Strasbourg, le 14 mars 2012 CommDH(2012)9

4E RAPPORT TRIMESTRIEL D’ACTIVITÉ 2011

de Thomas Hammarberg Commissaire aux droits de l'homme

1er octobre au 31 décembre 2011

A l'attention du Comité des Ministres et de l'Assemblée parlementaire

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TABLE DES MATIÈRES

1. Vue d’ensemble ...... 3

2. Missions et visites ...... 4

3. Rapports et dialogue permanent ...... 8

4. Activités thématiques ...... 10

5. Autres réunions ...... 19

6. Défenseurs des droits de l'homme ...... 21

7. Cour européenne des droits de l'homme ...... 22

8. Activités de communication et d’information ...... 22

9. Le trimestre prochain ...... 23

10. Observations et réflexions ...... 25

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1. Vue d’ensemble

Au dernier trimestre 2011, une attention particulière a été accordée à la nécessité de garantir un système judiciaire efficace, qui ne soit soumis ni à la corruption ni à des ingérences politiques. Un autre axe de travail prioritaire a concerné la réponse à apporter dans le domaine des droits de l'homme aux profonds changements du paysage médiatique. Ces questions ont également été évoquées au cours de certaines des missions effectuées pendant ces trois mois.

En Turquie, je me suis rendu à Istanbul, Diyarbakır et Ankara. Cette fois, ma visite a été consacrée essentiellement à l'administration de la justice. J'ai eu un long entretien constructif avec le ministre de la Justice et j'ai rencontré des juges et des procureurs à différents niveaux, des avocats, des détenus et des représentants de la société civile. Le rapport de cette visite a été publié en janvier 2012.

En , je me suis rendu à et à Simferopol, en Crimée. Là encore, l'objet principal de ma visite était l'administration de la justice et j'ai eu un échange constructif avec le ministre de la Justice. J'ai également rencontré le ministre des Affaires étrangères, des conseillers du président, le directeur du Service de sécurité, des avocats ainsi que différents représentants du pouvoir judiciaire et des autorités de poursuite. A la fin de ma visite, j'ai confié mes premières impressions aux médias, notamment sur la détention d'anciens responsables gouvernementaux. Le rapport de cette visite sera publié en février 2012.

A Simferopol, j'ai rencontré des représentants de la communauté tatare et d'autres minorités nationales déportées. Une lettre contenant les recommandations découlant de ce volet de la visite sera également publiée en février 2012.

Ma visite au Royaume-Uni m'a conduit à Belfast et à Londres. J'ai abordé un certain nombre de questions relatives aux droits de l'homme, notamment la situation des Roms et des Gens du voyage, les droits des personnes handicapées, les droits des enfants, le logement des groupes défavorisés et les politiques migratoires. Des lettres adressées aux autorités pour résumer mes préoccupations seront publiées fin février 2012.

A Londres, je me suis entretenu de la Loi relative aux droits de l'homme et de la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l'homme avec des représentants du gouvernement et des membres du parlement. J'ai également évoqué ces questions lors de deux conférences que j'avais été invité à donner.

Toujours dans le cadre de mon déplacement à Londres, j'ai participé à une cérémonie de lancement de l’ouvrage Human rights and a changing media landscape, au cours de laquelle quelques-uns des auteurs ont présenté leurs analyses et recommandations. Cet ouvrage fait suite à six conférences sur les médias consacrées à différents thèmes : la nécessité de protéger les journalistes et leurs sources ; l'importance d’un journalisme éthique ; les moyens de promouvoir les médias de service public ; les mesures visant à garantir le pluralisme des médias ; la protection de l’accès à l’information, et la réponse aux nouveaux médias sociaux sous l’angle des droits de l'homme.

Autre événement important, la réunion à Strasbourg avec des représentants d'organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme établies sur le

3 CommDH(2012)9 territoire couvert par le Conseil de l'Europe (ainsi que le Bélarus). Cette consultation a permis d'aborder notamment la question des moyens de protéger les défenseurs en danger et de promouvoir leur coopération avec les structures nationales des droits de l'homme.

Une réunion de suivi importante consacrée à la détention illégale et à la torture par la CIA de personnes soupçonnées de terrorisme pendant la « guerre contre le terrorisme » s’est tenue avec des représentants du procureur général de Pologne. Elle nous a donné l’occasion de présenter longuement nos informations sur cette question.

2. Missions et visites

Visite en Turquie

Le Commissaire a effectué une visite en Turquie (Istanbul, Diyarbakır et Ankara) du 10 au 14 octobre. Au cours de ce déplacement placé sous le thème de l'administration de la justice, il a eu des réunions avec les autorités nationales, notamment le ministre de la Justice, Sadullah Ergin, le ministre de l'Intérieur, İdris Naim Şahin, et le directeur général des questions politiques multilatérales au ministère des Affaires étrangères, l'ambassadeur Erdoğan İşcan. Il a également rencontré le président de la Commission des droits de l'homme de la Grande Assemblée nationale turque, Ayhan Sefer Üstün, et eu des discussions avec le président en exercice et des membres du Conseil supérieur des juges et des procureurs, le secrétaire général de la Cour constitutionnelle ainsi que le secrétaire général et des membres de la Cour de cassation.

Le Commissaire s'est rendu dans des tribunaux turcs, où il a rencontré des juges et des procureurs, notamment des procureurs dotés de prérogatives spéciales. Il s'est entretenu avec des représentants des ordres des avocats d’Istanbul et de Diyarbakır, ainsi qu’avec des avocats, des universitaires et des représentants d'organisations non gouvernementales. Il s'est enfin rendu dans le complexe pénitentiaire de Silivri à Istanbul et dans la prison de type D de Diyarbakır, où il a eu des discussions avec les autorités pénitentiaires et des détenus.

Dans un communiqué de presse publié à la fin de sa visite, le Commissaire a noté que 700 des 2 200 arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme contre la Turquie entre 1995 et 2010 concernaient des violations du droit à un procès équitable, dont plus de 500 le droit à la liberté et à la sûreté. Tout en reconnaissant que le gouvernement turc avait entrepris de vastes réformes ces dernières années, il a encouragé les autorités à redoubler d'efforts pour remédier aux défauts structurels et adapter l'administration de la justice en Turquie aux normes du Conseil de l'Europe et à la jurisprudence de la Cour.

Le Commissaire a estimé que la lenteur des juridictions pénales, civiles et autres en Turquie posait un sérieux problème, qu’il convient de résoudre en adoptant des mesures supplémentaires. En outre, le problème chronique de la durée excessive de la détention provisoire porte atteinte à la liberté individuelle de milliers de personnes. Notant que dans de nombreuses affaires les juridictions internes n'avaient pas envisagé d'alternatives à la détention, pourtant prévues par la loi, le Commissaire a souligné que cette situation exigeait des changements législatifs mais surtout des changements

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d'attitude de la part des procureurs et des juges qui semblent s'accommoder un peu trop aisément de cette pratique.

Le Commissaire s'est félicité de l'abolition des cours de sûreté de l'Etat, mais restait très préoccupé par la mise en place et le fonctionnement des cours d'assises dotées de compétences spéciales, qui connaissent des affaires de criminalité organisée et de terrorisme. Il s'est inquiété de certaines pratiques problématiques de ces juridictions et de leurs procureurs, qui portent atteinte aux droits de la défense et sont liées en particulier à la législation antiterroriste, telles que la garde à vue au secret pendant 24 heures, l'impossibilité de faire appel à plusieurs avocats, la restriction de l'accès de l'inculpé au dossier d'accusation et la censure de la correspondance entre l'inculpé et son avocat.

Enfin, le Commissaire a insisté sur le fait que les tribunaux ont aussi un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre l'impunité des auteurs de violations graves des droits de l'homme, en particulier lorsqu'il s'agit de policiers. Plusieurs affaires alarmantes ont été portées à son attention, comme celle concernant le décès en garde à vue d'un Nigérian, Festus Okey, en 2007. Le Commissaire a souligné que la loi et les tribunaux devraient renforcer la position de la victime et de sa famille dans le cadre des enquêtes et des poursuites.

Le rapport faisant suite à cette visite a été publié en janvier 2012.

