NOTES D'HISTOIRE

MONTASTRUC LA CONSEILLÈRE et ses environs

NOTES D'HISTOIRE PAUL MERCADAL

MONTASTRUC LA CONSEILLÈRE et ses environs

AZAS BUZET-SUR-TARN GEMIL ROQUESERIÈRE SAINT-JEAN-LHERM

PAUL MERCADAL - 31380 MONTASTRUC-LA CONSEILLÈRE

A LA MEMOIRE DE M. DAMIEN GARRIGUES Instituteur à Montastruc de 1908 à 1912

C'est dans les dernières années de ma scolarité à l'Ecole Publique de Montastruc, que j'eus le grand avantage d'être l'un des élèves de Monsieur et de Madame Garrigues. Je leur dois un goût très fervent pour tout ce qui con- cerne l'histoire locale.

Pendant son séjour à Montastruc, M. Garrigues avait commencé un important travail sur la Révolution dans notre région, puisant ses renseignements dans les archives des communes de Montastruc et de Buzet, ainsi qu'aux archives départementales, et demandant quelquefois aux grands élèves, dont j'étais, notre concours pour la copie de documents, ce qui ne manquait pas de nous intéresser. Il fut nommé directeur de l'Ecole de -Bonnefoi en 1912 et quitta Montastruc. Mobilisé en 1914, M. Garrigues fut blessé à Sayecourt; il participa aux opérations du Chemin-des-Dames; il se retira Officier d'Infanterie de réserve et fut décoré de la Légion d'Honneur. Il devint par la suite un membre très écouté de plusieurs Sociétés savantes, parmi lesquelles la Société Archéologi- que du Midi, dont il devint le Secrétaire. Il est décédé à Toulouse le 5 février 1951, âgé de 75 ans. C'est grâce à l'amabilité de Madame Garrigues, sa veuve, dé cédée en 1960, et de son fils Edmond, qu'il m'a été per- mis de prendre connaissance du travail de M. Garrigues, et de très intéressants renseignements sur Montastruc. Ils ont servi de base à la rubrique concernant la Révolution. Je tiens à leur exprimer ma plus vive reconnaissance. Paul MERCADAL. Je me fais un agréable devoir de remercier MM. Gineste et Michel, Maires de Montastruc-la-Conseillère qui ont bien voulu mettre à ma disposition les archives commu- nales. J'exprime ma profonde gratitude à Monsieur Philippe Wolff, Membre de l'Institut, Professeur à l'Université de Toulouse qui a eu la complaisance d'examiner ce travail et de me donner des renseignements très précis sur les documents concernant la période du Moyen-Age sur Mon- tastruc et les environs. Je remercie enfin toutes les personnes qui ont eu l'ama- bilité de me confier des documents intéressant notre région. P. M. I

ORIGINES DE MONTASTRUC

SITUATION ET ORIGINES DU NOM

Montastruc-la-Conseillère, actuellement chef-lieu de can- ton à 20 kilomètres de Toulouse (Nord-Est), comptait 1 070 habitants en 1842. Il est resté longtemps avec une population variant entre huit et neuf cents habitants. Ce n'est que depuis 1960, date de la venue des Rapatriés d'Al- gérie, que sa population s'est accrue pour atteindre 1 800 habitants environ en 1972.

D'une superficie de 1 548 hectares, et d'une altitude moyenne de 230 mètres, Montastruc constitue un des points les plus élevés entre l'Albigeois et le Toulousain. Le sol est très fertile. Le nom est formé de la réunion de deux autres : Mont qui indique un endroit élevé, et Astruc qui, en Provençal désigne un attelage de labour. Certains font dériver le mot Astruc de astre, en latin « Aster », et ont ainsi prétendu que le nom de Montastruc avait été choisi pour désigner un haut-lieu bien influencé par les astres. D'autres, enfin, pensent que Astruc vient d'un nom de personne fréquent dans les pays de langue d'Oc. Le 16 août 1890, sur sa demande, la Municipalité obtint l'autorisation d'ajouter le nom de « Conseillère » à celui de la commune, qui est devenue, depuis lors, Montastruc- la-Conseillère. Quant à l'origine du nom de « Conseil- lère » elle est en liaison avec une histoire dont il est question à la rubrique des Châteaux de Montastruc (Châ- teau de la Conseillère). VILLELONGUE

La désignation de « Villelongue » trouvée dans quel- ques vieux actes, était employée par erreur pour l'attri- buer à la localité de Montastruc. En fait, Villelongue désignait, au XIV siècle, un archi- diaconé comprenant le pays entre la Garonne et le Tarn, et une division territoriale pour la Justice, appelée « Judi- cature de Villelongue ». Cette dernière s'étendait depuis Castelsarrasin, jusqu'aux portes de Lavaur. Les juges de Montech, Villemur, Buzet étaient censés « lieutenants du Juge de Villelongue », qui était peut-être Castelsarrasin (1).

