 2015, le disque était nête, je me suis intéressé au jazz pour me cas- morceaux ne collent pas toujours avec l’esthé- tacles dans des lieux alternatifs de la ville : plié. Il fallait juste trouver le temps de l’enregis- ser de chez moi. Aux yeux de mes parents, le tique du projet. Au fil des années, j’ai donc mis cafés, clubs et autres endroits insolites. Dans trer... Échafaudé en mode nomade sur les Conservatoire était une institution respectable. pas mal de choses de côté. Cette matière se re- www.soundcloud.com/clement-nourry le même temps, le duo élabore une recette terres du Pays Noir, le nouvel essai de La www.lajungle.bandcamp.com

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RENCONTRE URBAIN lors d’une résidence d’été. Il y a deux ans, RENCONTRE URBAIN j’ai fait la connaissance de Sofiane(Pamart - ndlr), un pianiste lillois. On a d’abord travail- lé sur de nouvelles compos piano/voix, puis on Scylla a fait appel à un collectif de beatmakers pari- Isha siens (Soulchildren - ndlr) pour imprimer LA COURSE DE FOND du rythme à tout cela. En ce moment, je bosse LE PREMIER JOUR aussi avec un producteur nommé Cello, Suisse Fine lame et espoir du rap belge d’antan, cette fois. DU RESTE DE LA VIE mais dont les moins de 20 ans se rappellent RETOUR DE PLUME Vétéran de la scène hip-hop certainement, Scylla disparaissait des radars en 2012. De ses rencontres devraient découler un bruxelloise, Psmaker donne une Après s’être révélé à la barre d’Opak, et avoir tenté premier projet, plutôt orienté rap, que Scyl- la espère pouvoir encore sortir cette année. autre impulsion à sa carrière une carrière solo pas assez couronnée de succès, celui Un second du même format est également en endossant le veston d’Isha. que d’aucuns surnommaient « l’ogre à la voix d’ange » en phase de gestation. Un troisième en Un changement d’identité pour un – l’inverse eut aussi été vrai – a fait un pas de côté. mode piano/voix avec le sieur Pamart pré- cité est aussi en préparation. Enfin, il tournant esthétique : une embardée Aujourd’hui, il prépare son retour, doucement mais évoque un ultime duo, dont il restera dis- DR sans frein à main, avec Veence très sûrement. Et nous dévoilait il y a peu ses plans. cret pour l’instant sur la seconde moitié. Isha Hanao dans le rôle du copilote. Que ceux à qui il a manqué se réjouissent, La Vie Augmente A.R.E. Music NICOLAS CAPART © Andy Sabhki la caboche du Bruxellois fourmille de pro- Mieux qu’un retour aux affaires, jets. Ce serait dommage de faire monter la la mixtape La Vie Augmente sauce et de revenir trois ans plus tard quand elle sera retombée. J’ai créé beaucoup ces der- ’ordinaire, Isha Pilipili est em- marque un nouveau départ. niers temps, il y a de la réserve ! Et de la res- ployé au Samusocial, un dispo- NICOLAS ALSTEEN source, à n’en pas douter. sitif urbain de lutte contre l’ex- uillet 2016. Scylla a 30 ans, tou- jeunes de Forest, y lâche ses premières PASSAGE À NIVEAU clusion. Un jour, une copine m’a jours la même carrure, toujours rimes. Il se met donc progressivement au Connu et reconnu au plat pays, le emcee Reste à savoir si Scylla peut à nouveau pe- proposé de faire un essai. C’était la même allure, une famille, un rap, à la toute fin des années nonante, avec part alors à l’assaut de l’Hexagone. J’ai été ser sur une scène rap noir-jaune-rouge qui, l’hiver. Il neigeait. À mon arrivée, plus le bon feeling. À l’époque, j’étais dans le creux boulot et une solide réputation son pote Abdelilah. Gilles devient Scylla contacté par plusieurs labels et majors qui sou- si elle a le vent en poupe, semble en ce mo- je me suis retrouvé face à une grille derrière la- de la vague. Et puis, grâce à des amis, j’ai pris qui le précède dans les couloirs du à cette époque-là. C’est le nom d’une haitaient travailler avec moi en France. Après ment assez embouteillée. Car, sur la planète quelle attendaient des centaines d’individus. Ils conscience de mes qualités. Métamorphosé, rap francophone. Respecté par les nymphe, dans la mythologie grecque, qui discussions, j’ai tout refusé. Ce qu’on me propo- hip hop, les choses changent toujours plus Détaient là, dans le froid, plein d’espoir. Ça m’a re- l’artiste revient aujourd’hui sous le nom nouveaux qui l’ont connu à leurs débuts, et fut changée en monstre marin par Circé. sait ne me convenait pas, je n’avais pas l’im- vite, et parce qu’en trois ans les courants se tourné. D’un coup, je m’en suis voulu de m’être d’Isha. Désormais, je peux compter sur le sou- toujours apprécié des anciens parmi les- Un monstre qui selon la légende ferait pression que j’allais m’épanouir dans ce cadre- sont fortement précipités. Entre trap, auto- plaint toute ma vie. J’ai compris ma chance : je tien d’un encadrement professionnel : une équipe Jquels il a évolué un temps. Chez les pre- échouer les bateaux dans le détroit de Mes- là. La transformation du côté artistique en tune et effacement des frontières qui de- pouvais être utile à la société. J’ai longtemps bos- qui gère mes contrats, les relations médias et miers comme chez les seconds, son nom sine, du côté des Pouilles en Italie. Or il s’agit stratégie marketing, c’est un processus normal, meurent entre sonorités mainstream et sé avec des SDF. Aujourd’hui, l’actu m’amène à autres contacts avec les labels. Dans ce dévelop- restera dans les annales pour avoir signé d’un rocher en réalité. J’aimais cette symbo- mais je ne m’y retrouvais pas. Scylla déchante frange indé, avec quelles armes et marge de prendre en charge les réfugiés syriens, irakiens pement, Psmaker n’était pas un nom de scène L’hymne hip hop de la capitale : BX Vibes. lique, elle me correspondait. Je prends énor- rapidement. À l’époque, on me sortait des trucs manœuvre un ancien comme «Scylla» peut- et afghans. Depuis toujours, j’aime aider les gens. pertinent. Pas vraiment lisible, pas forcément Brûlot rap toujours incandescent mis à feu mément sur moi, j’amortis les chocs, j’inté- comme va arrêter, on va te placer dans il (man)œuvrer ? La réponse de l'intéressé Je m’occupe mieux des autres que de moi-même... évident à prononcer. J’ai choisi de continuer sous en 2009. Le premier uppercut fédérateur riorise beaucoup. C’est la force et le calme du toutes ses premières parties, comme ça tu est rapide et le ton confiant. Je veux livrer du Un engagement social sans faille qui ne mon propre prénom plutôt que de semer la confu- d’une scène dont les bourgeons sont plus rocher. Mais quand je rappe, j’explose, ma na- prends la relève. Genre le nouveau rappeur contenu, sans être moralisateur. Et garder mon transparaît pas nécessairement à l’écoute de sion dans l’esprit du public. Dans les coulisses que jamais en fleur. ture ressort, c’est le tourbillon... On passe sou- blanc pas content. Et on dira plus tard que esprit de nuances, ce qui forcément rend mon La Vie Augmente, mixtape portée par une de La Vie Augmente, il y a des histoires de fa- dain de la fragilité à la brutalité. t’es Belge, pas tout de suite... Alors que moi, message plus complexe. Mais là-dessus je ne poésie sombre, des textes abrupts et un flow mille, de l’amitié, des coups durs. Du vécu. SCYLLAVIE j’arrivais avec BX Vibes ! En 2016, la donne a ferai pas de concessions. Il y a pas mal de rodé sur les trottoirs du quartier. Le rap Mon oncle Dieudonné Mweze Ngangura a réa- Gilles, de son prénom, a grandi du côté de Plus tard, Scylla intègre à la bande son bien changé. Le plat pays est sur la carte du monde en effet, beaucoup de talent aussi... Mais conscient et les trips humanitaires, ce n’est pas lisé La vie est belle, un petit classique du ciné- Stalle. C’est sa mère, au chômage et céli- pote de quartier Karib. Les deux jeunes hip hop désormais. Damso et Roméo Elvis beaucoup d’attention accordée à la forme, et pas mon truc. Pour moi, le rap et la philanthropie ma congolais qui met, notamment, en scène le bataire, qui l’a élevé avec des revenus des rappeurs en herbe vont prendre l’habi- célèbrent à leur tour leur amour de tellement au fond finalement. Je crois qu’il y a sont deux choses différentes. Si je veux aider chanteur Papa Wemba. Le titre de la mixtape plus modestes... Mais avec beaucoup d’at- tude de poser sur les sons de DJ Alien. Bruxelles – avec respectivement Bruxelles encore de la place pour du fond quelqu’un, je vais le faire au quotidien. Via des vient d’une phrase du film. J’entretiens une rela- tention et de chaleur humaine... Elle a tenté Chez lui, ils croiseront L’Ab7 et Masta Pi. Vie et Bruxelles arrive. Et chacun reven- gestes et des mots, mais pas dans mes morceaux. tion particulière avec mon oncle. C’est une façon de me donner la meilleure éducation pos- Les prémisses d’Opak se dessinent ainsi. dique sa belgitude à renforts de rimes. Se dire rappeur engagé, ça relève de la posture. de le remercier pour tout ce qu’il a fait pour moi. sible. C’était quelqu’un de très sain, ma mère. Ainsi constitué, le collectif publiera deux Sans imposture, Isha plante une plume affû- L’autre ange gardien d’Isha s’appelle Veence Avec des valeurs, une bonne hygiène de vie, albums coup sur coup, L’arme à l’oeil en Scylla plie mais ne rompt pas. Devient le tée dans l’encre noire. Derrière le micro, ses Hanao. Je lui serrais la main depuis quinze ans quelqu’un d’exemplaire. Elle a tout sacrifié 2004 et Dénominateur Commun en 2006. premier rappeur belge francophone à rem- mots défilent. Entre légèreté et profondeur, sans vraiment le connaître. Au final, nous par- pour moi. Ça m’a appris à me battre, à ne pas À sa barre, Scylla crève l’écran. Cette an- plir seul la grande salle de l’AB (en 2013), souvenirs d’enfance et vie d’adulte. Ici, l’am- tageons de nombreux points communs. Quand être capricieux. Le jeune garçon fait son née là, il gagne le concours IV My People, progresse en territoire français, s’offre de bivalence fait la loi. Certains pensent parfois nous avons commencé à travailler ensemble, je chemin, s’endurcit, connaît quelques em- tout seul comme un grand. En 2009, le prestigieux featurings, croise le vers avec que je joue un double jeu. Mais c’est faux. Je suis me voyais mal poser ma voix sur ses productions. bardées. Elle voulait bien faire et m’a inscrit Bruxellois publie un premier EP en solo , , Médine, Tunisiano, comme ça au naturel. J’entretiens un côté Pourtant, une alchimie se dégage de la rencontre au Collège St-Pierre. Mais le choc du déca- (Immersion) et remporte le concours Mu- etc. Mais peine à exploser et, un temps, dis- sombre, réfléchi et philosophe et une face plus entre mon univers et ses instrus. Je le considère lage a été trop grand. Ça ne s’est pas bien pas- sique à la Française (depuis devenu Du F. paraît. Reculer pour mieux sauter. Le voi- exubérante, dévergondée et désinvolte. Depuis comme mon mentor. Je suis quelqu’un d’angois- sé, je me suis fait renvoyer. Adolescent, il dans le texte). Puis un deuxième (Thermo- là aujourd’hui qui prépare le retour que 2008, et la sortie de l’album Vas-Y Chante sé. Je me pose énormément de questions. Sans traîne dans le quartier Wielemans-Ceup- cline, 2011), puis un troisième (Second d’aucuns espéraient. Des clips enregistrés sous le pseudo Psmaker, l’artiste s’est fait dis- le savoir, Veence m’aide parfois à trouver des ré- pens, se fait des potes à la maison des Souffle, 2012). et des travaux discrètement menés au Bota www.scyllaofficiel.be cret. J’avais perdu le feu sacré, je ne ressentais ponses. Il me fait du bien. Et ça s’entend.