Visite en République de Moldova

La visite du Commissaire en République de Moldova, du 19 au 22 octobre, était axée sur certaines questions relatives aux droits de l'homme : le suivi du rapport sur les événements d'avril 2009, la lutte contre la discrimination, notamment le projet de loi dans ce domaine, et la situation des Roms. Le Commissaire a rencontré le Vice-Premier ministre, Eugen Carpov, le ministre de la Justice, Oleg Efrim, la ministre du Travail, de la Protection sociale et de la Famille, Valentina Buliga, le vice-ministre des Affaires étrangères et de l'Intégration européenne, Andrei Popov, la vice-ministre de l'Education, Tatiana Poting, ainsi que le chef du Service du médiateur, Anatolie Munteanu, et deux de ses collaborateurs, Tudor Lazar et Aurelia Grigoriu. Il a également rencontré des représentants de la société civile et de missions diplomatiques internationales à Chisinau.

Pendant sa visite, le Commissaire a participé à une conférence « Fighting discrimination against Roma: working towards inclusion », au cours de laquelle il a prononcé un discours, et s'est rendu dans le village de Schinoasa, une communauté rom.

A la suite de sa visite en République de Moldova, le Commissaire a écrit au Premier ministre, Vlad Filat, pour lui faire part de ses constatations et observations concernant la lutte contre la discrimination et les questions des droits de l'homme liées aux événements d'avril 2009. La lettre du Commissaire et la réponse du Premier ministre ont été publiées en janvier 2012.

Visite en Ukraine

Le Commissaire s'est rendu à Kyiv et à Simferopol du 19 au 26 novembre 2011 afin d'apprécier la situation en matière d’administration de la justice et le degré de protection

5 CommDH(2012)9 des droits de l'homme dans le système judiciaire. Il a accordé une attention particulière aux réformes engagées dans le système pénal, à l'indépendance et au fonctionnement de l'appareil judiciaire, à la détention provisoire et au respect du droit à un procès équitable. Il a également évoqué la situation des minorités nationales, la liberté de réunion et la liberté d'expression.

Durant sa visite, le Commissaire a eu des réunions avec des représentants de diverses institutions gouvernementales, à savoir le ministre de la Justice, Olexandr Lavrynovych, le ministre de l'Intérieur, , le président du parlement, Volodymyr Lytvyn, le directeur du Service de sécurité, , et le ministre des Affaires étrangères, Kostyantyn Hryschenko. Il s'est aussi entretenu avec des représentants de différentes juridictions (la Haute Cour spécialisée dans les affaires pénales et civiles, la Cour suprême et la Cour constitutionnelle) et des autorités de poursuite. Parmi ses interlocuteurs figuraient également les conseillers du chef de l'Etat sur les questions judiciaires, médiatiques et législatives, des membres de la délégation ukrainienne auprès de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, l'Ombudsman et des représentants de la société civile, du monde judiciaire et des médias.

Lors de ses réunions avec ses divers interlocuteurs, le Commissaire a souligné la nécessité de poursuivre les réformes judiciaires afin de renforcer l'indépendance et l'efficacité de l'appareil judiciaire et les garanties du droit à un procès équitable. A cette fin, il est important de veiller à une coopération étroite avec les experts du Conseil de l'Europe. Le Commissaire a encouragé les autorités à enquêter sur toute allégation de pressions sur les juges ou d'ingérence dans les activités des différents organes judiciaires. Les futures réformes devraient renforcer la protection des juges contre toute influence extérieure et conforter leur indépendance et leur impartialité, tant en droit que dans la pratique. L’adoption prochaine d'un nouveau Code de procédure pénale est l’occasion idéale de régler plusieurs problèmes systémiques dans le domaine de la justice, notamment la durée excessive des procédures judiciaires, la non-exécution des décisions des juridictions internes et le recours excessif à la détention provisoire.

En République autonome de Crimée, le Commissaire a rencontré le Premier ministre, , le président du parlement, Vladimir Konstantinov, et des députés locaux. Il s'est aussi rendu dans l'un des campements des Tatars de Crimée près de Simferopol et a eu des discussions avec des représentants d’organisations locales de la société civile et de diverses communautés ethniques.

Le Commissaire a abordé diverses questions touchant à la situation de différentes communautés ethniques et linguistiques, dont les Tatars de Crimée, qui vivent dans la région. Tout en reconnaissant les efforts réalisés par les autorités pour promouvoir la tolérance et engager un dialogue ouvert et constructif avec tous les groupes minoritaires, il a recommandé de prendre des mesures plus approfondies afin de préserver le patrimoine ethnique et linguistique exceptionnel de la région et d'éviter toute discrimination.

Cette visite donnera lieu à la publication d’un rapport sur le fonctionnement du système judiciaire en Ukraine et d’une lettre contenant des recommandations sur la situation des minorités nationales dans la République autonome de Crimée.

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Visite au Royaume-Uni

Le Commissaire s'est rendu au Royaume-Uni (à Londres et à Belfast) du 8 au 14 décembre pour évoquer différentes questions relatives aux droits de l'homme et participer à plusieurs événements. Lors de ses entretiens, il a mis l'accent sur la protection des droits des Roms et des Gens du voyage, des enfants, des migrants et des demandeurs d'asile. Il s’est également intéressé aux suites données par les autorités du Royaume-Uni à ses mémorandums de 2008 sur l'asile et l'immigration, la justice des mineurs et les châtiments corporels. Tout au long de sa visite, le Commissaire a aussi abordé des questions liées aux priorités de la présidence britannique du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe et au débat actuel autour de l'interaction entre la Convention et la Cour européenne des droits de l'homme et le système juridique interne du Royaume-Uni.

A Londres, le Commissaire a rencontré le Lord Chancelier et ministre de la Justice, Kenneth Clarke, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères et au Commonwealth, Jeremy Browne, le secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Damian Green, et le procureur général, Dominic Grieve. Il a également rencontré plusieurs membres du parlement, en particulier du Groupe parlementaire multipartite pour les Tsiganes, les Roms et les Gens du voyage et du Groupe parlementaire multipartite pour les droits de l'homme.

A Belfast, le Commissaire a rencontré le ministre délégué du cabinet du Premier ministre et du Vice-Premier ministre de l’exécutif nord-irlandais, Jonathan Bell, et des membres de la Commission des droits de l'homme d'Irlande du Nord, en particulier son président, Michael O’Flaherty.

A Londres comme à Belfast, il a rencontré les représentants d’un grand nombre d'organisations nationales et locales de la société civile qui travaillent dans les domaines susmentionnés ou sur d'autres thèmes comme les droits des personnes handicapées, les droits sociaux et les groupes marginalisés, l'administration de la justice et la liberté des médias.

Les organisations de Roms, de Tsiganes et de Gens du voyage en particulier ont donné au Commissaire de nombreuses informations sur le respect des droits de l'homme des membres de ces groupes au Royaume-Uni. Les questions du logement et de l'éducation figuraient en bonne place, tout comme la situation des Gens du voyage à la suite des expulsions intervenues à Dale Farm, dans l’Essex, en octobre 2011. Lors de sa visite, le Commissaire s'est également rendu sur des sites des Gens du voyage à Coalisland, en Irlande du Nord.

Cette visite a par ailleurs permis au Commissaire de s'exprimer lors de différents événements et de faire connaître son point de vue sur des questions intéressant particulièrement le Royaume-Uni. Le Commissaire a donné une conférence devant Equality and Diversity Forum à Londres (« British contributions are needed in the global struggle for equality and diversity », disponible sur le site web du Commissaire) et une conférence organisée par European Movement UK (« Progress in meeting human rights obligations is too slow », disponible sur le site web du Commissaire). Il s'est également exprimé devant les participants à un événement organisé par le British Institute of Human Rights. A Londres toujours, le Commissaire a présenté son nouvel ouvrage sur la liberté des médias (voir plus bas). En Irlande du Nord, il a pris la parole lors

7 CommDH(2012)9 d'événements organisés par Human Rights Consortium et Disability Action pour la Journée internationale des droits de l'homme.

Tout au long de sa visite, y compris lors des activités susmentionnées, le Commissaire a abordé la question des attitudes politiques et autres au Royaume-Uni à l'égard de la Convention et de la Cour européenne des droits de l'homme et des droits de l'homme en général. Il a insisté sur la contribution essentielle du Royaume-Uni au développement et à la promotion des normes des droits de l'homme en Europe, notamment par le biais de la Loi de 1998 relative aux droits de l'homme, qui combine de manière novatrice et positive les traditions juridiques et politiques du Royaume-Uni avec les principes modernes des droits de l'homme énoncés dans la Convention. Le Commissaire a souligné que l'Europe devait pouvoir continuer à compter sur le Royaume-Uni, qui constitue un exemple pour faire évoluer la protection des droits de l'homme. Dans le même temps, il a mis en garde contre les risques liés à une perception négative des droits de l'homme dans l'opinion publique au Royaume-Uni, qui trouve son origine dans des thèses erronées parfois diffusées par la classe politique et les médias. A cet égard, le Commissaire a également évoqué des questions relatives à l'éthique journalistique avec plusieurs interlocuteurs, notamment la commission d'enquête créée à ce sujet. Il a souligné la valeur intrinsèque des droits de l'homme, outil indispensable aux responsables politiques, et le devoir des pouvoirs publics de lutter contre une vision erronée des droits de l'homme.

