Kernos Revue internationale et pluridisciplinaire de religion grecque antique

18 | 2005 Varia

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/kernos/864 DOI : 10.4000/kernos.864 ISSN : 2034-7871

Éditeur Centre international d'étude de la religion grecque antique

Édition imprimée Date de publication : 1 janvier 2005 ISSN : 0776-3824

Référence électronique Kernos, 18 | 2005 [En ligne], mis en ligne le 06 septembre 2011, consulté le 23 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/kernos/864 ; DOI : https://doi.org/10.4000/kernos.864

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Kernos 1

SOMMAIRE

Éditorial

Éditorial André Motte

Hommage

Hommage à Pierre Lévêque Pierre Brulé

Études

Beyond the Limits of Lyric The Female Poet of the Hymn to Demeter Ann Suter

Los Pequeños Misterios de Agras Unos misterios órficos en época de Pisístrato Miriam Valdés Guía et Roxana Martínez Nieto

Retour à la terre : fin de la Geste d’Érechthée Sonia Darthou

Religion publique et croyances personnelles : Platon contre Socrate ? Aikaterini Lefka

Influenze egizie nella Descriptio orbis di Dionisio d’Alessandria? Eugenio Amato

Nom d’une Artémis ! À propos de l’Artémis Phôsphoros de Messène (Pausanias, IV, 31, 10) Laurent Piolot

Le « mythe » et ses états... Celtic conference in Classics

« Le pseudo-sacrifice d’Hermès ». Hymne homérique à Hermès I, vers 112-142 Poésie rituelle, théologie et histoire Claudine Leduc

Aphrodite dans le domaine d’Arès Éléments pour un dialogue entre mythe et culte Gabriella Pironti

Myth as a mobilizing force in Attic warrior society Synnøve Des Bouvrie

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La terre-mère : une lecture par le genre et la rhétorique patriotique Violaine Sebillotte Cuchet

Apollon, Athènes et la Pythaïde Mise en scène « mythique » de la cité au IIe siècle av. J.-C. Karine Karila-Cohen

Dans le nom, tout n’est-il pas déjà dit ? Histoire et géographie dans les récits généalogiques Pierre Brulé

La notion de retournement et l’agôn musical entre Apollon et Marsyas chez le ps.- Apollodore Interprétation d’un mythe Philippe Monbrun

Plutarque et Damon de Chéronée Une histoire, un mythe, un texte, ou autre chose encore ? Pierre Ellinger

Héraclès, Tyndare et Hippocoon dans la description de Sparte par Pausanias Mise en espace d’une tradition mythique Olivier Gengler

Le mythe, référence identitaire pour les cités grecques d’époque impériale L’exemple du Péloponnèse Yves Lafond

Deux mythes de métamorphose en animal et leurs interprétations : Lykaon et Kallisto Madeleine Jost

Comment effrayer les enfants : le cas de Mormô/Mormolukê et du mormolukeion Maria Patera

Héraklès : encore et toujours le problème du heros-theos Emma Stafford

Il corpo mitico dell’eroe. Eroi e santi nella rappresentazione di un cristiano d’Oriente Chiara Cremonesi

Droit de réponse

Una breve puntualizzazione metodologica Fabio Mora

Chronique des activités scientifiques

Epigraphic Bulletin for Greek Religion 2002 (EBGR 2002) Angelos Chaniotis et Joannis Mylonopoulos

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Chronique archéologique de la religion grecque (ChronARG)

Revue des livres

Comptes rendus et notices bibliographiques

Barbara GOFF, Citizen Bacchae. Women’s Ritual Practice in Ancient Greece Anne-Françoise Jaccottet

Jérôme LAURENT (éd.), Les dieux de Platon André Motte

P. MURRAY, P. WILSON (éds), Music and the Muses: The Culture of Mousike in the Classical Athenian City Ellen Van Keer

Antje KOLDE, Politique et religion chez Isyllos d’Épidaure Pierre Sineux

Ilias N. ARNAOUTOGLOU, Thusias heneka kai sunousias. Private religious associations in Hellenistic Athens Yulia Ustinova

Marina POLITO, Il δοῦμος. Un’associazione sacra in zone di contatto Emmanuel Voutiras

Guy LABARRE (éd.), Les cultes locaux dans les mondes grec et romain. Actes du colloque de Lyon, 7-8 juin 2001, Université Lumière-Lyon 2 / UMR 5189 du CNRS Yves Lafond

Laurent BRICAULT, Isis en Occident. Actes du IIème colloque international sur les études isiaques, Lyon III, 16-17 mai 2002 Richard Veymiers

Monique BOUQUET, Françoise MORZADEC (éds), La Sibylle. Parole et représentation Emilio Suárez de la Torre

Ute HEIDMANN (éd.), Poétiques comparées des mythes. De l’Antiquité à la Modernité Vinciane Pirenne-Delforge

Philippe BORGEAUD, Exercices de mythologie Vinciane Pirenne-Delforge

Jean-Baptiste BONNARD, Le complexe de Zeus. Représentations de la paternité en Grèce ancienne Véronique Dasen

Françoise FRONTISI-DUCROUX, L’homme-cerf et la femme-araignée Véronique Dasen

Le Papyrus de Derveni, traduit et présenté par Fabienne Jourdan Claude Calame

Giovanni PUGLIESE CARRATELLI, Les lamelles d’or orphiques. Instructions pour le voyage d’outre-tombe des initiés grecs Claude Calame

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Agnès PIGLER, Plotin. Traité 54 (I, 7), Introduction, traduction, commentaires et notes André Motte

Louis GERNET, Polyvalence des images. Testi e frammenti sulla leggenda greca Vinciane Pirenne-Delforge

Actes de colloques, ouvrages collectifs et mélanges

Actes de colloques, ouvrages collectifs et mélanges

Revue des Revues Vinciane Pirenne-Delforge et Angel Ruiz Pérez

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Éditorial

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Éditorial

André Motte

1 Comme nous l’avions annoncé l’an dernier, ce numéro de Kernos s’ouvre sur un hommage rendu à Pierre Lévêque par notre collègue Pierre Brulé, que nous remercions beaucoup d’avoir mis en perspective le parcours peu banal de ce maître estimé.

2 P. Brulé est associé à ce numéro de Kernos d’une autre manière encore. En septembre 2004, il a organisé, avec ses collègues de l’Université de Rennes 2, la troisième Celtic Conference in Classics que patronnait également Anton Powell. Cette large rencontre comptait quatre panels de discussion. Le thème de l’un d’entre eux étant « Le mythe grec », il nous a semblé que Kernos était un lieu adéquat pour la publication d’un certain nombre de communications présentées dans ce cadre. Les discussions furent fécondes et animées, mais l’ensemble n’aurait pas produit un volume thématiquement cohérent. La poikilia d’une revue annuelle lui convenait davantage et nous sommes heureux d’associer cette abondante moisson aux articles de varia déjà prévus. J’en profite pour remercier nos collègues de Rennes, Pierre Brulé et Laurent Piolot, de leur participation active à la préparation de ce numéro plus volumineux que d’habitude, ainsi que du soutien financier du Crescam.

3 À l’heure où ce volume de Kernos sortira de presse, le Xe colloque du CIERGA aura tenu ses assises à l’Université libre de Bruxelles (cf. infra pour le programme) et les actes de la rencontre précédente de Fribourg seront sortis de presse (Kernos, supplément 15).

4 Le 16e supplément sera fait d’un ouvrage mis au point à l’Université de Heidelberg par Eftychia Stavrianopoulou, dans le cadre d’un programme de recherche sur la dynamique des rituels. L’ensemble des conférences, présentées en anglais, seront ici rassemblées sous le titre Ritual and Communication. La publication est prévue pour le tout début de l’année 2006.

5 Les chroniques épigraphique, archéologique et bibliographique sont toujours bien présentes à la fin du volume, mais nous avons renoncé à la Chronique des rencontres scientifiques sous une forme « papier ». Nous espérons créer bientôt les conditions d’un accès électronique aux annonces des rencontres qui intéressent les lecteurs de Kernos, au départ du site de la revue. N’hésitez pas à consulter dès à présent ce site1 d’où les

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commandes peuvent être passées, avec la possibilité commode d’un paiement par carte de crédit. On n’arrête pas le progrès !

NOTES

1. http://www.ulg.ac.be/histreli/kernos.htm

AUTEUR

ANDRÉ MOTTE Président du Comité de rédaction et Vice-président du C.I.E.R.G.A.

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Hommage

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Hommage à Pierre Lévêque

Pierre Brulé

1 Pierre Lévêque est mort le 5 mars 2004 à 82 ans.

2 Il avait toujours surpris par une activité débordante qui le portait aux quatre coins du monde, franchissant avec une aisance déconcertante latitudes et méridiens. Robert Étienne lui disait : « Notre oikoumène suffit à peine à borner tes errances. » Il en allait de même avec siècles et millénaires et les terrains d’enquête. « On me reproche, » m’écrit-il un jour, « mon mysticisme de la recherche. » Mysticisme ? Je ne sais pas. Mais, quelle gourmandise ! Pour ne parler que d’histoire ancienne, quelle variété d’intérêts il a toujours montrée, tirant jubilation intellectuelle aussi bien des dévaluations à Rome que de la sculpture – qu’elle vienne de Délos, de Thasos, de Delphes, de Rhodes ou du Portugal… –, du commerce de l’étain que des poètes alexandrins, des Hittites que des Doriens. Il vibrait d’une libido sciendi qui le faisait embrasser toujours de nouveaux projets, lancer de nouvelles enquêtes, accueillir de nouveaux chercheurs. Son goût pour les périples le conduisait en Géorgie, en Grande Grèce, mais aussi au Brésil, au Canada et au Japon. Il n’était pas l’homme des petits cantons – son Érétrie était « Rameuse » –, son regard périphérique (là où une aventure est toujours en réserve) l’attirait vers des marges, de la Gaule aux royaumes gréco- bactriens et gréco-indiens; ainsi s’explique sans doute aussi son intérêt toujours vif pour les phénomènes de colonisation – encore le voyage. Le voyage, c’est cette autre appétence pour la pensée des autres. Ainsi, à partir de la fin des années 1970, vient s’ajouter cette autre invitation à l’aventure, celle qui lui a fait saisir l’Antiquité classique à travers le miroir des expériences d’autres sociétés1. Et, au sein de la culture grecque elle-même, c’est avec Pierre Vidal-Naquet qu’il mit au point une telle image réfractée, donnant un grand coup de jeune à des Clisthène et Épaminondas.

3 Forts de notre décalage chronologique, nous voyons dans ses années de formation et dans l’entrée de Pierre Lévêque dans le concert des historiens de l’Antiquité le clair présage de ces développements tous azimuts : cet éclectisme, qui était aussi un cosmopolitisme, cette curiosité toujours prête à se saisir d’un nouvel objet. On qualifierait aujourd’hui ses trois premiers ouvrages de « décalés », par leur sujet, et par ce qu’ils supposaient d’emblée d’une connaissance multiforme des sociétés antiques – il fallait avoir acquis pour cela aussi bien la maîtrise de la sculpture archaïque que celle

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du théâtre classique et des néo-platoniciens2. Or il se trouve que l’on ne prise pas trop l’éclectisme en ce milieu... Le choix de Pyrrhos comme sujet de thèse est symptomatique, comme il est unique, en ce temps comme aujourd’hui encore. Il cumule les originalités. Une biographie. Un souverain d’une Grèce très mal connue. Un destin mêlant deux mondes. Tout est décalage. Comme l’est son Agathon et plus encore son Aurea catena Homeri : une étude sur l’allégorie grecque3. On imagine le foisonnement des lectures en tous sens. Et, dans la continuité du chercheur multivalent, est vite venu ce livre, nourri en outre d’une inhabituelle sympathie avec son sujet, et que tant d’historiens – fort nombreux en dehors des spécialistes – considèrent comme un chef- d’œuvre de synthèse, son Aventure grecque (1e éd., 1964, 6 éditions et 5 traductions). Nos milieux rechignent aux hyperboles, mais, pour évoquer ce livre, il faudrait pouvoir restituer l’enthousiasme qu’il a suscité. Qui a écrit des manuels, ou, plus exactement, de telles vastes synthèses, sait à quel point il y a loin d’un « état des questions » à ce véritable poème. Nonobstant les très grandes qualités d’historien d’un André Aymard4 (plus grandes qualités sans doute), mesurez la distance qui sépare de ce point de vue L’Orient et la Grèce...5 de L’aventure. En aval, on soutiendra aussi qu’en retour, les milliers de fiches nécessaires à L’aventure expliquent cette aisance évoquée plus haut à disserter des sujets les plus divers. Mais ce serait, je crois, trahir la démarche de Pierre Lévêque que de négliger les motivations impérieuses qui suscitaient les réponses d’un humaniste traditionnel. Ces motivations, c’était le choc de la pensée des autres. C’est ainsi qu’on le voit, successivement ou synchroniquement, abonder dans le dumézilisme, le structuralisme, le marxisme, – sans parler de son intérêt pour les procédés optiques de déchiffrage des cadastres... Souplesse impressionnante de la pensée, à l’affût des « derniers » renseignements sur tel ou tel sujet (pour prendre un exemple : sa passion subite pour les amphores SOS). Autant d’outils, autant de tremplins pour penser.

4 « Dans le fond, il n’y a que cela qui m’intéresse… » C’est de religion grecque qu’il me parlait. Je ne sais pas si cette parole est venue tard dans son parcours intellectuel (je l’ai entendue en 1988). Toutefois, dans sa vaste bibliographie, on peut trouver les antécédents anciens de cet aveu. Sans compter les pages que L’aventure lui consacre, le premier signe de cet intérêt, c’est évidemment ce maître-livre aussi que constitue Les grandes divinités de la Grèce6, entrepris en collaboration avec Louis Séchan, cet helléniste qui l’avait lancé sur la piste d’Agathon7. Dix ans après sa sortie, il regrettera néanmoins – en raison des compromis impliqués par une telle collaboration – d’avoir dû modérer son désir d’une présentation moins « traditionnelle » des dieux grecs. Quoi qu’il en soit, le projet de l’ouvrage – tout dire sur chaque dieu – interdisait évidemment la formulation de perspectives synthétiques.

5 À qui cherche dans l’Index des Mélanges Pierre Lévêque (M.-M. Mactoux et E. Gény [éds] 1995) la trace de la première formulation de ce qui caractérisera la pensée de Pierre Lévêque sur la religion grecque, il faut attendre longtemps. Le premier ouvrage synthétique qu’il lui consacre date de 1985, c’est Bêtes, dieux et hommes. L’imaginaire des premières religions8. Ce livre-bilan avait été préparé par une longue suite d’études où avaient été mises à l’épreuve les principales idées qui y sont formulées. Mais ce socle lui-même, à la fois l’idée que Pierre Lévêque se faisait de sa recherche et aussi le noyau de sa conception, se repère plus tôt encore dans un texte malheureusement non publié. C’est en 1968, l’année où fut mise au programme des concours de recrutement de l’enseignement la question sur la religion grecque9. Dans ce cours ronéotypé rédigé pour les étudiants de Besançon, et qui va du néolithique au Corpus hermétique, en

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passant par l’iconographie minoenne, les tablettes mycéniennes, l’architecture religieuse, l’origine du théâtre, Pierre Lévêque fournit, me semble-t-il, les premières réponses aux questions qu’il pose à l’histoire de cette religion. On y voit déjà les essais de reconstitution des panthéons protohistoriques, y sont agitées les questions de la continuité des cultes sur la longue durée, des syncrétismes, des Doriens, des hiérogamies, de l’eschatologie dans ses liens avec le culte des forces de vie, de la signification religieuse des concours. L’auteur tente de répondre dans la diachronie et, que ce soit par le recours à l’archéologie (toujours sollicitée comme pièce à conviction) ou à l’étymologie, pointe constamment ce souci d’une quête de l’origine des dieux, moins des rites et un peu des mythes. Déjà à cette époque, il milite pour une continuité globale depuis le IIe millénaire et ne voit de chiasme qu’à l’époque historique, vers 430, quand « l’inquiétude étreint les consciences » (p. 154 du vol. 2). Ainsi, tout ce qui constituera la matière des recherches ultérieures de Pierre Lévêque est présent dès 1968 (c’est l’année de la fondation du Centre de Besançon).

6 Viennent les années 1970 avec cette superbe et fort cohérente série d’articles : « Formes et structures méditerranéennes dans la genèse de la religion grecque », « Continuités et innovations dans la religion grecque dans le première moitié du Ier millénaire », « Essai de typologie des syncrétismes », et « Le syncrétisme créto- mycénien »10 qui clôt ce cycle. Trop d’obligations ne lui laissent qu’un temps limité pour écrire sur ce qui « [l]’intéresse vraiment ». Pourtant, son extraordinaire facilité aidant, cela ne l’empêche pas d’écrire beaucoup. Peut-on dire trop ? Quoi qu’il en soit, Pierre Lévêque ne reprendra plus ce dossier d’une sorte d’archéologie de la religion grecque avant 1981.

7 La seconde volée des articles qui vont le mener aux Bêtes…, opère un virage dans son approche. Désormais plus soucieux d’articuler pensée marxiste et histoire, plus influencé alors par les lectures de Jeanmaire, de Gernet et de Brelich, mais toujours mu par le goût du voyage vers les origines, le comparatisme entre par la grande porte pour deux types de relecture : d’une part celle du plus lointain passé : « À propos des chasseurs du Nil et du Sahara : la pensée des chasseurs archaïques » et « Contribution à une théorie historique de la production de la pensée religieuse dans les sociétés du Paléolithique et du Néolithique »11, et d’autre part celle de questions spécifiques de la religion grecque comme les concours et les mystères : « Approche ethno-historique des concours grecs », « Concours grecs, jeux romains et jeux mésoaméricains. L’idéologie de l’éternel retour »12; « Olbios et la félicité des initiés » et « Structures imaginaires et fonctionnement des mystères grecs »13. À lire les Bêtes dans la continuité de cette double volée de travaux, il apparaît clairement que toute l’œuvre a tendu vers l’écriture de ce livre, son vrai projet.

8 « Ce qui importe, à mon sens, c’est de développer une étude résolument historique14 de la religion grecque, c’est-à-dire de tenter de saisir la genèse des mythes et des rites, d’appréhender les relations de causalité entre les infrastructures socio-économiques et les faits religieux, de suivre et d’expliquer l’évolution sous la double forme des permanences et des innovations »15. Cela fut longtemps sa doctrine. Cela s’applique, par exemple, à l’enfant divin. Pierre Lévêque accumule les traits de ce qu’il considère comme une structure : naissance et enfance « anormales », mise en danger, rapports aux « nymphes » bienveillantes, passage par les Enfers, hieros gamos avec une Grande- Mère, connexions avec les fleurs, mort lamentable, résurrection annuelle (Pierre Lévêque avoue ce qu’il doit à Frazer et aussi, un peu, à M.P. Nilsson, à Ch. Picard, moins

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à J. Harrison). Ce qui caractérise la procédure intellectuelle de Pierre Lévêque, c’est qu’il considère avoir fait la preuve de la validité de ce modèle structural par une induction dans le passé. S’il est possible d’en reconstituer la genèse, la preuve sera faite de la réalité du modèle. D’où cette quête qui le mène aux Mycéniens, aux Minoens, au néolithique de Çatal Hüyük, et plus tard, en route vers les Bêtes…, jusqu’au paléolithique. C’est-à-dire que, d’une invariance définie pour une époque donnée, il cherche à reconstituer une évolution, mais il se révèle que c’est une « téléonomie ». Le paradoxe de sa méthode c’est que ce qu’on retiendra de meilleur, de plus salutaire, à savoir son souci d’histoire, l’ait plus amené vers un « comparatisme chronologique » que vers une histoire véritable, ployant à outrance les réalités historiques. Prenons une Artémis. L’oubli de sa réalité à l’instant t suppose de la faire entrer dans la diachronie à toute épreuve d’un concept aussi flou que celui de la Grande Mère néolithique, déesse de fertilité et de fécondité, – elle qui ne connut jamais de ces « embrassements », ni cosmiques ni autres.

9 Écrire un hommage, c’est manifester une fidélité. Mais, par incompétence, je laisse à d’autres d’autres regards, et je finirai par le « noyau dur » : une gratitude pour le plaisir de cette œuvre immense et passionnante qui nous a nourris, pour nous avoir donné le goût, la foi en l’histoire, enfin, à une époque où cela n’allait pas de soi, pour avoir rendu possible l’expression des jeunes chercheurs. Quant à ce qui m’intéresse ici, l’histoire de la religion grecque, elle a beaucoup à gagner à l’application du programme de Pierre Lévêque. Mais une histoire consciente de ses limites documentaires et attentive aux pièges des raisonnements inductifs où la découverte est trop souvent, déjà, dans la question.

NOTES

1. Voir deux articles de la riche décennie 1975-1985 : « Religions africaines et religion grecque : pour une analyse comparée des idéologies religieuses », Afrique noire et monde méditerranéen dans l’Antiquité, Colloque de Dakar, 19-24 janvier 1976, Dakar-Abidjan, 1976, p. 196-236 [repris dans La Pensée, 210 (févr. 1980), p. 30-62] et « Approche ethno-historique des concours grecs », Klio 64, 1 (1982), p. 5-20 [Mélanges H. Kreissig] (où la comparaison est menée avec les Mayas). 2. Le seul point aveugle (relatif) de Pierre Lévêque, c’est l’épigraphie – il y a là la trace d’une hiérarchie des valeurs préjudiciables à une juste prise en compte des rituels dans ses travaux sur la religion. 3. Respectivement : Paris, 1955 et Paris 1959; Pyrrhos, Paris, 1957, 735 p. 4. Qui fut un de ses maîtres. 5. A. AYMARD et J. AUBOYER, L’Orient et la Grèce antique, Paris, PUF, 1953. 6. Paris, de Boccard, 1966 (2e éd. augmentée, A. Colin, 1990). 7. Et l’avait aussi entraîné jusqu’à passer ses dimanches à réviser notre Bailly. 8. Paris, Messidor, 240 p. 9. La chose n’était évidemment pas absolument nouvelle, et un article comme celui sur les cultes d’Arcadie, de 1961, apparaît en quelque sorte prémonitoire : « Sur quelques cultes d’Arcadie : Princesses-ourses, hommes-loups et dieux-chevaux », L’Information historique 23 (1961), p. 93-108.

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10. Respectivement : Praelectionnes Patavinae, Rome, 1972, p. 145-180; PP 28 (1973), p. 23-50; Les syncrétismes dans les religions grecques et romaines, Actes du colloque de Strasbourg, 9-11 juin 1971, Paris, PUF, 1973, p. 179-87; Les syncrétismes dans les religions de l’Antiquité, sous la direction de Fr. Dunand et P. Lévêque, Colloque de Besançon, 22-23 oct. 1973, Leiden, Brill, 1975, p. 19-75. 11. Deux articles du DHA 7 (1981), p. 41-52 et 53-92 12. Klio 64 (1982), p. 5-20; Archaiologia, Athènes, 4 (1982), p. 8-16. 13. Rayonnement grec. Hommages à Charles Delvoye, Bruxelles, 1982, p. 113-126; SSR 6 (1982), p. 185-208. 14. Les italiques sont d’origine. 15. « Un nouveau décryptage des mythes d’Adonis », REA 74 (1972), p. 180-185, texte polémique rendant compte du livre de M. DETIENNE, Les jardins d’Adonis. La mythologie des aromates en Grèce (1972). Il est piquant d’y lire aujourd’hui ce reproche à l’auteur, d’avoir condamné un « comparatisme sans frein » (p. 183).

AUTEUR

PIERRE BRULÉ Crescam – Université de Rennes 2

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Études

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Beyond the Limits of Lyric The Female Poet of the Hymn to Demeter

Ann Suter

1 This essay explores the possibility that the Homeric Hymn to Demeter, or the poem on which it was based, was composed by a woman. Until now, most work on female authorship in the ancient world has been on lyric poets, for the excellent reason that very little in other meters by women has survived to us. But we know that women composed in other meters; we know that they composed in the epic hexameter. We know that women entered musical competitions, and we know that they composed for performance at women’s festivals and for the cults of goddesses. There is, in short, no a priori reason why a woman should not have composed the HDem.

2 Still, no explicit evidence in the form of ancient testimony has come down to us to encourage an identification of the poet of the HDem. as a woman. To my knowledge, only Helene Foley, Louise Pratt and Eva Stehle have even suggested that it may be so. 1Foley dismisses the idea immediately as too improbable, given the “public context” in which the Hymn “was likely to have been performed”. Pratt is reluctant to consider it at any length; her article focusses on the treatment and depiction of old women in ancient Greece, and from that perspective, the Hymn is susceptible to different interpretations which render the evidence ambiguous. Stehle does not pursue the possibility because she feels we know too little about the performance context for the Hymn, which she takes to be the .

3 The majority of scholars who write on the Hymn do not even consider the possibility of female authorship. This is probably so, first, because it is the heritage of our field, whose scholarship was so long confined to the male perspective, to assume the male as producer of all cultural artifacts unless there is specific and incontrovertible evidence to the contrary. Second, perhaps because the Homeric Hymns are in the epic hexameter and that is linked in our minds to “Homer”, or to Phemios and Demodokos = “male”. Third, the pan-Hellenic aspects of the major hymns, and the Olympian perspective they take, are thought to imply male authorship2. Last, perhaps because it is hard to believe that the rape in the Hymn, and the apparent acceptance and approval of it, was composed by a woman.

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4 All of these hesitations are reasonable. But recent work on the known female poets of ancient Greece, and my own reading of the Hymn, offer ways around Foley’s and Stehle’s concerns, and counter-balancing data to add to Pratt’s ambiguous evidence. The recent work isolates certain elements in female-authored poetry and identifies them as “female”;3 these elements are all in the Hymn in force. My reading argues for ’s agency in the narrative and suggests the presence of an all-female audience for both the core story (defined below) and the whole Hymn.

5 There is no question that the scenario I sketch in this essay is speculative. I lack Samuel Butler’s confidence, even though recent work in psychoanalysis and literary criticism provides me with more sophisticated tools of analysis than he had at his disposal.4 It is one thing, however, to extrapolate characteristics from texts known to be by women and identify them as “female” in contrast to attitudes evident in works by men in the same genre. It is another to use those characteristics to diagnose the gender of the author of an anonymous text. We are all familiar with the possibilities of “ventriloquism” and “rhetorical postures”,5 and so this essay will surely raise the question “How reliable are these characteristics for identifying the biological sex of an anonymous author?” Still, I believe it is a useful exercize to see how powerful a speculative argument can be made. We have all too long assumed a male poet for the Hymn, despite much contradictory evidence.

6 This essay first reviews the historical context for the possibility of a female poet for the HDem. Then I turn to the Hymn and summarize arguments in my book showing that the Hymn is a reworking of traditional materials and identifying a core story where Persephone and Demeter are the agents of the narrative.6 I note the Hymn’s many similarities to the characteristics of female lyric. Then I consider what kind of audience and performance context would be appropriate for such a poem. The essay concludes with an assessment of the Hymn which reverses the usual assumptions; I assume that a woman composed it for a female audience.7 This assumption solves some critical and historical problems, and gives a fresh view on what has come to be known as an ancient text that “somehow enter[s] into the female consciousness better than other Greek texts do”.8 * * *

7 Eva Stehle has made a forceful case for the impossibility of female bards.9 Perhaps she is right, if by “bard” we mean only the kind in Homer, that is, a singer of songs for mixed, or all-male, audiences at the court of a king. But this is not the full picture, even when we include the poetic competitions we hear about in Hesiod (W&D, 651-659). It is surely possible to compose bardic poetry – narrative hexameter poems dealing with mythical or heroic subjects – for performance contexts other than those which would require social events such as men’s games or men’s feasting, or for the poetic competitions. Sappho did the former. Korinna did the latter, although it is unclear if she entered dactylic hexameter poetry in competitions.10 Helen also is portrayed doing the former in Odyssey IV.11

8 It also seems likely that there were different types of bardic poetry. Gentili distinguishes the type of performance Demodokos gives at Od. VIII, 258-369, which he calls “epic-lyric” and argues has a strophic structure since it was accompanied by dancing, from “purely recitational performances in the normalized hexameter” familiar to us from the Homeric and Hesiodic poems.12 Other examples of epic-lyric

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texts could be some of Sappho’s narrative poems with mythical subjects – 44 on the wedding of Hektor and Andromache, 44A on Artemis’ acquisition of everlasting virginity, or the one-line frag. 42 on Leto and Niobe – and other of her dactylic verse not in hexameters. These would be examples of what Page calls “typically Lesbian verse”13, and if their performance context is disputed, at least their existence, and their female authorship, are not. It is clear as well from Sappho and Korinna’s poetry that they were thoroughly familiar with epic diction.14

9 Our information is more plentiful for later times: there were Anyte (“the female Homer”15), Erinna, Moero and Hedyla writing in epic hexameters.16 Women also, we know, wrote hymns to deities, intended for performance at festivals and as part of religious cult worship.17 They also composed choral songs to be sung by choruses of girls and for the “population at large”,18 whose subject matter was both local and pan- Hellenic myth.

10 Anthropological data offer myriad comparanda.19 In many traditional societies it is common for women as well as men to be poets and storytellers, although usually not the chief ones. Storytelling, public verbal activity, impromptu poetic performances were not carried on only in formalized, occasional, or elite contexts, but as daily activity in many situations and for a variety of audiences. The same materials could be performed in different ways, and depending on the immediate audience, they could be epic, hymnic, blaming, praising, all in the daily competition of self-presentation. It is not easy to believe that the women of archaic Greece did not participate in these activities, as their peers did in other societies and times.

11 This is the necessary circumstantial evidence. It shows that it was technically possible for a woman to have composed poetry such as the HDem. If the Hymn was composed by a woman, all the separate elements outlined above would have had to come together: familiarity with mythological themes, skill with dactylic verse, a working knowledge of traditional diction,20 an interested audience, and an appropriate performance occasion. The first three we have already seen combined in several ancient women poets. It is the last two elements which constitute the chief challenge to the possibility of female authorship for the Hymn. To determine an appropriate and likely audience and performance occasion, it is necessary first to examine the poem; its subject matter and atmosphere, attitudes and perspective will help to suggest where, under what circumstances, and for whom the Hymn would command attention and respect. * * *

12 Much valuable feminist work has been done in the last 20 years on the HDem., but it has all remained within the framework of a patriarchal reading of the poem. By that I mean a framework that takes Hades to be the active agent in Persephone’s abduction and Zeus to be behind it all. This scholarship has pointed out the patriarchal model of marriage in the presumed exchange of women between Zeus and Hades. Others have seen Hades’ abduction of Persephone as a brutal rape and have challenged earlier scholars’ apparent assumption that such acts were normal and do not require comment. All these have seen Persephone as a victim, the helpless pawn of the patriarchy, and Demeter, at best, as fighting a rear-guard action against male control. My, slightly different, feminist perspective sees Persephone as an active participant in the events of the Hymn. This, in making Hades a reactor to Persephone’s initiative, automatically makes him less of a rapist and more peripheral.21

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13 I believe that it is Persephone who sets the narrative in motion when she reaches out to pick the narcissus, and that she does not have sexual relations with Hades until she accepts the pomegranate seed.22 Furthermore, she does not accept the seed until he has agreed that she return to her mother. It is true that it is Zeus’ will (βουλῇσι, 9) that all this happens. We are told of his plan in the very first lines, and it is rounded off near the end of the poem when Demeter and Persephone go to Olympos to “dwell beside Zeus” (483-488). These passages frame the story proper; I call them the “Olympian frame”, a manifestation of the trend of Olympianization found in all the major Hymns.23 Within the Olympian frame is the story of Persephone’s coming of age and Demeter’s reaction to her maturation. This is the core story, which was “Olympianized” in the Hymn’s version of the myth ca 600 B.C.E.24 My initial arguments in this essay are for the possibility of female authorship of the core story only. I make a separate argument considering data which may indicate a female author for the whole Hymn.

14 The notion of a distinction between the core story and the Olympian frame is critical to my argument for female authorship. The distinction indicates that the Hymn we have is a reinterpretation of the myth, and of the power relationships among the deities whose activities it records. The first and last few lines of the Hymn set the core story into a frame where Zeus’ will and hegemony are asserted over the core story’s events.25 But perhaps the most definitive element of the reinterpretation is Persephone’s speech to her mother (406-433), which retells the story of the myth, which the narrator has just told us. There are differences in emphasis, even apparent contradictions, between Persephone’s and the narrator’s versions, but the chief difference is that Persephone’s has an internal audience. The poet of the Hymn repeats the story so as to present Demeter as a model of how the poem’s audience should react to the new version of the myth being offered in the Hymn. The poet is at the same time speaking in Persephone’s voice to Demeter and sua voce to the ancient audience.26 Demeter accepts Persephone’s new status as an adult and Queen of the Underworld; the poet’s audience, likewise, is asked to accept the new, Zeus-dominant, power relationships in this new version of the myth. This argument is supported by certain elements in the diction of the speech (νημερτέα πάντα – 406; ἀληθέα πάντα – 433), which are a feature of the Olympianization of the Hymn. Other indications that a reworking of traditional materials is taking place can be seen in the use and function of key words (μῦθος, ἔπος, τιμή, κῦδος, γέρας), which indicate clearly that Demeter and Persephone are the authoritative figures in the narrative, not Zeus, as asserted in the Olympian frame, and that in the core story his will is muddled and ineffective.27 It is clear, for example, that Zeus knows nothing about the existence or effect of pomegranate seeds; this is a device known in the Hymn only to Demeter and Hades and perhaps Persephone.28

15 Once the Olympian frame is recognized for what it is – an effort to impose Zeus’ patriarchal control on a story for and about females – it is clear that the action of the story begins when Persephone reaches out to pick the narcissus. It is time for her to grow up; she is ready; she reaches out on an impulse of her own nature. She subsequently controls the situation to the extent that she does not accept Hades as a lover – that is, eat the pomegranate seed (371-374) – until her return to Demeter is assured, and until Hades promises to be a good ἀκοίτης for her, giving her supreme honours among the souls in the Underworld (360-369), and even lending Hermes his chariot to take her back to her mother in style. Demeter’s agency in the story is in need of arguing also, perhaps: it has not always been acknowledged that she refuses to

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accept Zeus’ proferred honours, and that she brings him to heel with her power over the vegetation of the earth. He capitulates, and sends Hermes to fetch Persephone back – forever, so he thinks. It is only Hades’ idea of the pomegranate seed, and Persephone’s cooperation in it, that ensure that even part of Zeus’ plan in the Olympian frame will be accomplished.

16 The core story of the Hymn recounts Persephone’s coming of age 29 and Demeter’s accommodation to her daughter’s new status. It is a story where women are dominant, are the active agents, and are the ones who undergo change and growth. The male, Hades in this case, is the “marker of position” in a female story.30 Persephone is ready for sexual maturity; she reaches for the narcissus; Hades responds. She accepts the male, and mature sexuality, but does not wish to give up her relationship to her mother.31 The mother, after her own struggle – the search, the episode in Eleusis with Demophoön, the battle of wills with Zeus32 – accepts her daughter as a mature woman. What was first a relationship of power (the mother) and weakness (the daughter when a child) becomes one of equals. It is obvious that Persephone has grown up, but so has Demeter, who takes the last step in her own maturation when she accepts her daughter’s maturity. In this story, the specifics of how Persephone acquires her sexual maturity are secondary. The abduction was sudden and frightening33 certainly, even though she was ready, but the situation was not altogether out of her control, as we saw above. Indeed, it is the Olympian frame, which claims the abduction was planned by Zeus and Hades, which makes Hades’ response to Persephone’s readiness seem like a rape. Demeter, for her part, relinquishes her position of power; at the end of the poem, the mother and daughter are equals. This is the development of the relationship of the two chief characters in the Hymn, as I read it.

17 It is curious, despite the clear sequence of events in the Hymn, that scholars have read it exactly as the Olympian frame sets out, accepting that what happens in the story is what Zeus willed, and ignoring the fact that this necessarily includes his own humiliation by Demeter. This fact, however, will perhaps give us a clue later to the gender of the poet. * * *

18 Recent scholarly work on poetry known to be by women isolates numerous characteristics as being typical, if not actually diagnostic, of female-authored poetry. These characteristics include subject matter, themes, perspectives, stylistic preferences. They were developed by careful analysis of the texts available to us, using feminist theoretical vocabulary, and comparing the treatment of similar subjects by male poets. According to these criteria, the HDem. – at least the core story – should have been composed by a woman.

19 Perhaps the most important way in which the Hymn’s core story resembles women’s poetry is in how it treats the myth it retells. Rayor points out, in her discussion of Korinna 654 (PMG), where Rheia gives birth to Zeus and then saves him from the predations of Kronos, how “Korinna consciously repossesses myth”34. She argues that Korinna’s treatment of Rheia refashions the male treatment of the story in Hesiod’s Theogony, giving Rheia the central role and timê. Winkler35 analyses Sappho 16 in a similar fashion, pointing out how she retells the story of Helen going to Troy with Helen as the powerful determiner of her own action. The earliest references we have to Demeter and Persephone as mother and daughter, and to Persephone’s abduction by

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Hades with Zeus’ knowledge, are also in the Theogony (912-914). It is unclear whether the core story is repossessing the myth from its male Hesiodic version, or whether Hesiod was putting a male slant on an originally female myth. The important point is that we have different, and gender-related, treatments in the two poems.

20 Several writers have offered lists of the subject matter typical of women’s poetry in the ancient Greek world. Snyder includes parents and children, children’s play, daily living, household affairs, woolworking, pets, spiritual and ritualistic matters, love relationships, friendships, “emotional attachment and commitment between women”. She finds women’s activities are described, rather than women’s physical characteristics, and although women poets may sometimes use military metaphors, their poems never describe battle scenes.36 Elsewhere, Snyder notes Sappho’s concern with “the inner emotions of love and desire and the role of memory in assuaging the pain of separation”.37 In the same way, the poet of the Hymn’s core story describes the thoughts and feelings of the females in the narrative – distress, grief, anger, fear, longing, suspicion, joy – but never the feelings of the male characters.38 Memory too is important in the story; Persephone remembers her mother and misses her in the Underworld (343); her emotion is left at that. For Demeter, however, it functions as an urgent stimulus to her efforts to retrieve Persephone. Unlike the women in Sappho’s poems, she is a goddess and does not have to accept the separation from a loved one that a male tries to impose on her.

21 Skinner summarizes the subjects of Sappho and Erinna’s poetry in this way: “the sphere of women’s religious and domestic lives and...their deep emotional attachments to other women”. She also discusses Nossis: “Nossis addresses the problem of how female selfhood is achieved and manifested” in poem 7 (Anth. Pal. IX, 604); in poem 8 (Anth. Pal. VI, 353), Nossis shows “the biological and psychological complexities of the mother-daughter relationship”, and “hints at the struggle over the daughter’s autonomy latent in the mother-daughter dyad”. Her poems reflect the “transcendent importance of women’s experience – of intimate bonding, especially the bonding of mother and daughter”.39

22 This subject matter is precisely what we see in the core story of the Hymn. With the exceptions of woolworking and pets, every one of the items mentioned by Snyder is present as foreground or background in either the Demeter/Persephone story, or in the episode in Eleusis when Demeter is welcomed by Metaneira and her daughters as nurse for Demophoön. Persephone “achieves female selfhood”, and “manifests” it to her mother in her assured recitation of her adventures (406-433). The “struggle over the daughter’s autonomy” constitutes the bulk of the Hymn’s narrative. It motivates Demeter’s grief at Persephone’s disappearance, and her determination to get her back. Persephone struggles against her mother, and also within herself. She is ambivalent about whether she wants to grow up: she reaches for the narcissus, but then shrieks for her father when the outcome of that gesture occurs in Hades’ arrival. She is swallowed up in mother earth (= regression to childhood with Demeter?) but later accepts the pomegranate seed as her introduction to adult sexuality. The struggle over her autonomy culminates in the reunion scene: the goddesses run to embrace one another, but immediately Demeter is suspicious and questions Persephone about eating, knowing what may have happened. In Persephone’s reply we have a skillful performance, designed both to assert her new status as an adult (“Yes, I ate the seed” 411-412), and to placate her mother and remain close to her (“but he forced me to”

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413). We know this is not true; at least there was no mention of force in the narrator’s recounting of the incident (371-4). Whatever Demeter may be thinking, she accepts the story, and “All day long... they warmed each other’s hearts and minds” (434-435).40

23 Another critical similarity of the core story to the work of female lyric poets is the subject position taken by Persephone and Demeter. Here the poet makes use of the hymnic convention which introduces the divinity to whom the hymn is dedicated in the accusative case, and after a few lines switches to the nominative. Persephone is kept in the accusative case until 15, far longer than most, and her first action as subject is the more noteworthy for the unusual delay. Demeter too is introduced in the accusative in line 1, but does not appear in the nominative until 39 when she reacts to Persephone’s cry. She is thereafter in a subject position also, doing her share of making things happen. Noone denies her the right to her anger,41 which manifests itself in the drought and famine on earth and threatens life itself, and the honours of the gods. The behaviour of Zeus and the other gods on Olympos in the core story is always in reaction to her actions. Her value system (the mother-daughter bond) prevails over theirs (the supremacy of the father).

24 Persephone and Demeter become one another’s objects. Demeter sees her initially as an object – her daughter, in a subordinate position vis-à-vis her own power as mother.42 She never doubts that Persephone wants to return to her as much as she wants her back. Nor does Demeter doubt her own right to interrogate Persephone when she returns. But then we see that this power relationship has been challenged after all, by Persephone herself when she ate the pomegranate seed; she and her mother must renegotiate their relationship. They do: no longer hierarchical, it is now balanced, non- competitive. Their reunion establishes Persephone as her own subject in Demeter’s eyes; Demeter, of course, has always been a subject in her daughter’s. The Greek of the passage reflects this mutual recognition perfectly: ῝Ως τότε μὲν πρόπαν ἦμαρ ὁμόφρονα θυμὸν ἔχουσαι | πολλὰ μάλ’ ἀλλήλων κραδίην καὶ θυμὸν ἴαινον | ἀμφαγαπαζόμεναι, ἀχέων δ’ ἀπεπαύετο θυμός. | γηθοσύνας δὲ δέχοντο παρ’ ἀλλήλων ἔδιδόν τε (“... being one in spirit, | they warmed each others hearts and minds in many ways | with loving embraces, and an end to sorrow came for their hearts/ as they took joys from each other and gave in return” – 434-437). The very sound pattern of the d’s and t’s in 437 underscores the mutual love of mother and daughter, and the balanced equality of their individual, new selves: “d – d – t (with one another) d – d – t”. This phrase is unique in traditional hexameter diction.43

25 This is an excellent example of the mutuality, the interconnectedness, the intertwined receiving and giving which is so often cited as characteristic of the narrator’s perspective and stance towards her addressee in Sappho’s poetry. Demeter and Persephone are “positioned as both subject and object of desire.”44 In the same way, de Beauvoir comments on lesbian love: “[T]here is no struggle, no victory, no defeat; in exact reciprocity each is at once subject and object, sovereign and slave; duality becomes mutuality.”45 To be sure, the “desire” in the Hymn is not erotic. But psychologists remark on the narcissistic impulse in mothers and daughters who see and love themselves in each other.46 This impulse, as it appears in the core story, is aptly described by the words of Williamson and de Beauvoir.

26 One of the aspects of male-authored poetry intended to be performed by women, which Stehle points out in Alkman’s Partheneia, is the male definition of the female and the female acceptance of his definition.47 Such poetry was performed in a public context,

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before a mixed-sex audience. The Hymn has often been seen as just such an effort of the male (through the voice of a male poet) to define the respective roles of father, mother, daughter and daughter’s intended husband, and to present them as a model for human society.48 Such definition is largely irrelevant to Demeter and Persephone, however; their subject positions are validated by the core story. What gets defined in this poem is not the female and her proper role in a patriarchal society, but the adult mother/ daughter relationship.49

27 Comparing the characteristics of female-authored poetry and those of male-authored poems in the same genre with similar subject matter has been a persuasive method of isolating characteristics of female lyric.50 The HDem. has instructive comparanda also, especially in how the other Homeric Hymns praise the deities to whom they are addressed. In the other Hymns Zeus’ will is supreme; in none are the glory and honour of the addressee achieved apart from it, and Aphrodite is even humiliated in her hymn, so as to accommodate Zeus’ pique at having been subjected to her powers. The exact opposite is true in the HDem.; Persephone and Demeter acquire their honours independently of Zeus and it is Zeus who is humiliated. This suggests a very different perspective and sensibility in its poet, a perspective and sensibility that are female and reflect understanding of how things happen and look in a woman’s world. An ethic of hierarchy underlies the other Hymns, in contrast to that of cooperation and sharing in the HDem., where hierarchy is challenged and condemned by Demeter in her reaction to Zeus’ efforts, and changed to equality in her relationship with Persephone. An ethic of sharing is apparent also in the division of Persephone’s time between Hades and Demeter. They come to an arrangement which both Demeter and Hades accept, and which Persephone implicitly desires since it is her coming of age story and it was she who reached for the narcissus and set the narrative in motion. Zeus was not involved in this arrangement; his instructions to Hermes were simply to bring Persephone back (337-338), with no mention of any time-sharing with Hades. * * *

28 Such are the characteristics of the Hymn which argue for the possibility of female authorship. It is now possible to turn to the question of audience and performance occasion. Who would make a likely audience for a poem like the core story? What kind of audience – by their presence, their interest, their approving reception – would give the singer of this song the authority to sing it? It is difficult to believe that an all-male group could have been the intended audience for the story of such intensely and specifically female experiences as those which Persephone and Demeter undergo. Even a mixed group of worshippers seems less likely for the core story than an all-female one, although possible for the whole Hymn, with its Olympianizing parts.

29 The appropriate audience for such a story as this, I suggest, may be found in groups of young women gathered to celebrate their coming of age.51 Not at the mixed-sex ceremonies for which Alkman wrote his Partheneia, which focussed on the readiness for marriage of young women in the social context of the polis52, but at the all-female occasions concerned with the actual steps of a young woman’s physical and emotional growth, acceptance of mature sexuality, and the new relationship with the mother. We have records of such rites for different areas of Greece, especially Athens and Sparta, but none of these was sacred to Demeter or Persephone. We have none for Eleusis,53 although it is scarcely credible that young Eleusinian women did not manage their

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transition to adulthood without some form of ritual. However, we have in the HDem. an aitiology for the Thesmophoria (the Demophoön episode), and we do know that the Thesmophoria was celebrated at Eleusis, probably at least from the early Archaic age.54 Its general purpose was fertility: it included digging pits where pigs were deposited and from which the rotted remains were retrieved by women known as “Bailers” for spreading on fields. If, as is probable, it was celebrated in a fashion similar to the one in Athens, it was for women only, and concerned not only the fertility of the earth, but that of the human female as well. It is unlikely that the performance of the core story was part of the actual rites. At least, the cult acts of the Athenian Thesmophoria had little to do with the story of Persephone’s abduction and return, although they were later, in the 5th century, interpreted as being modelled in part on the myth.55 It is likelier that the story was performed simply as entertainment. Indeed, it may have been the performance of the poem at the festival that started or encouraged the later identification of the festival with the Hymn’s story.

30 This festival provides an appropriate occasion for the story, as its concerns and participants included young brides and their sexual maturation and fertility. It may have been, in some cases, the first time a daughter and mother were together again after the daughter’s wedding removed her from her natal home. The performance of this poem would have reflected and resonated with their reunion. Skinner, citing Winkler, suggests such activities: “At separate cult gatherings such as the Adonia and the Thesmophoria, to say nothing of daily private interaction in their own homes, these women had abundant opportunities to speak and joke among themselves, to chant and dance, to adapt a flexible mythic heritage to their purposes – in short, to propagate their own discourses in relative isolation.”56 Stehle suggests something similar, that the story of Demeter and Iasion may have been told at the Thesmophoria as a version of the “goddess mates with a human male” myth, in which the female is the dominant character.57 Note also her description of “community” poetry: “The notion of community performance as providing reflection and model means that community performers speak both for and to the audience and community at large.” Such poetry can “mark a turning point or critical moment in the life of the community.”58 Just so for a performance of the core story at the Thesmophoria; only the “community” is that of the Thesmophoriazusae only, not the whole polis.

31 The Eleusinian Thesmophoria, then, seems a good occasion for performing the core story. What about one for the whole Hymn, with its efforts to introduce Zeus as the eminence behind it all, and the aition for the Eleusinian Mysteries at the end? A mixed- sex audience is possible here, at the Mysteries themselves, perhaps, or in the musical competitions of the Eleusinia, a harvest festival sacred to (among other deities) Demeter and Persephone and celebrated at Eleusis at least as early as the 6th century.59 The implication of the Hymn as a reworking of traditional materials is that there were males in the audience, for they would presumably be the ones most pleased with the new, male-dominant power relations, and the ones who would most approve of Zeus arranging his daughter’s marriage. The story was reenacted during the celebration of the Mysteries, although probably only parts of it.60 This does not mean that the Hymn itself was performed as part of the rite, however. It is likelier that it would simply have been entertainment at the Mysteries in the same way the core story may have been at the Thesmophoria. At the Eleusinia the whole Hymn could have been either entertainment or competition. On either occasion (Eleusinia or Mysteries), it would

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have been a story about the goddesses to whom both cults were sacred, in the same locale as they were celebrated, and, in the case of the Mysteries, recounting how the festival originated.

32 The problems with these scenarios are numerous, however. A woman performing her own work before such audiences, while not impossible61, is surely rare. Was then the whole Hymn composed and performed by a male after all? This is a familiar strategy: the male recasts the female-authored poem from his own perspective and with his own agenda. There are difficulties in the Mysteries or the Eleusinia as occasions for a male performance of the Hymn, however. As we have seen, Zeus does not get what he sets out after, but is instead bested by Demeter.62 It is implausible that an audience with males would have responded well to this, irrespective of who was performing it and despite the poem’s pan-Hellenizing aspects. Further, Zeus had no part in the celebration of the Mysteries or the Eleusinia, so an effort to make him the cause of the abduction story has little point from the perspective of these cults.

33 There remains (for this essay) one possible arrangement of these elements – poet/ audience/performance context – and it does account for these difficulties. Perhaps the whole Hymn – not just the core story – was composed by a woman and performed at the Thesmophoria. This would produce a new interpretation of the confrontation between Zeus and Demeter. In such a reading, the Olympian frame becomes a mocking parody of and commentary on the dominant male poetic strategy emerging during the Archaic age, that is, the Olympianization, or pan-Hellenization, of materials under the mythic (but not cultic, it should be remembered) hegemony of Zeus on Olympos, a strategy which asserted for the male the sole authority for speaking on mythical matters.63 Thus, the underlying plan of the HDem., with its Olympian frame surrounding earlier mythic materials and asserting the power of Zeus, is the same as that of the other long Hymns. In this parody of the plan, however, Zeus is outmanoeuvred by Demeter and his power is mocked. He humiliates Aphrodite in the HAphr. (this is consistent with the assumption of a male poet for it), but in the HDem., he himself is (consistent with the notion of a female parody).

34 Parallels to such mockery are close at hand: the Hymn to Hermes can be read as a parody of the epic style, eg., in its treatment of the heroic cattle raid. We see such mockery of male heroics also in Sappho 16, where she undercuts the male glorification of military razzle-dazzle with her assertion of the relativism of the real basis of one’s choice of τὸ κάλλιστον. In her epithalamia also we have similar, more light-hearted fun made of the bridegroom’s physique in the parodic reuse of the heroic epithet “the equal of Ares” (ἶσος ῎Αρευι – 111), and in the adaptation of an epithet for a shield when she indirectly describes the doorkeeper’s huge feet by mentioning his “five-oxhide” sandals (πεμπεβόηα – 110a cf. ἑπταβόειαν). 35 O’Higgins describes “the Thesmophoria’s darker side” and suggests that “women’s cultic speech may have included a more subversive agenda”. She adduces the behaviour of the women of Aristophanes’ Thesmophoriazusae as an example of something that “reflect[s] a genuine function of the women’s festival that did not conform to ‘official’ [= male] ideology”.64 In the Hymn we have just such derisive treatment of Zeus: his will is thwarted; he is shown to be ignorant (of the function of the pomegranate seed); he is out-manoeuvred by Demeter and Hades and Persephone. In the context of a female poet’s mockery of the pompous, empty majesty of Zeus, the god’s standard epithets take on amusing and provocative meanings. At the end of the Hymn, when he sends

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Rheia to offer (again unsuccessfully) honours to Demeter and to proclaim (redundantly; cf. 393-400) the division of Persephone’s time between Hades and Demeter, he is described as “far-seeing, loud-thundering Zeus” (441). He has just been bamboozled; hasn’t seen anything until too late; has been pontificating pointlessly from Olympos. But he is still the “lord of the dark clouds” (468) which presumably are responsible for his being so fogged in.65 In any case, Demeter ignores his offer. The female principle is triumphant. A few lines later, after Demeter has instructed the men of Eleusis in the establishment of the Mysteries, she and Persephone go to Olympos “for the company of the other gods. There they dwell beside Zeus” who is (still) delighting in his thunder (484-485).66 The poet then praises the goddesses, invokes them once more, and asks for their gifts in return for her song. This ending is an excellent example of what Skinner describes in Sappho: “In none of these texts does Sappho close her eyes to the ontological reality of the masculine order. She recognizes it, as a prior and controlling presence, but still avows the ethical superiority of her nonnormative subject position, her radically woman-centered approach to existence.”67 For “Sappho” read “the female poet of the HDem.” The women of the Thesmophoria accept the male-inclusive and male-run Mysteries.

36 Still, an aition for the Mysteries towards the end of the Hymn perhaps sits oddly in a poem performed at the Thesmophoria. How to understand this? There are several ways. First, as just mentioned, it conforms to the pattern found in Sappho’s verses. Second, is the presence of this aition any more surprising in a hymn performed at the all-female Thesmophoria than the outmanoeuvering of Zeus and marginalization of Hades by a powerful goddess, and the focus on such intensely female issues as female coming of age and the mother-daughter relationship would be on a performance occasion where men are present? In my opinion, much less so. Once again, we have perhaps been too accustomed to assume male authorship and not question the evidence that contradicts it, seeing problems only when we assume female authorship. We do not have to disprove male authorship; after all, the Hymn has come down to us as an anonymous composition.

37 Third, the Mysteries, for which there is the aition at the end, is part of the worship of Demeter and Persephone at Eleusis, and as such should not surprise us in a hymn dedicated to them. It is, in all probability,68 an outgrowth, a "universalization", of the Thesmophoria, and in the early stages of its development at the time of the composition of the Hymn. One of the main agendas of the Hymn is the commemoration of the joining together of Demeter and Persephone in worship in the Thesmophoria, where Persephone alone had been worshipped in earler times, and in that of the Mysteries, which were developing with Demeter as its chief goddess. This forms a plausible reason, I suggest, for the inclusion of this aition.69 * * *

38 Much of what has just been laid out qualifies as fulfillment of my promise (p. 19, above) to assume a female poet, and reassess the Hymn from that perspective. Certainly the most pervasive change, if we take this attitude to the Hymn, is the easy recognition of the same female characteristics in it that have been pointed out in the women lyricists. The Hymn takes its place alongside the poetry of Sappho, Korinna, Nossis, and the others, producing its own examples of female attitudes, interests, and subject positions. It no longer excites our wonder that the Hymn “somehow enter[s] into the female

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consciousness better than other Greek texts do”, or that it “put[s] the experience of ancient women and its symbolic importance into some perspective”.70 If we assume female authorship, the parodic character of Zeus’ clumsy efforts to run things becomes clear, and we have an explanation at last for the unique treatment he receives.71 We stop overfocussing on Hades and Zeus and can see what the bulk of the poem is about.

39 This assumption answers other interesting questions also, both textual and non- textual. For example, the poet takes over the voice of Persephone when she tells Demeter her version of what has happened to her. Shelmerdine and Stehle speak of the identification of the poet with the divinity to whom a hymn is dedicated.72 In these cases, the divinities (Hermes and , respectively) are male, so noone has ever questioned the identification, although Stehle makes a point of the male persona of the poet of the HAp., and of his emphatic self-presentation as a male. Her example of the poet’s use of Apollo’s voice is at HAp. 363-374: “the bard speaks as Apollo speaking to the snake, but he also directs his words... straight to the audience.”73 This is exactly what we have seen with Persephone’s tale to Demeter – the poet speaking not only in the voice of the character Persephone, but in her own at the same time, to her own audience. The poet here derives her authority in the same way the poets of the HHerm. and the HAp. derive theirs, by identifying herself with the poem’s authoritative figure. Persephone delivers the longest (= the most authoritative74) speech-act in the Hymn, and it is the Hymn’s own story. But let us return for a moment to the customary assumption, that of a male poet for the Hymn. Could he not identify himself not only with Persephone (“ventriloquism”), but with the Zeus of the Olympian frame as well, acquiring male authority thereby over the whole Hymn, as the poet of the HAp. does with his similar self-identification? This assumption leads to a problem, though, which should by now be familiar: Zeus’ omnipotence and omniscience, asserted in the Olympian frame, turn out to be severely limited and badly flawed in this Hymn. Why should a male poet wish to create and identify with such a figure? In the end, it really makes better sense for the poet to be a woman mocking the “normal” male assumption of authority. She is responding to, and in part deriving her authority from, an all- female audience.

40 Another anomaly in the HDem. concerns its place within the oral hexameter tradition. Its diction and several of its stylistic devices exhibit characteristics which are not paralleled in the Homeric poems, some not even in the other Hymns. I have just noted how the unique treatment suffered by Zeus in the narrative is reflected in the usage of the words muthos and epos. In no other work of Archaic hexameter poetry are Zeus’ muthoi or epea rejected or ignored, as they are in the Hymn by Demeter, who substitutes her own muthoi, which prove stronger than Zeus’. Richardson notes as well, that “[m]any words and forms are found in the Hymn which do not occur in Homer, Hesiod, or other early epic (Hymns, Cycle, inscriptions, etc.).”75 He lists peculiarities in diction, formulae, forms, usage, and the treatment of the digamma. Could this wide-ranging difference from its companions in Archaic hexameter indicate that the Hymn is part of a separate female tradition, another strain of the oral tradition? Skinner suggests the possibility of such a female poetic inheritance in the lyric tradition, and O’Higgins one for iambic poetry.76 There perhaps existed such in the hexameter tradition also, if the HDem. is any guide.77

41 There are other aspects of the Hymn, both narrative and stylistic, which differentiate it from Homer. Demeter and Persephone as a mother/daughter pair, for instance, have no

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place in Homer, where there is no connection between the two. Persephone is the awesome Underworld goddess, Demeter a rather minor grain divinity, little more than a personification of “bread” except as part of Zeus’ list of dalliances in the Διὸς ἀπατή (Iliad XIV, 326). It is not until Hesiod’s Theogony (912-914) that the two goddesses have a mother-daughter relationship, and the bare outline of the abduction is related. In the scenario of a female oral tradition, the story would have been based on the kernel in Hesiod and “repossessed” by women.

42 D. Beck examines the Hymn’s use of direct and indirect discourse and its use of speech- framing formulae. She finds these usages unique in the hexameter tradition. Furthermore, they “highlight the emotions and narrative importance of the mother- child relationship between Demeter and Persephone.”78 This, according to what we have seen above, is a typical concern in female-authored poetry.

43 Lucia Nixon has investigated another aspect of the Hymn, which points to particularly female concerns and knowledge: the uses of two plants which play important roles in the Hymn’s story, pennyroyal and the pomegranate seed. These plants were known and used in the ancient world as abortifacients and birth control devices.79 She suggests that Hades, in giving the pomegranate seed to Persephone may be unknowingly and foolishly ensuring that he will never be a father. This may well be a legitimate way to interpret the significance of the pomegranate seed;80 if so, it would provide yet another joke on the ignorant male for the women in the poem’s audience, who know how to manage their own bodies’ fertility in ways men do not even suspect.81

44 One last puzzle, an historical one this time, may find a solution in the concept of the Hymn as a woman’s poem composed by and performed for women. It has long been noted, but never explained, that there are no clear and unambiguous references to the Hymn in literature until the post-Classical period, “no direct mention of the Homeric Hymn and scarcely anything which can reasonably be identified even as a reminiscence or echo of it” in classical literature.82 Likewise, the myth of Persephone’s abduction and Demeter’s wanderings in search of her seems unknown to Attic vase painters until the second half of the 5th century, and even then, references seem to be to a version different from the Hymn’s.83 If the Hymn, and the core story upon which it is based, were the work of women, and performed only at all-women’s festivals, it is quite understandable that it would not be readily available to the eyes and ears of a male public and included in their artistic productions, especially given its depiction of Zeus. I mentioned above (p. 29-30) that the cult acts of the Thesmophoria seem originally to have had little to do with the story of the Hymn. I suggested also that performances of the Hymn at such festivals might have been the impetus for the eventual identification of Persephone’s story with the celebration. This speculation may now be carried farther: it may be in the very process of that identification, which seems to have begun in the late 5th century, that the channel was found for the emergence of the Hymn into the world of men. *

45 If we assume a female poet or poets, then, we have the following. Zeus’ ignominious treatment is given a likely explanation.84 The remarkable acuity of the Hymn’s perception of female experience, and the gender-linked manner of its expression, become the simple reflection of the nature and socialization of its poet. The assumption of Persephone’s voice by the poet to tell the authoritative muthos of the Hymn now no longer requires an extraordinary ventriloquism; here, women really are talking about

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themselves.85 The differences in the Hymn’s diction and usage from other branches of oral tradition have a single explanation; they explicitly support some of the female author arguments, and do not contradict any. And we have a plausible reason for the complete lack of recognition of the Hymn in other extant Archaic and Classical works of literature and in Attic vase painting until the late 5th century. We have found as well a congenial performance occasion for both the core story and, if we accept that ancient women were capable of parody while still recognizing their ultimate place in the “ontological reality of the male order”86, of the whole Hymn as well, at the Thesmophoria. *

46 Is this enough to prove female authorship of the Hymn? I do not think so, although I believe it offers a strong enough challenge to the assumption of male authorship that that assumption should be abandoned. And there are other ways to assess the possibility, which are beyond the scope of this essay. I have privileged feminist scholarship in the present analysis, and barely touched on scholarship where gender issues are not the focus of concern. The present arguments, for example, should be brought into relationship with work on the oral tradition. The concept of multiformity87 provides an excellent context for a female tradition and for interplay between male and female treatments of the same materials. The “unHomeric” nature of the Hymn’s diction and word-order should be investigated further88. Training of bards in the Archaic age, whether male or female, is a subject on which very little work has been done. Perhaps others will pursue these possibilities. For the present, let us return to one incontrovertible fact: the Homeric Hymn to Demeter has not come down to us as the work of a man. We do not have to disprove that. It has come down to us as an anonymous creation. From the perspective of that starting point, on which all scholars agree, I think it is not at all impossible that it is the work of women. Indeed, it is even likely.

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NOTES

1. STEHLE (1997), p. 211-212; PRATT (2000), p. 55-59; FOLEY (1994), p. xi-xii. Pratt points out that the HDem. was attributed to Homer in antiquity, which suggests “the ancients did not consider it a female creation” (56). Note, however, that the ancients also attributed the HHermes to Homer, and modern scholarship has not hesitated to challenge that. See D. BECK (2001), p. 56 n. 12 for references to Janko and Hoekstra. 2. STEHLE (1997), ch. 4, esp. p. 177-196 on the Hymn to Apollo. SNYDER (1989) also associates the local with female and pan-Hellenic with male. GENTILI (1988), p. 116 does not see this correlation. There is certainly no gender-linked specialization in subject matter. Perhaps Stehle is referring only to bardic poetry. But see my arguments below for the female bard’s identification with Persephone in the HDem. 3. See, for example, SKINNER (in RABINOWITZ, RICHLIN eds, 1993); STIGERS [STEHLE] (in FOLEY ed., 1981); DEJEAN (1987); RAYOR (1993). Contrast these arguments with those in WEST (1977), where he argues that Erinna was really a man. I am grateful to Lucia Nixon for bringing this article to my attention. See ARTHUR [KATZ] (1980) for a rebuttal to West. 4. See DOUGHER (2001) for a fine discussion of the pros and cons of Butler’s theory that the Odyssey was written by a woman. 5. PRATT (2000), n. 21 for a discussion of the “question of whether a distinct female voice can occur in poetry created by men”; DOUGHER (2001), p. 173 for “rhetorical postures”; RABINOWITZ (2001), p. 193 for “style one could choose to employ”; STEHLE (1997), p. 322; SKINNER (in RABINOWITZ, RICHLIN eds, 1993) for a classic example of ventriloquism (Diotima in Plato’s Symposium). 6. SUTER (2002), esp. chs. 1-3. 7. It was with amusement and some chagrin that, after I had drafted this essay, I read the page proofs for the book (SUTER 2002) on which it is based. Despite my (obvious) intellectual understanding of the arguments I made in the book, in it I clearly maintained the conventional assumption of a male poet. The contrast in attitude of this essay and the attitude in the book is instructive. 8. PRATT (2000), p. 55. 9. STEHLE (1997), ch. 4. 10. Sappho, 104-106 (Loeb Classical Library), eg., are in dactylic hexameter; 107-109 probably are. Korinna victorious in competition with Pindar: Pausanias, IX, 22, 2; Aelian, Varia Historia XIII, 25. Several of the fragments of Korinna’s surviving poetry seem to be in dactyls, some are definitely in dactylic hexameter (e.g., PAGE ed., Poetae Melici Graeci, 1975, p. 657-658, 669, 674). 11. GOLDHILL (1991), p. 61-66 sees Helen as a bard, as Odysseus has long been seen in his stories to the Phaiakians. Never mind that her story may be discredited (DOHERTY [1995], p. 130-135); she, like Odysseus and in the same peformance context, sings the story of Troy. 12. GENTILI (1988), p. 14-15. See also p. 125 for other early composers of this “citharoedic” poetry. 13. PAGE (Sappho and Alcaeus, 1975), p. 65-66. 14. See, for example, WINKLER (in FOLEY ed., 1981) on Sappho 16 (Homer), or RAYOR (1993) on Korinna 655 (Hesiod) (PAGE ed., PMG, 1975). See also Plutarch, Moralia 496 D on female Homerids. 15. Antipater of Thessaloniki, Anth. Pal. IX, 26, quoted in SNYDER (1989) as an epigraph. 16. See RAYOR (1991), p. 11, and passim for translations and commentary. POMEROY (1977) discusses women professionals of all kinds in the 6th-1st centuries B.C.E.; see esp. p. 4-57 for poets. See also DEMARTINO (1991). 17. SNYDER (1989), p. 16-18 (Sappho); 50-51 (Korinna); 54 (Praxilla); 60 (Telesilla). 18. SNYDER (1989), p. 40-45; STEHLE (1997), ch. 2. 19. Eg., TURNER (1980), p. 143-144; GOSSEN (in BAUMAN ed., 1977); SHERZER (in BAUMAN ed., 1977); BECKWITH (1919); ZAYKO (1995); HERZFELD (1985).

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20. How they came by this knowledge is not known – any more than it is known how male bards in Archaic Greece acquired their skills. One must imagine it was something like the way in which they acquired the knowledge and skills of lamentation: exposure from childhood to public performances, and the practise and development of skill in (probably) the female environments of home, work and festival. See F. BECK (1975), STEARS (in BLUNDELL, WILLIAMSON eds, 1998), p. 123, and L. O’HIGGINS (2003), esp. chs. 2 and 4. 21. The only scholar to attribute some agency to Persephone to my knowledge is PERKINS (1996), p. 140, although she identifies a different act (the “lie” to Demeter at 406-413) as the evidence of it. 22. In the latter point I follow others; see SUTER (2002), p. 57-58 for eating the pomegranate seed as symbolic of sexual intercourse. 23. First discussed by CLAY (1989). 24. I use Clay’s term because hers was the original argument for it. For the purposes of this essay, however, “pan-Hellenization” – the term most often used in analyses of women’s poetry – should be understood as indicating the same trend, which began, like “Olympianization”, in the Archaic age. 25. It is not possible to give specific line numbers for the frame; the poet managed the transition from frame to core story and back again very skillfully. For instance, at the beginning, the frame probably ends at 14, but the action in 15 (Persephone reaching for the narcissus, her first action as a subject which starts the core story) has obviously been introduced by the poet in 4-7. Still, the idea of the narcissus as a δόλον, and Gaia’s complicity, are part of the frame. 26. This is the argument for the metanarrative function of Persephone’s speech if we assume male authorship of the whole Hymn. The slightly different interpretation below, which assumes female authorship, would make the address to the audience a part of the parody of the archaic male poet’s strategy. See below, p. 31-32. 27. For the use of μῦθος and ἔπος, see Martin (1989). For the implications in traditional diction of νημερτέα and ἀληθέα, see Nagy (Homeric Questions, 1996). For discussions of these words, as well as τιμή, κῦδος, and γέρας, see Suter (2002), ch. 2. 28. SUTER (2002), ch. 2. Note also that, although the Olympian frame asserts Zeus’ command of the events of the story, this was never so in the two major cults Demeter/Persephone cults at Eleusis, the Thesmophoria and the Mysteries. Both of these have an aitiology in the Hymn, but in neither the aitiologies nor the cults did Zeus have any part. 29. I distinguish here between Persephone’s psychological coming of age, which is part of the story, and the story as an initiation rite in the anthropological sense, which is not. See SUTER (2002), p. 13-14 and ch. 4. CALAME (1997), p. 124-125 also argues, using different evidence, against the Hymn having the tri-partite pattern of an initiation rite. 30. HIRSCH (1989), p. 2. She quotes the phrase from de LAURETIS (1984), p. 109. Hirsch’s analysis of the plot of the HDem. is a good example of how persistent the patriarchal reading of the Hymn can be, even among feminist critics. Despite her perception of the plot as a coming of age story, and her model of woman’s writing as a “palimpsest” overlaid by men’s (21), she does not see Persephone’s agency in the narrative: “... the story of mother and daughter depends on Hades, the male figure whose intervention constitutes the disruption which prompts the narrative.” (5; see also 5-6, 29 and 35-36). More recently there is WILLIAMSON (1995), p. 111 and 125: “She herself [Persephone] plays a passive part”, “Persephone... is the object of rape by a male deity, rather than a sexual subject”; ORMAND (1999), p. 32: “We do not actually see Persephone as a subject in this poem”. 31. CHODOROW (1978); SUTER (2002), ch. 3. See also HEILBRUN (1990), p. 70-71: perhaps Woolf’s “search for the mother” has a literary forebear after all.

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32. Demeter has her own plan (βουλή 345) in the Hymn. I trace the psychology of Demeter’s reaction to Persephone’s coming of age in Suter (2002), ch. 3. 33. In this, as in many of the details of the story, the emotional and psychological accuracy of the young girl’s story is remarkable. Distasteful as the metaphor of rape is, it is perhaps not an inept description – as metaphor; “abduction” is probably a more accurate word. “He swept me off my feet” we might say. Persephone’s (clinically typical) ambivalence about growing up, which helps to explain certain parts of the text (why the narcissus is an athurma (toy, 16), her cry to Kronides at 21, her “unwillingness” at 30, 344, etc.), are examined in detail in SUTER (2002), ch. 3. 34. RAYOR (1993), p. 223; discussion of Korinna on p. 223-225. 35. WINKLER (in FOLEY ed., 1981), p. 71-73. See also DUBOIS (1996). 36. SNYDER (1989), p. 21, 97-98 and 153. 37. SNYDER (in POMEROY ed., 1991), p. 17. 38. A possible exception might be when Hades μείδησεν...ὄφρυσιν (357-8 “smiled with his eyebrows”). 39. SKINNER (in POMEROY ed., 1991), p. 20 (Sappho and Erinna), 28 and 37 (Nossis). 40. The translations in this essay are from ATHANASSAKIS (1976). 41. HIRSCH (1989), p. 36 sees this too. 42. Skinner aptly describes this relationship as “encapsulating prepatriarchal political relations” (personal communication). 43. RICHARDSON (1974), p. 43-52 (“Language Peculiar to the Hymn to Demeter”) does not mention it, however, in the introduction to his commentary. He calls 437 a “doubtful” “weak” line “which could have been added to fill a [possible] lacuna” (p. 66 and ad loc.). He does not say why it is doubtful or why there may be a lacuna. Let us permit the perfection of the line in its context to assuage our doubts and restore its strength. 44. WILLIAMSON (1995), p. 148 uses this phrase to describe the relation of the women in Sappho’s audiences to one another. 45. Quoted in STIGERS [STEHLE] (in FOLEY ed., 1981), p. 54. 46. CHODOROW (1976), p. 102, 195 and 202. 47. STEHLE (1997), ch. 2. See also CALAME (1977), I, p. 4: “La fonction du chœur lyrique”, esp. p. 2, 1-3 and 5. 48. Cf. NAGY ( Poetry as Performance, 1996), p. 57: “[I]n Alcman’s Partheneion, I propose that...primary archetypal figures named Hagesikhora and Agido, are models being acted out by real chorus-members in performances held on a seasonally-recurring basis.” 49. See ZAJKO (1995), p. 33 for how point of view can determine the “collective significance of any given story”. See also LARSON (1995), p. 100: “In the logic of myth, patriarchal marriage and strong mother-daughter bonds are incompatible.” 50. See n. 3 above. 51. RAYOR (1993), p. 223 identifies “two key aspects of ‘women-identified’ writing”: the repossession of male myth (discussed above for the core story) and addressing a female audience. 52. Cf.STEHLE (1997), p. 318, on Sappho’s poems: “only among women could women perform as self-defining subjects”. This complements her argument that women in performance before mixed audiences are defined by the male poet. Cf. n. 47 above. 53. Although it is not necessary to this argument, I believe that the core story was probably composed for an audience in Eleusis, as was the Hymn almost certainly. See SUTER (2002), ch. 9. For a summary of the coming of age rites, see SUTER (2002), ch. 3, based chiefly on CALAME (1977), p. 67-68 and 443 and SOURVINOU-INWOOD (1991), p. 75-77. 54. 800-700 B.C.E., perhaps. See CLINTON (in HÄGG et al. eds, 1988), p. 72-76 and (1993), p. 113-115. 55. See SUTER (2002), ch. 9. Note that the Thesmophoria was celebrated all over the Greek world; local cults could not all have been based on the HDem., although it is possible that some form of

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coming of age story or, likelier, a story of the disappearance and return of a goddess of the earth’s fertility, was involved. For a possible course of the combination of two of the story types in the Hymn at Eleusis – the abduction and the origin of the rulers of the Underworld –, see CLINTON (1992), p. 60-62. 56. SKINNER (in DEMARTINO ed., 1991), p. 188-189; WINKLER (1990), p. 188-209. See also ZAJKO (1995), and above, n. 20 for the probable context of girls’ education in poetic skills. 57. STEHLE (in GREENE ed., 1996), p. 209-210. 58. STEHLE (1997), p. 28. 59. CLINTON (1979), p. 2-3; probably from the 7th century, if the remains of the Athens Eleusinion are any guide. See MILES (1998), p. 8, 15 and 19 and my discussion, SUTER (2002), p. 196-197. There were similar competitions at the Eleuhunia near Sparta, “a sort of Spartan equivalent of the Thesmophoria” (PARKER [in HÄGGet al. ed., 1988], p. 103). “Eleuhunia” is the Spartan vocalization of “Eleusinia”. He also mentions an Eleusinia with musical and athletic competitions at Athens (101-102). These festivals were apparently for both men and women, as the only competition winner we know of was Damonon for chariot races. 60. See MYLONAS (1961), p. 247-285, esp. 261-73; CLINTON (1992), p. 84-90. 61. We hear of Korinna a century or so later entering contests where she competed with men. See SNYDER (1989), p. 41-43 for the stories of her victory over Pindar. 62. This is Stehle’s concern too with the Mysteries as the Hymn’s performance context. See STEHLE (1997), p. 212, n. 143. 63. See STEHLE (1997), ch. 4. 64. D. O’HIGGINS (in LARDINOIS, MCCLURE eds, 2001), p. 155-156. 65. The possibility of this take on his epithets first occurred to me while working on a libretto for the opera “Potnia” based on the Hymn, set by a colleague in the Music Department. In those liberating circumstances, I was suddenly myself a female poet working on the myth in the HDem., able to use the standard epithets as I chose. 66. See SUTER (2002), p. 37-38 and ch. 7 for how unusual this is. Nowhere else in Archaic poetry are Demeter and Persephone found on Olympos, and Demeter is found with other Olympians only rarely in 6th and early 5th century Attic vase painting. 67. SKINNER (in GREENE ed., 1996), p. 187. The scenes of human women’s lives which we see depicted in the Demophöon episode at Eleusis are also evidence of this recognition. For example, Metaneira tells her husband Demeter’s demands, but it is the husband who orders and oversees the construction of the temple. Metaneira may hire and fire palace help in the women’s quarters, but she does not give orders to men for public activities. 68. CLINTON (1992), p. 29-35 and 60-62; and SUTER (2002), p. 196-197. See also CALAME (1997), p. 132-133 for another, promising approach to the same subject. 69. Note that in the Hymn’s aitia, it is Demeter alone who founds both cults (270-274, 292-300, 473-483). If we had only the Hymn to inform us, we would never suspect that Persephone was worshipped also in these cults. The Hymn is emphasizing the power of the new goddess, at the expense of the old one whose cult she is taking over.This is argued in detail in SUTER (2002), chs. 6, 8, 9, with a summary p. 14-20. 70. PRATT (2000), p. 55; FOLEY (1994), p. xi. 71. The narrative examples of this uniqueness need no rehearsing. For its reflections in the poem’s diction and usage (especially of the words muthos and epos), see SUTER (2002), ch. 2, based on MARTIN (1989). 72. SHELMERDINE (1984), p. 207; STEHLE (1997), p. 178-196, esp. 192-193. The HDem. is always called just that, but both the invocation at the beginning and the one at the end call upon both Demeter and Persephone. See SUTER (2002), ch. 6.

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73. STEHLE (1997), p. 193. The quotation continues shortly thereafter: “He becomes ‘male’ by derogating the ‘female’.” 74. See discussion in SUTER (2002), p. 27-32. with references to MARTIN (1989). Persephone’s speech is one of those designated a muthos, that is, an “authoritative speech-act”, in the Hymn. 75. RICHARDSON (1974), p. 43. 76. SKINNER (in GREENE ed., 1996), p. 189; O’HIGGINS (in LARDINOIS, MCCLURE eds, 2001), p. 143. This possibility for the Hymn is taken up also, briefly, by PRATT (2000), p. 56. POMEROY (1977), p. 56 sees “no indication at all that there was a ‘feminist school’ of poetry”. She was writing, however, before the scholarship of the 1980s and 1990s cited in this essay. 77. See CLAY (in MORRIS, POWELL eds, 1997), p. 492 and passim, for bibliography on separate schools of epic development for Homer and Hesiod and the Hymns. This scholarship does not take into account the possibility that the separateness is due to gender. 78. D. BECK (2001), p. 73. 79. NIXON (in HAWLEY, LEVICK eds, 1995), p. 85-88. 80. NIXON (in HAWLEY, LEVICK eds, 1995), p. 92; see also SUTER (2002), p. 57-58 and n. 29 for the standard interpretations of eating the seed: as sexual intercourse, and as binding the eater to return to the one who provided the thing eaten. 81. Nixon also remarks on references by Aristophanes, Peace, 706-712; Lysistrata, 87-89, which “suggest that plant lore and preparation were familiar subjects to ordinary women as well as to the male authors who wrote about them” (88). These references may be the earliest evidence we have for male knowledge of such lore; the medical writings of Hippocrates (the earliest source Nixon cites) do not begin until the 4th century, two hundred years after the composition of the Hymn. 82. WALTON (1952), p. 105. 83. CARPENTER (1992); SUTER (2002), p. 212-213. 84. In comedy, satyr plays, and iambos, of course, the gods are mocked by male poets. The Hymn, however, has never (to my knowledge) been argued to belong to either of those genres. There is also the more general mockery of the heroic style in the HHerm. (cf. p. 32 above). It should be noted, however, that the fact that the Hymn is a parody of the hymn genre and its new Olympianizing techniques in no way means that the women who composed and sang it were not sincere devotees of Persephone and Demeter. 85. Cf. STEHLE (1997), p. 322: “Men’s speech in performance is only about men.” 86. See n. 67 above. 87. See FINKELBERG (2001) and in reply, NAGY (2001), based on NAGY (1990, Poetry, 1996). 88. RICHARDSON (1974), p. 287 ad 413.

ABSTRACTS

This essay investigates the possibility that the Homeric Hymn to Demeter was for entertainment composed by a woman at the Thesmophoria at Eleusis. Arguments are based on the Hymn’s intensely female subject matter and subject positions, and considerations of an appropriate audience and performance context for such female concerns. These concerns are found to be identical to those of the female lyricists Sappho, Korinna, Nossis and Erinna. Composition by a woman for a female audience explains at last the uniquely humiliating treatment which Zeus

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receives in the Hymn. Other peculiarities find their explanations also: why there are no references to the Hymn’s version of its myth until the post-Classical period, for example, or the unusual features of the Hymn’s traditional diction. While perforce not conclusive, these arguments should permit us to abandon the unthinking assumption of a male author for this thoroughly female composition.

Cet article étudie l’hypothèse selon laquelle l’Hymne homérique à Déméter aurait été composé par une femme comme un divertissement présenté au cours des Thesmophories d’Éleusis. L’argumentation repose sur le thème fondamentalement féminin de l’Hymne, de même que sur les positions en présence, sur la question de l’audience adéquate et du contexte de la récitation pour de tels soucis féminins. Ces préoccupations s’avèrent identiques à celles des poétesses lyriques comme Sappho, Corinne, Nossis et Érinna. La composition par une femme pour un auditoire féminin explique le traitement humiliant infligé à Zeus dans l’Hymne. D’autres particularités y trouvent aussi leur explication : par exemple, les traits inhabituels de la diction de l’Hymne, ou la question de savoir pourquoi il n’existe aucune référence à cette version du mythe avant la période post-classique. En dépit de leur caractère hypothétique, ces arguments devraient nous permettre d’abandonner la prétendue évidence de l’auteur masculin d’une composition aussi féminine.

AUTHOR

ANN SUTER [email protected]

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Los Pequeños Misterios de Agras Unos misterios órficos en época de Pisístrato

Miriam Valdés Guía y Roxana Martínez Nieto

Introducción

1 La inauguración de los Pequeños Misterios de Agras se ha venido asociando desde hace tiempo con los Pisistrátidas, especialmente a partir de los trabajos de J. Boardman1. Se ha resaltado especialmente la propaganda realizada por el tirano de la figura Heracles en varias de sus facetas, entre las que se encuentra la del héroe como iniciado en Eleusis, episodio que precede al de su katábasis, previa purificación por el asesinato de los Centauros, en la localidad de Agras. Los Pequeños Misterios fueron instaurados por Deméter, según varias narraciones, con esta finalidad2. En un trabajo reciente hemos retomado esta teoría para profundizar en la política de Pisístrato de integración en la ciudadanía, expresado o reflejado de forma simbólica en la apertura de algunas fiestas cívicas, como los Misterios. Éstos no sólo se hacen accesibles a los extranjeros (comúnmente aceptado y asumido), sino especialmente a las clases más bajas de la propia Atenas, los thetes, que se constituyen en un contingente importante de seguidores del tirano, considerado por Aristóteles el segundo prostates toudemou3. La iniciación de Heracles, el “portador de la maza”, imagen del propio tirano y de su guardia, los korynephoroi (“portadores de maza”), en los Misterios, previa purificación en los Pequeños Misterios de Agras, es un medio del que se sirve Pisístrato para hacer iniciar en Eleusis a sus seguidores, entre los que se encuentran probablemente aquellos considerados de estirpe “impura” por Aristóteles4.

2 La cuestión que nos interesa ahora y que vamos a tratar de discernir es precisamente la naturaleza y las peculiaridades de estos Pequeños Misterios de Agras celebrados junto al Iliso, en Atenas; así como la posibilidad de que se formaran en estos momentos, incorporando ciertas leyendas y rituales que podrían considerarse ya propios del orfismo. Partimos además de las noticias que aluden a la presencia y actividad de personajes con conexiones órficas (Onomácrito el más famoso) en la corte de los tiranos.5

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3 El tema trata cuestiones especialmente debatidas dentro de los estudios sobre el orfismo. A saber: la antigüedad de parte de su literatura y la integración de ciertos elementos y rituales órficos dentro de la religión cívica (-oficial) en distintas poleis, entre las que se encuentra Atenas. Asimismo el contenido de este trabajo atañe a las relaciones entre el orfismo y el culto eleusino6 sin olvidar, como veremos, las conexiones entre orfismo y dionisismo7.

4 En un artículo reciente R.P. Martin ha señalado la posibilidad de la recitación de poemas órficos en el contexto de fiestas o rituales públicos de la polis, en concreto en Atenas y desde la época de los Pisistrátidas (con Onomácrito)8, cuestión que podría desprenderse, por otra parte, de las menciones “órficas” o “con conexiones órficas” en pasajes de la tragedia y de la comedia ática del s. V9.

5 En este artículo vamos a argumentar la posibilidad de la recitación de poemas órficos en el seno de la fiesta celebrada en el mes Antesterion en Agras, los Pequeños Misterios, instituidos en época de los Pisistrátidas. Es posible, sin embargo, que la fiesta se constituyera sobre un fondo anterior, como postula Simon, que también asume un componente órfico en ella, como es la recitación del mito del nacimiento de Dioniso- Zagreo de Zeus y de Perséfone10.

Antigüedad del mito del desmembramiento de Dioniso y recitaciones órficas en fiestas áticas

6 Los Pequeños Misterios no eran probablemente, como vamos a desarrollar más abajo, la única fiesta ática “oficial” o enmarcada dentro de lo que era la “religión cívica” de la polis11, en la que tenían lugar recitaciones órficas. También en el distrito de Flia se celebraban unos Misterios con conexiones órficas12, de los que estaban a cargo la familia de los Licómidas, cuyos primeros miembros conocidos se remontan precisamente a la época de los Pisistrátidas13.

7 Existe otra fiesta oficial de Atenas en la cual, según una noticia de Filóstrato (Philostr., VA VI, 21), se recitaban poemas órficos: las Antesterias. El testimonio de Filóstrato, junto a otros rasgos de la fiesta, indica que la celebración pudo haber estado relacionada desde antiguo (posiblemente, al menos, desde el s. VI ó V), al igual que las Leneas, con el mito del desmembramiento de Dioniso y del renacimiento del dios, como supone Burkert14.

8 Aunque recientemente se ha puesto en duda la existencia misma del mito órfico de Dioniso-Zagreo desmembrado por los titanes, su presencia en las fuentes antiguas es clara como ha demostrado Bernabé, quien señala, del mismo modo que Burkert, que posiblemente era ya conocido por Píndaro. Bernabé tampoco descarta la posibilidad de que pudiera remontarse al s. VI, como se señala en un testimonio de Pausanias (VIII, 37, 5), quien lo vincula con Onomácrito.15

9 La probable referencia en el himno homérico a Dioniso (que parece remontarse, al s. VI) al triple nacimiento del dios y/o al mito del descuartizamiento del mismo16, llevó a Barigazzi17 a postular como autor del himno a Onomácrito, quien según Pausanias introdujo la figura de los titanes en este mito18. Si bien aceptamos con Cassola19 la improbabilidad de atribuir a Onomácrito el himno homérico a Dioniso (donde el dios es, además, hijo de Sémele y no de Perséfone20), lo interesante es señalar la posibilidad de la circulación ya en estos momentos (s. VI) de versiones del mito del desmembramiento

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de Dioniso, en conexión con fiestas y rituales como Leneas y Antesterias en el Ática, o las celebraciones de Dioniso Liknites en Delfos 21. Ello hace plausible y creíble una elaboración o reelaboración “órfica” de esta leyenda por parte de Onomácrito, quien trabaja junto a otros personajes con conexiones órficas, procedentes de la Magna Grecia (Orfeo de Crotona y Zópiro de Heraclea22) en la Atenas de los Pisistrátidas23.

10 Por otra parte, a pesar de que no tenemos constancia de la existencia de una versión “órfica” de la leyenda eleusina hasta el s. IV, en la que aparecen personajes como Disaules, Baubo, o el mismo Triptólemo (hijo de Disaules), Richardson ha puesto de manifiesto la posibilidad de que esta leyenda órfica de Eleusis no sea más que el desarrollo de una versión local más “popular” o menos aristocrática que la del himno homérico, luego ática24. En el artículo sobre Pisístrato que mencionábamos al principio, hemos señalado la coincidencia del inicio del desarrollo de la figura de Triptólemo con la política de los tiranos25, así como su presencia, en el caso de Disaules, en Argos, de donde procede una parte importante del contingente de los “aliados” del tirano en su tercera toma de poder26. Si se tiene en cuenta la actividad de personajes con carácter órfico en estos momentos, cabe postular la hipótesis del inicio del desarrollo de la leyenda órfica eleusina a partir de versiones locales vinculadas con diversas fiestas de esta localidad, como es el caso de la figura de Triptólemo27.

11 La hipótesis de la circulación de una literatura órfica, p.e. los oráculos de Museo manipulados por Onomácrito28, hacia la segunda mitad del s. VI en Atenas, en relación con rituales y fiestas “cívicos” promocionados por los Pisistrátidas, (especialmente los de Dioniso y Deméter), repercute también en los Pequeños Misterios de Agras, en los que nos vamos a centrar a continuación.

Los Pequeños Misterios y el culto a la Madre en Atenas

12 El primer testimonio de los mismos puede ser, como han supuesto Boardman y Shapiro, un vaso del 540 a.C. aproximadamente29, en el que junto a Heracles (representado en su aventura en el Hades, en búsqueda de Cerbero) aparecen personajes eleusinos como Deméter, Hermes, Triptólemo y una figura barbada con cetro, cuyo nombre, inscrito en el vaso, “Plutodotas”, tiene conexiones interesantes tanto desde un punto de vista órfico30, como en relación con Eleusis y con esta zona del Iliso, Agras31.

13 Disponemos de muy pocas referencias antiguas32 a los Pequeños Misterios 33. La celebración probablemente tenía lugar en el Metroon de Agras, consagrado a la diosa Deméter, asimilada a su vez a la Madre de los dioses. Existen restos de un templo de mediados del s. V que podrían identificarse como Metroon, aunque otros autores lo atribuyen a Ártemis34. Otra posibilidad, dada la intervención de los Pisistrátidas en la zona del Iliso, como veremos más adelante, sería el probable establecimiento en estos momentos de los Pequeños Misterios, para iniciar a Heracles promocionado por los Pisistrátidas. De este modo, el lugar habría quedado inaugurado como espacio para la celebración de dichos Misterios.

14 Generalmente se asume que el culto a la Madre se inicia en Atenas hacia el 525/50035. Sin embargo, recientemente, L’Homme-Wéry36 ha señalado la posibilidad de que el culto se remonte al menos a mediados del s. VI, aunque ella postula, incluso, que se habría inaugurado ya con la reorganización de Solón. Uno de los indicios que apuntan al

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conocimiento del culto de la Madre en Atenas a mediados del s. VI es un ánfora ática de figuras negras del 540/30 que tradicionalmente se ha interpretado como la representación de la diosa, dada su similitud con el grupo de imágenes de la Madre, posiblemente copiadas de xoana de culto. En estas imágenes la diosa aparece con frecuencia situada junto a un león, en un naiskos o templete ofrendado a la Madre. Sus lugares de culto se remontan a la primera mitad del s. VI y se encuentran en ambiente eolio y jonio37. Otros autores han rechazado que el vaso ático represente a la diosa, ya que la aparición de trípodes podría indicar, más bien, según Shapiro, un culto de Apolo en el Pition inaugurado por los Pisistrátidas38. Aun admitiendo esta posibilidad, el hecho de la presencia del león en el vaso, así como de columnas eólicas, muestra al menos una clara influencia eolia y frigia y el conocimiento, por tanto, del culto de la Madre, expandido, por otro lado ya en el s. VI, posiblemente desde principios del mismo y quizás desde antes, tanto en el Peloponeso como en ambiente de la Magna Grecia39. Cabría pensar, según Naumann, que una estatua de mármol de una mujer descubierta en la Acrópolis del 550 represente también a la diosa40. Por otra parte, la aparición de un león en otro vaso de figuras negras junto a Deméter y Core, que llevan en sus manos espigas de trigo41, apunta a una asimilación temprana entre la Madre y la diosa eleusina en Atenas, por lo que no debería extrañar la hipotética presencia de la diosa frigia identificada con Deméter en unos Misterios celebrados junto al Iliso (como el Pition de Apolo), dedicados también a Deméter y Core, en un lugar conocido ya con seguridad como Metroon en el s. V.

15 El culto de la Madre que generalmente se hace remontar al 525/500 es el del ágora nueva del Cerámico, situado en el Metroon junto a la sede del Consejo. Con este culto del ágora es con el que L’Homme-Wéry asocia las medidas de Solón, retomando y modificando la antigua teoría de Thompson del inicio de un culto a Deméter, vinculada al Consejo ya desde estos momentos en el ágora42. En otro lugar hemos señalado la cercanía de Deméter y Gea (también en su lugar de culto entre la Acrópolis y el Areópago), llamada por Solón la “Gran Madre de los dioses olímpicos”, y la conexión que se establece entre ambas diosas y Méter43. Sea con Solón o con Pisístrato, ambos interesados en una política de acercamiento al mundo jonio44, y gracias a quienes se introdujo el culto de la Madre, lo cierto es que la integración de la diosa frigia en Atenas se debió realizar a través de su asimilación y/o asociación tanto con Deméter45 como con Gea. El acercamiento entre Gea y Deméter (que se refleja en la influencia del himno homérico a Deméter sobre el de Gea46) puede observarse asimismo en el distrito de Flia, mencionado más arriba como lugar de desarrollo de un culto mistérico con conexiones órficas, y sede de un culto a Rea, Deméter Anesídora y Gea, llamada la Gran diosa, entre otras divinidades47.

16 La inauguración, por tanto, de este espacio en el distrito de Agras junto al Iliso como Metroon en época de Pisístrato, tal vez hacia el 540-530 a.C. coincidiendo con el vaso citado de Reggio que haría alusión a los Pequeños Misterios y en el que aparece también Deméter, no resultaría extraña teniendo en cuenta que los Pisistrátidas dedican una atención y un cuidado especiales a las construcciones de esta zona del Iliso48. Este área de la ciudad se asocia, por otra parte, con la basileia de época oscura (los Neleidas), a la que se hallan vinculados ideológicamente los tiranos de Atenas.49

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Unión de Deméter/la Madre – Zeus en los Pequeños Misterios y en el Papiro de Derveni

17 Aunque los pequeños Misterios tenían lugar en el Metroon, la fiesta estaba dedicada de forma especial a Perséfone50. Lo que vamos a proponer, a partir principalmente de la información que proporciona un escolio a Platón, es que en ellos se celebraba (probablemente con recitaciones pero también con representaciones) el rapto de Perséfone por Plutón, la unión de Zeus y Deméter y posiblemente también la unión de Zeus con Perséfone, el nacimiento de Dioniso y el mito de su desmembramiento por parte de los titanes. Es decir, la información proporcionada por este escolio apunta claramente a la celebración de unos misterios órficos, en los que se unen tanto las leyendas referentes a Eleusis (Deméter y Core) como las de Dioniso (más desarrolladas en la misma ciudad de Atenas en celebraciones cercanas como las Antesterias).

18 Sch., Platón, Gorgias, 497c: διττὰ ἦν τὰ μυστήρια παρ᾿ ᾿Αθηναίοις, καὶ τὰ μὲν μικρὰ ἐκαλεῖτο, ἅπερ ἐν ἄστει ἐτέλουν, τὰ δὲ μεγάλα, ἅπερ ᾿Ελευσῖνι ἤγετο. καὶ πρότερον ἔδει τὰ μικρὰ μυηθῆναι, εἶτα τὰ μεγάλα· ἄλλως δὲ τῶν μεγάλων μετασχεῖν οὐκ ἦν θεμιτόν. ἐτελεῖτο δὲ ταῦτα Δηοῖ καὶ Κόρῃ, ὅτι ταύτην μὲν Πλούτων ἁρπάξειεν, Δηοῖ δὲ μιγείη Ζεύς· ἐν οἷς πολλὰ μὲν ἐπράττετο αἰσχρά, ἐλέγετο δὲ πρὸς τῶν μυουμένων ταῦτα· ᾿Εκ τυμπάνου ἔφαγον, ἐκ κυμβάλου ἔπιον, ἐκερνοφόρησα. ὑπὸ τὸν παστὸν ὑπερεδύοντο ( ὑπέδυν) καὶ τὰ ἑξῆς. κέρνον· τὸ λίκνον, ὅ ἐστι τὸ πτύον. Dos eran los Misterios entre los atenienses: unos eran llamados Pequeños, los cuales celebraban en la ciudadela; otros Grandes, los que tenían lugar en Eleusis. Era necesario iniciarse primero en los Pequeños y luego en los Grandes. De otro modo que no fuera ese no estaba permitido participar en los Grandes (Misterios). Estos se celebraban en honor de Deo51 y Core, porque Plutón la raptó (a Perséfone) y Zeus se unió con Deo (Deméter). En ellos se realizan muchas cosas vergonzosas, y a los que se iban a iniciar se les decía esto: “comí en el tambor, bebí en el címbalo, llevé los vasos sagrados; penetré en la cámara nupcial”52. Y lo que sigue. (kernon) plato de barro: (liknon) cesta ancha en la que se colocaba el maíz después de ser trillado, utilizada para ventearlo y separarlo de la cáscara.

19 La clave para defender las conexiones órficas de los Pequeños Misterios a partir de este texto se encuentra principalmente en la referencia a la unión de Zeus y Deméter (Δηοῖ δὲ μιγείη Ζεύς), que posiblemente contiene la alusión a un contexto mítico más amplio en el que puede entenderse también el resto de las noticias que proporciona el escolio, así como otras que luego veremos.

20 La posibilidad de que la literatura órfica y, en concreto, una teogonía órfica se remonte a finales del s. VI fue observada por West en su análisis sobre el Papiro de Derveni, quien habría citado o tomado el material de lo que él llama “Protogonos theogony”53. La bibliografía que ha suscitado el papiro es abundantísima. En un artículo reciente sobre el mismo Bernabé54 se ha centrado de forma especial en el comentario al poema recogido por el papiro que se atribuye a Orfeo, el cual, como afirmaba ya West, puede remontarse a finales del s. VI, aunque señala que no se trataría tanto de una teogonía sistemática, como de un poema corto que presupone la existencia de otros conocidos por el autor sobre el mismo tema. El comentario a un poema órfico recogido por este Papiro constituye el testimonio órfico más antiguo del que se tiene noticia55. En él se describe especialmente la primacía y el reinado de Zeus. Tras la recreación del mundo por parte del dios, el poema termina con la unión incestuosa de éste con su madre (a la

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que no se da nombre en el poema), normalmente conocida como Rea, pero identificada en las Rapsodias con Deméter. También en el comentario se identifica a Rea con Deméter y con la Madre Tierra56. Aunque Bernabé señala la conveniencia de ser cautelosos y de no atribuir, sin más, a la diosa madre del poema la identidad de Deméter, algunos indicios (además de las indicaciones del propio comentarista del poema) permiten sospechar o postular ya esta identidad.

21 Más arriba se ha señalado la confluencia que existe en el Ática entre los cultos de Deméter, la Madre de los dioses y la Tierra, Gea, en el Metroon del ágora, posiblemente en Flia, y sobre todo en el Metroon del Iliso, lugar de la celebración de los Pequeños Misterios (y por tanto lugar de culto de Deméter y Core). La confluencia y asimilación entre la Madre de los dioses y Deméter (llamada Deo) se refleja ya en la Helena de Eurípides y puede remontarse incluso al s. VI a partir del vaso, analizado más arriba, en el que se representa a Deméter y Core con un león57. Por otra parte, aun cuando no se acepte la teoría de L’Homme-Wéry acerca de la introducción del culto a la Madre de los dioses en el s. VI en el Ática, las conexiones de esta diosa con Deméter y los Misterios desde su santuario (Metroon) del ágora, edificado hacia el 500, son evidentes58.

22 Demasiados elementos confluyen como para no poder decir, con coherencia, que la “madre” a la que se une Zeus en el himno órfico del Papiro de Derveni de finales del s. VI pueda ser Deméter-Méter: en primer lugar la posibilidad de la inauguración de un culto a la “Madre” en el s. VI en el Ática en estrecha conexión con el culto de Deméter eleusina y de Gea; a esto se añade la hipótesis de la inauguración de los Pequeños Misterios (celebrados en un “Metroon” de la Madre, al menos desde el s. V) en el s. VI con Pisístrato (para purificar a Heracles), así como la noticia del escolio a Platón de que Zeus se unía a Deméter (o Deo) en estos Pequeños Misterios; y por último, las noticias que aluden claramente a la actividad de personajes con conexiones órficas en la corte de los Pisistrátidas y a la circulación en esos momentos de un himno a Deméter atribuido a Museo, compuesto para los Licómidas de Flia donde se veneraba a Rea y a Gea, además de a Deméter, y cuyo telesterion se remonta a época anterior a las guerras médicas59.

Zeus, Perséfone y Dioniso en los Pequeños Misterios

23 Más difícil es aceptar la existencia ya en estos momentos de literatura órfica que hiciese referencia a la continuación de la historia (es decir la unión de Zeus y Perséfone y el nacimiento de Dioniso), al menos en el comentario al poema citado por el Papiro de Derveni60. Sin embargo, la mención de la unión de Zeus y Deméter en unos Misterios dedicados a Perséfone, no tiene sentido si en ellos se narraba (y/o representaba) sólo el rapto de Core por Plutón, como se especifica en el escolio (mito del que existe también una versión órfica61). Por otra parte, la aceptación de una continuación de la historia en la celebración de los Pequeños Misterios (unión a Deméter, unión a Perséfone, nacimiento de Dioniso, desmembramiento de Dioniso: mitos y ritos a los que se referiría el escolio cuando alude a que “muchas cosas vergonzosas o inefables se realizaban”) ayudaría a explicar la noticia que incluía en la fiesta μίμεμα τῶν περὶ τὸν Διόνυσον 62. Esto unido a la acción de comer y beber “en el tambor y en el címbalo” que recuerda o evoca tanto los Misterios de la Madre, como los de los Curetes o Coribantes (asociados a la Madre)63, y sobre todo, en este contexto, el mito de los Titanes que descuartizan a Dioniso y lo consumen, permite dar una coherencia a todo el texto que aludiría, en

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efecto, a una secuencia iniciática órfica acompañada por relatos y acciones rituales concretas en esta fiesta de los Pequeños Misterios.

24 La existencia de teletai, que representaban el drama sagrado del nacimiento y desmembramiento de Dioniso por parte de los titanes, está documentada en Clemente de Alejandría (quien alude al hecho de que el dios fue cocinado y devorado por ellos: Prot. II, 17, 2) y se confirma con el papiro Gurob del s. III a.C.64 Ambas fuentes mencionan a los Curetes que guardaban al niño, vinculados con el mito de Zeus-niño en Creta, escondido para no ser devorado por su padre Crono65. La alusión en el escolio de Platón que hemos analizado acerca de la acción ritual de comer y beber en el tímpano y el címbalo remite claramente al culto de los Coribantes y de Méter, y posiblemente también al mito y culto de un niño divino, (Zeus o Dioniso, en torno a los que danzan al son de la música los Coribantes o Curetes). Esto unido al hecho de que se está hablando explícitamente en el escolio de los grandes y de los pequeños misterios de Eleusis y se ha mencionado el rapto de Perséfone y la unión de Zeus y de Deméter, lleva a pensar en Dioniso-niño, hijo de Perséfone y de Zeus, custodiado por los Curetes (presentes en los testimonios de Clemente de Alejandría y del Papiro de Gurob) y devorado por los titanes. Tanto Deo (Deméter) como Zeus y Perséfone están mencionados explícitamente en el escolio; a la Madre y a los Curetes o Coribantes se alude sin embargo implícitamente en la referencia al ritual relacionado con los címbalos y tambores, lo que apunta a la celebración de la fiesta en el Metroon de Agras, donde Deméter se identifica con Rea o la Madre. La representación o dramatización de la unión de Zeus con Perséfone y de la muerte de Dioniso puede quizá reconocerse trás la expresión πολλὰ μὲν ἐν ἑπράττετο αἰσχρά, dado que se trataba especialmente de historias secretas, que no se podían contar y que formaban parte de los Misterios báquicos, como señala Bernabé, quien pone de relieve también con énfasis la imbricación entre mito y rito, e. e. entre “relato sagrado” y teletai66.

25 Una confirmación de esta secuencia mítica y ritual, ligada a los Pequeños Misterios de Agras en el escolio de Platón, se halla en el mismo Clemente. En su testimonio se encuentra literalmente parte del escolio (capítulo II, 15, 3) cuando describe los Misterios de Deo (sin hacer referencia en el Protréptico a su vinculación con los Pequeños Misterios citados en el escolio, aunque sí menciona éstos en Stromata)67. En dichos misterios se produce la unión de Zeus con Deo o Deméter (Protr. II, 15, 1), como ocurre en nuestro escolio (y en el Papiro de Derveni). A continuación se hace referencia a los Misterios de la Madre y los Coribantes y se retoma el relato sobre los Misterios de Deo con alusión al nacimiento de Perséfone, consecuencia de la unión de Zeus con Deo. Luego se narra el nacimiento de Dioniso y de Zeus en forma de serpiente (Protr. II, 16), y se hace referencia a los misterios de Sabazio, en los que aparece el “dios a través del seno” (ὁ διὰ κόλπου τῶν θεός) y por último, se hace alusión al mito del desmembramiento de Dioniso (Protr. II, 17-18)68.

26 La hipótesis de una alusión al drama sobre la unión de Zeus con Deo, al nacimiento de Perséfone y Dioniso, y al mito del desmembramiento del dios en los Pequeños Misterios fundados por los Pisistrátidas se refuerza, por otra parte, con la noticia tantas veces mencionada sobre la composición de Onomácrito en la corte de los Pisistrátidas de orgia nuevos para Dioniso. En concreto Pausanias hace referencia a que Onomácrito tomó el nombre de los Titanes de Homero y los hizo artífices de los padecimientos del dios69. Tanto la noticia sobre Onomácrito en época de los Pisistrátidas como la fundación de los Pequeños Misterios en época de los tiranos para “iniciar” y “purificar” a Heracles (y

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a sus seguidores), como muestra el vaso de Reggio, refuerzan la idea de una temprana inauguración de los Pequeños Misterios como unos Misterios “órficos”.

27 Otro indicio de la presencia de Dioniso niño en los Pequeños Misterios es la alusión al liknon en el escolio de Platón ( kernon: to liknon), que aparece también en la representación de los Pequeños Misterios en la urna de Lovatelli sobre la cabeza de Heracles70.

28 El liknon es propio también de las Leneas (similares a la celebración en Delfos de Dioniso Liknites) y/o de las Antesterias71, fiestas estas últimas que tenían lugar en el mismo mes que los Pequeños Misterios y en las que según Filóstrato se recitaban poemas de Orfeo, como hemos señalado más arriba. Posiblemente en el momento de la constitución, en época de los Pisistrátidas, de los Pequeños Misterios, dedicados a las diosas eleusinas, se tomó parte del fondo mítico y ritual propio de fiestas atenienses consagradas a Dioniso (como Leneas y Antesterias72, y en concreto quizá la figura de Dioniso niño y el mito de su desmembramiento73), y se vinculó a Deméter y Perséfone a través precisamente del desarrollo de ciertas ideas de carácter órfico, que circularían en Atenas por entonces.

29 Lo nuevo y original, por tanto, que introduce o, más bien, enfatiza Onomácrito en los orgia nuevos de Dioniso que estamos asociando en este artículo con los Pequeños Misterios de Agras, es el vínculo con Perséfone y el protagonismo de los titanes en la muerte del dios, ambos aspectos (nacimiento de Perséfone unida a Zeus y muerte a manos de los titanes) estrechamente relacionados e imbricados en las fuentes y probablemente también en el culto74. El papel central de Perséfone en los Pequeños Misterios, especie de “filial” de los Grandes Misterios dedicados a Deméter y Core, pudo haber sido destacado tal vez a causa de la influencia de corrientes “órficas” de Magna Grecia, donde el culto de la diosa era especialmente relevante, dada la presencia de personajes procedentes de Crotona y Heraclea en la corte de los Pisistrátidas75. Por otra parte hay que contar también con la actividad en Atenas de Laso de Hermíone, originario de la ciudad del Peloponeso donde existía un culto de Deméter Ctonia y de Persephoneia, que como ha señalado Breglia posiblemente influenció la teogonía de Ferécides de Siro, fechada en el s. VI y a la que los autores antiguos atribuyen la noción del alma eterna76.

30 Paralelamente se produciría, a partir de tradiciones locales de la leyenda eleusina, el inicio del desarrollo de versiones órficas, en las que Triptólemo, asimilado al mismo tiempo como héroe ático del grano y de la cultura con proyección panhelénica, es una de las figuras centrales. Ello encaja perfectamente con su representación en el vaso de Reggio del 540 (en el que aparece también Plutodotas), relacionado con la iniciación de Heracles. Otro vaso de figuras negras de la segunda mitad del s. VI en el que se representa a Triptolemo y a Hermes (también presentes en el vaso de Reggio) muestra a Dioniso por el otro lado (ABV, 331,13). Lo más interesante es la existencia de representaciones en el s. V y IV (p.e. un pelike de Bruselas) en las que se unen en un contexto eleusino junto a Deméter, Core y Triptólemo, Heracles, como prototipo de mystes (iniciado en los Pequeños Misterios previa participación en Eleusis), y Dioniso.

31 Feytman se pregunta cuál es el nexo de unión entre Heracles y Dioniso y concluye que hay uno: los Misterios de Eleusis. Nosotros podríamos entrar aún más en detalle y señalar que la presencia de Dioniso en los vasos, en los que se muestra a Heracles como mystes en un contexto eleusino (en el que se halla igualmente representado Triptólemo), puede deberse más que a la importancia de Dioniso en los Misterios de Eleusis (que no es tan acusada en un primer momento y se centra sobre todo en la

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figura de Iaco), al hecho de su posible protagonismo en los Pequeños Misterios de Agras, fundados precisamente para poder iniciar, previa purificación, a Heracles en los Misterios eleusinos77.

32 En el contexto de las relaciones entre Atenas y Eleusis iniciadas ya desde antes de los Pisistrátidas78 se entiende la inclusión de elementos dionisíacos en los Misterios (como Iaco, el canto o grito de invocación al dios niño de las Leneas que se convierte en el grito ritual propio de los mystai), y de elementos del culto eleusino en fiestas dionisíacas como las Leneas (presencia del daduco invocando al dios llamado Plutodotas: “Iaco, hijo de Sémele Plutodotas”)79.

33 Las fuentes sobre los Pequeños Misterios de Agras señalan, en efecto, que fueron fundados por Deméter para poder iniciar a Heracles en los Misterios de Eleusis80. Una clara alusión a esta tradición se descubre en la obra de Aristófanes, Ranas, en las que Dioniso acude a Heracles (posiblemente en su santuario del Cinosarges junto al Iliso81) para preguntarle por el camino al Hades. Lada-Richardson ha visto en esta obra, en los versos 473-8, una posible alusión al mito del desmembramiento de Dioniso (en este caso Dioniso disfrazado de Heracles a las puertas del Hades, después de haber encontrado al cortejo de los mystai conducidos por Iaco), que asocia con fiestas como Leneas y Antesterias82. Dada la alusión en la obra a la iniciación de Heracles, y las referencias a la topografía del Iliso, podría verse también detrás de esta posible alusión al desmembramiento de Dioniso, una tradición de la fiesta de los Pequeños Misterios de Agras, que habría incorporado este mito reelaborado por Onomácrito.

34 Por último, la presencia en el vaso de Reggio de Plutodotas83 junto a Triptólemo (y en conexión con el mito de la iniciación de Heracles y de su aventura en el Hades), podría asociar la imagen de este vaso con los Pequeños Misterios, y con el protagonismo de Zeus en ellos, tanto por su unión con Deméter (citada en el escolio de Platón y en el papiro de Derveni), como en su hipotética unión con Perséfone celebrada en la fiesta.

35 En definitiva Zeus Rey (Basileus), como indica la presencia del cetro y la majestad de la figura en el vaso, que aparece también en el himno de finales del s. VI recogido en el papiro84, tiene en su versión ctónica, como Miliquio, una especial relevancia en esta zona de Agras junto al Iliso, donde se celebraban las Diasias (también en Antesterión) en honor del dios, al menos desde el s. VII85. Este dios se asocia asimismo con el ritual purificatorio del Dios koidion (Sud. s.v.), utilizado por el daduco y por otros (con las pieles de los animales sacrificados a Zeus Miliquio y Ktesio86) y que aparece representado en la urna y en el sarcófago de época romana (tal vez copia de los frisos del templo del Iliso87), asociados con la celebración de los pequeños misterios. La mención de Plutodotas en el vaso de 540/30 puede estar aludiendo ya, por tanto, a la presencia destacada de Zeus (Miliquio), confundido o identificado con Hades en un fragmento de Eurípides,88 en el que se alude también al cetro del dios, quien se uniría en primer lugar con Deméter (como señala el escolio de Platón sobre los Pequeños Misterios) y a continuación con Perséfone,89 para engendrar de ésta a Dioniso. Precisamente el Zeus que se une a Perséfone en los textos órficos, es un Zeus ctónico identificado con una serpiente90, símbolo también de Zeus Miliquio en diversos relieves áticos de los s. IV/III, donde se representa igualmente al dios con el cuerno de la abundancia (y con el cetro)91.

36 Por último, otro probable indicio del protagonismo del dios (junto a Méter/Deméter y Perséfone) en los Pequeños Misterios es el hecho de la aparición entre los relieves votivos hallados en las cercanías del Metroon, de uno en el que se encuentra al dios (Zeus ctónico) recibiendo a Heracles y Hermes. Esta muestra recoge de nuevo, por

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tanto, varios de los personajes que aparecen en el vaso de Reggio del 540 a.C: Heracles y Hermes y quizá Plutodotas que podría ser identificado en el vaso de Reggio por las características con las que se presenta (hombre maduro, con barba y cetro) con el mencionado Zeus ctónico.92

37 En el mismo himno órfico en el que se alude a Zeus como Plutodotas se hace referencia al dios como Miliquio. Ambos epítetos están documentados en Atenas arcaica, el primero en el vaso de Reggio del 540, y el segundo en la fiesta de las Diasias que menciona Tucídides a propósito del atentado ciloneo en el s. VII, y que al parecer era venerado precisamente en la zona de Agras93.

38 En este sentido no es probablemente una casualidad que el mismo Laso de Hermíone que compone un himno para Deméter y que está implicado, con Onomácrito, en la literatura “órfica” y en la atribuida a Museo en esos momentos, se encuentre estrechamente vinculado en la Atenas del s. VI con la familia de los Bouzygai cuyo primer miembro conocido es Ariphron, abuelo de Pericles y asociado a Pisístrato por las fuentes94. Los Bouzygai realizaban, como el daduco, purificaciones y estaban a cargo del culto a Zeus Teleios y posiblemente Miliquio en la zona del Iliso 95. Es ciertamente indicativo que Laso de Hermíone, el mismo personaje con conexiones órficas, al igual que Onomácrito, que se encarga de hacer un himno a Deméter, se halle al mismo tiempo ligado al culto de Zeus del Iliso, con caracteres ctónicos representado en Atenas como Philios, Teleios, Miliquio, al menos posteriormente en el s. IV, en forma de serpiente96.

Epílogo

39 La posibilidad de que los Pequeños Misterios de Agras fueran unos misterios órficos o con componentes órficos (como el nacimiento de Dioniso-Zagreo y su muerte a manos de los titanes) fue postulada ya hace tiempo por Simon y Guépin, la primera lo hace a partir del análisis iconográfico de un vaso del s. IV a.C. y el segundo basándose sobre todo en relación con los descubrimientos del supuesto Metroon de Agras en el Iliso del s. V y con los desarrollos cultuales y míticos de Atenas en el s. V. Con este artículo hemos pretendido retomar una hipótesis largo tiempo olvidada, ignorada o desechada, fundamentándola en los desarrollos religiosos, culturales e históricos propios del s. VI. Entre ellos destacan el culto a la Madre y su identificación con Deméter y Gea en la Atenas de esos momentos, el culto de Zeus Miliquio en Agras desde el s. VII al menos y la preeminencia de Zeus Basileus ya desde Solón.

40 Por otra parte, se comprende también en el contexto histórico de la Atenas de los Pisistrátidas la necesidad de establecer unos Misterios “purificatorios” para justificar la apertura de los Misterios de Eleusis a parte de la población, en esos momentos de ampliación de la ciudadanía; además, contamos con las noticias de la presencia de personajes con conexiones órficas en Atenas en estas fechas. Es posible que en estos momentos (a partir de Solón), de integración y consolidación de los Misterios eleusinos en Atenas, se produjera la inclusión de elementos dionisíacos (como Iaco) en los Misterios eleusinos y viceversa (el daduco y el hierocérice en Leneas y Antesterias)97. El s. VI es el momento en el que supuestamente Onomácrito compuso orgia nuevos para Dioniso (cuyo contenido central era su muerte a manos de los titanes) en la ciudad de Atenas. En este mismo siglo se atribuye a los tiranos la inauguración de los Pequeños

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Misterios en Agras “para iniciar a Heracles en los Misterios”, como parece atestiguar el vaso de Reggio98.

41 La hipótesis del vínculo de estos orgia con los Pequeños Misterios se fundamenta en lo que parece ser el contenido de los mismos que hemos tratado de discernir a partir de fuentes diversas; en los Misterios de Agras ocupan un lugar especial la diosa Perséfone, el relato sobre la unión de Zeus con Deméter, los ritos orgiásticos similares a los de los Curetes, los Coribantes y la Madre de los dioses, en cuyo templo, en Agras, se celebrarían los Misterios, y Dioniso, mencionado por Estéfano de Bizancio, vinculado al liknon en el ritual y a los Curetes en el mito órfico.

42 Si podemos concluir que los Pequeños Misterios son unos Misterios órficos instituidos en época de los Pisistrátidas, entonces habría que volver a examinar al menos algunas de las interpretaciones de los distintos autores sobre la introducción del orfismo con los Pisistrátidas. Nilsson destacó la relación estrecha entre dionisismo y orfismo señalando sin embargo, precisamente en relación con la Atenas de los Pisistrátidas, la diferenciación y reinterpretación nueva, aunque arraigada en creencias y “movimientos” populares, del dionisismo operada dentro el orfismo y que conlleva una visión antropológica, escatológica y religiosa relativamente nueva. Mazzarino, por su parte destacó el vínculo del orfismo en estos momentos con la ideología de la basileia acorde con el desarrollo del poder tiránico. Thomson99 postuló una mayor relación del nacimiento del orfismo en la Atenas del s. VI con elementos de población humildes, especialmente mineros (en Laurion y Tracia, asociados con los Pisistrátidas) y la relación, sobre todo en su origen, con una ideología “popular”, contraria a la mentalidad y el pensamiento “disgregante” aristocrático. Di Marco100, por su parte, ha destacado recientemente más bien las conexiones del orfismo con la polis, la religión cívica, del mismo modo que el culto de Dioniso, y señala la posibilidad de una gradual diferenciación entre dionisismo y orfismo desde los Pisistrátidas. Probablemente unos aspectos no son excluyentes de otros, dada la complejidad de la realidad social.

43 Es posible suponer también la presencia de elementos procedentes de Magna Grecia, así como la influencia, subrayada en este artículo, de la diosa frigia, y otras conexiones externas tanto en elementos de población (los vasos nos ofrecen representaciones de escitas y tracios), algunos tal vez en la guardia del tirano, (formada en su mayoría por atenienses de las clases bajas, como ha mostrado Lavelle), como en cuestión de ideas religiosas.101

44 En cualquier caso el aspecto más relevante a destacar es el hecho de la inauguración de los Pequeños Misterios (unos misterios órficos, con las consecuencias que ello conlleva a la hora de vicular orfismo con ritual, y orfismo con religión cívica) para “iniciar” a Heracles, “el portador de la maza”. Ello posibilita, de forma simbólica (y puede suponerse que también en la práctica), la iniciación del demos que sigue y apoya al tirano; e. e. poblaciones marginales y heterodoxas, extranjeros, descontentos, sin tierras, thetes y otros elementos que se integran posiblemente en estos momentos en la ciudadanía de Atenas, como muestra el diapsephismos previo a Clístenes para excluir a los “impuros” y la introducción de “esclavos metecos” en la ciudadanía102. Además hay otros elementos que merece la pena destacar como la relación fundamental que se establece ya en estos momentos tanto entre orfismo y dionisismo, como entre orfismo y misterios eleusinos en el Ática.

45 Sin negar tampoco la importancia del desarrollo de la ideología de la basileia conectada al poder tiránico, como muestra el culto de Zeus Basileus103, es esencial para la

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comprensión de la inauguración de estos Misterios ligados a la purificación en la Atenas de los Pisistrátidas, el reconocimiento de una promoción del demos. Se abre así al pueblo el acceso a la ciudadanía, al menos en la participación más activa en festivales esenciales para la vida cívica de Atenas, y al Más Allá bienaventurado en los Misterios de Eleusis, a los que se accedía por la participación previa en los de Agras.

46 Sin embargo no hay que olvidar que la actuación de Onomácrito no es la única que puede conectarse con corrientes “órficas” o relacionadas con orfismo; también otras familias atenienses como los Licómidas y los aristocráticos Bouzygai, posiblemente asociados con Laso de Hermíone con conexiones también con textos órficos y el primero en identificar a Bouzyges con Epiménides, se arrogan esta prerrogativa 104. El enfrentamiento entre Laso y Onomácrito muestra por tanto también el talante ambiguo del orfismo, que se deja aprehender mal, dada la ausencia de una “ortodoxia” ya desde estos primeros momentos en los que quizá se está formando (s. VI) y en los que se advierte la complejidad del fenómeno religioso denominado “orfismo” en la Antigüedad.

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1. J. BOARDMAN (1972, 1975, 1989). D. WILLIAMS (1983); H.A. SHAPIRO (1989, 1990). S.B. MATHESON (1994); A. VERBANCK-PIÉRARD (1995), p. 117; H. LLOYD-JONES (1967): Katábasis de Heracles compuesta hacia mediados del s. VI. 2. Diodoro Sículo, IV, 14, 3: Δημήτηρ δὲ... τὰ μικρὰ μυστήρια συνεστήσατο, τὸν Ἡρακλέα τιμῶσα. 3. Aristóteles, Atheniensium Respublica, 28, 2. M. VALDÉS (2004). 4. Arist., Ath., 13, 5: “Formaban sus filas los que se habían visto privados de sus créditos, por su pobreza y los que no tenían pureza de linaje, por miedo. Lo evidencia el hecho de que, tras la caída de los tiranos, se realizó una revisión del censo, porque muchos participaban indebidamente de la ciudadanía. Cada uno de los partidos recibía su sobrenombre de los lugares en que trabajaba la tierra”. 5. Señaló especialmente estas conexiones del orfismo con la corte de los Pisistrátidas: M.P. NILSSON (1935) en un trabajo ya antiguo. Más recientemente puede verse también H.A. SHAPIRO

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(1989), p. 70 sq. Para la hipótesis de unos Pequeños Misterios órficos: E. SIMON (1966); ver más abajo nota 6. L. MALTEN (1909) supuso la composición de un himno a Deméter órfico en el entorno de Onomácrito en Atenas, que recogía las divergencias (así como el papel de Triptólemos) entre la versión del himno homérico y otras versiones posteriores. 6. F. GRAF (1974). P. BOYANCÉ (1975, 1993). 7. W. BURKERT (1977). M. DI MARCO (1993). 8. R.P. MARTIN (2001): frente a posturas como la de M.L. WEST (1983). Para Onomácrito puede verse también: P. BOYANCÉ (1993), p. 18 sq.; F. GRAF (1974), p. 147-149; M.L. WEST (1983), p. 249 sq.; RE XVIII, 1 (1939), col., 491-493, s.v. “Onomakritos”. 9. Por ejemplo en el pasaje de Aristófanes, Aves 693-702; Ver R.P. MARTIN (2001), p. 32. M. DI MARCO (1993) señala, sin embargo, un proceso de gradual diferenciación, a partir de Pisístrato, entre orfismo y dionisismo oficial (con bibliografía anterior), aunque con el tirano confluyen y son favorecidas ambas corrientes (p. 143). Alusiones órficas en Heródoto, Esquilo, Eurípides, en especial en relación con los misterios de Dioniso: M.L. WEST (1983), p. 260. Para orfismo en el Resos de Eurípides: C. PLICHON (2001). 10. E. SIMON (1966) postula el nacimiento de Dioniso-Zagreo a partir de la escena de un vaso del s. IV a.C. (pelike de Leningrado 1859: J.D. BEAZLEY, ARV2, 1476, 1; H. METZGER (1965), pl. 34, 2), en el que aparece en la cara A Deméter y Perséfone junto con otras deidades de Eleusis con Triptólemo y Heracles como iniciado; en la B Hermes recibe al niño divino de la diosa y aparece Atenea como protectora del niño. Interpretación aceptada por J.D. BEAZLEY (1971), p. 496. Analizado y discutido en F. GRAF (1974), p. 66 sq., que prefiere ver en el vaso un reflejo de un texto órfico que narrara este mito más que la alusión a una fiesta de Atenas; puede verse también P. BOYANCÉ (1975). Para otras interpretaciones del vaso: E.R. FARNELL (1977), vol. III, p. 253 sq. 11. Religión de la polis: Ch. SOURVINOU-INWOOD (2000a y 2000b). 12. I. LOUCAS y E. LOUCAS (1986); I. LOUCAS (1990). Flia: Pausanias, I, 31, 4. Licómidas y orfismo (himno a Deméter compuesto por Museo para los Licómidas): Paus., I, 22, 7; IV, 1, 5; IX, 27, 2 y IX, 30, 12: los Licómidas cantan himnos órficos en sus rituales. 13. H.A. SHAPIRO (1989), p. 72. J.K. DAVIES (1971), p. 211 sq. y 346 sq. Para Licómidas puede verse también: R. BOEHME (1991). 14. La primera mención explícita del mito de la muerte de Dioniso se halla en Calímaco (ver más abajo nota 72), pero se puede encontrar ya una alusión a ella en Píndaro (fr. 133.1: ποίναν παλαιοῦ πένθεο) y quizás en el himno homérico a Dioniso (ver la nota 16). En las Antesterias: W. BURKERT (1983), p. 224-226; W. BURKERT (1985), p. 239 (quizá el mito del desmembramiento sea tan antiguo como la misma fiesta de las Antesterias). I. LADA-RICHARDS (1999), p. 96.Sparagmos en las Leneas: sch., Clemente de Alejandría Protreptico I, 2. En relación a Iaco: Luciano, Periorcheseos, 39. En un trabajo anterior señalábamos que los mitos de despedazamiento y/o renacimiento- rejuvenecimiento en un caldero (como el de Pelias a manos de sus hijas, Pélope inmolado por Tántalo, Árcade por Licaón que trajo como consecuencia el diluvio, rememorado, por cierto, en las Antesterias, y Tiestes por Atreo) son muy antiguos en Grecia y están, en algunos casos, conectados con el dios Dioniso (Penteo, Driante, Hipaso que mueren desmembrados por sus familiares víctimas de Dioniso, o Learco y Melicertes): M. VALDÉS (1998). Esto lleva a pensar que también Dioniso pudo haber sido objeto de desmembramiento (en forma de animal, normalmente un cabrito) y renacimiento (en un caldero) en el contexto de fiestas muy antiguas como Leneas, Antesterias o las de Dioniso Liknites en Delfos (ver nota 21); esto parece sugerir, en efecto, la estructura y el contenido de las Antesterias: W. BURKERT (1983), p. 213 sq. (que lo equipara con el vino); M. VALDÉS (1998). 15. R.G. EDMONDS (1999). Criticado en A. BERNABÉ (2002) que recoge de forma exhaustiva todas las fuentes. Para el fragmento de Píndaro ver nota anterior. W. BURKERT (1983), p. 225, n. 43.

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16. Fecha del himno a Dioniso: F. CASSOLA (1975), p. 16 (entre la mitad del s. VII y la mitad del s. VI). A. BARIGAZZI (1963); F. CASSOLA (1975), p. 15-16; M. DI MARCO (1993). Se han reconocido en el v. 11 (que alude a la fiesta trietérica) o bien los tres nacimientos del dios (ὡς δὲ τὰ μὲν τρίᾳ. F. CASSOLA [1975], p. 15) o, una posible alusión al desmembramiento del dios, “cortar al niño en tres trozos”: A. BARIGAZZI (1963) que sustituye tamen (en lugar de tamen) por tamon. Ver también D.M. COSI (2000), p. 158. 17. A. BARIGAZZI (1963). 18. Paus., VIII, 37, 5: “Onomácrito ha tomado de Homero el nombre de los Titanes, ha instituido un culto orgiástico en honor de Dioniso y ha hecho de los Titanes los artífices de la pasión de Dioniso”. 19. F. CASSOLA (1975), p. 16. 20. Sin embargo Dioniso como hijo de Sémele no es incompatible con el mito de Dioniso, hijo de Perséfone. Así lo demuestra la unión de ambas tradiciones en los himnos órficos, que podría ser según J. RUDHARDT (2002), bastante anterior (¿tal vez ya desde el himno homérico?: ver nota 16). 21. La fiesta de Dioniso Liknites era representada ya posiblemente en escenas de Delfos del 530 a.C.: P.G. THEMELIS (1992), p. 65 sq. (con el liknon). Dioniso Liknites desmembrado y enterrado en Delfos: Plutarco, Isis y Osiris, 365a. Véase también R. SEAFORD (1981), p. 266 (supone la existencia de un ritual antiguo en Delfos de desmembramiento y renacimiento del dios). Para Liknites en Delfos: M. DARAKI (1985), p. 20 sq. (con alusión igualmente a Leneas y Antesterias); W. BURKERT (1983), p. 123-126 (que también lo relaciona con el mito de desmembramiento del dios). Entre los himnos órficos tardíos hay uno dedicado a Dioniso Liknites y otro a Dioniso Perikionios: G. RICCIARDELLI (2000), nº 46 y 47 (también a Dioniso Leneo nº 50). Para Dioniso Liknites: DIETRICH (1958). Leneas y Antesterias: ver nota 14. 22. W.K.C. GUTHRIE (1970), p. 220. M. DI MARCO (1993), p. 143. 23. H.A. SHAPIRO (1990). D. PLÁCIDO (1993), p. 190. 24. Lo único que admite Pausanias como obra auténtica de Museo es el himno a Deméter compuesto para el genos de los Licómidas (ver más arriba, nota 10), antigua familia originaria de Flia, al norte del Ática (cf. Paus., I, 31, 4). N.J. RICHARDSON (1974), p. 81 sq. F. GRAF (1974), p. 158 sq. M. VALDÉS (2004), n. 56. Versión órfica con estos personajes: KERN, fr., 51 y 52. Ver más arriba nota 3. versión “órfica” de la leyenda eleusina hasta el s. IV: Asklepiades de Tragilos FGrH 12 F 4. Triptolemo, hijo de Disaules: Paus., I, 14, 3. 25. M. VALDÉS (2004). Para Triptólemo con los Pisistrátidas: N.J. RICHARDSON (1974), p. 9 y 194; H.A. SHAPIRO (1989), p. 76-7. K. CLINTON (1992), p. 41 sq.; id. (1994), p. 164 sq. S.B. MATHESON (1994). LIMC VIII, 1 (s.v. “Triptolemos”), p. 56 sq.. 26. Para leyendas argivas: M. PIÉRART (2000), aunque atribuye el desarrollo de las mismas al s. V. Sobre el contingente de “aliados” del tirano de Argos: Heródoto, I, 61, 4; Arist., Ath, 17, 4; Timonassa: Arist., Ath., 17, 3; Hdt., V, 94. Disaules en Argos: Paus., II, 14; Paus., I, 14, 2-3. 27. Triptólemo en Proerosias: N. ROBERTSON (1996). En Tesmoforias: K. CLINTON (1994), p. 163, n. 17. 28. Hdt., VII, 6. Para Museo: P. BOYANCÉ (1993), p. 21 sq.; M.L. WEST (1983), p. 249 sq. (escepticismo acerca de la actividad de Onomácrito, en relación con el orfismo, en la Atenas de los Pisistrátidas). F. GRAF (1974), 9 sq. P. BOYANCÉ (1975). Para la figura y los escritos atribuidos a este personaje: R.B. MARTÍNEZ NIETO (2000), p. 139-143, esp. 142, n. 20; R.B. MARTÍNEZ NIETO (2001). 29. LIMC IV, 1, nº 1405 p. 806. Lo relacionan con los Pequeños Misterios: J. BOARDMAN (1975). H.A. SHAPIRO (1989), p. 78-89. S.B. MATHESON (1994), p. 364. Para otra interpretación: H. METZGER (1965), p. 8-10 (pl. I, 2 y II, 1 y 2). E. SIMON (1997), p. 98 (fig 1). 30. En un himno órfico Zeus es llamado Miliquio y Plutodotas: G. RICCIARDELLI (2000), nº 73. 31. M. VALDÉS (2004), esp. n. 47. Para el culto a Zeus en esta zona de Agras: M. VALDÉS (2002c).

