La stratégie du mensonge DU MÊME AUTEUR

L'autocritique attendue, Girault. Le partisan, Flammarion. Le Parti communiste français et la Résistance, Plon. Croix de grève pour une grève 100 000 mineurs contre l'occupant, Plon. Le PCF : continuité dans le changement De à Georges Marchais, R. Laffont et Hachette (Livre de Poche, nouvelle édition revue et augmentée) Auguste Lecœur

La stratégie du mensonge Du Kremlin à Georges Marchais

Editions Ramsay 27, rue de Fleurus, 75006 Photo de couverture : Au XX Congrès du P.C.F., en décembre 1972, Mikaïl Souslov, patron idéologique du communisme international, en un geste symbolique, officialise la nomination de Georges Marchais.

© Editions Ramsay Paris, 1980 ISBN 2-85956-161-7

AVANT-PROPOS

Le Parti communiste français a toujours mené une pro- pagande intense pour affirmer sa supériorité sur tout et sur tous, et pour donner de lui-même une couleur idylli- que, faite d'intégrité et de respectabilité. Et il ne se fait pas faute, sous cet angle, de toiser les autres, hommes et partis, avec une certaine condescendance. Avec l'agressi- vité que stimule la mauvaise foi, il s'autorise à critiquer la entière sans épargner la partie du monde demeurée hors de l'orbite soviétique, mais n'accepte, pour lui même, aucun grief, fût-il le plus justifié. L'esprit totalitaire du marxisme-léninisme, son mili- tantisme en faveur du monopole de l'organisation politi- que, de la propagande et de l'information, prédisposent le militant à croire à l'infaillibilité de son parti, car l'idéologie communiste héritée de Lénine ne connaît pas de milieu, elle est condamnée à n'être rien si elle n'est pas tout. « On n'a jamais raison contre le Parti », c'est l'enseignement majeur que reçoivent les élèves sélec- tionnés pour participer aux écoles marxistes-léninistes, pour les convaincre bien sûr, mais surtout pour les conditionner à révéler cette « vérité ». Il est vrai que l'on a bien dû finir par reconnaître l'existence de sérieuses « bavures » ou « accidents de parcours », mis au passif de responsables naguère adu- lés. Il va sans dire que cette critique rétrospective ne dai- gnait se faire entendre qu'une fois ceux-ci morts et bien enterrés. D'autre part ces « déviations », purement « conjoncturelles », étaient chaque fois soigneusement mises au compte de facteurs exclusivement individuels ou de circonstances historiques et géographiques parti- culières et appelées à ne pas devoir se renouveler. Le Parti, qui ne peut avoir tort par définition, n'en était jamais éclaboussé, puisque au contraire on expliquait qu'il y avait « faute » dans la mesure même où l'on s'était « écarté » malencontreusement de la ligne du Parti. Par exemple, des difficultés rencontrées en 1977/1978 à la fédération de Paris, ce n'est pas la politi- que du Parti qui est en cause, c'est de la faute à Henri Fiszbin, premier secrétaire de cette fédération. Eh bien, adoptons pour une fois ce système de défense systématiquement utilisé par les dirigeants de tous les partis communistes : il faut bien admettre alors que la personnalité de Georges Marchais, telle qu'elle ressort de son comportement passé et de sa conduite présente, est en contradiction avec l'image d'honnêteté intellec- tuelle, de moralité et d'honorabilité que le PCF n'a eu de cesse de se forger, pendant de longues années, à grand renfort de slogans, de boniments et de campagnes publi- citaires. Comment expliquer ce qui ne peut apparaître que comme une erreur de choix, eu égard surtout à ce souci qu'ont les communistes d'éviter que leurs mili- tants puissent donner prise à l'adversaire ? On explique difficilement que le PCF ait pu se résoudre à placer à sa tête un homme au passé louche dont le faciès hargneux, le ton méprisant et les manières agressives ont de quoi rebuter, voire inquiéter l'opinion, plutôt que de la séduire pour emporter son adhésion. La réponse est toute simple : poser le problème en ces termes, c'est par- tir de prémisses fausses ; car le Parti communiste s'iden- tifie à son chef comme celui-ci au parti qu'il façonne à sa mesure. Georges Marchais est aujourd'hui l'image par- faite de son parti, et le PCF, actuellement, mérite Mar- chais comme le PC de l'URSS, jadis, méritait Staline. Aussi le « dossier Marchais » n'est en rien une affaire personnelle ; l'objet du litige c'est le PCF lui-même, soli- daire et complice de son chef. Ce n'est pas une querelle d'hommes qui se joue ici, mais un grand débat politique.