LES ARMOIRIES DE MONTASTRUC

Les armoiries étaient destinées à distinguer les Etats, les provinces, les villes, les ordres religieux, la chevalerie, les communautés et les familles. Dans ce dernier cas, elles étaient des marques héréditaires de noblesse commune à tous les membres. Il est présumé que l'origine des armoiries remonterait à l'époque des premières Croisades, vers 1096. A Montastruc, il y avait deux armoiries différentes : celles de la Communauté, et celles des Seigneurs. Ce sont ces dernières qui ont été retenues et dont le blason figure au-dessus de l'arcade centrale de la Mairie. D'après l'Armoirial général de , le blason de Montastruc est ainsi décrit : « D'azur à trois fleurs de lis d'or, accompagnées en cœur d'un monde de même, sur- monté d'une croix ». Le sceau municipal « porte d'argent à un mont de sino- ple (vert) sommé d'un arbre de même (couleur) avec les

(1) D'après les « Mémoires de la Société Archéologique du Midi » Tome IV (1840-1841). lettres de sable (noir) A S T à dextre, et R U C à sénestre, posées en arc, à la bordure de gueules (rouge) chargée de six fleurs de lis d'or ». Sous cette dernière figuration, les armoiries sont celles des anciens seigneurs de Montastruc. (D'après le Bulletin de la Sté Archéologique du Midi - 1908, 1909 - P. 458).

ORIGINES DE MONTASTRUC

Avant l'arrivée des Romains, le pays toulousain était le domaine d'un peuple Celte à civilisation originale, les Vol- ques Tectosages, qui, très tôt, s'est heurté à l'expansion- nisme romain, et qui fut rapidement vaincu. Vers 120 avant J.-C., Toulouse possédait une garnison romaine. Au V siècle, les Wisigoths succédèrent aux Romains dans leur domination. La civilisation Gallo-Romaine se maintint tant bien que mal, mais après la défaite de Vouillé en 507, où le roi des Wisigoths Alaric II, fut vaincu par Clovis, roi des Francs, la région toulousaine va connaître une période sombre de plusieurs siècles, pour renaître avec tout le Midi aux XI et XII siècles, sous le règne des comtes de Tou- louse. C'est le temps des Troubadours, ce sera bientôt l'aven- ture Cathare et la croisade des seigneurs du Nord. Du XI au XIII siècles, il y a eu de grands défriche- ments et une forte poussée démographique qui s'est con- crétisée par la création de nombreuses communautés sur le Terrefort toulousain. Il est probable que Montastruc doit son origine à ce mouvement. D'abord dépendance de la commanderie des Hospita- liers de St-Jean de Garidech, qui y conservèrent quelques terres jusqu'en 1790, Montastruc devint ensuite en 1242, une « Bastide » fondée par Sicard Alaman son nouveau seigneur. Favorisé par ses fonctions de conseiller et lieutenant du comte de Toulouse, Sicard Alaman fit de nombreuses acquisitions de terres, d'abord dans l'Albigeois et l'Age- nais, ensuite dans le Toulousain. En 1241 il acquit plusieurs domaines sur le territoire actuel de Montastruc, dont l'un sur la colline au Sud-Est d'Yder, appelé aujourd'hui En Fontanel, puis Saint-Paul- d'Yder, Les Mortiers, Pierresol, Capeyran, et le plus impor- tant de tous, le domaine de Lasserre, aujourd'hui propriété de la famille de Castelnau. Enfin, en 1244, il effectua l'achat du fief de Montpradel (situé à l'entrée Nord du tunnel du chemin de fer actuel). Au Moyen-Age, dans le Midi, on appelait « Bastide » une agglomération en voie de construction, une « bâtie », dont l'octroi de franchises favorisait le développement. Une enceinte fortifiée pouvait lui permettre de se pro- téger des attaques extérieures, mais ce n'était pas toujours le cas. L'érection des bastides était indispensable au seigneur voulant garder son indépendance. Pour y attirer les habi- tants, il leur accordait généralement une charte qui assu- rait à ceux-ci certaines libertés, certains avantages et qui en fixait les règles. C'est ce que fit Sicard Alaman. Le 20 janvier 1242, il accorda aux habitants de Montastruc une « Charte de Libertés et coutumes » dont on trouvera des extraits plus loin. Vue générale 1900. Ancienne route de Toulouse, par où les troupes montèrent à l'assaut lors du siège de la ville en 1590. Aujourd'hui Avenue des Brantes.

