La Guerre De 1914-1918 Dans Les Montagnes De La Haute-Meurthe
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LA GUERRE DE 1914-1918 DANS LES MONTAGNES DE LA HAUTE-MEURTHE PAR JEAN CORDIER DIRECTEUR D'ÉCOLE A PLAINFAING AOUT 1920 Imprimerie Louis FLEURENT, Fraize (Vosges) LA GUERRE DE 1914-1918 DANS LES MONTAGNES DE LA HAUTE MEURTHE I. La Mobilisation Par sa situation à l'extrême frontière, notre magnifique coin des Vosges a connu dès le début toutes les souffrances occasionnées par la grande guerre. Cette fin de Juillet 1914 était chaude et embrumée. Les nouvelles alarmantes qui venaient de tous côtés pesaient comme un lourd et pénible cauchemar sur les populations paisibles de la Haute-Meurthe. On voulait espérer contre tout espoir, malgré les indices les plus manifestes. Les jours qui ont précédé la mobilisation ont été très mouvementés. Le 27 Juillet les soldats permissionnaires recevaient l'ordre de rejoindre leurs garnisons ; certains ouvriers spécialistes étaient appelés par anticipation. Les dernières automobiles allaient en Alsace ou en revenaient avec précipitation. Dès le mercredi 29 la frontière allemande était fermée, la circulation était interdite et les pionniers de Colmar barraient déjà les routes. Les télégraphistes, les gendarmes, les douaniers, les forestiers déployaient une grande activité. Une surveillance sévère était exercée le long des routes frontières, on abattait les bois, on confectionnait hâtivement des tranchées rudimentaires, on plaçait les chaînes aux postes de douanes. Les journaux étaient attendus avec impatience et lus fébrilement. On commentait les nouvelles, on ne croyait pas à la guerre, on espérait toujours des arrangements. Le 30 Juillet, les bestiaux, les chevaux et les voitures étaient réquisitionnés. Le Bataillon du 158e Régiment d'Infanterie nouvellement caserné à Fraize, les Chasseurs à pied de Saint-Dié étaient alertés, envoyaient des patrouilles dans toutes les directions, formaient des petits postes à une distance respectable de la frontière. Tous ces préparatifs donnaient à la vie locale, si paisible d'ordinaire, une fièvre intense qui grandissait sans cesse, à mesure que l'heure fatale de la mobilisation approchait. Le vendredi 31, des ordres d'appel étaient distribués et enjoignaient à presque tous les réservistes de partir aussitôt. Le 1er Août, ils prenaient les trains du matin. Vers 16h30, les appels lugubres, du tocsin avertissaient les derniers hommes. L'airain sonore annonçait jusque dans les combes les plus reculées la terrible nouvelle de la Patrie menacée. A cet appel, tous les réservistes ont répondu : Présent ! Et les trains du soir emmenaient les derniers contingents. La mobilisation générale, accueillie avec un compréhensible émoi, ne fut troublée par aucun accroc ni incident fâcheux. Combien, parmi ceux qui sont partis si courageusement le 1er Août 1914 ne devaient plus revoir la chaumière et le village natal. Les malheureux ne se doutaient pas que les cloches, en les appelant au secours du pays, sonnaient aussi leur glas et qu'ils recevaient sans le savoir les adieux suprêmes de leurs mères, les derniers baisers de leurs épouses, l'ultime caresse de leurs enfants ! . Le 3 Août, la guerre était déclarée, et notre pays devait avoir le triste privilège d'être placé pendant toutes les hostilités à l'avant-garde de nos premières ligues. Plusieurs jours avant la déclaration, les allemands gardaient déjà les hauteurs avoisinant les frontières, se retranchaient solidement derrière des tranchées bétonnées. En maints endroits, ils envoyaient des patrouilles sur notre territoire, notamment dans la région de Wisembach, Gemaingoutte, Ban-de-Laveline. Ils avaient donc une avance considérable sur nos troupes qu'un ordre ministériel retenait à quelques kilomètres de la Frontière. II. La Guerre Période du 3 Août au 11 Septembre 1914 a) Pénétration en Alsace. — Victoires. À la déclaration de guerre, la 1re Armée (21e Corps), formée au début presque exclusivement de nos meilleures troupes de couverture, sous les ordres du Général Dubail, occupe les cols et les crets***, elle s'apprête à envahir les vallées alsaciennes. Les premiers contacts de patrouilles ont lieu dans les environs du Col du Bonhomme. Un soldat du 158e est blessé assez grièvement le 5 août aux Auvernelles près de la Douane, on le conduit à l'hôpital de Fraize. Le 7 août, un caporal du même régiment est tué sur la route de Barançon par des patrouilleurs allemands qui se trouvent dans les bois du Beurleux (Plainfaing). Une croix de bois est érigée à l'intersection de l'ancienne route et de la nouvelle pour rappeler la mémoire de cette première victime. Les Allemands s'avancent jusqu'aux Auvernelles. Plusieurs d'entre eux demandent en patois des renseignements aux gens de Barançon. Ils devaient être originaires des villages alsaciens bordant la frontière ; ils étaient envoyés en éclaireurs parce qu'ils connaissaient le pays et causaient couramment le français. Nos ennemis croyaient peut- être que nous serions