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32. Sch. Ar., Pl., 845; Sch. Platón, Gorgias, 497c. Estacio, Tebaida, 8.763 sq.; Plut., Demetrio, 26; Clem. Al., Stromata V, 11, 71, 1. En Agras: Esteban de Bizancio, s.v.Agra; Eustacio, Sch. Il., II, 361, 37-39; Polieno, V, 17, 1. Templo de Deméter: Hesiquio, s.v.Agrai; Suda,s.v.Agra; An. Gr.BEKKER, I, 327, 3 (Metroon de Agras). Para una compilación de fuentes sobre Agras y el Metroon: P. CHANTRAINE (1956). 33. G. FOUCART (1914), p. 297 sq.; L. DEUBNER (1932), p. 70; G. MYLONAS (1961), p. 239 sq.; (bastante escéptico con respecto al papel desempeñado por Dioniso); K. KERÉNYI (1967), p. 45 sq.; N.J. RICHARDSON (1974), p. 21; A.C. BRUMFIELD (1981), p. 139 sq.; G.S. SFAMENI (1986), p. 62 sq.; R.M. SIMMS (1980), p. 60 sq. 34. H. MÖBIUS (1935/6), p. 234 sq.; N. FRAPICINI (1987), p. 24; J. TRAVLOS (1971), p. 112-113 (con bibliografía anterior) considera, sin embargo, que se trata del templo de Ártemis Agrótera, postulando que el Metroon se hallaría más cercano al Iliso. Puede verse también C.A. PICÓN (1978), aunque no se pronuncia sobre a qué divinidad pertenecía el templo. Fuentes para el Metroon de Agras: IG I3, 383, II, 50; An. Gr. BEKKER, I, 327, 3 – Cleidemo, FGrH 323 F 1. 35. R. PARKER (1996), p. 190. Este autor postula que el culto no se inaugura en los Pequeños Misterios hasta el 460: p. 188. 36. L.M. L’HOMME-WÉRY (2000), p. 28 sq. 37. J.D. BEAZLEY, ABV 326 London B 49; K. SCHEFOLD (1937), p. 38, fig. 5. Para la imagen del vaso de Atenas: F. GRAF (1984) p. 118, n. 13. Más cauteloso para interpretar en esta imagen a la Madre de los dioses: F. NAUMANN (1983), p. 117. 38. H.A. SHAPIRO (1989), p. 59 (pl., 29c); N. FRAPICINI (1987), p. 20-21 (excluye que sea Méter pero no propone una solución alternativa); R. PARKER (1996), p. 191, n. 141. 39. F. GRAF (1984); id. (1985), p. 107-115; R. PARKER (1996), p. 191, n. 140; L.M. L’HOMME-WÉRY (2000), p. 28. Peloponeso: J. DE LA GENIÈRE (1986, 1993). En Locrio Epizefirio inscripción de Cibeles de finales del s. VII: J. DE LA GENIÈRE (1985): sugiere que el culto de la diosa frigia llegaría vía Esparta. 40. F. NAUMANN (1983), p. 145-146 (cat., nº 111, taf., 19, 3). J. DE LA GENIÈRE (1985), p. 696; ead. (1986), p. 32 (señala también la presencia de pequeñas figurillas femeninas sentadas con un león en sus rodillas, como podría haber estado la estatua de la Acrópolis); también ROLLER (1999), p. 133); FRAPICCINI (1987), p. 16-17 (propone que se trata de un culto privado). L.M. L’HOMME-WÉRY (2000), p. 30, n. 54. 41. J.D. BEAZLEY, ABV 705, 39; H. METZGER (1965), p. 22, nº 43. LIMC IV 1, addenda, s.v. “Demeter”, p. 864, nº 216 (L. BESCHI): Deméter y Core estantes y con espigas junto a un león (del 500 a.C. aprox.). Ver en relación con este vaso y la temprana identificación de Deméter (Deo) y Rea en Atenas (en concreto referido a los Misterios de Flia): I. LOUCAS, E. LOUCAS (1986), p. 397 sq. 42. L.M. L’HOMME-WÉRY (2000), p. 28 sq. H.A. THOMPSON (1937), p. 205. Puede verse también: R. MARTIN (1951), p. 273. 43. M. VALDÉS (2001), p. 106; ead. (2002a), p. 36. Para el culto de la Madre puede verse. E. WILL (1960), p. 103 (Gea como la Gran Madre de todo en el himno homérico a la diosa del s. VI). Ph. BORGEAUD (1996). Gea y Deméter junto al Areópago: Paus., I, 22, 3. 44. Posibilidad de viajes de Solón a Asia Menor: A.J. DOMÍNGUEZ MONEDERO (2001), p. 100 sq. Pisistrátidas y mundo jonio: A. ALONI (1989). 45. Para la relación estrecha entre el culto de la Madre del ágora, el Bouleuterion y el culto de Deméter eleusina puede verse: M. VALDÉS (2002a), p. 37, n. 74 y p. 232, n. 88; R. PARKER (1996), p. 189, n. 134. 46. J. HUMBERT (1936), p. 239 sq.; I. LOUCAS, E. LOUCAS (1986), p. 399 sq. 47. Paus., I, 31, 4: Apolo Dionisodotos (don de Dioniso), Ártemis Selasphoros (portadora de la llama), Dioniso Anthios (florido), Ninfas Isménides, Zeus Ctesios, Atenea Tithronion, Core Protogone

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(la primer nacida) y las diosas que llamamos Semnai. Para Flia véase más arriba nota 12 y nota anterior. 48. Pition y Olympieon, lugar de culto este último también de Rea y Gea: Paus., I, 18, 7. R.E. WYCHERLEY (1963, 1964). 49. H.A. SHAPIRO (1983). 50. Dedicada a Perséfone: Sch., Aristófanes, Ploutos, 845f, 2: “existían los grandes (Misterios) de Deméter y los pequeños de Perséfone…”. Duris (historiador samio) dice que la “diosa Deméter llega para celebrar los misterios de su hija”: Ateneo, VI, 253d (Duris de Samos, FGrH 76 F 13). Hipólito, Refutatio omnium haeresium V, 843 (“pequeños, dicen, son los misterios de Perséfone”). 51. Deo es otro apelativo para Deméter que aparece ya en el Himno homérico (v. 47, 211, 493). También se encuentra en la Helena de Eurípides (v. 1343) en un pasaje en el que la diosa Deméter se asimila a Méter o Cibeles. 52. A.J. FESTUGIÈRE (1935, p. 382) analizó parte de este texto reproducido en Clemente, Protréptico (ver más abajo nota 67), a propósito del análisis de la expresión Δεσποίνας ὑπὸ κόλπον ἔδυν que aparece en el fragmento órfico 32 c 8 de O. Kern (ver p. 372, n. 9 de Festugière). Festugière traduce ὑπὸ τὸ παστὸν ὑπέδυν citado en Clemente de Alejandría (y en el escolio de los Pequeños Misterios) como: “je suis descendu dans la chambre (de la déesse)”. Señala que pastos describe la cripta subterránea, las cavernas de montaña (como thalamai: “lugares sagrados subterráneos dedicados a Rhea”: en schol. Nic., Al., 6-8), lo que significaría, según él, tanto en el fragmento órfico como en el del Protréptico que el mystes desciende al seno de la diosa (en el caso de Perséfone: referencia a “muerte” del mystes). Ver también comentario de P. SCARPI (2002), D 55, p. 147. Además de Clemente de Alejandría, Fírmico Materno reproduce parte del texto: De errore profanarum religionum, 18, 1. 53. M.L. WEST (1983), p. 93. 54. A. BERNABÉ (1999). 55. A. BERNABÉ (1999), p. 309: se remonta a finales del s. VI. 56. A. BERNABÉ (1999), p. 332. 57. Eur., Hel., 1300 sq.: “Hace tiempo, la Madre montaraz de los dioses” (Deméter, identificada aquí con Rea Cibeles en audaz y curioso sincretismo religioso, ya que el ritual descrito en esta escena es dionisíaco); « cuando la Madre quiso poner fin al cansancio de sus carreras... después de haber buscado en vano al raptor de su hija; Zeus, intentando apaciguar la cólera de la Madre...; te atrajiste la ira de la Gran Madre...”Cf. G. CERRI (1983). Para el vaso y la identificación temprana de la Madre con Deméter ver más arriba nota 41. 58. Notas 42 y 45. 59. Juliano, Or. V, 159a iguala a Deo, Rea y Deméter. Versos de Museo en época de los Pisistrátidas: Hdt., VII, 6; Himno a Deméter para los Licómidas: Paus., I, 22, 7. Temístocles reconstruye el Telesterion de Flia tras la desvastación de los persas: Plut., Them., 1, 4. 60. A. BERNABÉ (1999), p. 333. L. BRISSON (1985), p. 410-411. Ver, sin embargo, A. BERNABÉ (2002) que señala cómo la alusión a ciertos elementos del mito o del rito implica necesariamente la existencia de otros. 61. O. KERN, fr. 49 sq., cf.Orph. Test. 221 Kern (Marmor Parium, FGrH 239 A 14). En el himno homérico también se narra el rapto de Perséfone por Hades, pero no la unión de Deméter y Zeus, que sí aparece en Hesíodo (Hes., Th., 912-913). 62. “A imitación de los de Dioniso”: St. Byz., s.v. Ἄγρα καὶ Ἄγραι, P. FOUCART (1914), p. 299: interpreta mimema como representaciones de la historia de Dioniso, del mismo modo que en los Misterios de Eleusis se reproducía el rapto de Core. Para otras interpretaciones: M.H. JAMESON (1965), p. 159-162; este autor rechaza la presencia de Dioniso y relaciona los Pequeños Misterios con Zeus Miliquio. Culto de Zeus Miliquio en Agras: P. CHANTRAINE (1956), p. 1 sq.; G. DAUX (1963), p. 624-625.

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63. E. WILL (1960), p. 100 y 10; R. PARKER (1996), p. 194. Ar., V., 442; Estrabón, X, 3, 13. J.P. GUÉPIN (1968), p. 292 sq. (para la iniciación coribántica asociada a los Pequeños Misterios de Agras y al mito del descuartizamiento de Dioniso por parte de los titanes). Varios autores han relacionado, de hecho, los synthema (“he comido del tímpano…”) integrados en el escolio de Platón y recogidos también por Clemente (en el contexto de su narración de los Misterios de Deo: ver nota 67) y por Fírmico Materno (nota 52), con los Misterios de Rea-Cibeles, la diosa frigia y Attis: F. GRAF (1997), 223 y especialmente Ph. BORGEAUD (1998) en conexión con el ritual del Taurobolion instaurado hacia el s. II d.C. Este autor admite, sin embargo, la integración de un bagaje legendario y mítico anterior con conexiones órficas en el relato de Clemente (p. 189-190). Quizá es significativo el hecho de que en Flia en el Ática, por ejemplo, se instale el Taurobolion en un lugar de culto “órfico” donde se veneraba a Gea, Deméter-Rea, Perséfone y Dioniso, probablemente desde el s. VI, como en Agras: I. Loucas, E. Loucas (1986). 64. A. BERNABÉ (2002), T 21, T 22, p. 415. Para el papiro de Gurob: J. HORDERN (2000). Para las Teletai órficas: A. JIMÉNEZ SAN CRISTÓBAL (2002). 65. Curetes en Creta en relación con el sacrificio de niños a Cronos: Istros, FGrH 334 F 48. Curetes iguales a los Dáctilos del Ida: Paus., V, 7, 6. Curetes: Apolodoro, Biblioteca I, 1. Culto de la diosa Madre frigia asociada al niño divino y a los Coribantes: Estrabón, X, 3, 13 sq. Coribantes iguales a los Cabiros en Mesenia: Paus., III, 24, 5; VIII, 37, 6. Cabiros de Beocia en Misterios en los que los protagonistas son un personaje barbado (Kabiros) y su hijo, Pais (similares ambos a Dioniso y especialmente a Dioniso-Zagreo asociado al toro), fundados según Pausanias por un Licómida de Flia (lugar de culto de Rea-Deméter-Gea, además de Dioniso y Core Protogone, entre otros dioses: ver notas 12 y 47) del Ática: Paus., IV, 1, 7. Restos del Kabirion de Tebas desde época geométrica: A. SCHACHTER (1985), p. 147. Para el culto mistérico de los Cabiros y la presencia en ellos también de Deméter Cabiria (así como de niños): M. DAUMAS (1998), especialmente p. 83 (es significativa la importancia de la hierogamia en la fiesta, presente también en las Antesterias y posiblemente en los Pequeños Misterios como podría indicar la alusión al lecho nupcial). Ver W. BURKERT (1985), p. 261-262, 280 (Curetes y Misterios de la Madre); p. 281-282 (Cabiros de Beocia, resaltando las similitudes con las Antesterias atenienses). Para mitos de desmembramiento y cocción en un caldero en relación con las Antesterias: M. VALDÉS (1998). 66. A. BERNABÉ (2002), p. 413-414. 67. Strom. V, 11, 71, 1. Misterios de Deo: Prot. II, 15-16. El escoliasta de Platón (posterior a Clemente de Alejandría) toma una parte de la descripción de los Misterios de Clemente de Alejandría o quizá de una fuente común a ambos. En el escolio se liga esta parte, incluida literalmente en la descripción de Clemente (en la que no se especifica a qué misterios concretos se está refiriendo, aunque si se alude a que son los “misterios de Deo”), con los Pequeños Misterios de Agras (ver, sin embargo, para otra interpretación la nota 63). De todas formas es significativo, también en relación con los Pequeños Misterios, que se mezclen o se unan los “Misterios de Deo y los de Rea”, o que se intercalen en “los misterios de Deo” (en los que se produce la unión Zeus-Deo, y Zeus-Perséfone), los misterios de Cibeles, dado que los Pequeños Misterios de Eleusis tenían lugar en el Metroon (lugar de culto de Rea o Cibeles). Todo ello podría apuntar a que quizá Clemente de Alejandría en ese pasaje del Protréptico (II, 15 y II, 16) se esté refiriendo con los “Misterios de Deo” a los Pequeños Misterios de Agras. 68. La secuencia ritual (symbola o synthema) que cita Clemente y que se reproduce exactamente en el escolio en relación (creemos) con los Pequeños Misterios de Agras (“bebí en el tambor…”), no es exactamente la misma que la de los propios misterios eleusinos, pero sí muy parecida. La de los Misterios eleusinos se describe un poco más adelante en Clemente, Prot, II, 21: “Ayuné, bebí el ciceón, cogí del cesto y, después de probarlo, lo deposité en la canasta y de la canasta al cesto” (trad. M.C. ISART). Estos synthema eleusinos junto a los que aparecen en Clemente de Alejandría, los “misterios de Deo” (Protr. II, 15), los cita J. HORDERN en su nueva edición del Papiro de Gurôb

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(2000, p. 134), a propósito de la secuencia ritual descrita en los mismos en la que aparece también: “as an ass I drank…”. La expresión en Clemente (Protr. II, 16): ὁ διὰ τοῦ κόλπου θεός, se encuentra también literalmente en el papiro Gurob (en lín. 24). El papiro de Gurob alude asimismo a Brimó (megale?), Deméter Rea, los Curetes en armas…, lo que concuerda con el escolio de Platón y con Clemente que mezclan los “misterios de Deo” y los de Cibeles. 69. Paus., VIII, 37, 5. 70. Para la urna Lovatelli y el sarcófago de Torre Nova que aluden a la iniciación y purificación de Heracles en los Pequeños Misterios: G. MYLONAS (1961), fig. 83 y 84. Aunque son de época romana podrían ser una copia de parte de los frisos del Metroon del Iliso de finales del s. V: H. MÖBIUS (1935/6), p. 250; J.P. GUÉPIN (1968), p. 295. Para conexiones purificatorias de esta escena: N.J. RICHARDSON (1974), p. 211 sq.; M. VALDÉS (2004), n. 44 (en relación al Dios koidion); J.P. GUÉPIN (1968), p. 322 sq. Las purificaciones en los pequeños Misterios se realizaban también a través del agua del Iliso y con el sacrificio de cerdos. 71. Dioniso Liknites en Delfos: Plut., Isis y Osiris, 35 (Mor, 465a). Ver nota 21. Liknon en un chous (vaso propio de las Antesterias del día de Choes) donde aparece con la máscara del dios: A. PICKARD- CAMBRIDGE (1968), fig. 24; G. Van Hoorn (1951), fig. 38; W. BURKERT (1983), p. 236-237. Vasos de Leneas: M. VALDÉS (2002a), p. 230, n. 107. El liknon asociado a la máscara de Dioniso se ha ligado al mito del desmembramiento de Dioniso en concreto en la fiesta de las Leneas: R. SEAFORD (1981), p. 267; id. (1994), p. 262, n. 122. Sin embargo el hecho de que el vaso sea un chous propio de las Antesterias, podría aludir más bien a esta fiesta: M. VALDÉS (1998); I. LADA-RICHARDS (1999), p. 96, que se inclina finalmente por las Leneas; ver W. BURKERT (1983), p. 226. En cualquier caso es posible que este mito del desmembramiento y renacimiento o recomposición de Dioniso sea común tanto a Antesterias (donde se veneraba a Dioniso Leneo), como a las Leneas: M. VALDÉS (1998). 72. Recitación de poemas de Orfeo en las Antesterias: Filóstrato, VA IV, 21. M. VALDÉS (1998). 73. Para el liknon en relación con el mito de desmembramiento de Dioniso en las Antesterias pero también en los Pequeños Misterios de Agras: J.P. GUÉPIN (1968), p. 288 y 308-310. 74. Dioniso órfico hijo de Perséfone por primera vez mencionado en fuentes helenísticas: Calímaco, fr. 43, 117 Pf. (Zagreo); Cal., fr. 643 = schol., Lyc. 207 (desmembramiento de Dioniso por los titanes y caldero); véase también Cal., fr. 517 (Et. Gen. = Et. M. 255.14-16; Filócoro, FGrH 328 F 7). Alusión al mito de su muerte a manos de los titanes: Euforión, fr. 13 De Cuenca (14 Groningen): lo echaron a una caldera hirviendo. Ver también: D. S., V, 75, 4 (nacimiento de Perséfone y mito de desmembramiento); schol. Luc., 52, 9 (p. 212ed. Rabe): “Sabazio-Mitra; pues Mitra es entre los Persas igual a Helios. Unos lo llaman Dioniso, nacido de Sémele, otros dicen que es anterior a aquél en el tiempo, nacido de Zeus y Perséfone…. Y dicen que era un impostor y que transformándose en serpiente se unió a su propia hermana”. Ver también: Hsch. Suda, Phot., Et. M. s.v.Zagreus; Harpocración, s.v.leuke. Sch. Eur., Troad., 1230: lamento por Iaco muerto, hijo de Perséfone. J.P. GUÉPIN (1968), p. 281. F. GRAF (1974), p. 74-75 (para Dioniso como hijo de Perséfone). 75. M. DI MARCO (1993), p. 143. Para los cultos de Magna Grecia en general: G. GIANELLI (1963). Para orfismo en Magna Grecia: Orfismo, 1975. Relación orfismo y pitagorismo: M. TORTORELLIet al. (2000). Culto de Perséfone y laminillas áureas: G. ZUNTZ (1971); bibliografía sobre las mismas: A. BERNABÉ (1991), p. 28 sq. Para los documentos recientes relacionados con el orfismo desde un punto de vista crítico: C. CALAME (2002). Es interesante constatar que el vaso de Reggio en el que aparece Heracles como iniciado y se menciona a Plutodotas se encontró en el santuario de Perséfone en Locro: E. SIMON (1997), p. 98. 76. Deméter Ctonia en Hermíone y Climeno (= a Hades): Paus., II, 35, 4-10; III, 14, 5 (asociado a Orfeo y a Hermíone); Str., VIII, 6, 12, p. 373 (Lugar de acceso al mundo subterráneo). Fragmento del himno a Deméter de Laso de Hermíone que cita a Deméter, Core y Climeno, siendo Perséfone la consorte de Climeno: Ateneo, XIV, 624e. En varias inscripciones de Hermíone: IG IV, 685-692 (Deméter, Climeno y Core). Laso: G.A. PRIVITERA (1965). Importancia del culto de Core ligada a

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Deméter y Hades en Hermíone ya desde Laso estrechamente vinculado igualmente con Atenas: L. BREGLIA (1997). Según BREGLIA (2000) tanto el culto de Deméter Ctonia y Perséfone en Hermíone como el de Perséfone en Sicilia pudieron influenciar la teogonía de Ferécides en la que Ctonia se une a Zas y se transforma en Ge. Esta autora señala los rasgos de Perséfone también como “diosa madre” en Locro y en las laminillas órficas (p. 190). Breglia pone de relieve asimismo, con acierto, que grupos ligados a Onomácrito han valorado el tema de la autoctonía en Atenas y la descendencia de la Tierra (p. 190); este comentario nos parece especialmente relevante porque, en efecto, el nacimiento de Dioniso de Perséfone en estos momentos (s. VI) podría ser paralelo al desarrollo también en el s. VI del mito de otro nacimiento, el de Erictonio, hijo de Hefesto y Gea (a partir de Erecteo hijo de la tierra ya en Homero). Ferécides presenta una concepción filosófica avanzada para su época, que lo pone en contacto con Pitágoras (según algunas fuentes, su maestro) y según Cicerón (Cic., Tusculanae disputationes I, 16, 38 = Pher. Syr., fr. 7 Schibli = A 5 D-K) fue el primero en decir que las almas de los hombres eran eternas, lo cual lo convertirá en predecesor de las ideas órficas sobre el alma. Sobre los elementos cosmogónicos primordiales, Zas, Ctonia y Tiempo en Ferécides: R.B. MARTÍNEZ NIETO (2000), p. 92-110. 77. Triptolemo y versión órfica de la leyenda eleusina: M. VALDÉS (2004). Ver más arriba nota 25 para Triptólemo. Para el vaso de Reggio: ver nota 29. J.D. BEAZLEY, ABV 331, 13 (A: Dioniso en carro alado; B: Triptólemo y Hermes). Pelike de Bruselas R. 235: D. FEYTMAN (1945), especialmente p. 307-314 (otro vaso de mediados del s. V, el skyphos A 10 de Bruselas muestra la iniciación de Heracles en Eleusis, Triptolemo y Dioniso). Este vínculo fue puesto de relieve en relación con los Pequeños Misterios por E. SIMON (1966), p. 84, n. 74. Pequeños Misterios en relación con la iniciación de Heracles: ver nota 78. 78. D. PLÁCIDO – M. VALDÉS (1998). 79. Sch. Ar., Ra., 489. Para Iaco: M. VALDÉS (2004), ver el apéndice. En Miconos se realizaban en el mes Leneo sacrificios en honor de Deméter, Core, Zeus Bouleo (el diez), de Sémele (el once), y de Dioniso Leneo, Zeus Ctonio y Gea Ctonia (el doce): LSCG: F. SOKOLOWSKI (1969), nº 96, lín., 15 sq.; A. PICKARD-CAMBRIDGE (1968), p. 36. 80. Diodoro Sículo, IV, 14, 3. En esta versión, iniciado por Museo, aunque posiblemente en origen fuera más bien Triptólemo el que lo inicia como aparece en el discurso de Calias en Jenofonte (Xen., Hell. VI, 3, 6). Para la purificación de Heracles en relación con los Pequeños Misterios: sch., Ar., Pl., 846, 1014; Ps. Platón, Ax., 371e; Polyaen, Strat. V, 17, 1; L. DEUBNER (1932), p. 70. 81. G. HOOKER (1960). 82. I. LADA-RICHARDS (1999), p. 95. 83. Plutodotas referido a Iaco en las Leneas: Sch. Ar., Ra., 479. En un himno órfico Zeus es llamado Miliquio y Plutodotas: ver nota 30. Connotaciones órficas del epíteto: H.A. SHAPIRO (1989), p. 79-80. 84. M.L. WEST (1983), p. 114-115 (Basileus: lin., 5, 29; cetro: lin., 7). A. BERNABÉ (1999), p. 327. Zeus igualado a Hades portador de cetro: Eur., fr., 912 Nauck. Zeus Basileus citado ya por Solón, fr. 28 D. 85. Th., I, 126, 6. Ver más arriba para el himno órfico en el que se alude a Zeus como Miliquio y Plutodotas: nota 30. Diasias: M.H. JAMESON (1965). Zeus Miliquio: N. CUSUMANO (1991). Culto de Zeus en Atenas arcaica: M. VALDÉS (2002c). 86. Zeus Ktesios es llamado también Plutodotas: Sud., s.v. Para purificaciones en relación con la exégesis en Atenas: M. VALDÉS (2002b). 87. Ver más arriba nota 68. 88. Fr. 912 Nauck = Clem. Al., Strom. V, 688. 89. En Clemente de Alejandría que alude a la continuación de la historia: Protr. II, 15-16. 90. Clem. Al., Protr. II, 16, 1; Arnobio, Nat. V, 21; ver más arriba también el escolio a Luciano: nota 74. J.P. GUÉPIN (1968), p. 295; M.L. WEST (1983), p. 95. Zeus aparece con el epíteto Ctonio junto a Deméter en relación con la agricultura en Hesíodo (Hes., Op., 565 sq.) y junto a Perséfone como

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Katachtonios en Homero: Hom., Il., 9.457, citado por Pausanias (Paus. II, 24, 4) que alude al xoanon excepcional con tres ojos y su carácter de arcaico símbolo de omnisciencia, cf. J.G. FRAZER II, p. 209 y R. PETTAZZONI (1957), p. 27 sq. Sobre la triplicidad de Zeus, señor de las tres partes del mundo, cf. Esquilo, Suppl., 155; HO, 63, 16; Sch. Eur., Troad., 16; T.P. HOWE (1955). 91. M.H. JAMESONet al. (1993), p. 94. N. CUSUMANO (1991), p. 26-27. 92. H. MÖBIUS (1935), p. 247 sq. (Pl. 90 y 91). K. KERÉNYI (1967), p. 51, fig., 10. J.P. GUÉPIN (1968), p. 282-283: supone que la consorte que acompaña a Zeus Miliquio es Perséfone en lugar de Méter, como había supuesto H. MÖBIUS; J.P. GUÉPIN (1968) interpreta un vaso del 420 de Spina (J.D. BEAZLEY, ARV2, p. 1052, nº 25: interpretado por este autor como Sabazio y Cibeles) como la representación de Zeus ctónico coronado con una diadema con serpientes y sosteniendo también un cetro y la fíala de Plutón, acompañado de su consorte que identifica como Perséfone (junto a un león): pp. 209-310. 93. Himno órfico: G. RICCIARDELLI (2000), no 73. Iniciación de Heracles en relación con la inauguración de los Pequeños Misterios de Eleusis: : nota 80. Diasias: Th., 1, 126, 6. 94. P.Oxy. IV, 664 (diálogo entre Arifrón y Pisístrato sobre la tiranía de Periandro): B.P. GRENFELL, A.S. HUNT, The Oxyrhynchus Papyri 4, London, 1904, p. 72-80; P.Oxy. L, 3544 (The Oxyrhynchus Papyri 50, Oxford, 1983, p. 93-99). Relación de Jantipo con Anacreonte que formó parte de la corte de los Pisistrátidas: Himerio, Orationes, 39, 11 p. 159 sq. Colonna (ed. PAGE, PMG, 229, fr., 493: “Anacreonte saluda al “gran” Jantipo en la corte del tirano Polícrates”). Estatuas de Jantipo y Anacreonte juntas en la Acrópolis: Paus, I, 25, 1. Anacreonte en la corte de los Pisistrátidas: Pl., Hipparch., 228b-c. 95. M. VALDÉS (2002b, 2002c). 96. En el mito órfico Zeus después de unirse a Deméter se une a Perséfone en forma de serpiente: Clem. Al., Protr. II, 16, 1; Arnob., Adv. Nat. V, 21. 97. Sch. Ar., Ra., 479; D., (59) Neera, 73-78. Ver apéndice de: M. VALDÉS (2000 en prensa). 98. E. SIMON (1966); esta autora se centra fundamentalmente en el análisis del Pelike de Leningrado (St. 1792) del s. IV, aunque alude también someramente a la posibilidad del desarrollo de los Pequeños Misterios como unos misterios órficos en época de los Pisistrátidas, en relación con la noticia sobre Onomácrito: p. 84. J.P. GUÉPIN (1968, esp. p. 280 sq.) defiende tanto las similitudes de las Antesterias con los Pequeños Misterios, como la presencia de Dioniso órfico en éstos (aunque menciona también a Onomácrito y los Pisistrátidas, y se centra en el análisis de los mitos y ritos en la tragedia griega en el s. V). Para el vaso de Reggio véase la nota 29. Culto de Heracles en el Ática en el s. VI, especialmente en su santuario del Cinosarges junto al Iliso: S. WOODFORD (1971); A. VERBANCK-PIÉRARD (1992), p. 195. Para Heracles en los Pequeños Misterios: J. BOARDMAN (1975); M. VALDÉS (2004). 99. M.P. NILSSON (1935); S. MAZZARINO (1966), p. 33-34. G. THOMSON (1972). 100. M. DI MARCO (1993): con discusión y bibliografía acerca de las distintas interpretaciones sobre el origen del orfismo y la relación con el culto de Dioniso. 101. Tracios y escitas en los vasos: H.A. SHAPIRO (1983b); B.M. LAVELLE (1992). 102. M. VALDÉS (2004). Diapsephismos: Arist., Ath., 13, 5 y 203. “Esclavos metecos” en la ciudadanía con Clístenes: Arist., Pol. III, 1275b 32-37. 103. Ideología de la basileia en relación con los tiranos: H.A. SHAPIRO (1983). De todas formas no era exclusivo ni prerrogativa de los tiranos como muestra el vínculo de Solón (fr. 28 D) con Zeus Basileus, así como el desarrollo de Zeus relacionado con la justicia ya desde Homero y Hesíodo. Sobre la Justicia de Zeus: H. LLOYD-JONES (1971). 104. Laso y Bouzygai en la Atenas de los Pisistrátidas: M. VALDÉS (2002b), p. 127-128.

Kernos, 18 | 2005 64

RESÚMENES

Les Petits Mystères d’Agra : des mystères orphiques à l’époque de Pisistrate. La possibilité de reconnaître dans les Petites Mystères d’Agra des mystères orphiques dès le VIe siècle peut s’appuyer sur des sources littéraires et iconographiques, et faire référence au contexte historique. Cette hypothèse correspond bien à la situation socio-culturelle de l’époque des Pisistratides où l’on voit se développer les cultes de Dionysos, Déméter/Gaia/Meter et Perséphone, ainsi que des textes comme ceux que la tradition attribue à Onomacrite.

The Little Mysteries of Agra: Orphic Mysteries at the time of Peisistratos. The possibility of recognising Orphic elements in the Little Mysteries of Agra as early as the 6th century may be supported by evidence from literary and iconographic sources as well as from the historical context. This hypothesis ties in with the socio-cultural situation of Peisistratid times in which we can see the development of the cult of Dionysus and those of Demeter/Gaia/Meter and Persephone, and the flourishing of written texts, such as those attributed to Onomacritos.

AUTORES

MIRIAM VALDÉS GUÍA Unv. Complutense de Madrid

ROXANA MARTÍNEZ NIETO Unv. Complutense de Madrid

Kernos, 18 | 2005 65

Retour à la terre : fin de la Geste d’Érechthée

Sonia Darthou

1 Malgré ses glorieuses origines encensées par les orateurs, Athènes l’autochtone est toujours en quête de sa propre fondation. N’ayant pas été fondée sur le mode de la colonisation mais « autofondée », elle cherche sans cesse à renouer des liens avec la terre qui l’a générée pour assurer toujours plus son ancrage. Son autochthonie initiale s’avère en effet bien fragile dans une terre grecque qui valorise de complexes opérations de fondation : tracer l’enceinte, découper le territoire, se donner un fondateur architecte et archégète1. Or, dans la cité, le processus de fondation se décline moins en opérations « horizontales » qui tendent à défricher/délimiter le nouveau territoire qu’en prise de possession « verticale » du sol. En terre d’Athènes, en effet, on ne trouve pas un fondateur, mais des autochtones qui, par leurs singulières naissances, multiplient la figure inaugurale du fondateur, symbolisent les racines de la cité et garantissent ainsi l’autofondation de la polis.

2 La longue liste de ces autochtones2 où se succèdent Kékrops – le premier roi – et Érichthonios – le premier Athénien –, aboutit à Érechthée qui, s’il s’approche de la figure du fondateur3, n’effectue pourtant aucun geste de territorialisation. Il naît, il nomme, mais il ne trace pas. En fait, son acte « fondateur » est, plus que de naître, de mourir sous les coups de Poséidon qui le fait retourner dans le chthôn générateur. Les textes, en effet, ne s’attardent pas à raconter la naissance d’Érechthée : germer de la terre est l’apanage d’Érichthonios. Pour le roi autochtone, c’est sa mort qui est le point culminant de sa geste. Et le terme ultime des fondations d’Athènes.

3 La mort particulière d’Érechthée donne en effet naissance à une alliance fondamentale pour les bonnes fondations de la cité : celle du roi autochtone et du Poséidon à l’Assise sûre que les Grecs honorent comme ‘Stable’ (᾿Ασφάλιος4), ‘Qui tient la terre’ (Γαιήοχος5) ou ‘Qui tient les fondations’ (Θεμελιοῦχος)6. Nous avons déjà analysé les compétences terriennes de Poséidon dans notre travail de thèse7 : tenir/soutenir le sol, affermir le socle, assurer les assises, enraciner et soutenir les fondations. À l’issue de cet épisode, Poséidon prend la place du fondateur au côté d’un Érechthée qui, ancré dans la terre sous les coups de son trident, prend vraiment sa dimension d’autochtone.

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Cacher Érechthée dans la terre civique

4 Toute l’histoire se joue pendant la fameuse querelle qui oppose Athéna et Poséidon, les deux prétendants au titre de Poliade. Une initiale querelle (eris) sous le roi hybride Kékrops8 qui devient un combat (polemos) sous le règne d’Érechthée. Dans cette version privilégiée par Euripide et les orateurs attiques9, deux camps se dessinent : d’un côté Athènes, la déesse et le roi Érechthée, et de l’autre Éleusis, Poséidon et son fils Eumolpe, allié aux terribles Thraces.

5 Dès l’engagement du polemos, Athènes consulte les dieux qui lui intiment de sacrifier la(les) fille(s) du roi pour remporter la victoire10 : elles sont tour à tour dans nos sources anonymes11, prénommées Chthonia et/ou Aglauros-Agraulos12. Plusieurs versions se font aussi écho : selon Philochore, l’oracle réclame une victime nommée Agraulos qui, pour sauver la cité, choisit de se donner la mort en se précipitant du haut des murailles13. Hygin14 indique lui que Poséidon, endeuillé et voulant empêcher qu’Érechthée ne se réjouisse de la mort d’Eumolpe, demande qu’une de ses filles soit sacrifiée (immolaretur). C’est Chthonia qui est désignée et ses sœurs la suivent fidèlement dans la mort. Quant à Apollodore, il rapporte que le roi égorge sa fille cadette (σφάξαντος αὐτοῦ τῆν νεωτάτην) 15 qui se nomme, selon Phanodème, Chthonia16.

6 En dépit de ces divergences, l’oracle une fois rendu, les deux factions rivales peuvent s’affronter : si Érechthée tue Eumolpe, le fils de Poséidon, chef des Éleusiniens17, le camp athénien doit lui aussi subir le deuil de son roi, avalé dans une faille de la terre ouverte par un Poséidon vengeur.

7 Quelle que soit la version privilégiée, la mort d’Érechthée contraste par sa non-violence avec le sang féminin qui coule sur l’autel de la patrie : car, en face de σφάζω18 et de θύω 19, nous trouvons en effet pour qualifier la mort du roi ἀποθνῄσκω, καταλύω ou ἀπόλλυμι20 et surtout chez Euripide κρύπτω. Érechthée a donc été enfoui (caché) sous (dans) la terre (κατὰ χθονὸς κρύψας) 21. Ce verbe kruptô a la signification d’« envelopper pour cacher », parfois même avec une nuance de protection22, ou de « cacher, dissimuler »23, de soustraire aux regards24, de recouvrir aussi d’une manière plus métaphorique25. Dans toutes ces occurrences, cacher ou enlever à la vue, on doit remarquer que kruptô ne recèle pas de violence : il s’agit plus d’enfouir. Mais ce verbe contient aussi indéniablement une dimension funéraire26. Si l’on continue avec le même auteur Euripide, on retrouve en effet souvent kruptô pour décrire la mise en terre des défunts27, et être caché / enfoui dans le sol devient une des métaphores de la mise en terre28. C’est d’ailleurs le champ lexical de kruptô29 qui est utilisé pour dire l’obligation rituelle d’enfouir dans la terre30; et c’est aussi à partir du moment où les corps ont été « cachés-confiés » à la terre que l’oraison funèbre de Périclès peut commencer31.

8 Néanmoins, si Érechthée est enfoui dans la terre attique sous les coups de Poséidon, le lieu de son engloutissement n’est pas pour autant sa tombe32 : si Euripide reconnaît qu’Érechthée est bien sous terre33, il ne mentionne pas de tombe pour le roi autochtone mais bien un sèkos34. On a remarqué que si le verbe kruptô recèle une dimension funéraire, il ne suffit pas seul à dire la mise à la tombe, plus précisément concerné par le fait de cacher et d’ensevelir dans le sous-sol. Et c’est bien ce qui nous importe ici car, pour Érechthée, le chthôn s’est substitué au taphos ou au tumbos35.

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9 La tombe est, elle, réservée à Érichthonios qui, selon Apollodore36, a été enseveli dans le temenos d’Athéna. Mais, pour Érechthée, il n’y a ni sèma ni commémoration funéraire. Son engloutissement est avant tout le point de départ d’un double culte qui valorise la nouvelle association entre Poséidon et Érechthée, entre l’« enfouisseur » et sa « victime », qui vont désormais partager un autel dans l’Érechthéion.

10 Ce geste de cacher dans une brisure du sol (un χάσμα) rappelle bien sûr les compétences hautement telluriques de Poséidon qui secoue et déchire la terre les jours de colère37. Mais si le chasma peut être signe de désordre et de violence, on a surtout ici à en retenir son aspect d’ouverture (σκίσμα), voire de bouche (στόμα) à la suite d’Hésychius38 : Poséidon, en fendant la terre, ouvre39 la porte du chthôn pour l’autochtone Érechthée et permet ainsi son retour dans sa terre de naissance. On sait par ailleurs combien les Athéniens aiment mettre en écho leur naissance autochtone et leur ultime mise en terre40. Érechthée en est le paradigme. Tout le vocabulaire attaché à la mort de l’autochtone va ainsi s’éloigner du meurtre pour privilégier l’ancrage.

Traces de sang sur l’Acropole ?

11 La mort d’Érechthée ne relève pas en effet du sacrifice, du meurtre ou de la blessure au flanc d’un combattant, car la question du sang est évacuée. Si Poséidon est appelé meurtrier41, le sang d’Érechthée ne coule pas pour la cité42. D’ailleurs, ce terme de ktantas ne semble pas croiser la route du meurtre sanglant qui se dit phonos43. P. Chantraine44 indique en effet que κτείνω ne comporte pas étymologiquement la signification de tuer, et que θείνω45 exprime plus la notion de « frapper ».

12 On retrouve ailleurs ce souci de gommer le sang de la mort, toujours sous le signe de l’engloutissement. Car Érechthée n’est pas le seul à être avalé par un chasma; d’autre corps, bien différents certes, sont eux aussi engloutis dans des failles46. Une analyse de J.-L. Durand47 a été pour nous comme une invite à regarder de plus près d’autres cadavres, et notamment ceux très particuliers de certains condamnés à mort48. L’usage veut en effet qu’à Athènes et dans d’autres localisations helléniques, on précipite dans des failles excentrées49 les traîtres et les sacrilèges 50 : on connaît le Barathron à Athènes51, le Kéadas à Sparte52, le Kôs à Corinthe53 ou les Phédriades54 à Delphes.

13 Cette peine capitale concerne les délits les plus importants, les crimes contre la cité55 et les crimes contre les dieux56 : deux catégories de criminels avec lesquels on semble prendre bien des précautions57. On évite en effet soigneusement que le sang ne coule dans la terre, on ne place pas d’arme non plus aux mains des bourreaux dans ce châtiment : la cité n’est pas meurtrière et ne veut pas prendre pas le risque de la souillure. Depuis L. Gernet58 et les premiers commentaires de Pausanias par J.G. Frazer59, on note, même si les sources font preuve de silence, que la mort par précipitation dans une faille évite de verser le sang60. Avalé dans le sol, le corps part intact dans la terre : pas d’αἷμα qui s’écoule au Barathre, pas d’αἷμα non plus sur l’Acropole pour Érechthée.

14 Mais on ne saurait trop mettre en parallèle les condamnés et le roi autochtone, même si ces corps sont « avalés » dans un gouffre qui permet d’occulter le sang de la blessure et de la mort. Leurs failles respectives montrent bien la divergence profonde qui les sépare. Le gouffre des condamnés ne se décline pas en effet sur le mode de chthôn ou de gè, mais bien de πέτρα61. D’un côté un chasma de pierre et de l’autre un chasma de terre.

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Tandis que les condamnés sont jetés sur la pierre62, Érechthée est lui « caché dans la terre ».

15 Évidemment. Poséidon n’est pas ici un meurtrier, mais bien un « enfouisseur ». Et sans vouloir à tout prix gommer la violence de cet épisode, on doit aussi remarquer que le couple Poséidon/Érechthée ne forme pas un duo où le dieu répond à la figure usuelle du meurtrier poursuivi par sa victime telle que l’a dessinée M. Detienne, avec son cortège de sang, de tourment et de fuite63. Dans ce cadre, le meurtrier peut même devenir indissociable de sa victime qui prend alors sa mémoire pour l’inquiéter de l’intérieur64. Il n’y a plus alors qu’une solution : partir.

16 Mais, pour notre terrain acropolitain, si Euripide raconte aussi l’indissociabilité entre Poséidon et Érechthée, ce n’est en aucun cas sur le mode de l’effroi. Si Poséidon a tué Érechthée, on le retient Semnos et c’est sous ce doux titre que les citoyens vont l’invoquer au sacrifice65. Chez Euripide, la victime s’honore avec son « meurtrier » dans le meson66 de la cité. Car il s’agit bien ici d’une alliance.

17 Si tout le processus autour du meurtre vise à exclure67, si la peine capitale choisit d’écarter de la cité les corps des criminels dans un chasma excentré, la Geste d’Érechthée vise, elle, à inclure, enkyster, ramener à soi. D’un côté on fuit la terre, de l’autre on la revendique car, justement, c’est au cœur de la terre que doit être enchâssé l’autochtone.

18 Cette lecture nous invite également à ne pas voir Érechthée comme un roi combattant dont on loue le sacrifice de sa vie. Même s’il est tombé au cours de la bataille68 sous les coups d’un Poséidon allié aux barbares Thraces69, même si les orateurs attiques ont largement utilisé cet épisode comme un écho glorieux aux très encensées Guerres Médiques70, il ne semble pas non plus croiser la catégorie de la belle mort.

« Belle mort » pour l’autochtone ?

19 Deux vers de la tirade du messager pourraient pourtant nous inciter à le croire, car à la question pressante de la reine : « mon époux Érechthée est-il lui sain et sauf ? » (πόσις δ’ ᾿Ερεχθεύς ἐστί μοι σεσ[ωσμένος;) et le porte parole tragique répond : « il est bienheureux et fortuné tout à la fois »71 (μακάριός ἐστι κεῖνος εὐδαίμων [θ᾿ ἅμα). 20 Mais, si Érechthée est « bienheureux », auréolé de l’honneur attaché à la mort au combat en Grèce72, l’Aggelos d’Euripide ne loue pas vraiment, tel un Lysias ou un Démosthène, la « belle mort » de l’autochtone. Pour Praxithéa d’ailleurs, au vers suivant, Érechthée ne peut être qualifié d’heureux que « s’il vit et apporte à la ville une belle victoire » (εἰ ζῆι γε πόλεώς τ᾿ εὐτυχῆ νίκ[ην ἄγει) 73. La reine éplorée se lamente ensuite en entendant la funeste nouvelle74 et Érechthée n’est plus qu’un « malheureux » (δύστηνος) à ses yeux. Du reste, ce n’est pas sa vie qui a sauvé la cité, mais bien celle de sa fille75.

21 Cependant, P. Carrara et plus dernièrement C. Collard, complètent le premier travail de C. Austin76 et choisissent d’intégrer à la fin du discours du messager deux vers perdus qui feraient alors basculer la mort d’Érechthée du côté de la kalos thanatos : « Moi, je le dis, ceux qui ont reçu une belle mort sont plus vivants que ceux qui vivent sans honneurs » (ἐγὼ δὲ τοὺς καλῶς τεθνηκότας ζῆν φημὶ μᾶλλον τῶν βλεπόντων μὴ καλῶς).

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22 La centralité du terme καλῶς77 nous rappelle cette fois plus précisément les oraisons funèbres et ce que N. Loraux a appelé « la belle mort »78. Ces vers font ainsi presque écho au texte du Ménexène79 qui égrène tous les avantages du « mourir » à la guerre sur le mode de la beauté80. D’autres orateurs ont repris ce thème, comme Lysias, qui déclame à son tour combien sont heureux les citoyens tombés au combat : ils n’auront pas à subir les affronts de la vieillesse et le déclin du corps par la maladie. Ces hommes ont, au lieu d’attendre la « mort naturelle », choisi « le plus beau des trépas », laissant ainsi un souvenir immortel81.

23 Mais ces vers d’Euripide sont-ils vraiment destinés à Érechthée ? Rien ne nous permet évidemment de l’affirmer. Dans une étude certes plus lointaine, mais peut-être plus proche de la tragédie, T.B.L. Webster82 préfère attribuer ce fragment à la jeune fille. C’est bien son sang qui est encensé dans les discours des orateurs et Praxithéa déclame elle-même que la mort de sa fille est le parfait écho de la mort d’un fils à la guerre83.

24 On peut alors se demander si ce n’est pas le sacrifice de la jeune fille qui se rapproche de la « belle mort ». Car le vrai héros de la pièce d’Euripide est féminin et pluriel, c’est la fille, c’est l’épouse d’Érechthée84. Si le roi meurt au polemos, le discours de Praxithéa que nous transmet Lycurgue est comme une oraison funèbre prononcée pour sa fille : c’est le sacrifice qui est support d’exemplarité et non la mort d’Érechthée85. D’ailleurs, quand Érechthée apparaît dans les épitaphioi logoi, c’est pour avoir eu le courage de donner son enfant à la patrie86. Pas son corps. Si Érechthée est mort pendant le combat, sa vie n’a pas sauvé Athènes. Il est seulement retourné vers son chthôn de naissance. En « cachette »... et sans blessure.

25 Ce n’est d’ailleurs pas la victoire d’Athènes qui est en jeu dans la tragédie d’Euripide : la victoire par les armes est acquise grâce au sacrifice de la jeune fille, Athènes a gagné la guerre contre le clan d’Eumolpe. Mais, cette victoire guerrière n’assure pourtant ni la stabilité, ni même la sécurité de la cité. C’est l’alliance entre Érechthée et Poséidon qui apportera la paix durable et l’ancrage recherché.

26 On ne réduit donc pas l’importance d’Érechthée en lui accordant seulement le statut d’un autochtone qui retourne dans son lieu de naissance. On lui reconnaît au contraire une place centrale. Enkysté par Poséidon dans la terre athénienne, le roi devient la plus sûre racine de la cité. Et c’est à deux qu’ils ont dorénavant la garde des fondations.

Un autel pour deux

27 C’est Athéna qui, à la fin de la tragédie, règle le sort des deux protagonistes de la pièce. Elle déclare ainsi à Praxithéa que Poséidon et Érechthée seront désormais associés dans le culte87 : « quant à ton époux, j’ordonne qu’on lui construise un sanctuaire au milieu de la ville, avec une enceinte de pierre (πόσει δὲ τῶι σῶι σηκὸν ἐν μέσηι πόλει τεῦξαι κελεύω περιβόλοισι λαίνοις). 28 Érechthée prendra le nom de son meurtrier et deviendra l’Auguste Poséidon : voilà comment les citoyens l’invoqueront quand ils lui immoleront des hécatombes de bœufs » (κεκλήσεται δὲ τοῦ κτανόντος οὕνεκα σεμνὸς Ποσειδῶν ὄνομ᾿ ἐπωνομασμένος ἀστοῖς ᾿Ερεχθεὺς ἐν φοναῖσι βουθύτοις). 29 D’autres sources littéraires ou épigraphiques nous informent à leur tour de l’existence d’un culte, cette fois à Poséidon-Érechthée, comme Apollodore88, Plutarque89 et Pausanias90. Hésychius et Athénagoras91, quant à eux, font écho à la tragédie en

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mentionnant l’existence d’un Érechthée-Poséidon dans la cité92. Les sources épigraphiques s’avèrent elles aussi plus tardives que la tragédie, exceptée une inscription du Ve siècle avant J.-C. 93, et ne mentionnent pas toujours Poséidon- Érechthée94 mais plus souvent Poséidon et Érechthée95.

30 C’est ce fameux καὶ qui a exagérément focalisé l’intérêt des commentateurs qui ont en effet, tour à tour, abusivement « séparé » Poséidon et Érechthée ou au contraire trop rapproché les deux partenaires de culte96. Bien sûr, Poséidon-Érechthée n’équivaut pas à Poséidon et Érechthée mais, de toute manière, avec ou sans καί, nous ne sommes pas tentés de voir dans ces deux associés une seule figure cultuelle mais bien un couple97. Ce qui est important, c’est que tous deux reçoivent ensemble des sacrifices alors qu’ils étaient séparés et adversaires dans le polemos. C’est la communauté sacrificielle qui est parlante, car c’est le signe de leur partenariat pour garantir les fondations de la cité.

31 Tout a été dit pourtant sur Poséidon et Érechthée : on a ainsi parlé d’identification98, de « tentative syncrétiste », de « fusion »99 ou même d’assimilation100. Et, à l’inverse, de « dissociation »101. Or, Érechthée, même quand il devient Poséidon-Érechthée, n’est ni gommé, ni oublié et certainement pas « le plus faible des deux »102. Il n’est nul besoin de dire non plus qu’Érechthée était la figure divine la plus ancienne, présent bien avant que Poséidon ne le supplante103. Le temple qui abrite leur autel commun porte d’ailleurs le nom de l’autochtone – l’Érechthéion, et Hésychius, comme Athénagoras, rappellent que c’est Poséidon qui porte le nom d’Érechthée dans la cité104. Il faut plutôt remarquer que, même quand Poséidon et Érechthée sont séparés par le καί, ils peuvent avoir le même prêtre105. N’est-ce pas cela le plus symbolique ? C’est pourquoi nous préférons parler d’association, de collaboration et de complémentarité.

32 L’inscription la plus révélatrice pour comprendre ce partenariat fondateur est sûrement celle qui mentionne Poséidon Gaièochos Érechthée 106 : elle dit combien Érechthée et ce Poséidon Qui tient la terre sont liés par la terre, autour de la terre et pour la terre, qui est d’ailleurs le véritable enjeu de la tragédie107. Sans Poséidon, à qui il est attaché dans le culte, Érechthée n’est qu’un « autochtone de plus », une énième racine. Et sans Érechthée, Poséidon n’intègre pas le cercle très fermé des acteurs de la (des) fondation(s) de la cité, car cet autel commun avec l’autochtone est vraiment la reconnaissance de Poséidon comme fondateur. Un fondateur à l’assise sûre et aux fondations inébranlables.

33 En dépit des divergences concernant le complexe dossier archéologique de l’Érechthéion108, le voisinage demeure bien le même et il ne saurait être remis en cause : c’est d’ailleurs ce qui fait de cet ensemble inédit le lieu de mémoire des origines qui sont, on le voit, plurielles. Oui, les Athéniens sont les enfants des dieux, nés de la terre civique, autochtones, installés depuis toujours et pour toujours. Mais cette belle naissance, cet ancrage déclaré immémorial, il faut le redire, il faut renouer le lien à la terre. À Héphaïstos l’ascendance divine109, à Érechthée l’autochthonie, à Athéna le titre de Poliade et à Poséidon l’ancrage sur la terre athénienne. Si Héphaïstos est le « géniteur », Poséidon est le fondateur. Chacun est indispensable et partenaire de l’autre puisqu’Athéna seule ne garantit pas la fondation de la cité. Il a fallu que Poséidon intègre ce cercle pour tenir-soutenir les fragiles premières fondations d’Athènes.

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D’Érichthonios à Érechthée, d’Athéna à Poséidon

34 Le rôle de Poséidon s’avère bien le symétrique de celui d’Athéna dans la naissance d’Érichthonios : si la Poliade a le premier rôle (comme toujours), en recevant dans ses bras le premier autochtone, Poséidon assume le rôle de la consolidation. Et ce n’est pas le moindre, car c’est lui qui redit et pérennise le lien indéfectible que les Athéniens ont déclaré avoir avec leur terre. C’est donc à deux qu’ils se partagent l’autofondation et la refondation de la cité. Quelques vers d’Euripide les mettent parfaitement en écho, chacun à un bout de la chaîne autochtone : deux épisodes, naissance d’Érichthonios et enfouissement d’Érechthée, qui semblent d’ailleurs résumer toute l’histoire de la cité, car ce sont les deux questions qu’Ion pose à Créuse sur Athènes110 : Créuse : Le lieu de ma naissance est la ville d’Athènes Ion : Illustre est ta cité (...) c’est donc vrai ce que disent les gens (...) Ton aïeul n’est- il pas issu du sol lui-même ? (᾿Εκ γῆς πατρός σου πρόγονος ἔβλαστεν πατήρ;) Créuse : Érichthonios ? Oui (...) Ion : N’est-ce point Athéna qui le reçut du sol ? (῟Η καὶ σφ᾿ ᾿Αθάνα γῆθεν ἐξανείλετο;) Créuse : Oui, dans ses bras de vierge (...) Ion : Ah ! Et cette autre histoire (...) Ton père fut vraiment englouti par le sol ? (πατέρα δ᾿ἀληθῶς χάσμα σὸν κρύπτει χθονός;) Créuse : Oui, les coups du trident marin l’ont fait périr (Πληγαὶ τριαίνης ποντίου σφ᾿ ἀπώλεσαν). 35 Érichthonios naît de la terre, Érechthée meurt dans la terre, tels sont leurs sorts. À leurs côtés, les deux dieux fondateurs de la cité Athéna et Poséidon se font écho et redoublent les liens avec le territoire. On se partage bien à Athènes entre Poséidon et Athéna les autochtones et donc les opérations de fondation.

36 Érechthée englouti dans la terre athénienne rappelle ainsi parfaitement la première « cachette », celle du sperme d’Héphaïstos, elle-même déclinée sur le mode du kruptô111. Érechthée raconte parfaitement l’histoire athénienne : une histoire de la terre à la terre, une histoire de naissance qui devient ancrage.

37 Avant, Athènes ne faisait que multiplier des naissances autochtones : c’est Érechthée qui, grâce à Poséidon, clôture la longue chaîne des opérations de fondation. En cela, il n’est pas qu’un « maillon important »112 de la chaîne autochtone, mais l’ultime racine enfouie dans le chthôn par ces Athéniens en mal d’ancrage.

38 Gardien des origines, garant de la stabilité, Poséidon siège désormais avec Érechthée sur l’Acropole de la cité autochtone qui, grâce à lui, a réussi le pari de son autofondation. Car, à travers Érechthée, c’est tous les Athéniens que Poséidon enracine sur leur propre terre.

NOTES

1. Voir M. DETIENNE, Apollon le couteau à la main, Paris, 1998, p. 85-134. Sur le vocabulaire de la fondation/colonisation, voir M. CASEVITZ, Le Vocabulaire de la colonisation en grec ancien. Étude

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lexicologique des familles de κτίζω et de οἰκέω-οἰκίζω, Paris, 1985. Plus particulièrement sur la figure de l’archégète, voir p. 245-250 et sur les fondateurs de colonies voir I. MALKIN, Religion and Colonisation in Ancient Greece, Leiden et al., 1987, p. 17-91. 2. Voir P. BRULÉ, « La Liste des premiers rois d’Athènes dans la Bibliothèque du Pseudo- Apollodore : histoire, politique et parenté », Poikilia (1996), p. 37-53. 3. Il est appelé oikistès des Athéniens (Souda, s.v. τεττιγοφόροι), le dèmos porte son nom (Hom., Il. II, 547), les Athéniens sont appelés Érechthéides (Ar., Cav., 1015; Soph., Aj., 202 et Pind., Isthm. II, 19 ) et il donne à la cité son nom définitif (Hdt., VIII, 44). 4. Paus., VII, 21, 7 indique qu’on lui donne partout cette épiclèse. 5. Pour Poséidon Γαιήοχος, voir pour exemples Hymne hom. Poseidon, 6; Hom., Il. XX, 34; Od., I, 68; III, 55; VIII, 322, 350; IX, 528 sq. 6. En Attique, voir K. CLINTON, « The Sacred Officials of The Eleusinians Mysteries », in TAPhA 64.3 (1974), p. 50-52, 17 et plus généralement schol. Hom.,Il. XXI, 447b à propos de la construction du mur de Troie. 7. « Poséidon en terre d’Athènes : un dieu entre séisme et fondation », EPHE juin 2000. 8. Pour exemples, Apoll., Bibl. III, 14, 1; Plut., Quaest. Conv., 9, 6 (Mor., 741) et Hdt., VIII, 55. 9. Eur., Er., que nous citons dans l’édition de P. CARRARA, « Euripide. Eretteo », in Papyrologica Florentina vol. III (1977); pour les orateurs, voir Lycurgue, Leocr., 98-100; Isocrate, Pan., 66-67 et Démosthène, Epit., 8. 10. Lyc., Leocr., 99; Démarate, FGrHist. 42 F 4 Jacoby; Arist., Or., 87 et Eur., Ion, 277. Selon Hygin, Fab., 46, c’est Poséidon qui demande le sacrifice. Pour les différentes versions, voir H. VANLOOY, « L’Érechthée d’Euripide », in Mélanges en hommage à Marie Delcourt, Paris, 1980, p. 116-117. Sur le sacrifice, voir J.C. KAMERBEEK, « En relisant les fragments de l’Érechthée d’Euripide », in H. HOFFMANN & A. HARDER (éds), Fragmenta Dramatica, Göttingen, 1991, p. 111-116; J. WILKINS, « The State and The Individual: Euripides’ Plays of Voluntary Self-Sacrifice », in A. POWELL (éd.), Euripides, Women, and Sexuality, London / New York, 1990, p. 177-194. 11. Apoll., Bibl. III, 15, 4 parle de ‘la plus jeune’ (τὴν νεωτάτην) et Lyc., Leocr., 99 dit ‘sa fille’ (τὴν θυγατέρα). 12. Sur ce double nom, voir P. BRULÉ, La Fille d’Athènes, Paris, 1987, p. 28-29 et M. DETIENNE, « La Force des femmes », in G. SISSA & M. DETIENNE, La Vie quotidienne des dieux grecs, Paris, 1989, p. 245. 13. FGrHist, 328 F 105 Jacoby : λέγουσι δὲ ὅτι πολέμου συμβάντος παρ᾿ ᾿Αθηναίοις, ὅτε ὁ Εὔμολπος ἐστράτευσε κατὰ ᾿Ερεχθέως (...) ἔχρησεν ᾿Απόλλων ἀπαλλαγήσεσθαι ἐάν τις ἀνέληι ἑαυτὸν ὑπὲρ τῆς πόλεως· ὁ ῎Αγραυλος ἑκοῦσα αὑτὴν ἐξέδωκεν εἰς θάνατον· ἔρριψε γὰρ ἑαυτὴν ἐκ τοῦ τείξους. 14. Fab., 46 et 238 qui rapportent une tradition similaire. 15. Bibl. III, 15, 4 : « toutes les autres s’immolèrent aussi » (καὶ αἱ λοιπαὶ ἑαυτὰς κατέσφαξαν). 16. FGrHist, 325 F 4 Jacoby. Démarate (42 F 4 Jacoby) choisit de mentionner le sacrifice de l’aînée des filles à Perséphone (Περσεφόνῃ θύσῃ). Sur ces versions, voir M. LACORE, « Mort et divinisation des filles du roi d’Athènes dans l’Érechthée d’Euripide », in Kentron 11,2-12,1 (1995-1996), p. 91 sq. 17. Apoll., Bibl. III, 15, 4 : « dans la bataille qui suivit le sacrifice, Érechthée tua Eumolpos » (γενομένης δὲ μετὰ <τὴν> σφαγὴν τῆς μάχης ᾿Ερεχθεὺς μὲν ἀνεῖλεν Εὔμολπον). Et parfois même d’autres descendants du dieu : une scholie (ad Eur., Phen., 854)) ajoute que deux autres fils de Poséidon, Phorbas et Immarados, sont aussi tués par Érechthée (Εὔμολπος (...) ὃς πολεμῶν τὰς ᾿Αθήνας ἐπὶ τοῦ νεωτέρου ᾿Ερεχθέως ἐφονεύθη παρ᾿ αὐτοῦ. καὶ ἄλλοι δύο υἱοὶ Ποσειδῶνος παρὰ τοῦ ᾿Ερεχθέως ἀνῃρέθησαν ἐν ἐκείνῳ τῷ πολέμῳ συμμαχοῦντες Εὐμόλπῳ, Φόρβας καὶ ᾿Ιμμάραδος). Selon Pausanias, I, 5, 2 (ἀπέκτεινεν), I, 27, 4 (ἀποθανόντας) et IX, 38, 3 (ἀπέθανε), c’est Immarados et non Eumolpos qui fut tué par Érechthée. C’est en tout cas le combat Érechthée/Eumolpos qui est repris par Myron sur l’Acropole (I, 5, 2 et I, 27, 4).

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18. Apoll., Bibl. III, 15, 4; Phanod., FGrHist, 325 F 4 Jacoby. Sur σφάζω, voir J. CASABONA, Recherches sur le vocabulaire des sacrifices en grecdes origines à la fin de l’époque classique, Ophrys, 1966, p. 155-167 et J. RUDHARDT, Notions fondamentales de la pensée religieuse et actes constitutifs du culte dans la Grèce classique, Paris, 1992 [1958], p. 272-281. 19. Démar.,FGrHist 42 F 4 Jacoby; Eur., Ion, 277-78; Lyc., Leocr., 100. Sur θύω, voir CASABONA, o.c.(n. 18), p. 69-94. 20. Pour Pausanias (I, 38, 3) le roi meurt (ἀπέθανε) au cours de la bataille; Apollodore (Bibl. III, 15, 5) parle de destruction : « Poséidon détruisit Érechthée avec sa maison » (καταλύσαντος); et pour Euripide (Ion, 282) : « les coups du trident marin l’ont fait périr » (ἀπώλεσαν). Ἀποθνῄσκω- mourir, καταλύω-détruire et ἀπόλλυμι-perdre, faire périr, aucun de ces verbes n’induit le meurtre. 21. Deux pièces d’Euripide se font l’écho de cette version. Dans l’Érechthée (18, 59-60), Praxithéa à Poséidon : « cela ne t’a-t-il pas satisfait pleinement d’avoir englouti Érechthée dans le sol ? » (οὐ κατὰ χθονὸς κρύψας) et dans l’ Ion (281-282) : « ton père fut vraiment englouti par le sol ? » (πατέρα δ᾿ἀληθῶς χάσμα σὸν κρύπτει χθονός;). 22. Notamment quand on parle d’armure qui protège le combattant (Eur., Phen., 1242 sq.). 23. P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots, Paris, 1968-1980, s.v. κρύπτω. Voir pour exemples Eur., Hel., 425, Ménélas, à propos d’Hélène; ibid., 507 et Eur., I.T., 119 pour la notion de cachette. 24. Soph., Aj., 658. Voir aussi Ar., Thesm., 600 pour ce sens de cacher à la vue. 25. On dit qu’une armée ennemie a recouvert Troie selon Eur., Hec., 905-907. 26. Soph., Ant., 21-25 : « Pour Étéocle (...) il l’a fait ensevelir d’une manière qui lui vaille le respect des ombres sous terre » (κατὰ χθονὸς ἔκρυψε); voir aussi ibid., 196 : « on l’ensevelira donc lui, dans un tombeau » (τάφῳ τε κρύψαι) et Soph., O.C., 1545 sq. : « laissez-moi tout seul trouver la tombe (τύμβον) sainte où le destin veut que je sois enseveli en ce pays » (κρυφθῆναι χθονί). 27. Eur., Hel., 1222-1223 : « A-t-il abandonné ton mari sans tombe ou l’ont-ils enfoui sous la terre ? » (πόσιν δ᾿ ἄθαπτον ἔλιπεν ἢ κρύπτει χθονί); EUR., Hec., 726 : « Hécube, qu’attends-tu pour aller ensevelir ton enfant ? » (τί μέλλεις παῖδα σὴν κρύπτειν τάφῳ). 28. Eur., Hel., 61 sq. : « mais depuis que la mort l’absorba dans son sein ténébreux » (ἐπεὶ δὲ γῆς σκότῳ κέκρυπται); ibid., 518 sq. : « Ménélas n’a pas encore disparu pour toujours dans le sein de la terre » (Μενέλαος οὔπω (...) χθονὶ κρυφθείς). 29. Lois XII, 958d-e : « aucune tombe (θήκας) ne sera permise nulle part en terre labourable (...); là seulement où la nature du sol n’est bonne qu’à cette fin, à recevoir et cacher les corps des morts » (τὰ τῶν τετελευτηκότων σώματα μάλιστα ἀλυπήτως τοῖς ζῶσι δεχομένη κρύπτειν). 30. Selon Paus., I, 32, 5 : « d’une manière générale, c’est une règle sainte (ὅσιον) que de recouvrir de terre le cadavre d’un homme » (ἀνθρώπου νεκρὸν γῇ κρύψαι). 31. Thuc., II, 34, 6-7 : « une fois que la terre a recouvert les morts (ἐπειδὰν δὲ κρύψωσι γῇ), un homme choisi par la cité (...) prononce en leur honneur un éloge approprié (...). Ainsi ont lieu les funérailles » (῎Ωδε μὲν θάπτουσιν). 32. Comme G.W. ELDERKIN, « The Cults of the Erechtheion », Hesperia 10 (1941), p. 113 : « Poseidon’s trident drove Érechtheus into the earth. The marks of it were the site of his tomb. » K.H. LEE, Euripides. Ion, Warminster, 1997, p. 191 à propos des vers 281-282 écrit lui (mais sans références) que l’endroit où Poséidon a ouvert la roche pour faire surgir la thalassa « was the supposed grave of Erechtheus ». Thèse soutenue également par M. CHRISTOPOULOS, « Poseidon Érechtheus and ΕΡΕΧΘΗΙΣ ΘΑΛΑΣΣΑ », in R. HÄGG (ed.), Ancient Greek Cult Practice from The Epigraphical Evidence, Stockholm, 1994, p. 128. 33. Eur., Er., 18, 38-39 : « mon époux qui est maintenant sous terre » (ἢ τὸν κάτω πόσιν ἐμὸν). κάτω-de haut en bas, sous terre.

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34. Eur., Er., 18, 90. 35. Voir Soph., Ant., 196 et id., O.C., 1545 (cité supra note 26). 36. Apoll., Bibl. III, 14, 7 : « À sa mort, Érichthonios fut enseveli dans le sanctuaire même d’Athéna » (᾿Εριχθονίου δὲ ἀπθανόντος καὶ ταφέντος ἐν τῷ αὐτῷ τεμένει τῆς ᾿Αθηνας). Version similaire chez Clément d’Alexandrie, qui énumère les héros ensevelis dans les sanctuaires, Protrept. III, 45 (Marcovich) : ᾿Εν τῷ νεῷ τῆς ᾿Αθηνᾶς ἐν Λαρινσῃ ἐν τῇ ἀκροπόλει τάφος ἐστὶν ᾿Ακρισίου, ᾿Αθήνησιν δὲ ἐν <τῇ> ἀκροπόλει Κέκροπος ( …). Τί δὲ ᾿Εριχθόνιος; Οὐχὶ ἐν τῷ νεῷ τῆς Πολιάδος κεκήδευται; dans l’ Érechthée, quand Praxithéa se lamente elle parle du tombeau de sa fille (taphos, 18.37) alors que Érechthée est « sous terre » (18, 39, voir supra note 33). 37. Comme Sparte (Plut., Cim., 16, 4), Sipyle (Paus., VII, 24, 13) et Bourra (Strabon, I, 3, 18) qui disparaissent dans un chasma. 38. S.v. χάσμα· στόμα ἢ σχίμα γῆς. Σκίσμα / σκίζω s’attache vraiment à dire la séparation, la déchirure. 39. Hesychios, s.v. χασμᾶται· ἀνοίγεται (ἀνοίγω-ouvrir). 40. Platon, Men., 237b : « autochtones (...) nourris (...) par la terre maternelle qu’ils habitaient et qui ont permis à leurs fils de reposer morts (τελευτήσαντας), aujourd’hui, dans les lieux familiers de celle qui les mit au monde. » 41. Eur., Er., 18, 93. 42. On doit pourtant admettre que dans l’Érechthée d’Euripide (18, 19) le messager dit qu’« il ne reste de lui que ses seules dépouilles » (ὥστ᾿ αὐτὰ ταῦτα σκῦλα λειφθ[ῆναι μόνον) employant le vocable σκύλα-dépouilles, qui induit la notion d’écorchement. 43. Il faut tout de même mentionner que dans Eur., Er., 18, 40, les rafales sismiques sont dites ‘meurtrières’ : φόνια φυσήματ᾿ (c’est un souffle, un grondement : φύσημα/φυσάω). 44. « Les Verbes signifiant ‘tuer’ », Die Sprache 1 (1949), p. 143-144. 45. Que nous trouvons chez Paus., I, 38, 3 : ἀπέθανε (cité supra note 68). 46. Pour Érechthée, voir Eur., Ion, 281-282 : χάσμα (...) κρύπτει χθονὸς et pour les « failles de la mort » notamment le Barathre, Souda, s.v. Βάραθρον· χάσμα τι φρεατῶδες (...) ἐν δὲ τῷ χάσματι. 47. « La Mort, les morts et le reste », in M. DETIENNE & M. CARTRY (éds), Destins de meurtriers. Systèmes de pensée en Afrique Noire, Paris, 1996, p. 49. 48. I. BARKAN, Capital Punishment in Ancient Athens, Chicago, 1936, a établi un des premiers dossiers sur la peine capitale, sans pourtant réellement analyser le mode de mise à mort. 49. À Athènes, le gouffre semble être hors des murs : pour les ambiguïtés de sa localisation, voir M. HALM-TISSERANT, Réalités et imaginaires des supplices en Grèce ancienne, Paris, 1998, p. 152 et E. CANTARELLA, Il Suplizi capitali in Grecia e a Roma, Milan, 1991, p. 960 sq. 50. Ce châtiment ne semble pas aller au-delà du Ve siècle selon L. GERNET, « Le Droit pénal de la Grèce ancienne », in Du châtiment dans la cité, Supplices corporels et peine de mort dans le monde antique, Table ronde organisée par l’E.F.R. avec le concours du C.N.R.S., Rome 9-11 novembre 1982, Rome, 1984, p. 27 et CANTARELLA, o.c. (n. 49), p. 103. 51. Xen., Hell. I, 7, 20; Hdt., VII, 133; Ar., Nub., 1449, Eq., 1362, Ran., 574, Pl., 431 et 1109. Puis Orygma au IVe siècle qui recevait plus vraisemblablement des cadavres et non des condamnés vivants (Lyc., Leocr., 121). Voir L. GERNET, « Sur l’exécution capitale : à propos d’un ouvrage récent », in Droit et institutions en Grèce antique, Paris, 1982, p. 184 note 29. 52. Paus., IV, 18, 4. 53. Et. de Byz., s.v. Κῶς. 54. Plut., De sera nom. (Mor., 557a) ou Kéadas (Thuc., I, 134, 4). 55. L’expression κακοῦργος revient chez Thuc., I, 134, 4 (pour le Kéadas delphique) et Souda, s.v. Βάραθρον. On connaît le texte du décret de Cannônos (Xen., Hell. I, 7, 20) qui punit ceux qui ont enfreint la loi athénienne.

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56. HALM-TISSERANT, o.c. (n. 49), p. 156-157. 57. Nos sources sont lapidaires. Dernièrement, HALM-TISSERANT (o.c. (n. 49)) reprend le dossier mais n’analyse pas réellement ce mode de ‘mise à mort’ ni même la catégorie concernée des condamnés 58. O.c. (n. 50), p. 27. 59. Pausanias’s Description of Greece, Volume III. Commentary of Books II-V, New York, 1965, ad IV, 18, 4, à propos du Kéadas il note « it was perhaps adopted to save the executioners from actually spilling the blood of their victims » et renvoie à W. ROBERTSONSMITH, Lectures on The Religion of The Semites: First Series, The Fundamental Institutions, Edinburg, 1889, p. 417. Cet auteur indique que « care was taken to slay the victim without bloodshed, or to make believe that it had killed itself ». 60. DURAND, o.c. (n. 47), p. 49 en renvoyant aussi aux recherches de ROBERTSONSMITH, o.c. (n. 59), p. 417. 61. Voir pour exemples Eur., I.T., 1428 sq. : « précipités d’un dur rocher » (κατὰ στύφλου πέτρας ῥίψωμεν); Paus., V, 6, 7 : « une montagne abrupte avec des rochers escarpés (πέτραις ὑψηλαῖς ἀπότομον). On l’appelle la montagne (ὄρος) Tympaion. La loi en Élide est de précipiter (ὠθεῖν) les femmes du haut de cette montagne » : Plut., De sera nom. (Mor., 557a) : ὤσαντες ἀπὸ τῆς πέτρας; Eur., Ion, 1222 : pour Créuse « d’un roc elle serait précipitée » (πετρορριφῆ). 62. En effet l’action de précipiter (πετρορριφῆ [Eur., Ion, 1222] rassemble bien l’aspect pierreux et violent de ce châtiment) est décrite avec violence comme en témoignent les verbes associés à cette action : emballô, otheô et riptô, associent bien ces idées de jeter dans, de lancer, de pousser vers le bas. Voir pour exemples Thuc., I, 134, 3 : ἐς τὸ Καιάδαν (...) ἐσβάλλειν; Esch., II, 143 : ᾿Ωθεῖν κατὰ τοῦ κρημνοῦ (précipice); Eur., I.T., 1429 : ῥίψωμεν; Souda, s.v. Καιάδας· τοὺς κακούργους ῥίπτει, de ῥίπτω – jeter, lancer; Paus., V, 6, 7 : ὠθεῖν pour la montagne Typaion en Élide; Xen., Hell. I, 7, 20 : précipité dans le Barathre (ἐμβληθῆναι / ἐμβάλλω); Plut., Praec. Pol. (Mor., 825b) : κατεκρήμνισε – précipiter; Plut., De sera nom. (557a) : ὤσαντες ἀπὸ τῆς πέτρας (Hyampéia Delphes); Eur., Ion, 1222 : pour Créuse « d’un roc elle serait précipitée » (πετρορριφῆ); Xen., Hell. I, 7, 20 : τὸ βάραθρον ἐμβληθῆναι /ἐμβάλλω; Ar., Nub., 1449 : τὸν ἐμβαλεῖν εἰς τὸ βάραθρον; Thuc., II, 67, 4 : ἐς φάραγγας ἐσέβαλλον (...) ἐς φάραγγας ἐσεβαλόντες. 63. Voir Platon, Lois IX, 865d-e et Ant., IV, 10. Sur ces aspects, on renvoie à M. DETIENNE, « Le Doigt d’Oreste », in DETIENNE –CARTRY, o.c. (n.47), p. 29-35 et plus dernièrement Apollon le couteau à la main, o.c. (n. 1), p. 197-206. Le couple Poséidon/Érechthée n’est pas non plus similaire à celui formé par Apollon/Hyakinthos. P. Brulé les met à notre avis un peu trop en parallèle dans « Fêtes grecques : périodicité et initiations. Hyakinthies et Panathénées », in L’Initiation I, Actes du Colloque international de Montpellier, 11-14 avril 1991, Montpellier, 1992, p. 19-38. S. WIDE (Lakonische Kulte, Leipzig, 1893, p. 291 sq.) avait déjà opéré ces rapprochements entre Érechthée-Poséidon, Hyakinthos-Apollon et Néoptolème-Apollon. Or, Hyakinthos est inhumé (Paus., III, 19, 1 : τεθάφθαι et Pol., VIII, 28 parle de son tombeau – taphos) et surtout tué « par hasard »; et on ne peut pas trop « penser ensemble » Érichthonios et Érechthée : le tombeau dont parle P. Brulé (p. 21) est celui d’Érichthonios. Quant à Apollon, c’est vraiment le meurtrier de Néoptolème. Ici on parle d’une alliance autour de la terre. 64. Platon, Lois IX, 865d-e : on raconte que l’homme mort de mort violente (ὁ θανατωθεὶς ἄρα βιαίως) (...) est, sitôt mort, irrité (θυμοῦται) contre celui qui l’a tué (...) son meurtrier dont il prend la mémoire comme alliée pour l’inquiéter en son âme et en ses actes (μνήμην σύμμαχον ἔχων, αὐτὸν τε καὶ τὰς πράξεις αὐτοῦ). Aussi faut-il que le meurtrier se retire (ὑπεξελθεῖν) devant sa victime (...). » Voir aussi Ant., IV, 10. 65. EUR., Er., 18, 92 sq. : « Érechthée prendra le nom de son meurtrier, et deviendra l’Auguste Poséidon (Σεμνὸς Ποσειδῶν) : voilà comment les citoyens l’invoqueront, quand ils lui immoleront des hécatombes de bœufs » (ἐν φοναῖσι βουθύτοις).

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66. Eur., Er., 18, 90 : πόσει δὲ τῷ σῷ σηκὸν ἐν μέσῃ πόλει. 67. Purifier, c’est opérer des divisions (C. DOUGHERTY, « Murderous Founders », chapitre II in The Poetics of Colonization. From City to Text in Archaic Greece, New York / Oxford, 1993, p. 36), séparer le meurtrier, sa victime et le corps de la cité en disjoignant pollueur et territoire pollué (J.-L. DURAND, « Formules attiques du fonder », in M. DETIENNE (éd.), Tracés de fondation, Paris / Louvain, 1990, p. 276). 68. Paus., I, 38, 3 qui raconte qu’« au cours de la bataille contre les Athéniens, Érechthée, le roi d’Athènes fut tué » (Γενομένης δὲ ᾿Ελευσινίους μάχης πρὸς ᾿Αθηναίους ἀπέθανε μὲν ᾿Ερεχθεύς). 69. Pour exemples, Lyc., Leocr. 98-100; Isocr., Pan., 68. 70. Pour exemples Isocr., Pan., 66 et 67, Platon, Men., 239b. 71. Eur., Er., 18, 20-21. 72. Pour makarios, voir Lys., Epit., 80. C’est surtout l’eudaimonia que l’on rencontre dans les discours des orateurs : Dem., Epit., 32 et 33; Lysias, Epit., 79 et Hyp., Epit., 42-43. Ce dernier adjectif renvoie aussi évidemment au monde des dieux. 73. Eur., Er., 18, 18. 74. Eur., Er., 18, 25 sq. : « La mort du malheureux » (δυστήνου μόρον). 75. Eur., Er., 18, 25. 76. C. AUSTIN, Nova Fragmenta Euripidea Euripidea in papyris reperta, Berlin, 1968, a transcrit ce fragment (établi par A. NAUCK, Tragicorum graecorum fragmenta, Hildesheilm, 1964, fr. 361) mais ne l’a pas replacé, alors que P. CARRARA, o.c.(n. 9), choisit de l’insérer dans la tirade du messager (fr. 18.21-22) ainsi que C. COLLARD (ed.), Euripides. Selected Fragmentary Plays volume 1, Warminster- England, 1997. J.C. KAMERBEEK, « Remarques sur les fragments de l’Érechthée d’Euripide », Mnemosyme 23 (1970), p. 121, avait déjà émis cette idée. 77. Il faut noter l’antagonisme entre καλῶς et μὴ καλῶς que l’on peut difficilement traduire. Sur ce terme, voir N. LORAUX, « Le Point de vue du mort », PO&SIE 57 (1991), p. 71. 78. Développé dans « La Belle mort spartiate », Ktéma 2 (1977), p. 105-120, et dans « Mourir devant Troie, tomber pour Athènes. De la gloire du héros à l’idée de la cité », SAGE 17,6 (1978), p. 801-817, ainsi que dans L’Invention d’Athènes. Histoire de l’oraison funèbre dans la ‘cité classique’, Paris et al., 1993, p. 120-141 surtout. Voir aussi J.-P. VERNANT, « La Belle mort et le cadavre outragé », in G. GNOLI & J.-P. VERNANT (éds), La Mort, les morts dans les sociétés anciennes, Cambridge/ Paris, 1982, p. 45-75. 79. Platon, Men., 246d joue aussi entre καλῶς et μὴ καλῶς : « enfants, que vos pères soient des braves, à elle seule la cérémonie présente en est la preuve : libres de vivre sans beauté, nous préférons mourir en beauté » (ἡμῖν δὲ ἐξὸν ζῆν μὴ καλῶς, καλῶς αἱρούμεθα μᾶλλον τελευτᾶν). 80. 234c – 235c : tout n’y est que beauté, « mourir à la guerre » (καλὸν εἶναι τὸ ἐν πολέμῳ ἀποθνῄσκειν), la sépulture (ταφῆς καλῆς), les louanges (καλῶς ἐπαινοῦσιν), les éloges font se sentir Socrate « plus beau » (καλλίων) et il croit même habiter les îles des Bienheureux (ἐν μακάρων νήσοις οἰκεῖν). 81. Lysias, Epit., 79-81. 82. The Tragedies of Euripides, London, 1967, p. 129. R. AÉLION, Quelques mythes héroïquesdans l’œuvre d’Euripide, Paris, 1986, p. 212, indique à son tour que ce fragment « ne peut être utilisé avec certitude » et mentionne les avis divergents. 83. Lyc., Leocr., 100 : « si, au lieu de filles, des fils avaient grandi près de moi (..) ne les aurais-je pas équipés de la lance pour les envoyer au combat sans redouter leur mort ? Ah ! Que n’ai-je des enfants capables de combattre et de s’illustrer parmi les soldats (...). Quant à ma fille (...) seule elle mourra pour la patrie (...) n’est-il pas beau (κάλον) de recevoir ce privilège ? » 84. Voir à ce propos le chapitre de M. DETIENNE, « La Force des femmes », o.c. (n. 12). 85. Lyc., Leocr., 99-100. Si on demande de l’imiter, c’est pour avoir sacrifié sa fille.

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86. Dem., Epit., 27 : c’est « pour sauver le pays » (τοῦ σῶσαι τὴν χώραν). 87. Eur., Er., 18.90-94. Sur le culte d’Érechthée, voir G. EKROTH, The Sacrificial Rituals of Greek Hero- Cults, Liège, 2002 (Kernos, suppl. 12), p. 175 sq. et 188 sq. 88. Bibl. III, 15, 1 : τὴν δὲ ἱερωσύνην τῆς ᾿Αθηνᾶς καὶ τοῦ Ποσειδῶνος τοῦ ᾿Ερεχθέως. 89. Vit. X Orat. (Mor., 843b-c) : « Médéios qui exerça le sacerdoce de Poséidon-Érechthée » (ὃς τὴν ἱερωσύνην Ποσειδῶνος ᾿Ερεχθέως εἶχε) (...); Thémistoclès « hérita aussi de la prêtrise de Poséidon-Érechthée ». 90. I, 26, 5 : « près de l’entrée, il y a des autels : l’un à Poséidon, sur lequel on sacrifie aussi à Érechthée en vertu d’un oracle » (βωμοί, Ποσειδῶνος, ἐφ᾿ οὗ καὶ ᾿Ερεχθεῖ θύουσιν ἔκ του μαντεύματος). 91. Lois 1 (Marcovich) : ici, remarquons l’inversion, « l’Athénien sacrifie à Érechthée en tant que Poséidon » (ὁ δὲ ᾿Αθηναῖος ᾿Ερεχθεῖ Ποσειδῶνι θύει). 92. S.v. ᾿Ερεχθεύς· ὁ Ποσειδῶν ἐν ᾿Αθήναις. 93. IG I², 580 (dédicace datée de 460-450 av. J.-C.) : ᾿Επιτέλες Οἰνοχάρες Σοινάυτο Περγασε–θεν Ποσειδο–νι ᾿Ερεχθεῖ ἀνεθέτεν. 94. Comme IG II², 4071, l. 25-27, base de marbre trouvée à Éleusis (milieu du IIe siècle av. J.-C.) : ἱερέως] ᾿Ερεχθέως Ποσειδῶνος. 95. C’est le cas de IG II²,1146 (LSCG 31 = SEG XXV, 140) : ce décret de tribu trouvé sur l’Acropole et datant du IVe siècle av. J.-C. prescrit des sacrifices à Poséidon et Érechthée : ἱ[ερεῖα θύειν τῶι Ποσειδῶ]νι καὶ τῶι ᾿Ερε[χθεῖ τὸν ἱερέα τὸν ἀεὶ] λαχόντα (...); IG II², 5058, inscription du IIe siècle av. J.-C. qui se trouve sur le siège du prêtre de Poséidon et d’Érechthée au théâtre de Dionysos : ῾Ιερέως Ποσειδῶνος Γαιηόχου καὶ ᾿Ερεχθέως; IG II² 3538, l. 8-9 (datée du Ier siècle ap. J.-C.) : ὁ ἱερεὺς Ποσειδῶνο[ς] ᾿Ερεχθέος Γαιηόχου. 96. On peut toujours gloser sur l’hypothétique omission d’un καί. Au lieu de prendre les inscriptions IG II², 3538 et IG II², 4071 (o.c. notes précédentes) telles qu’elles nous sont parvenues, M. LACORE (« Euripide et le culte de Poséidon-Érechthée », REA 85 [1983], p. 221), pour être sûre qu’il s’agit bien d’une ‘fusion’ entre Érechthée et Poséidon, a besoin d’attester que sur ces inscriptions au moins, « l’ordre des mots interdit l’hypothèse d’un καί omis ». 97. En dépit d’Hésychios, s.v. ᾿Ερεχθεύς· Ποσειδῶν ἐν ᾿Αθήναις. 98. Pour exemples, voir J.D. MIKALSON, « Erechtheus and The Panathenaia », AJPh 97 (1976), p. 143; C. AUSTIN, « De nouveaux fragments de l’Érechthée d’Euripide », Recherches de Papyrologie 4 (1969), p. 59; COLLARD, o.c. (n. 76), p. 193 (lui nuance : ce culte « suggest a cultic identification »). 99. LACORE, o.c. (n. 96) qui utilise plus dernièrement l’expression « Érechthée fondu avec son divin meurtrier », in o.c. (n. 16), p. 89. Pour la « fusion », voir aussi F. JOUAN, « Héros tragique et deus ex machina chez Euripide », in Kernos, suppl. 10 (2000), p. 35. 100. W. BURKERT, Homo Necans. The Anthropology of Ancient Greek Sacrificial Ritual and Myth, Berkeley et al., 1983, p. 149 : « two names for a single god » et BRULÉ, o.c. (n. 63), p. 22. 101. LACORE, o.c. (n. 96), p. 218. 102. Comme le dit LACORE,o.c. (n. 96), p. 222. 103. C’est la thèse de BURKERT, o.c. (n. 100 ), p. 169 et de F. SCHACHERMEYR, Poseidon und die Entstehung des griechischen Götterglaubens, Bern, 1950, p. 11. On ne peut être aussi affirmatif, je crois. De même, les questions de chronologie s’avèrent fort complexes et on ne saurait démêler quand s’est fixé ce double culte. LACORE, o.c. (n. 96), p. 218, a recensé les différents points de vue. Elle échafaude une théorie qui nous apparaît bien fragile : en effet, pour elle, l’inscription IG II², 5058 du IIe siècle av. J.-C. (cité supra note 95) est charnière « puisque c’est après elle que l’on voit les témoins de la fusion l’emporter sur ceux de la dissociation de Poséidon et d’Érechthée ». MIKALSON, o.c. (n. 98), p. 143 sq. voit lui dans cette mention d’Euripide la preuve de l’existence du culte au Ve siècle av. J.-C., mais il est un peu seul. Certains parlent d’une innovation de la part

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d’Euripide ou pensent que ces vers font écho à la construction d’un nouveau temple qui serait l’Érechthéion comme l’évoque BRULÉ, o.c. (n. 63), p. 26. 104. Respectivement Lois, 1 (MARCOVICH) et s.v. ᾿Ερεχθεύς. Et il ne faut non plus pas seulement retenir comme LACORE (o.c. [n. 16], p. 90) dans cet ordre d’Athéna une « quadruple apothéose », celle des trois jeunes filles et celle du roi, mais une alliance. 105. IG II², 1146 et IG II², 5058 (citées note 95). 106. IG II², 5058 (siège du prêtre de Poséidon Gaièochos et Érechthée au théatre de Dionysos, IIe s. av. J.-C.); IG II² 3538 (prêtre de Poséidon Érechthée Gaièochos, Ier s. ap. J.-C.). 107. La jeune fille est d’ailleurs sacrifiée θύσαι πρὸ γαίας(Eur., Er., 10, 39). 108. Sur l’Érechthéion, sa localisation et les sacrifices qui y étaient rendus, voir K. JEPPESEN, « Where was The So-Called Erechtheion », AJA 83 (1979), p. 381-394 et The Theory of The Alternative Erechtheion, Aarhus, 1987; LACORE, o.c. (n. 96) et P. BRULÉ, « La Cité en ses composantes : remarques sur les sacrifices et la procession des Panathénées », Kernos 9 (1996), p. 37-63. 109. Il est le « père » des Athéniens (ne l’oublions pas trop), Esch., Eum., 13 : « les enfants d’Héphaïstos » (παῖδες ῾Ηφαίστου). Voir aussi la scholie à Eur., Med., 825 commentant que les Érechthéides sont des θεῶν παῖδες : ἢ ὡς ἀπὸ τοῦ ῾Ηφαίστου καταγόμενοι. 110. Eur., Ion, 262-282. 111. E.M., s.v. ᾿Ερεχθεύς· παρὰ τὸ διασχίσαι αὐτὸν τὴν γῆν καὶ γεννηθῆναι ἀπὸ τοῦ σπέρματος ῾Ηφαίστου, ἡνίκα ἔκρυψεν αὐτὸ ἡ ᾿Αθηνᾶ ἐν τῇ γῇ, ὁ αὐτὸς δὲ λέγεται καὶ ᾿Εριχθόνιος. N. LORAUX, « Mourir devant Troie », o.c. (n. 78), p. 35-36, va encore plus loin, éclairant la pratique funéraire avec le postulat d’autochthonie; confier les morts à la terre c’est alors ainsi « assurer la reproduction de la cité ». Elle commente notamment Platon, Men., 237c. 112. N. LORAUX, Les Enfants d’Athéna. Idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes, Paris, 1990, p. 38.

RÉSUMÉS

En terre d’Athènes, on ne trouve pas un fondateur, mais des autochtones, qui multiplient la figure inaugurale du fondateur sans pour autant l’incarner complètement. C’est Érechthée qui, par sa mort inédite, va clôturer la longue chaîne des opérations de fondation. Caché dans la terre civique sous les coups du trident vengeur de Poséidon, sa mort n’est ni un crime, ni une « belle mort », mais bien une mort fondatrice. La mort d’Érechthée donne en effet lieu à un partenariat de choix pour ces Athéniens en mal d’ancrage : Érechthée, le roi autochtone et Poséidon, le dieu à l’assise solide et aux fondations inébranlables, qui seront désormais associés dans le culte sous le nom de Poséidon-Érechthée ou Érechthée-Poséidon. Grâce à ce partenariat fondateur, la cité autochtone a réussi le pari de son auto-fondation. Car, à travers Érechthée, c’est tous les Athéniens que Poséidon enracine sur leur propre terre.

Return to earth: the end of the story of Erechtheus. There is not one founder of Athens but many autochtones repeating the inaugural figure of the founder without nonetheless incarnating it fully. It is the particular death of Erechtheus that ends the long founding operations. Hidden in the civic earth, his death under Poseidon’s revengeful trident is neither a crime nor a “beautiful death” but a founding death. Indeed, the death of Erechtheus gives birth to a founding partnership of choice for those Athenians in search of their roots: Erechtheus, the autochtonous

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king, and Poseidon, the god with a solid basis and unmovable foundations, would become associated in the cult as Poseidon-Erechtheus or Erechtheus-Poseidon. Because of this founding partnership, the autochtonous city succeeded in the challenge of self-foundation. Through Erechtheus, it was all Athenians that Poseidon could root in their own land.

AUTEUR

SONIA DARTHOU [email protected] Centre Louis Gernet

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Religion publique et croyances personnelles : Platon contre Socrate ?*

Aikaterini Lefka

Introduction

1 Parmi les philosophes grecs, il en est un qui a payé de sa vie l’accusation de ne pas croire aux dieux de la cité, mais d’y introduire des nouveaux daimonia, couplée avec celle de corrompre la jeunesse1. Socrate réfuta les deux calomnies, mais ne manqua pas pour autant d’adopter ouvertement une attitude provocante devant ses juges, en défendant une manière personnelle de comprendre et de pratiquer la piété qui pouvait ne pas coïncider avec leur avis : « J’obéirai au dieu plutôt qu’à vous »2.

2 L’un de ses élèves, Platon, fut si profondément marqué par cette mise à mort, qu’il consacra trois de ses œuvres à la défense du condamné (Apologie de Socrate), à son refus de s’évader (Criton) et aux dernières heures de son maître (Phédon). Plus encore, Socrate sera dans la quasi-totalité des dialogues platoniciens l’incontournable protagoniste et l’archétype du philosophe.

3 Un autre élève, Xénophon, a également voulu vénérer la mémoire de Socrate dans sa propre Apologie et dans ses Mémorables. Comme nous nous concentrerons plus particulièrement dans la présente étude sur d’éventuelles contradictions dans l’ensemble de la pensée de Platon, nous ne prendrons pas en considération ces textes intéressants pour le personnage historique de Socrate lui-même.

4 En effet, dans sa dernière œuvre, les Lois (dont, exceptionnellement, Socrate est absent), Platon traite avec la plus grande sévérité ceux qui ne se conforment pas aux croyances officielles sur les dieux, dans le cadre de la cité projetée des Magnètes3. Sa législation est particulièrement attentive à définir en détail les possibles transgressions et les peines qu’elles méritent. Celles-ci incluent non seulement l’emprisonnement et la « ré-éducation », mais aussi la mise à mort et, pire encore pour les mœurs de l’époque,

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l’abandon de la dépouille hors des frontières de la cité, sans sépulture, avec interdiction pour tous d’offrir les honneurs dus aux défunts.

5 Que s’est-il passé, se demandent les chercheurs, entre les dialogues de la jeunesse ou de l’âge mûr et les œuvres de vieillesse, pour que l’esprit d’Antigone qui caractérisait Socrate soit remplacé par celui de Créon dans les préférences du philosophe ? Et la plupart concluent que, s’étant détaché de l’influence de son maître, en l’oubliant peut- être avec le temps, Platon exprime finalement son opposition radicale à l’attitude « personnalisée » de Socrate envers la religion publique4.

6 Nous nous proposons ici de prendre en considération quelques données supplémentaires propres à clarifier davantage cette question délicate et à montrer que certaines déductions courantes méritent une remise en question. À cette fin, nous examinerons d’abord globalement l’attitude de Socrate face à la religion traditionnelle, telle qu’elle se présente dans les dialogues platoniciens. En deuxième lieu, nous nous pencherons sur la position de Platon à l’égard de ceux qui, dans ses cités idéales, s’écartent des croyances officielles, en accordant de l’attention aussi à ce que Socrate dit dans la République. Nous prendrons enfin parti au sujet d’éventuelles contradictions entre Socrate, tel que Platon le représente, et Platon lui-même. Aussi espérons-nous apporter un éclairage supplémentaire concernant la manière dont les Grecs concevaient les aspects du « public » et du « privé » en matière de croyances religieuses.

1. L’attitude de Socrate envers la religion officielle d’Athènes

7 Socrate rejetait-il réellement la religion officielle de l’Athènes de son époque ? Dans l’ Apologie, il détourne habilement l’accusation de Mélétos, pour refuser l’affirmation selon laquelle il serait un athée complet, lequel pourrait être injustement confondu avec les sophistes ou les penseurs dits « matérialistes »5. Pour ce faire, il affirme sa croyance, d’une part, en la divinité des corps célestes (remise en question par Anaxagore, qui fut déjà chassé d’Athènes pour son impiété), et, d’autre part, en l’existence de daimones, compris dans le sens de divinités mineures, ou d’« enfants de dieux ».

8 Nous connaissons l’ambiguïté de ce terme pour les Grecs, qui pouvaient y avoir recours tant comme un synonyme du mot theos – soit pour désigner un dieu particulier, soit pour se référer à la divinité en général –, que pour nommer effectivement les divinités mineures.

9 Socrate se réclame ici des croyances courantes, afin d’éviter de faire passer pour une innovation son « signal divin » ( daimonion sémeion). Le philosophe n’hésite pas, d’ailleurs, dans son apologie6, à faire ouvertement référence à ce « message divin » qu’il recevait personnellement quand il venait de (ou quand il allait) dire ou faire quelque chose qu’il ne devait pas, et qui était du genre à provoquer des conséquences néfastes. Nous n’avons pas ici le temps de nous arrêter davantage sur la nature et la signification du daimonion socratique, un sujet toujours en discussion7. Pour notre enquête actuelle, qu’il suffise d’en retenir les points suivants : Socrate n’a jamais prétendu que ce signe provenait d’une nouvelle divinité, ni ne l’a identifié à une divinité quelconque (même si le terme daimonion, en tant que substantif, peut aussi

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signifier « la divinité »). Il ne lui a jamais non plus accordé un culte particulier. Il paraît plutôt ranger cette présence occasionnelle parmi les manières diverses dont les dieux communiquent avec les hommes, comme le sont aussi les oracles ou les rêves. Platon souligne que Socrate essaye d’interpréter correctement ce signe, ce qui implique de sa part une réception « active » et personnalisée, où sa propre intelligence joue un rôle décisif.

10 Il est vrai que Socrate revendique un rapport particulier et privilégié avec le monde divin, notamment avec un dieu très vénéré par tous les Grecs, Apollon. Dans l’Apologie8, mais aussi dans le Phédoni9, le philosophe présente l’ensemble de son activité philosophique et de sa vie comme une requête d’Apollon en personne, exprimée, d’après l’interprétation que Socrate en avait fait, par un oracle delphique accordé à Chéréphon : « Socrate est le plus sage des hommes ».

11 En soulignant sa soumission pieuse à un tel dieu, Socrate visait probablement à écarter complètement l’accusation de ne pas vénérer les mêmes dieux que ses concitoyens. En d’autres occasions, il paraît se mettre aussi sous les auspices d’autres grandes divinités, tels Zeus10, Héra11 ou Artémis12.

12 D’autre part, le Socrate de Platon se lie volontiers à des divinités plus marginales, mais acceptées, pourtant, en tant que dieux par la communauté athénienne. Quand il se présente en prière dans les dialogues, donc quand il effectue l’acte du culte le plus personnel qui soit, le philosophe s’adresse de préférence à des divinités mineures (des daimones), comme Éros et Pan dans le Phèdre13 et au soleil levant selon le témoignage d’Alcibiade dans le Banquet14. Quant à son respect des traditions rituelles, ajoutons qu’avant de boire la ciguë, Socrate se soucie de savoir s’il est permis d’offrir les libations habituelles avec le contenu de sa coupe15. Ses derniers mots, on s’en souvient, portent sur le sacrifice que ses amis ne doivent pas oublier de faire à Asclépios, dont le culte ne fut introduit officiellement à Athènes qu’en 420 av. J.-C., après la peste qui ravagea la cité entre 430 et 425. Il s’agit donc d’une « nouvelle » divinité de la cité16.

13 Il serait dès lors inapproprié de considérer Socrate comme quelqu’un qui rejette les dieux acceptés par la cité, même s’il paraît porter une attention particulière aux divinités marginales, ou s’il se sert volontiers du terme général theos ou daimon pour définir la divinité, sans donner plus de précisions sur l’identité d’un dieu particulier17. Par contre, il est vrai que Socrate revendique, parallèlement, un lien direct et privilégié avec la divinité, ainsi qu’une manière personnalisée de concevoir et d’exprimer sa piété.

14 Mais sa particularité la plus importante, comme le soulignent E. Derenne et L. Brisson, est que Socrate transforme d’un point de vue éthique les divinités traditionnelles18. La manière « socratique » de concevoir la dimension éthique des dieux est conforme à la rationalité (une première approche systématique du sujet s’effectue dans l’Euthyphron). Toute divinité ne peut qu’être parfaitement sage et bonne, juste et bienveillante pour les hommes.

15 C’est ainsi que la « mission philosophique » de Socrate, présentée comme un don divin aux Athéniens dans l’Apologie, ne peut qu’avoir des conséquences bénéfiques. Si les juges du philosophe ne partageaient pas cet avis, était-ce vraiment parce que le panthéon et le culte officiel de la cité se voyaient offensés par l’attitude religieuse de Socrate ? Certains chercheurs le pensent19, mais nous ne trouvons pas que le témoignage de Platon – au moins tel qu’il vient d’être ici rappelé – justifie cette position. La notion d’asebeia pour les juges athéniens porterait surtout sur l’expression

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externe du respect de la religion officielle. Il en est sans doute très peu parmi eux à avoir compris la portée de la « transformation éthique » révolutionnaire effectuée discrètement par Socrate dans sa propre manière d’envisager les dieux.

16 Nous penchons plutôt, avec la plupart des commentateurs, pour l’interprétation qui met en avant les motivations politiques des accusations contre le philosophe20. Socrate lui-même en paraît conscient dans l’Apologie, quand il souligne les effets subversifs pour l’équilibre social, et néfastes pour lui, que pouvait avoir son elenchos auprès de tous ceux que l’on considérait couramment comme des savants. C’était une attitude critique que les jeunes de la cité s’étaient empressés d’adopter et de répandre, au grand dam de tous ceux qui avaient intérêt à maintenir les doxai traditionnelles mais fausses, garantissant leur crédibilité et leur pouvoir dans Athènes.

17 Rappelons encore que le décret de Diopeithès contre les athées date de 432 av. J.-C. et que le terminus post quem de la loi athénienne contre l’asebeia se situe en 456 av. J.-C., mais c’est surtout après la guerre du Péloponnèse que des procès d’impiété ont eu lieu21, donc quand la cité se trouvait déjà en situation d’instabilité grave sur le plan politique. Les éventuels écarts par rapport aux croyances de la cité devaient à ce moment-là être considérés à la fois comme une trahison envers la cité elle-même et une hybris envers les dieux; une hybris qui risquait d’avoir des conséquences néfastes pour tous, si elle restait impunie.

18 Il est notable enfin que dans le Criton Socrate, malgré sa condamnation, paraît vouer un respect absolu aux lois de la cité, qu’il présente comme apparentées à la justice divine22. Le philosophe souligne son accord avec la législation athénienne, telle qu’elle avait été définie selon les règles de la démocratie. Par contre, dans l’Apologie, il trouve manifestement que ce sont les juges l’ayant condamné qui n’ont pas su appliquer de manière juste cette législation dans son cas précis23. Socrate ne s’attaque nulle part au régime, ni au fonctionnement de la cité, auquel il se soumet de son plein gré, mais n’hésite pas à faire usage du droit précieux, accordé par la démocratie elle-même, d’exprimer ouvertement sa critique contre les faiblesses humaines de ses concitoyens.

2. Platon face aux citoyens qui s’écartent des croyances officielles dans les cités idéales

19 C’est pour tenter des propositions de cités politiquement « saines » et stables, que Platon entreprend de penser l’organisation de la Kallipolis dans la République et, avec une précision encore plus concrète, celle de la cité des Magnètes dans les Lois. Ce dernier dialogue, qui a dû probablement être publié après la mort de l’auteur, se situe, de manière originale, en Crète, où la cité future est censée s’établir. Peut-être la raison essentielle de l’absence de Socrate réside-t-elle dans ce fait24.

20 La législation des Magnètes accorde une grande importance au culte officiel, largement inspiré de la tradition25 et se fonde manifestement sur trois principes religieux : a) les dieux sont bons; b) ils prennent soin de nous et c) leur justice est absolument incorruptible26. Ces principes, les législateurs tentent très sérieusement de les soutenir avec une argumentation rationnelle élaborée, qu’ils désirent poser comme « préambule » aux lois contre l’impiété, afin de convaincre les citoyens de leur validité.

21 D’autre part, les peines seront sévères pour les membres de la cité qui ne partagent pas l’une ou l’autre de ces croyances. Platon fait une distinction : pour ceux qui s’en

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écartent par ignorance, en se moquant du culte officiel, sans être nécessairement des gens injustes, une ré-éducation de cinq ans est prévue initialement dans une prison spéciale, auprès des membres du « collège de veille »27, qui gouverne la cité. Ils pourront ensuite soit réintégrer la cité, soit être mis à mort, s’ils persistent à offenser les lois religieuses28. Les autres, qui sont complètement corrompus, et parmi lesquels le philosophe inclut d’éventuels tyrans, démagogues, sophistes, généraux sournois et sorciers exploitant l’incrédulité des foules en vue du gain, seront incarcérés à perpétuité dans un lieu désert, coupés de tout contact avec le monde extérieur; après leur mort naturelle leurs corps seront rejetés hors du territoire, avec interdiction à tous de les ensevelir29.

22 Par l’endurcissement du respect de la loi dont Socrate lui-même faisait preuve, Platon se montre effectivement implacable et particulièrement sévère face aux crimes d’impiété. Qui plus est, la notion de la piété ne se limite pas ici aux manifestations externes du culte, aux us et coutumes, et aux croyances courantes plus ou moins floues, comme c’était le cas dans toutes les cités grecques, mais s’identifie à l’adhésion absolue aux « articles de foi » de la cité. Ces principes, pourtant, sont présentés comme cruciaux pour le maintien du bien-être de l’ensemble de la cité et ils sont définis par les trois législateurs des Lois dialectiquement (même si l’exercice de la dialectique se présente ici dans une forme plutôt élémentaire).

23 Il est remarquable que ces principes théologiques figurent d’abord dans la République, où c’est Socrate lui-même qui élabore une argumentation rationnelle pour les établir30. Ces tupoi peri theologias doivent constituer les règles auxquelles se conformeront les mythes sur les dieux que les poètes feront circuler dans la Kallipolis, car l’éducation éthique des gardiens de la cité (et, en l’occurrence, de tous les citoyens) ne peut pas être compromise par des croyances religieuses irrationnelles et des modèles de comportement immoraux.

24 Si, dans la République, Socrate en tant que législateur potentiel essaie d’éviter ce qu’il estime néfaste dans les croyances de la cité, dans les Lois, les trois vieillards prennent des mesures pour affronter ce même mal, au cas où il se présenterait. Mais nous ne pensons pas qu’il y ait des différences concernant les principes théologiques « officiels » entre les cités idéales des deux dialogues. Il est évident que Platon désire garder l’ensemble des citoyens attachés à tout prix à ces principes, surtout parce que, lui, il estime que la survie et la bonne vie de la cité en dépendent31. Ces croyances rationnellement définies sont présentées en même temps comme inspirées par la divinité; dès lors, elles sont censées refléter la justice divine elle-même.

25 Platon se trouve ainsi finalement d’accord avec les Athéniens de son époque sur le principe selon lequel l’ensemble des citoyens doit adopter des attitudes religieuses communes, en vue d’assurer la stabilité politique. Il va même plus loin qu’eux, en attachant une importance capitale à la conviction interne, dont les manifestations cultuelles ne sont que l’expression superficielle. Les croyances religieuses concernant la nature des divinités et les rapports de celles-ci avec les hommes n’étaient jamais aussi clairement établies dans la religion des cités grecques réelles. C’est la définition rationnelle des principes théologiques et leur accord avec le bien qui différencie essentiellement la position du philosophe et ne laisse plus aucun espace aux croyances individualisées.

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Conclusions

26 Après ces clarifications, que peut-on conclure relativement aux attitudes respectives de Socrate et de Platon lui-même sur ce sujet ?

27 Socrate, tel qu’il se présente dans la République, est-il en accord avec le protagoniste de l’Apologie, du Criton ou du Phédon, mort pour cause d’impiété ? Approuverait-il les mesures contre les impies proposés par l’Athénien des Lois ? Platon a-t-il complètement oublié la condamnation de son maître à la fin de sa propre vie ?

28 Même si on peut avoir de bonnes raisons de nier la réelle élaboration d’une cité idéale par Socrate lui-même, nous ne pensons pas que les principes religieux que le philosophe suivait, tels qu’on peut les voir dans les dialogues qui décrivent sa défense au tribunal et sa fin, sont en désaccord avec ceux qui figurent, sous une forme plus claire et plus élaborée, dans la République et les Lois.

29 La manière dont Platon en tant que législateur traite les membres de la cité qui n’adhèrent pas à ses conceptions religieuses est sans aucun doute plus dure que celle qu’appliquait Socrate, comme on le voit dans l’Euthyphron. Platon ne se donne plus la peine de faire patiemment le cheminement dialectique personnalisé avec chacun des membres des cités idéales. Il présente seulement à la population l’ensemble de ce parcours déjà effectué par des personnes sages et vertueuses. À l’instar de Socrate, les législateurs de la cité des Magnètes jouissent apparemment d’une certaine communication privilégiée avec la divinité.

30 Persuadé que les croyances définies ainsi par le logos à la fois rationnel et inspiré représentent le bien véritable, Platon identifie la liberté personnelle (liberté par rapport aux doxai fausses et aux faiblesses humaines) à l’acceptation volontaire et consciente de celles-ci32. Socrate en espérait autant, quand il exerçait son elenchos auprès des Athéniens en vue de les amener à découvrir rationnellement la vérité par eux-mêmes. Pour lui, « personne n’était méchant de son plein gré ». Son élève se permet de se servir du pouvoir législatif pour imposer ces positions en cas de désaccord, qu’il envisage également comme dû à un dysfonctionnement psychique chez la personne concernée, résolument nuisible pour la société.

31 Les points de vue adoptés par Socrate et par Platon divergent par rapport à la manière d’avancer leurs avis pour les faire accepter par les citoyens. Ceux-ci sont, d’ailleurs, des membres de cités aux régimes différents, auxquels l’un adresse comme à des égaux et l’autre en tant que fondateur de leur législation. Or, la définition dialectique et rationnelle des croyances sur les dieux, leur accord nécessaire avec le bien, ainsi que leur importance éducative, éthique et politique, sont un héritage socratique qui reste présent dans l’ensemble de l’œuvre platonicienne.

32 Nous irons encore plus loin, en soutenant que dans ces cités idéales, Platon accorde au philosophe, dont l’incarnation archétypale est pour lui Socrate, le pouvoir que celui-ci n’avait jamais eu à Athènes. Dans cet esprit, Socrate ne serait pas un étranger dans la cité des Magnètes, comme l’ont souvent dit divers chercheurs33, mais devrait siéger au « Collège de veille », faisant même peut-être partie de ces membres de la cité excellents en sagesse et en vertu, les euthynoi, qui étaient consacrés à Apollon et à Hélios et qui vivaient aux frais de la cité dans le temple commun de ces dieux, au cœur de l’Agora34. Socrate ne disait-il pas dans l’Apologie qu’être nourri par la cité dans le

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Prytanée aurait dû être sa récompense pour les services offerts à Athènes par la volonté d’Apollon35 ?

33 Loin d’oublier son maître, Platon à la fin de sa vie crée une cité qui lui accorderait tout l’honneur dont il était digne, en suivant ses propres principes religieux et philosophiques. Ceux qui se trouveraient au banc des accusés seraient dès lors, par un renversement des rôles, des hommes dont les croyances n’étaient pas en accord avec le logos, comme, par exemple, Anytos et Mélétos.

34 Nous trouvons même dans le texte des Lois, au sein de l’argumentation sur les principes religieux officiels, une référence furtive, mais particulièrement indicative, qui montre bien, à notre avis, que le souvenir de la condamnation de Socrate reste toujours aussi vivant pour son élève, malgré le temps écoulé depuis36 : (L’Athénien :) Alors, quoi ? Que disons-nous ? Que devons-nous faire ? Nous défendrons-nous comme des gens qu’on poursuivrait devant un tribunal d’impies, ceux-ci disant aux persécutés de notre législation que nous faisons des choses terribles en y décrétant l’existence des dieux ?

35 En conclusion, nous sommes d’avis que, dans ces cités idéales, Platon rend publiques les croyances personnelles de Socrate (lequel n’avait jamais accepté ouvertement un désaccord de sa part avec la législation d’Athènes en matière de religion). Ensuite, il se montre radicalement intolérant face aux attitudes religieuses courantes de ses propres concitoyens qui ne résisteraient pas à l’elenchos rationnel. En cela, il aurait même recours – en dernier lieu, cependant – à la force, s’il avait accès à un pouvoir politique que Socrate n’a jamais cherché à acquérir, se contentant de la persuasion par le dialogue personnel et égalitaire. Il est fort possible que la véhémence de Platon contre les croyances qu’il marginalise dans ses cités idéales, parce qu’il les estime superficielles, fausses et dangereuses, soit due en partie à sa révolte de jeunesse, toujours vivace, devant la condamnation injuste de son maître par les représentants de ce genre de croyances.

36 Malgré les apparences, nous pensons que Platon veut sincèrement s’allier à Socrate, à sa façon, en vue de voir se répandre dans la cité une religiosité solidement définie par le logos, sur lequel se fonderait, de la meilleure manière possible, l’éducation éthique de chacun des citoyens et, par conséquent, la vraie bonne vie de la cité37.

37 Ce qui distingue essentiellement Platon de Socrate, tel que lui-même le présente surtout dans ses dialogues dits « de jeunesse », ainsi que des conceptions courantes athéniennes, est qu’il exclut fermement toute possibilité de choix ou d’interprétations personnelles en matière de religion. La démocratie athénienne, acceptée par Socrate comme le meilleur régime sous lequel il pouvait vivre, présentait, malgré tout, une plus grande souplesse, ce que la religion traditionnelle permettait aisément. Mais Platon pensait que le régime idéal serait une « timocratie », où le logos vrai et la vertu que celui-ci engendre gouverneraient sans conteste. On pourrait dire qu’il s’agit d’une poussée à l’extrême des conceptions socratiques, auxquelles est accordée la prééminence dans l’organisation de la cité.

38 L’appel personnalisé du maître garde-t-il encore toute sa valeur quand il devient une institution incontournable grâce au zèle du disciple ? Nous ne saurions l’affirmer, car sur cette question nous avons, quant à nous, quelques sérieuses réserves...

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NOTES

*. Nous aimerions dédier le présent article à Madame Toula Vassilakou-Fassea, dont le soutien à toute épreuve, professionnel et amical, a largement et concrètement facilité notre avancement dans la recherche philosophique pendant les six dernières années. Qu’elle en soit vivement remerciée. 1. Platon, Apologie de Socrate, 24b-c. 2. Ibid., 29d 3-4. Voir A. MOTTE, « ‘J’obéirai au dieu plutôt qu’à vous’ (Platon, Apologie, 29d) », in M.É. HENNEAU, C. HAVELANGE, PH. DENIS et J.-P. DELVILLE (éds), Temps, Culture, Religions. Autour de J.-P. Massaut, Louvain-la-Neuve, 2004 (Bibliothèque de la Revue d’Histoire Ecclésiastique, 85), p. 35-47, un article que l’auteur a eu l’amabilité de nous communiquer avant sa publication : l’attitude de Socrate ne saurait être considérée comme répréhensible en soi (quoi de plus pieux que de se soumettre aux commandements divins ?), mais le contexte dans lequel elle s’affiche, qui met en fait les Athéniens en opposition avec la divinité, et la manière provocatrice du philosophe de proférer ces mots, suscitent des réactions fortes chez les juges. 3. Platon, Lois X, 907b-910e. 4. L’hypothèse selon laquelle la pensée de Platon a évolué suite à un « éloignement » de l’enseignement socratique, sous divers aspects, a été notamment défendue par l’éminent G. Vlastos dans plusieurs de ses articles. Quant à l’attitude finale de Platon, considérée comme radicalement opposée à celle de Socrate en ce qui concerne la religion et la liberté des croyances dans la cité, voir, parmi d’autres, L. STRAUSS, The Argument and the Action in Plato’s Laws, Chicago, 1975; A.W. NIGHTINGALE, « Writing/reading a sacred text: A literary interpretation of Plato’s Laws », CPh 88 (1993), p. 269-300. 5. Platon, Apologie, 26b-28a. Pour cette manœuvre dialectique de Socrate, voir aussi L. BRISSON, Platon, Apologie de Socrate, Criton, Paris, GF-Flammarion, 1997, p. 38-39. 6. Platon, Apologie, 40a-c. Nous trouvons d’autres mentions du daimonion dans : Alcibiade I, 103a 4- b 2; Euthyphron, 3b 5-7; Euthydème, 272e 3-4; République VI, 496c 3-4; Phèdre, 242b 8-9; Théétète, 151a 4. Dans l’Hippias majeur, 304c 1-4, il est question d’une daimonia tuché qui « possède » le philosophe et l’oblige à errer dans une aporia constante. 7. Cf., par exemple, J. BURNET, Plato’s Euthyphro, Apology of Socrates and Crito, Oxford, 1924, p. 16-17; H. GUNDERT,« Platon und das Daimonion des Sokrates », Gymnasium 61 (1954), p. 513-531; W.K.C. GUTHRIE, Socrates, Cambridge, 1971, p. 82-85; A. GOMEZ-LOBO, Les Fondements de l’éthique socratique (trad. par N. Ooms), Paris, Presses Universitaires du Septentrion, 1996, p. 75-80; Th. C. BRICKHOUSE & N. D. SMITH, Socrates on Trial, Oxford, 1989, p. 35 et n. 126, p. 242-245; E. DE STRYCKER & S.R. SLINGS, Plato’s Apology of Socrates. A Literary and Philosophical Study with a Running Commentary, Leiden, et al., Brill, 1994, p. 153-154; Chr. SCHEFER, Platon und Apollon: vom Logos zurück zum Mythos, Sankt Augustin, Akademia Verlag, 1996 (International Plato Studies, 7), p. 101-108 et le récent et très éclairant article de L.-A. DORION, « Socrate, le daimonion et la divination », in J. LAURENT (éd.), Les dieux de Platon. Actes du colloque organisé à l’Université de Caen Basse-Normandie les 24, 25 et 26 janvier 2002, Presses Universitaires de Caen, 2003, p. 168-192. 8. Platon,Apologie, 23a-c; 29c-d; 29d-30a; 30e-31c. 9. Id.,Phédon, 84e-85b. 10. Le dieu des philosophes est Zeus dans le Phèdre. 11. Socrate avait l’habitude de jurer souvent « par Héra », en lui accordant ainsi le rôle d’une divinité protectrice. Nous nous permettons de renvoyer, pour davantage d’informations, à notre article « ‘Par Zeus !’. Les jurons de Platon », Revue de Philosophie Ancienne 21 (2003), p. 54-84.

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12. L’art maïeutique est accordé à Socrate par Artémis, qui préside aux accouchements, dans le Théétète, 149b-c. Pour le lien du philosophe avec ces dieux et avec d’autres divinités encore, voir A. LEFKA, « La présence des divinités traditionnelles dans l’œuvre de Platon », in LAURENT (éd.), o.c. (n. 7), p. 97-117 (surtout p. 105-113). 13. Platon, Phèdre, 257a-b et 279b-c. Voir aussi A. MOTTE, « La prière du Philosophe chez Platon » , in H. LIMET, J. RIES (éds), L’expérience de la prière dans les grandes religions. Actes du Colloque de Louvain-la-Neuve et Liège (22-23 novembre 1978), Louvain-la-Neuve, 1980, p. 173-204. 14. Platon, Banquet, 220d. 15. Id.,Phédon, 117b-c. 16. Ibid., 118a. Selon J. LABARBE,« Dernières paroles d’anciens Grecs, dernières paroles de Socrate »,BAB (1990), p. 189-222, cette manifestation ultime de piété serait liée à l’approche de la fête d’Asclépios, et le coq serait la victime à offrir d’après le règlement officiel. Nous pensons que cette interprétation, aussi intéressante et valide soit-elle, laisse en fait de côté la symbolique supplémentaire que Platon a sans doute voulu y apporter : Socrate pourrait remercier en mourant le dieu de la médecine parce qu’en appliquant un pharmakon (le terme signifie à la fois « poison » et « remède »), celui-ci l’a « guéri » des maux de cette vie, ce qui permettra à l’âme du philosophe de rejoindre librement la divinité pour l’éternité. 17. Pour l’usage fréquent du terme theos dans l’Apologie, le Criton et le Phédon, voir aussi R. WEISS, Socrates Dissatisfied. An Analysis of Plato’s Crito, New York, Oxford Univ. Press, 1998, p. 16. 18. E. DERENNE, Les procès d’impiété intentés aux philosophes à Athènes au Ve et au IVe siècle avant J.-C., Liège/Paris, 1930 (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Liège, 95), p. 105 et BRISSON, o.c. (n. 5), p. 54. 19. Par exemple, voir R. GARLAND, Introducing New Gods. The Politics of Athenian Religion, Ithaca, New York, Cornell Univ. Press, 1992, p. 151. 20. Cf. BRICKHOUSE – SMITH, o.c. (n. 7), p. 70-71 et n. 29. 21. Cf. GARLAND, o.c. (n. 19), p. 138-141. 22. Platon,Criton, 50a-54d. 23. Id.,Apologie, 38c-42a. 24. Chr. ROWE, « Socrates, the laws, and the Laws », in S. SCOLNICOV, L. BRISSON (éds), Plato’s Laws, From Theory Into Practice. Proceedings of the VI Symposium Platonicum (Jerusalem, 5-10 August 2001), Sankt Augustin, Academia Verlag, 2003 (International Plato Studies, 15), p. 87-97 (p. 92), pense qu’effectivement, le lieu où se déroule le dialogue empêche la présence plausible de Socrate, mais que pour Platon l’Étranger Athénien jouerait le même rôle que son maître – même si souvent on a dit voir derrière ce personnage plutôt Platon lui-même. 25. Voir O. REVERDIN, La religion de la cité platonicienne, Paris, De Boccard, 1945. 26. Platon,Lois X, 907b 5-7. 27. Cette traduction à la place de l’habituelle : « conseil nocturne » est une proposition de L. BRISSON, « Le Collège de veille (νυκτερινὸς σύλλογος) », in F. LISI (ed.), Plato’s Laws and its Historical Significance. Selected Papers from the International Congress on Ancient Thought (Salamanca, 1998), Sankt Augustin, 2000, p. 161-177. 28. Platon,Lois X, 908b et 909a. 29. Ibid., 908c-e et 909a-d. 30. Platon,Répubique II, 378e sq. 31. Voir aussi T.J. SAUNDERS, « Plato on the treatment of heretics », in L. FOXHALL, A.D.E. LEWIS (éds), Greek Law in its Political Setting: Justifications, not Justice, Oxford, 1996, p. 301-323; M. SCHOFIELD, « Religion and philosophy in the Laws », in SCOLNICOV – BRISSON (eds), o.c. (n. 24), p. 1-13 (p. 13) 32. Pour la problématique autour de l’autorité religieuse et de la liberté dans la cité des Magnètes, ainsi que pour une tentative d’interprétation, voir A. LEFKA, « Souveraineté divine et liberté humaine dans les Lois », in SCOLNICOV – BRISSON (eds), o.c. (n. 24), p. 155-164.

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33. Cf., par exemple, STRAUSS, o.c. (n. 4) et ROWE, o.c. (n. 24). 34. Platon,Lois XII, 945b-947e; pour le parallèle entre Socrate et les euthynoi, voir aussi A. LEFKA, « Au service des dieux et des hommes. Etre prêtre dans la cité de Platon », Kernos 9 (1996), p. 129-143 (p. 142-143). 35. Platon,Apologie, 36d-37a. 36. Ibid., 886e 7-887a 2 (trad. A. Diès, CUF). 37. Cf. aussi MOTTE, l.c. (n. 1), p. 47 : « La défense de Socrate y était toute entière bâtie sur l’idée d’un lien privilégié et purement personnel unissant la divinité et le philosophe dans la défense du bien moral. Mais c’était au prix d’un divorce avec la cité. Désormais, la transcendance reconnue aux Lois de la patrie (dans le Criton) suggère qu’un tel lien, s’il libère et conforte puissamment la conscience du sage, n’ignore pas pour autant la médiation du collectif. Mais comment réconcilier la psychè et la polis ? Telle sera, sa vie durant, la quête inachevée de Platon. » Nous pensons que finalement Platon a pu trouver un moyen d’achever sa quête, en imposant la vision du sage à la collectivité dans ses cités idéales.

RÉSUMÉS

Cet article examine l’attitude de Socrate (condamné, entre autres, pour sa divergence d’avec les conceptions religieuses de la cité) tel qu’il se présente dans les dialogues platoniciens, face à la religion officielle d’Athènes. Ensuite, nous présentons les positions adoptées par Platon dans ses cités idéales concernant les citoyens qui s’écartent des attitudes religieuses établies par la loi. Enfin, nous mettons en évidence les similitudes et les différences entre Socrate et Platon sur les rapports entre la religion publique et les croyances personnelles. Contrairement aux avis courants, nous défendons l’idée que Platon est resté fidèle du début jusqu’à la fin de son oeuvre aux principes socratiques concernant le divin. En fait, dans ses cités idéales, Platon « renverse » les rôles : les croyances de Socrate, définies dialectiquement par le logos, deviennent le fondement de la législation et sont les seules acceptées officiellement.

Public Religion and personal beliefs. Plato against Socrates? The present paper examines first Socrates’ attitude (condemned, among others, for his non-adherence to the city’s religious beliefs) towards the official religion of Athens, as it appears in the Platonic dialogues. We then analyse Plato’s position concerning the citizens who diverged from the religious representations established by law in the ideal cities. Finally, we formulate what we consider to be the similarities and differences between (‘the Platonic’) Socrates and Plato himself concerning the relations between public religion and personal beliefs. Against the current interpretations, we defend the idea that Plato conserved from the beginning till the end of his work his devotion to Socratic principles concerning divinity. In fact, in the ideal cities Plato “reverses” the roles: the intimate convictions of Socrates regarding the gods, defined dialectically by the logos, become the foundation of legislation and are the only ones officially accepted.

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AUTEUR

AIKATERINI LEFKA Université de Luxembourg/Université de Liège

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Influenze egizie nella Descriptio orbis di Dionisio d’Alessandria?

Eugenio Amato

1 L’acclarata molteplicità di livelli di lettura della Περιήγησις τῆς οἰκουμένης di Dionisio d’Alessandria, poema innodico-didattico di argomento geografico in cui si riversano le marche letterarie tipiche della letteratura greca imperiale (la μίμησις e la ποικιλία), investe anche la problematica del destinatario e dell’ambiente culturale al quale il poeta di età adrianea s’indirizza; problematica, invero, tanto più urgente e rilevante quanto maggiore è l’aderenza del poeta allo statuto della poesia didascalica in cui tale testo è iscritto1. Come afferma Servio nel proemio al suo commento alle Georgiche di Virgilio: Et hi libri didascalici sunt, unde necesse est ut ad aliquem scribantur; nam praeceptum et doctoris et discipuli personam requirit. Il rapporto tra un doctor e un discipulus è una costante strutturale del genere didascalico, un genere centrale nell’esperienza della cultura classica.

2 In tal senso, l’approccio e la comprensione dell’ἐγχειρίδιον di Dionisio, che vuole senz’altro essere nelle immediate intenzioni del suo autore la descrizione di un πίναξ virtuale, non può non tener conto di alcune istanze meno evidenti, ma altrettanto significative nel processo di comunicazione che l’autore instaura col suo lettore, soprattutto laddove si consideri l’origine alessandrina di Dionisio.

3 La domanda cui vorrei tentare di rispondere è la seguente: qual era il background culturale di Dionisio? Vi sono elementi all’interno della Descriptio orbis che permettono di individuare i legami del poeta con la sua patria d’origine? Fermo restando lo statuto africano del Periegeta, è possibile, cioè, scorgere nel suo poema tratti tipici della cultura egizia, che riflettano anche una destinazione alessandrina?

4 La questione non è certo peregrina, soprattutto se si considera il caso omologo di altri autori antichi, quali Teocrito, Callimaco ed Apollonio Rodio, fontes privilegiati di Dionisio e per i quali si è dimostrato in parte un rapporto fra ideologia dinastica e poesia2. Né sarebbe l’unico caso di influenze orientali nell’epos didascalico classico, attestato anche in poemi filosofici di rilevanza particolare, in cui l’autore si sforza di

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offrire al destinatario l’esperienza di un viaggio non comune, che lo rende unico da ogni altro tentativo simile3.

5 Sfortunatamente, nel caso di Dionisio, al di là della generica informazione della sua origine alessandrina che si legge nell’acrostico dei v. 109-134 (ΕΜΗ ΔΙΟΝΥΣ[Ι]ΙΟΥ ΤΩΝ ΕΝΤΟΣ ΦΑΡΟΥ)4, non abbiamo alcuna notizia circa il suo ruolo nell’Alessandria d’Egitto di età adrianea5. Né tanto meno gli ‘appelli’ al lettore, disseminati in vario modo all’interno del suo poema, consentono di costruirci un’immagine precisa del pubblico cui il poeta s’indirizzava6.

6 È innegabile, come avevano già notato i commentatori antichi7, la preferenza accordata dal Periegeta alla Libia, la cui descrizione anticipa quella degli altri due continenti emersi, ed in particolar modo dell’Egitto e della Valle del Nilo, cui sono consacrati ben 49 versi (v. 221-269) sui 1184 dell’intero poema.

7 Alcune delle informazioni contenute in questi potrebbero rilevarsi di estrema importanza per stabilire la cronologia del nostro poeta8. In ogni caso, essi mostrano un interesse fortemente sentito, che esprime in termini senz’altro eulogistici le virtù del paese natio, benché senza mai nominarlo9, laddove, ad es., più o meno nello stesso torno di secoli Dione Crisostomo considera l’Egitto una semplice appendice (προσθήκη) di Alessandria10.

8 A tali elementi di per sé evidenti si aggiunge il contenuto dell’acrostico dei v. 513-532 (ΘΕΟΣ ΕΡΜΗΣ ΕΠΙ ΑΔΡΙΑΝΟΥ)11, che, qualunque valore voglia attribuirsi all’espressione θεὸς ῾Ερμῆς, sia essa mistico-religiosa, votiva o semplicemente un travestimento sincretistico per indicare l’ispirazione del poema, riporta la Descriptio in ambiente egiziano12.