Vue générale 1973 (Av. des Brantes)

Le site de Montastruc n'avait pas été choisi au hasard puisqu'il se trouvait sur une voie de communication importante (camino-francès). Sicard Alaman avait une pro- pension très nette à acheter des fiefs situés sur des voies de communication soit terrestres soit fluviales, ce qui lui per- mettait de percevoir des « péages ». Il ne semble pas que Sicard Alaman ait conservé très longtemps la seigneurie de Montastruc, car en 1248, le comte de Toulouse donna une nouvelle charte aux habi- tants maintenant les avantages accordés par Sicard Ala- man, ce qui suppose que Montastruc passa à cette époque sous le contrôle direct de l'administration comtale. Vraisemblablement entre 1242 et 1248, Montastruc fut rattaché à la châtellenie de Buzet qui englobait les com- munes de , Bouloc, Garidech, Gémil, Lugan, Mont- joire, Paulhac, Roqueserière et Sénil. Cette châtellenie appartenait au comte de Toulouse, Raymond VII, qui avait acheté, en 1235, à Pilfort de Rabastens, un terrain à Buzet, sur lequel il assit un château fort pour comman- der un pont sur le Tarn, point stratégique entre l'Albigeois et le Toulousain à proximité du confluent de l'Agout et du Tarn. Sur le territoire de Montastruc, étaient érigés le fief fon- cier de Lasserre, celui de Lavalade, celui de Montpradel et quelques autres seigneuries subalternes dépendant, soit des comtes de Toulouse, seigneurs directs, soit des archevê- ques de Toulouse, barons de Verfeil et de . Dans l'acte d'achat de 1235, le comte de Toulouse s'en- gageait à ne jamais vendre ou échanger la châtellenie de Buzet à moins de donner le comté en entier. (Voir la rubrique de Buzet.) En 1271, à la mort d'Alphonse de Poitiers, le comté de Toulouse fut réuni à la couronne de France et la châtelle- nie de Buzet, dont dépendait Montastruc, passa au pouvoir du roi de France, Philippe III, qui en devint le seul sei- gneur. A mesure que le seigneur s'éloigne, la vie municipale s'exerce avec un peu plus d'indépendance. Sous l'admi- nistration des Sénéchaux qui représentaient le Roi de France, Montastruc jouit d'un peu plus de liberté. Les Consuls élus par les habitants administrent presque entiè- rement la Communauté. Il en fut ainsi pendant cinq siècles; les rois de France ne faillirent pas à la clause de 1235, qui, pour eux, cons- tituait un droit d'inaliénabilité en faveur de la région de Montastruc. Mais en 1771, Louis XV dérogeant à cette obligation, concéda au comte de Clarac le château de Buzet et tous les pays qui en dépendaient. Les habitants se trouvèrent ainsi contraints de subir la souveraineté du nouveau sei- gneur, mais, au fond, ils n'acceptèrent jamais son autorité qu'ils jugeaient contraire à leurs anciens droits. Le comte Roger, Valentin de Clarac, ancien colonel au régiment du Maine, fit définir par arrêté de 1782 les droits et prérogatives lui appartenant en tant que seigneur de la châtellenie de Buzet. Cet arrêté définissait tout ce qui avait rapport aux Officiers de Justice, aux comptes des Marguilliers et des administrateurs des biens des pauvres, aux assemblées de la Commnauté, aux devoirs des Consuls, à la conserva- tion des titres et cadastres, à l'exercice de la police, à la préservation du gibier, des récoltes, des pâturages et aux vendanges. Le comte de clarac se déclarait propriétaire des fossés, remparts, escarpes, contrescarpes, murs et por- tes de la ville, dont cette dernière avait pourtant une possession immémoriale et ininterrompue. Par ses soins, tous ces ouvrages furent démolis et les emplacements ven- dus à des particuliers. Il s'empara même de plusieurs piè- ces du communal de la Brante, et les vendit, notamment à Louis Pradines et à Mme Veuve Delor de Masbou (archives mun. f° 6). Enfin, désireux de tirer parti même des plus petits profits, le comte de Clarac s'appropria les mesures et pugnères des foires et marchés afin de bénéficier des droits qui s'y trouvaient rattachés (arch. mun. f° 30). Les habitants de Montastruc n'avaient pas l'esprit d'ac- cepter de telles vexations, et les Consuls introduisirent auprès du Sénéchal de Toulouse, une instance contre leur seigneur. Le procès ayant passé par tous les degrés de juridiction, un arrêt du Conseil du Roi, en date du 11 juillet 1786 condamnait le comte de Clarac à rem- bourser à la communauté une somme de trois mille cinq cent quarante livres, avec les intérêts « d'y celle sur le pied du denier vingt, à compter du jour de la prise de possession de M. le comte de Clarac, des différentes par- ties du domaine de Montastruc » (arch. mun. f° 18). La cause des Consuls paraissait complètement gagnée. Elle ne l'était qu'en apparence : il semble que cet arrêt n'ait jamais été exécuté. La Révolution de 1789 ayant éclaté peu après, il n'en est plus question dans les archi- ves municipales.