3. Rapports et dialogue permanent

Rapport sur la Slovaquie et lettre au Vice-Premier ministre des droits de l'homme et des minorités nationales de Slovaquie

Le 20 décembre, le Commissaire a publié un rapport sur la protection des droits des Roms et des personnes handicapées, qui faisait suite à sa visite des 26 et 27 septembre en Slovaquie. A la même date, il a également publié une lettre sur la protection des droits de l'homme des minorités nationales adressée au Vice-Premier ministre des droits de l'homme et des minorités nationales de Slovaquie, Rudolf Chmel.

Dans son rapport, le Commissaire souligne la nécessité de placer la lutte contre l'antitsiganisme et la discrimination au cœur des mesures visant à promouvoir l'intégration des Roms dans la société slovaque. Il invite ainsi à redoubler d'efforts pour empêcher la propagation de préjugés contre les Roms, notamment en encourageant l'autorégulation au sein des partis politiques et des médias, et pour veiller à une meilleure application des dispositions pénales qui font de la motivation raciste une circonstance aggravante pour toutes les infractions. Il appelle également les autorités slovaques à faire en sorte que la lutte contre la discrimination s’appuie notamment sur un organe chargé des questions d'égalité, qui soit indépendant, doté de ressources suffisantes et dont la mission serait notamment de contribuer à la mise en œuvre de la législation antidiscriminatoire. Les autorités slovaques devraient aussi envisager la création d’une instance indépendante chargée d’enquêter entre autres sur les cas présumés de discrimination raciale et de comportements répréhensibles à caractère raciste de la police.

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Le Commissaire note que de nombreux enfants roms continuent à recevoir une éducation de moins bonne qualité que les autres enfants en raison de politiques et de pratiques qui aboutissent à une ségrégation, soit parce qu'ils sont placés de manière disproportionnée dans des établissements scolaires spécialisés pour enfants atteints de déficience intellectuelle légère, soit parce qu'ils sont orientés vers des classes ou des écoles ordinaires fréquentées exclusivement par des Roms. Les engagements pris par les autorités slovaques contre la ségrégation et les initiatives juridiques adoptées à cette fin étant insuffisants, il convient de prendre des mesures plus vigoureuses pour que l'éducation ouverte à tous devienne une réalité. Dans le domaine du logement, il paraît particulièrement urgent de remédier à la ségrégation des Roms. En étroite consultation avec les personnes concernées, la priorité devrait être donnée à l’investissement dans des solutions sûres et abordables pour les Roms dans des communautés intégrées. Il faut cesser de construire des murs entre les quartiers roms et les autres quartiers. Pour l’heure, l’urgence est d'améliorer les conditions matérielles de nombreux campements roms, sachant qu’il faudra aussi tenter de trouver une solution au problème des camps de fortune.

Pour le Commissaire, il reste des progrès à faire en Slovaquie pour régler la question des anciennes pratiques et des cas de stérilisation de femmes roms sans leur consentement plein et éclairé. De véritables enquêtes doivent être menées sur toutes les allégations de cette nature, et les responsables sanctionnés en conséquence. Il faut aussi veiller à la réparation de ces violations, notamment par l’expression publique de regrets quant aux stérilisations forcées et par une indemnisation suffisante. Le Commissaire s'inquiète également des informations selon lesquelles les enfants roms seraient surreprésentés parmi les enfants placés en institution en Slovaquie. Il rappelle que les enfants ne devraient pas être placés en institution au seul motif des piètres conditions de logement ou de la situation financière de leur famille et qu'il faudrait au contraire privilégier leur développement dans le cadre familial.

En ce qui concerne la protection des droits de l'homme des personnes handicapées, le Commissaire salue la ratification par la Slovaquie de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Il convient maintenant de créer des mécanismes d’évaluation et de coordination et d'adopter des stratégies. Notant en particulier qu’en Slovaquie beaucoup de personnes handicapées vivent dans de grandes institutions séparées du reste de la société et que la plupart des enfants ayant des déficiences intellectuelles sont éduqués dans des établissements spécialisés, le Commissaire invite les autorités à adopter un plan d'action global sur la désinstitutionnalisation et à prendre des mesures concrètes pour respecter leur obligation d'intégrer les enfants handicapés dans les écoles ordinaires. Notant par ailleurs que les personnes présentant des déficiences psychosociales et intellectuelles sont souvent privées de leur capacité juridique, il appelle les autorités slovaques à veiller à ce que toute atteinte à la capacité juridique soit pleinement conforme aux normes internationales et les encourage à mettre en place un système d'aide à la prise de décision destiné aux personnes ayant des déficiences psychosociales ou intellectuelles qui ont besoin d'un accompagnement de ce type.

Pour ce qui est de la protection des droits de l'homme des minorités nationales, le Commissaire demande, dans sa lettre au Vice-Premier ministre Rudolf Chmel, que des efforts supplémentaires soient faits pour trouver un juste équilibre entre la promotion de la langue d'Etat et la protection et la promotion des langues des minorités nationales, conformément aux recommandations de la Commission de Venise et du Comité

9 CommDH(2012)9 consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Il recommande en particulier aux autorités slovaques d’envisager la suppression des dispositions répressives de toutes les lois qui réglementent l'usage des langues.

Poursuite du dialogue avec le Bureau du procureur général de la République de Pologne

A la suite de sa mission de septembre 2011 à Varsovie, au cours de laquelle il avait invité le Bureau du procureur général de Pologne à poursuivre le dialogue sur les enquêtes concernant les opérations de contre-terrorisme en Pologne de la Central Intelligence Agency (CIA) des Etats-Unis, le Commissaire a rencontré deux représentants du Bureau du procureur général les 19 et 20 décembre à Strasbourg. La réunion a porté essentiellement sur les enquêtes concernant l'utilisation présumée du territoire polonais par la CIA pour établir un « site noir » (prison). Elle a permis au Commissaire de partager des informations et analyses pertinentes.

4. Activités thématiques

Droits de l'homme des migrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile

Le 22 novembre, le Commissaire a publié un article du Carnet des droits de l'homme intitulé « Le droit de quitter son pays doit s'appliquer sans discrimination », qui concerne les mesures prises par les gouvernements des Balkans occidentaux pour empêcher leurs ressortissants de se rendre dans les pays de l’Union européenne (UE) et d’y demander l’asile. Le Commissaire rappelle que, même si les Etats ont le pouvoir légitime de réguler l'immigration, le droit de quitter son pays et, face aux persécutions, de chercher asile et de bénéficier de l’asile sont des droits de l'homme bien établis. Le nombre de demandeurs d'asile a augmenté considérablement depuis que l’UE a décidé que les ressortissants des pays des Balkans n’auraient plus besoin d’un visa pour entrer sur le territoire de l’UE. Réagissant à cette situation, les gouvernements des pays de l’Union ont prévenu que l’ensemble du processus de libéralisation des visas pourrait maintenant être menacé.

Le Commissaire a souligné que « l’ex-République yougoslave de Macédoine », par exemple, avait décidé d’ériger en infraction pénale « l’utilisation abusive du régime d’exemption de visa de l’Union européenne et de l’accord de Schengen » et décrété que les personnes rapatriées de force après le rejet de leur demande d’asile pourraient se voir confisquer temporairement leur passeport. D’autres pays de la région ont eux aussi pris des mesures pour empêcher certaines personnes de se rendre dans les pays de l’UE.

Le Commissaire a observé que l’UE justifiait ses pressions par la nécessité de combattre les réseaux organisés de passeurs d’immigrés et que, s’il est assurément important de mettre un terme à l’exploitation et à la manipulation des migrants par les passeurs, ces pratiques ne semblent pas dans ce cas précis être le modèle le plus fréquent. Le Commissaire a souligné que les minorités, en particulier les Roms, étaient devenues une cible dans ce contexte, ce qui a pour effet de faire peser sur elles une nouvelle discrimination. L'augmentation du nombre de demandes d'asile n’est pas le fond du problème, mais son symptôme. Elle est un signe de l’échec de l’Europe à

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vaincre le cycle de l’antitsiganisme, de la discrimination et de la marginalisation des populations roms. Elle doit être perçue comme un rappel de la nécessité d’une action déterminée. Enfin, le Commissaire a noté que des mesures telles qu’une meilleure diffusion des informations sur les règles de l’asile dans l’espace Schengen seraient constructives, ce que ne sont pas, en revanche, les pressions exercées sur les gouvernements des Balkans pour qu’ils hypothèquent le droit fondamental de leurs citoyens de quitter leur pays.