Un ami, à qui je confiais l'ébauche de mon manuscrit et duquel je sollicitais l'avis, s'étonnait : « Es-tu donc hostile à cette habitude qu'ont prise maintenant les jour- nalistes — surtout depuis Watergate —, sur le modèle américain, de passer au peigne fin les antécédents de leurs dirigeants, de chercher à rendre la classe politique totalement transparente aux yeux des citoyens ? » Non, au contraire, je ne vois que du mérite à cette nouvelle tendance des médias, exception faite bien entendu de la presse à sensation lorsqu'elle s'en prend à la vie privée d'une personnalité. A fortiori lorsqu'il s'agit d'un homme politique qui postule à la magistrature suprême ; j'estime aller de soi cette exigence d'une enquête approfondie sur le passé du candidat. Celui qui prétend aux plus hautes responsabilités doit, de son côté, accepter de se soumettre au plus impitoyable des examens de passage. Et en ce sens les médias, aujourd'hui, jouent un rôle irremplaçable. Non, elles n'ont rien de malsain ces campagnes que mènent les journaux, chacun à sa façon, grave ou ironique, plai- sante ou austère. Elles sont au contraire hautement salu- bres. Surtout dans un pays où la moralité publique et privée est tombée à un niveau proche de l'égout, et où la drogue, le tiercé, la pornographie et la fraude fiscale for- ment le paysage habituel de M. Toulemonde. Dans ce cli- mat de laxisme giscardien où le libéralisme est « avancé », à la façon du fromage quand il est trop mou, prenons plutôt exemple sur les journaux lorsqu'ils mènent de telles enquêtes. Ils jouent bien là un rôle pré- cieux dans une démocratie, s'il est vrai que le droit de contrôle et de critique (du juridique sur le politique, du législatif sur l'exécutif, de l'électeur sur le mandataire, du citoyen sur le pouvoir en place, etc.) constitue l'une des pierres de touche du système démocratique. Il est vrai que cette exigence puritaine, cet idéal de transparence, composent un exemple intimidant et ris- quent de tendre un miroir quelque peu accusateur aux yeux de ceux qui ont la conscience trouble. Comme il va de soi qu'il y a beaucoup de citoyens dont la virginité est discutable, il ne faut pas s'étonner du concert indigné des tartufes qui se font les censeurs de cette presse lorsqu'elle joue son rôle démocratique. Quelle hypocri- sie ! Ceux qui sont prêts à toutes les vilenies pour mar- cher sur le corps des autres, écraser ou bafouer tel adversaire, pour monter plus haut sur l'échelle du pou- voir et de l'argent, ont bonne mine à venir nous faire la morale ! Ils n'ont pas de mots assez durs pour L'Express, Le Canard enchaîné et Le Matin de Paris, qualifiés de « feuilles à sensation », d'« instruments d'inquisition et de chantage », de « fascisme de presse », eux qui ne pen- sent qu'à leur ambition et leur appétit de puissance et ne s'embarrassent jamais d'aucun scrupule dès qu'il leur faut franchir l'obstacle. Encourageons donc plutôt cette presse qui fait son devoir — et le nôtre en même temps. Quant aux acteurs sur qui les feux de la rampe sont bra- qués, ils n'ont qu'à rentrer dans les coulisses si la lumière les éblouit par trop. Quand on a choisi de mener une vie publique, on doit être prêt à subir les questions — fussent-elles indiscrètes — du public précisément, c'est-à-dire du peuple lorsqu'il est adulte. En mettant ainsi dans l'embarras la classe politique qui nous gou- verne, on apprend du même coup à l'ensemble des citoyens qu'une responsabilité quelle qu'elle soit ne se limite pas à un droit, mais signifie aussi un devoir, concomitant. Outre cette leçon de civisme, l'exercice de la liberté de la presse joue aussi un rôle non négligeable dans la vie politique et la pratique coutumière du pays, à l'approche d'une échéance électorale, car il permet d'opérer un salubre premier tri, avant même la double éliminatoire du vote proprement dit, qui constitue le verdict prononcé, lui, par l'ensemble des citoyens. J'attache d'autant plus de prix à voir ce rôle de senti- nelle avancée de la démocratie joué par la presse que celle-ci n'a cessé de subir les attaques du Parti commu- niste. Le PC s'en prend régulièrement à l'ensemble de la presse. Chacun garde encore dans les oreilles l'écho des injures de Marchais à la radio ou à la télévision à l'égard des journalistes (par exemple : « Vous, Le Matin, , Le Canard enchaîné et Le Monde, vous ne m'inspirez que mépris et dégoût 1 Or, s'il est vrai qu'il existe, notam- ment dans le secteur de l'audiovisuel, de serviles flagor- neurs du pouvoir en place, nombreux sont également — contrairement aux dires du PCF — les journalistes à l'esprit indépendant et au jugement impartial. L'astuce, fort classique, des communistes consiste comme tou- jours à pratiquer l'amalgame et à tenter d'accréditer l'idée qu'à part L'Humanité et les autres périodiques

1. France-Inter, 14 novembre 1979. gravitant autour du PCF il n'existe qu'une seule presse dite « bourgeoise », certes vaste et protéiforme, mais pourtant toujours par nécessité au service de la classe dont elle serait censée refléter les idées et les obsessions. Les communistes veulent faire peser comme naturelle- ment et automatiquement le soupçon — sous prétexte de « regard critique » — sur tous les périodiques y compris ceux — surtout ceux — qui ne sont pas en accord avec leurs idées. Dès lors la liberté de la presse devient un « concept bourgeois », la liberté d'expression n'est plus qu'une de ces « libertés formelles » qui n'ont pas de sens pour un véritable esprit rompu à la dialectique marxiste- léniniste. Et la défense de cette liberté est injustifiée, ridiculisée ; que dis-je !... elle trahit un esprit bourgeois et est donc forcément condamnable. La boucle est bou- clée. Un des critères de la démocratie, la liberté d'opi- nion et d'expression, non seulement ne doit pas être défendu, mais doit être attaqué. La liquidation de la liberté de la presse a toujours constitué — faut-il le rappeler — le souci n° 1 des idéolo- gues communistes. On a encore présente à l'esprit la fameuse étude de Boris Ponomarev sur la nécessité de s'emparer des médias et de les contrôler, ainsi que ses reproches adressés au régime de Salvador Allende pour avoir manqué partiellement à cette tâche 1 Pour remon- ter aux sources, il suffit de rappeler que la première décision d'importance de Lénine, parvenu au pouvoir, avant même la confiscation des outils de production, fut, en 1918, la mise au pas de la presse. François Fejtô cite ce jugement à l'emporte-pièce de Lénine : « La liberté de la presse, c'est la liberté de l'organisation politique pour

1. World Marxist Review (Problems of Peace and Socialism). Juin 1974. la bourgeoisie et ses laquais fidèles 1 ». Plus imagé encore était le style de Krouchtchev, répondant à une question sur l'éventualité de concéder aux francs- maçons une certaine marge de liberté d'expression : « Je ne veux pas mettre des poux dans ma chemise. » Pour revenir en France et à une époque plus récente, il est significatif de voir Marchais soutenir le pouvoir en place dans l'affaire Boulin. Bien sûr il y a des raisons conjonc- turelles : le PCF sait bien que l'Élysée se souviendra de ce service et lui rendra la pareille le cas échéant. Mais, d'une manière plus profonde, le musellement de la presse ne peut vraiment choquer un communiste consé- quent, car elle est précisément dans la droite logique de la doctrine léniniste, qui ne conçoit l'« information » que dirigée et à sens unique. Cela dit, la presse doit se garder, inversement, d'aller trop loin dans son rôle de vigile et de juge instruc- teur. Certes, aux avant-postes de la démocratie, il est impératif de veiller, mais il faut éviter de se laisser entraîner dans une campagne systématique qui, surtout lorsqu'il s'agit du Parti communiste, risque de se retour- ner contre ses auteurs et d'être récupérée par ceux-là même qu'elle vise. Ainsi, dans le fameux rebondissement de ce qui est devenu l'« affaire Marchais », L'Express n'a joué qu'un rôle somme toute mineur. Il s'est borné à publier un simple document, preuve d'appoint sans plus. Il en est résulté un tintamarre incroyable. Le PCF a su habilement profiter de cette surenchère, qu'il a discrète- ment guidée, canalisée et réorientée grâce aux moyens considérables dont il dispose. Les médias, qui se croyaient maîtres du jeu, ont été en fait manœuvrés sans

