SAGA lnformation - n"226 - Avril2û3

wffi&#Swæ$WffiæffiWW Mæ ffiæffiffidffiæWffiææ Æææ ParAdeline Aumont, doctorante au laboratoirede Paléontologie du MNHN. Uhistoiredes mammifères est souoent imaginée comme une pièce en deuxactes : un prunier actedébutant par I'apparitiondes mammiftres au commencement du Mésozoiqueet sedéroulant dans un mondedominé par lesreptiles, et où les mammifèressont encore peu diaersifiés et peunombreux, Puis, coup de théâtre au débutdu secondacte démarrant juste aprèsla criseCrétacéflbrtiaire : les mammifèressubissent alors une radiation sans précédent conduisant inéIucta- blementaers les mammifères d'aujourd'hui, plus diaersifiésencore qu'hier. Cetteaision n'est pas tout à fait cornplète,elle nécessrte d'y regarder deplus près car, en réalité,\'histoiren'est pas aussi sirnple..,

a radiation du début du Cénozoïque Les gisemenlo du tlont-de-Berru compte, en Europe et sur l'ensemble des continents holarctiques (Améri- Le Paléocèned'Europe est caractérisé par un que du faible nombre de localités fossilifèresà mammi- 6 Nord, Europe et Asie), deux périodes distinctes se différenciant fères, seuls une dizaine de gisements sont par leur faune mammalienne : aujourd'hui répertoriés. Mais l'importance du - la première se déroule durant le Paléocène Mont-de-Berru se situe surtout dans la qualité et (entre 65 et 55 Ma) et est caractériséepar une la richessedu registre fossile : ce gisement est faune de mammifères déjà très diversifiée et devenu la localité de référencede la faune euro- dite < archa'ique>; péenne du Thanétien. - la secondea lieu à partir de l'Eocèneinférieur Les jeux de l'érosion ont permis la conservation (à partir de 55 Ma) et c'est à partir de ce moment d'une petite colline de terrains cénozo'iques que se développe une faune de mammiêres dans ce qui est aujourd'hui une vaste plaine plus o modemes >. composéepar de la craie crétacée.Cette butte Le Paléocèneest donc une excursion dans un témoin, le Mont-de-Berru, se trouve à quelques monde où nos repères actuels sont balayés ; kilomètres à l'est de Reims, c'est-à-dire juste à alors plongeons...dansle passéet observonsde côté de la cuestade l'I1e-de-Fr€mce.Au cours du plus près l'un des gisements-clésdu Paléocène temps, trois sites fossilifères vont y être décou- d'Europe : le Mont-de-Berru (Mame, ). verts.

Localisationgéographique des pincipaux gisemmts à mammileres du Paléocèned'Eurwe. 1 à 3 - Mont-de-Bemt(1 - catière Mouras,2 - carcièreLemoine, 3 - ImtiIIe deBemt), 4 - La Fère,5 - Rillyla-Montagne, 6 - Mmat, 7 - Hainin,B -Walbeck,9-Tremp). SAGA lnformation - n"226 - Avril 2003 Monil-de-Berr f tlarne, Froncef ffiffiæffiffiffi$W&ffiæsww Æ#fuwW Æw ë&mwæwêgryæ$w