moins cruels pour nos anciens compatriotes si nous parvenions à les capturer ; du reste, les Alsaciens ont souvent été obligés de servir en première ligne. Les Bataillons alpins du 14e Corps (12e, 13e, 22e, 28e, 30e) commandés par le Général Bataille, viennent renforcer nos premiers éléments. On leur fait fête au passage, nos populations leur distribuent des provisions, des rafraîchissements, du tabac ; on leur tend des fleurs, l'enthousiasme est indescriptible. Infortunés Chasseurs ! Ce pays si hospitalier devait bientôt abriter la tombe de beaucoup d'entre eux. Ils partaient avec l'insouciance de la jeunesse, en chantant les refrains joyeux de la Savoie et de l'Auvergne, et cependant ils couraient à la mort ! Notre État-major songe à faire une offensive en Alsace, pour décongestionner nos armées du nord. La 1re pénétration est relativement facile, les crêtes sont assez vite enlevées. Le 9 août, nous attaquons le Col de Sainte-Marie ; le 152e de Gérardmer s'empare brillamment du Col de la Schlucht. Le 16 août, nos troupes entrent dans Sainte-Marie-aux-Mines ; une réception enthousiaste leur est réservée Le 18 août, nous pénétrons dans Munster ; le 19 un Bataillon du 152e met l'ennemi en complète déroule au Grand Hohnack après lui avoir tué ou blessé 300 hommes ; le 21 nous entrons à Turckheim. De violents combats se livrent dans les vallées de la Liepvrette, de la Béchine, de la Weiss, et de la Fecht qui descendent à Sainte-Marie, La Poutroye, Kaysersberg, Colmar, Munster. De courageux citoyens de Fraize et de Plainfaing vont en auto vers le Bonhomme, le Rossberg, le Louchpach chercher les blessés et les ramènent à l'hôpital de Fraize. On saisit des otages, on croit voir des espions partout, on les conduit à l'intérieur. On cherche les fameux téléphones souterrains qui, d'après les dires de quelques uns, existent dans la plupart des Caves. Le 10 août nos Bataillons alpins descendent entre la Thur et la Fecht. Ils tiennent la région Ingersheim - Ammerschwihr - Logelbach. Nous prenons Colmar pour objectif et nos patrouilles vont en reconnaissance jusqu'aux abords de la ville. Plus au sud, nous enlevons Mulhouse à deux reprises. Mais subitement les forêts se peuplent de sépultures. Les modestes croix de bois surmontées d'un béret bleu ou d'un képi rouge se multiplient, les nécropoles s'allongent, c'est le meilleur du sang français qui rougit les coteaux alsaciens ! b) Le Repli de nos armées. — L'Invasion. Les Allemands semblent s'être retirés vers Neuf-Brisach. Bientôt nous nous heurtons à la 7e Armée, commandée par le Général Von Herringen, comprenant de l'active et des réserves, pourvue d'un matériel de guerre formidable. Nos échecs en Lorraine (2e Armée) nous obligent à abandonner le terrain conduis. Le 24 août l'ennemi reprend le col de Sainte-Marie, il rejette nos bataillons des Cols et commence à descendre les pentes ouest des Vosges. Plus au nord il envahit notre territoire, Raon-l'Étape et Baccarat deviennent la proie des flammes. Saint-Dié subit un bombardement terrible ; ces trois villes vont recevoir la souillure de l'envahisseur ! Nos armées se retirent en bon ordre en infligeant à l'ennemi de nombreuses pertes, mais aussi en creusant des tombes sur toutes les routes. Notre première offensive en Alsace n'avait donc pas réussi ; la guerre débutait sous de fâcheux auspices ! Nos succès du début avaient été trop faciles. L'ennemi nous rejetait et le sol de notre contrée allait subir la honte de l'invasion, il allait connaître les plus dures misères. L'intention des Allemands est facile à deviner. Ils cherchent à traverser la Meurthe, la Mortagne, puis la Moselle, à profiter de la trouée de Charmes pour aller vers Neufchâteau et Chaumont et à encercler nos troupes par le sud. Cet effort gigantesque devait se briser au col de la Chipotte. c) Batailles de Saulcy, de Mandray, des Journaux. Saint-Dié occupé, Bataille de Taintrux. L'ennemi est contenu, puis recule Le 24 Août, l'ennemi reprend le Col de Sainte-Marie ; les vallées de la Fave, du Ruisseau Blanc et de la Morte sont envahies. L'exode pénible de la population commence ; les trains sont arrêtés dans la région. On voit sur toutes les routes, dans les forêts les convois lamentables de charrettes qui se suivent, des femmes qui poussent des voitures d'enfant, qui portent des valises, des paquets ficelés à la baie, renfermant des objets disparates, souvent inutiles. Les hommes chassent les bestiaux, conduisent les véhicules, tout cela au milieu de convois militaires interminables. On voit partout des gens affolés qui fuient devant l'ennemi. Les malheureuses populations campent la nuit en plein bois, couchent à la belle étoile, font la soupe au bord du chemin. Les vagues germaniques déferlent par tous les sentiers de la montagne. Le canon gronde, les incendies s'allument, le ciel se colore de rougeurs sinistres, les ruines se multiplient avec l'arrivée des envahisseurs. Ils saisissent des otages, fusillent sans pitié des personnes innocentes, pillent tous les immeubles.