1. François Fejtô, L'Héritage de Lénine. Le Livre de Poche, coll. « Pluriel », 1977. même s'en rendre compte. Les communistes procèdent de la manière suivante : voici dix pages de réflexions et de démonstration critiques qui mettent en évidence la fausseté de leurs thèses et les menaces qu'elles font peser sur les libertés ; dans ces dix pages, bien maladroit celui qui ne trouvera pas une broutille inexacte, une vir- gule décalée ou une faute d'orthographe anodine dans un nom propre. Dès lors le moindre détail lilliputien est monté en épingle, la peccadille devient infraction, l'infraction un crime et une trahison, et tout le texte un abominable tissu de mensonges et une odieuse calomnie, elle-même n'étant qu'une pièce au service d'une machi- nation gigantesque du « pouvoir » contre le Parti communiste. Dès lors le branle-bas de combat est donné.

En fait de « campagne », c'est le PCF qui mène la sienne, tout en clamant le plus fort qu'il est victime d'un « furieux regain d'hystérie anticommuniste ». Et ce n'est pas l'Elysée, avec sa radio et sa télévision féales, qui ira contrarier l'incendiaire criant au feu. I

UN PARTI MANIPULÉ

Que nul ne s'attende à trouver dans les pages qui sui- vent je ne sais quelle révélation sensationnelle, quel détail croustillant sur la vie de Georges Marchais. Ce lec- teur serait vite déçu, car tel n'est pas l'objet de cette étude. L'emploi du temps journalier de Marchais, de 1943 à 1946, que lui-même prend d'ailleurs plaisir à entourer d'un flou artistique et suspect, n'est pas en soi d'une importance telle qu'il faille s'y arrêter longuement et pesamment. Est également d'un intérêt fort mineur, au fond, la question de savoir si, où, quand, comment et pourquoi Marchais a suivi en URSS des stages de forma- tion doctrinale. Encore une fois, même si ces questions oiseuses font frétiller d'aise dans les salles de rédaction et les dîners en ville, elles importent peu au simple citoyen, dont la quête d'information est d'une tout autre nature. Non, ce qui choque vraiment non seulement l'ancien résistant que je suis mais, au-delà de ma personne et de mes frères d'armes, la masse de nos contemporains tout simplement épris d'honnêteté, c'est une imposture d'ordre intellectuel : celle qui consiste à se parer du titre de « déporté » et d'« évadé », apanage depuis trente-cinq ans des seuls héros et martyrs de la Résistance ou des réchappés des camps de la mort où les persécutions poli- tiques ou raciales les avaient enfermés. Or Marchais peut difficilement prétendre à figurer à ce sanglant tableau d'honneur. On me trouvera peut-être l'esprit vétilleux. Pour n'en plus parler, mettons cela au compte de ma vieille et tenace fidélité à l'esprit de Résistance qui m'animait lorsque, jeune encore, je me battais — physiquement alors — pour que ne meure pas tout à fait l'honneur de mon pays crucifié. Doit-on, à ce compte, tirer un trait définitif sur ce passé où la gloire et l'opprobre, portés à leur plus haut degré, entrecroisè- rent cinq années durant la pointe extrême de leurs armes ? Disons tout simplement qu'à la tentation facile de l'oubli je préfère la hantise du souvenir et l'exigence scrupuleuse de la commémoration. Au-delà du cas per- sonnel de Marchais, dont ni la personnalité, ni la car- rière individuelle ne m'importent, j'estime légitime et même de mon devoir d'assumer, à travers la dénoncia- tion de l'exemple qu'il symbolise, l'héritage moral de la Résistance et de ses vertus.

Oh ! bien sûr, j'entends d'ici mes détracteurs : ils fein- dront de voir là l'expression de la rancœur, lentement accumulée, d'un ancien dirigeant communiste. Ou bien on m'attribuera l'excès de zèle dont on est habitué à voir faire preuve le néophyte. Mon ardeur à dénoncer un lea- der communiste témoignerait paradoxalement de ma mauvaise conscience de libéral fraîchement converti, brûlant ce qu'il a jadis adoré. Trop facile procès d'inten- tion : j'aurais monté une garde aussi vigilante face à un dirigeant de quelque parti que ce soit, s'il avait eu le même comportement que Marchais. J'aurais d'ailleurs été pris de vitesse depuis belle lurette — soit dit en passant — par la propagande communiste qui, précisé- ment, aurait profité de l'aubaine pour lancer une campa- gne tonitruante contre l'« ancien complice des nazis », « séide de Pétain et d'Hitler » ou « nostalgique de Vichy ». Il n'est que de songer à l'acharnement que met le PCF à dénoncer tel passé un peu flou du moindre de ses ennemis d'aujourd'hui - français ou allemands (on connaît le coup du « revanchard ouest-allemand ») - pour voir et entendre d'ici la propagande qui se serait déployée et qui, relayée par la complicité des médias « progressistes », aurait abouti à un Watergate à la fran- çaise. « Fais ce que je dis ; ne fais pas ce que je fais », telle est l'une des devises des communistes.