$chh:rtr Rilll' flilnri,Ërn* Argirr pr*stiquc fuIosrxs\ tàutht.l

{il "."d,"untglq}milÉr*û" dr Ç*rnxy Coupedu Mont-de-Benu. 6* tr"*.ntiNiledr H*rffu gr "drg*lnsnbl*usu rfr lblmunns Lhistoire démarre, en1,869,avec la découverte Pierre Teilhard de Chardin, etc. Mais il faut de la couchefossilifère par deux élèvesde Victor attendre les arurées1950 et l'arrivée d'un jeune Lemoine, alors professeurà l'école de Médecine étudiant américain,Donald Russell,aujourd'hui de Reims et passionné par la géologie et la l'un des grands spécialistesde la faune mam- paléontologie. Cette strate fossilifère qu'il malienne du Paléogène,pour que la collection appelle le > " Conglomérat de Cemay est en fait des mammifères fossiles du Mont,de-Berru un grès fluviatile, mais son nom est donné en s'agrandisse.En effet, il va introduire la métho- référenceau ,. conglomérat de base o, puisque de du lavage-tamisagequi permet la récolte de Lemoine pensait, à tort, qu'il s'agissait d'un la microfaune jusqu'alors sous-estiméeet entre- dépôt marin de début de transgression. Il y tenir des relations fructueuses avec de nom- découvre des fossiles de < poissons >, de < rep- breux amateurs en paléontologie. Liune d'entre tiles >, d'oiseaux et de mammifères. Lemoine va eux, RenéeLasseron, est à l'origine des décou- fouiller pendant une vingtaine d'années cette vertes des deux autres locus fossilifères du couche fossilifère sur une petite parcelle de 25 Mont-de-Berru. Cette dame est, à l'époque, pro- ares qui, aujourd'hui, appartient au Muséum fesseur de sciencesnaturelles dans un lvcée de national dtristoire naturelle de et que l'on Reims. Elle effectue de nombreuses prospec- noûune carrière Lemoine. Cette première locali- tions paléontologiques dans la région rémoise. té fossilifère est située près du village de Une carrière (dite carrière Mouras), exploitant Cemay-lès-Reims,sur le flanc ouest du Mont- les Sablesde Rilly du Mont-de-Berru et réguliè- de-Berru. De nombreux paléontologues vont rement surveillée par Lasserory finit par livrer prendre la suite de Lemoine dans l'étude des les premiers fossiles du flanc est de la butte fossiles du gisement : Hans George Stehlin, témoin. En effet, ces sablessont surmontés par Charles Depéret, Max Schlosser,qui pendant la le Conglomérat de Cemay. Des fouilles sont première gueffe mondiale bénéficiera du maté- menéesquelques années plus tard (en 1958)par riel découvert par les troupes allemandes (!), Russell et permettent alors un enrichissement important de la collection de vertébrés.Le troi- sième locus est photode Ia carrièreMouras découvert à nou- dansles années 1g50. veau dans la carriè- Laflèche indique Ie niaeau du re Mouras. I1 s'agit Conghmératde Cemay où d'une lentille de furmt trouztésbs premiers sables coquilliers fossilesdu flanc est du Mtnt- intercalée dans les de-Bemt(on lit : gitedu Sables de Rilly (dite Simædosaure). Lecongtomérat rEose sur tes 'l :,t"TlT--t-u, "t*dans sabtesde Krry exproitéspoïr ;t l;col1erte I'industriedu zterre. re oeDut oes annees 1960,au. cours de SAGA lnformation - n'226 - Avril 2003

' is l*%t,*. j'Sç. ttï d'anses aux eaux La *r '' - calmes). région ;, rémoise était située à proximité du ft:: rivage d'une mer épicontinentale qui *,I s'étendait alors dans la partie ouest de .Ë l'actuel Bassin de Paris. Quant au \È-ç-"4 Mont-de-Berru, position 'I:*.:+ ; sa est --,"q \ - celle d'rm ancien delta ; en itY:q-)"" effet, un fleuve venant de l'est se jetait à cet V'r{t*,tu "\ \. endroit dans la t ' tr",'/r_u\ ''1.! ,1: '\* '*ij) mer. l*i De nombreux I '. restesde < rep- > f tiles ont aussi i étédécouverts. Ils . '', , appartiennentà des :ffiry' ',",** ' L*,, -gro,rp", W. { rrèsdiffé_ "#f ,'} , { ï}_ rents tels que les ,i '"',.. chéIoniens " -.; #h_,::r"Éi .*î' fu;i?ï",}: (3 Squeletteet reconstitutionde Diatryma, équiaalmt nord-américain ile Gastomis. espèces), Hyopsodus(petit condylarthre de la tailled'un rat) donnet'échelle. les Squamates (1 espèce). l'excavation de ces derniers. De nouvelles D'autres sauropsides, au mode de vie proche fouilles sont organiséespar Russell afin de sau- des crocodiles mais n'ayant aucun lien de I ver au plus vite les fossilescontenus dans cette parenté avec eu& rodaient à la recherche de lentille qui gêne la progression des carriers. La proies. Champsosaurusétait probablement pisci- carrière Mouras est actuellement fermée et vore et devait passer beaucoup de temps dans transforméeen ball-trap. l'eau, tandis que Simoedosaurussemble avoir été moins fortement adapté pour la vie aquatique et Ln reconstitutlon de devait être un prédateur teffestre. Lensemble de I'envlronnêmonl du tlonl-de-Berru ces < reptiles > indique que le climat devait être chaud et sans grand écart de température au Le Mont-de-Berru est un site quasiment unique cours de la joumée. pour comprendre les mammifères du Paléocène Un des éléments les plus surprenant de la faune d'Europe. Mais il a aussi permis la découverte est Gastomis, un oiseau géant (1 à 2 mètres de d'une faune de vertébrés complète. L étude de hauteur) et camivore. La taille minimaliste de celle-ci est une aubaine pour reconstifuer le ses ailes ne laisseaucun doute sur son mode de paléoenvironnement de la région rémoise au Iocomotion : Gastornisétait strictement terrestre début du Cénozo'ique. et ses robustes pattes arrières une adaptation à De nombreuses dents de raies et de requins la course.Cet oiseauétait le plus gros prédateur témoignent d'une forte inJluencemarine dans le de l'ensemble de la faune et devait se nourrir, dépôt du Conglomérat.Mais des restesde pois- entre autre, de mammifères. sons d'eau douce se trouvent associésà cesséla- ciens : le milieu de dépôt corresponddonc à une Leg mcrnrnifèreg du ftlonl-de-Berru zone de mélange d'eau douce et d'eau de mer. Cinq espècesd'amphibiens permet- La liste faunique du Mont-de-Berru comprend, tent de valider l'hypothèse d'un d'après nos connaiss.mcesactuelles, près de 40 environnement dulçaquicole et espècesde mammifères appartenant à 7 ordres postulent pour un milieu de faible différents. Mais trois d'entre énergie (présence eux dominent la faune f 'ryu.j en terme d'abon- dance nume- rique : les

