Rédaction et publication «Groupe Mémoire» du Centre de la Lande - Novembre 2004 - 5 €

SOMMAIRE Mémoires de - Les 45 derniers millions d’années de l’histoire de Saint-Jacques Saint-Jacques - Les maraîchers du Pigeon Blanc

- Le Vert Galant a-t-il été séduit par une Jacquolandine

- Une petite exploitation agricole au XVIIIe siècle : la «ferme des pauvres»

- L’attelage des Desguérets

- Le grand bunker du Haut-Bois

- Le chemin de Moscou

- Frenand Rousselet : la boxe et la pêche

- L’abbé Grimault

- Témoignages des résidents de la Rablais 3 Les conscrits SOMMAIRE éDITORIAL

3 Editorial tique, mais jamais inexistant. Pour ce numéro 3 nous avons eu encore re- LE TERRITOIRE ET SES AMéNAGE- cours à M. Jean Plaine, conservateur du Musée MENTS de géologie de 1. Il a, en particulier, 4 Les 45 derniers millions d’années de confectionné pour notre revue une carte du sous-sol du territoire de Saint-Jacques. Et bien l’histoire de Saint-Jacques rares doivent être les communes de Bretagne, 8 Les maraîchers du Pigeon Blanc de et de Navarre qui peuvent se targuer de posséder un tel document ! Qu’il en soit ici SAINT-JACQUES DU TEMPS JADIS publiquement remercié. 10 Le Vert Galant a-t-il été séduit par Le lecteur trouvera dans ce numéro deux petites innovations. La première concerne la une Jacquolandine ? présentation des textes des articles sur deux 12 Une petite exploitation agricole au colonnes au lieu de trois, pour une meilleure XVIIIe s. : la «ferme des pauvres» lisibilité. Les avis sur cette question sont par- 16 Les conscrits tagés. Nous avons suivi celui de Mehdi Zmuda, le maître d’œuvre de la mise en forme de la revue, de préférence à celui de l’imprimeur. Et SAINT-JACQUES DU PASSé PROCHE cela, à défaut de pouvoir organiser un référen- 17 L’attelage des Desguérets dum auprès des lecteurs ! 19 Le grand bunker du Haut-Bois L’autre innovation est l’introduction de quel- ques dessins pour diversifier l’illustration de la revue. Ils nous ont été proposés par deux jeunes AUTRES REGARDS dessinateurs amateurs, extérieurs à la commune Des lieux et des hommes et camouflés sous un pseudonyme, comme la 24 Le chemin de Moscou grande majorité des professionnels de la carica- 25 Fernand Rousselet : la boxe et ture de presse. Ils ont mis leur talent graphique et leur imagination débridée au service de deux la pêche faits «historiques» jacquolandins évoqués dans 26 L’abbé Grimault (1ère partie) ce numéro. Témoignages Ce numéro 3 clôture la première année 28 Témoignages des résidents de d’existence de «Mémoires de Saint-Jacques». Les ventes au numéro et surtout les abonne- la Rablais ments (près de 250 !) ont atteint un niveau pres- 29 Courrier des lecteurs que suffisant pour assurer l’équilibre financier Notes diverses et divertissements de notre entreprise avec certes un soutien de la 30 A propos de la carte géologique de municipalité, mais sans recours à la publicité. Pour la poursuite de notre projet, il est ca- Saint-Jacques. Mots croisés jacquo- pital que la revue conserve tous ses lecteurs et landins. abonnés. Qu’ils fassent connaître «Mémoires de Saint-Jacques» autour d’eux ! Que les abonnés près le numéro spécial consacré à pensent à renouveler dans les meilleurs délais, Saint-Jacques pendant la Deuxième par le formulaire joint, leur adhésion ! Guerre mondiale, retour, comme le Enfin, comme les fêtes de fin d’année appro- Amontre le sommaire, aux rubriques annoncées chent, l’ensemble de l’équipe qui a fait naître et comme devant être habituelles. Donc, plus fait vivre la revue , souhaite à tous les lecteurs d’unité de temps ! Bien au contraire, des sujets et abonnés de «Mémoires de Saint-Jacques», dispersés à travers les siècles et même bien plus un joyeux Noël, leur offre ses meilleurs vœux dans le premier article proposé. Cependant tou- pour l’année 2005 et leur donne rendez-vous jours une unité de lieu car tous les articles ont pour un prochain numéro. un rapport avec Saint-Jacques. Parfois acroba- Auguste Charlou 3 Le territoire et ses améNAGEMeNTS

LES 45 DERNIERS MILLIONS D’ANNEES DE L’HISTOIRE DE SAINT-JACQUES

l s’agit, bien entendu, de l’histoire géolo- luns du Quiou1) d’épaisseur très variable ; elle gique de son territoire. Et comme elle se est maximale à Chartres, près de la Chaussairie mesure en dizaines et même en centaines (60 mètres). Ide millions d’années, il faudrait pour la raconter, La mer revient une dernière fois à partir remonter bien au-delà du déluge. On se conten- de 10 millions d’années, en provenance des tera ici du récit très simplifié des 45 derniers régions de la Basse-Loire. Elle ne pénètre pas millions d’années. aussi profondément en Bretagne que la Mer des Au moment où commence notre histoire, Faluns, mais dans la région rennaise elle atteint alors que la mer s’étale sur le sud-ouest de la au nord Chasné-sur-Illet et au sud Chartres-de- Bretagne, le territoire de Saint-Jacques, comme Bretagne et Saint-Jacques-de-la- Lande. Il reste l’ensemble de la région rennaise est émergé. Le de cette époque des gisements de sédiments climat, depuis au moins une bonne vingtaine de depuis longtemps inaccessibles au sud-ouest millions d’années, y est tropical ou subtropi- du territoire de Saint-Jacques, au Houx et au cal ! Temple du Cerisier, et récemment retrouvés De 40 à 30 millions d’années, la continenta- à Lillion au nord-est de la Piblais. Ce sont là lité de notre région s’estompe lorsque s’y instal- encore des calcaires coquilliers connus sous le lent des étendues marécageuses. A la fin de cette nom de Faluns redoniens. période, le milieu devient laguno-marin avant Pratiquement en même temps que le dépôt de devenir franchement marin. En même temps, de ces sédiments se répandent des sables fluvio- le climat évolue vers un refroidissement, tout en estuariens dépourvus de fossiles, contenant des restant encore chaud. Ce n’est encore là que le oxydes de fer, d’où leur dénomination de « sa- début de bouleversements prodigieux. bles rouges ». Dans la région d’Apigné, ces sa- bles, qui sont en fait le plus souvent de couleur Trois grandes invasions marines blanche, peuvent atteindre une épaisseur de 60 mètres ! Il s’agit là du premier réseau fluviatile La première des trois invasions marines identifié dans la région. majeures que va connaître le territoire de Saint- Jacques dure de 30 à 25 millions d’années et Du chaud au tempéré correspond à l’extension de la mer en diagonale sur l’est de la Bretagne, entre la baie de Saint- Au début de la période et durant la majeure Brieuc et la vallée de la Loire. Il en reste des partie de nos 45 millions d’années, la tempé- couches calcaires accumulées sur 20 à 25 mètres rature moyenne devait être de l’ordre de 25°C d’épaisseur avec, à la base, des calcaires argi- alors qu’elle n’est actuellement que de 14°C ! leux et des marnes à chaux hydraulique. A l’époque de la Mer des Faluns (autour de 15 La seconde invasion marine correspond à la millions d’années) le climat est de type tempéré fameuse Mer des Faluns qui relie l’Atlantique chaud à subtropical. Au Redonien (autour de 6 à la Manche par la Touraine, l’Anjou et l’est de millions d’années) le climat, pourtant sensi- la Bretagne, à partir de 15 millions d’années. La blement refroidi, reste plus chaud que le climat région rennaise n’est pas alors une étendue ma- actuel. Mais ce passage de températures tropi- rine uniforme ; c’est seulement un bras de mer cales à celles d’aujourd’hui ne se fait pas par peu profond (moins de 50 mètres) brassé par les un simple abaissement graduel et régulier des courants, parsemé d’îles et d’îlots rocheux en- températures. Les deux derniers millions d’an- tourés de récifs à bryozoaires et algues calcaires. nées de notre histoire connaissent des hoquets De cette invasion marine, il reste aujourd’hui climatiques sidérants. des sables calcaires formés par l’accumulation En effet, vers 1,5 millions d’années, com- d’innombrables fragments de coquilles (les Fa- mence une succession de nombreux cycles 4 Le territoire et ses améNAGEMeNTS froids séparés par des cycles plus chauds. Pen- d’années) connus sous le nom de « calcaires dant les derniers 600 000 ans, les variations sont grossiers de Rennes ». Leur épaisseur moyenne plus importantes provoquant des glaciations de est de 30 mètres mais elle peut atteindre par en- grande ampleur et en conséquence, de fortes va- droit 75 mètres. Ce sont ces calcaires qui étaient riations du niveau de la mer. La dernière de ces exploités pour la fabrication de la chaux dans les glaciations quaternaires se situe entre 116 000 et fours de Chartres-de-Bretagne. 18 000 ans, avec un paroxysme vers 20 000 ans. - des dépôts de la Mer des Faluns (vers 15 Le niveau de la mer est alors inférieur d’environ millions d’années). Les faluns sont presque 100 mètres au niveau actuel. exclusivement localisés dans la partie orientale Si aujourd’hui les glaciers fondaient du fait du bassin tertiaire de Rennes et leur extension du réchauffement de la planète, le niveau de la ne dépasse guère 3 kilomètres carrés (moins mer pourrait remonter d’à peu près autant de du dixième de la superficie totale de ce bas- mètres. Seule la partie centrale de la Bretagne sin). L’épaisseur moyenne varie rapidement de émergerait. Le territoire de Saint-Jacques ne se- moins de 10 à plus de 60 mètres sur le territoire rait pas le dernier a être submergé par les eaux. de Chartres. Il n’y a pas beaucoup de faluns à Mais nous n’en sommes pas encore là ! Saint-Jacques, mais sans doute y en a-t-il à l’est du Bourg où leur présence correspond à l’ex- Les vestiges de cette histoire : sédiments trémité nord du bassin des faluns. et fossiles - des sables rouges. Leur coloration est due aux oxydes de fer. Ils sont masqués à l’affleure- Les plus consistants de ces vestiges, ce sont ment par des sables et graviers sans fossiles mais les sédiments déposés sur plusieurs dizaines, ils constituent l’assise tertiaire la plus étendue voire centaines de mètres, au temps des inva- sur l’espace de la feuille géologique occupé par sions marines. On s’en tiendra ici à ceux qui af- le territoire de Saint-Jacques. Les sables rouges fleurent sur le territoire de Saint-Jacques même correspondent à de vastes épandages fluviatiles. s’ils sont aujourd’hui difficilement accessibles Ces sédiments meubles , autrefois considérés à l’observation directe. D’après la carte du comme marins, correspondent en fait à des en- Bureau de Recherches géologiques et minières vahissements périodiques de sortes de rias, entre (BRGM) (feuille Rennes n°317) adaptée par M. 8 et 3 millions d’années. Plaine pour « Mémoires de Saint-Jacques », les - des alluvions fluviatiles, surtout le long de principales formations géologiques connues sur la Vilaine, mais aussi le long du cours d’eau le territoire de la commune sont, par ordre dé- majeur de Saint-Jacques : le Blosne. croissant d’ancienneté, les suivantes (voir p.7) : Mais les vestiges les plus évocateurs de cette - des schistes et des grès verdâtres souvent histoire géologique du territoire de Saint-Jac- altérés en argiles , que les géologues rangent ques, ce sont les fossiles végétaux et animaux. dans le Briovérien, soit à plus de 500 millions Ils sont connus grâce d’abord à l’exploitation d’années ! L’abbé Grimault affirme que ces des carrières, puis surtout aux patientes études roches « sont encore visibles à la Courouze, à des savants et parfois aux découvertes d’ama- la Teillais et au Haut-Bois ». Effectivement, teurs éclairés. selon M. Plaine, il n’est pas impossible, que La flore de ces temps géologiques est très le briovérien soit visible à la Courouze. Pour variable selon le milieu (marin, lacustre ma- ce qui concerne ces argiles couvrant le socle à récageux, terrestre) et le climat des différentes Saint-Jacques, on les trouve sous l’emprise de périodes. On peut retenir, entre autres décou- l’aérodrome et du parc des expositions. Ce sont, vertes faites par les spécialistes, que les fossiles pour les plus anciennes d’entre elles, des argiles végétaux les plus anciens sont des spores de d’altération (kaolins) éocènes accompagnées mohria. Ce nom de mohria désigne une fou- de concrétions ferrugineuses, puis des argiles gère tropicale qui pousse aujourd’hui dans les (« argiles à mohria ») datant d’environ 40 mil- sous-bois de … Madagascar ! Ils ont été trouvés lions d’années, riches en lignite, en algues d’eau dans des sédiments kaoliniques, dits « argiles à douce et en cristaux de gypse. mohria » et datant de 40 millions, en particulier - des calcaires oligocènes (35 à 23 millions le long de la Vilaine, entre Apigné et le Temple 5 Le territoire et ses améNAGEMeNTS du Cerisier. Dans les zones marécageuses se tins ne dépassent pas 2 mètres et 200 kilos alors développe une flore dans laquelle on a pu iden- que les dugongs atteignent 5 mètres. M.Plaine tifier des nympheas, tout à fait comparables aux estime que les ossements et dents retrouvés à nénuphars blancs et jaunes d’aujourd’hui, des Saint-Jacques appartiennent plutôt à des ani- brasénies, qu’on ne trouve plus que hors d’Eu- maux de la famille des dugongs. rope, dans des eaux tropicales, et des nelumbos proches des lotus du Nil !