C'est donc dans ce souci, désintéressé, de fidélité à mes compagnons des années noires que j'avais naguère résolu de rendre publics un certain nombre de documents, issus des archives de la Résistance, et qui allaient montrer, sans le moindre doute possible, à quel point Marchais se moquait du monde, puisqu'ils établissaient définitivement le caractère volontaire de son séjour en Allemagne. Marchais se peint tout entier dans cette obstination ridicule qu'il met, lui qui devança l'appel du STO, à vouloir se parer du titre de « déporté », ce que la loi lui interdit, et ce que de récentes décisions de justice lui ont rappelé. Évidemment, aujourd'hui, bien du temps a passé ; rares — et pour cause — sont les survivants des camps capables d'entretenir la flamme du souvenir. Mais il ne faut pas non plus prendre les Français pour des idiots. Mêmes s'ils n'ont pas vu Holocauste, ils savent faire la différence entre le pyjama rayé d'un déporté et la salopette de celui qui est allé travailler en Allemagne, touchant un indemnité de départ, des allocations, bénéficiant de haut salaire et de « permissions ». Les images horrifiantes des camps d'extermination nazis restent gravées sur nos rétines comme autant de désaveux aux faussaires qui, l'ambition ou la mauvaise foi aidant, veulent acheter à vil prix un brevet ou un alibi à travers le titre de « déporté ». J'ai eu l'occasion récemment de rappeler ce distinguo à mon député, le socialiste Pierre Joxe, dont je n'avais pas été le seul à être indigné de voir figurer le nom au bas d'une pétition — d'inspiration communiste — en faveur de l'extension du titre de « déporté » ou de « victime de la déportation » aux anciens ouvriers requis au titre du STO. « Vous ne serez guère surpris, lui écrivis-je, de voir ma signature solidaire de mes amis, anciens déportés et combattants de la Résistance, offensés par cette audacieuse prétention faisant fi des lois et des jugements des tribunaux. N'oubliez pas que ces titres sont sacrés ; ils ont été écrits en lettres de sang et de larmes, sous l'occupation, par les résistants au nazisme et au régime de Vichy. Ne peuvent s'en prévaloir ceux qui — à rebours — choisirent sinon la collaboration du moins la soumission et la coopération alors qu'il leur était encore loisible de prendre le maquis. Je sais bien, Monsieur le Député, que les anciens requis au titre du STO constituent un électorat autrement plus dense que les rares rescapés des camps de la mort. Aussi n'ai-je point l'intention de chicaner un parlementaire — dont j'absous, pour en avoir connu moi-même les aléas, la docilité à l'égard de son électorat — sur ce que vous pourriez interpréter comme de simples arguties d'ordre juridique ou politique. Je veux m'en tenir à l'aspect moral. Vous qui représentez la Bresse, imaginez qu'un jour un éleveur de poulets nourris aux hormones se serve, pour mieux vendre ses produits, du label « volaille de Bresse ». Disputeriez-vous votre appui aux plaignants ? Ne joindriez-vous pas le premier votre voix aux véritables éleveurs bafoués, bénéficiant du privilège de cette appellation contrôlée, et qui ne manqueraient pas de faire appel aux tribunaux pour se protéger d'un tel détournement de marque ? Iriez-vous au contraire jusqu'à défendre le charlatan ? Je veux croire qu'il existe encore des députés socialistes pour dénoncer l'escro- querie morale au lieu de s'en faire les complices. 1 »

Rappelons que la politique d'un parti communiste, au pouvoir ou dans l'opposition, c'est celle dictée par son dirigeant, un point c'est tout. Surtout lorsque ce parti, une fois franchie la délicate étape transitoire d'une direction collégiale, est enfin parvenu à stabiliser l'appareil et à asseoir définitivement l'autorité du nou- veau secrétaire général. Cette emprise politique absolue d'un dirigeant sur l'ensemble de la formation qu'il anime est à la fois la caractéristique et le monopole du Parti communiste. Et, depuis Augsbourg jusqu'à Kaboul, on retrouve toujours cette constance de com- portement de Marchais, et — au-delà de sa simple personne — à travers le parti qu'il incarne, cette même logique, hélas, de ligne politique. De même que la cou- leur et la hauteur de son pavillon permettent d'identifier la nationalité et la position d'un vaisseau, de même l'exa- men attentif du personnage Marchais constitue la voie d'accès privilégiée à une compréhension globale des mécanismes internes du PC et à une interprétation cor-

1. Cf. ANNEXES : Déportés S.T.O. recte de sa stratégie. Machiavel disait déjà qu'« on ne chemine jamais qu'entraîné par la pente de son naturel ». La nature humaine ne change certes pas et le destin prend la forme d'une éternelle répétition. En ce sens, la conduite, passée comme présente, de Marchais augure mal de l'avenir. Il y a de quoi s'inquiéter, effectivement, en entendant à la télévision Marchais claironner à tue-tête son soutien indéfectible à Moscou au moment même où les chars frappés de l'étoile rouge déferlent sur Kaboul. Et de surenchérir en applaudissant bruyamment aux Kabouls passés et futurs. Impossible de ne pas s'interroger immé- diatement : « Marchais accueillerait-il également les bras ouverts une ruée des blindés soviétiques sur Paris ? » Le soutien spectaculaire à Brejnev donné par Marchais à Moscou même et diffusé en direct par la télé- vision sous nos yeux ébahis ne nous laisse hélas aucun doute sur la réponse. L'ancien mécano de Messerschmitt en 1942, alors que la France était occupée, troquerait-il demain spontanément sa livrée de coopérateur germano- soviétophile contre le treillis de combat du farouche maquisard nationaliste ? On peut en douter. Il faut dire que Marchais ne fait vraiment rien pour nous détrom- per, ni d'ailleurs pour éviter tout rapprochement entre l'épisode allemand d'hier et la situation d'aujourd'hui à l'égard de l'Union soviétique. L'an dernier, à l'occasion du quarantième anniversaire du pacte germano- soviétique, cinq mois avant le coup de Kaboul, Marchais ne justifiait-il pas solennellement et la politique de Sta- line et l'alignement total du PCF sur Moscou à cette occasion ? Reconnaissons que Marchais est cohérent avec lui-même : si le PCF a eu raison de soutenir le pacte Molotov-Ribbentrop en 1939, Marchais ne peut se repro- cher d'être parti pour l'Allemagne en 1942. On peut bien sûr se contenter, comme beaucoup de téléspectateurs, de se tenir les côtes à chaque apparition de Marchais au petit écran. Trop de Français ne voient en lui qu'une vedette de l'audiovisuel ayant bien rodé son numéro et parvenu au faîte de sa carrière dans le genre comique troupier. Mais qu'on fasse bien atten- tion : le personnage n'a rien de dérisoire. On le sent bien au malaise qui nous prend entre deux hoquets de rire. Toutes choses égales par ailleurs, en 1917, après la chute du régime tsariste, Lénine aussi était risible à sa façon dans ses prétentions. Au premier congrès des soviets de Russie en juin 1917, un ministre de Kerenski déclarait « qu'il n'existait point en Russie de parti politique pour assumer la plénitude du pouvoir ». Dans la salle, un petit homme se dressa et cria : « Si, ce parti existe ! ». Cet homme, c'était Lénine, et le parti auquel il faisait allu- sion était le parti bolchevik, faible, divisé, sortant tout juste de l'illégalité. Ce fut dans la salle un moment d'hilarité générale. Les ricanements et les quolibets fusèrent pendant de longues minutes. Quelques mois plus tard, les rieurs avaient disparu. Les choses se seraient peut être passées autrement si, en juin 1917, au lieu d'être accueilli par des rires, Lénine avait été pris au sérieux.