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RENCONTRE RENCONTRE

RENCONTRE POP RENCONTRE JAZZ Delta Wiernik ÉLAGAGE ALPHA-BÊTA & Andrioli Au rayon variété, il n’y a pas que Fréro Delavega et Boulevard des airs. Depuis Bruxelles, un duo décode COMPLICES les méthodes anglo-saxonnes dans des refrains Complicity, c’est le nom du futur album en duo bodybuildés et, toujours, chantés en français. de la chanteuse Barbara Wiernik et du pianiste Nicola Unis par le goût du travail bien fait, Julien Joris Andrioli. Leurs routes se sont croisées un soir de stage, et Benoît Leclerq forment Delta. Après avoir publié la magie a opéré et la complicité a fait le reste. Après cinq titres sous l’enseigne d’un EP à succès (Pas la fin deux ans de travail, on pourra entendre le résultat, fin et du monde), les garçons écoutent les conseils avisés lumineux, le 8 octobre d’abord, à la Jazz Station et puis de Renan Luce et Nicola Sirkis. Histoire d’échafauder plus tard au River Jazz avec, cette fois, quelques invités. un plan parfait : un premier album appelé à cartonner... JACQUES PROUVOST

NICOLAS ALSTEEN DR DR

ouvez-vous revenir sur les débuts nous avons bossé avec Oliver Som, un pro- BL : Avec le temps, nous avons appris à pro- omment votre duo a-t-il vu est sophistiquée, pleine de subtilités, mais c’est très différent. Et la voix et les paroles de votre duo ? ducteur anglais basé à Berlin. C’est lui qui a duire nos chansons. Ça correspond bien à le jour ? on avait envie de la faire sonner de manière de Barbara m’inspirent beaucoup aussi. Benoît Leclerq: Nous avons com- réalisé le dernier album de Louise Attaque, notre esthétique. Chez Delta, on adore les Barbara Wiernik : Il y a deux légère et surtout de trouver notre son. mencé à travailler ensemble en mais aussi le single Nos Secrets pour Louane. refrains épiques, les mélodies évidentes, un ans, j’ai ressenti l’envie de Il y a quelques invités sur l’album, quelle en 2010 au sein des Meridians, un peu comme du Coldplay mais en français. chanter avec un pianiste. J’ai Que racontent ces chansons ? est la raison ? groupe pop-rock dans lequel on Pour préparer la sortie de l’album, vous êtes aussitôt pensé à Nicola avec BW : J’ai énormément écouté la musique BW : On a eu l’occasion de faire quelques chantait en anglais. En 2014, le projet s’est partis chercher des idées du côté de Los An- La musique de Delta tourne en boucle sur qui j’avais joué lors d’un stage à Libramont, que Nicola proposait, pour m’en imprégner concerts avec Manu Hermia et Marco Bar- métamorphosé en Delta. Désormais, on s’ex- geles. Pourquoi aller si loin ? la plupart des radios francophones. Para- où nous étions tous deux professeurs. et m’inspirer. Sa musique m’évoque des doscia. Cela apportait une couleur différente Pprime en français. Mais nous restons de BL : Chaque année, notre éditeur français or- doxalement, le public n’associe pas encore CNicola Andreoli : Le duo s’est construit petit couleurs, des images, des sensations… Les et une dynamique sur certains morceaux. grands fans d’une vague anglo-saxonne qui ganise un camp d’écriture. Los Angeles, vos visages aux chansons. Ça vous arrange ? à petit. C’est ce qui m’a plu. Il n’y avait pas histoires sont diverses. Les chansons ra- On a beaucoup hésité avant de le faire en stu- va de James Blake à Hozier en passant par question atmosphère, c’est parfait : il fait tou- JJ : Pas forcément. C’est plutôt frustrant. De la pression de monter absolument un pro- content des choses amusantes, voire lou- dio. On a donné des directions mais les invi- Sam Smith. jours beau. Côté boulot, c’est nickel : la ville nombreuses personnes connaissent le single jet ni d’enregistrer. Il y avait surtout le plai- foques. Bien sûr, ça parle d’amour, mais tés avaient toute liberté. Cela a nourri notre est immense, tu ne connais personne et tu En visant la lune sans pour autant nous iden- sir de jouer ensemble…. aussi de complicité. Il devrait y en avoir musique. Mais le projet reste un vrai duo. Partant de là, peut-on dire que Delta fait te focalises sur la musique. Nous sommes tifier. Avant l’été, nous avons été invités à BW : On a pris notre temps. Nicola amenait beaucoup plus entre les gens en général, NA : On a passé trois jours au Jet Studio avec de la chanson française par défaut ? restés là-bas treize jours pour onze sessions. jouer un morceau à la conférence de presse des compos et moi j’écrivais des paroles. Et dailleurs. Mais je parle aussi d’une petite Rudy Coclet et Pierre Dozin et il y a eu BL : Utiliser notre langue maternelle, c’est Un marathon : notre emploi du temps était des Francofolies de Spa où les organisateurs ce n’est qu’après quelques concerts que cela fille qui veut devenir un garçon. Je parle quatre jours de mixes. Et puis, Alain Pierre devenu une évidence. On s’exprime plus na- minuté. Toutes les sept heures, on devait projetaient les clips d’artistes présents à l’af- a vraiment pris forme. Les retours étaient de la vieillesse. Les paroles sont en en an- a fait la direction artistique. C’était très im- turellement, en évitant les problèmes liés à boucler une chanson. Nous avons bossé avec fiche du festival. On y rencontre un gars avec très positifs et l’on s’est dit qu’il était peut- glais et je fais vérifier mes textes par une portant aussi d’avoir une oreille extérieure. l’accent ou à la prononciation des mots. Dire Alex Aiono ou la chanteuse québécoise Ma- lequel on sympathise. À un moment, ils dif- être temps d’enregistrer. amie américaine. Et puis, surtout, j’ai eu qu’on fait de la chanson française « par dé- rie-Mai. Nous avons aussi collaboré avec le fusent le clip d’En visant la lune. Là-dessus, la chance d’être invitée par Norma Barbara Wiernik & faut », ça sous-tend une idée de trahison à producteur PJ Bianco, un véritable faiseur le mec avec lequel on traîne nous lâche spon- Lorsque l’on écoute l’album, on est frappé Winstone (chanteuse et parolière britannique Nicola Andrioli l’égard de la chanson. Alors que, dans les de tubes. Aux USA, il enchaîne les pre- tanément : J’adore ce groupe, je veux vraiment par une certaine “pureté” mélodique. Tout – ndlr) pour finaliser mes textes. On a tra- Complicity faits, ça ne reflète pas du tout notre position. mières places avec Demi Lovato ou les Jonas aller les voir ! On pense qu’il plaisante. semble limpide, lumineux et lisible. On est vaillé plusieurs jours ensemble sur la ma- Sinache Pie Records Disons plutôt que nous essayons de transpo- Brothers. En Californie, nous avons égale- Quelques minutes plus tard, on se dirige vers rapidement emporté par une sorte d’opti- nière de chanter et sur la musicalité des ser nos goûts musicaux dans notre langue ment sympathisé avec Renan Luce et enre- la scène pour interpréter une chanson. Et là, misme aussi. Quelle a été la manière mots. J’ai fait plein d’annotations sur mes de prédilection. Même les projets que nous gistré en compagnie de Nicola Sirkis. Au dé- à notre grand étonnement, il nous demande : d’écrire ces “chansons” ? partitions et j’y ai beaucoup pensé lors de apprécions en chanson ont un petit côté but, tu te demandes ce que tu fais là… Mais Vous jouez dans un groupe ? On a été obligé de NA : En ce qui concerne la composition, l’enregistrement. Norma m’a été de pré- anglo-saxon, comme Gaëtan Roussel. Nicola est tellement bienveillant que tu en lui repasser le clip pour lui prouver que nous c’était un challenge pour moi. La rencontre cieux conseil ! viens à oublier qu’il est le chanteur d’Indo- étions bien les deux gars de Delta. Il nous avec Barbara a éveillé en moi le lyrisme, la Commencer par un EP de cinq titres, c’est chine. On est rentré en Belgique avec l’im- reste du chemin à parcourir pour améliorer “vocalité”, la mélodie. Il fallait que je trouve Une fois que les paroles étaient définitives, l’étape logique ? pression de s’être fait un pote. notre image. Tout n’est pas encore parfait. un chemin simple pour que la mélodie avez-vous retravaillé un peu la musique ? Julien Joris : Il nous semblait nécessaire règne. C’était un défi car faire une mélodie NA : Pas vraiment, sauf pour Empty Zone. d’insister sur la transition entre les Meri- À l’origine, on percevait Delta comme un qui “parle”, en jazz, c’est très difficile. La mélodie que j’avais composé au départ dians et ce nouveau projet. Le EP est un for- duo guitare-voix. Aujourd’hui, vos arrange- Delta BW : On avait besoin de quelque chose de ly- a beaucoup évolué. La musique est toujours mat court qui nous permet de façonner ments prennent une tournure plus électro- Pas la fin du monde rique et de pétillant. La musique que Nico- destinée à quelqu’un. Il faut dire que com- A.R.E Music/Universal l’identité du groupe. Sur certains morceaux, nique. C’est une évolution naturelle ? la écrit n’est pas toujours évidente, car elle poser pour un instrument ou pour la voix www.barbarawiernik.com

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RENCONTRE RENCONTRE

RENCONTRE CONTEMPORAIN décembre, au Festival LOOP, nous raconte- RENCONTRE CLASSIQUE rons une sorte d’histoire électronique au terme d’une résidence avec Laurent Del- forge, designer sonore. Il composera une Quatuor MP4 pièce à partir des sons de notre quatuor hors Duo scène, et nous jouerons également Kh(à)(Es- LES MÉTAMORPHOSES quif) de Fafchamps ainsi qu’une création de Pierre Slinckx. Sybran- MP4 ? Drôle de nom pour un quatuor ? Pas tant que ça… Si le format MP4 encapsule des données Quant au label Cypres, il projette active- dus ment la sortie de trois albums consécutifs multimédia audio ou vidéo, le quatuor du même dédiés au MP4. nom ouvre son imaginaire musical aux rencontres MH : C’est vraiment exaltant ! Cypres dési- COLLISION ENTRE rait faire connaître le compositeur Laurent

spontanées, enthousiastes et signifiantes avec d’autres Hakan Simsek© Plumhans, metteur en scène de sa propre BAROQUE ET MODERNE disciplines artistiques : électronique, image, danse, … pièce de théâtre, C’est quand la délivrance ? Les guitaristes Fabricio Rodríguez en multipliant les points d’accroche. Des expériences Laurent avait envie de travailler à la fois avec le MP4 et Bow, mon quintette d’improvisa- et Miguel Raposo forment depuis directes et vivantes, à l’origine d’imprévisibles Comment voyez-vous la guitare dans la mu- tion, pour mettre sur le papier la musique une dizaine d’années un duo sique baroque ? « métamorphoses » ! C’est tout naturellement devenu non écrite qu’il avait enregistrée avec le La guitare classique moderne n’est pas un consacré à la musique baroque. l’intitulé de leur résidence au Senghor en 2016- Centre Henri Pousseur, et en faire un al- instrument prévu pour ce répertoire. Notre bum. C’est là une vraie et belle recherche Les deux artistes se rencontrent démarche s’inscrit donc d’emblée dans un 2017, aiguillée par l’association Chamber Music for dans laquelle les deux formations sont in- dans la classe d’Odair Assad au esprit de fidélité au style mais aussi de réin- Europe de Guy et Catherine Danel (voir encadré), qui cluses ! Nous enregistrerons ensuite les qua- vention puisque nos instruments ne sont © Danny Willems Conservatoire royal de Mons soutient le Quatuor MP4 depuis bientôt quatre ans. tuors de Jean-Luc Fafchamps : une écriture pas d’époque. C’est une situation que l’on contemporaine exclusivement acoustique. où naît leur enthousiasme pour pourrait qualifier d’uchronique et qui ISABELLE FRANÇAIX Et… peut-être bien qu’il nous prépare un iné- la musique baroque. Retour sur évoque le courant steampunk dont nous dit, une création en perspective pour l’occa- nous sommes inspirés pour notre nouveau sion ! Nous imaginons ensuite avec Pierre un duo atypique et uchronique. clip. Notre instrument possède des qualités Slinckx, sur une idée de Cypres, un album de jeu qui prolongent celles du clavecin : AYRTON DESIMPELAERE argaret Hermant, bouillon- nesses Musicales. Nous rendions acces- Fatou Traoré : Comment devenir l’empreinte entier avec électronique, encore à composer, couleurs et dynamiques permettant une in- nante de rêves et d’idées, sibles à un jeune public une œuvre histo- ou la trace d’une musique qui vient d’avoir sur base de la pièce que nous créerons au terprétation riche et nouvelle des œuvres. éperonne la dynamique de rique profonde sur la déportation, autant lieu ? Nous travaillerons sur la transparence, Festival LOOP. uelle est l’histoire de votre duo ? cette jeune formation dans que résolument contemporaine, grâce au l’invisible et l’apparition grâce à l’installa- Sybrandus est un duo de gui- À ce propos, qu’est-ce-qui vous touche dans une irrésistible invitation au son, la danse et l’image ! tion lumière d’une jeune artiste. Danser, c’est Somme toute, de nouvelles alchimies et tares classiques modernes in- la musique baroque ? partage. Notre démarche est impulsive et instinctive. comme écrire dans l’eau, disait John Cage. transmutations en perspective… terprétant un répertoire exclu- Nous découvrons beaucoup en choisissant Margaret Hermant : Mélanie Evrard et moi Le travail du corps avec les danseurs, la dé- Cette phrase, qui a rythmé ma formation sivement baroque. Après les morceaux. Pour nous, la musique ba- nous sommes rencontrées au conservatoire, couverte du placement sur scène ont ouvert Cunningham, m’inspire pour ce spectacle. notre rencontre au conserva- roque comporte une partie écrite et une part Msans projet de carrière précis mais avec l’en- de nouvelles portes à notre implication mu- Un artiste est ce qu’il vit. Je suis donc le toire où nous jouions des pièces de tous ho- d’improvisation. Il y a donc une part à décou- vie tenace de travailler ensemble en suivant sicale et notre interprétation. Quatuor MP4 depuis quelque temps, les rizons, nous avons finalement décidé de nous vrir avec un intérêt historique et une autre nos intuitions. Pierre Heneaux était mon écoute, prends des notes et attends avec im- Qconcentrer sur le répertoire riche et varié de que l’on peut réinventer par le travail des ap- CHAMBER MUSIC PRÉSENTE… professeur à Liège ; Merryl Havard étudiait Dans le cycle Les Métamorphoses qui sera patience le moment où je pourrai donner l’époque baroque. Quant au nom du duo, il pogiatures, si le compositeur le permet. Nous Chamber Music for Europe valorise les talents à Bruxelles. C’était il y a huit ans déjà. Nous donné au Senghor, le Quatuor MP4 suscite corps à toutes ces textures sonores. C’est un fait référence au compositeur néerlandais restons fidèles aux ornementations souhai- avons donné une série de concerts à l’Ima- processus organique. Les membres du qua- des jeunes formations de chambre professionnelles, Sybrandus van Noordt dont la Sonate nous tées par le compositeur même si nous les encore de nouvelles rencontres et de pos- principalement celles de la Fédération Wallonie- gin’air Art Café, puis à l’Orpheus Instituut tuor travailleront eux-mêmes sur leur a particulièrement séduits par son esprit de adaptons à notre instrument. Ces différents sibles mutations. Bruxelles, auprès des organisateurs de concerts de Gand. Quand Mélanie a réorienté sa car- MH : Le premier concert, Sublimation et Éro- propre corps lors de nos séances de répéti- et autres acteurs culturels, compositeurs et liberté dans l’écriture. aspects rendent la musique de cette époque rière au Canada, Claire Bourdet nous a re- sion, a eu lieu le 30 avril 2016 : la pièce In- tion en septembre, jusqu’au concert. Mais ils professeurs émérites. Grâce à l’association, le MP4 très intéressante et toujours d’actualité. joints et Guy Danel (violoncelliste du Quatuor selberg de Goundam de Jean-Luc Fafchamps joueront sur scène sans se déplacer, au a été recommandé auprès de nombreux festivals Comment concevez-vous vos programmes ? Danel – ndlr) nous a suivis et encouragés. y décomposait le dernier mouvement du terme de l’intériorisation collective d’un et concerts ainsi qu’au Senghor pour le cycle Nous construisons nos programmes en pui- Pouvez-vous nous parler de votre premier Les Métamorphoses. Nous avons conçu des programmes qui nous Quatuor n°14 de Beethoven. Musique – Son spectacle conçu dans son intégralité visuelle sant dans le répertoire de compositeurs issus Tic-Toc-Choc ou la révolte des Mail- www.chambermusiceurope.org disque : tenaient à cœur, trouvé des concerts et mul- – Silence, qui sera donné le 17 septembre, et auditive. de différents pays (Scarlatti, Rameau, Soler, lotins ? tiplié les masterclasses, notamment avec Vá- est une nouvelle fantaisie née d’une ren- LE QUATUOR MP4 EST COMPOSÉE DE : Fiocco, Dandrieu, Seixas, van Noordt…) afin Le Tic-Toc-Choc de Couperin fait référence clav Remeš et Josef Pražák du Pražák Quar- contre avec Fatou Traoré, au hasard heu- Margaret Hermant confirme l’importance Claire Bourdet & Margaret Hermant (violons) de mettre en exergue la richesse d’écriture et à la révolte contre l’oppression fiscale qui eut tet. Nous passions de plus en plus de temps reux de la vie ! Elle dansera entre Les Méta- de cette porosité entre les arts et leur vi- Pierre Heneaux (alto) les multiples manières de penser la musique lieu en France en 1382. C’est le fil rouge de ensemble, avec évidence. morphoses nocturnes de Ligeti et le Quatuor bration commune. Merryl Havard (violoncelle) de cette époque. Nous adaptons notre jeu sui- notre album et aussi un clin d’œil à ce que Et puis… il y a eu un déclic. J’étais au Ca- n°8 de Sciarrino. MH : Il faut passer du temps ensemble pour vant les différentes possibilités de notre ins- l’on vit actuellement. Quant à notre dé- nada quand j’ai entendu Different Trains de trouver quelque chose qui ait du sens, nous trument sur les transcriptions fidèles faites marche, l’album est une question lancée à Steve Reich. Je ne savais pas très bien quoi traverse vraiment et puisse se partager. Loin d’être bouclée, l’actualité scénique du Quatuor MP4 vibrera encore par Fabricio. Nos interprétations ont gagné l’auditeur : Qu’est-ce qui change ? Qu’est-ce Comme il ne s’agit pas de danser sur la mu- en novembre 2016 lors du Festival Ars Musica : le 13 avec Silent flowers en faire, mais j’étais sûre qu’un projet se sique mais d’ouvrir les sens des auditeurs, Nous aurons encore trois concerts au Sen- de Toshio Hosokawa et le 20 pour la création de La fille du fondeur de en maturité. Nous avons modifié certains qui se répète ? Pourquoi ? Que peut-on faire ? Stéphane Collin. dessinerait. Quatre ans plus tard, nous de l’imprégnation des sons vers une vision ghor : la reprise du Steve Reich Project, le 4 fé- tempos et enrichis nos versions avec un tra- Notre rôle d’artiste est de poser des questions avons travaillé avec le réalisateur Kurt soudaine d’un corps en mouvement, Fatou vrier, puis celui du 22 avril, Aléatoire ou dé- vail sur la gestualité en puisant dans nos ra- et susciter la réflexion. D’Haeseleer et la chorégraphe Isabella Traoré a décidé d’incarner elle-même sur termination, purement contemporain autour www.quatuormp4.com cines populaires pour certains arpèges, er Soupart, en collaboration avec les Jeu- scène cette aventure. de Scelsi, Fafchamps et Lutoslawski. Le 1 basses, accords. ww.duosybrandus.com