SICARD ALAMAN FONDATEUR DE LA BASTIDE DE MONTASTRUC

A la fin de la Croisade contre les Cathares, on assiste à une rapide ascension d'une famille albigeoise : les Alaman. En 1196, Doat Alaman, père de Sicard, est l'un des conseillers du comte de Toulouse Raymond VI. Au début du XIIIe siècle lorsque se déclenche la guerre contre les Croisés de Simon de Montfort il se range naturelle- ment dans le parti toulousain, opposé aux Croisés. Sicard Alaman s'illustra dans la carrière politique en tant que conseiller et lieutenant du comte de Toulouse, Raymond VII, le dernier de la dynastie Raymondine. C'est Sicard Alaman qui, pendant et après la croisade des Albigeois, fit la fortune et le renom de sa famille. A la mort de Raymond VII, il demeura au service de son successeur Alphonse de Poitiers, frère du roi Louis IX (Saint Louis) et gendre de Raymond VII. Sous ce nouveau comte, Sicard a été, semble-t-il un administrateur avisé du comté de Toulouse. Lorsque le comté de Toulouse fut réuni à la couronne, Sicard Alaman prêta serment de fidélité au Roi, le 8 octobre 1271. Sicard qui avait la clé de la tour de Buzet où était enfermé le trésor des comtes de Toulouse, or, argent, joyaux, dut répondre d'usurpations qu'on l'accusa d'avoir commises. L'affaire traîna en longueur et ne se termina qu'après sa mort en 1275, par un accord entre le roi Philippe III- le Hardi, et Sicard fils (dit le jeune). Celui-ci serait libéré de toutes demandes de restitution moyennant un versement de 13 000 livres au roi de France. Malgré tous les biens qu'il avait accumulés par les créations de bastides, comme à Montastruc et Bouloc, et les nombreux péages sur les routes, ponts et rivières dont il retirait de gros bénéfices, Sicard Alaman laissa, à sa mort, un passif considérable. Sicard le jeune, malade, ne survécut pas longtemps à son père; il mourut en 1280. Tous deux avaient choisi d'être ensevelis à Toulouse dans l'église des Frères-Prêcheurs (église des Jacobins). (D'après Ch. Higounet « les Alaman Seigneurs bastidors et péagers du XIII siècle » Annales du Midi, tome 63, 1956, pages 227 à 253). COUTUMES & LIBERTÉS accordées par SICARD ALAMAN aux habitants de MONTASTRUC AN 1242 - 20 Janvier

Au moment où Sicard Alaman a accordé la Charte de Libertés et coutumes, Montastruc était déjà un centre de peuplement important avec une organisation municipale, comme en témoigne l'existence des consuls dont il est question dans la Charte. Il y avait également au début de 1241, à Montastruc, un notaire public résidant au village. La Charte était rédigée en latin; en voici de larges extraits : « Que tous les présents et à venir sachent que Sicard Alaman a accordé et concédé pour lui et pour tous ses héritiers et successeurs, à tous les hommes et toutes les femmes présents et futurs qui sont déjà venus et qui vien- draient par la suite pour habiter ou séjourner au lieu appelé Montastruc, que chacun possède pour travailler deux cartonnées de terre libres avec deux sous toulou- sains d'oblies qui soient payés chaque année en la fête de saint Thomas, et avec deux deniers de reracapte quand le moment sera venu. « Pour les autres terres, que chacun en ait ce qu'il voudra travailler, moyennant la tasque qu'il paiera au même seigneur, ou à son baile, en gerbes ou en grains, au choix du seigneur ou de son baile dans la même terre. « Il a accordé et concédé aux habitants un emplacement pour construire des maisons et l'exonération vis-à-vis du même seigneur des droits de fouage, d'albergue et de queste avec six deniers toulousains d'oblies qui soient payés chaque année au seigneur ou à son baile, en la fête de saint Thomas et deux deniers de reracapte quand le mo- ment sera venu; une éminée de terre pour planter et cultiver une vigne, avec trois deniers toulousains d'oblies qui soient payés au seigneur ou à son baile, chaque année en la fête de saint Thomas, et deux deniers de reracapte quand le moment sera venu. « Il s'est réservé en outre, pour lui et pour ses succes- seurs, en ce qui concerne les terres citées plus haut, qu'elles ne puissent être inféodées, engagées ou aliénées à un chevalier, à son fils ou à un clerc ou à une maison reli- gieuse, ni de façon telle, que le seigneur puisse par la suite perdre ses droits. Bien plus, le seigneur doit être prioritaire pour la vente des terres ou leur engagement, s'il veut les garder. Dans le cas contraire, que les terres soient vendues à n'importe qui, sauf aux personnes déjà citées, par décision du seigneur ou de son baile et que celui-ci reçoive un denier pour un sou de vente et une obole (1) pour un sou de gages. « Il a de même accordé et concédé aux mêmes hommes et femmes cités plus haut, que si quelqu'un vient dans ce lieu, en charge d'office pour y habiter ou y séjourner, qu'il puisse librement exercer son office conformément aux coutumes mentionnées et avec les obligations qu'il a, suivant sa condition, du maître ou de son baile comme il est précisé plus haut. « Cependant tous les fours et moulins doivent être la propriété du seigneur déjà nommé, de ses successeurs et de ses héritiers. Il a aussi accordé et concédé aux mêmes hommes et femmes déjà mentionnés que quiconque vien-

