La Mobilité Des Savoyards Aux Portes De La Maurienne (1860-1914)
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Jean Duma (dir.) Des ressources et des hommes en montagne Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques La mobilité des Savoyards aux portes de la Maurienne (1860-1914) Jean-Marc Villermet DOI : 10.4000/books.cths.5745 Éditeur : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques Lieu d'édition : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques Année d'édition : 2019 Date de mise en ligne : 18 juin 2019 Collection : Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques ISBN électronique : 9782735508884 http://books.openedition.org Référence électronique VILLERMET, Jean-Marc. La mobilité des Savoyards aux portes de la Maurienne (1860-1914) In : Des ressources et des hommes en montagne [en ligne]. Paris : Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2019 (généré le 20 novembre 2020). Disponible sur Internet : <http:// books.openedition.org/cths/5745>. ISBN : 9782735508884. DOI : https://doi.org/10.4000/books.cths. 5745. Ce document a été généré automatiquement le 20 novembre 2020. La mobilité des Savoyards aux portes de la Maurienne (1860-1914) 1 La mobilité des Savoyards aux portes de la Maurienne (1860-1914) Jean-Marc Villermet Une ouverture sur le monde 1 La Savoie a conservé de son histoire séculaire et de sa position frontalière à la jonction de trois pays, France, Italie et Suisse, des particularismes locaux dans des domaines variés. Si la circulation des hommes a toujours existé, elle se renforça et s’accéléra avec l’apparition de nouveaux moyens de communication, terrestres et maritimes, lors des révolutions industrielles successives, puis aériens, surtout après la Seconde Guerre mondiale. En quoi les portes de la Maurienne furent-elles impactées par le phénomène migratoire à partir du milieu du XIXe siècle ? Comment mesurer scientifiquement la mobilité des habitants de cet espace montagnard au XIXe et au XXe siècles ? Quelles trajectoires ont-ils suivi ? Pourquoi ont-ils privilégié une direction plus qu’une autre ? Quelles furent les conséquences de ces déplacements pour le territoire ? Dominé par les massifs du Grand Arc et de la Lauzière, au cœur d’un triangle reliant les villes de Chambéry, Albertville et Saint-Jean-de-Maurienne, ce territoire est a priori géographiquement enclavé, sans liaison directe par voie terrestre avec la vallée voisine, la Tarentaise. Malgré tout, des relations ont eu lieu entre les deux vallées, particulièrement dans une dimension internationale. Comment se sont-elles mises en place ? Quels furent les effets de cette situation sur le fonctionnement de la société locale ? 2 Afin d’apprécier la mobilité des familles sur les pentes des massifs du Grand Arc et de la Lauzière (fig. 1), une étude fut menée à partir des registres de matricules déposés aux archives départementales de la Savoie1. Femmes et enfants étant, hélas, souvent absents des archives à l’échelle locale, il a été néanmoins possible d’envisager parfois leur mobilité par le biais du mariage, en étudiant notamment une cohorte de 977 hommes domiciliés dans le canton d’Aiguebelle. Ils sont tous âgés de 20 ans entre 1860, année du rattachement de la Savoie à la France, et la fin du XIXe siècle, lorsque débute la Des ressources et des hommes en montagne La mobilité des Savoyards aux portes de la Maurienne (1860-1914) 2 Belle Époque2, synonyme de progrès sociaux, économiques, techniques voire politiques, et qui se prolongent jusqu’à la Première Guerre mondiale. La période retenue coïncide avec l’installation du chemin de fer dans la traversée de la Maurienne : le train arriva en gare d’Aiguebelle en 1856. Le suivi de la mobilité de cette cohorte masculine est rendu possible jusqu’à l’âge de 40 ans puisque la plupart des dossiers de soldats font mention de leurs lieux d’habitation dans le cadre du suivi de leur mobilisation. L’étude de ces 977 dossiers a consisté à repérer, dans un premier temps, le lieu de l’affectation des hommes, lors de la conscription, puis les localités où ils résidèrent par la suite. Plus de 95 % de la population étudiée était, à l’origine, native des portes de la Maurienne : les 977 hommes dont le parcours fut analysé sont tous nés entre 1840 et 1874, les plus jeunes ayant eu 40 ans avant le 1er janvier 1915. Au-delà de cet âge, les registres ne fournissent plus d’information. Fig. 1. - Plan de l’espace Grand Arc - Bellachat - Lauzière : la ligne de crêtes sépare les vallées de la Maurienne et de la Tarentaise. © DAO : Jean-Marc Villermet. Fonds de carte : Syndicat Mixte de la Lauzière (collectivité locale). 