Reconsti tuti on de Champsos aurus, DiapsidqûWartmant à l'ordredes Choristodera aujourd'hui disparu. SAGA lnformation - n"226 - Avril2û3

Plésiadapiformes, les Condylarthres et les s'ouvre dans l'arcade zygomatique/ un museau Multituberculés. Ces noms n'évoquent rien étroit se prolonge loin en avant, le pouce n'est pour un zoologue, en effet, ces trois groupes pas opposable aux autres doigts, et ils possè- représentent des ordres étéints et qui n'ont dent des gnffes. Autant de traits morpholo- aucun équivalent acfuel. giques qui ont évolué pour donner naissanceà des caractèresinédits chez les Primates (crâne' Les Plésiailapiformes haut et court, cerveau développé, barre post- Les Plésiadapiformes constituent un groupe orbitaire, museau large et court, pouce oppo- ubiquiste dans l'hémisphère nord du Paléocène sable et présenced'ongles). Aujourd'hui, leurs inférieur à l'Eocènemoyen. liens de parenté exactsavec les ordres modemes Ils forment un groupe qui a beaucoup intéressé tels que les Scandentia (Tupaïas), les les primatologues. Pendant très longtemps, ces Dermoptères (appelésaussi < lémures volants >, demiers ont supposé que nos ancêtresétaient à à tort puisqu'ils n'appartiennent pas aux chercher au sein des Plésiadapiformes qui Primateset ne pratiquent que le vol plané) et les étaient considérés comme des primates Primates restent âprement discutés par la com- archarques.La morphologie de leurs dents est munauté scientifique sans qu/aucun consensus en effet très proche des premiers primates tels réel ne se dégagepour f instant. que Teilhardina (Primates, Eocène inférieul Uun des taxons les plus représenté dans les Europe). Mais la découverte de crânes plus gisements du Mont-de-Berru est Plesiadapistri- complets et de parties postcrâniennes de cuspidens,un Plésiadapiforme de Ia famille des Plésiadapiformesa permis d'y voir plus clair : Plésiadapidés. Celle-ci est commune à leur crâneest bas et plat, leur cerueauest petit et l'Amérique du Nord (du Paléocènesupérieur à fortement comprimé antérieurement, leur orbite l'Eocène inférieur) et à l'Europe (seulement connue au cours du Paléocènesupérieur). P. tri- cuspidansest un de taille moyenne pour la faune du Paléocènemais de petite taille pour la faune actuelle puisque sa masse corporelle devait être proche de celle d'un chat. Sa loco- motion est de type arboricole et devait ressem- bler à celle des écureuils actuels (le tronc est escaladégrâce aux griffes et les déplacementsen hauteur se font en courant sur les brancheshori- zontales) ; en effet, P. tricuspidenspossède des griffes recourbées, des membres courts et robusteset n'a pas de pouce opposable.La den- tition se caractérise par de longues incisives inclinées,un grand diastème(un espaceédentée sur la mâchoire correspondant à la disparition des canines et des prémolaires les plus anté- rieures) et des molaires dont la couronne est basseet les cuspidesarrondies. Cette morpholo- gie indique probablement un régime à base de végétaux. Mais les Plésiadapiformes n'ont pas tous le même mode de vie : une secondeespèce pré- sente au Mont-de-Berru le prouve. Squeletteet reconstitutionde Plesiadapistricuspidens. Chiromyoides campanicus est très différent de Plesiadapistricuspidens, tout en appartenant pourtant à la même famille. C. campanicusétait de petite taille (proche de celle d'un écureuil roux) mais de morphologie plus robuste que Plesiadapis: il était probablement terrestre et mangeur de graines !