(1) Obole : ancienne monnaie de cuivre valant un demi denier dra pour habiter ou séjourner au lieu en question, d'où qu'il soit, puisse aller, revenir, rester librement dans le territoire du lieu avec les coutumes et les obligations qui ont été précisées et qu'il est tenu d'accomplir vis-à-vis du seigneur ou de son baile. « Il a aussi accordé et concédé aux mêmes hommes et femmes sur tout le territoire de ce lieu, que les pâturages soient exonérés de redevances, que la coupe de bois pour la construction des maisons et pour leur chauffage soit libre et sans forestage, et que toutes les eaux soient égale- ment libres. « Il a en outre accordé et concédé la liberté et l'usage si quelqu'un meurt sans héritiers, et qu'il n'y ait ni don, ni testament de la part du défunt ou de la défunte, que la moitié de tous les biens et de tous les meubles et im- meubles de ce défunt soit et reste la propriété du seigneur, que l'autre moitié soit donnée pour l'amour de Dieu, sur avis des consuls du lieu, à condition cependant qu'un an après le décès, n'apparaisse un héritier ou quelqu'un man- daté par lui, que durant cette année, le baile et les consuls du lieu aient en gérance les biens du défunt. « Si quelqu'un, de nuit, vole des raisins ou des fruits, qu'il soit tenu de donner au seigneur cinq sous toulou- sains de justice. Cependant s'il vole, de nuit, des raisins ou des fruits et les emporte dans un panier ou un sac, qu'il soit tenu de donner soixante sous toulousains de justice. Que les consuls soient tenus de faire payer l'amen- de pour celui qui, à leur connaissance, aura subi le dom- mage. « Ledit Sicard a réservé par ailleurs que, si quelqu'un fait une blessure à un autre, comme c'est l'habitude à Toulouse et que la preuve en soit faite par l'aveu du plaignant ou par des témoins, qu'il soit tenu de donner soixante sous de justice à la victime et que celle-ci perçoive l'amende sur les biens de celui qui l'aura blessée, à la connaissance du seigneur ou de son baile et des consuls de la même ville. « Si quelqu'un qualifie un autre de menteur, illégitime ou délateur, que le seigneur exerce la justice de la manière dont le baile et les consuls du lieu ont l'habitude de la rendre, selon la gravité du délit. « Il a de même concédé, que tous les griefs et les querelles, qui se produiraient dans ladite ville et dans ce lieu, seraient jugés par le baile et les consuls du lieu. « Il s'est réservé en outre, pour lui et pour ses succes- seurs, de percevoir dans toutes les boucheries n'importe quel dimanche, une cuisse de porc et de la viande de vache et de bœuf et que soit préparée par les bouchers la réserve de viande du seigneur lorsqu'il sera dans la ville. « Il a accordé et concédé de plus, que tout homme et toute femme qui séjournera et habitera dans cette ville et dans ce lieu puisse constituer une saumade de sel cha- que année en la fête de Noël pour son propre usage, libre- ment et sans taxes. « Il a accordé et concédé que quiconque aura été pris manifestement en délit d'adultère, homme et femme, donne au seigneur ou à son baile soixante sous toulou- sains, ou bien, s'ils préfèrent, qu'ils traversent la ville l'un et l'autre, tout nus. « Celui qui aura menacé un homme ou une femme avec un couteau, une pierre, un bâton ou un morceau de de bois, sera tenu de donner au seigneur trente sous tou- lousains de justice, s'il n'a pas porté de coups. S'il a frappé quelqu'un il sera tenu de donner de justice selon la gravité du délit. « Ces libertés et coutumes selon ce qu'elles sont pres- crites ci-dessus et conformément aux libertés et coutumes qui sont en vigueur à la place forte de Castelsarrasin, ledit Sicard Alaman les a accordées et concédées à tous les hommes et à toutes les femmes présents et futurs qui sont déjà venus et qui viendraient par la suite pour séjour- ner ou habiter au lieu-dit Montastruc, promettant que lui, ses héritiers et ses successeurs les conserveraient à jamais, les maintiendraient et les garderaient pour tous les hommes et toutes les femmes ci-dessus, présents et futurs, pour leurs héritiers ou successeurs, sans qu'aucun droit ne puisse y contredire. « Tout cela a été ainsi fait et concédé à Toulouse à la Cour du Seigneur Comte sous le règne de Louis, Roi des français, R. Comte de Toulouse Les témoins sont Pierre Laurentius, David, baile dudit Si car d Alaman et Bernard Aimeric, notaire public à Toulouse, qui a rédigé cette Charte sur l'ordre de Sicard Alaman, lui-même. » La charte de 1242 est le premier texte historique connu sur Montastruc. Elle ressemble aux autres chartes accor- dées à la même époque aux bastides de la région. Les chartes du XIII siècle présentent à peine quelques dispositions sur le droit civil; elles traitent au contraire longuement des affaires criminelles et des délits, fixant les règles à appliquer en matière de justice. A Rabastens, Gaillac et Cordes, les crimes les plus graves sont l'assassinat, le viol, l'hérésie, le faux, les bles- sures. Tous entraînent habituellement la confiscation des biens du coupable. La coutume de Monclar porte que l'assassin sera « traîné et pendu ». A Labessière près de Graulhet (81) le coup qu'un père donne à son fils, le mari à sa femme « en manière de cor- rection », n'est pas punissable. A Rabastens, Roquemaure, Gaillac, les vols sont punis des peines suivantes : amende, confiscation des biens, condamnation au poteau, course par la ville à coups de verges, restitution du double de la valeur de la chose volée. Enfin quand il se fait un « maléfice clandestin », c'est- à-dire quand on ne trouve pas le coupable d'un vol ou d'un dégât, la communauté entière est responsable. D'autres chartes accordées plus tard, au XIV siècle, à Cuq-Toulza et à Revel, sont encore plus étendues, surtout celle de Revel qui comporte 87 articles, parmi lesquels : mode de nomination des consuls, leur juridiction, affai- res de dettes, de tromperie sur les marchandises vendues, rixes sur les marchés, droit de correction du père de famille sur sa femme et ses enfants, foires, garde de la ville, frais de justice, obligations militaires envers le roi, prisons et appareils de justice : fourches patibulaires, piloris... Cette dernière charte fut concédée le 8 juin 1342 par Agout de Baux, Sénéchal de Toulouse, pour la fondation de la bastide de Revel. (Extraits de « Chartes et franchises du Lauragais » par Ramière de Fortanier, Paris 1939). QUELQUES DÉFINITIONS concernant les Impôts et les Coutumes