Les 21 et 22 novembre, un membre du Bureau du Commissaire a assisté à la Conférence sur les droits fondamentaux 2011 intitulée « Dignité et droits des migrants en situation irrégulière », organisée à Varsovie par l'Agence des droits fondamentaux de l'UE avec le soutien de la présidence polonaise du Conseil de l'UE. Plus de 300 participants, dont des représentants des institutions de l’UE, des gouvernements des Etats membres, d’organisations internationales, d'institutions nationales des droits de l'homme, d’organes de promotion de l’égalité, d'inspections du travail, de partenaires sociaux et d'organisations de la société civile, se sont interrogés sur les moyens d’améliorer l'accès aux droits de l'homme des migrants en situation irrégulière. Les débats ont mis en lumière la nécessité d'appliquer une approche fondée sur les droits de l'homme dans le domaine de la gestion des migrations. Des propositions ont été faites pour faciliter l'accès à la justice et le respect des droits à l'éducation et à la santé. Les participants ont également débattu des moyens de protéger l'intérêt supérieur de l'enfant et de réduire le recours à la rétention. Ils ont proposé des solutions pour lutter contre diverses formes d'exploitation, notamment sur le lieu de travail, et souligné la nécessité de trouver des solutions viables et durables pour les migrants qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion1.

Apatridie en Europe du Sud-Est

Les 26 et 27 octobre, un représentant du Bureau du Commissaire a participé à la Conférence régionale sur l'octroi de documents d'identité et la déclaration d’état civil en Europe du Sud-Est, qui s'est tenue à Zagreb. Cette conférence accueillie par le gouvernement croate et organisée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) visait à mettre en lumière les enjeux de l'inscription à l'Etat civil et de l'accès à des documents d'identité en Europe du Sud-Est, notamment pour les minorités nationales, dont les Roms. Au terme de la conférence, les participants ont adopté une déclaration2 énonçant les mesures à prendre dans la région, aux niveaux local et national, pour remédier à ces problèmes.

Justice post-conflit dans l'ex-Yougoslavie

Le 3 novembre, le Commissaire a publié un article du Carnet des droits de l'homme intitulé « Seule une justice véritable peut garantir une paix durable dans les Balkans », qui porte sur les questions en suspens dans le domaine de la justice après la guerre en ex-Yougoslavie. L’article traite notamment de la situation des réfugiés et autres personnes déplacées, des personnes disparues, des poursuites pour crimes de guerre et de la nécessité d'établir et de reconnaître la vérité sur les violations flagrantes des

1 Le résumé des conclusions de la conférence est disponible sur : http://fra.europa.eu/fraWebsite/attachments/FRA_Summary_conclusions_FRC_FR-FINAL.pdf. 2 Disponible sur : http://www.unhcr.org/4ec12d0d9.html.

11 CommDH(2012)9 droits de l'homme commises dans les années 1990. Le Commissaire a souligné qu'il restait encore environ 438 000 réfugiés et autres personnes déplacées dans la région pour lesquels aucune solution durable n’a été trouvée. La recherche de solutions nécessitera des ressources supplémentaires, estimées à quelque 500 millions d’euros sur une période de cinq ans. Les institutions européennes devraient saisir cette chance de réparer les dégâts causés par la guerre et d’investir dans la paix.

Le Commissaire a insisté sur le fait qu'il fallait poursuivre les efforts pour élucider les cas des quelque 14 000 personnes disparues lors des guerres dans la région. Les opérations de localisation des tombes devraient être intensifiées et il faudrait compulser attentivement les archives étatiques à la recherche d’informations sur le sort de ces personnes. Les Etats devraient accepter d’échanger inconditionnellement des renseignements en la matière.

S'agissant des poursuites pour crimes de guerre, le Commissaire a souligné qu'il était indispensable de contrer toute tendance à l’impunité et que les lois d'amnistie ne devaient pas servir à éviter de rendre des comptes pour ces crimes. Il a estimé que le président de la Serbie, Boris Tadić, et le président de la Croatie, Ivo Josipović, en soulignant récemment la nécessité de reconnaître les crimes du passé, avaient ouvert la voie à des progrès supplémentaires dans le cadre des procédures nationales relatives aux crimes de guerre.

Enfin, le Commissaire a plaidé pour une mobilisation plus active contre l’ignorance et le déni des violations graves des droits de l'homme commises dans les années 1990, qui restent répandus dans l’opinion publique et le discours politique dans la région. Il a noté qu'une coalition d’organisations non gouvernementales faisait campagne pour l’établissement d’une commission de vérité indépendante, à dimension régionale, qui enquêterait sur toutes les allégations de violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l'homme commises pendant les guerres. Cette proposition représente un défi pour les dirigeants politiques de toute la région. Les autres pays d’Europe devraient se montrer prêts à soutenir cette quête d’une justice véritable et d’une paix durable.

Droits des personnes LGBT

Le 6 octobre, à Varsovie, le Bureau du Commissaire a présenté le rapport Discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in Europe lors d’une table ronde consacrée aux défis et perspectives concernant les crimes de haine à l’encontre des personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres (LGBT). Cet événement en marge de la Réunion de l’OSCE sur la mise en œuvre des engagements concernant la dimension humaine était organisé conjointement par les gouvernements de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Espagne, de la Finlande, de la Norvège, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de la Suède et de la Suisse.

Du 27 au 30 octobre, le Bureau a présenté le rapport du Commissaire à la conférence annuelle d’ILGA-Europe à Turin, dont le thème était « Droits de l'homme et "valeurs traditionnelles" : conflit ou dialogue ? ». L’objectif était d'examiner les moyens dont dispose la société civile pour encourager les gouvernements à mettre en œuvre les recommandations formulées dans le rapport du Commissaire et dans la Recommandation CM/Rec(2010)5 du Comité des Ministres. La conférence a réuni plus

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de 340 militants homosexuels, bisexuels, trans et intersexe, des responsables politiques européens et nationaux ainsi que des représentants d'autres organisations de 43 pays.

Le 19 novembre, le Bureau a présenté le rapport et les recommandations du Commissaire dans le cadre du séminaire TransHelsinki 2011 qui s'est tenu dans la capitale finlandaise. Cet événement organisé par les principales organisations finlandaises de défense des droits des personnes LGBT visait à évaluer les besoins en matière de soins de santé des personnes transgenres, tant du point de vue des usagers que de celui des experts.

Le 21 novembre, une table ronde sur la question de l’égalité des trans a été organisée à Ankara par Transgender Europe (TGEU) avec le soutien du Bureau du Commissaire. Elle a rassemblé des représentants des organes nationaux chargés de l'égalité, des organisations de défense des droits des personnes transgenres et des responsables du réseau des points de contact LGBT. Un représentant du Bureau du Commissaire a présenté le rapport Discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in Europe, ainsi que le document thématique sur les droits de l'homme et l'identité de genre que le Commissaire a publié en 2009.

Le 24 novembre, le Bureau du Commissaire a organisé à Berne une table ronde sur les possibilités qui s’offrent aux gouvernements de mettre en œuvre les recommandations énoncées dans le rapport Discrimination on grounds of sexual orientation and gender identity in Europe. Les participants ont identifié les possibilités et les obstacles en matière de mise en œuvre des recommandations dans les Etats membres, en s’intéressant plus particulièrement aux réformes législatives, à l'éducation, à la sensibilisation et à la formation. Cette table ronde organisée parallèlement à la 7e réunion du réseau informel des points de contact gouvernementaux sur les questions LGBT était accueillie par le Département fédéral des Affaires étrangères de la Suisse. Elle a rassemblé plus de 30 experts gouvernementaux des Etats membres. Un représentant du Bureau du Commissaire a pris part à cette réunion le 25 novembre, qui a permis aux participants d’avoir un aperçu de l'évolution des lois et pratiques nationales relatives aux droits fondamentaux des personnes LGBT.

