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Résumés des communications riassunti delle comunicazioni Document Rassemblé par I. Dumont et N.Bautès 2 3 Claude Monet, le paysage, le territoire. Esquisse de géographie sociale Armand Frémont Claude Monet est le plus illustre des peintres impressionnistes qui ont marqué l’art du paysage au cours de la seconde moitié du XIX° siècle. On lui doit, un peu malgré lui, l’invention du mot : « Impressionnisme ». Son œuvre est connue et appréciée dans le monde entier, y compris en dollars. Les articles ou ouvrages le concernant se comptent par milliers. Le but de cette intervention n’est pas d’analyser l’œuvre en spécialiste de RAPPRESENTARE I PAESAGGI E LE SOCIETA l’art du paysage, mais brièvement de la comprendre du point de vue du géographe, et plus particulièrement sous l’angle d’une géographie sociale. L’œuvre de Monet est assez somptueuse pour qu’on revienne un instant au territoire auquel elle s’attache. 1- Un itinéraire, un espace de vie Claude Monet est né à Paris, en 1840, d’une famille modeste. Mais les Monet s’installe au Havre comme épiciers vers 1845 et le jeune Monet passe toute sa jeunesse dans cette ville portuaire de l’estuaire de la Seine. Il s’y fait connaître un peu par ses caricatures de notables havrais. Il y expose ses premières œuvres à 18 ans. Il y rencontre Eugène Boudin, l’homme de Honfleur et du Havre, le peintre par excellence de l’estuaire, des nuages et des vaches dans les herbages, des jeunes femmes aux ombrelles sur les plages. De 16 ans plus âgé que Monet, assez connu déjà, Boudin l’encourage et l’incite à partir à Paris, ce que fait le jeune Havrais dès 1859. Toute sa vie, Claude Monet restera fidèle à la ville de ses débuts et de sa jeunesse. Il s’y est créé des amitiés, des habitudes, des lieux de vie que l’on retrouve sur de nombreuses toiles : un liséré de côte de Dieppe à Deauville. Au centre, Le Havre. Il y peint en 1874 « Impression, soleil levant ». Parisien, comme beaucoup de jeunes Havrais et de Normands ont dû l’être dès cette époque, Monet passe en quelques années de la misère (l’ « impécunieux monsieur Monet ») à la notoriété, à l’aisance puis à la richesse grâce à son deuxième mariage et 4 aux achats de Durand-Ruel. Il voyage, notamment en Algérie (service militaire), à artistes : la Bretagne voisine, la Provence méditerranéenne, l’Ile-de-France bien Londres (guerre de 1870), en Bretagne, à Venise ou Antibes (pour le plaisir et la entendu. Pour une lecture de géographe, qu’apporte ainsi la Normandie et la Seine à peinture). Rien de plus classique dans l’itinéraire d’un jeune homme pauvre l’art de peindre, à la réinvention du paysage, en ce XIX° siècle et jusqu’à nos jours ? devenu « arrivé ». Mais là où il revient, où il s’établit, où il demeure, c’est sur les L’itinéraire de Monet, le plus significatif de tous, permet de le comprendre. bords de la Seine entre Paris et Rouen, lieux maintenant célèbres par ce qu’il y a En premier lieu, incontestablement, des qualités naturelles ouvrent la voie de peint. Successivement : Paris, Bougival, Argenteuil, Vétheuil, Poissy et enfin l’inspiration : des paysages ruraux d’une grande variété entre bocages et plaines ; un Giverny. Son itinéraire est jalonné de chefs d’œuvre qui montrent son évolution : littoral partagé entre de longues plages de sable et des tronçons de falaises vives ; un en bref, « la gare Saint-Lazare » (Paris, 1877), « Régates à Argenteuil » (1874), fleuve ourlé de méandres et serti de forêts ; un climat de toutes les nuances et de « la Seine à Vétheuil » (1879), les cathédrales de Rouen (1892-93), les Nymphéas toutes les douceurs. L’eau et le ciel changeant y combinent d’incessantes variations. (Giverny, 1899-1926). Mais cela suffit-il pour comprendre la concentration des artistes et des oeuvres ? Au L’itinéraire est très significatif de l’œuvre et des paysages qui l’inspirent. Monet siècle de Monet, en dépit de l’immuabilité apparente des choses, tout change, les peint la ville en mouvement, la mer, la falaise, le fleuve, l’eau, la lumière, la activités, les hommes et leurs aspirations, les paysages, les regards. Le paysage se campagne, le jardin… Mais l’espace de vie ainsi représenté est aussi fortement réinvente dans le mouvement de la société. Jusqu’à nous, il n’a cessé de le faire. Et significatif d’un homme parmi d’autres, d’une époque, d’un territoire. Entre le lieu parfois, Monet et ses amis furent prémonitoires, au-delà de leur siècle. La Normandie, des origines, Le Havre, et la capitale, entre la province, la Normandie, et Paris, et spécialement celle de la basse vallée de la Seine, se prêtait bien à ces nouveaux plus personnellement entre les premières inspirations locales et le besoin regards, car elle se trouve incontestablement en première ligne des changements. d’accomplissement