ACAPTE : Impôt dû par le possesseur d'un bien tenu à cens, à la mort du seigneur dont il relevait. ARRIÈRE-CAPTE OU RERACAPTE : Due à la mort du tenan- cier par son successeur. ALBERGA OU ALBERGUE : Redevance instituée au profit du seigneur due par toutes les communautés, pour l'exo- nération d'autres taxes sur certaines servitudes (eau, bois, pâturages). ALLIVREMENT : Revenu foncier servant de base pour le calcul de la taille, fixé sur le « compoix » aujourd'hui « revenu cadastral ». AIDES OU AYDES : Impôt direct sur les marchandises vendues. BANALITÉ : Droit qu'avait le seigneur d'obliger ses vassaux à se servir d'une chose lui appartenant, en lui payant pour cet usage une certaine redevance : fours à cuire le pain, moulins, forges, pressoirs, foulons, et quel- quefois taureaux et verrats. La plupart des communautés déclarent, dès le XV siècle, qu'elles ne sont pas sujettes à la banalité des forges et des moulins. FOUR BANAL : Four chauffé de deux à quatre fois par semaine suivant les besoins, et entretenu par le seigneur qui répondait de la bonne cuisson du pain, et devait le faire chauffer à ses frais. Le « fournier » allait générale- ment prendre la pâte à domicile et y rapporter le pain. Les meilleures conditions consenties par les seigneurs pour la cuisson et le transport étaient de un pain sur vingt. On trouve des actes relatifs à des fours banaux antérieurement à 1180. FORGE BANALE OU BANNIÈRE : Il en existait une à Garidech en 1392; la redevance était fixée à cinq pugnères de blé par paire de bœufs, pour l'affûtage et l'entretien de l'outillage de la ferme. BLADADE OU BOUADE, ARAIRE, PAX, QUESTE : Termes dif- férents employés selon les lieux, pour désigner un impôt perçu par le seigneur sur les bêtes de labour, et même sur les hommes travaillant la terre. CAPITATION : Impôt fixé par tête d'habitant. CENSIVES OU SANSIVES : Terres soumises à l'impôt du « cens ». CENS : Impôt sur les terres cédées par des nobles à des roturiers. Cet impôt était généralement peu élevé (6 de- niers par arpent de terre dans la région en 1670). CHAMPART : Part revenant au seigneur sur le nombre de gerbes récoltées (un neuvième dans la région en 1488). COLLECTEUR : Nom désignant celui qui procédait à la levée des impôts. Il était désigné tous les ans par adjudi- cation appelée « moins dite ». Si aucun enchérisseur ne se présentait, la communauté en désignait un d'office, appelé « collecteur forcé ». La rémunération moyenne était de 12 à 13 deniers par livre encaissée. Le collec- teur devait être cautionné par un « notable ». COMPOIX-TERRIERS : Premiers cadastres créés vers 1460. C'était le registre des mutations des terres de la commu- nauté, où la propriété était estimée, suivant sa superficie et la nature du sol. Ce livre « d'estime et d'allivrement » servait de base pour le calcul des impôts. CORVÉES : Journées de travail imposées au profit du seigneur direct sur ses champs ou à son château. En 1286, le seigneur de Mézens (81) (à 12 km de Montastruc) se réserva que chaque chef de maison lui ferait annuellement de la Toussaint à la St-Jean-Baptiste, une journée de tra- vail, sans « qu'il fut aucunement tenu de lui donner à boire et manger ». Dès les temps les plus reculés, des contestations s'élevèrent entre les seigneurs et leurs vas- saux à ce sujet. DIME : Impôt paroissial rendu obligatoire par les Carolingiens; il se montait au dixième de la valeur des produits agricoles récoltés. Il était remis au curé qui en transmettait une partie, le tiers ou le quart, à son évêque, et conservait le reste pour les pauvres, l'entretien de l'église et les besoins du clergé paroissial. Très souvent les « patrons » des paroisses, chevaliers et monastères, se l'appropriaient et le détournaient de sa vraie destination. FORESTAGE : Droit perçu sur l'utilisation de bois sur le territoire de la commune, soit pour la construction, soit pour le chauffage. FOUAGE : Droit levé par le seigneur sur tout habitant tenant feu. Il était perçu non par tête, mais par foyer (maison d'habitation). LEUDE : Tribut levé sur les choses vendues au marché. Il était plus élevé les jours de foire que les jours de mar- ché. Au XIII siècle il n'y avait que 2, 3 ou 4 foires par an; elles se tenaient généralement les jours de fête d'un saint en renom. A Montastruc, la plus importante avait lieu le 24 août, fête de saint Barthélemy, patron de la paroisse. LODS : Redevance perçue par le seigneur sur les héri- tages vendus, terres ou maisons, taxés au douzième pour les achats, et au vingt-quatrième pour les engagements. MANDE ROYALE : Lettre adressée à la communauté par l'Intendant ou le Trésorier général des finances, fixant le montant de la part du Roi que la communauté devait verser à titre d'impôt. PÉAGE : Droit de passage exigé sur toutes les marchan- dises lorsqu'elles passaient par une ville, par une seigneu- rie, sur certaines routes, rivières, écluses des chaussées, sur les ponts et les bacs. Les droits de péage comme les leudes, étaient plus élevés les jours de foire que ceux de marché. Suivant la nature des marchandises, ils se levaient en « trousseau » ou « baie », demi-trousseau ou « charge » pour les draps, ou « saumado » (charge d'un âne) moitié de la charge normale, ou « faix » et « collier » qui étaient la charge d'un homme.