Les Conilylarthres Le groupe des Condylarthres illustre parfaite- ment les problèmes rencontréspar les paléonto- ,sr' logues lors de l'étude d'une faune aussi ancien- rsfi ne que celle du Mont-de-Berru. Au lieu d'utili- ser des caractèresnouvellement apparus pour Reconstih,Lfionde Chiromyoides. SAGAlnformation - n"226- Avril2003

définir le taxon, le regroupement a été effectué sur la base de caractères communs mais < anciens >. A première vue/ cela n'a rien de choquant sauf que seuls les caractèrescom- muns évolués permettent l'établissement des liens de parenté entre les fossiles (si l'on regar- de les caractèresdéfinissant les Condylarthres, on s'aperçoit qu'ils définissent en fait tous les ongulés !). Les Condylarthres présen- tent des caractèresd'ongu- S {.Èr.l lés archaïques et sont en cela des ancêtres potentiels des ongulés actuels comme les Artiodactyles (girafe, daim, zébu, bouquetin, etc.), les Périssodactyles(cheval, ,i rhinocéros et tapir), les Cétacés (baleine, dauphin, etc.), les Siréniens (lamantin et dugong), Crâneet reconstitutiond'Arctocyon primaeaus. les Hyracoides (hyrax) et les !:# Proboscidiens(éléphant). très particulière car elle associe des grandes Ils sont connus depuis le Crétacésupérieur mais canines pointues, souvent slmonymes de régi- deviennent très abondants au cours du me camivore, à des molaires aux reliefs bas et Paléocène; leur diversité diminue à l'Eocène arrondis, plus proche des dents de végétarien. jusqu'à leur extinction au cours de l'Eocène Cette associationrappelle les dents des Ursidés moyen. Leur présenceest attestéeen Amérique actuels : Arctocyon était un animal . du Nord, en Europe et en Asie. Le Mont-de- La famille des Mésonychidésa fait couler beau- l0 Berru ne comptabilise pas moins de 16 espèces coup d'encre car elle a été considéréependant de Condylarthres appartenant à cinq familles très longtemps cofiune le groupe ancêtre des distinctes. Cétacés.Toutefois, cette hypothèse vient d'être Un des animaux les plus abondant du gisement balayée par la toute nouvelle découverte d'un est Pleuraspidotheriumaumonieri (famille des squelettefossile de Cétacé.Ces derniers sont en Méniscothériidés),un animal proche de la taille réalité beaucoup plus prochesdes Artiodactyles d'une marmotte (3 à 5 kg), sans spécialisation que des Condylarthres. Dissncuseuropaeus est locomotrice particulière, ce qui en fait un animal l'unique représentantde cette famille au Mont- terrestre et marcheur. La surface occlusale des de-Berru. Ces molaires tendent à ressemblerà dents est parcourue de crêtes dessinant des croissants.Ces dents sont dites sélénodonteset indiquent que P. aumonieriétait folivore. Le plus gros mammifère de la faune est ArctocyonWimûezrus (famille des Arctocyonidés). Sataille avoisine celle d'un loup mais sa loco- motion est plutôt celle d'un ours, car cette f espècemarche sur la plante des pieds, le talon posé au sol. Sesmembres sont courts et robustes, sa queue est longue et puissante, il possèdedes griffes et peut-être même un pouce opposable aux autres doigts. Sa dentition est

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Crânede Pleuraspi dotherium aum onieri. Squeletteet reconstitutionde Mesonr1x,cousin nord-amfficain de Dissacuseurûqaeus. SAGA ln{ormation - n"226 - Avril 2003

logues ont eu beaucoup de mal à ranger les Multituberculés parmi les mammifères actuels en raison de carac- tères particuliers. C'est pour cette raison qu'ils ont été classés dans un groupe à part : les Allothériens (terme s'opposant à celui de < Thériens > désignant l'en- semble des mammifères d'aujour- d'hui). La morphologie de leurs dents est facilement reconnais- sable : la surfa- ce des molaires constituée de lignes

