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Ciné-Bulles

Western sauce danoise Dear Wendy de Stéphane Defoy

Volume 24, numéro 2, printemps 2006

URI : https://id.erudit.org/iderudit/60776ac

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Éditeur(s) Association des cinémas parallèles du Québec

ISSN 0820-8921 (imprimé) 1923-3221 (numérique)

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Citer ce compte rendu Defoy, S. (2006). Compte rendu de [Western sauce danoise / Dear Wendy de Thomas Vinterberg]. Ciné-Bulles, 24(2), 51–52.

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La Classe de madame Lise

Numérique / coul. / 89 min / 2005 / doc. / Québec

Réal. et scén. : Sylvie Groulx Image : Michel La Veaux Son : Sylvain Vary et Olivier Calvert Mus. : Robert M. Lepage Mont. : France Pilon Prod. : Galafilm Dist. : Les Films du 3 Mars Dear Wendy

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l'ensemble du film. En l'occurrence, on de l'utilisation des armes à feu. Il n'a pas neuse, un tantinet perplexe, qui se laisse parle beaucoup dans Dear Wendy et l'on non plus l'habileté d'un Gregg Araki (The attendrir peu à peu. Et puis un homme s'explique sans cesse. Lorsqu'il reste du Doom Generation, Mysterious Skin) pour séducteur, qui s'infiltre insidieusement temps, on pratique son tir et l'on s'émous- dépeindre les aléas d'une jeunesse dé­ dans son intimité. Avant d'être un film tille à l'écoute des balles qui sifflent et qui sœuvrée cherchant à combler le vide am­ d'acteurs, ce thriller non classique en est finissent leur course sur des cibles. biant. Dear Wendy n'atteint pas toujours un de personnages. L'approche psycho­ sa cible. • logique est certes réaliste, illustrée par des Lorsque tout ce beau monde est fin prêt à gestes lourds de sens et des lapsus confon­ faire face à la musique, il ne reste qu'à dants. Mais l'analyse n'est ni freudienne attendre un événement marquant qui fera Dear Wendy ni complaisante, jamais plaquée; elle surgit basculer l'univers de nos héros. L'intégra­ 35 mm / coul. /101 min / 2005 / fict. / Danemark d'elle-même, comme autant de visions tion d'un nouveau membre, un incorrigible qu'il y a d'observateurs. délinquant d'origine afro-américaine (notez Réal. : Thomas Vinterberg le cliché), sera tout indiquée pour renver­ Scén. : Lars von Trier Image : Dans son parcours jalonné d'objets inso­ ser la situation. S'ensuit un épilogue prévi­ Mus. : Benjamin Wallfisch lites au succès mi-critique, mi-public sible qui emprunte aux classiques du Mont. : Mikkel E.G. Nielsen (Nettoyage à sec, Comment j'ai tué mon western. Cette fois, les vilains sont per­ Prod. : Lucky Punch et Nimbus père, Nathalie...), Fontaine se plaît à Dist. : TVA Films sonnifiés par le corps policier, ici en grand Int. : Jamie Bell, Bill Pullman, Michael Angarano, cultiver l'ambiguïté dans la normalité et nombre, et les jeunes tireurs d'élite s'en­ Novella Nelson les jeux de séduction qui s'apparentent gagent dangereusement dans un duel perdu davantage à des jeux de pouvoir. C'est là d'avance. Suivant la recette éprouvée, ils l'enjeu le mieux traduit ici : les rapports tombent un à un au combat pour faire Entre ses mains de force frôlent le désir sous-jacent avec durer le plaisir de cet affrontement san­ d'Anne Fontaine une subtilité admirable. Hormis un ou guinolent. deux sursauts légitimes, le film ménage ses effets et évite les clichés du genre. Le Ce western dans une ville ouvrière fictive Le tigre spectateur qui carbure à l'action et aux du fin fond des États-Unis s'égare dans la rebondissements risque sans doute d'être moralité sentencieuse. En accouchant de et la souris déçu. Parce que démasquer le coupable ce scénario, von Trier, de connivence avec n'est pas la priorité de la cinéaste. En son complice réalisateur, continue à faire NICOLAS GENDRON jouant cartes sur table, elle parvient la leçon à une Amérique réduite à un d'ailleurs à convaincre son public de ne terreau fertile en violence contre l'indi­ aurent (Benoît Poelvoorde) est pas non plus en faire la sienne. Par une vidu. Néanmoins, nous retiendrons de vétérinaire et a le regard inquisi­ précision chirurgicale d'états d'âme et des Dear Wendy une belle recherche sur le teur d'un félin. Claire (Isabelle dialogues sans détour, Anne Fontaine L dresse le constat suivant : cette relation plan des éclairages afin d'insuffler aux Carré) est agente d'assurances et affiche remuante qu'entretiennent Claire et Lau­ décors un caractère vieillot qui se marie à la bonté obsessive d'une sainte. Alors que rent s'avère peut-être leur ultime planche merveille avec la musique du groupe The la menace d'un tueur au scalpel plane sur de salut. Cet étrange tiraillement est infi­ Zombies et d'autres succès des années Lille, la rencontre banale de ces deux niment bien dosé par les interprètes; Carré 1960. Il faut souligner également la con­ solitudes dépasse rapidement le cadre est d'une justesse de tous les instants en fection de costumes originaux venant professionnel. En fait, les personnages se héroïne romantique et Poelvoorde, qui appuyer la spécificité de chacun des mem­ rapprochent tant et si bien que Claire en trône normalement sur un Podium burles­ bres du clan. Enfin, comme l'a fait von vient à soupçonner Laurent d'être le crimi­ que, étonne par un potentiel dramatique Trier dans et , Vinter­ nel en cavale. Zoom sur une femme mariée qui ratisse large. La gueule sombre, le berg a su constituer, pour ensuite l'utiliser attirée par le danger. sourire enjôleur, le sourcil fuyant, tout du d'une façon théâtrale, un espace spécifique maniaque errant quoi, l'acteur entame un (le square du village, dans le cas présent) Film lisse, aux éclats calculés, librement cycle sérieux gorgé de promesses. dans lequel sont circonscrits les moments inspiré du roman Les Kangourous de forts du récit. Cependant, le réalisateur Dominique Barbéris, Entre ses mains ne danois ne détient ni la perspicacité ni l'ai­ perd pas de temps en préambule innocent. Entre des scènes franchement réussies, com­ sance d'un Gus Van Sant (Elephant) pour La première scène, équivoque, renferme plexes et limpides à la fois, on regrette mettre en scène un sujet dense comme celui déjà tout ce qui suivra. Une femme lumi­ malheureusement la montée dramatique

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