Vivre À Dijon En 1900
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VIVRE A DIJON EN 1900 Du même auteur, sur Dijon et la Côte-d'Or : Dijon, le temps de vivre, en collaboration avec Janine Niepce, Denoël, 1981. Le chanoine Kir a-t-il existé ?, en collaboration avec Alain Mignotte, Dijon, 1968. Le chanoine Kir et Nikita Khrouchtchev, Dijon, 1976. Le général de Gaulle à Dijon, C.E.R.G., 1982. La libération de Dijon, Editions de Saint-Seine-l'Abbaye, 1984. Si la place Darcy vous était contée..., PN'P Marketing-GEMAP, 1983. Le canton de Gevrey-Chambertin en 1900, Éditions de Saint-Seine-1 'Abbaye, 1982. La Côte-d'Or, Larousse et Sélection du Reader's Digest — Pays et gens de France, 1981. Jean-François BAZIN VIVRE A DIJON EN 1900 Collection : Vie quotidienne autrefois EDITIONS HORVATH Roanne/Le Coteau 1985 REMERCIEMENTS Je remercie celles et ceux qui ont contribué à l'illustration de cet ouvrage, et particulièrement : M. Albert Poirot, conservateur de la Bibliothèque municipale de Dijon. Mlle Marie-Hélène Degroisc, conservateur des Archives de la Ville de Dijon. Mlle Madeleine Blondel, conservateur du Musée de la Vie bourguignonne Mme Marie-Claude Pascal, inspecteur du Vieux-Dijon. Mlle Martine Chauney, secrétaire général de l'Académie des sciences, arts et belles lettres de Dijon. Les services photographiques de la Ville de Dijon et de l'Agence intercom- munale d'urbanisme du District dijonnais. Plusieurs fonds privés ont été utilisés : Virey, Vauvilliers, Breuil (à la Biblio- thèque municipale de Dijon) ; de Cizencourt, Joliet, Gauchat, Denizot, etc. Ont également contribué à l'élaboration de ce livre MM. Guy Louis, Eric et Gabriel Bazin, Roger Loustaud, Julien Bernard, Gabriel Bachet, André Berthier, Henri Gérin, ainsi que Mme Andrée Gaston-Gérard. Directeur de publication Gérard TISSERAND Directrice littéraire Corinne POIRIEUX Copyright Éditions HORVATH — Z.I. Les Étines — 42120 LE COTEAU I.S.B.N. 2-7171-0363-5 VIVRE A DIJON EN 1900 D'un siècle au suivant, Dijon devient une autre ville. Elle était tombée de haut quand la Révolution l'avait transformée en un sim- ple chef-lieu de département. Quand on a été la capitale des ducs de Bourgogne, quand on a abrité les Institutions de la Province, il est pénible de se retrouver à la rue du jour au lendemain. Mauvaise fortune. Dijon mettra plus de 150 ans à reconquérir son rang de capitale régionale. Bon cœur. Faute de ressources naturelles, Dijon tire pleinement profit du chemin de fer. La ville devient industrielle. Elle attire l'abondante main-d'œuvre disponible des campagnes voisines. L'esprit public suit le mouvement, et parfois le provoque. Dijon respire, en brisant son corset de remparts et bastions, en les remplaçant par des boulevards, par des places. Sa population a triplé depuis 1800. Elle va encore doubler durant le prochain demi-siècle. Le tournant n'a pas vraiment lieu en 1900. Les grands changements se pro- duiront durant la Grande Guerre. Mais, de 1890 à 1910, c'est la naissance du XXe siècle. La Belle Epoque. Pourquoi s'y attarder ? Nos souvenirs ont ce point de départ, nos nostalgies aussi. On parle toujours de ce temps-là. La Belle Epoque a déjà inspiré ici plusieurs ouvrages, dûs à Gaston-Gérard, à Albert Colombet, à Jean-Claude Garreta, à Jean Lazare, à d'autres aussi. Pour faire œuvre originale, nous faisons souvent revivre les années 1900 à travers des épisodes mouvementés de la chronique dijonnaise : l'affaire Le Nor- dez, le reférendum de l'octroi, le vicaire de Notre-Dame, le calvaire du boucher Pacotte... Car il s'en passe, des choses... Vous allez voir ! Quittant les sentiers battus de la carte postale, nous offrons une documenta- tion dont la moitié est inédite. Il s'agit de photographies privées, tirées d'archives familiales et de collections publiques. Le plus souvent, nous montrons de préfé- rence ce qui a changé, ce qui est en train de changer. Enfin, par le récit et par l'image, nous nous efforçons d'aller au cœur de Dijon pour en restituer la « psychologie » profonde : l'âme autant que le carac- tère. LE 1er JANVIER 1900 Le 1er janvier 1900 est un lundi. On entre à la fois dans la semaine et dans le siècle. Dans le XXe SièCle ! Je regarde avec curiosité le journal du jour. Le Progrès de la Côte-d'Or qui est le grand quotidien dijonnais sous la Ille République. On imagine aujourd'hui une manchette barrant toute la première page, saluant le siècle nouveau. Des échos, des anecdotes, des vœux... Eh bien ! non. L'événement du jour passe complètement inaperçu. Pas une ligne, pas un mot sur le XXe siècle né ce matin-là. Sans doute le XXe siècle n'a-t-il commencé que le 1 er janvier 1901... Mais c'est pourtant en 1900 que le 19 