Fossiles de coquillages et d’os de lamantins, trouvés dans les sablières (collection de M. Leyès). La faune présente bien entendu les mêmes variations. Parmi les innombrables animaux étranges dont la présence à Saint-Jacques est attestée, on retiendra d’abord des animaux herbivores de grande taille et à trompe, de la famille des dinothères, aujourd’hui disparus, et des mastodontes qui sont les lointains cousins des éléphants actuels. On note aussi la présence, Dinothère pour la faune fluviale et lacustre, de tortues et de… crocodiles ! Dans la faune marine, on re- Tout ce que nous venons d’évoquer remonte lève, à côté de poissons tout à fait comparables bien avant que le premier être humain ait foulé aux individus actuels (brèmes, vieilles, daura- le sol de Saint-Jacques. Les plus anciennes tra- des) d’autres qui ne se rencontrent plus que dans ces de présence humaine y sont certes anciennes les eaux tropicales ou subtropicales. Parmi ces puisqu’on a trouvé en 1912, dans un champ de derniers, les restes fossiles les plus remarqua- la Pitardière, des haches en silex datant du pa- bles sont les dents de sélaciens (requins). léolithique. Mais cela ne date que de quelque Autre point étonnant, on a trouvé à Saint- 10 000 ans. Jacques, dans les carrières autrefois exploitées Un âge dérisoire à l’échelle géologique ! dans la zone des Couardières, de la Piblais, du Houx et de la Pérelle, des ossements et des A.C. dents d’un mammifère marin de l’ordre des si- réniens, animaux ressemblant aux phoques dont 1 Le Quiou est une petite commune du canton d’Evran, ils ont à peu près la taille : jusqu’à 3 mètres de proche de Dinan, qui a donné son nom à ce type de dé- long et 500 kilos ! Ils sont parfois appelés « va- pôts. ches de mer». On ne recense de nos jours de tels animaux que dans les fleuves (embouchure notamment) et lacs d’Afrique occidentale et d’Amérique. Les seuls siréniens actuels sont les lamantins et les dugongs, qui se différencient par la dentition, la taille et le poids. Les laman- 6 Le territoire et ses améNAGEMeNTS

7 Le territoire et ses améNAGEMeNTS

LES MARAÎCHERS AU PIGEON BLANC

Terrains 56, rue du Temple de Blosne - Photo prétée par Lucien Poulain.

e quartier du Pigeon Blanc était jusque On allait porter nos produits à Rennes, le dans les années 1950, le quartier des matin. On avait nos épiceries attitrées et on maraîchers. Sur la rue de Nantes, on finissait par les halles. Là, on avait aussi nos Ltrouvait quelques maisons, surtout des com- acheteurs habituels. Il y avait des étals dans merçants et des artisans. Ensuite, c’étaient des toutes les halles et en plus, tout autour de la villages : le Temple de Blosne, la Rablais, la cour intérieure. Gaité… Tous les autres espaces étaient cultivés, Nous, nous y allions le mardi, le jeudi et soit par des fermiers : Georges, rue de Nantes, le samedi. D’autres y allaient les autres jours. Certains y allaient peut-être tous les jours. Cer- Chatel au Pressoir, Boursault à la Croix Verte tains allaient vendre aux Lices le samedi matin. (sur la route de Nantes)…, soit par des ma- Quelques marchands ambulants passaient cher- raîchers. Madame Besnard raconte : « Je peux cher des légumes directement à la maison. vous en citer quelques-uns mais j’en oublierai Mon père avait creusé un puits et avait ins- sûrement. Mes parents, M. et Mme Lecoque, tallé une pompe. Cela permettait d’arroser avec avait une petite exploitation maraîchère, ils un tuyau et un tourniquet. » faisaient de la polyculture en plein champ. Bien Chacun allait livrer ses légumes comme il le sûr, ils avaient des châssis, une cinquantaine ; pouvait. En général, c’était une petite charrette mais ce n’était rien à côté de certains comme tirée par une personne à pied ou à vélo. Le père Gabriel et Marie Lanoë à Bon Espoir ou Pou- Jounaud, lui, avait un poney. Les plus riches lain au Temple de Blosne. Il y avait aussi Gré- avaient un cheval. Gabriel et Marie Lanoë ont goire du côté de l’allée du Cormier actuelle, été les premiers à avoir une voiture : une Che- Chauvin ou Le Rohellec rue de la Pilate. nard et Walker en 1933 et une traction avant Citroën en 1938. 8 Le territoire et ses améNAGEMeNTS

Leur neveu, Roger Lanoë raconte : « Le ter- On faisait beaucoup de melons, tout ce qui rain où est l’école de la Croix Verte était leur était prime. Mon grand-père a créé ce qu’on propriété. Le long de la rue de la Pilate, à la appelait le chou de Rennes. Il préservait ses place du gymnase actuel, c’étaient les serres. graines avec un filet afin que les abeilles ne Tout le reste du terrain était couvert de cultures mélangent pas le pollen de ces choux avec d’autres, ils auraient dégénéré. maraîchères, la plupart sous châssis. Ils em- La famille Texier qui exploitait la ferme de ployaient beaucoup de personnel, des ouvriers la Maltière, à côté, nous fournissait le fumier à l’année et des journaliers qui venaient suivant car ils avaient une vingtaine de vaches. Ils les besoins. Les maraîchers employaient des avaient quelques ouvriers et employaient des hommes et des femmes. Il y avait beaucoup de journaliers ». travail. » On ne peut pas parler des maraîchers de Les grands-parents de Fernand Rousselet Saint-Jacques sans parler des petits pois qui, (M. et Mme Josse) étaient maraîchers au châ- paraît-il, étaient les meilleurs de toute la ré- teau de la Maltière. Il se souvient : « J’ai vu gion. ma grand-mère partir avec sa charrette à bras S’ils revenaient maintenant, les maraîchers tirée à l’aide d’un chien pour livrer les com- du Pigeon Blanc reconnaîtraient-ils leur quar- merçants en ville jusqu’aux Lices. Elle y allait tier ? le mercredi et le samedi. C’était le lever à trois heures du matin pour arriver à temps. R.T. L’arrosage se faisait avec les arrosoirs à main, on appelait ça les « boucles d’oreille ». Il y avait un puits. On versait l’eau dans un bac en pierres et ensuite on venait chercher l’eau avec les arrosoirs. Mais, très vite, mon grand-père a fait installer un système de tuyaux et un moteur Bernard. Cela facilitait le travail.

Les maraîchers au Pigeon Blanc - Photo prétée par Lucien Poulain.