Mise en œuvre systématique des droits de l’homme

Les 10 et 11 octobre, un représentant du Bureau du Commissaire a participé à une réunion organisée à Utrecht par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) sur la stratégie de gouvernance intégrée pour la mise en œuvre des droits fondamentaux. Le projet de gouvernance intégrée de la FRA consiste en des recherches et des activités d’apprentissage mutuel sur la mise en œuvre des droits de l’homme à de multiples niveaux, mettant l’accent sur les autorités locales. Des recherches ciblées ont été entreprises dans cinq États membres de l’UE pour valider les méthodes et voies d’approche concernant la collaboration entre les différents niveaux d’administration pour la protection des droits fondamentaux. Deux grandes questions transversales qui se sont dégagées des projets examinés, à savoir la participation de la collectivité et l’évaluation/le suivi, ont fait l’objet de discussions lors de cette réunion. Le Bureau a présenté un exposé sur l’évaluation et le suivi continus en particulier au regard de la Recommandation du Commissaire de 2009 sur les activités systématiques de mise en œuvre des droits de l’homme.

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Egalité et non-discrimination

Le Bureau du Commissaire a participé au 5e Sommet européen de l’égalité sur le thème « Promouvoir l’égalité aux niveaux local et régional », qui s’est tenu les 14 et 15 novembre à Poznan. Ce sommet, organisé par la présidence polonaise de l’UE et la Commission européenne, était axé sur la mise en œuvre de la législation sur l’égalité de traitement aux niveaux local et régional. Au nombre des principaux thèmes abordés figuraient l’égalité comme facteur de développement régional, la progression des partenariats locaux et régionaux pour l’égalité et l’utilisation des fonds de l’UE pour des projets réalisés à l’échelon local en faveur de l’égalité et de l’inclusion des Roms. Le représentant du Bureau du Commissaire a présenté les partenariats visant au respect d’obligations plus vastes en matière d’égalité, en se référant tout particulièrement à l’avis du Commissaire publié en 2011 sur les structures nationales de promotion de l’égalité.

Le 29 novembre, le Commissaire a pris la parole lors de la réunion de haut niveau organisée par EQUINET à Bruxelles, qui rassemblait les responsables d’organisme nationaux œuvrant pour l’égalité, sur le thème « Réaliser le potentiel des organes de promotion de l’égalité ». Dans son exposé liminaire, le Commissaire a observé que les mesures actuelles d’austérité ne faisaient qu’exacerber la pauvreté, la discrimination et le fait de se servir de personnes comme de boucs émissaires. Dans ce contexte, les organes de promotion de l’égalité, les Ombudsmans et les institutions nationales des droits de l’homme subissent d’importantes restrictions budgétaires et voient leur indépendance se réduire. Il a souligné l’importance que chaque pays soit doté d’une bonne législation antidiscriminatoire, c’est-à-dire de lois pour l’égalité de traitement qui devraient s’appuyer sur les normes et instruments internationaux en vigueur.

Le Commissaire a fait référence également à son avis de 2011 sur les structures nationales de promotion de l’égalité, établi avec la précieuse contribution d’organes nationaux de promotion de l’égalité. Il a souligné l’importance de clarifier le rôle clé que jouent ces organes dans la société et de fixer des normes assurant l’efficacité de leurs activités, en toute indépendance. De plus, il a mis en lumière la nécessité que ces organes axent leurs activités sur les groupes particulièrement vulnérables, notamment sur les Roms, les personnes LGBT, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées.

Liberté d’expression, indépendance et diversité des médias

Le Commissaire a organisé plusieurs activités en octobre pour attirer l’attention sur la nécessité de mieux protéger les journalistes dans toute l’Europe contre la violence et les menaces.

Le 4 octobre, le Commissaire a publié un article du Carnet des droits de l’homme intitulé « La protection des journalistes est essentielle à la liberté des médias en Europe », dans lequel il affirme que le droit pour les journalistes de faire leur travail dans des conditions de sécurité satisfaisantes, sans craindre d’être harcelés, agressés, battus ou tués, est un sujet d’importance capitale pour la liberté de la presse et la liberté d’expression en Europe aujourd’hui.

Ces dernières années, l’Europe a perdu plusieurs grands journalistes d’investigation, victimes de meurtres odieux : Hrant Dink en Turquie, Géorgui Gongadzé en Ukraine, Elmar Huseynov en Azerbaïdjan et Anna Politkovskaïa en Russie. Le Commissaire a

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souligné qu’il fallait à tout prix arrêter et traduire en justice non seulement les meurtriers, mais aussi leurs commanditaires, car on ne saurait tolérer l’impunité.

De plus, un document de discussion thématique sur la protection des journalistes contre la violence a été publié en lien avec le sujet de l’article que l’on vient de citer. Dans l’avant-propos, le Commissaire souligne que les autorités peuvent faire beaucoup pour protéger les journalistes contre la violence et donc la liberté d’expression et la presse. Il expose clairement les positions de son Bureau dans ce domaine.

Le document porte sur la protection dont bénéficient les professionnels des médias – ou dont ils devraient bénéficier – en vertu du droit humanitaire international. Il attire l’attention sur les innombrables cas de violence qui, chaque année, visent à réduire au silence les journalistes et sur le fait que, sur les trente affaires de meurtre de journalistes recensés par l’OSCE dans la région depuis 2007, seul trois ont débouché sur l’arrestation de suspects et sur des condamnations. Il note également qu’une forte détermination est indispensable de la part des gouvernements, des forces de l’ordre, des législateurs, ainsi que des organisations internationales, de la société civile et des associations de journalistes pour assurer de réels progrès en matière de renforcement de la protection des journalistes contre la violence – et que les meilleurs résultats ne pourront être obtenus qu’au prix d’efforts concertés. Ce document a été établi par Dunja Mijatović, représentante de l’OSCE pour la liberté des médias.

En octobre 2011, cinq années s’étaient écoulées depuis l’assassinat d’Anna Politkovskaïa, journaliste à la Novaïa Gazeta. En sa mémoire, le Commissaire a organisé, le 5 octobre, une discussion ouverte sur la protection des journalistes en Europe.

La discussion s’est tenue au Conseil de l’Europe, à Strasbourg, avec un panel composé du Commissaire aux droits de l’homme, de Dunja Mijatović, représentante de l’OSCE pour la liberté des médias, et de Sergueï Sokolov, rédacteur en chef adjoint du journal Novaïa Gazeta. Après une introduction du Commissaire, Mme Mijatović a présenté le document de discussion thématique cité précédemment, et M. Sokolov a rendu compte de l’avancement de l’enquête sur le meurtre d’Anna Politkovskaïa. Il a observé que les personnes qui ont commandité et financé les assassinats n’ont pas été nommées, encore moins poursuivies en justice, jugées et punies. Il a évoqué en outre la situation difficile quant aux questions de sécurité pour les journalistes de la Novaïa Gazeta et d’autres médias en Russie. Le panel a échangé sur ce qui peut être fait pour renforcer le droit des journalistes d’exercer leurs activités dans de bonnes conditions de sécurité. Cette discussion importante a réuni 90 personnes, dont beaucoup ont pris la parole.

Le 8 novembre, le Commissaire a publié un article du Carnet des droits de l’homme intitulé « Journalisme éthique – l’autorégulation protège l’indépendance des médias ». Dans cet article, il a souligné qu’un comportement contraire à la déontologie de la part des journalistes et des médias est susceptible de saper le rôle extrêmement important des médias dans la protection des droits de l’homme. Il a également constaté que des ambitions commerciales sans limites peuvent encourager des pratiques journalistiques contraires à la loi et à la déontologie, comme l'a montré le scandale des écoutes téléphoniques qui a éclaté au Royaume-Uni.

Le Commissaire a noté que des comportements aussi irresponsables et attentatoires à la vie privée risquent d'entamer très rapidement la confiance du public – et de servir de

15 CommDH(2012)9 prétexte aux gouvernements pour imposer une réglementation des médias, voire une censure. De toute évidence, cela réduirait encore les possibilités d'exercice d'un journalisme d'investigation critique. Le Commissaire a déclaré que les médias devaient développer un système efficace d'autorégulation qui soit fondé sur un code de déontologie adopté par les journalistes et qui soit doté d'un mécanisme habilité à recevoir et à traiter les plaintes. Le problème se pose avec plus d’acuité encore dans un paysage médiatique en pleine mutation. Il est particulièrement important de développer le journalisme éthique, de débattre de la question et de promouvoir cette déontologie.