Dans nos pays, les médias donnent toujours l'impres- sion d'être pris au dépourvu chaque fois qu'une initia- tive de tel ou tel dirigeant communiste, à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, aboutit à créer une situation nou- velle. Ils se lancent immédiatement dans des exégèses contradictoires, font assaut d'interprétations toutes plus hardies les unes que les autres, qui finissent par plus difficile encore de l'admettre pour la petite minorité de spécialistes hautement qualifiés et bien payés qui ont été l'avant-garde, sinon volontaire, du moins consen- tante, du STO. Si on peut admettre qu'il y avait 75.000 ouvriers travaillant à la construction de toute l'aviation de chasse allemande pendant la guerre, y compris les Allemands, les Tchèques, les Polonais, les Autrichiens, etc., le nombre de Français sélectionnés ne devait pas être très important.

Je pense, Monsieur le Président, que cela répond aux questions que maître Farbmann vous eût prié de me poser.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'assu- rance de ma respectueuse et haute considération.

Pierre Clostermann ANNEXE III

LOI DU 4 SEPTEMBRE 1942 PORTANT SUR LE RECENCEMENT DES TRAVAILLEURS FRANCAIS

Loi n° 869 du 4 septembre 1942 relative à l'utilisation et à l'orientation de la main-d'œuvre.

Nous, Maréchal de France, chef de l'Etat francais, Le conseil des ministres entendu, Décrétons : Art. 1 — Pour faciliter l'exécution de tous travaux que le Gouvernement jugera utiles dans l'intérêt supérieur de la nation, les dispositions ci-après entreront en vigueur à compter de la publication du présent décret et jusqu'à une date qui sera fixée ultérieurement par décret pris en conseil des ministres.

TITRE 1 Organisation du travail Art. 2 — Parmi les Français et ressortissants français résidant en France et dont l'aptitude physique aura été médicalement constatée, toute personne du sexe masculin âgée de plus de dix-huit ans et de moins de cinquante ans, et toute personne du sexe féminin, célibataire, âgée de plus de vingt et un ans et de moins de trente-cinq ans, peuvent être assujetties à effectuer tous travaux que le Gouvernement jugera utiles dans l'intérêt supérieur de la nation. Art. 3 — En vue de l'application de l'article précédent, chaque chef d'entreprises sera tenu de se conformer aux instructions qu'il pourra recevoir des secrétaires d'Etat compétents, notamment pour la constitution d'équipes de travailleurs. Art. 4 — Des décrets particuliers rendus sur la proposition du secrétaire d'Etat au travail et des secrétaires d'Etat compétents dans l'ordre économique fixeront les modalités d'application des articles 2 et 3 ci-dessus. TITRE II Embauchages et licenciements Art. 5 — Tout congédiement, toute résiliation de contrat de travail sans autorisation préalable des services de l'inspection du travail sont interdits dans les entreprises industrielles et commerciales, en vue d'assurer la stabilité du personnel. D'autre part, aucun embauchage ne pourra, dans lesdites entreprises, être effectué que par l'intermédiaire des services de l'inspection du travail. Art. 6 — Des arrêtés du secrétaire d'Etat au travail et des secrétaires d'Etat compétents dans l'ordre économique détermineront : a) Soit pour l'ensemble du territoire, soit pour une région ou une localité déterminée, les branches d'industrie ou de commerce, les professions auxquelles s'appliqueront les dispositions de chacun des alinéas de l'article précédent ; b) Les conditions de travail du personnel et les obligations des chefs d'entreprises soumis aux dispositions de l'article précédent. Art. 7 — Les inspecteurs du travail seront, concurremment avec les officiers de police judiciaire, chargés d'assurer l'exécution des dispositions des articles 5 et 6 de la présente loi et des arrêtés complémentaires qui en découleront. TITRE III Obligation de travail Art. 8 — Tout Français ou ressortissant français du sexe masculin, résidant en France, âgé de plus de dix-huit ans et de moins de cinquante ans et dont l'aptitude physique aura été médicalement constatée, devra pouvoir justifier d'un emploi utile aux besoins du pays. Art. 9 — Toute personne visée à l'article précédent qui ne fournira pas cette justification pourra être assujettie à un travail qui lui sera désigné par les services dépendant . du secrétariat d'Etat au travail. Art. 10. — Des décrets rendus sur la proposition du secrétaire d'Etat au travail et des secrétaires d'Etat inté- ressés fixeront les modalités d'application des articles 8 et 9. TITRE IV Rééducation professionnelle Art. 11 — En vue d'orienter les travailleurs vers les pro- fessions qui manquent de main-d'œuvre, une formation technique et professionnelle adaptée devra être organisée par les employeurs dans les conditions qui seront préci- sées par des arrêtés du secrétaire d'Etat au travail. TITRE V Dispositions générales Art. 12 — Toute personne qui enfreint la présente loi ou les mesures prises pour son application sera passible d'un emprisonnement de six jours à cinq ans et d'une amende de seize francs à trente mille francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, qui pourront être portées au dou- ble en cas de récidive. Art. 13 — Les étrangers résidant en France pourront être soumis à des mesures analogues qui seront définies par des décrets rendus sur la proposition du secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et du secrétaire d'Etat au travail. Art. 14 — Le présent décret sera publié au Journal offi- ciel et exécuté comme loi de l'Etat.

Fait à Vichy, le 4 septembre 1942 PH. PÉTAIN

Par le Maréchal de France, chef de l'Etat français : Le chef du Gouvernement, ministre Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères et à l'intérieur, PIERRE LAVAL. Le ministre d'Etat, LUCIEN ROM lER, Le garde des sceaux, ministre secrétaire d'État à la justice, JOSEPH BARTHÉLEMY. Le ministre secrétaire d'Etat aux finances, PIERRE CATHALA. Le ministre secrétaire d'Etat à l'agriculture et au ravitaillement, JACQUES LE ROY LADURIE. Le ministre secrétaire d'Etat à l'éducation nationale, ABEL BONNARD. Le secrétaire d'Etat à la guerre, Gl BRIDOUX Le secrétaire d'Etat à la marine, Al. AUPHAN. Le secrétaire d'Etat à l'aviation, Gl JANNEKEYN. Le secrétaire d'Etat à la production industrielle, JEAN BICHELONNE. Le secrétaire d'Etat au travail, HUBERT LAGARDELLE. Le secrétaire d'Etat aux communications, ROBERT GIBRAT. Le secrétaire d'Etat à l'agriculture et au ravitaillement, MAX BONNAFOUS. Le secrétaire d'Etat aux colonies, JULES BREVIE. Le secrétaire d'Etat à la santé, RAYMOND GRASSET Le secrétaire d'Etat à l'information PAUL MARION.