9 SAINT-JACQUES DU TEMPS JADIS

LE VERT GALANT A-T-IL ETE SEDUIT PAR UNE JACQUOLANDINE EN 1598 ?

our qui n’aurait pas identifié le « Vert temps qu’il suivait les négociations de paix avec Galant », la question est d’emblée énig- l’Espagne, soutien de la Ligue, le roi réussissait matique. Mais elle se veut aussi provo- à mener à leur terme d’autres pourparlers, bien Pcatrice dans le but, à peine avouable, d’attirer et plus pénibles : ceux engagées depuis deux an- de capturer par le bizarre, l’attention du lecteur. nées, avec l’assemblée politique des réformés, Que du Guesclin ait foulé le sol de Saint-Jac- c’est-à-dire des huguenots ou protestants. Ce fut ques est plus que probable. ( Voir No1). Que le un traité en bonne et due forme : le fameux Edit plus populaire des rois de France en ait fait tout de Nantes. Ce n’était que le douzième édit de ce autant ne relève pas de l’impossible. Mais peut- genre depuis 35 ans. Mais c’est lui qui parvint à on accorder quelque crédit à la tradition, rap- mettre fin aux terribles guerres de religions qui portée par l’abbé Grimault dans « Ma paroisse ensanglantaient la France depuis 1562. de Saint-Jacques », selon laquelle l’illustre roi, Le roi et son cortège quittèrent Nantes le 7 lors de son passage par Rennes, en mai 1598, mai pour se diriger, vraisemblablement sur les aurait été vaincu par les charmes d’une Jacquo- conseils de Sully, vers Rennes pour récompenser landine ? cette ville « inébranlablement fidèle ».2 Ils firent halte, pour la nuit, à Bain et le lendemain 8 mai, « chez Madame la Maréchale de Brissac, en son manoir de Fontenay », c’est-à-dire à Chartres- de- Bretagne. Ce n’est que le samedi 9 mai , à 3 heures de l’après-midi que le roi « fit son entrée à Rennes par la porte de Toussaints après avoir traversé le faubourg de la Madeleine ». Avec Saint-Hélier qui commença à naître à la fin du XIVe et le Bourg-l’Evêque, bien plus ancien, la Madeleine était le faubourg le plus an- cien de Rennes. Mais une partie de ce faubourg relevait de la paroisse de Saint-Jacques et non de la paroisse rennaise de Toussaints. Le trajet du cortège royal ne prouve pas que le roi, en cette circonstance, a posé le pied sur le sol de Portrait d’Henri IV Saint-Jacques. Mais le parcours entre Chartres et Rennes est néanmoins la preuve indubitable De Nantes à … la porte de Toussaints que le fameux souverain n’a pas pu ne pas pas- ser par son territoire. Le point de départ de cette histoire est la ville de Nantes. Le roi et son armée y étaient entrés Les devoirs et les plaisirs le lundi 13 avril de l’an de grâce 1598. Cette entrée était conforme au traité d’Angers, signé Le Roi séjourna toute une semaine à le 20 mars précédent, en vertu duquel le dernier Rennes : du samedi 9 mai, veille de la Pentecôte chef ligueur, le duc de Mercoeur, renonçait à son au samedi suivant. A son entrée, sitôt après avoir titre de gouverneur de Bretagne, faisant ainsi sa reçu les clés de la ville, il assista à un Te Deum soumission au roi de France. et aux Vêpres. Il communia « de sa main, puis Le roi resta à Nantes près d’un mois, « le selon la coutume des Rois de France », il toucha mois diplomatique peut-être le plus important les scrofuleux.3 du siècle ».1En effet, durant ce mois, en même 10 SAINT-JACQUES DU TEMPS JADIs

L’abbé Grimault, signale encore que, le 13 monstre « pourvu de deux corps, huit jambes, mai, le roi entendit la messe à la cathédrale et une seule tête et trois oreilles ». Enfin, s’abri- que « l’après-midi, accompagné de la noblesse, tant toujours derrière la tradition, il ajoute, que [il] passa la monstre ou revue des troupes au pré « certaine danseuse de Saint-Jacques aurait at- André ». tiré l’attention du jeune roi et il l’aurait requise Cependant, le séjour du roi à Rennes était pour un tour de valse ». Le lièvre phénoménal entrecoupé de phases de repos et de loisirs. relève, à l’évidence, de l’imagination populaire débridée et friande de fantastique. Le chêne, en Ainsi, le 11 mai, il honora « le seigneur de la revanche, comporte un fond de vraisemblance Prée Vallais [Prévalaye], messire Thierry du du fait qu’au temps de l’abbé Grimault, il y Bois-Orcand…en acceptant le dîner et une par- avait à Sainte-Foix, à proximité immédiate de la tie de chasse ». Prévalaye, un chêne « que la tradition entourait Le 13, l’audition de la messe et l’assistance d’une sorte de vénération ».4 Ce chêne dont le à la revue des troupes furent entrecoupées par souvenir n’a pas encore disparu dans la région une partie de jeu de paume. La revue fut elle- rennaise, n’a péri qu’au début des années 70 du même suivie par une nouvelle partie de chasse XXe siècle, victime du percement de la rocade à la Prévalaye, clôturée par un spectacle de sud ! « luttes bretonnes et danses villageoises ». Et Quant au « tour de valse », il nécessite plu- l’abbé Grimault d’en déduire que, comme tout sieurs observations. D’abord sur le type de cela se passa « aux confins même de la paroisse, danse qu’auraient pratiqué le roi et la Jacquo- sinon sur son propre territoire, Saint-Jacques ne landine. Ce ne fut certainement pas une valse put manquer d’assister à tous ces ébats, que dis- car cette danse, originaire d’Allemagne, ne fut e je, de fournir des rabatteurs pour la chasse, des introduite en France qu’à la fin du XVIII siècle. champions pour les luttes, des danseurs et des Mais la réputation de la valse était telle au début e danseuses pour le bal ». du XX que l’abbé Grimault, sans doute peu ex- pert en la matière, est bien excusable de parler d’un « tour de valse». D’autre part, le qualifi- catif de « jeune » attribué au roi par l’abbé Gri- mault, est un peu surprenant . En effet, en 1598, il avait 44 ans, et « la barbe toute blanche qui le rendait plus vieil qu’il n’était ».5 Cependant, en matière d’âge et d’apparence d’âge, la notion de jeunesse est très mal assurée et la blancheur d’une pilosité peut être un indice fort trompeur en matière d’évaluation de l’âge. Et cela, aussi bien hier que de nos jours. Reste la Jacquolandine séductrice d’un roi de France. Son évocation par l’abbé Grimault a peut-être pour origine la rumeur qui courut sur les aventures galantes du roi lors de son séjour à Rennes en 1598. En l’absence de sa maîtresse attitrée, Gabrielle d’Estrées, le roi aurait remar- qué la fille d’un avocat au Parlement de Rennes Le Vert Galant et la valseuse « qu’il voulut voir de près ».6 Ce serait l’expli- cation du fait qu’il ne quitta pas Rennes pour Poursuivant son récit du séjour rennais du Vitré, le vendredi 15 mai comme prévu, mais roi de France, l’abbé Grimault évoque alors la seulement le 16, à 5 heures du matin. tradition selon laquelle le roi se serait reposé Mais il est aussi vraisemblable de soutenir sous un chêne au cours d’une chasse à la Pré- que cet épisode du tour de valse est né de la valaye. Il rapporte aussi, qu’au cours de cette volonté de l’abbé Grimault, non seulement de chasse, fut capturé un lièvre phénoménal, un rattacher le séjour du roi à sa paroisse de Saint- 11 Jacques mais surtout de son désir d’ajouter une UNE PETITE EXPLOITATION touche supplémentaire au portrait déjà idyllique AGRICOLE AU XVIIIe SIECLE : du plus populaire des rois de France : celle du LA FERME DES PAUVRES prince et de la bergère. Une bergère qui ne pou- vait être que jacquolandine ! ette appellation désigne à la fois une mai- son d’habitation et quelques parcelles de terres situées à la Calvenais. Avant Cla Révolution, ces biens formaient une exploi- tation agricole qui appartenait à la communauté des paroissiens de Saint-Jacques. Cette exploi- tation, dite aussi « bien des pauvres », était donc une propriété collective de la paroisse. Après la Révolution, elle devint successivement bien de la fabrique, le conseil paroissial ressuscité par le Concordat de 1801, puis propriété communale. Et ce, jusqu’à nos jours.

Un bien vieux de plus de 4 siècles ! Henri IV et la Bretonne - Dessin de Gilles Charlou. L’abbé Grimault clôture cet épisode du L’origine de la ferme des pauvres remonte e passage du roi de France « à Rennes et à Saint- en effet au XVI siècle. Ce bien provient d’une donation de Bertrand de Marillac, évêque de Jacques » par une délicieuse et pudique allusion Rennes de 1565 à 1573. Quelques mois avant à la réputation du « Vert Galant ». Il écrit : « on sa mort, « le 31 décembre 1572, achevant de sait, en effet, que le bon roi toujours invinci- se détacher tout à fait des choses de ce monde, il ble sur les champs de bataille, ne l’était pas légua tout son mobilier aux hospices de Rennes toujours aux foudres féminines ». Qu’importe et une somme considérable aux pauvres de son aujourd’hui, quand on relit le récit de l’abbé régaire»1. La quote-part attribuée à la paroisse Grimault, l’exactitude des faits rapportés. Les de Saint-Jacques fut suffisante pour acheter cette choses sont si bien dites, qu’elles auraient dû ferme de la Calvenais qui tire de là son nom. être vraies. Sous l’Ancien Régime, la gestion de ce bien paroissial était confiée par le « Général », pré- décesseur direct de nos conseils municipaux, A.C. aux « prévosts » ou « pères des pauvres ». Au