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TRAJECTOIRE TRAJECTOIRE

« La complexité n’est pas intéressante en soi ; elle est intéressante quand elle fait parler l’émotion. » çon réaliste. Si le thème de mes opéras est très cruel, ma musique se place du côté de la victime. En général, un livret me convient quand il porte sur l’humanité un regard un peu tendre sans dissimuler l’amertume de la vie. C’est un peu un regard de vieux. J’ai 80 ans, vous sentez-vous libre ? pas l’impression d’avoir vraiment changé. toujours été vieux. J’ai toujours observé le Un chiffre ne sent rien. On dit Je connais plus de choses, forcément. J’ai monde de cette façon. Pour pouvoir parler souvent, et c’est étrange, que je vécu. Sinon… on est les mêmes ! Et vous, des autres, il faut avoir connu ce qu’ils ont suis un compositeur libre… êtes-vous différente ? vécu, pas de façon aussi grave, mais savoir mais je ne connais pas de bon ce que signifie se sentir exclu. Dans une his- compositeur qui ne le soit pas ! Non, parfois c’est la petite fille qui parle toire amoureuse ou sociale… Je me suis toujours senti libre ; l’âge ne avant moi. change pas cela. Bien sûr, chez moi aussi ! Ce qui est spon- Peut-on être sérieux ? À tané nous vient de l’enfance. Évidemment, On doit à la fois tout respecter et pouvoir se Quand avez-vous découvert la liberté ? à l’époque, je ne savais pas composer de mu- moquer de tout. Pour qu’une musique parle, Je l’ai toujours cherchée, dès que j’ai com- sique. J’ai appris avec l’expérience. on doit la travailler avec un sérieux qui n’est mencé à écrire. Écrire, c’est manifester sa Souvent, je parle de moi à la troisième per- pas celui de la morale mais de la précision © Isabelle© Françaix liberté. C’est ce que cherchent aussi les écri- sonne. Je dis : Il va encore mettre son solo de et de la rigueur. vains, non ? flûte, là, tu vas voir ! Comme si j’étais un autre. Je prends un peu de distance par rapport à Vous écrivez la musique du Pinocchio de Joël Qu’est-ce qui vous donne envie de vous le- ce que je fais. Parfois même, je rigole en al- Pommerat. Peut-elle mentir ? ver le matin ? lant dormir : Je vais mettre le petit vieux au lit ! La musique elle-même ne ment pas, mais Je sais que je dois travailler mais je ne peux elle peut exprimer le malaise du mensonge. l’envisager qu’après avoir bu deux tasses de En quoi est-ce que vous croyez ? À l’opéra, le public peut comprendre qu’un café. Je me lève à 6h, non par devoir mais C’est une question difficile, ça… Je crois en personnage ment quand la musique change… Vendredi 15 juillet, premières parce que je suis réveillé. Je traîne un peu, ce dont je peux vérifier la véracité. Je ne Hors du drame, je n’y ai jamais pensé. je mange et je réfléchis… puis je me mets au suis pas croyant religieux. Je serais plutôt Philippe chaleurs estivales… Philippe travail vers 7h. Les gens dorment encore : agnostique. Je ne sais pas… Ça ne se décide Peut-on mentir en composant ? Boesmans et moi nous retrouvons ni téléphone, ni courrier, ni factures, ni ren- pas. On a ou on n’a pas la foi, je suppose. Je n’attribue pas un sens moral à la compo- au Mokafé devant un avocat- dez-vous, personne ne te demande rien : tu sition. Que serait mentir ? Écrire ce qu’on es encore libre ! À 9h30, j’ai déjà bien tra- Qu’est-ce qui vous semble essentiel ? n’a pas envie d’écrire ? Je crois que ça Boesmans crevettes et des pommes rissolées. vaillé et je peux m’occuper d’autre chose. L’amour. La solidarité. Je peux être très n’existe pas. On ne peut pas dire qu’une mu- Parlerons-nous musique ou ému par un hymne national, comme quand sique est malhonnête. Elle peut être faible évoquerons-nous plutôt, à bâtons Qu’est-ce qui vous émeut ? Londres chante La Marseillaise après les at- ou banale… Mais c’est un jugement esthé- À 80 ans, j’ai entendu beaucoup de mu- tentats à Paris. Les gens s’aiment encore tique. Que serait un compositeur malhon- … ET LES PETITES rompus, la grâce légère d’un siques, j’en connais bien l’histoire. Je ne suis entre eux. Ce sont des sentiments très nête ? Quelqu’un qui écrit pour gagner de enfant qui, depuis 1936, a grandi en pas forcément ému par une symphonie de simples. Cette pièce musicale ordinaire de- l’argent ? Quand on dit qu’une musique est compositeur sans perdre une once Beethoven. C’est un chef-d’œuvre, mais vient la plus belle chose du monde. commerciale, elle est clairement écrite pour CHOSES DE LA VIE l’émotion en est un peu… usée. Je suis plu- plaire à beaucoup et rapporter de l’argent. d’intérêt ni d’étonnement pour tôt ému par des choses inattendues, comme Votre intimité avec un metteur en scène Ce n’est pas malhonnête. Si tu écris une mu- le monde qui l’entoure, jusqu’à une chanson de jeunesse, un souvenir. Un d’opéra est-elle de cet ordre-là ? sique pour plaire, c’est que tu veux plaire. jour, je ne parvenais pas à écrire. Ça arrive. Tout à fait ! Les pièces de Joël Pommerat Ce n’est ni grave ni mal en soi de vouloir le faire chanter aujourd’hui ? C’était sec et sans idées. Je suis descendu à sont un peu secrètes. Nous nous parlons plaire. Et tout le monde le veut un peu. Quelles passerelles relient une vie la terrasse quasi déserte du Mokafé. Une beaucoup sans aborder ces choses cachées d’homme à celle d’un créateur ? vieille dame seule, de condition modeste, qui les habitent. Les dire les banaliseraient. Qu’est-ce qui, dans votre travail de compo- mangeait un petit gâteau. Elle s’en délectait Elles doivent être dans le mystère de la mu- siteur, vous a donné la plus grande joie ? Sont-elles secrètes ou l’évidence jalousement. Cela m’a beaucoup touché… sique. Mais je lui téléphone au moins trois Mon plus grand plaisir, c’est quand mes in- se cueille-t-elle au bord de Je suis rentré chez moi tout à fait en forme ou quatre fois par semaine. On cherche le tentions sont réalisées et que l’auditeur les l’écoute ? Philippe Boesmans, qui pour écrire. Un événement comme ça peut mot juste… parce que le langage chanté est ressent. Quand je parviens à transmettre stimuler. Les petites choses de la vie… différent du langage parlé. Nous avons un une émotion. Plus j’y parviens, plus je suis vient de fêter ses 80 ans, paraît Comme pour tout le monde, n’est-ce pas ? très bon contact. C’est un être qui n’est pas content. Quand on reste trop abstrait, ça ne s’entendre avec le temps sans simple… Moi non plus ! marche pas. Et si ça ne marche jamais, c’est trop en craindre les anicroches. Imaginez que le petit garçon que vous étiez qu’on est mauvais. Certains compositeurs rencontre l’homme que vous êtes devenu, Peut-on parler d’angoisse sous cette grâce hyper intellectuels prennent plaisir à écrire ISABELLE FRANÇAIX que se diraient-ils ? légère ? des choses compliquées. La complexité n’est Je me le demande bien… Je ne sais pas com- La cruauté et la dureté existent. Il n’y a au- pas intéressante en soi ; elle est intéressante ment sont les gens en général, mais je n’ai cun intérêt à montrer la violence d’une fa- quand elle fait parler l’émotion.