Telle est la loi, concernant exclusivement le recense- ment, l'orientation et la formation technique de la main-d'œuvre française, que Georges Marchais, l'avocat, Me Borker, avec la complicité des prétendus historiens Henri Amouroux et Henri Noguères, continuent à pré- senter comme étant une loi de « réquisition des travail- leurs français pour l'Allemagne ». Pour tenter d'accrédi- ter cette falsification, ces personnages utilisent le vieux truc qui consiste à extirper quelques membres de phrase du contexte sans jamais (et pour cause) publier la loi in extenso et son exposé des motifs.

ANNEXE IV

HISTORIENS DE COMPLAISANCE

La littérature consacrée à la Résistance est considéra- ble. Elle fut une bonne affaire pour les éditeurs, les librai- res et quelques auteurs. Certains d'entre eux se sont livrés à un travail sérieux qui fait autorité. Par contre les inter- prétations partisanes et les falsifications historiques abondent. Comme par hasard, admettons qu'il en soit ainsi; le hasard est si grand ! Ce sont les récits partisans et les falsi- fications de l'histoire de la Résistance qui servent de réfé- rences au PCF, pour ses affabulations sur la période des 22 mois allant des accords russo-allemands du pacte germano-soviétique à l'entrée en guerre de l'URSS. En effet, d'août 1939 à juin 1941, le PCF a toujours voulu don- ner de sa politique une autre image de celle qu'elle fut en réalité. Il est bien évident que le PCF aurait été mieux inspiré de reconnaître la vérité. A cette époque, la politique qu'il suivait était conforme aux consignes de l'Internationale communiste, dont le PCF n'était statutairement qu'une section. Or le PCF, inspiré sur cette question par , a commencé par nier, affabuler et à fabriquer de faux documents. Duclos agissait comme s'il avait honte pour lui, honte d'avoir été communiste à cette époque. Sa tentative la plus élaborée consista à faire admettre que les groupes OS (Organisation spéciale) et TP (Travail par- ticulier) avaient été des unités combattantes. Or ces grou- pes, et leur appellation l'indique bien, avaient des tâches bien précises de « récupération », de « protection », de « liquidation des traîtres ». Ces groupes n'avaient aucun contact avec les organisations de base du Parti, qui ne devaient pas courir le risque d'être compromises par les opérations desdits groupes, qui avaient également comme consigne formelle de ne rien entreprendre contre les occupants. Consigne qui fut levée dès l'entrée en guerre de l'URSS, ce qui leur permit de former l'ossature de la future organisation des FTP. Pour arriver à ses fins, Jacques Duclos n'hésita pas à fabriquer un faux numéro de L'Humanité qui ne trompa personne. Pourtant le représentant du Front national, membre du PCF, profitant lors d'une réunion de commis- sion de l'absence de l'officier titulaire et de la majorité des représentants de la Résistance, réussit à faire inscrire l'OS comme une unité combattante à partir d'octobre 1940. Cela fit scandale. Le représentant du Front national fut blâmé et l'officier suppléant déplacé. Le Bulletin officiel du ministère de la Guerre publia le rectificatif suivant : « Modification de la liste du 1 mai 1958 des mouvements de la Résistance intérieure française, assimilés aux unités combattantes : rayé OS (Organisation spéciale) figurant à la liste du 1 mai 1958, d'octobre 1940 à mai 1941. » (Bul- letin officiel du ministère de la Guerre, du 16 mars 1959, p. 1179). Cela ne découragea nullement la commission de l'Insti- tut Maurice Thorez qui, sous la direction de Duclos, rédi- geait l'ouvrage du PCF : Le PCF dans la Résistance. Bien entendu — et pour cause — les « preuves » partant des actions de l'OS ne furent pas empruntées à la liste du ministère de la Guerre, mais à un « historien », Henri Noguères, mille fois cité dans les publications communis- tes. Dans son Histoire de la Résistance, qui, après d'innombrables commentaires procommunistes, avait écrit : « Dire que "les communistes" ont attendu le 22 juin 1941 pour s'engager dans la lutte contre l'occupant, dire qu'il n'y a pas eu jusqu'à cette date une Résistance ani- mée par le Parti communiste, affirmer que les seuls com- munistes qui ont agi avant l'entrée en guerre de la Russie l'ont fait par réaction individuelle, à l'insu de leurs diri- geants ou même contre les consignes données par ces der- niers, c'est, nous pensons l'avoir démontré, pécher par ignorance. » Où Noguères est-il allé chercher sa « démonstration » ? Là où les communistes eux-mêmes n'osaient plus aller, en écrivant : « L'OS, organisation spéciale, créée par les com- munistes pour mener, dès octobre 1940, l'action directe contre l'occupant. » Or le procès-verbal de la commission officielle qui décida le rectificatif indiqué plus haut fait dire à l'officier titulaire, présent cette fois, que « l'exécu- tion par l'OS (suivent des noms que je ne veux pas citer et qui concernent des personnalités hostiles au pacte germano-soviétique) (et entre autres des récupérations de fonds sur un convoi appartenant à la Banque de France) ne peuvent être assimilées à des actions contre l'occu- pant. » La démonstration de Noguères fait école. Par exemple, André Barjonnet, qui eut son heure de gloire dans le mou- vement syndical et au PSU, a commis un livre sur le PCF où il défend les positions suggérées par les communistes. Cite-t-il des faits ? des témoins ? des dates ? Non. Il a beaucoup mieux, il écrit : « Le livre de Henri Noguères apporte la preuve de la résistance des communistes dès avant l'invasion de l'URSS. » Comment Noguères peut-il, concernant le PCF, parler avec autant de certitude ? L'explication est simple: son récit est fait d'un assemblage de déclarations de militants communistes, sélectionnés par lui ; et il en donne les noms. Ce sont Rol-Tanguy, Albert Ouzoulias, Pierre Vil- lon, André Tollet, Fernand Grenier, Marcel Paul et André Mercier. A l'exception des deux derniers, ce sont les mêmes qui, avec Duclos, composaient la commission chargée de rédiger la publication du PCF sur la Résis- tance. Encore une fois, le « hasard » faisait bien les cho- ses. ANNEXE V