1 nombre de trois puis de deux, désignés pour six CROIX, Alain, L’âge d’or de la Bretagne, Editions ans, ils avaient pour mission de collecter des Ouest-France Université. 2 POCQUET, Barhélémy, Histoire de la Bretagne , tome fonds et en particulier le loyer de la ferme, et de V. Cet auteur est le continuateur de l’histoire monumen- les répartir entre les indigents de la paroisse. tale de la Bretagne commencée par Arthur de la Borderie. Ce tome fut publié en 1913. Il avait été imprimé par H. Un exemple de petite exploitation Vatar. Cet Hippolyte Vatar fut aussi l’imprimeur de « Ma paroisse de Saint-Jacques », publié en 1916 et maire de Plus d’un siècle et demi après la donation Saint-Jacques pendant une vingtaine d’années, jusqu’en de l’évêque Bertrand de Marillac, cette ferme 1925. 3 existait toujours au bénéfice des pauvres de la Après leur sacre, les rois de France et d’Angleterre paroisse de Saint-Jacques. Elle est connue par étaient réputés guérir ces malades en les touchant. D’où le menu, grâce à un acte de fermage passé en leur qualificatif de « thaumaturges ». Les scrofules ou 2 écrouelles étaient des inflammations et abcès d’origine 1737 , entre les preneurs, Gilles Poncel et Fran- tuberculeuse atteignant surtout les ganglions lymphati- çoise Gaultier, sa femme et les représentants ques du cou. Le roi exerça ses pouvoirs de guérisseurs le du « Général », les « pères des pauvres » : Me dimanche 10 mai, jour de la Pentecôte. Desguez et Michel Verger. Ce document décrit 4 En 1827, la duchesse de Berry fit planter un ormeau près minutieusement la composition, du bien des de ce vénérable chêne de Sainte-Foix. 5 POCQUET, op. cité. pauvres de Saint-Jacques à cette date. 6 Id. Cette dame aurait été la fille d’un avocat au Parle- La ferme des pauvres était constituée de ment, Madame des Fossés. « trois aistres [parties] de maisons basties de 12 pierre et terre couverte de paille, dont l’une est l’aboutissement d’une procédure du type de celle un bouge avec cheminée et plancher, l’autre un que prévoyait la Coutume de Bretagne pour tout cellier et un troisième sert d’étable…Cour au transfert de propriété. La maison et les pièces de devant et jardin au derrière vers Orient; un pré terres ne furent adjugées qu’ après que les pères au pignon vers le septentrion [nord], un chemin des pauvres les eurent « eux-mêmes bannies et entre les deux nommé le pré de devant, conte- inquanté4 au cimetière par trois dimanches con- nant un journal et demy ou environ, une pièce sécutifs et receu plusieurs enchères ». de terre à présent labourable, nommé le pré Gilles Poncel et sa femme l’emportèrent de my-voie, contenant environ un journal, une pour avoir été « plus offrants, et derniers enché- autre pièce à peu près de pareille grandeur aussi risseurs. » Pour la validité du contrat, les deux nommée le Closel de la my-voys et finalement pères des pauvres, Desguez et Verger, firent une autre pièce contenant environ trois-quarts « comparaître h.h. [honorable homme] Joseph de journal, nommé le pré des Landereaux ». Poncel », père de Gilles, qui demeurait comme Ceux qui connaissent bien le territoire de la son fils et sa bru à laBasse-Calvenais. commune de Saint-Jacques auront identifié deux noms correspondant à des lieux-dits actuels : Les clauses du contrat « Mivoie » qui a donné son nom à la nouvelle zone d’activités au sud-est de la commune et les La location de la ferme était faite « pour six « Landereaux » devenu « Landriaux », dans ans qui commencent à la Saint-Michel prochai- la dénomination de la piste cyclable qui va de la ne. » (le 29 septembre 1737). Les preneurs s’en- passerelle du Bourg à la Martinière. gagèrent à « en jouir en bons ménagers et pères de famille, sans détériorer à peine de rétablir, de labourer les terres en temps et en saison, les maissant [ ?] une fois pour le moins en trois ans, suivant l’usage du pays …[de] mettre douze chartés de marny de ville [amendement] dans les prés, à leur commodité, pendant le cours du présent bail ». Le bois, qui était alors une denrée fort pré- cieuse, était l’objet de dispositions détaillées. Les preneurs avaient droit à « une coupe de boys émondable bonne à couper après six ans de jet… » En revanche, ils devaient disposer « pu- La Ferme des pauvres, autrefois née [ ?] faisant les plesses [tiges resserrées dans le milieu d’une haie pour l’épaissir] et élevant Il est à remarquer aussi que la superficie de la des jeunes chesnes et ballivaux [jeunes arbres ferme ne dépassait guère 4 journaux. Comme le réservés lors d’une coupe pour croître comme journal de l’époque faisait, en règle générale,3 les arbres de haute futaie] les plus forts et droits un peu moins d’un demi-hectare, la ferme des sur chaque souche sans pouvoir couper, non pauvres était une exploitation agricole d’à peine plus qu’aucun gros bois par pied ne[ni] tette. » 2 hectares. Cela rangeait l’exploitation parmi les Enfin, les preneurs avaient la jouissance « de plus modestes, sans doute, de la paroisse. tous les fruits d’arbres, levées [récoltes] et reve- Le loyer de la ferme des pauvres était fixé à nus desdites maisons et terre, lesquelles maisons 80 livres par an, somme elle aussi modeste, si lesd. [lesdits] bailleurs entretiendront de répara- on la compare au prix du fermage de la Haute- tions en estat d’en pouvoir jouir. » Et pour la Ville qui montait à la fin du siècle à 900 livres. jouissance de tous ces biens, Gilles Poncel et Malgré l’écart d’une soixantaine d’années entre sa femme devait payer « aux pères des pauvres les deux contrats, la différence de loyer montre la somme de 80 l. par chacun an, payables aux bien le fossé séparant ces deux exploitations termes de la Saint-Michel et Pasques de chaque agricoles jacquolandines. année ». L’attribution de la location de la ferme était 13 SAINT-JACQUES DU TEMPS JADIS

Une exploitation peu viable en argent ». Il fallut nommer trois commissaires « pour faire le change de la acinal de trois cent Plusieurs mentions de la ferme des pauvres livres à plus bas prix qui pourront en pettis [pe- dans les décennies qui suivent ce contrat de tites coupures] ou en argent ». location semblent indiquer que c’était une ex- La présentation d’un assignat de trois cent ploitation difficilement viable. Ou du moins que livres par François Verger montre que l’assi- les bailleurs de cette ferme ne donnaient pas sa- gnat n’est plus à cette date ce qu’il devait être tisfaction au Général, car ils étaient de mauvais à l’origine : un billet gagé sur les biens natio- payeurs. naux qui ne devait servir qu’aux opérations de En 1750, l’un des trésoriers de l’année, Gilles leurs ventes. C’est que très vite l’assignat, non Fraleu fils, informe le Général, réuni le 8no- convertible en espèce à l’origine, fut transformé vembre, « qu’il y a trois mois et plus qu’il a été en monnaie-papier. Par ailleurs, l’opération du chargé par authorité de justice des meubles an- change de l’ « acinal » est un indice de la grande notés par le nommé Jean de Rennes, fermier du méfiance éprouvée dans une commune rurale bien des pauvres ». Cela veut dire qu’il avait été comme Saint-Jacques, envers cette création de désigné pour saisir les meubles du fermier. La la Révolution. suite du procès-verbal indique que les pères des En ce début de l’année 1792, l’assignat, déjà pauvres furent chargés de demander en outre, produit en masse par la planche à billets, avait à la « juridiction des Réguaires , [la vente] des bien entamé sa dégringolade. Avec la guerre, bestiaux et autres effets et que le prix provenant déclarée le 20 avril de cette même année, il n’al- leur sera délivré par préférence pour le paiement lait pas tarder à sombrer, contraignant l’Etat à la des jouissances de l’année passée et de la cou- banqueroute. rante et que le bail de ferme consentit aud.[au Mais la ferme des pauvres survécut comme dit] Rennes sera résilié ». bien communal. La maison existe toujours à la En 1785, le fermier des pauvres, Jean Dodier, Calvenais, à proximité de la passerelle. Réno- est sommé par le Général, très vraisemblable- vée il y a quelques années, elle est en location. ment poussé par le tout nouveau recteur Dou- Les terres qui en dépendaient ont été transfor- blet, « de payer le prix de sa ferme ». Le fermier mées dans les années 70, au temps du deuxième s’exécuta promptement en promettant de verser mandat de Georges Cano, en jardins familiaux. immédiatement 155 livres soit pratiquement le L’ensemble est toujours propriété de la commu- prix de deux années de loyer. Mais les pères ne ou plus exactement du C.C.A.S, l’organisme des pauvres étaient aussi visés, dans cette dé- communal d’aide sociale, naguère appelé Bu- libération, par ce rappel à l’ordre : « la dureté reau d’aide sociale. L’une et l’autre de ces insti- de l’année5 ayant considérablement augmenté la tutions communales étant les héritières directes misère des pauvres, il est nécessaire d’apporter e la plus grande attention à l’administration de du Bureau de Bienfaisance du XIX siècle. leurs biens ». Le 20 juin 1790, lorsque les pères des pau- A.C. vres remirent leurs fonds au tout nouveau maire 1 Abbé Grimault, T I, p. 132. Le régaire d’un évêque était de Saint-Jacques, Michel Verger, le procès-ver- l’ensemble des biens temporels de son évêché. bal note que « l’ancien fermier des biens des 2 Abbé Grimault, T I, Pp. 316-317. pauvres et le fermier actuel étaient pareillement 3 Le journal oscille entre 0,30 et 0,60 ha selon les en retard et qu’il était nécessaire de nommer des lieux !Dans la région rennaise le journal faisait 48,623 commissaires pour hâter la rentrée de ces som- ares. 4 Jusqu’au années 50 du XXe siècle, un agent municipal mes ». Et il fut envisagé de recourir à la justice muni d’un tambour et monté sur une pierre, avait pour « puisque la voie de la douceur a été jusqu’à mission de lire à la population à la sortie de la messe, des aujourd’hui employée inutilement ». avis émanant des autorités. En zone bretonnante, cet agent Un an et demi plus tard, en janvier 1792, était appelé « enkanter ». François Verger, le fermier des pauvres, paya 5 L’année 1785 avait été une année de très forte disette à son dû de 342 livres par un « acinal [assignat] Saint-Jacques. de trois cents livres et huit de cent sols et 40 sols 14 SAINT-JACQUES DU TEMPS JADIs

La FERME DES PAUVRES SAINT-JACQUES DU TEMPS JADIS

LES CONSCRITS

vant la Seconde Guerre mondiale, les « Les gars de Saint-Jacques n’sont pas si jeunes gens devaient se présenter de- fous vant le conseil de révision qui se situait De s’en aller sans boire un coup Aaux Beaux Arts, rue Hoche à Rennes. Même Et rangez-vous les gars de la ville s’ils n’étaient pas enchantés de partir au service V’là les gars d’Saint-Jacques qu’arrivent militaire, ils mettaient un point d’honneur à être Point baisants, point roulants, déclarés aptes pour le faire. Ne disait-on pas : Point pou (peur) des gendarmes, « Bon pour le service, Point baisants, point roulants, Bon pour les filles » ! Point pou du gouvernement. » Rue Hoche, des marchands de cocardes, de C’était une journée de fête dans le quartier pour rubans les attendaient. Quand ils revenaient, tous ces jeunes. » ils faisaient la fête. Mademoiselle Renaudin se souvient : « Ils parcouraient la commune R.T. avec leurs cocardes tricolores en chantant. Ils allaient voir les filles de leur âge et évidemment les parents leur offraient à boire et à manger. Ils chantaient dans les rues en se tenant par le bras :

16 SAINT-JACQUES DU TEMPS JADIs

L’ATTELAGE DES DESGUERETS

et article est né du rapprochement en- canin. Il précise qu’il faisait aussi la tournée tre un témoignage recueilli par Renée seul. Thouanel dans son enquête sur la vie Cquotidienne à Saint-Jacques au temps de la L’arrêté préfectoral : Deuxième Guerre mondiale et un arrêté préfec- une autorisation conditionnelle toral retrouvé dans les archives municipales de Saint-Jacques. Les deux dessins illustrant cet L’authenticité de cette évocation est attes- article sont le produit de la verve imaginative tée, si besoin était, par un document officiel, du duo « Ale et roro ». Un duo manifestement un arrêté préfectoral répondant à « la demande ami des bêtes. M. Dugué, qui habite aujourd’hui présentée le 24 novembre 1942 par M. Des- rue de la Pommerais, évoque les années qu’il guérets Marcel, demeurant à Saint-Jacques 1 passa dans deux fermes de Saint-Jacques au de la Lande, au lieu-dit le Haut-Bois, en vue temps de la Deuxième Guerre mondiale. d’obtenir l’autorisation d’atteler un chien à une voiture légère pour les besoins de sa profession Le témoignage de M. Dugué (transport de lait et de légumes destinés au ravi- taillement de la Ville de Rennes) ». L’arrêté statuant sur la demande de Marcel Desguérets est daté du 11 décembre de la même année 1942. Il est précédé des classiques réfé- rences justificatives sur la demande de Desgué- rets Marcel, ordonnées autour d’une succession de « Vu » : … « Vu la loi du 2 juillet 1850 relative aux mauvais traitements exercés envers les ani- maux domestiques, et la loi du 30 mai 1851, sur la police du roulage ; Vu l’arrêté préfectoral du 3 mars 1924 qui réglemente l’attelage des chiens ; Vu les circulaires de M. le Ministre de l’In- « J’ai travaillé d’abord à la Vigne chez térieur en dates des 20 janvier 1936 et 10 mars les beaux-parents à Desguérets, chez Simon. 1942 ; Après, j’ai travaillé comme commis de ferme Vu l’avis du Maire de Saint-Jacques de la chez Desguérets [au Petit Haut-Bois] de 39 à Lande ». 43. On faisait le lait et on allait le livrer en ville. L’arrêté proprement dit est constitué de 3 ar- Moi, je montais la côte avec la remorque et le ticles. Les deux derniers concernent d’une part chien, jusqu’à la Ville en Pierre et après, c’est les sanctions prévues en cas d’infractions (elles Mme Desguérets qui pédalait, aidée par son « seront punies conformément aux dispositions chien, et moi, je revenais avec le 2e vélo à la de la loi du 2 juillet 1850 ») et d’autre part, ferme. On ne pouvait pas se servir de la voiture, l’exécution de l’arrêté. L’essentiel était dans les elle était sur cales, d’abord parce qu’il n’y avait dispositions de l’article premier. pas d’essence et surtout parce qu’elle aurait été « M. Desguérets Marcel,…est autorisé aux prise par les Allemands ». conditions suivantes à atteler un chien à une M. Dugué nous a confirmé depuis qu’il ac- voiture légère ; compagnait Mme Desguérets jusqu’à la Ville 1° la présente autorisation, essentiellement en Pierre, parce que la côte de la Gaieté pour temporaire, pourra toujours être révoquée. En sortir de la vallée du Blosne était trop dure pour cas d’abus ou d’infraction aux prescriptions ci- Madame Desguérets, même aidée de l’attelage après, elle le sera immédiatement. 17 SAINT-JACQUES DU TEMPS JADIS