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DIVERSIFIER SES RESSOURCES Wallonie-Bruxelles International et WB Musiques sont les pre- miers noms qui viennent à l’esprit quand on pense aux structures qui peuvent aider ces projets interculturels. WBM aide au niveau des contacts et des conseils, il sont présents sur les marchés internatio- naux comme le WOMEX ou Babel Med. WBI aide les groupes à s’in- ternationaliser, à aller à l’étranger. Par contre c’est plus difficile de faire e saxophoniste Manuel Hermia est un ancien dans le venir des musiciens étrangers en Belgique, raconte Guillaume Van monde des collaborations interculturelles. Il a monté Le Parys. On a reçu un soutien du Ministère de la Culture pour les CD, les Murmure de l’Orient avec un marocain, un pakistanais, résidences et la promotion, sans oublier SMart qui offre des formations un chinois et un indien. En ce moment, Hermia se pré- pour mieux gérer les projets, donne des conseils administratifs et juri- pare à lancer le premier album de son Orchestra Nazio- diques et loue des véhicules pour partir en tournée. Sabam for Culture nale Della Luna, un quartette de jazz très ouvert et acces- a aussi certaines lignes de financement et propose des aides comme l’exo- sible à la confluence du jazz, des musiques du monde et des nération sur les droits de reproduction mécanique des CD. Récemment bruitages électroniques. Même si ce nouvel orchestre ne pose pas la Sabam a développé une nouvelle aide pour organiser des showcases Lle même type de difficultés avec les visas et les voyages à longue soi-même sur un nouveau marché. Dans ce cas, ils peuvent par exemple distance, l’organisation pratique des concerts et des agendas reste engager un attaché de presse. La règle d’or reste de diversifier ses res- compliquée. En Europe c’est gérable. C’est quand les musiciens sources financières. viennent de plus loin que ça devient compliqué. On est obligé d’organi- ser des résidences pour créer et pour répéter, ce qui nous oblige à mieux Guillaume Van Parys est content que les structures existantes soient nous organiser, explique Manu Hermia. Lors d’une résidence, on est là, même s’il y a toujours des améliorations à apporter. Au sein de complètement ensemble pendant plusieurs jours, c’est intensif et c’est un WBI, j’aimerais voir une meilleure compréhension de l’importance de plus car on avance beaucoup plus vite. faire venir des musiciens étrangers et de prévoir des lignes de finance- ment qui peuvent le permettre. Les procédures pour obtenir de l’aide La résidence est une constante pour les projets internationaux, sont d’ailleurs longues et au moment de faire la demande, certains mais l’organisation n’est pas aussi simple qu’elle n’en a l’air. Il faut artistes se demandent déjà comment ils vont gérer le projet si bien planifier et prévoir les frais. Le plus difficile est de trouver les l’argent n’est pas accordé. Certains prennent même le risque d’or- moyens de faire venir les musiciens. En général on fait une résidence ganiser la tournée sans le budget. avant une tournée qui aidera à payer les voyages, raconte Manu. Par contre, on ne peut pas accepter de concert isolé, il faut anticiper dans Ce qui les stimule à continuer malgré les difficultés ? Faire venir Afrikän Protoköl DR Protoköl Afrikän notre agenda un an à l’avance pour pouvoir construire une tournée et des musiciens d’un autre contexte est vraiment une plus-value pour il faut que tout le monde s’y mette pour trouver des dates. notre musique, avance Guillaume Van Parys. Le métissage du monde, c’est le futur. Mélanger les cultures et faire tomber les barrières, géogra- MUSICIEN MANAGER phiques et dans la tête des gens. Pourquoi a-t-on besoin de visas si les Dans le cas d’Afrikän Protoköl, le groupe d’afro-jazz du saxopho- voyages ne peuvent que nous enrichir les uns les autres ! niste Guillaume Van Parys, les premières résidences ne se sont pas faites en Belgique mais au Burkina Faso. Le groupe sera en concert à Bruxelles le 23 septembre à l’occasion de la sortie d’un ZOOM nouveau documentaire sur le projet, avant la sortie d’un album en AU COIN DE LA RUE… 2017. J’avais envie de faire un projet transculturel depuis longtemps. Nul ne peut être neutre face à la crise au Moyen-Orient qui fait s’enfuir tant L’échange de cultures me passionne. Pendant mon premier voyage au de monde. Mais cette « crise des réfugiés » ne doit pas être envisagée comme quelque chose de négatif. Au sein de ces réfugiés, il y a beaucoup de personnes Burkina en 2011, j’ai rencontré un terrain riche en culture, propice à La viabilité des qualifiées, qui ont du talent et l’envie de construire. Manuel Hermia : Il ne faut faire des échanges, raconte Guillaume Van Parys. pas aller à l’autre bout du monde pour trouver de bons musiciens. Il suffit de regarder autour de nous, il y a pas mal de réfugiés musiciens à Bruxelles. Muziek- Afrikän Protoköl s’est construit par étapes, à base d’allers et retours publique en a fait un album, Refugees for Refugees, et je viens de monter un entre la Belgique et le Burkina. En 2013, on a fait la création au Bur- projet avec Hussein Rassim, un jeune joueur de oud iraquien. Une rencontre sans kina. Le projet étant basé sur les rythmes traditionnels burkinabé, c’était devoir déplacer des montagnes. productions important de le faire là-bas. Depuis lors, Afrikän Protoköl a fait sept LE PROBLÈME DES VISAS tournées qui chacune représente un coût élevé. Surtout les vols in- L’obtention de visas est un problème récurrent pour les projets internationaux, ternationaux. La plus grande difficulté est la mobilité internationale. Il mais ni Manuel Hermia ni Guillaume Van Parys n’ont dû se battre à ce sujet. Le faut trouver les moyens pour se voir, car la moindre répétition exige des premier parce qu’il travaille avec des musiciens de renommée internationale billets d’avion. C’est pourquoi, dès qu’un festival nous programme, on qui ont souvent des visas de longue durée, le second parce que les musiciens internationales prend le temps de faire une résidence, pour créer ou répéter. burkinabés sont jusqu’à présent toujours bienvenus en Belgique, contrairement aux Congolais par exemple. Depuis quelques années, on voit de plus en plus de projets internationaux avec Pour faire face à tous les défis que représente un projet internatio- des musiciens d’ici et d’ailleurs. Des musiciens belges invitent des musiciens des nal, il faut que le musicien soit polyvalent. Il faut tout organiser, s’oc- quatre coins du monde pour créer un nouveau répertoire qui surmonte les frontières. cuper de son art, être manager, vendre des concerts, être comptable, sans www.wbi.be oublier la communication. C’est un travail énorme qu’il faut faire avant www.wbm.be Nul ne doute de la richesse culturelle de ces projets, mais quelle est leur viabilité ? www.smart-be.org de pouvoir déléguer à quelqu’un qui en fait son boulot. Ce manque d’en- www.sabamforculture.be Comment s’organiser pour mettre en place des tournées et pour répéter, comment cadrement professionnel est aussi l’un des principaux maux selon www.culture.be gérer le coté administratif ? Y a-t-il des structures qui peuvent aider ? Gwenaël Francotte du projet Anavantou. Il nous faut des managers et des bookers pour mieux gérer le côté business, promo et administra- www.manuel-hermia.com BENJAMIN TOLLET tif pour qu’on puisse nous concentrer sur l’aspect artistique. www.afrikanprotokol.be

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Instruments DIY, modulaires, lutherie sauvage, circuit bending,… Autant de pratiques de plus en plus répandues au sein des différentes sphères musicales et qui, de la philosophie ZOOM de la récup’ au désir constant d’innovations et de création, ont drivé une armée de joyeux fous. On vous en présente quelques-uns. Quand La première règle, c’est qu’il n’y a pas de règle. les Makers DAVID SALOMONOWICZ ette phrase, tout droit sortie du film Fight Club et qui souffler dans les tuyaux des gens quand je leur rends visite. Origi- résume à elle-seule la philosophie autour du phéno- naires de la périphérie bruxelloise, Herman et Rosita Dewit fa- mène du Do It Yourself, Raphael Van Mulders, répa- briquent eux aussi depuis des années des flûtes avec des carottes rateur de guitares chez Azzato, mais luthier de cigar et font des spectacles de musique de cuisine. D’autres utilisent prennent box guitars à ses heures, l’a découverte un jour en des matelas en mousse sur lesquels ils placent des morceaux de cherchant un tutoriel sur un site internet. Un leitmo- carrelage et des objets métalliques, excellents vecteurs de bruits tiv quasi punk qui place d’emblée cette pratique à l’opposé de ce en tous genres, des gants en caoutchouc, des pots de fleurs, des qui se fait dans la sphère classique où les secrets de fabrication des tuyaux en PVC et même des bonnets de piscines tendus. Parmi Cinstruments semblent se transmettre quasiment de maître à élève. les grands noms de la lutherie sauvage, on peut entre autres citer Ici, ni Dieu ni Maître. Les principes de base nous dit Xavier Gazon le français Dominique Gauvrit et sa cornemuse infernale, Lau- le pouvoir qui s’amuse à racheter des vieux jouets et à en changer les circuits rent Taquin et même en voyant plus loin, le dinantais Adolphe pour en modifier les sons, c’est la liberté de jouer sans interdit et le Sax, génie un peu fou qui, au-delà de son saxophone, s’est ruiné partage de données et du savoir. En fait, on n’est pas loin de l’univers des à inventer des machines améliorées comme une trompette à 7 hackers, mais au niveau musical. Les mots qui sont employés pavillons et même une salle de spectacle en forme d’oreille… (« S’amuser », « Jouet ») ne le sont pas par hasard et reviennent dans par le jeu les explications données par chacun des protagonistes rencontrés NO FUTURE EN CONSTANTE ÉVOLUTION qui quasi tous évoquent une formation classique assez longue et Toute punk soit-elle, la pratique du DIY a toujours évolué avec rébarbative à laquelle ils ont voulu apporter un contrepoids. son temps via des expérimentations de précurseurs et de touche- Vincent Van Sull, professeur de musique qui donne des formations à-tout géniaux prêts à investir tout leur temps et leur argent dans tant aux enfants qu’aux adultes, parle ainsi d’un retour au jeu la recherche. En Belgique, on peut dire que a in- quand il donne à ses élèves des objets du quotidien et qu’il leur de- troduit le synthétiseur dans les années 70, via ses essais sur les mande d’improviser des sons en étant à l’écoute des autres. On re- modulaires (ces énormes machines que l’on assimile souvent aux vient à l’essence même de l’expression « je joue d’un instrument ». Une opératrices de téléphonie dans les années 60) et autres technolo- démarche pédagogique qui apporte énormément de fascination gies avant-gardistes. Pour Xavier Gazon, il y a un lien très étroit aux participants qui se rendent compte qu’ils peuvent non seule- entre évolution technologique et évolution des musiques avec des ar- ment eux-mêmes fabriquer un instrument à partir de rien, mais tistes comme l’Écossais Aphex Twin qui sont de véritables explora- aussi faire de la musique sans forcément avoir une formation en teurs. Pour François Gaspard (alias Shakmat Modular) et Grego- académie. Même constat pour Guillaume Codutti, percussionniste ry Delabelle, tous deux bidouilleurs de modulaires depuis des au sein de Sysmo qui donne lui aussi des formations : Je me suis années et qui lancent d’ailleurs début 2017 le festival Wired Elec- rendu compte que les gens accrochaient facilement parce que ça les met- tronics à Bruxelles, il y a un vrai héritage de la scène techno, new- tait à l’aise de taper avec des fourchettes ou des cuillers plutôt que de po- beat, acid et actuellement des gens comme Hermutt Lobby continuent ser les mains sur un vrai xylophone ou de souffler dans une trompette. à créer des softwares et des templates pour démultiplier les possibili- tés sonores. Depuis le début de la musique électronique donc, des TOUT EST PRÉTEXTE À SONS gens s’amusent à modifier des instruments et à les rendre chaque L’accessibilité est en effet centrale dans ce que l’on appelle la lu- fois un peu plus pratiques et esthétiques pour le jeu en concert. therie sauvage. Considéré comme un des précurseurs en Bel- Xavier Gazon parle par exemple de l’Omnichord, magnifique ob- gique, Max Vandervorst détourne depuis près de 30 ans des ob- jet sur lequel Bowie, Beck ou Björk ont composé certains de leurs jets du quotidien pour en sortir des sons. Dans ses spectacles, on morceaux. Ce que j’aime c’est le côté interface parce que ça me force peut le voir jouer de la flûte traversière avec un guidon de vélo, à être créatif autrement que par la souris d’ordinateur qui n’est quand de la trompette avec un arrosoir ou taper sur son scoutophone, même pas le truc le plus excitant pour faire de la musique. En live, sorte d’arbre à percussions fait de gourdes de camping et de plats c’est très froid et difficile de faire passer de l’émotion avec des clics. Du en inox. L’inspiration est partout et totalement infinie. Par exemple, coup, j’ai modifié l’ergonomie de mon Omnichord en le construisant à les caddies des grands magasins sont une source formidable et m’ont l’envers pour pouvoir en jouer facilement et que le public puisse voir donné l’inspiration d’un spectacle. Les brocantes également, d’ailleurs ce que je fais, car le problème avec les sets électroniques, c’est que sou- j’y fais chaque semaine mes gammes d’imaginaire. Et quand on lui vent l’artiste regarde un écran et le public regarde un mec qui regarde demande s’il est constamment en train de chercher de nouveaux un écran. Ça permet de retrouver de l’intuition qu’on a un peu

DR objets, il dit : J’essaye quand même de bien me comporter et de ne pas perdue avec l’informatique.

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ZOOM APERÇUS

ESPRIT DU ROCK, APERÇUS ES-TU LÀ ? Rebel FRANÇOIS-XAVIER DESCAMPS len, commissaire de l’expo et frais directeur du MAC’S, qui a élaboré un parcours qui par- Rebel au lera de différentes manières aux visiteurs. On s’adressera à leur ouïe bien entendu mais aus- si à leurs tripes ne fût-ce que par respect à la © École de photographie de la ville de Bruxelles MAC’S puissance physique qui fait l’essence de la mu- sique rock. Une création du belge Joris Van e Musée des Arts Contemporains du De Moortel ouvrira ainsi le bal avec une ins- Grand-Hornu proposera dès octobre tallation sonore au sein de laquelle le specta- 2016, une exposition consacrée à l’in- teur devra s’immiscer pour interagir avec elle. © Gilles Elie Cohen fluence du rock dans les arts plas- Un peu plus loin, la bal(l)ade invoquera l’ima- tiques. Si vous vous attendez à une ginaire fétichiste du rock et les accessoires qui disparaître un jour. Le rock, comme tout art, c’est exposition consacrée à l’histoire du ont fondé les mythes de cette contre-culture, une histoire de transformations et de détourne- rock, passez votre chemin. Point ici de juxta- avec e.a. une Harley customisée par Johan ments. De nouvelles formes émergent régulière- position de pochettes de vinyles « culte », de Muyle. Enfin, un espace plus contemplatif ment. C’est une réinvention, une réinterprétation Lguitares brûlées par Jimi ou de paquets de clôturera la visite, car la musique c’est aussi permanente du monde. On y invoquera donc clopes dédicacés par Iggy ou Kurt… Quoique ? le silence existant entre les notes. Lorsque l’on les esprits d’Elvis, des Cramps ou encore de © École de photographie de la ville de Bruxelles DR L’exposition réservera de belles surprises à a demandé à Denis Gielen comment on pou- Suicide, … Tout ça sonne plutôt bien, non ? celui qui pourra saisir l’esprit « rock » insufflé vait interroger notre présent par le biais d’un par les plasticiens au sein de leurs oeuvres. art que l’on a déjà enterré à de maintes re- Œuvres de Alan Vega, Dieter Meier, David Claerbout, Angela Mezzetti, Douglas Gordon, Tony Oursler, … Visitez le site du MAC’S pour en savoir Et c’est la première fois que le musée propo- prises, il a marqué une petite pause avant plus sur les activités annexes proposées en marge de l’exposition sera une expo construite via le prisme d’un d’avancer : Le rock est-il mort ? Je ne sais pas si (conférence de Thurston Moore, contenu enrichi par PointCulture, projection d’un documentaire de Marc Reeder, …). L’expo sera art aussi populaire. Une volonté de décloison- je peux répondre à cette question. Ce qui est sûr accompagnée d’un riche ouvrage publié aux ditions Mercator. POWER TO THE PEOPLE PASSION, ÉMERVEILLEMENT ET ARTISANAT nement mûrement réfléchie par Denis Gie- c’est qu’il n’y a aucune raison d’imaginer qu’il va Du 23 octobre 2016 au 22 janvier 2017 / www.mac-s.be Autant la pratique a longtemps été réservée à des quasi-scienti- Tels sont les trois mots qui reviennent quand on demande à ces fiques ou petits génies de l’électro-mécanique, autant actuelle- « instrument makers » d’expliquer pourquoi ils ont opté pour cette ment, la miniaturisation des puces, l’uniformisation des stan- démarche plutôt que de jouer de manière classique avec des ins- dards comme Eurorack et la démocratisation des prix du matériel truments tout faits. À 12 ans, je construisais une basse avec une permettent à tout un chacun de chipoter à son échelle. Pour Die- planche, nous raconte Rafael Van Mulders. À 18 ans, des violons et La Tour ter Van Dooren du collectif iii (Instrument Inventors Initiative) désormais je répare des centaines de guitares et je fabrique des cigar il existe un véritable mouvement artistique global qui se joue des évo- box guitar, au départ pour le plaisir, puis en les vendant dans une dé- lutions technologiques pour détourner les objets, créer des perfor- marche d’artisan. Du coup, quand le roadie de Crosby Stills & Nash cybernétique mances artistiques avec des projecteurs, des capteurs de mouvements me dit que David Crosby a joué avec une de mes créations à Woods- et des robots acoustiques. Une globalisation populaire du DIY que tock et écrit des chansons dessus, je me pince… C’est une passion de TWEET TWEET ! l’on peut mettre en parallèle avec les Fab Lab, les Repair Café ou toujours dont j’ai pu faire mon métier. Même son de cloche pour FRANÇOIS-XAVIER DESCAMPS autres Uber, Airbnb et Deliveroo qui décomplexent les gens et François Gaspard : Il y a vraiment moyen de se perdre dans cette qui les poussent à « faire eux-mêmes » plutôt que de passer par passion en passant tellement de temps et en dépensant tellement

