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INFORMATIONS ET DOCUMENTS PALÉOCLIMATOLOGIE ET PEUPLEMENT DE L'ÉGYPTE ANCIENNE INTRODUCTION Etroitement liée à la géographie physique, la paléoclimatologie détermine la paléoécologie, et, partant, le régime alimentaire, le mode de vie et les déplacements des populations préhistoriques. En Egypte, plus qu'ailleurs, elle apparaît comme la clef principale de l'histoire du peuplement, parce que la vallée du Nil égyptien est enserrée entre deux déserts et parce que le flot annuel de la crue provient de pays très lointains, le massif éthiopien et la région des grands lacs, qui ont toujours été très arrosés. Aussi bien dans les périodes «humides», durant lesquelles l'actuel désert constituait un milieu de vie extrêmement favorable, que dans les périodes «arides», où il se vidait de sa popula- tion au profit de zones-refuges périphériques ou internes (massifs du Sahara central, oasis subsistant aujourd'hui, et… vallée du Nil). Pour expliquer la crue annuelle et ses variations au cours des temps préhistoriques, il faut débor- der largement le cadre du Nil égyptien, examiner le cours entier du plus long fleuve d'Afrique et celui de tous ses affluents, vivants ou fossiles. Pour comprendre les deux déserts, Occidental et Ori- ental, il est nécessaire d'étudier non seulement leurs prolongements soudanais, mais encore l'ensemble du Sahara, considéré lui-même comme une partie de l'immense bande désertique qui va de l'Atlantique jusqu'au Pakistan. Dans l'optique du peuplement de l'Egypte ancienne, la paléoclimatologie et sa fille la paléoé- cologie ont enregistré, depuis 1980, des avancées spectaculaires qui conduisent à démentir plusieurs idées reçues et renforcent la conception d'une civilisation égyptienne beaucoup moins dépendante d'influences asiatiques qu'on ne l'a prétendu jusqu'ici. PRINCIPAUX ACQUIS DEPUIS 1980 Les équipes multidisciplinaires travaillant depuis les années 70 dans diverses régions du grand désert ont fait faire d'immenses progrès à la préhistoire saharienne. Progrès dus à l'utilisation de nouvelles méthodes (photos satellites, prospection géophysique…), et surtout au long travail en la- boratoire réalisé sur les échantillons prélevés sur le terrains par les spécialistes. Un des résultats majeurs est l'établissement de séries de dates infiniment plus fiables que les dates isolées, discutables et discutées, publiées auparavant. On dispose aujourd'hui de telles séries, pour le Sahara malien, égyptien, soudanais, libyen. Elles permettent de mettre en valeur l'ho- mogénéité des changements climatiques à travers tout le Sahara. Depuis 1985, plusieurs études ont mis l'accent sur la période charnière de passage entre «l'Hy- peraride» terminant le Pléistocène supérieur, et le «Dernier humide» du début de l'Holocène. Le retour des pluies au Sahara aurait débuté en même temps que la déglaciation dans le domaine océanique, donc plus tôt qu'on ne le présente habituellement. Par la suite, les oscillations clima- RdE 47 (1996) 184 INFORMATIONS ET DOCUMENTS tiques au Sahara auraient coïncidé avec les alternatives de réchauffement ou de refroidissement enregistrées aux alentours de 12 000 ans avant nos jours dans l'Atlantique Nord et en Europe (Gib- ert et al. 1990). En outre, et contrairement aux idées reçues, le retour des pluies aurait affecté simul- tanément les bordures nord et sud du Sahara (Gasse, et al., 1900). Traduit dans le domaine du re- peuplement du désert après l'Hyperaride qui l'avait vidé, les gens venus du Nord auraient pénétré dans l'actuel désert en même temps que les gens venus du Sud. La notion de «cycles courts» est également très récente. Une centaine de dates a permis de mettre en évidence, dans le bassin de Taoudenni au nord du Sahara malien, des cycles de 400 ans en moyenne au cours du Dernier Humide (Petit-Maire, 1989). Dans le désert Occidental d'E- gypte, Wendorf & Schild (1980) et Close (1992) ont confirmé la brièveté — 100 ou 200 ans — des épisodes arides. Inversement, on pense que des épisodes humides de courte durée ont jalonné la période d'assèchement aboutissant à l'Aride actuel. Ces observations remettent en cause l'hypothèse d'un «Grand Aride mi-Holocène» situé approximativement entre 5500 et 4500 avant notre ère, durant lequel tout le Sahara se serait vidé de sa population (Muzzolini, 1986; 1995). Elles font également douter de l'existence d'un très long «Subpluvial néolithique». Placé par Butzer (1976; 1980) et Hoffman (1991) entre 5100 et 2200 avant l'ère, et baptisé «Humide néolithique» par Muzzolini qui le situe entre 4500 et 2500, il n'a pas été retrouvé dans le Sahara septentrional, au nord du 22° Nord. (Harlan, 1992; Wendorf & Close, 1992). A côté des climatologues et des géologues qui déterminent les modalités et les dates des cycles humides et arides, les préhistoriens étudient les habitats