2° l’autorisation ne s’applique qu’au trans- la IIe République ! Cette même République qui port des marchandises, denrées ou objets ; avait déjà aboli l’esclavage et la peine de mort ! 3° il ne pourra être attelé : Il laisse entrevoir aussi une des particularités du - de chiens ayant moins de 40 centimètres régime de Vichy dans les années de l’Occupa- de hauteur, mesurée à l’épaule ; tion : le caractère extraordinairement tatillon - de chiens malades, trop jeunes ou âgés, de sa machine administrative. C’est certes là un trait courant dans la très grande majorité des ad- que leurs infirmités, leurs faiblesses, leur dé- ministrations du monde et de celles de la France crépitude rendent impropres à la traction. en particulier, et cela depuis des siècles. Mais le - de chiennes pleines ou allaitant. régime de Vichy a poussé cette caractéristique Il ne devra être exigé du chien attelé aucun à l’extrême, vraisemblablement pour se donner travail au dessus de ses forces. l’illusion d’être resté souverain sous la botte de 4° le chien sera attelé au moyen de traits fixés l’occupant ! à une bricole faite de cuir souple ou d’une san- Les archives de Saint-Jacques ont conservé gle qui aura au moins un centimètre de largeur, de nombreux arrêtés préfectoraux de ce type le tirage avec point d’appui sur le collier est émanant de l’administration de Vichy et visant interdit. à réglementer un peu tout et parfois n’importe 5° pendant les chaleurs, il est interdit de faire quoi. stationner, en plein soleil , les chiens attelés et Pour le moment, nous ne retiendrons qu’un de les laisser souffrir de la soif. Les conducteurs de ces arrêtés, choisi pour son rapport avec les devront également, pendant la durée du station- transports à Saint-Jacques au temps de l’Oc- nement des voitures, abriter leurs chiens contre cupation. C’est une lettre du Préfet rappelant le froid et la pluie. Ils devront s’abstenir de « qu’aucun cycle, avec ou sans moteur auxi- porter des coups quelconques à ces animaux et liaire, ne peut être mis en circulation sur la voie d’exercer à leur égard aucun acte de cruauté ». publique avant que le propriétaire en ait fait la déclaration à la Préfecture….Mais, en accord Leçons du témoignage et de l’arrêté avec la Délégation Générale du Gouvernement Français à Paris, [le Préfet] a décidé de suspen- dre jusqu’à nouvel ordre l’obligation de fixer à l’arrière des cycles la plaque de contrôle repro- duisant le numéro attribué par la Préfecture». (4 février 1941) . Si le recours aux chiens pour la traction d’at- telage a complètement disparu dès la Libération, l’obligation d’avoir une plaque sur les bicyclet- tes fut conservée plusieurs années après la fin de l’Occupation ! Elle ne fut définitivement abolie qu‘à la fin des années 50 !

A.C. Le témoignage de M. Dugué et l’arrêté pré- 1 fectoral n’ont pas pour seul intérêt d’illustrer, L’administration comme l’usage de ce temps confirmé par M.Dugué ne faisaient pas de distinction entre le d’une manière assez cocasse, des aspects de la Haut- Bois et le Petit Haut-Bois. vie quotidienne à Saint-Jacques sous l’Occupa- tion : l’importance du ravitaillement, la pénurie des moyens de transport, la crainte des réquisi- tions allemandes… L’arrêté préfectoral montre aussi l’ancien- neté des dispositions sur la protection des ani- maux domestiques puisque elles remontent à

18 SAINT-JACQUES Du passé proche

LE GRAND BUNKER DU HAUT-BOIS

e « grand bunker du Haut-Bois » sem- stations locales se trouvaient à Guernesey et ble l’appellation la plus utilisée par les au cap Fréhel. L’ensemble des stations était Jacquolandins pour désigner ce mono- interconnecté par un réseau de transmissions Llithe de béton, remarquable ouvrage qui était (filaire ou radio) et relié à un « Centre de con- en fait un centre de contrôle tactique de secteur trôle tactique de secteur ». Deux existaient pour pour la défense aérienne dont nous verrons le quart nord-ouest : Lamballe et Bernay. Les l’utilité plus loin. Gardons donc cette appella- missions de ces centres étaient d’évaluer la tion de « grand bunker », quelque peu emphati- menace, d’établir la situation aérienne avec les que mais qui convient très bien à ce blockhaus, autres centres, de diffuser l’alerte, de guider les le plus important de Saint-Jacques. actions de l’aviation d’interception et de coor- Mais avant d’aller plus loin dans son histoire, donner l’action de la Flak. rappelons ce qu’était le réseau radar allemand en Normandie (en fait le quart nord-ouest de la France) en 1944. Caractéristiques des radars de défense aérienne allemands

Contexte historique et technique Les radars allemands de la 2ème Guerre mondiale se classent en trois familles aux fonctions séparées : Les réseaux radars allemands Il existait, en 1944, deux réseaux radar • les radars de veille lointaine : installés par les Allemands, différents quant à - le « MAMMUT I » (FuMG-402) également utilisé par la Kriegsmarine avait une portée de 200 à l’emploi, l’implantation et l’organisation tacti- 300 km. D’une puissance de 200 kW, il émettait dans que. la bande 120-137 MHz et avait une énorme antenne Le premier réseau (Seetakt) servait à la dé- rectangulaire (h : 10 m, l : 30m). fense côtière et il était confié à laKriegsmarine . - le « WASSERMANN » (FuMG-404) possédait Pour la région, des stations se trouvaient à la aussi une antenne imposante (h : 50m, l :5,8 m) et ré- sistait particulièrement bien au brouillage. Il émettait pointe du Grouin, au cap Fréhel, à Granville et sur 8 fréquences préréglées dans la bande 120-230 dans l’île de Jersey. Nous n’en dirons pas plus MHz, sa puissance était de 100 kW et sa portée de car il sort du cadre de notre étude. 240 à 380 km. Le second réseau était celui de la défense aé- rienne et il appartenait à la Luftwaffe. Constitué • les radars de veille rapprochée : - le « FREYA » (FuSE-80) existait en plusieurs de trois types de stations radars (voir encart), versions dont un modèle équipé d’une capacité il était essentiellement déployé sur le littoral ou d’identification ami-ennemi (IFF). Il émettait dans la légèrement en retrait et couvrait une vaste zone bande 122-129 MHz avec une puissance de 36 kW, allant de la Norvège au Finistère. Il formait une son antenne était rectangulaire (h : 5,1 m, l : 8,2 m) Il barrière électronique chargée de donner l’alerte fut construit à plus de 1000 exemplaires. et d’évaluer la menace. Toutes les stations • les radars de poursuite : étaient fortement défendues par de nombreuses - le « WÜRZBURG-D » (FuSE-62D) servait au batteries de Flak (D.C.A.) et une ceinture dé- guidage de l’artillerie antiaérienne. Son antenne était fensive contre les actions commandos : zones une parabole de 3 m de diamètre, sa puissance de 8 minées, barbelés, installations durcies à base de kW, sa fréquence de 560 MHz pour une portée de 20 à 30 km. Il fut construit à 4000 exemplaires. fortins et de bunkers, surtout après l’opération - le « WÜRZBURG-RIESE » (FuSE-64) était britannique de Bruneval dans le pays de Caux beaucoup plus volumineux avec une parabole de 7,5 (un commando avait réussi à pénétrer dans la m. Il servait à la conduite de la chasse. Il émettait station, capturant deux opérateurs allemands également sur 560 MHz avec une puissance de 8 kW. et s’emparant des composants sensibles d’un Sa portée était de 40 à 60 km et il intégrait la capacité d’identification IFF. Construit à 1500 exemplaires. radar « Würzburg. D »). Pour ce réseau, les Parallèlement à ce réseau littoral, un deuxiè- 19 SAINT-JACQUES Du passé proche me réseau de défense aérienne couvrant le nord la salle « opérations » après passage dans un sas de la Loire avec une branche déployée vers le antigaz et un couloir. Cette entrée était protégée sillon rhodanien et Marseille était en cours de par deux créneaux de tir, l’un situé dans un poste construction mais loin d’être achevé. de contrôle à droite, l’autre, face à l’ouverture, C’est dans ce deuxième réseau de « l’ar- situé dans la paroi du couloir. A gauche, un puits rière » que vient s’intégrer notre grand bunker d’aération qui rejoint les gaines de circulation du Haut-Bois. Construit fin 1943 par l’organi- d’air sous le plancher du niveau inférieur. sation TODT qui faisait travailler des entrepri- ses réquisitionnées, il était opérationnel début 1944. Nous sommes beaucoup moins riches en ar- chives sur ce deuxième réseau inachevé. Cepen- dant nous savons que le Haut-Bois était relié à la station radar de (voir encart) et vraisemblablement au terrain d’aviation de (Point-Clos) ainsi qu’à une station radio impor- tante située vers Laillé. Et bien sûr, il était relié à tout le système de défense antiaérienne autour de l’aérodrome de Saint-Jacques (batteries rap- Vue intérieure du créneau de tir du poste de garde. Le prochées et lointaines- voir le N°2 de Mémoires seul complet avec le volet obturateur coulissant entre 2 de Saint-Jacques). glissières. La salle « opérations », divisée en trois Visite du grand bunker du Haut-Bois parties, occupe toute la longueur de l’ouvrage. Dans la partie centrale, sur un plancher tech- • Extérieur nique se trouvait le système de table traçante Construit à flanc d’une légère pente suivant (table Seeburg) permettant le suivi des mouve- un axe nord-sud, il s’intègre parfaitement au ments aériens. paysage et sa face ouest est quasiment invisible. Côté nord, juste après le poste de contrôle, Les entrées sont situées sur la face est, supposée on trouve une salle « transmissions ». Il reste moins exposée à une attaque. Les deux redents encore les gaines d’arrivée des différents câbles arrondis côté aérodrome étaient vraisemblable- au niveau du plafond. Dans le couloir se trouvait ment destinés à atténuer l’effet de souffle en cas l’escalier qui descend au niveau inférieur, puis de bombardement. Sur le dessus se trouve un to- dans une pièce intermédiaire devait exister un brouk pour la défense rapprochée, dont l’accès, monte-charge. De cette pièce, on peut accéder actuellement muré se trouvait à l’extérieur. Ceci à la salle « opérations » partie sud et partie cen- permettait d’éviter une intrusion de l’ennemi trale. Un créneau de tir protégeait la deuxième par cette voie. On trouve également des prises entrée. d’air et à l’angle nord-ouest un puits d’aération De la seconde entrée (comblée actuellement), servant à la ventilation intérieure. L’épaisseur de on accède par un couloir à une pièce « techni- la dalle de protection est de deux mètres, nor- que » où devait se trouver un groupe électrogène male pour ce type d’ouvrage. de secours (socle de béton). Au fond du couloir, un ensemble de galeries pour la circulation de l’air et un local de sanitaires : on y trouve encore • Intérieur les fixations d’une cabine ainsi qu’un système Le bunker comporte deux niveaux : de ventilation haute et basse. Le créneau de tir - Le niveau supérieur, dont le plafond est qui se trouve dans la partie sud de la salle « opé- sensiblement au niveau du sol, comporte les rations » débouche dans ce local technique. On entrées. On arrivait aux entrées par un fossé ma- peut également y voir deux larges ouvertures çonné qui les rendait invisibles de l’extérieur. La qui servirent à rentrer les matériels volumineux première, située le plus au nord, donnait accès à puis furent murées après. 20 SAINT-JACQUES Du passé proche