3 Les résultats chiffrés de cette étude sont scientifiquement exploitables en raison de l’étendue de la population concernée, dans l’espace et dans le temps, bien qu’ils ne couvrent pas la totalité des hommes résidant sur le territoire puisque les registres de matricules ne font apparaître que les noms des individus tirés au sort durant cette période3. Cette étude ne permet donc pas d’enregistrer de manière exhaustive les mobilités masculines puisque, au cours du demi-siècle envisagé, un certain nombre d’individus échappèrent à la conscription. Bien que n’étant pas référencés dans les archives militaires, et s’il demeure difficile d’appréhender le phénomène, un certain nombre de ces hommes non repérés par l’Armée se déplacèrent tout de même et Des ressources et des hommes en montagne La mobilité des Savoyards aux portes de la Maurienne (1860-1914) 3 voyagèrent parfois vers des contrées lointaines, sans qu’il soit possible de connaitre avec exactitude leur destination (fig. 2). Fig. 2. - Population masculine étudiée aux portes de la Maurienne (977 individus nés entre 1840 et 1874). © Jean-Marc Villermet. D’après les registres de matricules (Arch. Dép. Savoie). 4 Les sources consultées permettent d’établir des échelles de mobilité en distinguant l’étendue des relations entre la Basse-Maurienne et le reste du département de la Savoie d’une part, entre les localités montagnardes du canton d’Aiguebelle inscrites dans l’espace alpin et le reste de la France d’autre part. Il s’agit aussi d’identifier la proportion de séjours voire d’installations à l’étranger afin d’évaluer l’étendue des relations transfrontalières à l’entrée de la Maurienne, mais aussi l’importance des échanges dans l’empire colonial français et avec des pays plus lointains. 5 Au total, les 977 individus étudiés, tous originaires des portes de la Maurienne, ont effectué au moins 3 612 déplacements (déménagements ?), temporaires ou définitifs, entre 1860 et 1915. Il est fort possible qu’ils se soient davantage déplacés encore puisque l’Armée n’assurait des relevés d’information qu’à des moments précis correspondant à une période de mobilisation. Les données sur les registres de matricules montrent qu’en moyenne un homme a changé 3,6 fois de lieu d’habitation durant les vingt années de son existence correspondant à une période de « maturité », entre 20 et 40 ans : le rapprochement entre les registres de matricules et ceux des recensements communaux de population permet d’établir que les Mauriennais voyageurs, en âge de fonder et faire croître une famille, contribuèrent souvent à la mobilité de femmes et enfants ; même si cette dimension demeure difficile à quantifier d’une manière générale4. 6 Quelle fut la part de la mobilité justifiée par des considérations économiques sur un territoire montagnard réputé difficile5 et la part d’une mobilité davantage orientée sur une forme de « volontarisme » et un goût pour l’aventure ? Les motifs de cette mobilité et les comportements furent différents selon l’âge, la structure familiale ou encore l’évolution des ressources économiques, difficilement repérables6, en dehors des changements intervenus à propos de l’étendue des parcelles indiquée sur des registres de recensements communaux. Les plus jeunes, dans les familles non liées au travail de la terre, déménagèrent plus souvent, pour des motifs allant du désir d’autonomie, Des ressources et des hommes en montagne La mobilité des Savoyards aux portes de la Maurienne (1860-1914) 4 lorsque les individus avaient une vingtaine d’années, ils s’engagèrent par exemple durablement dans l’Armée, à la recherche d’une meilleure qualité de vie pour les plus âgés, comme en témoignent les travaux de Christian Villermet publiés en 20007. Aux portes de la Maurienne, en un demi-siècle (1860 à 1915), la mobilité de proximité fut dominante puisqu’un peu moins de la moitié des hommes étudiés (43,89 %) n’ont pas quitté leur canton ou leur département à l’occasion de ces changements de résidence. À l’opposé, près de 1/5e de la population masculine envisagée (19,21 %) connut un dépaysement plus significatif en s’installant dans les grandes villes françaises. 7 Les raisons principales qui poussèrent les trentenaires à déménager plusieurs fois furent probablement différentes de celles des très jeunes individus quittant le service militaire. L’ambition de changer de lieu ou de statut professionnel motiva un certain nombre d’entre eux. Les individus de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècles trouvèrent-ils une certaine stabilité professionnelle ? Les archives consultées ne permettent pas d’avoir des certitudes à ce sujet. Dans l’hypothèse d’une stabilité, les hommes recherchèrent-ils davantage un logement plus grand, à la suite de la naissance d’enfants par exemple, un phénomène parfois repérable sur les registres de recensements communaux ? Cette explication pourrait justifier la mobilité des trentenaires voire des quadragénaires quittant la terre, comme l’attestent quelques cas dans les registres nominatifs de population au sein des archives communales. Bien qu’il ne s’agisse pas de l’objet principal de cette recherche, une étude sociologique plus fine comparant les fiches nominatives des registres de matricules et les informations contenues dans les registres paroissiaux ou communaux – sur les territoires d’accueil – permettrait sans doute d’aller plus loin dans l’analyse mais les sources demeurent pour l’heure fragmentaires.