Squeletteet reconsfitutionde Hyopsodus, cousin nord-amé- ou cuspides(d'où le nom de < multituberculé >). ricainde Paschatherium dolloi. Cette dentition correspond probablement à un régime des prémolaires,c'est-à-dire qu'elles présentent omnivore comportant des éléments des une morphologie en lame caractéristique des coriacesconune graines. Le animaux camassiers.Dissacus est d'ailleurs le Mont-de-Berru compte 8 espècesapparte- nant à 4 genres différents seul véritable mammifère camivore. Les restes de Multituberculés. des membres indiquent une adaptation à la Seulesles parties dentaires ont été fossiliséesau course, il devait donc s'agir d'un prédateur- Mont-de-Berru. Mais des élémentspostcrâniens sont connus dans des dépôts de même âge en chasseur.Sa taille estimée est proche de celle 11 d'un coyote. Amérique du Nord. Les paléontologuesont pu que les La diversité des adaptations des Condylarthres en déduire Multituberculés étaient pro- des animaux est très vaste, pour preuve/ l'exemple de bablement arboricoles. Paschatheriumdolloi (fiamtlledes Hyopsodontidés). Il est de petite taille et mangeur de plantes. Ses Le Mont-do.Berru 3 membres possèdent des adaptations à la vie un palrlmolne à seuyog.rrder arboricole, notamment un pied capable de se mettre en position rétroversée, c'est-à-dire les Les animaux du Paléocèneappartiennent à un phalanges vers l'arrière et le talon vers l'avant monde aujourd'hui presquetotalement disparu. de l'animal. Cette position est utile pour la des- Il faut se représenter une faune composée de cente des arbrescar les griffes sont alors correc- mammifères majoritairement de petite taille, tement orientées pour s'agripper au tronc. II beaucoup sont arboricoleset la plupart se nour- faut se rendre compte que, chez les animaux rissent de feuilles etlou de fruits. La proportion dépourvus de pouce opposable,le grimpé verti- de prédateurs est encoretrès faible. En résumé, cal est assuré uniquement par les griffes et la les niches écologiquesoccupées par les mammi- forme de ces demières ne leur permet de s'ac- fères ne correspondent pas à celles que l'on crocher au bois que dans un seul sens,celui de trouve actuellement danS les forêts tropicales. la montée, lorsque le pied est en position <. La paléontologie menant à tout, vous conunencement de l'Eocène inférieux, 1a faune venez de comprendre l'origine du surmenage n'est déjà plus la même : les groupes comme 1es des pompiers : le pied des chats (et les félins de Plésiadapiformes et les Condylarthres voient manière générale, mais cela dépasse alors le leur diversité diminuer. De nouveaux ordres de cadre des pompiers) est morphologiquement mammifères apparaissent et sont la cause de inapte à un mouvement de rétroversion ! leur déclin : les Rongeurs, les Primates, les Artiodactyles, les Périssodactyles, les Les Multihtberculés Chiroptères (chauves-souris) et les Carnivores. Les Multituberculés représentent un groupe de petits mammifères dont la longévité est inéga- L"Eocène marque l'émergence d'un grand nombre d'ordres modemes lée. Ils apparaissentdès le furassique supérieur d'animaux. Ce tour- et disparaissent au cours de l'Oligocène infé- nant crucial dans ltristoire mammalienne est grande >, rieur (soit 120Ma d'exisfence!). Leur répartition appelé " coupure hyracothérienne ou géographique se situe sur l'ensemble des conti- renouvellement faunique de la limite nents de l'hémisphère Nord. Les paléonto- Paléocène/Eocène. SAGA lnformation - n"226 - Avril 2003

Crâne,squelette et reconstitutionde Ptilodus (Multituberculénord- américaiù.

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Le Mont-de-Berru, par sa position stratigra- phique, et donc temporelle, mais aussi par la rareté des faunes fossiles dans le Paléocène d'Europe et surtout par la richesseen nombre et en diversité de ses fossiles, est le gisement le plus précieux du Paléogèneinférieur. Aujourd'hui, sa faune est bien connue grâceaux travaux de grands paléontologues tels que Victor Lemoine, Pierre Teilhard de Chardin et Donald Russellet il sembleentendu que de nou- velles fouilles n'apporteraient probablement rien de nouveau. Toutefois,ce constatne doit en rien conduire à Ia destruction du site. Au contraire, la préservation de la coupe témoin de la carrière Mouras et de l'affleurement du Conglomérat de Cernay, dans la carrière Lemoine, serait une étape supplémentaire dans la sauvegarde du patrimoine géologique et paléontologique d'Europe æ

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