9 Vi è, però, un luogo deputato per sua natura più d’ogni altra sezione di un ἐγχειρίδιον poetico ad illuminare il rapporto comunicativo che l’autore vuole stabilire con il pubblico che avrebbe utilizzato la sua opera e che andrebbe analizzato non tanto con l’analisi delle tecnica impiegata in rapporto con le costanti strutturali riscontrabili nei poemi epici o didascalici, bensì per le sue valenze ideologiche. Nei proemi, in assenza di dedicatari espliciti, va ancora più attentamente indagata quella che Genette definisce l’istanza prefativa, la quale, nel caso di trattati o manuali in versi, diventa imprescindibile, rischio la piatta uniformità degli incipit, tesi, apparentemente, solo ad informare il lettore dell’argomento dell’opera, a danno delle cosiddette “Autorfunktionen”13.

10 Nel caso specifico della Περιήγησις dionisiana, il proemio, in cui è evidente il sapiente gioco intellettualistico e lo sperimentalismo di matrice ellenistica, che dà vita ad un’efficace ed originale “Kreuzung der Gattungen”, ben indagata anche di recente14, vi sono sincretisticamente annunziante alcune istanze tipiche del background culturale, cui Dionisio appartiene, e che aiutano, pertanto, a collocare meglio la sua poetica nel contesto alessandrino del I-II sec. d.C. ᾿Αρχόμενος γαῖάν τε καὶ εὐρέα πόντον ἀείδειν καὶ ποταμοὺς πόλιάς τε καὶ ἀνδρῶν ἄκριτα φῦλα, μνήσομαι ᾿Ωκεανοῖο βαθυρρόου· ἐν γὰρ ἐκείνῳ πᾶσα χθών, ἅτε νῆσος ἀπείριτος, ἐστεφάνωται (1-4) 11 La propositio ἀρχόμενος … μνήσομαι, cui fa da contrappunto la dimissio dei v. 1181-1186 (῾Υμεῖς δ’ ἤπειροί τε καὶ εἰν ἁλὶ χαίρετε, νῆσοι, | … ἀλλά μοι ὕμνων | αὐτῶν ἐκ μακάρων ἀντάξιος εἴη ἀμοιβή)15, entrambe tipiche della dictio innodica, hanno fatto

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giustamente concludere che “il poemetto geografico dell’adrianeo Dionigi si presenta sì come epico-didattico ma incorniciato come un inno”16. Per questo motivo, Dionisio, operando una riscrittura dei modelli anteriori, in particolare di Arato17 e di Apollonio Rodio18, ma anche di Esiodo19, caratterizzerebbe la sua Periegesi al tempo stesso come poema didascalico ed epico20.

12 Se da Arato deriva la sostituzione del panteistico Zeus con l’Oceano πολυώνυμος (v. 28: εἷς μὲν ἐών, πολλῇσι δ᾿ ἐπωνυμίῃσιν ἀρηρώς), così come il ritardo nell’invocazione alle Muse, che in Arato troviamo ai v. 16-18, in Dionisio ai v. 62-63 (῾Υμεῖς δ’, ὦ Μοῦσαι, σκολιὰς ἐνέποιτε κελεύθους | ἀρξάμεναι στοιχηδὸν ἀφ’ ᾿Ωκεανοῖο), il modello apolloniano mostrerebbe al poeta un’altra peculiarità: “anche Apollonio ometteva di invocare in apertura, e si limitava a citarle solo alla fine del proemio, giusto prima di passare alla narrazione, l’impegnativo catalogo degli Argonauti, mai in un semplice auspicio, non apostrofandole dunque con il vocativo”. In più, “la dizione introduttiva di Apollonio (ἀρχόμενος… μνήσομαι) mostra speciale affinità con le espressioni di congedo in H. Hom., 31,18-19: ἐκ σέο δ’ ἀρξάμενος κλῄσω μερόπων γένος ἀνδρῶν | ἡμιθέων e H. Hom., 32, 18-19: σέο δ’ ἀρχόμενος κλέα φωτῶν | ᾄσομαι ἡμιθέων, uniche nel corpus innodico (degli inni ‘omerici’ in funzione proemiale) ad associare il saluto al dio con l’annuncio di poesia epica eroica”21.

13 Tali interpretazioni, tutte ugualmente legittime e fondate, perdono, però, di vista (o almeno in parte) le novità assolute dell’incipit dionisiano, che nasconde istanze comunicative col lettore ben più originali. Vale a dire che la contaminazione del “modello-genere” didattico (Esiodo)22 con il “modello-autore” (Arato e Apollonio Rodio) nel proemio di Dionisio resterebbe inattiva, se non si tentasse di comprenderne i compimenti sostanziali alla luce delle novità strutturali emerse.

14 Le innegabili somiglianze formulari portano con sé anche diversità ideologiche che non possono essere ridotte unicamente all’esigenza di ποικιλία, che ha come corollario lo sforzo “um jeden Preis modern zu erscheinen und überraschende Effekte zu erzielen”23.

15 Per intenderci, la portata della rottura dell’incipit arateo, avvertita fin dai contemporanei, tanto da farne circolare varie redazioni24, non si comprenderebbe se non se ne interpretasse il valore allegorico-filosofico della figura di Zeus; ciò che permise a Cratete di Mallo di difenderne la formula definitiva, quale a noi è pervenuta, contro la pruderie dei κριτικοί più canonici e regolari, che intravedevano uno Zeus fabulosus, in aperto contrasto col la consolidata tradizione del proemio musaico25. Analogamente, nel caso di Apollonio, l’invocazione ad Apollo ha incidenze sulla destinazione stessa del poema: Apollo, nel sincretismo religioso greco-egiziano, era paragonato, fin dai tempi di Erodoto (II, 156), al dio Horus, venerato in tutto l’Egitto con un grandissimo numero di santuari e con il quale volentieri i faraoni d’Egitto amavano identificarsi26. Ne consegue che l’autore delle Argonautiche con tale immagine ha voluto non solo omaggiare la persona del sovrano di turno, ma anche una delle divinità più rappresentative della religione egizia27.

16 Il primo commentatore della formula cletica della Periegesi, il vescovo Eustazio di Tessalonica28, differentemente dall’anonimo Scoliaste, cui non era sfuggita l’allusione apolloniana29, propone un accostamento, ingiustamente ridimensionato, con il proemio della XIII Olimpica di Pindaro 30: ῎Οτι τὸ τοῦ περιηγητοῦ ἐνταῦθα προοίμιον ἐκ Πινδαρικῆς ᾠδῆς παρέξεται. Πίνδαρος μὲν γὰρ ἐν τῷ ἐπαινεῖν ἀεθλοφόρον τινὰ Κορίνθιον προοιμιάζεται, ὅτι «᾿Ολυμπιονίκην ἐπαινῶν οἶκον γνώσομαι ὀλβίαν

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Κόρινθον·» ὑφ’ ἧς δηλαδὴ ὁ οἶκος περιέχεται, ὡς μέρος αὐτῆς. ῾Ο Διονύσιος δὲ μιμησάμενος ἐκεῖνον ἐνταῦθά φησιν· «᾿Αρχόμενος γαῖάν τε καὶ εὐρέα πόντον ἀείδειν, καὶ ποταμοὺς πόλιας τε καὶ ἀνδρῶν ἄκριτα φῦλα, μνήσομαι ὠκεανοῖο βαθυρρόου», τοῦ τὴν γῆν δηλονότι καὶ τὰ ἐν αὐτῇ περιειληφότος, καὶ ἐν ᾧ πᾶσά ἐστιν ἡ γῆ. ῾Ομοίως οὖν ἄμφω ἐσχημάτισται τὰ προοίμια (p. 216, 38-217, 10 [ed. MÜLLER]).

17 Il richiamo, lungi dal proporre un magro ed infertile parallelo strutturale e stilistico (all’ ἐπαινέων… γνώσομαι di Pindaro corrisponde l’ἀρχόμενος… μνήσομαι di Dionisio), lascia intuire che al dotto esegeta bizantino non era, forse, sfuggita la caratteristica saliente del proemio della Descriptio. La lode della casata dell’olimpionico Senofonte e del rapporto ospitale che la lega al poeta tebano serve induttivamente a ‘riconoscere’ nel suo valore la città di Corinto31. In Dionisio, dov’è non vi è invocazione alcuna alle divinità dell’Olimpo ellenico, cui in genere non è elusa la conoscenza delle ‘gesta’ umane32, le terre emerse, i fiumi, il mare e le innumerevoli popolazioni servono, parimenti con un processo induttivo, a ‘ricordare’ e, dunque, a lodare dinanzi ai lettori l’onnipresenza dell’Oceano ‘che scorre profondo’, il quale, come lo Zeus stoico dei Phaenomena aratei, pur essendo uno, prende diversi nomi, e da cui scaturisce per diretta manifestazione l’intera οἰκουμένη. 18 È questo un procedimento tipico dell’innografia e, soprattutto, della tecnica eulogistica, la quale prevede l’esaltazione del laudandus attraverso la presentazione dei suoi poteri e della sua sfera d’influenza (le virtutes) in un mutuo rapporto di scambio33, per cui se, ad es., la vittoria di Senofonte dà fama e gloria alla gioventù di Corinto, questa, a sua volta, encomiata per il suo assetto etico-istituzionale e per la sua cura nelle attività agonistiche, risulta come il luogo più adatto per il vittorioso olimpionico che intende rivolgere la propria preghiera a Zeus. Né può dimenticarsi nella dinamica della poesia laudativa di età arcaica il ruolo rilevante del pubblico costituito da phroneontes che comprendono e penetrano a fondo il messaggio del laudator. Come’è stato messo ottimamente in luce, “premesso che nell’ideologia della poesia celebrativa lo elogio non può essere tributato da uno qualunque, ma solo da un sophos…, appartenente a una categoria di individui che emergono tra gli altri per le loro qualità, anche gli ascoltatori, cioè il pubblico al quale il poeta si rivolge, debbono saper capire la lode”34. In tal senso, dunque, alla luce delle innegabili e profonde differenze, va indagato se le scelte di Dionisio, come quelle di Pindaro, vengano fatte sulla base di un criterio di recettività da parte di chi ascolta.

19 Dicevamo che Dionisio, a differenza di Arato e di Apollonio Rodio, incentra il proprio progetto didascalico esclusivamente sull’azione del ‘ricordare’ (μνήσομαι), motivo centrale del genere epico, “perché senza canto epico le grandi gesta del passato sono destinate all’oblio”35, facendo di se stesso il garante commemorativo del κλέος dell’Oceano, di cui gli dèi questa volta non sono a conoscenza.

20 Se il proemio di Dionisio non ha conosciuto certo quella fluttuante dinamica redazionale che abbiamo incontrato per i Φαινόμενα, è pur vero che nel momento in cui Avieno e, quindi, Prisciano decisero di proporre al pubblico di lingua latina la Descriptio orbis si trovarono costretti a diluire l’intenzione polemica o, comunque, innovativa dell’incipit dionisiano con la canonica dedica di un poeta cortigiano e l’invocazione alle divinità36.

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21 Perché tale cambiamento? Secondo il Greaves: “Dionysius has combined the expectations of poetic form with his geographical theme in such a way that what begins as though it might be a commemoration of deity is completed as geographical outline… Dionysius, however, makes no implications regarding the Ocean as deity, but treats it exclusively as a geographical feature”37. È per questo, dunque, che i versificatori latini, presi, probabilmente, dall’imbarazzo dinanzi all’assenza di un tradizionale προοίμιον musaico, senza neppure l’indicazione del destinatario, hanno pensato di invocare posticciamente ad inizio del proprio poema divinità tipiche del pantheon classico.

22 Al contrario, possiamo affermare che l’istanza religiosa nel proemio dionisiano è quanto mai operante. Non sto certo a soffermarmi sul ruolo giocato dall’Oceano nella cosmogonia e nella mitologia greca, così come nell’orfismo e nei sistemi teogonici di molte altre civiltà antiche38, benché la traccia orfica, considerando l’influenza su Dionisio delle Zeus dei Phaenomena, non sarebbe totalmente da sottacere39. Ma, un punto che va sviluppato è quello che potrebbe equiparare, nella prospettiva di una destinazione anche alessandrina del poema, l’Oceano all’egiziano Nun, l’oceano primordiale della creazione da cui tutto deriva ed in cui tutto torna, in una visione panteistica dell’universo cui è intimamente legata la religione egizia.

23 Nell’ambito delle numerose cosmogonie che contraddistinguevano la storia religiosa dell’antico Egitto (ve ne è quasi una per ogni singolo nomo), tutte hanno in comune l’idea di un oceano primordiale indistinto, un’acqua abissale, assoluta, padre di tutti gli dèi e del creato, dalla quale emerge poi una collina, primo appoggio per il demiurgo che dà così inizio alla creazione.

24 Se, tuttavia, indaghiamo a fondo, si scopre che, tra i centri più importanti della speculazione cosmogonica egizia, quello di Ermopoli offre, rispetto all’elipolitano ed al menfitano, un sistema in cui il dio creatore, Ermes-Thot, con la sua parola crea un’ogdoade di divinità allegoriche. Queste depongono su un’isola primordiale (Tatenen), in mezzo al Nun, visto, dunque, come un principio attivo di carattere divino, un uovo dal quale spunta il Sole (Atum-Ra). Si tratta di un concezione materialistica della genesi in parte differente dalla cosmologia elipolitana, dove la forza attiva della creazione è rappresentata da Atum-Ra (il Sole), venuto al mondo da solo e la cui attività sessuale è alla base della differenziazione dell’informe Nun; di sicuro profondamente diversa da quella biblica, poiché per la cosmogonia di Ermopoli tutto, anche il demiurgo, il creatore, scaturisce dal Nun preesistente40.

25 Ecco, allora, che nel suo proemio Dionisio, dove vi è menzione dell’Oceano “che scorre profondo” nel cui abbraccio l’ecumene appare appunto come un’isola sconfinata (νῆσος ἀπείρατος), ha voluto sì omaggiare la tradizione omerica41 riconosciuta dalla geografia greca42, ma, nell’indirizzarsi ad un preciso ambiente culturale-religioso ha inteso altresì elogiare ed eternare le ἀρεταί di una delle divinità fondanti della cosmogonia egizia, in particolare ermopolitana43. Non è un caso, credo, che il poeta dedichi all’Oceano ed alle sue virtutes (il potere e la sfera d’influenza)44 ben sessantuno versi (il che corrisponde a circa il 20% dell’intero poema), prima della tradizionale invocazione alle Muse da cui viene la sacralità del canto.

26 Se è pur vero che la Periegesi è come incorniciata in moduli formulari tipici dell’innografia, andrà senz’altro notato che nel caso dell’incipit si tratta di un modulo ‘speciale’, visto che 1) il nome del dio cantato in prima persona (il tipo più frequente negli inni, indicato da Carlo Odo Pavese con: cano) appare al v. 3 e non al primo45; 2) la

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dizione ἀρχόμενος… ἀείδειν è usuale nell’ἐπίλογος dell’inno46 e non nella πρότασις, per introdurre una successiva rapsodia eroica, quando, cioè, il poeta, concluso il prooimion, passa alla oime47. Ciò può voler dire che Dionisio, nell’ambito di un canto in onore dell’ecumene (γαιάν τε καὶ εὐρέα πόντον… | καὶ ποταμοὺς πόλιάς τε καὶ ἀνδρῶν φῦλα), ha voluto ritagliare uno spazio a sé per l’elogio dell’Oceano-Nun, usando il modulo formato dall’espressione μνήσομαι ᾿Ωκεανοῖο βαθυρρόου48, così come Pindaro, per ritornare all’accostamento per primo proposto da Eustazio, ha inteso cantare la vittoria del duplice olimpionico Senofonte per poter induttivamente celebrare il valore della città di Corinto.

27 Sotto tale angolatura, anzi, come semplice ipotesi di lavoro ci si potrebbe spingere ulteriormente avanti e chiedersi se sotto Dionisio non si nasconda realmente un adepto dell’ermetismo imperiale, visto il ruolo rilevante assunto dall’Oceano primordiale nell’ogdoade ermopolitana49. Lo stesso acrostico dei v. 513-532 (θεὸς ῾Ερμῆς ἐπὶ ᾿Αδριανοῦ), pacificamente convivendo con l’interpretazione che vede in esso un riferimento al processo di osirizzazione di Antinoo50, potrebbe rappresentare, allora, la professione di fede del nostro poeta, il quale si assume il compito di magnificare il nome di Ermes nell’impero di Roma51.

28 La centralità di Alessandria nella diffusione dell’ermetismo in età imperiale potrebbe essere garanzia del contatto che Dionisio ebbe con le correnti sincretistiche del dio Ermes, in un periodo in cui l’incontro fra tradizioni elleniche e religione egiziana si trovò ad esprimere la sua carica massima52.

29 Che valore dare, in tal senso, alla testimonianza della Suida secondo cui il padre del nostro Dionisio fu discepolo (μαθητής) del sacerdote egizio e filosofo stoico Cheremone53? È risaputa l’importanza dell’attività di tale personaggio54, divenuto precettore di Nerone nel 48 d.C., per ciò che riguarda il processo di diffusione degli Hermetica al di fuori dell’Egitto. Del resto, il rapporto delle dottrine religiose e filosofiche professate da Cheremone con l’ermetismo è assicurato, a quanto pare55, dal rinvio che Porfirio fa ad una perduta opera dal titolo Σαλμεσχινιακά per un maggiore ragguaglio sul contenuto della produzione di questo ἱερογραμματεύς egizio, autore, tra le altre cose, di ᾿Ιερογλυφικά, di un’Αἰγυπτιακὴ ἱστορία e di un trattato περὶ κομητῶν 56.

30 Se tale dato non può affatto confortare l’ipotesi di appartenenza di Dionisio all’ermetismo, non esclude neppure il probabile contatto che il poeta ebbe con questa dottrina tramite il padre. Non si dimentichi, inoltre, che stando alle fonti tardo-antiche il Periegeta sarebbe stato autore anche di uno scritto sui Segni celesti (Διοσημίαι)57, che confermerebbe l’interesse per la letteratura astronomica o astrologica (non sappiamo) affatto estranea all’ermetismo. Ugualmente, l’interesse per la mineralogia, in particolare per i poteri magici e medicamentosi provenienti dalle pietre, di cui Dionisio poteva offrire una tangibile testimonianza nei suoi Λιθιακά58, ci riconducono ad un ambiente culturale improntato all’orfismo e all’ermetismo. Quanto alla Descriptio, le modalità di allocuzione nei confronti del discepolo-lettore che incontriamo nel corso dell’opera consentono dei raffronti, attese le profondissime diversità di contenuto e di forma, con analoghe testimonianze d’insegnamento ricavabili dagli Hermetica.

31 È tipico, ad es., dei dialoghi ermetici il rapporto esclusivo del maestro con un giovane discepolo non nominato, così come la consapevolezza che la relazione che si instaura tra i due non è che un anello di una lunga catena, da passare in successione di discepolo

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in discepolo59. Ancora, vi è espressa la promessa di guidare l’adepto per combattere l’ignoranza60, unita al voto-dovere che il discepolo segua e apprenda gli insegnamenti sacri61.

32 Ebbene, il destinatario della Descriptio di Dionisio non viene mai nominato62 ed ha tutta l’aria di essere un discepolo guidato dal suo maestro, unico depositario di una verità da diffondere, a sua volta, tra gli “ignoranti” o, comunque, da passare ad altri in una sorta di catena intellettuale63. La promessa di rendere il giovane ‘adepto’ forte di quei contenuti annunciati è garantita da parte del διδάσκαλος dall’uso del futuro64, da parte del μαθητής dal rispetto del suo compito, che è quello di prestare attenzione ad apprendere65. Dionisio, infine, alla stregua dell’anonimo maestro che ne L’Odgoade e l’Enneade chiede al Dio di concedere al discepolo la “verità nell’immagine”, la possibilità, cioè, della θεωρία66 ovvero, come si legge altrove, dell’ὄψις 67 veritiera dell’oggetto68, sembra essere molto attento a presentare l’immagine (ὀπωπή) dell’ecumene come quanto più veritiera, onde evitare le critiche di chi potrebbe tacciare la sua narrazione di falsità69.

33 Concludendo, è chiaro che le osservazioni finora condotte non vanno affatto intese come testimonianza della profonda ispirazione egizia od ermetica del poema di Dionisio. Piuttosto, per rispondere alla domanda inizialmente posta, gli spunti di religiosità egizia che possono rinvenirsi nel corso del proemio dionisiano dovranno essere interpretati come il richiamo ad una comune origine, ad un’atmosfera, che certo non poteva essere esclusa dal background alessandrino dei primi secoli dell’èra comune e che certo Dionisio, in quanto poeta originario di Alessandria, non poteva non tener presente70. Soprattutto, esse sono indizio di quella pluralità di approcci ermeneutici che si richiedono a testi, quali la Descriptio orbis, ricchi di implicazioni contenutistiche ed in cui l’intero patrimonio culturale greco si riversa per incontrarsi con le culture del Mediterraneo antico71.

NOTE

1. Su tale aspetto, vedi C. JACOB, “Le sujet et le texte. Sur l’identité de Denys le Périégète”, Lalies 4 (1984), p. 215-239: 235; id., La Description de la Terre habitée de Denys d’Alexandrie ou la leçon de géographie, Paris, 1990, praes. p. 11-41; F. COCCARO ANDREOU, “I molteplici livelli di lettura della Periegesi della Terra abitata di Dionisio d’Alessandria”, in E. AMATO, F. D’AVINO, A. ESPOSITO (ed.), Primum Legere. Annuario della Delegazione della Valle del Sarno dell’A.I.C.C., 1, Salerno, Helios, 2002, p. 105-133. 2. In particolare per Teocrito si ricordi l’importante saggio di F.T. GRIFFITHS, Theocritus at Court, Leiden, 1979; cf., inoltre, J. DUCHEMIN, “Quelques analogies égyptiennes dans les poèmes de Théocrite”, IL 1 (1954), p. 25-31 (= Mythes grecs et sources orientales, Paris, 1995, p. 13-25); O. FAYEZ RIAD, “Théocrite entre la Sicile et l’Égypte”, in Roma e l’Egitto nell’antichità classica. Cairo, 6-9 Febbraio 1989. Atti del I Congresso Internazionale Italo-Egiziano, Roma, 1992, p. 305-315: 309-314. Per Callimaco, vedi di recente S. STEPHENS, “Callimachus at Court”, in M.A. HARDER, R.F. REGTUIT, G.C. WAKKER (ed.), Genre in Hellenistic Poetry, Groningen, 1998, p. 167-185, ma anche G. CAPOVILLA,

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Callimaco, I, Roma, 1967, p. 84-143 e L. LEHNUS, “Callimaco tra la polis e il regno”, in G. CAMBIANO, L. CANFORA, D. LANZA, Lo spazio letterario di Grecia antica, I/2, Roma, 1993, p. 75-105. Quanto ad Apollonio Rodio, vedi R.L. HUNTER, The Argonautica of Apollonius. Literary Studies, Cambridge, 1993, p. 152-169 e O. VOX, “Noterelle di epica ellenistica”, Rudiae 11 (1999), p. 163-172: 164-165. 3. Penso, ad es., al proemio del Περὶ φύσεως di Parmenide, in cui operano influenze della cultura mesopotamica: vedi L.D. STEELE, “Mesopotamian Elements in the Proem of Parmenides? Correspondences Between the Sun-Gods Helios and Shamash”, CQ 52 (2002), p. 583-588. Per ulteriori influssi negli Inni omerici ed in Esiodo, vedi Ch. PENGLASE, Greek Myths and Mesopotamia. Parallels and Influence in the Homeric Hymns and Hesiod, London / New York, 1994. 4. L’acrostico, assieme a quello dei v. 513-532, fu scoperto da G. LEUE, “Zeit und Heimath des Periegeten Dionysios”, Philologus 42 (1884), p. 175-178. Per la corretta lettura dello stesso bisogna forse considerare un’aggiunta il verso 118. Che così stiano effettivamente le cose potrebbe dimostrarlo l’assenza del verso in alcuni manoscritti antichi della Descriptio e nelle parafrasi latine di Prisciano e Avieno (cf. I.On. TSAVARI, Histoire du texte de la Description de la Terre de Denys le Périégète, Ioannina, p. 1990, 28, n. 19); ma la certezza non è assoluta : vedi per una discussione critica E. AMATO, “Note esegetiche e testuali alla Descriptio orbis di Dionisio d’Alessandria (III)”, Göttinger Forum für Altertumswissenschaft 7 (2004), p. 1-9: 2-3 [webdoc.sub.gwdg.de/edoc/p/gfa/ 7-04/amato.pdf]). 5. Il padre, stando alla Suda (Δ 1173 = I, p. 109-110 ed. ADLER), fu direttore di biblioteche e capo degli uffici ab epistulis, a legationibus ed a responsis (su tali termini, vedi H.I. MASON, Greek Terms for Roman Institutions, Toronto, 1974, p. 45; 47; 78; 141): Διονύσιος, ᾿Αλεξανδρεύς, ὁ Γλαύκου υἱός, γραμματικός· ὅστις ἀπὸ Νέρωνος συνῆν καὶ τοῖς μέχρι Τραϊανοῦ καὶ τῶν βιβλιοθηκῶν προὔστη καὶ ἐπὶ τῶν ἐπιστολῶν καὶ πρεσβειῶν ἐγένετο καὶ ἀποκριμάτων. ῏Ην δὲ καὶ διδάσκαλος Παρθενίου τοῦ γραμματικοῦ, μαθητὴς δὲ Χαιρήμονος τοῦ φιλοσόφου, ὃν καὶ διεδέξατο ἐν ᾿Αλεξανδρείᾳ. Per l’epoca in cui visse il poeta (che è quella di Adriano), recentemente contrastata da H. WHITE, “On the Date of Dionysius Periegetes”, Orpheus n.s. 22/1-2 (2001), p. 288-290, vedi E. AMATO, “Per la cronologia di Dionisio il Periegeta”, RPh 77/1 (2003), p. 7-16. 6. Vedi COCCARO ANDREOU,l.c. (n. 1), p. 128-129. Sulla problematica, vedi in generale M. CITRONI, “Le raccomandazioni al lettore: apostrofe al libro e contatti con il destinatario”, Maia 38 (1986), p. 111-146. In particolare, per il genere didascalico, di estremo interesse sonoi saggi raccolti da A. SCHIESARO, Ph. MITSIS, J. STRAUSS CLAY(ed.), Mega nepios. Il destinatario nell’epos didascalico, Pisa, 1993 (= MD 31) ed il lucido articolo di E.ROMANO, “Gli appelli al lettore negli Astronomica di Manilio”, Pan 6 (1978), p. 115-125. 7. Cf. Scolio a Dionisio Periegeta, v. 10 = p. 431, 23-24 (ed. MÜLLER): Τὴν δὲ Λιβύην προέταξεν [sc. ὁ Διονύσιος] ὅτι Λίβυς ἦν, ἢ διὰ τὸν Νεῖλον; Eustazio, Commentarî a Dionisio Periegeta v. 7 = p. 219, 1-3 (ed. MÜLLER): ᾿Ιστέον δὲ ὅτι προτάττει τῶν ἄλλων τὴν Λιβύην καὶ νῦν ἐν τοῖς ἑξῆς, οὐ κατά τινα περιηγητικὴν ἀνάγκην, ἀλλὰ καὶ οἷα Λίβυς καὶ φιλῶν τὰ οἰκεῖα καὶ οὕτω τὸ ἑαυτοῦ ἔθνος τῶν λοιπῶν προτιθέμενος. 8. Siamo proprio sicuri, ad es., che le espressioni ἐπτάπολις ἤπειρος (v. 251) e Πανήλλενες (v. 333) per indicare rispettivamente l’Egitto ed i Greci, così come l’allusione al Serapeo (v. 255) non siano anch’esse una spia dei tempi in cui l’autore visse? Cf. C. JACOB, “Θεὸς ῾Ερμῆς ἐπὶ ῾Αδριανοῦ. La mise en scène du pouvoir impérial dans la Description de la Terre habitée de Denys d’Alexandrie”, CCG 2 (1991), p. 43-53: 44, n. 3, il quale giustamente ricorda che da Adriano venne fondato il Πανελλήνιον nel 131/132 d.C., mentre Eptanomide era il nome col quale venne designata in epoca adrianea l’epistrategia del medio Egitto, tra la Tebaide e il Delta, e D.D. GREAVES, Dionysius Periegetes and the Hellenistic Poetic and Geographical Traditions, PhD., Stanford University, 1985, p. 17-18, che sottolinea come il Serapeo, decaduto in tarda epoca ellenistica (vedi Strabone, XVII, 1, 10), rifiorisca in età imperiale, proprio grazie a Traiano ed Adriano (vedi anche U. BERNAYS,

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Studien zu Dionysius Periegetes, diss., München, 1905, p. 20). In particolare, la connessione tra Adriano ed il Serapeo è confortata dall’evidenza dei documenti epigrafici e numismatici: cf. BMC Alexandria, 875-876; J. BEAUJEU, La religion romaine à l’apogée de l’Empire I, Paris, 1955, p. 230-232; P.M. FRASER, Ptolemaic Alexandria, I, Oxford, 1972, p. 272-275. 9. Dionisio usa, per indicare Alessandria, una perifrasi di sei versi (254-259), la più lunga che s’incontra nella Periegesi. Non è il solo caso di omissione volontaria di dati geografici relativi alla propria patria, se è vero che il poeta decide di tacere la presenza del Delta al v. 18, non per ragioni pedagogiche (semplificazione della problematica relativa ai confini dell’Egitto), bensì per “faire disparaître tout ce qui lui est proche” (così P. COUNILLON, Édition critique de la Périégèse de Denys, Université de Langue et Lettres de Grenoble 3 [1983], p. 143). Come che sia, la divisione dell’Egitto centrale qual è presentata al v. 251 (ἑπτάπολις μεσάτη ἤπειρος), assente sia in Strabone (XVII, 1, 3) sia in Plinio (V, 49), ma non in Tolemeo, lascia pensare che “il s’agit sans doute d’un nouveau découpage administratif, dont Denys et Ptolémée, tous deux Alexandrins, ont dû l’un et l’autre avoir la connaissance directe” (COUNILLON, o.c., p. 178). 10. Cf. Dione Crisostomo, XXXII, 36. In Dionisio, però, io credo, l’elogio dell’Egitto, lungi dall’essere un repertorio di luoghi comuni (così ritiene COUNILLON, o.c. [n. 9], p. 175-176), rivela l’affetto del patriota. 11. È da notare, comunque, che l’ottavo verso dell’acrostico (v. 520) inizia con la ε (Εὐρώπης) e non già con η, per cui si avrebbe ῾Ερμε–ς; solo il codice A (Paris. suppl. gr. 388) del X sec., capostipite della cosiddetta “recensione romana”, ed il suo unico discendente V9 (Vat. gr. 910, ca. 1300) propongono la variante ῎Ητοι δ’ Εὐρωπης κτλ., accolta dall’ultima editrice di Dionisio (cf. TSAVARI, Διονυσίου [n. 12], p. 72), ma su cui si può discutere: vedi AMATO, l.c. (n. 5), p. 2. 12. Sui molteplici significati simbolici di Ermes e il suo ruolo nella società greco-romana di età imperiale e tardo-antica, vedi G. FOWDEN,Hermès l’Égyptien. Une approche historique de l’esprit du paganisme tardif, trad. fr. Paris, 2000 [Princeton-N.J., 19932], p. 45-58. Quanto, propriamente, al senso dell’acrostico dionisiano, occorre menzionare le interpretazioni del LEUE, l.c. (n. 4) e del CRUSIUS (Jahrb. f. Philol. 137 [1888], p. 525-526), in buona sostanza molto vicine, che ritengono le parole di Dionisio una sorta di formula votiva di datazione relativa al tempo di Adriano, per cui la composizione dell’opera cadrebbe tra il 117 e il 138 d.C. Più precisi, al confronto, risultano gli interventi di A. DILLER (The Textual Tradition of Strabo’s Geography, Amsterdam, 1975, p. 8) e di J. ALSINA (“Panorama de la épica griega tardía”, EClás 16 [1972], p. 149) che collocano la Descriptio rispettivamente intorno al 120 e al 124 d.C., anni in cui l’imperatore si iniziò ai misteri di Ermes a Imbro (la seconda datazione, proposta anche da U. BERNAYS, o.c. (n. 8), p. 14, è seguita da H. GÄRTNER, s.v. “Dionysios” (nr. 30), Kleine Pauly II, col. 73 e da J. SOUBIRAN, Aviénus. Les Phénomènes d’Aratos, Paris, C.U.F., 1981, p. 30, n. 1). Al contrario, per P. COUNILLON, “Un autre acrostiche dans la Périégèse de Denys”, REG 94 (1981), p. 514-522: 517, seguito da I.On. TSAVARI, Διονυσίου ᾿Αλεξανδρέως Οἰκουμένης Περιήγησις, ᾿Ιωάννινα, 1990, p. 12 ed ead., Histoire (n. 4), p. 30-31, dietro l’invocazione ad Ermes si nasconderebbe il favorito di Adriano, Antinoo, la cui morte, avvenuta ad Ermopoli, nei pressi del Nilo, intorno al 130, spinse l’imperatore a recarsi in Egitto e promuovere colà il culto misterico di Ermes-Antinoo. 13. Cf. C. SANTINI, N. SCIVOLETTO, Prefazioni, Prologhi, Proemi di opere tecnico-scientifiche latine I, Roma, 1990, p. VI-VII. Sulla funzione dei proemi nella poesia greca, vedi di recente M. FANTUZZI, “Occasioni di performance e generi letterari”, in M. FANTUZZI, R. HUNTER, Muse e modelli. La poesia ellenistica da Alessandro Magno ad Augusto, Roma / Bari, 2002, p. 3-60; G. WHEELER, “Sing, Muse…: The Introit from Homer to Apollonius”, CQ 52 (2002), p. 33-49. Cf., inoltre, W.H. RACE, “How Greek poems begin”, in F.M. DUNN, Th. COLE (ed.), Beginnings in Classical Literature, Cambridge / London, 1992, p. 13-38. Restano, comunque, imprescindibili le riflessioni di G.B. CONTE, “Proemi al mezzo”, in Miscellanea di studi in onore di Marino Barchiesi I, Roma, 1978, p. 263-273 (= “Proems in the middle”, YClS 29 [1992], p. 147-159).

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14. Vedi in particolare O. VOX, “Dionigi Alessandrino e Apollonio Rodio: cornici innodiche”, Lexis 20 (2002), p. 153-170. Cf., inoltre, J. STENZEL, De ratione quae inter carminum epicorum prooemia et hymnicam graecorum poesin intercedere videatur, Breslau, 1908, 14; B. EFFE, Dichtung und Lehre. Untersuchungen zur Typologie des antiken Lehrgedichts, München, 1977, p. 192-193; GREAVES, o.c. (n. 8), p. 106-109. 15. Da confrontare con Esiodo, Teogonia 963-964: ῾Υμεῖς μὲν νῦν χαίρετ’, ᾿Ολύμπια δώματ’ ἔχοντες, | νῆσοι τ’ ἤπειροι τε καὶ ἁλμυρὸς ἔνδοθι πόντος, le cui numerose riprese nella letteratura ellenistica sono discusse da O. VOX, l.c. (n. 14), p. 159-160. Personalmente, non vedo così stringente il richiamo ad Arato, 16-18, proposto da COUNILLON, o.c. (n. 9), p. 318, né tanto meno quello ad Apollonio Rodio, IV, 1773-1781, individuato da VOX, l.c. (n. 14), p. 161-166, ferma restando in Apollonio la probabile dimissio innodica e la motivazione della stessa, analogamente come avviene in Dionisio, con la fine del percorso del viaggio del narratore stesso (qui epico, lì didattico). 16. VOX, l.c. (n. 14), p. 153. 17. Cf. Arat., 1-4: ᾿Εκ Διὸς ἀρχώμεσθα, τὸν οὐδέποτ’ ἄνδρες ἐῶμεν | ἄρρητον· μεσταὶ δὲ Διὸς πᾶσαι μὲν ἀγυιαί, | πᾶσαι δ’ἀνθρώπων ἀγοραί, μεστὴ δὲ θάλασσα | καὶ λιμένες; 15-18: Χαῖρε, πάτερ, μέγα θαῦμα, μέγ’ ἀνθρώποισιν ὄνειαρ, | αὐτὸ καὶ προτέρη γενεή. Χαίροιτε δὲ Μοῦσαι | μειλίχιαι μάλα πᾶσαι. ᾿Εμοί γε μὲν ἀστέρας εἰπεῖν | ᾗ θέμις εὐχομένῳ τεκμήρατε πᾶσαν ἀοιδήν. Sulle letture aratee di Dionisio, vedi ora Y. KHAN, “Denys lecteur des Phénomènes d’Aratos”, REA 106 (2004), p. 233-246. Cf., inoltre, R. HUNTER, “The Periegesis of Dionysius and the Traditions of Hellenistic Poetry”, ibid., p. 217-231: 226. 18. Cf. Apoll. R., I, 1-4: ῾Αρχόμενος σέο Φοῖβε παλαιγενέων κλέα φωτῶν | μνήσομαι οἳ Πόντοιο κατὰ στόμα καὶ διὰ πέτρας | Κυανέας βασιλῆος ἐφημοσύνῃ Πελίαο | χρύσειον μετὰ κῶας ἐύζυγον ἤλασαν ᾿Αργώ; 22: Μοῦσαι δ’ ὑποφήτορες εἶεν ἀοιδῆς. Per le influenze apolloniane in Dionisio, vedi E. AMATO, “Note esegetiche e testuali alla Descriptio orbis di Dionisio d’Alessandria (I)”, Arctos 36 (2002), p. 7-17: 9-10; id., “Note esegetiche e testuali alla Descriptio orbis di Dionisio d’Alessandria (II), ibid. 37 (2003), p. 10-26: 24-26; C. CUSSET, “Denys lecteur d’Apollonios de Rhodes ? L’exemple de la description des fleuves”, REA 106 (2004), p. 203-215; HUNTER, l.c. (n. 17), p. 218-223. 19. Cf. Es., Teog. 1: Μουσάων ῾Ελικωνιάδων ἀρχώμεθ’ ἀείδειν; 114-115: ταῦτά μοι ἔσπετε Μοῦσαι … | ἐξ ἀρχῆς, καὶ εἴπαθ’, ὅτι …. Sulla presenza esiodea in Dionisio, vedi AMATO, “Note esegetiche I” (n. 18), p. 10-11; id., “Note esegetiche II” (n. 18), p. 25. 20. Cf. COUNILLON, o.c. (n. 9), p. 137. 21. VOX, l.c. (n. 14), p. 156. Sui proemi di Apollonio e Dionisio, vedi anche HUNTER, l.c. (n. 17), p. 218. Va, in ogni caso, rilevato, come ottimamente ha messo in luce E. LIVREA, “Il proemio degli Erga considerato attraverso i v. 9-10”, Helikon 6 (1966), p. 442-475: 445-446 (ma vedi già U. VON WILAMOWITZ-MÖLLENDORFF, Hesiods Erga, Berlin, 1928, p. 39-40), che l’affrancamento dalle tradizionali invocazioni innodiche, più oculato e meno vistoso, comincia ad essere operante già in Esiodo, il quale, soprattutto negli Opera, propone di suo alle Muse la materia del canto e non viceversa. 22. Non sfuggano a tal riguardo le opportune avvertenze di L.E. ROSSI, “La letteratura alessandrina e il rinnovamento dei generi letterari della tradizione”, in R. PRETAGOSTINI (ed.), La letteratura ellenistica. Problemi e prospettive di ricerca, Roma, 2000, p. 149-161: 155. 23. Così W. KROLL, Studien zum Verständnis der römische Literatur, Stuttgart, 1924, p. 202-203. 24. Vedi J. MARTIN, Arati Phaenomena, Firenze, 1956, p. 4. 25. Per un lucido punto, vedi M. FANTUZZI, “᾿Εκ Διὸς ἀρχώμεσθα. Arat. Phaen. 1 e Theocr. XVII 1”, MD 5 (1980), p. 163-172: 166-167. L’ipotesi del MAASS (Aratea. Philologische Untersuchungen, Berlin, 1892, p. 319-320) secondo cui Arato avrebbe recitato il suo poema durante un cenacolo poetico a

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Cos, sembra essere destinata a rimanere tale: cf. MARTIN, o.c. (n. 24), p. 4; M. ERREN, Die Phainomena des Aratos von Soloi, Wiesbaden, 1967, p. 15; D. KIDD, Aratus. Phaenomena, Cambridge, 1997, p. 163. 26. Sulla problematica esiste una nutrita bibliografia. Mi limito a ricordare J.L. TONDRIAU, “Rois Lagides comparés ou identifiés à des divinités”, CE 23 (1948), p. 127-146; FRASER, o.c. (n. 8), p. 189-193; H. MELAERTS (ed.), Le culte du souverain dans l’Égypte ptolémaique au IIe siècle avant notre ère, Leuven, 1998. Quanto al noto fenomeno del sincretismo religioso greco-eigizio, vedi D. DIETRICH, “Die Ausbreitung der alexandrinischen Mysteriengötter Isis, Osiris, Serapis und Horus in griechisch-römischen Zeit”, Altertum 16 (1968), p. 201-211; R. ISLEY HICKS, “Egyptian elements in Greek mythology”, TAPhA 93 (1962), p. 90-108. 27. Cf. VOX, l.c. (n. 2), p. 165. 28. Edizione e traduzione latina in C. MÜLLER, Geographi Graeci Minores, II, Parisiis, 1861, p. 201-407. Per la datazione delle Παρεκβολαί eustaziane, dedicate a Giovanni Duca, figlio dell’imperatore Andronico Paleologo, ed anteriori a quelle omeriche, vedi A. KAZHDAN, Studies on Bizantine Literature of the Eleventh and Twelfth Centuries, Cambridge / Paris, 1984, p. 115-195. Non è un caso che Eustazio abbia dedicato i suoi Commentari unicamente ad Omero e Dionisio: ciò significa che quest’ultimo era sentito certamente come un emulo del Ποιητής e, soprattutto, che la sua opera rivestisse, per così dire, un’importanza ‘ecumenica’ (cf. JACOB, l.c. [n. 1], p. 226). Anzi, dal momento che il commento dionisiano venne redatto qualche tempo prima di quello dedicato ad Omero, se ne deduce che agli occhi del vescovo di Tessalonica la lettura e l’interpretazione della Descriptio orbis rappresentasse un’ottima palestra propedeutica all’agone maggiore. 29. Cf. Sc. a Dion. Per., v. 1 (p. 428, 17-19 ed. MÜLLER): Ζηλοῖ δὲ ᾿Απολλώνιον, οὐ χαρακτῆρος ὢν ἐραστὴς, ἀλλ’ ἐπικαίρου διὰ τὴν χρείαν ἐπιβολῆς. 30. Pindaro, Olimpiche XIII, 1-5: Τρισολυμπιονίκαν | ἐπαινέων οἶκον ἥμερον ἀστοῖς, | ξένοισι δὲ θεράποντα, γνώσομαι | τὰν ὀλβίαν Κόρινθον, ᾿Ισθμίου | πρόθυρον Ποτειδᾶνος, ἀγλαόκουρον. 31. Per il senso di γνώσομαι, vedi A. PUECH, Pindare I. Olympiques, Paris, CUF, 1958, p. 148, n. 1: “Le verbe γνώσομαι ne peut avoir ni le sens de visiter ni le sens causatif, faire connaître, célébrer, qu’on lui donne ordinairement ici. Pindare reconnaît en cette famille les traits caractéristiques du génie Corinthien”. Cf., inoltre, L. LEHNUS, Pindaro. Olimpiche, Milano, 1981, p. 204. 32. Ricordo, tra i contemporanei ed i successori di Dionisio, l’invocazione a Calliopea da parte di Trifiodoro, delle Ninfe di Troia da parte di Colluto, di una divinità non specificata da Nonno. Al contrario, nei Cynegetica di Oppiano di Apamea, così come negli Halieutica dell’omonimo di Anazarbo vi è la menzione dei rispettivi dedicatari (Caracalla ed Marco Aurelio). Mancano, invece, di una vera e propria praefatio i Posthomerica di Quinto Smirneo. In precedenza, Nicandro aveva dedicato i Theriaca ad Ermesianatte, gli Alexipharmaca a Protagora. 33. Cf. C.O. PAVESE, “L’inno rapsodico”, in A.V., L’inno tra rituale e letteratura nel mondo antico. Atti di un Colloquio. Napoli 21-24 ottobre 1991, Roma, 1993, p. 155-178: 166-167. Sulla struttura dell’inno poetico, vedi inoltre R. WÜNSCH, s.v. “Hymnos”, RE IX (1914), col. 140-183: 145; P. COLLART, “L’invocation d’Isis, d’après un papyrus d’Oxyrhynchos”, REgypt 1 (1919), p. 93-100: 96; J .M. BREMER, “Griekse hymnen”, Lampas 12 (1979), p. 95-110: 96 (= “Greek Hymns”, in H.S. VERSNEL (ed.), Faith, Hope and Worship, Leiden, 1981, p. 193-214); P. WÜLFING, “Hymnos und Gebet. Zur Formengeschichte der älteren griechischen Hymnendichtung”, StudClas 20 (1981), p. 21-31: 23; W.D. FURLEY, J. MAARTEN BREMER, Greek Hymns I. The Texts in Translation, Tübingen, 2001, p. 50-64. In particolare per Pindaro, vedi P. ANGELI BERNARDINI, Mito e attualità nelle odi di Pindaro. La Nemea 4, l’ Olimpica 9, l’Olimpica 7, Roma, 1983, p. 19-37. 34. Così ANGELI BERNARDINI, o.c. (n. 33), p. 32. 35. Così R. HUNTER, “Le ‘Argonautiche’ di Apollonio Rodio e la tradizione epica”, in FANTUZZI, HUNTER, o.c. (n. 13), p. 121-175: 125.

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36. Se Avieno aggiunge l’invocazione alle Muse e ad Apollo (v. 1-10: Qua protenta iacent vastae divortia terrae /et qua praecipiti volvuntur prona meatu / flumina per terras, qua priscis inclyta muris / oppida nituntur, genus hoc procul omne animantum / qua colit, Aoniis perget stilus impiger orsis. / ardua res, musae. deus, en deus intrat Apollo / pectora, fatidicae quatiens penetralia Cirrhae. / Pierides, toto celeres Helicone venite, / concinat et Phoebo vester chorus; Oceanumque, / carminis auspicium, primum memorate camenae.), Prisciano si rivolge al naturae Genitor (v. 1-4: Naturae genitor, quae mundum continet omnem, / annue, rex coeli, positum telluris et undae, / in quas imperium mortalibus ipse dedisti, / materiae tantae me premere carmine digno). 37. GREAVES, o.c. (n. 9), p. 108. 38. Per i numerosi passi, vedi G. RICCIARDELLI, Inni orfici, Milano / Verona, 2000, p. 526. Mi limito unicamente a ricordare che per Omero dall’Oceano, che circonda la terra, deriva il mare e tutta l’acqua della terra (Iliade XXI, 196-197), è origine degli dèi (Il. XIV, 201; 302) e non partecipa alle riunioni delle altre divinità (Il. XX, 7). Al contrario, in Esiodo Oceano è figlio di Cielo e Terra (Teog., 133) e da esso avrebbero origine solo i fiumi (Teog., 337-338). In altre teogonie, il ruolo dell’Oceano doveva essere ancora più importante: cf. Orph., fr. 21 (ed. BERNABÉ). Tuttavia, stando all’interpretazione che Damascio fornisce nel de principiis (124 = III, 162, 19 [ed. WESTERINK]), ῞Ομηρος μὲν καὶ αὐτὸς ἀρχέσθω ἀπὸ Νυκτός. Sulle diverse versioni dell’origine del mondo in Grecia antica, vedi K. KERÉNYI, Gli dei e gli eroi della Grecia, trad. it. Milano, 1989 [19631], p. 29-32; R. GRAVES, I miti greci, trad. it. Milano, 19793, p. 27-28. Cf., inoltre, H. HERTER, s.v. “Okeanos” (nr. 1), RE XVII/2 (1937), col. 2308-2361; A.F. LOSSEW, “De chao quid antiqui senserint”, Meander 12 (1957), p. 283-293; U. BIANCHI, Teogonie e cosmogonie, Roma, 1960; M. MARCONI, “Can the cosmogony of the Greeks be reconstructed?”, HR 1 (1961), p. 274-280; J. RUDHARDT, Le thème de l’eau primordiale dans la mythologie grecque, Berne, 1971; J. RAMIN, Mythologie et géographie, Paris, 1979, p. 17-26; S. VILATTE, L’insularité dans la pensée grecque, Paris, 1991. Per le immagini dell’ecumene come isola in altre culture antiche, vedi A. SEPPILLI, Sacralità dell’acqua e sacrilegio dei ponti, Palermo, 19902, p. 92-126. 39. Vedi in particolare [Orph.], H. 13: “Invoco Oceano, padre immortale, che sempre è / origine degli dèi immortali e degli uomini mortali, / che ondeggia intorno al cerchio che delimita la terra; / dal quale derivano tutti i fiumi e tutto il mare / e i santi umori ctoni della terra che scorrono dalle sorgenti. / Ascolta, beato, molto felice, grandissimo mezzo di purificazione degli dèi, / caro termine della terra, principio del cielo, dalle umide vie, / vieni benevolo agli iniziati sempre lieto” (trad. G. RICCIARDELLI). 40. Sull’argomento, vedi S. SUNERON, J. YOYOTTE, “La naissance du monde selon l’Égypte ancienne”, in A.V., La naissance du monde, Paris, 1959, p. 17-91; E. HORNUNG, Der Eine und die Vielen. Ägyptische Gottesvorstellungen, Darmstadt, 1971. 41. Cf. Om., Il. XVIII, 399; 607-608; Odissea XX, 63-65. L’autorità di Omero, richiamata da Strabone in I, 1, 3 e 7, è riconosciuta dalla maggior parte dei geografi antichi: vedi H.F. TOZER, A History of ancient Geography, Cambridge, 1897, p. 250; A.M. BIRASCHI, “Strabone e la difesa di Omero nei Prolegomena”, in F. PRONTERA (ed), Strabone. Contributi allo studio della personalità e dell’autore I, Perugia, 1984, p. 129-153. 42. Cf. Strab., II, 5, 5, in cui si legge che l’ecumene, bagnata dal mare, è simile ad un’isola (ἐοικυῖαν νήσῳ), ma anche Cicerone, La natura degli dèi II, 165 (Sin autem consulunt, qui quasi magnam quandam insulam incolunt, quam nos orbem terrae vocamus, etiam illis consulunt, qui partes eius insulae tenent, Europam, Asiam, Africam.); Repubblica VI, 20 (Omnis enim terra, quae colitur a vobis, angustata verticibus, lateribus latior, parva quaedam insula est circumfusa illo mari, quod ‘Atlanticum’, quod ‘magnum’, quem ‘Oceanum’ appellatis in terris). La concezione risalente ad Omero (vedi supra, n. 38) che l’οἰκουμένη sia identificabile con un’immensa isola ricorre anche nella visione scientifica di Eratostene e di Posidonio: cf. A. THALAMAS, La géographie d’Ératosthène, Versailles, 1921, p. 219-223; G. AUJAC, “Les représentations de l’espace géographique ou cosmologique, dans l’Antiquité”, Pallas 28 (1981), p. 4-5. Vedi, inoltre, per l’antica concezione della terra rotonda,

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circondata dal mare, Eschilo, Prometeo 138-139; Euripide, Oreste 1377-1379; [Orph.], H., XI, 15; LXXXIII, 3; fr. 287 (ed. BERNABÉ); Pomponio Mela, I, 4; Plinio il Vecchio, Storia Naturale II, 242. Ma, in Strabone, così come in Cicerone, non vi è alcuna visione panteistica dell’Oceano. A criticare l’opinione dell’insularità del mondo abitato furono Erodoto (II, 21-23; IV, 36, 2) ed Ipparco (ap. Strab., I, 1, 9), ma anche Aristotele (meteor., 362b) e Gemino (astr. XVI, 4). Sull’intera problematica, vedi A. LESKY, Thalatta. Der Weg der Griechen zum Meer, Wien, 1947, p. 87; F. PRONTERA, “Prima di Strabone: materiali per uno studio della geografia antica come genere letterario”, in id., o.c. (n. 41), p. 239-249; A. BALLABRIGA, Le Soleil et le Tartare. L’image mythique du monde en Grèce archaïque, Paris, 1986, p. 66-67; J. ROMM, The Edges of the Earth in Ancient Thought. Geography, Exploration, and Fiction, Princeton, 1992, p. 32-44; F. BORCA, Terra mari cincta. Insularità e cultura romana, Roma, 2000, p. 35-52. 43. Secondo Arriano (India XVIII, 11) e Diodoro Siculo (XVII, 104, 1), Alessandro Magno fece costruire un tempio in onore di Oceano e sua moglie Teti dinanzi al delta del Nilo. 44. Non esistendo le γοναί dell’Oceano, è chiaro che la struttura innodica è alquanto evanescente, né sarebbe stato facile crearla. 45. Cf. PAVESE, l.c. (n. 33), p. 160-162. Tale ritardo, non riscontrabile negli inni, è forse dovuto dalla maggiore estensione dell’annuncio del tema (terra, mare, fiumi, città, popoli) rispetto alla proposizione di un esordio tradizionale, dedicato generalmente ad un’unica divinità. 46. Per i paralleli, vedi supra. 47. Cf. F. CÀSSOLA, Inni omerici, Milano, 19942 [1975], p. XVII-XVIII; PAVESE, l.c. (n. 33), p. 164. Nel caso della Descriptio, mancando il congedo alla fine della lode all’Oceano, non è possibile intravedere, com’è per la Teogonia di Esiodo, un esempio della sequenza prooimion-oime. 48. Cf. [Om.], Inno ad Apollo 1 (Μνήσομαι οὐδὲ λάθωμαι ᾿Απόλλωνος ἑκάτοιο). Segnalo che la iunctura ᾿Ωκεανοῖο βαθυρρόου, su cui vedi P. MUREDDU, Formula e tradizione nella poesia di Esiodo, Roma, 1983, p. 30, compare nelle medesime sedi in [Om.], Inno a Mercurio, 185. 49. Per la presenza dell’Oceano in Corpus Hermeticum XIII, 17, in cui vi è menzione della creazione dell‘universo e della fuoriuscita delle acque dalla materia liquida primordiale per inondare la terra abitata ed inabitata (p. 207, 20-23 ed. NOCK: μέλλω γὰρ ὑμνεῖν … καὶ ἐπιτάξαντα ἐκ τοῦ ὠκεανοῦ τὸ γλυκὺ ὕδωρ εἰς τὴν οἰκουμένην καὶ ἀοίκητον ὑπάρχειν), vedi W.C. GRESE, Corpus Hermeticum XIII and Early Christian Literature, Leiden, 1979, p. 175 e D.J. MEREDITH WHITEHOUSE, The Hymns of the Corpus Hermeticum: Forms with a diverse functional History, Ph.D., Harvard University, 1985, p. 296-297; 305, che confronta il passo in questione con vari inni egiziani. L’influenza egizia negli inni e nella letteratura ermetica è ben indagata da J.-P. MAHÉ, Hermès en Haute-Égypte. Les textes hermétiques de Nag Hammadi et leurs parallèles grecs et latins I, Québec, 1978, p. 23-26; 33-38. 50. Vedi supra, n. 11. Ricordo che il decreto dell’incamminarsi nell’aldilà per il favorito di Adriano, quale si legge sul terzo lato dell’obelisco del Pincio, testimonia il rispetto di tutti gli abitanti di Ermopoli ed invoca l’intervento del “signore della parole divine” (Thot = Ermes) affinché ringiovanisca l’anima del defunto. Una traduzione italiana annotata si legge ora in E. BRESCIANI, Testi religiosi dell’antico Egitto, Milano, 2001, p. 444-445. 51. L’acrostico potrebbe avere il seguente significato lapidario: “Il dio Ermes esiste nel regno di Adriano”, sottintendendo un ἐστι con valore predicativo (cf. Om., Il. I, 494: θεοὶ αἰὲν ἐόντες), ma anche “Il dio Ermes deve essere venerato [θεραπευτέος] sotto Adriano” (per θεραπεύω detto del culto divino vedi, e.g., [Om.], Inno ad Ap., 390). Mi sembra utile indicare in tal senso un raffronto possibile negli inni acrostici in lingua accadica. In uno, in particolare, dedicato alla città di Babilonia, la frase che viene fuori dalla lettura dell’acrostico è la seguente: “Nelle quattro il suo nome”, vale a dire: “Nelle quattro [regioni del mondo io voglio magnificare] il suo nome” ([i]-na ar-ba [kibra–ti lušanik] zi-kir-su): cf. L. CAGNI, “L’inno in area mesopotamica”, in A.V., L’inno (n. 33), p. 13-31: 28. È certo, comunque, che Dionisio abbia inteso dedicare con questo acrostico il suo

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poema a Dionisio (per l’uso del nominativo, in luogo del dativo o di εἰς + acc., a voler indicare il nome del dedicatario negli acrostici di composizioni encomiastiche, vedi Dioscoride, IV 4 [ὁ κύριος ῾Ρωμανός. ῾Ρωμανός θαυμαστός]; 8 [῾Υπάτιος]; 9 [ὁ Παῦλος]; 23 ed. FOURNET [Θεόδωρος]). 52. Per un’attenta ricostruzione, vedi FOWDEN,o.c. (n. 12), p. 237-246. 53. Vedi supra, n. 5. 54. Su cui vedi A. BARZANÒ, “Cheremone di Alessandria”, ANRW II, 32.3 (1985), p. 1981-2001; M. FREDE, “Chaeremon”, ibid. 36.3 (1989), p. 2067-2103; R. GOULET, s.v. “Cheremon”, DPhA II (1994), p. 284-286; A.M. URSO, “La letteratura astrologica: gli autori”, in I. MASTRAROSA, A. ZUMBO, Letteratura scientifica e tecnica di Grecia e Roma, Roma, 2002, p. 111-137: 114. 55. Cf. FOWDEN,o.c. (n. 12), p. 208-209; FREDE, l.c. (n. 56), p. 2085. 56. Cf. Porfirio, Epist. Aneb. II, 12 = Cheremone, fr. 5 (ed. VAN DER HORST). Vedi anche Giamblico, Myst. VIII, 4 = Cherem., fr. 9 (ed. VAN DER HORST), dove è chiaramente detto che τὰ τε ἐν τοῖς Σαλμεσχινιακοῖς μέρος τι βραχύτατον περιέχει τῶν ῾Ερμαϊκῶν διατάξεων. Cheremone dovette probabilmente occuparsi nelle sue opere di cosmogonia e mitologia egizia, come lascerebbe intendere la testimonianza di Porph. ap. Eusebio, Prep. Evang. III, 11, 45-13, 2 (ed. MRAS) = Cherem., fr. 17D (ed. VAN DER HORST). 57. Vedi Vita Chisiana 12-13 (ed. KASSEL): Γέγραπται δὲ καὶ αὐτῷ καὶ Λιθιακὰ βιβλία, Διοσημιῶν τε καὶ Γιγαντείων ἕτερα. Alcuni studiosi hanno, tuttavia, creduto di riconoscere nei Segni celesti lo scritto Sulla metereologia, che il lessico Suda attribuisce a Dionisio di Corinto (Δ 1177 = p. 110 [ed. ADLER]): secondo tali criteri l’autore dell’opera sarebbe Dionisio Periegeta ed il lessicografo avrebbe fatto grande confusione fra i vari scrittori di nome Dionisio (cf. G. KNAACK, s.v. “Dionysios”, RE IX [1903], col. 923). 58. I Λιθιακά di Dionisio in tre libri, il cui titolo si ricava con certezza dal testo della Vita Chisiana (vedi supra, n. 59), dal γένος Διονυσίου preposto agli scolî (p. 427 [ed. MÜLLER]) e dall’epistola ad Ioannem Ducam di Eustazio (p. 215, 6-14 [ed. MÜLLER]), rientravano probabilmente in quel filone della letteratura cosiddetta “paradossografica”, al limite tra lo scientifico e il prodigioso, che ricercava nello studio delle pietre preziose il rimedio contro malattie strane o filtri magici, di cui non pochi esempi sono giunti fino a noi. In effetti, all’interno delle diverse correnti che caratterizzano gli scritti περὶ λίθων (scientifico-superstiziosa, magico-sincretica, astrologica, allegorica) nulla impedisce di poter considerare il perduto scritto di Dionisio un esempio del secondo genere, viste anche le sue origini alessandrine, il che ne farebbe un prodotto del sincretismo magico-astrologico orientale, risalente a Zoroastro, ai Magi ed ai Caldei. 59. Sulla problematica, cf. A.J. FESTUGIÈRE, La révélation d’Hermès Trismégiste II, Paris, 1949, p. 31-34; MAHÉ,o.c. (n. 49), p. 31; 89; FOWDEN, o.c. (n. 12), p. 230-233. 60. Cf. CH, 1, 26. 61. Cf. Ogdoade e Enneade (NH VI6), p. 55, 19-20. 62. Dionisio si rivolge al suo auditor sempre e solo alla seconda persona. 63. Cf. Dion. Per., 172-173: ἐκ τοῦ δ’ ἂν γεραρός τε καὶ αἰδοιέστερος εἴης, | ἀνδρὶ παρ’ ἀγνώσσοντι πιφαυσκόμενος τὰ ἕκαστα; 885: ἦ ταχα κἂν ἄλλοισιν ἐπισταμένως ἀγορευοις. 64. Cf. Dion. Per., 170 (μυθήσομαι) e 270 (κεύσω). 65. Cf. Dion. Per., 882-885: ὁ δέ τοι λόγος ἐν φρεσὶ ἔστω, μηδ’ ἀνέμοις φορέοιτο πονηθέντων χάρις ἔργων. | Εἰ γὰρ μοι σάφα τήνδε καταφράσσαιο κέλευθον, | ἦ ταχα κἂν ἄλλοισιν ἐπισταμένως ἀγορεύοις. 66. Cf. Ogdoade ed Enneade (NH VI6), p. 57, 3. 67. Cf. Corpus Herm. X, 5: τὴν καλλίστην ὄψιν. 68. Sulla complessa problematica, vedi MAHÉ, o.c. (n. 49), p. 102-103; 109.

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69. Cf. Dion. Per., 170-171: νῦν δέ τοι ἠπείρου μυθήσομαι εἶδος ἁπάσης, | ὄφρα καὶ οὐκ ἐσιδών περ ἔχοι εὔφραστον ὀπωπήν; 895-896: οὐδ’ ἂν ἔμοιγε | μύθου ἅτε ψευσθέντος ἀνὴρ ἐπιμωμήσαιτο. 70. I frustuli di un poema epico dedicato a Mercurio mundi et Hermupolis Magnae conditor si leggono in P.Argent. 481 del IV sec., attribuito dal WYSS (MH 6 [1949], p. 194) al poeta elipolitano Antimaco, di cui vi è notizia nella Suda ( cf. E. HEITSCH, Die griechischen Dichterfragmente der römischen Kaiserzeit, I, Göttingen, 1963, p. 82-85). 71. L’invito a considerare la Descriptio orbis di Dionisio un’opera “ouverte à la politique et au monde contemporain” e non “une œuvre d’érudition intemporelle” viene di recente lanciato anche da E. BOWIE, “Denys d’Alexandrie : un poète grec dans l’empire romain”, REA 106 (2004), p. 117-185.

RIASSUNTI

Des influences égyptiennes dans la Descriptio orbis de Denys d’Alexandrie ? L’examen attentif des composantes laudatives et du contenu du proème de la Descriptio orbis de Denys le Périégète prouve que le poète originaire d’Alexandrie a été influencé dans son œuvre même par la religion égyptienne. En particulier, derrière l’éloge de l’Océan paraît se cacher un hymne à la louange du Nun primordial.

Egyptian Influences in the Descriptio orbis by Dionysius of Alexandria? The thorough analysis of the laudatory components and contents of the proem by Dionysius Periegetes’ Descriptio orbis shows that the Alexandrian poet was also influenced in his own poem by the Egyptian religion. In particular, behind the encomium of the Ocean, it looks as if the poet is hiding a hymn to the primeval Nun.

AUTORE

EUGENIO AMATO [email protected] Université de Fribourg

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Nom d’une Artémis ! À propos de l’Artémis Phôsphoros de Messène (Pausanias, IV, 31, 10)

Laurent Piolot

1 « What in fact did Pausanias see in the gymnasium at Messene ? », s’interrogeait, il y a peu, l’infatigable fouilleur de Messène, Pétros Thémélis1. Son attention portait plus précisément sur un passage relatif à la présence d’une statue de Thésée en ce lieu2 : « Les statues du gymnase, celles d’Hermès, d’Héraklès et de Thésée, sont l’œuvre d’artistes égyptiens; ces derniers reçoivent des honneurs au gymnase et à la palestre, selon un usage commun aux Hellènes et, désormais, aux Barbares ». Or, il se trouve que l’on pourrait se poser exactement la même question à propos de la statue d’Artémis qu’abrite l’Asklépieion de la cité. Il n’est donc pas ici question de discuter l’identification, par Thémélis, de la statue du Doryphore mise au jour dans la pièce II du gymnase avec la statue de Thésée mentionnée par le Périégète3, mais de revenir sur le processus d’identification, par Pausanias, d’une Artémis messénienne.

2 Qu’a donc vu Pausanias dans l’Asklépieion de Messène ? Quelle est cette divinité ? À l’en croire, il s’agirait d’une Artémis Phôsphoros (IV, 31, 10). Toutefois, l’examen du matériel archéologique et épigraphique mis au jour dans ce secteur de l’Asklépieion ne satisfait pas totalement à cette identification. En particulier, les inscriptions ne font connaître formellement qu’une Artémis Ortheia4. Autant le dire d’emblée, cela n’a jusqu’à présent guère posé de problème aux commentateurs modernes, qui ont eu tôt fait de répertorier ces termes comme autant d’épiclèses de la divinité5. Mais qu’en est-il au juste ? La question est d’autant plus intéressante que le problème se pose en termes identiques dans ce même livre IV, à propos des Grandes Déesses. En un mot, Pausanias dit avoir vu, à Andanie, ou plus exactement dans l’alsos Karnasion, non loin de Messène, les statues de Grandes Déesses, Mégalai Théai (IV, 33, 4-6). C’est en l’honneur de ces divinités que les Messéniens célébraient, dit-il, les fameux Mystères d’Andanie, une sorte de fête « nationale » de la communauté messénienne de Messénie. Or, les deux inscriptions relatives à cette même fête (LSCG 65 et Syll.3, 735) évoquent non pas les Grandes Déesses, mais les Grands Dieux, Mégaloi Théoi ! J’ai naguère tenté de dépasser cette aporie en montrant que la mise en série des documents de nature épigraphique et

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littéraire avait eu pour effet de gommer la spécificité du témoignage de Pausanias6. Dans le cas d’Artémis, les modernes se sont davantage accommodés de l’aspect évidemment contradictoire des sources en faisant de cette Artémis une divinité tout à la fois Phôsphoros et Ortheia, voire Oupèsia7. Ce qui ne me semble toutefois pas conforme aux données cultuelles.

3 Il ne s’agit pas là d’un simple problème d’étiquette. Pour paraphraser P. Brulé8, qui dans un article récent usa de botanique pour illustrer l’usage des épiclèses divines, le problème n’est pas, à propos d’Artémis, de savoir de quelle renoncule, au juste, il s’agit, à savoir d’une renoncule âcre, d’une renoncule des marais ou d’une renoncule des champs. À l’examen, en effet, on se rend vite compte que, de l’étiquette au costume, voire au tailleur, il n’y a qu’un pas. On ne peut pas douter a priori de la valeur du témoignage de Pausanias. S’il dit de cette Artémis qu’elle est une phôsphoros, c’est qu’il a de bonnes raisons pour cela. De même, lorsqu’il disait avoir vu des statues des Grandes Déesses, à Andanie, il était difficile de mettre son témoignage en doute en supposant qu’il ait mal vu. Comment, en effet, soutenir qu’il aurait confondu des statues d’hommes avec des statues de femmes ? Le problème n’est donc pas tant celui de la validité du témoignage de Pausanias que celui de la lecture que nous faisons de la Périégèse.

4 La question est donc la suivante : pourquoi Pausanias voit-il une phôsphoros, là où les Messéniens nomment une Ortheia ? Cela revient à poser la question de l’identification du divin, par le nom et par l’image, c’est-à-dire, pour les Grecs, deux aspects fondamentaux dans le processus d’individuation des divinités. Une telle problématique nous conduira à mettre le doigt sur un « malentendu » de plus entre Pausanias et les archéologues, voire entre Pausanias et les historiens des religions9.

1. « L’autopsie » de Pausanias10

5 La brève description de Messène par Pausanias, bien que réduite à la portion congrue du livre IV11, est d’autant plus précieuse qu’elle est unique. Même s’il y a quelque temps déjà que l’on a abandonné l’idée de faire de la Périégèse un « guide », et de Pausanias un Ur-Baedekker, son témoignage reste irremplaçable pour l’archéologue. Chr. Habicht a d’ailleurs pu le vérifier12, en s’efforçant de recouper les informations fournies par Pausanias, d’un côté, et les comptes rendus de fouilles régulièrement parus dans l’Ergon et les Praktika sous la plume de A. Orlandos, puis de P. Thémélis, de l’autre 13. Il n’en

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demeure pas moins, cependant, que de multiples interrogations demeurent, comme en témoigne l’étude de sa description de l’Asklépieion.

Légende : Η Oikosd’Asklépiosetd’; ΚOikos d’Artémis Ortheia; ΜOikos de Tychè; ΝOikos de Thèbes et d’Épaminondas; ΞOikos d’Apollon, des Muses et d’Héraklès; Σ-Σ Kaisareion;Σ7 Temple d’Artémis Ortheia; Ζ Temple d’Asklépios

6 Après une brève description de l’impressionnante muraille de la cité et un rapide inventaire des principales statues, des sanctuaires et des monuments notables de l’agora, Pausanias commente (IV, 31, 10-11) : Πλεῖστα δέ σφισι καὶ θέας μάλιστα ἀγάλματα ἄξια τοῦ ᾿Ασκληπιοῦ παρέχεται τὸ ἱερόν· χωρὶς μὲν γὰρ τοῦ θεοῦ καὶ τῶν παίδων ἐστὶν ἀγάλματα, χωρὶς δὲ ᾿Απόλλωνος καὶ Μουσῶν καὶ ῾Ηρακλέους· πόλις τε ἡ Θηβαίων καὶ ᾿Επαμινώνδας ὁ Κλεόμμιδος Τύχη τε καὶ ῎Αρτεμις Φωσφόρος, τὰ μὲν δὴ τοῦ λίθου Δαμοφῶν αὐτοῖς εἰργάσατο – Μεσσήνιον δὲ ὅτι μὴ τοῦτον ἄλλον γε οὐδένα λόγου ποιήσαντα ἀξίως οἶδα ἀγάλματα, – ἡ δὲ εἰκὼν τοῦ ᾿Επαμινώνδου ἐκ σιδήρου τέ ἐστι καὶ ἔργον ἄλλου, οὐ τούτου. ἔστι δὲ καὶ Μεσσήνης τῆς Τριόπα ναὸς καὶ ἄγαλμα χρυσοῦ καὶ λίθου Παρίου· γραφαὶ δὲ κατὰ τοῦ ναοῦ τὸ ὄπισθεν οἱ βασιλεύσαντές εἰσι Μεσσήνης, κτλ. Je traduis14, en ne prenant pour le moment pas partie en ce qui concerne le sens à donner au terme phôsphoros : Les plus nombreuses et les plus remarquables entre toutes sont les statues que renferme le sanctuaire d’Asklépios : il y a d’un côté les statues du dieu et de ses fils, de l’autre celles d’Apollon, des Muses et d’Héraklès, de la cité de Thèbes et d’Épaminondas fils de Cléomnis, de Tychè, et d’Artémis φωσφόρος. Celles de marbre sont l’œuvre de Damophon – je ne connais pas d’autre Messénien qui ait fait des statues dignes qu’on en parle –, l’effigie en métal d’Épaminondas n’est pas de lui, c’est le travail d’un autre artiste. Il y a aussi un temple de Messénè, fille de Triopas, avec statue en or et en marbre de Paros. Des peintures des rois de Messène se trouvent à l’arrière du temple, etc.

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7 La désignation et l’identification de cet Asklépieion ne pose aujourd’hui plus de problème15. Elle est assurée depuis que l’on connaît l’emplacement exact du Kaisareion (noté Σ-Σ sur les plans)16 qui le surplombe, puisqu’on lit, sur une inscription d’époque impériale, qu’un certain Marcus Cæsius Gallos a fait restaurer « les quatre portiques de l’Asklépieion et les pilastres les surmontant, en contre-bas du Kaisareion »17. Cela ne préjuge toutefois pas de notre pleine et entière compréhension des lieux.

8 En effet, bien qu’il semble attendu que ce soit le temple d’Asklépios qui occupe le centre du complexe fouillé (voir planci-dessus)18, la prudence est toujours de mise. On considère encore que, d’une part, l’expression to hiéron tou Asklépiou utilisée par Pausanias et le terme Asklépieion attesté dans l’inscription n’y suffisent pas et que, d’autre part, aucun indice fiable n’a, à ce jour, permis de considérer la chose comme acquise et vérifiée19. Il semble toutefois que c’est l’absence d’indices suffisants pour identifier le temple de Messénè, l’héroïne éponyme de la cité, qui a contribué à nourrir le débat. Il se trouve, en effet, que P. Thémélis incline à lui octroyer ce même grand temple dorique Ζ édifié au beau milieu de l’Asklépieion, temple qu’elle pourrait partager avec Asklépios20. J’avoue toutefois que cette solution ne me convainc pas. Le fait que Messénè possédait bien – précise une inscription21 – un sanctuaire (hiéron) à part entière, et par conséquent distinct de celui d’Asklépios, me paraît dirimant. Une autre solution a bien été envisagée par Y. Morizot qui, avec quelques bons arguments22, proposait de faire du temple Σ7 de la terrasse nord-ouest de l’Asklépieion23, celui de Messénè24. Toutefois, ainsi que l’a indiqué le fouilleur, l’ensemble du matériel trouvé sur place le désigne comme un temple d’Artémis25.

9 Si le problème de la localisation du temple de Messénè est à ce point débattu, c’est que ce monument ne fait pas nécessairement partie de l’Asklépieion26. Le texte de Pausanias ne permet en tout cas pas d’affirmer le contraire. Son récit est rédigé sur le mode d’une description suivie, conforme à la disposition des lieux en oikoi successifs 27. C’est d’ailleurs ainsi que l’on interprète la formule χωρὶς μὲν … χωρὶς δὲ utilisée par Pausanias. Elle conduit nécessairement à identifier l’oikos H, sous le portique nord, avec la pièce abritant les statues d’Asklépios et de ses fils28, étant donné que c’est la seule pièce ouvrant sur le portique en dehors des oikoi de l’aile occidentale. La chose est d’autant plus probante qu’une exèdre trouvé in situ devant cet oikos porte une dédicace à Asklépios et Hygieia29. En outre, si Asklépios est présent et dans le temple et dans l’ oikosΗ, il s’agit alors d’un intéressant cas de dédoublement sur lequel on pourra revenir à propos d’Artémis30. Il est possible que ce « d’un côté » désigne en fait le grand temple dorique Ζ sis au centre du complexe31, mais l’absence d’une telle précision chez Pausanias ne plaide pas en faveur de cette solution. Il semble bien, au contraire, avoir évoqué les seules statues réparties dans les oikoi du sanctuaire. Partant, il est clair qu’il y a un hiatus entre la description suivie des statues des différents oikoi de l’Asklépieion et l’évocation du temple de Messénè et de sa statue. La valeur topographique de cette ultime précision n’est absolument pas probante. L’auteur est, on le sait, coutumier des digressions. Il chemine au gré de ses associations d’idées, passant, sans nécessairement en avertir son lecteur, d’un monument à un autre, quand ce n’est pas d’une cité à une autre. Ainsi associe-t-il aux remarquables statues de l’Asklépieion (c’est-à-dire celles d’Asklépios et de ses fils, d’Apollon, des Muses, d’Héraklès, de la cité de Thèbes, d’Épaminondas, de Tychè, et d’Artémis) celle, non moins remarquable, de Messénè32. Deux arguments plaident en ce sens. Il y a tout d’abord la structure du récit : ἔστι δὲ καὶ Μεσσήνης τῆς Τριόπα ναὸς, « Il y a aussi un temple de Messénè, fille de Triopas »,

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qui marque bien, selon moi, une rupture avec ce qui précède. Rupture déjà consommée, du reste, par les précisions qu’il donne sur les auteurs de ces œuvres, qui viennent conclure les lignes consacrées à l’Asklépieion. Ensuite, il est troublant de constater qu’à aucun moment, auparavant, il n’a été question de temples. Tout cela va bien dans le même sens.

10 Certes, l’un comme l’autre de ces arguments pourra sembler spécieux. Deux lectures sont en effet possibles : soit ce ἔστι δὲ καὶ Μεσσήνης τῆς Τριόπα ναὸς marque, comme je le crois, une rupture dans le récit, soit il fait le lien avec ce qui précède. Ensuite, si Pausanias ne s’attarde pas sur la nature des différents oikoi de l’aile occidentale de l’Asklépieion, il ne fait aucun doute que les Messéniens les désignent comme des temples, puisque, comme on va le voir sans tarder, l’oikos Κ est bien un temple d’Artémis. Cela ne me semble toutefois pas être la bonne solution, étant donné qu’il faudrait : soit accorder un oikos à Messénè, soit, comme l’a fait Morizot, attribuer à Messénè le temple Σ7. Dans le premier cas, c’est la place qui manque33. Dans le second, on finit bel et bien par prendre en considération ces deux éléments, à savoir : 1. que la salle Κ n’est pas un simple oikos, c’est un temple; 2. que la description de Pausanias est une description suivie. Mais alors c’est, comme on l’a dit, la nature du matériel archéologique et épigraphique trouvé sur place qui s’y oppose, sans parler du problème de chronologie34. Il paraît en conséquence plus sage de considérer que Messénè possédait un sanctuaire et un temple non encore identifiés, mais ailleurs que dans l’Asklépieion35. Ce qui est également la solution privilégiée par M. Zunino et M. Torelli36.

11 Ajoutons, pour finir, qu’un dernier argument vient accréditer cette hypothèse. Pausanias indique que les peintures ornant l’arrière du temple de Messénè sont l’œuvre du peintre Omphalion, fils ou esclave de l’Athénien Nicias (IV, 31, 12 : ταύτας τὰς γραφὰς ἔγραψεν ᾿Ομφαλίων, Νικίου τοῦ Νικομήδους μαθητής· οἱ δὲ αὐτὸν καὶ δουλεῦσαι παρὰ τῷ Νικίᾳ καὶ παιδικὰ γενέσθαι φασὶν αὐτοῦ). Considérant que le ‘floruit’ de Nicias est daté de la 112e olympiade par Pline (c’est-à-dire 332 av. J.-C.) 37, P. Thémélis en a conclu que les peintures d’Omphalion ne pouvaient dater que des années 300. Contraint, toutefois, de constater que cela ne s’accorde guère avec la chronologie de l’Asklépieion, dont il date la construction des années 223-183 av. J.-C., à partir de critères tout à la fois stylistiques, épigraphiques, historiques et monétaires38, il est réduit à supposer que soit l’information de Pline, soit celle de Pausanias est erronée39. Hypothèse dont on peut cependant faire l’économie, à partir du moment où l’on considère que l’Asklépieion n’abrite pas le temple de Messénè, et que leurs constructions ne sont pas contemporaines.

12 Ceci posé, venons-en maintenant au problème de l’identification de la divinité qu’abrite la salle Κ de l’Asklépieion.

2. Nommer Artémis

13 Tous les commentateurs s’accordent pour dire que Pausanias a bien vu une statue d’Artémis Phôsphoros à Messène. En d’autres termes, il ne fait aucun doute, aux yeux des modernes, que Pausanias usa du terme Phôsphoros comme d’une épiclèse divine. Citons, pour nous en tenir aux principales publications sur le sujet, les noms de M. Zunino, de E.L. Brulotte, de H.-A. Chlèpa40, et de P. Thémélis, qui dans son dernier ouvrage évoque

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« la base de la statue de culte d’Artémis Phôsphoros trouvée in situ dans l’oikos K de l’Asklépieion »41.

14 La présence d’une Artémis Phôsphoros en ce lieu a d’autant moins prêté le flanc à la critique qu’un document épigraphique trouvé in situ devant la pièce Κ en 1962 atteste que l’on a bien là un temple d’Artémis. Il s’agit d’un décret (dogma) honorifique de l’Oupèsia de Messène daté de 42 ap. J.-C.42, dont il me semble d’ailleurs possible d’améliorer l’édition43. Quoi qu’il en soit, on peut y lire en fin de texte que la stèle de pierre portant ce décret devait être « dressée devant le temple d’Artémis » (l. 27-28 : ἀναθέμεν δὲ καὶ στάλαν λιθίναν παρὰ τὸν ναὸν τᾶς ᾿Αρτέμιτος ἔχουσαν τοῦτο τὸ ψάφισμα). Preuve que cet oikos est bien un naos, et un naos d’Artémis. Mais qu’en est-il de l’épiclèse ? Les fouilles menées dans ce secteur de l’Asklépieion n’ont, à ce jour, livré aucun indice épigraphique susceptible de corroborer l’existence d’une Artémis Phôsphoros à Messène. Au contraire, comme je l’ai dit, une série d’inscriptions attestent l’existence, en ce lieu, d’une Artémis Ortheia.

15 Outre ce décret honorifique de l’Oupèsia [inv. 1013], la fouille de l’oikos Κ a permis de mettre au jour huit bases inscrites datant de l’époque impériale en rapport avec Artémis. Ce sont quatre bases cylindriques portant des dédicaces en faveur de prêtresses d’Artémis de la part des gérontes sacrés de l’Oupèsia [inv. 1033, 1031, 1027 et 1028], trois bases de statues de jeunes filles dédiées à Artémis par leurs parents [inv. 1034, 194 et 1032], et un fragment de dédicace difficilement utilisable [inv. 975]44. Signalons au passage que P. Thémélis a pu identifier, parmi les fragments de statues, les deux types statuaires correspondant à cette distinction entre prêtresses d’Artémis et jeunes filles45. En voici les textes.

1. Dédicace des gérontes sacrés honorant Klaudia, prêtresse d’Artémis Ortheia [IIe- IIIe s. ap. J.-C.]

16 Éditions : A.K. ORLANDOS,PAAH (1962), 112 γ n. 7 (SEG 23 [1968], 217; M. ZUNINO [1997], T 37, p. 41; E.L. BRULOTTE [1994], 170c p. 247-248). Cf. J. et L. ROBERT, BE 79 (1966), n° 202, p. 378-380; P.G. THÉMÉLIS (1994), p. 101-122.

[Οἱ ἱερ]ο[ὶ γέροντες] Les gérontes sacrés

οἱ ἀπὸ Κρεσφ[όν]- descendants de Kresphontès

τα Κλαυδίαν Σι- (honorent) la prêtresse τηρὶν (?) τὴν ἱέρει- Klaudia Sitéris 5 αν φιλοτείμως qui a accompli 46 καὶ εὐσεβῶς ἱε- avec générosité et piété sa prêtrise ρασαμέναν ᾿Αρ- d’Artémis Ortheia. τέμιτι ᾿Ορθείαι.

Apparat critique : l. 7-8 : Je corrige, après vérification sur la pierre, une coquille ne portant cependant pas à conséquence de l’édition d’Orlandos, et reproduite par la suite, qui éditait le texte comme suit : ᾿Αρτέ|μιτι ᾿Ορθείᾳ.

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2. Dédicace de l’Oupèsia honorant Eirana, prêtresse d’Artémis [IIe-IIIe s. ap. J.-C.]

17 Éditions : A.K. ORLANDOS, PAAH (1962), 112 α/β n. 5 et fig. 10 (SEG 23 [1968], 215; ZUNINO [1997], T 35, p. 41 avec traduction en italien; E.L. BRULOTTE [1994], 170d p. 249-250). Cf. J. et L. ROBERT, BE 79 (1966), n. 202 p. 378-380; P.G. THÉMÉLIS (1994), p. 101-122.

------

καὶ οἱ τᾶς Οὐ- et les gérontes πησίας ἱεροὶ sacrés de l’Oupèsia, γέροντες οἱ descendants de 5 ἀπὸ Κρεσφόν- Kresphontès, (honorent)

τα Εἰράναν Νυμ- la prêtresse Eirana φοδότου τὴν (fille) de Nymphodotos qui a accompli avec ἱέρειαν φιλοτεί- générosité et piété μως καὶ εὐσεβῶ[ς] sa prêtrise (d’Artémis). ἱερασα[μ]έ[ναν].

Apparat critique : l. 10 : Orlandos restituait ἱερασα[μ]έ[ναν ᾿Αρτέμιτι]. Cependant, après vérification sur la pierre, il me semble qu’il n’y a pas place pour une restitution aussi longue. D’ailleurs, la précision ne s’impose pas nécessairement. Ainsi, le nom d’Artémis n’est pas répété par exemple dans SEG 23 (1968), 216, cf. ci-dessous « Dédicace de l’Oupèsia honorant la prêtresse Kallis ».

3. Dédicace de l’Oupèsia honorant la prêtresse Kallis [IIe-IIIe s. ap. J.-C.]

18 Éditions : A.K. ORLANDOS, PAAH (1962), 112 β/γ n. 6 et pl. β´. et photo pl. 120 β (SEG 23 [1968], 216; M. ZUNINO [1997], T 36 p. 41; E.L. BRULOTTE [1994], 170d p. 250). Cf. J. et L. ROBERT, BE 79 (1966), n. 202 p. 378-380; P.G. THÉMÉLIS (1994), p. 101-122.

Οὐπησίας < ἱεροὶ Les gérontes sacrés γέροντες de l’Oupèsia

Καλλίδα < ᾿Αριστοκλέ- (honorent) Kallis ους < ἱερατεύσασαν (fille) d’Aristoklès 5 εὐσεβῶς < καὶ φιλο- qui a exercé sa prêtrise τείμως. avec piété et générosité.

Apparat critique : l. 1 : Au-dessus de la ligne 1, Orlandos restituait [ ------οἱ τᾶς]. Après vérification sur la pierre, il me semble cependant que rien n’était gravé au-dessus de cette première ligne. On note la présence du signe <, en plus d’un vacat, pour séparer les mots entre eux.

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4. Fragment de dédicace de statue érigée en l’honneur de Théophaneia, possible prêtresse d’Artémis [Ier s. av. J.-C. – Ier s. ap. J.-C.]

19 Éditions : A.K. ORLANDOS, AD XVIIIB (1963), 96; PAAH (1962), n° 2 p. 111-112 et pl. 113a; Ergon 1962 (1963), 130 avec photo fig. 156 (SEG 23 [1968], 219; M. ZUNINO [1997], T 32 p. 40). Cf. G. DAUX, BCH 87 (1963), 774 avec photo p. 775 et fig. 11; voir également P. THÉMÉLIS (1994), photo = fig. 17 p. 114.

Δαμοφῶν Ξενοφίλου Damophon, fils de Xénophilos,

τὰν γυναῖκα (a dédié la statue de) sa femme Θεοφάνειαν Φιλωνίδα. Théophaneia, (fille) de Philonidas.

Cette base ayant été trouvée in situ dans la partie septentrionale de la salle K, Thémélis en a conclu que Théophaneia devait être prêtresse d’Artémis.

5. Consécration à Artémis de la statue de Timaréta par ses parents [Ier s. av. J.- C. – Ier s. ap. J.-C.]

20 Éditions : A.K. ORLANDOS,PAAH (1962), 112, n° 3 (avec photo pl. 113b et fig. b) (SEG 23 [1968], 221; M. ZUNINO [1997], T 34 p. 41; E.L. BRULOTTE [1994], 170a p. 245-246). [Iers. av. J.- C. selon Thémélis, Iers. ap. J.-C. selon Orlandos]

Θιώτας καὶ Σοφαρχὶς Τιμαρέταν Thiôtas et Sopharchis (ont dédié la statue de)

τὰν θυγατέρα vacat ᾿Αρτέμιδι. leur fille Timaréta. À Artémis.

6. Fragment de dédicace à Artémis de la statue d’une jeune fille par ses parents [ép. impériale]

21 Éditions : A.K. ORLANDOS,PAAH (1962), 112γ n° 9 (SEG 23 [1968], 222; M. ZUNINO [1997], T 38 p. 42; E.L. BRULOTTE [1994], 170a p. 246).

Φλ[αβίαν - - - Φλαβίου - - - -] θυ[γατέρα ᾿Αρτέμιδι(?)]. Pour les restitutions, voir précédente inscription. Cela reste cependant hypothétique.

7. Consécration à (Artémis) Ortheia de la statue de Mégô par ses parents [Ier s. av. J.-C. – Ier s. ap. J.-C.]

22 Éditions : A.K. ORLANDOS, AD XVIIIB (1963), 96 (avec photo, pl. 112a); A.K. ORLANDOS, PAAH (1962), 110-111 (avec photo pl. 112b et fig. b) cf. Ergon 1962 (1963), 127-128; G. DAUX, BCH 87 (1963), 773. (J. et L. ROBERT, BE 77 (1964), 193 p. 169; SEG 23 (1968), 220; M. ZUNINO [1997], T 30 p. 39-40; E.L. BRULOTTE [1994], 170c p. 248 sans les deux lignes de textes gravées sur le bandeau). Datation : A.K. Orlandos datait l’inscription, d’après l’écriture, du Ier siècle ap. J.-C. P. Thémélis propose, pour sa part, d’en faire une inscription du Ier s. av. J.-C. (1994, p. 115).

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a. [Δαμόνικος - - -]ς, Τιμαρχὶς Δαμαρχίδα ἱερατεύσαντες

[Μεγὼ] τὰν θυγατέρα. b. τᾷ Παρθένῳ τὰν παῖδά σοί με, πότνια ᾿Ορθεία, Δαμόνικος ἠδ᾿ ὁμευνέτις Τιμαρχίς, ἐσθλοῦ πατρός, ἄνθεσαν Μεγὼ τεὸν χερὶ κρατεύσασαν, ῎Αρτεμι, βρέτας 5 ἅν τε πρὸ βωμῶν σῶν ἔτεινα λαμπάδα· εἴη δὲ κἀμὲ τὰν ἐπιπρεπέα χάριν τεῖσαι γονεῦσιν· ἔνδικον γὰρ ἔπλετο καὶ παισὶ τιμᾶν ἐμ μέρει φυτοσπόρους.

Apparat critique : a : Deux lignes inscrites sur le bandeau de la base. b : Corps de la dédicace sous forme d’épigramme. Damonikos [...], Timarchis, (fille) de Damarchidas, qui ont exercé la prêtrise, (dédient) leur fille [Mégô]. À toi la Vierge, moi la jeune fille (pais), ô vénérable Ortheia, Damonikos et son épouse Timarchis, (fille) d’un noble père, me dédièrent, moi, Mégô, qui a fermement tenu en main, ô Artémis, ton idole (brètas)47, et qui, devant tes autels, a tenu les torches allumées. Que je sois digne de la bienveillance de mes parents qui se sont donné du mal et ont payé, car il est juste, pour les enfants, d’honorer chacun de ses parents.

23 Toujours est-il que, loin d’avoir entamé la conviction des modernes sur l’identité de la déesse, la mise au jour de tout ce matériel épigraphique les a finalement conduits à faire d’Artémis tout à la fois une Ortheia, une Phôsphoros et une Oupèsia. On s’est d’autant plus accommodé de cette polyonymie que d’une part dès les premières lignes de son Hymne à Artémis, Callimaque fait d’Artémis une « déesse aux mille noms »48 et que d’autre part on a considéré que toutes ces « épiclèses » avaient rapport à l’initiation49. Citons M. Zunino : « La “Diritta”, la “Luminosa” e “Colei che guarda” sono dunque la medesima divinità, variamente caratterizzata da quella compresenza di opposti tipica delle divinità che presiedono ai passaggi »50. Aussi P. Thémélis identifie-t-il in fine l’oikos Κ comme étant un « temple d’Artémis Orthia et Phôsphoros »51. Le procédé permet certes de rendre compte de l’ensemble de la documentation disponible, mais quelle en est la valeur ? Faut-il considérer que cette Artémis est une divinité à épiclèses multiples ? L’attitude des modernes est, de ce point de vue, assez déconcertante, et l’on peut à bon droit s’interroger sur le caractère artificiel du procédé qui consiste à assimiler tout adjectif se rapportant à une divinité, fût-il épithète, à une épiclèse divine. Pour nous en tenir à la seule Artémis de Messène, un rapide bilan permet de mettre clairement en évidence cette tendance des modernes et invite à un réexamen d’ensemble du dossier.

Les Artémis messéniennes

24 Si l’on en croit Brulotte, l’Artémis de Messène porterait les noms suivants : Orthia (n° 169 et 170c), Phôsphoros (170e), Oupisias (170d), Laphria (170b), Limnatis (174 et 168), et Hagémona (171). Il est clair qu’en l’occurrence l’auteur considère qu’il existe autant d’épiclèses que de qualificatifs accolés au nom de la déesse52.

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25 Si l’on s’en tient aux sources littéraires relatives à la Messénie, on constate que, outre l’Artémis Paidotrophos de Coroné (IV, 34, 6), Pausanias indique la présence de trois Artémis à Messène : une Artémis Laphria, dont il dit avoir vu la statue (IV, 31, 7)53, la célèbre Artémis Limnatis dont il connaît le sanctuaire (IV, 4, 2; 31, 3) 54, et l’Artémis de l’Asklépieion, qu’il qualifie de Phôsphoros (IV, 31, 10). Liste que l’on peut compléter d’une mystérieuse Artémis Eleia (avec un esprit doux), selon le témoignage d’Hésychios55, et d’une éventuelle Éphésia, selon la manière que l’on a de comprendre un passage de Pausanias relatif à l’omniprésence de cette divinité. En IV, 31, 8, il rapporte en effet que : « Des Achéens, seuls les Messéniens et les Patréens ont hérité du nom Laphria, tandis que toutes les cités reconnaissent l’Artémis Éphésia, que les hommes tiennent, parmi les dieux, particulièrement en honneur. La raison en vient, selon moi, du renom des Amazones, que l’on tient pour avoir dédié son effigie, non moins que de l’antiquité de son sanctuaire »56. Mais faut-il inclure Messène et Patras dans les cités qui vénèrent l’Éphésia, ou se singularisent-elles en ayant adopté la Laphria plutôt que l’Éphésia ? Je ne puis malheureusement pas répondre à cette question.

26 La documentation épigraphique, quant à elle, n’a, à ce jour, confirmé l’existence que de la Limnatis (IG V 1, 1431, l. 38; 1458, l. 5; SEG 39, 384, l. 1), tout en faisant connaître une Artémis Orthia (ou Ortheia), ainsi, semble-t-il, qu’une Oupèsia, une Hagémona, une Gorgô et une Hécate. C’est en tout cas la liste que l’on peut dresser à partir de la lecture des modernes. Mais cette liste mérite d’être sérieusement amendée. Bien évidemment, l’absence de confirmation épigraphique n’exclut pas nécessairement l’existence de la Laphria, de la Phôsphoros, de l’Éphésia et de l’Héleia/Eleia. Indépendamment de cet état de fait, je suis cependant convaincu qu’il faut rayer de cette liste au titre de fantômes : la Phôsphoros, l’Oupis et/ou Oupèsia, l’Hécate, la Gorgô, et l’Hagémona. Quant à l’Héleia et à l’ Éphésia, je crains que l’on ne puisse guère avoir de certitude sur leur existence cultuelle.

27 Pour l’Hécate, la Gorgô et l’Hagémona, les choses sont à peu près claires. L’existence de la première ne tient en effet qu’à la découverte, dans le secteur situé au nord-ouest de l’Odéon, de ce qui semble être un support pour vase d’eau lustrale formé d’une statue en marbre à trois faces. On en conclurait aisément à l’existence d’une triple Hécate si l’inscription figurant sur la colonne lui servant de support ne s’adressait à Artémis57. Rien, cependant, n’autorise à en faire une Artémis Hécate.

28 De la même manière, l’existence d’une Artémis Gorgô ne tient qu’à la présence, sur un monument votif trouvé au nord-est du gymnase en 1995, dans le sanctuaire de la Mère des Dieux, de la dédicace suivante : Ἀρτέμιτι Γοργοῖ58. Thémélis pensait qu’il devait s’agir d’un datif, et accentuait donc le terme ainsi. Toutefois, comme l’a suggéré Stroud59, il faut vraisemblablement y lire le nom du dédicant au nominatif : Γοργόι. La chose est d’autant plus probable que ce nom est par ailleurs attesté à Messène60. Précisons en outre que, là encore, il s’agit d’un Hékataion, c’est-à-dire d’un monument à trois faces.

29 Enfin, s’il est vrai que diverses attestations épigraphiques du monde grec permettent de dire qu’Artémis est appelée Ἡγεμόνη ou Ἡγεμών, ou encore Ἁγεμόνα ou Ἁγεμών en dialecte dorien61, ce n’est pas le cas à Messène. Et si l’on a un temps cru pouvoir l’identifier sur une inscription lacuneuse62, la découverte fortuite à Messène, à l’est de l’Asklépieion, d’un fragment jointif à gauche de cette inscription a permis de constater qu’il n’en était rien63. Ainsi que l’a bien vu P. Thémélis, Hégémone désigne à Messène l’héroïne éponyme de la cité64.

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30 Exit, donc, l’Hécate, la Gorgô, et l’Hagémona. Si l’on écarte l’Heleia/Eleia au motif qu’il doit s’agir d’un « doublet » de la Limnatis (« du marais »)65, ainsi que l’Éphésia, ne reste plus que la Phôsphoros et l’Oupèsia/Oupis.

Ortheia – Phôsphoros – Oupis

31 De l’étude combinée des aménagements de l’Asklépieion, de la documentation épigraphique disponible et du témoignage de Pausanias, il ressort clairement que, d’une part, Pausanias qualifie de Phôsphoros l’Artémis que les inscriptions nomment Ortheia, et que, d’autre part, une série d’inscriptions en rapport avec le culte de cette même Artémis émanent de synèdres de l’Oupèsia. La question qui se pose est donc la suivante : cela suffit-il à faire de la divinité une Artémis tout à la fois Ortheia, Oupis et Phôsphoros, c’est-à-dire une divinité à épiclèses multiples ? Ou, sans aller jusqu’à parler d’épiclèses multiples, puisqu’elles ne sont jamais accolées, pourra-t-on dire qu’Artémis Ortheia est également qualifiée de Phôsphoros et d’Oupèsia/Oupis ? On sait que cela existe. Pausanias est d’ailleurs un témoin régulier d’une telle situation. Il rapporte souvent les différents noms de telle ou telle divinité. Pourtant, je doute encore qu’il s’agisse bien de cela dans le cas présent.

32 Il convient tout d’abord de rappeler l’absence de preuve formelle de l’existence d’une Artémis Oupèsia à Messène. Son hypothétique identification ne repose, comme je l’ai dit, que sur sept témoignages épigraphiques évoquant une institution : celle des Synèdres de l’Oupèsia. En voici la liste66 : • SEG 23 (1968), 208 : Décret de l’Oupèsia en l’honneur de Mnasistratos trouvé devant le temple K [42 ap. J.-C.] • SEG 23 (1968), 215 : Dédicace de l’Oupèsia honorant Eirana, prêtresse d’Artémis [IIe-IIIe s. ap. J.-C.] • SEG 23 (1968), 217 : Dédicace des gérontes sacrés honorant Klaudia, prêtresse d’Artémis Ortheia [IIe-IIIe s. ap. J.-C.] • SEG 23 (1968), 216 : Dédicace de l’Oupèsia honorant la prêtresse Kallis [IIe-IIIe s. ap. J.-C.] • SEG 45 (1995), 296 : Fragment d’un décret des synèdres. [IIe-IIIe s. ap. J.-C.] • IG V 1, 1346, avec la rectification, l. 1, de J. et L. Robert, BE 79 (1966), 202 p. 379 : Inscription honorifique d’époque impériale émanant de l’Hiéra Oupèsia d’une cité messénienne en l’honneur de Caius Julius Épaphrodite [163 ap. J.-C.] • SEG 11 (1954), 982 : Dédicace de la cité en l’honneur d’Asklépiadès, fils de Mnasistratos, membre du Conseil sacré [Ier-IIe s. ap. J.-C.]

33 Différents éléments permettent de confirmer les liens étroits qui unissent ces Synèdres à Artémis. Il y a tout d’abord le lieu de trouvaille de la plupart de ces documents : l’oikos Κ. Le décret honorifique pour Mnasistratos nous apprend ensuite que ce dernier devait être « chaque année couronné par les épimélètes de l’Oupèsia de la couronne d’Artémis, à l’occasion du concours des Ithômaia » (l. 21-23 : στεφανοῦσθαι δὲ αὐτὸν κατὰ ἔτος ὑπὸ τῶν ἐπιμελητᾶν ἐν τῷ ἀγῶνι τῶν ᾿Ιθωμαίων τῷ τᾶς ᾿Αρτέμιτος στεφάνῳ). Pourquoi, dès lors, ne pas considérer ces synèdres comme des synèdres d’Artémis Oupèsia, de la même manière que l’on connaît, par exemple à Athènes, un κοινόνdes Sôteriastes par un décret honorant le prêtre d’Artémis Sôteira, Diodôros Sôkratous Aphidnaios67 ? D’autant que le témoignage de Callimaque semble confirmer la chose.

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34 On apprend en effet, dans l’Hymne que le savant poète alexandrin a consacré à Artémis, qu’Oupis est à la fois le nom de l’une des vierges hyperboréennes et une épiclèse d’Artémis68. C’est d’ailleurs ce que répètent, à sa suite, les lexicographes et glossateurs69. Mais le vers 204 de l’Hymne à Artémis est particulièrement intéressant pour nous, étant donné que la Reine Oupis n’est rien moins qu’une Artémis « qui porte les torches » : Οὖπι ἄνασσ’ εὐῶπι φαεσφόρε, καὶ δέ σε κείνης Κρηταέες καλέουσιν ἐπωνυμίην ἀπὸ νύμφης. Reine Oupis, reine au beau visage, toi qui portes les torches, c’est sous le surnom de cette nymphe que les Crétois t’invoquent70.

35 Oupis – Oupèsia – Phôsphoros : la boucle était bouclée. Il n’en a guère fallu plus, en tout cas, pour que Brulotte, Zunino, et tout dernièrement N. Deshours71, fassent d’Oupèsia à Messène une épiclèse d’Artémis, et que la déesse soit confondue avec la Phôsphoros et l’ Ortheia. Si l’on ajoute à cela le mimétisme de Mégô et d’Artémis lorsqu’il s’agit de tenir les torches, puisque le texte de la dédicace précise que Mégô a « tenu les torches allumées » aux autels d’Artémis (cf. ci-dessus), toute critique peut sembler superfétatoire.

36 L’argument me semble toutefois fallacieux. L’hymne de Callimaque est à n’en pas douter une savante monographie divine, sorte de synthèse du temps écrite sur le mode du « tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Artémis ». Nous n’avons donc aucune raison de douter de l’existence d’une Artémis crétoise appelée Oupis. Mais cela ne suffit pas pour en inférer l’existence d’une Artémis Oupis ou Oupèsia à Messène. De la même manière, ce n’est pas parce que l’on connaît des Sôtériastes, dévots d’Artémis Sôtéria, à Athènes à l’époque impériale, que les synèdres de l’Oupèsia, à Messène, sont nécessairement les dévots d’une Artémis Oupis. Au contraire, la dédicace des gérontes sacrés en l’honneur de la prêtresse Klaudia (SEG 23 (1968), 217, cf. ci-dessus), évoque en toutes lettres l’Artémis Ortheia de l’oikos Κ ! Notons pour finir que les synèdres de l’Oupèsia ne s’occupent d’ailleurs pas exclusivement du culte d’Artémis, mais également de celui des Sébastoi (cf. le décret en faveur de Mnasistratos SEG 23 [1968], 208, l. 8). De sorte qu’il faut en conclure que l’Oupèsia n’est finalement qu’un nom savant récupéré à l’époque impériale pour qualifier un collège de gérontes sacrés. Les collèges de ce type sont monnaie courante à l’époque hellénistique. Et puis Macrobe lui- même n’évoquait-il pas « l’extrême érudition » d’un Virgile, pour avoir exhumé semblable terme72 ?

37 Quant à l’allusion aux torches, elle est loin d’emporter la décision, étant donné qu’il s’agit là d’un lieu commun à propos d’Artémis. Callimaque ne s’adresse-t-il pas lui- même ainsi à la déesse : « Où fut coupé le pin de ta torche, à quelle flamme allumé ? Sur l’Olympe de Mysie; et tu l’enflammas au feu toujours vivace qu’épandent de leur pointe les foudres de ton père » (v. 116-118 : ποῦ δ’ ἔταμες πεύκην, ἀπὸ δὲ φλογὸς ἥψαο ποίης; | Μυσῷ ἐν Οὐλύμπῳ, φάεος δ’ ἐνέηκας ἀυτμήν | ἀσβέστου, τό ῥα πατρὸς ἀποστάζουσι κεραυνοί). Or, dans ces vers, il n’est pas question de la seule Oupis, mais bien d’Artémis en tant que déesse phôsphoros (avec une minuscule à l’initiale). Ce qui nous introduit au cœur du sujet, à savoir celui du rapport entre le nom et l’image de la divinité.

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3. De l’épiclèse au type iconographique

38 Je l’ai dit, je ne crois pas que le terme phôsphoros ait, chez Pausanias, le plein sens d’épiclèse de la déesse. Il y a bien évidemment le fait qu’aucune inscription n’est là pour attester sa présence, mais ce n’est pas un argument suffisant. On sait en effet combien il est dangereux de se fonder sur un argument a silentio pour arriver à une telle conclusion. Ainsi, pour ne prendre que le cas de la Limnatis et de la Laphria dont Pausanias mentionne la présence à Messène, ce n’est pas parce que seule la première est épigraphiquement attestée (IG V 1, 1431, l. 38;1458, l. 5; SEG 39, 384, l. 1) qu’il faut douter de l’existence de la seconde. Mais là encore, comparaison n’est pas forcément raison. Le cas d’Artémis Laphria n’est en rien comparable à celui de la Phôsphoros, me semble-t-il, du fait que cette dernière correspond à un type iconographique ! Or, si l’on n’a pas trouvé trace, à Messène, d’une telle épiclèse, c’est précisément parce que Pausanias reconnaît un « type » consacré pour représenter la déesse Artémis. Un type d’autant plus répandu que Praxitèle l’a lui-même adopté pour réaliser la statue colossale d’Anticyra. Il est intéressant de noter que l’on en doit la description à Pausanias (X, 37, 1) et qu’il en a retenu les trois critères iconiques suivants : la torche (δᾷδα ἔχουσα τῇ δεξιᾷ), le carquois (καὶ ὑπὲρ τῶν ὤμων φαρέτραν), et le chien (παρὰ δὲ αὐτὴν κύων ἐν ἀριστερᾷ). Ce type de la « phôsphoros chasseresse » est celui que l’on trouve sur une monnaie messénienne de Thouria73, et celui qu’épousent un certain nombre de figurines de terre cuite trouvées sur la terrasse du temple Σ774. Cela me semble d’autant plus vraisemblable que Pausanias est, on le sait, particulièrement attentif à ces questions d’iconographie75.

39 Il paraît donc assuré qu’Artémis Phôsphoros est à rayer du panthéon de la cité des Messéniens. Cet adjectif n’a valeur que d’épithète, non d’épiclèse. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une appellation cultuelle de la divinité à Messène. Pausanias n’utilise le terme que pour évoquer l’aspect de sa statue, ou, mieux, un « archétype iconographique » : c’est une Artémis portant la (les) torche(s). L’on a bien affaire ici à une statue divine copiée sur un modèle, celui de la Phôsphoros, mais cela ne fait pas nécessairement de cette Artémis messénienne une Artémis Phôsphoros, de la même manière qu’à Délos par exemple c’est sous ces traits qu’est représentée Artémis Sôteira. Un relief du Musée de Délos (A 3236) figure en effet une jeune fille représentée en chitôn court, bottes aux pieds, tenant une torche dans chaque main, un carquois sur l’épaule, tandis qu’un chien vient compléter la scène. G. Siebert y a sans mal reconnu le type iconographique bien attesté à l’époque hellénistique de ce qu’il est convenu d’appeler « la Phôsphoros chasseresse » 76. Or, l’épigramme qui l’accompagne ne s’adresse nullement à une Artémis Phôsphoros, mais à une Artémis Sôteira77(ID 2379). Les choses peuvent sembler moins nettes si l’on tient compte du fait que parmi les cinq attestations de la présence d’une Artémis Sôteira à Délos78, une inscription mentionne à la fois la Sôteira et la Phôsphoros79. Mais il faut ici suivre J. Marcadé lorsqu’il commentait : « Laissons de côté la dédicace métrique IG XI 4, 1276 (ἄγαλμα consacré à Artémis, au IIIe siècle par le Macédonien Lysimachos πολυκτεάνωι παρὰ ναῶι); il est douteux que les qualificatifs σώτειρα et φωσφόρος donnés à la déesse aient la pleine valeur d’épiclèse »80. Il n’est pas indifférent, en effet, qu’elle émane d’un Macédonien, c’est-à-dire d’un étranger.

40 C’est donc sous les traits d’une phôsphoros que Damophon a sculpté l’image de l’Artémis Ortheia de Messène, comme c’est sous les traits d’une phôsphoros qu’il a sculpté l’Artémis

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du groupe statuaire du sanctuaire de Despoina à Lycosoura81. Le fait que Pausanias n’en ait pas donné l’épiclèse exacte n’a rien pour surprendre. Il suffit, pour s’en convaincre, d’évoquer les prétendues attestations cultuelles d’Aphrodite Hôplisménè qu’aurait mentionnées le même Pausanias. Je m’appuierai pour ce faire sur l’étude de V. Pirenne- Delforge, à qui j’emprunte largement le développement suivant.

41 On remarque d’abord que chaque fois que le Périégète a employé le terme hôplisménè, c’était pour qualifier une statue, xoanon ou agalma. S’agissant d’Aphrodite, la liste est la suivante82 : la déesse de l’Acrocorinthe (II, 5, 1); la déesse de Sparte (III, 15, 10); la statue de la déesse de Cythère (III, 23, 1).

42 Dans le cas de l’Aphrodite de l’Acrocorinthe, il faut se rallier à l’interprétation prudente qu’elle en a donnée83. Il est d’autant moins probable qu’hôplisménè ait été pour la déesse un « titre cultuel effectif », c’est-à-dire une épiclèse, que le type statuaire que reproduisent les monnaies impériales de la cité offre l’image d’une déesse à moitié nue admirant son reflet dans un bouclier tenu à bout de bras84. V. Pirenne-Delforge en conclut : « une autre interprétation confère à l’adjectif une simple valeur descriptive ne se référant plus qu’au bouclier ».

43 Mais ce n’est pas le cas le plus intéressant pour notre propos. L’Aphrodite spartiate offre en effet un parallèle bien plus éloquent. Pausanias y mentionne certes l’existence d’une Aphrodite « en armes », mais les manuscrits livrent deux leçons différentes85. Les uns portent : Ἀφροδίτης ξόανον ὡπλισμένης, de sorte que hôpliménès ne peut qualifier que la déesse, mais un autre manuscrit (L) offre la lecture Ἀφροδίτης ξόανον ὡπλισμένον, l’adjectif s’appliquant alors à la statue. La concurrence de ces deux versions ne laisse guère de place au doute concernant la nature de cette divinité. Mais la question de savoir s’il s’agit d’une statue de l’Aphrodite Hoplisménè, ou d’une statue d’Aphrodite représentée portant les armes n’est pas sans importance d’un point de vue religieux. Or, il se trouve que nous avons la chance de posséder un texte qui vient trancher la question. Il s’agit d’une inscription du IIIe siècle ap. J.-C. qui précise qu’entre autres divinités, la prêtresse dia biou kai dia génous Pompôlia Kallistoneikès, fille d’Aristéos, desservait une Aphrodite Enoplios86. Si l’on ajoute à cela que cette épiclèse est également attestée par Plutarque87, il est clair, ainsi qu’a conclu V. Pirenne-Delforge, que l’interprétation la plus simple est de ne conférer à l’adjectif hôplisménè qu’une valeur descriptive, sachant que l’épiclèse peut être ici Ourania (comme c’est en fait le cas à Cythère), là Enoplios (comme à Sparte).

44 Si l’on tire les leçons de tout ceci, il est clair que, de la même manière, l’adjectif phôsphoros, lorsqu’il est utilisé pour qualifier une statue, ne peut être assimilé à l’épiclèse de la divinité ainsi représentée. Ce qui invite à poser le problème de l’identification du divin par le nom et par l’image. Comme le nom, qui fait partie intégrante de l’identité de la divinité, la représentation implique, peut-on penser, un minimum de ressemblance avec son être au monde, de manière à renvoyer à l’« essence » de la divinité. En d’autres termes, la question qui se pose est la suivante : une représentation divine, une statue, permet-elle de reconnaître une divinité, de l’identifier précisément, bref d’en connaître l’épiclèse ? D’aucuns l’ont admis. Ainsi, arguant de l’existence d’un xoanon représentant Aphrodite en armes à Sparte 88, C. Jourdain-Annequin commentait, il y a peu : « Souvent, la statue représente la divinité avec l’attribut même de ses fonctions ». Elle s’empresse toutefois d’ajouter : « Mais poursuivre dans cette voie serait conduire une étude des épiclèses plus encore que des représentations divines », de sorte qu’elle laisse la question en suspens89. Elle semble

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toutefois considérer que les traits spécifiques d’une statue cultuelle sont directement déterminés par l’épiclèse de la divinité représentée.

45 Un certain nombre d’exemples significatifs semblent d’ailleurs accréditer cette idée, dont le plus évocateur est, sans doute, l’histoire du prodige qui s’est produit à Magnésie du Méandre et qui aurait conduit les Magnètes à consulter l’oracle de Delphes vers 200 av. J.-C.90. Si au creux du platane brisé par le vent les Magnètes ont reconnu Dionysos Bacchos, c’est précisément, indiquait L. Robert, parce qu’il s’agit d’un ἀφιδρύμα, c’est-à-dire d’une « copie de l’image traditionnelle du dieu »91. Si l’on y reconnaît un Bacchos, c’est qu’il en possède les traits spécifiques. De sorte que l’on peut se poser la question de savoir si l’Artémis qu’a vue Pausanias à Messène n’est pas, de la même manière, un aphidryma d’une Artémis ? Combien d’idoles sont des copies, des reproductions d’un type canonique, ou d’un agalma ou xoanon originel ?92

46 Mais ce phénomène est-il vraiment comparable au problème qui nous préoccupe ? Certes, comme les Magnètes, Pausanias s’attache, dans la mesure du possible, à nommer les dieux, mais il n’est pas dans les mêmes dispositions qu’eux : il n’a pas à essayer de s’en tirer au mieux avec le divin. Son souci, c’est d’abord de décrire ce qu’il voit, d’éventuellement le nommer, et de se faire ensuite comprendre de son lecteur. Aussi me paraît-il difficile de répondre par l’affirmative à la question de savoir si la simple vue d’une statue cultuelle lui permet d’en connaître le nom.

47 Pour s’en convaincre, on peut envisager le problème sous un autre angle : celui du sculpteur. Comment un sculpteur s’y prend-il pour fabriquer une statue divine ? La démarche est alors totalement inverse par rapport à ce que l’on a pu dire des Magnètes. Il n’a pas à nommer, mais à représenter. Le problème est alors celui de la statuaire grecque et de ses modèles. À quel modèle un sculpteur se réfère-t-il pour exécuter une œuvre de commande ? Mais surtout, quel traitement réserve-t-il à l’épiclèse divine ? Dans le cas qui nous intéresse, on peut légitimement se poser la question de savoir si l’artiste est relativement libre d’interpréter comme bon lui semble l’image d’Artémis, ou si le cahier des charges imposé par la cité commanditaire est précis. Il semble bien que le nom de la divinité prime sur celui de l’épiclèse, mais il est plus difficile de répondre à la question de savoir dans quelle mesure l’épiclèse intervient dans la réalisation de l’artiste.

48 Ce problème de la représentation du divin n’est pas nouveau, puisque Dion Chrysostome, dans son Discours olympique, daté de 97 ap. J.-C., se l’est posé. Dans ce discours, qui met en scène le célèbre sculpteur Phidias, il fait dire à ce dernier combien il est difficile, pour l’artiste, d’arriver à brosser le portrait d’une divinité comme Zeus, alors que c’est toute la force du poète d’arriver par les mots à définir, par le biais des épiclèses, une telle entité divine93. On sait que le sens général du discours est inverse, puisque finalement Dion en conclut que l’on ne représente pas indifféremment tel ou tel dieu, que c’est en tout cas le mérite de l’artiste que d’y arriver. Mais sa « démonstration » est loin d’emporter la décision.

Épilogue

49 Artémis est bel et bien attestée, dans un certain nombre de cités du monde grec, sous l’épiclèse de Phôsphoros94. Je pense cependant avoir pu établir que la seule fois que Pausanias a recours à ce terme ce n’est pas pour évoquer l’épiclèse de la divinité mais bien son type iconographique. Aussi aimerais-je risquer, en guise d’épilogue à cette

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étude, quelques remarques plus générales sur la logique narrative qui soutient le texte de Pausanias.

50 Un temps congédié par les historiens et dénigré par les philologues95, Pausanias n’en a pas moins été salué pour son utilité par les archéologues et élevé au rang de précieux informateur par les historiens des religions pour les renseignements nombreux et souvent uniques qu’ils peuvent y puiser. Sa Périégèse constitue indéniablement une précieuse mine d’informations pour l’étude du polythéisme grec, et les historiens des religions sont particulièrement sensibles à l’intérêt porté par Pausanias aux épiclèses divines. Comme mû par un désir de ne pas s’en tenir qu’aux grandes figures divines archétypales, il a le souci de « traquer » les appellations locales des dieux. Tout cela est bien connu.

51 On a cependant été moins attentif au fait que Pausanias est également animé d’un véritable « souci de pertinence iconographique »96, et, surtout, que cela participe pleinement de sa lecture du panthéon des cités. Il est clair que Pausanias a largement recours à une « stratégie interprétative » du panthéon des cités qui passe par l’étude de la statuaire, ou plus généralement des œuvres d’art. Il semble bien user de manière privilégiée d’un système de référence iconographique pour mettre un peu d’ordre dans ce foisonnement divin. En le lisant on peut véritablement se faire une idée de l’image du monde des dieux grecs. C’est un amateur d’art. Si l’on lui dénie le titre d’Ur-Baedekker, comment ne pas en faire un Ur-Winckelmann ? D’autant que, indéniablement, un certain nombre de passages dénotent une certaine indépendance d’esprit de Pausanias. Il n’est pas rare, en effet, de le voir trancher une question concernant l’identification de telle ou telle statue, ou une scène figurée, au détriment de la version qu’ont pu lui livrer ses informateurs locaux.

52 C’est d’ailleurs déjà à peu de choses près la conclusion que je tirais de la confrontation des sources concernant l’existence supposée de Grandes Déesses à Messène. Lorsque Pausanias disait avoir vu les statues des Grandes Déesses dans l’alsos se trouvant à proximité des ruines d’Andanie97, il s’agissait à l’évidence d’une interprétation de la réalité cultuelle du lieu98. C’est parce qu’il considérait que Déméter et Hagna formaient à elles deux une dyade qu’il en avait fait des Grandes Déesses, et qu’il avait été amené à faire d’Hagna une épiclèse de Korè99. Le procédé en est clairement énoncé au chapitre 31 de ses Arkadika : décrivant les statues qui se dressent sur l’agora de Mégalopolis, Pausanias précise en effet que100 « à l’autre extrémité du portique (Aristandreios), vers le couchant, est attenant un enclos consacré aux Grandes Déesses; ces Grandes Déesses sont Déméter et Korè, comme je l’ai déjà indiqué dans le livre sur la Messénie ». Ainsi que l’a fort justement signalé M. Jost dans son commentaire ad loc., à aucun moment Pausanias n’est explicite sur ce point dans ses Messéniaka. Mais ce qui importe pour le présent propos, c’est qu’il s’agit d’un véritable procédé de décryptage du polythéisme grec passant d’abord par la lecture des images. Pausanias se fie à ce qu’il voit avant d’en venir à l’exégèse, aux noms. Ce qui s’explique en partie par le fait que, comme le disait récemment V. Pirenne-Delforge, « en dépit d’une distanciation qui affleure çà et là, Pausanias évolue dans un contexte de croyances auxquelles il adhère encore largement et dont il tente de conserver la mémoire »101.

53 Il faut donc en conclure que Pausanias a été, comme Dion Chrysostome, sensible au mode de représentation des dieux grecs, au point de considérer que l’image des dieux participe autant de leur être au monde, de leur personnalité, que l’épiclèse. Dans le même temps, cependant, lorsque Damophon est amené à représenter Artémis Ortheia,

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c’est sous les traits d’une Artémis plus que d’une Orthia qu’il la façonne. Preuve que l’épiclèse n’entre que partiellement dans le mode de représentation, que l’image ne renvoie qu’à une facette de la personnalité de la divinité représentée, sans en rendre l’épiclèse totalement transparente102.

54 Si ces remarques conclusives ne sont pas totalement dénuées de fondement, cela permettrait peut-être d’expliquer le fait que, comme l’a fait remarquer V. Pirenne- Delforge, chez Pausanias « les épiclèses sont le plus souvent circonstancielles et ne font pas “éclater” le dieu… »103. Si l’on fait le pari de la cohérence, on est en effet nécessairement amené à en conclure que si « les épithètes n’affectent pas le dieu » chez Pausanias, c’est bien parce que les épiclèses ne reçoivent le plus souvent pas de traitement iconographique particulier. « Le plus souvent », « vraisemblablement », je ne puis, pour le moment, mieux dire, conscient du fait qu’il est très difficile de passer, en la matière, du particulier au général. Pour être « un auteur de plus en plus fréquenté », Pausanias n’en est pas moins un auteur à relire, encore et encore.

NOTES

1. « The Messene Theseus and the Ephebes », in Zona Archeologica. Festchrift für Hans Peter Isler zum 60. Geburtstag, Bonn, 2001, p. 407-419, ici p. 414. Cet article est la traduction du chapitre « Ὁ Θησέας καὶ οἱ ἔφηβοι » de son ouvrage Ἥρωες καὶ ἥρωα στὴ Μεσσήνη , Athènes, 2000, p. 59-87. L’iconographie du volume grec est toutefois bien plus riche et de meilleure facture. 2. Pausanias, IV, 32, 1 : τὰ δὲ ἀγάλματα <τὰ> ἐν τῷ γυμνασίῳ ποιήματά ἐστιν ἀνδρῶν Αἰγυπτίων, ῾Ερμῆς καὶ ῾Ηρακλῆς τε καὶ Θησεύς. τούτους μὲν δὴ τοῖς πᾶσιν ῞Ελλησι καὶ ἤδη τῶν βαρβάρων πολλοῖς περί τε γυμνάσια καὶ ἐν παλαίστραις καθέστηκεν ἔχειν ἐν τιμῇ. Sur les sculpteurs alexandrins dont quelques inscriptions messéniennes ont conservé les noms, cf. P. THÉMÉLIS, EAH (1995) [1996], p. 35 inv. 7595 α-δ (SEG 45 [1995], 318); PAAH 150 [1995] (1998), p. 79-83 et pl. 32a (SEG 46 [1996], 421; M. SÈVE, BE 112 [1999], n° 85 p. 583); Chr. HABICHT, « Beiträge zur Prosopographie der hellenistischen Welt. 3. Ein alexandrinischer Bildhauer », Studii Clasice (Bucareste) 24 (1986), p. 96-97; id., « Neues aus Messene », ZPE 130 (2000), p. 122. 3. Il ne fait aucun doute, aux yeux du fouilleur, que c’est bien cette statue que guides et/ou informateurs ont désignée à Pausanias comme étant celle de Thésée. 4. Quatre inscriptions attestent formellement la présence d’une Artémis Ortheia dans ce secteur de l’Asklépieion (les deux premières ont été trouvées dans la salle Κ, les deux autres sur la terrasse du temple Σ7) : SEG 23 (1968), 217 [dédicace pour une prêtresse d’Artémis Ortheia, IIe-IIIe s. ap. J.-C.]; SEG 23 (1968), 220 [dédicace de la statue d’une certaine Mégô à Ortheia par ses parents, Ier s. av. J.-C. – Ier s. ap. J.-C.]; SEG 41 (1991), 365 [dédicace à Artémis Ortheia par un agonothète, IIIe s. av. J.-C.]; SEG 43 (1993), 151 [fragment de dédicace à Artémis Ortheia, Ier s. av. J.-C. – Ier s. ap. J.- C.]. Ces textes sont cités infra. 5. Voir ci-dessous. 6. Cf. L. PIOLOT (1999). 7. L’existence d’inscriptions émanant de « gérontes sacrés de l’Oupèsia » dans ce même secteur de l’Asklépieion a en effet invité quelques modernes à considérer qu’il devait s’agir d’une épiclèse d’Artémis. Nous verrons cependant ci-dessous ce qu’il faut en penser.

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8. « Le langage des épiclèses dans le polythéisme hellénique (l’exemple de quelques divinités féminines). Quelques pistes de recherche », Kernos 11 (1998), p. 13-34. 9. J’emprunte à A. JACQUEMIN le terme de « malentendu » (« Pausanias, le sanctuaire d’Olympie et les archéologues », in D. KNOEPFLER, M. PIÉRART [2001], p. 283-300). Voir également M. PIÉRART, « Omissions et malentendus dans la ‘Périégèse’ : Danaos et ses filles à Argos », in Les Panthéons des cités des origines à la Périégèse de Pausanias. Kernos, suppl. 8 (1998), p. 165-193. 10. Comme l’a souligné M. Jost dans son introduction au volume VIII de Pausanias dans la Collection des Universités de France, « l’autopsie est, avec l’enquête auprès des habitants du pays, la source d’information essentielle du Périégète » (p. IX). 11. Ce n’est en effet qu’au trentième des trente-six chapitres que comporte le livre IV que débute la partie proprement périégétique de son récit, tandis que la relation des guerres opposant Lacédémoniens et Messéniens en occupe la majeure partie (24 chapitres au total : IV, 4-27). Comme l’a remarqué Chr. HABICHT (1998), p. 21 : chez Pausanias les logoi (récits) l’emportent largement sur les théoremata (ce qu’il a vu). Voir également J. AUBERGER, « Pausanias et les Messéniens : une histoire d’amour ! », REA 94 (1992), p. 187-197; ead., « Pausanias romancier ? Le témoignage du Livre IV », DHA 18, 1 (1992), p. 257-280; ead., « D’un héros à l’autre : Pausanias au pied de l’Ithôme », in D. KNOEPFLER, M. PIÉRART (2001), p. 261-273; R. BALADIÉ, « Structure et particularités du livre IV de Pausanias », ibid., p. 275-282. 12. Chr. HABICHT (1998), p. 36-63, et du même : l.c. (n. 2), p. 96-97; « Zwei Familien aus Messene », ZPE 115 (1997), p. 125-127; « Kleine Beiträge zur altgriechischen Personenkunde – Tiberius Claudius Theon », REA 100 (1998), p. 491-494; « Neues aus Messene », ZPE 130 (2000), p. 121-126. Voir également S.E. ALCOCK, « Liberation and conquest: Hellenistic and Roman Messenia », in J.L. DAVIS (éd.), Sandy Pylos, Austin, 1998, p. 186-189. 13. Rappelons que les fouilles menées par la Société Archéologique sur le site de Messène l’ont été sous la direction de A. Orlandos de 1957 à 1975, et qu’elles se poursuivent avec le même bonheur sous la direction de P. Thémélis depuis 1986. Les comptes rendus en sont publiés, très succinctement, dans l’῎Εργον τῆς ἐν ᾿Αθήναις ᾿Αρχαιολογικῆς ῾Εταιρείας, et de manière plus complète dans les Πρακτικὰ τῆς ἀρχαιολογικῆς ῾Εταιρείας. 14. Le livre IV de Pausanias ne figure pas encore parmi les ouvrages de la Collection des Universités de France. En attendant que paraisse cet ouvrage annoncé (texte établi par M. CASEVITZ, traduit et commenté par J. AUBERGER), l’édition de référence à laquelle je me fie est celle de M.H. ROCHA-PEREIRA, Pausanias Graeciae Descriptio, I (libri I-IV), Teubner, 1973. Je me suis également reporté aux traductions anglaises de J.G. FRAZER, Pausanias’ Description of Greece, vol. I. Translation, Londres, 1898, et de H.A. ORMEROD, Pausanias Description of Greece, Loeb Classical Library, Londres, 1926 (reprint 1993); italiennes de D. MUSTI, Pausania guida della Grecia. Libro IV : La Messenia, Fondazione Lorenzo Valla, Rome, 1991, et de S. RIZZO, Pausania viaggio in Grecia. Guida antiquaria e artistica. Libro IV : Messenia, Biblioteca Universale Rizzoli, Milan, 1998 d’après l’édition Rocha-Pereira; grecque moderne de N. PAPACHATZIS, Παυσανίου ῾Ελλάδος Περιήγησις, 3. Μεσσηνιακὰ καὶ ῾Ηλιακά, Ekdotike Athenon, Athènes, 1979; espagnole de M.C. HERRERO INGELMO , Pausanias, Descripción de Grecia, Madrid, 1994. Voir également Chr. HABICHT (1998), p. 38-39 pour le passage ici considéré. 15. Elle est due à la perspicacité du fouilleur A. Orlandos. Il a d’abord émis l’hypothèse dans PAAH (1960), 210 n. 1, cf. notamment F. FELTEN (1983), p. 84-86; Ch. HABICHT (1998), p. 41-42. 16. L’identification en a été assurée par la découverte in situ, en 1959, d’une stèle placée devant l’escalier monumental Θ ouvrant au nord du complexe, c’est-à-dire, précise l’inscription, « près du Sébasteion », l. 39 : ἀνασθείτω παρὰ τὸ Σεβαστεῖον (A. ORLANDOS, PAAH [1959], p. 169-173 [BE (1966), 200; SEG 23 (1968), 207], on lira ce texte dans l’édition procurée par L. MIGEOTTE, « Réparation de monuments publics à Messène au temps d’Auguste », BCH 109 (1985), p. 597-607 (partiellement repris dans son ouvrage sur les souscriptions publiques, n° 22 p. 55-59). Sur ce

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monument, cf. A. ORLANDOS, PAAH (1969), 102-104; Ergon (1971), 144-173; Ergon (1973), 79-82; « Νεώτεραι ἔρευναι ἐν Μεσσήνῃ (1957-1973) », in U. JANTZEN (éd.), Neue Forschungen in griechischen Heiligtümern, Tübingen, 1976, p. 30-31. 17. IG V 1, 1462, l. 1-3 : Μᾶρκος Καίσιος Γάλλος ταμίας καὶ ἀντιστράταγος ἐπεσκεύασεν τὰς στοὰς τὰς τέσσαρας τοῦ ᾿Ασκληπιείου καὶ τὰς ὑπερκειμένας παραετίδας τὰς κατὰ τὸ Καισαρῆον. Cf. V.N. BARDANI, Horos 6 (1988), p. 79-81 [M. SÈVE, BE 103 (1990), 104 p. 457; SEG 38 (1988), 338] pour l’établissement des l. 2-3 (παραετίδας τὰς κατὰ τὸ Καισαρῆον et non παραστ[ά]δας κατὰ τὸ Καισαρῆον, conformément au fac-similé publié avec la description de la pierre, ad IG V 1, 1444. 18. Cf. notamment N. PAPACHATZIS, o.c. (n. 14), n. 1 p. 126; N. KALTSAS, Ancient Messene, 1989, p. 30; Y. MORIZOT (1994), p. 404; P. SINEUX (1997), p. 7; Ch. HABICHT (1998), p. 42-46 et fig. 8; M. TORELLI (1998), p. 470-472. Le plan est reproduit d’après CHLÈPA (2001), fig. 1, p. 12. 19. La découverte, dans l’enceinte du sanctuaire, d’un fragment de dédicace adressée à Asklépios et à Hygieia ne constitue en effet pas un indice suffisant (cf. A.K. ORLANDOS, PAAH [1971], n° 6 p. 166; SEG 38 [1988], 339 A : ωθ– – – ᾿Αρχεδάμου ᾿Ασκλαπιῶι καὶ ῾Υγιείαι). 20. Cf. en dernier lieu P. THÉMÉLIS (2000), p. 5-7. C’est également l’hypothèse retenue par F. FELTEN (1983), fig. 1 p. 85 et p. 92-93. Signalons pour information que G. Despinis avait, en son temps, également suggéré d’attribuer ce temple à Messénè (cf. « Ein neues Werk des Damophon », AA 81 [1966], p. 385). 21. SEG 41 (1991), 323 [décret d’acceptation des concours sacrés des Képhalléniens, fin IIIe-début IIe s. av. J.-C.], l. 10 : εἰς τὸ ἱερὸν τᾶς Μεσσάνα[ς]. 22. Arguments repris par S. MAGGI (1996), spécialement p. 261-262, et par P. SINEUX (1997), spécialement p. 2-3, 6-9. 23. Sur ce temple, cf. P. THÉMÉLIS, Ergon (1991), p. 28-30; id., PAAH (1991), p. 86-102; id. (1994), p. 101-107. 24. Cette solution n’a, à ma connaissance, été retenue que par S. MAGGI (1996), P. SINEUX (1997), et S. RIZZO, o.c. (n. 14), p. 302 et fig. 46. 25. P. THÉMÉLIS (2000), p. 10. Solution également rejetée par M. ZUNINO (1997), n. 12 p. 261. Le long du mur septentrional du temple, les fouilleurs ont trouvé une épaisse couche archéologique riche de céramiques et de figurines en terre cuite, ainsi que deux dépôts monétaires. La plupart des figurines campent l’image d’une jeune fille enveloppée d’une peau d’animal (nébride) et portant un chiton court plissé avec ceinture, des bottes de cuir aux pieds, un polos sur la tête. Elle tient en outre une torche dans la main gauche et l’on distingue à son pied droit un chien. Il s’agit à l’évidence d’Artémis, portant tout à la fois les attributs de la Phôsphoros (la ‘porte lumière’) et de la Kynegetis (la ‘chasseresse’, la Thrace maîtresse des animaux), ainsi que l’identifie P. THÉMÉLIS (1994), fig. 6 et 7 p. 106-107. La torche, le chiton court, la peau de bête et la présence du chien sont en effet des indices concordants, cf. L. KAHIL (1984). Enfin, et surtout, une dédicace du IIIe s. av. J.-C. à Artémis Ortheia par un agonothète a été trouvée sur la terrasse du temple, cf. P. THÉMÉLIS , EAH (1991), p. 28-30, et PAAH (1991) [1994], p. 89-90 (SEG 41 [1991], 365). 26. C’était, semble-t-il, l’opinion de Ch. Habicht, qui n’en a pas fait mention dans sa description de ce complexe (1998, p. 42-46 et fig. 8). Voir également M. ZUNINO (1997), p. 54-56, n. 12 p. 261 et n. 147 p. 182; M. TORELLI (1998), p. 473 et 475. 27. Cf. HABICHT (1998), p. 44, et déjà G. DESPINIS, AA 81 (1966), p. 385. Voir également E. MEYER, s.v. Messene, RE Suppl. XV (1978), col. 145-148 (également paru sous le titre Messenien und die Stadt Messene, Munich, 1978). Notons au passage que l’attribution définitive de ces oikoi à tel ou tel est loin d’être acquise. On attribue en effet communément la salle Κ à Artémis, Μ à Tychè, Ν à Thèbes, Epaminondas et Héraklès, et Ξ aux Muses et Apollon, voir en dernier lieu H.A. CHLÈPA (2001). Toutefois, si l’on est attentif à sa syntaxe, le texte de Pausanias laisse, lui, entendre qu’Apollon, les Muses et Héraklès partagent la même pièce, tandis que la cité de Thèbes et Épaminondas en occupent une autre, cf. M. TORELLI (1998), p. 470.

