La Patrimonialisation Urbaine Du Fort De Champigny À Chennevières Par Banlieues 89 "Fêtes Et Forts"

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La Patrimonialisation Urbaine Du Fort De Champigny À Chennevières Par Banlieues 89 Quaderni Communication, technologies, pouvoir 80 | Hiver 2012-2013 L'intégration européenne Histoire de l’émergence d’une représentation du local : la patrimonialisation urbaine du fort de Champigny à Chennevières par Banlieues 89 "Fêtes et forts" Bertrand Morvan Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/quaderni/682 DOI : 10.4000/quaderni.682 ISSN : 2105-2956 Éditeur Les éditions de la Maison des sciences de l’Homme Édition imprimée Date de publication : 5 janvier 2013 Pagination : 115-129 ISBN : 978-2-7351-1525-9 Référence électronique Bertrand Morvan, « Histoire de l’émergence d’une représentation du local : la patrimonialisation urbaine du fort de Champigny à Chennevières par Banlieues 89 "Fêtes et forts" », Quaderni [En ligne], 80 | Hiver 2012-2013, mis en ligne le 05 janvier 2015, consulté le 17 mars 2020. URL : http:// journals.openedition.org/quaderni/682 ; DOI : https://doi.org/10.4000/quaderni.682 Tous droits réservés P o l i t i q u e Le fort de Champigny à Chennevières a été l’ob- Histoire de jet, au début des années 80, d’une opération de patrimonialisation par l’association d’architectes- l'émergence urbanistes Banlieues 89. Elle était missionnée par l’État socialiste de l’époque et s’est alors d'une représen- appelée : Banlieues 89 « Fêtes et forts ». L’intérêt d’une démarche historique et descriptive serait en l’espèce, après avoir montré la comple- tation du local : xité des signifiés du patrimoine et leur ambiguïté, ce qui a déjà été relevé par les meilleurs ana- la patrimonia- lystes1, « de mettre en évidence la diversité des outils à la disposition de décideurs, de replacer les contextes locaux d’intervention, de faire res- lisation urbaine sortir la pluralité – voire les contradictions – des objectifs des politiques urbaines patrimoniales, et les conflits d’usage ou d’acteurs auxquels elles du fort de peuvent donner lieu ». Champigny à Dans notre cas d’espèce, il peut être pertinent « de réfléchir à la requalification du patrimoine urbain comme ressource touristique ou culturelle Chennevières et au bout du compte, comme "marchandise" ». Dans le cadre d’un processus de métropolisation par Banlieues 89 de la banlieue parisienne avec le projet dit «du Grand Paris» conduisant à une tertiarisation de "Fêtes et forts" l’espace, « il conviendrait donc d’analyser les liens entre la patrimonialisation effective (non nécessairement institutionnelle) des espaces urbains et les changements économiques et Bertrand sociaux »2. Morvan Pour cela, dans une première partie, nous détail- lerons l’histoire du projet de requalification en Conseil en développement territorial espace public d’un lieu en déshérence, le fort Enseignant-chercheur de Champigny à Chennevières, au début des (Institut du Temps Géré) années 80.Puis, en deuxième partie, nous nous QUADERNI N°80 - HIVER 2012-2013 L'EMERGENCE D'UNE REPRESENTATION DU LOCAL .115 intéresserons aux contradictions décisionnelles, lieue soient aussi belles que les villes-centres »). en pleine décentralisation, au sein d’une société Il s’agit d’emblée d’un travail culturel à partir de canaveroise. Elles sont entretenues par l’État dès et sur l’environnement bâti et la commande est de les années 70, mais particulièrement à partir de «réaliser des lieux agréables à vivre, signifiants, 1983. Enfin, en troisième partie, nous évaluerons, à image positive, gratifiante pour les gens qui y dans le contexte général de l’émergence d’une habitent, qui y passent, des lieux où il fait bon opération en cours de renouvellement urbain vivre». Il est entendu qu’ils devront avoir toutes du centre-ville, quelles peuvent être les valeurs les fonctionnalités urbaines nécessaires (routes, urbaines produites par cette opération de patri- etc..) ». monialisation sur le site du fort de Champigny. La mission a donc suivi plusieurs axes d’inter- Histoire politique de la mission Banlieues 89 vention : sur le réseau des forts de seconde ceinture « - Le premier est organisé autour de l’identité « Séré de Rivières » propre de chacune des communes de banlieue : aux élus a été demandé de proposer des aménage- Comment, avec l’opération Banlieues 89 « Fêtes ments d’une partie de leur commune s’intégrant et forts » et la patrimonialisation du fort de dans une représentation souhaitée de celle-ci. Champigny par un pouvoir central en direction de L’intervention s’élabore pour réaliser ce qu’il deux communes – Chennevières et Champigny – faut faire, ce que localement on désire; on ne fait a-t-on vu émerger une représentation du local à pas seulement ce qu’on peut faire. Plus de 200 Chennevières qui a mis en cause les identités communes ont formulé des projets dont plus de communales telles qu’elles préexistaient ? la moitié sont en cours de réalisation. - Le deuxième consiste à envisager la globalité; Fêtes et urbanité : émergence d’une