des professionnels. Certains annoncent d’ailleurs sans vergogne d’argent que c’est quasiment comme une drogue. Mais à force, cette © FX Descamps aucune et même au contraire avec le sourire cet aspect écono- passion et les connaissances accumulées peuvent aussi se transfor- mique pour expliquer l’intérêt du Do It Yourself. C’est génial de mer en salaire même si la démarche n’est certainement pas de pro- n la voit de loin, cette tour au- mique, sonore, variations de la luminosité font ront être triés, amplifiés et malaxés (…) pour produire pouvoir se dire que j’ai joué au Bota, à Dour et à New York avec un duire à la chaîne. Il existe en effet un lien quasi charnel avec la trefois mal-aimée des Liégeois, tourner des pales en inox, s’allumer des un certain nombre de sons harmoniques, variés, les- jouet que j’ai acheté 10 euros sur une brocante, témoigne ainsi Xavier lutherie, affectif et d’émerveillement total au moment de faire et on peut dire qu’elle revient lampes… La tour réagit d’autant mieux au- quels seront enregistrés sur bande magnétique ou Gazon. Et la tendance globale est aussi au retour du troc, à sortir un nouveau son. Tu crées ou recrées l’instrument et cela donne de loin. Abandonnée quelques jourd’hui que des capteurs supplémentaires par n’importe quel autre moyen approprié. (…) c’est l’échange de matériel ou d’instruments. Pour autant, est-ce si des possibilités qui ne sont pas dans le commerce, nous dit Xavier années après son érection en ont été installés dans la ville qui, selon l’activi- la sculpture qui composera sa propre musique avec simple de jouer sur l’instrument qu’un autre a mis au point ? Il y Gazon. Ça permet de sortir du cadre, d’aller plus loin que ce qui est 1961, la Tour cybernétique té de celle-ci, la font se mouvoir. Il est aussi pos- sa propre matière sonore (…) en s’adaptant immé- a ceux qui ne se posent pas de questions, nous dit Max Vandervorst, proposé de manière industrielle, de créer des choses auxquelles on avait laissé un souvenir mitigé dans le cœur sible de la titiller via Twitter : envoyez « Blue » diatement à tout changement d’ambiance. Schöf- qui ont un feeling musical et qui ont moins peur car ce n’est pas une n’aurait jamais pensé, de créer des accidents contrôlés un peu comme des habitants de la Cité ardente. Bruyante, et la Tour de s’illuminer de cette couleur. fer, pianiste averti, collaborait ainsi avec des mu- vraie batterie mais une bassine comme grosse caisse et d’autres élé- John Cage et ses pianos préparés. Il ouvrait le piano et y coinçait des Olaide… c’est un peu en ces (mauvais) termes que siciens actifs dans les sphères de la musique ments comme une noix de coco ou des bouteilles de whisky. Après, ce bouts de gomme, des clés ou des tournevis dans les cordes et voyait ce les Liégeois l’avaient laissée à son triste sort. Il La Tour donne aussi de la voix. Bruits de la ville, contemporaine (Pierre Henri, Iannis Xenakis) sont des heures d’expérimentation, d’essais infructueux, d’analyse du que ça procurait comme modification sonore. Guillaume Codutti il- aura fallu la pugnacité de quelques passionnés de son environnement ou autres sons « from ou- pour créer des spectacles. Un Spectacle Audio- meilleur endroit où taper qui font que l’on trouve la sensibilité pour lustre enfin lui aussi très bien ce sentiment : Ce que j’aime, c’est la et la collaboration de la Région wallonne pour ter space » se déclenchent quand la tour s’éveille. visuel Luminodynamique inaugura à l’époque la sortir un son qui en vaut la peine. Pour le projet Why The Eye, tout démarche artistique. Se fixer un objectif, presque un défi de faire sor- que renaisse ce pilier de l’art cinétique, issu du On se croirait dans PlayTime de Jacques Tati ! Tour à grande force de projections sur le Palais vient de la même personne, Damien Magnette, et c’est lui qui de- tir un son de l’objet et la plupart du temps, on est souvent agréablement cerveau du Franco-Hongrois Nicolas Schöffer. Dans son essai intitulé Le spatiodynamisme, des Congrès et avec une musique originale mande à des artistes de venir jouer sur scène avec les instruments surpris car il est bien mieux que ce qu’on avait imaginé à la base. Haute de 52 mètres et plantée dans le Parc de Schöffer écrivait : La sonorisation des sculptures d’Henri Pousseur (Voix de la Ville). qu’il a créés. D’autres comme les membres du collectif iii s’in- la Boverie en bord de Meuse, l’œuvre est em- est possible d’une façon simple et harmonieuse en vitent les uns les autres dans les différents ateliers pour inter- blématique du courant interactif car l’œuvre extrayant et utilisant des sons des différents élé- Interagissez avec la Tour via Twitter (@CyberTower) et un site web changer leurs instruments et voir ce qui en ressort. réagit à son environnement. Captations ther- ments qui composent la sculpture. Ces sons pour- (www.tourcybernetiquedeliege.be - encore en construction)

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DÉCRYPTAGE DÉCRYPTAGE

epuis quelque temps, le format deux heures dans une cuisine pour taper sur des quand les gens mettent un visage sur ton son. vinyle marque un retour en casseroles ou agiter des couverts et autres usten- Par chance, Louis ShunGu fait la connais- forme. Une seconde jeunesse siles. Ça me permet d’agencer ma propre banque sance de Fresh Daily, activiste du beat new- qui pousse des intrépides à re- sonore et de la glisser dans l’ordinateur. Je ma- yorkais et fer de lance des soirées beats à lancer une profession que cer- nipule ensuite tous ces sons via une MPC. Acro- Brooklyn. Il connaît de nombreux rappeurs. Il tains annonçaient en voie d’ex- nyme de « Midi Production Center », cette possède un carnet d’adresses hallucinant avec tinction : disquaire. Une petite semaine machine intègre un séquenceur musical, un des noms qui, sur le papier, semblent intou- avant l’inauguration de Dust Dealers, en- échantillonneur (sampleur) et des pads chables. Je fais donc circuler mes productions Dseigne bruxelloise spécialisée dans le micro- (touches en gomme permettant de repro- par son intermédiaire. Ce sera toujours plus ef- sillon jazz, soul ou funk, le propriétaire nous duire les sons enregistrés sur l’appareil). ficace qu’un mail envoyé depuis Bruxelles. ouvre la porte de sa boutique. Ce magasin dé- Évidemment, les sons concoctés par les beat- coule de ma passion pour le beatmaking, in- SOUNDCLOUD ET MACHINES À SOUS makers se monnaient sur les marchés des dique Julien Delannoy, silhouette longiligne Ce que j’apprécie dans le beatmaking, ce sont les changes. Ils ont une valeur, généralement qui, sur scène, module des sons sous le nom contrastes. J’ai l’habitude de confronter sonori- associée au nom de leur concepteur. Ceux d’Oldy Clap. C’est à force d’accumuler des vi- tés douces et percussions frontales, d’associer la qui ont un son particulier, une identité, s’en nyles – et par manque de place pour les ranger – modernité de l’électro à des choses plus an- sortent mieux que les autres. C’est leur singula- que j’ai décidé de lancer ce commerce. D’une cer- ciennes. Chez Le Motel, le beat s’épanouit rité qui favorise le bouche-à-oreille et, par exten- taine façon, je vends une partie de ma collection. ainsi au contact de sons puisés dans d’autres sion, crée de la demande, indique Le Motel. Originaire du Sud de la France, Julien De- civilisations : des chants rituels captés au fin Après, les prix fluctuent en fonction de nom- lannoy met le cap sur la Belgique en 2010 fond de l’Amazonie. Des clappements de breux facteurs, enchérit ShunGu. Déjà, ils dé- afin de finaliser des études à l’ULB. Depuis, mains chipés chez une tribu aztèque. Des in- pendent beaucoup de ton interlocuteur. Si tu re- sa fibre nationale a sensiblement viré noir- cantations mystiques chopées dans le désert files tes sons directement à l’artiste ou via un jaune-rouge. Il est ici chez lui. Quand je vivais du Kalahari. De l’antique. Que de l’authen- label, le montant obtenu sera différent. C’est du en France, je n’écoutais que du rap. Je me pas- tique. J’achète souvent des vinyles de musiques cas par cas. Parfois, ça se joue aussi à l’amiable. sionnais surtout pour les instrus. Je voulais ex- traditionnelles. Des trucs de chamans, des trips plorer ces sonorités, comprendre leurs secrets de de sorciers. J’aime m’extraire des classifications. DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE fabrication. Un jour, dans le salon familial, Mon approche est hybride. Alors que d’autres Autrefois, le beatmaking était le résultat au- papa et maman Delannoy glissent un vieil s’en tiennent à une seule et unique méthode. On dible d’un travail invisible, la signature sonore album de Billie Holliday sur la platine. Là, songe alors à l’école du sampling, à tous ces d’un planqué, souvent plaqué or. Cette disci- c’est le choc. Je reconnais immédiatement une beatmakers qui recréent de la matière en se pline s’est longtemps résumée à une ligne cachée boucle utilisée dans Qui peut le nier, un mor- basant exclusivement sur des échantillons dans le bas des notes de crédit d’un album, ana- ceau d’Oxmo Puccino. À partir de là, je me suis arrachés à l’un ou l’autre microsillon. C’est lyse Oldy Clap. Aujourd’hui, c’est différent. Ces mis à bouffer du jazz du matin au soir. Le hip- le cas de ShunGu. À 25 ans, et en toute dis- derniers temps, par exemple, on me propose de hop m’a donc poussé à voyager vers d’autres crétion, cet artiste bruxellois fourgue ses faire du beatmaking sur scène. Dix ans plus tôt, styles musicaux. Aujourd’hui, je travaille exclu- sons au gratin du hip-hop anglais et améri- c’était impensable. Quand un mec tapait sur les sivement à partir des samples tirés de ma collec- cain. Chester Watson, ScienZe ou Rejjie boutons d’une machine, les gens disaient « Il est tion de vinyles. C’est une matière première qui Snow ont déjà bénéficié de ses services. Ré- mignon » et puis, ils tournaient les talons. Main- oscille entre la soul et le jazz. J’adore isoler un cemment, le garçon s’est même offert une tenant, le public comprend la démarche. Et puis, son et le malaxer au point de le rendre mécon- programmation à la prestigieuse Boiler à partir du moment où rappeurs et chanteurs naissable. Une fois que j’ai trouvé une boucle ori- Room londonienne. Organisé dans un lieu mentionnent sur la pochette que la production est ginale, je me débrouille pour jouer tous les ar- de faible capacité et ensuite largement dif- signée un tel ou un tel, ils participent aussi à un rangements moi-même. Batterie, guitare, piano fusé sur internet, le DJ Set de ShunGu processus de starification. En 2016, le beatma- Louis ShunGu DR et saxophone. C’est du bricolage. Ma démarche s’ajoute à ceux délivrés par quelques poin- ker est un argument commercial, un élément li- reste assez artisanale. Dès le processus créa- tures (de Laurent Garnier à Richie Hawtin mite « vendeur ». À ce titre, Le Motel illustre Laborantin du son, manipulateur de mélodies tif, chaque beatmaker cherche à se différen- en passant par Ben Klock). Pour ShunGu, plutôt bien le phénomène. Sur la carte du cier de la concurrence. Moi, par exemple, j’uti- comme pour beaucoup, l’affaire démarre via beatmaking, l’artiste s’est construit une répu- Génération dégotées entre la cave et le grenier des mythes lise un logiciel dans lequel je glisse tous les sons les algorithmes de SoundCloud. Tous les beat- tation en solo mais il prête régulièrement son et légendes de la musique, le beatmaker rythme possibles et imaginables, explique Fabien Le- makers du moment sont de la génération Sound- nom à d’autres constellations (Romeo Elvis x les morceaux des autres en se fiant à ses propres clercq. Souvent planqué à l’ombre d’une cas- Cloud. C’est via cette plateforme de distribution Le Motel, YellowStraps x Le Motel, Aliosha quette stylée, ce dernier brille depuis un mo- audio qu’ils mettent leurs sons en ligne et se font x Le Motel). J’ai eu la chance de créer ces diffé- sensibilités. Du matériel utilisé aux disques ment sous l’enseigne lumineuse de Le Motel, connaître. Je suis donc passé par là. Mais j’ai rents projets sans rien forcer, précise-t-il. Toutes Beat- pseudo choisi sur le bord de la route pour aussi fait mon trou en rencontrant des gens. Un échantillonnés, chacun réécrit l’histoire à sa manière, ces collaborations s’inscrivent dans le prolonge- héberger des sons venus de loin. Pour me dé- ami m’invite régulièrement à Londres. Là-bas, ment d’une relation amicale. Pour créer, j’ai be- d’une signature sonore singulière. Petite immersion faire des kits de percussions traditionnellement je rencontre d’autres artistes. Ce rapport humain soin de ressentir un lien affectif. Je ne me contente dans le monde fascinant de la production. disponibles en téléchargement sur internet, j’ai est essentiel. Se contenter d’envoyer des mails et pas de filer des sons. Je m’implique dès le début making aussi commencé à me promener avec un enre- d’errer sur les réseaux sociaux, ça me semble un dans la création. Tout l’art d’être à l’avant de la NICOLAS ALSTEEN gistreur dans des lieux insolites. Parfois, je passe peu court pour percer. C’est toujours mieux scène, tout en restant derrière les productions.