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28. C’est la solution privilégiée par P. Thémélis. Sur cet oikos Η, cf. THÉMÉLIS, PAAH 146 (1991) [1994], 107-110. On a un temps pensé que cet oikos devait abriter la statue d’Apollon, en raison de la découverte dans ce secteur en 1962 d’un fragment de marbre appartenant à une statue de ce dieu, cf. G. DESPINIS, « Ein neues Werk des Damophon », AA 81 (1966), p. 378-285. Quant à M. TORELLI (1998), p. 470, il tient pour acquis que les statues d’Asklépios et de ses fils logeaient dans le temple Ζ. 29. A.K. ORLANDOS, Ergon (1972), 163-168 (J. et L. ROBERT, BE 85 [1972], n° 174); A.K. ORLANDOS, PAAH (1971), n° 6 p. 166 (SEG 38 [1988], 339 A). Cf. P. THÉMÉLIS, AK (1993), p. 31 et fig. 4 p. 32. Cf. ci-dessus (n. 19). 30. Pour quelques cas d’images nouvelles venues « doubler » les vieux xoana, cf. C. JOURDAIN- ANNEQUIN (1998), p. 259. Je ne partage cependant pas l’idée selon laquelle ce doublement participerait d’un « désir de reconnaître une divinité dont s’atténue peut-être l’efficace et la puissance ». 31. C’est la lecture de M. TORELLI (1998), p. 470. 32. « Come si è ricordato » précise S. MAGGI (1996), p. 262. Voir également M. TORELLI, dans D. MUSTI, M. TORELLI, Pausania, o.c. (n. 14), p. 254 : « con uno stacco che ne indica la non contiguità immediata ». 33. En son temps, N.D. Papachatzis avait proposé de lui assigner l’une de ces pièces, mais cette solution est sans fondement (o.c. [n. 14], n. 1-2 p. 126). 34. Cf. M. ZUNINO (1997), p. 56. 35. Signalons, à toute fin utile, que c’est à l’est de l’Asklépieion que P. Thémélis a mis au jour le fragment qui a permis de compléter l’inscription IG V 1, 1443 relative aux statues de Messénè (Hagémona) et de son père Triopas, cf. PAAH 144 (1989), p. 110-111 et pl. 93α (M. SÈVE, BE 106 [1993], 82; SEG 41 [1991], 352). Voir également A. PARIENTE, BCH 114 (1990), 742; SEG 40 (1990), 365. Les deux premiers fragments avaient été découverts « près du stade » (iuxta stadium). Voir également la remarque de M. Torelli sur ce point (1998, p. 475). 36. M. ZUNINO (1997), p. 54-56, n. 12 p. 261 et n. 147 p. 182; M. TORELLI (1998), p. 473 et 475. 37. Pline l’Ancien, Histoire naturelle XXXV, 130-133, avec les commentaires de A. REINACH, Recueil Milliet. Textes grecs et latins relatifs à l’histoire de la peinture ancienne I, Paris, 1921 (éd. revue par A. ROUVERET, 1985), p. 286-294, et de J.-M. CROISILLE, CUF, 1985, ad. loc. 38. Voir notamment P. THÉMÉLIS (1993). 39. P. THÉMÉLIS (2000), p. 10. Voir également son article « The sanctuary of Demeter and the Dioscouri at Messene », in R. HÄGG (éd.), Ancient Greek cult practice from the archaeological evidence, Stockholm, 1998, n. 70 p. 183. 40. M. ZUNINO (1997), p. 58-59; E.L. BRULOTTE (1994), p. 251; H.-A. CHLÈPA (2001), p. 13, 55 et n. 12 p. 93. Même si Chlèpa emploie le terme « d’épithète » (n. 12 p. 93 : τὸ ἐπίθετο Φωσφόρος), c’est à l’évidence dans le sens d’épiclèse puisqu’elle évoquait précédemment « le culte d’Artémis Phôsphoros » (p. 55 : τὴ λατρεία τῆς Ἄρτεμης Φωσφόρου καὶ τὶς τελετὲς ποὺ λάμαναν χώραν στὸ ἐσωτερικὸ τοῦ ναοῦ). 41. P. THÉMÉLIS (2001), p. 411 (2000, p. 70). Cette base aurait même forme et cymatia que la base du Doryphore et que celle de la statue en bronze de Xénophilos fils de Damophon de l’atrium de l’Asklépieion. P. Thémélis précise également dans un article récent : « Omitting one of the eponyms of the goddess is a practice not quite unusual for Pausanias, also the exclusively as Orthia attested Artemis worshipped in Cult Room K of the Asklepieion is only called Phosphoros by him » (« Cults on Mount Ithome », Kernos 17 [2004], p. 143-154, ici p. 153). 42. A.K. ORLANDOS, « Δύο ἐπιγραφαὶ ἐκ Μεσσήνης », AE (1965), p. 116-121 avec photographie (pl. 42), et « Ανασκαφή Μεσσήνης », PAAH (1962), pl. 106 (SEG 23 [1968], 208; M. ZUNINO [1997], T 33 p. 40 (avec traduction en italien); E.L. BRULOTTE [1994], 170d p. 248-249). Cf. N. DESHOURS, « Cultes

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de Déméter, d’Artémis Ortheia et culte impérial à Messène », ZPE 146 (2004), p. 115-127, ici p. 118-120. 43. Publié en 1967 par Orlandos dans l’Archaiologiki Ephèméris portant le millésime 1965, ce texte a, dès 1966, fait l’objet d’un bref commentaire reprenant la plupart des formules importantes du texte de la part de J. et L. Robert dans le Bulletin épigraphique. On remarque toutefois que les deux publications portent, indépendamment l’une de l’autre, des leçons différentes. Il me semble en outre possible de restituer un texte plus complet à la ligne 8. Ces compléments devraient trouver leur place dans une prochaine publication. 44. A. ORLANDOS, PAAH (1962), p. 112b, n° 10 (SEG 23 (1968), 223); M. ZUNINO (1997), T 31 p. 40; E.L. BRULOTTE (1994), 170a p. 246) : ᾿Απ[- - -]νεπ[- - -] ᾿Αρτέ[μιτι]. 45. P. THÉMÉLIS (1994). 46. C’est bien ainsi qu’il convient de traduire le terme philoteimôs, ainsi qu’a bien voulu me le confirmer Yves Lafond, cette notion renvoyant à l’« amour des honneurs », au désir de se distinguer en faisant plus particulièrement preuve de « générosité ». 47. Voir sur ce terme les remarques de E. BENVENISTE, « Le sens du mot κολοσσός et les noms grecs de la statue », RPh (1932), p. 128-129 et 133. 48. Hymne à Artémis, 6-7 (s’adressant à Zeus) : « Donne-moi, petit père, la virginité éternelle, donne-moi d’être appelée de beaucoup de noms (πολυωνυμίην), pour que j’en défie Phoibos lui- même ». Voir également Aristophane, Thesmophories, 320 : polyônymè. 49. Pour une audacieuse reconstitution des linéaments d’un rite d’initiation autour de cette Artémis, cf. P. THÉMÉLIS (1994), p. 122. 50. M. ZUNINO (1997), p. 58-59. Elle se fonde sur le rapprochement opéré par Hésychios ( s.v. εὐῶπι) entre οὖπις et εὐῶπις pour faire de cette Artémis Oupis une déesse « du regard ». Cette dernière pense toutefois qu’il est possible que deux statues cultuelles aient existé, l’une d’Artémis Oupèsia/Phôsphoros, l’autre d’Artémis Orthia (p. 59). La première concernerait plus particulièrement les garçons, la seconde les filles. 51. P. THÉMÉLIS (2000), p. 42 : τὸν ναὸ τῆς Ἀρτέμιδος Ὀρθίας καὶ Φωσφόρου. La plupart des modernes font de même, cf. F. FELTEN (1983), p. 85-86; E.L. BRULOTTE (1994), p. 241-251; P. SINEUX (1997), p. 9; M. TORELLI (1998), p. 469-474. 52. Le procédé n’est pas nouveau, puisqu’il était déjà présent chez W. OTTO, De sacris messeniorum, Halle, 1933, p. 42-47. 53. Signalons au passage que la localisation de la statue d’Artémis Laphria pose problème. En IV, 31, 7, il précise en effet, à propos de la remarquable statue de la Mère des Dieux en marbre de Paros réalisée par Damophon pour orner l’agora, que la statue de la Laphria est également une œuvre de ce sculpteur : Δαμοφῶντος δέ ἐστι τούτου καὶ ἡ Λαφρία καλουμένη παρὰ Μεσσηνίοις. On ne peut cependant pas en conclure que cette dernière ornait également l’agora, étant donné que cette mention figure dans une digression concernant le sculpteur. Pausanias en donne par ailleurs une description en VII, 18, 8, la Laphria étant commune aux anciens Calydoniens d’Étolie, aux Messéniens anciennement établis à Naupacte, et aux gens de Patras (cf. IV, 31, 7-8). On se reportera, sur ce sujet, aux études de E. LEPORE, « Epiteti a divinità plurime: Artemide Laphria », in Les grandes figures religieuses, Paris, 1986, p. 149-156; de Cl. ANTONETTI, Les Étoliens, image et religion, Paris, 1990, p. 253-260; et de Y. LAFOND, « Artémis en Achaïe », REG 104 (1991), p. 410-433, notamment p. 417-418 et 423-426. 54. Voir également Paus., III, 2, 6 et 7, 4, ainsi que : Philochore, 328 F 229 (Jacoby); Théocrite, Idyllia II, 56; Artém., Onirocriticon II, 35, 18; scholie à THC., II, 15, 4; scholie à Eur., Hippolite, 228 et 1133. Sur l’Artémis Limnatis, voir notamment les belles pages que lui a consacrées Cl. CALAME, Les chœurs de jeunes filles en Grèce archaïque I, Rome, 1977, p. 253-264, ainsi que les articles récents de LAFOND, l.c. (n. 53), p. 419-420, et de Y. MORIZOT, « Artémis Limnatis, sanctuaires et fonctions », in R.F. DOCTER, E.M. MOORMANN (éds.), Proceedings of the XVth International Congress of Classical

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Archaeology (Amsterdam, 12-17 juillet 1998), Amsterdam, 1999, vol. I (text) p. 270-272 et vol. II (Plates) pl. 25a. Pour une stimulante interprétation du récit du Périégète, cf. Cl. CALAME, « Discours mythiques et discours historiques dans les trois textes de Pausanias », Degrés 17 (1979), p. 1-30. 55. Hsch., s.v. ἐλεία ἢ ἔλα· ἡ τοῦ ἡλίου αὐγή. ἢ πόμα. ἢ ὕδωρ ἅλας ἔχον καὶ εἶδός τι μέλους. καὶ ῞Ηρα ἐν Κύπρῳ. καὶ ῎Αρτεμις ἐν Μεσσήνῃ. À moins qu’Hésychios ait confondu Eleia avec Héleia (« du marécage »), auquel cas il pourrait tout simplement s’agir d’un doublet de la Limnatis (« du marais »). 56. Τὸ μὲν δὴ τῆς Λαφρίας ἀφίκετο ὄνομα ἔς τε Μεσσηνίους καὶ ἐς Πατρεῖς Ἀχαιῶν μόνους, Ἐφεσίαν δὲ Ἄρτεμιν πόλεις τε νομίζουσιν αἱ πᾶσαι καὶ ἄνδρες ἰδίᾳ θεῶν μάλιστα ἄγουσιν ἐν τιμῇ· τὰ δὲ αἴτια ἐμοὶ δοκεῖν ἐστὶν ᾿Αμαζόνων τε κλέος, αἳ φήμην τὸ ἄγαλμα ἔχουσιν ἱδρύσασθαι, καὶ ὅτι ἐκ παλαιοτάτου τὸ ἱερὸν τοῦτο ἐποιήθη. 57. P. THÉMÉLIS, PAAH 149 (1994) [1997], p. 74-75 et pl. 20-23; SEG 45 (1995), 300 : Ἀρτέμιτι Διονύσιος Δωρίας Διονυσόδωρος. 58. Inv. 6649, cf. P. THÉMÉLIS, PAAH 150 (1995), n° 9 p. 86 [IIIe s. ap. J.-C.]. 59. SEG 46 (1996), 408. 60. Sur un monument funéraire sis à l’ouest de la rue qui borde l’Asklépieion, à hauteur du bouleutérion Γ, cf. SEG 46 (1996), 428; P. THÉMÉLIS(2000), p. 96-102 avec ph. 61. C’est par exemple le cas à Ténos, où des offrandes votives de navarques rhodiens ont été dédiées à Artémis Hegemonia Orthosia. [Sur Artémis, cf. K. HOENN, Artemis, Gestalwandel einer Göttin, Zürich, 1946, spécialement p. 21]. C’est l’épiclèse divine d’Artémis à Lykosoura d’après Pausanias (VIII, 37, 1 : « Depuis Akakésion, il y a quatre stades jusqu’au sanctuaire de Despoina. On a d’abord à cet endroit un temple d’Artémis Hégémonè (Conductrice) avec une statue de culte en bronze portant des torches (χαλκοῦν ἄγαλμα δᾷδας); nous avons évalué sa hauteur à quelques six pieds. De là, on accède à l’enceinte du sanctuaire de Despoina » (trad. M. JOST, CUF, 1998). P. Thémélis a voulu identifier cette statue avec celle mentionnée dans un décret honorifique des Lycosouréens en faveur du sculpteur Damophon (1993; 1994, p. 31-32; 1996, p. 173-174). Mais, comme l’a fait remarquer M. Sève (BE 108 [1995], n° 88 p. 443), d’une part, Damophon n’est pas connu comme bronzier et, d’autre part, l’inscription fait état d’une œuvre de 8 coudées (soit 3,20 m) contre 1,80 m pour la statue que décrit Pausanias. Voir également le commentaire ad loc. de M. Jost. Signalons au passage que cette Artémis portant des torches est proche, au plan iconographique, de l’Artémis dite Phôsphoros. 62. Inv. 1342, cf. IG V 1, 1443 ( BRULOTTE, 1994, n° 171 p. 251). Cf. E. LÉVY, BCH 91 (1967), p. 540 fig. 28 et 29; N. DESHOURS, REG 106 (1993), p. 39-60. 63. P. THEMELIS, PAAH 144 (1989) [1992], p. 110-111 et pl. 93 α [cf. PARIENTE, BCH 114 (1990), p. 742; M. SÈVE, BE 106 (1993), n° 82 p. 471; SEG 41 (1991), 352]. Signalé dans EAH (1989), p. 35 fig. 34 [SEG 40 (1990), 365]. 64. En voici le texte : I. [Φί]λιππος, Ξενόφ[ι]λος Δαμοφῶντος [τοῦ] Ξενοφίλου τὸ ἄγαλμα τᾶς Ἁγ[εμ]όνας [ἀνέθ]ηκαν θεοῖς πᾶσι καὶ τᾶι πόλει. II. Δαμ[οφῶν, Ξενόφιλος Δαμοφῶντος τοῦ] Δαμο[φῶντος ἀνέθηκαν τὸ ἄγαλμα] τοῦ Τρ[ιόπα θεοῖς πᾶσι καὶ τᾶι πόλει], « I. Philippos (et) Xénophilos, (les) fils de Damophon, fils de Xénophilos, ont dédié à tous les dieux et à la cité la statue d’Hégémonè. II. Damophon (et) Xénophilos, les fils de Damophon, fils de Damophon, ont dédié la statue de Triopas à tous les dieux et à la cité ». Les statues de Messénè Hagemon et de son père Triopas sont dédiées par les petits-fils du sculpteur Damophon et de son frère Xénophilos (cf. SEG 23 [1968], 219 et SEG 24 [1969], 286). Il s’agirait de la troisième génération de la famille du sculpteur Damophon, fils de Philippos, de Messène, le texte II nommant ses propres petits- enfants, le texte I ceux de son frère. 65. Ce cas peut, me semble-t-il, être mis en parallèle avec le cas de l’Aphrodite Enoplios / Hôplisménè cf. ci-dessous.

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66. Liste que l’on complètera d’un décret des Thouriates ordonnant aux synèdres de la cité de se rendre à Patras pour le jugement de procès avec la cité de Mégalopolis. [IIe s. av. J.-C. ?], cf. N. VALMIN, « Inscriptions de la Messénie », Bulletin de la Société Royale des Lettres de Lund 1928-1929, Lund, 1929, p. 109-123 (editio princeps, traduction, commentaire); SEG 11 (1950), 972. 67. IG II 2, 1343 = Syll.3, 1104. Cette institution est tout à la fois qualifiée de κοινόν, θίασος, σύνοδος, ἔρανος. 68. Hymne à Artémis, 204; 237-342. Voir également son Hymne à Délos, 291-299. 69. Cf. Scholie à Callimaque, Hymne à Artémis, 204; Etymologicon Magnum, s.v. Οὖπις; Scholie à Callimaque, Hymne à Artémis, 292; Hésychios, s.v. εὐῶπι; s.v. ῏Ωπι ἄνασσ; Tzètzès, Commentaire à Lycophron 936; Palaephatos, De incredibilibus, 31 [Περὶ τῶν Φόρκυνος θυγατέρων], 23; Michel Apostolius de Byzance, Paroemiographi graeci, 5, 58, 20-22; Euphorion, Fragment 103; Macrobe, Saturnales V, 22, 1-6 (cf. infra, n. 72); Servius, Comment. ad Vergil. Aeneid. XI, 532. Ajoutons à cela que l’on connaît également des oupiggoi qui sont des chants entonnés en l’honneur d’Artémis, cf. Athénée, XIV, 10, 619b (voir également son epitome, vol. 2, 2, p. 127); Pollux, I, 38; Scholie à Apollonios de Rhodes, Argonautiques I, 92; Théodoret de Syrie, Graecarum affectionum curatio IV, 66. 70. Callimaque, Hymne à Artémis, 204 (éd. et trad. Ém. CAHEN, CUF, 1925). 71. N. DESHOURS, l.c. (n. 42), évoque en effet le « culte d’Artémis Oupèsia (attestée aussi avec l’épiclèse d’Ortheia), dans l’Asklépieion » (p. 120). 72. Saturnales V, 22, 1-6 (glosant un passage de l’Énéide XI, 532 et 836, où Virgile a conféré le nom d’Opis à une suivante de Diane) : « Il arrive encore que Virgile emprunte ses noms aux plus anciennes histoires de la Grèce. Vous savez que, chez lui, une des compagnes de Diane s’appelle Opis, nom que l’on croit peut-être donné au hasard, ou même que les ignorants supposent imaginé; mais c’est un piège du poète d’avoir voulu donner à une compagne de Diane un nom que les vieux écrivains grecs avaient donné à la déesse même. (…) Évidemment, si je ne me trompe, c’est Diane qui est ici appelée Opis; et, si Virgile a donné ce nom à la suivante, c’est un effet de son extrême érudition. » 73. cf. F.W. IMHOOF-BLUMER et P. GARDNER, Ancient coins illustrating lost masterpieces of Greek art. A numismatic commentary on Pausanias, 1885-1887, éd. rev. par A.N. OIKONOMIDES, Chicago, 1964, p. 65 (O XXIII); L. KAHIL (1984), 492, cf. E.L. BRULOTTE (1994), p. 257; M. ZUNINO (1997), T 48 et fig. 4 de l’insert photographique. 74. P. THÉMÉLIS (1994), p. 105-107 et fig. 6 et 7. 75. Pour nous en tenir à quelques exemples, il prend soin de préciser que dans le cas de la Laphria de Patras, « sa statue la représente dans l’attitude d’une chasseresse » (VII, 18, 18); qu’à Aigion et à Pellène Artémis est représentée « en train de tirer à l’arc » (VII, 24, 1 et 27, 2-3); qu’en Achaïe encore, à Phelloè, il existe une Artémis « en train de tirer une flèche de son carquois » (VII, 26, 11). Voir notamment à ce sujet les remarques de U. KREILINGER, « Τὰ ἀξιολογώτατα τοῦ Παυσανίου. Die Kunstauswahlkriterien des Pausanias », Hermes 125 (1997), p. 470-491, et de W.K. PRITCHETT, Pausanias Periegetes, 1998, p. 61-97. 76. G. SIEBERT, « Artémis Sôteira à Délos », BCH 90 (1966), p. 447-459, ici p. 455 : « C’est l’Artémis Phôsphoros chasseresse qui s’imposa dans l’iconographie hellénistique et romaine, après que Praxitèle l’eut à son tour adoptée dans la statue colossale d’Anticyra décrite par Pausanias (X, 37, 1) ». Une série de lampes plastiques du IIe et du Ier s. représente également une déesse Phôsphoros accompagnée d’un chien, cf. Ph. BRUNEAU, Les Lampes. Exploration archéologique de Délos 26, Paris, 1965, p. 99-100. 77. ID 2379 : Στερτίνιος Σπορίο[υ] ῾Ρωμαῖος ᾿Αρτέμιδι Σωτείρᾳ. 78. Cf. G. SIEBERT, l.c. (n. 76). 79. IG XI 4, 1276 : Σωτείρ[αι τόδ᾿] ἄγαλμα πολυκτεάνωι παρὰ ναῶι Λυσίμαχος Μακεδὼν Φωσφόρωι ᾿Αρτέμιδι. « À la Sôteira, cette statue pour venir grossir les richesses qui entourent le temple, Lysimachos, Macédonien, (a offert) à Artémis Phôsphoros ».

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80. J. MARCADÉ, « Les trouvailles de la Maison dite de l’Hermès, à Délos », BCH 77 (1953), n° E 830, p. 510-512, ici n. 3 p. 511. 81. Cf. E. LÉVY et J. MARCADÉ, « Au musée de Lycosoura », BCH 96 (1972), p. 967-1004, qui reviennent sur les restitutions graphiques de G. DICKINS, notamment dans ABSA (1906-1907), p. 357-404, et ABSA 17 (1910-1911), p. 80-87. 82. Les autres attestations sont les suivantes : 1. une image d’Héraklès en armes (III, 15, 3); 2. la statue d’un homme en armes sur une tombe d’Olympie (VII, 2, 9); 3. la statue d’Anytos, représentée sous les traits d’un homme en armes (VIII, 37, 5); 4. la statue d’Étolie, à Élatée, que les Étoliens ont façonnée sous les traits d’une femme en armes (X, 18, 7). 83. L’Aphrodite grecque, Liège, 1994 (Kernos, suppl. 4), p. 450-451. 84. Cf. F.W. IMHOOF-BLUMER et P. GARDNER, Ancient coins illustrating lost masterpieces of Greek art. A numismatic commentary on Pausanias, 1885-1887, éd. rev. par A.N. OIKONOMIDES, Chicago, 1964, p. 25-27 et pl. G, fig. CXXI-CXXXV; V. PIRENNE-DELFORGE, o.c. (n. 83), p. 103. 85. Cf. PIRENNE-DELFORGE, o.c. (n. 83), p. 211. 86. IG V 1, 602 : Πονπ<ω>νίαν Καλλ<ι>|στονείκην ᾿Αριστ[έ]|ου ἱέρειαν διὰ βίου κ[αὶ] | διὰ γένους τῆς ἐπιφ[ανε]|στάτης θεοῦ ᾿Αρτέμιδ[ος] | ᾿Ορθείας κα<ὶ> τῶν συνκ[α]|θειδρυμένων αὐτῇ θ[ε]|ῶν, καὶ Μοιρῶν Λαχέσεων κ[αὶ] | ᾿Αφροδείτης ᾿Ενοπλίου | καὶ ᾿Ασκληπιοῦ Σχοινάτα ἐ[ν] | τῷ ῞Ελει καὶ ᾿Αρτέμιδος Πα|τριώτιδος ἐν Πλείαις καὶ Δ?[ιο]|σκούρων καὶ τοῦ ἀγῶνο[ς] | τῶν σεμν<ο>τάτων Διοσκο[υ]|ρείων, προσδεξαμένης τ[ὸ] | ἀνάλωμα τῆς ἀξιολογω[τά]|της καὶ σωφρονεστάτη[ς] | μητρὸς αὐτῆς Κλα. Πώλλη[ς] | τῆς Εὐδάμου. 87. Plutarque, Mor., 239a 28 : [Instituta Laconica, « Les coutumes spartiates »] éd. et trad. Fr. COLE BABBITT, Loeb, 1931 : ᾿Αφροδίτην σέβουσι τὴν ἐνόπλιον « Ils (les Spartiates) vénèrent Aphrodite Enoplios ». Car, ajoute-t-il, les Lacédémoniens « représentent toutes leurs divinités, dieux et déesses, portant des lances, pour indiquer que toutes, sans exception, possèdent la vertu guerrière » (καὶ πάντας δὲ τοὺς θεοὺς θήλεις καὶ ἄρρενας λόγχας ἔχοντας ποιοῦνται, ὡς ἁπάντων τὴν πολεμικὴν ἀρετὴν ἐχόντων), avant d’ajouter : « et toutes leurs divinités, les féminines comme les masculines, sont représentées portant la lance, parce que toutes possèdent des qualités guerrières » (Mor., 239a : ᾿Αφροδίτην σέβουσι τὴν ἐνόπλιον· καὶ πάντας δὲ τοὺς θεοὺς θήλεις καὶ ἄρρενας λόγχας ἔχοντας ποιοῦνται, ὡς ἁπάντων τὴν πολεμικὴν ἀρετὴν ἐχόντων). Sur la valeur du témoignage de Plutarque en ces matières, cf. dernièrement P. BRULÉ, L. PIOLOT, « La mémoire des pierres à Sparte. Mourir au féminin : couches tragiques ou femmes hiérai (Plutarque, Vie de Lycurgue, 27, 3) ? », REG 115 (2002), p. 485-517, également publié sous le titre « Women’s way of death: fatal childbirth or hierai ? Commemorative stones at Sparta and Plutarch, Lycurgus, 27.3 », in Th.J. FIGUEIRA (éd.), Spartan Society, The Classical Press of Wales, 2004, p. 151-178. 88. Paus., III, 15, 10, cf. ci-dessous. 89. C. JOURDAIN-ANNEQUIN (1998), p. 258. 90. O. KERN, Die Inschriften von Magnesia am Maeander, Berlin 1900. 215.a; H.W. PARKE, D.E.W. WORMELL, The Delphic Oracle, II. The oracular responses, Oxford, 1956, n° 338; SEG 17, 495; R.S. KRAEMER, Maenads, Martyrs, Matrons, Monastics. A sourcebook on women’s religion in the Greco-roman world, Philadelphie, 1988, n° 9 (l. 24-40); A. CHANIOTIS, Historie und Historiker in den griechischen Inschriften. Epigraphische Beiträge zur griechischen Historiographie, Stuttgart, 1988, D42; D. MCCABE, Magnesia inscriptions. Texts and list, Princeton, 1991 [CDROM PHI 7], 324; R. MERKELBACH, J. STAUBER, Steinepigramme aus dem griechischen Osten, 2. Die Nordküste Kleinasiens (Marmarameer und Pontos), Munich / Leipzig, 2001, 1, 2. 91. L. ROBERT, Hellenica XIII. D’Aphrodisias à la Lycaonie, Paris, 1965, p. 120-125, notamment p. 124. L’auteur revient, dans ces pages, sur le sens du terme aphidryma, en nuançant fortement le propos de J. BRUNEL, « À propos des transferts de cultes : un sens méconnu du mot ἀφιδρύμα »,

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RPh 27 (1953), p. 21-33. Le dossier a récemment été repris par I. MALKIN, « What is an aphidruma ? », ClAnt 10 (1991), p. 77-96. 92. Toujours à propos de Dionysos, Pausanias (X, 19, 3) rapporte par exemple que les gens de Méthymna conservèrent chez eux le xoanon rongé par le sel de Dionysos que des pêcheurs avaient rapporté dans leurs filets, tandis qu’ils en avaient envoyé une copie de bronze à Delphes. Voir sur cet extrait M. CASEVITZ, Fr. FRONTISI-DUCROUX, « Le masque du Phallen. Sur une épiclèse de Dionysos à Méthymna », RHR 206 (1989), p. 115-128; Fr. FRONTISI-DUCROUX, Le dieu-masque. Une figure du Dionysos d’Athènes, Paris / Rome, 1991, p. 193-201. 93. Cf. notamment 73-78 (p. 74-79 de l’édition Loeb). 94. Un certain nombre d’inscriptions attestent sa présence à Athènes (IG II/III2 1, 1-2, 902, 977, 1077; II/III2 3, 1, 4659; Agora XV, 183, 184, 197 etc.). C’est d’ailleurs à cette Artémis Phôsphoros que les démocrates athéniens doivent leur victoire sur les Trente, aux dires de Clément d’Alexandrie, Stromates I, 24, 163, 1-2. Voir également Euripide, Iphigénie en Tauride, 21. Artémis Phôsphoros est par ailleurs attestée : e.g. à Délos (IG XI, 4, 1275 et 1276, ID 3-5, 2380), et en Thessalie (SEG 35, 658). 95. Citons, entre autres noms, ceux de U. von Wilamowitz, de M. Holleaux et de L. Robert. 96. J’emprunte cette expression à A. JACQUEMIN, l.c. (n. 9), p. 298. Voir également à ce sujet les conclusions de DONOHUE, Xoana and the Origins of Greek Sculpture, Atlanta, 1988. 97. IV, 33, 4-5. Sur ces Mégalai Théai, voir également IV, 1, 6; 3, 10; 14, 1; 15, 7; 26, 8. 98. La célèbre inscription des Mystères d’Andanie (cf. F. SOKOLOWSKI, LSCG 65, l. 33-34, 68-69) donne en effet une liste de divinités sensiblement différente de celle de Pausanias. Déméter, Hermès, Apollon Karneios et Hagna y figurent bien, mais pas les Grandes Déesses. Elle fait en revanche connaître en sus la présence de Mégaloi Théoi, comme on l’a vu plus haut. 99. IV, 33, 4 : ἡ δὲ ῾Αγνὴ Κόρης τῆς Δήμητρός ἐστιν ἐπίκλησις. Il est cependant question d’Hagna dans l’inscription des Mystères (LSCG 65, l. 34, 69, 84-85), sans que jamais elle ne soit associée à Déméter. 100. VIII, 31, 1 : τὸ δὲ ἕτερον πέρας τῆς στοᾶς παρέχεται τὸ πρὸς ἡλίου δυσμῶν περίβολον θεῶν ἱερὸν τῶν Μεγάλων. Αἱ δέ εἰσιν αἱ Μεγάλαι θεαὶ Δημήτηρ καὶ Κόρη, καθότι ἐδήλωσα ἤδη καὶ ἐν τῇ Μεσσηνίᾳ συγγραφῇ (traduction M. JOST, CUF, 1998). Voir également, sur ce sujet, les remarques de M. JOST, « Nouveau regard sur les Grandes Déesses de Mégalopolis : influences, emprunts, syncrétismes religieux », Kernos 7 (1994), p. 119-129, et de V. PIRENNE-DELFORGE (1998), notamment n. 36, p. 136. 101. V. PIRENNE-DELFORGE (1998), p. 141. 102. Signalons en outre que, dans un article à paraître, Fr. Prost insiste sur l’aspect hiératique des quelques statues cultuelles actuellement mises au jour. Ce qui tranche bien évidemment avec les descriptions qu’en ont fait les Anciens, qui donnent l’illusion de statues en mouvement. Il s’interroge donc sur le sens à donner à ces descriptions (« Gestes des hommes, gestes des dieux. La représentation des gestes dans la plastique grecque archaïque et classique », à paraître dans les actes du colloque des Universités de l’Ouest Gestuelles, attitudes, regards. L’expression des corps dans l’imagerie antique). 103. V. PIRENNE-DELFORGE (1998), p. 146. Ces lignes font écho aux réflexions que l’auteur livrait en préambule aux actes du colloque sur la manière qu’ont eue les modernes d’envisager l’étude de la « société des dieux » (p. 7-10).

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RÉSUMÉS

Qu’a donc vu Pausanias dans l’Asklépieion de Messène ? Parmi les nombreuses statues qu’abrite l’aile occidentale de ce complexe, il mentionne la présence d’une Artémis Phôsphoros. Toutefois, le matériel épigraphique mis au jour dans ce secteur du sanctuaire ne fait connaître qu’une Artémis Ortheia. Qu’est-ce à dire ? Il ne semble pas que le témoignage du Périégète soit ici à remettre en cause. Il convient au contraire de se s’interroger sur les raisons qui font que Pausanias voit une Artémis Phôsphoros là où les Messéniens nomment une Artémis Ortheia. Ce qui revient à poser la question de l’identification du divin, par le nom et par l’image.

What did in fact see Pausanias in the Asklepieion at Messene? This complex shelters many statues, especially in the oikoi of the west stoa. Pausanias says that the statue of Artemis Phosphoros stood in one of them. Nevertheless, there is no mention of such a divinity in the epigraphic. Inscriptions mention exclusively an Artemis Ortheia. What does that mean? The Periegete’s evidence does not have to be implicate. In my opinion, it is advisable to ask why Pausanias saw a Artemis Phosphoros, where Messenians named Artemis Ortheia. This amounts to raising of the question of the identification of the divine, by name and by image.

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Le « mythe » et ses états... Celtic conference in Classics

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« Le pseudo-sacrifice d’Hermès ». Hymne homérique à Hermès I, vers 112-142 Poésie rituelle, théologie et histoire

Claudine Leduc

1 Daté – approximativement – du VIe siècle par les éditeurs 1, pour des raisons diverses mais convergentes, l’Hymne homérique à Hermès I chante la nativité du dieu dans une grotte de la Cyllène et les kluta erga que, « né d’hier » et lange sous le bras, il accomplit entre deux levers de soleil, afin d’obtenir de Zeus, son père et le maître du monde, sa part de timê et son intégration dans l’ordre divin. Certes le tout-petit est doté de qualités congénitales – la ruse, la célérité, la volerie –, mais il lui faut les faire valider dans l’acquisition d’un statut définissant ses fonctions dans le panthéon et, par voie de conséquence, son culte parmi les hommes. Destinée à un public initié à l’écoute de la poésie rituelle et habitué, comme le dit Pausanias (VIII, 1, 8, 3), à ce que « ceux des Grecs que l’on tenait pour sages formulaient autrefois leurs récits en se servant d’énigmes », la parole du chanteur se révèle bien énigmatique pour les lecteurs d’aujourd’hui. Considérée par les spécialistes comme le point nodal de la mise en discours des erga, la prestation sanglante du nouveau-né sur les bords de l’Alphée – « le pseudo-sacrifice » – est sans doute l’exploit hermaïque qui a soulevé le plus d’interrogations et d’interprétations.

2 Le jour de sa naissance dans une grotte de la Cyllène, dit le poète, le dieu, taraudé par l’envie d’avaler de la viande, s’élance vers les montagnes ombreuses de Piérie où paissent les troupeaux des Immortels. Au coucher du soleil, il ampute de cinquante vaches le troupeau d’Apollon laissant sur place le taureau et les chiens. Chaussé de merveilleuses sandales et conduisant epistrophaden les bêtes volées devant lui, il traverse le bois sacré d’Onchestos, passe l’Alphée et, au lever de la lune, dissimule son vol dans une grotte-étable. Il allume du feu dans un bothros en frottant deux morceaux de bois. Il assomme brutalement deux vaches, et sans avoir répandu le sang, rôtit sans distinction toutes les parties bonnes à rôtir boudins compris et étend les peaux sur une roche sèche. Puis il retire sa cuisine du feu et la débite en 12 parts tirées au sort dans un

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grand souci d’égalité : l’échine, le geras traditionnel, ayant été répartie. Si affamé soit-il, et en dépit de la troublante odeur dégagée par sa cuisine, Hermès ne peut se résoudre à faire passer de la viande dans son gosier sacré. Il suspend les chairs dans la grotte- étable, brûle les têtes et les pieds des vaches mises à mort, jette ses sandales dans l’Alphée et passe la fin de la nuit à recouvrir de sable les traces du feu. Ce n’est qu’au vers 398, lorsque le petit Voleur est sommé par Zeus de montrer à Apollon le lieu où il a caché les vaches, qu’il est dit que les deux frères se hâtèrent vers « la sableuse Pylos où l’on franchit l’Alphée ».

1. Prémisses

3 La sanglante prestation d’Hermès est traditionnellement analysée en fonction de deux références, dont elle constituerait, suivant les auteurs, ou le modèle ou le contre modèle, le sacrifice sanglant de consommation alimentaire en pays grec et le sacrifice non sanglant offert une fois par mois par les Éléens aux Douze Dieux dans le sanctuaire d’Olympie. Qu’il s’agisse du « grand sacrifice homérique » ou du « sacrifice prométhéen », la procédure du sacrifice sanglant de consommation2 alimentaire est censée mettre à mort la victime sans violence et la partage entre les dieux et les hommes sans instaurer de commensalité entre eux. Les Immortels hument la knisê dégagée par les mêria enveloppés de graisse qui se consument sur le bômos. Les Mortels mangent d’abord la fressure enfilée sur les broches, puis les chairs rôties sur l’autel ou bouillies dans le chaudron. Qualifiée par Pausanias (V, 15, 10) de ἀρχαῖον τινα τρόπον, la procédure mensuelle suivie par les Éléens consiste à « brûler de l’encens mêlé à des grains pétris dans le miel » sur chacun des six autels doubles, à y déposer des rameaux d’olivier et à utiliser, sauf pour les Nymphes, du vin pour faire une libation. Brève par définition, cette communication doit renoncer à faire l’historiographie d’un débat constamment renouvelé et se borner à un rapide rappel des approches qui jouent un rôle déterminant dans la construction de ses propres hypothèses.

4 Est-il nécessaire de le faire lorsqu’il s’agit de l’ouvrage fondateur de Laurence Kahn3, Hermès passe ? Au lieu d’isoler la prestation d’Hermès comme s’il s’agissait d’un article d’inventaire, l’auteure l’intègre, par le biais de la méthode structurale, dans une vue d’ensemble des kluta erga, afin de percer, à travers « la cohérence retrouvée du discours », « le sens du mythe » et l’unité de la « silhouette » d’Hermès. Apparemment dissemblables, les exploits du dieu, d’un bout à l’autre du chant, s’organisent tous, dit- elle, autour de deux « axes », permanents donc pertinents (p. 177), qui caractérisent sa façon d’agir, le passage et la mêtis. C’est ainsi que, lors de sa prestation sanglante « contre les règles » de la thusia sur les bords de l’Alphée, sa mêtis, par un astucieux retournement de la procédure du sacrifice prométhéen, « soutient, donne corps » à un double passage. En refusant de manger de la viande, Hermès, dont le statut divin est encore à établir, « se fait basculer dans l’espace du divin ». En immolant les vaches, il les ferait passer du statut d’immortelles à celui de bêtes vouées à la reproduction et à la mort et mettrait donc en place les conditions du sacrifice sanglant de consommation alimentaire.

5 Stella Georgoudi4 aborde la question dans une étude intitulée « Les Douze Dieux des Grecs : variations sur un thème » où elle consacre un développement aux Douze Dieux d’Olympie. Le refus de manger de la viande ne peut pas être interprété, dit-elle, comme la condition du passage du nourrisson parmi les dieux. Son statut n’est pas en cause :

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issu de deux lignées divines, il est né dieu, il n’a pas à le devenir. Elle met en relation la table d’offrande d’Hermès et ses douze parts égales destinées aux Douze Dieux avec les six autels doubles du sanctuaire d’Olympie et l’offrande végétarienne des Éléens à chacun des Douze Dieux. La liste des dôdeka theoi est « assez flexible » d’une cité à l’autre, mais à Olympie, Hermès qui fait autel commun avec Apollon, est l’un d’entre eux. Les Douze, dit-elle, ne sont pas conçus « comme une simple addition de douze individualités franchement distinctes » (p. 76). Parfaitement soudé, leur groupe constitue une pluralité parfaite qui est liée « à un passé qui instaure » et qui agit « de façon solidaire et en parfaite harmonie ». Lors du pseudo-sacrifice », Hermès, « en sa qualité de dieu des passages », se trouve devant la table d’offrande en tant qu’hospitant et en tant hospité. Manger de la viande, alors que la totalité dont il fait partie exclut une telle pratique, serait s’en désolidariser et mettre en cause son existence.

6 Dominique Jaillard5, dans sa thèse intitulée Configurations d’Hermès prend en compte l’interprétation de Stella Georgoudi pour nuancer celle de Laurence Kahn. Lors de sa prestation sur les bords de l’Alphée, ce n’est pas l’appartenance d’Hermès au monde divin qui est en cause, dit-il, mais son statut dans la hiérarchie des dieux bénéficiaires des partages panthéoniques décidés par Zeus. Hermès est né immortel, mais « loin des immortels » (p. 29). Sa mère et tous les membres de sa lignée maternelle (Atlas et ses filles) sont dépourvus de timê, de participation active au règne de Zeus et donc de prières et d’offrandes parmi les hommes (p. 66). Le nouveau-né entend ne pas être comme eux. Il veut s’intégrer dans le groupe des dieux dotés de timê et obtenir un statut qui lui vaudra privilèges et compétences. Il (p. 88-93) n’a pas seulement envie de viande, il veut une hosie de viande, c’est-à-dire la part « qui, dans le sacrifice constitue la timê des dieux » et qui correspond au statut qu’il convoite. Or cette part ne peut consister qu’en fumet sacrificiel ou en trapezomata, en offrandes déposées sur la table consacrée. C’est pour cela qu’il refuse de manger et met en place les conditions du sacrifice sanglant.

7 Depuis quelques années je zigzague6 à travers cet hommage ludique d’un poète « ludens »7 à un dieu pétillant de malice sans vraiment aborder la prestation sur les bords de l’Alphée. Lente à se définir, mon appréhension du texte s’est progressivement coulée dans celle que Claude Calame8 ne cesse de préciser. Il s’agit de prêter une extrême attention à la spécificité de la forme langagière : un hymne homérique9. Cette priorité est au reste parfaitement compatible avec d’autres méthodes d’approche et en particulier avec le comparatisme de Marcel Detienne10. Comparer la configuration que l’Hymne homérique prête à Hermès avec les « configurations » que revêt ailleurs le dieu permet de mieux saisir ses particularités.

8 L’Hymne homérique à Hermès n’est pas une œuvre littéraire, mais « un acte de parole »11 dont la transmission s’est faite, selon la formule de Marcel Detienne, « par la bouche et par l’oreille » avant que, figé par l’écriture, il ne devienne texte. L’énoncé de ce chant sacré – une evocatio du dieu, de sa naissance et de ses kluta erga – est donc attaché aux circonstances particulières de son énonciation, à la configuration rituelle de la fête religieuse qui l’a suscité et à l’appartenance de son auditoire à un certain milieu géographique, historique et culturel12. Accompagnée par la musique, la récitation rythmée de ce joyeux chant d’éloge, qui s’achève en s’adressant directement au dieu (v. 579 : χαῖρε), est une poiêsis, une création unique, « une mise en discours singulière en liaison avec une situation précise »13. Le poète est à la fois un médiateur inspiré par la muse (v. 1) obéissant à une instance divine et un demiourgos qui fabrique un objet d’art

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pour l’offrir à son dieu, un agalma en quelque sorte. Parce que le statut que lui reconnaît l’assistance l’y autorise, le chanteur, dans un langage poétique, donc métaphorique et symbolique, refonde, à cette occasion, la tradition religieuse sur les origines d’Hermès. Il en réoriente les données et leur signification selon les circonstances de l’énonciation de sa poièsis. La performance agit aussi bien sur les sens de l’assistance que sur sa réceptivité normative et suppose sa participation active. L’auditoire est, si j’ose dire, dans l’énoncé. Certes il ne s’exprime jamais au niveau linguistique si ce n’est peut-être par ricochet, dans une série d’apophtegmes censés introduire la sagesse populaire dans un discours très savant14, mais son concours est constamment sollicité par le poète. Il est, pour lui, un énonciataire, assez initié au langage poétique pour le décoder et déchiffrer un rébus15 aussi obscur que la marche epistrophaden du troupeau volé (v. 210), assez complice pour se prêter au petit jeu des énigmes. Comme le dit avec humour Florence Dupont, la réception de la poésie rituelle suppose un « public intelligent » ou, pour employer la formule de Plutarque dans son traité Sur les oracles de la Pythie (V, 23), un public doté d’« un tempérament naturellement doué d’une heureuse propension à la poésie ».

9 Si mon approche de l’Hymne à Hermès a, jusqu’à présent, contourné la prestation du dieu sur les bords de l’Alphée, c’est qu’elle s’est centrée sur un aspect très précis du contenu théologique16 de l’énoncé, sur la façon dont le poète inspiré fait surgir l’Invisible dans le Visible, la présence du dieu dans la concrétude de ses inventions. En pays grec le mystère de l’immanence ne se dit pas. L’indicible relève de l’epopteia, de la contemplation17. Même lorsqu’elle est parole, comme dans le cas d’un chant sacré, l’expression de la révélation passe par la vue18. À ceux qui l’écoutent, la voix du chanteur, dans un langage poétique, donc opaque et énigmatique, donne à voir une série d’actions surnaturelles et à repérer les ressemblances entre la naissance du dieu dans la grotte du Cyllène et les kluta erga qui l’ont suivie, la fabrication de la lyre, la marche du troupeau, l’invention du feu dans le trou et l’institution de l’échange. La ressemblance, comme le dit Paul Ricœur19, peut être « construite comme le lieu de la rencontre conflictuelle entre le même et le différent ». Cette recherche20 m’a amenée à distinguer deux types de relation entre le dieu et ses erga, la relation métaphorique – l’invention est vue comme le dieu, mais pas en tout – et la relation symbolique (au sens grec du terme !) – l’invention est vue comme le dieu en tout. La fabrication de la lyre est une métaphore de la fabrication de l’enfant Hermès dans la grotte du Cyllène. En revanche, entre le feu dans le trou, qui croît et qui décroît selon les heures de la journée, et le dieu né dans la grotte qui accomplit, en changeant de taille (il croît et il décroît), un trajet circulaire entre deux levers de soleil, il n’y a pas d’écart, pas de trope : c’est la rencontre du même avec le même. Hermès et le feu sont les deux moitiés – l’une visible et l’autre invisible – d’un symbolon. Et de même que le feu où il se manifeste est un élément fondamentalement échangiste, comme l’explique Héraclite, Hermès reçoit l’échange comme timê et compétence. La théologie de l’Hymne homérique est à la fois métaphysique (Hermès est semblable au feu) et métaphorique (la lyre ressemble à Hermès).

10 Orientée vers la quête de ce que Marie Delcourt aurait peut-être appelé « l’être profond »21 d’Hermès, ce substrat qui supporte la mouvance de ses représentations, mon étude de l’hymne s’est longtemps peu intéressée au contexte de son énonciation, à la fête qui l’a suscité, à la configuration locale du destinataire divin et à l’ancrage spatio-temporel de l’auditoire. Or, dès que l’attention du chercheur se porte sur la prestation sur les bords de l’Alphée, il est impossible, me semble-t-il, d’isoler la poiêsis

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du chanteur du rituel qui l’a occasionnée, un rituel qui vise à mettre au premier plan une figure particulière d’Hermès et à faire du temps des commencements un présent. Cet énigmatique maillon de la chaîne des erga a, sans doute plus que tous les autres, une double temporalité, celle de la tradition poético-religieuse et celle du rituel qui actualise cette tradition autour de la figure d’Hermès « roi de la Cyllène et de l’Arcadie riche en moutons ».

2. La double temporalité de la prestation sur les bords de l’Alphée

11 C’est ce que suggèrent le « langage » de l’épiclèse du dieu, comme dit Pierre Brulé22, et celui de la géographie, à la fois descriptive et symbolique, de l’épisode.

2.1. Le langage de l’épiclèse : « roi de la Cyllène et de l’Arcadie riche en moutons »

12 L’officiant sur les bords de l’Alphée est « né d’hier ». Voué, par son ascendance, à joindre le monde céleste de son père et le monde souterrain de sa mère et naturellement doué pour voler, galoper, ravager et se faufiler partout (v. 337), l’insaisissable et infatigable dernier né de Zeus doit, selon le dessein du dieu souverain, s’intégrer dans la hiérarchie divine et donc se débrouiller – et c’est un débrouillard ! – pour que ses aptitudes se convertissent en compétences reconnues : il lui faut devenir kerux de Zeus, maître de l’échange et dieu oraculaire. Sa prestation sur les bords de l’Alphée représente une étape essentielle dans son cursus.

13 Or cette prestation n’est pas celle d’un Hermès sans attache et sans qualification, mais celle de l’Hermès destinataire de la fête. Comme l’exige la pratique religieuse, le dieu est nommé dès le début du chant rituel : Hermès « roi de la Cyllène et de l’Arcadie riche en moutons » (v. 2 : Κυλλήνης μεδέοντα καὶ Ἀρκαδίης πολυμήλου). Nommer une divinité, explique Philippe Borgeaud23, c’est redéfinir la configuration particulière qu’elle revêt dans le rite et la replacer dans le système divin dont elle est solidaire. Quel est donc « le langage » de la nomination d’Hermès ? Elle précise son ancrage dans un territoire – la Cyllène et l’Arcadie – et la fonction qu’il y exerce : μεδέοντα, il y règne, il en assure le bon ordre, le juste fonctionnement24. Elle suggère de s’interroger sur les relations qu’entretient cette représentation arcadienne du dieu avec les divinités du système polythéiste local.

14 Comme en témoigne l’épithète κυλλήνιος,qu’Hermès porte dans l’Odyssée (XXIV, 1-5), son culte sur la Cyllène, où il reçoit un sacrifice annuel, et son ancrage en Arcadie font partie de la tradition poétique. Mais sa nomination dans l’hymne est plus précise. Elle laisse entendre que la montagne où le poète situe sa naissance est le centre fondateur qui fixe et construit l’Arcadie et que le dieu assure, en tant qu’indigène, la conduite de tout le pays avec bienveillance et efficacité puisqu’il le rend πολυμήλος. Hermès, « qui a le pouvoir de faire croître et décroître », manifeste, en effet, sa sollicitude à ceux qu’il aime, tel le troyen Phorbas (Il. XIV, 491-492), en les rendant riches en troupeaux. Comment interpréter cette évocation aux relents politiques d’un Hermès patron de tous les Arcadiens ? D’après les testimonia rassemblés par Madeleine Jost25, si Hermès est un grand dieu en Arcadie, il n’est pas implanté partout. Il est présent surtout autour de

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la Cyllène, à Phénéos et à Stymphale, en Mégalopolitide et, à un moindre degré, en Tégéatide. L’utilisation du verbe μέδω pour qualifier son pouvoir signifierait donc qu’il est conçu comme le fondateur de la dynastie royale et qu’une fonction unificatrice est attribuée à la royauté des origines. Les palaia, les vieilles histoires arcadiennes, lient effectivement le dieu indigène aux rois fondateurs : Arcas, qui a unifié le pays et lui a donné son nom, a été élevé par Maia. Aepytos, qui a refait son unité, a son tombeau près de la Cyllène d’après Pausanias (VIII, 4, 16-17) et partage avec Hermès, un sanctuaire à Tégée. Mais ces légendes dépendent de sources assez tardives, même si l’ Iliade (II, 604) fait déjà état d’un lien entre la Cyllène et le tombeau d’Aepytos. Or l’hymne, lui, est unanimement considéré comme antérieur au Ve siècle. L’évocation d’Hermès en tant que « roi de l’Arcadie » peut toutefois se prêter à deux prudentes hypothèses. La première a trait au statut de la fête religieuse qui a occasionné la performance. L’épiclèse suggère qu’il s’agit d’une manifestation qui transgresse le découpage en cités et provoque un rassemblement autour du dieu arcadien auquel la tradition attribue un rôle fondateur et fédérateur. La seconde hypothèse concerne l’organisation politique dont cette représentation pourrait être l’écho. Si, lors de cette fête, Hermès peut être évoqué par le poète en tant que « roi de l’Arcadie », c’est que, pour l’assistance, la cohésion qu’il confère au pays n’appartient pas seulement au temps des origines. Il est probable que les Arcadiens sont alors groupés dans un système qui les place collectivement sous la protection du dieu.

15 Cet ancrage arcadien du destinataire invite la recherche à prêter attention aux affinités qui lui sont attribuées dans le contexte du polythéisme local. Or l’hymne ne cesse de dire l’étroitesse de ses relations avec Apollon de Pytho. Toute la mise en intrigue de ses erga est liée à l’explication des origines de la φιλότης (v. 507-508) qui unit les « deux splendides rejetons de Zeus ». Les premiers exploits ne sont que les travaux préparatoires de l’ἀμοιβή, la très subtile mise en place par Hermès de l’échange (v. 397-504). Cette opération a pour fonction de sceller l’indéfectible affection du Cyllénien et du Pythien (v. 506-507). Une telle symbiose entre deux divinités dont les rapports sont ailleurs plutôt distendus suggère que, localement, elles doivent être mises en interaction dans le système divin et que leur association fait partie de la culture religieuse de l’auditoire. Procéderait-elle de relations de voisinage ? Certes le sanctuaire rustique d’Hermès sur la Cyllène et « la vaste demeure » d’Apollon au pied du Parnasse (v. 178) ne sont séparés que par le golfe de Corinthe et les deux divinités partagent le même autel à Olympie. Mais Pausanias fait état d’une promiscuité encore plus étroite dans la région située au nord de la Cyllène, une promiscuité qui remonte vraisemblablement au début de la diffusion du culte du Pythien dans le Péloponnèse. Au dessous de la montagne d’Hermès, le petit massif des Chelydorea, ainsi nommé dit- on parce que le dieu y a trouvé la tortue, sépare deux cités qui, l’une en Achaïe, l’autre en Arcadie, associent les deux divinités. Hermès est le grand dieu de l’arcadienne Phénéos (Paus., VIII, 14, 10) qui a consacré à Olympie l’Hermès criophore d’Onatas (Paus., V, 27, 8) et qui célèbre des Hermaia en son honneur. Son sanctuaire est dans la ville basse, celui d’Apollon dans la chôra. Pellène, l’achaïenne (Paus.,VII, 27, 1), possède un agalma d’Hermès dolios sur « les bords de la route » et un sanctuaire d’Apollon Theoxenios pour lequel elle organise des jeux appelés Theoxenia. Certes Pausanias ne dit rien sur les exigences sacrificielles d’Hermès et d’Apollon dans la zone de leur cohabitation, mais si le Pythien y est Theoxenios, c’est sans doute que la theoxenia fait partie de son rituel. Lorsque dans un chant qui glorifie leur indéfectible amitié, le « Roi du Cyllène » se livre à une opération qui démarque les pratiques théoxéniques de son

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bien-aimé Pythien26, un auditoire, qui a intégré dans sa culture religieuse la proximité des deux divinités, ne peut s’en étonner.

16 La prise en compte de la philotès d’Hermès et d’Apollon et de leur cohabitation au nord de la Cyllène réactualise peut-être la question de l’identification de la fête27 qui a occasionné la fabrication de l’Hymne homérique à Hermès. Il seraittentant, même en supposant que les Hermaia et les Theoxenia puissent étroitement associer deux divinités voisines, de mettre en relation ce chant de louange offert à Hermès avec les Hermaia de Phénéos. Cette hypothèse est séduisante, mais indémontrable : il n’y a d’information directe que sur les Theoxenia de Pellène ! Alors qu’au dire de Pausanias, la participation est réservée à des concurrents locaux, Pindare signale, à plusieurs reprises28, que les jeux sont ouverts aux autres Grecs et que le prix du vainqueur est la chlène « ce chaud remède qui protège des vents glacés ». Son scholiaste ajoute : « des jeux que nous nommons tantôt Hermaia, tantôt Theoxenia. » Si elle ne permet pas de préciser ce que sont les Hermaia de Phénéos, ces occurrences ne sont pas dénuées de toute information à leur égard. La confusion du scholiaste laisse supposer que ce sont des jeux qui associent étroitement Hermès et Apollon, et qui dépassent le cadre civique. Le silence de Pindare suggère que, si ces jeux ne sont pas panhelléniques, ils peuvent très bien réunir tous les Arcadiens. Sans doute serait-il plus prudent de renoncer à toute identification précise et de s’en tenir à une localisation flottante : la fête où Hermès est invité à se « réjouir » d’un chant qui le dit « roi de l’Arcadie » est une fête qui rassemble les Arcadiens par-dessus les frontières civiques. C’est au reste dans un espace géographique dont leur pays serait le centre que le poète situe le pseudo-sacrifice.

2.2. Le langage de la géographie

17 L’espace du pseudo-sacrifice se caractérise en effet par le curieux mélange d’une géographie symbolique, analogue à celle de la poésie homérique, et d’une géographie descriptive aux repères clairement signalés. Le chanteur actualise le cursus, accompli autrefois par le « Roi du Cyllène » entre deux portes du monde, dans le temps et l’espace de son auditoire.

18 L’insaisissable Voleur conduit les cinquante vaches dont il ampute le troupeau d’Apollon des montagnes de Piérie à l’antre de Pylos. Le chanteur affecte donc savamment à la prestation sur les bords de l’Alphée deux limites qui font partie de la géographie symbolique des épopées. La Piérie ? Dans l’Odyssée (V, 50), c’est en Piérie qu’Hermès s’abat sur les flots pour gagner l’île de Calypso, un omphalos des mers (I, 50) qui, comme le remarque Alain Ballabriga29, est aux portes du Couchant (V, 271-277) et au point de fusion des niveaux cosmiques. Les arbres sombres et les oiseaux funèbres qui entourent l’antre de la déesse disent au reste la proximité de l’Hadès (V, 63-67). Dans l’hymne, lorsque le tout-petit parvient en courant aux montagnes de Piérie, le Soleil plonge dans l’Océan qui ceinture la Terre (V.68). La Piérie confine donc elle aussi au monde du Couchant. On peut se demander si elle n’est pas également au point de fusion des niveaux cosmiques. La prairie d’asphodèles où paissent les vaches immortelles d’Apollon n’est pas sans rappeler une autre prairie d’asphodèles, celle que, dans l’Odyssée, sous la conduite d’Hermès du Cyllène, traversent les âmes des prétendants en route vers l’Hadès (Od. XXIV, 10-14). Certes « les routes humides » qui y mènent ne passent pas par la Piérie30, mais la présence de plantes sinistres (et peu

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prisées par les vaches ordinaires) dans les pâturages de Piérie n’est certainement pas dénuée de sens.

19 Pylos est la porte du monde vers laquelle Hermès conduit ses vaches en marchant sur le sable (v. 75). Cette cité est sainte (v. 216), « sableuse » et au bord de l’Alphée. (v. 398). C’est, de toute évidence, la « Pylos de Nestor » telle qu’elle apparaît dans l’Iliade et l’ Odyssée. Elle aussi est « près de l’Alphée » (Il. II, 591) – ou « traversée par l’Alphée » (Il. V, 545) –, « sainte » (Il. I, 252), « sableuse » (Od., III, 4) et en limite du monde péloponnésien. Sur quel ailleurs ouvre la porte de Nestor ? Vers la grande mer occidentale et/ou l’Hadès ? Venant d’Ithaque, Télémaque y débarque pour gagner Sparte à cheval et s’y rembarque sa visite achevée. Cette porte se révèle moins une ouverture vers le large ou les Enfers qu’un passage obligé pour qui cabote à la limite du monde grec31. Les indications homériques sur sa localisation sont assez floues et, comme il y a eu plusieurs Pylos dans le Péloponnèse occidental, son identification est un grand problème de l’érudition antique, et en particulier de Strabon (VIII, 3) qui essaye de concilier son autopsie des sites archéologiques et les données bibliographiques. Le repère géographique donné par le chantre d’Hermès sur l’emplacement de la sainte Pylos des sables tranche en revanche par sa précision. La cité est située à « l’endroit où l’on franchit l’Alphée » (v. 398). L’auditoire n’a même pas à deviner car on ne saurait être plus concret. L’Alphée est un fleuve difficile à franchir, mais, non loin de son embouchure, le gué très connu d’Épitalion permet de le passer sans difficulté. La course d’Hermès et de ses vaches s’arrête donc, avant d’atteindre Pylos de Triphylie, au bord de l’Alphée qu’ils ont traversé en amont.

20 L’auditoire est donc amené à se représenter le pseudo-sacrifice dans un lieu bien réel. Hermès n’officie pas en Arcadie, mais en Triphylie et, très précisément, sur les petites collines (185 m) qui dominent la rive gauche de l’Alphée, à une quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau du sanctuaire d’Olympie qui, comme le cours du fleuve lui-même, est en Pisatide. Ses vaches ont à leur disposition abreuvoirs et verts pâturages. Les sinistres asphodèles font place à une herbe fraîche de rosée, au trèfle et au tendre souchet (v. 105-107). Ce paysage bucolique n’a rien d’imaginaire. Strabon (VIII, 12) confirme qu’il s’agit d’une région particulièrement humide et verdoyante, pleine de piliers hermaïques et d’enclos consacrés à Artémis, à Aphrodite et aux nymphes.

21 Pour atteindre le lieu de sa prestation, Hermès se déplace certes entre deux limites symboliques de la tradition poétique, mais son trajet est jalonné de repères concrets qui permettent à l’auditoire de l’actualiser dans son propre monde. Le tout-petit jaillit de la grotte du Cyllène au matin, arrive en Piérie au moment où le char du Soleil plonge dans l’Océan (v. 68) et atteint le lieu du pseudo-sacrifice lorsque « la Lune divine monte à son observatoire » (v. 99-100) après avoir traversé l’Alphée (v. 101). Coucher du soleil et lever de la lune ? Le voyage d’Hermès joint donc les deux extrémités de l’horizon visuel d’un monde terrestre dont la Cyllène est le centre, un monde terrestre qui, selon la tradition, est ceinturé par les eaux liminales de Poséidon. C’est peut-être à sa fonction de dieu des limites que Poséidon doit son intervention dans le chant. Le poète est trop savant pour ignorer que la Pylos de Nestor a Poséidon pour patron. Il sait sans doute que les cités de Triphylie ont un sanctuaire commun de Poséidon à Samikon. Aussi pour bien montrer que son dieu joint, à partir de la Cyllène, deux extrémités de la voûte céleste, il le fait passer par le bois sacré de Poséidon à Onchestos. La traversée de l’Alphée est un autre repère dont la concrétude ne peut échapper à l’auditoire. Pourquoi, pour atteindre Pylos de Triphylie, le dieu a-t-il besoin de traverser l’Alphée,

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un fleuve ? Puisqu’il ne franchit pas l’Érymanthe, la frontière de son royaume avec l’Élide et la Pisatide, il est permis de supposer qu’il passe l’Alphée avant leur confluent, là où le cours du fleuve sépare son royaume de la Triphylie, et au niveau de la cité arcadienne d’Heraia, un point de passage fréquenté pendant toute l’antiquité, comme en témoigne encore Polybe (IV, 78). « Le roi du Cyllène et de l’Arcadie riche en moutons » a donc pénétré en Triphylie et traversé ce territoire dans toute sa largeur avant d’accomplir le pseudo-sacrifice face à la Pisatide et au sanctuaire d’Olympie.

22 La Triphylie ? Olympie ? Hermès, évoqué dans sa configuration de roi fondateur et rassembleur de l’Arcadie limitrophe, est donc censé avoir fréquenté, au temps des commencements, des hauts lieux de l’histoire du Péloponnèse et de ses conflits à l’époque archaïque! Comme l’explique Irad Malkin32, la Triphylie est, entre le VIIIe et le IVe siècle avant J.-C., une région sur laquelle Sparte, qui y a fondé six colonies – les colonies minyennes –, les Éléens et les Arcadiens ont des prétentions hégémoniques. L’hymne, lui, a été probablement composé dans le courant du VIe siècle33. L’admiration pleine de convoitise qu’éprouve le Cyllénien pour les splendeurs du sanctuaire de Delphes, ses trépieds, ses chaudrons, son fer, son or et ses étoffes (v. 179-181) permet, peut-être, de proposer une datation un peu plus précise. Il se peut que le chant soit postérieur à la victoire de l’amphictionie, aux grandes réalisations qui l’ont suivie et aux offrandes de Crésus, et antérieur à la destruction de 548. Mais qu’en est-il des tentatives hégémoniques sur la Triphylie au VIe siècle ? La situation du sanctuaire d’Olympie est moins mystérieuse. En 580, les Éléens, en pleine expansion territoriale, ont arraché aux Pisates la direction des jeux. Il est probable qu’ils ont institué à cette époque le sacrifice végétarien aux Douze Dieux. C’est très vraisemblablement face à un sanctuaire dirigé par les Éléens qu’Hermès accomplit sa prestation.

23 Actualisé dans le contexte d’un rituel en l’honneur d’Hermès « roi de la Cyllène et de l’Arcadie riche en moutons », le récit du pseudo-sacrifice n’en est pas l’aition, l’acte fondateur. La prestation ne laisse aucune trace matérielle susceptible d’instaurer un culte : le dieu « étouffa les charbons et passa le reste de la nuit à couvrir de sable la cendre noire » (v. 140-141). Comme la grotte de la nativité, qui a échappé à toutes les recherches archéologiques sur la Cyllène, la prestation du dieu ne s’inscrit pas dans le monde visible. Elle appartient à l’ordre du discours et n’a de vérité que théologique. C’est à l’auditoire du poète, un auditoire « doté d’une heureuse propension à la poésie », de la déchiffrer et de comprendre quelles sont les fonctions que lui attribue la révélation théologique qu’il est en train d’écouter.

3. Le pseudo-sacrifice : une mise en image à déchiffrer

24 Pour tenter de restituer au pseudo-sacrifice toute sa polysémie, il faut, à la manière de Laurence Kahn, ne jamais le dissocier de l’ensemble des erga. Mais pour aborder son décodage, il convient de prendre en compte un des caractères essentiels de la forme langagière qui en fait état, la sollicitation de l’auditoire. La parole du chanteur ne discourt pas, elle signifie et son écoute est une herméneutique. Elle donne à voir des images et il appartient à ceux qui l’écoutent de les observer, de repérer les signes donnés, de déchiffrer leur sens caché et de les coordonner entre elles. L’analyse du pseudo-sacrifice est d’abord une affaire de mise en image : la colline dominant l’Alphée et la Pisatide, le feu dans le trou avec sa grande pierre et à ses côtés, son inventeur en train d’accomplir, dans un silence absolu, des gestes sans doute rituels – « les gestes

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exécutés… sont autant de moyens que le rituel s’accorde pour éviter de parler » dit C. Lévi-Strauss – mais rituellement inclassables34. C’est alors que se laissent percevoir les ressemblances entre l’inventeur et son invention. Sur les bords de l’Alphée, l’agir d’Hermès est semblable à celui du feu. Son ergon est un ergon de feu.

3.1. Comme le feu domestique, Hermès est un avaleur de viandes

25 « Né d’hier », le dieu s’avère d’emblée « sarcophage », aurait dit Plutarque. Il est tenaillé – κρεῶν ἐρατίζων – par une folle envie de viandes (v. 85). Il n’est pas question pour lui de humer l’odeur des os entourés de graisse qui brûlent sur l’autel d’un grand sacrifice de consommation alimentaire, celui, par exemple, qu’il reçoit annuellement35 dans son sanctuaire agreste de la Cyllène36. Ce qu’il veut, précise le poète, c’est « faire passer (de la chair) dans son gosier sacré » (v. 134). Son appétit dévorant, remarque Dominique Jaillard37, est celui d’un fauve : le même verbe eratizo, désigne dans l’Iliade (XVII, 660), un désir (ἔρος) irrésistible, le désir de chair fraîche du lion… ou le désir de se battre d’un Ménélas poussant le cri de guerre. Il est aussi celui de son invention, un caractère que le poète n’a pas besoin de signaler à son auditoire qui la connaît d’expérience. Le feu dans le trou est un vorace qu’il est nécessaire de constamment alimenter. Or, dans les sociétés évoquées par la poésie homérique, le feu qui brûle dans le creux de l’âtre de la maison est très porté sur la viande : ses langues ardentes, sinon son gosier38, dévorent rituellement des thuêlai carnées.

26 Il y a plusieurs feux dans l’imaginaire hellénique39. Le feu qu’invente Hermès est précisément le feu domestique. Ce dernier n’a ni le flamboiement assourdissant de la foudre de Zeus40, ni la puissance destructrice de la flamme resplendissante d’Héphaïstos41, si prompte à brûler les cadavres. Né du frottement très sexualisé de deux morceaux de bois (un mâle et une femelle), c’est une incandescence fragile qui s’épanouit doucement, comme la fleur ou le petit enfant, dans un bothros, le trou protégé par des cailloux que le berger creuse en plein air ou le creux aménagé dans les cendres de l’eschara, l’âtre de la maison. Jusqu’à l’adoption de nouvelles manières de table, liées à l’introduction en pays grec du « banquet couché », le feu de l’âtre domestique est le feu de la cuisine et de la commensalité. Il convertit les bûches en chaleur et en lumière, les produits des champs et de l’élevage en nourriture pour hommes civilisés, le cru en cuit dans le chytre ou directement sur la braise. Il est aussi le centre du dais, du banquet où chacun a sa part. Dans le palais d’Alkinoos, comme dans la baraque d’Achille ou la cabane d’Eumée42, l’‘hospitant’ et ses ‘hospités’43 partagent le vin, le pain, et la viande, les trois aliments qui entrent alors exclusivement dans la composition du banquet, assis autour du foyer, dans son cercle de chaleur et de lumière. Chacun a son siège et sa petite table avec sa coupe de vin, sa corbeille de pain et son plateau de viande. Le vin vient de la réserve, le pain a été cuit au four, un instrument patronné à l’époque classique par Héphaïstos. En revanche, les pièces de viande à rôtir et les préparations à base de boyaux, les boudins et les saucisses, sont apprêtées sur la braise de l’âtre en présence des convives. Dans le dais, l’ôpson, la nourriture cuisinée, est exclusivement carnée. Si les commensaux sont pieux, après « avoir satisfait la soif et l’appétit », ils ne manquent pas de pratiquer le rituel des thuêlai et de jeter dans le feu une offrande aux dieux, car tel est alors, dit Jean Rudhardt, le sens de θύειν. Patrocle jette des morceaux de viande (Il. IX, 220). Il est dans l’ordre des choses en effet que le feu dévore sa part du seul aliment qu’il a cuit et la

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métamorphose en fumet pour les dieux. Quant la viande fait défaut ou que le repas n’est pas cérémoniel, on procède à une offrande de substitution. Ulysse, obligé de se contenter d’une pauvre pitance – le fromage du Cyclope – en fait hommage, faute de mieux. En revanche, les prétendants qui sont impies, se dispensent de toute offrande. Dans les sociétés évoquées par la poésie homérique, le rituel des thuêlai pratiqué lors du dais fait du feu de l’âtre un feu sarcophage et agent de liaison entre les dieux et les hommes. Quels sont les dieux honorés grâce à sa médiation lors du banquet ? Une occurrence des Euménides (v. 105-111) laisse supposer qu’il s’agit des dieux du dessus. Certes le feu domestique met aussi en contact avec les puissances infernales, mais le rite est très différent. C’est de nuit, ‘à une heure ignorée de tous les autres dieux’ que Clytemnestre passe par la médiation de ‘l’âtre flambant’ pour offrir aux Érinyes victimes et libations sans vin, ‘sobres breuvages apaisants’.

27 La sarkophagie du feu de l’eschara est donc inhérente à sa double fonction de centre du banquet partagé et de médiateur entre les niveaux cosmiques. Celle d’Hermès lui est tout aussi constitutive. La prestation sur les bords de l’Alphée, où le dieu se refuse finalement à faire passer de la viande dans son gosier sacré, n’est pas le signe d’une renonciation définitive. Elle ne le convertit pas en destinataire exclusif de la thusia. Hermès, dit Apollon (v. 287), sera toujours tenaillé par son envie de viande et n’hésitera pas à faire main basse sur les troupeaux des bergers. Le Ps.-Apollodore (III, 10, 2), qui se réfère sans doute à une autre tradition, lui fait au reste consommer une partie de la viande du pseudo-sacrifice « après l’avoir faite bouillir ». Les comportements alimentaires d’Hermès et du feu de l’âtre ont vraisemblablement eu des destins parallèles. La sarcophagie du premier s’est éteinte lorsqu’il cessa, avec l’adoption du repas couché dans un andrôn dépourvu d’âtre, d’être le centre de la commensalité et le destinataire des thuêlai. Celle du second a évolué en boulimie. Dans la tradition classique, tout au moins dans celle qu’évoque Aristophane dans La Paix44et le Ploutos, Hermès est un goulu toujours friand de viandes, mais porté aussi sur le bouillon, le pain et les gâteaux au fromage. Pourquoi serait-il exclusivement voué à la viande alors que les goûts alimentaires ont changé et que le poisson est devenu l’ôpson45 par excellence du banquet ?

3.2. Comme le feu domestique, Hermès est un kêrux affecté au service de la table

28 Auprès du feu qu’il vient d’inventer, le feu de la cuisine, de la commensalité et de la médiation avec les divinités des mondes célestes et infernaux, Hermès est représenté en train de besogner, mais le poète s’abstient de préciser à quel titre. À ses auditeurs de découvrir la signification des gestes divins. Dans les sociétés évoquées par l’Odyssée, autour du feu de la maison, s’affairent les gens affectés au service de la table, domestiques et hérauts, qui tiennent précisément d’Hermès leur savoir faire. Au chant XV (v. 319 sq.), les domestiques, comme ils le feront à l’époque classique, se réclament d’Hermès diaktoros, un terme d’origine inconnue, compris comme « messager ». Pour éprouver Eumée, Ulysse, déguisé en pauvre hère, parle d’aller au palais se mettre au service des prétendants : « grâce à Hermès diaktoros qui accorde charis et kudos aux erga des hommes, pour le service, aucun mortel ne peut m’en remontrer : dresser le feu, fendre les bûches sèches, trancher la viande, la griller, verser le vin, tout ce que font enfin les cherêes chez les agathoi ». Au chant I (109 sq.), les hérauts et les écuyers sont aussi affectés au service de la bouche. Les prétendants jouent avec des jetons assis sur

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les peaux des bœufs qu’ils ont abattus tandis que s’activent kêrykes et therapontes : « les uns mêlaient le vin et l’eau dans les cratères, d’autres avec l’éponge alvéolée lavaient les tables et les leur avançaient, d’autres encore tranchaient les viandes ».

29 Pour calmer sa faim dévorante, après avoir inventé le feu domestique, Hermès se comporte donc en kêrux au service d’un maître et commence les préparatifs d’un dais. Certes il n’a pas encore le titre de kêrux de Zeus. Son cursus n’est pas achevé et Apollon ne lui remettra l’insigne de son intégration dans l’ordre divin – la baguette d’or à trois feuilles – qu’après l’institution de l’échange. Mais il l’est en puissance puisque Zeus l’a déjà reconnu comme tel (v. 231) et que les desseins du dieu souverain s’accomplissent toujours. Les qualités congénitales du tout-petit doivent être mises au service du pouvoir paternel. Son adoubement fait de l’infatigable nourrisson qui, entre deux levers de soleil, joignait le levant et le couchant, le dessus/la montagne et le dessous/la caverne, un coursier au service du Maître du monde. Sa fonction est proche de celle de serviteur. C’est, au reste, de diâkonos, de serviteur, qu’il est traité par Prométhée dans le Prométhée enchaîné (v. 941). En tant que kêrux au service du souverain céleste, Hermès obtient, à titre de geras, « d’être le seul messager accrédité auprès d’Hadès » (v. 574), le seul agent de liaison entre les trois niveaux cosmiques.

30 Il suffit de mettre en image la parole « indirecte » du poète pour « voir » se mettre en place la relation Hermès/feu/kêrux/diaktoros. L’invisibleHermès est semblable au feu bien visible de l’âtre et les épithètes laudatives qui le concernent conviennent parfaitement à l’objet qui le rend présent. Si le dieu est proche de l’homme (Il., XXIV, v. 235-236), ἐριούνος, bienveillant (selon l’interprétation admise) et δῶτορ ἐάων, porteur de bienfaits, son invention l’est aussi. Tous deux font la cuisine et le service de la table : ils sont hérauts, voire serviteurs. Tous deux sont des médiateurs, des agents de service assurant la liaison entre le monde du dessus et le monde du dessous.La relation d’Hermès avec « l’âtre flambant », la cuisine et un statut de serviteur dans l’ordre divin, a survécu à la disparition des manières de table dont elle était tributaire. Hermès est dans la Paix (v. 201-202) un serviteur affecté à la garde de la batterie culinaire des dieux et Callimaque (Hymnes III, 69) fait de lui le μορμώ, le croquemitaine qui « arrive du plus profond de la maison, couvert de cendres noires », pour faire peur aux petites filles de l’Olympe lorsqu’elles ne sont pas sages.

31 Sur les bords de l’Alphée, Hermès serait donc représenté auprès du feu de la cuisine en héraut cuisinier et serviteur de la table. Soit ! Cette fonction pourrait-elle rendre compte de la façon inattendue dont il traite les peaux des deux vaches abattues ? Avant même de procéder à la répartition des viandes, il s’en empare personnellement et « les étendit sur une roche très sèche » (v. 124). Le poète a besoin, dit-on, de justifier la forme d’une roche locale. Sans doute ! Mais pourquoi tiendrait-il à préciser l’acte de propriété du kêrux divin et la sécheresse de la roche s’il n’entendait pas signifier que l’officiant a mis à sécher des peaux qui, selon toute apparence, lui reviennent de droit ? La cuisine d’Hermès n’est pas une cuisine humaine. L’hospitant et les hospités étant divins, Hermès fait figure de kêrux d’une cérémonie rituelle. Or des inscriptions, comme le montrent les travaux de Catherine Goblot-Cahen46, attestent que, à l’époque des cités, les hérauts avaient un rôle important dans certaines cérémonies religieuses et que les peaux des animaux mis à mort pouvaient leur être attribuées. Le rapprochement est certes audacieux, mais il est possible de se demander si ce n’est pas en tant que héraut d’un banquet préparé pour les dieux qu’Hermès dispose des peaux.

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32 Les gestes d’Hermès affamé, autour de son feu dévoreur de thuêlai, sont ceux d’un kêrux préparant un dais. La technique utilisée pour la mise à mort des vaches s’écarte toutefois de la norme. Particulièrement violente, elle n’est pas celle, censée paisible, de la thusia. Hermès (v. 116-119) les renverse à terre, les fait ployer et rouler, « en leur transperçant la moelle de vie ». Elle n’est pas pour autant celle des humains en cuisine qui, eux, n’auraient pas la force d’agir ainsi. Eumée n’assomme-t-il pas « le porc aux blanches dents » avec une grosse bûche avant de le saigner ? Le poète commente cet abattage insolite, surtout de la part d’un nourrisson : « il était très fort ». Mais que veut-il signifier par ce déchaînement de violence ? Hermès a une faim de lion. Est-il fauve tuant sauvagement sa proie ? Est-il feu, bondissant de son trou comme le nourrisson de sa grotte, pour se déchaîner et tordre les arbres dans ses flammes tourbillonnantes à la manière de celles d’Héphaïstos lors de son combat contre le Xanthe (Il. XXI, 342 sq.) ?

33 Très différente de celle du sacrifice sanglant de consommation alimentaire qui sépare le sang, les os, les graisses et les chairs des victimes, la boucherie d’Hermès est bien, en revanche, celle des personnages en cuisine de l’épopée, Patrocle (Il. IX, 210 sq.) et Eumée (Od. XIV, 414 sq.). Elle est, comme la leur, déterminée par le mode de cuisson pratiqué, une cuisson à feu vif, directement sur la braise ou à la broche. Ne sont retenues que les pièces de l’animal qui se prêtent à ces deux formes de rôtissage, les « chairs » et en particulier l’échine, le geras par excellence, et les boyaux (en choladessi) remplis de sang noir, autrement dit les boudins. La graisse est utilisée pour enrober la viande et l’empêcher de se dessécher. Comme le remarque Athénée (I, 46e) commentant le geste des prétendants qui jettent un pied de bœuf à Ulysse déguisé en mendiant, ce type de cuisine exclut certaines pièces : « personne, dit-il, ne fait griller un pied de boeuf » et j’ajouterai, pour ma part, « personne ne fait griller une tête de bœuf ». Il est dans la logique de ces manières de table que les pieds et les têtes des vaches découpés restent inutilisés et que le dieu soit, à la fin de l’opération, dans l’obligation de les brûler puisque les grillades, auxquels elles ont été liées, ont été offertes aux dieux.

3.3. Comme le feu domestique, Hermès est un expert en métamorphoses

34 L’agir d’Hermès et celui du feu présentent une troisième ressemblance : le pouvoir de conversion. Le feu qui flambe dans l’âtre de la maison est, comme l’a depuis longtemps montré André Leroi-Gorhan47, un expert en métamorphoses : il transforme les bûches en chaleur, lumière et cuisson. Hermès l’est aussi. Il est d’abord le héraut d’un dais quasi humain dont il se présente aussi comme l’hospitant.Mais ce dais devient theoxenia dès qu’il procède au partage de sa cuisine en douze parts strictement égales, le geras, la part d’honneur qui établit la hiérarchie, étant lui-même partagé. Une telle isonomie permet de supposer que ces douze parts sont destinées aux Douze Dieux, un groupe, comme l’a montré Stella Georgoudi, aux individualités trop soudées et harmonieuses pour ne pas être destinataires d’offrandes identiques. Les invités sont donc des xenoi, des hospités venus d’ailleurs, vraisemblablement d’Olympie, leur sanctuaire le plus proche, et Hermès lui-même puisqu’il est indissociable du groupe. La theoxenia48est, au reste, une procédure familière au « roi de la Cyllène et de l’Arcadie riche en moutons ». N’est-il pas particulièrement lié avec son voisin Apollon de Pytho qui est theoxenios à Pellène et destinataire à Delphes de ce type de rituel ? La confusion que fait le

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scholiaste de Pindare entre les fêtes de Phénéos et de Pellène suggère même l’éventualité de quelques conjonctions entre les cultes des deux divinités.

35 Mais la theoxenia devient autre chose. Les Douze Dieux ne viennent pas s’asseoir autour du feu pour prendre part au festin. Hermès renonce à faire passer sa part de viande dans son gosier sacré. Son feu ne reçoit pas de thuêlai. Que s’est-il passé ? Comme il a converti la tortue en lyre, il convertit un dais analogue à celui des hommes en theoxenia et la theoxenia en un rituel analogue à celui des trapezomata. La large pierre sur laquelle Hermès fait les parts devient la trapeza, la table sacrée sur laquelle dans un sanctuairesont déposées les offrandes de nourriture pour les dieux et en particulier, après le sacrifice sanglant, les viandes crues que les hommes ont prélevé sur leur part. Orles viandes cuites présentées par Hermès sont ὅσια(v. 130). Laurence Kahn estime que le terme s’oppose à hieros et signifie leur désacralisation. En les rendant consommables, la procédure mettrait en place les conditions du grand sacrifice sanglant de consommation. Jean Rudhardt49 explique, comme le relève Dominique Jaillard, que hosios, entre autres sens, s’applique dans le domaine de la religion, à un rite, juste, régulier et, par conséquent efficace. En offrant des viandes cuites sur son feu et en les répartissant isonomiquement, Hermès a apparemment fait ce qui devait être fait pour satisfaire les Douze Dieux d’Olympie et obtenir leur acquiescement.

36 Mais cette oblationdevient autre chose. Hermès ne laisse pas les viandes à la disposition des Douze sur la table d’offrande (v. 134-135). Il les dépose dans l’étable (κατεθήκεν) et les suspend (ἀνάειρε) promptement en l’air « pour commémorer le vol qu’il venait de faire » ajoute le poète. Hermès convertit son oblation en rituel desanathêmata50, les offrandes, explique J. Rudhardt, « prélevées sur le produit d’une conquête ou d’une victoire » que l’on suspend dans un lieu consacré pour témoigner d’un succès et de sa gratitude envers l’appui divin. Or cette « haute étable » où le dieu a enfermé pour la nuit les quarante-huit vaches restantes est un λάινον ἄντρον (v. 401), un antre de pierre qui est semblable à « la caverne fumeuse » (v. 359) où il est né et au bothros où il a allumé le feu. La boucle se referme. L’exploit d’Hermès débute avec l’invention du feu et s’achève sur un hommage au feu et à lui-même. Toutes ces conversions rituelles font de la procédure accomplie une procédure rituellement inclassable. Quelle est la fonction de cette singulière complexité ?

4. La polysémie de la prestation d’Hermès sur les bords de l’Alphée

37 Mettre en image la prestation d’Hermès sur les bords de l’Alphée, c’est percevoir la relation constitutive qu’Hermès entretient avec son invention : l’agir du dieu est semblable à l’agir du feu. Le déchiffrage des signes de leur ressemblance en viendrait même à concentrer l’attention sur le comment de l’ergon et à faire passer au second plan son pourquoi. L’extrême difficulté de l’interprétation de ce maillon de la chaîne des erga tient au fait que, dans celui-ci plus que dans les autres, la parole de vérité du poète brouille une théologie d’ordre métaphysique sur la relation Hermès / feu domestique / vol / échange et une théologie d’ordre idéologique liée à une réorganisation occasionnelle des données de la tradition poético-religieuse répondant à l’attente de l’assistance.

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4.1. Une théologie de circonstance

38 C’est l’intervention des Douze Dieux qui représente, je crois, ce qu’il y a d’actualisation, de circonstanciel, d’idéologique dans la théologie du poète. Leur concours est certes important dans l’enchaînement des erga puisqu’il cautionne le succès du pseudo- sacrifice, mais il permet aussi d’inscrire dans le temps des origines un certain moment de la politique arcadienne sur les deux rives de l’Alphée et de réaliser une opération de fondation et de sublimation dont l’opacité de l’histoire événementielle rend l’approche infiniment périlleuse.

39 Les Douze Dieux font leur apparition à la suite d’une procédure rituellement inclassable. La « finalité » de ce véritable tour de passe-passe est, apparemment, de mettre, à la place d’un rituel analogue au dais des hommes et préparé par un Hermès/ feu/kêrux, un acte d’oblation aux Douze Dieux, analogue au rituel des trapezomata etoffert par un des leurs, la theoxenia jouant le rôle d’étape intermédiaire. Hermès certes agit à la manière de son invention et, comme le feu escamote, il escamote. Mais pourquoi sa manière d’opérer est-elle si compliquée ? Se pourrait-il que ces escamotages successifs soient une sorte « d’outil logique » qui permettrait au chanteur d’actualiser sa théologie et d’introduire, en fonction du contexte politico-culturel de la fête, les Douze d’Olympie dans les enfances du « roi de l’Arcadie » ? Un chapitre de l’ Anthropologie structurale où C. Lévi-Strauss51 démontreque « la pensée mythique procède de la prise de conscience de certaines oppositions et tend à leur médiation progressive », permet peut-être de comprendre le procédé utilisé. Je ne sais pas si la pensée du poète est « mythique »52, mais les escamotages d’Hermès s’apparentent bien à une opération de médiation destinée à passer de l’incompatible au compatible. Le dais, dont le dieu sarcophage patronne le service etauquel son feu prend part en tant que mangeur et médiateur, est un rituel humain de commensalité et de consommation alimentaire incompatible avec le culte des Douze bénéficiaires à Olympie d’une oblation végétarienne. La theoxenia est encore, comme le dais, un rituel de commensalité et de partage de nourriture humaine53, mais au niveau divin et sans consommation. En déposant sur la table d’offrande des parts de viande cuites sur la braise de son feu, Hermès offre encore aux Douze des « nourritures humaines », dont il peut avoir envie en d’autres lieux, mais des nourritures qui ne génèrent ni commensalité, ni consommation. Il s’agit d’une oblation en marge d’une immolation comme sont des oblations le rituel des trapezomata lié à la thusia et le sacrifice végétarien des Éléens. C’est sans doute à son caractère d’oblation que cette offrande sur la table doit d’être compatible avec le culte des Douze et d’Hermès en tant qu’un des leurs. La réduction des incompatibilités permet au poète de faire intervenir les Douze dans l’ergon d’Hermès et d’établir une relation entre deux figures d’Hermès, celle du mangeur de viande et du kêrux cuisinier et celle d’un membre à part entière de la collectivité des Douze Dieux traitant sur un pied d’égalité avec elle. Rituellement inclassable, la procédure est peut-être « l’outil logique » qui permet au chant de s’ouvrir aux préoccupations politico-culturelles de l’assistance.

40 Pour un auditoire, vraisemblablement arcadien et à coup sûr rassemblé pour fêter « le roi de l’Arcadie », quel intérêt pouvait présenter, à une époque où les rivalités autour du sanctuaire d’Olympie faisaient l’histoire événementielle de la région, l’intervention des Douze Dieux dans les enfances de son dieu ? Le très concret chassé-croisé d’Hermès de part et d’autre de l’Alphée permet peut-être de répondre à cette question. Le dieu

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est sur les deux rives du fleuve. Sur la rive gauche, il est le dieu indigène de l’Arcadie, son fondateur et son roi. Or ce « roi » n’opère pas dans son royaume. Il a franchi l’Alphée qui le sépare de la Triphylie, traversé ce territoire dans toute sa largeur et procède à son oblation sur les collines qui dominent le fleuve et font frontière avec la Pisatide. Sur la rive droite, en Pisatide, il est un des Douze Dieux du sanctuaire d’Olympie, le membre indissociable d’une communauté divine, solidaire, harmonieuse et isonomique, dont les autels doubles jouent un rôle fondateur dans la construction de l’espace sacré et qui reçoit, vraisemblablement depuis que les Éléens ont triomphé des Pisates et établi leur hégémonie sur le sanctuaire, un sacrifice mensuel non sanglant.

41 L’oblation d’Hermès a lieu sur la rive gauche, à la frontière de la Triphylie et de la Pisatide. Les Douze d’Olympie n’y assistent pas, ils sont seulement invoqués par le truchement de la présentation silencieuse de l’offrande. Le sens de l’opération se différencie donc nettement de celui de la theoxenia : bien que ce rituel soit mal connu54, il semble qu’il ait exigé la présence des divins participants, au moins en effigie, et qu’il ait eu pour finalité d’intégrer, par le truchement des nourritures partagées, un dieu étranger parmi les divinités du lieu55. Il est clair que ce n’est pas ce genre de relation qu’Hermès veut instaurer : les Douze restent en Pisatide. En revanche, son offrande met en exergue sa présence sur la rive droite, dans le sanctuaire d’Olympie, en Pisatide. Elle ressemble au sacrifice mensuel des Éléens dans la mesure où il s’agit d’une oblation et en diffère puisqu’il s’agit d’une oblation sanglante. Or effectuée selon les règles du partage isonomique, elle n’en est pas moins agréée par les Douze qui la cautionnent et avalisent l’action de l’officiant. En refusant de faire passer son hosie de viande dans son gosier sacré et en la laissant sur la table d’offrande comme s’il s’agissait de son autel double, le « roi de l’Arcadie » actualise son intégration dans le groupe des Douze Dieux d’Olympie et affiche son appartenance à cette collectivité soudée qui, dans ce sanctuaire comme ailleurs, joue un rôle fondamental dans l’organisation de l’espace sacré. Actualiser la présence du dieu fondateur des Arcadiens dans le groupe des Douze est peut-être une façon de valoriser la présence des Arcadiens dans le sanctuaire – une présence dont témoigne l’Hermès criophore d’Onatas offert par les Phénéates – le rôle qu’ils y jouent depuis l’origine et qu’ils entendent continuer à y jouer en dépit de l’hégémonie acquise par les Éléens sur la Pisatide.

42 L’oblation a lieu à leur frontière. Les Douze d’Olympie ont accepté d’être invoqués par « le roi de l’Arcadie » depuis la Triphylie, un territoire limitrophe de son royaume et manifesté leur solidarité à son égard. Le groupe habilité à la construction de l’espace sacré avalise donc la présence habilitante de l’un des siens, dès le temps des origines, sur la totalité d’un territoire que les Arcadiens pendant trois siècles ne cesseront de disputer aux Éléens et aux Lacédémoniens. Leur caution est une caution pour toujours. La procédure n’aura pas besoin d’être réactualisée par l’institution d’un culte. Le foyer et la table d’offrande ne serviront plus. Hermès jette ses merveilleuses sandales dans l’Alphée, ce qui laisse supposer qu’ayant obtenu ce qu’il voulait – l’acquiescement des Douze – il s’engage à ne pas jouer « le prince des brigands » (v. 175). Alors qu’il menace à plusieurs reprises de razzier le magnifique sanctuaire de Pytho, il ne passera pas l’Alphée pour pénétrer en Pisatide et piller celui d’Olympie. Le poète signale au reste à son auditoire que le dieu, qui est à la fois dessus et dessous, a laissé des signes impérissables de sa présence en Triphylie, des signes visibles dans le monde du dessus, les peaux sur la roche sèche, et des signes cachés, dans le monde du dessous, les viandes suspendues dans la grotte qui célèbrent son succès. Et l’historienne de se demander s’il ne pourrait pas y avoir quelque concomitance entre les sandales d’Hermès confiées à

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l’Alphée en guise de déclaration de paix et la délimitation réelle, supposée ou proposée de deux zones d’influence : aux Éléens, la Pisatide avec Olympie, aux Arcadiens, la Triphylie ?

4.2. La révélation métaphysique

43 Les Douze Dieux cautionnent l’ergon, mais leur intervention n’en est pas moins superfétatoire dans la mesure où elle n’a aucun effet déterminant sur la fonction qu’assume la prestation sur les bords de l’Alphée dans l’enchaînement des kluta erga. La réussite du pseudo-sacrifice est au reste déjà acquise avant leur intervention. Hermès ne fait qu’accomplir le dessein de Zeus qui entend utiliser les dispositions naturelles de son dernier né pour faire de lui son kêrux. Dès l’abattage des deux vaches, il est certain que les choses sont accomplies comme elles doivent être accomplies. Alors que la mise à mort contre les règles des vaches immortelles du Soleil suscite dans l’Odyssée une série de prodiges, celle des vaches tout aussi immortelles d’Apollon, ne s’accompagne dans l’hymne d’aucun phénomène surnaturel.

44 L’ergon le plus merveilleux d’Hermès, celui qui, dans le chant, commande tous les autres, c’est l’invention de l’amoibê, l’échange qui fonde son amitié avec Apollon. Il s’agit d’un marché qu’énonce sans ambiguïté le vers 507 : la chelys d’excellente qualité fabriquée par Hermès vaut bien les cinquante vaches d’Apollon. Bien que les deux échangistes soient fondamentalement suspects, l’un est voleur et l’autre brutal, le marché donne satisfaction aux deux parties, ce qui suppose que l’invention a été menée comme elle devait l’être. Toute la révélation du poète consiste à faire voir à son auditoire comment le Voleur, dont l’invisible présence se manifeste dans le feu domestique et qui, à toutes les étapes de son cursus a agi en maître du feu, est devenu le dieu de l’échange. Cette question ayant été longuement traitée à Rennes56 dans une communication précédente, je m’autorise quelques rapidités.

45 Hermès étant fort dépourvu au départ, l’invention de l’amoibè exige qu’il se procure les choses mises en jeu, les métamorphose et contraigne astucieusement Apollon à l’échange. La chance – Hermès est le dieu de la chance – lui vaut de rencontrer la tortue et il la convertit en une marchandise échangeable, la lyre. Le vol – Hermès est congénitalement voleur – lui permet de se procurer les vaches et il les convertit en monnaie d’échange conventionnelle. C’est cette dernière opération que réalise l’ergon accompli au bord de l’Alphée.

46 Le troupeau immortel qu’Hermès conduit en Triphylie compte exactement 50 vaches. L’échange implique une évaluation : il faut qu’il y ait un rapport d’équivalence entre les choses mises en jeu. Hermès ne vole pas tout le troupeau d’Apollon, comme il pourrait le faire, expert comme il est en substitutions de toutes sortes, mais seulement les 50 vaches dont la valeur d’échange correspond à celle de la lyre. Le Voleur commence à se faire honnête.

47 Il fait passer le troupeau immortel de la prairie d’asphodèles à la prairie de souchet. Il invente le feu domestique dans le trou, immole deux vaches et cuisine leurs viandes sur la braise tandis qu’il enferme les quarante huit autres dans une grotte-étable. L’interprétation de l’opération est unanime : en lui ôtant son immortalité, elle désacralise le troupeau volé. Mais est-ce pour faire des bêtes restantes, comme le pensent L. Kahn et Dominique Jaillard, des bêtes domestiquées, vouées à la reproduction, à la mort et au sacrifice sanglant de consommation alimentaire ? Je ne le

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crois pas. Hermès, dont la spécialité est de faire croître les troupeaux, a laissé le taureau : les vaches volées ne sont pas destinées à la reproduction. Hermès a également laissé les chiens : les vaches volées ne sont pas destinées au pâturage. Pourquoi ? Hermès est dieu, dit-on parfois, et il fait fi des profits de l’élevage. Son grand frère est dieu aussi et il est très prêt de ses intérêts ! Hermès (v. 35), au reste, regarde à la dépense et, en dieu très attaché à la maison et proche du « foyer flambant », il fait sien le proverbe : « On est bien mieux chez soi; dehors, on se ruine ». Les quarante huit vaches qui ne consomment pas de nourriture et qui ne se reproduisent pas sont exclues par le dieu du cycle biologique : elles ne sont plus des êtres vivants, mais des êtres fictifs. Le pseudo-sacrifice fait passer les vaches volées de la catégorie des probata, la richesse qui broute, qui croît et qui circule, le bétail, à celle des chrêmata, la richesse que l’on enferme (v. 400) dans les coffres au plus profond de la maison. Il enlève au troupeau sa valeur d’usage et le métamorphose en valeur d’échange, en une de ces monnaies conventionnelles – les bœufs en l’occurrence – qui, sur les bords de l’Égée, servent de paiement avant l’invention de la monnaie. Hermès a fabriqué les deux produits mis en jeu lors de l’échange, la marchandise à vendre et la monnaie conventionnelle pour l’acheter.

48 Dès qu’est posée la question de la fonction du pseudo-sacrifice dans la mise en place de l’échange, les ressemblances entre la façon d’agir d’Hermès et celle de son invention, le feu domestique, relevées lors du décryptage de la mise en image de l’opération prennent toute leur signification. La métamorphose des vaches en monnaie d’échange est l’œuvre d’Hermès et du feu, d’Hermès/feu. Elle fait intervenir deux cavités sombres, semblables à la grotte sombre et fumeuse où le poète a donné à voir à son auditoire la naissance du dieu, le bothros dans lequel brûle le feu de l’immolation et la grotte étable où le dieu cache nuitamment (vers 401) le reste troupeau. La mise à mort des deux vaches immortelles qui désacralise le troupeau volé est l’œuvre d’un Hermès semblable au feu, d’un Hermès/feu. Devenu étonnamment fort, le tout-petit tord les deux victimes comme le ferait une flamme puissante échappée de la cavité qui la domestique et il rôtit leurs chairs sur la braise. S’il ne les dévore pas en dépit de son appétit, comme son feu le fait des thuêlai, c’est que l’intermède des Douze Dieux infléchit momentanément le processus. Pour que les quarante huit vaches restantes soient au petit matin métamorphosées en monnaie d’échange, il faut qu’elles passent la nuit dissimulées dans un trou sombre, comme Hermès qui à la fin de la nuit retourne dans sa grotte pour s’en échapper au petit matin, comme le feu de la maison qui sommeille toute la nuit sous sa couverture de cendres pour se réveiller avec le jour.

Conclusion

49 Cette lecture de la prestation d’Hermès sur les bords de l’Alphée représente donc une aggravation – un « tour de plus » – dans une démarche en marge des voies reconnues et bien balisées par la recherche. Elle reconduit l’infraction, commise dans les premiers articles, vis-à-vis de la théorie dominante dans le domaine de la religion grecque. Émettre l’hypothèse qu’un dieu comme Hermès puisse être semblable au feu et donc avoir un « être profond », une substance dissimulée sous ses multiples configurations, risque fort d’être taxé d’hérésie par les spécialistes. Cette étude inaugure une nouvelle infraction. En essayant de relever dans un texte poétique, sinon des événements historiques, du moins quelques gravats laissés par eux, ne peut que soulever

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l’indignation des historiens attachés aux realia. Comment qualifier ce saut dans le vide ? Relève-t-il du courage ou de l’inconscience ?

NOTES

1. J. CASSOLA, Inni Omerici, Arnaldo Mandatori ed., 1975, Edizione maggio 1991; J. HUMBERT, Homère, Hymnes, Paris, Les Belles Lettres, 1976; H.G. EVELYNWHITE, Hesiod and The Homeric Hymns, The Loeb Classical Library, new ed. 1936, reprint. 1967. 2. J. RUDHARDT, « Le grand sacrifice homérique », « Le grand sacrifice classique : la thusia », Notions fondamentalesde la pensée religieuse et actes constitutifs du culte dans la Grèce classique, Paris, Picard, 1992 [1958], p. 253-271. 3. L. KAHN, Hermès passe ou les ambiguïtés de la communication, Paris, Maspero, 1978, surtout p. 41-73; « Hermès », Dictionnaire des mythologies et des religions des sociétés traditionnelles et du monde antique, sous la direction de Y. BONNEFOY, Paris, Flammarion, 1981, tome I, p. 500-504. « Prenant appui sur la lettre du mythe » – c’est-à-dire sur le texte du chant –, l’auteure pense pouvoir donner de la « diversité des registres du dieu une vue d’ensemble où se combineraient les deux maîtres mots de son agir : le passage et la mêtis ». 4. S. GEORGOUDI, « Les Douze Dieux des Grecs : variations sur un thème », in S. GEORGOUDI & J.P. VERNANT(éds), Mythes grecs au figuré de l’antiquité aubaroque, Paris, Gallimard, 1996, p. 43-80, et surtout p. 66-70. 5. D. JAILLARD, Configurations d’Hermès, Thèse de doctorat préparée sous la direction de M. Detienne et soutenue en septembre 2001. La thèse n’est pas encore publiée, mais D. Jaillard a eu l’extrême amabilité de me la communiquer. Je le prie de bien vouloir accepter tous mes remerciements. 6. Cl. LEDUC, « Une théologie du signe en pays grec : l’Hymne homérique à Hermès I », RHR 212 (1996), p. 5-49; « Recherches sur la substance des divinités techniciennes : le cas d’Hermès », Poikilia (1998), p. 39-58; « Cinquante vaches pour une lyre ! Musique, échange et théologie dans l’Hymne homérique à Hermès I », in P. BRULÉ & C. VENDRIES (éds), Chanterles dieux. Musique et religion dans l’Antiquité grecque et romaine, Rennes, PUR, p. 19-36. 7. J. HUIZINGA, Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu, Paris, Gallimard, 1951 [1938], p. 199, 201, 219. 8. C. CALAME, Le récit en Grèceancienne, Paris, Klinsieck, 1986; Mythe et histoire dans l’antiquité grecque. La création d’une colonie, Lausanne, Payot, 1996; Poétique des mythes dans la Grèce antique, Paris, Hachette Supérieur, 2000. 9. CALAME, Le récit… (supra, n. 8), principalement p. 38-39; « Les Hymnes homériques. Modalités énonciatives et fonctions », Mètis 9-10 (1994-1995), p. 391-400; « Variations énonciatives, relations entre les dieux et fonctions poétiques dans les Hymnes homériques », MH 52 (1995), p. 2-19. 10. M. DETIENNE, « Pour expérimenter dans le champ des polythéismes », Mètis 9-10 (1994-1995), p. 41-49; « Expérimenter dans le champ des polythéismes », Kernos 10 (1997), p. 57-72. Comparer l’incomparable, Paris, Seuil, 2000. 11. M. DETIENNE, « Repenser la mythologie », in M. ISARD & P. SMITH (éds), La fonction symbolique. Essais d’anthropologie, Paris, Gallimard, 1979; p. 71-82; L’invention de la mythologie, Paris, Gallimard, 1981; Transcrire lesmythologies, Paris, Albin Michel, 1994. Cette approche de la poésie « acte de

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parole » se réfère entre autres lectures à : G. NAGY, Le meilleur desAchéens. La fabrique du héros dansla poésie grecquearchaïque, Paris, Belin, 1994 (Baltimore, 1979, 1999); J. SVENBRO, Phrasiklea. Anthropologie de la lecture en Grèce ancienne, Paris, La Découverte, 1988; F. DUPONT, L’invention de la littérature. De l’ivresse grecque au texte latin, Paris, La Découverte, 1998. G. NAGY, La poésie en actes, Homère et autres chants, Paris, Belin, 2000. 12. S. DESBOUVRIE, « The definition of symbolic phenomena in ancient culture », in ead. (éd.), Myth and Symbol I. Symbolicphenomena in ancient Greek culture, Bergen, 2002, p. 11-60. L’auteure insiste particulièrement sur le contexte social et culturel de la performance. 13. C. CALAME, « ‘Mythe’ et ‘rite’ en Grèce : des catégories indigènes ? », Kernos 2 (1989), p. 179-204. 14. Y.Z. TZIFOPOULOS, « Hermes and Apollo at Onchestos in the Homeric Hymn to Hermes. The poetics and performance of proverbial communication », Mnemosyne series IV, 8 (2000), p. 148-163. 15. LEDUC, « Une théologie du signe… » (supra, n. 6), p. 23-26 : analyse les ressemblances entre l’épisode apparemment débridé et saugrenu de la marche epistrophaden du troupeau volé et… les gonds de la porte. 16. J. STRAUSS CLAY, The Politics of Olympus, Princeton, 1989, estime que non seulement les Hymnes homériques occupent une place essentielle dans la réflexion des Grecs sur l’ordre du monde institué par Zeus, mais qu’ils représentent la réflexion théologique la plus solide de la pensée archaïque (p. 287). 17. W. BURCKERT, Les cultes à mystères dans l’Antiquité, Paris, Les Belles Lettres, 1992, p. 82-83. Les cultes à mystères utilisent le pouvoir représentatif des objets pour faire apparaître le dieu. 18. J.P. VERNANT, « Introduction », in L’homme grec, Paris, Seuil, 1993, p. 19-21. 19. P. RICOEUR, La métaphore vive, Paris, Seuil, 1975 : « Le travail de ressemblance », p. 221-272. Citation : p. 271. 20. J’ai abordé la recherche sur les ressemblances en 1996 dans « Une théologie du signe… » et je l’ai précisée en 2001 dans « Cinquante vaches pour une lyre… », les deux articles sont cités supra, n. 6. 21. M. DELCOURT, Héphaïstos ou la légende du magicien, Paris, Les Belles Lettres, 1957, p. 11. 22. P. BRULÉ, « Le langage des épiclèses dans les polythéismes helléniques (l’exemple de quelques divinités féminines). Quelques pistes de recherches », Kernos 11 (1998), p. 1-4. 23. P. BORGEAUD, « Manières grecques de nommer les dieux », Colloquium Helveticum. Cahiers suisses de littératurecomparée 23, Berne (1996), p. 19-36. 24. P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1968, article μέδω; le verbe signifie commander à, régner sur. D’une extrême importance, la racine -med implique la notion d’une pensée qui règle, ordonne, modère. La fonction royale qu’exerce Hermès n’est pas celle de chef de guerre, mais celle de gouverneur. 25. M. JOST, Sanctuaires et cultes d’Arcadie, Paris, 1985 (Études péloponnésiennes), p. 439-440. 26. G. ROUX, Delphes, son oracle et ses dieux, Paris, Les Belles Lettres, 1976, p. 193; L. BRUIT, « Sacrifices à Delphes. Sur deux figures d’Apollon », RHR 201 (1984), p. 339-367; M. DETIENNE, Apollon le couteauà la main, Paris, Gallimard, 1998, p. 191-194. 27. P. RAINGEARD, Hermès Psychagogue. Essai sur les origines du culte d’Hermès, Rennes, 1934, p. 70-72. L’auteur met l’hymne en rapport avec les theoxenia de Pellène. 28. Pindare, O. VII, 85 & IX, 97; N. X, 82; Schol. Pd., O. VII, 156. 29. A. BALLABRIGA, Le Soleil et le Tartare. L’image mythique du monde en Grèce archaïque, Paris, EHESS, 1986, p. 90-95. 30. BALLABRIGA, ibid., « L’Océan et la roche Leucade », p. 51-53. 31. BALLABRIGA, ibid., « Conclusion : que Pylos fut une porte de l’Occident, mais peut-être pas des Enfers », p. 34-35. Dans l’Hymne homérique à Apollon (v. 424) les marins crétois, dirigés par Apollon,

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longent la côte du Péloponnèse en direction de « la haute montagne d’Ithaque » et aperçoivent Pylos, au voisinage de la « divine Élide ». Pylos semble plus concerné par le cabotage que par le grand large. 32. I. MALKIN, La Méditerranée spartiate. Mythe et territoire, Paris, Les Belles Lettres, 1999, et plus spécialement p. 110-113. 33. Sur la question de la datation, LEDUC, « Cinquante vaches… » (supra, n. 6), p. 22-24. 34. C. LÉVI-STRAUSS, L’homme nu, Les Mythologiques IV, Paris, Plon, 1972, p. 600. 35. JOST, o.c. (n. 25), p. 33-35 : le sanctuaire d’Hermès sur la Cyllène. 36. Geminos explique le fait que les os blancs se retrouvent chaque année dans les cendres laissées par le sacrifice précédent par la situation du sanctuaire au dessus de la zone des nuages. La présence des os blancs laisse supposer que le sacrifice offert à Hermès est le classique sacrifice sanglant de consommation alimentaire. 37. JAILLARD, o.c.(n. 5), p. 86-87. 38. LEDUC, « Une théologie du signe… » (supra, n. 6), p. 29-35. 39. G. DUMÉZIL, L’oubli de l’homme et l’honneur des dieux, Paris, Gallimard, 1985, p. 71-79. Si ternaires soient ils, les trois feux helléniques, les feux de Zeus, d’Hermès et d’Héphaïstos ne sont pas, me semble-t-il, liés aux trois fonctions. Affaire à suivre. 40. Hésiode, Théogonie, 689-712. 41. Iliade XXI, 330 sq. & XXIII, 177. 42. Eumée (Od. XIV, 435), qui est fort pieux, ne procède pas au rite des thuêlai, mais il invite au dais Hermès et les nymphes. 43. E. BENVENISTE, Le vocabulaire des institutions européennes I, Paris, Minuit, 1968, p. 87-101. 44. Paix, 194-379, 385, 717; Ploutos, 1120 sq., 1136-1137. 45. J.N. DAVIDSON, Courtesans and Fishcakes. The Consuming Passions of Classical Athens, Printana Press, 1997, p. 3-35. 46. C. GOBLOT-CAHEN, « Les hérauts et la violence », CGG 10 (1999), p. 179-188; « Les hérauts grecs agents et victimes de châtiments », Hypothèses 2002, Publications de la Sorbonne, p. 135-144; « Qu’est-ce que punir ? », Hypothèses 2002, Publications de la Sorbonne. 47. A. LEROI-GOURHAN, L’homme et la matière, Paris, Albin Michel, 1943 & 1971, p. 65-74. 48. BRUIT, l.c. (n. 26), p. 337-367; « Les dieux aux festins des mortels : Théoxénies et xeniai », in A.F. LAURENS (éd.), Entre hommes etdieux. Lire les polythéismes, Besançon, 1989; Le commerce des dieux. Eusebeia, essai sur la piété en Grèce ancienne, Paris, La découverte, 2001, p. 37-51; M.H. JAMESON, « Theoxenia », in R. HÄGG (éd.), Ancient Greek Cult Practice From The Epigraphical Evidence, Stockholm, 1994, p. 35-57. 49. RUDHARDT, o.c. (n. 2), p. 30-37. 50. Ibid., p. 214-218. 51. C. LÉVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1958 & 1974 : « La structure des mythes », p. 227-255 et surtout p. 248. 52. Pour une discussion de la question, Cl. LEDUC, « Sur la nature véritable du mythe en Grèce ancienne », RHR 221 (2004), p. 475-500. 53. BRUIT ZAIDMAN, Le commerce des dieux… (supra, n. 48), p. 42. 54. Cf. note 48. 55. Problème examiné dans Cl. LEDUC, « En quoi cela concerne-t-il l’archonte (A.P., LVI, 2-5) ? », Hommage àDominique Raynal, PALLAS, PUM, 2001, p. 15-44. 56. Cf.LEDUC, « Cinquante vaches pour une lyre » (supra, n. 6).

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RÉSUMÉS

Le pseudo-sacrifice d’Hermès sur les bords de l’Alphée est très énigmatique. S’agit-il d’une procédure qui lui permet de passer parmi les dieux ? De s’intégrer dans la hiérarchie divine instaurée par Zeus ? L’Hymne est consacré à l’invention de l’échange. Après avoir fabriqué l’objet à échanger – la lyre – Hermès est dans la nécessité de fabriquer la monnaie de compte de cette époque qui servira à l’acquérir. Le pseudo-sacrifice métamorphose les vaches immortelles d’Apollon en monnaie de compte.

The pseudo sacrifice of Hermes on the banks of the Alphée river is very enigmatic. Is it a procedure to enable him to be received among the gods? To be integrated into the divine hierarchy instituted by Zeus ? The Hymn is dedicated to the invention of the exchange. After making the object of the exchange – the lyre – Hermes is compelled to make the ‘count money’ of this time which will be used to acquire it. By this pseudo sacrifice, the eternal cows of Apollo are metamorphosed into ‘count money’.

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Aphrodite dans le domaine d’Arès Éléments pour un dialogue entre mythe et culte

Gabriella Pironti

1 Le recours aux données du mythe a une place de choix dans toute étude sur la religion de la Grèce antique, surtout lorsqu’on se propose de cerner, autant que l’on peut, les timai, les « parts d’honneur », ou bien l’ensemble des compétences, assignées aux puissances divines composant le panthéon hellénique. Recours obligé donc, car c’est dans les récits mythiques que l’on voit les divinités agir et interagir, mais qui nécessite néanmoins certaines règles de navigation, dans la mesure où le panthéon est pluriel et mouvant aussi bien dans les mythes que dans les cités des Grecs.

2 Le sujet des quelques réflexions qui vont suivre est la déesse Aphrodite, puissance divine plus complexe que ne le laisse entendre sa définition canonique de déesse de l’amour1. Alors que les études des cultes en l’honneur d’Aphrodite2 ont fait apparaître clairement son rôle civique et politique3, démontrant par là que cette divinité possède plusieurs facettes et qu’elle n’est pas réductible à l’image préconçue d’un éternel féminin, le portrait « mythologique » d’Aphrodite n’a pas fait l’objet d’une révision systématique. À ce propos, la plupart des antiquisants continuent d’appliquer une vulgata dont voici les lignes principales : déesse de l’amour, Aphrodite est pour Homère la fille de Zeus et Dioné, alors qu’Hésiode la fait naître dans l’écume de la mer ou de la semence d’Ouranos; elle est la femme d’Héphaïstos, mais le trompe avec Arès; son domaine est constitué par le monde des femmes et les œuvres du mariage, et se situe à l’opposé du monde des hommes et des travaux de la guerre4. Ce portrait requiert aujourd’hui une mise à jour attentive à la complexité des données mythiques et cultuelles concernant cette puissance divine.

3 Je soulignerai tout d’abord la difficulté inhérente à toute définition univoque et statique d’une divinité. La définition de « déesse de l’amour », encore largement appliquée à Aphrodite, ne nous vient pas des Grecs et engendre plus de questions qu’elle ne donne de réponses. Dans la mesure où la notion d’amour est bien loin d’être une catégorie universelle, il faudrait préciser dans quel sens on l’utilise et vérifier la possibilité d’appliquer ce sens aux représentations que se fait du divin une culture différente de la nôtre. Il est donc préférable de renoncer à toute définition préalable et

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circonscrite du domaine d’Aphrodite, dans l’attente que l’analyse elle-même dégage des noyaux thématiques et sémantiques suffisamment récurrents pour que l’on puisse retracer certaines sections du réseau « aphroditéen ». Dans cette perspective, en s’appuyant sur les formules que les Grecs eux-mêmes ont réservées à la déesse, on pourra retenir qu’Aphrodite est préposée à la puissance érotique dans tous ses aspects, comme le souligne aussi son lien privilégié avec Éros, et qu’elle préside à la relation sexuelle, ou plus exactement à la mixis, car l’action de « mélanger » les êtres vivants est bien l’une de celles qui lui sont le plus souvent attribuées par les auteurs anciens.

4 L’image habituelle de la déesse de l’amour trouve son fondement dans la lecture des deux vers de la Théogonie d’Hésiode, où il est question de la τιμή d’Aphrodite 5, et des trois vers de l’Iliade, où Zeus assigne à cette divinité les « désirables œuvres du mariage », tout en lui interdisant le domaine de la guerre, réservé à Arès et à Athéna6. Il est indispensable de s’interroger à nouveau sur ces témoignages, en les replaçant dans leurs contextes spécifiques. Les vers de la Théogonie, par exemple, sont ceux qui concluent le long récit consacré à la naissance d’Aphrodite7 : or, c’est ce mythe tout entier qui constitue le véritable témoignage d’Hésiode sur la déesse. Les mythes qui racontent la naissance d’un dieu recèlent toujours des indices précieux pour en cerner les compétences. C’est pourquoi le récit de la Théogonie nécessiterait d’être réexaminé dans les moindres détails. On se souviendra que, pour Hésiode, Aphrodite dérive à la fois son existence et son nom de l’écume séminale (ἀφρός) d’Ouranos, ce qui nous suggère, tout d’abord, le lien étroit de cette déesse avec les humeurs vitales8. Ensuite, en quoi consiste précisément l’héritage « ouranien » d’Aphrodite, et quel est son rapport, s’il y en a un, avec son épiclèse, presque exclusive, d’Ourania9 ?

5 L’interprétation courante de la Théogonie se révèle influencée par l’image, si dangereusement familière, de la déesse de l’amour. Mais peut-on croire que l’Éros primordial10, puissance redoutable qui dompte l’esprit et « rompt les membres » (λυσιμελής), s’apprivoiserait en intégrant le domaine d’Aphrodite11, alors que les auteurs anciens soulignent à plusieurs reprises la violence de la pulsion érotique contrôlée par la déesse ? Par la naissance d’Aphrodite, Hésiode aurait introduit les bienfaits de la philotès dans un univers déchiré par les luttes intestines12. Mais comment expliquer alors que le même poète place la puissance divine nommée Philotès aux côtés d’Éris et parmi les terribles enfants de Nuit13 ? La traduction de φιλότης par « tendresse » et la conviction que la notion de philotès impliquerait toujours une relation fondée sur la réciprocité et la bonne entente14 peuvent être révoquées en doute. En fait, le portrait d’Aphrodite que les textes anciens nous livrent n’est pas celui d’une divinité irénique : dans la mesure où l’action d’Aphrodite est souvent présentée en termes d’égarement d’esprit et de domptage, on est en droit de s’interroger sur l’aspect contraignant de la persuasion érotique et de la relation sexuelle.

6 Le fait de mettre en lumière le côté violent de cette puissance divine ne doit pas viser à substituer à l’image de la déesse de l’amour le stéréotype opposé : la même Aphrodite dont les mythes soulignent à loisir le potentiel perturbateur et destructeur, on la retrouve souvent préposée, dans les cités grecques, à la création des liens sociaux et au bon fonctionnement du corps politique15. Afin de justifier ce désaccord, on pourrait se limiter au constat que le mythe et le culte déclinent leurs panthéons de façon différente. Mais on peut aussi envisager la possibilité que ce désaccord n’est qu’apparent, et qu’il y a bien une cohérence entre les déclinaisons d’une même puissance divine. Afin de saisir la dynamique dont un dieu est porteur dans ses

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multiples positionnements à l’intérieur des différents contextes, ce sont nos outils d’analyse qui doivent s’adapter à l’extrême souplesse du langage polythéiste. Mon propos serait moins de résoudre que de restituer l’inquiétante ambiguïté qui est au cœur de la puissance d’Aphrodite : l’intérêt de cette divinité c’est justement qu’elle nous oblige à envisager le lien entre persuasion et violence, union et conflit, concorde et guerre, et à penser ces rapports autrement qu’en termes d’opposition.

7 En pays polythéiste une divinité n’est pas pensable de façon isolée, c’est pourquoi il faut considérer avec la plus grande attention ses liens généalogiques et ses associations avec d’autres puissances divines, que ce soit dans les mythes ou dans les cultes. Hésiode, dans la Théogonie, déploie dans la diachronie un système articulé de représentation du divin; on pourra remarquer que, dans le panthéon mis en récit par le poète, Aphrodite n’est pas seulement la fille d’Ouranos, mais aussi la femme d’Arès16. Si elle appartient de par son père aux premiers temps de l’univers, le couple qu’elle constitue avec le fils de Zeus, à la fin du processus théogonique, témoigne aussi de la place que cette déesse « ouranienne » et primordiale occupe dans l’ordre cosmique dont Zeus est le garant17. D’autre part, l’association d’Aphrodite avec le dieu de la fureur guerrière peut être mise en rapport avec les circonstances violentes qui voient la venue au monde de la déesse, événement qui a lieu en même temps qu’apparaissent les Érinyes, les Géants et les Nymphes Méliennes18, des puissances redoutables, liées au domaine d’Arès19 et nées, comme Aphrodite, à la suite de la castration d’Ouranos20.

8 Le couple Aphrodite-Arès constitue donc l’une des articulations fortes du panthéon d’Hésiode. Ce n’est pas une exception, car cette association, qui est attestée à la fois dans les mythes et dans les cultes, constitue l’un des couples les mieux établis du panthéon grec tout court. Il n’est pas correct d’enfermer Aphrodite dans le rôle de la femme adultère d’Héphaïstos, suivant le seul témoignage de l’Odyssée : Héphaïstos n’apparaît presque jamais aux côtés de la déesse en dehors de cet épisode. Dans le récit de Démodokos, il ne joue son rôle de mari que le temps de retrouver Aphrodite dans les bras d’Arès, le compagnon habituel de la déesse, et d’emprisonner les deux amants par des liens indestructibles21. D’ailleurs, ce mythe ne fait que confirmer les « liens » qui unissent Aphrodite et Arès, les poussant même à défier les lois du mariage. Une fois qu’on a restitué toute sa place, parmi les articulations du panthéon, au couple qu’Aphrodite forme avec Arès, on pourra envisager sur de nouvelles bases la question épineuse du rapport de la déesse avec le monde de la guerre.

9 Celles que je viens de tracer jusqu’ici ne sont que certaines des lignes de recherche qui nécessitent, à mon sens, d’être suivies pour repenser, dans toute sa complexité, la place d’Aphrodite dans la pensée religieuse des Grecs. Il est toujours utile de mettre en regard les représentations mythiques et les données cultuelles. Pour ce faire, il faut respecter leur autonomie respective et ne pas chercher des correspondances directes et ponctuelles entre le plan du mythe et la dimension cultuelle. Mais, une fois cette précaution prise, la comparaison s’avère fondamentale, ne fût-ce que pour renouveler le questionnement. Si, par exemple, l’on considère la protection offerte par Aphrodite, dans les récits mythiques, aux jeunes héros comme Thésée22, Jason23 ou même Pâris24, on est obligé de se demander si cette déesse ne pourrait avoir un rôle à jouer non seulement dans le parcours menant les jeunes filles au mariage, mais aussi dans celui qui conduit les jeunes garçons à une virilité accomplie. Certains indices le laissaient déjà supposer, mais cet aspect d’Aphrodite n’a pas trouvé beaucoup de place dans le portrait traditionnel de la déesse de l’amour, souvent cantonnée dans le monde des

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grâces féminines. Si l’on renonce à l’univocité de cette image, des nuances significatives se laissent alors déceler : la présence de la déesse aux côtés des jeunes garçons « en fleur » en est une. C’est aussi le cas en ce qui concerne le rapport d’Aphrodite avec le monde de la guerre et son association avec le dieu Arès. Et c’est à ce sujet que je vais consacrer quelques considérations supplémentaires, afin d’illustrer, sur un exemple, les propositions d’enquête évoquées plus haut.

L’Aphrodite « grecque » et l’univers de la guerre

10 Nous savons par Pausanias qu’il y avait à Corinthe, à Sparte et à Cythère des statues armées de la déesse25. Toujours par Pausanias26 nous savons qu’à Argos, Aphrodite était honorée conjointement à Arès, le dieu guerrier. Sur l’agora de Tégée, en Arcadie, tout près du sanctuaire d’Aphrodite, un culte était rendu à ce dieu27; la même région connaît d’autres exemples du voisinage attesté sur l’agora de Tégée, car à Mégalopolis et Lycosoura les sanctuaires d’Aphrodite accueillaient des autels d’Arès28. Un autre cas de figure nous est offert par le temple d’Arès situé, à l’époque du Périégète, sur l’agora d’Athènes : aux côtés de la statue du dieu se trouvaient celles d’Athéna et Ényô – divinités dont la vocation guerrière ne fait aucun doute –, ainsi que deux statues d’Aphrodite29. À Sparte, qui connaît aussi le culte de la déesse en armes, Pausanias nous renseigne sur l’existence d’une Aphrodite Areia, l’Aphrodite d’Arès, siégeant sur l’acropole aux côtés d’Athéna : le couple qu’Aphrodite forme avec Arès dans d’autres cités grecques se manifeste, dans ce cas, au niveau de l’épiclèse30. L’association cultuelle de ces deux puissances divines est d’autant plus remarquable que, à partir de l’époque archaïque, à côté des témoignages iconographiques31, de nombreux témoignages littéraires, présentent Aphrodite et Arès en couple, qu’ils soient alliés, comme dans l’ Iliade32, amants comme dans l’Odyssée, ou bien époux comme dans la Théogonie d’Hésiode et chez Pindare33.

11 La perspective génétique, qui a longtemps dominé les études sur les dieux de la Grèce, a particulièrement influencé les recherches sur Aphrodite, dont les cultes, les mythes, l’image et même le théonyme ont souvent été approchés dans le but d’en authentifier l’origine orientale ou d’en identifier la patrie originelle. Pour garantir à Aphrodite son titre de déesse de l’amour et justifier en même temps les indices qui la rattachent au domaine de la guerre, la plupart des savants ont soutenu l’origine orientale de l’Aphrodite armée et, en renversant parfois l’ordre du raisonnement, ont cru possible de démontrer cette origine orientale en s’appuyant précisément sur le caractère guerrier d’Aphrodite : caractère apparemment inexplicable pour une déesse dont l’action aurait dû se limiter au mariage, à la beauté, à l’amour, pour qu’elle puisse être reconnue grecque à cent pour cent.

12 De Farnell34 à Wilamowitz35, de Nilsson36 à Burkert37, il s’agit là d’une opinio recepta. J. Flemberg, qui a dédié une étude aux représentations et aux cultes de l’Aphrodite armée, y a reconnu des survivances de la Palatsgöttin mycénienne, déesse tutélaire du roi et du palais, mais des survivances mélangées à de fortes influences orientales38 : en outre, il affirme que les Grecs auraient certes vénéré une Aphrodite en armes, mais sans toutefois la comprendre, car il n’y aurait pas eu de place, dans leur panthéon, pour une déesse liée en même temps à l’amour, à la guerre et à la politique39. R. Lonis40 place les cultes de l’Aphrodite armée sur le même plan que ceux d’autres divinités féminines liées à la guerre, telles Athéna, Héra ou Artémis, et explique l’aspect guerrier de ces

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déesses par leurs compétences en matière de courotrophie. Si l'on suit cette interprétation, qui reconnaît pourtant un lien positif entre Aphrodite et la guerre, ce lien ne serait pas spécifique et pourrait se réduire à une simple conséquence du rôle de courotrophe, attribué d’une manière générale à Aphrodite et aux autres divinités féminines. Si une spécificité peut être reconnue à Aphrodite dans ce domaine, pour Lonis comme pour les autres savants, c’est uniquement l’origine orientale des attributs guerriers de la déesse.

13 C’est seulement « en déposant la question des origines » que les études sur la déesse ont enfin pris en compte le véritable contexte historique de la religion d’Aphrodite, c’est-à- dire la Grèce ancienne : c’est à l’intérieur des panthéons grecs que Vinciane Pirenne- Delforge a recherché le sens de différents aspects d’Aphrodite, y compris sa fonction politique41. En transposant ce changement de perspective à notre sujet, il serait temps de rechercher à l’intérieur de la culture grecque les raisons de l’association d’Aphrodite avec la guerre et le monde des militaires, et celles de son lien avec Arès.