Ce niveau supérieur était le centre névral- est analysée au centre de contrôle tactique de gique du bunker, ce qui explique la profusion secteur. En fonction de la menace, le centre de de dispositifs de protection rapprochée des en- contrôle envoie les ordres de tir à la Flak et/ou trées . Chaque pièce pouvait être condamnée par active la chasse. des portes étanches et l’ensemble pouvait être mis en légère surpression pour se protéger d’une Caractéristiques de la construction attaque aux gaz. - Le niveau inférieur était essentiellement Bien que n’étant pas à priori un ouvrage ex- un ensemble de locaux techniques et de maga- posé directement aux combats mais susceptible sins de stockage de matériels. On y accédait par d’être bombardé, le bunker du Haut-Bois est un escalier arrivant dans un couloir desservant construit selon les normes définies par le Re- six pièces et un deuxième couloir. Du côté nord, gelbau (règlement de construction des ouvrages se trouvait un local répartiteur téléphonique (12 militaires allemands). Même s’il n’a pas les di- fourreaux métalliques d’arrivée de câbles) ainsi mensions pharaoniques d’une base sous-marine qu’un autre local plus petitpour batteries, le sol telle que Kéroman à Lorient, il n’en reste pas est rainuré pour parer à d’éventuelles fuites moins imposant. d’acide. Au droit de la salle « opérations » du ni- L’épaisseur des murs est comprise entre deux veau supérieur, se trouvent trois pièces à l’usage mètres et deux mètres cinquante, les murs intéri- indéterminé, vraisemblablement des magasins eurs font quatre-vingt centimètres, ainsi que les et peut-être des bureaux (traces de cloisonne- dalles des deux niveaux. Comme pour toutes les ments léger côté nord) Il ne semble pas qu’il y constructions de ce type, il y a environ soixante ait eu de salle de repos, les équipes travaillaient kilos d’armature métallique par mètre cube de dans le bunker par roulement et arrivaient par béton. navette de bus. Du deuxième couloir, on accède Compte tenu de ses dimensions extérieures : à un local technique où se trouvaient les appa- vingt-huit mètres de long, quinze de large et reils du système surpresseur (socles en béton huit mètres quarante de hauteur, on peut estimer bien identifiables). à plus de deux mille cinq cent mètres cubes la quantité de béton nécessaire à sa construction. L’étanchéité aux gaz des différentes pièces Fonctionnement simplifié était parfaitement assurée par un seuil d’une dizaine de centimètres à chaque porte. Le sol est constitué d’un dallage de tomettes grises ce qui montre un certain soin dans sa réalisation. Le plus remarquable dans cette construction est le système de ventilation à base d’un réseau de caniveaux passant sous la dalle du niveau inférieur et dans des gaines aménagées dans l’épaisseur des murs. Soixante ans après son édification et après avoir été muré plusieurs années, aucune trace d’humidité, de moisissure ou d’odeur de renfermé : l’air y est parfaitement sec et sain. Il est bien sûr regrettable que les ferrailleurs qui ont sévi après la guerre n’aient laissé aucun élément intéressant mais il est vrai que l’époque se prêtait plutôt à la récupération en tous gen- res. A partir des informations fournies par la Si l’on compare le plan de notre ouvrage, chaîne de détection (radars, capteurs acousti- établi par Michel Festoc, à celui d’origine du ques) et les centres voisins, la situation aérienne bunker abri de commandement de la chasse de

21 SAINT-JACQUES Du passé proche nuit de Douvres-la-Délivrande en Normandie, Le camp des Chênes froids, station on peut en conclure que le blockhaus du Haut radar de Monterfil Bois est également un abri « Anton » L 479, abri PC à deux étages selon la nomenclature du Le site des Chênes froids, situé de part et d’autre Regelbau, malgré quelques différences minimes de la route de Monterfil à Saint-Péran, entre 92 et 96 mètres d’altitude fut choisi par les Allemands en dues à l’adaptation au terrain. 1943 pour installer une station radar, maillon parmi Très peu d’ouvrages de ce type subsistent d’autres de leur impressionnant dispositif de détec- encore en Bretagne, celui de la Pointe du Raz tion et de renseignement du quart nord-ouest de la ayant été comblé il y a quelques années. France. Deux entreprises sont réquisitionnées pour la construction et à la fin de l’année 1943, les instal- L’avenir lations sont opérationnelles. La station se compose principalement de deux radars « Würzburg-Riese », Il s’annonce bien sombre pour le « grand situés dans la partie sud du camp, destinés à la bunker du Haut-Bois ». En effet il doit être pro- conduite de la chasse et d’une station gonio à deux antennes situées dans la partie nord. Le dispositif est chainement démoli, partiellement ou en totalité complété par quatre postes de DCA avec un radar de pour laisser la place à des immeubles, un béton conduite de tir (probablement un « Würzburg-D »). en chassant un autre… L’infrastructure est prévue pour une centaine de Déjà des lecteurs des Mémoires de Saint- personnes : une quarantaine de personnels féminins, Jacques et autres Jacquolandins ont fait part de opératrices radar et radio et une soixantaine d’hom- mes (l’équivalent de deux sections) pour assurer la leur émotion, voire de leur indignation de voir protection interne et externe et le service des pièces ème cet important témoin de la 2 Guerre mondiale de DCA. disparaître. En mars 1944, le camp est mitraillé une première Pouvait-on envisager une autre solution ? fois par les Anglais sans grand dommage mais le 7 En faire un musée de la fortification de l’« in- juillet, en trois passages, ils anéantissent les baraque- ments techniques, rendant la station sourde et muette. térieur » par exemple? Aurait-on eu le public Le 3 août, devant l’avancée U.S., les Allemands font nécessaire pour le faire vivre ? sauter les installations et évacuent le camp. Il ne nous appartient pas de juger . Néan- Le site existe toujours, avec sa clôture et quel- moins le groupe Mémoire a fait le maximum ques vestiges d’origine et est utilisé par l’Institut pour en garder la trace : nombreuses photos, d’électronique et de télécommunications de Rennes (Université de Rennes 1, campus de Beaulieu) pour plan aussi détaillé que possible de l’intérieur des mesures en hyperfréquences. afin que tout ne soit pas perdu après sa destruc- tion annoncée.

Jean-Paul Meunier Sources

Général René Chesnais, Les années tragiques d’un Remerciements aérodrome, Keltia Graphic, 2003. Paul Gamelin, Le mur de l’Atlantique- Les blockhaus Aux personnels des services techniques municipaux qui de l’illusoire, édition Daniel & Cie, 1974 nous ont facilité l’accès au blockhaus. Magazine 39-45, N°11, éditions Heimdal, 1986. A Michel Festoc et Daniel Hochet pour la réalisation des Colonel Jean-François Salles, L’organisation du plans. réseau radar allemand en Normandie en 1944, Au docteur Gérard Launay, maître de conférences à Revue historique des armées, N°3, 1994. l’Institut d’électronique et de télécommunications de Alexandre Boucart, Georges Duvivier, 1940-1944, Rennes, pour ses précieuses informations sur la station Monterfil sous l’Occupation, bulletin municipal, radar de Monterfil. février 1995. Aux quelques 250 visiteurs qui sont venus le découvrir à l’occasion des Journées du Patrimoine, montrant leur intérêt pour ce témoin imposant de notre histoire locale.

22 SAINT-JACQUES Du passé proche

Plan du bunker AUTRES REGARDS : Notes diverses et divertissements

our les lieux, nous avons retenu un chemin dont le nom ne figure sur aucun document cartogra- phique actuel ou ancien ! Mais sa dénomination, plus encore que celle de Chemin des Boches, est toujours aujourd’hui utilisée couramment. PPour les personnages, ont été sélectionnés un sportif de haut niveau dans deux disciplines con- trastées et l’ecclésiastique le plus célèbre de toute l’histoire de Saint-Jacques.