À la suite de l’article que l’on vient de citer, une mise à jour du document de discussion thématique « Journalisme éthique et droits de l’homme » a été publiée dans l’objectif de proposer un nouveau cadre de discussion sur les enjeux déontologiques qui nourrissent la relation entre journalisme éthique et droits de l’homme. En outre, le Commissaire y énonce les positions majeures de son Bureau dans ce domaine.

De ce document, il ressort que la défense et la promotion de normes élevées en matière de droits de l’homme sert l’intérêt des journalistes, au moins autant que celui des gouvernements. L’objectif est double : il consiste, d’une part, à définir les mesures à prendre concrètement pour renforcer les conditions nécessaires à l’exercice d’un journalisme éthique ; d’autre part, à sensibiliser à l’importance du journalisme éthique et à la protection des droits de l’homme – qui sont tous deux nécessaires pour rendre la société meilleure. Le document a été établi par Aidan White, spécialiste des médias au niveau international et ancien secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes.

Les 17 et 18 novembre, un membre du Bureau du Commissaire a pris part à la Conférence sur la lutte contre le discours de haine en Europe du Sud-Est, organisée par le Conseil de l’Europe à Sarajevo, au cours de laquelle il a présenté la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et les normes pertinentes applicables. Parmi les participants à la Conférence figuraient des représentants de ministères de la Justice et d’organismes de surveillance, des juges, des procureurs, des rédacteurs et des journalistes venus de Bosnie-Herzégovine, de Bulgarie, de Croatie, de « l’ex-République yougoslave de Macédoine », de Roumanie et de Serbie.

Le 23 novembre, un membre du Bureau du Commissaire a participé à la consultation d’experts de haut niveau sur la protection internationale des journalistes, organisée à Vienne par le ministère fédéral autrichien des Affaires européennes et internationales. Cet atelier visait à rassembler des experts d’organisations régionales et internationales, de gouvernements et de la société civile pour échanger sur le cadre juridique international et régional régissant la protection des journalistes et sur sa mise en œuvre à l’échelon national.

Le 6 décembre, le Commissaire a publié un article du Carnet des droits de l’homme sur deux grandes menaces qui pèsent aujourd’hui sur la liberté des médias en Europe : la tentative des pouvoirs publics de dominer le marché des médias et la tendance à développer l’aspect commercial et à créer des monopoles. Les médias de service public – c’est-à-dire les médias qui produisent et transmettent un contenu d’intérêt public, sont financés par l’État ou par les ressources publiques et ont à leur tête des conseils de direction nommés par des organismes publics – jouent un rôle essentiel de contrepoids aux médias de divertissement à vocation commerciale et aux empires médiatiques privés ou publics. Ces médias étant indépendants (y compris à l’égard des annonceurs),

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ils peuvent encourager le bon journalisme d’investigation et les contenus fondés sur des recherches sérieuses.

Le Commissaire a relevé la nécessité d’études et de dialogues sur la façon dont fonctionnent réellement les médias de service public dans l’Europe d’aujourd’hui et sur la mesure dans laquelle les principes des droits de l’homme sont pris en compte. Il a affirmé que ce débat est aussi l’occasion de réfléchir aux mesures à prendre pour que le potentiel des médias sociaux utilisant internet soit pleinement exploité au service du public.

Deux documents de discussion thématique ont été publiés en lien avec l’article du Carnet des droits de l’homme sur le pluralisme des médias de service public. Dans le premier document, consacré aux médias de service public et aux droits de l’homme, les auteurs appellent à l’adoption d’une approche axée sur les droits de l’homme pour guider les réformes et les politiques relatives aux médias de service public. Ils affirment que si ces derniers fondent leur développement sur ce type d’approche – qui englobe les principes des droits de l’homme, la responsabilisation, la participation, la non- discrimination et l’autonomisation –, leur crédibilité n’en sera que renforcée, ce qui leur permettra d’agir dans les meilleurs intérêts du public. Ils évoquent par ailleurs la nécessité de mettre au point un système d’indicateurs des droits de l’homme pouvant servir à évaluer et à améliorer les médias de service public. Le document a été établi par Boyko Boev,responsable juridique, et Barbora Bukovska, directrice du service juridique et des politiques de l’organisation non gouvernementale Article 19.

Dans le second document, consacré au pluralisme des médias et aux droits de l’homme, l’auteur estime que, dans les sociétés d’aujourd’hui, le droit fondamental à la liberté d’expression et d’information ne peut être exercé comme il se doit sans la présence d’un grand nombre de médias concurrents non soumis à des intérêts politiques ou commerciaux. La liberté d’expression, même si elle est garantie par la constitution, perd tout son sens lorsqu’elle se réduit au flux d’informations émanant de quelques médias « autorisés » ou « gagnants ». L’accès à une grande diversité de médias n’est pas seulement nécessaire à la liberté d’expression, il est aussi indispensable au bon fonctionnement de la démocratie. Seul un environnement médiatique suffisamment diversifié peut tenir le public informé de faits, de points de vue et de débats qui contraignent les gouvernements à rendre des comptes. Le pluralisme des médias permet à la société d’être informée et à différentes voix de se faire entendre. Ce document a été établi par Miklós Haraszti, ancien représentant de l’OSCE pour la liberté des médias.

Dans la perspective de la Journée des droits de l’homme, la publication « Human rights and a changing media landscape » a été lancée à Londres le 8 décembre.

Cet ouvrage divisé en six chapitres est le fruit d’autant de conférences sur la liberté des médias qui ont eu lieu en 2011. Huit experts internationaux ont analysé, sous l’angle des droits de l’homme, les tendances et les problèmes concernant l’un des six thèmes abordés – journalisme éthique, accès aux documents officiels, protection des journalistes contre la violence, médias de service public, médias sociaux et pluralisme médiatique. Dans son avant-propos, le Commissaire fait le point sur la situation en matière de liberté des médias en Europe.

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Le lancement de cette publication a eu lieu dans les locaux londoniens de l’ONG Article 19, en présence d’un panel composé du Commissaire et de plusieurs contributeurs à l’ouvrage : M. Douwe Korff (médias sociaux), M. Boyko Boev (médias de service public) et M. Aidan White (journalisme éthique). Mme Agnès Callamard, Directrice générale d’Article 19, était également présente.

Un débat animé a eu lieu avec la participation d’un public composé d’environ 90 personnes, parmi lesquelles des journalistes, des universitaires et des représentants nationaux et intergouvernementaux. Il a été question essentiellement de journalisme éthique et de l’importance de l’autorégulation des journalistes, compte tenu du scandale des écoutes téléphoniques qui a éclaté au Royaume-Uni. Le débat a été suivi et commenté via le hashtag twitter #COEmediafreedom.

Droits de l’homme des personnes handicapées

Le 4 novembre, le Commissaire a participé à une table ronde organisée à Strasbourg par le Centre de défense des droits des personnes handicapées (MDAC) sur l’évolution des normes en matière de prévention de la torture et des mauvais traitements à l’encontre des personnes handicapées. La table ronde a réuni en outre des représentants du Comité pour la prévention de la torture, du sous-comité de la prévention de la torture instauré par le protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture, du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU et de diverses ONG, ainsi que des universitaires.

Les participants ont évoqué les normes établies par la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et leurs conséquences pour les travaux des organes de suivi existants. Tout en tenant compte des nouveaux mécanismes nationaux de mise en œuvre et de suivi qui doivent être créés en vertu de la CDPH, ils ont aussi évoqué la relation entre les mécanismes futurs de la CDPH, les organes de suivi internationaux existants et les mécanismes nationaux de prévention prévus par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture. Les participants ont été informés des travaux récents et à venir du Commissaire concernant les personnes handicapées.

Impunité

Le 29 novembre, le Commissaire a publié un article du Carnet des droits de l’homme sur la nécessité de mener des enquêtes effectives sur les meurtres à motivation politique de défenseurs des droits de l’homme, de journalistes, d’avocats et de leaders d’opinion influents. Il a rappelé qu’il est indispensable de lutter avec détermination contre l’impunité pour s’assurer que les auteurs de ces crimes, mais aussi leurs commanditaires, rendent bien compte de leurs actes. De plus, il importe de prendre des mesures pour punir les agents de l’État qui tolèrent sciemment l’impunité. Afin de rendre les enquêtes plus effectives dans les affaires sensibles, le Commissaire a recommandé que les gouvernements renforcent les mécanismes qui garantissent la sécurité personnelle des procureurs, des donneurs d’alerte et des témoins. Il a rappelé en outre que les lignes directrices visant à éliminer l’impunité pour les violations graves des droits de l’homme, adoptées par le Comité des Ministres en mars 2011, donnent des indications utiles à cet égard.