14 En ce qui concerne l’association d’Aphrodite avec Arès, l’interprétation qui fait autorité est celle de Jean-Pierre Vernant42. Il y voit un couple d’opposés complémentaires, la déesse représentant le monde des femmes et de la paix, le dieu celui des hommes et de la guerre. Mais, dans cette perspective, la participation d’Aphrodite à l’univers de la guerre ne se dessine qu’en négatif, comme une opposition. Cette explication pourrait être satisfaisante s’il n’y avait pas, à côté du couple Aphrodite-Arès, de nombreux indices qui rattachent Aphrodite elle-même au domaine de la guerre. On n’a pas tenu suffisamment compte, je crois, de ces indices, qui brouillent l’image bien policée de la déesse de l’union et de la concorde. Et c’est sur certains de ces indices que je vais me concentrer, en étant convaincue qu'ils peuvent agir comme un réactif, tel un papier de tournesol, dans l’analyse d’Aphrodite.

15 Pour répondre à la question qui nous intéresse – existe-t-il une Aphrodite liée à la guerre dans les panthéons des Grecs ? – il faudra recomposer le corpus concernant Aphrodite et la guerre, en y incluant tous les types de sources à notre disposition. Les nombreux témoignages sur l’association Aphrodite-Arès constituent, certes, l’assise fondamentale pour démontrer l’implication d’Aphrodite dans le domaine de la guerre, mais ce n'est pas la seule. Pour comprendre le sens de cette association, il faut aussi prendre en considération tous les autres éléments ayant trait à l'aspect « martial » de la déesse, c’est-à-dire, les cultes de l’Aphrodite armée, ses épiclèses en relation avec la guerre et l’armée, les dédicaces des militaires et toutes les démarches cultuelles en l’honneur d’Aphrodite effectuées ou par des militaires ou, en cas de guerre, par d’autres composantes du corps civique. Dans le cadre de cette étude, je vais donc présenter encore quelques exemples de cultes d’Aphrodite en rapport avec Arès et l’univers de la guerre. Les résultats de cette enquête feront par la suite l’objet d’une comparaison avec le portrait d’Aphrodite que l’on retrouve chez Homère, portrait qui a souvent été invoqué pour nier tout rapport de la déesse grecque avec les polemèia erga.

Les cultes : un dossier à recomposer

16 Aux frontières de l’Attique, dans la forteresse de Rhamnonte, les stratèges préposés aux garnisons d’éphèbes faisaient des dédicaces et des sacrifices à une Aphrodite Ἡγεμόνη 43,la « Conductrice », dont le temple était situé à l’intérieur même de la forteresse44. S’il est vraisemblable qu’Aphrodite, en tant queἩγεμόνη, jouait un rôle dans l’éducation

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militaire des jeunes gens, il faut aussi remarquer qu’elle offrait sa protection aux stratèges, ce qui ne relève pas moins des compétences d’une déesse honorée sous l’épiclèse de « Conductrice ». À la suite dela victoire navale remportée par les Athéniens au large de Cnide en 394 av. J.-C., Conon, le général athénien, fait élever, au Pirée, un sanctuaire en l’honneur d’Aphrodite45. La démarche de Conon en l’honneur de la déesse est à mettre en rapport avec une tradition athénienne qui montrait Aphrodite liée à la fois à la navigation, à la victoire militaire, et à la protection des chefs de l’armée : en effet, toujours au Pirée, mais un siècle auparavant, Thémistocle avait déjà consacré un sanctuaire à Aphrodite, car cette déesse, lors de la bataille navale de Salamine, avait assuré, en collaboration avec Athéna, le succès de la flotte d’Athènes, et démontré, par l’apparition d’une colombe, sa faveur au chef des opérations militaires46.

17 D’un côté de l’isthme comme de l’autre, la victoire de Salamine est placée sous le signe d’Aphrodite. Dans le panthéon de Corinthe la déesse occupe une place privilégiée, son temple étant placé sur le sommet de l’Acrocorinthe47. À la veille de la bataille de Salamine, la cité de Corinthe charge ses femmes de lui adresser une supplication, afin qu’Aphrodite protège la cité et insuffle aux combattants corinthiens l’ardeur nécessaire pour faire face à l’ennemi; le lendemain de la victoire, des cérémonies de remerciement furent aussi adressées à la déesse de l’Acrocorinthe48. Si la position du temple d’Aphrodite suggère que la cité reconnaissait à cette divinité un rôle tutélaire, les démarches cultuelles lors de la bataille de Salamine nous montrent que les compétences défensives de la déesse pouvaient impliquer des prérogatives spécifiques dans le domaine militaire. Car ce n’est pas une protection générique que les femmes de Corinthe demandent à cette déesse. Selon nos sources, elles auraient supplié l’Aphrodite de l’Acrocorinthe de susciter chez leurs hommes un violent « désir de lutte » : ἔρως τῆς μάχης49. C’est un renseignement précieux, car il nous indique de quelle façon les Grecs pouvaient penser l'intervention d’Aphrodite sur le champ de bataille. Nul besoin d’expliquer les particularités du culte corinthien d’Aphrodite par la supposée origine orientale de la déesse armée. Au moment où la vaillance et l’ardeur guerrière relèvent de l’éros, Aphrodite, qui de l’éros est l’« agent » divin attitré50, peut revendiquer ses compétences dans les affaires de guerre, c’est-à-dire dans le domaine d’Arès.

18 Sur la route qui conduit d’Argos vers l’Arcadie, donc aux confins du territoire argien, Aphrodite et Arès partagent un temple à double cella51. Cette configuration argienne se prête assez bien à une interprétation fondée sur le principe de l’opposition complémentaire : dans leurs cellas aux directions opposées, le dieu de la guerre et la déesse de la cohésion civique assurent ensemble, vu qu’ils partagent le même temple, la protection d’Argos52. Même si je suis somme toute d’accord avec cette explication, je crois néanmoins qu’il faut faire attention à l’utilisation d’une polarité rigide dans l’interprétation des cultes. Comme le signale à juste titre J.-P. Vernant, « la guerre c’est la même cité dans sa face tournée vers le dehors »53. Cette Aphrodite argienne, tournée sans doute vers le « dedans », peut bien être rattachée à l’homonoia, à la concorde, pourvu qu’on se rappelle que la concorde et la solidarité à l’intérieur constituent les conditions nécessaires pour tout succès militaire à l’extérieur. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les vœux formulés à l’égard des Athéniens par des Érinyes devenues « bienveillantes », à la fin des Euménides d’Eschyle : « Que tous entre eux n’échangent que des joies, remplis d’un mutuel amour et haïssant d’un même cœur »54. La concorde civique se nourrit aussi de la haine partagée contre un ennemi commun.

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19 Le temple double d’Argos n’est pas un unicum. En Crète, sur le territoire compris entre les cités de Latoet d’Olonte, les fouilles ont mis au jour un temple à la structure analogue, à double cella, situé, comme à Argos, dans un endroit frontalier, et consacré encore une fois à Arès et Aphrodite55. Ce sanctuaire fut l’objet d’un conflit militaire entre les deux cités crétoises : ce qui est très intéressant pour notre propos, c’est que, suite à leur victoire, les habitants de Lato aient choisi Aphrodite, et non Arès, comme destinataire de la dédicace commémorative56. Aussi cette déesse, lorsqu’elle partage son espace cultuel avec Arès, n’est pas tout simplement en opposition avec le monde de la guerre : l’association de ces deux puissances divines met plutôt en valeur la complémentarité de leurs compétences et leur complicité dans ce même domaine57.

20 Donc, de nombreux témoignages de type varié présentent dans plusieurs cités et sous différents aspects les relations d’Aphrodite avec le monde de la guerre et la vie militaire, ce qui nous met en mesure de donner une réponse affirmative à notre question : il y a bien une Aphrodite liée à la guerre dans les panthéons des cités grecques. Cette formulation est sans doute plus appropriée que celle de « Aphrodite guerrière » pour exprimer, dans ses spécificités locales, la relation de cette déesse à la vie de la cité en armes, car cette relation ne se traduit pas toujours en culte d’une Aphrodite armée. Isabella Solima, qui s’est récemment penchée sur cette même question58, aboutit à la conclusion opposée : « Una divinità o è bellica o non lo è, non esiste altra possibilità; non si può togliere ad Atena quello che è il suo ruolo, lei che è davvero la dea della guerra »59. Quant aux cultes d’Aphrodite mentionnés ci-dessus, elle n’y voit pas un rapport direct avec l’univers de la guerre. Loin de moi l’intention de priver Athéna de son rôle et de revendiquer pour Aphrodite le titre officiel de « déesse guerrière » : je crains que la rigidité de cette définition n’ait été pour Isabella Solima un obstacle à la compréhension de la place qui revient à Aphrodite parmi les puissances divines rattachées au domaine de la guerre. Ses conclusions sont en bonne partie redevables au postulat historiographique concernant l’opposition radicale entre Aphrodite et le monde d’Arès. Ce qui a amené toute une génération de savants, dont I. Solima n’est que l’épigone, à reconnaître des anomalies dans les cas où les sources signalent les rapports d’Aphrodite avec l’univers guerrier : ainsi les associations avec Arès ne feraient qu’exalter le rôle d’Aphrodite en tant que déesse de l’amour, les images armées de la déesse seraient des survivances de son origine orientale et les cultes de Sparte un paradoxe dû au caractère belliqueux des Lacédémoniens. Cette attitude à l’égard des témoignages mieux connus a, d’autre part, influencé négativement la prise en compte d’autres attestations, moins accessibles, mais pas moins importantes, qui confirment et éclairent cet aspect de la déesse grecque, attestations dont la pertinence à notre sujet n’apparaît que si la recherche est libre d’a priori.

21 Évidemment, chaque configuration cultuelle a sa propre logique interne et, donc, il n’y a pas une seule et unique explication pour tous les cas où Aphrodite est concernée par les affaires militaires de la cité. Mais, en l’état actuel de la documentation, force est d’admettre que la relation avec la guerre fait partie des prérogatives attribuées par les Grecs à la déesse. Or, par la nature même du polythéisme, cette relation n’est pas générique, mais traduit, dans chaque configuration, un aspect spécifique du domaine guerrier dans lequel Aphrodite est appelée à intervenir en raison de ses propres compétences, et non malgré elles. En raison de la polyvalence d’une puissance divine, il n’est pas aisé d’isoler ses compétences dans un domaine donné, car, dans chaque panthéon, plusieurs divinités peuvent croiser leurs prérogatives sur un même domaine,

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et une même divinité étendre sa sphère d’intervention sur plusieurs domaines à la fois. S’agissant d’un système souple et pluriel, il est impossible de l’appréhender suivant une taxinomie de définitions statiques. Il n’est donc pas étonnant qu'Aphrodite ait parfois sa place dans l’univers de la guerre tout en gardant aussi d’autres compétences. À Corinthe, par exemple, cette participation se joint à son rôle tutélaire à l’égard de la communauté entière; au Pirée, aux compétences de la déesse en matière de navigation et de charme victorieux; à Rhamnonte, à la tutelle qu’elle offre en même temps à l’éducation des jeunes gens et aux rangs de l’armée60.

22 La recomposition du corpus de témoignages concernant le rapport d’Aphrodite avec le domaine de la guerre, compte tenu de son extension chronologique et géographique, nous permet d’envisager que ce rapport, loin d’être occasionnel, fait partie intégrante de la personnalité de la déesse grecque. À cet égard la typologie variée des sources est aussi un indice important. L’iconographie de la déesse armée, ses épiclèses guerrières ou militaires, les démarches cultuelles de la part des militaires, celles accomplies lors d’une situation de crise, que ce soit avant ou après une bataille, sont des données qu’on ne peut pas considérer indépendamment des nombreux cas où Aphrodite est associée au dieu de la guerre, Arès ou bien Ényalios. Le choix d’insérer l’examen de ce couple divin à l’intérieur de cet ensemble plus vaste, ayant trait à l’implication d’Aphrodite dans les affaires de guerre, nous invite à reconnaître que l’opposition complémentaire n’est pas un critère toujours pertinent pour expliquer l’association de cette déesse avec le dieu guerrier. Car Aphrodite est souvent rattachée en elle-même aux polemèia erga : loin de s’y opposer simplement, elle peut y contribuer, par ses compétences en matière de défense armée de la cité et de protection des institutions militaires. Le cas de l’Aphrodite de l’Acrocorinthe, censée inspirer l’éros de la bataille aux guerriers corinthiens, est un exemple de la façon dont les Grecs pouvaient penser l’intervention de cette déesse même sur le champ de bataille. Entre cette forme d’éros inspiré par Aphrodite et la fureur guerrière inspirée par Arès, je ne vois pas d’opposition complémentaire, mais plutôt une intersection qui demande d’être analysée de plus près.

Le mythe : un contexte à redécouvrir

23 Faisons maintenant un détour par la plaine de Troie, où Homère nous montre les dieux de l’Olympe participant activement à la guerre des hommes. Aphrodite, avec Apollon et Arès, soutient les Troyens; au chant V la déesse, accourue sauver son fils Enée, est blessée au poignet par un héros achéen, Diomède, qui exécute ainsi les ordres d’Athéna. Grâce à l’aide d’Arès, qui lui prête son char, Aphrodite regagne aussitôt l’Olympe où sa mère Dioné la console de sa divine blessure, en lui rappelant que d’autres dieux avaient déjà subi le même sort auparavant. Et Zeus en personne, le père des dieux et des mortels, de s’adresser en ces termes à sa fille Aphrodite : « Ce n’est pas à toi, ma fille, qu’ont été données les œuvres de guerre. Consacre-toi, pour ta part, aux douces œuvres d’hyménée. À toutes celles-là Athéné et l’ardent Arès veilleront »61.

24 Ces vers ont été lus comme une sanction théologique du véritable caractère de l’Aphrodite grecque, celle de déesse du gamos, dont les compétences se définiraient par opposition à la guerre, domaine que Zeus assigne au patronage d’Arès et d’Athéna, et qu’il interdit formellement à Aphrodite. En accueillant telle un dogme la parole du Zeus d’Homère, nombre de savants y ont trouvé l’argument principal pour nier tout lien

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positif d’Aphrodite avec l’univers de la guerre et pour enfermer les compétences de la déesse dans la sphère de l’amour, de la beauté et de la séduction. Cette interprétation suscite des questions d’ordre méthodologique62 : peut-on déduire d’un passage homérique, déplacé de son contexte narratif, la « vraie » nature d’une puissance divine ? Ce portrait d’Aphrodite est-il complet et, donc, suffisant pour éclairer une fois pour toutes le caractère de la déesse grecque ? Les données cultuelles n’allant pas toujours dans ce sens, il faudrait au moins comparer l’image d’Aphrodite qui ressort globalement de l’Iliade et la place que cette puissance divine occupe dans les institutions religieuses des cités grecques.

25 Or, le portrait d’Aphrodite que nous transmettent les poèmes homériques n’est pas celui d’une déesse souveraine des combats, ce qui est le cas d’Athéna par exemple. D’autre part, nombre des dieux d’Homère ne sont pas représentés dans la plénitude de leurs pouvoirs. C'est le cas de Déméter et de Dionysos, presque absents des poèmes, celui d’Artémis, peu présente, d’Héra et d’Apollon, dont les portraits ne sont pas complets non plus, même s’ils y jouent un rôle de premier plan. La structure dynamique et complexe du monde des dieux offre aux poètes la possibilité d’opérer une série de choix, en privilégiant certaines divinités et en dressant des puissances divines choisies un portrait fonctionnel au contexte narratif, mais qui n’est pas nécessairement exhaustif. Dans chaque panthéon, que ce soit celui d’une cité ou bien celui d’un poème épique, l’agencement des puissances divines est le résultat d’un choix qui, tout en n’étant jamais arbitraire, privilégie, parmi les aspects d’une divinité, ses compétences les mieux adaptées au contexte spécifique. Les paroles de Zeus, même si elles dessinent une image d’Aphrodite qui était certainement familière aux Grecs, ne constituent pas pour autant un énoncé théologique valable une fois pour toutes. Le fait qu'Aphrodite n’occupe pas, dans le panthéon de l’Iliade, la même place qu’on lui a reconnue dans plusieurs cités grecques, le fait qu’elle n’ait pas, dans le poème, ce même rapport à l’univers de la guerre, ne signifie pas son exclusion du domaine d’Arès.

26 De plus, si l’on replace dans son contexte narratif l’épisode de la blessure d’Aphrodite, avec le discours de Zeus qui en découle, il est possible de cerner d’autres aspects du rôle attribué à la déesse dans le poème. Toujours au chant V, le même Diomède, encore flanqué par Athéna, après avoir blessé Aphrodite, inflige une blessure bien plus grave à Arès. C’est le dieu de la guerre en personne qui est alors obligé, tout comme Aphrodite, de rentrer immédiatement sur l’Olympe où lui aussi subit les commentaires de Zeus, son père, qui lui reproche un penchant excessif pour la guerre et le mauvais caractère qu’il tiendrait de sa mère Héra63. Ces deux scènes de blessures divines qui, dans le poème, sont les seules où l’on voit couler le sang immortel des dieux, devraient être lues en parallèle64. Les reproches de Zeus ont, dans les deux cas, la fonction de ratifier la défaite et l’éloignement du champ de bataille de deux divinités protectrices des Troyens. Ce qui permet de relire d’un autre point de vue les paroles que Zeus adresse à Aphrodite, lorsqu’il lui interdit de participer à la guerre. Au début du chant précédent, le même Zeus avait souligné la constante présence d’Aphrodite aux côtés de ses protégés sur le champ de bataille et il avait reproché à Athéna et Héra de ne pas en faire autant65 : preuve que le père des dieux ne jugeait pas sans influence la participation de la déesse du gamos aux affaires de la guerre de Troie.

27 La lecture conjointe des deux discours de Zeus, à Aphrodite puis à Arès tout de suite après, est justifiée aussi par les liens étroits qui rattachent Aphrodite, tout au long du poème, au dieu de la fureur guerrière. Au chant V, Aphrodite est blessée par Diomède;

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Arès aide la déesse avant d’être blessé à son tour par ce même héros. Au chant XXI, Arès est blessé par Athéna; Aphrodite vient à son secours avant d’être frappée à son tour par cette même déesse66. Vaincus par Athéna, « les voilà tous deux étendus sur la terre nourricière »67 : ce n’est pas la seule fois où l’on verra, chez Homère, Aphrodite et Arès allongés l’un à côté de l’autre et là je pense au célèbre passage de l’Odyssée concernant leurs relations intimes68. Chez Homère, tout comme chez Hésiode, Aphrodite et Arès constituent donc un couple : dans l’Iliade, s’ils ne sont pas amants, ils sont tout de même très proches69.

28 Les données des cultes trouvent ainsi une confirmation là où l’on s’y attendait le moins. Certains aspects de l’Aphrodite de l’Iliade mériteraient un supplément d’analyse. C'est le cas de ses liens avec Pâris, personnage dont les traits éphébiques nous renvoient aux compétences d’Aphrodite dans l’entraînement militaire des jeunes gens et celui de sa relation avec Apollon, le dieu qui aide Aphrodite à protéger Pâris70 et Énée 71, tout comme il aidera la déesse, dans un autre contexte mythique, à assurer le parcours de Thésée, exemple paradigmatique s’il en est de jeune éphèbe72. Mais, revenant à notre sujet, l’association Aphrodite-Arès est bien l’un des principaux éléments que le panthéon de l’Iliade a en commun avec celui des cités grecques. Encore une fois l’opposition complémentaire ne suffit pas à expliquer leur rapport qui doit bien présupposer un fond commun dans leurs compétences respectives. Mais quel rapport possible entre la déesse de la mixis sexuelle et le dieu de la fureur guerrière ? Est-ce que l’Iliade nous laisse entrevoir des croisements entre la sphère de l’éros et celle de l’éris ?

29 Quand, au chant III, Aphrodite pousse Hélène à la rencontre sexuelle avec Pâris, en obligeant la Lacédémonienne à se soumettre contre son gré au désir du prince troyen, elle agit certes en tant que déesse du gamos, et pourtant, dans la violence qu’elle fait à Hélène, Aphrodite laisse apercevoir la contrainte inhérente aux lois de l’éros73. De plus, dans la menace qu’elle adresse à Hélène, la déesse revendique aussi la possibilité d’augmenter la haine entre les deux peuples en guerre74. Cet épisode nous montre une Aphrodite dont les compétences s’étendent sans solution de continuité de l’éros à l’éris75, et qui déclare ouvertement sa connivence avec les puissances de la haine guerrière. Lorsque Héra demande à Zeus la permission d’éloigner Arès du champ de la bataille, elle lui dit : « Zeus Père ! N’es-tu donc pas indigné contre Arès de toutes ces horreurs ? Quelle nombreuse et belle troupe il a détruite aux Achéens ! – à tort et à travers : tout lui est bon. J’en souffre, moi, cependant que Cypris et Apollon à l’arc d’argent jouissent bien tranquillement du spectacle de ce fou qu’ils ont déchaîné (ἄφρονα τοῦτον ἀνέντες) et qui ne connaît point de loi »76. Ce passage, qui confirme encore une fois la complicité entre Aphrodite et Arès, nous propose l’image significative d’une Aphrodite qui déchaîne le dieu de la fureur guerrière; cela constitue une preuve supplémentaire du fait que ces deux puissances divines ne sont pas tout simplement opposées l’une à l’autre, et qu’elles peuvent, en l’occurrence, se renforcer l’une l’autre, y compris dans le déchaînement du conflit.

30 Pour expliquer le sens spécifique de cette association il faudra prendre en compte toutes les formes d’intersection entre le domaine d’Arès et celui d’Aphrodite. Le vocabulaire des poèmes homériques se révèle à cet égard riche de suggestions : par exemple, la mixis, le « mélange », y désigne le corps à corps, qu’il s’agisse de l’union sexuelle sous le signe d’Aphrodite ou bien de la rencontre guerrière sous le signe d’Arès77. C’est bien sûr l’analogie majeure, mais pas la seule : chez Homère, comme plus tard chez les tragiques et les historiens, le mot eros peut désigner à la fois l’élan

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érotique et la fureur guerrière78. D’un bout à l’autre de l’antiquité, dans les faits de langue comme dans le discours des poètes, et même des philosophes, les glissements et les croisements entre sexualité et guerre sont nombreux et constituent parfois des indices pertinents pour saisir certains aspects de l’articulation Aphrodite-Arès. Le témoignage d’Aristote nous en offre un exemple éclairant. Pour l’auteur du Politique, la plupart des peuples militarisés et belliqueux (τὰ πολλὰ τῶν στρατιωτικῶν καὶ πολεμικῶν γενῶν) subissent l’emprise d’une sexualité débordante; il se réclame alors du savoir traditionnel, en y trouvant la confirmation de ce lien profond entre instinct guerrier et pulsion sexuelle79 : Ἔοικε γὰρ ὁ μυθολογήσας πρῶτος οὐκ ἀλόγως συζεῦξαι τὸν Ἄρη πρὸς τὴν Ἀφροδίτην· ἢ γὰρ πρὸς τὴν ἀρρένων ὁμιλίαν ἢ πρὸς τὴν τῶν γυναικῶν φαίνονται κατακώχιμοι πάντες οἱ τοιοῦτοι. L’auteur primitif du mythe paraît avoir, à juste titre, ‘conjugué’ Arès à Aphrodite, car manifestement tous les gens de cette espèce ont un très fort penchant pour les relations sexuelles soit avec des hommes, soit avec des femmes.

31 Les dynamiques qui traversent les sociétés des hommes sont présentées comme étroitement solidaires du panthéon mis en récit par l’ancien « mythologue ». En effet, pour asseoir ses observations sur la fougue sexuelle des peuples belliqueux, Aristote convoque le lien « conjugal » qui unit, dans le mythe, le dieu de la fureur guerrière à la déesse qui préside à l’ὁμιλία, la relation sexuelle. Il nous indique ainsi l’un des chemins à suivre pour cerner de plus près la place réservée à Aphrodite dans le domaine d’Arès. Bien évidemment, dans une enquête systématique sur les intersections possibles entre leurs domaines respectifs, il faudra aussi prendre en compte l’aspect contraignant des aphrodisia erga, et, plus généralement, le visage violent d’Aphrodite elle-même. En guise de conclusion provisoire : on peut affirmer qu’Aphrodite préside aux forces de l’union, pourvu que l’on se rappelle que l’union, la mixis, n’est pas toujours pacifique, mais que, au contraire, elle contient la possibilité du conflit, de la violence et même de la guerre. On sera alors en mesure de comprendre les potentialités militaires de la déesse de l’Acrocorinthe que l’on prie d’insuffler aux combattants l’« éros de la bataille ». Et l’on ne s’étonnera pas qu’Euripide appelle tout simplement « Aphrodite » la fureur de guerre qui affole toute une armée80. *

32 Contrairement à l’interprétation dogmatique dont les vers d’Homère ont fait l’objet de la part des savants modernes, il arrive souvent que les Grecs sollicitent l’action d’Aphrodite en dehors des « œuvres du mariage ». L’exclusion d’Aphrodite du domaine d’Arès, telle que la prononce le Zeus de l’Iliade, est un élément ponctuel qui ne doit pas être appliqué automatiquement à la lecture de la réalité cultuelle : en effet, dans les cités grecques, Aphrodite n’est pas exclue de l’univers de la guerre, bien au contraire. Pour que la mise en rapport entre mythe et culte puisse s’avérer utile à la compréhension de la religion grecque, le dialogue et la comparaison doivent concerner moins des éléments isolés que des contextes et des enchaînements. Dans cette perspective, si l’on considère les articulations du panthéon, l’association d’Aphrodite avec Arès nous fournit l’exemple d’un recoupement significatif entre le plan cultuel et le plan mythique. Les panthéons homériques eux-mêmes, celui de l’Iliade comme celui l’ Odyssée, confirment ce lien étroit d’Aphrodite avec Arès, que l’on retrouve souligné par Hésiode. Étant donné que ce couple de puissances divines est attesté sous des formes différentes à la fois dans les mythes et dans les cultes, et cela à toute époque, on pourra

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en conclure que, dans ce cas précis, le dialogue entre mythe et culte nous permet de dégager une articulation essentielle de la pensée religieuse des Grecs.

33 Les liens d’Aphrodite avec la guerre nous invitent à remettre en question l’approche traditionnelle du panthéon grec et à repenser le portrait canonique de cette déesse81. L’association d’Aphrodite avec Arès, loin de renforcer l’image de la déesse de l’amour et de la concorde, se révèle solidaire de tout un ensemble de données qui soulignent la présence efficace d’Aphrodite dans l’univers de la guerre. À ce propos, on se souviendra aussi que la tradition grecque souligne à maintes reprises la connivence d’Aphrodite avec l’éris, la folie et la violence, et que l’éros, puissance redoutable dont la déesse a la maîtrise, inclut, parmi ses multiples aspects, ceux de fureur guerrière et de valeur militaire. Les prérogatives guerrières et militaires de la déesse ne sont donc pas des survivances de son origine orientale; les Grecs qui rendaient des cultes à l’Aphrodite en armes ou à l’Aphrodite de l’armée, ne s’adressaient pas à une survivance vidée de sens. Et si Simonide pouvait présenter Éros comme le terrible enfant né de l’union d’Aphrodite avec Arès82, c’est que la déesse préposée par les Grecs à la pulsion érotique et à la mixis, en vertu de ces mêmes compétences, avait bien une place aux côtés du dieu de la fureur guerrière.

NOTES

1. À cette complexité faisait justement allusion Nicole LORAUX, « Qu’est-ce qu’une déesse ? », in G. DUBY, M. PERROT (éds), Histoire des femmes en Occident. L’antiquité (sous la dir. de P. Schmitt- Pantel), Paris, 1991, p. 37 : s’opposant à l’interprétation de P. FRIEDRICH, The Meaning of Aphrodite, Chicago, 1978, qui réduit Aphrodite à un pur symbole féminin de l’amour, la savante n’avait pas manqué de signaler les aspects politique et guerrier de la déesse. 2. V. PIRENNE-DELFORGE, L’Aphrodite grecque, Athènes / Liège, 1994 (Kernos,suppl. 4), a consacré aux cultes d’Aphrodite une étude exemplaire, car attentive aux avancées méthodologiques concernant l’analyse d’une religion polythéiste. Étant donné que l’on possède maintenant un dossier représentatif et actualisé sur la religion d’Aphrodite, ce qui n’est pas encore le cas pour les autres divinités, le monde de cette déesse constitue, au sein du panthéon, un terrain expérimental privilégié. 3. C’est le cas, par exemple, de l’Aphrodite qui protège les magistrats : cf. à ce propos F. SOKOLOWSKI, « Aphrodite as Guardian of Greek Magistrates », HThR 57 (1964), p. 1-8; F. CROISSANT, F. SALVIAT, « Aphrodite, gardienne des magistrats : gynéconomes de Thasos et polémarques de Thèbes », BCH 90 (1966), p. 460-471. Pour la valeur politique de l’épiclèse Pandèmos, qui fait d’Aphrodite la déesse préposée à la cohésion du peuple, et les ré-inteprétations dont ce titre cultuel a fait l’objet, cf. V. PIRENNE-DELFORGE, « Épithètes cultuelles et interprétation philosophique. À propos d’Aphrodite Ourania et Pandémos à Athènes », AC 57 (1988), p. 158-175; Z. PETRE, « Aphrodite Pandemos », Studii Clasice 28-30 (1992-1994), p. 5-14. 4. L’exemple le plus représentatif, car encore largement suivi par les antiquisants, est sans doute celui offert par P. GRIMAL, s.v. « Aphrodite », Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, 1987 [1951], p. 39-40.

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5. Hésiode, Théog., 205-206. Suivant la traduction qu’a donné de ces vers Paul Mazon (CUF), ce sont « les babils de fillettes, les sourires, les piperies; c’est le plaisir suave, la tendresse (φιλότης) et la douceur » qui constitueraient les prérogativesde la déesse. Afin de revenir sur cette traduction, si souvent utilisée, ainsi que sur l’interprétation d’Aphrodite qui en est à l’origine, il faudra mener une étude approfondie sur le vocabulaire archaïque concernant les aphrodisia erga. 6. Homère, Il. V, 426-430 (texte cité infra, n. 61). 7. Hés., Théog., 188-206. 8. G. PIRONTI, « Au nom d’Aphrodite : réflexions sur la figure et le nom de la déesse née de l’ aphros », in N. BELAYCHE, P. BRULÉ, F. PROST (éds), Nommer les dieux (Actes du Colloque de Rennes, 16-17 nov. 2001), à paraître. 9. V. PIRENNE-DELFORGE, « Des épiclèses exclusives dans la Grèce polythéiste ? L’exemple d’Ourania », ibid. 10. Hés., Théog., 120-122. 11. C’est l’interprétation de J. RUDHARDT, Le rôle d’Éros et d’Aphrodite dans les cosmogonies grecques, Paris, 1986, suivi par J.-P. VERNANT, « Un, deux, trois : Éros », Mélanges Pierre Lévêque 1, M.-M. MACTOUX, E. GÉNY (éds), Paris, 1988, p. 293-305, reprisdans L’individu, la mort et l’amour, Paris, 1989, p. 153-171. 12. Pour cette lecture de la Théogonie, cf. A. BONNAFÉ, Éros et Éris. Mariages divins et mythe de succession chez Hésiode, Lyon, 1985; F. BLAISE, « La figure d’Éros dans la Théogonie d’Hésiode », Uranie 8 (1998), p. 51-62. 13. Hés., Théog., 223-225. Pour la généalogie nocturne cf. J.-P. VERNANT, « Cosmogoniques (Mythes). La Grèce », in Y. BONNEFOY (éd.), Dictionnaire des mythologies I, Paris, 1981, p. 260, ainsi que Cl. RAMNOUX, La Nuit et les enfants de la Nuitdans la tradition grecque, Paris, 1986. 14. Dans cette même perspective se place l’ouvrage de Cl. CALAME, L’Éros dans la Grèce antique, Paris, 1996. 15. PIRENNE-DELFORGE, L’Aphrodite grecque (supra, n. 2),p. 446-450. 16. Hés., Théog., 933-937 : « Cependant qu’à Arès pourfendeur de boucliers, Cythérée enfanta Phobos et Deimos, qui, terribles, avec Arès destructeur, agitent les bataillons compacts des hommes dans la guerre qui donne des frissons, et Harmonie, que l’ardent Cadmos prit pour épouse. » 17. À ce propos, il ne faudrait sans doute pas introduire une distinction trop forte entre l’Aphrodite, fille de Zeus, et l’Aphrodite, fille d’Ouranos. Les deux filiations ne s’excluent pas l’une l’autre, mais utilisent les ressources du langage généalogique pour envisager sous des angles différents la même puissance divine. 18. Hés., Théog., 183-187. 19. F. JOUAN, « Le dieu Arès. Figure rituelle et image littéraire », in A. CAQUOT, P. CANIVET (éds), Ritualisme et vie intérieure. Religion et culture (Colloques 1985 et 1987 de la Société E. Renan), Paris, 1990, p. 125-140. 20. D. SAINTILLAN, « Fécondité, mort et mariage. À propos des mythes d’Ouranos et Déméter », in F. JOUAN (éd.), Mort et fécondité dans les mythologies (Actes du Colloque de Poitiers, 13-14 mai 1983), Paris, 1986, p. 51-70. 21. Hom., Od. VIII, 266-366. Pour le chant de Démodokos, cf. W. BURKERT, « Das Lied von Ares und Aphrodite. Zum Verhältnis von Odyssee und Ilias », RhM 103 (1960), p. 130-144; C.G. BROWN, « Ares, Aphrodite and the Laughter of the Gods », Phoenix 43 (1989), p. 283-293; M.J. ALDEN, « The Resonances of the Song of Ares and Aphrodite », Mnemosyne 50 (1997), p. 513-519. 22. Par ex., Plutarque, Thésée, 18, 1-3. 23. Par ex., Pindare, Pyth. IV, 213-219. 24. Par ex., Hom., Il. III, 374-382; IV, 9-12. 25. Pausanias, II, 5, 1; III, 15, 10-11; III, 23, 1.

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26. Paus., II, 25, 1. 27. Paus., VIII, 48, 4-5. 28. Paus., VIII, 32, 2-3; VIII, 37, 12. 29. Paus., I, 8, 4. 30. P. BRULÉ, « Le langage des épiclèses dans le polythéisme hellénique (l’exemple de quelques divinités féminines) », Kernos 11 (1998), p. 13-34, s’interroge, p. 21-23, sur l’apparente excentricité de certaines épiclèses d’Aphrodite, dont celle de Areia, par rapport à l’image habituelle de la déesse de l’amour : il en conclut que les opinions préétablies constituent un obstacle majeur à la compréhension du langage des épiclèses. 31. C’est le cas, par exemple, d’une amphore polychrome provenant de Naxos et datant du VIIe siècle av. n. è. (A. DELIVORRIAS, art. « Aphrodite », LIMC II [1984], n° 1285), du célèbre vase François (ibid., n° 1291), et du coffre de Kypsélos décrit par Pausanias (V, 18, 5). 32. Voir infra. 33. Pind., Pyth. IV, 87-88. Cf. Eschyle, Suppl.,663-665. 34. L.R. FARNELL, The Cults of the Greek States II, Oxford, 1896, p. 653-655. 35. U. VON WILAMOWITZ-MOELLENDORF, Der Glaube der Hellenen II, Darmstadt, 1976 [19593], p. 149-150. 36. M.P. NILSSON, Geschichte der griechischen Religion I, München, 19673, p. 521. 37. W. BURKERT, Greek Religion. Archaic and Classical, Harvard, 1985 (or. all. 1977), p. 155. 38. J. FLEMBERG, Venus Armata. Studien zur bewafftnetenAphrodite in der griechisch-römischen Kunst, Stockholm, 1991. 39. J. FLEMBERG, « The Transformations of the Armed Aphrodite », in B. BERGGREEN, N. MARINATOS (éds), Greece and Gender, Athens / Bergen, 1999, p. 109-122, surtout p. 120. 40. R. LONIS, Guerre et religion en Grèce à l’époque classique. Recherches sur les rites, les dieux, l’idéologie de la victoire, Paris, 1979, p. 211-213. 41. PIRENNE-DELFORGE, L’Aphrodite grecque (supra, n. 2), p. 6-9. 42. J.-P. VERNANT, dans son introduction à l’ouvrage collectif, Problèmes de la guerre en Grèce ancienne, Paris, 1968, p. 15-20, suivi par PIRENNE-DELFORGE, L’Aphrodite grecque (supra, n. 2), p. 470-471. 43. SEG 41 (1991), 90-91. Cf. V. PÉTRAKOS, « La forteresse de Rhamnonte », CRAI 78 (1997), p. 605-630. 44. Cette Aphrodite rappelle la déesse Hégémoné qui apparaît comme témoin dans le serment des éphèbes athéniens avec d’autres divinités parmi lesquelles Ényalios, Ényô, Arès et Athéna Areia, l’Athéna « d’Arès ». Cf. G. DAUX, « Le serment des éphèbes athéniens », REG 84 (1971), p. 370-383; P. BRULÉ, La fille d’Athènes, Paris, 1987, p. 33-35. 45. Paus., I, 1, 3. 46. Schol. à Hermogène, Rhetores Graeci, V, p. 533-534 Walz, qui cite comme sa source le Περὶ βωμῶν d’Ammonios, un contemporain de Plutarque. Pour le hieron de Thémistocle cf. aussi IG II2, 1657. Cf. R. GARLAND, The Piraeus, London, 1987, p. 112-113, 150. 47. Strabon, VIII, 6, 21; Paus., II, 5, 1. 48. Plut., Sur la malignité d’Hérodote, 39 (= Moralia, 871a-b); Athénée, XIII, 573c-d; Schol. Pind., Ol. XIII, 32b. Cf.PIRENNE-DELFORGE, L’Aphrodite grecque (supra, n. 2), p. 104-109. Sur l’épigramme composée à cette occasion par Simonide, cf. C.G. BROWN, « The Prayers of the Corinthian Women (Simonides, Ep. 14 Page, FGE) », GRBS 32 (1991), p. 5-14. 49. Ainsi Plutarque, ibid.; cf. aussi le scholiaste à Pind., Ol. XIII, 32b : ἔρωτα… μάχεσθαι. 50. C’est-à-dire qu’Aphrodite est la puissance divine censée « activer » la pulsion érotique. 51. Paus., II, 25, 1. 52. PIRENNE-DELFORGE, L’Aphrodite grecque (supra, n. 2), p. 167-169. 53. VERNANT, Problèmes de la guerre… (supra, n. 42), p. 22. 54. Esch., Eum., 984-986.

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55. J. BOUSQUET, « Le temple d’Aphrodite et Arès à Sta Lenikà », BCH 62 (1938), p. 386-408. 56. Ibid., p. 405, n° 4 (IIe siècle av. n. è.). 57. Plusieurs témoignages épigraphiques nous renseignent sur la diffusion, dans l’île de Crète, de cette association entre Aphrodite et Arès. Cf. V. PIRENNE-DELFORGE, « La genèse de l’Aphrodite grecque : le dossier crétois », in M. ROCCHI, S. RIBICHINI, P. XELLA (éds), La questione delle influenze vicino-orientali sulla religione greca (Atti del Colloquio internazionale di Roma, 20-22 maggio 1999), Roma, 2001, p. 171-187. 58. I. SOLIMA, « Era, Artemide e Afrodite in Magna Grecia e in Grecia. Dee armate o dee belliche ? », MEFRA 110 (1998), p. 381-417. 59. Ibid., p. 417. 60. À ce propos, l’un des aspects du monde de la guerre où Aphrodite est le plus souvent appelée à intervenir concerne justement la protection de l’armée et de ses commandants. Pour l’Aphrodite des stratèges, cf.SEG XV (1958), 383 (Épire); IG IX, I2, 2, 256 (Acarnanie, ép. hell.). Dans l’île de Cos, ce n’est pas seulement le commandant, mais aussi la garnison qui honore la déesse : cf. A. MAIURI, Nuova Silloge Epigrafica di Rodi e Cos (Firenze, 1925, p. 234-235), n° 675, (ép. hell.). Pour l’Aphrodite Strateia, déesse préposée à l’ensemble de l’armée, cf.IK, 35, 203, l. 5 et 204, l. 3 (Mylasa, ép. hell.); IE, 207, l. 10-11 (Érythrée, ép. hell.); F. GRAF, Nordionische Kulte (Roma, 1985, p. 464), IE suppl., 3, l. 1 (Chios, ép. hell.). 61. Hom., Il. V, 426-430 (trad. P. Mazon, CUF) : Οὔ τοι, τέκνον ἐμόν, δέδοται πολεμήια ἔργα, | ἀλλὰ σύ γ᾿ ἱμερόεντα μετέρχεο ἔργα γάμοιο, | ταῦτα δ᾿ Ἄρηι καὶ Ἀθήνῃ πάντα μελήσει. 62. Cf., à propos de ce passage de l’Iliade, les remarques subtiles de M. DETIENNE, « Expérimenter dans le champ des polythéismes », Kernos 10 (1997), p. 61. 63. Hom., Il. V, 846-898. Cf. P. WHATELET, « Arès chez Homère ou le dieu mal aimé », LEC 60 (1992), p. 113-128. 64. C’est ce que suggère N. LORAUX, « Le corps vulnérable d’Arès », TR 7 (1986), p. 335-354, soulignant, p. 349-350, les rapports étroits que ces deux puissances divines entretiennent avec la dimension corporelle. 65. Hom., Il. IV, 5-12. 66. Hom., Il. XXI, 391-425. Pour une interprétation structuraliste de ces parallélismes, cf. B. MEZZADRI, Autour d’Arès, Thèse, EPHE, 1993, p. 97-107. 67. Hom., Il. XXI, 426 (trad. P. Mazon, CUF). 68. Hom., Od. VIII, 266-366. 69. Les mots d’Athéna, sanctionnant la défaite du couple divin, suggèrent en outre que la présence conjointe d’Aphrodite et d’Arès avait longtemps contribué à sauver la ville de Troie de la destruction. Hom., Il. XXI, 428-433 : « Tel soit le sort de tous les protecteurs de Troie, s’ils combattent les guerriers d’Argos avec l’impudence et l’audace de cette Aphrodite, qui se porte au secours d’Arès, en affrontant ma fureur ! Autrement il y a longtemps que nous eussions terminé la guerre et détruit la belle ville d’Ilion (τῶ κεν δὴ πάλαι ἄμμες ἐπαυσάμεθα πτολέμοιο, | Ἰλίου ἐκπέρσαντες ἐυκτίμενον πτολίεθρον) » (trad. P. Mazon, CUF, modifiée). 70. Cf., à ce propos, A. GARTZIOU-TATTI, « Pâris-Alexandre dans l’Iliade », in A. MOREAU (éd.), L’initiation I, Montpellier, 1992, p. 73-91. 71. Hom., Il. V, 311-318, 431-446. 72. Plut., Thésée, 18, 1-3. 73. Hom., Il. III, 383-420. 74. Hom., Il. III, 416-417 : « Je susciterai des haines sinistres (μητίσομαι ἔχθεα λυγρά) parmi les deux peuples, troyen et danaen, et tu périras d’une mort cruelle » (trad. P. Mazon, CUF). 75. Un bel exemple de cette continuité éros-éris nous est offert par Euripide, Iph. à Aul, 585-589. 76. Hom., Il. V, 757-761 (trad. P. Mazon, CUF).

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77. VERNANT, L’individu, la mort, l’amour (supra, n. 11), p. 136-140. Sur les images érotiques de la guerre, cf. aussi E. VERMEULE, Aspects of Death in Archaic Greece, Berkeley, 1979, p. 97-103; H. MONSACRÉ, Les larmes d’Achille. Le héros, la femme et la souffrance dans la poésie d’Homère, Paris, 1984, p. 63-77. 78. Cf. Hom., Il. XIII, 638-639; Esch., Sept, 687-688, 692-693; Ag., 341-342; Thuc., VI, 24, 3. Dans les poèmes homériques, le verbe ἔραμαι n’est employé, en dehors de la sphère érotique, qu’en rapport à la guerre : Hom., Il. IX, 64; XVI, 208. Cf. P. CHANTRAINE, s.v. ἔραμαι, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, 1968, p. 363-364. 79. Aristote, Politique II, 7-8, 1269b 23-31. 80. Eur., Iph. à Aul., 1264 : μέμηνε δ᾿ Ἀφροδίτη τις Ἑλλήνων στρατῷ, « une Aphrodite affole l’armée grecque ». 81. Les axes de recherche dont il est fait mention dans cette étude font l’objet d’une thèse de doctorat, sous la direction conjointe de Mme Stella Georgoudi et Mme Marisa Ghidini Tortorelli, qui sera présentée prochainement à l’École Pratique des Hautes Études. Dans ce passionnant voyage au royaume de la déesse, j’ai la chance d’avoir pour guide Vinciane Pirenne-Delforge que je remercie pour les précieux conseils et le soutien. Je remercie enfin Pierre Brulé pour son invitation à cette réflexion sur le mythe, ce qui m’a permis d’interroger autrement le dossier concernant Aphrodite et la guerre. 82. Simonide, fr. 575 Page.

RÉSUMÉS

Aphrodite, tout en présidant à la sexualité et à l’éros, est une puissance divine aux multiples facettes exerçant aussi son action dans d’autres domaines. Depuis l’époque archaïque, Aphrodite et Arès constituent un couple bien établi au sein du panthéon de la Grèce ancienne. Cette association avec le dieu guerrier, attestée à la fois dans les récits mythiques et dans les cultes, se révèle solidaire d’autres données concernant les prérogatives politiques et militaires d’Aphrodite. L’examen de ce dossier nous invite à remettre en question le portrait canonique d’Aphrodite en tant que « déesse de l’amour » et à repenser son rapport avec le dieu de la guerre autrement qu’en termes d’opposition complémentaire. Aphrodite, loin d’être exclue de l’univers de la guerre, y contribue efficacement et peut susciter elle-même « le désir de la bataille ». Aussi, à l’intersection du domaine d’Aphrodite avec celui d’Arès, des liens se nouent entre l’éros et la fureur guerrière.

Aphrodite in the world of Ares. Elements for a dialogue between myth and cult. Aphrodite, the goddess governing sexuality and eros, is a deity with a large and multi-facetted sphere of action. Since archaic times, Aphrodite and Ares have constituted a well-established couple within the pantheon of ancient Greece. The association with the warrior god, attested both in myth and cult, is consistent with other evidence regarding Aphrodite’s political and military prerogatives. All of this prompts us to question Aphrodite’s canonical portrait as the “goddess of love” and to rethink her relationship with the “god of war” in terms other than those of complementary opposition. Aphrodite, far from being excluded from the world of war, contributes to it effectively in many different ways and is able to arouse “the desire for battle”. At the intersection of Aphrodite’s realm with that of Ares, links are woven between eros and fighting fervour.

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AUTEUR

GABRIELLA PIRONTI [email protected] École Pratique des Hautes Études Università di Napoli « Federico II »

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Myth as a mobilizing force in Attic warrior society

Synnøve Des Bouvrie

Un homme ne naît pas guerrier. Il le devient. A man is not born a warrior. He is made so.

1 In this paper I would like to do two things: first, to treat a methodological question, and second, to offer some concrete analyses of mythical drama. With the term “myth” I refer to a so-called “traditional tale”, a narrative in word or image that is recognized by a community as “our tale”. Unlike Geoffrey Kirk, who has defined myth as a tale handed down from at least the former generation1, I think it suffices to specify a “traditional tale” as a shared tale. In addition such a tale may become, in Walter Burkert’s terminology, “eine angewandte Erzählung2”, a tale that is shared and applied by a community and surrounded with special attention. We may distinguish myths from folk-tales and apply “myth” to tales that carry special authority, historical or otherwise. Attic tragedy staged myth and recent history indiscriminately. Both were “our authoritative tale3”.

2 With the term “mobilizing force” I refer to some of the workings of symbols in a community, symbols understood in the sense of “key symbols” as they are identified and analysed by the anthropologist Sherry Ortner. “Key symbols” catalyse shared emotions and value orientations in a community, they may be objects of reverence as well as sources of powerful motivations4. Traditional or shared tales, “myths”, may under certain circumstances serve as “key symbols”, vehicles of core values; they may, thus, become a mobilizing force, exerting their magnetic pull on those gathered in a community.

3 I will identify some monuments and cults in which myth served as a “key symbol” in Ancient Greek culture, as a mobilizing force within the community of citizen-warriors. Divine and heroic personalities served of course as important mobilizing symbols, borne on religious beliefs and inhabiting shrines, images, and rituals. But mythical tales could serve this aim as well. Among these I would reckon the mythical performances of Attic tragedy. I will argue that the institution of the theatre in the classical period

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represented a genuine stage for symbolic performances, a space in which myths could acquire a symbolic force in Attic warrior society5.

4 The dramatic scenes presented a “mythical universe”. This universe offered no “videoclip from real life”, it was moulded by multiple distortions. The tragic genre still operated in a mimetic mode, that is, it offered a serious and recognizable world, which, in contrast to comedy, respected the basic rules of nature and culture. While comedy followed the whims of chance, Thykhe, tragedy was under the austere rule of Ananke and probability. A tragedy was a bounded mythical entity, composed of an authoritative shared tale, but it manifested its own specific workings. These tragic workings and distortions are to be studied in a systematic way. We have to remind ourselves of the fact that the audience was first and foremost a collective body participating in an intense celebration. This celebration was organized as a cultural performance following a sequence of episodes, each with their own structure and workings: religious processions, sacrifice, exuberant komos, honorific ceremonies, tribal choruses with dithyrambs, polis drama – moduled in comedy, tragedy and satyr play – finally, the arbitration and evaluation of the entire event. Each phase required its specific expression and, we may assume, its special focus and mood.

5 Although we should pay attention to the entire sequence of episodes, I will concentrate on the most enigmatic and the most obviously mythical: tragedy. But I will remind of the fact that this genre should be studied within the entire celebration orchestrated into shifting focuses and moods. The specific affective quality of the total cultural performance should, then, not be neglected. This is often done, and in addition, modern scholars use to interpret tragic dramas from a modern, individualistic stance, searching for the personal views of the author and the individual reactions of the spectators. And, most seriously, they assume, as a matter of fact, beyond discussion or even consciousness, that tragic drama directed itself to the intellect and the aesthetic sensibility only. What is characteristic of this view of Greek tragedy is that it denies any absorbing involvement6. Patricia Easterling seems to define the tragic performance thus: “What is represented in the theatre is both like and unlike the life it purports to imitate, like in that it offers images of the ‘real world’, unlike in that by definition it is make-believe” (emphasis added)7. Furthermore, there is the mainstream tendency to assume that the tragic genre as an expression called into question the accepted values of the community. Simon Goldhill is the most influential mouthpiece of this tendency but it is widespread8.

6 Goldhill, of course, built his view on Jean-Pierre Vernant, who conceived of tragic drama, I think, too much as a philosophical utterance, a kind of 1968 consciousness raising, not as an episode in a complex symbolic performance. This approach overlooks the tremendous importance of the genre’s affective or cultural, creative and dynamic nature. Tragedy existed wall to wall with comic drama, a genre we without any problem recognize as a wild distortion of normality, with the aim to provoke laughter. I consider tragic drama as a comparable phenomenon: a wild distortion of normality, this time in order to provoke shock and horror9.

7 Contrary to the Simon Goldhill thesis, I suppose that the celebration during the Dionysia structured and moduled the affective condition of the participants moving them from comic to tragic involvement. During the comic movement the audience was confronted with the everyday world while during the tragic movement they were separated from

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their mundane existence and drawn within the orbit of the authoritative world of myth.

8 I will refer to the anthropologists Bruce Kapferer and Don Handelman, who have discussed the way rituals may pass through different episodes: these may apply various devices transforming and transferring the audience from one mood to another10. Some devices are apt at distancing the participants and encourage their self-conscious reflection on the events, other devices draw the audience intimately into the core of the performance, absorbing them so as to loose self-awareness. Following the psychologist Thomas Scheff, Bruce Kapferer labels these shifts in mood: over- distancing and under-distancing, respectively. “A situation of under-distancing exists where individuals experience action as if it were happening to them [...]. Over- distancing [on the other hand] is present when the feelings of the audience are not engaged at all [...]. A situation of aesthetic distancing is mid-way between the two, and obtains where the audience experiences the emotions but is not overwhelmed by them” 11.

9 Laughter is particularly apt at over-distancing, while the build-up of intimate emotional tension creates under-distancing, an absorbing attention to the super- natural world on stage. Under-distancing as well structures the relationship of those gathered into a collective body. Studying ritual performance Kapferer concludes that during the events emotions are structured into episodes with shifting moods. These episodes may range from a terrifying to a comic mood12. During the terrifying episode rythm, chant, dress, dance and stylized verbal expression create an otherwordly atmosphere drawing the participants into the realm of the sacred13. During the comic episode what is separate in normal life is “juxtaposed in absurd, impossible and unexpected ways14”. The esoteric verbal idiom of the serious episode is contrasted with the everyday language of the market-place in the comic episode15. While communication within the serious genre is framed by a sense of “truth” and imbued with moral worth, the comic inconsistencies challenge the social order16.

10 The characteristics identified by Kapferer and Handelman very much fit the complex theatre celebration of Classical Athens. Considering the impressive number of visual, acoustic and verbal devices that created the distinct dramatic genres, it is obvious that Old comedy created a performance of over-distancing, that tragedy constituted a performance of under-distancing, while satyr drama may be identified as the intermediate category of “aesthetic distancing” described by Scheff and Kapferer. The whole Dionysiac celebration must, thus, be considered as a complex cultural performance, culminating in two complementary forces: comic vs. tragic, structured in a polarity of culturally conditioned responses. In the same way as, we may assume, the Attic audiences laughed at a comedy of women ruling the polis, they shuddered at a relative, a philos, left unburied to be torn by beasts and birds of prey.

11 Comedy was not just presented in order to portray particular situations, it was a distorted world, staged in order to create an explosion, exploding the absurd and ridiculous idea of a world upside-down. The inconsistencies shook the audience out of its cultural wits and sense of world order, and established a liminal realm of social creativity.

12 In a similar manner tragedy presented a stylized and distorted world in order to explode the shocking idea of a violated world order. Tragedy locked its audience into a

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terrifying, disrupted world that seized it in its grip. It was not just an aestetic portraiture of conflicts or a philosophical invitation to criticize.

13 Both genres portrayed people, but they did so in order to provoke explosions of laughter, on the one hand, and explosions of shock and horror, on the other. These provocations hinged on cultural values or symbols, as we should label them, basic institutions, roles and statuses in the community with their powerful value charge. Whatever single spectators felt and thought, or criticized, is irretrievably lost to us. And, as is emphasized by Bruce Kapferer, it is not of importance either17. As genres, these dramatic performances were designed in order to rouse certain prescribed emotions, which we can study objectively as the vis comica and the vis tragica respectively.

14 Goldhill’s idea is briefly stated as follows: the honorific ceremonies introducing the Great Dionysia devoted massive attention to patriotic themes, first and foremost the brave warrior. Tragedy is a genre that calls into question, ergo tragic drama challenged the value of the brave warrior sacrificing himself for the benefit of the community. I doubt, however, that tragedy was an expression of critical thought and suggest a completely different model for approaching the genre.

Shrines and rituals

15 Before I go into the details of Greek tragedy, I will concentrate on some symbolic phenomena prominent in contemporary warrior culture. We may first of all identify shrines, images, rituals and beliefs of divine and heroic powers operating as mobilizing forces in the warrior community. There were a considerable number of divine powers crucial to warfare, as Madeleine Jost has shown18. We may think of the figure of Herakles, whose cult was particularly focused on male strength and warfare19.

16 The Attic rite of the Oinisteria engaged the adolescent warriors in a celebration in which Herakles was the centre of attention20. At their coming of age, at the threshold of hebe, the men worshipped Herakles at four-column shrines. According to Pamphylos in Athenaios (Ath. 11.494f.), these young men about to become adult warriors offered a big bowl of wine, called oinisterion, sending it as a libation to Herakles and presenting drinks to those gathered21. At the end of the ephebic oath Herakles is invoked in the company of Enyo, Enyalios, Ares, and Areia22.

17 As a deeply felt symbol of warrior strength and identity Herakles might mobilize warriors and marshall them into battle. Herodotos’ account of how the Athenians started their march against the Medes at the shrine of Herakles at Marathon and ended their mission at the shrine of Herakles in Kynosarges may have resonated in contemporary audiences as a significant detail explaining the course of the spectacular events23.

18 But we may look at the way the hero made his epiphany and came to strengthen the body of warriors before the battle at Leuktra when the Boiotians met the Spartans with their king Kleombrotos. In this battle the Thebans felt badly threatened by an exterior enemy, the Spartan, as well as native Boiotian enemies. In this situation they eagerly welcomed all kinds of positive signs. Xenophon tells how the Thebans were encouraged by an oracle promising the defeat of the Spartans: “at the monument of the virgins who had killed themselves after having been violated by some Lakedaimonians. The

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Thebans decorated the monument before the battle”. And he continues: “After this it was reported that the temples were opening themselves. And a messenger told that from a shrine of Herakles the ‘hopla’ had disappeared, indicating that Herakles had rushed to war” (Xen., Hell. VI, 4, 7). Whether these omina are contemporary or added later to the report of the memorable battle, the story implies that armies might gain strength and confidence upon learning that mythical powers as Herakles “joined their venture”. In his Anabasis Xenophon reports how he made sacrifice on his military expedition to Herakles Hegemon (Anab. VI, 2, 15, cf. VI, 5, 24; IV, 8, 2).

19 This confidence in the support from Herakles was early ingrained in the cultural senses of the young male. It was after all Herakles who, in the company of Hermes, coached the young males in their exercises in the gymnasion reaching the perfect state of adult male strength and vitality, hebe24. In funeral orations, funeral poetry and similar contexts hebe is evoked with reverence and awe. Nicole Loraux suggests that Herakles’ death on the pyre followed by his marriage with Hebe visualizes the fate of the warrior. In dying in war the vital strength of the warrior, his hebe, is fixed in eternal youth25. In the period between 420 and 380 iconography appeared on Attic vases presenting Herakles’ funeral pyre with a cuirass, while Herakles disappears on a char accompanied by Athena to Olympos. Philoktetes is present carrying off his bow. According to John Boardman, this motif may have originated after the battle of Marathon, and the cuirass may allude to the hero shedding his mortality. I would add that this motif of a cuirass again suggests Herakles’ military significance, as does Philoktetes carrying the bow that secured the capture of Troia26.

20 In Homer as well as in Attic epigraphic poetry warriors are praised for their hebe, their male vitality. E.g. in Iliad XIII, Idomeneus tells his comrades to fight against Aineias, “who is really powerful to kill men in battle; and has the bloom of male vitality (hebes anthos), which is the greatest strength”. Especially when parting with life the soul of the Homeric hero is said to leave his manliness and male vitality (androteta kai heben)27. In inscriptions from the mid fifth century found in the Polyandria in the Kerameikos the war dead who died in defence of their fatherland are praised for having left a most honorable memorial when they sacrificed their male vitality (olesan heben)28.

21 Herakles was the archetypical strong-man, prepared to avert evil, the Alexikakos, and this sense of male youthful vitality is visualized in his wedding to Hebe which appears on vase paintings from the late fifth and fourth centuries29. Annie-France Laurens has defined Hebe as “l’expression de la non-vieillesse30”. If Herakles was in love with Hebe, we may find him fighting Geras, an old decrepit creature who is attacked, humiliated and beaten by Herakles. Geras is represented on a number of vases from the first half of the fifth century, sometimes with the name ΓΕΡΑΣ inscribed 31. I have highlighted Herakles’ role in warrior symbolism, but there are of course a number of divine and heroic powers inhabiting the world of the warrior and serving as a symbolic mobilizing force.

22 Pierre Ellinger has offered extensive analyses of the workings of Artemis and Pan in a war context, symbols evoking complex emotions and offering means of coping with critical situations so as to retain or regain collective confidence and strength under mortal military threat32.

23 All these instances remind us of the fact that these divine symbols are dynamic forces: they are not just expressions of thought, documents for information, and still less media for discussion. Herakles marshalled the Attic warriors into acts of courage,

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endurance and self-sacrifice. He certainly was felt as an interior source of confidence and a collective mobilizing force.

24 Such male behaviour is no innate property, it is an aspect of the ideal of manhood which is found cross-culturally, this ideal is cultivated and inculcated through elaborate social arrangements, as David Gilmore has analysed33.

Theatre

25 I will now draw attention to the way mythical drama could exert a mobilizing force as well, as it appeared in the privileged moments of collective experience.

26 It is my contention, then, that the tragic genre, exactly like its comic counterpart, first of all was composed in order to rouse specific and powerful reactions. I will apply the term “tragic fascination” for these reactions, and try to determine their nature. We may define this “tragic fascination” as the sum of the dramatic, verbal, and rhythmic devices designed to rouse tragic reactions, parallel to the comic devices designed to rouse reactions of laughter34. Those reactions Aristotle and others labelled tragic eleos and phobos are the instant reactions of provocation when witnessing violations of cultural norms and values35. My support for this interpretation of Aristotle’s definition of tragedy is his analysis in ch. 14 of the Poetics36.

27 Along with satyr drama, comedy and tragedy were part of a cultural performance in the sense of a collective, highly rule bound event, framed by ritual acts which separated the event from everyday life. This theatre performance was structured in a sequence of genres, and I would like to emphasize that this means that the programme was designed to guide the audience through specific sentiments37. What was characteristic of the programme was the fact that the genres were mutually contrasted. The two principal genres were in fact sharply distinguished in a polar opposition, as Oliver Taplin has underscored38. Tragedy exerted itself to the utmost to establish a credible universe, and to consolidate the sense of temporal cohesion and logical consequence39. Comedy easily dissolved the dramatic illusion, precisely in order to rouse laughter, tragedy never did, it never exposed its own theatrical nature. Despite their remote age the mythical events in tragedy demanded to be taken seriously, absorbing the audience and commanding profound involvement40.

28 Old comedy drew the audience into a universe of implausible fantasy in which involvement was systematically cut short41. Tragedy, on the contrary, meticulously avoided improbability and indignity, inexorably forcing the fatal events upon the audience. The dramatizations in the theatre obviously served different, indeed opposite, aims, and the audience was not instructed intellectually, they were moulded affectively through the shifting workings of the successive genres.

29 As a profoundly serious dramatization of myth tragedy drew its authority from the religious tradition of the community42. Even though there are passages which call into question accepted views, it is my contention that they only did so superficially. In any case, such passages are in the first place utterances in character and, therefore, not necessarily the norm of the drama. More seriously, considering the level of such criticisms, it appears that tragic performances never posed questions undermining the most fundamental institutions of the community. The Medeia may voice malcontent women or expose the shallow heroism of men, but the drama does not question the

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necessity of continuing the family line through patrilineal succesion. Tragic characters might engage in debates about “orthodox opinion”, in Bourdieu’s terms, but it left “doxa” in its opaque realm of the “undiscussed43”. What is more, it served as an instrument of charging these truths with the aura of “necessity”. The most important workings of the whole tragic genre was, in my view, to valourize fundamental truths and institutions. Through its special workings the community revitalized strong commitments around central social institutions, such as the order and continuity of the oikos in its multifarious aspects as well as the warrior institution (as well as other crucial institutions), that is, the order and continuity of the polis44. Tragedy contributed to charging these “truths” with symbolic power, thus mobilizing its citizen-warrior audience into action in a fundamental way.

30 I suggest, then, that a cultural performance as the Dionysia did not just represent life and document the poet’s thoughts, it transformed the community, if only for the duration of the celebration45. This transformative process was independent of the individual reactions of the participants46.

31 The hypothesis offered here is that the dramatic celebration constituted a ritual performance, framed by religious markers (such as processions) and the discontinuation of everyday procedures (e.g. liberation of prisoners)47. It embraced a sequence of sacrificial, ceremonial and performative phases48. The sequence of these phases transformed the participants into changing affective states49,from solemn sacrifice through disruptive komos to polis-patriotic pre-play ceremonies, subsequently phylos-patriotic dithyrambos gave way to exuberantly comic and upsetting tragic episodes assuaging in satyric display, the last phases comprising impartial judgment and communal evaluation50.

32 As Don Handelman has suggested, by its very organization the community moved from a competitive dithyrambic contest, splitting the polis into its constituent parts, the tribes, to a dramatic performance unifying the disjoint parts of the community51.Such an organization of the celebration guaranteed the power of the Dionysiac ritual as a polis event, the polis so recreating and revitalizing itself.

33 Both Kapferer and Handelman suggest that there are general properties to the serious mode of (what they label as) ritual and the hilaric mode of (what they label as) play, an opposition creating the atmosphere of “truth” and “make-belief”, respectively. Contrary to the frequently held opinion that tragedy offered paradox and ambiguity, or called established truth into question, Kapferer and Handelman conclude that “ritual” phases in celebrations emphasize the validity of the moral world52,while their comic counterpart, “play”, offers inconsistency subverting the social order53. “Ritual” encourages a “let us believe” whereas “play” carries the meta-message “this is play54”. What these anthropologists, then, suggest is that the serious mode in cultural performance emphasizes the validity of the social world order, while it is in the comic mode they locate the phenomenon of inconsistency or paradox55.

34 Cultural performances may be structured by, what Handelman and Kapferer call, “symbolic types”, typical characteres which mould the atmosphere in a particular phase of the performance and so transform the audience in its attitude to the events56. The category seems to manifest itself in the ludicrous and vulgar appearance of satyrs serving their specific transformative role in the audience. Symbolic types seem to belong in particular to situations of transition and ambiguity57,and we may suggest that

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the transition between the elevated mythical worldof tragedy to the world of mundane affairs precisely offers such a condition.

35 I propose, then, to view tragic drama as a myth staged within an atmosphere of under- distancing, the phase within the ritual sequence in which the audience was pulled into the mythical universe, losing its self-awareness in a frightening experience. This mythical universe drew them through stages of shock and horror in tragic fascination. By provoking the socio-cultural sensibilities of the audience tragic myth recharged the fundamental institutions and world order of the polis. These values were not discussed, criticized, or abolished, but revitalized and charged with new energy in the senses of the audience. In an experience of under-distancing myth operated thus as a mobilizing force in the community.

The dramas

36 Departing from the concept of a cultural performance, we may consider some particular tragic dramas, all manifesting the core values of the warrior. As I have argued earlier, these values are not just presented in a positive version, in the image of the ideal warrior. They are implied, presupposed as the fundamental and undiscussed basis for the continuation of the polis. In addition we have to keep in mind in what kind of world these performances manifested themselves: an exclusive, self-confident and powerful warrior society.

37 We may take a look at Euripides’ Children of Herakles. In this drama the young and defenseless children are threatened by their father’s arch-enemy, Eurystheus58. They are committed to Iolaos’ charge, who introduces himself as a former warrior and once the brother-in-arms of Herakles59. From the beginning of the drama he is presented as a man too old to be able to protect the children60 – Herakles’ sons and daughter – or their grand-mother Alkmene. During the drama Iolaos is consistenly addressed as “geron” and “presbus61”, and his weakness and powerlessness is emphatically stressed, while the enemy’s ruthless violence is underscored62. Iolaos’ status as a geron is rather surprising, since he is of the same generation as Herakles’ youthful children, their fathers Herakles and Iphikles being of exactly the same age. Both Alkmene and Iolaos are characterized as “old people63”, while according to mythical tradition Iolaos is Alkmene’s grand-child. By an extraordinary distortion, then, Iolaos is presented as a deplorable old man, incapable of carrying arms64. We should ask what may be the reason for this. Herakles’ children are presented as youngsters who have not yet reached their hebe65. Both the geron Iolaos and the paides are, then, confronted with the superior force of the enemy and their utter helplessness is highlighted by their hikesia to the Athenian king Demophon, whom they implore to protect them66. Alkmene being both aged and a woman exacerbates the situation of powerlessness. The tragedy of The children of Herakles, then, seems to turn on a fundamental value, the symbol of the warrior capable of defending his family against exterior violence. The tragic workings of the drama invert this institution, exposing the defenseless to the attacks by a brutal enemy. In a process of under-distancing the audience gathered around the tragic action, it was drawn into a disturbing event in which the young, the old, and females were threatened, eventually the whole polis came under attack. According to an oracle a noble parthenos will avert the danger of war 67, and without much ado Herakles’ daughter offers herself for sacrifice68. In the second half of the drama the battle is

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engaged, and in a miraculous transformation Iolaos is rejuvenated, regaining his warrior strength. In due time the enemy is defeated and all are saved while Eurystheus is captured and put to death.

38 Earlier the chorus underscores that even if Iolaos is inspired by his formidable lema, he is physically unfit for combat, his helikia refuses this and his lost hebe will not come back again69. Shortly after, however, the messenger reporting on the battle against Eurysteus and his host describes how Iolaos is no longer a geron. Significantly, Iolaos prays to Hebe and Zeus, and shortly after Herakles and Hebe appear in an epiphany. He has been transformed from geron to neos, prompting Alkmene to exclaim: this is a miracle (thaumast’ elexas)70. There is no doubt, then, that the drama presented an extraordinary development.

39 We should ask once more: what are the tragic workings of the drama? How are the peculiar distortions to be explained? Why is the girl’s sacrifice soon forgotten? Why is Iolaos’ old age emphasized, and why is he suddenly and miraculously rejuvenated? In an interpretation focusing on psychological motivation and coherence we will not find explanations to the anomalies in the drama. I doubt that the drama has been staged as an ironic expression, as has been maintained71. An approach assuming criticism of accepted values will not find much to recommend itself either. The assumption of the audience’s intellectual attitude towards such dramas fails, then, to account for the peculiarities and anomalies we perceive. If we depart from our notions of proper tragedy, we will be puzzled at the happy ending as well, unless we focus upon the daughter’s and Eurystheus’ unhappy fate. She is, however, barely mentioned and he is elevated to cult in the aitiological cauda of the drama72.

What, then, is a tragedy?

40 Seen from an anthropological perspective, the irregularities and aesthetic defects disappear. In a phase of under-distancing the audience was not asked to reflect on the motivation of the characters, nor to question the fundamental value of the warrior. It was drawn into a mythical universe, a tightly knit course of terrifying events that plunged them into a world-upside-down, in which the defenseless members of the polis were handed over to military aggression, without any proper warrior to protect them.

41 In the first half of the Children of Herakles the old and weak Iolaos is likewise incapable of defending the children and the role of the warrior is taken by a complete anomaly, the female child. In the second half of the drama the warrior hero is once more an anomaly, an old man who is miraculously rejuvenated. In all these cases the normal order of the warrior, an adult male performing his role properly, is violated, creating what I call an inversion, for the audience to feel horror and shock, their reaction exploding the idea of approaching war without adult males to repel the enemy. The emotional reaction, I asume, was a feeling of being provoked in one’s deep-seated cultural sentiments around what was natural and normal.

42 I will underscore that we should not conceive of tragic drama as a moralistic theatre. A moralistic drama would once again direct itself at the intellectual response of the audience, and it is my contention that the tragic explosion is a cultural reaction felt at a subliminal level of consciousness. A similar development is presented in the Iphigeneia in Aulis, the Herakles and the Trojan women, all three tragedies turning on the values of the continuation of the polis and the existence of the warrior. All dramas present an

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inverted world order, whether the warrior is a female or he is absent, dead or turned mad.

43 The Iphigeneia in Aulis has been criticized for presenting an unmotivated change of mind in the protagonist, Iphigeneia73. This psychological anomaly, however, disappears, if we conceive of the drama as another inversion of the role of the warrior. In a mood well known from the epitaphios logos the young female is presented as an ideal warrior, suddenly declaring herself prepared to die in order to defend the people of Hellas74. As if it were a state burial of the fallen, her parents are denied to dress in black and mourn75. Behaving like a warrior the would-be bride created a tragic shock implying the proper warrior in society: an adult male.

44 The Trojan Women has been likewise criticized for lacking a plot or conflict and presenting just a parade of lamentable fates76. Still, it has been praised as the great anti-war drama and Euripides as its pacifist creator77. In the course of the drama, however, there are scenes that disprove this interpretation. Kassandra, while abominating war, glorifies him who goes to war in order to defend the polis78. Not only does Andromakhe remember her husband as the heroic warrior defending the polis79, but her son Astyanax is buried in his father’s shield, while Hekabe strikes up a lament which at the same time is an intense hymn of praise to the great champion of Troia Hektor80. Even this drama, as I interpret it, is to be conceived of as an inversion of the warrior norm, and the parade of laments of the Trojan women should not be read as a positive description of the the horrors of war. That war was horrible was obvious to the audience. But it was a fact of nature, a disaster that could not be avoided81. Contrary to the commonly held opinion that dramas like the Trojan women challenged the military values of its age, I conceive of this drama as a kind of hypothetical statement: “war is a disaster. But only if we as warriors are not there in order to prevent the outrages perpetrated on our wives and children”. This reaction is not verbalized in the drama, nor was it probably brought to the consciousness of the audience of Athenian warriors. In a tragic performance of under-distancing this reaction may have remained a subliminal, and therefore all the more powerful, response, an explosion evoked in the cultural sensibility of the Athenians. Their reaction of horror at the inverted world order created shock and revitalized their crucial importance as warriors.

45 The Herakles itself turned once more on the symbol of the warrior, but again presenting an inverted version of the normal world order: threatened by the archetypical enemy, Lykos, Herakles’ defenseless father, wife and children are in mortal danger82, while the emphatically old and weak chorus members lament their incapacity to defend them (as does the aged grandfather Amphitryon)83. During this part of the drama the proper warrior, Herakles, is absent. During the latter part of the drama he is present, but he is struck with madness and kills his family, mistaking them for his arch enemy84. The ordinary method of interpreting this tragedy is to search for psychological and moral issues85. If we, however, approach the Herakles from an anthropological perspective, we may ask, not “why does this man act as he does?” but “what central value is inverted throughout the drama?” It will appear that the proper warrior in the Herakles should be Herakles himself, but he violates this value, either by being absent or by being mistaken in his madness about his proper object of attack.

46 Even though there may be passages that seem to call into question accepted norms, it is my contention that they do so only superficially. They never pose the most existential questions undermining the fundamental intitutions and values of the community. The

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essential function of the entire tragic genre was, in my view, to valourize social values. One of the most fundamental values was the existence of the warrior. In spite of the mythical nature of the tragic universe the audience was, as I have argued, swallowed into a performance of shock and horror, the tragic myth drawing them into the inexorable train of events under the drums of doom. Tragedy contributed to charging the value of the warrior with symbolic power and served thus as a mobilizing force in the warrior society that created this mythical performance.

NOTES

1. G.S. KIRK, Myth. Its meaning and functions in Ancient and other cultures, Berkeley / Los Angeles, 1970, p. 282. 2. W. BURKERT, “The organization of myth”, Structure and history in Greek mythology and ritual, Berkeley / Los Angeles, 1979 (Sather Class. Lect., 47), p. 22 sq. 3. For a discussion of the concept of “myth” see S. DESBOUVRIE, “The definition of myth. Symbolic phenomena in ancient Greek culture”, inead. (ed.), Myth and symbol I. Symbolic phenomena in ancient Greek culture, Bergen, 2002 (Papers from the Norwegian Institute at Athens, 5), p. 11-69. 4. S. ORTNER, “On key symbols”, American journal of anthropology 75 (1973), p. 1338, 1340; [reprinted in W.A. LESSA, E.Z. VOGT, J.M. WATANABE (eds.), Reader in comparative religion. An anthropological approach, New York, 1979, p. 93 sq.]. 5. For a presentation of symbolic processes in traditional theater see e.g. B.E. WARD, “Not merely players. Drama, art and ritual in traditional China”, Man. New series 14,1 (1979), p. 18-39. Peter Wilson points to the intense social process going on around the khoregia: P. WILSON, The Athenian institution of the khoregia. The chorus, the city and the stage, Cambridge, 2000, p. 198. 6. Patricia Easterling notices: “One of the paradoxical features of the genre is that it gives pleasure while presenting material that is always sombre, often horrifying and frightening” : P.E. EASTERLING, “Form and performance”, inead. (ed.), The Cambridge companion to Greek tragedy, Cambridge,1997, p. 171. Another example of this approach is Nuttal who, asking “why does tragedy give pleasure?” stresses that “it is the special pleasure – the oikeia hedone – that we feel when all is done, when we have followed the sequence to its terrible end and understood. That still needs to be explained”: A.D. NUTTALL, Why does tragedy give pleasure?, Oxford, 1996, p. 104 (emphasis added). Nuttall aims at finding an answer valid for ancient as well as Shakespearean tragedy. 7. P.E. EASTERLING, “Tragedy and ritual. ‘Cry « Woe, woe » but may the good prevail’”, Metis 2 (1988), p. 98 sq. “the crucial element of make-believe makes possible that vital paradox tragic pleasure”, p. 90. 8. S. GOLDHILL, “The Great Dionysia and civic ideology”, JHS 107 (1987), p. 58-76 [reprinted inJ.J. WINKLER and F.I. ZEITLIN (eds.), Nothing to do with Dionysos, Princeton, 1990, p. 97-129]. 9. I argue for this translation of eleos and phobos in Aristotle’s Poetics, see note 34. 10. B. KAPFERER, “Emotion and feeling in Sinhalese healing ritual”, in id. (ed.), The power of ritual. Transition, transformation and transcendence in ritual practice, North Terrace, Adelaïde, 1984 (Special issue of Social analysis, 1 [or. 1979]), p. 153-176; D. HANDELMAN, “Is Naven ludic? Paradox and the communication of identity”, ibid., p. 177-191.

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11. KAPFERER, l.c. (n. 10), p. 170 sq. T.J. SCHEFF, “The distancing of emotion in ritual”, Current anthropology 18 (1977), p. 485-486. 12. KAPFERER, l.c. (n. 10), p. 153, 157, 159. 13. Ibid., p. 161 sq. 14. Ibid., p. 167. 15. Ibid., p. 161. 16. B. KAPFERER, “Introduction. Ritual process and the transformation of context”, inKAPFERER, o.c. (n. 10), p. 9; HANDELMAN,l.c. (n. 10), p. 185-188. 17. KAPFERER, l.c. (n. 10), p. 168. 18. M. JOST, “Les divinités de la guerre”, in F. PROST (ed.), Armées et sociétés de la Grèce classique, Paris, 1995, p. 163-178. 19. A. VERBANCK-PIÉRARD, “Héraclès l’Athénien”, in A. VERBANCK-PIÉRARD, D. VIVIERS (eds.), Culture et cité. L’avènement d’Athènes à l’époque archaïque. Actes du colloque intern. de Bruxelles 25-27 avril 1991, Bruxelles, 1995, p. 113 sq. In Soph., Phil., 726, Herakles is called chalkaspis, an epithet belonging to Ares (LSJ, s.v.), cf. the remarks on Thasian Herakles “gardien et militaire” (with reference to Pouilloux), by S. GEORGOUDI, “Héraclès dans les pratiques sacrificielles des cités”, in Le bestiaire d’Héraclès, Kernos Suppl. 7 (1998), p. 311. 20. J. BOARDMAN, “Herakles at a columnar shrine”, LIMC IV.1 (1988), p. 801 sq.; 2, p. 533 sq. 21. J. TRAVLOS, Pictorial Dictionary of Ancient Athens, New York, 1971, p. 274-277. On the shrine of Herakles Alexikakos in Melite, O.WALTER, “Der Saülenbau des Herakles”, MDAI 62 (1937), p. 48 sq.; S. WOODFORD, “Cults of Heracles in Attica”, in D.G. MITTEN, J.G. PEDLEY, J. AYER SCOTT (eds.), Studies presented to George M.A. Hanfmann, Mainz, 1971, p. 213 sq., 218. Herakles and his nephew Iolaos are the center of an initiation cult in Agyrion, attested in Diodoros Siculus’ age, probably presenting a much older pattern, C. JOURDAIN-ANNEQUIN, “A propos d’un rituel pour Iolaos à Agyrion. Héraclès et l’initiation des jeunes gens”, in A. MOREAU (éd.), L’initiation I, Montpellier, 1992, p. 121-141. 22. M.N. TOD, A selection of Greek historical inscriptions. From 403 to 323 B.C.Vol. 2, Oxford, 1948, p. 303 sq., no. 204. Although recorded in a fourth century inscription the oath is of high antiquity, ibid., p. 305. 23. As a consequence of the Battle at Marathon the Herakleia, Herakles’ celebration, grew out to a major athletic event (Hdt., VI, 108, 116). In the Stoa Poikile Herakles is engaged in the battle of Marathon (Paus., I, 15, 3). 24. L.R. FARNELL, Greek hero cults and ideas of immortality, Oxford, 1970 [orig. 1921] (The Gifford Lecture), p. 153 sq. On the pediment of the fifth century Greek temple dedicated to Apollo Sosianus, which was transferred to Rome, the two heroes join their efforts in an Amazonomachy (Musei Capitolini alla Centrale Montemartini II52). 25. N. LORAUX, “ΗΒΗ et ΑΝΔΡΕΙΑ. Deux versions de la mort du combattant athénien”, AncSoc 6 (1975), p. 23. 26. J. BOARDMAN, “Herakles in extremis”, in E. BÖHR, W. MARTINI (eds.), Studien zur Mythologie und Vasenmalerei. Konrad Schauenburg zum 65. Geburtstag, Mainz / Rhein, 1986, p. 131. 27. Hom. Il. XIII, 483 sq. (Aineias), XVI, 857 (Patroklos), XXII, 363 (Hektor). 28. W. PEEK, Griechische Grabgedichte, Berlin, 1960 (Schriften und Quellen der alten Welt, 7), nos. 8, 9, 11; C. CLAIRMONT, Patrios nomos. Public burial in Athens during the fifth and fourth centuries B.C., Oxford, 1983 (BAR Intern. Series, 161), no. 32b. 29. R. VOLKOMMER, Herakles in the art of classical Greece, Oxford, 1988, p. 37 sq.: “Wedding to Hebe”. 30. A.-F. LAURENS, “Héraklès et Hébé dans la céramique grecque ou les noces entre terre et ciel”, in C. JOURDAIN-ANNEQUIN, C. BONNET (eds.), 2e Rencontre Héracléenne. Héraclès, les femmes et le féminin. Actes coll. Grenoble 22-23 oct. 1992, Bruxelles / Rome, 1996, p. 239.

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31. F. BROMMER, “Herakles und Geras”, AA 67 (1952), p. 60-73; H.A. SHAPIRO, “Geras”, LIMC IV.1 (1988), p. 180 sq.; 2, p. 100 sq.; A.-F. LAURENS, “Hebe”, LIMC IV.1 (1988), p. 458-464; 2, p. 275 sq. 32. P. ELLINGER, “Artémis, Pan et Marathon. Mythe, polythéisme et événement historique”, inDES BOUVRIE (ed.), o.c. (n. 3), p. 313-332. 33. D.D. GILMORE, Manhood in the making. Cultural concepts of masculinity, New Haven / London, 1990. 34. Aristotle expressed the tragic reactions in the terms eleos and phobos. These terms have generally been rendered as “pity and fear”, expressions which suggest reactions following the individual personality and biography of the spectator. Such reactions, as I have mentioned, are irretrievably lost to us. I propose, on the contrary, to define Aristotle’s reactions to tragic drama as “shock and horror”, and to understand them as a cultural shock, a provocation of cultural norms, see S. DES BOUVRIE, “Aristotle’s Poetics and the subject of tragedy”, Arethusa 21 (1988), p. 54. 35. More illuminating would be a concept as “institutions”, pointing to an objective state of affairs and avoiding the notion of personal moral consciousness. 36. Here Aristotle emphasizes that not any act of violence will make tragedy, but violence done to a social norm (philia), in fact one of the fundamental unwritten laws in Greek society, see M. OSTWALD, “Was there a concept AGRAPHOS NOMOS in Classical Greece?”, in E.N. LEE, A.P.D. MOURELATOS, R.M. RORTY (eds.), Exegesis and argument. Studies in Greek philosophy presented to Gregory Vlastos, Armidale, 1973, p. 70-104. Cf. DES BOUVRIE,l.c. (n. 34). 37. For a thorough study of the structure of cultural events with their orchestration of sentiments see D. HANDELMAN, Models and mirrors. Towards an anthropology of public events. Cambridge, 1990, repr. 1998. 38. O. TAPLIN, “Fifth-century tragedy and comedy: A synkrisis”, JHS 106 (1986), p. 163-174. 39. M. LANDFESTER, Handlungsverlauf und Komik in den frühen Komödien des Aristophanes. Untersuchungen zur antiken Literatur und Geschichte, Berlin / New York, 1977, p. 4-15. 40. An unexpected constellation, then arises: on the one hand, the world of myth in tragedy forcing belief upon the audience, and, on the other hand, the world of everyday life in comedy inviting disbelief. The qualification of “serious” events in the definition of tragedy and of its “ chrestoi” – that is, serious and noble – characters point in the direction of a deeply involving dramatic performance. 41. Comedy’s parodies of tragedy, with their acute incongruity aimed at degrading the other genre’s lofty themes, pathos sinking to bathos. 42. This is forcefully argued for by C. SOURVINOU-INWOOD, Tragedy and Athenian religion, London, 2003. 43. P. BOURDIEU, Outline of a theory of practice. transl. R. Nice, Cambridge, 1977 (Cambr. stud. in soc. anthrop., 16), p. 168. 44. I have argued for this point of view on several occasions, cf. S. DES BOUVRIE, Women in Greek tragedy. An anthropological approach, Oslo, 1990 (Symbolae Osloenses, suppl. 27), repr. 1992; ead., “Aiskhulos’ Prometheus. An anthropological approach”, Mètis 8, 1-2 (1993) [1996], p. 187-216; ead., “Euripides Bakkhai. An anthropological approach”, C&M 48 (1997), p. 75-114. 45. KAPFERER, l.c. (n. 10), p. 157. 46. KAPFERER, l.c. (n. 10) , p. 153. This movement is brought about as a consequence of the performance process itself, as the members of a ritual gathering are moved from a situation of over-distancing to one of aesthetic distancing. Ibid., p. 172. 47. I employ the term ritual in a loose sense being aware of Catherine Bell’s and others’ criticism, C. BELL, Ritual theory, ritual practice, New York / Oxford, 1992. In this case of a specific celebration clearly set apart from daily improvised and individual action, the term meets Bell’s criterium for “ritualization”: “I will use the term ‘ritualization’ to draw attention to the way in which certain social actions strategically distinguish and privilege what is being done in

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comparison to other, usually more quotidian, activities. A such ritualization is a matter of various culturally specific strategies for setting some activities off from others, for creating a privileging a qualitative distinction between the ‘sacred’ and the ‘profane’, and for ascribing such distincctions to realities thought to transcend the powers of human actors” (p. 74). According to Kapferer, “Ritual is a series of culturally recognized and specified events, the order of which is known in advance of their practice, and which are marked off spatially and temporally from the routine of everyday life”: KAPFERER, l.c. (n. 10), p. 194. 48. KAPFERER, l.c. (n. 10), p. 195. Cf. KAPFERER, o.c. (n. 10) (“Introduction”), p. 8. 49. Even if only temporally: “Many rites and festivals are transformative of contexts and identitites only for the duration to their performance”, KAPFERER, o.c. (n. 10), p. 13. 50. What is interesting to our inquiry is the fact that the dramatic performance shaped mythical events in the medium of tragedy and subsequently in the medium of satyr drama. Whether the medium of comedy was inserted before or after the tragedy-satyr-drama episodes is another question, the solution of which depends upon our interpretation of the comic genre; cf. KAPFERER, o.c. (n. 10) (“Introduction”), p. 9. 51. D. HANDELMAN, “Designs of ritual: the City Dionysia of fifth-century Athens,” in M. WEDDE (ed.), Celebrations. Sanctuaries and the vestiges of cult activity. Selected papers and discussions from the Tenth Anniversary Symposion of the Norwegian Institute at Athens, 12-16 May 1999, Papers from the Norwegian Institute at Athens, 6, Bergen, in press. “The State constructed itself as superior, judicial, and impartial in relation to its parts, the tribes […] the lower level of tribes took apart the State symbolically, during the dithyramb contest, while this opposition was contained by the pristine impartiality of the higher State level.” 52. “Religious ceremonies and religious festivals are primarily affirmatory in their projects”, KAPFERER, o.c. (n. 10) (“Introduction”), p. 12. 53. KAPFERER, l.c. (n. 10), p. 144, c sq. p. 145-146. 54. KAPFERER, o.c. (n. 10), p. 9. “Thus communication within the ritual frame is sanctified, is imbued with moral worth, is made ‘true’ and is made absolute. The meta-messages of the ritual frame supercede paradox”, HANDELMAN,l.c. (n. 10) , p. 185. “Play accentuates the plasticity of ideation, while ritual emphasizes the integrity of the moral community. Play has the greater capacity to comment speedily on immediate on-going fragments of social reality, while ritual tends to comment on the ‘truth’ or totality of structures in time and space” (p. 188). 55. I would conceive of inconsistency as the confrontation between clearly defined categories or social roles and status hierarchies, such as human and animal, master and slave, male and female. 56. On symbolic types see HANDELMAN,l.c. (n. 10), p. 186. Cf. KAPFERER, l.c. (n. 10) (“Introduction”), p. 17. 57. “According to Grathoff symbolic types are most likely to appear in contexts where ambiguity and inconsistency threaten, and their introduction forces a unity on this context. It is not surprising that symbolic types should be regular elements of rites, and particularly rites of transition, which frequently merge potentially contradictory and opposing contexts”, KAPFERER, l.c. (n. 10) (“Introduction”), p. 11. 58. Eur., Heracl., 10-13, 67 sq., 97 sq., 105. 59. Ibid., 88 sq., 125, 216, 457, 741 sq. 60. Ibid., 11, 23. 61. Ibid., 75, 80, 86, 166 sq., 333, 461, 560, 630. 62. Ibid., 131. 63. Ibid., 39, 584, 653. 64. Ibid., 58. 65. Ibid., 171 sq.

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66. Ibid., 33, 94, 123 sq., 345. 67. Ibid., 409 sq., 488 sq. 68. Ibid., 501 sq. 69. Ibid., 702-708. 70. Ibid., 793-797, 852, 856 sq. 71. A. LESKY, “On the Heraclidae of Euripides”, YClS 25 (1977), p. 238; P. BURIAN, “Euripides Heraclidae: an interpretation”, CPh 72 (1977), p. 14 sq.; U. ALBINI, “La falsa convenzionalità degli Eraclide”, SIFC 3. serie, 11 (1993), p. 110. sq. 72. Eur., Heracl., 1030 sq. 73. H.D.F. KITTO, Greek Tragedy. A literary study, London, 1966 [orig. 1939], p. 365; F. JOUAN (éd.), Euripide, Iphigenie à Aulis, Euripide Tome VII, 1, Paris, 1983, p. 35 sq.; C.E. SORUM, “Myth, choice, and meaning in Euripides’ Iphigenia at Aulis”, AJPh 113 (1992), p. 527; R.G.A. BUXTON, “Bafflement in Greek tragedy”, Metis 3 (1988), p. 41-51. 74. Eur., IA, 1375 sq., 1397. 75. Eur., IA, 1437-1448. 76. G. PERROTTA, “Le Troiane di Euripide”, Dioniso 15 (1952), p. 237; A.P. BURNETT, “Trojan women and the Ganymede ode”, YClS 25 (1977), p. 291; F.M. DUNN, “Reversal: Trojan women”, inid. (ed.), Tragedy’s end:closure and innovation in Euripidean tragedy, New York / Oxford, 1996, p. 101; D.J. CONACHER. Euripidean drama. Myth, theme and structure, Toronto, 1967, p. 137-145. 77. E. O’Neill Jr. called it in 1941 “a very great anti-war play”: E. O’NEILL Jr., “The prologue of Euripides’ Troades”, TAPhA 72 (1941), p. 320. Cf. R. GOOSSENS, Euripide et Athènes, Bruxelles, 1962, p. 507-516; R.A.H. WATERFIELD, “Double standards in Euripides Troades”, Maia 34 (1982), p. 137; P.G. MAXWELL-STUART, “The dramatic poets and the expedition to Sicily”, Historia 22 (1973), p. 397; W. DESCH, “Die Hauptgestalten in des Euripides Troerinnen”, GB 12-13 (1985-86), p. 65; B. MANUWALD, “‘Die Troerinnen’ in neuem Gewand. Walter Jens, ‘Der Untergang’ und sein euripideisches Vorbild”, AFLN 30, n.s. 18 (1987-88), p. 393-396; R. REHM, “War brides and war dead. Euripides’ Troades”, inMarriage into death, Princeton, 1994, p. 128. 78. Eur., Tr., 400 sq. 79. Ibid., 590, 673, 752 sq. 80. Ibid., 1137-1142, 1193-1199, 1220 sq. 81. V.D. HANSON, “The classical Greek warrior and the egalitarian ethos”, AncW 31 (2000), p. 111. 82. Eur., HF., 38 sq., 454 sq., 492 sq. 83. Ibid., 268 sq., 436-441. Their status as “gerontes” in emphasized 126, cf. 230 sq., 326. 84. Ibid., 967-997. 85. For a sample of interpretations see U. VONWILAMOWITZ-MÖLLENDORFF, Euripides, Herakles , erklärt I, Berlin, 1895, p. 128-129; H.H.O.CHALK, “ΑΡΕΤΗand ΒΙΑ in Euripides’ Herakles”, JHS 82 (1962), p. 7-18; J.C. KAMERBEEK, “Unity and meaning of Euripides’ Heracles”, Mnemosyne 19 (1966), p. 1-16; C. RUCK, “Duality and the madness of Herakles”, Arethusa 9 (1976), p. 53-75; K. LEE, “Human and divine in Euripides’ Heracles”, inVindex humanitatis. Essays in honour of John Huntley Bishop, Armidale, 1980, p. 34-45; R. SCHLESIER, “Héraclès et la critique des dieux chez Euripide”, ASNP 15 (1985), p 7-40; M.S. SILK, “Heracles and Greek tragedy”, G&R 32 (1985), p. 1-22; M. CROPP, “Heracles, Electra and the Odyssey”, in M. CROPP, E. FANTHAM, S.E. SCULLY (eds.), Greek tragedy and its legacy. Essays presented to D.J. Conacher, Calgary, 1986, p. 187-199; M. PADILLA, “The Gorgonic archer. Danger and sight in Euripides’ Heracles”, CW 86 (1992-93), p. 1-12.

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RÉSUMÉS

Le mythe comme force de mobilisation dans une société guerrière. L’article se concentre sur le rôle mobilisateur des symboles et en particulier sur le fonctionnement du théâtre mythique. Le théâtre attique est compris comme une performance symbolique dans laquelle le genre comique et tragique représentaient des processus de ‘sur-distanciation’ et de ‘sous-distanciation’ respectivement. Au lieu de concevoir la tragédie seulement comme un medium esthétique ou critique, le genre tragique est vu comme une part d’un processus culturel etsocial complexe qui sert de une force mobilisatrice autour des valeurs fondamentales de la polis, e.g. du guerrier et son hèbè. Quelques pratiques cultuelles sont discutées pour démontrer l’importance du symbolisme guerrier dans la société attique. En plus l’argument présenté est que la performance tragique ne présente pas une image positive et idéale, mais une violation de l’ordre social (‘le guerrier’). Les enfants d’Héraklès et d’autres tragédies sont analysées pour illustrer cette manière de penser.

This paper focuses on the mobilizing role of symbols and specifically on the workings of mythical theatre. Attic theatre is understood as a symbolic performance in which the comic and the tragic genres represented processes of ‘over-distancing’ and ‘under-distancing’, respectively. Instead of conceiving of tragedy as just an aesthetic or critical medium, the tragic genre is viewed as part of a complex cultural and social process that serves as a mobilizing force around the fundamental values of the polis, e.g. the warrior and his hebe. A number of cult practices are discussed in order to demonstrate the importance of warrior symbolism in Attic society. Furthermore, it is argued that the tragic performance does not present a positive and ideal image, but a violation of the social order (‘the warrior’). The Children of Herakles and other tragedies are analysed in order to illustrate the argument.

AUTEUR

SYNNØVE DES BOUVRIE Faculty of Humanities - University of Tromsø

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La terre-mère : une lecture par le genre et la rhétorique patriotique

Violaine Sebillotte Cuchet

1 Les récits ou les allusions à des héros ou des hommes nés du sol peuvent être rassemblés dans un seul motif mythique : celui de la maternité de la terre. On reconnaîtra que l’essentiel de ce motif est supporté par une métaphore obéissant à la logique du vraisemblable qu’Aristote reconnaissait comme caractéristique du mythe1 : elle fonctionne tant qu’il y aura des hommes pour penser que la terre produit des fruits comme une mère semble produire des enfants. Sur cette analogie entre la terre et la mère bien des choses ont été écrites et bien des controverses restent ouvertes2. Car en ce domaine la perspective a été passablement obscurcie par le fantasme d’une terre qui exprimerait la puissance d’une Grande Déesse, Déesse Terre ou Déesse Mère, à l’origine de tout et en général victime d’un ordre patriarcal magnifié ou détesté qui aurait étouffé sa présence3. Elle l’est désormais par l’opprobre qui pèse sur une thématique parfois devenue d’emblée suspecte. Un deuxième obstacle, moins frontal, m’apparaît aujourd’hui : il tient dans la séduisante hypothèse de Nicole Loraux sur l’autochtonie athénienne. Pour rendre compte du mythe de la naissance des citoyens de la terre même de leur cité, mythe participant à l’élaboration de l’idéologie de la cité pensée unifiée dans un présent éternel, elle propose une interprétation enchâssée dans une évidente lutte des sexes : les citoyens d’Athènes, assouvissant leur profond désir d’un monde purement masculin, auraient ainsi trouvé le moyen de se débarrasser symboliquement d’un pouvoir des femmes auquel leur existence était malheureusement contrainte. Quand l’hypothèse se transforme en postulat, ce qui est parfois le cas aujourd’hui, elle devient un nouvel obstacle intellectuel4.

2 Acceptant toutes les conclusions des démonstrations si claires de Stella Georgoudi à propos du caractère très instrumentalisé du pseudo-matriarcat antique, de la richesse et de la diversité des figures de la terre et de la mère, je n’aurai pas de scrupules à parler parfois de « maternité de la terre » car ce singulier ne renvoie, en fin de compte, qu’à une fonction, non à une divinité spécifique. En ce qui concerne le rêve misogyne des Grecs peut-être suffirait-il d’opposer les compagnons et maris athéniens des héroïnes d’Aristophane à l’Hippolyte d’Euripide pour rappeler que, si la sexualité

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(toujours susceptible d’être procréative) pouvait sembler un bien grand mal, elle était, pour d’autres, source de tels plaisirs qu’ils auraient eu bien du mal à s’en passer5 !

3 En partant de l’étude des documents qui évoquent le motif de la maternité de la terre, et non de telle ou telle hypothèse, on peut, me semble-t-il, ouvrir le champ interprétatif et proposer à l’analogie terre-mère une explication qui ne ressortisse plus de la guerre des sexes, en tout cas en première analyse, mais d’une fonction sociale autrement plus précise. Dans cette perspective la notion de genre m’a semblé être un opérateur intellectuel particulièrement pertinent pour reprendre le dossier. En mettant en question les catégories du masculin et du féminin, elle oblige à préciser davantage encore la nature du corpus. C’est essentiellement un corpus athénien, très politique, des Ve et surtout IVe siècle avant notre ère, qui relève de ce que je désigne comme de la rhétorique patriotique. La nature de ce type de discours oriente d’une toute autre façon l’interprétation du motif de la terre mère.

La nouvelle problématisation du dossier, liée aux études de genre

4 Une certaine critique féministe, et je pense particulièrement à la thèse défendue par Françoise Héritier en 1996 puis reprise ensuite, quoique largement modifiée en 20026, interprète le dossier de la maternité de la terre, à la suite de Nicole Loraux, dans une perspective d’élucidation des mécanismes de la domination masculine.

5 Dans ces livres, que je ne saurais examiner d’un point de vue philosophique ou anthropologique, Françoise Héritier explique le phénomène de la domination masculine par le déséquilibre qu’elle observe dans le processus de la reproduction sexuée. Les femmes auraient un rôle extrêmement important dans ce processus et les hommes voudraient les en dessaisir. C’est ainsi qu’interviendraient les mythes autour de la maternité de la terre7. Le postulat central est donc celui d’un rapport de force entre les hommes et les femmes autour de la question de la reproduction, avec l’hypothèse corrélée que les hommes ont peur de la « puissance féminine » manifestée dans sa puissance maternelle8. Françoise Héritier a formulé plus précisément la hantise des hommes : ce qui leur est intolérable est la « capacité exorbitante » des femmes à produire des enfants des deux sexes, affirme-t-elle9. À partir d’une observation indubitable, la grossesse, seul « privilège » des femmes, l’anthropologue propose une affirmation beaucoup plus contestable selon laquelle les hommes ont toujours pensé que les femmes fabriquaient seules (leur fameux pouvoir exorbitant) les enfants, garçons et filles, accordée à une autre affirmation, que je considèrerai plutôt comme une hypothèse de travail, celle d’un ressentiment unanime des hommes à leur égard.

6 Cette thèse doit particulièrement intéresser les antiquistes qui, en tant que spécialistes de discours mythiques, sont sollicités. Et si je cite Françoise Héritier c’est, non pas pour m’en prendre à son travail qui est à bien des égards admirable, mais à cause de l’impact éditorial de thèses qui ont donné à certaines observations de Nicole Loraux, convoquée à l’occasion, une formidable caisse de résonance. Ce sont donc moins sur les raisons invoquées par l’anthropologue pour expliquer le phénomène de la domination masculine que je vais m’arrêter, que sur les arguments de Nicole Loraux, essentiellement à partir de son étude du Ménexène de Platon, que celle-là utilise et diffuse.

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Les propositions de Nicole Loraux

7 Au centre des études de l’helléniste, nous trouvons une affirmation essentielle, celle qui lui fait considérer la terre mère, entendue comme représentation mythique, comme une figure particulièrement efficace politiquement. Cette efficacité fonctionne sur trois niveaux que je rappelle ici pour souligner l’enjeu de la démonstration de Nicole Loraux10.

8 Cette figure mythique permet d’abord de naturaliser la démocratie : « Nous et les nôtres, tous frères nés d’une même mère (μιᾶς μητρὸς πάντες ἀδελφοὶ φύντες), nous ne nous croyons ni les esclaves ni les maîtres les uns des autres, mais l’égalité d’origine (ἰσογονία) établie par la nature (κατὰ φύσιν) nous oblige à rechercher l’égalité politique (ἰσονομία) établie par la loi »11. Elle permet ensuite d’anoblir le genos athénien : l’isogonia est eugeneia. Ce faisant elle permet d’enraciner ce régime dans les représentations aristocratiques traditionnelles : « Cette bonne naissance (εὐγενείας) a eu pour premier fondement l’origine de nos ancêtres qui, au lieu d’être des immigrés et de faire de leurs descendants des métèques dans le pays où ils seraient eux-mêmes venus du dehors, étaient des autochtones, habitant et vivant vraiment dans leur patrie, nourris (τρεφομένους) non comme les autres par une marâtre mais par la terre, leur mère (ὑπὸ μητρὸς τῆς χώρας) » 12. Enfin, et nous trouvons ici une des sources de l’argumentation de Françoise Héritier, cette figure mythique permet de déposséder les femmes de leur rôle dans la reproduction sexuée. Ainsi, à propos de Pandora et de ce genos pensé séparé de celui des hommes, en particulier chez Hésiode, elle commente : « Certes, il faut, dans la réalité, qu’elles enfantent des fils semblables à leur père : telle est même en toute cité la définition du bon ordre social. Mais, au niveau de la pensée mythique, les hommes grecs, avec un frisson de plaisir terrifié, préfèrent enfermer les femmes dans un genos toujours prêt à faire sécession, voire à se reproduire en circuit fermé : opération fructueuse de l’imaginaire masculin, qui libère le champ pour le fantasme inverse – le vrai, n’en doutons pas – d’une reproduction qui, enfin, n’aurait pas besoin de passer par les femmes »13. Et on connaît sa conclusion, donnée à propos de l’oraison funèbre de Démosthène14: « Il me suffira de constater ici que la Terre-Mère débarrasse à point nommé les Athéniens de l’autre sexe et de sa fonction reproductrice »15. La cité est totalement celle des pères : il n’y a plus de place pour les femmes16. On le constate, il est non seulement question ici de rivalité entre la terre et les femmes (ce qui est une lecture du Ménexène sur laquelle nous reviendrons) mais également de rivalité entre les femmes et les hommes puisque ce qui est en jeu est leur capacité reproductive respective. D’ailleurs, au préalable, Nicole Loraux évoque, à propos des hommes, « leur fascination du féminin et leur peur des femmes »17.

9 Bien sûr, on relèvera, après Nicole Loraux, l’ambiguïté de cette figure de la terre mère dans laquelle il faut distinguer la terre mère de l’humanité (celle que, comme la Gaia hésiodique ou la glèbe qui porte les fruits, Platon associe sournoisement dans son oraison funèbre parodique au territoire de la cité) et celle, civique, mère des seuls citoyens (celle de l’oraison funèbre traditionnelle, non subvertie). Quoi qu’il en soit, ce motif, même contextualisé dans son environnement militaro-civique, repose sur une pensée de la maternité de la terre qui est plus générale et sur une représentation bien masculine du féminin qu’il faut préciser. Avant d’en venir là, précisons en quoi la notion de genre permet de renouveler ces questions.

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La notion de genre

10 Ce que l’on exprime par la notion de genre est l’idée selon laquelle l’identité sexuée est très largement constituée par des faits culturels. Dans cette perspective, l’historien est amené à mettre sérieusement en doute les déterminismes biologiques souvent convoqués pour expliquer les assignations selon le sexe. Il est appelé à une nouvelle vigilance en ce qui concerne l’analyse des rapports hommes/femmes et leurs représentations. Or ces deux niveaux d’analyse ne se recouvrent pas exactement dans la mesure où les genres ne coïncident pas nécessairement avec les hommes et les femmes comme individus sexuellement déterminés.

11 Davantage encore, ce regard donne une dimension historique à la différence des sexes. Autrement dit la césure qui nous semble si fondamentale entre hommes et femmes est également considérée comme une construction sociale : c’est la constitution des genres, masculin et féminin, qui a conduit à penser les corps comme radicalement différents et qui a inscrit cette différence dans la sexualité de la reproduction. La réalité de la différence sexuelle a été ainsi considérablement renforcée et durcie parce que c’est elle qui fut censée représenter la différence des genres. Il semble que dès l’Antiquité les philosophes aient introduit une telle lecture des corps et du biologique même si la diversité des opinions ne laissait pas émerger une seule théorie normative comme ce sera le cas à partir du XVIIIe siècle18.

12 Ces remarques conduisent à nous méfier de notre propre tendance à lire les sources antiques en y projetant le schéma de la bicatégorisation des sexes/genres, celle d’une opposition qui serait fondamentale car biologiquement déterminée. Par rapport à notre dossier, ce regard critique conduit à douter de l’hypothèse d’une puissance féminine maternelle originelle et autonome, substrat « invariant »19, qui ferait, par définition, peur aux hommes, autre « invariant », mais d’ordre psychologique cette fois. Elle conduit à s’intéresser davantage aux fonctions mises en jeu dans ces questions plutôt qu’aux personnes. Elle invite à poser quelques questions simples : Les hommes grecs ont-ils pensé la maternité (qui constitue seulement un aspect du féminin) comme une puissance ? L’ont-ils pensée comme une puissance intolérable ? Et si l’on refuse l’argument de la récupération par les hommes du pouvoir des mères, comment comprendre la place si importante de la maternité de la terre dans la rhétorique politique ?

Produire la vie, un acte à la fois féminin et masculin

13 Il faut rappeler ce constat, qui émane en particulier de la Théogonie d’Hésiode, la pensée grecque n’a pas mis la terre, ou la mère, ni le père seul, à l’origine de la vie. Chez Hésiode, il existe bien une génération spontanée qui débute avec , « qui naquit aux tout premiers temps (πρῶτιστα) », avec Gaia, la Terre, et Eros. On sait que de Chaos (τὸ χάος) naquirent (ἐγένοντο) Érèbe et Nuit, de Terre naquit (ἐγείνατο) Ouranos le Ciel, puis Ouréa les Hauts Monts, Pontos l’espace marin, avant que Gaia, la Terre, n’enfante ensuite la génération des Cronides20. Dans ce processus générationnel, avant que la mixité ne s’impose dans la Théogonie avec Gaia et Ouranos, les puissances fécondantes sont sexuellement indifférenciées, ce qui signifie que les fonctions maternelle et paternelle, qui seront ensuite dissociées, peuvent alors être pensées au

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sein d’une même entité divine, qu’elle se présente au féminin, au masculin ou au neutre21. Ceci ne veut pas dire que père et mère soient mis sur le même plan, car la désignation du père dans la Théogonie, associée à une culture très patrilinéaire, comporte un enjeu social, la souveraineté, que ne revêt pas celle de la mère22.

14 Avoir souligné que la production de la vie est pensée avec les deux genres, que le primat du père relève d’une culture où la transmission des statuts et des biens passent par l’homme, n’a pas pour corollaire une négation du principe fécondant de la mère à laquelle est souvent associée la terre. Il existe toute une tradition poétique pour développer ce thème. Ainsi la terre fertile est qualifiée de mêtêr, de pammêtor ou exceptionnellement, pour Colone en Attique, de matripolis23. Mais dans ces occasions est également mis en avant le rôle du fleuve qui apparaît alors comme un principe masculin. Dans le bourg de Colone évoqué par Sophocle les vallons sont verdoyants, signe d'une terre, épaisse et riche, parce que fertilisée par le Céphise. Son « flot vagabond », « fidèlement chaque jour se hâte de venir, avec son onde pure (690 : ἀκηράτῳ σὺνὄμβρῳ), fertiliser (689 : ὠκυτόκος) les plaines de cette terre aux vastes flancs (691 : στερνούχου χθονός)», accomplissant ainsi une manière de devoir conjugal métaphorisé dans la tradition grecque par l’image de la femme-champ et du sexe- sillon24.

15 Nicole Loraux, en évoquant la naissance des êtres dits « primordiaux », ces ancêtres des hommes qui font la transition entre l’origine et le temps des hommes, rappelle qu’ils sont issus de deux éléments de la nature dont un fleuve : Phoroneus a ainsi pour parents le fleuve Inachos et la nymphe Melia, elle-même fille de l’Océan ou soeur des Meliai, les nymphes des frênes nées de Gaia fécondée par le sang d’Ouranos25. Selon ce schéma classique, de l’association du fleuve et de la terre naissent des plantes mais aussi parfois des hommes, voire des villes, ainsi Égine ou Thèbes chez Hérodote26.

16 La terre comme mère apparaît ainsi très rarement seule dans le processus de génération et la notation du Ménexène selon laquelle la terre athénienne a enfanté (eteken) les ancêtres des Athéniens, seule cette fois puisqu’elle a à la fois porté et engendré (kuein et gennaein), doit, de ce point de vue, être soigneusement isolée27. De façon plus générale un principe masculin et un principe féminin sont à l’origine de la vie.

17 Par ailleurs la frontière entre reproduction de la nature et reproduction humaine est particulièrement difficile à tracer. Nicole Loraux a pensé pouvoir isoler des verbes caractérisant chacun de ces domaines : phuein serait le verbe de la reproduction générale et tiktô / teknoô celui de la reproduction humaine. Cette distinction constitue son argument majeur pour dire que le Ménexène, en attribuant le tiktein à la terre (237e) usurpe la fonction reproductive des mères, les femmes28. C’est ainsi la terre, qui « imite les femmes », et non l’inverse comme veut le faire croire Platon dans le Ménexène !

18 Ce choix décisif de Nicole Loraux a en réalité occulté la diversité des emplois du Ménexène pour désigner l’acte par lequel la terre a donné la vie aux premiers Athéniens. La flexibilité lexicale est en effet beaucoup plus importante : phuein, tiktein, kuein, gennaein, trophên echein, sont des verbes employés pour renvoyer à cette action « originelle » de la terre de l’Attique dans le texte platonicien29.

19 Mais la question que soulève Nicole Loraux n’est pas seulement celle d’un partage entre puissance de la nature et reproduction humaine, il s’agit aussi de ranger la terre du côté des femmes et donc de procéder à une répartition des fonctions entre les hommes

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et les femmes. Les choses paraissent assez évidente si l’on se range à la déclaration d’Oreste, jugé pour avoir tué sa mère puis acquitté parce qu’il vengeait ainsi le meurtre de son père : « Si je suis un impie d’avoir tué ma mère, je porte un autre nom, celui d’homme pieux, car j’ai vengé mon père. Quel était mon devoir ? À deux raisons, opposes-en deux autres : mon père m’engendra (πατὴρ μὲν ἐφυτευσέν με), ta fille me mit au monde (ἔτικτε); elle fut le sillon (ἄρουρα) qui reçut la semence d’autrui : or sans père, jamais il n’y aurait d’enfant (ἄνευ δὲ πατρὸς τέκνον οὐκ εἴη). Je pense donc que l’auteur de mes jours (τῷ γένους ἀρχηγέτη) avait droit à mon aide plutôt que celle dont j’ai reçu la nourriture (τῆς ὑποστάσης τροφάς). » 20 Le héros d’Euripide développe ici l’argumentation bien connue de l’Apollon d’Eschyle dans les Euménides30. Celle-ci s’appuie sur une tradition ancienne – que Jean-Baptiste Bonnard a récemment éclairée – que l’on peut faire remonter à Anaxagore et qui va devenir très influente par l’autorité d’Aristote. Selon le Clazoménien, « la semence en effet est engendrée par le mâle, tandis que la femelle fournit le lieu (γίνεσθαί τε γὰρ ἐκ τοῦ ἄρρενος τὸ σπέρμα, τὸ δὲ θῆλυ παρέχειν τὸν τόπον) » 31. Désormais il faut donc penser, assure Aristote, que c’est « la femelle (τὸ θῆλυ) qui fournit la matière (ὕλην), et le mâle (τὸ ἄρρεν), le principe du mouvement (τὴν δ’ ἀρχὴν τῆς κινήσεως) » 32, et que « toujours la femelle fournit la matière (ἀεὶ δὲ παρέχει τὸ μὲν θῆλυ τὴν ὕλην), et le mâle le principe créateur (τὸ δ’ ἄρρεν τὸ δημιουργοῦν) » 33. Les partages en termes de semence, de plantation (phuteuein, phuein) et de délivrance, accouchement (tiktein) semblent alors acquis. Surtout, la hiérarchie des genres à laquelle ces partages conduisent, point sur lequel Jean-Baptiste Bonnard insiste à juste titre, s’inscrit désormais dans les corps et en particulier dans le processus de reproduction.

21 Pourtant, et sans même tenir compte du dossier si difficile à interpréter des Présocratiques et des Hippocratiques, la tradition littéraire antérieure à Aristote effectue des partages beaucoup moins simples : dans l’Iliade, le père enfante (tiktô) aussi, comme Ouranos dans la Théogonie34. À l’inverse, dans l’Ion d’Euripide si Xouthos « engendre » son fils avec le verbe phuô35, ce qui semble conforme, sinon à la vérité du personnage, du moins à la norme des genres, Ion emploie le même verbe pour évoquer sa mère (τίνος δέ σοι πέφυκα μητρός;)36. Les traducteurs en revanche préfèrent, à défaut semble-t-il de pouvoir penser l’engendrement maternel, la périphrase « qui est ma mère ? »37 !

22 Ces constatations, qui ne valent qu’à titre d’exemples, nous engagent à nous méfier d’une projection sur les textes classiques d’une conception somme toute très aristotélicienne, et sans doute satisfaisante pour un esprit rationnel, d’une représentation très hiérarchisée de la procréation qui assigne à la femme le seul rôle de la fameuse « cause matérielle »38. Si l’opposition engendrement / enfantement n’est pas une césure fondamentalement significative d’un partage masculin/féminin dans la tradition littéraire archaïque ou classique, une autre fonction a pu apparaître davantage pertinente pour spécifier les genres des tâches reproductives, c’est celle de la trophê.

23 Cette fonction est particulièrement soulignée par Stella Georgoudi à propos du Ménexène : « En résumant, je dirais que, dans le Ménexène, la terre ne se présente pas tellement comme la mère originelle, comme une ‘toute-puissante reproductrice’ ou comme un champ auquel la femme doit s’identifier, ‘dans sa fonction procréatrice’, un champ qui a besoin d’un arotêr, d’un ‘laboureur’. Dans ce texte, la terre apparaît surtout comme le modèle nourricier que la femme a imité et continue d’imiter, dans la

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grossesse et l’enfantement. Tout se joue donc autour de la production de la trophê, ce qui expliquerait sans doute l’absence, dans ce passage de ‘tout principe masculin’ »39. Ce déplacement de la question de la procréation à celle de la fonction nourricière me paraît effectivement fondamental car bien souvent repéré dans les sources (l’Oreste d’Euripide cité plus haut oppose le père archégète et la mère nourricière). Si je ne souscris pas à la conclusion de Stella Georgoudi sur le partage des genres qu’opère la trophê40, je retiendrais en revanche l’importance de cette notion pour dire la fabrication de la vie, surtout parce qu’elle est d’un intérêt majeur dans le contexte de la rhétorique patriotique qui place au centre de sa logique celle de la réciprocité des bienfaits41. Or justement les pièces du dossier, rassemblées par Nicole Loraux pour étayer l’hypothèse de la dépossession de la maternité des femmes au profit de la terre, renvoient à ce contexte particulier dont on ne prend souvent pas suffisamment en compte la nature spécifique.

Terre maternelle et rhétorique patriotique

24 En effet, le corpus, mis à part les notations littéraires et poétiques évoquées plus haut, est essentiellement constitué autour des récits sur l’autochtonie athénienne, notamment on l’a compris le Ménexène parodique, et dans une moindre mesure thébaine.

25 Le motif de la terre mère est alors une figure qui intervient relativement tardivement. Il est absent de l’Iliade et des vers de Tyrtée dans lesquels on meurt certes pour la terre (gê) mais une terre qui n’est jamais désignée comme mère. Il en est de même chez Théognis où l’on rencontre une patris, une patrê voire une patrôa gê, sans qu’il soit question de terre mère. Chez Pindare, la patra, patrê, ou patris, n’est pas non plus liée à la terre mère et renvoie bien plus explicitement à la notion d’héritage des pères42. Dans le péan de Salamine, il s’agit des enfants des Grecs, des sanctuaires des dieux (θεῶν τε πατρῴων ἕδη) et des tombeaux des aïeux (θήκας τε προγόνων), mais il n’y a toujours pas de référence à la maternité de la terre43. La terre y est terre des pères (patris), terre de la liberté (eleutheria), jamais terre mère. Chez Thucydide, la cité de l’oraison funèbre est cité nourricière certes mais, comme Nicole Loraux l’a bien montré, sans référence à l’idée d’autochtonie ou alors faut-il comprendre celle-ci au sens restreint de l’indigénat des Athéniens (ils habitent là depuis « toujours »44). La valeur des citoyens, exaltée par Périclès, repose sur leurs seuls exploits, leurs actes, ceux-là seuls qui produisent la puissance (dunamis) de la cité45.

26 En revanche, dans les Sept contre Thèbes, représentés en 467, il s'agit, dit le prince thébain Etéocle à ses concitoyens, de « porter secours (ἀρήγειν) » à la « cité (πόλει) », aux « autels des dieux du pays (θεῶν ἐγχωρίων βωμοῖσι) », aux « fils (τέκνοις) » et à la « terre maternelle (γῇ μητρί) » 46. Eschyle inscrit son héros Étéocle dans la logique de la guerre pour la patrie, telle qu’elle a été définie par l’Hector de l’Iliade et par Tyrtée, avec des verbes signalant la défense du territoire, amunô, arêgô, boêtheô47mais en y associant, pour la première fois semble-t-il, le thème de la terre mère.

27 Le motif est ensuite repris dans les Phéniciennes d’Euripide, dans les fragments de l’ Érechthée, chez les orateurs, Lysias, Isocrate, Démosthène et Lycurgue, comme chez Platon qui est le seul à parler de mêtris, terme qu’il donne comme un équivalent crétois de la patris des Grecs48. Tous ces textes ont en commun de développer le thème de la logique patriotique, celle de l’attachement des citoyens à leur communauté. C’est donc

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en analysant sa fonction dans cette logique que l’on peut, me semble-t-il, comprendre ce motif.

28 C’est à dessein, pour rendre à ce corpus large sa cohérence, que j’ai employé l’expression de rhétorique patriotique. En ce qui concerne la notion de rhétorique, je me réfère au sens que lui donnaient Gorgias et Platon pour qualifier un discours qui vise à persuader l’auditeur, l’émouvoir, l’entraîner vers l’action49. Je qualifie ce discours de patriotique dans la mesure où l’ensemble du corpus met en avant le renforcement ou l’exaltation du lien à la cité, cette terre civique que les Grecs nomment patris. Ces propos visent à susciter un comportement de dévouement, y compris jusqu’à la mort pour la cité et ne correspondent à aucun genre littéraire. À vrai dire ils traversent presque tous les genres canoniquement répertoriés50, souvent sous la seule forme d’allusions, de syntagmes, d’apartés, dans le reste d’un discours qui n’est pas aussi performatif51.

29 Or, lorsqu’il s’agit de toucher l’auditeur52, ce qui importe ce n’est pas la capacité de produire des êtres, la puissance en cause dans un rapport de force, qu’il s’institue entre la terre et les femmes ou entre les terre et ses rejetons humains, mais le lien créé par cette naissance autochtone.

30 En analysant les Sept contre Thèbes, H.D. Cameron a insisté sur le rôle de la gêrotrophia, repris à propos de chacun des Spartes, et bien sûr parmi eux le Ménécée plus longuement décrit des Phéniciennes, mais son argumentation est passée assez inaperçue53. Pourtant elle me semble absolument caractéristique du lien patriotique qui se développe ensuite de façon très politique et normative chez les orateurs athéniens du IVe siècle. Avant les Sept on pourrait dire que ce lien reposait davantage sur l’identification à la terre habitée ou sur un statut qui passait par la possession d’une certaine terre. Après les Sept le rapport introduit par l’idée de la naissance de la terre même que l’on habite devient central. Il engage une réciprocité contraignante car hiérarchisée et fait du territoire l’enjeu central du combat54.

31 Il est vrai que dans le mythe thébain la violence de la fondation introduit un élément qui est de l’ordre de la compensation. À l’affront fait à la terre, par le meurtre du dragon, les Spartes bénéficiaires de cette mort, et dans une certaine mesure la cité entière de Thèbes, doivent payer. La contrainte évoquée par le Ménécée des Phéniciennes est donc d’une qualité particulière55 : il est un « enfant sorti de la mâchoire du dragon »56 et comme tel destiné à être sacrifié, car comme le formule Tirésias, le sol doit recevoir un fruit en échange du fruit détruit57. Mais, parmi les autres Spartes, des Gegeneis, Ménécée est choisi car il est un êitheos, mot rare équivalent masculin des jeunes filles parthenoi qui sont marqués par leur fidélité à leur père. Lui l’est à son genos tant qu’il n’a pas encore contracté alliance, ce qui n’est plus le cas de son frère Hémon, avec un autre lignage58. Dans cette logique, la notion de contrainte (anagkê) s’enrichit d’une autre idée, celle de « pureté »59. J’ai montré ailleurs combien l’obéissance structurelle des parthenoi en faisait d’excellentes victimes mythiques (paradigmatiques), modèles pour tous les citoyens, les seuls vrais guerriers à qui la cité demande d’être prêts à mourir sur le champ de bataille60.

32 Ainsi les héros proches des hommes violents de l’âge du Bronze hésiodique, hommes d’Arès comme les Spartes thébains qui de ce fait ont un compte particulier à régler avec la terre dont ils sont issus, ou les citoyens héritiers de l’autochtonie d’Érechthée à Athènes, sont également liés à la terre d’où ils sont sortis et à laquelle ils doivent la vie.

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Dans ces mythes la terre est métaphore de la mère individuelle. Le père est souvent représenté par un dieu, Arès pour les Thébains, Héphaïstos (voire Zeus derrière Athéna) pour les Athéniens. Pour tous les citoyens adultes, non parthenoi ni Spartes, pour tous ceux qui sont confrontés à la réalité du champ de bataille et à l’exigence de s’y présenter en risquant à chaque fois leur vie, il s’agit de reconstruire cette nécessité comme le rappelle le mythe platonicien de la République61.

33 Que le terme anagkaios désigne à la fois la contrainte de la nécessité62 et le parent par le sang me semble être un indice pour comprendre le poids des figures de la mère et du père, et ici il s’agit bien des deux figures car toutes deux nécessaires pour l’acte biologique de la naissance, ainsi que nous l’avons dit plus haut, dans la construction du lien réciproque contraignant. Autrement dit, dans la logique de réciprocité des bienfaits, les parents, père et mère sont les créditeurs pour toujours63. Ce sont eux qui ont été là avant nous, eux qui sont les palaioi et les archaiotatoi, dépositaires de l’autorité de l’origine (archê), eux qui nous ont toujours nourris avant de réclamer d’être nourris à leur tour64. Lorsque la cité reprend à son compte cette logique du don en retour,d’abord construite autour de la relation parents-enfants, elle se dit patris, terre des pères, plus rarement mêtris. Mais même dans la patris (contraction de ἡ γῆ et de ὁ πατήρ) la terre est présente, c’est la gê des pères. La possibilité de jouer sur un attachement (les pères) ou sur un autre (la mère) permet de privilégier une représentation de la cité plutôt qu’une autre. Incontestablement c’est la représentation territoriale qui est associée à la mère.

34 Or, si la terre récupère si aisément le genre de la mère, il faut convenir que cela s’accorde avec une représentation plus large de ce genre-là comme genre de l’espace. Les différents usages du terme de μητρόπολις montrent que la « maternité » de la cité renvoie d’abord à une notion d’antériorité, comme la « paternité », assez souvent couplée avec une notion hiérarchique, de supériorité, mais signale surtout la localisation d’un espace65. Lorsque la métropole est évoquée elle n’est jamais dissociée de ceux qui l’ont construite, les pères ou les ancêtres, et c’est la maternité (mêtropolis) qui traduit l’idée spatiale tandis que la paternité (hoi pateres, hoi progonoi) renvoie aux actes, à l’histoire de cette métropole. Le couple pertinent est ainsi constitué de deux fonctions, la maternité associé au singulier du territoire, et la paternité associée à la pluralité des pères et de leurs actions qui construisent l’identité civique66. Ce clivage-là me semble un trait culturel relativement stable de la pensée grecque archaïque et classique.

Conclusion : retour sur le Ménexène

35 La notion de genre nous a conduite à revenir sur la perspective de la lutte des sexes qui a, ces dernières années, constitué la toile de fond qui semblait éclairer les mythes d’autochtonie. Dans la mesure où non seulement les fonctions sexuées, mais la césure entre le masculin et le féminin, sont comprises comme des constructions culturelles, le premier réflexe est désormais de réfléchir à nos postulats d’analyse. En s’affranchissant autant que faire se peut de nos propres normes de genre, on s’autorise à mieux discerner celles qui se sont mises en place dans les sociétés que nous étudions. Or, dans le cas présent, la norme de genre antique construit une opposition qui me paraît moins de l’ordre de la puissance, celle présumée des femmes, et de l’impuissance, celle présumée des hommes, que de l’espace et des actes, du singulier et du pluriel.

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36 Pour répondre à la question précise de l’autonomie et de la solitude de la terre du Ménexène dans ses enfantements, je proposerais de considérer, non pas un choix personnel de Platon qui serait plus enclin à favoriser la mère, mais la logique du dialogue. Nicole Loraux a insisté à juste titre sur le fait que le Ménexène était un pastiche d’oraisons funèbres athéniennes et surtout de celle de Périclès. Ce n’est pas un hasard que ce soit Aspasie qui la prononce, si l’on pense à la rouerie du Socrate platonicien67. Or que dit l’oraison funèbre de Périclès ? Que la cité est constituée des pères seuls, les ancêtres, les progonoi, leurs œuvres, les erga. Jamais dans ce discours n’interviennent ni la terre ni la mère. Je me demande donc si, dans le Ménexène, la survalorisation de la mère, y compris dans son autonomie, ne doit pas se comprendre comme un autre effet de dérision par rapport au tout paternel de l’oraison funèbre rapportée par Thucydide. En ce sens l’Aspasie de Socrate serait à l’opposé du Périclès de Thucydide comme les fruits du serment des éphèbes le sont aux murs et arsenaux qu’évoque Lycurgue68. Ces positionnements, pour la terre contre les pères, pour les arsenaux ou pour les fruits du territoire, renvoient sans doute aux débats continus des Athéniens sur l’interprétation de ce qu’est leur cité et des choix politiques qu’ils entendent faire. Au cœur de ces questions il y a bien sûr celle de la liberté : doit-on la penser ancrée dans le territoire ou au contraire l’associer à la puissance de la mobilité69 ? Dans la construction de l’attachement à la cité il est possible de privilégier soit l’une de ces représentation soit l’autre, ou au contraire de faire jouer les deux ensemble.

37 Le motif de la terre mère paraît, avec cette lecture par le genre et l’inclusion dans la logique de la rhétorique patriotique, moins liée à une donnée biologique, naturelle, même fantasmée, qu’à un contexte culturel, celui qui associe le féminin de la maternité à l’espace et le masculin de la paternité aux actes et à leur transmission. À mon sens l’usage de ce motif est également lié à une opération bien politique, au sens large, celui de la constitution, chez les Grecs, du lien à la communauté. Il en est une des modalités. Dans l’Iliade ce lien repose sur une image de soi, un statut social associé à un pouvoir enraciné en terre certes, mais sans qu’il soit nécessaire de penser celle-ci comme une mère; dans le traité hippocratique Airs, Eaux, Lieux, la logique de l’attachement est celle d’une identification géomorphologique partagée par tous ceux qui vivent ensemble. Le motif de la terre mère est bien différent, il est le signe d’un choix politique, au sens restreint cette fois, toujours discutable et discuté qui, en l’occurrence, valorise l’enracinement dans le territoire habité. En ce sens il est historiquement daté, dans l’Athènes des Ve et IVe siècles. Ce motif ne justifie ni n’explique la domination des hommes sur les femmes dans la société athénienne, voire dans la société grecque antique dans son ensemble : il ne fait qu’illustrer une politique des genres où le féminin est associé au singulier du lieu et le masculin au pluriel des actes, relation absolument asymétrique et fort peu sympathique il est vrai, mais qui n’a absolument rien à voir avec une répartition « naturelle » des fonctions procréatives.