ailleurs, entre la naissance et la mort. Le lieu le plus significatif, La Normandie et même l’Ile-de-France sont alors à dominante paysanne. Et les avec Paris et Le Havre, est incontestablement Giverny, placé en bordure d’un arbres, les haies, les prairies en fleurs, les villages sont bien présents chez Monet ses méandre de la Seine, près du confluent de l’Epte, Giverny en Normandie et à deux amis, mais les travaux des champs, les paysans n’apparaissent guère sur les toiles. La pas de l’Ile-de-France et de Paris. Monet y vécut la plus longue partie de sa vie de très grande majorité des œuvres se concentrent à proximité des villes, des stations 1883 jusqu’à sa mort en 1927. balnéaires ou à proximité des lignes de chemin de fer. La Normandie intérieure est oubliée, peut-être ignorée. La comparaison avec des peintres plus anciens comme 2- Un territoire, une géographie sociale Millet ou même Boudin est significative. Millet dans le Cotentin peint d’authentiques paysans du bocage normand et Boudin dans le pays d’Auge des vaches à l’abreuvoir Le territoire de Monet en Normandie et en Ile-de-France est aussi celui de la en aussi grand nombre que les dames aux ombrelles sur les plages. Tel n’est pas le plupart des peintres impressionnistes, qu’ils en soient originaires comme Boudin regard de Monet. Les scènes de genre sont exclues ou dépassées, à de rares ou familiers par leurs séjours plus ou moins longs, tels Pissarro, Jongkind ou expressions près. Les impressionnistes ne sont ni ruralistes ni régionalistes, ce qui Sisley. De même, ceux qui les ont précédé, comme Corot, Millet ou Courbet, et serait pour eux d’une totale banalité. Même le pays de Caux et le pays d’Auge, pourtant ceux qui leur ont succédé tels Marquet, Braque, Dufy. La Normandie, la mer, le très pittoresques, très paysagers, voisins de l’estuaire, mais parfaitement ruraux, les littoral, le fleuve s’imposent comme motifs et comme paysages. Si toutes les retiennent à peine. Leur regard est ailleurs. Il est plutôt celui de la promenade, de la régions françaises ont « leurs » peintres, très peu d’autres ont autant retenu les famille et des amis, de la maison champêtre, du village et de ses chemins, des meules 5 et des clochers au bord de l’eau. Il préfigure une nouvelle campagne, la nôtre, écrivains et poètes contestataires, des hommes politiques et non des moindres, là où idéalisée, celle des résidences secondaires, des maisons sous les fleurs et les ceux-ci se trouvent alors, de Paris jusqu’aux plages normandes, de Rouen au Havre et arbres, voire de la rurbanisation autour de nos villes. à Dieppe, ce qui bientôt va devenir le « Tout Paris ». Pour finir, à Giverny, c’est lui qu’on Le grand mouvement de l’époque se trouve dans le développement portuaire vient voir. et industriel qui se situe au Havre, à Rouen, à Paris et sa banlieue, dans les débuts d’un essor touristique qui conduit tout naturellement sur les côtes Le jardin de Giverny donne la clé de son œuvre accomplie. Il y recrée sa nature à lui normandes les plus proches de Paris, dans les migrations qui affectent les enfants pour mieux la peindre. Il invente, deux fois, la maison, le jardin, le pont japonais, le bras pauvres de province vers les pôles de développement et les plus riches privilégiés de la Seine, les glycines et les nymphéas, dans la réalité puis sur ses toiles. Fasciné par vers les plages, dans la grande nouveauté des usines, des trains de plaisir, du ce qu’on appelle « nature », il la recrée à sa mesure. Maintenant les foules du XXI° chemin de fer en service depuis peu, dans l’esquisse d’une civilisation partagée siècle se pressent pour admirer les jardins et les étangs de Giverny. Pour y parvenir, on entre le travail et les loisirs où la campagne devient un plaisir autant et plus qu’un fait la queue comme au Louvre. Ainsi va un chef d’œuvre, une époque qui le trempe, un labour ou un herbage. Les impressionnistes accompagnent les premiers pas d’un paysage, un territoire et un regard, avec le génie d’un homme pour le peindre et bonheur de vivre, si ce n’est de ses illusions. quelques princes heureux et fortunés pour l’acheter. Quelques mots encore pour saisir par ses œuvres la richesse, parfois prémonitoire, de l’itinéraire de Monet, l’enfant du Havre, l’artiste pauvre de Paris Esquisse bibliographique plutôt de gauche, l’éminent patriarche des arts parvenu à Giverny où il reçoit les plus grands noms de la politique, de la littérature et des affaires… Le port en Armand Frémont développement : Le Havre, ses notables, « le jardin de Sainte-Adresse » et - Normandie sensible, in Esquisses peintes, Normandie 1850-1950, Catalogue « Impression soleil levant » dont les lumières bleutées seraient maintenant fendues d’une exposition du Musée des Beaux-Arts de Caen, 1988 par la masse d’un porte-conteneurs… L’industrie,