Les droits se prenaient par tête pour le gros bétail, par douzaine ou troupeau pour le menu bétail. En retour de ces droits de péage, le seigneur devait entretenir la route ou autres voies en bon état, et aussi en garantir la sûreté. Le voyageur détroussé entre le lever et le coucher du soleil pouvait se faire indemniser par le seigneur. PESADE : Impôt spécial assurant la protection des pay- sans et de leurs bêtes. Il était assuré par des « paissiers » chevaliers soldés. Il fut créé en 1191 par l'évêque d'Albi, par un accord entre le comte de Toulouse et le vicomte Trencavel de Béziers. Une caisse de secours, gardée par l'évêque, indemnisait les victimes éventuelles. Le comte de Toulouse, par la suite, obligea l'évêque à lui en remet- tre une part. Les « paissiers » disparurent et la « pesade » demeura à titre d'impôt. C'est le premier impôt général que l'on connaisse. SAUMADE : (Voir au mot « péage »). TAILLE : Impôt direct sur la propriété, levé par tête ou capitation (taille personnelle) ou assise sur les biens (taille réelle). Les biens des ecclésiastiques et des nobles en étaient exonérés. Toutefois en 1221, le comte de Tou- louse décida que toutes les nouvelles possessions et celles des chevaliers et des religieux, à quelque titre que ce fût, contribueraient à la taille. On marqua longtemps le paiement au moyen d'entailles faites simultanément dans deux morceaux de bois super- posés, dont l'un restait entre les mains du collecteur et l'autre dans celles du « taillable ». C'est de cet usage très ancien que vint le nom de taille pour distinguer cet im- pôt. Ce système de marquage était encore employé, au début du XX siècle, par les boulangers de la région au cours de leurs tournées, pour marquer les pains livrés aux clients. TASQUE : Le droit de tasque et de champart consistait à donner au seigneur le 9 le 7 ou même quelquefois le quart des récoltes de l'exploitation. TAULAGE DE LA BOUCHERIE : Dans certaines régions du Midi, le seigneur prenait les jambes de cochons tués, les jours de marché, les dimanches des fêtes de la Vierge, des Apôtres, et des fêtes précédées d'un jeûne. Les divers quar- tiers de viande de bœuf et de vache devaient être exposés au « masel » le jour de la Noël. Les bouchers ne pouvaient étaler la viande qui n'aurait pas été visitée par les consuls. Si cette viande était recon- nue de mauvaise qualité ou provenait d'une bête morte de maladie, elle était confisquée, et le boucher condamné à une amende, dont le montant variait selon les commu- nautés. (Coutumes de Gaillac, XIII siècle). TOLTA OU TOLTE : Droit perçu sur tout ce qui entrait en ville (Octroi). Les impôts payés par les communes comprenaient les impôts royaux, dont le chiffre était donné par la « Mande Royale » qui leur était adressée tous les ans, les tailles pour les dépenses particulières des communes, les aydes, subsides ou tailles, au profit du seigneur. Tous les impôts étaient répartis et levés par les consuls. AUTRES TERMES EMPLOYES AU MOYEN AGE