NOTES

1. Aristote, Poétique 1447a et 1450a.

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2. N. LORAUX, « Qu’est-ce qu’une déesse ? », in P. SCHMITT PANTEL, Histoire des femmes en Occident, I. L’Antiquité, Paris, 1990, p. 39-79 et particulièrement p. 59-70; S. GEORGOUDI, « Bachofen, la matriarcat et le monde antique. Réflexion sur la création d’un mythe », ibid., p.585-602; ead. « Autour d’une anthropologie des sexes », Mètis 9-10 (1994-1995), atelier coordonné par S. Georgoudi, p. 285-334; ead., « Gaia/Gê. Entre mythe, culte et idéologie » in S. DES BOUVRIE (dir.), Myth and Symbol I, Bergen, 2002, p. 113-134. Voir également B. WAGNER-HASEL (éd.), Matriarchatstheorien der Altertumswissenschaft, Darmstadt, 1992 (Wege der Forschung, 651). 3. Aux indications de la note précédente, ajouter P. BORGEAUD, La Mère des Dieux, Paris, 1996, qu’il faut opposer à la thèse délirante de F. GANGE, Les Dieux menteurs. Notre mémoire ensevelie : l’humanité aux temps de la Déesse, Paris, 1998. 4. Des critiques cependant : J. BLOK, « Recht und Ritus der Polis. Zu Bürgerstatus und Geschlechterverhältnissen im klassischen Athen », Historische Zeitschrift, Heft 278/1 (2004), p. 1-16, qui réfléchit sur une définition moins institutionnelle et plus cultuelle de la citoyenneté, définition qui fait une large part aux femmes et relativise le clivage des sexes. 5. Aristophane, Lysistrata, 764; Euripide, Hippolyte, 616-624. 6. F. HÉRITIER, Masculin/Féminin, La pensée de la différence, Paris, Odile Jacob 1996 et Masculin- Féminin 2, Dissoudre la hiérarchie, Paris, Odile Jacob 2002, cité désormais Masculin-Féminin 2. 7. Masculin-Féminin 2 (supra, n. 6), p. 20 : « L’importance et la quasi-universalité de ces représentations qui dessaisissent les femmes de leur capacité brute de fécondité montraient assez que le moteur de la hiérarchie était là : dans l’appropriation de la fécondité et sa répartition entre les hommes. » 8. Masculin-Féminin 2 (supra, n. 6), p. 23. 9. Masculin-Féminin 2 (supra, n. 6), p. 21. 10. Dans la bibliographie considérable que Nicole Loraux a consacrée à cette question, citons « ‘Naître’. Origines des hommes. Naître enfin mortels », in Y. BONNEFOY (éd), Dictionnaire des mythologies II, Paris 1981, p. 197-202; ead., Les Enfants d’Athéna. Idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes, Paris, 1981, notamment p. 44 et 66; ead., « Les bénéfices de l’autochtonie », Le Genre humain 3 / 4 (1982), p. 238-253; ead.,« Débouter le féminin ou la ruse d’un mythe », Psychanalystes 13 (1984), p. 3-16; ead., « Variation grecque sur l’origine. Gloire du Même, prestige de l’Autre » Cahiers de l’école des sciences philosophiques et religieuses 2 (1987), p. 69-94; ead., « La terre, la femme. Figures anciennes, constructions modernes », Peuples méditerranéens 56-57 (1991), p. 7-17; ead., « Pourquoi les mères grecques imitent, à ce qu’on dit, la terre », Nouvelle revue de psychanalyse 45 (1992), p. 161-172. N. LORAUX, Né de la terre. Mythe et politique à Athènes, Paris, 1996, reprend ces différents articles que je citerai désormais dans cette édition. 11. Ménexène, 238e-239a, cité ainsi dans Né de la terre, o.c. (n. 10), p. 41. 12. Ménexène, 237b, cité dans Né de la terre, o.c. (n. 10), p. 39. 13. Né de la terre, o.c. (n. 10), p. 43. 14. Démosthène, Epitaphios 4 : « Ce n’est pas seulement à un père que l’on peut, pour eux et pour chacun de leurs lointains ancêtres, faire remonter individuellement leur naissance (τὴν φύσιν), mais collectivement à l’ensemble de leur patrie originaire (τὴν ὑπάρχουσαν πατρίδα), dont on reconnaît qu’ils sont les fils autochtones (αὐτόχθονες). » 15. Né de la terre, o.c. (n. 10), p. 44. 16. Néanmoins ce processus ne s’effectue pas sans révéler en même temps cette place essentielle que les hommes réservent aux femmes : « Dans un cas comme dans l’autre et que ce soit pour en doter une terre primordiale ou une terre déjà passive et fécondée par un semeur, ce qu’il convient d’ôter aux mères pour les évincer de l’origine, c’est la grossesse et la reproduction, dont pourtant les hommes grecs leur font à la fois une nature et le plus civique des devoirs » (Né de la terre, o.c. [n. 10], p. 138). 17. Né de la terre, o.c. (n. 10), p. 79.

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18. T. LAQUEUR, La fabrique du sexe, Essai sur le corps et le genre en Occident, Paris, 1992 [or. angl. 1990];A. JAULIN, « La fabrique du sexe, Thomas Laqueur et Aristote », Clio, Histoire, Femmes et Sociétés 14 (2001), p. 195-205, avec la réponse de T. LAQUEUR in Clio 15 (2002), p. 209-211;H. KING, Hippocrate’s woman. Reading the female body in Ancient Greece, Londres / New York, 1998;C. KRAUS, « La bicatégorisation par sexe à l’‘épreuve de la science’ », in D. GARDEY, I. LÖWY (dir.), L’Invention du naturel. Les sciences et la fabrication du masculin et du féminin, Paris, 2000, p. 187-213; en dernier lieu,J.-B. BONNARD, Le Complexe de Zeus, Représentations de la paternité en Grèce ancienne, Paris, 2004, désormais cité J.-B. BONNARD, Le complexe de Zeus. 19. Le terme est choisi à dessein et renvoie aux débats autour du premier Masculin-Féminin de Françoise Héritier qui évoquait la « valeur différentielle des sexes » comme un invariant. Michèle Riot-Sarcey me rappelait que sur ce point la position de l’anthropologue avait sensiblement évolué puisque dans le second volume elle lui substitue le terme de « matrice ». Sur ces débats voir en particulier « Autour du livre de Françoise Héritier Masculin-Féminin : Dissoudre la Hiérarchie », dans la rubrique « Controverse » in Travail, Genre et Société 10 (2003), p. 173-217, avec les contributions d’Agnès Fine, Pascale Molinier, Sabine Prokhoris, Alice Pechriggl, Marie-Blanche Tahon, et la réponse de Françoise Héritier. 20. Hésiode, Théogonie, 45, 123, 126 sq. 21. T. COLE, Democritus and the sources of Greek anthropology, Cleveland, 1967, p. 22 sq. et 174-192; L. BRISSON, Le sexe incertain. Androgynie et hermaphrodisme dans l’Antiquité gréco-romaine, Paris, 1997, p. 130. 22. Il est intéressant de noter que le terme de mêtêr n’est pas utilisé dans le chant des Muses de la Théogonie (26-74), au contraire de pater, pour Zeus (Théogonie, 37, 40, 47, 53, 71) et une seule fois pour Cronos désigné comme père de Zeus (Théogonie, 73). Dans l’Iliade le couple originaire est formé d’Océan et de Téthys (XIV, 201). 23. Pindare, Néméennes VI, 1 sq.; Eschyle, Sept contre Thèbes, 584; Eschyle, Prométhée, 90; Sophocle, Œdipe à Colone, 707-708 (voir aussi Sophocle, Philoctète, 391 sq.). Sur cette association de la terre et de la mère, P. CHANTRAINE, « Les noms du mari et de la femme, du père et de la mère en grec », REG 59-60 (1946-1947), p. 219-250, p. 239. 24. J.-B. BONNARD, Le complexe de Zeus, o.c. (n. 18), p. 105-115. 25. N. LORAUX, Né de la terre, o.c. (n. 10), p. 12-13. 26. Hérodote, V, 80; Euripide, Phéniciennes, 666-669. 27. Platon, Ménexène, 237e. On notera au passage que ce crédit de puissance est en même temps, dans l’argumentation du Ménexène, reconnu aux femmes. L’hymne homérique à laTerre est parfois invoqué pour étayer l’ancienneté et la notoriété de la représentation de la terre comme mère. La Terre y est certes celle qui fournit la vie (bios) mais elle est également épouse (alochos) d’Ouranos dont elle partage donc la couche. Par ailleurs sa prééminence, dans ce texte, peut être mise en relation avec le genre même de l’hymne, une « invocation » à l’adresse d’une divinité particulière, comme me le rappelait Stella Georgoudi. 28. La formule du Ménexène (237e: pantotekon) qui « généralise et désexualise l’enfantement » (Né de la terre, p. 130-131) reprend une expression de l’Ion d’Euripide (542 : oupèdon tiktei tékna). 29. Ménexène, 237a, 237c, 237d, 237e, 238a, 239a. 30. Euripide, Oreste, 546-556; Eschyle, Euménides, 657-673. 31. Anaxagore, fr A 107 = Aristote, Génération des Animaux (désormais G.A.) IV, I, 763b 30. 32. Aristote, G.A. II, 4, 740b 24-25. 33. Aristote, G.A. II, 4, 738b 20-24. 34. Iliade II, 628; VI, 206, etc. Hésiode, Théogonie, 43-45; 208. Même Aristote n’est pas toujours si tranché dans les partages des fonctions reproductives en fonction des genres : G.A. I, 18, 724b 14-15, cité par J.-B. BONNARD, Le Complexe de Zeus, o.c. (n. 18), p. 175. 35. Ion, 536-537.

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36. Ion, 540. 37. Traduction de Léon Parmentier et Henri Grégoire, édition des Belles Lettres. 38. Aristote, G.A. II, 1, 732 a 6-9 : J.-B. BONNARD, Le Complexe de Zeus, o.c. (n. 18), p. 186. 39. S. GEORGOUDI, « Gaia/Gê. Entre mythe, culte et idéologie », l.c. (n. 2), p. 132-133. 40. Dans la mesure où la trophê est très souvent paternelle et pas seulement dans le domaine de l’éducation, de la « nourriture sociale ». Dans les partages terre/fleuve le fleuve nourrit, tout autant que la terre (Sophocle Oedipe à Colone, 673, 687-693; L. ROBERT, « Documents d'Asie Mineure », BCH 101 [1977], p. 130). Sur la trophê masculine voir le dossier de B. STRAUSS, Fathers and sons in Athens, Londres, 1993. Dans la Cité au banquet (Paris / Rome, 1992, p. 212-213, et à propos d’Ion, p. 472-490 et p. 530 sq.) Pauline Schmitt Pantel a largement démontré combien la trophê circulait entre le dieu, la pythie, et la mère Créuse (qui a été en défaut de trophê) et se montrait ainsi indifférente aux genres. On ne saurait alors assimiler l’aspect nourricier de la terre du Ménexène a une fonction spécifiquement féminine. 41. Sur cette notion de réciprocité, C. GILL, N. POSTLETHWAITE, R. SEAFORD, Reciprocity in Ancient Greece, Oxford, 1998, p. 279-301, et V. AZOULAY, Xénophon et les grâces du pouvoir, Paris, 2004. 42. En revanche la mère qualifie directement la polis, sans passer par la terre : Égine est phila matêr dans Pindare, Pythique VIII, 140. 43. Eschyle, Perses, 404-405. 44. N. LORAUX, L’Invention d’Athènes, Paris, 19932 [1981], p. 159. 45. Thucydide, II, 2. 46. Eschyle, Sept, 14-16. 47. Iliade XII, 243; XV, 494-499; XVII, 157; XXIV, 500; Tyrtée, fr. 10, 2 et 13-14 (éd. West). 48. Platon, République, 575d. 49. Platon, Gorgias, 453a; Gorgias, Éloge d’Hélène, 14, [éd. M. TASINATO, 1990] et L. PERNOT, La Rhétorique dans l’Antiquité, Paris, 2000, p. 33. Cette rhétorique est radicalement différente de celle que décrit Aristote en ce que celui-ci ajoute le logos (construit à l’aide de preuves) au pathos éprouvé par l’auditeur et à l’ethos de l’orateur ( Rhétorique, 1356a 14). Sur cette forme de rhétorique et ses liens avec la pratique historienne, voir C. GINZBURG, Rapports de force. Histoire, rhétorique, preuve, Paris, 2003 [or. ital. 2000]. 50. Aristote, Rhétorique I, 1355b 25. 51. Voir en particulier Thucydide, VII, 69, qui rapporte un discours patriotique (une harangue de chef) qui n’est pas sans rappeler le péan de Salamine rapporté par Eschyle, Perses 403-405. 52. Platon, Ménexène, 235a-d. Voir aussi Lycurgue, Contre Léocrate, 107, qui cite les élégies de Tyrtée composées pour inspirer aux Spartiates la résolution de mourir pour la patrie. 53. H.D. CAMERON, « The Dept to Earth in the Seven Against Thebes », TAPhA 95 (1964), p. 1-8; id., Studies on the Seven against Thebes of Aeschylus, La Haye, 1971. 54. Le mythos de la République de Platon (414d-e) le souligne assez : il s’agit de créer un rapport de dépendance des citoyens à leur territoire dans la logique de l’attachement et plus précisément de la dette. L’argument est repris dans Isocrate, Panathénaïque, 124-125; Démosthène, Epitaphios, 2-5. 55. Phéniciennes, 1000 : Ménécée évoque la contrainte (anagkê) dont les autres citoyens, n’étant pas des Semés (Spartoi) sont affranchis. Pour la sienne : Phéniciennes, 994-995. 56. Phéniciennes, 941. 57. Phéniciennes, 937 : χθὼν δ’ ἀντὶ καρποῦ καρπόν. 58. Phéniciennes, 945. 59. Phéniciennes, 943 : ἀκέραιος. 60. V. SEBILLOTTE CUCHET, « La sexualité et le genre : une histoire problématique pour les hellénistes », Mètis n.s. 2 (2004), p. 137-161. 61. Platon, République, 414d-e.

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62. On retrouve cette anagkaia dans les propos prêtés à Nicias par Thucydide (VII, 69). 63. Isocrate, Panathénaïque, 124-125; Lysias, Contre Andocide 49 : ποῖα τροφεῖα ἀνταποδούς. Voir aussi Platon, Lois V, 739e-740aetLycurgue, Contre Léocrate, 47, 53. 64. Platon, République, 574b-c; Lycurgue, Contre Léocrate, 94. 65. En particulier Platon, Critias, 115c : τὴν ἀρχαίαν μητρόπολιν. 66. Hérodote, II, 29, 30; VIII, 31; Thucydide, I, 107; III, 92; Xénophon, Anabase V, 2, 3; 4, 15; 4, 25; Timée, 48e; 50d; 52b; A. PECHRIGGL, Corps transfigurés. Stratifications de l’imaginaire des sexes/genres, Paris, 2000. 67. N. LORAUX, L’Invention d’Athènes, Paris, 1981, p. 322, 330 et note 26 p. 475. 68. G. DAUX, « Le serment des éphèbes athéniens », REG 84 (1971), p. 370-383, p. 382-383 avait souligné cette opposition à propos de Lycurgue, Contre Léocrate, 150 : la description de la terre riche est bien le choix politique qui, ici, doit permettre de penser leur lien à la terre comme un lien de gratitude envers celle qui nourrit (trephein) les siens. Mais, appuyée sur l’archê construite tout au long du Ve siècle, c’est la puissance athénienne qui, désormais, est source de bienfaits et réclame un don en retour. 69. Sur cette thématique je me permets de renvoyer à mon livre, Libérez la patrie. L’attachement politique en Grèce ancienne, déposé chez Belin, Paris.

RÉSUMÉS

Cet article discute le thème de l’autochtonie – essentiellement athénienne – en l’intégrant dans la logique du discours patriotique qui est la sienne. La prise en compte des exigences de ce type de discours tout à fait particulier, de même que la prise en compte du renouvellement du regard sur les identités sexuées qu’ont permis les études « genre », permettent aujourd’hui de proposer une interprétation différente de celle de Nicole Loraux. Celle-ci comprenait, dans sa lecture du Ménexène de Platon, le mythe de l’autochtonie comme un « transfert » des compétences reproductives féminines sur un espace tenu par les hommes seuls, façon pour eux de déposséder les femmes de leur « puissance » et de penser la reproduction sans elles. Après avoir montré que les Grecs pensaient généralement la procréation comme une opération mixte et souvent équitablement partagée, surtout dans la tradition littéraire qui précède Aristote, je développe l’hypothèse selon laquelle l’usage du motif de la terre mère est une façon de construire un attachement contraignant (car pensé comme un lien biologique individuel) au territoire civique. Il ne procéderait donc pas d’une lutte des sexes et d’une peur des hommes envers la puissance des femmes, mais serait l’instrument politique qui, à l’intérieur d’une société patrilinéaire où règne la « domination masculine », permet de susciter une relation particulièrement étroite avec le territoire habité.

The earth mother: a reading through gender and patriotic rhetoric. This article tackles the issue of autochtony – mainly Athenian autochtony – fitting it more than has been traditionally the case into the logic of patriotic discourse from which it emerges. Taking into account the demands of this type of very particular discourse, together with the new perspectives on sexed identities made possible by gender studies, allows us today to offer an interpretation that is different from Nicole Loraux’s examining Plato, Menexenus. She understood the myth of autochtony as a “transference” of female reproductive competences to the civic land, an exclusive possession of men and a way for them to dispossess women of their power and to consider reproduction

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without women. After demonstrating that for the Greeks, mainly in the pre-Aristotelician tradition, males and females were usually equally concerned with the operation of procreation, I will suggest that the use of the mother earth theme is a way of constructing a constraining bond (considered both as a biological and an individual one) between citizens and their civic territory. This bond does not arise from the sex struggle or even from male fear of female power but, in the context of a patrilineal society dominated by males, it is the political instrument for the alienation of citizens from the land they inhabit.

AUTEUR

VIOLAINE SEBILLOTTE CUCHET Phéacie – Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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Apollon, Athènes et la Pythaïde Mise en scène « mythique » de la cité au IIe siècle av. J.-C.*

Karine Karila-Cohen

1 Les travaux récents sur le « mythe » ont montré qu’une telle catégorie était un concept d’anthropologue et non une notion indigène1. Devant ces remises en cause, comment aborder les récits « mythiques » quand on les rencontre dans sa propre pratique d’historien sans avoir l’ambition de faire œuvre théorique sur le sujet ? C’est à un problème de ce type que s’attachera la présente étude.

2 Au cours de recherches menées sur la Pythaïde2, cérémonie athénienne honorant à Delphes Apollon, j’ai été confrontée à une série de récits mettant en scène Apollon et quelques-uns des héros du passé le plus reculé de la cité, ceux des origines autochtones d’Athènes. Mon travail ne portant pas sur la définition indigène du « mythe », j’ai utilisé ces récits comme « les mythes de la Pythaïde » afin d’y puiser des informations sur la fête. La mise en cause du « mythe » comme catégorie n’enlève pas pour autant sa pertinence à une recherche sur la représentation que les Athéniens des IIe et Ier siècles avant notre ère construisaient avec de tels récits « mythiques »3. En suivant en cela les conseils de Claude Calame, je me propose de replacer l’étude de ces récits dans leur contexte de production et d’énonciation, en espérant tirer, en retour de cette mise en situation, des indications sur la définition indigène de ce que nous appelons le « mythe »4.

3 Je voudrais donc présenter l’utilisation que fit la cité athénienne de quelques-uns de ses récits traditionnels lors des Pythaïdes, théories grandioses qu’elle envoya à Delphes au IIe et au Ier siècle avant notre ère 5. La Pythaïde était à plusieurs titres une fête représentative de l’histoire de la cité à la basse époque hellénistique. Il ne s’agissait pas de l’une des grandes fêtes régulières du calendrier athénien, mais d’une théorie envoyée à intervalles irréguliers honorer Apollon dans son sanctuaire pythique. La Pythaïde était une fête ancienne, bien que l’on ne puisse dater avec précision ses débuts. Elle apparaît pour la première fois dans les sources au IVe siècle av. J.-C. La fête fut interrompue au IIIe av. J.-C. à cause des difficultés de la cité et reprit dans l’Athènes florissante du IIe av. J.-C.. Un grand nombre d’Athéniens se rendaient à Delphes où ils honoraient le dieu6. Le revirement de l’alliance athénienne lors de la guerre

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mithridatique qui entraîna le sac de la cité par Sylla et les difficultés du Ier siècle avant notre ère rendirent impossible la poursuite de ces théories grandioses.

4 La Pythaïde reste par conséquent très attachée à la période du renouveau athénien. À étudier d’un peu près la fête, on se rend compte que la cité livre beaucoup d’elle-même dans la conception et l’organisation des théories. L’essentiel de la documentation consiste dans les longues listes de participants gravées sur le Trésor des Athéniens pour les quatre Pythaïdes envoyées à Delphes7. Pourtant, ce n’est pas la riche prosopographie des pythaïstes qui va retenir notre attention mais les maigres sources littéraires dont on dispose. Si on les replace dans le contexte de la fête, ces sources littéraires permettent de décrypter largement une part des représentations de la cité, ce que l’on peut appeler le discours de la fête. L’étude de ce discours permet d’étudier le sens à la fois politique et religieux de la Pythaïde et de déterminer la manière dont les Athéniens concevaient leur rapport aux dieux et leur place dans le monde grec. Or, le discours de la fête reposait en grande partie sur l’utilisation de différents récits que nous appelons « mythiques » et qui étaient véritablement mis en scène au cours de la cérémonie. L’utilisation de ces récits n’était pas une simple astuce argumentative pour servir la propagande politique de la cité. La Pythaïde était le lieu d’une véritable actualisation porteuse de sens des récits traditionnels. Pour le montrer, il faut commencer par présenter les « mythes » utilisés dans la fête avant d’analyser leur sens.

Recontextualisation de vieux « mythes » attiques

Les hymnes chantés à Apollon lors des Pythaïdes

5 Les quelques allusions à la Pythaïde appartiennent à la littérature postérieure, Strabon citant Éphore, Aélius Aristide, et aux lexicographes8. Il faut même bien souvent restituer le terme de Πυθαΐς à la place de celui de Πυθιάς, car les auteurs confondaient alors la Pythaïde oubliée avec les Pythiades bien connues9. Cette maigre moisson de sources livre pourtant beaucoup d’informations, surtout si on les rapproche des hymnes à Apollon qui furent créés à l’occasion de la Pythaïde de 128/7 et chantés ensuite lors de chaque théorie.

6 Ces documents sont d’une valeur inestimable à plusieurs titres10. Il s’agit de deux inscriptions gravées sur le Trésor des Athéniens, avec les autres textes des Pythaïdes, et qui contiennent le texte et la partition des deux hymnes composés par deux technites d’Athènes, Athènaios et Limènios, pythaïstes en 128/7. Ces textes ont été largement étudiés et la publication la plus récente, celle d’Annie Bélis, présente des conclusions solides. Ce qui nous intéresse ici c’est le texte des hymnes, car il présente une véritable légende attique d’Apollon. Irremplaçable pour l’histoire de la musique antique, les hymnes le sont aussi pour l’étude du discours de la fête.

7 Les deux hymnes étaient en effet chantés à un moment très important de la cérémonie, avant et pendant la procession qui conduisait les victimes jusqu’à l’autel d’Apollon où avait lieu le sacrifice. La fin de l’hymne de Limènios, appelé prosodion, accompagnait la procession vers le temple et l’autel. Mieux qu’un compte rendu de ce que les Athéniens voulaient dire pendant la fête, nous avons une partie de la bande sonore de la cérémonie.

8 Les deux hymnes respectent à première vue les règles de composition musicale et poétique du genre. Cependant, Annie Bélis a bien montré l’originalité de certains

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passages musicaux. Quant au texte, si les deux hymnes reprennent les éléments obligés du péan, invocation aux Muses, légende apollinienne et prière finale, ils imposent quelques variantes dignes d’attention. L’hymne d’Athènaios est une véritable mise en scène de la présence athénienne à Delphes. On s’arrêtera ici particulièrement sur l’hymne de Limènios.

9 En étudiant les détails de la légende apollinienne, et surtout en les rapprochant des autres sources à notre disposition, on voit se dessiner une habile recomposition « mythique » tout à fait particulière à Athènes. Loin d’être des variantes anodines, les thèmes repris dans l’hymne de Limènios répondent à un univers savamment élaboré en puisant dans les « mythes » attiques les plus anciens et les plus porteurs de sens civique.

Deux axes « mythiques » dans le discours de la Pythaïde

La route de la Pythaïde

10 Le premier axe, et celui qui apparaît le plus clairement dans l’hymne de Limènios, est la version athénienne de la naissance du dieu à Délos et de son passage par Athènes dans son voyage vers Delphes.

11 La première strophe de l’hymne, bien qu’elle invoque Apollon Pythien, mentionne la naissance du dieu à Délos, clairement présentée comme une possession athénienne. C’est en effet aux branches de l’olivier que Léto se soutient lors de l’enfantement11. Or, l’olivier sacré, à Délos, est une introduction athénienne12. Sa présence dans les sources à partir du Ve siècle av. J.-C. correspond aux périodes de domination athénienne sur l’île. À n’en pas douter, la mention de l’olivier dans un hymne chanté en l’honneur d’Apollon Pythien à Delphes, est du même acabit, surtout que le dieu quitte Délos pour se rendre à Athènes dans sa route vers Delphes13. Il s’agit clairement de la variante attique du récit apollinien. De telles variantes locales étaient habituelles. Plusieurs autres sources mentionnent le passage du dieu à Athènes en l’associant à l’ouverture par les Athéniens d’une nouvelle route.

12 La première occurrence de l’étape athénienne se trouve dans le prologue des Euménides d’Eschyle14 : la Pythie, debout devant le temple, évoque les maîtres successifs de l’oracle et mentionne l’escorte des Athéniens qui accompagna le dieu jusqu’à Delphes. On trouve chez Éphore, cité par Strabon dans son livre sur la Phocide, une mention directe de la route prise par Apollon comme la route empruntée par la Pythaïde15. Dans le Panathénaïque d’Aristide, la mention de cette route de la Pythaïde devient un argument en faveur d’Athènes16. Les scholies des passages cités des Euménides et du Panathénaïque, ajoutent quant à elles l’idée que la route empruntée par Apollon et les théories fut purgée des brigands par Thésée17.

13 Le chemin suivi par Apollon est donc à chaque fois clairement rattaché à la route de la Pythaïde : sans doute les Athéniens en faisaient-ils un aition de la fête. La présence de l’étape athénienne dans l’hymne va dans le sens de cette interprétation. La théorie rappelait la première escorte faite au dieu jusqu’à Delphes et l’ouverture de la route.

14 Cependant, dans les « mythes » fondateurs de la cité athénienne, la présence d’Apollon dans la cité de Pallas ne se réduit pas à l’ouverture d’une voie, fût-elle sacrée. Apollon est celui qui permet d’accorder entre eux les divers récits des origines, celui de l’origine ionienne et celui de l’autochtonie athénienne.

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Apollon Pythien, Patrôos des Athéniens

15 Bon nombre de récits grecs des origines de l’humanité faisaient directement sortir les hommes de la Terre nourricière. C’est le cas du récit de l’autochtonie athénienne qui fut l’un des grands « mythes » fondateurs de la cité18. Du sperme d’Héphaïstos tombé sur la cuisse d’Athéna puis jeté à terre, naquit Érichthonios. Athéna enferma l’enfant dans une corbeille qu’elle confia à l’une des filles de Cécrops, roi d’Athènes. Poussées par la curiosité, les jeunes filles ouvrirent la corbeille, virent l’enfant et prises de peur à cause de ce qu’elles virent, se jetèrent du haut de l’Acropole. Élevé par Athéna dans l’enceinte sacrée de son temple, Érichthonios reçut plus tard le pouvoir de Cécrops. Il eut comme fils Pandion, père d’Érechthée.

16 Mais les Athéniens se pensaient aussi dans leurs relations aux autres Grecs. Ils se savaient descendants d’Ion, petit fils d’Hellen, dont étaient aussi issus Doros, Éolos, Achaeos, qui formaient avec Ion les ancêtres des quatre groupes qui peuplèrent la Grèce. Tout comme le « mythe » de l’autochtonie, le « mythe » de l’origine ionienne des Athéniens était l’un des récits qui formaient le ciment de la cité. Toutefois, les deux récits présentaient une certaine discordance. Issus des rois autochtones par sa mère, Créuse, fille d’Érechthée, Ion était aussi le fils d’un étranger Xouthos, fils d’Hellen, régnant sur Phthie en Thessalie. Or, Ion, dont les quatre fils étaient aux origines des quatre tribus primitives, tenait une place à part à la racine du peuple athénien. Les Athéniens eurent dû mal à s’expliquer, au moins à partir du Ve siècle, comment ils pouvaient être descendants du fils d’un étranger et néanmoins autochtones.

17 La solution trouvée est bien connue grâce à la pièce d’Euripide. Dans l’Ion, Euripide présente sans doute le résultat du lent travail de transformation et de rationalisation auquel les Athéniens soumirent leurs traditions19. Avant cette pièce, on ne connaît aucune source qui présente la variante adoptée. Par contre, les sources postérieures la reprennent. Cette solution repose sur l’existence, sans doute ancienne, d’un culte à Apollon Patrôos dans la cité. Apollon déjà honoré sous l’épiclèse de Patrôos, devient, comme père d’Ion, l’ancêtre (progonos) des Athéniens20.

18 Dans la pièce d’Euripide, Ion, orphelin élevé à Delphes comme serviteur du dieu, découvre l’identité de sa mère, Créuse, fille du noble Érechthée, puis l’identité de son père, Apollon. Ion a été engendré par le viol de Créuse par le dieu dans un endroit appelé les « Hautes roches », Μακραί, caverne où elle abandonne l’enfant dans une corbeille qui rappelle beaucoup le « mythe » d’Érichthonios21. De fait, la pièce multiplie les allusions à l’autochtonie athénienne. Après l’abandon d’Ion, Hermès, sur la demande d’Apollon, emmène l’enfant à Delphes où la Pythie le recueille. Les « hautes roches » correspondent sans doute aux grottes du flanc nord de l’Acropole qui abritent plusieurs petits sanctuaires et auprès desquelles on a trouvé des dédicaces à Apollon sous les hautes roches, ὑπ’ ῎Ακραις ou ὑπὸ Μακραῖς 22. C’est en tout cas là que Pausanias place le viol de Créuse lors de sa visite de l’Acropole23.

19 Après Euripide, l’identification d’Apollon Pythien et d’Apollon Patrôos , par l’intermédiaire d’Ion, est largement acceptée. On la retrouve chez Platon, Démosthène, Diodore, Plutarque, Aristide, dans des scholies et chez les lexicographes, Harpocration et Stéphane de Byzance24.

20 Dans quelle mesure la Pythaïde exploite-t-elle cet assemblage de récits ?

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21 À proximité des grottes du flanc nord de l’Acropole et du sanctuaire d’Apollon ὑπὸ Μακραῖς, on a retrouvé une inscription marquant la voie de la Pythaïde. En outre, le lieu est associé dans la pièce d’ Euripide à des « éclairs pythiques ». Il est très tentant de les mettre en relation avec l’observation d’éclairs qui déterminait le départ des Pythaïdes du IVe siècle25.

22 Dans les hymnes, il n’y a aucune référence directe, même si l’autochtonie est rappelée par la strophe V de l’hymne de Limènios 26. Pourtant, une inscription delphique honorant les technites qui prirent part à la Pythaïde de 98/7 remercie les artistes athéniens d’avoir grandement célébré Apollon Patrôos27. Cette inscription suppose donc qu’Athènes, au moins par l’intermédiaire de ses artistes, associait dans la Pythaïde Apollon Pythien et Patrôos, et que cette association était acceptée par Delphes.

23 Il est donc tout à fait légitime de penser que la Pythaïde commémorait aussi les origines apolliniennes des Athéniens. Les Pythaïdes célébraient l’ancien passage du dieu à Athènes. Ce passage avait créé un lien géographique entre les Athéniens et Apollon Pythien, comme la route en témoignait, mais aussi un lien génétique qui rattachait chaque citoyen à Apollon Patrôos rapidement identifié au Pythien.

24 Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre des deux aitia, la Pythaïde reprenait les traditions attiques. Pour autant, la combinaison des deux souligne l’originalité du discours de la fête.

Un nouvel assemblage « mythique »

25 Si l’on dresse en effet un tableau récapitulatif des sources traitant de l’un ou de l’autre des deux axes « mythiques », on fait deux constatations.

Apollon, les Athéniens et la route Apollon, Patrôos des Athéniens vers Delphes

Ve av. Eschyle, Euménides, 9-16 : Euripide, Ion: Délos-Athènes-Delphes; route ouverte Apollon Pythien, père d’Ion; lien avec Créuse par les Athéniens; transmission fille d’Érechthée et la grotte de l’Acropole. pacifique de l’oracle; idée de civilisation.

IVe av. Éphore chez Strabon, IX, 3, 12 : Platon, Euthyd., 302 c-d : Athènes-Delphes par la route actuelle Apollon Patrôos père d’Ion. de la « Pythiade »; combat contre ______Tityos et Python; idée de civilisation. Dém., Cour., 141 : Apollon Pythien, Patrôos de la cité

IIe av. Hymne de Limènios, CID III : Décret des Delphiens, Le Guen, Technites I, 14 (98/7) Délos-Athènes-Delphes; pouvoir : les technites honorent Apollon Patrôos oraculaire conféré par « la voix du roc dans la Pythaïde; idée de civilisation (aussi en » = Acropole; combat contre « la fille 106/5). de la terre » et les Galates.

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Ier av. Diodore, XIV, 57, 4 : Apollon (contexte delphique), Patrôos et ancêtre des Athéniens.

Ier / IIe Aristide, Panath.,363: Plutarque, Dém.,40, 7-8 : ap. la route vers Delphes est l’œuvre Apollon Pythien, Patrôos et ancêtre des d’Athènes; lien avec la « Pythiade », Athéniens. tradition athénienne. ______Aristide, Panath., 62: Apollon Pythien, Patrôos des Athéniens; idée de civilisation. ______Pausanias, I, 28, 4 : Apollon s’unit à Créuse dans une grotte de l’Acropole.

ép. scholie Euménides, 11 et 13 : scholie Aristoph. Ois.,1527c : imp. Délos-Athènes-Delphes; lien entre Apollon Patrôos père d’Ion. ou l’escorte d’Apollon, la route et les « ______byz. théories vers Delphes »; idée de scholie Platon, Euthyd., 302d : purification (route purgée des brigands les Athéniens sont autochtones car issus par Thésée). d’Apollon/Hélios et de Gè; Apollon Patrôos père d’Ion.

scholie Panath., 363: Harpocration, s.v.᾿Απόλλων πατρῷος: lien entre la route et la « théorie des Apollon Patrôos père d’Ion. »; idée de civilisation (route ______purgée des brigands par Thésée). Stéph. de Byzance, s.v.᾿Ιωνία: Apollon Patrôos père d’Ion.

26 Les thèmes utilisés dans la Pythaïde étaient connus avant elle et souvent assez répandus, ce qui nous permet de reconstituer tout l’univers symbolique de la fête même quand il ne reste que quelques bribes du discours.

27 En second lieu, on remarque que la Pythaïde est la seule occasion où les deux thèmes sont utilisés en même temps et sans doute en se combinant intimement. Si on retrouve chez Aristide l’un et l’autre, ce n’est pas au même endroit du Panathénaïque, discours qui paraît, en outre, contenir tout ce que l’on peut savoir sur les traditions athéniennes à l’époque.

28 Il semble donc bien qu’à l’occasion de la Pythaïde, les Athéniens aient élaboré un discours neuf pétri d’éléments traditionnels – mais comment aurait-il pu en être autrement s’agissant d’un discours des origines ? Il est juste de penser que cette élaboration complexe, ce nouveau discours, donnait un sens à la reprise d’une cérémonie interrompue depuis plus d’un siècle. Quelle qu’ait été en effet la signification de la Pythaïde classique, la fête rénovée obéissait à une logique qui lui était propre. Même si les aitia « mythiques » de la fête furent repris, ils devaient tout de même revêtir un sens neuf dans le nouveau contexte politique de la cité. C’est pourquoi on peut parler de recontextualisation de « mythes » attiques : le discours produit à partir des divers thèmes « mythiques » ne s’éclaire réellement qu’en fonction du contexte de

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la fête, ne prend son sens qu’en rapport avec les représentations que les Athéniens du IIe siècle av. J.‑C. traduisaient dans la fête.

29 Abordons à présent ce système de représentations afin de déterminer quelle place le discours « mythique » y tient.

« Mythe » et sens de la fête

30 Chercher à percer la signification de la Pythaïde revient à s’interroger sur les raisons qui poussèrent les Athéniens à renouer avec la tradition. La reprise et le développement de la Pythaïde s’expliquent en grande partie par le contexte politique particulier du IIe siècle av. J.‑C.. Pour que la cité pût à nouveau envoyer ces imposantes théories, il fallait que les conditions matérielles fussent propices : Athènes devait avoir la maîtrise de son territoire, ceux qui se rendaient à Delphes devaient pouvoir le faire sans rencontrer d’opposition et être bien accueillis dans le sanctuaire, la cité et les pythaïstes qui assuraient eux-mêmes les frais du voyage devaient en avoir les moyens financiers. Or, au milieu du siècle, quand les Pythaïdes reprennent, une telle situation était installée depuis plusieurs années déjà28. Il faut toutefois distinguer soigneusement entre les conditions et la cause de cette reprise.

31 Ainsi, on a mis en relation le développement de la fête avec la querelle entre les artistes dionysiaques athéniens et ceux de l’Isthme29. Les deux associations de technites se disputèrent en effet le monopole des représentations à Delphes. La querelle débuta autour de 134 et se poursuivit jusqu’en 112 lorsque les Romains tranchèrent définitivement en faveur des Athéniens. Les Pythaïdes, à partir de 128/7, peuvent être comprises comme des étapes de cette querelle. Mais la première théorie, en 138/7, n’entre pas dans cette chronologie. En outre, les technites en étaient absents en tant qu’association. La fête devait son succès et ses embellissements successifs (accroissement de la partie musicale, transformation en ennéétéride) à la volonté athénienne de soutenir ses artistes à Delphes. La cause de la reprise doit cependant être cherchée ailleurs.

32 La question est de savoir si l’étude du discours « mythique » peut y aider. En replaçant la fête dans le contexte de l’histoire politique et cultuelle de la cité, on va voir qu’il donne à la Pythaïde son sens profond.

Le « mythe » comme carte symbolique : Athènes entre Délos et Delphes

33 Pour saisir le message primordial que la fête délivre, il faut tout simplement écouter ce que l’hymne de Limènios dit le plus distinctement : dans le voyage du dieu, Athènes est une étape entre Délos et Delphes. Or, replacé dans le contexte politique et diplomatique du IIe siècle, cet énoncé dit exactement la situation d’Athènes.

34 D’un côté, la cité était à nouveau maîtresse de l’île, dont les habitants avaient été chassés. Après 167/6, des clérouques athéniens s’installèrent et des magistrats athéniens s’occupèrent des affaires politiques, commerciales et religieuses de Délos30. De l’autre, Athènes avait activement participé à la réorganisation de l’amphictionie, l’organisation des peuples grecs qui administrait le sanctuaire de Delphes, après que les Étoliens longtemps maîtres du sanctuaire avaient été vaincus par les Romains. Après

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189, les relations entre Delphes et Athènes se développent grandement31. À Delphes comme à Délos, Athènes jouait donc un rôle important. Ce que souligne l’étude du discours « mythique » de la Pythaïde, c’est que la cité revendiquait cette place et entendait faire le lien entre les deux grands sanctuaires apolliniens. La reprise de la fête ne peut pas être pensée comme la conséquence directe d’un événement précis, puisque le retour de Délos et le renouveau des relations avec Delphes la précédaient largement. Cette reprise intervenait cependant à un moment où les effets de ces deux événements étaient flagrants pour la cité, et surtout sans doute à un moment où les Athéniens voulaient rendre leur rôle de liaison entre les deux sanctuaires manifeste. Mais quelles étaient la nature et la portée précises de ce message ?

35 Le discours « mythique » est soutenu par d’autres éléments idéologiques contenus dans la fête, ce qui permet de nuancer la vision de la seule « propagande politique »32.

36 L’étude de l’organisation des processions montre que la présence de tous les magistrats athéniens, la mise en valeur du démos athénien dans le cortège appartiennent à ce que l’on pourrait appeler le discours institutionnel de la fête. Athènes, dans la Pythaïde, montrait l’harmonie civique qui la caractérisait à l’époque. Or, cette solidité des institutions de la cité soulignait sa force politique. Athènes était alors une cité libre où les citoyens décidaient de leur sort.

37 Parallèlement au discours institutionnel, la Pythaïde était porteuse d’un discours culturel. Dans le cadre de la querelle des technites, Athènes se servit de la Pythaïde comme d’un exemple de sa grandeur dans le domaine de la civilisation hellénique. La volonté de faire d’Athènes l’une des grandes métropoles culturelles ressort clairement des sources qui composent le dossier de la querelle. Parmi elles, on peut citer un long décret amphictionique confirmant, entre 121 et 117, les privilèges des technites athéniens à Delphes33. Ce décret est perçu à juste titre comme un véritable panégyrique de la cité, en écho au Panégyrique d’Athènes d’Isocrate 34. Dans les deux textes, Athènes apparaît comme l’inventeur de la vie civilisée par la propagation des mystères, des lois touchant aux relations entre les hommes, de la culture, et des produits de la terre. Ce rôle dans le passé de l’humanité permettait de revendiquer l’hégémonie de la cité. Dans le contexte nouveau de l’Athènes hellénistique, l’hégémonie n’était plus militaire ni politique mais culturelle35. À côté de l’éphébie, des écoles philosophiques, du théâtre et des arts en général, la Pythaïde faisait partie de cette politique culturelle, comme en témoigne la reprise des thèmes du panégyrique d’Athènes dans les décrets delphiens honorant les technites de 106/5 et de 98/736.

38 Il y avait donc bien dans la fête une volonté de propagande politique, qui reposait sur le discours institutionnel et sur le discours culturel. Le discours « mythique » se présentait comme la troisième composante du contenu idéologique de la fête et pouvait servir à appuyer les deux premiers. Il reposait sur le lien intime établi entre la cité et le dieu. Or, Apollon Pythien est le dieu qui donne les constitutions mais aussi le dieu qui civilise la terre, comme le rappellent entre autres les sources que l’on peut rattacher à la Pythaïde37. Néanmoins, le discours « mythique » n’est pas d’une nature différente du discours culturel; seul son contenu, spécifiquement centré sur les relations entre Athènes et Apollon, et non sur le passé commun des Grecs, justifie le traitement différencié qui en a été fait et surtout que les Athéniens en firent, puisque le discours « mythique », c’est-à-dire apollinien, n’apparaît pas dans les mêmes énoncés que le discours culturel. Quelle est la raison de ce traitement différencié dans la Pythaïde ?

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39 Le discours « mythique » plaçait Athènes entre Délos et Delphes et liait la cité à Apollon. Il ne faut pas minimiser la portée religieuse du lien ainsi affirmé. Délos et Delphes étaient deux grands sanctuaires panhelléniques. À ce titre, leur rôle politique, diplomatique, voire commercial ne doivent pas être négligés. Pourtant, ils étaient avant tout des lieux de culte très fréquentés à l’époque. Athènes prenait donc place entre les sanctuaires panhelléniques d’Apollon Délien et d’Apollon Pythien. En tant qu’administrateurs de Délos, les Athéniens s’occupaient du culte d’Apollon Délien. En tant que mandataires de la Pythaïde, les Athéniens honoraient magnifiquement Apollon Pythien. C’est d’ailleurs en passant par Athènes, où il était devenu l’ancêtre des Athéniens qui l’honoraient comme Patrôos de leur cité, qu’Apollon quittant Délos était parti gagner son épiclèse de Pythien en devenant le maître de Delphes. La carte sur laquelle le discours mythique de la Pythaïde plaçait Athènes n’était pas la carte politique du monde grec, mais une représentation de l’espace religieux.

40 Cette portée religieuse du discours « mythique » se perçoit aussi dans le rapport entre les « mythes » invoqués et les rites pratiqués lors de la Pythaïde38.

« Mythe » et signification religieuse : Athènes, Apollon et la notion de purification

La purification dans le culte attique d’Apollon

41 Il est difficile de décrire en détail les rites d’une fête pour laquelle les sources se résument au catalogue des participants. Plusieurs éléments permettent cependant de déterminer la sphère d’action rituelle de la Pythaïde.

42 Les sources mentionnent une procession, un sacrifice accompagné de l’offrande de prémices, d’aparchai, sous forme monétaire, des représentations musicales et des concours hippiques. Quelques textes font connaître également une tripodophorie associée à une pyrphorie39 : les Athéniens partaient d’Athènes avec un trépied qu’ils offraient au dieu et revenaient dans leur cité avec une parcelle du feu sacré. Compte tenu de la date à laquelle les pythaïstes étaient de retour dans la cité, il est tout à fait probable que ce feu renouvelait celui du Pythion athénien juste avant la fête des Thargélies40.

43 La chronologie, l’organisation de la cérémonie comme les figures et les fonctions du dieu invitent à rapprocher les Pythaïdes de deux autres fêtes apolliniennes.

44 En l’espace de quelques années, entre 140/139 et 129/8, les sources mentionnent trois fêtes athéniennes en l’honneur d’Apollon qui avaient disparu de la documentation. La Pythaïde fut reprise en 138/7 après une longue interruption. Un décret en l’honneur des prytanes de 140/39 indique qu’ils accomplirent, entre autres, l’offrande de l’ eirèsionè à Apollon41. Il s’agit d’une branche d’olivier entourée de laine et de produits de la terre qui était offerte au dieu lors de la fête des Pyanepsies42. En 129/8, enfin, la fête des Thargélies fut rénovée magnifiquement43. Un décret nous apprend qu’après consultation de l’oracle de Delphes, et en raison de leur piété et de la place d’Apollon dans leur cité, les Athéniens avaient fixé de nouveaux sacrifices. Ces sacrifices avaient lieu dans le Pythion, sous la conduite du prêtre d’Apollon Pythien, en présence de tous les magistrats athéniens. Le dieu y était honoré sous les épiclèses de Pythios, Patrôos et Alexikakos. Suivaient des concours pour lesquels le décret mentionne des agonothètes et des chorèges. Si les Pyanepsies et les Thargélies, fêtes régulières du calendrier,

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n’avaient sans doute pas cessé, leur réapparition dans les sources précisément au moment où les Athéniens envoyaient à nouveau les Pythaïdes, montre qu’au milieu du IIe siècle le culte apollinien connaissait dans la cité un renouveau d’attention.

45 Les épiclèses sous lesquelles les Athéniens honoraient le dieu dans les Pythaïdes comme dans les Thargélies montrent également que les fêtes étaient liées. Apollon Pythien était le destinataire principal de la théorie qui se rendait à Delphes et des Thargélies qui se déroulaient au Pythion. Mais Apollon Pythien était aussi Apollon Patrôos. C’est sous cette épiclèse que les Athéniens lui rendaient hommage dans les Pythaïdes comme dans les Thargélies.

46 Enfin, certains des rites des trois fêtes rénovées renvoient à la notion de purification. Cela apparaît particulièrement dans les Thargélies, avec le rituel de l’expulsion des boucs émissaires. Cette dimension semble avoir été accentuée au IIe siècle puisqu’Apollon est aussi honoré sous l’épiclèse d’Alexikakos, « qui délivre du mal ». Le renouvellement du feu dans le Pythion avant la fête, permis par le retour de la Pythaïde, est aussi un rite de purification44.

47 La place des rites de purification dans la Pythaïde, marquée par le rôle central de la pyrphorie, permettrait de comprendre la présence des exégètes athéniens dans la théorie45. Ils avaient pour rôle d’expliquer leurs traditions aux Athéniens, à titre public ou privé, et on les consultait notamment pour connaître les rites de purification46. Ce motif de consultation était aussi très courant auprès de l’oracle de Delphes. Comme le rappelle justement le décret des Thargélies de 129/8, Apollon est « l’exégète de tous les biens » pour les Athéniens.

48 Les Pyanepsies, comme les Thargélies apparaissent avant tout comme des fêtes liées à la fécondité de la terre. Mais, comme pour les Thargélies, cette fécondité est rattachée à l’idée de pureté. L’étymologie permet de comprendre l’eirèsionè des Pyanepsies comme un « rameau protecteur ». Deux enfants la portaient dans la cité et on l’accrochait aux portes des maisons et des temples. Selon une certaine tradition, l’eirèsionè serait une façon de détourner la peste47.

49 Les trois fêtes faisaient donc appel à la même sphère d’activités d’Apollon. Apollon est le dieu qui protège, qui repousse les fléaux et les exclut de la cité, qui, par son feu et ses oracles, permet la purification. Apollon protecteur/ purificateur est l’une des grandes figures du dieu. Trouve-t-on un écho de cette notion dans le discours « mythique » de la Pythaïde ?

Apollon dans le discours de la fête

50 Les hymnes reprennent les éléments traditionnels de la figure d’Apollon à Delphes en s’arrêtant notamment sur le pouvoir oraculaire du dieu. Un des éléments centraux de l’histoire delphique repose sur le combat d’Apollon contre Python. Ce meurtre contraint le dieu à se purifier. Le combat contre Python tient une place importante dans les hymnes. Au serpent sont comparés les Galates, horde barbare qui menaça le sanctuaire au IIIe siècle et qui fut, dit-on, repoussée par une intervention du dieu. Apollon apparaît donc en particulier comme celui qui débarrasse la terre des monstres. Annie Bélis précise que ce passage est bien mis en valeur par la musique de Limènios, ce qui, lors de la cérémonie, lui donnait un relief que le texte seul ne permet pas de rendre48.

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51 Le rapport entre l’installation d’Apollon à Delphes et la suppression d’un fléau se retrouve dans les sources liées à la route de la Pythaïde. La plupart des sources la mettent en rapport avec un acte de civilisation49. Les mots de la famille de ἤμερος sont fréquemment utilisés. Ils soulignent le passage à une vie ordonnée50. C’est aussi cette idée de retour à l’ordre qui prévaut dans les scholies mentionnant Thésée supprimant la troupe des brigands. Le scholiaste d’Eschyle explique en effet par l’action de Thésée le passage des Euménides montrant les Athéniens « apprivoisant le sol sauvage », χθόνα ἀνήμερον: le verbe utilisé est καθαίρειν, qui a certes un sens matériel, mais qui est couramment utilisé pour dire l’acte religieux de la purification51.

52 La route est en tout cas à chaque fois le symbole d’un voyage qui peut s’accomplir harmonieusement car l’ordre du monde est préservé, protégé des forces violentes qui viennent bouleverser son harmonie, tout comme la souillure vient briser l’harmonie du rapport entre les hommes et les dieux52. Purification et civilisation ont donc un point commun car elles réparent la rupture introduite par les éléments du désordre.

53 Sous quelles épiclèses Apollon est-il invoqué dans la Pythaïde ?

54 Dans les hymnes, Apollon est appelé Pythien, mais aussi Phoibos et Paian. La première épiclèse ne demande aucune explication dans un contexte delphique. Les deux autres ne sont pas spécifiques à Delphes. Phoibossignifie « pur » et « lumineux ». Les dérivés renvoient à la fois à la notion de pureté et au pouvoir oraculaire53. Paian est à la fois le nom du dieu, le cri par lequel on le salue et le chant qui l’honore54. Chez Homère c’est le médecin des dieux, puis le mot désigne Apollon. Il dit l’acte de guérison. Or, la guérison est une part de la purification, surtout en ce qui concerne Apollon. Asclépios soigne, Apollon éloigne les maux et repousse le loimos qui peut être provoqué par une souillure.

55 Il y avait donc une certaine convergence dans la figure du dieu et les aptitudes que les rites lui supposaient dans la fête. Dans les pratiques comme dans le discours des Pythaïdes, Apollon était attaché à la notion de purification, qui est l’un des cadres de la pensée religieuse grecque car elle permet de conserver un ordre nécessaire au rapport entre les hommes et le sacré.

56 *

57 À quelles conclusions avons-nous abouti à propos du discours « mythique » de la Pythaïde ?

58 D’un côté, il plaçait Athènes entre Délos et Delphes, de l’autre, il mettait en relief des figures d’Apollon qui correspondaient à la qualité du dieu que les Athéniens sollicitaient dans la Pythaïde. Ces deux énoncés du discours « mythique » permettent de préciser le sens profond de la cérémonie et de mieux comprendre par contrecoup la cause de sa reprise. Il s’agit fondamentalement d’une cause religieuse. La Pythaïde, avec d’autres fêtes apolliniennes, semble répondre au besoin des Athéniens d’invoquer la dimension protectrice et purificatrice du dieu pour préserver la cité des dangers qui menacent toute communauté dans un monde instable. Pourquoi s’adresser à Apollon ? Non seulement parce que les Grecs en général lui prêtaient ces qualités, mais encore parce que le bien-être de la cité résultait de la protection particulière du dieu. La situation athénienne était en effet liée aux rapports qu’Athènes entretenait avec les sanctuaires de Délos et de Delphes, c’est-à-dire aux honneurs que les Athéniens rendaient à Apollon Pythien à Delphes, Délien à Délos mais aussi Patrôos à Athènes. Cette cause religieuse de la reprise n’est pas en contradiction avec la dimension

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politique très nette de la Pythaïde. La pluralité des significations est un élément constitutif du fait religieux grec.

59 Finalement, l’étude du discours « mythique » permet d’analyser les sens de la fête et le rôle de la religion dans l’Athènes hellénistique. Mais que dit cette mise en scène de la cité dans la Pythaïde de la place du « mythe » dans les représentations de l’époque ?

Conclusion

60 La mise en situation des « mythes » de la Pythaïde montre que ce n’est pas leur nature qui les distingue des autres types de discours de la fête, mais bien leur fonction dans le cadre de la cérémonie.

61 Le rapprochement du discours et des pratiques de la fête permet en effet de saisir le critère qui conduisait les Athéniens à distinguer ce que j’ai appelé le discours culturel et le discours « mythique ». La mise en scène « mythique » de la cité servait à dire une vérité qui était d’ordre avant tout religieux : ces récits traditionnels réactualisés soulignaient la place d’Athènes dans l’espace religieux grec et le rôle d’Apollon dans la cité. Cela montre l’importance du sentiment religieux dans les grandes fêtes civiques à la fonction politique marquée. Cela montre aussi que les récits traditionnels en étaient le vecteur. Le bricolage « mythologique » de la Pythaïde était profondément porteur de sens. Dès lors, ces récits qui mettaient en scène les dieux appartenaient d’autant plus au patrimoine culturel grec compilé par les Alexandrins qu’ils étaient partie prenante d’un patrimoine cultuel sans cesse réactualisé par les cités pour exprimer leur rapport aux dieux et leurs besoins religieux. Parce que ceux-ci évoluaient, dans le cadre d’une religion vivante, le discours changeait aussi. Que les vieux récits permettent de construire ce nouveau discours souligne leur place fondamentale dans les représentations grecques de la période hellénistique55. Cette constatation n’est pas contradictoire avec le constat que la « mythologie » naît avec les mythographes de l’époque56. Érudition et piété ne sont pas forcément antithétiques, même si elles utilisent des objets identiques dans un but différent. Comment étaient perçus ces récits traditionnels, objets de culture et de religion ?

62 Dans ce cas-là aussi, la comparaison des différents discours de la Pythaïde est utile. Dans les récits requis à diverses occasions de la fête, nous retrouvons des éléments que nous plaçons dans les catégories opposées de « mythique » et d’« historique » : l’éloge culturel général de la cité s’appuie sur des arguments qui mettent sur le même plan les dons de Déméter aux Athéniens et la grandeur du théâtre à Athènes, tout comme l’hymne d’Athènaios rapproche Python des Galates qui menacèrent le sanctuaire au IIIe siècle. Il s’agit dans les deux cas de discours sur le passé efficaces dans le présent. L’exemple de la Pythaïde vient donc corroborer sans surprise le fait que notre distinction nette entre le « mythe » et « l’histoire » n’est pas opératoire dans la pensée grecque. Nos deux catégories recouvrent pour les Anciens des récits sur le passé, plus ou moins reculé et donc plus ou moins soumis au régime de la preuve. Il existait des historiens, comme Thucydide ou Polybe pour préférer le passé récent où les témoignages directs étaient des sources sûres. Mais la plupart des auteurs ne séparaient pas les temps anciens de ceux dont pouvait témoigner leur propre génération. Et dans les temps anciens, ils ne mettaient pas à part les héros, ni même les dieux. Cette caractéristique s’accentua à la période hellénistique où se multiplièrent les histoires locales et les travaux des antiquaires. L’attitude d’un Diodore au Ier s. av. J.-C.,

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commençant « son histoire (τὴν ἀρχὴν τῆς ἱστορίας) par les récits mythiques (τῶν μυθολογουμένων) des Grecs et des Barbares »57 permet de comprendre celle des Athéniens dans la Pythaïde. C’est l’ensemble du passé de la cité qui était convoqué, mis à nouveau en récit pour cette occasion particulière. Le choix, dans les récits évoquant le passé de la cité, se faisait en fonction du contexte de production et d’énonciation : pour un discours à dimension uniquement politique, ou pour un discours qui touchait à la mise en ordre politique et religieuse du monde, les Athéniens ne choisissaient pas les mêmes récits.

63 La dernière tentative pour trouver dans la Pythaïde un éclaircissement à la définition du « mythe » concerne le nom donné à la chose. Là encore les sources très peu disertes de la fête ne livrent pas une réponse nette. Mais l’on peut rapprocher quelques textes pour avancer des éléments qui corroborent l’analyse précédente.

64 Les récits à dimension religieuse se trouvent essentiellement dans les hymnes chantés par les technites. C’est à propos de l’association des artistes athéniens que nous possédons d’ailleurs plusieurs décrets delphiens plus bavards que les simples listes de participants. Dans le décret honorifique concernant la participation des technites à la Pythaïde de 98/7, les Delphiens distinguaient « le péan traditionnel », τὸν πάτριον παιᾶνα, des « péans et du chœur », τοὺς τε παιᾶνας καὶ χορόν 58. Annie Bélis, en se fondant principalement sur des arguments musicaux, propose de voir dans le péan de Limènios, le péan traditionnel, alors que les péans et le chœur désignent les deux hymnes, le terme de chœur étant peut-être particulièrement attaché à la dernière partie de l’hymne de Limènios, appelé prosodion, et qui accompagnait la procession59. C’est bien sûr le terme de patrios qui attire ici l’attention. La particularité thématique, et non plus musicale, de l’hymne de Limènios est de retracer ce que nous avons appelé la légende attique d’Apollon. L’hymne était la pièce maîtresse de la recontexualisation des anciens récits donnant un sens au lien qui unissait Athènes au dieu de Delphes et donc un sens à la fête. Je crois que le terme de patrios convient alors parfaitement à ce péan. On peut néanmoins s’interroger sur le mode de transmission des « traditions » à propos d’une fête qui a été interrompue entre la fin du IVe siècle et le milieu du IIe.

65 La pièce d’Euripide est le premier moyen de transmission auquel on songe, d’autant que le dernier des trois grands tragiques grecs était particulièrement apprécié à la période hellénistique60. Le culte d’Apollon Patrôos put aussi être l’occasion pour les Athéniens de garder en mémoire les liens que la cité entretenait avec le dieu61. Mais un texte de la Pythaïde semble indiquer que la reprise de la fête, ou du moins une partie de ses modalités, nécessita certaines recherches. Dans le décret delphien honorant les technites ayant participé à la Pythaïde de 128/7, les considérants précisent que « le peuple des Athéniens a décidé d’envoyer la Pythaïde vers nous (à Delphes) après un long intervalle conformément aux oracles et aux enquêtes », τοῖς τε χρησμοῖς καὶ ταῖς ἱστορίαις [ἀ]κολούθως62. Le terme d’ἱστορία peut se traduire à l’époque non seulement dans le sens premier d’information recherchée, mais aussi d’histoire, d’ouvrage historique63. Il me semble que l’on peut garder cette polysémie, et qu’elle nous renseigne sur le mode de transmission des récits traditionnels qui permirent aux Athéniens de recomposer la Pythaïde. La tradition ayant été interrompue, il fallut rechercher les informations nécessaires auprès de ceux qui en gardaient la mémoire. C’était sans doute le cas des familles sacerdotales athéniennes qui avaient un rôle privilégié dans la Pythaïde64. Mais il devait également exister des histoires locales qui en traitaient. On a conservé un fragment de l’ouvrage de Philochore sur la Tétrapole de

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Marathon qui mentionne l’envoi de théories de la Tétrapole vers Delphes et vers Délos65. On connaît par quelques inscriptions de Delphes l’existence de cette théorie particulière à l’époque où Athènes n’envoyait plus la Pythaïde. Après 138, des envoyés spéciaux de la Tétrapole participaient à la théorie de la cité66. Chez Philochore, mais peut-être aussi dans les archives des quatre dèmes du nord-est de l’Attique qui formaient la Tétrapole, les Athéniens purent-ils trouver l’information recherchée.

66 Récits oraux ou ouvrages historiques se composaient de la matière vivante du passé et des traditions dans laquelle les Athéniens puisèrent pour créer ce que nous avons appelé les « mythes » de la Pythaïde. À leurs yeux cependant il s’agissait de tradition et d’histoire, catégories qui ne coupaient pas pour autant ces récits de la sphère du sacré.

NOTES

*. Abréviations : Agora, 15 = B.D. MERITT, J.S. TRAILL, The Athenian Councillors, Princeton, 1974 (The Athenian Agora, 15). LE GUEN, Technites = B. LE GUEN, Les associations de technites dionysiaques à l’époque hellénistique, Nancy, 2001. CID = Corpus des inscriptions de Delphes, École française d’Athènes, Paris, diffusion De Boccard. LGPN = M.J. OSBORNE, S.G. BYRNE (éds.), A Lexicon of Greek Personal Names, vol. 2, Oxford, 1994. 1. Le premier chapitre, « Illusions de la mythologie », de Cl. CALAME, Mythe et histoire dans l’Antiquité. la création symbolique d’une colonie, Lausanne, Payot, 1996, p. 9-57, dresse un bilan des approches actuelles de l’étude du mythe, pose clairement le problème et présente une démarche d’analyse qui permet de dépasser la disparition du mythe comme catégorie indigène. Voir aussi son article Cl. CALAME, « “Mythe” et “rite” en Grèce : des catégories indigènes ? », Kernos 4 (1991), p. 179-204. 2. Doctorat soutenu le 2 décembre 2003 à l’université de Paris IV-Sorbonne, sous le titre « Les pythaïstes athéniens et leurs familles. Étude sur la religion à Athènes à la basse époque hellénistique ». L’étude de la fête et de la religion à Athènes à l’époque s’appuie sur le catalogue proposographique du millier de pythaïstes connus; les différentes remarques liées à l’étude plus large de la cérémonie qui apparaissent dans cet article ont fait l’objet de développements particuliers dans ce travail de thèse. 3. Je crois utile de reprendre à Cl. CALAME,l.c. (n. 1), l’utilisation des guillemets pour désigner notre concept de « mythe ». 4. Voir en particulier, Cl. CALAME, o.c. (n. 1), p. 53-55. 5. Sur la Pythaïde, on peut consulter G. COLIN, Le culte d’Apollon Pythien à Athènes, Paris, 1905 (BEFAR, 93); A. BOËTHIUS, Die Pythaïs. Studien zur Geschichte der Verbindung zwischen Athen und Delphi, Uppsala, 1918; G. DAUX, Delphes au IIe et au Iersiècle, depuis l’abaissement de l’Étolie jusqu’à la paix romaine, 191-31 av. J.-C., Paris, 1936 (BEFAR, 140), p. 521-583 et appendice XII, p. 708-729. 6. Pour une évaluation du nombre des participants par année et par catégorie, voir S.V. TRACY, « Notes on the Pythaïs Inscriptions », BCH 99 (1975), p. 215-218. 7. La première Pythaïde hellénistique, après l’interruption du IIIe av. J.-C., est envoyée en 138/7; la seconde théorie date de 128/7. Après 112, les Athéniens décident de faire de la fête une ennéétéride : la troisième théorie devenue régulière est envoyée en 106/5, la quatrième huit ans

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plus tard en 98/7. La suivante aurait dû être envoyée en 90/89, quand commence la crise mithridatique qui a durement touché Athènes. 8. La plupart de ces sources sont présentées dans cet article. Voir aussi les annexes de BOËTHIUS, o.c. (n. 5). 9. Sur cette confusion, voir DAUX, o.c. (n. 5), p. 526. 10. L’étude de référence est celle d’A. BÉLIS, CID III, Les hymnes à Apollon, 1992. Voir aussi A. BÉLIS, « Esthétique musicale du péan à travers l’exemple des hymnes delphiques à Apollon », in P. BRULÉ, C. VENDRIES (éds), Chanter les dieux. Musique et religion dans l’Antiquité grecque et romaine, Rennes, P.U.R, 2001, p. 97-114. Les textes et traductions cités ici sont tirés de LE GUEN, Technites, vol. 1, p. 82-88, qui tient compte des remarques de J. BOUSQUET, Bull. ép. in REG 106 (1993), 271. 11. FD, III, 2, 138 = CID, III; trad. LE GUEN, Technites, I, n° 9, strophe I, l. 6-8 : « (…) chantez le Pythien à la chevelure d’or, le dieu qui frappe au loin, le dieu de la lyre, Phoibos, qu’enfanta Léto la bienheureuse auprès du (lac) illustre, en touchant de ses mains le (rameau) du glauque olivier verdoyant. » 12. Sur l’olivier sacré à Délos, voir Ph. BRUNEAU, Recherches sur les cultes de Délos à l’époque hellénistique et à l’époque impériale, Paris, 1970, p.18. 13. Strophe III : « Alors, quittant l’île du Cynthe, (le dieu) s’en fut vers la terre qui connut la première des moissons, vers la noble Attique, près de la colline de la Tritonide. » 14. Vers 9-16, trad. P. MAZON, CUF, 11e tirage, 1993 : « Délaissant donc Délos, son lac et sa croupe rocheuse, il s’en vient aborder aux rives de Pallas, familières aux nefs, pour gagner cette terre et le Parnasse, son nouveau séjour. Il y trouve une escorte et d’éclatants honneurs; les enfants d’Héphaïstos lui ouvrent son chemin, apprivoisant pour lui le sol sauvage. Il arrive et reçoit ici le franc hommage du peuple et de son roi, Delphos, pilote du pays. » 15. Éphore, 70 F 31b (éd. F. JACOBY), cité par Strabon, IX, 3, 12= C422, trad. R. BALADIÉ, CUF, 1996 : « C’était le temps où Apollon parcourait la terre, cherchant à civiliser le genre humain par l’usage des fruits cultivés et des formes de vie plus douces. Parti d’Athènes pour se rendre à Delphes, il suivait la route qu’emprunte de nos jours la procession de la Pythiade (sic) organisée par les Athéniens. Arrivé à Panopée, il supprima Tityos, un homme violent et inique installé là. Puis les Parnassiens entrèrent en relation avec lui et dénoncèrent un autre individu malfaisant du nom de Python, surnommé le Dragon. Pendant qu’il le perçait de flèches, les autres l’encourageaient aux cris de « Hié Paian » – origine du péan qu’entonne traditionnellement une troupe au moment de s’engager dans une bataille rangée. Puis, la baraque de Python fut incendiée aussi par les Delphiens à la façon du feu de joie qu’ils font encore de nos jours, en souvenir de ce qui s’est passé cette fois là. » 16. Aristide, Panathénaïque, 363 (éd. LENZ et BEHR, 1976 = DINDORF 189, 8) : « Les habitants de Samothrace se glorifient de leurs cérémonies sacrées et celles-ci sont les plus célèbres de toutes, excepté les Éleusinia; et bien, Délos a été consacrée aux dieux; or, elle appartient à la cité (Athènes); et que dire donc du fait que la route vers Delphes est l’œuvre de la cité et que la théorie de la Pythiade (sic) est traditionnelle chez les seuls Athéniens, sinon que tout cela est l’œuvre des dieux qui veulent de toute manière donner la préférence à Athènes et en tout ce qui concerne la ville comme jouer un rôle favorable ? » 17. Scholies Euménides : v. 11, χαριζόμενος ᾿Αθηναίοις καταχθῆναί φησιν ἐκεῖσε ᾿Απόλλωνα κἀκεῖθεν τὴν περιπομπὴν αὐτῷ εἶναι· ὁ δὲ Πίνδαρος ἐκ Τανάγρας τῆς Βοιωτίας, « Cherchant à plaire aux Athéniens, il dit qu’Apollon a débarqué là et qu’à partir de là il a eu une escorte. De son côté, Pindare (dit que c’est) à partir de Tanagra de Béotie ». V. 13, οἱ ᾿Αθηναῖοι. Θησεὺς γὰρ τὴν ὁδὸν ἐκάθηρε τῶν λῃστῶν. καὶ ὅταν πέμπωσιν εἰς Δελφοὺς θεωρίαν, προέρχονται γὰρ ἔχοντες πελέκεις ὡς διημερώσοντες τὴν γῆν, « Les Athéniens. En effet, Thésée a purgé la route des brigands; et quand ils envoient la théorie à Delphes, ils marchent en effet en tête avec des haches pour civiliser la terre ». Scholies, Panathénaïque, 363 (éd. DINDORF, 189, 8) : τὸ δὲ δὴ καὶ τὴν εἰς

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Δελφοὺς ὁδὸν ἔργον εἶναι τῆς πόλεως] τὴν θυσίαν τὴν πομπὴν εἰς τὰ Πύθια. ἐλέγετο δέ ποτε ἡ ὁδὸς αὕτη λῃστεύεσθαι. τοῦτο δὲ τὸ λῃστικὸν καθεῖλον ᾿Αθηναῖοι· ἔργον οὖν καλεῖ τὸν λῃστικὸν διωγμόν. BD | ἐν τῇ πρὸς Δελφοὺς ὁδῷ λῃσταί ποτε καθήμενοι τοὺς παριόντας διέφθειραν. Θησεὺς οὖν ἀνεῖλεν ἅπαν τοῦτο τὸ λῃστικόν· ὅθεν ᾿Αθηναῖοι αἴτιον τῆς ἀναιρέσεως τὸν ᾿Απόλλω νομίζοντες κατ´ ἐνιαυτὸν ναῦν εἰς Δελφοὺς ἔπεμπον, θυσίαν κομίζουσαν τῷ ᾿Απόλλωνι ἐν τῇ τῶν Πυθίων πανηγύρει. ἔργον δὲ τῆς πόλεως λέγει τὴν ὁδόν, ἐπειδήπερ εἰ μὴ τοὺς λῃστὰς ἀνεῖλεν, οὐκ ἂν οἶόν τε ἦν εἰς Δελφοὺς ἀφικνεῖσθαι. C | τὴν θεωρίαν] τὴν τὴν θυσίαν ἄγουσαν ναῦν. C | τὴν Πυθιάδα ] τὴν ἐν τῶν Πυθίων ἑορτῇ ἀγομένην. C, « Le fait que la route est l’œuvre de la cité; le sacrifice, la procession pour les Pythia. Autrefois, disait-on, cette route était infestée de brigands. Cette troupe de brigands, ce sont les Athéniens qui l’ont supprimée; (Aristide) appelle donc « œuvre » la poursuite de la troupe de brigands. BD | Sur la route de Delphes il y avait autrefois des brigands qui faisaient périr les passants. Thésée donc anéantit toute la troupe de brigands; c’est pourquoi les Athéniens, pensant qu’Apollon était la cause de cette destruction, envoyaient chaque année un navire, qui emmenait le sacrifice à Apollon à la panégyrie des Pythia. (Aristide) dit que la route est l’œuvre de la cité, puisque, si elle n’avait pas anéanti les brigands, il ne serait pas possible d’arriver à Delphes. C | La théorie], le navire qui conduit le sacrifice. C | La Pythiade], conduite à la fête des Pythia. C » 18. Cf. N. LORAUX, Les enfants d’Athéna, Paris, 1990² [1981], p. 197-253. 19. Sur le travail effectué sur le « mythe » des origines dans le cadre de la pièce d’Euripide, cf. J. RUDHARDT, Du mythe, de la religion grecque et de la compréhension d’autrui,Revue européenne des sciences sociales, tome 19 (1981), n° 58, Cahiers Vilfredo Pareto, p. 119-123 [republication de l’article « Une approche de la pensée mythique : le mythe considéré comme un langage », paru dans Studia philosophica 26 (1966)]. 20. Sur ce culte, voir X. DE SCHUTTER, « Le culte d’Apollon Patrôos à Athènes », AC 56 (1987), p. 103-129 et Ch. W. HEDRICK, « The Temple and Cult of Apollo Patroos in Athens », AJA 92 (1988), p. 185-210. 21. Ion, 8-36 et 283-288. 22. Sur la localisation du lieu, l’identification du sanctuaire d’Apollon et le rapport avec les Pythaïdes, voir O. BRONEER, « Notes on three Athenian Cult Places », AE (1960), p. 54-67; A.W. PARSONS, « Klepsydia and the Paved Court of the Pythion», Hesperia 12 (1943), p. 191-276; R.E. WYCHERLEY, « The Pythion at Athens », AJA 68 (1963), p. 75-79; A. PLASSART, « Eschyle et le fronton est du temple delphique des Alcméonides », REA (Mélanges G. Radet) 42 (1940), p. 293-299; J. BOUSQUET, « Delphes et les Aglaurides d’Athènes », BCH 88 (1964), p. 655-672. 23. Paus., I, 28, 4, trad. J. POUILLOUX, CUF, 2001 : « Si l’on descend non pas jusqu’au niveau de la ville basse, mais, à peu près en bas des Propylées, il y a une source d’eau vive et, auprès, un sanctuaire d’Apollon dans une grotte. C’est là, pense-t-on, que Créuse, la fille d’Érechthée, s’unit à Apollon. <…> » 24. Platon, Euthydème, 302c-d; Démosthène, Couronne, 141; Diodore, XVI, 57, 4; Plutarque, Démétrios, 40, 7-8; Aristide, Panathénaïque, 62 (éd. LENZ et BEHR) = 112 (éd. DINDORF); scholie Aristophane, Oiseaux, 1527c (éd. Holwerda [1991]); scholie Platon, Euthydème, 302d (éd. GREENE [1981²]); Harpocration, s.v. ᾿Απόλλων Πατρῷος (éd. BEKKER [1833]); Stéphane de Byzance, s.v ᾿Ιωνία(éd. HOLSTEIN I [1825], p. 227). 25. Ion, 283. Voir en particulier BRONEER, l.c. (n. 22). 26. FD, III, 2, 138 = CID, III; trad. LE GUEN, Technites, I, n° 9, strophe V : « (…) et c’est pourquoi, depuis lors, nous invoquons Péan, nous, le peuple autochtone et la grande, la sainte (troupe) de Bacchus frappée de son thyrse, qui habite la cité de Cécrops. » 27. FD III, 2, 48, trad. LE GUEN, Technites, I, n° 14, l. 13-14 : κεχαρισμέναις δὲ καὶ ἀειμνήστοις χάρισιν τιμήσαντες τὸ[ν π]ατρῶιον [᾿Α]πόλλω, δι´ ὧν τὸν μὲν ἀρχηγὸν τῆς εὐσεβείας [δῆ]|μον η[ὔ]ξησαν ὅσον ἐφ´ ἑαυτοῖς, τῶι δὲ θεῶι ἀπένειμαν τιμὰς διὰ [τ]ῶν ἰδίων ἐπι(τ)

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[ηδε]υμάτων (…); « honorant Apollon Patrôos de marques de reconnaissance charmantes et inoubliables, par le biais desquelles ils ont évoqué le souvenir de l’archégète de la piété autant qu’il leur était possible, tout en offrant au dieu des honneurs en recourant à leurs propres spécialités… » 28. Sur l’histoire de la cité à l’époque, on peut consulter à présent la traduction française de la synthèse de Ch. HABICHT, Athènes hellénistique, Paris, Les Belles Lettres, 2000. Pour la situation de la cité au milieu du IIe av. J.-C., cf. p. 243-270 en particulier. 29. Sur la querelle, voir la synthèse de LE GUEN, Technites, vol. I, p. 98-113 et vol. II, p. 102-104. 30. Cf. HABICHT, o.c. (n. 28), p. 271-289. 31. Cf. HABICHT, o.c. (n. 28), p. 232-233 pour une présentation rapide; voir aussi, Ch. HABICHT, « The Role of Athens in the Reorganization of the Delphic Amphictiony », Hesperia 56 (1987), p. 59-71. Voir encore É. PERRIN-SAMINADAYAR, « Les succès de la diplomatie athénienne de 229 à 168 av. J.- C. », REG 112 (1999), p. 444-462, en particulier p. 461. 32. L’analyse détaillée du contenu idéologique de la fête constitue une partie du second chapitre de mon travail de thèse, « La cité en représentation » : en particulier I.1.2. La composition du cortège et l’harmonie politique; I.1.3. Les hymnes à Apollon : la légende attique; I.2.2. Patrimoine et puissance : « les thèmes de la propagande athénienne ». 33. Voir à présent Fr. LEFÈVRE, CID IV, Documents amphictioniques, 2002, n° 117. 34. La comparaison est menée dans le détail par G. COLIN, BCH 24 (1900), p. 105-119. 35. É. PERRIN-SAMINADAYAR, Les acteurs de la vie culturelle à Athènes de 229 à 88 av. J.-C., thèse soutenue à Toulouse, 1996 (à paraître chez De Boccard). Du même auteur : « Héracleidès le Crétois à Athènes : les plaisirs du tourisme culturel », REG 107 (1994), p. 192-202 et « Propagande et culture théâtrales à Athènes à l’époque hellénistique », in LE GUEN, De la scène aux gradins, Pallas 47 (1997), p. 201-218. 36. FD III, 2, 49, l. 2-3 (= LE GUEN, Technites, I, n° 13) : les quelques lignes encore lisibles du décret de 106/5 sont quasi identiques à celles du décret de 98/7, FD III, 2, 48, l. 5 (= LE GUEN, Technites, I, 14 ) : διὰ τὸ πρώτους αὐτοὺς εὐ<ε>ρ<γ>ετὰς γεγονέναι πάσ[ας] παιδείας καὶ σκανικῶν ἀγώνων κτιτά[ς …, « pour avoir été les premiers à inventer toute forme de civilisation et à avoir fondé les concours scéniques ». 37. Sur les figures d’Apollon, cf. la synthèse deJ. CARLIER, s.v. « Apollon », in Y. BONNEFOY, Dictionnaire de mythologies et des religions des sociétés traditionnelles et du monde antique, Paris, Flammarion, 1981; M. DETIENNE, Apollon le couteau à la main. Une approche expérimentale du polythéisme grec, Paris, Gallimard, 1998. 38. Sur la mise en question de la notion contemporaine de « rite », cf. Cl. CALAME, l.c. (n. 1). 39. En 128/7, tripodophorie (FD III, 2, 33 : conducteur du char portant le trépied, ᾿Αλκίδαμος ᾿Ευφάνου (Εὐωνυμεὺς) ᾿Ερεχθηίδος; LGPN 8/11); en 106/5, pyrphorie (FD III, 2, 13); en 98/7, tripodophorie et pyrphorie (FD III, 2, 32 : chargé du trépied sacré et de la pyrphoros, ᾿Αμφικράτης ᾿Επιστράτου (Περιθοίδης); LGPN 9/5). En 128/7 et 98/7, les conducteurs du char portant le trépied sacré sont des personnages importants. La prêtresse chargée du feu sacré n’est connue par son nom qu’en 106/5. L’association des deux rites n’est manifeste qu’en 98/7, mais l’ensemble des commentateurs estiment qu’elle était effective dans toutes les cérémonies. Pour la pyrphorie, voir DAUX, o.c. (n. 5), p. 718-721 et L. ROBERT, REG 79 (1966), p. 747-748. 40. Les Pythaïdes en effet étaient envoyées entre le milieu du mois Élaphébolion (mars-avril) et le milieu du mois Mounichion (avril-mai), qui précède le mois de Thargélion au début duquel prenaient place les cérémonies des Thargélies, l’une des grandes fêtes civiques en l’honneur d’Apollon. Sur les questions du calendrier, voir COLIN, o.c. (n. 5), p. 171; BOËTHIUS, o.c. (n. 5), p. 15-20, repris par DAUX, o.c. (n. 5), p. 528-529. Voir en dernier lieu F. SOKOLOWSKI, « En marge d’un décret honorant les éphèbes », BCH 60 (1936), p. 386-388 (cf. J. et L. ROBERT, Bull. 38, 88).

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41. Édition de référence : Agora 15, 240. Editio princeps : B.D. MERITT, Hesperia 17 (1948), p. 17-22, n° 9. Notes et corrections : J. et L. ROBERT, Bull. 49, 45; K. STANLEY, AJPh 82 (1961), p. 425-427, contra B.D. MERITT, AJPh 84 (1963), p. 419-420 (cf. SEG 21, 464). 42. Sur l’eirèsionè et la fête des Pyanepsies en général : L. DEUBNER, Attische Feste, Hildesheim, 1966² [Berlin, 1932], p. 198-201; H.W. PARKE, Festivals of the Athenians, Londres, 1977, p. 75-77; N. ROBERTSON, « The Ritual Background of the Erysichthon Story », AJPh 105 (1984), p. 387-395, Cl. CALAME, Thésée et l’imaginaire athénien, Lausanne, 1990, p. 126-127, 150-153 et surtout p. 291-323. 43. Édition de référence : F. SOKOLOWSKI, Lois sacrées des cités grecques, Supplément, Paris, 1962, n° 14 (cf. SEG 21, 469). Editio princeps : W. PEEK, MDAI(A) 66 (1941), p. 181-195, n° 2. Notes et corrections : J. et L. ROBERT, Bull. 42, 30 (très critique sur l’édition de PEEK); A. WILHELM, Sitzb. A. Wien 224 (1947), p. 27-53 (cf. Bull. 48, 52); traduction proposée par J.D. MIKALSON, Religion in Hellenistic Athens, Berkeley, 1998, p. 272-273. 44. Pour ce parallèle entre le feu ramené de Delphes et les Thargélies, cf. R. PARKER, Miasma, Pollution and Purification in Early Greek Religion, Oxford, 1988, p. 26 et SIG 3 711, n. 8. Sur les Thargélies en général : DEUBNER, o.c. (n. 42), p. 179-198; PARKE, o.c. (n. 42), p. 146-149. Le premier jour, le 6 Thargélion, reposait sur le rite purificatoire de l’expulsion des pharmakoi, tandis que le 7, le thargélos, bouillie des premiers produits de la terre, était offert à Apollon. 45. FD III, 2, n° 5, 6 et 13. 46. Sur les exégètes, voir F. JACOBY, Atthis, The Local Chronicles of Ancient Athens, Oxford, 1949, p. 8-51 et J.H. OLIVER, The Athenian Expounders of the Sacred and Ancestral Law, Baltimore, 1950; J. DEFRADAS, Les thèmes de la propagande delphique, Paris, 1954, p. 205-208. 47. Schol. Aristophane, Ploutos, 1054f (éd. M. CHANTRY 4a [1994], p. 171). 48. BÉLIS, l.c. (n. 10), p. 110. 49. Voir supra le tableau récapitulatif des sources. 50. P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque,s.v.ἤμερος. 51. L.c. (n. 17). 52. Sur la notion de souillure, l’ouvrage de référence est PARKER, o.c. (n. 44). Voir également J. RUDHARDT, Notions fondamentales de la pensée religieuse et actes constitutifs du culte dans la Grèce classique, Genève, 1958, p. 46-52 et 163-175. 53. CHANTRAINE, o.c. (n. 50), s.v.Φοῖβος. 54. CHANTRAINE, o.c. (n. 50), s.v. Παιάν. Voir aussi CARLIER, l.c. (n. 37). 55. Cette constatation est très proche de celle que J. RUDHARDT faisait à propos de la réactualisation du « mythe » des origines à Athènes au Ve siècle, l.c. (n. 19). À propos de la version proposée par Euripide dans l’Ion, il conclut de la façon suivante : « Ce que l’invention d’Euripide doit signifier concerne le principe religieux de la cité que de tels mythes symbolisent et avec lesquels les cultes célébrés près des Hautes-Roches renouvellent périodiquement le contact. (…) Dès lors sa signification se laisse entrevoir : il (le mythe) exprime la conviction que la conduite d’Athènes dans le contexte politique momentané est conforme à sa vocation religieuse permanente. Loin donc d’indiquer la moindre dévalorisation du mythe, l’invention mythologique en atteste la vitalité et la modification d’un mythe, loin d’indiquer une rupture avec le passé, atteste le souci de se situer à l’égard de ce passé dans une exacte continuité. (…) Dans une situation historique constamment mouvante, la modification du mythe réadapte le signifié- signifiant, devenu inadéquat, à l’expression d’un signifié ultime permanent. » Et plus loin : « Nous constatons que le mythe, tel que les Grecs le comprennent et l’utilisent, se propose à la pensée religieuse comme le moyen d’accomplir une certaine expérience du divin et de la communiquer, sans enfermer la réalité qui en est l’objet dans une définition nécessairement inadéquate, sans tomber jamais dans le dogmatisme. C’est pourquoi nous nous demandons si ce n’est pas un mérite méconnu de la culture grecque que d’avoir conservé l’usage de la pensée mythique, après avoir acquis celui de la pensée logique et conceptuelle. » La convergence de l’analyse, à propos

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des mêmes récits mais pour des périodes différentes, souligne que l’on ne doit pas négliger la période hellénistique quand on traite de la piété et du sentiment religieux des Grecs. 56. Cf. CALAME, o.c. (n. 1), p. 42. 57. Diodore, I, 4, 5. 58. FD III, 2, 48, l. 12, 21 (= LE GUEN, Technites, I, 14 ). 59. CID III, p. 141-142. 60. É. PERRIN-SAMINADAYAR, « Propagande et culture théâtrales à Athènes à l’époque hellénistique », in B. LE GUEN, De la scène aux gradins, Pallas 47 (1997), p. 201-218. 61. Sur le temple d’Apollon Patrôos situé sur l’agora, entre le métrôon et le portique de Zeus, voir H.A. THOMPSON, « Buildings on the West Side of the Agora », Hesperia 6 (1937) p. 77-115 et H.A. THOMPSON, R.E. WYCHERLEY, The Athenian Agora, vol XIV, The Agora of Athens. The History, Shape and Uses of an Ancient City Center, Princeton, 1972, p. 136-140. Voir aussi DESCHUTTER, l.c. (n. 20) et HEDRICK, l.c. (n. 20). Le sanctuaire, sans doute archaïque, a reçu de nouvelles constructions au IVe siècle, probablement sous l’administration de Lycurgue. Pausanias, I, 3, 4, décrit le temple et les trois statues qui le précédaient : l’une de Calamis (Ve), une autre d’Euphranor et de Léocharès (milieu IVe). On a retrouvé également deux omphaloi à proximité. Cela souligne le lien entre le Patrôos et le Pythios. Il faut probablement mettre en relation la restauration du IVe avec l’envoi des Pythaïdes à l’époque. Il s’agissait de théories bien plus modestes quant au nombre des participants, mais pas quant à leur qualité, puisqu’on en connaît une à laquelle Lycurgue et Démade ont participé. Sur les théories du IVe siècle, voir DAUX, o.c. (n. 5), p. 528-531. Le sanctuaire de l’agora est donc encore en activité à l’époque de Pausanias, même si nous ne connaissons aucune source de la période hellénistique et presque rien à la période romaine. On lit l’inscription du siège du prêtre d’Apollon Patrôos au théâtre de Dionysos, IG II², 5061; on connaît quelques prêtres du dieu (notamment dans la famille d’Hérode Atticus, IG II², 3530, qui s’est illustrée dans la Pythaïde et dans la Dodécaïde qui la remplace sous Auguste : voir le stemma proposé par W. AMELING, Herodes Atticus II, Hildesheim, 1983, p. 232 et Ch. SETTIPANI, Continuité gentilice et continuité familiale dans les familles sénatoriales romaines à l’époque impériale. Mythe et réalité, Prosopographia et Genealogica, Oxford, 2000, p. 468-490). 62. FD III, 2, 47, l. 5-6 (= LE GUEN, Technites, I, 10). 63. CHANTRAINE, o.c. (n. 50), s.v. οἶδα. 64. Pour un aperçu rapide, voir la synthèse de DAUX, o.c. (n. 5), p. 551-554. 65. Philochore, 328 F 75 (éd. JACOBY). 66. Sur ces envoyés et la participation de la Tétrapole à la Pythaïde, voir K. KARILA-COHEN, « Les pythaïstes athéniens et leurs familles : l’apport de la prosopographie à la connaissance de la religion à Athènes au IIe siècle avant notre ère », in Fr. PRÉVOT, M.-Fr. BASLEZ (éds.), Prosopographie et histoire religieuse. Mondes orientaux, gréco-romain et chrétien, Actes du colloque tenu à Paris XII- Val de Marne, 27-28 octobre 2000, sous presse chez De Boccard.

RÉSUMÉS

La Pythaïde est une théorie athénienne envoyée de façon irrégulière à Delphes pour honorer Apollon Pythien. On connaît surtout les quatre théories grandioses envoyées de 138/7 à 98/7, après une longue interruption. La Pythaïde est l’occasion pour les Athéniens de mettre en scène dans le sanctuaire de Delphes l’image qu’ils se font de leur cité, notamment par l’intermédiaire

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d’un nouvel assemblage de récits « mythiques » mêlant la légende apollinienne et les origines autochtones de la cité. Cette réactualisation de récits traditionnels n’est pas un simple message politique, mais dit profondément l’univers religieux de la fête et de la cité à la basse époque hellénistique. En replaçant ces récits dans leur contexte de production et d’énonciation, on peut préciser la définition indigène de ce que appelons le mythe. Cette mise en situation des « mythes » de la Pythaïde montre que ce n’est pas leur nature qui les caractérise, mais bien leur fonction dans le cadre de la cérémonie.

Apollo, Athens and Pythaïs. Pythaïs is an Athenian festival in honour of Apollo in Delphi. It is mostly known through the lists of about a thousand citizens who took part in the four ceremonies of the 2nd and the 1st century B.C., when the Athenians revived the tradition interrupted since the 4th century B.C. of sending a theoria. Pythaïs offers in the Pythian sanctuary a representation of the Athenian city, especially through a new composition of old “myths” dealing with Apollo and Athenian autochtony. These “myths” cannot be reduced to a political message, but also have a religious purpose. Studying the narrative context helps us to understand the ancient Greek definition of our so called “myth”. The example of Pythaïs shows that this definition depends much less on the nature of this type of narratives than on their function in the ceremony.

AUTEUR

KARINE KARILA-COHEN Crescam – Université de Rennes 2 Département d’Histoire

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Dans le nom, tout n’est-il pas déjà dit ? Histoire et géographie dans les récits généalogiques*

Pierre Brulé

Prolégomènes

À partir du IIIe siècle av. J.-C., les collections de mythes ont connu une vogue. Des auteurs y ont rassemblé des mythes sans autre souci que de les grouper par thèmes. Parmi ces florilèges, les Katasterismes d’Ératosthène de Cyrène et son Astronomie poétique et Hygin avec ses Fabulae (IIe s. ap.). Le plus remarquable travail de ce type qui nous soit parvenu c’est celui dont on a longtemps pensé qu'il nous venait d’Apollodore1 : la Bibliothèque, du Ier siècle ap. J.-C. Il présente par rapport aux autres, cette particularité de lier entre elles des vies, des exploits dont d’autres sources font des morceaux indépendants. Sa forme générale et son fonctionnement obéissent au genre généalogique, si bien que l’auteur a même le souci de lier les lignées entre elles. C’est sur cette particularité généalogique que je fonderai en partie l’étude qui suit. Photios présente l’ouvrage ainsi : « Dans le même volume2, j’ai lu un petit ouvrage d’Apollodore le Grammairien (grammatikos). Il a pour nom Bibliothèque. Il contenait les plus antiques récits des Grecs : tout ce que le temps leur a donné de croyances sur les dieux et les héros, ainsi que les noms des fleuves, des pays, des peuples et des cités (ὀναμασίας τε ποταμῶν καὶ χορῶν καὶ ἐθνῶν καὶ πόλεων), et, de là, tous les faits qui remontent aux époques reculées ». Photios donne en peu de mots une bonne interprétation du fonctionnement de la Bibliothèque, en introduisant le temps comme facteur du façonnement des croyances (doxazein). Prenant dans ce qui suit cette interprétation au pied de la lettre, je vais faire mienne aussi son opinion selon laquelle, dans toute une classe de mythes, c’est à partir des noms (ὅθεν), des noms des choses : fleuves, pays, peuples et cités que les récits des Grecs « remontaient » εἰς τὸ ἀρχαῖον, c’est-à-dire s’en faisaient si ce n’est de l’histoire, au moins du passé. Outre la question du nom et de la signification à accorder à la nomination3, cette différence entre passé et

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histoire, illustrée le plus souvent par le goût, l’intérêt, de cette culture pour la généalogie, sera l’objet de mon attention Pour en revenir à Photios, il est plus qu’anecdotique qu’à son témoignage, l’exemplaire de la Bibliothèque qu’il a tenu entre ses mainsportait une épigramme qui louait l’ouvrage pour l’érudition qui s’y trouvait déployée. C’est à cette érudition, dit-il, que nous devons de connaître les mythes d’autrefois (μύθους γνῶθι παλαιγένας). Le livre parle ainsi : « Regarde-moi, et en moi tu trouveras tout ce que contient le monde (πάνθ᾿ ὅσα κόσμος ἔχει). » Il importerait évidemment de savoir si l’auteur de ce petit poème n’est pas Apollodore lui-même (alors, assez prétentieux), car cela apporterait plus de poids – un témoignage « vivant » – à ce qu’enseigne l’enquête philologique sur la Bibliothèque, à savoir qu’Apollodore n’est pas allé chercher les sources de cette mythographie (on peut s’entendre sur ce mot) dans le stock où s’approvisionnent de préférence les exégètes modernes, à savoir les poètes : Homère, les Hymnes, Hésiode, les Méliques, les Élégiaques, les Tragiques et les Cycliques, mais dans la prose, dans des ouvrages qu’on pourrait baptiser du nom d’« antiquités nationales », comme les Atthidographes : Phérécyde, Hellanicos, et leurs correspondants non attiques comme Acousilaos, comme Andron (cela, il le dit par défaut, mais ses lecteurs savants l’ont déjà relevé)4. Je suis encore plus persuadé de ce que j’écrivais sans originalité il y a dix ans : les choix opérés par l’auteur pour rédiger sa Bibliothèque font de celle-ci l’héritière des chroniques de cité. Outre l’apport de la Quellenforschung5, il y a cette comparaison positive avec le contenu d’un document épigraphique datant du IIIe siècle av. J.-C., le Marbre de Paros; tout cela invite à voir dans la Bibliothèque un document, certes sans prestige littéraire – privé des images et métaphores de la poésie –, mais unique en ce sens qu’il permet de retrouver comment on se racontait le passé, et spécialement les origines, dans les cités, au IVe siècle, et en particulier à Athènes. Il convient d’attacher à cette conclusion une grande valeur historique. Donc, selon Photios, ces mythes (c’est le mot qu’il emploie), partent des noms εἰς τὸ ἀρχαῖον. Le mouvement « à remonte courant » de la pensée, Photios n’en doute pas, part du matériau onomastique vers le passé, un passé indéfini. Il en va en l’occurrence du matériau onomastique comme, par exemple, des tombes mycéniennes qui, devenues pures structures, pures formes, sans raison d’être, sont réinvesties par l’imaginaire et retrouvent une légitimation, une justification par la grâce d’une histoire qui en explique l’origine; l’antériorité énigmatique se fait principe explicatif, et revêt un statut d’autorité : ce sont des tombes héroïques. Cela illustre ce commun comportement de l’esprit humain qui peut partir d’un donné quelconque – d’une colline, d’un fleuve – pour lui associer une histoire où ils figurent, histoire qui justifie son existence et qui offre une possibilité d’interprétation du monde. Ce mécanisme psychique est avéré. Nous n’avons certes aucun moyen de vérifier que ce soit bien cette procédure mentale de l’induction qui fût à l’œuvre dans l’élaboration des récits que nous allons utiliser. Je poserai pourtant le même postulat : le nom constitue très souvent le matériau premier, la fondation indispensable au récit, récit qui, en retour et généralement en conclusion, justifie le nom. De sorte qu’on pourrait dire – en souriant ! – que si on devait casser notre beau jouet en nous disant que non, décidément, le mythe, ça n’existe pas – il faudrait inventer une catégorie pour ces histoires grecques qui naissaient d’un nom et le justifiaient !

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Apparitions successives d’une Nymphe. Un nom qui nous rappelle quelque chose…

Zeus confie son désir à Héra « Je n’ai jamais ressenti ça… Aucune, ni déesse ni femme » ne m’a fait cet effet; et Zeus y va de son palmarès de ses amantes ainsi supplantées : « ni Dia, ni Danaé, ni Sémélé, ni Alcmène, ni Déméter, ni Léto ». De ce catalogue des femmes que Zeus dit avoir aimées, mais qui ne valent pas Héra, j’en isole une : « la fille de l’illustre Phoïnix, qui [lui] donna pour fils Minos et Rhadamanthe, égal aux dieux » (Iliade XIV, 321)6. L’aède ne donne pas son nom, mais cette fille de Phoïnix est connue, c’est Eurôpè7. Eurôpè, donc, comme une des séductrices de Zeus8. C’est curieux, non ? Que cette aimée de Zeus porte le même nom que notre pseudo- continent. Coïncidence homonymique ? On n’y croit pas. On imagine tout de suite qu’il y a emprunt d’un domaine à l’autre. Que le mythe (c’est-à-dire la liaison Zeus – Nymphe) emprunte à la géographie ou l’inverse, que le nom d’une des amantes joviennes a servi ensuite à désigner une terre. Mais qu’est-ce que ça veut dire, ensuite ? Comment construire de tels rapports chronologiques ? Et puis, si c’était vérifiable, comment, alors, serait-ce devenu « notre » nom, celui qui était déjà utilisé certainement au VIe siècle, mais très probablement avant, pour désigner un continent ? Comment prendre l’alternative : faut-il penser qu’il n’est de terre qu’ayant un nom, et qu’un nom existe en même temps qu’existe la terre, faut-il penser que ce nom fût d’ abord celui d’une jeune fille avant qu’on appelle cette terre-ci d’après elle ou qu’une jeune fille prend le nom d’une terre (déjà là) parce que son histoire lui est liée. Dans les récits qui nous viennent des Grecs en tout cas, quand un personnage (homme ou, plus souvent, femme) apparaît dans une histoire, avec des ascendants et des descendants, quand ce personnage voyage, qu’il porte un certain nom, agissant, ou simplement étant, cela suffit à baptiser le lieu où il se trouve ou s’installe. C’est ce versant de l’alternative qui se conforme à la plus constante procédure étymologique grecque, et qui rend compte aussi du constant fonctionnement des mythes. C’est précisément ce qu’en dit un spécialiste quand il s’agit d’Europe, Moschos.

Un rapt érotique comme déclencheur

Des noms : la Nymphe et les épires

Chez Moschos (L’enlèvement d’Europe, IIe av. J.-C.), dans le songe, prémonitoire bien sûr, qu’envoie Aphrodite à la parthénos, Eurôpè découvre deux terres (deux « épires », deux « continents ») : « la terre d’Asie (où elle se trouve) et la terre d’en face » (Asida t’antiperèn te). Une èpeiros existe donc d’emblée, qui a un nom. Anticipant sur la suite, on dira que l’Europe vient d’Asie. Dans le songe d’Eurôpè, l’autre, l’ antiperan, est anonyme, donc elle n’existe pas. Il est dans la logique narrative qu’Eurôpè – plus exactement, son nom –, soit « en réserve » de l’explication étymologique à venir. Ces terres se disputent Eurôpè elle-même (v. 8). « L’une a une xeniè morphè », l’autre est une femme du pays qui prenait bien soin d’elle. Mais celle aux traits d’étrangère, la saisissait vivement pour l’emporter en disant que c’est « la volonté de Zeus…, [qu’]il a décidé qu’Eurôpè lui appartiendrait » (v. 14-15). L’Europe, c’est donc bien une terre détachée de l’Asie. L’Asie est antérieure à l’Europe, qui existe par la volonté de Zeus, c’est une articulation chronologique. Le songe s’accomplit. Enlevée par Zeus, Eurôpè

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abordera cette curieuse èpeiros d’en face qu’est la Crète; on ne sache pas que jamais elle lui ait donné son nom, ce qui ne se conforme pas aux règles habituelles de ces récits : l’éponymie du nom de la Nymphe qui explique, par exemple, le nom de Cyrène9. Toutefois, la geste d’Eurôpè ne s’arrête pas là. Mais, n’est-ce pas là qu’une reconstruction « mythologique » ? Je veux dire par là simplement : ce récit ne cherche-t-il pas une réponse à une question qui n’en a pas ? Se demander pourquoi Rennes s’appelle Rennes. C’est de la métaphysique, ça ! Pourquoi Héra s’appelle-t-elle Héra et l’Europe, Europe ? La matière même des textes, d’ailleurs, nous dissuaderait de poser ainsi la question (de la Nymphe donnant son nom à un lieu, auparavant sans nom). Nous sommes en effet certains qu’en cette occurrence au moins l’hypothèse est fausse. On ne peut pas dire dans ce cas qu’un nom de personnage divin ou mythologique « préexistant » ait servi ensuite à désigner un continent. En effet, dans l’Iliade,l’amante anonyme du dieu est dite « fille de Phoïnix » (Phoinikos kourè) (Moschos est plus précis : Phoinikos thugater eti parthénos). Cela permet de l’identifier à coup sûr; en effet, entre les deux Phoïnix connus, on ne peut hésiter : le père de la partenaire sexuelle de Zeus n’est pas le précepteur d’Achille, c’est l’éponyme des Phéniciens et/ou de la Phénicie. Europe est donc fille d’un lieu ou d’un peuple. Dans la conception grecque des récits généalogiques qui fabriquent de l’espace et du temps (infra), le nom est d’emblée géographique, même s’il désigne aussi une amante d’un dieu. Ce qui donc est premier, c’est le lieu (ou le peuple), tout en tenant compte du fait que la princeps désignation – au sens transparent – nous donne un nom de jeune fille. Simplement un nom. Voyons-le un peu.

Son nom10

Pas question pour moi d’entrer dans une controverse à propos de l’hypothèse d’une étymologie sémitique, je n’en suis pas capable et, même si le fait devait être avéré, ce qui m’intéresse, c’est la réception du mot non sa préhistoire11. Eurôpè, c’est le même nom – accentué sur l’antépénultième – que celui que, dès l’Hymne à Apollon (251 et 291), on donne à l’épire grecque (ce qui la distingue des îles et du Péloponnèse)12, c’est celui qu’utilise fin VIe siècle Hécatée de Milet dans sa Périégèse reconstituée essentiellement à partir des citations de Stéphane de Byzance. C’est un nom de lieu au nord du golfe de Corinthe (Eurôp- ou Europ-). En Macédoine c’est le nom de deux villes, dans le Pénée, une ville et une rivière13. Ce nom apparaît d’abord comme « normal », même s’il n’est pas très attesté. Le premier élément, eur-, de eurus : ‘large’, ‘vaste’, entre en composition dans des noms de personne (Euryalos; Euryptolémos) ou de lieu (Eurymédon); second élément, ôps, -ôpos ‘œil’, ‘vue’, d’où ‘visage’, d’où ‘large visage’, ‘beau visage’. Ce composé apparaît dans des adjectifs (kèkrôpè), et est fréquent dans les toponymes (Sinôpè, Parthenopè…). Le problème, c’est que la disparition du u ne s’explique pas. Il y a doute, et c’est ce qui incite P. Chantraine à proposer de considérer comme indépendants l’un de l’autre le nom de la Nymphe et celui du continent, se demandant si ce dernier « n’est pas issu de l’adj. eurôpós »14, accentué sur la finale. Il donne à cet autre dérivé d’eurus le sens de ‘large’, renvoyant à Euripide. Or, si cet autre eurôpós apparaît bien chez le Tragique, et aussi chez Oppien et Hésychios, son sens en ces occurrences nous met sur une autre voie. Hésychios donne comme synonyme skoteinos : ‘obscurité’; dans l’Iphigénie en Tauride (625-6) comme dans Les halieutiques (III 18 s.), le

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contexte de son emploi renvoie aussi à cette idée d’obscurité; et l’on voit bien comment on passerait de cette obscurité à ‘vespéral’ et de ‘vespéral’ à ‘occident’ et de là à une terre15. Là où l’on retrouverait la cosmographie… C’est une époque très ancienne que celle où fut chantée d’abord cette tromperie de Zeus16 – Apatè Dios – où le nom d’Eurôpè apparaît pour la première fois, une Europe fille d’un Asiatique, selon nos catégories géographiques ! Mais tout le monde ne partage pas cette généalogie. Passant du premier texte à son suivant, d’Homère à Hésiode, le contexte est tout autre. Dans sa Théogonie, Eurôpè figure au sein de la profuse descendance d’Océan et Téthys (357 sq.). De ce couple prolifique sont issus des principes masculins : – les Fleuves « à l’onde tourbillonnante », cela va de Nil à Scamandre17; – puis féminins : tout un inventaire de Nymphes, de déesses, d’héroïnes : Ouranie, Dionè l’adorable, Calypso, la très désirable, mais aussi Asiè, et notre Eurôpè, et… « trois mille Océanides aux fines chevilles, peuplent des lieux nombreux, brillantes enfants des déesses, éparpillées sur terre et au fond de l’onde marine » (361-365). Voilà donc sœurs nos deux éponymes continentales. Par ailleurs, dans son Catalogue des femmes, qui nous est parvenu en lambeaux, dans une des guenilles citée par une scholie, le même Hésiode évoque notre Nymphe – cette fois, « en situation » : « Zeus, voyant Eurôpè fille de Phoïnix, cueillant des fleurs dans la prairie avec des Nymphes, fut saisi d’amour. Il descendit et se changea en taureau dont la bouche exhalait une odeur de safran. C’est ainsi qu’il trompa Eurôpè et l’emporta en Crète et s’unit à elle. Ainsi, ensuite, il la donna en mariage à Astérion, roi des Crétois. Devenue grosse, elle enfanta trois fils, Minos, Sarpédon et Rhadamanthe. Cette histoire se trouve chez Hésiode et Bacchylide » 18. Retournons donc sur la rive phénicienne pour cet épisode du rapt qu’on ne peut passer sous silence.

Enfants, voici les bœufs qui passent, cachez vos rouges tabliers…

Comment passer vite sur ce qui, dans cette histoire, relève du « comment ? », il y a tant à dire, aussi vais-je citer longuement Moschos. La scène se passe à Tyr19 ou à Sidon20. La princesse, thygater eti parthenos, s’est levée après avoir fait le rêve signifiant rapporté plus haut21. Elle alla chercher ses compagnes nobles filles de son âge, nées la même année qu’elle, qui plaisaient à son cœur et étaient associées à tous ses jeux, qu’elle se préparât pour un chœur de danse, qu’elle lavât son corps à l’embouchure des rivières, où qu’elle cueillît dans la prairie les lys à l’haleine parfumée… Elles gagnèrent les prairies voisines de la mer, qui étaient le lieu de réunion habituel de leur troupe, charmée par la beauté des roses et par le bruit des flots. Eurôpè elle- même portait une corbeille d’or magnifique, admirable merveille, admirable travail d’Héphaïstos; il l’avait donnée à Libyè, quand elle était entrée dans le lit d’Ennosigaios; Libyè l’avait donnée à la toute belle Tèléphassa, qui était de son sang; et Tèléphassa avait remis ce superbe présent à Eurôpè non mariée22. Arrivées dans les prés fleuris, les jeunes filles se divertissaient à chercher chacune telle ou telle sorte de fleur; l’une prenait le narcisse odorant, l’autre l’hyacinthe, celle-ci la violette, celle-là le serpolet… Elles coupaient ensuite, luttant à qui en couperait le plus, les touffes parfumées du jaune safran. Mais la princesse, cueillant à pleines mains (?) les roses resplendissantes à la couleur de flamme attirait parmi elles les regards comme parmi les Charites la déesse née de l’écume. Elle ne devait pas longtemps prendre plaisir à des fleurs, ni conserver intacte sa ceinture virginale

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(parthenièn mitrèn achranton). Aussitôt que le fils de Cronos l’eut aperçue, de quel vertige saisi il fut dompté par les traits imprévus de Kypris, seule capable de dompter Zeus lui-même !… [Il se transforme en taureau.] Il vint dans la prairie, et son apparition n’effraya point les jeunes filles; toutes furent prises du désir de s’approcher, de toucher le joli animal, dont la divine odeur, se répandant au loin, dominait même le souffle embaumé de la prée. Il s’arrêta en face de l’irréprochable Eurôpè; il lui lécha le cou et la jeune fille fut sous le charme. Elle le flatta… lui donna un baiser. Lui, poussa un tendre mugissement, on aurait cru entendre résonner la flûte mygdonienne. Il s’agenouilla aux pieds d’Eurôpè… « Venez, chères compagnes, … asseyons-nous sur ce taureau… Elle dit, et elle s’assit sur le dos du taureau, souriante; et les autres filles allaient en faire autant; mais il se releva d’un bond, enlevant celle qu’il voulait, et gagna rapidement la mer… Le taureau parvint au rivage et poursuivit sa course, comme un dauphin, marchant sans mouiller ses sabots sur la vaste étendue des vagues23… Déjà apparaissait la Crète; par un nouveau changement, Zeus reprenait sa figure; il délia la ceinture d’Eurôpè; les Heures lui préparaient sa couche; elle, qui était vierge auparavant, sans tarder devint la nymphe de Zeus, sans tarder conçut des enfants du fils de Cronos et devint mère (?). On dira que ce poète affectionne de peindre les décors champêtres, les ébats de la jeunesse, spécialement les vierges, qu’il ne manque pas d’imagination, on lui reconnaîtra un goût pour un cadre topographique et végétal original : une prairie au bord de la mer, jusqu’à un univers olfactif précis et défini… Désolé, pour lui et pour d’autres, mais, pour qui a fréquenté les jeunes filles avec leurs fleurs dans la littérature grecque, rien de tout cela n’est original. Des vierges batifolant dans des prairies, cueillant des fleurs, complexe qui, par la grâce d’Aphrodite, a pour effet de voir apparaître un masculin-rapteur – ici, bovin –, cela touche à la rengaine24. Au palmarès de ces enlèvements, la figure la plus remarquable, c’est celle de Korè25. Elle « ‘joue’ avec les jeunes Océanides à l’ample poitrine (selon Hésiode, Eurôpè en est une) et ‘cueille des fleurs’26, des roses, du safran et des violettes, ‘dans une tendre prairie’, – des iris, des jacinthes et aussi le narcisse, qui brille d’un éclat merveilleux. Elle étend ses deux bras pour le saisir, « mais la terre aux vastes chemins s’ouvre dans la plaine nysienne, et il en surgit, avec ses chevaux immortels, le « Seigneur de tant d’hôtes », Hadès. « Il l’enlève et l’entraîne malgré sa résistance tout en pleurs sur son char d’or. » Que je te cueille, que je te vois, que je t’enlève… Un leitmotiv, une image mentale qui s’impose à tous pour dire à la fois qu’il y a une jeune vierge désirable et un désir, humain ou, plus souvent, surhumain. On inverse les priorités. Dans le fonctionnement du récit, la vierge n’est là que pour que se manifeste le désir masculin (car c’est la suite qui compte); dans la chair du récit, on ne parle que d’elle, le désir masculin est second (non secondaire). Comme les autres, Eurôpè est fille de son père, fille de roi ou de dieu. Elle est pubère et vierge, non-mariée (anymphôi). Belle, donc désirable27. Pour mieux sertir ces filles il faut un écrin. C’est le chœur : « toutes de même âge », « ses amies28, les cinquante Océanides à l’ample poitrine ». Si Nausicaa, c’est Artémis au milieu de ses compagnes, Eurôpè c’est Aphrodite au milieu des Charites. Dans ce monde aride de la Méditerranée orientale, elles jouent dans une prairie au bord d’un cours d’eau ou de la mer, ou les deux29. Elles cueillent des fleurs. C’est une anthologie. On aurait tort de se laisser guider par nos appréciations et de n’y voir qu’une occupation insignifiante. Elles ne cueillent pas n’importe quoi. Toujours reviennent les mêmes fleurs. Au palmarès l’emportent la rose, le safran (ou crocus), la violette. Tout débutant botaniste y remarque la fréquence des liliacées monocotylédones (crocus, jacinthe, narcisse, iris).

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Miroirs de la beauté des filles, ces fleurs parlent d’elles, encore. Mais n’allons pas trop loin dans cette direction de préciosité : quel rapport avec le surgissement du désir masculin ? Le parfum est indispensable à l’érotique grecque. Rose et safran sont les principales fragrances aphrodisiaques des Grecs. Le bovin lui-même emprunte à ce pouvoir, et c’est ce qui séduit la demoiselle… On racontait qu’Eurôpè « avait été saisie de folie (emanè), fut prise d’un amour violent (pany erôtikôs) à cause des roses que sentait le taureau qui l’enleva. D’autres ont dit qu’il exhalait par les naseaux une odeur de safran »30. L’exégète moderne joue sur du velours avec cette figure grecque du rapt érotique, à la signature structurale si claire. Mais il reste encore beaucoup à éclairer. Cette histoire d’Eurôpè est traversée par d’autres thématiques.

D’histoire en géographie

Un passage du récit de Moschos n’a pas reçu de commentaire. Le talaros (une des nombreuses ‘corbeilles’ des Grecs…) dans lequel Eurôpè dépose ses fleurs a été fabriqué par Héphaïstos, qui « l’avait donné à Libyè, quand elle était entrée dans le lit d’Ennosigaios; Libyè l’avait donné à la toute belle Tèléphassa, qui était de son sang; et Tèléphassa avait remis ce superbe présent à Eurôpè non mariée ». Ce talaros suit un parcours qui va de Poséidon (Ennosigaios) à Rhadamanthe, se mariant correctement à la généalogie et conforme aux indications que donne la Bibliothèque (qui s’y connaît). Comme nous l’avons dit, Libyè eut de Poséidon deux fils, Bèlos et Agènor. Bèlos régna sur les Égyptiens et engendra les fils dont il a été question plus haut. Agènor, parti en Phénicie, épouse Tèléphassa et engendre une fille, Eurôpè31, et des fils, Cadmos, Phoïnix et Kilix.… Zeus, saisi d’amour pour elle, prit la forme d’un aimable taureau à l’haleine de rose et, lorsqu’elle fut montée sur son dos, il l’emporta en Crète à travers la mer. Là, Zeus s’unit à elle et elle enfanta Minos, Sarpédon et Rhadamanthe… (III, 2). Cela donne la généalogie suivante :

La Bibliothèque glisse en outre ceci : « Certains auteurs, toutefois, disent qu’Eurôpè n’est pas fille d’Agènor, mais de Phoïnix ». Nous en connaissons au moins deux de ces auteurs, ce sont Homère et Hésiode ! C’est chez eux d’abord que nous avons rencontré cette parthénos,comme fille de Phoïnix. Et ce n’est certes pas la même chose qu’Eurôpè soit fille de l’un ou de l’autre, faisant de la Nymphe selon le cas une Asiatique ou une Africaine et de l’Europe une èpeiros d’origine phénicienne ou libyenne.

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Chemin faisant, nous venons donc de découvrir un troisième nom géographique : à la Phénicie et à l’Europe s’est ajoutée la Libye. On ne trouve pas trace dans la Bibliothèque d’un détail fondamental la concernant et que l’auteur aurait pu puiser au moins chez Hérodote : « La Libye..., disent la plupart des Grecs, serait ainsi dénommée d’après Libyè, une femme autochthone; l’Asie aurait pour éponyme la femme de Prométhée » (IV, 45). Ce n’est pas le premier cas de ces femmes qui donnent leur nom à une terre et qui sont « du pays » : il y avait déjà celle, si gentille, qui figurait la terre d’Asie qui prenait bien soin d’elle. Contrairement à ce que la masse des études sur l’autochothonie, trop focalisée sur le cas athénien, laisse supposer, l’ancêtre autochthone (au moins l’un d’eux) est souvent féminin32. Ce qui motive mon recours à la Bibliothèque, c’est que j’y puise la matière pour compléter cette généalogie en morceaux. C’est qu’à la manière des stratégies tout humaines de la dation des noms dans une famille, on voit combien, dans nos textes, la distribution des noms revêt une valeur hautement symbolique, comme elle invite à faire de l’histoire et de la géographie. Les questions ne manquent pas. Que fait Eurôpè en Phénicie ? Pourquoi la Crète comme but du voyage de noces ? Comment prendre cette île pour un continent ? Que signifient ces régions – l’Europe, l’Asie, la Libye – pour les Grecs à l’époque de telle ou telle source ? Peut-on donner sens à l’identité d’Eurôpè : fille de Phoïnix, lui-même fils de Libyè ? Chercher des réponses à ces questions, c’est quitter le mythème du conte bleu, la mise en scène obligée des jeunes filles en fleurs au bord de l’eau pour tenter de s’approcher de l’Eurôpè que nous connaissons, c’est-à-dire de l’Europe. Avec cette question du père de la fille et du père du père de la fille, c’est de celle de la reproduction, de la dation des noms, du mariage, des errances donc de l’espace, enfin de celle du temps dont on va parler. Dans son cartésianisme « naturel », l’historien moderne distingue inévitablement le temps de l’espace, deux concepts que, dans ces récits généalogiques, les Grecs ont intimement mariés. En même temps qu’ils évoquent des régions du monde, ces récits répondent aux mêmes questions : qui succède à qui ou qui engendre qui et comment ? Qui est en famille avec qui, de qui descend celui-ci ? Un commun savoir comme en manient avec dextérité les sociétés paysannes, où tout un chacun connaît la situation de telle ou telle héritière. De sorte que le locuteur n’a même pas besoin de dire d’où il prend le renseignement ni – parlant d’un maillon quelconque de la chaîne généalogique – de rappeler ce qui précède et ce qui suit.

Le temps

Enchaînant chronologiquement les générations, ces récits fabriquent du temps et cette « fabrication » revêt des aspects à la fois « archaïques » et « modernes ». Archaïque, cette façon de mêler fiction et réel. Un exemple parallèle bien connu est fourni par une fameuse inscription d’Halicarnasse malheureusement perdue33. On sait qu’il s’agit d’une liste énumérant chronologiquement des prêtres de Poséidon Isthmios, elle-même copie d’un document plus ancien (ek tès archaias stèlès) qui se présente en deux colonnes, la seconde étant contemporaine de la regravure que R. Descat date du IIIe siècle34. Les noms des prêtres sont répertoriés à partir du fondateur (apo tès ktiseôs) qui venait de Trézène (l. 6) et qui, d’après ce document35, n’est autre que Télamon le fils de Poséidon. Sans doute viagère, la prêtrise appartient à la catégorie des prêtrises kata

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genos (l. 4), et le nom de chaque prêtre est suivi de son patronyme avec, en regard, le nombre d’années que dura sa prêtrise. La liste commence ainsi (A, 1-5) : [Poséidon] – Télamon fils de Poséidon 12 ans – Antidios fils de Télamon 27 ans – Hypérès fils de Télamon 9 ans – Alkyoneus fils de Télamon 12 ans – Télamon fils d’Antidios 22 ans… De façon « archaïsante », la liste mêle ce que nous considérons comme de la fiction (mythe ou légende) avec le réel ou le rationnel. Débutant par l’oikiste de la cité, un personnage que nous qualifions de mythique, ayant un père surhumain, sur lequel circulent des histoires qui racontent comment cela s’est passé, la liste continue puis, à un certain moment, qu’en général nous sommes bien incapables d’identifier, apparaissent les noms de « vrais » prêtres, pour se terminer par le nom de celui qui détient, hic et nunc, le privilège de servir ce dieu : là, le nommé Politès qui le fut 27 ans. Une brisure de la pierre mise à part, et qui nous prive de nombreux noms, aucun hiatus, donc, entre le mythe et l’histoire36. Plus même. Certains usages onomastiques ont pour effet de brouiller les catégories. C’est ainsi qu’on voit apparaître dans la liste des noms « mythiques ». On s’y attendait, surtout dans la première partie : deux Alkyoneus, un Télamon, un Anthas, un Démétrios, un Dioskouridès, un Poseidonios. Certes, il n’est pas du tout interdit de penser que nous ayons affaire en cette occurrence à une « fabrication », mais les règles de la dévolution d’un sacerdoce à l’intérieur d’un « génos » peuvent s’accompagner d’une modification du nom de l’impétrant en cas de nécessité. Ainsi, dans le cas bien connu des noms de la prêtresse athénienne d’Athéna Polias (alternativement une Lysistratè et une Lysimachè) si une raison quelconque empêche celle qui doit prendre le sacerdoce de le faire, on doit imaginer qu’on changera le nom de celle qui viendra en second dans liste des possibles37. Archaïque aussi, l’absence fréquente de repère chronologique arithmétique. Fréquente, mais non générale : voir le Marbre de Paros, avec ses archontes et les durées de prêtrise de la liste d’Halicarnasse. La prêtrise de Télamon se mesure, et elle se mesure avec le même étalon que celle de Politès : 12 ans. Pour reprendre le cas des textes littéraires et de leurs généalogies38, c’est par le thème et par la structure que ces récits parviennent à donner la sensation de la durée. Le thème, implicite et parfois explicite, ce sont les origines. Soit, dans la Bibliothèque, le cas d’Argos, cœur et centre de la Grèce, pour retrouver cet Agènor apparu tout à l’heure entre Libyè et Eurôpè. D’Océan et de Téthys naquit un fils, Inachos, qui a donné son nom à l’Inachos, le fleuve d’Argos. D’Inachos et de Mélia, fille d’Océan, naquirent comme fils Phorôneus et Aigialeus. Aigialeus mourut sans enfant et toute la contrée fut appelée l’Aigialéia. Phorôneus, qui régna sur tout le pays appelé plus tard le Péloponnèse eut de la nymphe Télédikè, Apis et Niobé. Apis changea son pouvoir en tyrannie. Tyran brutal, il nomma le Péloponnèse l’Apia, d’après son propre nom, et mourut sans enfant, victime d’un complot… Il fut considéré comme dieu et appelé Sarapis. De Zeus et de Niobé (la première femme mortelle à laquelle s’unit Zeus) naquirent comme fils Argos et, selon Acousilaos, Pélasges : c’est, dit-on, d’après son nom que les habitants du Péloponnèse sont appelés Pélasges. Argos reçut la royauté de Phorôneus et appela le Péloponnèse Argolide, d’après son propre nom. Il épousa Evadnè, fille de Strymon et de Néaira et eut pour enfants Ekbasos, Péiras, Epidauros et Criasos, lequel reçut la royauté. D’Ecbasos naît Agènor, et d’Agènor Argos, qu’on appelle Panoptès « Celui qui voit tout » (II, 1, 1). Ces textes insistent sur tous les commencements : l’Inachos, comme eau primordiale, Phorôneus, comme premier homme, Niobé, comme première partenaire « humaine » de Zeus. Tout vient, avec redondance, de Téthys et d’Océan : l’Inachos et Mélia. Dans l’identification des origines, la terre et l’eau reviennent partout avec insistance (on

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verra plus loin l’omniprésence de l’eau à Troie). La terre ? Il n’est que d’évoquer le cas d’Athènes, surtout, avec ses « terrestres » noms parlants répétés que sont Aktaios, Kranaos, Kranaè, Kranaichmè et son Erichthonios39. À Argos, c’est l’eau, ce sont les fleuves, celui qui entoure la terre, Océan, et puis l’Inachos et le Strymon. Et, pour faire bonne mesure, il faut des Adam-et-Ève : Phorôneus est le premier homme. Niobé la première femme aimée de Zeus. Les Pélasges, les premiers habitants. Il est remarquable qu’Eurôpè soit associée une fois dans les sources à Phorôneus. Ce Phorôneus est si important aux yeux des Argiens que l’un des premiers historiens, Acousilaos d’Argos, le qualifiait de « premier parmi les hommes » (FGrH 2 F 23a). Il descend d’Océan et Téthys, comme l’Eurôpè hésiodique. Il fut désigné par les dieux comme arbitre de la dispute entre Héra et Poséidon pour la possession du Péloponnèse et choisit Héra comme poliade (schol. Euripide, Oreste, 932). C’est lui qui apprit aux hommes l’usage du feu et à vivre en cité. Il ressemble en cela au premier roi d’Athènes, Kékrops. Eurôpè, alors, comme une d’Ève ? Dans cette scholie à Euripide40, le nom exact de cette Ève est Eurôps, et le couple enfante Niobé; ou bien cette Eurôps est la fille de Phorôneus et de Peithô.

Comment ça marche ?

Soit un roi A. On donne sa fiche : d’abord, des noms : le sien, presque toujours parlant, et comment, d’après lui (le hothen de Photios), s’appelle le pays et puis, éventuellement, les noms de ses fils et filles; c’est la cellule A. La vraie question, c’est sa lignée, son génos au sens le plus étroitement parental du mot – les récits généalogiques ont la procréation au cœur de leur fonctionnement. Quels problèmes rencontre ce roi dans sa tâche principale : fournir à sa mort un roi B à la communauté. Puis c’est le roi B. Les disputes pour le pouvoir jouent le même rôle. Il s’agit d’expliquer comment on passe de la cellule A à la cellule B. Fonctionnellement, le récit généalogique se résume à cet enchaînement. La succession de ces cellules, suffit, comme en stratigraphie, à établir une datation – relative. C’est ainsi que l’on va compter en générations (depuis / avant Deucalion…). La datation relative dit qu’Eurôpè est fille de Phoïnix. Ou bien qu’elle est fille d’Agènor, que sa mère, c’est Téléphassa41 ou Kassiepéia42 ou Argiope43 ou Tyro44 ou Périmède45. Elle vient après. Si ce n’est pas le cas, si l’on sait que tel fils devient roi de telle cité alors que son père est vivant, on en déduit que ce fils doit être illégitime46. Qualifiera-t-on aussi d’archaïque cette autre façon caractéristique d’exprimer l’épaisseur du temps, qui relève de ce que l’on pourrait appeler son aspect ? Cette épaisseur est rendue sensible au lecteur par des modifications progressives des comportements, de plus en plus « humains » (on naît, par exemple, de moins en moins « tout seul » du sol47, plus d’une fécondation de celui-ci, puis, de plus en plus, d’une femme, on n’enlève plus les femmes, on les épouse). Les personnages adoptent au fil des cellules les mœurs qu’au temps t on considère comme celles de la « civilisation ». Cela restitue une image très positive – positiviste même – du temps, une lecture qui se trouve peut-être à l’origine de notre temps historique. Tout contribue à cette marche en avant : la mention successive de l’arrivée des dieux, de l’invention des céréales, du vin, du mariage, de la culture de l’olivier, de la disparition des monstres de la surface de la terre, de la naissance de l’artisanat – tout cela étant aussi objet d’une datation relative. Discrète, cette accumulation des notations de progrès, l’élimination des vieilles peurs, concourt à une représentation affinée du temps historique : point de

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sinusoïde ici, point de temps cyclique : un vecteur constamment tendu vers un présent meilleur. On l’a compris, si le récit généalogique est inscrit dans le passé, sa raison d’être, c’est le présent. C’est lui qu’il s’agit de comprendre, c’est lui qu’il contribue à justifier – on verra qu’il en va de même de la géographie. Pour qui s’intéresse plus aux mécanismes mentaux qui président à une production imaginaire, qu’à une éventuelle réalité – même si l’on reste attentif à sa manifestation –, on peut aller plus avant. C’est cette vision même du temps présent qui, par un raisonnement de type inductif, fait imaginer un passé qui s’épuise en retour en une fabrication-justification de ce qu’on a sous les yeux. Aussi les généalogies sont-elles à la fois « étiologiques » et toujours à refaire48. Et, dans ce travail de réinterprétation, le nom fournit le socle pérenne de la réflexion. Dans ces réélaborations, les oikistes, les nymphes éponymes engrossées par des dieux, les archégètes, les autochthones, voire les gègeneis49n’ont certes pas grand-chose à craindre d’une nouvelle narration, et de l’intervention éventuelle de nouveaux acteurs : ces fondateurs font déjà l’objet de reconnaissance et de cultes héroïques dans les cités concernées. Dans ce cas, l’« anatomie » de ces histoires peut se trouver modifiée, mais cela n’est pas ici le plus important au regard de leur « physiologie ». En effet, on ne saurait retracer de la même façon ce « progrès » linéaire en 200, qu’en 400, qu’en 600. Et ce facteur vient s’ajouter aux explications habituelles de la variabilité des mythes : à l’oralité, au fractionnement politique, il convient d’ajouter ce fait que 40 générations ont cherché à rendre compte de la réalité de leurs présents, en se reconstruisant des passés à l’aide d’autant de fictions, d’histoires des origines, explicatives in fine du monde vécu (et cela, tout en conservant, au moins pour partie, les vestiges des mêmes quêtes successives rendant compte des environnements contemporains successifs). Que donnerait, de ce point de vue, la comparaison d’un récit des origines de la France composé au Xe avec un récit du XIXe siècle ? À Athènes, le discours généalogique du IVe siècle diffère de celui du VIe dans la mesure où, sur des bases imaginaires anciennes, il rend compte – sans que ce soit son objet avoué – des évolutions de la société. Mais ce même raisonnement (ou un raisonnement très proche) peut être mené dans la synchronie. Il suffit pour obtenir une induction différente à partir d’un même matériau onomastique qu’il soit appréhendé à partir de différents lieux, différentes cités. De sorte que la variabilité n’est pas toujours affaire de temps, mais aussi d’espace.

L’espace

Commentaire du hic et du nunc, donc, le récit généalogique restitue aussi, et c’est son originalité et sa richesse, l’image de l’espace conçu. J’ai séparé les deux axes, mais le récit les confond : les mœurs d’aujourd’hui, les coutumes des peuples, leur organisation territoriale, la façon dont on pense qu’ils sont disposés les uns par rapport aux autres, leurs montagnes et fleuves et les mers, on peut aller jusqu’à parler de leur biotope, tout cela est le résultat d’une histoire dont la généalogie est la matrice. Et puisque le temps historique s’ordonne en un progrès, il en va de même de la fabrication de l’espace qu’on a sous les yeux. Mais, assez d’abstractions, reprenons des généalogies, celle d’Eurôpè et celle de la maison de Troie. Celle d’Eurôpè n’est pas une, en réalité. Fille de Phoïnix l’éponyme et roi des Phéniciens, elle est une des conquêtes de Zeus chez Homère. Mais pourquoi faire

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l’amour à Eurôpè, si ce n’est pour que, chez Hésiode, elle engendre des rois de Crète (elle épouse bien un Astérion, prince des Crétois, mais qui se contente d’élever ses enfants) ? Chez Hésiode, elle appartient aussi, en compagnie d’Asie, à l’exubérante descendance d’Océan et Téthys. Dans un récit anonyme, elle apparaît aussi comme l’épouse du premier homme50. Et puis, sous le même nom, une fille de Nil aurait été une des épouses de Danaos et lui aurait donné quatre filles51. Mais rien de plus explicite, je crois, s’agissant de géographie que cet extraordinaire morceau d’Andron où Océan, dans son « harem », a (successivement ou simultanément !) deux « épouses » : Pompholygè, avec laquelle il a Asiè et Libyè, et Parthénopè, avec laquelle il a Eurôpè et Thrakè52 ! Et voilà comment on vous établit une carte : des nymphes pour fabriquer des pays. Mais pas seulement. Par leur somme, un monde aussi, dont le centre de gravité se trouve aux alentours de la Crète. Eurôpè, jouit de qualités spatiales indéniables. La Bibliothèque met aussice trait en valeur53. Libyè eut de Poséidon deux fils, Bèlos et Agénor. Bèlos régna sur les Égyptiens... Agènor, parti en Phénicie, épouse Tèléphassa et engendre une fille, Eurôpè, et des fils, Cadmos, Phoïnix et Kilix... Zeus, saisi d’amour pour elle, prit la forme d’un aimable taureau à l’haleine de rose et, lorsqu’elle fut montée sur son dos, il l’emporta en Crète à travers la mer. Là, Zeus s’unit à elle et elle enfanta Minos, Sarpédon et Rhadamanthe… Quand Eurôpè disparut, son père, Agènor, envoya ses fils à sa recherche, en leur défendant de revenir avant de l’avoir retrouvée. Sa mère, Tèléphassa, partit aussi à sa recherche, ainsi que Thasos, fils de Poséidon54. Mais après avoir fait toutes les recherches possibles, comme ils étaient incapables de retrouver Eurôpè, ils renoncèrent à rentrer chez eux et ils s’établirent chacun de son côté, Phoïnix en Phénicie, Kilix au voisinage de la Phénicie. Tout le pays qui s’étend à côté du fleuve Pyramos, Kilix l’appela Cilicie, d’après son propre nom. Cadmos et Tèléphassa s’établirent en Thrace. Semblablement, Thasos fonda en Thrace la cité de Thasos et s’y établit… Eurôpè fut épousée par Astérios, prince des Crétois, qui éleva ses enfants (III, 1, 1-5). Transcrivons cette succession de cellules en tableau généalogique.