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LE.COM LE.COM

La première phase digitale n’avait pas fondamentalement pertur- NOTES CLASSIQUES À LA PORTÉE DE TOUS bé le marché. Un disque vendu en circuit classique rapportait au Cibler en priorité une audience au berceau : la panacée ? Ne se met- producteur 6,5 euros ; le même contenu en téléchargement sur on pas à la musique classique en vieillissant ? L’étude de Dorin dé- iTunes, 5 euros. Adriaenssen : Je pouvais toujours payer les artistes, construit ce mythe. Il y apparaît au contraire que l'expérience mu- les frais de production, etc. Mais en streaming, à 0,02 euros, ça marche sicale reçue pendant l'enfance s'avère bien souvent déterminante pour Beyoncé, écoutée « X » fois par jour. Pas pour le deuxième mouve- dans les habitudes de « consommation » des concerts, – Bach ou ment de la Cinquième Symphonie de Bruckner. Résultat, je ne couvre Reich un jour, classique toujours ? Peut-être… L’étude pointe le fait plus les dépenses. Idem pour les musiciens, comme le rappelle un qu’un spectateur sur deux a reçu une formation musicale dans sa tableau tout aussi parlant sur Giphy.com : un artiste gagne 100 eu- jeunesse, dont un quart dans un conservatoire. Belle matière à ré- ros quand 1) il passe 14 fois en radio, 2) vend 100 albums, 3) est écou- flexion pour les parents. Et pour les institutions. Surtout depuis té 250.000 fois en streaming payant et 1 million de fois en strea- que les cours de musique ont disparu des écoles et que l’éveil mu- ming gratuit*. sical est réduit à peau de chagrin, des facteurs reculant et/ou raré- fiant le premier contact des enfants avec la musique classique.Ce Deuxième problème de taille, ce public, de plus en plus rare, vieil- qui redéfinit notre rôle, analyse la directrice de Musiq’3. La chaîne lit. Charles Adriaenssen est lucide : Il faut se rendre compte que notre publique a entamé sa mue il y a deux ans, refondu entièrement sa public va de la ménopause à la mort. Il faut s’occuper de ces clients-là, grille des programmes, renouvelé sa comm’ pour sortir d’une image bien sûr, des gens éduqués qui achètent encore des disques physiques. tradi-conventionnelle. Le digital suivra, avec un nouveau site, pro- Mais bientôt, il n’y aura plus de lecteur CD. Laetitia Huberti, directrice met Laetitia Huberti. En attendant, la chaîne l’utilise comme porte de Musiq’3, confirme une audience dont l’âge moyen est de 64 ans. d’entrée : elle s’investit dans le concours Academix, par exemple, Autre source, si on n’était pas déjà convaincu, une grande enquête au public très jeune. Chaque participant peut revoir son propre menée en France par le sociologue Stéphane Dorin, professeur à concert en vidéo. Autre exemple : le concours Breughel de musique l’Université de Limoges et présentée début 2015 : depuis une bonne classique pour enfants. La vidéo du gagnant mise en ligne a rapi- trentaine d’années, les spectateurs qui vont aux concerts vieillissent, dement récolté 1.600 vues, un petit exploit, estime la directrice. Le et de plus en plus rapidement ces dernières années. Bigre... travail fourni est énorme, il paie. Le renouvellement du public s’opère DR petit à petit. Laetitia Huberti souligne des changements de fond, Devant l’urgence, les acteurs du secteur développent chacun leurs parle de faire vivre la musique classique, d’emballage jeune, sexy, propres stratégies, digitales et autres. Les refontes des sites, les fun, de recrutement actif sur le terrain avec, comme carte de vi- pages FB, les fils Twitter, les vidéos sur YouTube : tout ça annonce- site, la réussite et l’enthousiasme soulevé par le Festival Musiq’3, t-il une renaissance de la musique classique ? L’Opéra Royal de soit 50 concerts petits formats en 3 jours, emballés festif, convivial Wallonie totalise une fanbase de plus de 12.000 personnes, un peu et abordable, aussi bien financièrement que musicalement (pas moins de 17.000 pour la Monnaie, 8.000 pour Musiq’3 (Pure FM besoin de connaissances particulières, de préparation). À vocation en fait plus de 100.000, à titre de comparaison, peu fair-play il est de décloisonnement donc. Mixité générationnelle – beaucoup de vrai). Pas si facile, pourtant ! Chez Outhere, le site existe depuis 10 familles avec enfants –, et sociale peut-être, autre angle mort de la ans. On a tout de suite eu de 800 à 1.000 visiteurs par jour, un public musique classique. En ce début septembre, United Music of Brus- Les adaptations fidèle. Mais après dix ans d’efforts, on a peut-être réussi à doubler leur sels, une collaboration entre l’Orchestre National de Belgique, La nombre, pas plus. Clientèle fidèle mais si statique... Il faut des stra- Monnaie et BOZAR joue hors les murs, dans divers endroits aty- tégies plus fines. Investir la télé ? Musiq’3 a produit une série do- piques. Surprendre, sortir du cadre ; des pistes à suivre. cumentaire présentée par Patrick Leterme en prime sur La Trois (RTBF), dédiée aux émotions dans la musique. De son côté, l’Opé- (http://giphy.com/gifs/streaming-3ornjWe2BDJhSBfUOI?tc=1) nécessaires ra Royal de Wallonie a conclu un partenariat avec Mezzo, chaîne payante française léchée de télévision musicale (classique, jazz, Ça s'ébroue côté musique classique. Finies les a question revient de façon récurrente. Comment opérer musiques du monde et danse), diffusée dans plus de 50 pays. Des le renouvellement des publics de la musique classique ? ouvertures bienvenues, bien que la télé reste un « vieux » média, partitions poussiéreuses, on diversifie les canaux de Mot graal : numérique. Les actions stratégiques pour tou- peu ou plus regardé par les plus jeunes. diffusion, on la pousse sur les réseaux sociaux, on cher un nouveau public semblent ne pouvoir éviter d’in- vestir le monde digital, celui-là même qui a tant contri- Chez Outhere, les stratégies plus fines passent par le développe- développe des applis ludiques ou encore la musique bué à sa lente descente aux enfers, comme le résume ment de nouvelles apps : en mars dernier sortait Alpha Play, ap- classique descend dans la rue. Bref, on redynamise Charles Adriaenssen du label Outhere, commençant par rappe- pli découverte gratuite, – rien à voir avec Qobuz (service de mu- un genre à l’image élitiste et traditionnelle. Il y a ler le phénomène de disparition progressive des disquaires au sique – tous styles – en ligne), précise Charles Adriaenssen. Deux profit des grandes chaînes. Sans disquaires, pas de relais de proxi- accès : soit en running, et si ça plaît, possibilité d’obtenir des in- urgence : son public se meurt, littéralement. StratégiesL mité, sans conseils, le public s’est amenuisé et le chemin rétrécit fos. Soit par style. Pour des petits services, composer sa propre tous azimuts, avec cible principale : les jeunes. vers la musique classique, toujours lestée d’un fameux préjugé playlist par exemple, c’est 2 euros/mois. Je crois que ça va avoir un élitiste. Ceux qui occupaient la niche étroite de l’artisanat ont pu impact, surtout sur un public plus jeune, s’enthousiasme le direc- VÉRONIQUE LAURENT survivre ; sans accès à la grande distribution ni à la promotion, teur. On teste également pour le moment, en Allemagne et Angleterre, ils fonctionnent et restent en petit réseau. Outhere, quant à lui, une app, Curated, sur le principe de playlists construites par des per- a opté il y une dizaine d’années, – à tort ou raison, commente son sonnalités, l’app est visuellement très belle et destinée à un public mé- fondateur –, pour une stratégie que l’on pourrait qualifier de plus lomane. Troisième expérience, en collaboration avec le B-Classic industrielle. Entre la niche et le volume, le label a continué à pro- Festival de Tongres : Epicgram. Cette troisième application joue duire de la haute qualité culturelle sans trop regarder le marché, le fun anecdotique à fond : des packs de classique à combiner avec et sans perdre de l’argent. Ce n’est un secret pour personne, les des films de 30 secondes réalisées par des internautes en tech- temps sont durs : Pendant 12 ans, on a tenu le coup avec des tas de nique slow motion. Slogan : « C’est classique, c’est génial », -une petits labels, mais tous très beaux. Maintenant, c’est fini. Tout le monde accroche et une utilisation inédite pour attirer un public connec- souffre, les grands comme les petits. té, jeune ou moins jeune, d’ailleurs. © François Bouchon François ©

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IN SITU IN SITU

vestir les résidences d’artistes pour présenter un travail à l’issue de leur séjour. Les Abattoirs se coupent en 4 pour favoriser ces splashs dynamiques entre acteurs pas spécialement du même univers mu- sical (exemple : une collaboration entre Les Jeunesses Musicales et le collectif Wal’Style, activiste de la culture hip-hop). On est parfois un peu débordé par toutes nos inventions, reconnaît en riant la direc- trice, mais créer des connections particulières, des éclaboussements novateurs entre toutes les disciplines, musicales mais pas seulement, ’est au nord que ça se passe, au-delà de la gare, dans ce valoriser ensuite des phases du processus de création et proposer IN SITU… quartier de Bomel à l’allure délaissée. Au bout d’une aux habitants de venir toucher ce travail, c’est ce que ce lieu permet. Les Abattoirs rue aux maisons mitoyennes sans signe particulier si ce n’est la présence du Foyer Namurois, le bâtiment Dans la salle, un ou deux spectacles par année, An Pierlé en janvier. tout frais des anciens abattoirs surprend. Ça sent sou- Côté Beautés Soniques, Nicolas Michaux revient cette année aux Abat- dain le neuf. Le Centre Culturel de Namur, en attente toirs. Et Tindersticks, pour le côté plus international, confie Julien Gas- de Bomel de la phase finale d’aménagement et d’une vraie signalétique, fait part de l’asbl Namur Du Son. Le festival a choisi l’itinérance, née vivre le quartier depuis début 2015. Il deviendra en octobre prochain d’une réflexion sur Namur, Ville au Bois Dormant mais pleine de Cle QG convivialité des Beautés Soniques. Là, fin juillet, à la veille de recoins, de petits de lieux de diffusion. Belle endormie a muté en la trêve estivale, peu d’activité ; une jeune femme en quête d’infos Beautés Soniques, ça coule mieux. De dates ponctuelles rassemblant QUARTIER DE CULTURE passe la tête par la porte du Plan B, cœur battant du bâtiment réha- des petites associations locales, viviers namurois de musiques ac- bilité. Tout le monde entre par cet espace convivial. On peut s’asseoir, tuelles, les soirées se sont transformées en festival. But? Solidariser lire, attendre quelqu’un, boire un café. Il y règne une certaine décontrac- les 16 partenaires, leur donner visibilité et impact, en valorisant ces tion favorisant la rencontre, explique Marylène Toussaint, directrice endroits parfois insolites ou improbables mais toujours intimistes de l’action culturelle. (Le Belvédère, le Théâtre Jardin Passion…). On voudrait que les Abat- toirs deviennent le lieu de référence convivialité, avec des marchés vinyles Les Abattoirs ont évité de justesse d’être rasés. Inaugurés en 1946, et vintage, un marché des créateurs, un spectacle pour enfants, ... Zone d’architecture moderniste, équipés des dernières innovations tech- d’échanges et ancrage local, toujours. Marylène Toussaint : C’est un niques dont un laboratoire (hygiène oblige), ils sont restés en acti- festival de musique mais avec différentes dimensions, où il est question vité jusqu’en 88. Diverses associations s’y installent ensuite jusqu’à de déplacements dans la ville, de rencontres, de la mise en valeur de pra- la décision de démolition. L’énergie et la persévérance du comité tiques artistiques alternatives. Le collectif Drach travaillera par exemple de quartier Bomel sauve l’édifice non classé. À l’heure de la prise sur les arts urbains ; chaque acteur, à un moment donné, est porteur d’un de conscience de la richesse architecturale des anciens bâtiments lieu, d’un événement, d’un projet, … », une belle chaîne alimentaire. industriels, les villes n’abattent plus les abattoirs, elles les transfor- ment en bouillons de culture, comme à Toulouse, à Anderlecht ou http://centrecultureldenamur.be à Mons, irriguant les quartiers d’un sang nouveau. http://beautessoniques.be

RESTER ORGANIQUE L’architecte en charge de la rénovation n’a conservé que la car- casse extérieure et reconstruit l’intérieur en espaces immaculés. En collaboration avec toute une série d’associations, poursuit la direc- trice, on a ensuite monté des laboratoires de réflexion. Une ressource- rie avait occupé les lieux ; on est parti sur le recyclage des matériaux. Spécialisé dans le réemploi, le collectif multidisciplinaire Rotor occupe la première résidence du Centre pendant trois mois. Le tra- vail avec Rotor a été de remettre du bois, de la vie, de la chaleur, de faire en sorte que des gens qui ne se rencontrent pas habituellement puissent interagir ici. Chaque objet draine une histoire : armoires sauvées de la banque BACOB, espaliers des poubelles transformés en cloi- © Julien Forthome Julien © © Jean-François© Flamey son, comptoir et éclairages du Plan B attribués à Christophe Ge- vers, récupérés dans une autre banque encore. Et Rotor conserve Les Abattoirs furent un lieu de transformation utile à la collectivité ; le nom de chaque espace du temps des abattoirs ; des petites plaques discrètes annonçant « Salle abat des porcs », « Frigo 1 », « Boyaude- totalement rénovés, ils le sont toujours, investis par les activités rie » et autres joyeusetés qui signent l’âme du lieu. du Centre Culturel de Namur. Bouillonnant d’initiatives, de rapprochements interdisciplinaires, ruche bien vivante, l’institution LAB EXPÉRIMENTAL Le « Hall abat gros et petit bétail » emballe la salle de spectacle à gra- expérimente dans ses nouveaux locaux la pluralité des approches dins rétractables (max. 200 personnes), boîte noire bien insonorisée et des publics. Le festival Beautés Soniques s’y déroulera en partie, à vocation pluridisciplinaire – le mot est lancé –, dédiée à des rési- dences, des moments de monstrations variés. Au service bientôt, et dans la même veine de convivialité et d’abattement des frontières. pour la deuxième fois, d’une partie de la programmation des Beau- VÉRONIQUE LAURENT tés Soniques, grand moment musical de l’année, mais pas le seul, sou- ligne Marylène Toussaint. Deux studios de musique sont mis à dis- position. Turtle, musicien namurois de hip-hop, ou GangBang in HongKong sont passés par là. Des acteurs musicaux pourraient in- © Jean-François© Flamey