L'ART DE NE PAS MENTIR EN DISANT LE CONTRAIRE DE LA VÉRITÉ

« Un mensonge est une assertion sciemment contraire à la vérité, faite dans l'intention de tromper. C'était un art où l'empire des tsars était passé maître. Quand Catheri- ne II déclarait que le paysan russe était au fond plus libre que les paysans allemands et français, elle mentait. Elle savait cependant où était la vérité. (...) Mais quand M. Brejnev, après Lénine, déclare que le citoyen soviéti- que est le plus libre du monde, il ne ment pas. Il se réfère à la surréalité, où les mots reçoivent un sens nouveau et très précis. Dans la même réalité idéologique, le citoyen suisse ne jouit pas de la liberté. « Le contraire du mensonge est la vérité et reçoit un nom différent. A l'intérieur de la réalité commune, le contraire de la liberté, c'est l'esclavage. Si deux interlocu- teurs s'accordent sur le même mot, mais non sur la réalité de référence, ce même mot désignera deux choses contrai- res. Ainsi le contraire de la liberté, au sens soviétique, c'est ce que nous appelons la liberté. Le contraire de la détente, c'est la détente. Le contraire de la défense de la paix, c'est la défense de la paix. Contrairement à l'idée reçue, ce qui caractérise le monde soviétique, ce n'est pas la double parole, c'est au contraire la parole unique, mais dans la duplication des réalités. Une parole, deux réa- lités ». (Extrait de : Alain Besançon, Présent soviétique et passé russe. Livre de Poche, coll. Pluriel.)

LA PAROLE ET LES DEUX RÉALITÉS DE GEORGES MARCHAIS

« Quand Marchais et les communistes nous expliquent leur projet, leur objectif, leur volonté et les moyens qu'ils comptent mettre en œuvre pour y parvenir, nous sommes coupables de légèreté si nous ne traduisons pas pour les Français la signification réelle profonde de ce discours. Lorsque Marchais parle de victoire du camp socialiste, il ne parle pas de la victoire de Rocard ou de Mitterrand. Lorsque Marchais parle de la détente, ce n'est pas du tout la détente dans le sens où nous l'entendons en Europe et en France. Lorsque Marchais, après Prague, le Cambodge et Kaboul, entre autres, prend la tête d'une croisade pour les droits de l'homme, il est bien évident qu'il ne s'agit pas des mêmes droits de l'homme que ceux que nous défen- dons. Il y a là une ambiguïté fondamentale qui nous amène à écouter sans avoir peur des propos qui devraient nous terrifier. » (Marie-France Garaud, interview à L'Express, extrait.) ANNEXE VI

CONCLUSIONS DU JUGEMENT DU 27 OCTOBRE 1977 RENDU PAR LA XXIIe CHAMBRE CORRECTIONNELLE ET DÉBOUTANT MARCHAIS DE SA PLAINTE ET DE TOUTE SES DEMANDES

« ...Attendu que les photocopies publiées par les préve- nus sont fidèles aux originaux dans leurs mentions essen- tielles et que la signature de la partie civile qui s'y trouve apposée n'est pas contestée par elle ; que la disparition de la date de départ du 17 décembre 1942 sur le certificat d'embauchage, qui peut en raison de la longueur du document être attribuée avec vraisem- blance à une insuffisance de cadrage de la machine à pho- tocopier, est au surplus sans conséquence possible, puis- que la date du 12 décembre 1942 apposée quelques lignes au-dessus par l'Office de placement allemand permet de situer le départ avec suffisamment de précision ; que sur le second document la suppression de la men- tion imprimée « Direction des Affaires de Réquisition et d'Occupation » au bénéfice d'une mention manuscrite, d'ailleurs inopérante car indéchiffrable à l'œil nu, est, elle aussi, sans effet sérieux dès lors que le service ayant établi la fiche reste facilement identifiable par les indica- tions subsistantes ; que le rajout sur cette même fiche de la mention « reçu de la prime d'équipement » pour suppléer à un cachet devenu illisible correspond à la réalité administrative du document, établi pour faire foi de la perception par la partie civile de son indemnité d'équipement ; qu'aucune confusion sur la nature de l'allocation ne peut dériver de l'emploi du terme « prime d'équipement », très voisin du précédent et qui semble, de surcroît, couramment en usage dans les services du ministère des Anciens Combat- tants eux-mêmes pour désigner l'indemnité versée aux partants (Cotes 69, 70 et 127 du dossier) ; Attendu, en conclusion, que les reproductions litigieu- ses, quels que soient les mobiles de leur publication et les commentaires orientés dont elle était accompagnée, ne présentaient aucune modification substantielle de nature à induire en erreur sur leur contenu administratif vérita- ble ; qu'il s'agissait, au surplus, de simples photocopies non certifiées, dénuées par elles-mêmes de valeur proba- toire et d'effets juridiques, dont l'utilisation dans les cir- constances de la cause ne tombait pas sous le coup des dispositions de l'article 153 du Code pénal; Attendu que c'est donc à tort que le délit d'usage de faux document administratif a été retenu à la charge des prévenus ; qu'il y a lieu de prononcer leur relaxe. ANNEXE VI (suite)

JUGEMENT RENDU PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS, LE 12 JUILLET 1978, CONFIRMANT LE JUGEMENT PRÉCÉDENT FT INFIRMANT LES CONCLUSIONS DE MARCHAIS ET DE LA PRESSE COMMUNISTE

1. — La controverse entre Lecœur et Marchais se résume ainsi ; le premier veut convaincre ses lecteurs du départ volontaire de Marchais en Allemagne, le second veut persuader l'opinion publique que son départ est intervenu sous l'effet de la contrainte. La Cour se doit de constater que l'objet de cette contro- verse relève, de par la loi, de l'appréciation d'autres ins- tances, négligées par le plaignant. Dans ces conditions, la Cour se doit d'écarter résolu- ment de son examen tous les éléments confirmant ou infirmant le bien-fondé des deux thèses en présence. Il en résulte que l'ensemble des imputations ou allégations dont Marchais s'est dit être la victime doivent être totale- ment écartées du débat. Ce faisant, et de par la loi, la Cour est seulement saisie de la diffusion par voie de presse de deux reproductions photographiques, qualifiées de faux par la partie civile. Ce qui amène le Cour à rechercher la nature exacte des documents reproduits. 2. — Le premier document, Certificat d'embauchage, n° 4, comporte la «signature de l'ouvrier embauché », Georges Marchais, et la signature de l'autorité allemande, sous le timbre : Deutsche Vermittlungstelle Versailles (Office de placement allemand). Le deuxième document, émanant de l'annexe de la pré- fecture de la , 50, rue de Turbigo à Paris, mention- nant l'identité de Georges Marchais et comportant sa signature sous la rubrique « signature du bénéficiaire », avait exclusivement pour objet de valoir preuve du verse- ment de l'indemnité résultant de la qualité de « travail- leur parti en Allemagne », qualité attestée par le Certificat d'embauchage. Il est avéré que les documents originaux n'ont subi ni altération ni falsification, Marchais ne con- testant pas l'authenticité de sa signature apposée en bas des deux documents et à des dates différentes. Le 12 décembre 1942 à Versailles, lieu de l'embauchage, et le 14 décembre à Paris, lieu de perception des sommes ver- sées en sa qualité « d'ouvrier embauché ».