humains. Ils insistent sur les très longs délais qui séparent, d'une part le retour des pluies et l'affleurement de la nappe phréatique dans les dépressions; d'autre part l'arrêt des pluies et la persistance des eaux souterraines à une très faible distance du sol. Traduction en ce qui concerne le peuplement: les établissements humains et notamment les campements des nomades ont subsisté de longs siècles après la disparition des eaux de surface (Hillaire-Marcel, 1983; Close, 1992). En tentant de reconstituer l'environnement des habitats préhistoriques, les botanistes et les zool- ogistes ont apporté deux enseignements majeurs permettant de mieux comprendre les déplacements de population au cours de l'Holocène: le double décalage, écologique et chronologique, entre les déserts égyptien et soudanais. 1/ Dans la période actuelle d'aridité, le Sahara constitue une entité parfaitement homogène, tout au moins dans les zones basses. Il n'en a pas été de même pendant les périodes humides où exis- tait une limite écologique qui peut être marquée sur les cartes par une bande située approxima- tivement entre le Tropique du Cancer (23°26') et le 22° Nord, environ 150 km au sud (Cornevin, 1993: 41-48). Au plus fort des épisodes humides, les pluies d'été de mousson ont pu dépasser 800 mm par an dans le Sahara méridional qui a connu, dans certaines zones, une richesse végétale et animale de type tropical. Au contraire, dans le Sahara septentrional, et particulièrement dans le désert libyque (Egypte et Libye), les pluies n'ont pas dépassé 200 mm par an, à l'exception des massifs (Close, 1992; Kröpelin, 1993). L'ambiance générale, au nord du 22°, est restée semi- désertique, les arbres étant strictement localisés, dans les zones basses, aux dayas et aux lits d'oueds (Aumassip, 1987, 1993), avec une flore et une faune très pauvres (Neumann, 1989; 1993). Rien à voir avec les «grasses prairies» ayant succédé dans les fantasmes européens à la «forêt équatoriale» évoquée dans l'édition de 1952 de l'ouvrage classique sur l'Egypte de Drioton et Vandier (p. 27 et 29). RdE 47 (1996) INFORMATIONS ET DOCUMENTS 185 2/ Touchant le peuplement de l'Egypte ancienne, le décalage chronologique dans l'assèchement des déserts égyptien et soudanais, respectivement au nord et au sud de la limite écologique (la fron- tière égypto-soudanaise suit le 22° Nord sur environ 700 km) représente un élément majeur que seules des publications postérieures à 1985 permettent d'apprécier à sa juste valeur. Selon les chercheurs allemands qui ont parcouru entre 1980 et 1984, le désert occidental d'Egypte et son pro- longement soudanais, l'assèchement du second aurait commencé vers 3000 avant J.C. à l'époque même où se terminait celui du premier. Certes, il faut prendre en compte les variations locales dues à l'altitude ou à la proximité de la mer; témoin, l'exemple égyptien du désert Oriental (ou Ara- bique) avec des sommets pouvant atteindre 2000 mètres, et du désert Occidental (ou Libyque) où seul l'extrême sud-ouest dépasse 500 mètres. Dans l'ensemble, on peut affirmer que le Sahara septentrional s'est asséché 2500 ans ou 3000 ans avant le Sahara méridional. LE PROBLÈME DES DATATIONS Dès les années 60, les préhistoriens et les égyptologues ont mis en doute la fiabilité des dates fournies par les méthodes du radiocarbone (Carbone 14 ou 14C dans les textes français) et de la thermoluminescence. En dehors de la marge d'erreur de 100 à 1000 ans communiquée avec la date, les laboratoires ont fait remarquer qu'on pouvait obtenir des différences de 1000 à 3000 ans pour des échantillons trou- vés dans un même niveau sur le même site, selon qu'il s'agit de coquilles lacustres, de coquilles d'oeufs d'autruche, d'os, de roches carbonatées…, ou de charbon de bois. La thermoluminescence employée pour les poteries était loin de confirmer les dates 14C. Dans les années 70 furent mises en évidence les insuffisances de la méthode 14C pour la période située au delà de 9000 ans avant nos jours. Le décalage constaté entre le calendrier des astronomes et celui des géologues explique des déviations de 1200 à 3500 ans entre 9000 et 20000 ans avant nos jours. La méthode de «calibration» des dates 14C par la dendrochronologie attira alors des espoirs d'autant plus grands que sa validité (la méthode est basée sur les cernes de croissance annuelle de très vieux arbres) se termine justement aux environs de 7000 ans avant nos jours. Cependant les «tables de calibration» parues dans les années 80 indiquent une très large marge d'approximation, de 400 à 1200 ans, entre deux dates extrêmes. Le plus gênant pour les utilisateurs est le fait que la date «réelle dite calendaire n'est pas fixée par le spécialiste à mi-chemin» mais «n'importe quand entre les deux dates extrêmes». Ces difficultés ne sont pas perçues de la même façon par les préhistoriens et par les égypto- logues.