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LES SORTIES LES SORTIES

production, la publication d’un nouvel album le guitariste donne à pays. Depuis 2013, Michael Crabbé et Ernesto de Piano Club. Active depuis 2007, la forma- entendre un jazz tantôt Gonzales fusionnent des bruits martiens groovy (No Other Way, tion liégeoise n’a jamais caché sa passion Santo Spirito), tantôt dans la soucoupe Tav Exotic. Nouvelle virée pour les claviers vintage ni son amour pour éclaté (Open D) ou synthétique dans l’espace pluridimensionnel les mélodies colorées. Ici, les tubes fuchsias plutôt méditatif (Black de la conscience humaine, l’album Biocosmos se dévoilent sous les néons des années 1980. Rainbow, Inner Peace). jongle avec des matières mutantes : techno, Porté par l’excellent single Comets, le récent Di Maio fait la jonction noise, electronica, tarentelles discoïdes et Fantasy Walk déroule des chansons profilées entre la tradition et autres quadrilles analogiques. Je suis inca- Benjamin Schoos Trovadotres pour habiller la bande-son d’un film d’anti- une certaine scène pable de décrire notre style musical, confesse le Thierry Hallard, le crash Mundo Perdido contemporaine avec Baleine 3000 The Nap final .​(O S​ .​ T​ .​ )​ Home Records cipation : un blockbuster cosmique, une machiniste Crabbé. C’est impossible de donner

DR un bel aplomb et plein Vlek/Kompakt Freaksville Records aventure intergalactique. Entre nu-disco et de créativité. Du jazz une réponse précise, d’enfermer notre projet dans Entre Grenade et pop rétro-futuriste, Piano Club s’offre des va- jubilatoire et intelli- Projet imaginé au croi- une case. Nous essayons d’offrir un voyage à l’au- Passée relativement Séville, jazz, flamenco Piano Club et-vient sur une ligne du temps qui voit défi- gent. – JP sement des neurones diteur. Un trip psychédélique. Biocosmos pro- inaperçue en juin lors de et musiques du monde, DR Fantasy Walk foisonnants de trois sa sortie, cette BO du c’est à un voyage princi- ler les noms de Casio Kids, Erasure, Metro- mène ses sons mutants sous les contours artistes déments, Ba- documentaire d’Olivier palement en Andalousie JAUNEORANGE/[PIAS] nomy, Com Truise, Orchestral Manœuvres d’une belle pochette artisanale.Au départ, leine 3000 célèbre une Monssens (qui retrace que convie Trovadotres, in The Dark, Django Django ou Cut Copy. Tav Exotic nous voulions donner un autre titre au disque. complicité inédite entre la flamboyante vie et la un ensemble de sept En marge du rock, et de la reformation Boosté par une production léchée et des Mais lorsque nous avons appris que le visuel le producteur bruxellois Biocosmos triste fin du casca- musiciens basés à d’Hollywood Porn Stars, le chanteur Antho- lignes de guitares finement ciselées, ce troi- Lawrence Ledoux, le DJ avait été réalisé selon les principes de la «photo- deur belge T. Hallard, Bruxelles. Guitares, VLEK/KOMPAKT ny Sinatra relance les machines de son usine sième essai de Piano Club a tous les atouts français Afrojaws et le graphie-aura» («effet Kirlian» - ndlr), l’évi- le « Rémy Julienne » percussions, flûte, clari- à synthétiseurs avec, au bout de la chaîne de pour briller sous un ciel étoilé. - emcee japonais Illreme. dence s’est imposée. Cette technique découle des du plat pays) vaut nette… et même un peu NA Ensemble, les garçons largement que l’on s’y de chant : une recette Les associations ufologiques sont en émoi. médecines énergétiques. Ici, la photo sert à déce- rassemblent sept intéresse. Benjamin bien éprouvée avec ses Tav Exotic vient d’atterrir sur le sol belge avec ler une manifestation de l’aura humaine. À par- Rayer morceaux renversants. Schoos intègre à la petits solos de guitare Le Chat Borgne un nouvel objet non identifié cramponné à tir de là, intituler l’album Biocosmos, ça nous parcourent les chemins autoproduit, traversant sion de punchlines sans Électronique balayée perfection les codes et même de flûte, elle R.A.B. Production ses réacteurs. Pour peu, on se croirait revenu semblait logique. Le temps de trois morceaux, de l’innocence entre les décors décrits dans refrain et joli exercice d’un flow exotique, la liés aux musiques de qui apporte une petite chanson française à les pages de Sur La de style. Ça l’est enfin musique de Baleine dans les campagnes ardennaises, entre 1989 Tav Exotic entrouvre les portes de la percep- film : un thème principal touche psychédélique ci Rappeur égotrippé, haute valeur ajoutée, Route. Influencé par la sur Vulgaire et arrogant, 3000 farfouille aussi et 1991, quand tout le Royaume gobait des tion pendant près de 45 minutes. Sommes- instrumental, le même et là . Pour les aficiona- poète urbain au verbe soupirs acoustiques et littérature beat et la hymne festif et per- dans le grenier d’un psy- substances extraterrestres, persuadé d’avoir nous capables de composer des morceaux plus thème avec paroles et dos du genre. - affûté, Rayer a écrit FXD caresses mélancoliques poésie d’Allen Ginsberg, cutant, dont on a pu puis divers instrumen- un chapitre important chédélisme bien perché. aperçu une vague d’ovnis ici ou là. C’était X- courts ? Sans doute. Du moment que ça sonne héritées de la « morna » le duo expose des éprouver l’efficacité en taux qui servent à de l’histoire du hip-hop En équilibre miracu- Files à Beaufays, l’affaire Roswell au plat comme du Tav Exotic, tout est possible ! - capverdienne. En quatre histoires de cowboys live. - NA illustrer le film. Le tout NC belge avec De Puta leux sur cette formule chansons (Orphelin, déchus: des vies hybride, le trio délivre est « classieusement » Mani Deiz, Senamo Madre. Loin de son Cendres, La cavale, Les oubliées le long de un exploit dépaysant : arrangé par notamment & Seyté groupe et des années rives rouges) qui sont sentiers poussiéreux. J.-F. Assy (Bashung, Trois fois rien 1990, sans ses compères une performance qui autant de perles, Lisza Autant de chercheurs Miossec, Puggy, Shel- Autoproduction Sozyone et Smimooz, rapproche The Nap de OTON nous invite à l’évasion et d’or à qui le capitalisme ler…) et son quartet : l’artiste revient quelques trésors du à danser parmi les fous. n’a jamais souri. ils assurent les parties Sortie en mai, Trois fois aujourd’hui en solo. circuit alternatif. Dans Influences C’est beau, c’est même Musicalement, Alaska à cordes. On pense, un rien est une paren- Le temps d’un album sa façon de fusionner AUTOPRODUCTION très beau. Vivement la Gold Rush rappelle les peu, aux musiques de Lisza thèse plutôt réussie intitulé Le Chat Borgne, des particules électro suite. – escapades entreprises films de bagnoles,Drive Lisza LL du tandem Senamo l’animal miaule comme et hip-hop, ce disque par Two Gallants. Des À une époque où les gens utilisaient déjà en tête, notamment Lisza Music & Seyté. Un side- à ses premiers jours. Le vient chatouiller les échappées à travers project conduit par souvenirs d’ouvrages MySpace, mais pas encore Facebook, Baptise en raison des quelques Lorenzo Di Maio flow est glissé, parfai- Si le but d’un premier champs, des évasions deux de ses meilleures signés Boom Bip, Langlois arpentait la région de Virton avec synthés late 70’s qui Black Rainbow tement posé, le langage EP est de servir de carte punk-folk, country-pop recrues échappées de émaillent les partitions. Igloo Records crypté, admirablement Micachu & The Shapes, un groupe de punk et une obsession pour de visite, de poser les et quelques coups de On pense parfois au l’incontournable Smala, déplacé. Original dans Hymie’s Basement ou l’Angleterre. À 18 ans, je me suis envolé pour prémices d’un univers blues. Placé en jazzman japonais Yuji respectivement le plus Depuis quelques années le ton, aventureux sur Cornelius. Libre de ses Brighton, explique-t-il. J’avais besoin de m’im- artistique et de donner ouverture, Montgomery Ohno à qui l’on doit e.a. looké et l’homme au déjà, Lorenzo Di Maio la forme, Rayer sort les mouvements, Baleine prégner de cette culture, de comprendre d’où ve- envie de poursuivre est un hommage à Hank la musique du dessin béret. Même si la fa- s’est forgé une solide griffes en compagnie 3000 nage à contre- l’aventure, alors Lisza Williams qui sonne nait la musique que j’aimais. Ingé-son de for- animé Capitaine Flam mille n’est jamais loin, réputation de sideman, de DJ Grazzhoppa pour courant des modes pour fait encore mieux. En comme les premières mation, multi-instrumentiste par déduction, (3 cascades 3 chutes et comme en attestent les quasi incontournable, un résultat plus que venir s’échouer sur une quelques écoutes, nous Alaska Gold Rush éruptions de Kings Of ses flûtes psyché). On 12 minutes d’impro en auprès de Sal La Rocca, convaincant. - NA plage idyllique. Celle le garçon pose ensuite ses valises du côté de brûlons d’impatience Wild Jalopy Of The Mist Leon : du rock à pense surtout aux BO équipe de Freestyle All Fabrice Alleman, Chrys- des meilleurs disques de Barcelone. Là-bas, sous le soleil de Catalogne, d’en savoir plus et Autoproduction l’haleine de croco, un signées par Sébastien Shart 2. Les Bruxellois tel Wautier ou encore l’année. - NA il se familiarise avec l’expression digitale, les Mathieu© Golinvaux guettons les moindres truc qui remue la vase Tellier (Narco) et à son Le cœur accroché aux se sont ici adjoints les Laurent Doumont. Son vibrations électroniques, la techno et tout ce apparitions live de ce et secoue les tripes. premier disque très plaines du Nebraska, le services de Mani Deiz, premier album en tant duo de charme qui sera, Ailleurs, le groupe traîne que les machines offrent de beau. De retour glois. Entre mélodies trip-hop et soul brodée cinématographique corps arrimé au pavé l’un des beatmakers les que leader était très on en prend le pari, l’une ses baskets chez Spoon au pays, il assiste les productions des studios en fibres synthétiques, la musique du duo se (L’incroyable vérité) : le bruxellois, Alaska Gold plus courus du moment attendu. Et Lorenzo des révélations franco- (Psychobilly Mad Dada. Dans le cadre de ces fonctions, je sonori- couvre d’une fine parure R&B (tenue légère, très beau piano solo (Le Rush vit son rêve dans l’Hexagone. Et Di Maio ne déçoit pas phones de cette saison. Heavyweight) et The cascadeur) ou la reprise américain, par force est de constater en démontrant ici ses sais les scènes ouvertes organisées par le centre à la Jill Scott ou Mary J. Blidge) et met à pro- Lisa, c’est elle, une voix Walkmen (Since 29). du thème principal. procuration, entre deux que ses instrus boom- talents de compositeur culturel du Brass, à Forest. C’est comme ça que fit les avancées prescrites par Portishead. À envoûtante évoquant Soit un bon trip et une Franchement, ce serait regards, une batterie et bap et ses scratches à et d’arrangeur. Black je suis tombé sur ExtraSystole, un groupe soul- l’image de Daughter, The xx et autres la Françoise Hardy autre façon de dommage de passer une guitare. Anciens l’ancienne leur siéent à Rainbow reflète bien funk bruxellois dans lequel chantait Sasha Vovk. groupes en noir où les filles ont l’art de subli- sixties et une poésie découvrir l’Amérique. à côté ! Disponible via lauréats du Concours merveille. C’est le cas l’esprit d’un disque Après ce concert, j’étais bouleversé. J’aspirais mer le cafard, OTON fait la pluie et le beau qui touche les sens. - NA Dans ses yeux, old bandcamp. - FXD Circuit et du Verdur avec magnifiquement nuancé Vincent (Liben), c’est juste à travailler à ses côtés. Pour moi, c’était la temps sur un nouvel EP aux charmes lan- Rock, Renaud Ledru et school et introspectif, entre le sombre et le lui, figure bien connue Alexandre De Bueger où le duo au micro évo- coloré. Entouré de Jean- voix de Sasha ou rien. Les lèvres posées der- guides et venimeux. Un disque qui soulève de notre paysage pop embarquent à bord d’un lue comme à la maison. Paul Estiévenart, Nicola rière le micro d’OTON (qui se prononce « au- quelques airs mélancoliques, laissant souffler qu’on s’abstiendra donc premier album Ça l’est aussi au fil de Andrioli, Cédric Ray- tomne »), la chanteuse répond désormais aux un vent d’air frais sur les contreforts d’une de présenter. À deux, ils Perles de Rimes, succes- mond et Antoine Pierre, pulsions instrumentales de Baptiste Lan- pop atmosphérique. - NA