représen- comment peut se former une agglomération qui tation urbaine ne soit pas seulement agglomérat autour d’un centre plus ou moins homogène. L’ensemble des Ce paragraphe emprunte à l’article de Michel réflexions part d’un postulat idéologique : chaque Herrou, psychosociologue qui a suivi la mission endroit habité, pratiqué dans une agglomération, Banlieues 89 « Fêtes et forts » dès ses débuts doit posséder un environnement urbain digne des (M.Herrou, 1988). Pour l’auteur, les principaux aspirations et des attentes d’un citoyen de la fin objectifs de la mission concernant surtout des du XXe siècle; non seulement un confort suffisant, villes de la région parisienne et des villes de la mais aussi un paysage urbain suffisamment remar- banlieue lyonnaise, étaient les suivants : « une quable pour devenir objet de reconnaissance, réflexion sur le lien entre le bâti et la représen- source d’identité, générateur d’une représenta- tation mentale de celui-ci. Il s’agit d’actions tion sociale satisfaisante. L’action sur la ville doit d’aménagement, de construction d’espaces, de être d’ordre culturel pour que les communes ne composition urbaine (pour les architectes : « il deviennent pas des systèmes fermés, clos qui les s’agit de faire en sorte que les communes de ban- feraient étouffer, mais qu’elles participent d’un 116. L'EMERGENCE D'UNE REPRESENTATION DU LOCAL QUADERNI N°80 - HIVER 2012-2013 système de complémentarité et de solidarité au le nom de la commune sur le territoire duquel devenir de l’agglomération. Cet axe a été déve- ils sont situés, ceints de remparts, de fossés et loppé dans la région parisienne et a donné lieu à de protections rendant l’approche quasi impos- l’élaboration d’un plan d’un Grand Paris. sible, n’ayant quasiment jamais servi pour leur - Le troisième axe introduit la notion de temps. Ce destination première (les progrès de la balistique ne sont plus des propositions spatiales qui sont ayant rendu leur présence obsolète avant même proposées à l’imaginaire et au vécu des habitants, la fin de leur construction), étaient ignorés de mais des fêtes et des spectacles. Il s’agit de partir la population avoisinante. Leur architecture est d’actions éphémères afin de signifier et générer celle de bâtiments militaires cachés; il s’agissait des lieux qui, pour le moment, ne sont que des de n'en déceler ni l’aspect, ni la configuration possibles; la réflexion s’est développée à partir depuis l’extérieur, de voir sans être vu. Certains des forts de la région parisienne qui sont, pour étaient désaffectés, d’autres poursuivaient une la plupart, des lieux exclus de l’organisation activité militaire. L’idée était de les ouvrir à la des villes et quartiers avoisinants; y faire des population, d’y installer des évènements culturels fêtes, y faire venir beaucoup de participants, les à un moment où peu de choses se passent dans faire vivre, révéler une route stratégique qui les la région parisienne pendant l’été : la période relie mais qui est oubliée... telle est la finalité de choisie en 1984 et 1985 s'étendait du 14 juillet au « Fêtes et Forts », avec l’hypothèse suivante : la 4 août pour que « chaque année, la fête rappelle fête est une des activités de la vie en société; elle l’invention de la liberté, chaque année prend la fabrique du souvenir, de la mémoire; la réaliser, Bastille, chaque année abolie les privilèges » la mettre en scène invente une histoire pour ces (M. Cantal-Dupart). lieux, permet de modifier la représentation men- tale de ces lieux et de leurs environnements ». Les initiateurs du projet considéraient que ces quelques centaines d’hectares pouvaient être Dès 1983, R. Castro et M. Cantal-Dupart, au reçu rendus à la vie civile, être réintégrés dans l’espace de la lettre de mission du Premier ministre du 17 local, tout en gardant pour certains les activités novembre 1983, ont commencé à initier « Fêtes militaires et de service public qu’ils ont actuel- et Forts » « pour faire vivre un projet urbain à lement. Ils s’agissait de les « allumer » dans la travers des fêtes ». représentation de l’agglomération, de les rendre espaces publics, espaces pour le public, en les Il s’agissait, à partir du spectacle, du spectacu- reliant aux villes avoisinantes, en les considé- laire de révéler des lieux : les treize forts de la rant comme des lieux magiques permettant de région parisienne, chacun étant actuellement structurer l’image de l’agglomération parisienne une enclave de plusieurs hectares située entre en quête d’éléments structurants, en y installant plusieurs communes, fermée aux populations des équipements permettant d’améliorer le environnantes. Ces lieux stratégiques, sommets cadre de vie local, en révélant la route plantée des collines environnant Paris, avec des vues d’arbres qui les relie (actuellement, cette route imprenables, ne portant pas, pour la plupart, est difficilement perceptible en raison de sens QUADERNI N°80 - HIVER 2012-2013 L'EMERGENCE D'UNE REPRESENTATION DU LOCAL .117 uniques non coordonnés entre les communes).
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