rem- place le 18. L'éditorial est consacré aux Universités populaires. On évoque la crise du charbon, les formalités du mariage, le prix du pain à Semur. Bref, on parle de tout et de rien. Kiosque à journaux, un jour d'hiver, place de la République. Remarquez l'étonnant personnage à gauche sur la photo... Jusqu'à six quotidiens ! Le Bien Public est st né le 31 août 1868, de la fusion de I' Union bourguignonne et de l'Impartial bourguignon. Le Progrès, lui, l'année suivante. Ces deux titres se retrouveront seuls, face à face, en 1911. Entre temps, il y aura eu jusqu'à six quotidiens à Dijon, en 1884. Le Bourguignon salé « satirique et humoristique », aux initiatives parfois douteuses paraît... par soubresauts. Si l'on compte les heb- domadaires, les mensuels, il y a quelque 25 journaux en 1900. Le Rappel des tra- vailleurs laissera la place en 1907 au Rappel socialiste. « Dieu, patrie, famille — la Croix et la Charrue ont fait la France » : telle est la devise du Bien du Peuple créé en 1896 par le chanoine Belorgey que secondera plus tard le cha- noine Kir. En 1889-1890, le Progrès et le Bien Public deviennent des journaux du matin à un sou, étendent leur clientèle dans les campagnes. Ils résistent victorieu- sement aux assauts des journaux de droite et de gauche fondés au gré des fluctua- tions de la politique : le gendre de Grévy, Daniel Wilson dirige quelque temps des entreprises de presse à Dijon. L, Bien Publi... - l a Rotative, sortie du journal En 1914, le Progrès — puissante machine électorale aux mains de Joseph Magnin (1) s'affirme de plus en plus radical. Il tire à 25 000 exemplaires. Conser- vateur et catholique, le Bien Public atteint presque les 10 000 exemplaires. Leur influence se limite à la Côte-d'Or qui compte alors 350 000 habitants. C'est dans l'immeuble du Progrès, sur la future avenue Maréchal-Foch que Jean Jaurès écrit le 26 juillet 1914 l'un de ses tout derniers articles. Directeur de l'Humanité, député du Tarn, il avait dû faire halte à Dijon à la suite d'un acci- dent de chemin de fer. Il se présente au Progrès comme « un confrère en détresse ». Là, il rédige son éditorial et le téléphone à Paris. Il sera assassiné le 31 juillet. Jean Jaurès avait donné une conférence à Dijon, au cirque de Tivoli, le 1er mai 1900 devant 3 000 personnes pour soutenir la liste socialiste aux élections municipales. Le Progrès paraîtra seul durant la Deuxième Guerre mondiale, sous le con- trôle de l'occupant. Il disparaîtra en septembre 1944 remplacé par le Bien Public et la Bourgogne républicaine (fondée en 1936) qui s'étaient « sabordés » en juin 1940. (1) Joseph Magnin (1824-1910) est président du Conseil général pendant 38 ans, membre des assemblées législatives pendant 47 ans, ministre, gouverneur de la Banque de France (188M897) et président de la commission des finances du Sénat (1898-1909). Le deus ex machina de la politique 1 . côte-d'orienne durant un demi-siècle. Les journalistes sont alors des personnages importants. Et les photos sont rares dans la presse... Ainsi s'explique cette légende de carte postale, à l'occasion de la visite à Dijon du ministre de l'agriculture en 1906 : « la Presse prenant un cliché »... L'Alcazar aux Chartreux La lecture du journal nous en apprend beaucoup sur ce.qu'il est convenu d'appeler « les mentalités », si différentes parfois des nôtres. Un article, par exemple, pris presque au hasard dans le Progrès (28 janvier 1900). Sous ce titre : « Un concert chez les folles — L'Alcazar aux Chartreux ». Concert récréatif pour distraire les malades de l'hôpital psychiatrique de Dijon. Comment le journaliste en rend-il compte ? « Je vous assure que les bra- ves artistes faisaient visiblement tous leurs efforts pour procurer à leur pitoyable auditoire la distraction qui dissipe la chimère maladive et le mauvais délire », écrit-il. Et de décrire complaisamment ces « folles » : « En somme, les folles se tenaient bien tranquilles comme de petits enfants sages qui auraient voulu par leur retenue se montrer dignes du plaisir procuré ». Imagine-t-on aujourd'hui ce langage... Ce sont des photographes amateurs qui saisissent au vol les scènes de la rue, comme ici ces enfants rue de l'Ile. DIJON VEUT SA DECORATION ! Pendant près de trente ans, Dijon n'a qu'une idée en tête. Beaucoup de gens ont cette ambition, mais une ville ! Dijon veut avoir le ruban rouge à sa boutonnière. Dijon veut recevoir la Légion d'honneur. Le souvenir de la guerre de 70 reste vivace. Le 30 octobre, on s'est furieuse- ment battu autour de Dijon et en pleine ville. Du 21 au 23 janvier 71, les combats reprennent. C'est une victoire ou presque. Le chasseur Victor Curtat s'empare du drapeau du 6je Poméranien.