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Droits sociaux

À l’occasion du 50e anniversaire de la Charte sociale européenne, le Commissaire a participé, le 18 octobre, à une séance de réflexion sur la ratification de la procédure de réclamations collectives. Il a souligné l’importance de cette procédure, qui contribue efficacement à l’application des droits sociaux garantis par la Charte et a déploré que seuls 14 États aient accepté la procédure jusque là. Il encourage donc les États membres qui ne l’ont pas encore fait à écarter toute réserve qu’ils pourraient avoir à cet égard et à accepter rapidement la procédure de réclamations collectives. Le Commissaire a exprimé l’espoir de voir ce mécanisme utilisé de manière plus systématique à l’avenir afin de protéger les droits sociaux.

Détention provisoire

Le 10 novembre, le Commissaire a prononcé un discours général lors d’un événement sur la détention provisoire, organisé par l’organisation non gouvernementale Fair Trials International (FTI) au Parlement européen, à Bruxelles. À cette occasion, FTI a lancé le rapport Detained without trial, qui répond au livre vert de la Commission européenne sur la détention.

Le Commissaire a fait part de la tendance en Europe à recourir quasi-automatiquement à la détention provisoire. Or, le recours à ce type de détention devrait se cantonner à des cas exceptionnels, par exemple, quand il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne accusée risque d’altérer les éléments de preuve, d’intimider les témoins ou de se soustraire à la justice. Malgré les nombreuses solutions possibles en remplacement de la détention, qui supposent une limitation de la liberté de mouvement, les gouvernements n’ont fourni que peu d’efforts pour examiner ou mettre en œuvre de telles solutions. Il importe donc d’attirer l’attention sur la question de la détention provisoire et d’y réfléchir pour veiller au respect, dans la pratique, du principe fondamental de présomption d’innocence.

5. Autres réunions

Audition de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen

Le 10 novembre, le Commissaire a participé à une audition sur la mise en œuvre de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, organisée à Bruxelles par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen. L’audition avait pour objectif d’évaluer les mesures prises par l’UE pour protéger, promouvoir et faire respecter les droits de l’homme, deux ans après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

Dans son discours, le Commissaire a insisté sur le fait que la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans l’Union européenne est encore loin d’être parfaite. Alors que la coopération entre le Conseil de l’Europe et les structures de l’Union européenne s’est améliorée dans l’ensemble, le débat sur la législation hongroise relative aux médias a fait ressortir un manque de coordination particulièrement fâcheux, car la base normative de l’Union européenne ne permet pas d’aborder tous les aspects

19 CommDH(2012)9 des questions liées à la liberté d’expression. Le Commissaire a cité quatre grands points problématiques en matière de droits de l’homme, qui appellent les institutions et les États européens à intensifier et à poursuivre leurs efforts, à savoir : la discrimination à l’encontre des Roms et des Gens du voyage ; l’immigration et l’asile ; la montée en puissance de la xénophobie ; et le rôle des États européens dans les activités de lutte contre le terrorisme, notamment la présence de « sites noirs » sur le sol européen.

Lancement de la version suédoise de l’ouvrage « Droits de l’homme en Europe : la complaisance n’a pas sa place », à l’occasion du Forum suédois des droits de l’homme

Le 14 novembre, la version suédoise du recueil des Points de vue du Commissaire (« Retoriken och verkligheten », publié par Atlas förlag) a été lancée lors du Forum des droits de l’homme de Stockholm (MR-dagarna).

Le Commissaire a pris part à trois séminaires : le premier, consacré à cet ouvrage ; le deuxième, aux questions de migration ; et le troisième, aux violations des droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Lors du Forum, le Commissaire s’est vu décerner le prix d’« Européen de l’année » par l’ONG Europarörelsen i Stockholm.

Conférence de haut niveau sur les domaines problématiques de la législation et des pratiques juridiques en Turquie à la lumière de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et sur des propositions de solutions à cet égard

Le 15 novembre, la Directrice du Bureau a pris part à une conférence de haut niveau organisée à Ankara par le département des droits de l’homme de la direction générale du droit international et des affaires étrangères du ministère turc de la Justice.

Elle a fait une intervention lors du deuxième panel de la conférence, dont la discussion a porté sur les modifications nécessaires à apporter à la législation et sur les mesures à prendre en prévention des atteintes à la liberté d’expression. La Directrice a présenté les principales conclusions et recommandations du rapport du Commissaire sur la liberté d’expression et la liberté des médias en Turquie, publié en juillet 2011.

Conférence internationale organisée sous les auspices du Vice-Premier Ministre slovaque en charge des droits de l’homme et des minorités nationales

Le 5 décembre, la Directrice du Bureau a pris part à la conférence sur les principes fondamentaux des droits de l’homme, organisée à Bratislava par M. Rudolf Chmel, Vice- Premier Ministre slovaque des Droits de l’homme et des Minorités nationales. Elle s’est adressée aux participants lors de la séance d’ouverture de la conférence et est intervenue sur la question de la protection des droits de l’homme en période de crise économique.

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6. Défenseurs des droits de l'homme

Table ronde sur les défenseurs des droits de l’homme dans la zone du Conseil de l’Europe

Le Bureau du Commissaire a organisé une table ronde sur les défenseurs des droits de l'homme dans les Etats membres du Conseil de l'Europe, les 27 et 28 octobre, à Strasbourg. Au nombre des participants figuraient des représentants d’organisations intergouvernementales à rayonnement international et régional, ainsi que d’ONG internationales, et plus d’une trentaine de défenseurs des droits de l'homme venus de différents Etats membres.

Cet événement mené par le Commissaire a permis d’échanger des informations sur la situation des défenseurs des droits de l’homme et sur l’environnement dans lequel ils exercent leurs activités. Des thèmes spécifiques ont été abordés, notamment les obstacles aux activités des défenseurs des droits de l’homme et les solutions pour les surmonter ; l’accès aux mécanismes de protection des droits de l’homme, y compris la coopération entre les défenseurs des droits de l’homme et les structures nationales des droits de l’homme ; et la participation effective des défenseurs des droits de l’homme aux processus décisionnels et de consultation publique.

Les participants ont proposé plusieurs recommandations fondées sur les échanges de la table ronde.

Un rapport sur la table ronde sera publié en temps utile.

Projet du Bureau du Défenseur public de la Géorgie sur la protection des personnes déplacées et d’autres victimes du conflit

Du 7 au 11 novembre, le Bureau du Commissaire a pris part à des activités organisées à Kutaisi, Zugdidi et Batumi par le Bureau du Défenseur public de la Géorgie sur la situation des personnes déplacées à l’intérieur du pays. Dans chaque région, le Défenseur public a organisé : une réunion de partage d’informations avec la participation de personnes déplacées et de représentants locaux du ministère géorgien en charge des Personnes déplacées venant des territoires occupés, des Réfugiés et du Logement ; une discussion avec des ONG locales et des représentants de structures internationales ; et une réunion de sensibilisation avec des étudiants. Les discussions ont porté essentiellement sur la privatisation et la réhabilitation de logements pour les personnes déplacées, sur la situation de ces personnes dans le secteur privé et sur d’autres questions concernant à la fois les personnes déplacées et les autres victimes du conflit.

Depuis janvier 2010, le Bureau du Commissaire aide le défenseur public à faire face à la situation des personnes déplacées et des autres victimes du conflit qui a frappé la Géorgie en 2008. Dans le cadre de ce projet, le personnel des bureaux régionaux du Bureau du Défenseur public surveille la situation de ces personnes dans différentes régions géorgiennes ; un rapport complet sur la situation des personnes déplacées et d’autres victimes du conflit a été publié ; et des sessions de formation ont été organisées à l’intention du personnel du Bureau du Défenseur public et des représentants du ministère cité précédemment.

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7. Cour européenne des droits de l'homme

Le 14 octobre, le Commissaire a présenté à la Cour européenne des droits de l’homme sa première tierce intervention en vertu du Protocole n° 14, dans une affaire concernant le traitement d’une personne handicapée en Roumanie3. L’affaire avait été portée devant la Cour par le Centre for Legal Resources au nom de Valentin Câmpeanu, jeune homme d'origine rom ayant des troubles d'apprentissage graves et atteint du VIH, décédé à l'âge de 18 ans à l’hôpital psychiatrique de Poiana Mare après avoir passé toute sa vie dans des institutions.