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LES SORTIES VUE DE FLANDRE

Johann Joseph Fux - JEUNE PUBLIC SPECTACLE MUSICAL VUE DE FLANDRE Johann Caspar Kerll VOX LUMINIS @OUTHERE LISTE Requiem Manuel Hermia, Corentin & Jonathan TWO RARELY-HEARD REQUIEMS Vox Luminis, Sam Gertsmans, Aussems Lionel Meunier Pascal Mohy Idegael COMPOSED BY KERLL & FUX DES Home Records Outhere /Ricercar Jazz for Kids Ottorino Respighi Kids Avatars They’re a delightful antidote to the overwrought dra- SORTIES Sinfonia Drammatica URBAIN - SOUL ma of some other Requiems, and each time I listened An Pierlé Orchestre Philhar- METAL to them I found more details emerging that I hadn’t Baleine 3000 ENVOYEZ-NOUS LA monique Royal de Innerfire The Nap previously heard. A fascinating double-bill – and pe- Liège, John Neschling DATE DE SORTIE DE Sacricide Vlek rhaps truer than most to the literal meaning of the (direction) VOS PRODUCTIONS. Painkiller Records word “Requiem”! L’ABEILLE QUI SE DONNE Nous relaierons dans ces colonnes : Bis /New Arts Damso [email protected] La Muerte Batterie faible Lu sur www.prestoclassical.co.uk, posté par David ELECTRO Murder Machine Universal Music Smith, le 12 août 2016 CHANSON DU TEMPS Capelo Mottow Soundz Colombey Danse des Nénuphars/ WORLD - TRAD MUSIQUE FILM Entre un spectacle pour enfants, la fin de la tournée de l’albumArches Colombey Utrecht 7’’ Diab Quintet Pouet ! Schallplatten Lexi Disques Benjamin Schoos Seagull Tango DAN SAN & SHELTER et l’écriture de nouveaux morceaux, la chanteuse s’accorde un break pour recharger Thierry Allard, Home Records DELTA DJ Elephant Power UN DEUXIÈME ALBUM le crash final (O.S.T.) les batteries et surtout butiner de l’inspiration auprès d’autres artistes. Pas la fin du monde (EP) Freaksville Records Melike Tarhan QUI NE MANQUE PAS D'ATTRAIT A.R.E Music / Universal Rising Cloud /Tropic Clap Juicy Little Bramble Au-delà des arrangements harmonieux et de l'équi- DAVID SALOMONOWICZ Elephant Power Records POP-ROCK Home Records Le Grand Jojo libre rythmique, Dan San puise son aura dans les 80 (Anthologie) Ozferti A Boy With A Beard grands espaces. Les éléments aquatiques, les rêves Universal Music This is Afrogrime (EP) Retrouvez la et les cauchemars sont les autres invités d'honneur a reine gantoise en a déjà produit Autoproduction Pierre Rapsat A Boy With A Beard liste complète du disque. (…) Pour l'auditeur, les chansons de ce deu- des litres de bon miel sonore en Live in Gouvy 1981 Shungu Autoproduction xième album appellent aux songes sans jamais rien près de 20 ans de carrière. Une pro- Team4Action Reallife III Robbing Millions des sorties imposer de terrifiant. Bien au contraire. ductivité presque boulimique qui, Autoproduction Robbing Millions depuis Mud Stories en 1999, a vu CLASSIQUE - sur www.conseil Lu sur musique.rfi.fr, posté par Patrice Demailly, Titonton Duvanté [PIAS] naître une demi-douzaine d’al- CONTEMPORAIN delamusique.be le 17 août 2016 & Fabrice Lig bums, nombre de side-projects, de collabo- Sensuel EP (réédition) Benoît Mernier rations en tous genres et surtout des tournées Quatuor à cordes n°3 Lig Music Pro Arte Quartet fréquentes pour ne pas dire perpétuelles. Il Vladimir Platine L Albany lui arrive donc tous les 7-8 ans de s’accorder Wait ÉCHOS D’AILLEURS deux mois de répit total. Il y a d’abord le côté de Grigny, Escaich, Rockerill Records Farago, Mernier, pratique de « devoir » m’occuper de ma fille pen- Paulet, Robin JAZZ-BLUES dant les congés scolaires et pendant que Koen Hymnes Artists # (Gisen, son compagnon, producteur et arran- Vincent Dubois, Pierre withRefugees geur de nombreux projets en Belgique - ndlr) Farago, Olivier Latry, Two Small Bags, Ten Benoît Mernier, Jean- Millions Dreams travaille sur trois albums. Mais j’ai surtout dé- Baptiste Robin : orgue Autoproduction cidé de partir en vacances, ce qui n’était plus ar- Aeolus rivé depuis bien longtemps et de prendre deux Big Noise Giovanni Legrenzi Live mois pour faire de la musique qui ne sert à rien, Sonate Balletti Igloo Records qui n’est pas vouée à être utilisée. Juste pour re- Ensemble Clematis © David Haesaert trouver le plaisir. Et ça, c’est très difficile pour Ricercar /Outhere Fabrizio Graceffa U-Turn moi, de lâcher prise complètement, de ne pas

Hugo Wolf MÉLANIE @JAZZ MIDDELHEIM © Kaat Pype Challenge Records penser tout le temps au boulot. Par contre, c’est Kennst du das Land ? WERELDKLASSE ! Sophie Karthäuser, Impénétrable Trio chouette de composer en totale liberté, de se don- Eugene Asti Impénétrable Trio Drie jaar geleden stond Melanie de Biasio ook al op © Danny Willems ner du temps. D’écrire pour les autres aussi et vie de tester une chanson électro parce que j’aime lyphonique médiévale. J’ai vraiment envie de Harmonia Mundi Autoproduction het grote podium van Middelheim toen haar tweede ne pas être concentrée sur son propre projet. la lumière dans cette vieille bibliothèque, j’ai l’oc- pousser encore plus loin la démarche entamée album No Deal net uit was. (…) In 2013 was ze een op- LA MUERTE @GRASPOP « Il était une fois » Jean-Philippe Une vision bien personnelle de la « décon- casion de le faire sans pression aucune de devoir sur Arches. En attendant, elle va continuer vallende nieuwe Belgische jazz-aanwinst maar met het Un opéra imaginaire Collard-Neven/Jean- KLASSE ! nexion totale » me direz-vous, qui l’amène déboucher sur une chanson d’album. Il y a juste à tourner avec l’album à la rentrée (car il autour des contes de fées optreden op Middelheim 2016 bewees ze definitief we- Louis Rassinfosse/ Het eerst afwachtende publiek sloot het über-coole néanmoins à lire des livres, à regarder des une journée porte-ouvertes fin octobre durant la- sort en France début septembre) et sera tou- à l’époque romantique Quatuor Debussy reldklasse te zijn. (…) De grote verrassing van de avond La Muerte na een drietal kleppers dan toch in de ar- Jodie Devos, Caroline Filigrane was avondafsluiter Melanie de Biasio. Op basis van films, à se nourrir à d’autres sources de pol- quelle je dois présenter le fruit de ce qui sera sor- jours en vadrouille avec le projet Kids Slum- meng, Quatuor Giardini Harmonia Mundi haar twee maanden terug verschenen en overweldi- men. Enkele nieuwe én uitstekende songs werden ons len artistique. Il se passe plein de choses pen- ti de mes expérimentations là-bas. berland. Un spectacle pour enfants qui Outhere /Alpha gend mooie Blackened Cities EP waren de verwachting om de oren geslingerd, alsook vintage garagerockklas- dant l’été dans ma région avec les Gentse Fees- consiste en un film sur les rêves. C’est très Nasa Na hooggespannen en wat maakte de Biasio en haar band siekers als Black God, White Devil' en de onvolprezen Jean-Claude Vanden Live 91 ten ou le Theater Aan Zee, mais surtout avec un Une fois la récolte estivale finie, l’abeille- poétique avec des personnages, des questions het ongelooflijk waar. cover van Lucifer Sam (Pink Floyd). Klasse ! Eynden/Abdel- Outnote Records projet très intéressant de résidences appelé Nu- soldat Pierlé se remettra donc avec disci- sur la vie, sur la nuit, mais sans dialogue. De Rahman El Bacha/ Lu dans Rock Tribune, Graspop Metal Meeting – cleo dans de vieilles écoles désaffectées et des bâ- pline au travail, le vrai, avec, comme op- quoi laisser de la place pour le piano de Ful- Frank Braley Octurn & The Tibe- Lu sur www.writteninmusic.com, posté par Dick Het verslaag Archives du Concours tan Monks Of Gyuto Hovenga, le 15 août 2016 timents industriels avec des espaces énormes tique, de sortir un EP en décembre dans la co Ottervanger (qu’on connaît par ailleurs Reine Élisabeth Tantric College dans lesquels il y a beaucoup de réverbération. prolongation de l’album Arches arrivé en dé- dans les projets Stadt et De Beren Gieren) Muso /Harmonia Mundi Onze Heures Onze Ce sont des lieux magiques avec par exemple un but d’année. J’ai déjà une dizaine de pistes et pour la voix de la chanteuse gantoise. Un Yves Teicher grand auditorium dans lequel je peux aller jouer pour garder 5 chansons et, sans tout dévoiler, spectacle à la base en néerlandais mais qui Monade vu que je n’ai pas besoin d’électricité. J’y croise je peux déjà dire que ce sera dans la continui- a été adapté en 3 langues (français, alle- Home Records plein d’artistes d’autres disciplines et cela fait té mais avec un côté un peu plus extrême à tous mand et anglais) et, avec lequel, elle va naître une vraie émulsion créatrice. Ça permet les niveaux. Les morceaux poppy seront encore même aller au Canada. La reine va voir du de faire naître des étincelles. Du coup, si j’ai en- plus poppy, idem pour ceux dans la veine po- pays. Comme toujours…

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L’INTERVIEW INDISCRÈTE C’ÉTAIT LE… L’INTERVIEW INDISCRÈTE Chez Ultraphallus C’était en … En cavale dans les rues de la Cité ardente, Larsen s’est invité JUIN 1982 chez Phil Maggi, laborantin du rock expérimental et porte-parole attitré du groupe Ultraphallus. À l’heure de son quatrième album

DR (The Art Of Spectres), la formation liégeoise s’obstine à déchiffrer les mystères du passé, les mythes du cinéma et les zones d’ombre de nos sentiments les plus sombres. Force vive d’une musique bruitiste et authentique, Ultraphallus scrute les limites du noise-rock, du doom et du black metal en imaginant des horizons insoupçonnés.

NICOLAS ALSTEEN

inspirant.

DES DESSINS DE COUTURE LE FILM ZABRISKIE POINT UN ROMAN

C’est un cahier qui date du début du siècle Un des meilleurs films de tous les temps ! Ici, Monsieur Chien, de Jacques Tallote, est un dernier. À l’intérieur, certains croquis re- le réalisateur Michelangelo Antonioni est au livre sur lequel je travaille en vue d’une montent à 1917. Ce sont des patrons qui ser- sommet de son art. À la fin de Zabriskie adaptation cinématographique. Ce bouquin vaient autrefois à dessiner des robes. Ces es- Point, tout explose. Ce grand boom évoque est sorti en 2013. C’est notre guitariste, Xa- quisses ont été réalisées par une tante de la fin. La fin de quoi ? On ne sait pas. Ça peut vier Dubois, qui me l’a conseillé en disant : Julien Bockiau, notre batteur. Nous les avons être l’extinction d’une civilisation ou d’une Ça rejoint l’univers de David Lynch, ça parle utilisées pour illustrer l’album The Clever. relation amoureuse. De n’importe quoi. Une de black metal, tu devrais aimer. J’ai adoré. On adore travailler avec des archives. Depuis chose est sûre : après cette explosion finale, L’intrigue se déroule sur l’île d’Oléron, dans toujours. La perception du passé est vrai- tout est à recommencer. Avec le groupe, nous les années 1990. On suit le parcours de Paru dans Le Soir Lou Deprijck est bien proposé un hymne ment une de nos sources d’inspiration. Elle cherchons à créer une musique urgente. quatre jeunes qui essaient de s’extirper du 4-6 juin 1982 connu dans nos « officiel » des Diables contrées, notam- Rouges à l’occasion se matérialise souvent via les samples utili- Nous sommes un peu comme les person- d’une société devenue anxiogène. Ce livre (Auteur : Marc Rozen) sés. Des sons qui diffusent une atmosphère nages du film : attirés par le danger, l’amitié, opère des liens incessants avec des thèmes ment comme du Mondial 2016. Un mélancolique. Mais jamais de la tristesse. l’amour, l’envie de prendre du plaisir et le qui nous fascinent. À commencer par les interprète controver- personnage haut en Plutôt une réflexion sur le souvenir et l’idée désir de tout faire exploser. Curieusement, spectres. D’où le titre du nouvel album, The sé du Ça plane pour couleurs ! de transmission. Pour nous, la représenta- la bande originale de Zabriskie Point (dans Art Of Spectres. Ici, ce qui nous intéresse, ce moi attribué tion de ces robes a quelque chose de féminin laquelle on trouve notamment des titres de Pink ne sont pas les fantômes. Plutôt les zones légalement à Plastic et de poétique : des émotions qui, sur le pa- Floyd, Grateful Dead, John Fahey - ndlr) n’a eu d’ombre qui nous entourent, les souvenirs Bertrand pendant de pier, sont en parfait décalage avec notre son. aucun impact sur nos compos. C’est très enfuis. Tout ce qui se cache derrière la psy- nombreuses années. Pourtant, dans l’écriture, on adore s’appuyer compliqué de savoir ce qui nous influence ché des gens. À travers son histoire, le livre Il a officié sous le Le présent article nom Lou & The sur ce paradoxe. C’est notre façon de briser musicalement. Nous sommes davantage ins- rejoint aussi les énigmes qui entourent cer- est reproduit la routine, de détourner les clichés associés pirés par l’histoire de l’acteur Mark Fre- taines disparations. En cela, c’est aussi une Hollywood Bananas avec l’autorisation au rock. Avant de se lancer dans l’enregis- chette, par exemple. À l’époque du Zabriskie connexion à la biographie tragique de Mark ou Two Man Sound, de l’Éditeur, trement d’un disque, nous utilisons toujours Point, il véhiculait l’image du beau gosse : un Frechette. Ou comment une personne dis- collaboré avec de tous droits réservés. des images. On parle, notamment, de la cou- James Dean version hippie. Dans la vraie paraît-elle en laissant une trace mystérieuse nombreux artistes Toute utilisation leur à donner à nos futurs morceaux. Une vie, il s’est fait arrêter trois ans plus tard pour après un bref passage sur Terre ? comme Viktor Lazlo ultérieure doit faire l’objet fois que nous partageons un concept, un fee- braquage. Il est mort en prison dans des et a récemment d’une autorisation ling qui nous excite ou nous amuse, nous conditions particulièrement mystérieuses (la spécifique de la sommes plutôt rapides et efficaces dans la gorge écrasée par un haltère - ndlr). Un mor- société de gestion création. ceau de notre nouvel album s’intitule d’ail- Copiepresse : leurs The Death Of Mark Frechette. [email protected]

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