Chaque cellule dit une région d’un monde qui s’est diversifié par rapport à celui d’Andron, et dont le cœur est quelque part au sud de l’Egée. Pour nous aider à mieux saisir ce qui est en jeu dans ces textes, et comme nous l’avons fait pour le temps, il est utile de mener ici une comparaison avec une autre généalogie mythique, celle des reines de Troie. C’est le nom que M. Broadbent a donné à sa reconstitution des données troyennes fournies pour l’essentiel par l’atthidographe Hellanicos55. Elle a bien mis en lumière un des caractères de cette généalogie (p. 28) : son « isolement » exceptionnel par rapport à l’ensemble des récits généalogiques grecs, eux qui, comme elle dit, « sont inextricablement imbriqués ». Bien sûr, comme partenaire

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de Zeus, Électre fille d’Atlas, et mère de Dardanos, se rattache par ses sœurs à la vulgate panhellénique. Mais c’est si peu ! Un indice de cet isolement de la grande famille troyenne, c’est le fait que si Hésiode fait de Laomédon le fils de Tithonos, en rapport avec Éos et en rapport avec Képhalos (Théog., 954), donc en connexion le reste du corpus généalogique, dans cette généalogie troyenne, Hellanicos en fait un fils d’Ilos. Un autre caractère frappant de cette généalogie, c’est son caractère d’inventaire géographique quasi systématique de la Troade. Détaillons un peu. Deux lignées : 1 – Celle qui vient de Zeus. De ses embrassements avec Électre fille d’Atlas naît Dardanos56. La Dardanie, une région, Dardania, une ville, les Dardaniens, les habitants de la Dardanie, les Troyens. Avec son épouse Batiéia, Dardanos aura pour enfants : deux montagnes, un garçon Idaios et une fille Idaia et le premier Ilos de la généalogie. Cette Idaia ou une autre57 est épouse de l’ancêtre de l’autre lignée, Skamandros58. La Batiéia59 épouse de Dardanos est elle-même fille de Teukros60, un dieu fleuve phrygien61. Un autre fils de Batiéia sera roi, c’est Érichthonios. Époux d’une Kallirhoè, il a pour fils Tros, fondateur d’Ilion (une cité aux temps historiques), la future Troie. Son emplacement jouxte celui de Dardania. 2 – Des embrassements de Skamandros avec Idaia, naissent des filles, Kallirhoè – il en a deux, l’une épouse Érichthonios, l’autre Trôs – et Strymô. Voilà beaucoup d’eau ! Fleuve principal de la région, le Skamandre est aussi un dieu62 et c’est de ses amours avec l’Ida que naît ce joli ruisseau qui intervient deux fois comme partenaire : 1 – d’un vrai chthonien, Érichthonios, et 2 – de l’éponyme des Troyens, Tros. Quant à Strymô (parfois Strymon), elle ne peut être un fleuve puisque ceux-ci sont mâles, mais sa quasi- homophonie avec le nom de fleuves est frappante63. Trôs est fils d’une autre mère que Kallirhoè, c’est Astyoche. Et cette Astyoche ne dépare pas dans la famille, elle est fille d’un fleuve, le Simoeis; celui-ci, comme tous, est fils d’Océan et Téthys. Le fils de Trôs, c’est Ilos qui épouse une Batiéia fille de Teukros. À partir d’Ilos II, les cours d’eau se font moins fréquents 64, les régions ou les unités politiques aussi. Je note « seulement » Strymô, déjà rencontrée, comme épouse de Laomédon; et, à la même génération, le fait que l’épouse de Kapys (le père d’Anchise), Hiéromnémè, est une Naïade. À la génération de Priam, le nom d’une de ses épouses ou concubines, Arisbè, est vraiment très proche d’une cité historique de Troade, Aribé. Il y a de temps en temps des « retours » d’eau. Ainsi, le fait qu’Hécube, la reine de Troie, soit la fille d’un dieu fleuve, le Sangarios. Enfin, la nymphe Oinônè qui donna naissance à Korythos, le fils d’Alexandros, était fille du dieu fleuve Kebren. Parmi les lectures d’une telle « histoire », il y aurait à jouer avec le genre (car ces espaces sont sexués), mais je ne retiendrai ici que celle de la « fabrication » d’un espace; chaque cellule ajoutant une touche au tableau final de la Troade tout entière. Montagnes, villes, cités et, c’est l’originalité de cette région, les cours d’eau. Les rois de Troie se reproduisent avec des filles « humides », que le paysage leur fournit. De la même façon, dans le récit généalogique de la Bibliothèque, cité plus haut, nous voyons le monde, à la fois, se raconter et se faire sous nos yeux. L’histoire à travers les engendrements, l’espace, à travers les noms et les pérégrinations. Dans un processus simple et compliqué de diversifications. Mais une histoire et, certes, non l’Histoire. D’abord parce qu’on n’en finit pas de réexaminer le présent, donc de réécrire le passé, un passé différent selon les cités.

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« Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? »

Quand, cherchant à dépasser ces récits forcément chauvins, Hérodote entreprend un examen « rationalisant » de l’histoire et de la géographie de la Méditerranée orientale, et il se montre fort critique vis-à-vis de ces récits généalogiques. Les guerres entre Grecs et Barbares auxquelles il consacre son enquête trouvent chez lui des causes anciennes, mais humaines. L’histoire qu’il veut en construire n’est pas celle d’un désir divin, ni de fleurs, ni de parthénos, elle évitera de faire appel à des personnages divins mus par le psychisme qu’on leur prête. Donnant la parole aux sages perses, il attribue la première faute aux Phéniciens (les revoilà !). Venus en Grèce, ils enlevèrent un jour des femmes grecques qui se pressaient à la poupe de leurs navires pour faire emplette de marchandises du Levant (qui ne voit que le schéma est le même, avec un retournement de scénario !). Y figurait Io, la fille d’Inachos. En représailles, « certains Grecs… abordèrent en Phénicie… et ravirent la fille du roi, Eurôpè »65. Quels Grecs ? Peut-être des Crétois (c’est ce que suppose Hérodote), peut-être des Argiens (à cause d’Io). Zeus, le désir, ont disparu. Restent la Phénicie, la Crète ou Argos, Io et Eurôpè comme enjeux; mais, comme le dit Hérodote, « à ce moment, on était à égalité » (une femme partout !). Il a fallu ensuite l’enlèvement de Médée, puis celui d’Hélène et, c’est alors que les Grecs portèrent la guerre en Asie. En voilà assez avec le casus belli. Si les généalogies ne répondent pas à la question de l’éponymie d’une vaste terre : l’Europe, celle que nous connaissons, voyons ce qu’en pense Hérodote. On vient de voir que la Crète est de nouveau au rendez-vous. Ce détail, en effet, ne laisse pas d’intriguer. Les généalogies précédentes nous laissaient sur notre faim : on ne comprend pas comment on passe de ce fait : – elle fut grosse de trois héros crétois : Minos, Sarpédon et Rhadamanthe et épousa le roi de l’île, au fait d’être l’éponyme d’une autre vaste terre : l’Europe. Continuons avec Hérodote (I, 173). Dans une digression à propos de divers peuples du sud-ouest de l’Asie Mineure, en particulier les Lyciens, il développe ce qu’il sait de leurs origines. Dans ce cadre, il a une phrase qui ne manque pas à la fois d’intriguer et de fournir opportunément une réponse à la question précédente. Les Lyciens, dit-il, sont d’origine crétoise, et il justifie cette assertion par cette remarque « Toute la Crète était autrefois (to palaion) peuplée de Barbares » ! Puis il enchaîne : « Les fils d’Eurôpè, Sarpédon et Minos, se querellèrent en Crète au sujet de la royauté… Minos chassa Sarpédon et ceux de son parti;… ils se rendirent en Asie dans la région dite Milyade… ». C’est la Lycie ! Ainsi, la geste d’Eurôpè avec ses fils peuple le monde.

Lisant cela, on peut se placer sur deux plans. 1. Dans l’examen de la matrice narrative qui rend compte de la « fabrication » du monde, on notera qu’aux yeux d’Hérodote, c’est de l’Europe que naissent des morceaux d’Asie. 2. On a beau jeu de mettre Hérodote en contradiction avec lui-même, lui qui, après avoir semblé rejeter les récits « mythologiques » et fait le silence sur Zeus, replonge dans ces mêmes récits pour la descendance d’Eurôpè. Mais n’est-ce pas un peu cuistre ?

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Il revient longuement sur ces explications en des pages polémiques fort instructives. « Je ris66, quand je vois que beaucoup déjà ont dessiné des images d’ensemble de la terre, sans qu’aucun n’en ait donné un commentaire raisonnable; ils représentent l’Océan enveloppant de son cours la terre67, qui serait toute ronde comme si elle était faite au tour, et font l’Asie égale à l’Europe »68. Ceux qui sont visés, ce sont certains concepteurs de pinakes, de cartes. Le premier cartographe de l’Antiquité, de l’opinion générale, est Anaximandre, disciple de Thalès. Il conçut un espace limité et mesuré, de forme générale ronde ou sphérique69. De même son élève, le fameux Hécatée, à la fois géomètre-urbaniste, géographe et généalogiste. Quant à Hérodote, après avoir configuré l’Asie et la Libye, il laisse de nouveau libre cours à son ironie. « J’admire donc ceux qui ont partagé et divisé le monde en Libye, Asie et Europe, alors qu’entre ces parties les différences ne sont point petites. Car, dans le sens de la longueur [celui des parallèles], l’Europe s’étend tout au long des deux autres70; et, sous le rapport de la largeur, il ne me paraît pas qu’elle puisse même être mise en comparaison »71. Sur le thème de la rationalisation, voyez les mots. Plus de Nymphes ! En rupture avec tous les textes précédents, Europe, Libye, Asie sont ici pures abstractions géographiques. Sa définition de l’Europe s’oppose à celle d’Hécatée qui avait en gros la même que la nôtre. Hécatée divise notre ensemble Europe + Asie par le fleuve Tanaïs, c’est-à-dire le Don; c’est, grosso modo, notre limite ouralienne; la Sibérie est pour nous asiatique. Hérodote ne limite pas l’Europe vers l’est et il sépare le bloc nord, européen, d’un bloc sud, libyen + asiatique par le fleuve de Colchide, le Phase. Hérodote décrit ainsi sa Libye et son Asie72. « Quant à l’Europe, personne ne sait clairement si, vers le Levant et le Nord, elle est entourée d’eau; mais on sait que, dans le sens de la longueur, elle s’étend tout le long des deux autres parties »73. Voilà donc bien, entre les trois parties d’un monde dont le cœur est la Méditerranée orientale, ce qu’Hérodote appelait des différences « non petites ». Mais, pour revenir sur le contenu du nom il faut maintenant citer, du même Hérodote, un passage passionnant. Je ne puis non plus m’expliquer à quelle occasion la terre, étant une, a reçu trois dénominations distinctes, tirées de noms (epônymias)de femmes, et ont été fixées entre ces parties, comme lignes de démarcation, le Nil, fleuve d’Égypte, et le Phase de Colchide (d’autres disent le Tanaïs, fleuve du pays des Maiotes, et les détroits cimmériens)74; pas davantage, savoir les noms de ceux qui tracèrent ces démarcations, ni d’où (hothen)ils ont tiré les dénominations des parties. La Libye en effet, disent la plupart des Grecs, serait ainsi dénommée d’après Libyè, une femme autochthone; l’Asie aurait pour éponyme la femme de Prométhée…75 Pour l’Europe, de même que nul ne sait si elle est entourée d’eau, on est sans lumière sur l’origine de son nom et sur celui qui le lui imposa, à moins de dire que le pays (chôrè) reçut le nom de la Tyrienne76 Eurôpè; elle aurait en ce cas été auparavant anonyme, comme les autres parties du monde. Mais il est certain qu’Eurôpè était originaire d’Asie, et qu’elle ne vint jamais dans ce pays que les Grecs appellent présentement l’Europe; elle vint seulement de Phénicie en Crète et de Crète alla en Lycie77. Nombre de nos questions sont celles d’Hérodote. C’est bien à propos du processus de nomination qu’il s’interroge. Il pose deux questions : qui a fait ça et quand ? Le monde pourrait-il exister sans nom ? Pourquoi ces noms sont-ils des noms de femmes ? Nous ne comprenons pas mieux que lui pourquoi les récits ne lient pas Eurôpè à l’Europe- epeiros. Au moins à l’Europe d’Hérodote, une Europe qui ne comprend pas la Crète. Libyè est autochthone ? Soit. Asiè épouse de Prométhée. Admettons. Mais l’Europe ne devrait pas s’appeler Europe ! Pourtant, c’est le cas !

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Dans les récits qu’Hérodote connaît et dont nous possédons les vestiges, dans son errance, et par l’entremise de sa progéniture, Eurôpè nomme, et, nommant, fait exister diverses régions de notre Méditerranée orientale, mais rien moins que l’Europe, ni aux yeux d’Hérodote, ni pour l’instant aux nôtres. D’ailleurs, à la fin de ce constat d’ignorance et après s’être gaussé des opinions communes, Hérodote termine son paragraphe par cette phrase, qui est renoncement à la connaissance rationnelle : « En voilà assez là-dessus; car, en cette matière, nous suivrons l’usage consacré. »

De Grèce en Égypte et retour

Qu’est-ce donc que l’Europe grecque ? Comment expliquer que la région qu’un Grec du Ve siècle appelle ainsi porte ce nom ? Nommer, c’est donner existence. Ou plutôt, inversement, un nom ne peut être vide d’objet. Hérodote cherche une rationalité « globale » dans des renseignements de nature différente. L’invention de ces généalogies spatiales est, nous le voyons bien, pure expression de l’idéologie. Plus précisément, dans une pensée entièrement vouée à une conception immanente du divin, en l’absence de dieu créateur, l’histoire des choses et celle des hommes vont main dans la main. Cosmogonie, théogonie et anthropogonie, même histoire. Il n’y a donc pas à s’étonner de ce qu’un grand texte mythographique comme la Bibliothèque mêle l’espace et le temps. Ce qui complique les choses en Grèce, c’est que, si nous retenons comme définition du système idéologique, qu’il est une projection d’aspirations, on choisira vite entre le singulier et le pluriel, car on ne voit pas à l’œuvre ici une aspiration, mais des aspirations diverses, démultipliées par l’émiettement politique.

Une invention bovine de l’Europe

Pour être bien sûr de saisir ce qui est en cause, il faut suivre encore une histoire, celle qui prend comme vecteur le trajet d’une vache78, un dernier morceau de généalogie, celle d’Argos. Argos et Ismène, fille d’Asopos, eurent pour fils Iasos, qui, dit-on, fut le père d’Io… Alors qu’Io occupait la prêtrise d’Héra, Zeus la séduisit. Découvert par Héra, il la changea d’un attouchement en génisse blanche et jura à Héra qu’il n’avait pas eu de relations avec elle… Héra envoie alors un taon contre la génisse. Celle-ci gagna tout d’abord le golfe ionien, ainsi nommé à cause d’elle; ensuite, après avoir parcouru l’Illyrie et franchi l’Haimos, elle traversa le détroit qui s’appelait alors le détroit de Thrace et qui s’appelle maintenant, à cause d’elle, le Bosphore (« Passage de la Vache »). Elle s’en alla en Scythie et au pays des Cimmériens et, après avoir erré sur de vastes étendues de terre et traversé à la nage de vastes étendues de mer79, elle arriva en Égypte. Là, elle retrouve sa forme primitive et, sur les bords du fleuve Nil, elle met au monde un fils, Épaphos (« l’Attouché ») (Bibl. II 1, 5-8). Facile de suivre le trajet de cette vache, elle laisse sa trace partout : éponymie du golfe d’Ionie, du Bosphore, et par quels détours elle gagne – dans le sens trigonométrique inverse – l’opposé géographique et l’antithèse de son monde restreint à la seule Argolide : l’Égypte. L’Argolide, comme fondatrice de l’Égypte ! Une orientation centrifuge de l’hellénité80. Toute l’histoire qui vient après, comme aussi tout l’espace (la concomitance des deux dimensions se confirme), se déroule, à travers toutes les créations-nominations, au rebours de ce premier exil.

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Épaphos devient roi d’Égypte, épouse Memphis, la fille de Nil, et fonde, en lui donnant son nom, la cité de Memphis. Il a pour fille Libyè81, à qui la Libye doit son nom. De Libyè et de Poséidon, naissent les jumeaux, Agènor et Bèlos. Agènor partit pour la Phénicie et en devint roi, et là, fut à l’origine d’une vaste lignée… Bèlos reste en Égypte, en devient roi et épouse Anchinoè, fille de Nil. Il en a des jumeaux, Egyptos et Danaos… Bèlos établit Danaos en Libye et Egyptos en Arabie; ce dernier soumit en outre le pays des Mélampodes (« Pieds Noirs »), qu’il appela Égypte. Des nombreuses femmes qu’ils eurent, naissent à Egyptos cinquante fils et à Danaos cinquante filles. Lorsque plus tard ils se disputèrent le pouvoir, Danaos, craignant les fils d’Egyptos, construisit, sur les conseils d’Athéna, un bateau (il fut le premier à le faire), y mit ses filles et s’exila. (Bibliothèque, II 1, 10-12). Ce tableau est complété par le récit de la quête des frères d’Eurôpè à travers le monde et des conséquences géographiques de leurs pérégrinations. Rappelons qu’unie à Zeus, en Crète, elle a donné naissance à Minos, Sarpédon et Rhadamanthe… Quand Europe disparut, son père, Agènor, envoya ses fils à sa recherche, en leur défendant de revenir avant de l’avoir retrouvée. Sa mère, Tèléphassa, partit aussi à sa recherche, ainsi que Thasos, fils de Poséidon, ou bien, d’après Phérécyde, fils de Kylix. Mais après avoir fait toutes les recherches possibles, comme ils étaient incapables de retrouver Eurôpè, ils renoncèrent à rentrer chez eux et ils s’établirent chacun de son côté, Phoïnix en Phénicie, Kilix au voisinage de la Phénicie. Tout le pays qui s’étend à côté du fleuve Pyramos, Kilix l’appela Cilicie, d’après son propre nom. Cadmos et Tèléphassa s’établirent en Thrace. Semblablement, Thasos fonda en Thrace la cité de Thasos et s’y établi. (Bibl. III, 1, 3-4)

Tableau généalogique issu du texte de la Bibliothèque:

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Tentative de représentation spatiale :

Ainsi, la quête d’Eurôpè dans le sens trigonométrique cette fois dessine une géographie de la Méditerranée orientale. L’analyse structurale met en évidence les oppositions binaires – c’est bien le cas ici : la figure d’Io, la vache, centrifuge, s’oppose à celle d’Eurôpè, centripète. Elle-même, et par descendance interposée, quitte cette étrangère périphérie du monde et gagne des terres nouvelles. Au début de ce mouvement, à chaque fois, les errances de fils d’Europe et d’elle-même, définissent et délimitent des territoires périphériques de l’Hellade (Cilicie, mais aussi Lycie et Carie). À chaque fois, le vocabulaire utilisé est celui de la fondation coloniale. Mais le tournant fondamental survient avec Cadmos. Lorsque Tèléphassa mourut, Cadmos l’ensevelit et, après avoir reçu l’hospitalité des Thraces, il alla à Delphes s’enquérir du sort d’Eurôpè. Le dieu lui dit de ne plus s’occuper du sort d’Eurôpè mais de se laisser guider par une vache et de fonder une cité là où elle tomberait d’épuisement (Bibl. III, 4, 1)82. La lecture la plus géographique de cet épisode, c’est, évidemment, que le voilà vraiment en Europe et que, par conséquent, sa quête n’a plus de raison d’être, c’en est fini de cette Eurôpè introuvable – on peut dire, maintenant, cette Europe. Les trois villes de Macédoine et du Pénée, la signification géographique à donner aux passages de l’Hymne à Apollon (supra, p. 246), les passages d’Hérodote (VI, 43; VII, 8) où les Perses, ayant franchi l’Hellespont, « se mettent en marche à travers l’Europe, en marche pour Érétrie et Athènes », et où Xerxès promet de « conduire l’armée à travers l’Europe », tous ces indices suffiraient déjà à définir cette Europe comme équivalente à cette épeiros qui va de la Thrace au golfe de Corinthe. Xerxès confirme cette « frontière ». « Si nous subjuguons, dit-il, ces gens (les « Européens » !) et leurs voisins, les habitants du pays de Pélops le Phrygien (!), nous étendrons les limites de la Perse jusqu’à celles du ciel de Zeus ! ». Il n’est jusqu’à Justin (VII, 1) (à propos des terres à l’ouest de la Thrace : Ex alio latere in Europa regnum Europus nomine tenuit) et Ammien Marcelin (XXVII, 4, 12) (qui localise la province romaine d’Europe au sud de Constantinople) pour ajouter foi à cette localisation en Grèce septentrionale83. Mais revenons à Cadmos. « Muni de cet oracle, il fit route par la Phocide, et lorsqu’il rencontra une vache des troupeaux de Pélagon, il la suivit. Elle traversa la Béotie et se coucha. Là Cadmos fonda (ktizein)une cité, la Cadmée, à l’endroit où se trouve maintenant Thèbes84 » (22). Mais… ça serait trop beau et déjà trop vite « civilisé ». Il faut encore des échecs. Souhaitant sacrifier sa vache-guide à la déesse qui l’a aidé : Athéna, ses compagnons

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sont envoyés à la recherche d’eau pour le sacrifice; ils sont tués par le dragon qui défendait la source Arès. Cadmos tue le dragon. Athéna lui conseille alors de semer les dents du dragon. Il en naît les « Semés », qui s’entretuent, à l’exception de cinq d’entre eux. Ce sont des nés du sol. Les récits généalogiques jouent sur une complémentarité/opposition entre deux thèmes, celui des aventures océaniques et de la colonisation, avec la figure complémentaire de la nymphe raptée/séduite, en tout cas engrossée par un divin personnage, et celui de l’autochtonie, de la naissance du sol même. Il peut souvent y avoir redondance. Il faut à la fois le fondateur, l’éponyme et le gègenès85. Eurôpè joue deux rôles : fondatrice par ses embrassements divins, et éponyme, bien sûr. Les éponymes sont souvent femmes, on l’a vu. Car c’est du désir divin que tout est venu. Il faut la nymphe pour tout enclencher du désir divin qui fait des enfants porteurs de noms géographiques. La nymphe est narrativement un prétexte. Mais, ces noms eux- mêmes, croira-t-on qu’ils existent par l’histoire ? Je crois que les Grecs eux-mêmes en ont eu l’illusion (même Hérodote y succombe), et du haut de notre rationalisme nous ne saurions douter que l’Europe a précédé Eurôpè. Mais ce que nous pensons importe moins que ce qu’ils pensaient, alors j’y reviens une dernière fois. Après expiation de sa faute envers Arès, Cadmos reçoit la royauté, et Zeus lui donne en mariage Harmonie la divine, fille d’Arès et Aphrodite. Noces inouïes auxquelles participent les dieux. Comme cadeau de noces, elle reçoit un merveilleux collier, fabriqué par Héphaïstos. Et qui le lui donne ? Eurôpè, sa belle-sœur. Dans cette succession d’événements, fondation de la cité, sacrifice de la vache et promesse d’une nombreuse descendance, certains ont vu la convergence des trois fonctions indo- européennes. J’y verrais plus simplement le renfermement sur elle-même d’une carte du monde fort chauvine où les petits cantons de la Grèce se considèrent à la fois comme le centre du monde et à l’origine de celui-ci. Une conception où cette mère des peuples s’est conçue topographiquement comme une anti-Égypte. Un scénario où, si un mouvement civilisateur vient bien de Phénicie et d’Égypte, c’est par la médiation d’Io que tout cela est possible : Argos a fourni aux terres extrêmes l’instrument qui, en retour, redéfinit la Grèce.

NOTES

*. Avec de nouvelles perspectives, ce texte est le prolongement d’une conférence donnée dans le cadre d’un cycle de cours public organisé à l’Université Rennes 2 en 2003 par Catherine Guy et Guy Baudelle, « L’enjeu européen »; une version de cette conférence (« D’Eurôpè à l’Europe. Une invention bovine de l’Europe ») a paru dans le volume collectif, Le projet européen. Histoire, enjeu, prospective, Rennes, PUR, 2004, p. 25-34. Dans le débat sur la position de la Turquie par rapport à l’ Europe il n’était pas inutile de montrer que les mythes grecs qui ont baptisé l’actuel « continent » liaient ce nom à une charmante personne… « asiatique », et que les limites passées comme actuelles des continents ne sont point affaire de détroit ou de montagne, mais d’histoire. 1. Je me débarrasse du « Pseudo », tout le monde sait bien de qui je parle ici.

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2. Qu’une édition des Narrationes de Conon (Photios, Bibliothèque, codex 146, 142 a-b; t. 3 de l’éd. d’Henri, CUF, p. 39-40). 3. Question déjà largement traitée que celle du nom comme « micro-récit »; sans chercher à tout citer : E. CASSIRER, Langage et mythe. À propos des noms de dieux, tr. fr., Paris, 1973. Cl. CALAME, « Récits et anthroponymes : noms de Laconiennes en figures de rhétorique », in Le récit en Grèce ancienne, Paris, 1986, p. 153-161; N. LORAUX, « Poluneikes Epônumos : les noms des fils d’Œdipe, entre épopée et tragédie », in Cl. CALAME (éd.), Métamorphoses du mythe en Grèce ancienne, Genève, 1988, p. 151-166; J. SVENBRO, « AIAI. The Myth of Inscribed Flower » (communication au Colloque « Image and Word », University of Lund, oct. 1999). 4. Voici le texte du petit poème placé en exergue sur l’exemplaire de Photios : « Dans les spires du temps tu peux puiser grâce à mon érudition, et tu peux connaître les légendes d’autrefois. Ne va pas voir dans les pages d’Homère ni dans l’Élégie, ni chez la Muse tragique, ni dans la poésie mélique; ne cherche pas dans les vers bavards des Cycliques. Regarde-moi et en moi tu trouveras tout ce que contient le monde. » J’utilise la traduction qu’en ont donnée J-Cl. CARRIÈRE et B. MASSONIE, La Bibliothèque d’Apollodore, Paris, 1991 (ALUB, 443), p. 25; c’est à cette édition que j’emprunte les traductions à venir, mais l’édition de référence est maintenant celle donnée par P. SCARPI, Apollodoro. I miti greci (Biblioteca), trad. M. G. CIANI, Fondazione Lorenzo Valla, Mondadori, 2000. 5. Voir surtout le très riche article de M. VAN DER WALK, « On Apollodori ‘Bibliotheca’ », REG 71 (1958) p. 100-168, le meilleur qu’on ait écrit sur la question. 6. Hésiode (et d’autres sources postérieures) nomment trois fils de Zeus et Eurôpè : Minos, Rhadamanthe et Sarpédon : fr. 140 (éd. MERKELBACH/WEST) et fr. 141 (dans les Ehoiai). 7. Par convention, la graphie Eurôpè désignera le personnage « mythologique » dans toutes ses « aventures » et dans tous ses états, alors qu’Europe désignera le continent, ou, quand le mot convient mal dans notre acception contemporaine, au minimum, une terre (pour la désigner on trouve aussi chôra). 8. Quelques appuis bibliographiques sur cette Europe. Ils sont particulièrement nombreux si l’on envisage aussi l’iconographie de l’enlèvement. Je me contente donc, sur ce sujet, de renvoyer à l’article de M. ROBERTSON, s.v. « Europe » dans le LIMC IV.1 (1988) qui donne la bibliographie à jour jusqu’en 1988 à l’exception de H.R. HANKE, Die Entführung der Europa. Eine ikonographische Untersuchung, Cologne, 1966; depuis M. Robertson a paru la thèse de O. WATTEL de CROIZANT, Les mosaïques représentant le mythe d’Europe (Ier-VIe siècles), Paris, de Boccard, 1995, qu’il faudrait n’utiliser qu’avec prudence (voir le compte rendu de C. LECOMTE, Kernos 10 [1997], p. 336-338). Sur le mythe principal et ses sources : W. HELBIG, s.v. « Europa 10 », W.H. ROSCHER (éd.), Ausführliches Lexikon der griechischen und römischen Mythologie, I.1 (1884-1886), col. 1410-1418 (et d’autres Europe [1409-1410]); J. ERSCHER-BÜRKLI, s.v. « Europe », RE VI.1 (1907), col. 1287-1298;A.B. COOK,Zeus I (1914), p. 542-547, III (1940), p. 615-628; mention spéciale pour F.M. NINCK, Die Entdeckung von Europa durch die Griechen, Basel, 1946, et pour W. BÜHLER, Europa, Munich, 1968 (il avait déjà donné une bonne étude de la source la plus riche : Die Europa des Moschos, Wiesbaden, 1960); P.B.S. ANDREWS, « The Myth of Europa and Minos », G&R 16 (1969), p. 60-66; Fr. DIEZDEVELASCO, « Les mythes d’Europe », Métis 11 (1996), p. 123-132. Sur la fin de l’histoire il faut encore recommander le livre de Fr. VIAN, Les origines de Thèbes. Cadmos et les Spartes, Paris, 1963. – Dans la perspective qui est la mienne, Eurôpè, ne m’intéresse pas « en elle-même ». Elle pourrait être remplacée par une autre. L’exercice le plus habituel des exégètes, qui consiste, à partir de renseignements de natures très différentes, à recomposer une Eurôpè, « retrouvant » dans ce soi-disant « personnage », soit une Sémite, soit une Béotienne (L PRANDI, « Europa e i Cadmei : la ‘versione beotica’ del mito », in L’Europa nell mondo antico, o.c. [n. 9], p. 37-48) ou une nymphe multifonctionnelle : « sposa, madre, regina » (D.M. COSI, « Dietro al fantasma di Europa : sposa, madre, regina », ibid., p. 27-36)…, cet exercice n’est pas le mien ici; Eurôpè ne m’intéresse que

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comme éponyme de l’Europe et comme élément dans des généalogies. Et si, abandonnant cet aspect des choses pour celui du culte, on y cherche une unité, on n’en trouvera pas plus dans une Eurôpè, à Gortyne, liée à un cours d’eau et à un platane (Théophraste, Hist. des plantes I, 9, 5, cf. Pline, H.N. XII, 11) et une Eurôpè, à Lébadée, qui n’en est pas une puisque ce nom n’apparaît que comme une épiclèse de Déméter (Pausanias, IX, 39, 4). 9. Cl. CALAME, Mythe et Histoire dans l’Antiquité grecque : la création symbolique d’une colonie , Lausanne, Payot, 1996. 10. Outre les répertoires habituels, H. FRISK, Griechisches etymologisches Wörterbuch I, Heidelberg 1960 et III, 1972, s.v. et P. CHANTRAINE, DELG, 1968-1980, s.v., il faut renvoyer à B.W.W. DOMBROWSKI, Der Name Europa auf seinem griechischen und altsyrischen Hintergrund, Amsterdam, 1984, dans L’Europa nel mondo antico, a cura di Marta Sordi, CISA 12 (1986), p. 3-11 et 12-26 (abrégé infra en Europa nel mondo antico), aux mises au point de C. MILANI, « Note etimologiche su Eurôpè » et de F. LUCIANI, « La presunta origine semitica del nome Europa », toutes deux); C. MILANI y revient dans « Questions étymologiques d’Europe et de l’Europe », in R. POIGNAULT, O. WATTEL-DE CROIZANT (éds), D’Europe à l'Europe. I. Le mythe d’Europe dans l’art et la culture de l’Antiquité au XVIIIe siècle. Actes du colloque tenu à l’ENS, Paris (24-26 avril 1997) Centre de Recherches A. Piganiol, Tours, 1998 (Caesarodunum, 31bis), p. 31-37; je n’ai pas pu consulter G. RESTELLI, « La glossa di Eschilo eurôpis : hè patris. Ricostruzione del testo e connessioni storico-culturali », Linguistica nuova e antica 1 (1983), p. 91-105. La question est indirectement liée à celle de l’origine de Cadmos. On en a beaucoup débattu et la bibliographie croît avec le temps, sans qu’on puisse dire qu’on s’approche d’une conclusion : VIAN, o.c. (n. 8), p. 31-35; L. PRANDI, « Europa e i Cadmei : la ‘versione beotica’ del mito », in L’Europa nell mondo antico, p. 37-48; P.H. GOMMERS, Europe – What’s in a name ?, Leuven, 2001; les dernières traces de la polémique à propos des rapports de Cadmos avec la Phénicie dans R. BEEKES, « Kadmos and Europa, and the Phoenicians », Kadmos 43 (2004), p. 167-184 qui bataille contre K. MEISTER, s.v. « Kadmos », Der neue Pauly VI (1999) col. 129-131… 11. Qu’al-kohl désigne de l’antimoine pulvérisé n’a rien à voir avec l’association que je fais entre l’alcool et l’ivresse ! 12. Cf. aussi, dans les sources du Ve s., Eschyle, fr. 191 SIDGWICK; Pindare, Ném. IV, 70 et surtout Hérodote (cf. infra, p. 267). Le IVe s. voit l’élargissement de la conception géographique de l’Europe dans le cercle d’Isocrate, on verra sur cette question C. BEARZOT, « Il significato della basileia tès pasès Eurôpès nell ‘Encomio di Filippo’ di Teopompo », L’Europa nell mondo antico (o.c. [n. 10]), p. 91-104. On trouve aussi Eurôpia dans des titres d’œuvres perdues, chez Sophocle (fr. 39) et chez Euripide (Thésée, fr. 1 [éd. JOUAN – VAN LOOY]). C’est le nom d’une source chez Pindare, Péans, fr. 70, 2. Il existe des cités appelées Europos, diversement accentuées, en Macédoine et en Syrie (en réalité, un seul exemple puisque cette ville de Syrie, c’est Doura sur l’Euphrate, appelée Eurôpos parce que Séleucos était né à Eurôpos en Macédoine). 13. Les sources chez F.M. NINCK, l.c. (n. 8), p. 17 (carte p. 16). 14. O.c. n. 10, p. 388. 15. Je suis MILANI, o.c. (n. 10), p. 10. 16. Il faut aussi insister sur l’ancienneté des représentations figurées : voir les métopes de Delphes et de Sélinonte qui sont respectivement datées de 560 et de 550. 17. Cette eau fluviale que nous retrouverons. 18. Schol. Iliade XII, 292 = Hésiode fr. 140 (éd. M.W.). Voir aussi fr. 141 = Bacchylide fr. 10 (éd. SNELL). 19. Déjà Hérodote, I, 2, 2 et IV, 45, 4. 20. Hygin, Fab., 178, 1; comme le commente, W. BÜHLER, Europa, o.c. (n. 8), p. 10, les désignations de Sidonienne ou de Tyrienne qu’emploient des sources tardives ne renvoient pas à un « ethnique » précis, mais à des synonymes de Phénicienne. Un passage du roman d’Achille Tatius, Le roman de Leucippé et Clitophon fait une distinction entre terre et mer : le héros, « visitant la ville

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et regardant les offrandes,… [vit] un tableau consacré figurant à la fois la terre et la mer : c’était la représentation d’Eurôpè; la mer était celle des Phéniciens, la terre celle de Sidon… » (I, 2-3, trad. J.-Ph.GARNAUD, CUF). 21. C’est la traduction de Ph. E. LEGRAND dans la CUF. 22. Un développement ultérieur (vers 43 – 62) décrit la corbeille; on y voit Io, fille d’Inachos, « encore génisse », « marchant sur les chemins de la plaine salée »; Zeus, « effleurant doucement de la main la génisse… qu’auprès du Nil à sept bouches, de vache cornue, de nouveau il transforma en femme; le cours du Nil était d’argent… ». 23. Chez Nonnos, la scène est autrement suggestive : « (Zeus) laisse sa forme de taureau et, sous les traits d’un jouvenceau, le voici qui court autour de la vierge indomptée (azyga kourè). Il la caresse, commence par dénouer sur la poitrine de sa fiancée la ceinture (mitrè)qui lui serre la taille, presse comme par mégarde les contours arrondis de sa gorge ferme, effleure sa lèvre d’un baiser. Puis, en silence, rompant le chaste lien qui préserve son intégrité virginale (hagnon anympheuton), il cueille le fruit encore vert des amours de Cypris » (Dionysiaques, scène du rapt : I 46-137, et 322-355 pour la scène érotique; trad. Fr. VIAN [CUF]). 24. Voyez Hélène, qui cueille des roses pour Athéna et les dépose dans les plis de sa robe : Hermès l’enlève (Euripide, Hélène, 240). Agriabè se promène avec ses servantes dans les prés de son père : son amoureux l’enlève (Parthenius, Narr. Amor., 26). La mieux connue sans doute de ces scènes d’anthologia ne comporte pas d’enlèvement. C’est celle d’Ulysse naufragé, nu, sur une plage de Phéacie face au chœur de Nausicaa et de ses servantes, qui, la lessive du palais finie, jouent à la balle sur la grève. Sur les filles en fleur en chœurs : A. MOTTE, Prairies et jardins dans la Grèce antique, Bruxelles, Académie royale de Belgique, 1973; Cl. CALAME, Les chœurs de jeunes filles en Grèce archaïque, Rome, Ateneo, 1977 et les chapitres VIII et IX de L’éros en Grèce antique, Paris, Belin, 1996; P. BRULÉ, La fille d’Athènes, Paris, Les Belles Lettres, 1987,289-290; 296-300 et A. BONNAFÉ,Poésie, nature et sacré, 1 et 2, Paris, de Boccard, 1984/1987. 25. Hymne à Déméter, 5-19. 26. Parallèles « européens » : sch. Iliade XII 292 ( anthè legousan); Ovide, Métam., II 845; mythographe du Vatican, I, 148… 27. Sur ce complexe de la ‘beauté’, qui est celui du modèle de la canéphore, je me permets de renvoyer au chapitre 3 de La fille d’Athènes, o.c., 1987, spécialement p. 301-308. 28. Ovide, ib.; Ach. Tat., I, 1, 6-7; Lucien, Dial. Mar., 15, 2… 29. Et une autre image vient alors s’associer à ce décor, à ce féminin du bord de mer : le danger d’enlèvement, de rapt; voir ce qui arrive aux filles/femmes kidnappées par des pirates, des brigands, des étrangers, au Pirée, à Brauron et ailleurs (BRULÉ, La fille d’Athènes, o.c., p. 287, 289-300 et 305-306 et « Hyménée sonore : La musique du gamos », in P. BRULÉ et Chr. VENDRIES (éds), Chanter les dieux. Musique et religion dans l’Antiquité grecque et romaines, Rennes, PUR, p. 251-253). 30. C’est dans le commentaire d’Eustathe (Iliade, s.l. XIV, 213, éd. VAN DER VALK, III, p. 654) qui explique le nom de Rhadamanthe par le fait que sa mère fut saisie de folie; le safran encore dans le fragment déjà cité (supra n. 17) d’Hésiode et Bacchylide. 31. W. BÜHLER (o.c. [n. 8]), remarque justement qu’aucune source ne donne Agènor comme père d’Eurôpè avant le Ier s. av. J.-C.; on a d’abord Varron, L. l., 5, 32 puis (entre autres) Ovide, Métam. II, 858; Diod., V, 78, 1; Hygin, Fab., 155, 2 et 178, 1…; toutefois, évidemment, les données de la scholie à Euripide, Phén., 217, peuvent être empruntées à une source plus ancienne; quant à la scholie au vers 29 du Rhésos, elle rapporte que, selon Euripide, Eurôpè est fille de Phoïnix fils d’Agénor; enfin le fait que Cadmos, fils d’Agènor, soit parti à la recherche d’Eurôpè, n’implique-t-il pas qu’elle soit sa sœur ? Or cette information se trouve pour la première fois chez Hérodote (IV, 147, 4). 32. Voir dans Poikilia (1996), respectivement, p. 7-17 et p. 17-6, M. COCHET, « L’autochtonie chez Pausanias : modèle ou exception athénienne ? » et E. CHEMINEL, « La jeune fille et le héros autochtone ».

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33. Syll. 3, 1020. 34. R. DESCAT (« À propos d’un citoyen de Philippes [nouveau nom donné à Euromos par Philippe V] à Théangéla », REA 99 [1997], p. 411-413) parvient à ce résultat grâce aux recoupements possibles avec d’autres documents et que permet la présence d’un Politès à Théangéla et dans liste de la seconde colonne (voir plus loin) (cf. A. WILHELM, « Inschriften aus Halikarnassos und Theangela », JOAI 11 [1908], p. 53-75, spéc. 63 et 67). 35. Je m’exprime ainsi parce que le doute est permis. En effet, comment ne pas rapprocher cette liste du récent texte de Samalkis célébrant les honneurs d’Halicarnasse (S. ISAGER, « The Pride of Halicarnassos », ZPE 123 [1998], p. 1-23) ? On y cherche pourtant en vain Télamon. Il est vrai que la partie consacrée aux fondateurs (l. 31 et suivantes) avec un ou deux mot(s) par ligne est en pauvre état. Il n’est néanmoins pas impossible que ce soit lui qui soit mentionné à la ligne 31 où l’on a : [------Posid]ônios huios. Il est aussi troublant de relever le nom d’Anthas à la l. 7 de la liste des prêtres, alors que le fondateur de la cité est appelé Anthès (Pausanias évoque ainsi les antécédents de la fondation d’Halicarnasse : « Quand Trézène mourut, Pittheus rassembla les habitants ensemble, incorporant Hyperea et Anthea dans la nouvelle cité qu’il appela Trézène d’après son frère. Des années plus tard, les descendants d’Aetius, fils d’Anthas, partirent comme colons de Trézène et fondèrent (apôikisan) Halicarnasse et Myndos en Carie » [II, 30, 9]). Peut-être faut-il distinguer la lignée des descendants du fondateur (les Antheadai (nom troublant aussi), selon l’inscription de Samalkis, l. 32) de la « lignée » des prêtres de Poséidon. Noter que les deux textes sont assez proches dans le temps. 36. Le total des années des prêtrises de la colonne de gauche s’élève à 395, celle de droite à 110 ans. R. DESCAT, l.c. (n. 34), à partir de la date présumée de 250 parvient à 645 av. n. è, et conclut que c’est « effectivement trop récent pour Télamon, fils de Poséidon lui-même ». Certes ! 37. Voir mes observations dans DHA 16, 2 (1990), p. 85-86, prenant appui sur Gr. NAGY, « The naming of Athenian Girl », CJ 74 (1979), p. 360-364. 38. Sur le genre, voir les communications rassemblées par D. AUGER et S. SAÏD (éds), Généalogies mythiques, Paris, 1998. 39. Je me permets de renvoyer à mon article : « La liste des rois d’Athènes dans la Bibliothèque d’Apollodore. Histoire et politique », in M.-M. MACTOUX et E. GÉNY (éds), Discours religieux dans l’Antiquité, Paris, 1995 (ALUB, 578), p. 209-240, repris avec dans Poikilia (1996), p. 37-53. 40. E. SCHWARTZ, Scholia in Euripidem 2, Berlin, 1887, p. 189. 41. Moschos, II, 42 (la graphie donne Téléphaassè); elle porte parfois un autre nom, Tèléphè chez Stéphane de Byzance, s.v. « Thasos » (éd. A. MEINECKE, 1849, p. 306) et la scholie à Euripide, Phén., 5 (éd. SCHWARTZ). 42. Scholie T à Iliade XIV 321, cf. Eustathe, Com. P. 939, 34, comme épouse de Phoïnix. 43. Hygin, Fab., 178, 1, comme épouse d’Agènor. 44. Jean d’Antioche (Fragmenta Historicorum Graecorum, IV, P., 1866), fr. 6, 15, comme fille du héros éponyme Tyros et épouse d’Agènor. 45. Asios de Samos, fr. 7 (A. BERNABÉ, Poetarum Epicorum Graecorum Testimonia et Fragmenta, Leipzig, Teubner, 1987, p. 127-130) (= Pausanias, VII, 4, 1, qui le cite souvent), fille d’Oineus, comme épouse de Phoïnix. 46. Voir ce que raconte Pausanias à propos d’Eurôps fils illégitime de Phorôneus et de la cité d’Hermione, selon Hérophanès de Trézène et d’après son propre raisonnement (II, 34, 4). 47. À l’aube de la Théogonie hésiodique, avant que Terre ne se couvre parthénogénétiquement de son amant, on naissait même de principes sans sexe, ainsi les enfants de Chaos, de Nuit. 48. L’Asie Mineure hellénistique offre un beau champ à de multiples études de ces fabrications de passés. Deux bons exemples (Téléphos et Pergame; les ancêtres de Tarse) dans l’ouvrage de T.S. SCHEER, Mythische Vorväter. Zur Bedeutung griechischer Heroenmythen im Selbstverständnis kleinasiatischer Städte, München, 1993 (Münchener Arbeiten für alten Geschichte, 7).

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49. Je renvoie aux travaux de Poikilia, l.c. (n. 32). 50. Cf. p. 255 et note 40. 51. Selon la Bibliothèque elle-même (III 1, 5). 52. FGrH 10 F 7 (éd. JACOBY), cité par une scholie à Eschyle, Perses, 188 (O. DÄHNHARDT, Scholia in Aeschyli Persas, Leipzig, 1894, v. 188). La date du témoignage comme la distinction géographique entre la Thrace et l’Europe sont intéressantes. Andron fixe une Europe un peu plus à l’ouest et au sud. 53. La Bibliothèque reste dans sa perspective généalogique. Le début de ce troisième livre fait ainsi la transition avec le précédent : « Maintenant que, dans cet exposé sur la lignée d’Inachos, nous avons présenté les descendants de Bèlos jusqu’aux Héraclides, continuons avec l’histoire d’Agènor » de la même façon qu’au début du livre II, nous avions : « Maintenant que nous avons présenté toute la descendance de Deucalion, continuons avec celle d’Inachos. » 54. Sans que les choses y soient bien claires, comme parfois chez lui, Stéphane de Byzance donne Tèléphè comme mère de Thasos (s.v. « Thasos » [éd. A. MEINECKE, p. 306]), ce qui ferait quatre frères de même mère en quête de leur sœur. 55. Studies in Greek Genealogy, Leiden, Brill, 1968, p. 27-39 (avec ses tableaux III et IV). Livre inventif, parfois génial, souvent imprudent et discutable (voir le sévère, mais juste, comme on dit, compte rendu de W. DEN BOER dans Gnomon 43, 5 [1971], p. 469-479). Il est faible dans la plupart de ses tentatives de systématisation (cycle de mariages sur deux générations dans la généalogie troyenne, de trois générations dans celle de Bellérophon…) et d’application à la période historique, il est audacieux et innovant dans le traitement systématique des informations généalogiques. C’est le cas pour cette reconstitution de la généalogie troyenne fondée sur les fragments 4 F 19, 23, 24, 29 et 138-140 d’Hellanicos (complétés par quelques informations prises à d’autres sources) et que je ne remets pas en cause. 56. Dans ce qui suit, je souligne les noms référents de territoires, montagnes, cités ou villes. 57. On sait que les généalogies grecques n’ont pas peur des répétitions (voir le cas de la liste des rois d’Athènes, avec ces Pandion I et II, ses Kékrops I et II, ses Érechthée I et II...). 58. J’adopte des caractères italiques pour les noms de cours d’eau. 59. Qui réapparaît comme épouse d’Ilos II. 60. Un Teukros réapparaît comme père de l’épouse de Priam, Arisbè et comme fils de Télamon. La chronologie est toujours mise à mal par les homonymies : ainsi, chez Stéphane de Byzance, s.v. « Dardanos », la Dardanie se serait d’abord appelée la Teukride. 61. Le mémoire de maîtrise de M. MOAL, Oi , Rennes, 2004, consacré aux dieux fleuves mérite d’être cité. 62. Skamandre réapparaît sous la forme Skamandrios comme fils d’Hector et Andromaque. 63. Voir ci-dessus p. 251 le Strymon « primitif » d’Argos. 64. Observation qui nous ramène à la qualité du temps : comme dans les généalogies d’autochthones puis de gègeneis, où le progrès se marque par des modes de reproduction moins surnaturels, ici, les héros se font de plus en plus « humains ». 65. Histoires, I, 1-2. 66. Sur ce rire, voir l’article de C. DARBO-PESCHANSKI, « Rire et rationalité : le cas de l’historiographie grecque », in M.-L. DESCLOS (éd.), Le rire des Grecs. Anthropologie du rire en Grèce ancienne, Grenoble, 2000, p. 203-214. 67. Pour reprendre la note de Ph. E. LEGRAND à ce passage (CUF, p. 69), tel était l’avis d’Hécatée (FGrH 332 c). 68. Histoires, IV, 36. Sur tout cela, voir le chapitre 4 de Chr. JACOB, Géographie et ethnographie en Grèce ancienne, Paris, A. Colin, 1991. 69. Agatheméros, I, 9 : πρῶτος ἐτόλμησε τὴν οἰκουμένην ἐν πίνακι γράψαι. Chr. JACOB, « Carte greche », in F. PRONTERO (éd.), Geografia y etnografia nel mondo antico, Bari, 1983, p. 47-56.

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70. Annexant en quelque sorte la partie septentrionale de notre conception de l’Asie. Que l’Europe soit fondamentalement boréale, c’est ce que semble penser Hégésippe (cité par le scholiaste au Rhésos d’Euripide (29) (traduction de Fr. DIEZ DE VELASCO, l.c. [n. 8], p. 124) : « Hégésippe dans ses Palleniaca ( FGrH 391 F 3). Cadmos accompagné par Tèléphaè, la mère d’Eurôpè [passage corrompu] (se dirigea vers) – et apprit qu’Eurôpè commandait en Thrace; ils arrivèrent sur l’autre continent où Eurôpè sur tous exerçait le pouvoir, non pas la fille de Phoïnix, mais une femme du pays [abandonnée par son mari]; c’est à cause de celle-ci que tout le continent tourné vers Borée est appelé Europe. » 71. Histoires, IV, 42. Hérodote ne connaît pas de limite septentrionale à son Europe (quid de la Thrace ?) alors que Libye et Asie sont limitées par des mers au sud. 72. Sur la controverse d’Hérodote avec les Ioniens à propos de l’Europe, voir G. AMIOTTI, « L’Europa nella polemica tra erodoto e gli Ioni », in L’Europa nell mondo antico, o.c. (n. 9), p. 49-46. 73. Histoires, IV, 45. 74. De nouveau, les notes de Ph. E. LEGRAND sont simples et claires : Hérodote conteste que le Nil forme la démarcation entre l’Asie et la Libye (II 16); que le Phase de Colchide (le Rion du Caucase) forme la démarcation entre l’Europe et l’Asie; quant au Tanaïs, c’est contre l’opinion d’Hécatée qu’Hérodote en a, opinion qui marquait là une séparation nord/sud. 75. Mais les Lydiens s’opposent à cette identification disant que ce n’est pas l’Asiè de Prométhée qui aurait donné son nom à l’Asie, mais un Asiès, fils de Cotys fils de Manès… Comme quoi on n’en finit jamais avec cette pratique généalogique. 76. Comme un ethnique. 77. C’est pourquoi la Lycie est une terre de Crétois (!), Eurôpè y a accompagné son fils Sarpédon 78. Sur le rôle de la vache dans ces mythes, voir J.M. DAVISON, « Myth and Periphery », in D.C. POZZI et J.M. WICKERSHAM (éds), Myth and the Polis, Ithaca / London, 1991, p. 54. 79. Les vaches grecques nagent : voir l’épisode fameux de la génisse qui se présente volontairement au sacrifice des Cyzicéniens après avoir traversé un détroit (Plut., Lucullus, 10, 1). 80. Deux lectures du voyage d’Io sont à recommander, celle d’A. BONNAFÉ, « Texte, carte et territoire : autour de l’itinéraire d’Io dans le Prométhée », JS (1991), p. 133-193 et JS (1992), p. 3-34 et celle de Cl. CALAME, Poétiques des mythes dans la Grèce antique, Paris, 2000, où l’on trouvera, p. 117-144, un traitement de l’histoire d’Eurôpè et d’Io. 81. Plus d’autochthonie, on descend des Argiens par les femmes ! 82. À partir de là, les récits d’Apollodore et des scholies AD au Catalogue des vaisseaux de l’Iliade (II, 494), citant à la fin les Boiotika d’Hellanicos (FGrH 4 F 51), sont remarquablement semblables (voir la mise en parallèle par VIAN, o.c. [n. 8], p. 21-22, dans sa présentation des sources). 83. GOMMERS, l.c. (n. 10), p. 32, cite aussi un diocèse byzantin nommé Europa sur la côte orientale de la Thrace, mais sans donner sa source. 84. Même histoire (à des détails intéressants près) chez Hellanicos (FGrH 4 F 51 = scholie Iliade II 494 [éd. DINDORF]). Source traduite chez CARRIÈRE – MASSONIE, p. 217. 85. Voir les études de L. PIOLOT, « Autochthones et allochtones, le nécessaire mariage des genres », Poikilia (1996) p. 55-77, de M. COCHET et d’E. CHEMINEL, dans le même numéro, citées à la note 32.

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RÉSUMÉS

Nombre d’exégètes ont déjà montré comment le nom a fonctionné comme un tremplin pour donner à la pensée mythique grecque une impulsion particulière. Ces noms sont souvent « parlants », mais il en est de géographiques, ainsi celui d’Eurôpè dans ses rapports avec l’Europe. Eurôpè apparaît plusieurs fois dans des récits généalogiques, et spécialement dans la Bibliothèque d’Apollodore. Elle est incluse dans des lignées, et sa présence leur donne tout leur sens. C’est l’occasion de revenir sur les qualités de ce cadre narratif minimum que constituent ces généalogies. Productrices d’un passé spécifique, elles ne donnent point l’Histoire : insuffisamment structurées et porteuses de valeurs extrinsèques. Elles sont aussi productrices d’espace. Les noms des acteurs de ces récits, par leur simple présence, et aussi par l’ordre dans lequel ils apparaissent dessinent une géographie qui est celle d’un cosmos fort remodelé par le caractère très narcissique de cette pensée, refermée sur son hellénité.

Geography and History of genealogical accounts. Many scholars have already shown how names have functioned as a springboard giving mythic Greek thought a particular direction. These names are often “speaking” names, but some are geographic like that of Eurôpè in their relations with Europe. Eurôpè appears many times in genealogic accounts, and especially in Apollodore’s Library. She is included in some lines and her presence gives them their entire signification. This provides the opportunity to return to this minimum narrative scope: the genealogic accounts. They give only a specific past, no history, because they are insufficiently structured and have outer values. They also give space. The names of the actors, simply by their presence, and also by the order in which they appear, draw a map, that of a cosmos, – but one remodelled by the highly narcissistic character of this thought, closed by its Hellenic conception.

AUTEUR

PIERRE BRULÉ Crescam – Université de Rennes 2

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La notion de retournement et l’agôn musical entre Apollon et Marsyas chez le ps.-Apollodore Interprétation d’un mythe

Philippe Monbrun

Quand un aulète défie un citharode

1 L’agôn musical1 entre Apollon et Marsyas est le plus célèbre des concours musicaux de la mythologie grecque. À la cithare d’Apollon, le satyre phrygien oppose l’aulos, qu’A. Bélis définit comme un « instrument à vent à deux tuyaux, ébranlé par deux anches doubles »2. Ni flûte, ni hautbois ou clarinette, il n’a pas d’équivalent exact dans notre organologie. On connaît les circonstances qui ont conduit à cette joute, ainsi que son déroulement et son issue tragique pour Marsyas. Tout commence avec Athéna à laquelle la tradition la plus répandue, illustrée notamment par Pindare et Platon3, attribue l’invention de l’aulos et de l’aulétique. La déesse rejette l’instrument dès qu’elle voit les horribles traits de Gorgone que prend son visage quand elle en joue4. Marsyas, dont une autre tradition, attestée par Diodore et Athénée, fait l’inventeur de l’aulos5, recueille alors l’instrument délaissé par Athéna et ose défier Apollon, le dieu musicien, sur son propre terrain6. Mais l’hybris ne paie pas, comme le montre, par exemple, un cratère en cloche campanien, vers 360-330 (Fig. 1).

2 On voit Apollon, en habit de concours, qui vient de terminer sa prestation. Il est descendu du podium et semble détendre les cordes sur le joug de sa cithare. Nikè s’apprête à le couronner, alors qu’assis à ses pieds, Marsyas est vaincu, la tête appuyée sur la main gauche qui tient l’aulos reconnaissable à ses tuyaux rectilignes d’égale longueur. Artémis, tenant une lance, un chien auprès d’elle, assiste à la victoire de son frère. La suite de l’épisode est représentée sur un médaillon gallo-romain de la seconde moitié du Ier siècle (Fig. 2) : sur la droite de l’image, accoudé à sa cithare, le dieu vainqueur condamne Marsyas à être écorché vif. À ses pieds, Olympos, ici fils de Marsyas, implore en vain la clémence. En face d’Apollon, le drame est seulement

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suggéré par le bourreau Skythès apprêtant ses lames7 pendant que son aide hisse la victime pour la suspendre à la branche d’un arbre.

Figure 1. Marsyas vaincu. Cratère en cloche campanien, vers 360-330. Copenhague, Mus. Nat. 3757. Dessin de l’auteur d’après le LIMC, « Artémis », II, 2 (1984), fig. 1429, p. 562.

3 Ce sont les conditions de la victoire d’Apollon qui m’intéressent au premier chef. Selon la tradition la plus communément reçue, Apollon l’emporta parce que lui seul pouvait chanter tout en jouant de son instrument. Cette version a le mérite de situer l’agôn entre Apollon et Marsyas dans le cadre des vicissitudes de la vie musicale grecque. C’est Diodore qui en donne le récit le plus exemplaire (III, 59, 2-3) : Comme Marsyas entrait en compétition artistique avec Apollon (᾿Ερίζοντος δὲ τοῦ Μαρσύου πρὸς τὸν ᾿Απόλλω περὶ τῆς τέχνης) et que les habitants de Nysa avaient été pris comme juges, Apollon, en premier, joua de la cithare sans accompagnement de chant (τὸν μὲν ᾿Απόλλωνα πρῶτον κιθαρίσαι ψιλήν); mais Marsyas, intervenant ensuite avec son aulos (τὸν δὲ Μαρσύαν ἐπιβαλόντα τοῖς αὐλοῖς), frappa l’auditoire par l’étrangeté de sa musique (καταπλῆξαι τὰς ἀκοὰς τῷ ξενίξοντι) et lui parut l’emporter de beaucoup sur le premier concurrent par ses qualités mélodieuses (καὶ διὰ τὴν εὐμέλειαν δόξαι πολὺ προέχειν τοῦ προηγωνισμένου). Mais, comme ils étaient convenus de montrer alternativement (παρ᾿ ἄλληλα) leur art aux juges, pour le second tour (τὸ δεύτερον), Apollon ajouta, dit-on, un chant en harmonie avec la mélodie de la cithare (τὸν μὲν ᾿Απόλλωνά φασιν ἐπιβαλεῖν (…) ἁρμόττουσαν τῷ μέλει τῆς κιθάρας ᾠδήν) et acquit ainsi une plus grande faveur que celle que l’aulos avait rencontrée (καθ᾿ ἣν ὑπερβαλέσθαι τὴν προϋπάρξασαν τῶν αὐλῶν ἀποδοχήν) (…)8. 4 Indigné, Marsyas conteste alors la validité de la performance en faisant valoir que le concours devait uniquement porter sur l’art instrumental (III, 59, 3). Apollon réplique que tous deux utilisent leurs mains et leurs bouches (III, 59, 4) et emporte l’avis des juges (III, 59, 5) : Et comme les auditeurs avaient jugé que les paroles d’Apollon étaient les plus justes, l’on fit une nouvelle confrontation de leurs arts; Marsyas eut le dessous

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(Μαρσύαν λειφθῆναι), et Apollon, que la querelle avait passablement irrité, écorcha vif le vaincu (ἐκδεῖραι ζῶντα τὸν ἡττηθέντα)9.

Figure 2. Marsyas condamné. Médaillon d’applique gallo-romain signé » Felix », seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C., A. AUDIN, H. VERNET, Gallia 30 (1972), p. 235-246, fig. 1.2. Dessin de l’auteur d’après le LIMC, « Apollon / Apollo », II, 1 (1984), fig. 591, p. 456.

5 On retrouve, dans cette version du concours, la supériorité qui était reconnue à la citharodie parce qu’elle exigeait de chanter et de jouer de la cithare en même temps. Comme le souligne A. Bélis, « le monde antique ne douta jamais que la citharodie était la plus belle et la plus difficile des spécialités musicales »10. Elle combinait, en effet, au prix d’un travail acharné, la maîtrise simultanée de la citharistique, strictement instrumentale, et de la technique du chant. Dans De l’Institution oratoire (I, 12, 3), le rhéteur Quintilien apprécie en connaisseur l’exploit du citharode : il doit surveiller sa mémoire et marquer le rythme du pied; il doit se concentrer à la fois sur son chant et sur les jeux différents et complémentaires de ses deux mains pour marier parfaitement les accents de sa voix et de sa cithare. On peut ajouter aux exigences relevées par Quintilien que, lors des récitals et des concours panhelléniques ou régionaux, les citharodes étaient aussi jugés sur la qualité de leur expressivité et de leur gestuelle. Aussi, que Marsyas, par ses talents d’aulète, ait été prêt de l’emporter sur Apollon cithariste, pourquoi pas. L’aulos est réputé être l’instrument le plus polyvalent de l’organologie grecque, le plus capable d’exprimer tous les sentiments et d’accompagner toutes les circonstances. Mais, face à Apollon citharode, le satyre aulète ne faisait plus le poids. Virtuose, dans le même temps, du chant et de la cithare, le dieu se révèle un musicien plus accompli que Marsyas. En effet, souffler dans les tuyaux de l’aulostout en chantant est une prouesse qui ne se rencontre guère qu’à l’état de non-sens dans les versions grecque ou latine. Il existait bien une discipline combinant le chant et la musique de l’aulos. C’est l’aulodie, où un chanteur, appelé aulode, était accompagné par un aulète, mais, par la force des choses, elle nécessitait deux exécutants. Un Marsyas

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aulode n’aurait donc pu concourir avec un Apollon citharode et même s’il l’avait pu, il n’aurait eu aucune chance de l’emporter, l’aulodie étant considérée comme une discipline vocale de second choix par rapport à la citharodie qui couronnait l’ensemble des disciplines musicales. À bien des égards, en effet, le cithariste et l’aulode apparaissent comme des musiciens incomplets, chacun d’eux ne maîtrisant qu’une moitié de la citharodie11. À la suite des textes anciens, A. Bélis relève une autre « différence capitale » entre les deux disciplines : alors que l’aulos « couvre facilement la voix », « l’accompagnement par la seule cithare ne masquait aucune erreur », ce qui rendait l’exercice particulièrement difficile12. Rien de surprenant, donc, à ce que les récompenses les plus importantes aient été décernées aux citharodes13.

6 Le rejet de l’aulos par Athéna, la défaite et la condamnation de Marsyas, trouvent aussi leur place dans le cadre des contestations suscitées par l’aulos au début de l’époque classique, ainsi que l’ont mis en évidence Z. Papadopoulou et V. Pirenne-Delforge dans un article consacré à la XIIe Pythique de Pindare14 : capable d’imiter au mieux la voix humaine tout en étant à la fois fonctionnellement indisponible pour le chant et assez puissant pour le couvrir, l’aulos tend à marginaliser le logos. Dans les chœurs dédiés à Apollon, sa musique doit rester au second plan, au service de la parole chantée que préfère le dieu. Au Ve siècle, la cité démocratique d’Athènes veille aussi à défendre la primauté du chœur civique, du chant et de la parole, menacée par l’aulos et la musique en quelque sorte politiquement incorrecte qu’il représente. Qu’est-ce donc que la défaite de l’aulos dans l’agôn entre Apollon et Marsyas tel que le raconte Diodore ? Elle apparaît, d’une part, comme la très apollinienne victoire du chant, accompagné et non masqué par l’instrument, et d’autre part, comme la très démocratique victoire de la musique chorale, expression du corps civique, sur l’hybris du soliste virtuose incompatible avec la formation morale du citoyen15.

Figure 3. Apollon vainqueur joue de la lyre retournée. Plaque de grès en relief provenant d’un monument funéraire romain, de Bierbach, en Allemagne. Speyer, Mus. Hist. du Palatinat. Dessin de l’auteur d’après le LIMC, II, 2, « Apollon / Apollo » (1984), fig. 584, p. 351.

Comment Apollon retourne la cithare à son profit

7 J’en resterai là sur ces réflexions. Il est temps de considérer l’autre raison invoquée pour la victoire d’Apollon, notamment par l’auteur de cette compilation mythologique qu’est la Bibliothèque. Le ps.-Apollodore, à qui l’on doit la première narration complète des tragiques mésaventures de Marsyas, raconte comment Apollon gagne le concours

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en exécutant une manœuvre de retournement que son adversaire est dans l’impossibilité de reproduire (I, 4, 2) : Apollon tua aussi Marsyas, le fils d’Olympos. Celui-ci, en effet, trouva l’aulos qu’Athéna avait jeté parce qu’il enlaidissait son visage et il engagea une joute musicale avec Apollon (ἦλθεν εἰς ἔριν περὶ μουσικῆς ᾿Απόλλωνι). Ils convinrent que le vainqueur disposerait du vaincu (συνθεμένων δὲ αὐτῶν ἵνα ὁ νικήσας ὃ βούλεται διαθῇ τὸν ἡττημένον) et le temps de se mesurer arriva (τῆς κρίσεως γινομένης) : ayant retourné sa cithare (τὴν κιθάραν στρέψας), Apollon concourait (ἠγωνίζετο ὁ ᾿Απόλλων); il demanda à Marsyas de faire de même (καὶ ταὐτὸ ποιεῖν ἐκέλευσε τὸν Μαρσύαν). Mais ce dernier en fut incapable (τοῦ δὲ ἀδυνατοῦντος) et Apollon, jugé le meilleur (εὑρεθεὶς κρείσσων ὁ ᾿Απόλλων), suspendit Marsyas à un pin élevé (κρεμάσας τὸν Μαρσύαν ἔκ τινος ὑπερτενοῦς πίτυος), lui arracha la peau (ἐκτεμὼν τὸ δέρμα) et le tua ainsi (οὕτως διέφθειρεν)16. 8 Si Apollon est vainqueur, c’est bien parce qu’il est capable de jouer de sa cithare après l’avoir retournée (τὴν κιθάραν στρέψας), c’est-à-dire les bras orientés vers le bas et la caisse de résonance vers le haut. J. G. Frazer l’a bien compris qui traduit, en 1921 dans la Loeb Classical Library, « Apollo turned his lyre upside down in the competition », c’est- à-dire qu’Apollon « tourna à l’envers » ou « retourna » son instrument pour en jouer. L’anthropologue britannique appuie sa lecture sur la comparaison avec les passages parallèles d’Hygin et du Second Mythographe du Vatican17. Dans la fable 165, Hygin vient de raconter comment Marsyas trouve l’aulos dont s’est débarrassée Athéna, s’entraîne à en jouer et provoque en duel Apollon et sa cithare (1-3). Il continue (4-5) : Quand Apollon fut arrivé, ils prirent les Muses pour juges, et comme Marsyas repartait vainqueur (et cum iam Marsyas inde victor discederet), Apollon retournait la cithare (Apollo citharam versabat) et il fit entendre les mêmes accents (idemque sonus erat). Marsyas fut incapable d’en faire autant avec l’aulos (quod Marsyas tibiis facere non potuit). Ainsi, Apollon lia Marsyas vaincu à un arbre et le remit à un Scythe (Itaque Apollo Marsyan ad arborem religatum Scythae tradidit) qui le dépeça membre à membre (qui eum membratim separavit)18.

9 À l’expression Apollo citharam versabat, répond celle du Mythographe du Vatican (II, 115) : invertit citharam et canere coepit, « il retourna la cithare et se mit à jouer »19.

10 Invoquant les trois mêmes textes, Burckhardt, auteur, en 1930, de l’article sur le satyre Marsyas dans la Real-Encyclopädie, comprend lui aussi que, « pendant le jeu » (beim Spiel), Apollon a « retourné » (« umgekehrt ») sa cithare et a demandé à Marsyas de l’imiter20. Même lecture de B. Leclercq-Neveu dans la revue Mètis, en 1989 : « Apollon prit sa lyre à l’envers pour jouer et défia moqueusement son adversaire d’en faire autant »21. Marsyas ne put évidemment pas relever le défi de jouer de l’aulos à l’envers : son instrument à vent et à anches est, par essence, un instrument « à sens unique » qui rend le chant impossible et interdit tout autant la réversibilité dans le jeu22. Cette joute insolite est illustrée par une plaque de grès en relief, provenant d’un monument funéraire romain. Découverte à Bierbach, en Allemagne, et publiée en 1892 dans la Westdeutsche Zeitschrift (XI, p. 88-99), cette pièce est conservée au Musée historique du Palatinat de Speyer. Burckhardt la présente comme l’unique témoin, dans tout l’art antique, du mythe d’Apollon et Marsyas selon la version qu’en donnent Apollodore et Hygin. Il commente, en usant du même terme que plus haut : « Apollo hält die Kithara umgekehrt », « Apollon tient la cithare retournée »23. Même interprétation d’A. Weiss qui, dans le catalogue du LIMC, à « Marsyas I », range le document dans la section consacrée au concours avec Apollon. Il occupe seul la rubrique « Apollo exploits an

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advantage ? » et A. Weiss commente ainsi : « Apollo plays the inverted cithara while M[arsyas] plays the flutes »24. Observons donc cette plaque en relief (Fig. 3).

11 On voit, malgré l’usure de la pierre, Apollon assis, sur la gauche, qui tient non pas une cithare, précisément, mais une lyre, bien reconnaissable à sa silhouette. L’instrument est retourné, la caisse de résonance en forme de carapace de tortue, vers le haut, les bras et le joug qui les réunit, vers le bas, appuyés sur la cuisse gauche du dieu. Apollon est en train de jouer comme le montre sa main droite, armée du plectre, sur le plan des cordes. Devant lui, vers la droite, un homme barbu et Athéna, accoudée à son bouclier. On reconnaît, au milieu de la scène, Marsyas jouant de l’aulos, et derrière lui, le bras droit levé, Nikè, suivie de deux personnages féminins, l’un debout, l’autre assis, peut- être les Muses du jury. Une telle représentation de la lyre tenue à l’envers, est suffisamment rare pour que je m’autorise à la rapprocher d’un type de statuettes votives en terre cuite des Ve et IVe siècles, provenant de Véies et de Faléries et conservées à la Villa Giulia : elles figurent Aplu, l’Apollon étrusque, debout et nu, tenant sa lyre retournée, les bras vers le sol25. On retrouve la même position de la lyre sur un fragment du Ve siècle trouvé dans le sanctuaire du Portonaccio, à Véies (Fig. 4, ci- dessous).

Figure 4. Aplu tient la lyre à l’envers. Fragment provenant d’un groupe de statuettes votives étrusques en terre cuite, de Véies (ca 400 exemplaires) et Faléries. Véies, sanctuaire du Portonaccio, Ve siècle. Rome, Villa Giulia. Dessin de l’auteur d’après le LIMC, II, 2, « Apollon / Aplu » (1984), fig. 89, p. 294.

12 I. Krauskopf qui présente ces pièces dans le LIMC, note l’inversion de la lyre sans commentaire particulier26 et je me contenterai moi-même de les livrer à la sagacité du lecteur. Je continuerais volontiers mon chemin si J.G. Landels, dans un des derniers ouvrages généraux parus sur la musique dans l’Antiquité, ne contestait la lecture même du retournement de l’instrument apollinien dans la version du ps.-Apollodore. S’interrogeant sur la signification du terme strepsas dans l’expression τὴν κιθάραν στρέψας, il refuse d’y voir un renversement de la cithare, arguant du fait que, s’il en est vraiment ainsi, rien n’empêche Marsyas de jouer lui aussi de l’aulos « upside-down », dit-il, « en se couchant sur le dos, comme le font souvent les satyres » (« by lying on his

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back, as satyrs often do »)27. L’argument, à vrai dire, ne me paraît pas du tout convaincant.

13 Si Marsyas joue allongé sur le dos, à la façon de ce satyre (Fig. 5) assurant la partie musicale d’un symposion présidé par Dionysos, sur une amphore attique, vers 490, ce n’est pas l’aulos qui est retourné ou renversé : seul l’aulète a modifié sa position. Les anches de l’instrument restent dans la bouche du joueur tandis que le souffle et l’« air » musical sont toujours propulsés dans la même direction à travers les tuyaux.

Figure 5. Satyre aulète couché. Amphore attique FR, peintre de Berlin, vers 490. Paris, Musée du Louvre G 201. D’après Fr. LISSARRAGUE, Un flot d’images. Une esthétique du banquet grec, Paris, éd. A. Biro, 1987, fig. 24, p. 42.

14 Pour que cette interprétation soit valable et que cette technique instrumentale puisse être une imitation de celle d’Apollon, il aurait fallu que le dieu ait joué de la cithare la tête en bas et les pieds en haut, en faisant le poirier28 ! Notons que même dans ce cas de figure aussi improbable qu’acrobatique, la cithare serait toujours tenue dans le bon sens et seul le cithariste, comme le satyre jouant couché, aurait une position renversée ou inversée. Il faut donc, me semble-t-il, écarter la solution que propose J.G. Landels : Apollon a bel et bien retourné l’instrument à cordes et a réussi à en jouer et, de là, on comprend pourquoi le dieu surclasse Marsyas qui ne peut retourner son aulos et transformer en embouchure les extrémités des deux tuyaux. En l’absence d’une explication suffisamment satisfaisante à ses yeux29, J.G. Landels fustige celle qui est, à mon sens, la seule possible : Si cela signifie qu’on exigeait de Marsyas qu’il souffle dans son instrument dans le mauvais sens (« to blow the wrong way down his instrument »), cela ravale l’histoire toute entière au rang d’une ineptie stupide (« to fatuous nonsense »), et retire à Apollon tout mérite pour une victoire remportée grâce à une tricherie éhontée (« by a piece of blatant cheating »)30.

15 Pour la même raison, B. Leclercq-Neveu qui, nous l’avons vu, comprend qu’Apollon joue de sa cithare après l’avoir renversée, porte un jugement de valeur similaire sur l’honnêteté d’Apollon : « Aussi la victoire d’Apollon paraît-elle bien spécieuse, et sa mauvaise foi criante »31. Il est vrai qu’en tournant son instrument en sens inverse, Apollon berne effectivement Marsyas et ne brille guère par son fair-play. Mais pourquoi Apollon devrait-il avoir une moralité au-dessus de tout soupçon ? Et à quoi sert de déplorer le verdict final ou la rouerie du dieu? C’est faire un mauvais procès sinon à Apollon lui-même, du moins à l’intelligence rusée, car c’est bien, me semble-t-il, de mètis qu’il s’agit et de l’ambiguïté de la victoire qu’elle procure. M. Detienne et J.-P.

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Vernant ont bien posé le problème dès le début de leur livre sur les ruses de l’intelligence : Par certains aspects, la mètis s’oriente du côté de la ruse déloyale, du mensonge perfide, de la traîtrise, armes méprisées des femmes et des lâches. Mais par d’autres elle apparaît plus précieuse que la force; elle est en quelque sorte l’arme absolue, la seule qui ait pouvoir d’assurer en toute circonstance, et quelles que soient les conditions de la lutte, la victoire et la domination sur autrui32.

16 De fait, si Apollon ne joue pas vraiment franc-jeu avec un adversaire qui, il faut le noter, a pris l’initiative de l’affronter sur un « terrain » où tous deux excellent, le dieu ne l’emporte pas moins en accomplissant un véritable tour de force, un exploit unique dans le domaine musical et à la seule portée du maître-musicien qu’il est33. Apollon recourt à la réversibilité efficace de son instrument de musique, et cette manœuvre plus ou moins frauduleuse est « l’arme absolue » qui lui permet de se sortir d’affaire face à un concurrent redoutable.

Renversements de position et retournements de situation

17 Ce sont les recherches que je mène sur et autour d’Apollon qui me conduisent à situer cette version du concours entre le dieu musicien et Marsyas dans le champ de la mètis. La confrontation du discours mythique sur le dieu et du discours en paroles et en images tenu par les Grecs sur ses différents champs d’activités, laisse apparaître combien l’arc, la lyre – le terme regroupe ici la phorminx, la kithara et la lyre proprement dite, la chelys des poètes – et le palmier-dattier, si chers à Apollon, intéressent cette forme particulière d’intelligence qui traverse la pensée grecque. M. Detienne et J.-P. Vernant ont mis en évidence combien la « conduite de retournement », ainsi qu’ils la nomment34, est une qualité fondamentale de la mètis. Maîtrisée par Hermès inversant le sens de sa marche dans l’Hymne homérique qui lui est consacré, ainsi que par de nombreux « pensionnaires » du bestiaire de la mètis, cette qualité culmine chez le renard auquel les Grecs prêtent la faculté de se retourner brusquement pour repousser l’attaque de l’aigle. Dans la quatrième Isthmique, Pindare lui compare le pancratiste Mélissos de Thèbes qui, à première vue, ne paye guère de mine : tous deux, par un renversement du corps, échappent à la prise de leurs adversaires. Mélissos se laisse choir sur le dos pour esquiver l’assaut de son opposant, comme le renard se retourne pour bloquer l’attaque du prédateur35. Celui qui passait pour battu retourne donc la situation à son profit : renversé sur le dos, apparemment en situation d’infériorité, il surprend le vainqueur présumé et prend le dessus sur lui. Efficace, le renversement de position est aussi un retournement de situation grâce auquel le plus faible ou le plus léger arrive à l’emporter sur plus fort ou plus lourd que lui, ce qui est un paradoxe caractéristique de la mètis.

Le palmier-dattier

18 Cette victorieuse « conduite de retournement » se retrouve chez l’arbre de la « nativité » délienne d’Apollon et d’Artémis. Comme le rapporte Théophraste dans les Recherches sur les plantes (V, 6, 1), Le palmier aussi est solide (ἱσχυρὸν δὲ καὶ ὁ φοῖνιξ). Il s’incurve en sens inverse des autres bois (ἁνάπαλιν γὰρ ἡ κάμψις ἢ τοῖς ἄλλοις γίνεται) : ceux-ci

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s’infléchissent vers le bas (τὰ μὲν γὰρ εἰς τὰ κάτω κάμπτεται), le palmier vers le haut (ὁ δὲ φοῖνιξ εἰς τὰ ἄνω)36. 19 Le palmier-dattier (phoinix) était réputé se courber « en sens inverse » (anapalin) des autres bois et c’est un topos que l’on retrouve chez de nombreux auteurs 37 : au lieu de s’infléchir sous le poids, il se voûte, comme une étagère qui se bomberait sous des livres, triomphant ainsi des plus lourdes charges, lui qui est pourtant, aux dires de Théophraste, « léger (κοῦφος) et tendre (μαλακὸς) comme le liège »38. Au reste, c’est par ce fier bombement du bois de palmier, par ce comportement spécifique qui lui permet de résister victorieusement à une force contraire, que Plutarque, dans les Propos de table (VIII, 4, 1-5), et Aulu-Gelle, dans les Nuits Attiques (III, 6, 3), expliquent pourquoi une palme est offerte à l’athlète vainqueur39. Cette curieuse propriété du bois de palmier qui laisse les botanistes et les commentateurs d’aujourd’hui muets40 ou circonspects41, semble devoir être rangée au nombre des mirabilia42. Si ce n’est pas dans la nature que les Grecs ont rencontré ce mouvement aberrant du bois de palmier, c’est dans le regard qu’ils portaient sur cet arbre. Cette étrange « conduite de retournement », les Grecs ont pu la rencontrer dans l’association ancienne entre l’arbre qui a vu naître les Jumeaux de Délos et leurs instruments à bras et à cordes43. J’ai montré que les Minoens et les Grecs ont très vraisemblablement utilisé les qualités et les propriétés du palmier, un bois aisément disponible et qu’ils connaissaient bien, pour fabriquer leurs arcs et leurs premières cithares44. Or l’arc et la lyre, au sens générique du terme, sont des « puissances de retournement »45 capables, comme le palmier- dattier, d’opérer les renversements de puissance propres à la mètis46. C’est là, entre l’arc et la lyre, et plus près de l’arc que de la lyre, que j’ai proposé de situer le noyau organisateur des domaines et des façons d’agir d’Apollon, le lieu symbolique où viennent s’ordonner ses différentes facettes. Voilà deux instruments liés par une très étroite parenté en pays grec – comme dans d’autres sociétés séparées ou non des Grecs par le temps et par l’espace – beaucoup moins attributs ou signes de reconnaissance qu’objets constitutifs du dieu, qui par leur matérialité, par les images et les valeurs qu’ils portent ou appellent font « tenir » Apollon debout.

L’arc « réflexe »

20 L’arc, tout d’abord47. Il en existe deux types, tous deux portés par Apollon et Artémis. Le premier, l’arc « simple » est fait d’une seule pièce de bois courbée par une corde. Le second, l’arc « composite », est une arme très élaborée et puissante faite de plusieurs matériaux, bois, corne et tendon, qui rendent ses bras beaucoup plus flexibles et résistants. Pour bander un tel arc, c’est-à-dire y installer la corde, l’archer doit en inverser la courbure naturelle, celle qu’il a sans la corde quand il est débandé.

21 Un arc de ce type est appelé « réflexe » ce qui correspond à l’épithète homérique palintonos désignant un arc dont la mise sous tension se fait en renversant vers l’arrière sa position initiale de la position au repos – sans la corde – vers la position bandée – avec la corde – puis la position armée, quand l’arc est prêt à tirer (Fig. 6, ci-contre).

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Figure 6. Les trois positions de l’arc palintone et palintrope (au repos ou débandé; encordé ou bandé; armé, prêt à tirer). D’après E. MC EWEN, R. MILLER et Ch. BERGMAN, « La conception et la fabrication des arcs anciens », Pour la science (éd. française de Scientific American) 166, août 1991, p. 77.

22 En sens inverse, quand il passe de l’état armé à l’état de repos, cet arc connaît un autre retournement, rendu par l’épithète palintropos dans le fragment 51 d’Héraclite, et qui signifie « qui se retourne, qui revient sur soi-même ». Il y a là deux retournements de courbure qui caractérisent le fonctionnement de l’arc réflexe : le premier permet à l’arc d’emmagasiner beaucoup d’énergie et le second lui permet de la libérer avec une force inégalée. Aussi, dans les mains de l’archer, l’arc palintone et palintrope ne se contente- t-il pas de renverser sa position. Il est aussi capable de « retourner » la situation au profit de celui qui le porte. Sur le champ de bataille, notamment, l’arc permet, même au plus faible ou au plus lâche, de triompher, de loin et sans risque, d’un guerrier plus fort ou plus brave sur lequel il ne l’aurait pas emporté au corps à corps. De là le mépris qui frappe l’archer et son arme, depuis Homère jusqu’à la Guerre du Péloponnèse et la controverse de l’Héraclès d’Euripide sur les qualités et les défauts respectifs de l’hoplite et de l’archer48. L’affrontement entre Pâris-Alexandre et Diomède, dans l’Iliade, est à ce propos des plus significatifs : l’archer lâche et efféminé met hors de combat le seul, avec Ajax, à talonner Achille pour la valeur guerrière49. Quel écart aussi entre ce même Pâris, qu’on pourrait appeler « le pire des Troyens », et Achille, « le meilleur des Achéens » (aristos Akhaiôn)50, qu’il tue pourtant de sa flèche. Un événement marquant de la Guerre du Péloponnèse, comme l’affaire de Pylos, en 425, montre bien que l’arc ne retourne pas seulement l’issue la plus logique et la plus attendue du combat, mais renverse aussi les codes et les valeurs de la guerre hoplitique 51. Le courage de l’hoplite qui se bat « selon les règles », qui garde le rang pour soutenir le choc des lances ennemies, est impuissant face à cette mort qu’il ne voit pas venir et qui frappe aveuglément sans faire de différence « qualitative » entre ses victimes52.

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Chelys et kithara

23 L’instrument de musique apollinien est aussi une « puissance de retournement » très proche de l’arc. Manipulée par Apollon dans la joute qui l’oppose à Marsyas, la cithare tient à la fois de la palintonie et de la palintropie de l’arc réflexe. Comme l’archer qui renverse la courbure initiale de l’arc palintonos pour le bander et le rendre apte au tir, Apollon inverse la position initiale de la cithare pour pouvoir en jouer. Comme les bras de l’arc palintropos qui, après le tir, voient à nouveau leur courbure inversée et reviennent à leur position naturelle quand l’arc est débandé, la cithare voit, après le jeu, sa position à nouveau renversée sur elle-même et ses bras retrouver leur orientation première. La gestuelle citharistique que maîtrise Apollon dans ce duel musical s’apparente à celle que doit maîtriser l’archer pour utiliser un arc réflexe53. Cette même gestuelle invite au rapprochement avec le comportement du palmier- dattier si cher au dieu : la cithare dont Apollon peut jouer anapalin, « en sens contraire » des autres instruments et qui apporte ainsi la victoire, évoque le bois de palmier-dattier qui, selon Théophraste, se courbe anapalin, « en sens contraire » des autres bois, ce qui lui permet de triompher des plus lourdes charges.

24 Nous avons vu comment la cithare, en renversant sa position, renverse en même temps la situation en permettant à Apollon de l’emporter sur Marsyas qui avait la prétention d’être meilleur musicien que lui. L’Hymne homérique à Hermès fait aussi de la lyre un instrument né sous le signe du retournement et de la tortue qui lui a donné son nom, chelys. Pareillement, les auteurs anglo-saxons parlent de « tortoise ». Hermès, le premier lyropoios, ou « facteur de lyre », commence par retourner la tortue qu’il a choisie, par la mettre sur le dos54 : il s’agit de retirer la partie ventrale de la carapace, le « plastron », pour pouvoir vider l’animal et obtenir la caisse de résonance de l’instrument. Le discours bienveillant et louangeur que le petit luthier adresse à la tortue montre également que ce retournement qui la tue est aussi un retournement de fortune pour un animal dédaigné de son vivant et qui, après sa mort, se voit accorder, sous les traits de la lyre, tout à la fois une seconde existence et la haute considération des hommes55. Mais la lyre a de qui tenir ! La « tortoise » est redevable à la tortue dont elle est issue. La fable 352 d’Ésope qui inspira La Fontaine, raconte comment cet animal à la démarche traînante et qui porte sa carapace comme une charge, est plus rapide que le lièvre, « retournant » ainsi une course qui semblait perdue d’avance. La tortue devenue lyre, c’est l’instrument de musique qui montre sa puissance de retournement. Après le vol du troupeau d’Apollon par Hermès, la lyre permet au plus petit et au plus faible des deux protagonistes de se tirer, à très bon compte, d’un mauvais pas. Hermès nouveau- né, d’abord par les seules notes de sa lyre, puis chantant en s’accompagnant de l’instrument, « retourne » Apollon, transformant la colère du frère aîné en admiration et en amitié à son égard56. Cl. Leduc a mis en évidence le rôle de la lyre dans l’instauration de la philotès (v. 507), à la fois « lien d’amitié et de respect mutuel » entre les deux frères57 : à l’issue d’une véritable transaction commerciale, la lyre est le paiement qu’Hermès contraint Apollon d’accepter pour le prix des vaches qu’il lui a volées. Hermès revient de loin et, grâce à sa lyre, c’est aussi sa propre situation qui s’est « retournée » de façon spectaculaire : de nouveau né d’un jour à peine sorti de ses langes, reconnu ni par les Olympiens, ni par les hommes et passible de la vengeance d’Apollon, il passe à l’état de dieu de plein droit, pourvu des attributs de sa puissance et des honneurs dont il est redevable.

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25 Dans les mains d’Orphée aussi, la lyre est une « puissance de retournement ». Ainsi, dans les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes, Orphée, qui est le plus faible des Argonautes, parvient pourtant, grâce à son chant et aux accents de sa phorminx, à charmer l’équipage de l’Argo et à calmer les esprits échauffés par une dispute58. Plus tard, sa virtuosité instrumentale lui permet de l’emporter sur les dangereuses Sirènes : en brouillant leur chant, la musique de la phorminx sauve les Argonautes d’une mort certaine59. Dans les Images, Philostrate le Jeune décrit un tableau qui représente Orphée citharode envoûtant des animaux sauvages, prédateurs et proies se côtoyant sans dommage60. Enfin, Orphée parvient à charmer Charon, Cerbère, Perséphone et Hadès lui-même dont il obtient de pouvoir accéder au monde du dessous pour en ramener les morts qu’il est allé y chercher et notamment son épouse Eurydice61. La musique de l’instrument à cordes, accompagnant ou pas le chant, réussit à « inverser » la nature profonde de ceux qui les écoutent. C’est finalement la mort, suprême « retournement », qui se laisse fléchir sous l’emprise du pouvoir qu’Orphée tire de sa lyre et de son chant. Ces réflexions m’amènent à considérer avec intérêt la lecture que J. Svenbro, fait de l’ agôn musical entre Apollon et Marsyas, tel qu’il est raconté par le pseudo-Apollodore : en se fondant sur l’analyse des rapports antithétiques entre la chelys née de la tortue et la pierre tombale, il propose de voir dans la première, l’instrument efficace du retour de la mort muette à la vie sonore, et dans la seconde, le mouvement contraire et l’impossibilité de ce retour. Tenue à l’endroit, les bras pointés vers le haut, la lyre, et celle d’Orphée tout spécialement, serait l’instrument de retour du défunt vers le monde des vivants, l’instrument capable de vaincre la mort, alors qu’au contraire, la lyre d’Apollon inversée vers le sol, serait le « signe funéraire » qui condamne Marsyas à mort et l’entraîne sans espoir de retour vers le monde infernal62.

26 D’une position à l’autre, la lyre changerait donc de signe. L’arc n’est-il pas aussi dans ce cas ? Je suis frappé de la symétrie entre la nature ambivalente de la lyre qui se dessine ici et le statut ambigu de l’arc tel que l’ont défini J. Le Goff et P. Vidal-Naquet : médiéval ou grec, « l’arc est un signe dont la valeur n’est donnée que par la position qu’il occupe dans le système »63. En fonction du contexte dans lequel il est utilisé et du statut de celui qui le porte, il pourra être « signe de chute ou signe de remontée »64, au point que P. Vidal-Naquet a pu parler, pour le monde grec comme pour le monde médiéval, d’un « arc-plus » et d’un « arc-moins »65. Il en va de même pour la lyre : en fonction de la position qu’elle occupe – dans l’espace, ici –, tenue vers le haut ou retournée vers le bas, la lyre est, au sens propre comme au sens figuré, « signe de remontée » de la mort vers la vie – c’est la lyre d’Orphée qui ramène Eurydice –, ou « signe de chute » de la vie vers la mort – c’est la lyre d’Apollon qui précipite Marsyas aux Enfers.

Du retournement de la cithare au retournement de la peau

27 Un dernier point reste en suspens, c’est la peau écorchée de Marsyas66 accrochée à son arbre. L’analyse de la notion de retournement et l’exploitation que j’en ai faite pour comprendre l’épisode de Marsyas, m’amènent à me demander s’il ne faut pas comprendre de la même manière l’écorchement qu’Apollon fait subir au satyre : après l’avoir vaincu en retournant sa cithare, il le punit en lui retournant la peau67. De nombreux textes, en effet, laissent entendre que Marsyas n’a pas été écorché une lanière de peau après l’autre, mais par une sorte de retournement de sa dépouille tout

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entière, retroussée à la manière d’une outre. C’est ainsi qu’Hérodote (VII, 26) raconte comment, en 481, l’armée de Xerxès, en route pour Sardes, … pénétra en Phrygie et, marchant à travers ce pays, parvint à Kélainai, où sont les sources du Méandre et celles d’un autre fleuve non moins important que le Méandre, qui a nom Catarractès; il jaillit au milieu même de la place publique de Kélainai et se jette dans le Méandre. Là aussi [dans l’agora de Kélainai] est suspendue la peau [= l’outre] du Silène Marsyas (ἐν τῇ καὶ ὁ τοῦ Σιληνοῦ Μαρσύεω ἀσκὸς [ἐν τῇ πόλι] ἀνακρέμαται) qu’Apollon, aux dires des Phrygiens, avait suspendue après l’avoir écorchée (τὸν ὑπὸ Φρυγῶν λόγος ἔχει ὑπὸ ᾿Απόλλωνος ἐκδαρέντα ἀνακρεμασθῆναι)68. 28 Dans l’Euthydème de Platon, Ctésippe fait à Socrate, sur le mode plaisant, la réponse suivante (285c-d) : Moi aussi, Socrate, je suis prêt à me remettre aux mains des étrangers, même s’ils veulent m’écorcher encore plus qu’ils ne le font en ce moment, à condition que ma peau se change finalement, non pas en outre (εἴ μοι ἡ δορὰ μὴ εἰς ἀσκὸν τελευτήσει), comme celle de Marsyas (ὥσπερ ἡ τοῦ Μαρσύου), mais en vertu (ἀλλ᾿ εἰς ἀρετήν)69. 29 Dans ses Images, Philostrate le Jeune décrit une peinture représentant l’agôn entre Apollon et Marsyas alors que le dieu termine sa prestation et que le satyre se sait déjà perdu (2, 1) : Et il se tient près du pin (καὶ παρέστηκε μὲν τῇ πίτυι) auquel il sait qu’il sera suspendu (ἀφ᾿ ἧς κρεμασθήσεσθαι οἶδε) et écorché pour devenir une outre (ἀσκὸς δεδάρθαι), ayant lui-même prononcé cette peine contre lui70. 30 Quant à Nonnos de Panopolis, il évoque en ces termes le châtiment de l’insolent Marsyas, dans Les Dionysiaques (XIX, 319-22) : Mais le dieu le dépouilla de sa peau velue (ἀλλά ἑ γυμνώσας λασίου χροός) en le suspendant à une branche (ἔρνεϊ δήσας) et il en fit une outre animée (ἔμπνοον ἀσκὸν ἔθηκε) : souvent, au sommet de l’arbre (καὶ ὑψόθι πολλάκι δένδρου), le vent qui s’y engouffrait lui donnait forme à son image (ἐνδόμυχος κόλπωσε τύπον μιμηλὸν ἀήτης), comme si le pâtre babillard chantait à nouveau71. 31 Ces quatre textes désignent la dépouille de Marsyas par le terme « askos », pour lequel P. Chantraine donne « ‘peau d’un animal écorché’, d’où usuellement ‘outre’ qui en est faite, notamment pour contenir du vin ou comme soufflet »72. Ce terme suggère que la peau écorchée garde, comme une outre, la silhouette du corps du satyre, ce que confirme Nonnos quand il précise que le vent redonnait en quelque sorte figure humaine au corps de Marsyas en gonflant sa peau73. L’épigramme funéraire VII, 696 qu’Archias de Mytilène adresse à Marsyas invite à la même lecture : « Tu te balances, ton corps de bête fouetté par les vents (Αἰωρῇ θήρειον ἱμασσόμενος δέμας αὔραις) 74… » C’est la silhouette même de Marsyas qui ballotte au gré du vent tout comme c’est elle que les accents de l’aulos semblent rendre à la vie, dans l’Histoire variée d’Élien (XIII, 21) : À Kélainai, si quelqu’un joue de l’aulos sur le mode phrygien près de la peau écorchée du Phrygien (ὅτι ἐν Κελαιναῖς τῇ δορᾷ τοῦ Φρυγὸς ἐὰν προσαυλῇ τις τὴν ἁρμονίαν τὴν Φρύγιον), elle vibre (ἡ δορὰ κινεῖται), mais si on joue pour Apollon (ἐὰν δὲ εἰς ᾿Απόλλωνα), elle reste immobile et semble sourde (ἀτρεμεῖ καὶ ἔοικε κωφῇ)75. 32 Cette dépouille animée par le vent et sensible par delà la mort à la musique de l’aulos, ne peut se concevoir, à l’image d’une outre, que comme une enveloppe, une espèce de mannequin qui a l’apparence du vivant76. Une fois Marsyas suspendu à l’arbre de son supplice – un pin, le plus souvent77 –, la peau ne lui est donc pas retirée lambeau après

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lambeau mais d’un seul tenant, et il n’y a guère là qu’une seule technique possible : un véritable retroussement de la peau du haut jusqu’au bas du corps, comme on peut encore le voir faire sur les lapins dans les campagnes, ou comme je l’ai vu pratiquer sur des chèvres et des boucs par des bergers crétois. Cette peau ainsi retroussée permet de mieux saisir la pertinence de la comparaison avec l’askos : l’outre elle-même est une peau retournée, la surface extérieure étant constituée par la peau qui se trouvait côté chairs et la surface intérieure, celle en contact avec le liquide, par ce qui était l’extérieur de la peau. Un tel procédé évoque la très déconcertante manœuvre de retournement prêtée par les Grecs à un poisson qu’ils nommaient de façon significative « renard ». Ainsi Plutarque, quand il décrit le moyen de se débarrasser de l’hameçon, dans son traité Sur l’intelligence des animaux (977b) : Le renard (ἀλώπηξ) n’approche pas souvent l’appât mais il fuit la ruse; s’il est pris, il s’en débarrasse. En effet, grâce à sa souplesse et à sa flexibilité, il a une aptitude naturelle à transformer son corps (πέφυκε… μεταβάλλειν τὸ σῶμα) et à le retourner (καὶ στρέφειν), de sorte que l’intérieur étant devenu l’extérieur (ὥστε τῶν ἐντὸς ἐκτὸς γενομένων), l’hameçon tombe78. 33 Même technique du « renard de mer » (ἀλώπεκα (…) τῆς θαλαττίας) dans La Personnalité des animaux d’Élien (IX, 12) : Il déplie ses organes intérieurs, il les retourne à l’extérieur (ἑαυτῆς τὸ ἐντὸς μετεκδῦσα ἔστρεψεν ἔξω), dépouillant son corps comme une chemise (ὥσπερ οὖν χιτῶνα τὸ σῶμα ἀνελίξασα)79. 34 Dans cette astuce proprement « renversante » du « poisson-renard » qui retourne l’intérieur de son corps vers l’extérieur, M. Detienne et J.-P. Vernant reconnaissent le « cas limite du renversement » : pour expulser l’hameçon, ce poisson se retrousse, « se retourne comme un gant »80. Sous le signe d’une mètis très palintrope, qui aime tout ce « qui se retourne », ce « qui revient sur soi-même », l’air de famille me paraît frappant entre la victorieuse manœuvre de cet animal qui est capable de se retrousser pour l’emporter sur le pêcheur et le châtiment d’Apollon qui manifeste sa victoire en retroussant la peau de Marsyas. Je pousserais volontiers la parenté avec le double renversement de courbure qui donne toute sa puissance à l’instrument réflexe d’Apollon (Fig. 6) : les deux bras qui basculent autour de la poignée de l’arc créent l’illusion qu’il se retrousse lui aussi « comme un gant » de part et d’autre de la seule partie immobile de l’instrument.

35 Ainsi, la version de l’agôn musical entre Apollon et Marsyas que donne le ps.-Apollodore n’a rien d’anecdotique ni de fortuit. Le retournement de la lyre par le dieu musicien, mais aussi le retournement de la peau du vaincu, s’insèrent dans un complexe apollinien articulé autour des « conduites de retournement » que connaissent les deux instruments à bras et à cordes d’Apollon et l’arbre de la « nativité » délienne. Renversements de l’arc palintone et palintrope, retournements de la lyre, courbure anapalin du palmier-dattier, retroussement de la peau de Marsyas, autant de conduites qui mettent en jeu à la fois un renversement de position et un retournement de situation. Il y a là, sous le signe de la mètis, une saisissante communauté de caractères.

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NOTES

1. Sur l’« esprit agonistique », « donnée fondamentale de la vie musicale, comme elle l’était de la culture et de la société grecques », voir A. BÉLIS, Les Musiciens dans l’Antiquité, Paris, Hachette Littératures, 1999 (La Vie quotidienne), p. 125-127, notamment. 2. Ibid., p. 16. 3. Respectivement, Pythiques XII, 6-8, 19-22 et Politique VIII, 6, 13. Voir aussi Diodore, V, 73, 7-8; Ovide, Fastes, 695-698, 709 et Hygin, Fables, 165, 1. 4. Ainsi, Platon, Politique VIII, 6, 14; Apollodore, I, 4, 2; Ovide, Fastes, 699-702; Plutarque, Du contrôle de la colère, 6 et Hygin, Fables, 165, 2. Sur le rejet de l’aulos par Athéna et l’interprétation des mimétismes sonore et visuel de la déesse avec Gorgô, il faut voir les analyses de Z. PAPADOPOULOU et V. PIRENNE-DELFORGE, « Inventer et réinventer l’aulos : autour de la XIIePythique de Pindare », in P. BRULÉ, Ch. VENDRIES (éds), Chanter les dieux. Musique et religion dans l’Antiquité grecque et romaine, Actes du colloque des 16, 17 et 18 décembre 1999, Rennes et Lorient, P.U.R., 2001, p. 38-47. 5. Respectivement, III, 58, 3 et IV, 18 a. Invention attribuée à Hyagnis, le père et le maître de Marsyas, par Apulée, Florides III, 1-5. 6. Le concours musical et le châtiment infligé par Apollon ont été popularisés par la littérature et l’iconographie. Pour les sources littéraires, voir A. WEISS, « Marsyas I », LIMC VI.1 (1992), p. 367. On peut retenir, pour l’essentiel, Hérodote, VII, 26; Xénophon, Anabase I, 2, 8; Apollodore, I, 4, 2; Diodore, III, 59, 1-5; Ovide, Métam.VI, 382-400 et Fastes, 703-708; Hygin, Fables, 165, 3-5; Apulée, Florides, III, 6-14; Philostrate le Jeune, Images, 2, 1-4 et Nonnos de Panopolis, Dionysiaques XIX, 316-327. Pour les documents figurés, il faut voir le catalogue du LIMC VI.2 (1992), à « Marsyas I », pl. 185-193 et les commentaires de WEISS, ibidem (VI.1), p. 370-378. Je renvoie aussi aux commentaires de L. KAHIL sur les vases attiques n° 1420-1426 et 1432, sur les vases italiotes n° 1427-1430, ainsi que sur la mosaïque n° 1431 dans « Artémis », LIMC II.1 (1984), p. 733-735. Sur le châtiment de Marsyas, voir encore M. HALM-TISSERANT, Réalités et imaginaire des supplices en Grèce ancienne, Paris, Les Belles Lettres, 1998 (Coll. Études anciennes, 125), p. 56-60 et pl. 6. 7. Sur le Scythe coupeur de tête, tailleur de scalp, écorcheur, tanneur et autre travailleur de peau humaine, voir Fr. HARTOG, Le miroir d’Hérodote. Essai sur la représentation de l’autre, Paris, Gallimard, 1980, p. 171-179; V.SCHILTZ, Les Scythes et les nomades des steppes. VIIIe siècle avant J.-C. – Ier siècle après J.-C., Paris, Gallimard, 1994 (L’Univers des formes), p. 406, 417-434 et I.LEBEDYNSKI, Les Scythes. La civilisation nomade des steppes (VIIe-IIIe siècles av. J.-C.), Paris, Errance, 2001, p. 174-175. Comme en témoignent Hérodote (IV, 64-65) et Athénée (IX, 410c), cette réputation est, chez les Grecs, inséparable de l’image du Scythe, à tel point que le verbe skythizô, « boire immodérément (comme un Scythe) », « parler scythe », peut aussi signifier « se raser la tête (à la Scythe) », d’après l’habitude qu’avaient les Scythes de scalper leurs prisonniers. Cf. Euripide, Électre, 241. Je renvoie au Greek-English Lexicon (with a revised Supplement) de H. G. LIDDELL, J. SCOTT et H.S. JONES (cité LSJ), Oxford, Clarendon Press, 1996, sous Σκύθαινα ainsi que sous les composés ἀποσκυθίζω et περισκυθίζω. Sur les usages de langue dans ce registre, voir particulièrement HARTOG, ibidem, p. 173. 8. Texte établi et traduit par B. BOMMELAER, Collection des Universités de France (citée CUF), Paris, Les Belles Lettres, 1989. J’ai préféré aulos à « double flûte ». 9. Traduction de B. BOMMELAER, ibidem. 10. BÉLIS, o.c. (n. 1), p. 99 et p. 185 : « Pratiquée par les musiciens les plus chevronnés, elle suscita une admiration sans bornes dont les textes grecs et latins portent le constant témoignage. »

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11. Deux exemples suffisent pour illustrer la primauté de cette dernière. Élien, dans l’Histoire Variée (IV, 2) rapporte la saillie d’un cithariste reprochant à un citharode d’être petit dans un « art majeur », alors que lui était grand dans un « art mineur » : malgré le trait d’esprit, la hiérarchie est affirmée et le citharode n’en reste pas moins supérieur par ses talents de chanteur. Cicéron, dans le Pro Murena (XIII, 29), rapporte l’expression proverbiale grecque selon laquelle on devenait aulode faute d’avoir pu être citharode : ici c’est le chanteur qui n’est pas suffisamment bon cithariste pour faire un citharode. 12. BÉLIS, o.c. (n. 1), p. 184-185. 13. Ainsi, lors des épreuves musicales des Panathénées, en 380 avant J.-C., le prix du deuxième citharode est largement supérieur à celui du cithariste vainqueur, tandis que le prix du cinquième et dernier citharode classé est égal à celui du premier aulode. Voir BÉLIS, o.c. (n. 1), p. 146. 14. PAPADOPOULOU, V. PIRENNE-DELFORGE, l.c. (n. 4), p. 53-55. Sur l’incompatibilité entre l’aulos et la parole, au contraire de la cithare d’Apollon qui permet le jeu et le chant à un seul et même interprète, voir B. LECLERCQ-NEVEU, « Marsyas, le martyr de l’aulos », Metis 4 (1989), p. 261. 15. Pour Z. PAPADOPOULOU, V. PIRENNE-DELFORGE (l.c., p. 55), « l’agôn entre Apollon et Marsyas est essentiellement une joute entre logos et performance musicale d’un virtuose ». 16. Je propose ici ma traduction. Le texte grec est celui sur lequel s’appuie la traduction de J. G. FRAZER dans la Loeb Classical Library (citée LCL), 1921. 17. Ibidem, note 1 ad loc. 18. Traduction, légèrement modifiée, de J.-Y. BORIAUD, CUF, 1997. 19. J’ai traduit le passage sur le texte latin donné par J.G. FRAZER, o.c., note 1 ad loc. La suite précise que Marsyas retourna lui aussi son aulos, mais sans pouvoir égaler Apollon : Inversis autem tibiis, quum se Marsya Apollini aequiparare nequiret… 20. BURCKHARDT, « Marsyas (6) », RE XIV (1930), col. 1991, l. 21-26. 21. LECLERCQ-NEVEU, l.c. (n. 14), p. 258 et p. 261 : « Marsyas est mis en difficulté parce qu’il ne peut imiter Apollon qui se met à jouer en tenant sa lyre à l’envers. » 22. Sur le caractère non-réversible de l’aulos, voir LECLERCQ-NEVEU, ibid., p. 261-262. 23. BURCKHARDT, l.c. (n. 20), col. 1995, l. 2-9. 24. WEISS, l.c. (n. 6), p. 372. 25. Voir I. KRAUSKOPF, « Apollon / Aplu », LIMC II.2 (1984), fig. 90, p. 295. 26. Ead., LIMC II.1 (1984), fig. 89-90, p. 348. 27. J.G. LANDELS, Music in Ancient Greece and Rome, Londres, Routledge, 2001, p. 156. 28. C’est pourtant ce que semble imaginer G. NICOLE, auteur en 1911 de l’article « Satyri, sileni » dans le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines (Ch. DAREMBERG, Éd. SAGLIO, Éd. POTTIER (éds), IV, 2, p. 1100), quand il écrit, en renvoyant à la fable d’Hygin, qu’Apollon exige de Marsyas qu’il joue « comme lui un même air sur l’instrument, debout puis renversé ». 29. LANDELS, o.c. (n. 27), n. 24, p. 285 : en quête d’une solution, l’auteur relève que certaines représentations montrent Apollon tenant son instrument figuré de dos, mais pour faire aussitôt le constat suivant : « Je ne vois pas comment ceci pourrait avoir le moindre rapport avec l’instrument de Marsyas. » En effet. Lors de la discussion qui suivit cette communication, P. Ellinger émit l’hypothèse qu’Apollon ait pu jouer de sa cithare en la tenant non pas retournée, bras vers le bas, caisse vers le haut, mais après l’avoir faite pivoter, le dos de l’instrument vers lui et le plan des cordes vers l’extérieur. C’est le seul autre retournement envisageable, mais il a contre lui la tenue de jeu sans ambiguïté d’Apollon sur la plaque en relief de la figure 3 et il remet en question la nécessaire symétrie avec Marsyas. L’impossible réversibilité de l’aulos et la défaite de Marsyas ne se comprennent que si le satyre échoue à jouer après avoir interverti les extrémités de son instrument, en réponse à Apollon qui a inversé le haut et le bas de sa cithare. 30. LANDELS, o.c. (n. 27), p. 156-157.

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31. LECLERCQ-NEVEU, l.c. (n. 14)., p. 259. 32. M. DETIENNE, J.-P. VERNANT, Les ruses de l’intelligence. La mètis des Grecs, Paris, Flammarion, 1974, p. 20. 33. Cithariste et lyriste, A. Bélis m’a confirmé qu’il paraît impossible de jouer de la cithare ou de la lyre en la tenant renversée. 34. DETIENNE – VERNANT, o.c.(n. 32), p. 41, à propos du comportement du renard. 35. Isthm. IV, 45-51. Élien (La Personnalité des animaux VI, 24) attribue une technique semblable aux renards qui chassent les outardes du Pont : allongés sur le dos, ils attirent les outardes et quand elles sont proches, ils se retournent pour les attaquer. 36. Texte établi et traduit par S. AMIGUES, CUF, 1993. 37. Voir Xénophon, Cyropédie VII, 5, 11; Strabon, XV, 3, 10; Pline, Histoire naturelle XVI, 223; Plutarque, Propos de table VIII, 4, 5 et Aulu-Gelle, Nuits attiques III, 6, 1-2. 38. RP V, 3, 6. 39. On peut observer la longue postérité de ce bombement victorieux du palmier jusque dans l’ Emblematumliber de l’Espagnol A. Alciato, en 1531. L’emblème XXXVI, qui fait du palmier le symbole de la résistance devant l’adversité, représente un homme se tenant par les deux mains à deux branches de palmier : loin de rompre ou de fléchir sous le poids, les palmes, au contraire, soulèvent l’homme du sol. Voir S. SEBASTIAN, Emblemas, éd. et com. de l’EmblematumLiber de A. Alciato (1531), Madrid, 1985. 40. Ainsi, P. MUNIER (Le palmier-dattier, Paris, Maisonneuve & Larose, 1973), R.A. BRAC DE LA PERRIERE (Le palmier-dattier, Tunis, Edisud, 1995) et S. AMIGUES (o.c. [n. 36], n. 3 à V, 6, 1). 41. STEIER, « Phoinix(1) », RE, XX, 1 (1941), col. 386-403, énumère les références littéraires en reconnaissant qu’ « on ne peut pas éclaircir ici la véracité de cette observation ni sur quoi repose cette propriété du bois de Phoinix (…) » (« Ob diese Beobachtung richtig ist, und worauf diese Eigenschaft des P.-Holzes etwa beruht, kann hier nicht geklärt werden », col. 393, l. 49-52). R. MARACHE (n. 4 à Nuits Attiques III, 6, 2, CUF, 1967) y voit une « exagération » et pour J. ANDRÉ (n. 1 à Histoire naturelle XVI, 223, CUF, 1962), il s’agit d’une « propriété faussement attribuée au bois de palmier, due sans doute à un cas fortuit ». 42. Ainsi que le font Plutarque et Aulu-Gelle. Quant à Théophraste, il reprend sans doute un discours répandu sur le palmier-dattier sans pouvoir l’expliquer davantage. Sur l’attitude de Théophraste en face des « accidents » et des « mystères » du monde végétal, je renvoie à S. AMIGUES, « Technologie forestière et travail du bois dans l’Historia plantarum de Théophraste », in J.-P. BRUN, Ph. JOCKEY (éds), Τέχναι.Techniques et sociétés en Méditerranée, Maison méditerranéenne des sciences de l’homme, Maisonneuve et Larose, 2001, p. 149-152. 43. De cette association, Théophraste et ses contemporains ne gardent plus le souvenir. Ainsi, c’est à l’insu de Théophraste que l’arc et la très sagittaire Artémis transpirent par de nombreux pores du texte des Recherches sur les plantes sur le palmier-dattier et la phéniciculture. Voir Ph. MONBRUN, « Artémis et le palmier-dattier », Pallas 35 (1989), p. 69-93. Cet article reprend les grandes lignes d’un Mémoire de Maîtrise homonyme soutenu en 1987, à l’Université de Toulouse- Le Mirail, sous la direction de P. Briant et Cl. Leduc. Voir encore mon article, « Apollon : de l’arc à la lyre », in BRULÉ – VENDRIES, o.c. (n. 4), p. 88-92. 44. Voir les deux articles cités à la note précédente. 45. J’emprunte l’expression à DETIENNE – VERNANT, o.c. (n. 32)., p. 45 : comme la mètis, le renard est une « puissance de retournement ». 46. C’est un des aspects de la quasi-identité de ces instruments que je me suis attaché à démontrer dans la thèse que j’ai soutenue sous la direction de P. Brulé : Les voies sonores d’Apollon : l’arc, la lyre et les oracles, Université de Rennes 2, déc. 2003. 47. Je condense ici en quelques lignes des développements consacrés dans ma thèse à l’archerie grecque en général et apollinienne en particulier. Dans l’attente d’une prochaine publication, je

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renvoie le lecteur aux pages 62-69 et 79-80, notamment, de l’article « Apollon : de l’arc à la lyre », l.c.(n. 43). 48. Euripide, Héraclès, 157-205. 49. Iliade XI, 373-395. 50. Iliade I, 244, 412 et XIV, 271, 274. Voir aussi IX, 110. Sur ce titre décerné à Achille, je renvoie à G. NAGY, Le meilleur des Achéens. La fabrique du héros dans la poésie grecque archaïque, Paris, Seuil, 1994, p. 49-65, principalement. 51. Thucydide, IV, 32-38 et 40, 1-2. 52. Voir, par exemple, Plutarque, Apophtegmes laconiens, 46 : l’amertume se lit dans les dernières paroles prêtées à un Spartiate tué par une flèche. 53. Voir Ph. MONBRUN, « Les gestes de l’archer et du cithariste : des « corps à corps » apolliniens où l’esprit prend le relais », colloque international Gestuelles, Attitudes, Regards. L’expression des corps dans l’imagerie antique, organisé sous la tutelle du RUOA (Réseau des Universités de l’Ouest Atlantique), Rennes, 23 avril 2004, à paraître aux Presses Universitaires de Rennes. 54. Hymne homérique à Hermès, 41-42. 55. Ibidem, 30-38. 56. Ibid., 416-462. 57. Cl. LEDUC, « Cinquante vaches pour une lyre ! Musique, échange et théologie dans l’Hymne à Hermès I », in BRULÉ – VENDRIES, o.c. (n. 4), p. 19-36. 58. Argonautiques I, 494-515 : la musique adoucit les mœurs. 59. Argon. IV, 902-919. 60. Philostrate le Jeune, Images, 6, 1-3. 61. Cf. Euripide, Alceste, 357-362; Isocrate, Busiris, 8; Diodore, IV, 25 et le ps.-Apollodore, I, 3, 2. Dans les Géorgiques (IV, 485-503),Virgile raconte comment Orphée, près de réussir, perd une seconde fois Eurydice parce qu’il s’est retourné vers elle alors qu’ils remontaient vers la lumière, rompant ainsi le pacte passé avec Hadès. Le même échec est décrit par Ovide au Livre X des Métamorphoses (v. 50-63). Pour la tradition pré-virgilienne, au contraire, l’anabase d’Orphée et de sa défunte épouse vers le monde des vivants est une réussite. Seul Platon, dans le Banquet (179 d), présente Orphée sous un jour défavorable puisqu’il n’obtient pas de ramener Eurydice à la vie. Voir J. HEURGON, « Orphée et Eurydice avant Virgile », Mélanges d’Archéologie et d’Histoire de l’École française de Rome (1932), p. 5-60. 62. J. SVENBRO, « ‘Ton luth, à quoi bon ?’ La lyre et la pierre tombale dans la pensée grecque », Mètis 7 (1992), p. 144, 148 et 158-159. 63. J. LE GOFF, P. VIDAL-NAQUET, « Lévi-Strauss en Brocéliande. Esquisse pour une analyse d’un roman courtois », in R. BELLOUR, C. CLÉMENT (éds), Lévi-Strauss, Paris, Gallimard, 1979, p. 275. 64. Ibidem, p. 277. 65. P. VIDAL-NAQUET, Le chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, Paris, La Découverte / Maspéro, 1983 (coll. « Fondations »), n. 49, p. 193. 66. B. Sergent m’a signalé que le nom même de « Marsyas » – qui n’a pas d’étymologie grecque – est lié à l’écorchement du satyre.Voir G. DUMÉZIL, Apollon sonore et autres essais. Esquisses de mythologie, Paris, Gallimard, 1982, p. 49 : alors qu’il évoque les influences des civilisations proche- orientales voisines sur la musique grecque et Apollon musicien, dans la quatrième Esquisse de la « Suite vocale et apollinienne », le comparatiste donne comme étymologie pour « Marsyas », « arménien mort‘ ‘peau’, mort‘el ‘écorcher’, mort‘uadz ‘écorché’ ». Dans Le livre des dieux. Celtes et Grecs II (Paris, Payot et Rivages, 2004, p. 349), B. Sergent y voit l’étymologie « la plus solide » et renvoie à Hérodote, VII, 73, selon lequel les Arméniens sont une colonie des Phrygiens : voilà qui corrobore une étymologie arménienne pour le nom d’un personnage originaire, pour toute la tradition grecque, de Phrygie. L’auteur revient à plusieurs reprises sur le mythe et l’écorchement de Marsyas. Voir en particulier, pages 348-351, l’hypothèse d’un mythe remontant à « un état

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archaïque de la mythologie d’Apollon » dans lequel le dieu aurait été supplicié à un arbre, peut- être même écorché; mythe « refoulé » ensuite, puis transposé sur un personnage mythique du centre anatolien intégré dans la mythologie grecque comme partenaire d’Apollon. Voir aussi n. 391, p. 681-2 et p. 447-448 : l’écorchement est une pratique indo-européenne anciennement attestée, ainsi dans le monde iranien et en Grèce. 67. Je remercie V. Pirenne-Delforge de m’avoir suggéré ce séduisant parallèle. 68. Texte établi et traduit par Ph. E. LEGRAND, CUF, 1951. J’ai modifié la traduction de la dernière phrase pour rester au plus près du texte grec. Relatant, dans l’Anabase (I, 2, 7-9), l’étape que fit Cyrus le Jeune en 401, pour faire la revue de ses troupes à l’intérieur du vaste paradis de Kélainai, Xénophon évoque aussi les gloires topiques : « C’est là, dit-on, qu’Apollon vainqueur de Marsyas, qui avait rivalisé d’habileté avec lui, l’écorcha vif (καὶ τὸ δέρμα κρεμάσαι) et suspendit sa peau dans la grotte où sont les sources de la rivière (ἐν τῷ ἄντρῳ ὅθεν αἱ πηγαί) : c’est pourquoi elle s’appelle le Marsyas. » Texte établi et traduit par P. MASQUERAY, CUF, 1959. 69. Texte établi et traduit par L. MERIDIER, CUF, 1949. 70. Je propose ici ma traduction. Le texte grec est celui sur lequel s’appuie la traduction d’A. FAIRBANKS, LCL, 1931. 71. Texte établi et traduit par J. GERBEAU, Fr. VIAN, CUF, 1992. 72. P. CHANTRAINE, s.v.ἀσκός, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1968. Cf. LSJ, s.v.: « skin, hide, (…); but usually, skin made into a bag, esp. wineskin. » Voir Fr. LISSARRAGUE, Un flot d’images. Une esthétique du banquet grec, Paris, A. Biro, 1987, p. 66-73 : les vases à boire athéniens des VIe et Ve siècles montrent les jeux de l’outre auxquels, dans le cadre du symposion, se livrent éphèbes et satyres en hommage à Dionysos. 73. L’outre remplie d’air qu’est devenu l’aulète Marsyas et le sens de « soufflet » relevé par P. Chantraine, invitent au rapprochement avec le sac de peau qui sert de réservoir d’air à la cornemuse. Dion Chrysostome (Discours, LXXI, 9) cite l’askos de la cornemuse, instrument que Néron préfère à l’aulos parce qu’il ne déforme pas son visage quand il en joue. Martial (X, 3, 8) donne le nom grec du cornemuseur, l’ascaules(= ἀσκαύλης), appelé de la même façon utricularius en latin (cf. Suétone, Néron, 54), terme dérivé d’utriculus, « petite outre ». Sur la place de cet instrument à vent dans la musique hellénistique et romaine, je renvoie à M.L. WEST, Ancient Greek Music, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. 107-109, ainsi qu’à A. BAUDOT, Musiciens romains de l’Antiquité, Paris, Klincksiek, Presses de l’Université de Montréal, 1973, p. 71. Sur le rapprochement entre l’outre Marsyas et l’outre de la cornemuse, voir aussi LECLERCQ-NEVEU, l.c.(n. 14), p. 265. 74. Anthologie Palatine VII. Epigrammes Funéraires.Texte établi par P. Waltz et traduit par Ed. DES PLACES, M. DIMITRESCU, H. LE MAITRE et G. SOURY, CUF, 1941. 75. Traduction légèrement modifiée d’A. LUKINOVICH et d’A.-F. MORAND, Paris, Les Belles Lettres, 1991 (La Roue à Livres). Le texte grec est celui sur lequel s’appuie la traduction de N.G. WILSON, LCL, 1997. 76. M. Patera a porté à ma connaissance deux gravures d’écorchés tirées de Quatre siècles de surréalisme, l’art fantastique dans la gravure, préf. de M. Brion, Belfond, 1973. La planche 53, extraite de l’Anatomia del corpe humano de J. Valverde, Rome, 1560, montre un écorché qui « a ceci d’étonnant, qu’il tient d’une main le couteau qui l’a écorché, de l’autre, sa peau qui pend comme une défroque vide et la place des yeux et de la bouche dessine un masque tragique, c’est pourquoi on a quelquefois intitulé cette planche ‘L’Homme au masque’ » (p. 197). Il me semble que cette peau d’un seul tenant, avec ses quatre membres bien distincts, évoque la silhouette pendante de Marsyas et ce d’autant plus que les traits nettement faunesques et la longue barbe suggèrent, de la part de l’auteur, la volonté d’évoquer le mythe de Marsyas au lecteur humaniste de la Renaissance. Voir aussi la planche 123, extraite du frontispice de L’Anatomia reformata de Th. Bartholin, Leyde, 1651, et son commentaire p. 208.

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77. Cf. supra, « πίτυς », chez Apollodore (I, 4, 2) et Philostrate le Jeune (Images, 2, 1). Le pin de la tradition est un platane chez Pline, Histoire naturelle, XVI, 240. Sur l’arbre porteur de la dépouille de Marsyas, voir Ch. VENDRIES, « Des plantes et des dieux. Mythes, cultes et musiques dans l’Antiquité gréco-romaine », L’homme, le végétal et la musique, FAMDT Editions, 1996 (coll. « Modal »), p. 92-93. Le pin paraît d’autant plus approprié pour le châtiment sanguinolent de Marsyas que – le fait a été rappelé par Cl. Leduc dans la discussion qui suivit cette communication – son bois est rouge quand il a perdu son écorce. 78. Je propose ma traduction. Le texte grec est celui sur lequel s’appuie la traduction de H. CHERNISS et W. C. HELMBOLD, LCL, 1957. 79. J’ai retenu la traduction de DETIENNE – VERNANT (o.c. [n. 32], p. 44). A. ZUCKER (Paris, Les Belles Lettres, 2001 [La Roue à Livres]) traduit : « Il (…)dévagineses entrailles à l’extérieur comme s’il se déshabillait, en retournant son corps comme un gant (…). » Dans l’Histoiredes animaux (IX, 37, 621a 6 sq.), Aristote attribue la même manœuvre de retournement à la scolopendre de mer qui « après avoir avalé l’hameçon retourne l’intérieur de son corps à l’extérieur (ἐκτρέπεται τὰ ἐντὸς ἐκτός), jusqu’à ce qu’elle ait expulsé l’hameçon; ensuite, par un mouvement inverse, elle se retourne en dedans (εἶθ᾿ οὕτως εἰστρέπεται πάλιν ἐντός) ». Texte établi et traduit par P. LOUIS, CUF, 1969. On trouve, dans l’Histoirenaturelle de Pline (IX, 145), un récit semblable imité d’Aristote. 80. DETIENNE – VERNANT, o.c. (n. 32), p. 44.

RÉSUMÉS

Dans la Bibliothèque (I, 4, 2), le pseudo-Apollodore raconte la joute musicale qui oppose Apollon au satyre Marsyas. Le dieu musicien l’emporte parce qu’il joue de sa cithare après l’avoir retournée, exécutant une manœuvre que son rival est incapable de reproduire avec l’aulos. Apollon fait ainsi de sa cithare un instrument palintone et palintrope, très proche de son arc réflexe, un instrument capable d’inverser sa position, mais aussi de renverser la situation au profit de celui qui l’utilise. Même « conduite de retournement » pour la lyre, dont la réversibilité efficace est redevable à la tortue ainsi qu’à Hermès et à son travail de luthier. La puissance de retournement des instruments à cordes apolliniens permet de jeter un éclairage nouveau sur la victoire d’Apollon et sur l’écorchement de Marsyas, tout en situant l’épisode dans le champ de la mètis. De l’instrument d’Apollon, retourné vers le bas, qui précipite Marsyas aux Enfers, à celui d’Orphée, tenu à l’endroit, qui en ramène Eurydice, se dessine la nature ambivalente de la lyre symétrique à celle de l’arc. Comme lui, la lyre est bien « signe de chute », de la vie vers la mort, ou « signe de remontée », de la mort vers la vie.

The reversal’s notion and the musical agôn between Apollon and Marsyas in ps.-Apollodorus: interpretation of a myth. In The Library (I, 4, 2), the pseudo-Apollodorus reports how Apollo, the musician god, opposed to Marsyas the satyr, won the musical contest by playing his kithara upside down, a trick his opponent was quite unable to reproduce with his aulos. Thus, Apollo turned his kithara into a palintonos and palintropos instrument, very much like his reflex bow, an instrument, whose position could be reversed but which could also reverse the situation to the benefit of its user. The same reversal ability is true of the lyre, which could be played efficiently both ways thanks to the tortoise and to Hermes, the skilful lyremaker. The extraordinary capacity of Apollinian stringed instruments to be reversed throws a new light on both Apollo’s victory and Marsyas’s skinning, setting the episode in the mètis area. From Apollo’s reversed lyre hurling Marsyas down

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into Hades to Orpheus’s being played the right way, to bring back Euridyke from the underworld, emerges the ambivalent nature of the lyre in perfect symmetry with the bow’s. Just like it, the lyre means the fall from life into death but it also represents the ascent from death into life.

AUTEUR

PHILIPPE MONBRUN Crescam – Université de Rennes 2

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Plutarque et Damon de Chéronée Une histoire, un mythe, un texte, ou autre chose encore ?

Pierre Ellinger

1 Il y a un peu plus de dix ans, un jeune chercheur, qui, depuis, nous a donné d’autres travaux remarquables, publiait, dans les Proceedings of the Cambridge Philological Society, un article fort intéressant et amusant à la fois. Article double, dont la première partie était écrite en français et la deuxième en anglais. Intitulé « Black Hunter Variations »1, Variations sur le Chasseur noir, il portait sur une histoire qui se serait déroulée au Ier siècle avant notre ère dans la patrie de Plutarque, Chéronée, et que celui-ci raconte en introduction à ses Vies de Cimon et de Lucullus. Un jeune homme du pays, en butte aux avances de l’officier commandant la garnison romaine, et alors que ce dernier, repoussé, se préparait à employer la force, le tuait avec l’aide de quinze de ses compagnons d’âge, puis prenait le maquis. Condamné à mort par la cité, il égorgeait à leur tour les magistrats pendant leur repas en commun, puis ravageait par ses raids le territoire, jusqu’à ce que la cité, par force négociations et ambassades, l’apaise, l’induise à revenir, l’élise même gymnasiarque, et l’assassine, dans l’étuve du gymnase, alors qu’il s’enduisait d’huile. La première partie de l’article était une analyse structurale de l’épisode et reconnaissait dans le jeune homme qui se barbouillait, lui et ses compagnons, le visage de suie, pour assaillir, au petit matin, à l’heure entre chien et loup, l’officier romain au sacrifice, avant de s’enfuir dans les eschatiai, un dernier avatar du Chasseur noir cher à Pierre Vidal-Naquet. Cette partie était écrite en français, car, dit-on, seule cette langue permet les effets de style nécessaires au succès de ce type d’analyse. La deuxième partie, en anglais, bien sûr, représentait la méthode opposée, et était un commentaire historique, positif, quasi ligne à ligne, du même épisode, d’une érudition époustouflante. Le double « à la manière de » était, dans sa duplicité, digne du Chasseur noir, rusé et même perfide, frisant le canular. Le nombre des seize compagnons béotiens renvoie aux seize ans des jeunes éphèbes des Apatouries… athéniennes, la montagne structuraliste accouche d’une souris historiciste : le Chasseur noir s’est enfin incarné dans la réalité ! Le commentaire historique fait mine de s’interroger le plus sérieusement du monde sur les possibilités de récession des industries de roseaux pour flûte et de parfums pour oublier les maux des cités du lac Copaïs, induites par les événements2. Enfin une troisième partie, mais évidemment elle-

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même double, revenait de manière critique sur les deux analyses précédentes. Dénonçant le dialogue de sourds des deux méthodes, elle se voulait une protestation contre la situation faite aux jeunes chercheurs, sommés de prendre parti dans la moderne stasis entre les deux factions. Le bilan, toutefois, me paraît marquer une certaine déception. L’énergie épuisée à inventer la topogaphie de cette nouvelle bataille de Chéronée, le dialogue espéré qui surmonterait les oppositions ne prend pas. Après que l’amusement de la méta-recherche s’est évanoui, « the fun of meta-scholarship has died away » (l’anglais va nettement mieux cette fois que le français), que me reste-t-il, s’interroge tristement le jeune chercheur déguisé en Chasseur noir. Qu’a-t-il retiré de ce double essai peu tempéré des deux méthodes ? La dernière phrase, en forme de conseil, fait allusion au vin pur qu’auraient bu Damon et ses compagnons avant leur coup, pour se donner du courage, ou signer symboliquement leur passage à la sauvagerie, selon l’interprétation retenue. Si je ne le surinterprète pas à mon tour, le conseil ne s’applique pas qu’aux autres : « Don’t drink your wine neat ». Ne buvez pas votre vin pur ! Une fin bien dans le ton. Le surlendemain des Apatouries, dont devaient se souvenir, non sans nostalgie, les citoyens athéniens, comme du jour de leur première entrée dans l’âge adulte, ne s’appelait-il pas Epibda, c’est-à-dire, en français, la « gueule de bois », hangover en anglais3 ?