3. — Les photocopies. Celle du Certificat d'embauchage n° 4, reproduite par M. Lecœur, est conforme à l'original cité ci-dessus. Cette photocopie incriminée « ne comporte aucune altération au regard de la substance du document original ». Sur la photocopie du « reçu de la prime d'équi- pement », le terme « réquisition », dont une annotation manuscrite empêche la lecture, n'est pas révélateur d'un départ intervenu sous l'effet de la contrainte. Ce terme de « réquisition » était utilisé depuis l'Armistice de juin 1940 pour désigner un service administratif ; ce terme cou- vrait en réalité les opérations de réquisition des biens de toute nature, et non par les actions de contrainte éventuellement exercées à l'occasion du départ des travailleurs français en Allemagne ; « dès lors, l'absence de la mention sus-visée était sans portée sur la substance du document en cause. » Il apparaît que les mentions litigieuses, présentées par la partie civile « comme étant le résultat de manipula- tions intentionnelles », n'altèrent nullement la vérité substantielle de la fiche en cause, qui n 'avait d'autre objet que de constater l'attribution d'une certaine somme d'argent à Georges Marchais, « Travailleur parti en Alle- magne », la signature non contestée de l'intéressé sous la rubrique « Signature du bénéficiaire » étant de nature à confirmer le versement effectif de la somme correspon- dante.

Le jugement de la XXII chambre correctionnelle déboutant Marchais de sa plainte était confirmé. ANNEXE VII

JUGEMENT PRONONCÉ PUBLIQUEMENT LE MERCREDI 16 JANVIER 1980 PAR LA IIe CHAMBRE DES APPELS CORRECTIONNELS

DÉCISION : Condamne André Laloue et la société L'Humanité, pour diffamation publique envers particulier, à 800 F d'amende, à payer à M. Auguste Lecœur 1.500 F de dom- mages et intérêts et ordonne l'insertion par extrait du présent arrêt ; confirme pour le surplus.

Considérant : Que le jugement du 19 avril a déclaré coupable Laloue André du délit de diffamation publique envers particu- lier, résultant d'un article en page 2 non signé intitulé : « Le pouvoir l'a voulu ainsi : des faussaires relaxés », paru dans L'Humanité-Dimanche daté du 30 octobre 1977.

Considérant : En revanche, que le jugement du 19 avril avait à tort prononcé la relaxe de Laloue pour le second passage de l'article suivant lequel « les avocats [de Lecœur] avaient reconnu que les documents utilisés contre le secrétaire général de notre Parti sont bien des faux ». Considérant : En effet, comme le fait valoir Lecœur, on ne saurait prétendre le dissocier de son avocat en ce sens que, si celui-ci avait passé l'aveu qui lui est prêté, lui-même n'aurait pas manqué de protester, puisqu'il soutenait qu'il n'y avait pas de faux ; que la phrase incriminée, rap- prochée du sous-titre en lettres capitales : « Des faussai- res relaxés », aboutit par voie d'amalgame à l'insinua- tion que Lecœur a pour le moins usé sciemment de piè- ces falsifiées, ce qui est contraire à son honneur et à sa considération et par conséquent diffamatoire.

Considérant : Que Laloue n'a pas fait d'offre de preuve ; qu'en raison du manque de prudence et d'objectivité de ses asser- tions, il ne saurait exciper de sa bonne foi ; qu'il y a lieu en conséquence de retenir à son encontre comme diffa- matoire les deux passages incriminés. Condamne André Laloue et la société L'Humanité pour diffamation publi- que envers particulier à 800 F d'amende, à payer à M. Auguste Lecœur 1.500 F de dommages et intérêts, et ordonne l'insertion par extrait du présent arrêt.

Éditions Ramsay Ouvrages publiés au 30 juin 1980

Document, Essais, Histoire VENDANGES AMÈRES, Emmanuel Maffre-Baugé. MA ROUTE ET MES COMBATS, André Bergeron. DUEL ROUGE, François Missoffe. MENDÈS FRANCE, Alain Gourdon. PROPOS DE MAUVAIS GOÛT, Julien Cheverny. LA LIBERTÉ DU CIEL, Henri Deplante. QUESTIONNAIRE POUR DEMAIN, Jean-Louis Servan-Schreiber. LA GAUCHE PEUT SAUVER L'ENTREPRISE, Jean Matouk. POUR UNE POIGNÉE DE BOUDIN, Serge Adam. EUROPES, Jacques Huntzinger. DOSSIER NÉO NAZISME, Patrice Chairoff. SOLUTIONS SOCIALISTES, Serge-Christophe Kolm. 20 h 07, 19 MARS 1978. LÉGISLATIVES : LA GAUCHE BATTUE, Frédéric Moreau. CLUBINOSCOPE 78, Gérard Carreyrou, Richard Artz et Martine Marcowith. ET SI ON ALLAIT FAIRE UN TOUR JUSQU'A LA POINTE ? Ou dix ans d'histoire des Français en vacances et en voyages. Jean-Francis Held. LE PULL-OVER ROUGE, Gilles Perrault. DÉFI DU MONDE — CAMPAGNE D'EUROPE, Edgard Pisani. LE POUVOIR INTELLECTUEL EN FRANCE, Régis Debray. LA BEAUTE DU MÉTIS, Guy Hocquenghem. HISTOIRE DU SOLDAT, DE LA VIOLENCE ET DES POUVOIRS, Alexandre Sanguinetti. L ARME DU RIRE. L'HUMOUR DANS LES PAYS DE L 'EST, Viloric Melor. VINCENT MOULIA, LES PELOTONS DU GÉNÉRAL PETAIN, Pierre Durand, préfacé par Armand Lanoux. CALINE, Serge Delarue. LES FEMMES PRÉFÈRENT LES FEMMES, Elula Perrin.