A ce jour, la Cour n'a jamais eu l'occasion d'examiner une affaire concernant une personne décédée avant l’introduction d'une requête, en l'absence de tout héritier ou de parent proche et sans représentant légal. Le Commissaire a souligné que les personnes handicapées se voient bien trop souvent refuser l'accès à la justice sur un pied d'égalité avec les autres. Il a donc estimé que, dans des circonstances exceptionnelles, les ONG devraient avoir le droit de saisir la Cour au nom de victimes, et ce, même en l'absence d'autorisation spécifique. Cela permettra à la Cour de traiter des affaires d’abus commis à l’encontre de personnes handicapées qui vivent dans des établissements spécialisés.

Les observations écrites du Commissaire ont été rendues publiques le 18 octobre et sont disponibles sur son site web.

8. Activités de communication et d’information

Les activités du Commissaire sur la liberté des médias, en particulier le débat organisé sur la violence à l’encontre des journalistes et le rapport sur la Turquie, ont eu des retombées importantes dans la presse au cours du trimestre (Euronews, AFP, Swedish Radio, The Guardian, The Independent, Press Association, The Huffington Post, Metro, Daily Mail, ANSA, Focus News, Today’s Zaman, Expatica, ITAR-TASS, Turan Information Agency, Ria Novosti, Times, Armtown, PanARMENIAN.Net, Tert, SIR, L’Humanité, LexTimes.fr, EFE, SIR, L‘Espresso, Bianet, Il Fatto quotidiano).

La visite en Turquie et les observations sur les dysfonctionnements systémiques du système judiciaire turc ont été largement couvertes dans les médias, en particulier dans les médias nationaux (Bianet, NTV, Today's Zaman, Cumhumriyet, Dunya, New Europe, Agence Europe, MediaPart).

Par ailleurs, International Business Times, SVT, Swedish Radio et TVP ont cité la critique formulé par le Commissaire au sujet des mesures antiterroristes adoptées dans bon nombre de pays européens.

Reuters et News.boaz ont fait référence aux activités du Commissaire en Azerbaïdjan, tandis que PAP et Gazeta Wyborzca se sont surtout intéressés à la visite du Commissaire en Pologne, en particulier à ses travaux concernant les droits des enfants en référence à Janusz Korczak.

3 Centre for Legal Resources au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie (requête n°47848/08)

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Swedish Television, The Parliament et EUObserver se sont concentrés sur la situation générale des droits de l’homme en Europe et sur les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.

Malta Today et Times of Malta ont évoqué le rapport du Commissaire sur les droits des personnes LGBT dans des articles concernant les nouveaux amendements à la législation proposés dans leur pays sur les droits des personnes transgenres. Dans le contexte français, Yagg a cité les activités du Commissaire en la matière.

Parmi les autres retombées dans la presse des activités du Commissaire, citons l’Ukraine (Ukrainian News, Unian, Kyiv Post), le prix Nobel de la paix (Dagens Nyheter), les minorités (MIA), l’Arménie (Nouvelle d’Arménie, ARMINFO News, A1 Plus), la Russie (El Pais), l’Italie (Global Perspectives), les migrants et les demandeurs d’asile (Südwest Presse, Malta Today, Il Levante), les questions générales de droits de l’homme (Swedish Radio, Dnevnik), la visite en République de Moldova (Moldova 1, Radio Free Europe), les personnes LGBT (Nouvel Observateur), les Roms et les Gens du voyage (Romano Vod'I, New Europe, Dernières nouvelles d’Alsace), les personnes handicapées (EUZINE, New Europe), la justice d’après-conflit dans les Balkans (Ansa, SIR) et la situation au Bélarus (Charter 97, SIR, Rosbalt).

Les articles suivants des Carnets des droits de l’homme ont été publiés au cours de ce trimestre :

La protection des journalistes est essentielle à la liberté des médias en Europe – 4 octobre. Seule une justice véritable peut garantir une paix durable dans les Balkans – 3 novembre. Journalisme éthique : l'autorégulation protège l'indépendance des médias – 8 novembre. Le droit de quitter son pays doit s'appliquer sans discrimination – 22 novembre. L’absence d’enquête effective sur les meurtres politiques nourrit une culture de l’impunité – 29 novembre. Les médias de service public sont nécessaires au renforcement du pluralisme – 9 décembre.

9. Le trimestre prochain

Janvier 10/1 Publication du rapport du Commissaire sur la Turquie

11/1 Publication de la lettre du Commissaire au Premier Ministre de la République de Moldova

12/1 Publication de la lettre du Commissaire au ministère des Affaires étrangères de la Hongrie

16-17/1 Visite en République de Moldova

19-20/1 Lancement de la version turque de l’ouvrage Droits de l’homme en Europe (Istanbul)

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26/1 APCE : présentation du rapport annuel 2011

27/1 Audience solennelle pour l’ouverture officielle de l’année judiciaire de la Cour

Février 2/2 Réunion du Conseil permanent de l’OSCE (Vienne)

6/2 Séminaire sur les Roms en Europe, organisé par la délégation suédoise auprès de l’OSCE (Stockholm)

8-9/2 Visite en Islande

16-17/2 Visite en Andorre

20/2 Publication d’un document thématique sur le handicap (capacité juridique)

20-23/2 Visite en Suisse

22/02 Publication de la lettre du Commissaire au MAE de Bulgarie

23/02 Publication du rapport du Commissaire sur l’Ukraine

24/2 Visite au Liechtenstein

27/2 Lancement du rapport du Commissaire sur la situation des Roms et des Gens du voyage en Europe

28/2 Séminaire sur les droits de l’homme dans les constitutions des pays nordiques, organisé par le centre culturel Voksenåsen en coopération avec la commission parlementaire des droits de l’homme (Oslo)

Mars 5/3 Séminaire sur les droits de l’homme dans la politique de sécurité européenne organisé par le parti social démocrate (Helsinki)

7-8/3 Visite au Luxembourg

9/3 Conférence à la Chaire Amnesty de l’université de Gand (Belgique)

14/3 Comité des Ministres : rapport annuel 2011 et 4e rapport trimestriel d’activités 2011 ; compte rendu sur 1er trimestre 2012.

18/3 Table ronde sur les défenseurs des droits de l’homme (Sarajevo)

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19/3 Lancement du document thématique sur la justice d’après-conflit et la paix durable en ex-Yougoslavie (Sarajevo)

19/3 Rencontre avec la Présidence de la Bosnie-Herzégovine (Sarajevo, à confirmer)

20/3 Rencontre avec le Président de la Serbie (Belgrade, à confirmer)

21/3 Rencontre avec le Président de la Croatie (Zagreb)

27/3 Conférence sur la lutte contre la discrimination au motif de l’orientation sexuelle (événement de la Présidence Britannique du CM)

10. Observations et réflexions

De toute évidence, des systèmes de justice efficaces, non corrompus et non politisés sont absolument indispensables à la protection des droits de l’homme dans tout pays. La Cour continue d’être submergée de requêtes concernant des détentions inutiles préalablement au procès, la lenteur des procédures dans les tribunaux nationaux et la non-exécution de jugements.

Dans tout bon système, le pouvoir exécutif devrait se garder de vouloir influer sur l’issue d’affaires individuelles. En revanche, il a pour obligation, tout comme les parlements, de veiller à ce que les lois sur les procédures soient conformes aux normes européennes. Les arrêts de la Cour de Strasbourg exigent bien souvent des mesures de réparation à l’échelon individuel, mais aussi parfois des changements dans le système de justice en tant que tel.

J’en conclus qu’une réforme judiciaire demeure nécessaire dans un certain nombre d’États membres. Il convient d’améliorer les lois et de mieux protéger l’indépendance de la justice. Des problèmes de corruption et d’ingérence politique persistent – qu’ils soient avérés ou « ressentis ».

J’ai été confronté à des cas de justice « sélective », au sens où les personnes considérées comme opposantes ont subi des traitements plus sévères que d’autres. Cette situation semble avoir retardé les enquêtes sur les crimes commis à leur encontre.

Voilà l’une des principales raisons d’être du Conseil de l’Europe. La Cour, la Commission de Venise et la Direction générale des droits de l’homme et de l’État de droit ont toutes un rôle crucial à jouer dans leurs domaines de compétence respectifs pour aider les États membres à parfaire leurs systèmes. Nul doute que le Bureau du Commissaire continuera de leur prêter main forte au cours de son mandat.

Dans l’accomplissement de cette action, nous devons aller au-delà des apparences car, sur le papier, les systèmes peuvent sembler proches de la perfection alors que la réalité est tout autre. Il importe d’analyser les systèmes tels qu’ils sont en réalité.

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