Le « chemin de Moscou »

e chemin partage avec « le chemin Comme l’une des variantes du nom de cette des Boches », présenté dans l’article forêt était « Mouscon », l’ignorant n’avait pas du N°1 intitulé « Soldats français et résisté à la tentation de risquer, avec à peine un Callemands à Saint-Jacques pendant la Guerre « peut-être » de précaution, un rapprochement 14-18 », la singularité de ne figurer, sous cette acrobatique entre le nom de cette antique forêt dénomination, sur aucun document cartogra- et celui de ce chemin, aux allures, à l’époque, phique de la commune de Saint-Jacques. Le soviétiques. nom de l’un et l’autre de ces chemins a été inventé, au cours de chacune des deux guerres L’explication avancée se révèle hautement mondiales, par des Jacquolandins. Aucun d’eux fantaisiste. Le « chemin de Moscou » a un n’a reçu de confirmation officielle. Mais ces rapport, non pas avec l’antique forêt, mais bien deux noms sont encore aujourd’hui connus et avec l’ex-U.R.S.S ! En effet, au cours des an- même largement utilisés dans le langage local. nées de l’Occupation, les Allemands tournèrent sur ce chemin un film de propagande sur le Le « Chemin de Moscou » désigne la route thème de leur guerre contre l’U.R.S.S. com- qui borde au nord la Z.A. (Zone d’activités) mencée en juin 1941. C’est une pancarte plan- d’Airlande et l’aéroport Joseph Le Brix. Il tée pour les besoins de ce film qui est à l’origine correspond pour partie à la route, qui partant de l’invention de cette dénomination ironique. de la Martinière, rejoint la pointe sud-ouest de Elle eut tant de succès qu’elle a survécu dans le la zone industrielle et à l’ancien chemin dit de langage local aux dénominations officielles de la Vigne qui reliait le Bourg au chemin N° 2, rue de la Vigne et de rue Didier Daurat. aujourd’hui C.D. 434. Cette jonction se faisait au hameau de la Haie des Cognets qui a donné A.C. son nom à la principale zone industrielle de Saint-Jacques.

Dans un numéro ancien du Jacquolandin (N°25, juin 1978), l’auteur d’un petit article de la rubrique « Saint-Jacques autrefois », osait un périlleux rapprochement entre « Chemin de Moscou » et le nom de l’immense forêt du Mont Mohon qui, dans les temps très anciens, bordait Rennes au sud et à l’ouest et s’étendait de Janzé et la Couyère à et Gévézé. C’est cette antique forêt, défrichée en clairières, qui avait donné son premier nom à Saint-Jac- ques : Notre-Dame de la Forêt. Le « Chemin de Moscou », aujourdhui.

24 AUTRES REGARDS : Des lieux et des hommes

FERNAND ROUSSELET A DEUX PASSIONS : LA BOXE ET LA PECHE

ernand Rousselet est né en 1922 au châ- Désirant devenir entraîneur, il obtient son teau de la Maltière. Ce château qui a diplôme de boxe anglaise au CREPS de disparu en 1938 pour permettre l’agran- en 1951. Il entraîne des champions comme Fdissement des terrains militaires, appartenait à Beurrel, Geffroy dans la fin des années 50. la Vicomtesse de Rouget. Elle habitait dans la région parisienne et son château avait les rides Et la pêche… de son âge car il datait du 16e siècle. Ses grands-parents Josse y étaient locataires Pour compenser sans doute ses ardeurs depuis 1900 et avaient créé, tout autour, des ter- vindicatives dans ce sport de combat, Fernand rains pour la culture maraîchère. a une activité beaucoup plus calme qui est la pêche. Mais comme il ne fait jamais les choses à moitié, là aussi, il est champion. Jehan Tho- lomé, chroniqueur à Ouest-France écrit de lui : « A la pêche, le poids léger Rousselet ne craint pas de s’attaquer aux poids lourds en mettant KO une carpe de 29 livres ».

Fernand Rousselet Son palmarès est éloquent : 1er à l’élimina- toire des championnats du monde de la pêche au coup le 5 avril 1954 ; il dispute plusieurs Fernand Rousselet championnats locaux, régionaux et même na- tionaux. En 1959, il est 3e au marathon de pêche Très jeune, Fernand Rousselet commence de Cleunay avec 79 prises. à boxer. Il comptabilisera 72 combats sous les Dans sa petite maison de la rue des Lilas, il couleurs de l’Olympique Ring Rennais. Il ne garde tous ses trophées de boxe et de pêche et connaît que 9 défaites dont 2 aux points contre toute une panoplie du parfait pêcheur, témoins des adversaires prestigieux : l’une devant le d’une vie animée par ses deux passions. champion de France Louis Carrara et l’autre R. T. devant le Polonais Walakewiez. Il sera vainqueur des champions de Nor- mandie et du Poitou et reste invaincu pendant 4 Sources ans en Bretagne. Il se classera 8e des finalistes du championnat de France des poids légers en - Témoignage de Fernand Rousselet. - Article Ouest-France. 1949. 25 AUTRES REGARDS : Des lieux et des hommes

MR L’ABBE GRIMAULT (1861-1924)

Cette biographie, manuscrite, non datée ne tarda pas à s’y montrer excellent élève sous (mais probablement écrite peu de temps après tous les rapports. Ses succès s’accrurent chaque la disparition de l’abbé Grimault) et anonyme a année, et en rhétorique, il conquit le deuxième été trouvée insérée dans un des tomes de « Ma prix d’excellence et le grade de bachelier ès paroisse de Saint-Jacques » appartenant au lettres. presbytère. C’est donc vraisemblablement l’œu- vre d’un prêtre que l’on va essayer d’identifier par son écriture, d’ailleurs très belle, à partir des registres paroissiaux. En attendant, nous ne résistons pas au plaisir de vous la livrer in ex- tenso, écrite dans un style que l’on ne retrouve plus guère à notre époque. Vous en trouverez ici la première partie.

J.P M

n ne saurait faire un plus bel éloge de quelqu’un que de dire qu’il fut un travailleur car un homme laborieux est Otoujours un homme de devoir et de dévouement, un homme consciencieux et vertueux, un hom- me dont la vie est féconde. Or tel fut Mr l’abbé Julien Grimault pendant toute son existence et dans les divers postes qu’il occupa parce qu’il aima passionnément le travail. De cet amour il puisa les premiers éléments dans son milieu local et familial. Il naquit en effet en 1861 à , dans cette région Mauritanienne1 où le sol est dur, mais où les cœurs sont forts, tout près de la mai- son paternelle de St Convoyon, un énergique et laborieux Abbé du IX° siècle, au sein d’une fa- Extrait du fac-similé de l’original mille patriarcale, qui comptait treize membres et ne dut son aisance et son honorable situation qu’à Ses études classiques terminées, il se diri- un labeur assidu. Ces bons exemples agirent de gea sans hésitation vers le Grand Séminaire, bonne heure sur le jeune Julien Grimault, et, dès où il entra dans un rang excellent. Dès la pre- les bancs de l’école et du catéchisme, il se dis- mière année, tout en préparant avec succès la tingua par sa gravité, son application au travail, deuxième partie du baccalauréat, il en obtint sa piété et son intelligence. Aussi le vicaire de un meilleur encore : il fut classé le 2ème sur 64 la paroisse, Mr l’abbé Chevrier découvrit-il en élèves. Il s’y maintint pendant toutes ses études lui la vocation à l’état ecclésiastique, et il s’en ecclésiastiques qui furent des meilleures dans ouvrit à ses parents. Ceux-ci se montrèrent très les diverses parties. Toutefois la théologie eut honorés de ce que Dieu avait daigné choisir leur ses préférences. Il la cultiva avec ardeur : si enfant pour en faire un ministre de son Eglise, bien qu’à la fin de sa 4ème année de séminaire, et acceptèrent immédiatement que Mr le vicaire il se sentit de taille à affronter les épreuves du lui commençât le latin. Au bout d’un an environ, baccalauréat en théologie. Il les subit avec suc- il l’envoya au petit séminaire de Saint-Méen. Il cès devant la Faculté de l’Université Catholique 26 AUTRES REGARDS : Des lieux et des hommes d’Angers. convenaient qu’imparfaitement. Aussi, quand Une vie intellectuelle aussi intense n’eut en 1895, l’aumônerie de la retraite à Redon vint point pour effet, comme cela arrive parfois de à vaquer et qu’on la lui offrit, il l’accepta sans lui dessécher le cœur. Au contraire, sa piété, hésitation : d’autant qu’il retournait dans un alimentée par une grande foi que l’étude n’avait pays qui avait toujours eu ses préférences. Le fait que fortifier, et stimulée par la pensée du sa- choix était des plus heureux comme le prouve le cerdoce, ne fit que s’accroître avec les années. témoignage d’une personne autorisée : Après une telle préparation, et l’ordination « Mr l’abbé Grimault fut aumônier de la re- sacerdotale saintement reçue, il était prêt à en- traite de 1895 à 1907. Il a laissé parmi les reli- trer dans la carrière. Il y débuta dans le profes- gieuses comme parmi les élèves le souvenir d’un sorat ; d’abord au collège Saint-Vincent où il ne prêtre d’une très grande piété, d’une direction fit que passer, et ensuite au petit séminaire de sûre. Il apportait en tout du tact, de la réserve, Saint Méen, où il fut successivement professeur et l’on pouvait compter sur son dévouement et de quatrième et de troisième. Il s’y montra un son savoir-faire quand il avait pris une cause en maître excellent : dévoué, consciencieux, labo- mains. Les élèves appréciaient ses instructions rieux, ferme en même temps que bienveillant. religieuses, qui étaient le fruit de sérieuses étu- Aussi ses élèves ont-ils conservé un souvenir des et de minutieuses recherches. » ineffaçable de son enseignement clair et mé- thodique, des tableaux synoptiques qu’il leur dressait pour leur faciliter le travail, des minu- tieuses recherches auxquelles il se livrait pour augmenter l’intérêt de ses explications et leur compréhension, et surtout de l’affection sincère qu’il montrait. En 1890, la place de supérieur de l’école des Vocations tardives installée à Chantepie était de- venue vacante, par suite du départ de Mr l’abbé Emile Debroise, autorisé à entrer chez les Bé- nédictins de Solesmes. C’était un poste de con- fiance et de dévouement : car le titulaire devait être à la fois supérieur, économe, directeur des études et professeur. On le proposa à Mr l’abbé Grimault qui l’accepta. Il se livra à ses nouvel- les fonctions avec son ardeur et son application habituelles, et bientôt, on en put constater les heureux résultats. Le bon ordre, la piété et le tra- vail régnèrent dans la maison, la confiance se ré- pandit, et en deux ans, le nombre des élèves fut presque triplé. Mais sa direction où dominait la Parmi ces dernières, il convient de signaler fermeté n’eut pas l’heur de plaire au fondateur celles qu’il fit pour donner une série de confé- de l’œuvre, qui demanda son changement. Il fut rences sur la messe. Il finissait de les composer, envoyé au collège de Vitré en qualité de sous-di- quand parut dans l’Univers l’annonce d’un con- recteur. Il y resta trois années, pendant lesquel- cours institué par la Ligue de la Messe. Après les il remplit sa charge consciencieusement et l’avoir un peu retouché, il envoya son manuscrit avec un véritable sens surnaturel et sacerdotal, et obtint le deuxième prix. C’était une invitation et sut entretenir des rapports de déférence af- à se faire auteur. Mr l’abbé Grimault ne la né- fectueuse avec son supérieur et de bienveillante gligea pas. et serviable amitié avec ses confrères. L’étude, (à suivre ...) comme bien on le pense, ne fut point oubliée. Toutefois les fonctions de sous-directeur ne lui 1 Maure de Bretagne, bien sûr ! 27 AUTRES REGARDS : Témoignages