BAILLI OU BAI LE : Représentant permanent du seigneur ou du juge; en leur absence, il recevait le serment des consuls et celui des agents de justice et de police, il percevait les amendes du produit des condamnations. Cette charge était donnée par le seigneur, au plus offrant et dernier enchérisseur. Les droits de justice étaient souvent donnés à ferme au bailli; il avait ainsi intérêt à en augmen- ter le produit, car les pénalités étaient toujours fiscales... Baile est la forme méridionale du mot « bailli » en langue d'Oïl. BAYLE : Agent de la Communauté, crieur public, pour proclamer au son de la trompe, devant la population réunie, les ordonnances ou défenses du seigneur, ainsi que la vente aux enchères. CAPITOUL : Nom donné aux magistrats municipaux de Toulouse, du Moyen Age à la Révolution. CONSUL : Les consuls étaient les premiers magistrats municipaux qui administraient les communes. ECHEVIN : Magistrat municipal chargé avant la Révolu- tion de la direction de la police; dans certaines localités il coopérait avec le juge. FOI ET HOMMAGE : Les propriétaires du sol étaient tenus vis-à-vis de leur supérieur immédiat à la foi et hommage et au service militaire. HONNEUR - HONOR : Terme s'appliquant à un noble exempt de taille et investi du droit de justice. Tous les « honneurs » qu'avaient les seigneurs dans l'étendue de la juridiction du lieu, contribuaient aux dé- penses de la ville, tout aussi bien que les honneurs appar- tenant aux « prud'hommes » (charte de Gaillac de 1221). Un accord entre Raymond VII et l'abbé du Monastère de Gaillac, portait que si quelqu'un du monastère tenant des honneurs à cens annuel, était condamné en justice, ou décédait intestat, les honneurs seraient vendus à des « per- MONTASTRUC en 1789