Témoignages des residents de la rablais

ans le cadre du thème étudié cette année pour faire la tête, les bras et les jambes. On les à l’EPI, « JEUX sur JE », je suis allée attachait avec des petits bouts de bois. » voir les Résidents de la Rablais et nous Plusieurs personnes ont des souvenirs atten- Dnous sommes amusés à retrouver nos souvenirs dris de la campagne : « On se déguisait avec des sur le jeu. A quoi jouions-nous quand nous étions feuilles : une couronne en feuilles de châtaignier enfants ? Que recevions-nous pour Noël ? et le reste en fougères ou en feuilles diverses suivant ce qu’on trouvait. » Résultats : Certains jeux étaient les mêmes pour Monsieur Graffin, le seul homme de notre tous. Certains existent encore. Certains jeux petite réunion, se souvient des courses au tré- étaient différents suivant la région où nous vi- vions, ou alors ils ne portaient pas le même nom. sor. « L’organisateur cachait des objets. Cela On ne jouait pas toujours à la même chose si on pouvait se passer dans une cour ou un jardin. vivait en ville ou à la campagne. Les garçons ne Il cachait des objets simples : une boîte, une jouaient pas avec les filles d’autant plus qu’ils cuiller, une balle… Il fallait en trouver le maxi- n’allaient pas dans la même école. mum dans un temps donné. Chaque objet avait La toupie était un jeu classique commun aux une valeur, un nombre de points donné. A la fin, filles et aux garçons. C’était un petit objet rond chacun totalisait le nombre de points obtenus. A en bois, pointu à un bout que l’on faisait tour- part cela, les garçons jouaient surtout aux billes, ner avec les doigts ou en enroulant une ficelle au ballon… » autour. On tirait fermement sur le bout de la Madame Joubrel se souvient : « J’aimais ficelle pour donner l’élan. La toupie tournait sur beaucoup jouer, j’étais très gaie. Je n’avais le sol. L’avantage de ce jeu est qu’on pouvait ni frère, ni sœur mais beaucoup de copines. jouer seul ou avec d’autres enfants. Comme beaucoup de petites filles, nous jouions Mais Madame Larue vient du Nord et la tou- à la marelle, à la balle, à la corde, à cache-ca- pie y avait plusieurs versions. Il y avait, en plus, che… » le toupet et le toupillon. Pour faire tourner le Pour Noël, on recevait un ours, une poupée, toupet, il fallait un fouet et on fouettait le jouet une dînette, un jeu de société…On avait souvent pour le faire tourner. Le toupillon, encore appelé une orange car on n’en trouvait pas beaucoup « toton » se jouait sur la table. Il était hexagonal en dehors de cette période, ou une mandarine avec des pans coupés sur lesquels des consignes (pas une clémentine parce que ça n’existait pas étaient écrites : « Prenez 1 » ou « Mettez 2 » ou à l’époque). « Rejouez » ou « Ramassez tout »… Mais Madame Larue nous explique : « Dans Madame Rolland habitait en ville. « J’étais le Nord, on recevait des cadeaux pour la Saint- fille unique, alors je jouais toute seule car ma Nicolas. Pour Noël, on faisait la crèche, on ins- mère ne voulait pas que je sorte pour aller jouer sur le trottoir avec mes copines. J’étais gâtée, tallait le sapin, mais il n’y avait pas de cadeaux. j’avais beaucoup de poupées. Elles étaient ar- Le 6 décembre, jour de la Saint-Nicolas, on ticulées et elles avaient des perruques que je recevait dans une grande chaussette plusieurs changeais. Ma dernière poupée, c’est ma fille choses : un personnage en pain d’épice avec qui l’a finie. » une image collée dessus, une mandarine, un Madame Besnard vivait à Saint-Jacques dans morceau de charbon enroulé dans un joli papier, une ferme à la Rablais. Elle avait peu de temps un morceau de bois pour se chauffer, une carotte pour jouer, il fallait travailler. Toutefois, « en pour l’âne du Père Noël… » gardant les vaches, en automne, on faisait des poupées avec des pommes. Une grosse pomme R. T pour faire le corps et des pommes plus petites 28 AUTRES REGARDS : Témoignages

courrier des lecteurs

Madame Coutel, nièce de Frédéric Benoît ger tous les jours. J’y suis souvent allée. Nous nous demande de corriger deux erreurs : donnions la nourriture à un gardien et nous attendions qu’il nous rapporte les récipients 1) Nous avons écrit : « Il n’est pas un résis- vides. C’était aussi un moyen de communiquer. tant… » En fait, rien ne nous permet de l’af- Nous passions des messages dans l’enveloppe firmer. Il a été pris comme otage avec d’autres extérieure de la bouteille thermos ou dans les personnes de la commune mais on ne sait pas coutures des vêtements puisque nous lavions quelle était sa position dans cette guerre. Ceux son linge. Ils étaient 6 dans la cellule, nous qui faisaient de la Résistance étaient, par obli- donnions à manger pour 6. gation, très discrets. Il a obtenu la notification Nous avions eu droit à une visite après de « déporté politique ». le verdict du procès mais nous ne pouvions être que deux personnes. J’y suis allée avec 2) Nous avons écrit page 14 du numéro 2, ma sœur. Ma mère avait obtenu le droit d’y d’après le témoignage de Elise Guédard : « Je aller quelques jours plus tard. Elle y est allée vois encore M. Benoît (le père de Frédéric le 30 décembre dans la matinée, avec un ami Benoît) arriver par le bas du camp directement d’Albert. Quand ils sont arrivés à la prison, on de la Reuzerais avec son petit bidon de lait. ». leur a dit : « oh ! c’est trop tard, ils ont été fu- En fait, M. Benoît avait pris sa retraite en 1933 sillés ce matin. » Voilà comment on apprend à et était remplacé dans la ferme. De toutes fa- une mère la mort de son fils… çons, cela ne pouvait pas être considéré comme un acte de collaboration mais plutôt de solida- Au cimetière de Saint-Jacques, on nous rité entre fermiers et une obligation à laquelle il avait dit qu’ils étaient enterrés dans deux fos- était dangereux de se soustraire. ses, l’une près de l’entrée, l’autre plus au fond. Nous fleurissions toujours la fosse la plus éloi- D’autre part, malgré notre vigilance, deux gnée, pensant qu’Albert était dedans. A la fin erreurs de dates se sont faufilées dans notre nu- de la guerre, quand les corps ont été exhumés, méro 2 et nous vous demandons de bien vouloir nous nous sommes rendus compte qu’ils étaient les rectifier : tous dans la fosse la plus proche de l’entrée. Nous avons eu la surprise de voir que parfois, il 1) Page 10, légende du château de la Pé- y avait deux corps dans un cercueil. Du moins, relle : les Allemands y ont mis le feu en 1944 c’était le cas pour mon frère. avant de le quitter et non en 1941. 2) Page 22 : Honoré Commeurec est décédé Ma mère avait dit : « Je le reconnaîtrai grâce le 18 février 1945 et non 1944. à sa chevalière ». Il n’avait pas pu l’enlever pour nous la donner à la prison car, comme il avait le doigt cassé, il restait un peu plié, em- A propos de la Maltière pêchant de retirer la bague. Les Allemands ne s’étaient pas gênés, ils avaient coupé le doigt Madeleine Surget dont le frère Albert Gérard pour récupérer la chevalière. Nous l’avons sur- a été fusillé à la Maltière le 30 décembre 1942, tout reconnu grâce à son pull marin ». nous fait part de ses souvenirs : « J’avais à peine 14 ans quand mon frère a été arrêté. Il était incarcéré avec tous les autres à la prison Jacques Cartier. Si nous voulions qu’il mange, nous devions lui porter à man- 29 domaines militaires. Bref, toute la géologie Mémoires de se situe donc en sous-sol ; la carte proposée ne Saint-Jacques peut donc être qu’indicative… » M. Plaine assortit la carte simplifiée qu’il a Revue d’histoire locale établie pour « Mémoires de Saint-Jacques » trimestrielle éditée par le Groupe Mé- de ce commentaire explicatif : moire de Saint-jacques « L’essentiel du paysage géologique de - Centre de la Lande - la commune de Saint-Jacques est constitué EPI - Condorcet de formations superficielles, comme le fait 10, rue François Mitterrand apparaître la carte proposée. Les différents sondages et prospections ont permis de voir 35 136 Saint-Jacques de la Lande plus profondément et d’identifier deux grands domaines : Directrice de publication - au nord-est, le bassin de Rennes, constitué de schistes et grès très anciens (briovérien). Renée Thouanel - au sud-ouest, le bassin tertiaire de Char- tres-de-Bretagne au remplissage d’argiles et Rédaction de calcaires, installé sur un système de faille dont la plus connue est celle de Pont-Péan ». Rédacteur en Chef : Auguste Charlou Nous adressons nos plus vifs remercie- Comité de rédaction : Auguste Charlou, ments à M. Jean Plaine, Conservateur du Renée Thouanel, Léo Poligné, Jean-Paul Musée de Géologie, Université de Rennes I, Meunier d’avoir bien voulu réaliser cette carte, relire et corriger les articles consacrés à la géologie de Maquette Saint-Jacques. Ces articles ont pour principal fondement, outre ses conseils, sa brochure, Mehdi Zmuda Entre 45 et 2 millions d’années. LE TER- TIAIRE DU PAYS DE RENNES. Faune, flore Crédits photographiques et paysage. MOTS CROISES JACQUOLANDINS Jean-Paul Meunier Mehdi Zmuda Lucien Poulain A B C D E F G H 1 ISSN : 1768 - 3521 2 Imprimerie IMPRIMOBILE 9, rue Armand Herpin Lacroix 3 35 000 Rennes 4 5 A PROPOS DE LA CARTE GEOLOGIQUE 6 DE SAINT-JACQUES 7 8 our établir cette carte géologique simpli- fiée de la commune de Saint-Jacques, M. 1 Recrue. 2 Pas le cheval d’Henri IV. 3 Mivoie en est Jean Plaine s’est porté sur le terrain pour devenue une. A un centre à Airlande. 4 Orient. Dans P« essayer de voir et vérifier la qualité des affleu- l’eau de mer. 5 Chevalier espion. Article hispanique. 6 rements supposés existants ». Il note que la « dé- Une Calvenais ou une Bouvrais. Pas ici. 7 Le Reynel couverte géologique de la commune n’est pas à en est un. Il arrive qu’on n’en fasse pas un. 8 Aux deux bouts. première vue évidente tant le relief est peu pro- noncé ; les gisements classiques sont devenus A Villa de la Morinais. B On peut tomber dessus. aujourd’hui totalement inaccessibles à cause de Article. C Edit fameux. D Transpire. Risquer. E Moyen l’urbanisation, des différentes zones industrielles de paiement. Adverbe le plus souvent accompagné. et d’activité, de la restitution des gravières en F Piège. Après-midi. G Fantastique. H Hameau plan d’eau, de l’emprise de l’aérodrome et des jacquolandin. 30 Crochets de fixation de filets de camouflage

Entrée du bunker du Haut-Bois

31 Créneau de tir de la salle «Opérations»