2 Comme on pouvait un peu s’y attendre, cet article de John Ma est passé dans notre ciel scientifique comme un météore isolé. Bien qu’accueilli élogieusement à la fois par Fergus Millar et Pierre Vidal-Naquet4, il a plutôt suscité, me semble-t-il, une prudente réserve. Pourtant, l’attention attirée sur l’épisode plutarchéen, les études se sont multipliées5. Mais seule la dernière en date, de Carlo Franco, en 2003, rend quelque peu justice au travail pionnier de J. Ma6. Christopher Mackay ne veut pas prendre au pied de la lettre le texte de Plutarque, mais cherche à débusquer les cruelles luttes de factions que la tradition locale aurait choisi d’occulter, entre pro-Romains et pro-Pontiques. Leur alternance au pouvoir expliquerait les incohérences apparentes de la politique chéronéenne. L’épisode est restitué dans une chronologie très courte, entre l’hiver 88/87 et l’hiver 87/86, avant la grande bataille où, au printemps 86, Sylla affronte à Chéronée les troupes d’Archélaos et de Taxile7. Au contraire, pour John Thornton, les brigandages de Damon auraient duré quelques années au-delà des batailles de Chéronée puis d’Orchomène, après la fin de la première guerre mithridatique. Il propose une troisième grille d’analyse, cette fois en italien, inspirée d’Eric Hobsbawm, avec la figure du brigand expression des aspirations des masses populaires8. C. Franco prolonge encore plus l’aventure de Damon, puisque, pour lui, on aurait dû attendre qu’il ait atteint l’âge légal de trente ans pour le nommer gymnasiarque9 ! Pour la chronologie, on est donc d’accord au moins sur le point de départ de l’affaire, qui est celui par lequel Plutarque la rattache à son propos : le passage de Lucullus par Chéronée « pour une certaine mission », son enquête sur les événements, qui le conduit à retirer la garnison et à l’emmener avec lui. Le seul moment où il aurait eu le pouvoir de prendre une telle décision était quand il avait été envoyé en avant-garde par Sylla – dont il était le questeur – lors de son avance en Grèce au printemps 8710. La garnison et l’officier coupable, probablement une cohorte et son tribun militaire11, appartiendraient alors aux troupes du légat Q. Braetius Sura, dépêché en 88 par le proconsul de Macédoine C. Sentius, pour lutter contre les troupes d’Archélaos, le général de Mithridate, et qui avaient déjà affronté par trois fois celles-ci avec succès, autour de Chéronée précisément12. C’est pour la durée de la suite que l’on diverge : quelques mois, quelques années ou plus d’une dizaine; personnellement, la solution intermédiaire me paraîtrait

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plus plausible. Le texte de Plutarque, ce qui nous ramène au titre de cette étude, a été considéré, alternativement ou simultanément, comme une tradition orale authentique de Chéronée13, comme un document à exploiter pour éclairer un pan d’histoire peu connu14, ou, mais encore insuffisamment à mon sens, comme un texte de Plutarque, à étudier d’abord en tant que texte15. Pour ce qui me concerne, je me suis depuis longtemps intéressé à lui d’un double point de vue, qui tient à mes préoccupations phocidiennes16 : du point de vue d’abord de l’étude des récits, puisque le déguisement de Damon et de ses compagnons attaquant l’espace sacrificiel dans la lumière incertaine de l’aube, le visage masqué de suie, était souvent invoqué en parallèle pour les Choisis phocidiens entièrement blanchis de gypse, attaquant le camp thessalien, à la lueur de la pleine lune, dans leurs guerres d’indépendance de la fin de l’époque archaïque17. Et ensuite, en quelque sorte en voisin. Chéronée se trouve à 13 km à vol d’oiseau d’Hyampolis. Plutarque y venait – c’est la scène d’un de ses Propos de table18 – assister aux Elaphébolia au sanctuaire d’Artémis, localisé aujourd’hui à Kalapodi, pour les commémorations de la grande victoire du Désespoir phocidien, remportée par Daïphantos d’Hyampolis, le libérateur de la Phocide, par ailleurs un de ses ancêtres19. L’histoire de Damon, elle-même, se termine pour partie en Phocide, à Stiris, plus connue aujourd’hui pour le monastère d’Hosios Loukas20. Ses descendants s’y étaient réfugiés, constituant un genos qui portait encore avec fierté, du temps de Plutarque, le nom d’asbolômenoi, les « Couverts de suie », en souvenir de leur ancêtre21. Ces étroites préoccupations locales me faisaient, pour ma part, apprécier tout autant la partie la plus classique que la partie structurale de l’étude de J. Ma. Mais si, à mes yeux, son intuition, qui n’est pas, et de loin, uniquement ironique – il ne faut pas s’y tromper – de voir en Damon un lointain « descendant » du Chasseur noir, est toujours justifiée, il est, je crois, possible aujourd’hui d’aller un peu plus loin. En montrant qu’à l’évidence son surnom de Péripoltas apparente Damon aux péripoloi, son masque de suie qui le cache aux cryptes et qu’il est un éphèbe qui échoue, J. Ma signalait aussi que les catégories qui sous-tendent ces institutions, tout autant que le nouveau récit ici produit, fonctionnaient encore à une époque jugée aussi tardive22. En d’autres termes, pas plus que la religion grecque et la cité, le « mythe » n’est mort, c’est le cas de le dire, à Chéronée. Il faut alors en tirer toutes les conséquences et essayer de voir aussi comment il s’ancre dans les réalités de ce temps.

3 Plutarque, presque immédiatement, commence par une notation essentielle. Ce Damon, dernier descendant d’une noble et prestigieuse lignée, était un orphelin. Il descendait du devin Péripoltas, dont il tirait son surnom, qui avait, aux côtés du roi Opheltas, conduit, soixante ans après la guerre de Troie, la migration des Béotiens, depuis la Thessalie, jusque dans leur nouvelle patrie23. Nous savons malheureusement peu de choses sur ces traditions, mais les bribes qui en ont survécu méritent peut-être d’être signalées pour notre propos, puisque l’on y rencontre déjà une histoire de jeunes, de vin, de blanc et de noir. Un oracle avait prédit aux Béotiens qu’ils seraient chassés de leur pays, Arné de Thessalie, un pays de la terre blanche, signe de richesse et d’opulence24, le jour où les corbeaux deviendraient blancs. Des jeunes gens, ayant trop bu, eurent l’idée saugrenue de blanchir des corbeaux avec du gypse et de les relâcher. L’oracle s’était réalisé25. Ceux des Béotiens qui étaient trop attachés à leur terre préférèrent entrer dans un contrat de servitude et devenir les pénestes des conquérants thessaliens26, mais les plus courageux, qui choisirent la liberté plutôt que l’esclavage, partirent. Leur errance, sous la double direction du roi Opheltas et du devin Péripoltas (on peut se demander si effectivement le nom de ce dernier n’y fait pas non

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plus allusion27) les conduisit finalement dans le pays des Minyens et des Cadméens. Le lieu par lequel ils y entrèrent fut évidemment Chéronée, qui fut la première cité de la nouvelle Béotie fondée par eux28, sous le nom à nouveau d’Arné, la nouvelle Arné29.

4 Péripoltas et ses descendants, nous dit Plutarque, se fixèrent à Chéronée. C’était une race de guerriers courageux. Beaucoup périrent en défendant le pays contre les Barbares, lors de l’invasion de Xerxès, puis de celle des Galates30. Remarquons les jalons, peut-être un peu étranges pour nous, de cette temporalité, qui conduisent du temps des origines à celui de Plutarque : la deuxième guerre médique et directement en pleine époque hellénistique, aux débuts de la domination étolienne sur la Grèce centrale. L’époque classique est sautée d’un coup, avec toute la guerre du Péloponnèse, Leuctres et la bataille contre Philippe31. Le lion surmontant le tombeau commun du Bataillon sacré thébain était tout de même le monument le plus remarquable de Chéronée32 ! En tout cas, de ces braves, il n’en restait plus qu’un, notre héros, Damon, le dernier des Péripoltides, pourrait-on dire. Or c’était un orphelin. Cette rupture dans la transmission avait ses conséquences désastreuses inéluctables; s’il était beau de corps et d’une âme fière, surpassant tous ses compagnons d’âge, il était en revanche sans éducation et rude de caractère (ἀπαίδευτος καὶ σκληρὸς τὸἦθος). La réunion de ces deux traits opposés, positif et négatif, est, me semble-t-il, une marque essentielle de tout le récit, comme une figure de rhétorique, qui en est la matrice narrative, la signature distinctive qui va se propager de bout en bout et qu’il faut bien se garder, à mon avis, de dissocier. Orphelin des deux parents dès l’enfance (παῖς ὀρφανὸς γονέων)33, Damon était l’opposé complet d’un pais amphithalès, ces enfants que l’on plaçait en tête des grandes processions civiques, en particulier en Béotie. Choisis justement, comme le signifie leur nom, parce qu’ils avaient leurs deux parents en vie, ils étaient les représentants symboliques de l’avenir de la cité, présage heureux de prospérité future34. Autrement dit, cet enfant était la parfaite expression de ce que Plutarque précise ensuite : « Notre patrie était dans une triste situation et se trouvait méprisée à cause de sa petitesse et de sa pauvreté »35.

5 L’affaire homosexuelle a été abondamment commentée, du point de vue romain aussi bien que du point de vue grec, et de la relation entre les deux cultures36. Du point de vue romain, en évoquant l’histoire du miles Marianus37, ce soldat qui tue son supérieur qui cherchait à profiter de sa position d’autorité, et qui est acquitté et même félicité par Marius, leur général. J. Ma, au contraire, suggère que notre Romain, probablement de bonne famille, était philhellène et cultivé, ayant peut-être même lu son Platon sur les mœurs béotiennes. Il courtise, au moins en un premier temps, son aimé à la grecque, par la persuasion et en lui offrant des cadeaux. La réaction de Damon n’était-elle pas excessive, due à son manque d’éducation et son caractère rude, sinon au sang chaud, bien connu, des Béotiens38 ? En d’autres temps, en d’autres lieux, les choses auraient pu se passer autrement39. De son côté, le Romain aurait pu ne pas jouer l’occupant brutal, et voyant le jeune homme réticent, le laisser libre. Mais il n’est ni l’Agésilas de Xénophon et de Plutarque, renonçant à son désir pour un jeune Perse, fils d’un de ses alliés40, ni Scipion l’Africain, après la prise de Carthagène, libérant la jeune captive espagnole offerte en cadeau par la troupe et la renvoyant à son père41. Ce que je voudrais montrer, c’est que l’affaire n’est pas simple ni susceptible d’une solution univoque, telle que le seul sens de l’honneur, l’indignation devant le sort fait à un homme libre, traité comme un esclave. On s’est aussi interrogé sur la portée politique de l’incident : pure affaire privée, prétexte cachant la vraie conspiration politique des

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partisans de Mithridate pour C.S. Mackay, ou porteuse de connotations antityranniques pour C. Franco42. Cette dernière intuition se rapproche du centre de la cible. Assez curieusement, aucun des commentateurs n’a exploité le parallèle le plus évident, et qui ne pouvait manquer de venir à l’esprit des compatriotes de Plutarque et surtout de lui- même quand il entamait la série des Vies parallèles, en donnant la place d’honneur à des thèmes qui évoquaient sa Béotie natale : avec les Vies d’Épaminondas, la première de toutes, de Pélopidas, puis celles de Lucullus et de Sylla, les deux Romains liés à Chéronée43. Il ne s’agit pas moins de ce que l’on peut appeler le mythe national béotien, autrement dit les traditions autour de la bataille de Leuctres ! Peut-être les commentateurs ont-ils été trompés – je dirais presque qu’ils sont tombés dans le piège de Plutarque – par l’ouverture même du récit qui, on l’a vu, ne fait curieusement allusion, comme événements marquants du passé, qu’à l’invasion de Xerxès et à celle des Galates. Pourtant Plutarque avait raconté la célèbre histoire des jeunes filles de Leuctres au moins dans son Pélopidas. Xénophon y faisait déjà allusion et on la retrouve, parmi une multitude de sources, chez Diodore, Pausanias, de même que dans les Histoires d’amour de la collection des Moralia, qui donnent la version la plus détaillée, que je suivrai en priorité44. Deux jeunes Spartiates, aux noms tout aussi évocateurs chez Pausanias – Phrourarchidas et Parthénios45 – que le surnom de Damon, Péripoltas, allaient consulter à Delphes. Étant donné les règles spartiates réservant une telle consultation aux rois, ce ne pouvaient être que des Pythiens envoyés par eux, et, de fait, Diodore les qualifie d’« ambassadeurs des Lacédémoniens »46, donc des représentants on ne peut plus officiels de la cité. Au retour de leur mission, ils demandèrent, comme à l’aller, l’hospitalité chez Skédasos, un paysan du village de Leuctres : ses filles leur avaient particulièrement plu. Le père était absent, les filles les accueillirent selon l’usage de la maison; ils abusèrent d’elles, puis devant la véhémence de leurs protestations, les tuèrent, et les jetèrent dans un puits47. Le père, de retour, découvre les cadavres, enquête auprès des voisins, comprend ce qui s’est passé48. Jusque-là, la similitude avec l’histoire de Damon n’est sans doute pas évidente, mais voici la suite. Skédasos partit pour Lacédémone demander justice. Or sur la route, il rencontra un autre vieillard qui en revenait. L’homme était d’Oréos en Eubée. Et là, l’harmoste lacédémonien49, s’étant épris de son fils et ne réussissant pas à le persuader, tenta d’employer la force et de l’enlever à la palestre. Mais le pédotribe et les autres jeunes (neaniskoi) l’en empêchèrent. Sur le moment, il n’insista pas, mais le lendemain, il arma une trière, enleva le garçon (meirakion), passa sur le rivage opposé, sur le continent, et tenta de lui faire violence; devant sa résistance, il l’égorgea (ἀπέσφαξεν)50. C’est pour cela que le vieillard d’Oréos était allé à Sparte auprès des éphores, qui l’avaient éconduit. Inutile donc, disait-il à Skédasos, de s’y rendre. Mieux valait rentrer donner un tombeau à ses filles. Mais celui-ci s’était obstiné. Or ni les éphores ne voulurent l’entendre, ni ensuite aucun des deux rois, ni même un seul des simples citoyens. Skédasos court à travers Sparte, prend le soleil à témoin, et, invoquant les Érinyes, se donne la mort51. L’histoire du vieillard d’Oréos ne figure pas dans la Vie de Pélopidas, mais le thème du refus de justice à Sparte y est bien présent. Dans cette version, Skédasos rentre à Leuctres, et, après avoir maudit Sparte, s’égorge sur le tombeau de ses filles52. La suite est connue, c’est auprès de ce tombeau que se déroulera la bataille de Leuctres, accomplissant le mènima des Leuctrides53.

6 Cette histoire relève d’un groupe de récits fort étendu et productif, celui des récits sur les viols de jeunes filles. Quand elles sont un grand nombre, un choros entier, le récit peut justifier l’asservissement du peuple agresseur : c’est l’histoire bien connue du viol

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des jeunes filles spartiates au sanctuaire d’Artémis Limnatis aux frontières de la Messénie et de la Laconie54. Quand la jeune fille est seule, c’est généralement une histoire de tyran; et un troisième personnage y intervient souvent, le jeune défenseur ou vengeur de la jeune fille; ces histoires sont souvent aussi associées à Artémis55. Avec un motif fréquent, que nous retrouvons dans l’histoire de Damon, celui de la ruse et du déguisement, sous la forme cette fois du travestissement sexuel : le jeune homme se déguise en fille pour s’introduire auprès du tyran56. Dans une histoire qui appartient de manière périphérique au même groupe, mais qui est totalement ahistorique, puisque l’affaire se passe dans le monde divin, la proximité est encore plus grande : le dieu Alphée ne pouvant obtenir les faveurs d’Artémis elle-même par la persuasion et les prières, se décide à employer la force et, pour cela, se rend à une fête où Artémis devait danser avec ses compagnes les Nymphes. Mais la déesse, qui a eu vent du projet, s’enduit, elle et ses compagnes, le visage de boue et échappe au viol, ne pouvant être reconnue. On n’est pas très loin de Damon et du choros de ses compagnons d’âge au visage enduit de suie57. Mais revenons à la signification politique de cet ensemble. La Vie de Cimon, un peu plus loin, présente une autre histoire de ce type : celle du régent Pausanias de Sparte, au moment où il aurait voulu se faire « le tyran de la Grèce ». Il fait venir pour abuser d’elle une jeune fille noble de Byzance, une de ces cités alliées qu’il est censé mener au combat pour la liberté, et la tue par méprise. L’affaire signe la fin de cette première hégémonie spartiate, pour annoncer le début de l’hégémonie athénienne et la fondation de la Ligue de Délos. Cette histoire, comme je le montre ailleurs, forme charnière et marque l’adaptation de ce type de récits à des circonstances historiques nouvelles58. La vraie menace n’est plus celle d’un homme qui voudrait devenir tyran à l’intérieur de la cité, mais d’une cité tyran des autres cités, polis- tyrannos59. Or c’est bien cela ce que signifie l’histoire des Leuctrides, comme le confirme, de manière parfaitement limpide, son deuxième volet, dans les Histoires d’amour, l’épisode de l’harmoste d’Oréos. Donc ce qu’implique le parallélisme évident avec l’histoire de l’officier romain commandant la garnison hivernant à Chéronée, ce n’est pas tant le risque d’une mise en série des Perses, des Galates et des Romains, où Damon reprendrait le flambeau de la lutte de ses ancêtres pour la défense de la patrie contre les Barbares. Personne ne peut vraiment plus comparer, en ce Ier siècle avant J.-C., les Romains à des Barbares, aux Perses peut-être, mais plus difficilement aux Galates60. C’est bien plutôt le risque de la mise en série de la domination romaine avec les hégémonies athénienne, lacédémonienne, et vraisemblablement aussi macédonienne. Et l’espoir, ici, en Béotie, d’un nouveau Leuctres. Mais plutôt que de voir dans le récit les traces directes d’une propagande anti-romaine, mithridatique, regardons la suite.

7 L’autre thème dominant de l’histoire des Leuctrides est celui du déni de justice. Damon s’est fait justice lui-même. Là aussi l’affaire n’est pas simple. Le crime puni n’avait pas été commis, et Damon n’étant pas non plus Mattathias sur la place de Modin61, le meurtre au sacrifice dans le domaine grec n’a pas que des connotations positives, même s’il se justifie, au plan tactique, du fait que les victimes y sont « nues », sans armes. C’est plutôt une tradition tyrannique62. La réponse de la cité n’est pas non plus sans ambiguïtés : « Face au désordre (γενομένης δὲ ταραχῆς 63) – tarachè est un terme très fort du vocabulaire de la stasis –, le conseil des Chéronéens se réunit et condamna à mort les meurtriers ». Certes, mais Plutarque d’ajouter aussitôt : « C’était, pour la cité, le moyen de se disculper aux yeux des Romains ». Ruse, secrète complicité avec les jeunes, s’est-on demandé, ou désir compréhensible d’éviter les représailles romaines, ou lâcheté, opportunisme, collaboration64 ? La réaction de Damon ne fit pas, pour sa

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part, dans la nuance : « Un soir (ou le même soir, si l’on tient à dramatiser encore plus65), comme les magistrats prenaient leur repas en commun, selon la coutume, Damon et ses compagnons firent irruption dans l’archeion, les égorgèrent et s’enfuirent à nouveau de la ville »66. Meurtre au prytanée. La jeunesse de la cité ne revient pas du séjour sur les marges pour s’intégrer à la polis, mais égorge ses anciens67.

8 C’est ici qu’intervient Lucullus : « Or il se trouva que ces jours-là, Lucius Lucullus passait par Chéronée avec des troupes pour une certaine mission. Il interrompit sa marche, enquêta sur les événements qui venaient de se passer, et découvrit que la cité n’était coupable de rien : au contraire, elle aussi, avait été victime. Il retira les soldats et les emmena avec lui »68. Suite à l’enquête judiciaire de Lucullus, la cité obtient donc un répit. L’une des causes de trouble est retirée, la garnison; l’autre demeure, Damon. À noter que le texte peut paraître ambigu, et a fait l’objet d’interprétations opposées : Lucullus a reconnu que la cité n’était pas responsable du meurtre des Romains et avait été lésée, à son tour et comme eux, par le meurtre des magistrats69, ou Lucullus a reconnu que la garnison et son chef, par leur conduite vis-à-vis de la population et donc du jeune Damon, étaient en grande partie responsables des troubles, et que la cité avait été plutôt victime, comme Damon également70. En ce sens iraient les épanchements de remerciements de la cité de Chéronée, dans un décret inscrit à Delphes, pour une garnison de cavaliers thraces et son chef Amatokos, laissés cette fois par Sylla l’hiver suivant, et il est noté, avec insistance, de quelle bonne manière, eux, s’étaient conduits envers la population71.

9 Restait le problème Damon : « Cependant Damon ravageait le territoire (la chôra) par ses brigandages (lèisteiai) et ses incursions et harcelait la cité : les citoyens l’attirèrent (ὑπηγάγοντο) par des ambassades et des décrets bienveillants et, quand il fut rentré, ils le nommèrent gymnasiarque; après quoi, un jour qu’il s’enduisait d’huile à l’étuve, ils le tuèrent »72. Tout ce passage a été jugé le plus problématique, dans la succession ramassée de ses quelques lignes. Et il est celui qui permet le mieux de saisir le jeu moderne des interprétations et des méthodes employées, et leurs enjeux. On a refusé la version de Plutarque, caractérisée par sa rapidité (sauf Mackay qui s’en réclame pour sa chronologie courte73) et pour l’interprétation qu’il donne de la conduite de la cité : une conduite rusée visant à tromper Damon, pour mieux s’en débarrasser. Au contraire, la conduite de la cité a été jugée incohérente, contradictoire, « quasi schizophrénique »74. Pour lui redonner sa cohérence, on l’a attribuée à la succession rapide au pouvoir de factions radicalement opposées, pro-romaines et pro-pontiques (Mackay), ou dans une temporalité plus lente (Thornton, Franco), séparées par des écarts plus discrets et engagées entre elles dans un jeu plus subtil75. Ces interprétations ont au moins l’avantage de nous faire mieux saisir a contrario ce qu’est celle de Plutarque. La cité (polis, politai) est prise comme un sujet unique, auteur de toutes les actions76. Et Plutarque dévoile effectivement son parti-pris, un peu plus loin, quand il va feindre de s’étonner que les Orchoméniens aient intenté un procès en justice, une dikè phonou, à la cité de Chéronée, comme si elle était une seule personne (ὥσπερ ἑνὸς ἀνθρώπου τὸ τῆς πόλεως ὄνομα κατενεγκὼν ἐδίωκε)77. C’est bien ce qu’il fait lui-même, dans son récit, d’un bout à l’autre, de la traiter comme un personnage unique. L’apparente contradiction de la conduite de la cité est ici unifiée sous l’espèce de la ruse. Le verbe ὑπάγειν relève bien du vocabulaire de la ruse et de l’embuscade78, et Damon se retrouve assassiné gumnos, comme il avait assassiné le Romain. En un sens, c’est bien la cité qui retourne à des conduites de jeunes, y régresse, serait-on presque tenté de dire79. Enfin,

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l’autre grande caractéristique du récit, comme l’a remarqué à juste titre C. Franco, est sa quasi totale décontextualisation80. Presque rien ailleurs dans la Vie de Lucullus ne permet de comprendre ce que ce dernier vient faire par là, « pour une certaine mission », et il nous faut pour cela faire le rapprochement avec un passage de la Vie de Sylla81. Aucune référence dans notre texte à Mithridate, Archélaos, Braetius Sura, Sylla, aux batailles de Chéronée et d’Orchomène, tout ce sur quoi il nous donne, au contraire, les détails les plus précis dans l’autre Vie, celle de Sylla. Certes une présence militaire : cette cohorte, les troupes de Lucullus, mais on ne se douterait pas que des dizaines de milliers d’hommes s’égorgent en arrière-plan. On peut comprendre que Plutarque ait des raisons de passer complètement sous silence l’existence d’une faction active pro- pontique à Chéronée, mais il ne dit rien ici non plus de ce dont il parle explicitement ailleurs, des partisans des Romains, des troupes chéronéennes sans doute présentes au siège d’Athènes avec Sylla et que nous retrouvons à la bataille de Chéronée, d’Homoloïchos et d’Anaxidamos (le premier était peut-être son ancêtre), qui obtinrent de protéger la cité des troupes d’Archélaos, puis chassèrent les Pontiques de la position stratégique de la colline de Thourion dominant la plaine au sud. À eux Sylla, pour cet exploit décisif, permit d’élever le trophée que l’on a récemment retrouvé et où ils gravèrent maladroitement leurs noms82. D’un côté, dans la Vie de Sylla, le maximum de précision et de détails, avec les Mémoires du général lus sur le terrain. Ici, le dépouillement le plus total, un théâtre au décor le plus simplifié possible pour laisser sur la scène, face à face deux à deux, les trois personnages principaux, Damon, la cité, Lucullus; l’officier romain, qui n’a même pas droit à un nom, et les lamentables Orchoméniens n’étant que des comparses. Damon et Lucullus ne se trouvant jamais ensemble, nous y gagnons de comprendre que, selon les règles du théâtre antique, le véritable protagoniste est la cité.

10 Damon liquidé, on pourrait croire que les malheurs de la cité sont terminés. Au contraire, c’est maintenant qu’elle va tomber dans le pire danger. Au reste, pour que l’histoire se termine en ce point, en une sorte de résolution et d’apaisement, il aurait fallu au moins que justice soit rendue à Damon, avec un nouveau procès pour meurtre. Mais voit-on la cité se juger elle-même de son crime ? Le procès va bien venir, mais d’ailleurs, et elle est accusée du meurtre, non pas de Damon, mais de celui des Romains tués par Damon, comme complice de celui qu’elle avait récompensé ensuite de la charge de gymnasiarque : « Les habitants d’Orchomène, qui étaient voisins et rivaux des Chéronéens, achetèrent les services d’un délateur romain qui intenta un procès à la cité, comme si elle était un simple particulier, et la poursuivit en justice pour le meurtre des hommes que Damon avait assassinés. L’affaire fut portée devant le proconsul (stratègos) de Macédoine (les Romains n’envoyaient pas encore de gouverneurs [stratègoi] en Grèce). Ceux qui parlèrent pour la cité invoquèrent le témoignage de Lucullus, auquel le proconsul écrivit et qui confirma la vérité. La cité fut donc acquittée après avoir couru les dangers les plus grands »83. On a pensé, d’une part, que les Orchoméniens attaquaient pour régler des problèmes frontaliers, sur un fond de vieilles haines84; d’autre part, on s’est demandé ce que risquaient vraiment les Chéronéens : la perte des privilèges éventuels obtenus de Sylla85, la condamnation de quelques notables pour l’exemple, ou une épuration plus sauvage, disparaître en tant qu’entité politique et être annexés par Orchomène86. En tout cas, il est clair que Plutarque n’a pas choisi la version minimale, κινδυνεύουσα περὶ τῶν μεγίστων 87. C’est bien pour lui l’existence même de la cité qui est en question. Dans le contexte des « traditions » et comportements locaux – car, après tout, ce ne sont pas les Romains qui

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engagent ce procès –, on peut songer, en remontant au-delà du sort subi de la part de ceux-ci par Haliarte, ou Coronée ou Thisbé dans la IIIe guerre de Macédoine 88, à des épisodes antérieurs, à Platées, Thespies et Orchomène, détruites par Thèbes, ou, réciproquement, à Thèbes détruite par Alexandre aux applaudissements enthousiastes des autres Béotiens89. Autrefois, ces choses-là se réglaient au moins par les armes; maintenant on utilise un délateur et un tribunal romain. On est bien entré dans une autre époque.

11 Si je rassemble les fils de ma démonstration, il me semble que l’illustration de ces tristes temps n’est pas seulement Damon qui manifeste son caractère ambigu et contradictoire, à la fois fier et trop rude, à travers d’abord le meurtre du Romain pour venger préventivement son honneur, puis celui des magistrats, ce qui peut être considéré encore de manière positive, comme une imitation de l’exploit de Pélopidas mettant fin au règne des tyrans de Thèbes asservis à la domination spartiate, ou au contraire comme le pire forfait d’une stasis, avant de sombrer dans le brigandage (lèisteia), pour finalement se laisser prendre aux sirènes de la normalité, de l’illusion d’une carrière honorable, comme s’il avait fait jusque-là un parcours sans faute. C’est aussi la conduite de la cité qui, parallèlement à celle de Damon, peut paraître sans doute pas toujours injustifiée, elle non plus, mais tout aussi ambiguë et contradictoire : incapable de défendre ses jeunes, les condamnant à mort, les acculant à la rébellion, puis, pour s’en débarrasser, s’abaissant à des conduites rusées dignes d’un crypte, amnistiant et récompensant même celui qu’elle a condamné à mort, pour ensuite le liquider subrepticement. Et en même temps, elle aussi victime, et cherchant légitimement à préserver son existence. C’est le cas de dire avec Plutarque qu’ « elle était vraiment mal en point », λυπρὰ πραττούσης. Le nadir est atteint avec la mort de Damon, suivie de l’accusation d’Orchomène. Mais c’est au moment où la cité frôle la mort qu’elle est sauvée. En un sens, le vieux schéma initiatique qui a échoué pour Damon, réussit pour la cité, qui émerge à une nouvelle existence, non pas adulte, mais d’une cité dans et de l’empire romain. Bien sûr, il fallait que Damon disparaisse pour qu’apparaisse le nouveau sauveur, Lucullus. Ceci permet aussi de répondre à la question posée précédemment : Rome serait-elle la nouvelle cité-tyran ? Si l’on compare l’histoire avec celle des Leuctrides, la différence est claire : quelles que soient les similitudes apparentes, au déni de justice des Lacédémoniens – au refus d’écouter des cinq éphores, puis des deux rois, puis du moindre citoyen – répond l’accumulation des procédures judiciaires, l’enquête impartiale de Lucullus, puis la possiblité de se défendre auprès du proconsul, la consultation de Lucullus par celui-ci, et son deuxième témoignage qui n’est pas une faveur trompeuse, mais « atteste la vérité », ἐμαρτύρησε τἀληθῆ, une vérité complexe et contradictoire, telle que l’exposera Plutarque à propos de Lucullus lui-même, sans cacher ses moins beaux côtés, car « il n’aurait pas accepté d’être récompensé de son témoignage véridique par un récit mensonger et fictif de ce qu’il fut »90.

12 Tout est-il donc bien qui finit bien dans le meilleur des mondes romains possibles ? Il reste tout de même une ombre, c’est le cas de le dire. Dans l’étuve du gymnase, là où Damon avait été tué, « pendant longtemps, on vit des fantômes et l’on y entendit des sanglots, à ce que disent nos pères91 » – la parole respectable de la génération précédente est garante de cette affirmation. La cité avait érigé une statue de son sauveur sur l’agora à côté de celle de Dionysos, laissant sans doute entendre qu’il était lui aussi le Nouveau Dionysos, mais elle avait visiblement oublié de juger ou de venger

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le meurtre de Damon. Un fantôme au gymnase, mauvaise fréquentation à tout point de vue pour les jeunes92 : « On fit donc murer l’étuve ». La cité s’obstinait dans la même ligne. En vain : « De nos jours encore, ceux qui habitent au voisinage croient que ce lieu est hanté par des apparitions et des voix troublantes », ὄψεις καὶ φωνὰς ταραχώδεις. Le dernier mot, tarachôdeis, concernant Damon, est le même que le premier qui résultait de son acte, tarachè, le désordre dans la cité93.

13 Mais ce n’est pas tout. Il y a un autre reste, cette fois hors de Chéronée : « Il subsiste aujourd’hui, surtout à Stiris en Phocide, quelques descendants de la famille de Damon, qui parlent le dialecte éolien, et on les appelle Asbolômenoi (« Couverts de suie »), car Damon, avant le meurtre, s’était frotté de suie ». Stiris, à 120 stades au sud-ouest de Chéronée, par la montagne, était probablement la base arrière de Damon et de sa bande. Et quand ils furent définitivement exilés, ils s’y étaient réfugiés, y obtenant sans doute la politeia94. Mais ils mettaient encore leur point d’honneur, dans la Phocide dorienne, à garder leur dialecte béotien, et peut-être se jugeaient-ils les seuls véritables Chéronéens95. Mais surtout leur nom doit nous interpeller. Les Asbolômenoi : il faut le lire en regard de dénominations du même type, d’abord les aleiphomenoi, l’association cultuelle des jeunes du gymnase des cités hellénistiques96, ou ces Psapharoi, les « Poudreux », que l’on a retouvés récemment à Laodicée du Lycos, honorant Zeus et Hermès97. Dans la voisine même de Chéronée, Orchomène, nous apprend Plutarque, dans les Questions grecques, il existait un genos des Psoloeis, les « Couverts de cendres, de suie noire », voulant dire cette fois les « Endeuillés », ceux qui ont maculé leurs vêtements en signe de deuil : il s’agissait des descendants des époux des Minyades rendues folles par Dionysos pour n’avoir pas voulu honorer son culte et qui avaient déchiré, comme l’on sait, leurs propres enfants. Les descendants des Minyades elles- mêmes constituaient un genos parallèle, dont les femmes étaient appelées Oleiai, les « Meurtrières ». À la fête des Agrionies, elles fuyaient devant le prêtre de Dionysos, choisi dans l’autre lignée. Celui-ci, armé d’une épée, avait le redoutable privilège de mettre à mort celle qu’il rattrapait98. Les Asbolômenoi ne sont donc pas simplement des aleiphomenoi en négatif, mais forment un genos dont le nom honore ce qui pour eux n’était certainement pas le crime, mais l’exploit fondateur de leur ancêtre Damon. Rapprochons les éléments disjoints par l’espace : d’un côté, en Béotie, à Chéronée, un fantôme emmuré au gymnase; de l’autre, en Phocide, à Stiris, un genos et le culte héroïque de son fondateur. Si l’on superpose les deux, on obtient la figure en creux d’une réalité typique de cette basse époque hellénistique, ou si l’on préfère du début de l’époque romaine dans le monde grec, de l’évergète, sauveur, nouveau fondateur, enterré au gymnase, cette deuxième agora dont parlait Louis Robert99. Face à Lucullus et à sa statue de sauveur sur l’agora, la figure disloquée de Damon en est bien en un sens le double, l’ombre portée, une virtualité qui n’a pu se réaliser, en lui cédant la place, que dans la figure opposée du Romain.

14 J’ai rétabli dans mon exposé l’ordre chronologique. Plutarque, au contraire, a terminé avec Lucullus, voulant privilégier le côté positif des choses. Mais nous a-t-il laissé entendre, par anticipation, tout autant que les bienfaits de Lucullus, le fantôme est toujours là présent, même sous une forme atténuée. Mais laisser indéfiniment subsister un tel élément de désordre, la cité grecque « normale », celle des récits de la tradition sur le temps d’autrefois, l’aurait-elle permis ? Murer le fantôme était-il vraiment la procédure adéquate ? Un phénomène de ce type entre dans la catégorie des conséquences de l’agos, comme un loimos dont il peut être d’ailleurs la manifestation. La cité consulte alors généralement l’oracle de Delphes, qui prescrit le type de purification

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nécessaire. Quel est-il pour un fantôme ? Sans aller chercher aussi loin que les kolossoi de la Grande loi sur les Suppliants de Cyrène, la voisine Orchomène nous donne une fois de plus une idée de la solution. Comme le raconte Pausanias, le fantôme d’Actéon ravageait la chôra en roulant une énorme pierre. L’oracle de Delphes consulté prescrivit de rassembler ce qui pouvait subsister de son corps dévoré par les chiens, de lui donner un tombeau et d’ériger une statue de bronze à l’image du fantôme que l’on attacherait par des chaînes à la pierre en question, et de lui sacrifier désormais comme à un héros100. De même, à Siris, on avait conjuré les mânes de cinquante jeunes gens massacrés à l’autel d’Athéna en leur érigeant des statues101. Pour apaiser le fantôme du régent Pausanias de Sparte qui hantait le sanctuaire d’Athéna Chalkioikos, on avait élevé deux statues de bronze près de l’autel102. Cela, je pense, celui qui n’était pas seulement le principal notable de Chéronée, mais le prêtre à vie d’Apollon à Delphes, ne pouvait pas l’ignorer103. Les Chéronéens ont élevé, en reconnaissance, une statue (εἰκόνα) à Lucullus, pas à Damon. Plutarque, à son tour, qui considère, bien que de nombreuses générations le séparent de Lucullus, que cette dette de reconnaissance le concerne encore, lui et ses concitoyens, « les vivants d’aujourd’hui », pour l’acquitter, a décidé de lui « élever une statue (εἰκόνα) encore plus belle que celle qui reproduit seulement l’apparence extérieure du corps et du visage », celle qui « met en lumière le caractère et le comportement », une statue de mots qui est la biographie qu’il va écrire de lui104. Or pour expliquer pourquoi il était nécessaire de rendre hommage à Lucullus, il fallait bien parler de Damon. De fait, la caractéristique de ce curieux prologue que l’on a qualifié de digression en rapport avec le sujet105, est bien d’être, malgré sa brièveté, une biographie complète de Damon, avec les origines et la situation familiales, la définition du caractère, les actions, la mort, et jusqu’à l’évocation des descendants et du rapport au temps présent par quoi se clôt souvent une biographie de Plutarque106. La paire des Vies ici en contient en fait trois, celle de Cimon, celle de Lucullus, plus celle de Damon, une biographie miniature, une petite statue de mots. Je ne dirai sans doute pas qu’on a là un kolossos, une figurine de substitution, et dans ces pages un rituel de conjuration d’un fantôme. De toute façon, elles entretiendraient avec lui la même relation métaphorique que la biographie de Lucullus avec la statue de l’agora. Mais peut-être peut-on aller un peu plus loin. Entre Lucullus et Chéronée s’est probablement établi un rapport de l’ordre du patronat, qui, deux cents ans après, n’est plus que symbolique107 – et cela, même si Plutarque ne le dit pas en des termes techniques, comme les néologismes patrôn et patrôneuein forgés par les cités des IIe et Ier siècles pour exprimer la nouvelle réalité qui dépassait l’ancien évergétisme108. Or si Plutarque, au nom des siens, se sent une dette de reconnaissance envers le patron de sa cité, qu’en est-il vis-à-vis de Damon ? Plutarque se targuait de descendre, sinon tout à fait directement, du moins le clan familial au sens large dont il était le plus éminent représentant, non seulement de Daïphantos d’Hyampolis, le libérateur de la Phocide, mais aussi d’Opheltas, le roi re- fondateur de la Béotie109. Comment penser la relation de l’Opheltiade et du dernier des Péripoltides, comme des deux genè ? C’est celle qui découle de la relation du roi et du devin. Au devin est confiée la tâche de résoudre des crises qui dépassent l’intelligence purement politique ou tactique, mais la supériorité doit rester en tout état de cause du côté du chef. La perpétuation d’un tel rapport est difficile à penser en termes purement grecs, mais peut-être moins en termes romains, et Plutarque, notable grec mais aussi romain110, s’est peut-être senti, à distance, quelque devoir non seulement de reconnaissance mais de protection, un sentiment vaguement paternel vis-à-vis du jeune orphelin, et comme une dette aussi à acquitter au nom de la cité111. Après une

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crise inextricable, impossible à démêler par des moyens seulement humains, l’instauration d’un culte héroïque permettait autrefois, dans le langage du rite, à la cité d’assumer et d’intégrer ce qui s’était passé dans sa redoutable complexité. En érigeant, discrètement, cette petite statue de mots à Damon, Plutarque a certainement réalisé aussi ce qu’on appellerait aujourd’hui un travail de mémoire – qui n’est jamais à confondre, quoi qu’on veuille trop souvent nous faire croire, avec le travail même de l’historien – aidant sa petite cité à mieux assumer son passé qu’en emmurant le fantôme. Il y a dans ce prologue un double aspect, non seulement de politique extérieure, mais aussi de politique intérieure, contribuant au programme de Plutarque en faveur de l’homonoia dans la cité, et de présence à l’intérieur de celle-ci, pour éviter que, de petite, elle ne le devienne encore plus112.

15 Après que Plutarque eut écrit ces pages, le fantôme a-t-il cessé de hanter le gymnase ? Je n’oserais l’affirmer, et nous n’aurons pas la cruauté de demander à nos collègues archéologues de nous renseigner là-dessus, si jamais ils venaient à le fouiller. Ils n’auraient peut-être pas plus de succès qu’avec le pneuma delphique. Mais nous sommes tous, chercheur ou simple lecteur, fascinés par cette merveilleuse et emblématique histoire, qui dit le passage et l’intégration de la cité grecque dans l’empire romain, sans masquer sa part d’ombre, et il est loisible à chacun de nous de ressentir par lui-même que Plutarque, par la magie de la littérature, y a fixé quelque chose de l’esprit noble et fier, mais tout de même un peu rude, du malheureux jeune homme de Chéronée.

NOTES

1. J. MA, « Black Hunter Variations: I Damon le chasseur noir (Plutarque, Cimon, 1-2); II Damon of Chaironeia: a Historical Commentary (Plut. Kim. 1-2); III Damon of Chaironeia: Battlelines », PCPhS 40 (1994), p. 49-80. Il suffit de citer, récemment traduit en français, du même auteur, Antiochos III et les cités de l’Asie mineure occidentale, Paris, les Belles Lettres, 2003. 2. MA, l.c.(n. 2), p. 50, 57, 65. 3. MA, l.c., p. 78. Cf. Pindare, Pythiques IV, 140; Hésychius, s.v. ἐπιβάδαι; H.W. PARKE, Festivals of the Athenians, Londres, 1977, p. 92. 4. F. MILLAR, « Greece and Rome from Mummius Achaicus to St Paul: Reflections on a Changing World », in J.-Y. MARC, J.-Ch. MORETTI (éds), Constructions publiques et programmes édilitaires en Grèce entre le IIe siècle av. J.-C. et le Ier siècle ap. J.-C., Athènes/Paris, 2001 (BCH, Suppl. 39), p. 8; P. VIDAL- NAQUET, Mémoires 2, Paris, Seuil/La Découverte, 1998, p. 228. Cf. aussi O. MURRAY, « Pierre Vidal- Naquet et le métier d’historien de la Grèce : l’‘école de Paris’ », in F. HARTOG, et al. (éds), Pierre Vidal-Naquet, un historien dans la cité, Paris, 1998, p. 157. 5. R.M. KALLET-MARX, Hegemony to Empire. The Development of the Roman Imperium in the East from 148 to 62 B.C., Berkeley/Los Angeles, 1995, p. 279-282; C.S. MACKAY, « Damon of Chaeronea: the Loyalties of a Boiotian Town during the First Mithridatic War », Klio 82 (2000), p. 91-106; J. THORNTON, Lo storico, il grammatico, il bandito. Momenti della resistenza greca all’Imperium Romanum, Catane, 2001², p. 215-247; C. FRANCO, « Anni difficili. Plutarco e Damone di Cheronea (Cim. 1-2.2) », in B. VIRGILIO (éd.), Studi ellenistici XV, Pise, 2003, p. 191-213. Antérieurement, voir surtout M. HOLLEAUX, « Décret de Chéronée relatif à la première guerre de Mithridates », REG 32 (1919), p.

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320-337 = Études d’épigraphie et d’histoire grecques I, Paris, 1938, p. 143-159; A. BLAMIRE, Plutarch. Life of Kimon, Londres, 1989 (BICS Suppl. 56), p. 79-84. 6. FRANCO, l.c. (n. 5), p. 192. 7. MACKAY, l.c. (n. 5), en particulier p. 93-94, 98-105. 8. THORNTON, o.c. (n. 5), p. 226-227, 245, pour la durée de l’aventure de Damon; 233-247, pour la figure du bandit. 9. FRANCO, l.c. (n. 5), p. 208-209. 10. Plutarque, Cimon, 1, 6 et Sylla, 11, 8; déjà HOLLEAUX, o.c. (n. 5), I, p. 153-154. Pour la date, discussion détaillée dans A. KEAVENEY, Lucullus. A Life, Londres/New York, 1992, p. 18-19 et 212 n. 11; MACKAY, l.c. (n. 5), p. 93 n. 4 et 100. 11. MACKAY, l.c. (n. 5), p. 92 n. 2. Très exactement, cette troupe hiverne à Chéronée. 12. Plut., Sylla, 11, 7; Appien, Mithridatica, 29, 114. 13. Cf. Plut., Cimon, 1, 8 : « à ce que racontent nos pères » (selon la traduction d’A.-M. OZANAM in F. HARTOG (éd.), Plutarque, Vies parallèles, Paris, Gallimard, 2001 [Quarto], que j’utiliserai désormais, sauf avis contraire, en la modifiant parfois légèrement); J. BUCKLER, « Plutarch and Autopsy », in ANRW II, 33.6 (1992), p. 4806; MA, l.c. (n. 1), p. 60-61; FRANCO, l.c. (n. 5), p. 194. Le fait de reconnaître là une « tradition orale » a pu conduire aux deux attitudes opposées, le refus total d’un « récit populaire » forgé de toutes pièces pour expliquer l’épithète d’asbolômenoi donnée à certains habitants de la région (J. van OOTEGHEM, L. Licinius Lucullus, Bruxelles, 1959, p. 37 n. 3), ou, au contraire, l’acceptation de « l’authenticité des faits », après croisement avec d’autres documents (ainsi R. Flacelière, notice de la Vie de Cimon, in Plutarque. Vies, t. VII, Paris, Les Belles Lettres, 1972 [CUF], p. 2-3). 14. MACKAY, l.c. (n. 5), p. 91. 15. FRANCO, l.c. (n. 5), p. 193-197, 212-213. 16. P. ELLINGER, La Légende nationale phocidienne. Artémis, les situations extrêmes et les récits de guerre d’anéantissement, Athènes/Paris, 1993 (BCH, Suppl. 27). 17. Hérodote, VIII, 27; Pausanias, X, 1, 11; le premier rapprochement, à ma connaisance, déjà dans C.A. LOBECK, Aglaophamus sive de Theologiae mysticae Graecorum causis, Koenigsberg, 1829, I, p. 654-655. 18. Propos de table IV, 660d. 19. Plutarque, Des délais de la justice divine, 558a-b. Plutarque raconte la victoire phocidiennne du Désespoir dans ses Vertus des femmes, 244b-e. Il avait écrit une Vie, perdue, de Daïphantos, dont il égale les exploits à ceux de Miltiade à Marathon, ou d’Épaminondas et Pélopidas à Leuctres (De l’impossibilité de vivre heureux en suivant Épicure, 1099e-f). Cf. ELLINGER, o.c. (n. 16), p. 15 et 235-236. 20. Cf. J. MCINERNEY, The Folds of Parnassus. Land and Ethnicity in Ancient Phokis, Austin, 1999, p. 319-320. 21. Cimon, 1, 9. 22. MA, l.c. (n. 1), p. 49-52, 56, 73-74. Si l’on cherche un autre « Chasseur noir » pour la même époque, on le trouvera aisément dans les traditions sur l’enfance de … Mithridate lui-même, rapportées par Justin, XXXVII, 2, 9 (et XXXVIII, 8, 1) : « Craignant ensuite qu’à défaut de poison, ses ennemis n’employassent le fer, il feignit une vive passion pour la chasse. Ainsi pendant sept années, ni à la campagne, ni à la ville, il ne coucha sous l’abri d’un toit, mais, errant au fond des bois, il passait la nuit sur différents points des montagnes, sans que personne connût sa retraite. Là, il s’habituait tantôt à fuir, tantôt à poursuivre les bêtes sauvages, quelquefois même il éprouvait ses forces contre elles. Par ce genre de vie, il évita les embûches, et endurcit son corps à toutes les souffrances » (trad. J. PIERROT, E. BOITARD). Texte à lire lui aussi en clef grecque et pas seulement d’enfance royale iranienne. Étonnant commentaire-paraphrase de Th. REINACH, Mithridate Eupator, roi de Pont, Paris, 1890, p. 53-54; voir également G. WINDENGREN, « La légende royale de l’Iran antique », Hommages à Georges Dumézil, Bruxelles, 1960 (Coll. Latomus, 45), p.

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227-230; B.C. MCGING, The Foreign Policy of Mithridatus VI Eupator, King of Pontus, Leyde, 1986 (Mnemosyne, Suppl. 89), p. 43-44. 23. Cimon, 1, 1; cf. Thucydide, I, 12, 3. 24. Strabon, IX, 5, 18. La région est dominée par les hauteurs du blanc Titane, dont le nom évoque les mêmes associations. Sur les valeurs d’âge d’or et de pays de cocagne de la terre blanche, cf. ELLINGER, o.c. (n. 16), p. 95-104. 25. L’oracle des corbeaux est raconté dans sa version la plus complète par l’Atthidographe Démon, FGrHist 327 F 7 et dans les proverbes de Zénobius (III, 87 éd. E.L. LEUTSCH et F.G. SCHNEIDEWIN, Paroemiographi Graeci, Göttingen, 1839, I, p. 78-79). Sources le plus commodément rassemblées par Jacoby dans son commentaire à Démon (vol. III b [Suppl.], p. 209-210) et discutées par G. HUXLEY, « White Ravens », GRBS 8 (1967), p. 199-202. 26. Cf. Archémachos d’Eubée, FGrHist 424 F 1 = Athénée, VI, 264a-b; Pausanias l’Atticiste, Fragmenta, π 16, p. 204 (éd. H. ERBSE, Untersuchungen zu den attizistischen Lexika, Berlin, 1950 [Abhandl. Deutschen Akad. Wiss. Berlin. Philosophisch-historische Kl. 1949, 2]); textes n° 2 et 20 dans J. DUCAT, Les Pénestes de Thessalie, Paris, 1994, p. 14-16, 38-40, avec commentaire. 27. MA, l.c. (n. 1), p.60; MACKAY, l.c. (n. 5), p. 98-99. 28. Cimon, 1, 1 : « Chéronée, la première cité qu’ils occupèrent, après en avoir chassé les Barbares ». Ces Barbares étant, selon Strabon (IX, 2, 3), les Pélasges qui se réfugièrent en Attique, les Thraces refoulés sur le Parnasse, et les Hyantes qui fondèrent Hyampolis en Phocide. 29. Pausanias, IX, 40, 5; Stéphane de Byzance, s.v. Χαιρώνεια (Hellanikos, FGrHist 4 F 81); scholie à Thucydide, I, 12, 3, p. 16 éd. HUDE. 30. Cimon, 1, 1. 31. On la retrouve en revanche dans la conclusion de la Vie de Cimon, 19, 3-4. 32. Voir la description de la cité par Pausanias, IX, 40, 10. Plutarque et la défaite de Chéronée en 338 : Camille, 17, 8 (jour sinistre pour les Grecs); Alexandre, 9, 2 et surtout Démosthène, 19-20. 33. Cimon, 1, 2. Il n’était donc pas, à la différence d’un autre personnage de Plutarque, qui lui ressemble par certains côtés, Coriolan, flanqué d’une redoutable mère; cf. Coriolan, 1, 2-5, et, pour le rapprochement, THORNTON, o.c. (n. 5), p. 220 n. 18. 34. Cf. A. OEPKE, « Ἀμφιθαλεῖς im griechischen und hellenistischen Kult », ARW 31 (1934), p. 42-56; L. ROBERT, « Ἀμφιθαλής », HSPh, Special Volume W.S. Ferguson (1940), p. 509-519 (= OMS I [1969], p. 633-643). Cet enfant est littéralement un « rejeton florissant des deux côtés ». À Thèbes, un pais amphithalès marchait en tête de la procession des Daphnéphories, elle-même reliée à l’antique conquête de la Béotie (Proclus, Chrestomathie, 70 et 76, avec le commentaire d’A. SEVERYNS, Recherches sur la Chrestomathie de Proclos I, II, Paris, 1938, p. 214-229). Les amphithaleis portaient l’eirésionè, figuraient dans les processions de mariage, coupaient les couronnes pour les vainqueurs aux jeux. 35. Cimon, 1, 3 (dans la traduction de R. FLACELIÈRE). 36. Cf. MA, l.c. (n. 1), p. 61-62; MACKAY, l.c. (n. 5), p. 93-94; THORNTON, o.c. (n. 5), p. 240-241; et surtout FRANCO, l.c. (n. 5), p. 198, 201-203. 37. Plutarque, Marius, 14, 4-9; Apophtegmes de rois et de généraux, 202b; Cicéron, Pro Milone, 9; Valère-Maxime, VI, 1, 12; [Quintilien], Declam. maj., III; C.A. WILLIAMS, Roman Homosexuality. Ideologies of Masculinity in Classical Antiquity, Oxford/New York, 1999, p. 110-111. 38. MA, l.c. (n. 1), p. 61-62. 39. Pour ne faire allusion qu’aux coutumes crétoises (Strabon, X, 4, 21). 40. Plutarque, Agésilas, 11, brodant sur Xénophon, Agésilas, 4, 5. 41. Cf. Polybe, X, 19, 3-7; Tite-Live, XXVI, 50, 1; rapprochement judicieux par THORNTON, o.c. (n. 5), p. 240-241. Une autre version moins édifiante dans Aulu-Gelle, VII, 8, 3-6.

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42. MACKAY, l.c. (n. 5), p. 93; FRANCO, l.c. (n. 5), p. 212-213; déjà THORNTON, o.c. (n. 5), p. 241 n. 77 citant Polybe sur les exactions sexuelles typiques de la dégénérescence d’une royauté ou d’une aristocratie en tyrannie (VI, 7, 7-9 et VI, 8, 5). 43. Cf. F. FRAZIER, in HARTOG, o.c. (n. 13), p. 1987; C. PELLING, Plutarch and History, Londres, 2002, p. 31 n. 14. 44. Xénophon, Helléniques VI, 4, 7; Diodore, XV, 54, 1-3; Plutarque, Pélopidas, 20-22; De la malignité d’Hérodote, 856f; Pausanias, IX, 13, 5-6. Pour les Histoires d’amour, 3, 773b-774d, faussement attribuées à Plutarque, mais bien renseignées sur les traditions locales béotiennes, cf. M. CUVIGNY, Plutarque. Œuvres morales, t. X, Paris, Les Belles Lettres, 1980 (CUF), p. 111-117, 127-130, 157-159, avec liste complète des autres sources; voir également A. SCHACHTER, Cults of Boiotia2, Herakles to Poseidon, Londres, 1986 (BICS, Suppl. 38, 2), p. 122; J. FONTENROSE, The Delphic Oracle, Berkeley/Los Angeles/Londres, 1978, p. 145-148. 45. Pausanias, IX, 13, 5. 46. Diodore, XV, 54, 3. 47. [Plut.], Histoires d’amour, 3, 773b-d. Dans les autres versions, elles se tuent, de diverses manières, pendaison, poignard. 48. Histoires d’amour, 3, 773d-e. 49. Il se nomme Aristodème dans le récit. Au contraire, l’officier romain reste anonyme. 50. Ibid., 773e-f, à comparer, pour les termes identiques employés, avec Cimon, 1, 3. Le meurtrier fait ensuite bombance. 51. Histoires d’amour, 3, 774a-b. 52. Pélopidas, 20, 6; de même pour Pausanias, IX, 13, 5. Chez Diodore, ce sont les filles elles- mêmes qui avaient maudit les Spartiates. 53. Mènima : Plut., Pélopidas, 20, 7; Pausanias, IX, 13, 5; cf. [Plut.], Histoires d’amour, 3, 774d (prophétie donnée en songe par Skédasos à Pélopidas). On a fait remarquer que le nom de Skédasos pourrait être signifiant dans ce contexte, s’il vient bien du verbe σκεδάννυμι, actif : « verser le sang » (Iliade VII, 330), passif : « se disperser de tous côtés » pour une armée en déroute (Thucydide, IV, 56; VI, 52); employé également déjà par Hésiode pour les maux de la jarre de Pandora (Travaux, 95); cf. PFISTER, s.v. « Skedasos », RE III A (1927), col. 467, 42-55; SCHACHTER, o.c. (n. 44), p. 122 n. 3. 54. Pausanias, IV, 4, 1-3; cf. ELLINGER, o.c. (n. 16), p. 41-43. 55. Cf. Antoninus Liberalis, XIII, 3-7; Pausanias, VIII, 5, 11-12; VIII, 47, 6; saint Jérôme, Adversus Jovinianum I, 308a (Patrologie latine, 23, 272). Dossier étudié dans mon livre, La fin des maux. D’un Pausanias à l’autre (Les Belles Lettres, sous presse). 56. Antoninus Liberalis, XIII, 3-7; Héraclide du Pont, FHG II, 222 fr. 32. 57. Pausanias, VI, 22, 9 (cf. ELLINGER, o.c. [n. 16], p. 40); à comparer avec Cimon, 1, 4 et 8, pour l’étroite similitude des expressions employées. 58. Cimon, 6; également : Sur les délais de la justice divine, 10, 555c; Pausanias, III, 17, 7-9; Aristodèmos, FGrHist 104, 4-9. Pausanias le régent, « tyran de la Grèce » : Hérodote, V, 32. Analyse complète dans La fin des maux (supra, n. 55). 59. Cf. Thucydide, I, 69, 1; II, 63, 2; III, 37, 2; VI, 85, 1; K.A. RAAFLAUB, « Polis Tyrannos: Zur Entstehung einer historischen Metapher », in G.W. BOWERSOCK, W. BURKERT, M.C.J. PUTNAM (éds), Arktouros. Hellenic Studies presented to B.M.W. Knox, Berlin/New York, 1979, p. 237-252. 60. Plutarque connaît le danger pour un homme politique grec sous l’Empire d’agiter devant les masses les souvenirs de Marathon et autres exploits contre les Perses (Préceptes politiques, 814 a- c); cf. FRANCO, l.c. (n. 5), p. 197. Damon prolongeant la lutte de ses ancêtres contre les Barbares, Perses puis Galates, et éventuel libérateur et refondateur de la Béotie : MACKAY, l.c. (n. 5), p. 98-99. Dans la bouche de Plutarque, dans le contexte de la guerre mithridatique en Béotie, pour les deux

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batailles de Chéronée et d’Orchomène, le qualificatif de « Barbares » concerne exclusivement les troupes pontiques (Sylla, 15, 3; 16, 5; 18, 1, et 7; 19, 7 et 10; 21, 8). 61. 1Maccabées 2, 15-28 (avec, à la fin, en 28 : « Lui-même et ses fils s’enfuirent dans les montagnes, abandonnant tout ce qu’ils possédaient dans la ville »). 62. Cf. J. LABARBE, « Un putsch dans la Grèce antique : Polycrate et ses frères à la conquête du pouvoir », AncSoc 5 (1974), p. 21-41. 63. Cimon, 1, 5. Tarachè est un terme codé pour dire le trouble politique, l’état de stasis. C’est l’exact contraire d’hèsychia, la « tranquillité ». Voir, par exemple, pour un contexte proche (Thèbes en 171), Polybe, XXVII, 1, 7-8 et XXVII, 5, 8. 64. Désir d’éviter les représailles romaines : MA, l.c. (n. 1), p. 62-63, d’après KEAVENEY, o.c. (n. 10), p. 18 et n. 10; décision des pro-Romains au pouvoir : MACKAY, l.c. (n. 5), p. 92; attitude ambiguë : FRANCO, l.c. (n. 5), p. 200-201; trahison aux yeux des jeunes : THORNTON, o.c. (n. 5), p. 224-225. Sur le danger de s’opposer aux Romains, cf. infra, n. 88. 65. MACKAY, l.c. (n. 5), p. 92, 101. 66. Cimon, 1, 5. 67. MA, l.c. (n. 1), p. 53. Dans le cadre de la tradition sur Leuctres, on rappellera l’exploit, qui donne le branle à toute la saga de la libération, de Pélopidas et de ses onze compagnons revenus secrètement d’Athènes : le soir, déguisés en femmes, ils tuent les magistrats, les « tyrans », pro- lacédémoniens de Thèbes, au symposion, alors qu’ils faisaient la fête (Xénophon, Helléniques V, 4; Plutarque, Pélopidas, 6-13; Le démon de Socrate, 587b-588a, 594b-598f). Il y a d’ailleurs à cette occasion un autre jeune garçon qui mériterait d’être rapproché de Damon (Pélopidas, 9, 10-12; Le démon de Socrate, 595b). Toutefois, dans la Vie de Cimon, le deipnon des magistrats de Chéronée, dans le cadre de leurs devoirs civiques, n’est pas signe de débauche, mais assurément une affaire sérieuse, pleine de gravité. 68. Plutarque, Cimon, 1, 6. 69. MACKAY, l.c. (n. 5), p. 92; THORNTON, o.c. (n. 5), p. 226. 70. FRANCO, l.c. (n. 5), p. 204-205, 208. 71. HOLLEAUX, o.c. (n. 5), I, p. 144 (l. 5-14 du décret) et 152. 72. Cimon, 1, 7. 73. MACKAY, l.c. (n. 5), p. 103. 74. Cf. MACKAY, l.c. (n. 5), p. 93-94; THORNTON, o.c. (n. 5), p. 227 (citation). 75. MACKAY, l.c. (n. 5), p. 101-103; THORNTON, o.c. (n. 5), p. 226-231; FRANCO, l.c. (n. 5), p. 205-210. 76. Voir Cimon, 1, 5-7. 77. Cimon, 2, 1. 78. Cf. Xénophon, Cyropédie I, 6, 37; Commandant de cavalerie, 4, 12; Isocrate, Philippe, 91. 79. Bien vu par MACKAY, l.c. (n. 5), p. 103 (« They smothered Damon in the baths, acting in a stealthy manner similar to Damon’s own attack on the magistrates during their dinner »). Sur l’assassinat dans l’étuve du gymnase, cf. MA, l.c. (n. 1), p. 64; mort au bain : Tacite, Histoires II, 16 (Pacuvius, procurateur de Corse, victime d’une embuscade aux bains, nudus et auxilii inops). 80. FRANCO, o.c. (n. 5), p. 195-196. 81. Cf. supra, n. 10. 82. Plutarque, Sylla, 16, 14-15; 17, 6-12; 18, 1-3; 19, 10; Pausanias, IX, 40, 7. Pour le trophée, cf. J. CAMP, M. IERARDI, J. MCINERNEY, K. MORGAN, G. UMHOLTZ, « A Trophy from the Battle of Chaironeia of 86 B.C. », AJA 96 (1992), p. 443-455 (p. 447 n. 9, pour Homoloïchos, éventuel arrière-arrière-grand- père de Plutarque), avec les rectifications de C.S. MACKAY, « Sulla and the Monuments: Studies in his Public Personna, II. ‘Discovery’ of a Monument of Sulla’s at Chaeronea », Historia 49 (2000), p. 168-177. 83. Cimon, 2, 1. 84. MA, l.c. (n. 1), p. 64-65; FRANCO, l.c. (n. 5), p. 210-212.

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85. KALLET-MARX, o.c. (n. 5), p. 281, qui pense qu’elle avait dû obtenir la « liberté » de Sylla, tout comme Élatée voisine (Pausanias, X, 34, 2). 86. MA, l.c. (n. 1), p. 67. 87. Cf. l’expression comparable dans la Vie deSylla, 16, 15 : ἡ μὲν οὖν πόλις ἡμῶν παρὰ τοσοῦτον ἐξέφυγε τὸν κίνδυνον. 88. En 196 av. J.-C., pour le meurtre de soldats romains, Flamininus ordonne le siège d’Acraiphiai; les coupables sont livrés, avec, en plus, une forte amende; le territoire de Coronée aussi est ravagé (Tite-Live, XXXIII, 29, 6-12). En 171, Haliarte, qui avait pris le parti de Persée, est prise d’assaut par les Romains et les Thébains, partie des défenseurs massacrés, 2500 survivants réduits en esclavage, la cité rasée et le territoire donné aux Athéniens. Coronée qui l’avait secourue est mise à sac, la population vendue, mais un décret du Sénat annule la décision (Tite- Live, XLIII, 3, 7 et 4, 11, et l’épitomé; J. FOSSEY, « The Cities of the Kopaïs in the Roman period », ANRW II, 7.1 [1979] p. 555-556, 567). Après Pydna, à Thisbé, les familles des opposants aux Romains sont vendues (Tite-Live, XLII, 63, 12; MACKAY, l.c. [n. 5], p. 99 n. 30). Il s’agit de faits directement en relation avec la guerre; mais les gens d’Orchomène devaient chercher à montrer que Chéronée avait été antiromaine. Voir aussi J.-L. FERRARY, « Le statut des cités libres dans l’Empire romain à la lumière des inscriptions de Claros », CRAI (1991), p. 569-570. 89. Platées, détruite en 427 et 373, privée d’existence de 427 à 386 et de 373 à 335; Thespies, annexée en 373; Orchomène, détruite en 364, rétablie seulement après la victoire de Philippe à Chéronée; Thèbes, sans existence de 335 à 316; voir ELLINGER, o.c. (n. 16), p. 301, 325. 90. Cimon, 2, 3. 91. Cimon, 1, 8. 92. Mauvaise fréquentation politique sûrement, si l’on en croit THORNTON, o.c. (n. 5), p. 233, 247. Sur les autres dangers présentés par les fantômes des bains (dans un contexte chrétien), C. BONNER, « Demons of the Bath », in Studies presented to F.L. Griffith, Oxford, 1932, p. 203-208. 93. Cimon, 1, 8; cf. 1, 5. 94. En tant que valeureux patriotes béotiens ou pour leurs lucratifs brigandages ? Damon avait eu aussi des descendants, faut-il croire, de la sœur d’un de ses compagnons ou de quelque jeune Phocidienne; voir les réflexions de Ph. GAUTHIER, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs, Athènes/ Paris, 1985 (BCH, Suppl. 12), p. 165-166, sur la politeia potentielle accordée par la cité de Lilaia de Phocide, vers 211-208, à des mercenaires du roi de Pergame laissés par celui-ci pour la protéger contre Philippe V, et sur les relations avec la population. 95. Cf. MACKAY, l.c. (n. 5), p. 103 n. 43 : « pathetically clinging to their Boeotian dialect. » 96. Cf. IG XII, Suppl. 122 : Éresos, où le gymnasiarque à la fois mène les jeunes autour des zones frontières et préside au banquet des aleiphomenoi à l’occasion des Herméia (cité par MA, l.c. [n. 1], p. 54). 97. Th. CORSTEN (éd.), Die Inschriften von Laodikeia am Lykos I, Bonn, 1997 (Inschriften griechischer Städte aus Kleinasien, 49), n° 63; cf. C. BRIXHE, « Bulletin épigraphique », REG 111 (1998), n° 433. Les athlètes grecs s’enduisaient à la fois d’huile (aleiphomenoi) et de poudre, de poussière. Hermès est le dieu du gymnase. 98. Questions grecques, 38, 299e-f, avec l’incident désastreux du prêtre qui osa exercer son droit. 99. Voir ainsi les exemples de Callicratès fils de Pythôdoros à Aphrodisias (J. REYNOLDS, Aphrodisias and Rome, Londres, 1982 [JRS Monographs, 1], p. 150-156; C. VIAL, Les Grecs de la paix d’Apamée à la bataille d’Actium, Paris, 1995, p. 207-208), d’Artémidoros, fils de Gaius Julius Théopompe le mythographe, à Cnide (W. BLÜMEL, Die Inschriften von Knidos. I, Bonn [IK 41], 1992, n° 59, l. 9-11), de L. Vaccius Labeo à Kymè d’Éolide (H. ENGELMANN, Die Inschriften von Kyme, Bonn, 1976 [IK 5], n° 19, l. 7, 10-11, 49-52); cf. L. ROBERT, « Inscriptions d’Aphrodisias », AC 35 (1966), p. 420-423 (= OMS VI [1989], p. 44-47); Ph. GAUTHIER, o.c. (n. 94), p. 61-66. 100. Pausanias, IX, 38, 5.

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101. Justin, XX, 2. 102. Aristodèmos, FGrHist 104 § 8, 5; Lettres de Thémistocle, 4, 15-18 (éd. G. CORTASSA et E. C. GASTALDI, Le Lettere diTemistocle, Padoue, 1990, I, p. 56 et 109) : Thémistocle menace de devenir pour la cité d’Athènes qui se souillerait de sa mort un fantôme vengeur, palamnaios, alitèrios, ou alastôr, pire que Pausanias, plus terrible encore que la malédiction de Cylon, et que ne pourraient même pas conjurer des statues de bronze. 103. Plutarque et la conjuration du fantôme du régent Pausanias : Sur les délais de la justice divine, 560e; fr. 126 Sandbach, (Moralia, vol. XV, coll. Loeb, p. 240-243); réfléchissant sur ce type d’êtres surnaturels : Sur la disparition des oracles, 15, 418b-c. Pour ces rituels, cf. D. OGDEN, Greek and Roman Necromancy, Princeton, 2001, p. 100-107. 104. Cimon, 2, 2. Le même type de considérations, dans Périclès, 2, s’engage également à propos de statues. L’habituelle traduction du deuxième εἰκόνα par « image » ou « portrait » anticipe un peu trop vite le glissement subséquent vers la comparaison entre écriture et peinture. Autre statue de mots dans J. SCHEID, J. SVENBRO, « Le mythe de Vertumne », Europe, 904-905 (août- septembre 2004) : Mythe et Mythologie dans l’Antiquité gréco-romaine, p. 174-189. 105. Ph. A. STADTER, « The Proems of Plutarch’s Lives », ICS 13 (1988), p. 290-291. 106. Typique d’une fin de Vie; cf. Thémistocle, 32, 6; Antoine, 87, 9; Aristide, 27, 7; Aratos, 54, 8; PELLING, o.c.(n. 43), p. 367 et 369. 107. FRANCO, l.c. (n. 5), p. 212. 108. Cf. J.-L. FERRARY, « The Hellenistic World and Roman Political Patronage », in P. CARTLEDGE, P. GARNSEY, E. GRUEN (éds.), Hellenistic Constructs. Essays in Culture, History, and Historiography, Berkeley, 1997, p. 105-119. Pour Lucullus lui-même, qualifié de « patron », en même temps que de sauveur, bienfaiteur, fondateur, ou protecteur, à Éphèse, Thyatire, Synnada, Délos et autres cités, voir maintenant J.-L. FERRARY, « Les inscriptions du sanctuaire de Claros en l’honneur de Romains », BCH 124 (2000) p. 338-340, en particulier n. 15 et 20, où l’ensemble des références sont réunies. Plutarque reste très sobre en disant seulement que Lucullus a sauvé Chéronée (σωθέντες), tandis que le vocabulaire codé des décrets réapparaît dans Pélopidas, 12, 7, où l’assemblée thébaine acclame ses libérateurs en « bienfaiteurs et sauveurs », εὐεργέτας καὶ σωτῆρας. 109. Des délais de la justice divine, 558a-b. Cf. B. EINARSON, « Plutarch’s Ancestry », CPh 47 (1952), p. 99; CPh 50 (1955), p. 253-255; K. ZIEGLER, « Plutarchs Ahnen », Hermes 82 (1954), p. 499-501; C.P. JONES, Plutarch and Rome, Oxford, 1972, p. 8, 40. 110. C.P. JONES, o.c. (n. 109), p. 39-47. Plutarque n’était pas seulement citoyen romain, ce qui était dans son milieu banal et à peine digne de mention, mais membre de l’ordre équestre. 111. Patronat et paternité : Plutarque, Fabius Maximus, 13, 6-8. 112. Cf.Préceptes politiques, 824c, e; Démosthène, 2, 2; S. SWAIN, Hellenism and Empire. Language, Classicism, and Power in the Greek World, AD 50-250, Oxford, 1996, p. 178-182.

RÉSUMÉS

L’étrange histoire du jeune Damon de Chéronée, le « dernier des Péripoltides », et de son masque de suie, que Plutarque a placée en introduction à ses Vies de Cimon et de Lucullus, a suscité des interprétations fort diverses : dernier avatar du « Chasseur noir », témoignage sur les luttes féroces entre factions pro-romaines et pro-pontiques aux temps de la première guerre de Mithridate… On cherche ici surtout à montrer ce que Plutarque a voulu faire en écrivant cette

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biographie miniature en écho à celle de Lucullus, le sauveur de sa patrie. Entre des figures de fondateur ou de refondateur qui se substituent les unes aux autres, raconter le passage et l’intégration d’une cité grecque dans l’empire romain, faire un travail de mémoire qui conjure les fantômes du passé et contribue à l’homonoia dans la petite cité. Avec une question centrale : Rome cité-tyran ?

Plutarch and Damon of Chaironeia: a story, a myth, a text, or something more? The strange story of young Damon of Chaironeia, the ‘last of the Peripoltids’, with his soot-smeared face, which Plutarch placed as an introduction to his Lives of Cimon and Lucullus, has given rise to various interpretations: from a last avatar of the Black Hunter to evidence for the fierce struggle between pro-Roman and pro-Pontic factions at the time of the First Mithridatic War… In this paper we have tried to show what Plutarch’s intention may have been when he wrote this miniature biography, echoing that of Lucullus, the saviour of his home city. Between figures of founders or re-founders substituting for each other, the task was to tell of the passing and integration of a Greek city into the Roman Empire, to make a work of memory, liable to ward off ghosts from the past and to contribute to homonoia in the little city, with a central question : was Rome a tyrant- city?

AUTEUR

PIERRE ELLINGER Université Paris 7 – Denis Diderot UFR Géographie, Histoire et Sciences de la Société

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Héraclès, Tyndare et Hippocoon dans la description de Sparte par Pausanias Mise en espace d’une tradition mythique

Olivier Gengler

1 En plusieurs endroits de sa Périégèse, Pausanias fait allusion à l’opposition entre Tyndare et Hippocoon et au combat qui opposa ce dernier, ainsi que ses fils, à Héraclès. Dans la généalogie des rois d’Argos tout d’abord, il évoque ces événements à propos des prétentions des Héraclides sur chacune des trois grandes régions doriennes historiques du Péloponnèse. C’est précisément à la victoire d’Héraclès sur Hippocoon que les Héraclides devaient de pouvoir revendiquer le trône de Sparte, conquis par Héraclès et laissé à Tyndare pour en assurer la régence1 : Argos et la royauté à Argos, ils la revendiquaient le plus légitimement, à ce qu’il me semble, puisque Tisamène était un Pélopide, tandis que les Héraclides étaient dès l’origine des Perséides. Ils firent valoir que Tyndare lui-même avait été destitué par Hippocoon, mais Héraclès, affirmèrent-ils, après avoir tué Hippocoon et ses enfants, confia la région en dépôt à Tyndare. Tel est aussi ce qu’ils disaient à propos de la Messénie, à savoir qu’elle avait été donnée en dépôt à Nestor par Héraclès après qu’il eut pris Pylos. De Lacédémone et d’Argos, ils expulsèrent donc Tisamène et de Messénie les descendants de Nestor.

2 Une seconde allusion apparaît dans la généalogie des rois de Sparte. Pausanias ne revient plus sur les revendications des Héraclides et se concentre plutôt sur les implications que la lutte de succession a eues pour Tyndare2 : Ce dernier [Oibalos, un descendant de Lacédémon] eut pour femme Gorgophonè, la fille de Persée, originaire d’Argos et eut pour enfant Tyndare, à qui Hippocoon ne cessa de disputer la royauté estimant mériter le pouvoir en vertu du droit d’aînesse. Allié à Icarios et aux rebelles il surpassa largement Tyndare par sa puissance et contraignit celui-ci à s’exiler, effrayé, à Pellana, comme l’affirment les Lacédémoniens; mais à ce sujet les Messéniens tiennent un discours selon lequel Tyndare, en fuite, est venu chez Apharée en Messénie et selon lequel Apharée, fils de Périérès, était par sa mère le frère de Tyndare; et ce dernier a vécu à Thalamai de

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Messénie, affirment-ils, et ses enfants sont nés alors qu’il vivait là-bas. Quelque temps plus tard, Tyndare revint grâce à Héraclès et il recouvra le pouvoir.

3 La trame narrative de l’épisode rapporté à propos des Héraclides – à savoir : Hippocoon chasse Tyndare, Héraclès tue Hippocoon et ses enfants, Héraclès remet Tyndare sur le trône – se retrouve en partie ici, mais focalisée sur Tyndare : Hippocoon chasse Tyndare, Tyndare séjourne hors de Sparte, Tyndare retrouve son trône. Par ce changement de perspective, Pausanias associe chaque présentation des mêmes événements à des débats aux enjeux historiques et territoriaux différents : le retour des Héraclides dans le Péloponnèse d’une part, la dissension entre Lacédémoniens et Messéniens de l’autre. Ces deux perspectives se prolongent et se mêlent dans la suite du texte de Pausanias où, progressivement, le récit complet des événements va se construire. Nous allons en suivre le développement dans les Lakônika et voir dans quelle mesure le discours de Pausanias trouve un écho dans la cité de Sparte de la fin du IIesiècle ap. J.-C.3.

1. Héraclès, Hippocoon et les Hippocoontides

4 Plusieurs monuments directement liés à la lutte d’Héraclès contre Hippocoon et ses fils jalonnent la cité de Sparte et ses environs tels que nous les décrit Pausanias. Le premier se trouve sur la route qui va d’Hermai – « les Hermès » – à Sparte. « Les Hermès » se trouvaient dans le Parnon au point de rencontre des « frontières des Lacédémoniens avec les Argiens et les Tégéates »4. Sur la gauche de cette route, après le lieu-dit Skotitas et avant Karyai, se trouvait « une statue d’Héraclès et un trophée : Héraclès, disait-on l’avait érigé après avoir tué Hippocoon et ses enfants »5. La mention de ce monument apparaît, dans le texte de Pausanias, après les deux passages que nous avons déjà lus, mais, pour sa teneur, il renvoie seulement au premier. Dans la généalogie des rois de Sparte en effet, lorsqu’il rapporte les déboires de Tyndare, Pausanias ne mentionne pas la mort d’Hippocoon, et encore moins celle de ses enfants qui n’étaient nullement impliqués dans la querelle dynastique telle qu’il l’a rapportée.

5 Ce sont néanmoins les fils d’Hippocoon qui vont reparaître ensuite, dans la description de Sparte. Pausanias signale en effet les hérôa de pas moins de six d’entre eux en rappelant chaque fois leur filiation6. Le monument funéraire d’Eumédès est le premier monument que signale Pausanias à proximité du Dromos, la « Piste de course » où, du temps du Périégète encore, les jeunes gens (νέοι) s’entraînaient à la course7. Tout de suite après la mention du monument funéraire d’Eumédès, Pausanias signale une statue ancienne d’Héraclès à laquelle sacrifient les sphaireis, c’est-à-dire les jeunes hommes quittant l’éphébie.

6 Un peu plus loin dans la description apparaît la mention de l’hérôon d’Alcon situé non loin du début du Dromos où se trouvaient les Dioscures Aphétèrioi8.

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7 Dans le voisinage du Platanistas, lieu où se tenaient des combats entre éphèbes et dont la description est intégrée à celle du Dromos, immédiatement après la mention de l’ hérôon d’Alcon, se trouvaient encore quatre hérôa de fils d’Hippocoon : Alcimos, É naraiphoros, Dorceus et Sébros9. Après avoir mentionné ces monuments et fait un bref commentaire sur la poésie d’Alcman, dont la sépulture se trouvait près de l’hérôon de Sébros, Pausanias enchaîne10 : Il y a des sanctuaires d’Hélène et d’Héraclès, de la première près du tombeau d’Alcman, du second tout près de la muraille, et dans ce dernier il y a une statue d’Héraclès en armes : l’aspect de la statue est dû, à ce qu’ils racontent, au combat contre Hippocoon et ses enfants.

8 Voilà donc, après la mention des monuments héroïques élevés en mémoire des fils d’Hippocoon, que revient une allusion au combat qui les opposa à Héraclès et dont Pausanias va immédiatement après rappeler les origines et le déroulement. Il est assez remarquable de voir comment, jusqu’à ce point du texte, Pausanias a construit son discours autour de ce combat dont le cadre général a été défini dans les deux premiers extraits que nous avons lus. Du trophée dans le Parnon à la statue d’Héraclès en armes au Platanistas, cela fait huit monuments liés à ce combat qui peuvent se lire comme autant de moments de son déroulement, mais à rebours : le trophée, les tombes des vaincus, le vainqueur en armes. C’est précisément à ce point du texte, et à propos de la statue d’Héraclès en armes, que Pausanias choisit de raconter comment tout a commencé11. L’hostilité d’Héraclès, affirment-ils, envers la maison d’Hippocoon, a commencé parce qu’après la mort d’Iphitos, alors qu’il était venu à Sparte pour une purification, ils refusèrent de le purifier. Au commencement de la guerre, survint aussi cette autre raison. Oiônos, un tout jeune homme, mais cousin d’Héraclès – il était en effet un fils de Licymnios, le frère d’Alcmène – vint à Sparte avec Héraclès. Faisant le tour de la cité pour observer, quand il arriva le long de la maison d’Hippocoon, un chien de garde l’attaqua. Mais lui, Oiônos, il se trouve qu’il lance

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une pierre et abat le chien. Sortent alors en courant les enfants d’Hippocoon et, à coup de bâtons, achèvent Oiônos. Cet événement surtout rendit Héraclès furieux contre Hippocoon et ses enfants. Aussitôt, comme il était en colère, il alla les trouver pour un combat. Il fut alors blessé et se retira sans être vu. Plus tard, après avoir lancé une campagne contre Sparte, il lui fut possible de tirer vengeance d’Hippocoon, mais il tira aussi vengeance de ses fils pour le meurtre d’Oiônos. Et le monument funéraire d’Oiônos a été bâti près de l’Hérakleion.

9 Il est également remarquable que, après avoir relaté les origines du combat d’Héraclès contre Hippocoon et ses fils, Pausanias embraye à nouveau sur sa description par la mention du tombeau d’Oiônos qui monumentalise précisément le point d’origine de toute l’affaire. Pausanias indique en effet qu’il y avait deux raisons pour lesquelles Héraclès s’en était pris à Hippocoon et à ses fils : le premier a refusé de le purifier, les seconds ont tué Oiônos. Et, souligne Pausanias, c’est « cela surtout qui a mis Héraclès en colère » (τοῦτο ῾Ηρακλέα μάλιστα ἐξηγρίωσεν). 10 Cette précision justifie en outre l’implication des fils d’Hippocoon dans un épisode qui, tel qu’il avait été présenté auparavant, mettait surtout en jeu la question dynastique. En ce sens, le récit de l’assassinat d’Oiônos et de la colère d’Héraclès apporte a posteriori l’explication de la mention des hérôa des fils d’Hippocoon dans la partie du texte qui précède immédiatement. On voit donc se dessiner une certaine cohérence dans l’espace spartiate décrit par Pausanias. Mais comment faut-il l’interpréter ?

11 Il est bien clair pour nous, comme cela a déjà été maintes fois souligné, que Pausanias construit son discours sur la Grèce, certes autour d’une description topographique, mais pas mécaniquement, ni en fonction d’un cadre infrangible que lui imposerait l’objet de sa description12. En d’autres termes, il n’est pas servilement contraint par son sujet à livrer des éléments comme ils se présentent, mais il sélectionne, il met en œuvre, il organise13. À plusieurs reprises, dans la description de Sparte, il lui arrive de mentionner un même monument ou un même lieu en deux points différents de son texte et de l’insérer chaque fois dans des réseaux de relation de proximité avec d’autres lieux, d’autres monuments. Ainsi le bâtiment que l’on appelait les Boônèta, est situé près de l’agora, au début de la rue Aphétaïs, en III, 12, 1. Il sert ensuite de point de repère pour localiser le sanctuaire d’Asclépios le plus remarquable de Sparte en III, 15, 10. Autant dire que le sanctuaire d’Asclépios aurait tout aussi bien pu être signalé aux alentours de l’agora ou de l’Aphétaïs. Cette caractéristique de la description topographique mise en œuvre par Pausanias s’explique d’ailleurs sans peine : le texte, à deux dimensions, ne peut présenter que des relations linéaires là où, dans l’espace, les objets dessinent des réseaux de relation simultanément dans toutes les directions. Pausanias choisit donc quelle relation spatiale privilégier, et par conséquent la manière et le moment de parler de tel ou tel sujet.

12 L’imbrication de la narration dans la description participe donc du travail d’élaboration de Pausanias. Comme l’écrivait Christian Jacob : La description d’un territoire limité peut se transformer en récit : la promenade de Pausanias relie entre eux différents jalons qui sont autant d’épisodes du mythe; l’ordre du parcours est dès lors déterminant, car il peut seul donner sens au récit14.

13 C’est précisément de cette manière que Pausanias rapporte l’histoire du combat d’Héraclès contre Hippocoon et ses fils. Après un premier mouvement, implicite, qui conduisait, à travers la succession des hérôa des fils d’Hippocoon, jusqu’au récit des origines de leur différend fatal avec Héraclès, Pausanias va associer explicitement une série de sanctuaires à ces événements.

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14 À l’est du Dromos se trouvait un sanctuaire d’Athéna Axiopoinos dont Pausanias explique l’épiclèse en rapport avec la vengeance (« que les hommes de l’ancien temps nommaient ποιναί ») qu’Héraclès a tirée d’Hippocoon et ses enfants en proportion (κατ᾿ ἀξίαν) de leurs méfaits 15. Héraclès a également consacré un sanctuaire d’Héra Aigophagos, « Mange chèvre », pour remercier la déesse de ne pas s’être opposée à lui lors de son combat contre Hippocoon et ses fils. Il aurait, faute d’autre victime, sacrifié des chèvres à la déesse, ce qui expliquerait son épiclèse16. Au début de la route de Thérapné se trouvait un temple d’Asclépios Kotyleus consacré par Héraclès. L’épiclèse du dieu viendrait du fait qu’il a guéri Héraclès de sa blessure à la hanche17. Et c’est dans le sanctuaire de l’Éleusinion, sur les contreforts du Taygète, qu’Asclépios l’aurait soigné 18.

15 Les trois premiers monuments ont chacun une origine liée au combat d’Héraclès. À chaque fois, Pausanias s’appuie sur le récit qu’il a donné en III, 15, 3 et y rattache l’aition lié au sanctuaire : le motif de la vengeance pour Athéna Axiopoinos, le succès final pour Héra Aigophagos, la blessure pour Asclépios Kotyleus. À propos de ce dernier, il apporte même des détails complémentaires au récit précédent, à savoir la localisation de la blessure d’Héraclès à la hanche et l’intervention déterminante d’Asclépios. Ce dernier point connaît en outre lui-même un développement lorsque Pausanias précise ensuite que c’est à l’Éleusinion du Taygète qu’Héraclès a été soigné.

16 La lecture du texte de Pausanias permet donc de reconstruire le déroulement, dans le temps et dans l’espace, de la lutte d’Héraclès contre Hippocoon et ses fils : Héraclès vient à Sparte pour se faire purifier, Hippocoon refuse; Oiônos tue le chien du palais et se fait lyncher par les fils d’Hippocoon; irrité, Héraclès les attaque et se fait blesser; il se retire dans le Taygète où Asclépios le soigne; il revient une fois guéri et tue Hippocoon et ses fils; il consacre des sanctuaires et un trophée; Oiônos et les fils d’Hippocoon reçoivent des honneurs posthumes.

17 Un élément doit être encore ajouté. Dans sa description de Tégée, Pausanias signale une statue d’Héraclès19 : On a représenté sur sa cuisse une blessure provenant du premier combat qu’il engagea contre les fils d’Hippocoon.

18 Bien qu’il associe la blessure que porte la statue au combat d’Héraclès, Pausanias n’explique pas la présence de cette statue à Tégée. Il faut se reporter à Diodore de Sicile ou à Apollodore pour comprendre20. D’après ces auteurs en effet, Héraclès s’était assuré l’aide de Cépheus et de ses fils avant de s’attaquer à nouveau à Hippocoon et aux siens. Ces alliés tégéates devaient d’ailleurs payer leur collaboration de leur vie21. Pausanias ne développe pas cet épisode22, qu’il évoque pourtant brièvement comme une campagne qu’Héraclès aurait lancée pour tirer vengeance d’Hippocoon et de ses fils23. Le trophée qui se trouvait près de Karyai pourrait également trouver sa justification dans cet épisode que ne relate pas Pausanias. Ceci révèle cependant que pour le Périégète, le combat contre Hippocoon et ses fils est une affaire exclusivement spartiate.

19 Précisément, à Sparte, les liens sont très forts entre les espaces jalonnés des souvenirs de la lutte d’Héraclès contre Hippocoon et ses fils. Les activités des éphèbes spartiates assurent la continuité entre le Dromos, le Platanistas et le temple d’Asclépios Kotyleus qui se trouvait sur la route de Thérapné et du Phoibaion24. C’est sur le Dromos que les jeunes gens s’entraînaient à la course à l’époque de Pausanias25. Les Sphaireis, qui sont

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les jeunes hommes qui sortent de l’éphébie à Sparte, précise Pausanias, offraient un sacrifice à la statue d’Héraclès qui jouxtait le Dromos, près du monument d’Eumèdès26.

20 Au Platanistas étaient organisés des combats d’éphèbes. Cet endroit était de forme circulaire et entouré d’eau. On y accédait par deux ponts portant, l’un une statue de Lycurgue, l’autre une statue d’Héraclès. Avant le combat, les éphèbes, répartis en deux groupes offraient un sacrifice au Phoibaion dont la victime était un chien. Les échos entre les pratiques des jeunes Spartiates et le récit de la lutte contre les Hippocoontides sont patents. Il faut d’ailleurs souligner que, s’il ne relève pas ces échos, Pausanias choisit néanmoins d’intégrer la mention du rituel du Phoibaion à sa description du Platanistas, peu avant de raconter le combat d’Héraclès, et non dans sa description du Phoibaion. Mais ce parallélisme, que l’on pourrait développer, est-il une survivance, une réalité ancienne, dont Pausanias aurait été le témoin privilégié ? Pas nécessairement et, en tout cas, pas uniquement, car il semble s’inscrire dans le cadre de pratiques bien vivantes à l’époque de Pausanias.

21 Comme l’a rappelé Yves Lafond27, les cités péloponnésiennes comme Sparte ou Argos connaissaient, à l’époque impériale, une forte activité de rénovation de leurs institutions éducatives et athlétiques. À Sparte, les principaux magistrats avaient pour charge d’encadrer entraînement et concours pour les jeunes gens au théâtre, dans les gymnases du Dromos et sur le Platanistas28. À cette époque (du Ier au début du IIIe siècle ap. J.-C.), quelques grandes familles cumulaient les actes d’évergétisme, les charges de magistrats et les prêtrises. L’une d’entre elles, d’ancienne citoyenneté romaine, apparaît de manière récurrente dans les documents d’époque antonine : les Tiberii Claudii.

22 Une inscription honorifique de Sparte porte le texte suivant29 :

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ἡ πό[λις] La cité (honore) Τιβ. Κλαύ. Tib(érios) Clau(dios) Πρατόλαο[ν] Pratolaos Βρασίδου, fils de Brasidas, ἀγοραν[όμον] agoranome ἐπὶ τὰς ὁδούς, chargé des rues, en ἐ[πὶ τῇ] raison de son ἀνυπερβλήτῳ insurpassable dévouement π[ερὶ τὴν] relativement à sa ἀρχὴν καὶ charge et λιτουργ[ίαν fonction, la dépense φι]- étant prise λοτειμίᾳ en charge par προσδεξ[α]- Tibérios μένων τὸ Claudios Ailios ν λωμα Τι- ἀ ά Pratolaos, appelé βερ ου ί aussi Κλαυδίου Damocratidas, Αἰλίου prêtre héréditaire Πρατολάου de Carneios Boiketas, τοῦ καὶ Δαμο- de Carneios κρατίδου, Dromaios, ἱερέως κατὰ de Poseidon γέ- Dômateitas, νος Καρνείου d’Héraclès Génarchas Βοικέτα , καὶ Καρνείου de Kora et de Δρομαίου καὶ Téménios, Ποσειδῶνος dans l’Hélos, et des Δωματείτα dieux conjoints καὶ dans les sanctuaires ῾Ηρακλέους précités, ainsi que Γενάρχα Claudia καὶ Κόρας καὶ Damostheneia, ses enfants. Τεμενίου τῶν ἐν τῷ ῞Ελει καὶ τῶν συν- καθειδρυμένων θεῶν ἐν τοῖς προγεγραμμέ- νοις ἱεροῖς, καὶ Κλαυδίας Δαμοσθενείας, τῶν παίδων.

23 Les Tiberii Claudii constituaient une des plus grandes familles de Sparte qui avait des ramifications dans l’ensemble de la province d’Achaïe. Elle était notamment liée avec la famille d’Hérode Atticus, qui avait lui-même reçu l’éducation spartiate30. Tiberios Claudios Brasidas fut sénateur sous Marc Aurèle, comme nous l’apprend un passage du Codex Iustinianus31. Spartiatikos, un des fils de Brasidas, et Eudamos le fils de Spartiatikos ont été grands-prêtres du culte impérial à Sparte32. La prééminence des Tiberii Claudii à Sparte explique le nombre des cultes dont ils assumaient la prêtrise, charge sans doute coûteuse mais de grand prestige33.

24 Trois générations de Tiberii Claudii sont représentées ici : Brasidas, Pratolaos l’ancien, Pratolaos le jeune qui est aussi appelé Damocratidas et sa soeur Damosthéneia. Le

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second Pratolaos, qui porte un double gentilice, doit être un fils adoptif34. Il semble toutefois que la prêtrise qu’il assumait de manière héréditaire, κατὰ γένος, appartenait à la famille des Tiberii Claudii. Claudia Damosthéneia l’assumera également35, soit qu’elle l’ait hérité de son frère, soit que la prêtrise ait été assumée conjointement par un homme et une femme de la famille et que Claudia Damosthéneia l’ait prise en charge à la suite de la collègue supposée de Damocratidas à une époque postérieure à cette inscription, que l’on peut dater du début du IIIe siècle ap. J.-C.

25 Les cultes mentionnés dans l’inscription sont pour la plupart connus de Pausanias. Carneios Oiketas « recevait des honneurs à Sparte même avant que reviennent les Héraclides »36. Carneios Dromaios peut être identifié au second sanctuaire spartiate de Carneios signalé par Pausanias en dehors du Dromos, du côté de la statue d’Héraclès à laquelle sacrifiaient les Sphaireis dont la mention était associée à celle du monument funéraire d’Eumédès37. Quant à Poseidon Dômatitès, il se trouvait près de l’hérôon d’Alcon que Pausanias signale juste avant d’aborder la description du Platanistas38. Cette contiguïté dans le texte n’implique nullement une proximité topographique39. Du moins, rien, en l’état actuel des prospections archéologiques, ne nous permet de le vérifier. En revanche, il est très significatif que Pausanias ait choisi de signaler précisément ces monuments, et de les associer dans son texte. Et il apparaît ainsi que les lieux associés par Pausanias à la lutte d’Héraclès contre Hippocoon et ses fils sont parsemés de sanctuaires dont les prêtrises étaient, au début du IIIe siècle et sans doute avant, détenues par la famille des Tiberii Claudii.

26 D’après Pausanias, un xoanon de Corè était régulièrement emmené de la localité côtière d’Hélos à l’Éleusinion du Taygète, sans doute en procession 40. Il n’est pas certain que l’Hélos de l’inscription doive être identifiée à l’antique cité du rivage laconien qui était en ruine à l’époque de Pausanias41. En effet, Patrick Marchetti42 a attiré l’attention sur le fait qu’il devait plutôt s’agir d’un quartier de la ville de Sparte, un ancien marais, rejoignant ainsi l’opinion des premiers éditeurs des inscriptions spartiates, Boeckh et Tod43. Certes, le fait que l’Hélos de la côte ait été en ruine au IIe siècle ap. J.-C. n’empêche nullement qu’on y ait entretenu un culte44. Cela ne semble d’ailleurs nullement étonner Pausanias. Cependant, un sanctuaire situé également ἐν τῷ ῞Ελει dans une autre inscription semble être identique à un sanctuaire urbain signalé par Pausanias45, ce qui invite à distinguer le quartier de Sparte et la cité « homérique ».

27 Quoi qu’il en soit, l’important pour nous est le lien entre l’Éleusinion et la Corè de l’Hélos, que Pausanias ait confondu la cité et le quartier du même nom ou pas46. Car ce lien est renforcé par le fait que la prêtrise, héréditaire, de Démétèr Éleusinia appartenait également à la famille des Tiberii Claudii et notamment à une petite-fille présumée de Brasidas, Claudia Agéta47. C’est d’ailleurs à l’Éleusinion qu’a été retrouvée la base de statue portant l’inscription honorifique pour Claudia Damosthéneia, elle aussi « prêtresse à vie et héréditaire de Carneios Oiketas, Carneios Dromaios, Poseidon Domatitès, Héraclès Génarchas, Kora et Téménios dans l’Hélos, les dieux conjoints à ceux- ci et (précise ce texte) les autres dieux »48. C’est à l’Éleusinion rappelons-le que, selon Pausanias, Héraclès avait été caché par Asclépios pour soigner sa blessure. Que l’Hélos de l’inscription soit l’agglomération côtière ou un quartier de Sparte, comme nous inclinerions à le penser, n’enlève rien au lien qui associe le culte de Corè avec l’É leusinion et avec les Tiberii Claudii.

28 La mise en parallèle de l’inscription de Pratolaos avec la description de Pausanias révèle donc la cohérence des charges religieuses assurées par les Tiberii Claudii. Elle

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révèle également que le discours de Pausanias rejoint, de manière très significative, les réalités cultuelles de son temps.

29 Dans le récit du combat contre Hippocoon et ses fils, dans l’espace de Sparte que décrit Pausanias et dans les prêtrises assumées par les Tiberii Claudii, Héraclès est omniprésent. Pratolaos puis Damosthéneia furent prêtres d’Héraclès Génarchas. Plusieurs familles de Sparte à l’époque impériale se réclamaient encore d’une ascendance héraclide, comme les familles royales de jadis49. Or, nous l’avons vu, la victoire d’Héraclès sur Hippocoon était au cœur de la prétention des Héraclides au trône de Sparte. Prétentions familiales, limitées à quelques membres de l’élite ou prétentions collectives relayées par cette même élite ? La revendication d’une origine Héraclide semble en tout cas encore bien présente à Sparte au IIe siècle ap. J.-C.

2. Les Héraclides

30 En 25 ap. J.-C., un différend entre Messéniens et Lacédémoniens est porté devant le sénat. Il concerne le sanctuaire d’Artémis Limnatis : Auditae dehinc Lacedaemoniorum et Messeniorum legationes de iure templi Dianae Limnatidis, quod suis a maioribus suaque in terra dicatum Lacedaemonii firmabant (...). Contra Messenii ueterem inter Herculis posteros diuisionem Peloponnesi protulere, suoque regi Denthaliatem agrum in quo id delubrum cessisse (...). On entendit ensuite les délégués de Lacédémone et de Messène sur le statut juridique du temple de Diane Limnatis. C’était par leurs ancêtres et sur leur territoire qu’il avait été consacré, affirmaient les Lacédémoniens (...). De leur côté, les Messéniens alléguèrent un ancien partage du Péloponnèse entre les descendants d’Hercule : c’est à leur roi qu’était échu le territoire de Denthalia où se trouvait le temple (...)50.

31 Un sanctuaire de ce nom avait été, selon Pausanias notamment, le théâtre des événements qui devaient provoquer la première guerre de Messénie51. Les Lacédémoniens affirmaient que des Messéniens avaient violenté des jeunes Lacédémoniennes qui assistaient à la fête de la déesse et tué le roi Téléclos qui avait voulu les défendre. Les jeunes filles honteuses se seraient pendues. Les Messéniens pour leur part prétendaient que c’était une embuscade, que des jeunes gens imberbes s’étaient déguisés en jeunes filles pour attaquer les plus éminents des Messéniens qui, en se défendant, avaient tué les jeunes gens et le roi Téléclos qui les menait. Voilà ce que les uns et les autres disent, que tout un chacun croie ce que lui inspire l’intérêt qu’il porte aux uns ou aux autres52.

32 Je ne reviendrai pas ici sur l’interprétation de ces récits qu’ont très bien analysés Claude Calame et Pierre Ellinger53. Je relèverai seulement l’insistance de Pausanias à souligner le différend et son association au partage du Péloponnèse, car ceci montre l’actualité de la tradition du retour des Héraclides en pleine époque impériale.

33 La référence aux Héraclides, qui apparaît dans le texte de Tacite à propos des revendications messéniennes sur le sanctuaire d’Artémis Limnatis, n’est pas isolée, bien au contraire. Il est même possible d’identifier un discours persistant qui, de la fin de l’époque classique à l’époque romaine, construit et entretient l’image des frontières des cités doriennes du Péloponnèse comme un reflet de l’antique partage des Héraclides.

34 Au lendemain de la refondation de Messène par Épaminondas, après la défaite de Sparte à Leuctres en 371 av. J.-C., Isocrate prêtait à Archidamos, prince héritier de Sparte et Héraclide, une argumentation s’appuyant sur la tradition du retour des

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Héraclides pour contester leurs droits aux Messéniens. Trente ans après, en 337, la ligue de Corinthe mise en place par Philippe II de Macédoine au lendemain de son succès de Chéronée fixait les frontières entre Sparte et les États voisins sur la base d’une reconstruction érudite du partage du Péloponnèse entre les Héraclides, qui pourrait remonter à l’école d’Aristote54.

35 D’après un arbitrage rendu par la Ligue achéenne à propos d’un différend de frontière entre Sparte et Mégalopolis, une décision des vainqueurs de Sellasie, en 222, avait également veillé à maintenir Sparte dans les frontières du partage des Héraclides55. C’était encore, nous l’avons vu, l’argument héraclide que mettaient en avant les Messéniens devant Tibère.

36 Après 42, le territoire en litige avec les Messéniens avait été rendu aux Spartiates par Octave et Marc Antoine56. Il avait ensuite été restitué à Messène, décision confirmée par Tibère en 27 ap. J.-C. Près d’un siècle et demi plus tard, les problèmes de frontières entre Sparte et Messène trouvent encore un écho chez Pausanias, comme nous l’avons vu, dans l’exposé généalogique qui ouvre ses Lakônika et comme nous allons le voir dans l’examen des lieux d’exil de Tyndare, second volet de sa présentation de l’histoire d’Hippocoon et ses fils.

3. Tyndare et Hippocoon

37 À la centralité des monuments liés au combat d’Héraclès s’oppose logiquement l’éloignement des lieux d’exils de Tyndare. Selon Pausanias, ce serait Thalamai ou Pellana qui passaient pour l’avoir accueilli57. C’est sur l’îlot de Pephnos que seraient nés les Dioscures, précise Pausanias, et Hermès les auraient ensuite emmenés à Pellana. Cette dernière précision permet, en quelque sorte, de réconcilier les deux versions de l’exil de Tyndare, la messénienne et la lacédémonienne, mais Pausanias ne le relève pas.

38 Thalamai et Pephnos sont les premiers établissements sur le versant sud du Taygète pour lesquels Pausanias fait état de revendications messéniennes58. Les Messéniens prétendaient en effet que Pephnos, jadis, leur appartenait et que les Dioscures qui y étaient nés étaient également Messéniens. Pausanias ne se prononce pas ici sur ces revendications, mais il a dit ailleurs son opinion sur le passé messénien. Les Spartiates en effet prétendaient avoir dans leur cité les sépultures d’Idas et Lyncée, les fils d’Apharée, mort sous les coups des Dioscures et de Zeus. Pour Pausanias, il est plus vraisemblable que les fils d’Apharée avaient été ensevelis en Messénie : Mais les malheurs des Messéniens et le temps durant lequel ils se sont exilés du Péloponnèse, ont jeté dans l’oubli nombre de traditions anciennes même pour ceux qui sont revenus, et puisqu’ils ne savent pas, il est désormais possible, à ceux qui le veulent, de les leur disputer59.

39 Pausanias inclinerait-il dès lors à croire les Messéniens et à faire passer le Taygète aux Dioscures ? Il revient en tout cas dans sa description de Messène sur ces prétentions, en des termes beaucoup plus amènes que lorsqu’il s’agissait des fils d’Apharée à Sparte60 : Il y a un sanctuaire vénérable de Déméter et des statues des Dioscures enlevant les filles de Leucippe. Et moi, cela aussi je l’ai déjà montré dans ce qui précède, à savoir que les Messéniens revendiquent que les enfants de Tyndare leur appartiennent à eux et non aux Lacédémoniens.

40 Les Messéniens, en tout cas, revendiquaient Pephnos, et sans doute Thalamai que Pausanias baptise en III, 1, 4 « Thalamai de Messénie ». Ce sont les gens de Thalamai qui

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affirment que les Dioscures sont nés à Pephnos. Les Messéniens revendiquaient aussi Leuctres, plus au sud, où, une fois encore, les héros et les cultes messéniens et lacédémoniens sont aux prises.

41 Leuctres tirerait son nom de Leucippe, à ce que disent les Messéniens. Pausanias serait d’ailleurs prêt à le croire, car cela expliquerait la ferveur particulière avec laquelle est honoré Asclépios. Asclépios en effet est un fils d’Arsinoé, la fille de Leucippe, pensent les Messéniens. À Leuctres il y a aussi un xoanon d’Apollon Carneios comme en révèrent d’habitude les Lacédémoniens de Sparte61. Et du temps de Pausanias, il est encore arrivé cet événement étrange : alors qu’un incendie avait ravagé une forêt, on y trouva une statue de Zeus Ithômatas, preuve avancée par les Messéniens pour dire que cette région leur appartenait jadis. « Mais il serait possible aussi que, des Lacédémoniens habitant Leuctres depuis le début, Zeus Ithômatas ait eu chez eux un culte », nuance Pausanias62. Une étymologie, un culte d’Asclépios, un Zeus Ithômatas pour les Messéniens, Apollon Carneios pour les Lacédémoniens. Pausanias ne semble pas vouloir trancher, mais rapporte encore fidèlement les revendications messéniennes.

42 En revanche, il ne fait pas de doute pour Pausanias que Cardamylé, au nord de Leuctres, est en Messénie. C’est Auguste, selon lui, qui l’en a retranchée pour la donner aux spartiates. Le Périégète y signale un Apollon Carnéios, honoré selon l’usage local des Doriens. De même, à Gérénia, se sont des Messéniens rattachés aux Laconiens Libres, la ligue de cités, majoritairement d’anciens établissements périèques, organisée ou réorganisée par Auguste63. Nestor, qualifié de Γερήνιος dans l’épopée64, y aurait séjourné après que Pylos avait été prise par Héraclès. Les extrêmes se rejoignent : Gérénia pour Nestor répond à Thalamai pour Tyndare. Et c’est au nord de Gérénia que, du temps de Pausanias, passait la frontière65 : Les Messéniens, du côté de leur terre cédée par l’empereur au Lakônikon, ont à notre époque pour frontière avec Gérènia le « Gouffre du Porc », comme on le nomme. Pausanias adopte ici un vocabulaire spécifique, rendu nécessaire par le fait que, à ses yeux, il ne s’agit pas exactement de la frontière entre la Lakonikè et la Messénie.

43 Pour Pausanias en effet, la Messénie commençait sans doute à Thalamai et certainement à Cardamylè. Et la redistribution de l’espace sous Auguste n’y change rien66. Dès lors, il est aisé de comprendre pourquoi Pausanias parle des « Messéniens, du côté de leur terre cédée par l’empereur au Lakônikon », et pas de Messénie : la Messénie commence beaucoup plus au sud. C’est pour la même raison qu’il parle de Lakônikon et pas de Lakônikè. Nous pensons que Pausanias désigne par le terme Lakônikon l’ensemble formé par Sparte et les cités des Laconiens Libres. Cet ensemble qui ne correspond pas exactement avec une région précise, puisqu’il déborde sur la Messénie, n’équivaut pas non plus à un ensemble politique unique. Il est néanmoins « Laconique », puisqu’il réunit Sparte et les Laconiens Libres.

44 On pourrait voir une confirmation de cette lecture dans une inscription de l’époque de Vespasien (78 ap. J.-C.). Il s’agit d’un inventaire des bornes placées à la frontière entre la Messénie et la Laconie, dressé par un géomètre romain. Il y est question de « la combe qu’ils dénomment Choireion, qui marque la frontière entre Messène et Lacédémone du côté des Laconiens Libres »67. Le document confirme la frontière signalée par Pausanias en des termes tellement proches que l’on peut d’ailleurs se demander si celui-ci n’en a pas eu connaissance. Mais l’inscription parle de la frontière de Messène avec « Lacédémone du côté des Laconiens Libres », ce qui n’est pas tout à fait la même chose que la frontière avec les Laconiens Libres. À l’époque classique, le

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nom Lacédémone a pu désigner la cité de Sparte et les cités périèques qui lui étaient soumises, sans référence à la géographie physique68. On pourrait dès lors voir un prolongement de ce sens dans l’inscription de Messène, où Lacédémone renverrait à l’ensemble territorial formé par Sparte et la ligue des Laconiens Libres, perpétuant, selon de nouvelles modalités, l’ensemble de jadis69.

45 Quant à Pharai, voisine de Gérénia, elle a été, à l’époque d’Auguste, rattachée sans solution de continuité à l’ensemble dont le « Gouffre du porc » marque la limite avec la Messénie à l’époque de Vespasien, c’est-à-dire le Lakônikon de IV, 1, 1. Cette zone, dans l’esprit de Pausanias, se serait donc étendue plus au nord à l’époque d’Auguste. Comme Jacqueline Christien l’a montré, il était impératif de détacher Pharai de Messène dans la mesure où elle se trouvait sur la route entre Thouria et Sparte70. Or Thouria avait été attribuée à Sparte par Auguste également71.

46 Le sanctuaire d’Artémis Limnatis où Pausanias place l’épisode de Téléclos se trouvait précisément, selon lui, dans l’arrière pays de Thouria72 : Il y a à l’intérieur des terres un village, Kalamai, et Limnai, un lieu-dit. Là, il y a un sanctuaire de Limnatis Artémis où, dit-on, Téléclos, qui régnait sur Sparte, trouva la mort.

47 Lorsque, après Actium, Auguste réorganisa le sud de la Laconie, il enleva Thouria et Cardamylé aux Messéniens et les rattacha à Sparte, peut-être pour compenser la perte de Gythion devenue autonome au sein de la Ligue des Laconiens Libres. Pharai, quant à elle, était rattachée à cette même Ligue, de même que Gérénia73. Toutes ces cités se distribuent autour du haut Nédon et de la région de Volimnos. Ce lieu, à la sortie de la passe de Langada, qui permet encore aujourd’hui de franchir le Taygète, constituait un nœud routier et commandait les relations entre Sparte et la Messénie74. Ceci expliquerait à la fois pourquoi les récits sur l’origine de la guerre de Messénie se sont cristallisés sur le sanctuaire d’Artémis Limnatis, mais aussi pourquoi la région qui l’entoure a été si âprement disputée durant toute l’antiquité et jusqu’au IIe siècle ap. J.- C. À l’époque de Trajan, Thouria revendiquait encore Lacédémone comme sa métropole75.

48 Après ces tours et détours, à la suite de Pausanias et un peu au-delà, sur les traces de Tyndare, Héraclès, Hippocoon et ses fils dans la Sparte de la fin du IIe et du début du IIIe siècle ap. J.-C., deux enseignements corollaires se dégagent. Tout d’abord, le discours de Pausanias apparaît extrêmement cohérent et construit. Ensuite, il semble rencontrer les préoccupations de son temps.

49 On ne peut dire à partir des revendications généalogiques des familles de l’élite spartiate ou des complexes cultuels dont elles assumaient la prêtrise, si ces familles ou la société spartiate dans son ensemble de l’époque des Antonins auraient reconnu leurs propres discours dans la Périégèse. Mais le devoir de mémoire que s’est assigné Pausanias semble porter sur les mêmes objets. Et la constatation vaut également pour les Messéniens.

50 Il semble que Pausanias veuille restituer à ces derniers un passé qu’eux-mêmes, à l’en croire, ont perdu. Cependant, ceux-ci ne l’ont manifestement pas attendu, ni les Spartiates pour leur répondre. En effet, tandis qu’un citoyen de Messène était honoré comme nouvel Épaminondas76, les Spartiates faisaient bénéficier un des leurs d’une exemption d’impôt du fait que son ancêtre avait tué Épaminondas à la bataille de Mantinée77. Jeux et enjeux de mémoire longtemps ressassée, qui engagent en définitive à reconsidérer l’histoire religieuse des cités du Péloponnèse à l’époque romaine et

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invitent à redoubler de prudence dans l’exploitation du témoignage de Pausanias pour d’autres époques que la sienne.

NOTES

1. Pausanias, II, 18, 7. Nos traductions suivent le texte établi par M.H. ROCHA-PEREIRA, Pausaniae Graeciae Descriptio, t. II, Leipzig, 1991² [1977]. Sur l’ensemble de ce passage, voir M. PIÉRART, « Pausanias et les généalogies d’Argos : étude de quelques problèmes », in D. AUGER & S. SAÏD, Généalogies mythiques, Paris, 1998, p. 141-161. 2. Paus., III, 1, 4-5. Pour une analyse du début des Lakônika de Pausanias, voir C. C ALAME, « Le récit généalogique spartiate : la représentation mythologique d’une organisation spatiale », QS 26 (1987), p. 43-91, spécialement p. 62-65. 3. Nous nous attacherons donc essentiellement ici à la place que Pausanias attribue à la lutte d’Héraclès contre Hippocoon et ses fils dans sa Périégèse. Pour l’interprétation de cet épisode – évoqué dans le Parthénée d’Alcman (fr. 3 Calame) – dans le cadre des rituels d’adolescence spartiate à l’époque archaïque, voir C. CALAME, Les Chœurs de jeunes filles en Grèce archaïque, t. II : Alcman, Rome, 1977 (Filologia e critica, 21), p. 52-58, avec O. GENGLER, « Les Dioscures et les Apharétides dans le Parthénée d’Alcman », LEC 63 (1995), p. 1-21. Pour une lecture centrée sur la figure civilisatrice d’Héraclés, voir M. GIANGIULIO, « Le héros fondateur, l’espace sacré de la déesse. Notes sur Héraclès et les sanctuaires d’Héra du Péloponnèse à la Grande Grèce », in C. JOURDAIN- ANNEQUIN & C. BONNET (éds), IIe Rencontre héracléenne : Héraclès et le féminin, Bruxelles/Rome, 1996 (Inst. Hist. belge de Rome, Études de philologie, d’archéologie et d’histoire ancienne, 31), p. 215-233. 4. Paus., II, 38, 7. Voir la carte ci-dessous. « Les Hermès » devaient se trouver au lieu-dit Phénomenoi : P.B. PHAKLARIS, Archaia Kynouria, Athènes, 1990, p. 193-195 (avec la bibliographie); le site a été fouillé : K. RHOMAIOS, « Laconia, IV: The ῾Ερμαῖ on the N.E. Frontier », ABSA 11 (1905-1906), p. 137-138; id., « Οἱ μεθόριοι λακωνικοί ῾Ερμαῖ », ᾿Αθηνᾶ 20 (1908), p. 383-402. Aperçu des trouvailles chez D.G.J. SHIPLEY, « Archaeological sites in Laconia », in W.G. CAVANAGH, J.H. CROUWEL, R.W.V. CATLING & D.G.J. SHIPLEY (éds), Continuity and Change in a Greek Rural Landscape: the Laconia Survey, II: Archaeological Data, Londres, 1996 (BSA, Supplementary vol. 27), p. 280, site AA24. L’évolution du territoire de la cité de Sparte a été étudiée par D.G.J. SHIPLEY, « The extent of Spartan territory in the Late Classical and Hellenistic periods », ABSA 95 (2000), p. 367-390 que l’on complètera par P. CARTLEDGE & A. SPAWFORTH, Hellenistic and Roman Sparta. A Tale of two Cities, Londres, 2002² [1989] (States and Cities of Ancient Greece), p. 136-142 pour l’époque romaine. 5. Paus., III, 10, 6. L’identification des sites de Skotitas et de Karyai est sujette à discussion. Résumé dans SHIPLEY, « Archaeological sites in Laconia », l.c. (n. 4), p. 284-285, sites DD45, DD46 et DD47. 6. Apollodore, III, 10, 5 (124) nomme douze fils d’Hippocoon, parmi lesquels se trouvent cinq des six personnages dont Pausanias signale les monuments à Sparte; seul Eumédès manque à l’appel. D’après Diodore, IV, 33, les fils d’Hippocoon étaient vingt, dont dix périrent dans le combat contre Héraclès, soit la moitié d’entre eux. 7. Paus., III, 14, 6. Sur le Dromos spartiate, voir P. MARCHETTI, « Le ‘Dromos’ au cœur de l’agora de Sparte : les dieux protecteurs de l’éducation en pays dorien. Points de vue nouveaux », Kernos 9 (1996), p. 155-170. L’éducation des jeunes gens à Sparte à l’époque romaine a fait l’objet d’une

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étude d’ensemble par N. KENNELL, The Gymnasium of Virtue: Education and Culture in ancient Sparta, Chapel Hill/Londres, 1995, part. chapitres 1 à 4. 8. Paus., III, 14, 7. 9. Paus., III, 15, 1-2. Sur les combats d’éphèbes au Platanistas, voir encore Paus., III, 11, 2 et Lucien, Anacharsis, 38. 10. Paus., III, 15, 3. 11. Paus., III, 15, 3-5. 12. Voir notamment C. C ALAME, « Représentation discursive du ‘panthéon’ de Trézène chez Pausanias », in V. PIRENNE-DELFORGE, Les panthéons des cités des origines à la Périégèse de Pausanias, Liège, 1998 (Kernos, Suppl. 8), p. 149-163. 13. Sur la sélectivité nécessaire de la description, voir J.-M. ADAM, La description, Paris, 1993 (Que sais-je ?, 2783), et part. p. 5-25, à propos du rejet presque unanime de la description par les rhétoriciens du XVIIIe au XXe s. qui n’est pas sans rappeler les critiques adressées à Pausanias à la même époque. Cf. C. HABICHT, Pausanias’ Description of Greece, Berkeley, 1998² [1985], p. 165-175. 14. C. JACOB, « Récit de voyage et description », Lalies 1 (1980), p. 131-141, à la p. 133. 15. Paus., III, 15, 6. 16. Paus., III, 15, 9. 17. Paus., III, 19, 7. 18. Paus., III, 20, 5. 19. Paus., VIII, 53, 9. 20. Diodore, IV, 33, 5-6; Apollodore, II, 7, 3-4 (143-145). 21. La description de la statue de Tégée assure également l’interprétation de l’origine du nom d’Asclépios Kotyleus. La kotylè en effet, que nous avons identifiée à la hanche, pourrait également désigner la paume de la main. Or, précisément, on lit chez Clément d’Alexandrie, Protreptique II, 36, 2, que, selon Sôsibios (FGrH 595 F 13), Héraclès aurait été blessé à la main (χεῖρ). Cependant, le vocabulaire utilisé par Pausanias correspond exactement à ce que l’on lit chez Homère (Iliade V, 305-306) : τῷ βάλεν Αἰνείαο κατ᾿ ἰσχίον, ἔνθα τε μηρὸς | ἰσχίῳ ἐνστρέφεται, κοτύλην δέ τέ μιν καλέουσι. On peut supposer que Sôsibios situait la blessure d’Héraclès à la kotylè (sans doute à propos de l’Asclépios Kotyleus) et que Clément, ou une source intermédiaire, aura mal interprété le terme. 22. Il évoque par ailleurs la venue d’Héraclès à Tégée et son union avec Augé, la fille de Cépheus (VIII, 4, 8), événement associé à la guerre contre Hippocoon chez Diodore, IV, 33 et Apollodore, II, 7, 3-4 (143-145). Pausanias évoque aussi le cheveu de Méduse qui protégeait Tégée de toute agression, mais il en attribue le don à Athéna, là où Apollodore rapporte que c’est Héraclès qui l’a donné à Cépheus pour le convaincre de l’accompagner à Sparte sans craindre que Tégée fut prise en son absence. 23. Paus., III, 15, 5. 24. Paus., III, 19, 7 et 20, 2. 25. Paus., III, 14, 6. 26. Paus., ibid. 27. Voir sa contribution ici-même, avec P. MARCHETTI, Le nymphée de l’agora d’Argos : fouille, étude architecturale et historique, Athènes, 1995 (Études Péloponnésiennes, 11), 1995, p. 191-201. 28. Paus., III, 11, 2. 29. IG V 1, 497. Pour le commentaire de cette inscription, voir A. H UPFLOHER, Kulte im kaiserzeitlichen Sparta. Eine Rekonstruktion anhand der Priesterämter, Berlin, 2000, p. 125-138. 30. Outre l’étude de A. S PAWFORTH, « Families at Roman Sparta and Epidaurus: Some Prosopographical Notes », ABSA 80 (1985), p. 191-258, aux p. 224-241, voir les remarques de MARCHETTI, o.c. (n. 27), p. 197-199.

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31. XXXVI, 1, 23. Le passage évoque un jugement dans une affaire d’héritage qui doit avoir été rendu en 173 ou 174 lorsque, depuis le théâtre de la guerre contre les Sarmates, à Carnutum ou à Sirmium, Marc Aurèle traita les affaires de Grèce : A. BIRLEY, Marcus Aurelius, a Biography, Londres, 2000³ [1966], p. 180. 32. HUPFLOHER, o.c. (n. 29), p. 150 avec les références. Le nom de Spartiatikos porté par un fils de Brasidas fait supposer à A. Spawforth un lien des Tiberii Claudii avec la grande famille spartiate des Euryclès. 33. CARTLEDGE – SPAWFORTH, o.c. (n. 4), p. 164-165 et 184-189. Sur les charges de prêtres dans la Sparte impériale, voir A. SPAWFORTH, « Spartan Cults under the Roman Empire: Some Notes », in J.M. SANDERS (éd.), Philolakôn. Lakonian Studies in Honour of Hector Catling, Londres, 1992, p. 230-233 et maintenant HUPFLOHER, o.c. (n. 32).

34. SPAWFORTH, l.c. (n. 30), p. 232-233. 35. Cf. IG V 1, 608. 36. Paus., III, 13, 3. 37. Paus., III, 14, 6. 38. Paus., III, 14, 7. 39. D’autant plus que, même lorsque Pausanias situe les éléments de sa description les uns par rapport aux autres, la proximité réelle de ces éléments est difficile à évaluer, tant les rapports établis sont lâches. Ainsi, l’hérôon d’Alcon se rencontre « en avançant un peu » (ὀλίγον προελθόντι) depuis le début du Dromos et le sanctuaire de Poseidon Dômatitès était « près de » (παρά) l’hérôon d’Alcon. 40. Paus., III, 20, 7. Voir la carte ci-dessus. 41. Paus., III, 22, 3. Hélos semble être un village (κώμη) à l’époque de Strabon, qui rappelle que c’était autrefois une cité, au témoignage d’Homère (Strabon, VIII, 5, 2 [C363] citant Iliade II, 584). Cf. D.G.J. SHIPLEY, « ‘The Other Lakedaimonians’: The Dependent Perioikic Poleis of Laconia and Messenia », in M.H. HANSEN (éd.), The polis as an urban centre and as a political community, Copenhagen, 1997 (Historisk-filosofiske Meddelelser / Det Kongelige Danske Videnskabernes Selskab, 75. Acts of the Copenhagen Polis Centre, 4), p. 189-281, aux p. 252-253, n° 65 avec la bibliographie. 42. MARCHETTI, Le nymphée, o.c. (n. 27), p. 211-216 et « Le ‘Dromos’ », l.c. (n. 7), p. 157. 43. Voir le commentaire de Boeckh à CIG, 1444 (t. II, p. 683) et celui de Tod dans M.N. TOD & A.J.B. WACE, A Catalogue of the Sparta Museum, Oxford, 1906, p. 81, n° 691. 44. Sur la question de l’abandon ou de la persistance des lieux de cultes dans les habitats désertés à l’époque romaine, voir S.E. ALCOCK, « Minding the Gap in Hellenistic and Roman Greece », in ead. & R. OSBORNE, Placing the Gods, Oxford, 1994, p. 247-261 et ead., Graecia Capta. The landscapes of Roman Greece, Cambridge, 1992, p. 207-210. 45. Cf. Asclépios Schoinatas d’IG V 1, 602 et Asclépios Agnitas de Paus., III, 14, 7. 46. A. Spawforth, suivi par S.E. Alcock, a supposé que les grandes familles de Sparte possédaient des terres dans la plaine maritime d’Hélos. La procession attesterait la domination sur ce territoire dans le cadre de rivalités de prestige entre familles de l’élite, voire entre cités : CARTLEDGE – SPAWFORTH, o.c. (n. 4), p. 137-138; ALCOCK, Graecia Capta, o.c. (n. 44), p. 203-205 et 212. 47. IG V 1, 249, avec SPAWFORTH, l.c. (n. 30), p. 230-231 et S. WALKER, « Two Spartan Women and the Eleusinion », in ead. & A. CAMERON (éds), The Greek renaissance in the Roman empire, Londres, 1989 (BICS, Suppl. 55), p. 130-141. 48. IG V 1, 608, cf. également IG V 1, 589 qui est probablement un second exemplaire du même texte. 49. Voir encore la contribution d’Yves Lafond ici-même. 50. Tacite, Annales IV, 43, 1-2. Texte et trad. repris à Tacite, Annales, t. II : Livres IV-VI, texte établi et traduit par P. WUILLEUMIER, deuxième tirage revu et corrigé par H. LE BONNIEC, Paris, 1990 (Collection des Universités de France).

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51. Paus., IV, 4, 2. 52. Paus., IV, 4, 2. Cf. III, 2, 6 et III, 7, 4. 53. C. CALAME, Les Chœurs de jeunes filles en Grèce archaïque, t. I : Morphologie, fonction religieuse et sociale, Rome, 1977 (Filologia e critica, 20), p. 253-264, 2e éd. anglaise : Choruses of Young Women in Ancient Greece. Their Morphology, Religious Role, and Social Functions, Lanham, 1997, p. 142-149 et id., « Discours mythique et discours historique dans trois textes de Pausanias », Degrés 17 (1979), p. 1-30. P. ELLINGER, La légende nationale phocidienne. Artémis, les situations extrêmes et les récits de guerre d’anéantissement, Athènes, 1993 (BCH, Suppl. 27), p. 41-43. 54. M. PIÉRART, « Argos, Philippe II et la Cynourie (Thyréatide) : les frontières du partage des Héraclides », in R. FREI-STOLBA & K. GEX (éds), Recherches récentes sur le monde hellénistique, Berne, 2001 (Echo, 1), p. 27-43. 55. IvO, 47 = Syll.³, 665. 56. Tacite, Annales IV, 43, 1. 57. Comme le précise Pausanias en III, 1, 4. Ce dernier ne manque d’ailleurs pas de le rappeler quand son cheminement descriptif l’amène à évoquer ces localités. Cf. Paus., III, 21, 2 pour Pellana et 26, 2-3 pour Thalamai, où il n’évoque pas directement l’exil de Tyndare, mais bien la naissance des Dioscures qu’il date de cet exil en III, 1, 4. 58. Voir la carte ci-dessus. 59. Paus., III, 13, 2. 60. Paus., IV, 31, 9. 61. Il se trouvait à Leuctres également un temple de Cassandre, appelée alors Alexandra, comme le précise Pausanias, sans établir de lien toutefois avec le culte rendu à cette même Alexandra à Amyclées dont il a fait état en III, 19, 6. 62. Paus., III, 26, 4-6. 63. Voir CARTLEDGE – SPAWFORTH, o.c. (n. 4), p. 101 et 173-174. 64. Le plus souvent dans la formule Γερήνιος ἱππότα Νέστωρ en fin d’hexamètre : Homère, Iliade II, 336; 433; 601; IV, 317 etc. Cette épithète peut dériver de γέρας, mais était comprise par les anciens comme un adjectif dérivé d’un toponyme. Cf. Strabon, VIII, 4, 4 (C352) avec le commentaire de P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, 1968, s.v. et la communication de F. BADER résumée dans REG 92 (1979), p. X-XI. 65. Paus., IV, 1, 1. 66. Sur tout ceci, voir aussi Ch. LE ROY, « Pausanias et la Laconie ou la recherche d’un équilibre », in D. KNOEPFLER & M. PIÉRART (éds), Éditer, traduire, commenter Pausanias en l’an 2000, Genève, 2001 (Université de Neuchâtel. Recueil des travaux publiés par la faculté des lettres et sciences humaines, 49), p. 223-237. 67. IG V 1, 1431, l. 38-39 : τὸν χειμάρρουν, ὃν προσονομάζουσιν Χοίρειον, ὃς ὁρίζει Μεσσήνῃ καὶ Λακεδαίμονι πρὸς ᾿Ελευθερολάκωνας. 68. Voir l’étude de J. HALL, « Sparta, Lakedaimon and the nature of perioikic dependency », in P. FLENSTED-JENSEN, Further Studies in the Ancient Greek Polis, Stuttgart, 2000, p. 73-89, à la p. 81. 69. En tout cas, la zone où se situe les cités des Laconiens Libres est loin d’être homogène. Les cités indépendantes et les établissements dépendants de Sparte y alternent. Il serait donc possible que le « Gouffre du porc » marque effectivement la frontière entre la Messénie et une zone dépendant de Sparte, même si la majorité de cet espace se définit politiquement comme le territoire des cités de la Ligue des Laconiens Libres. 70. J. CHRISTIEN, « Les liaisons entre Sparte et son territoire malgré l’encadrement montagneux », in J.-F. BERGIER (éd.), Montagnes, fleuves, forêts dans l’histoire. Barrières ou lignes de convergence ? Berge, Flüsse, Wälder in der Geschichte. Hindernisse oder Begegnungsräume ? Travaux présentés au XVIe congrès international des sciences historiques, Stuttgart, août 1985, St. Katharinen, 1989, p. 18-44, à la p. 31. 71. Paus., IV, 31, 1-4.

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72. Paus., IV, 31, 3. 73. Paus., III, 26, 7-11; IV, 30, 2; IV, 31, 1. Le sort de la cité d’Abia n’est pas clair. Cette cité se trouvait sur la côte du golfe de Messénie, entre le Choireion et Pharai (Paus., IV, 30, 1-2), mais le Périégète ne dit pas si elle a fait partie de la Ligue des Laconiens Libres. Selon nous, c’est probable, car il est difficile d’imaginer qu’Auguste ait laissé cette enclave messénienne au cœur des territoires qu’il souhaitait rattacher à l’ensemble lacédémonien. Quand, en 182 av. J.-C., la Messénie fut à nouveau admise au sein de la Confédération Achéenne, après sa défection de 184 env., trois cités adhérèrent de manière indépendante : Thouria, Pharai et Abia (Polybe, XXIII, 17, 2), c’est-à-dire les trois cités les plus proches de la frontière avec Sparte, qui, précisément, rejoint elle aussi, au même moment, la Confédération (Polybe, XXIII, 17, 5). 74. CHRISTIEN, l.c. (n. 70), p. 30-34. 75. IG V 1, 1381. 76. IvO, 447 honorant Tiberius Claudius Crispianus. 77. Kallikratès, un contemporain de Plutarque : Agésilas, 35, 1-2.

RÉSUMÉS

Qu’il soit placé à l’origine des revendications desHéraclides ou instrumentalisé dans le cadre de l’opposition séculaire entre Messéniens et Spartiates, l’épisode du combat d’Héraclès contre Hippocoon et ses fils occupe une place de choix dans le passé de Sparte tel que le transmet Pausanias. Aussi vénérables qu’ils paraissent, les éléments de cette tradition et les monuments spartiates qui lui sont liés s’intègrent néanmoins très concrètement dans l’horizon politique et religieux du IIe siècle ap. J.-C. Le discours développé dans la Périégèse semble d’ailleurs bien répondre à des préoccupations similaires à celles qui animent les grandes familles spartiates de cette époque.

Heracles, Tyndareus, and Hippocoon in Pausanias’ Description of Sparta: mapping out a mythical tradition. Placed at the origin of the claims of the Heraclids or instrumented within the framework of the secular conflict between Messenians and Spartans, the episode of the fight of Heracles against Hippocoon and its sons occupies an important place in the Spartan past, just as Pausanias states. As ancient as they appear, the elements of this tradition and the Spartan monuments related to it integrate nevertheless very concretely into the political and religious context of the IInd c. AD. The purpose of the Periegesis seems moreover to meet needs quite similar to those preoccupying the great Spartan families at this time.

AUTEUR

OLIVIER GENGLER [email protected]

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Le mythe, référence identitaire pour les cités grecques d’époque impériale L’exemple du Péloponnèse

Yves Lafond

Introduction

1 Dans l’histoire du monde grec après la conquête romaine1, le problème qui se pose aux cités est celui de leur existence comme communautés « politiques », un problème lié au poids du système de l’évergétisme2 et à l’importance qu’il confère aux notables, à la fois servants et bénéficiaires d’un nouvel ordre politique, devenus les dépositaires des valeurs civiques et morales.

2 Or, la mainmise d’un groupe social sur la communauté permet-elle à la cité, au moins sur le plan culturel, de préserver une identité ? Est-il possible de se faire une idée de la conscience que les communautés civiques pouvaient avoir d’elles-mêmes et des valeurs qu’elles cherchaient à promouvoir à cette époque, entre le IIe siècle av. J.-C. et le IIIe siècle de notre ère ?

3 Autant de questions générales qui permettent certes d’articuler la réflexion autour de la notion de « culture », entendue comme ensemble des valeurs selon lesquelles une identité collective s’organise et se manifeste, mais qui se heurtent au déséquilibre que crée, dans la vie sociale, politique et religieuse des cités de cette époque, le rôle prépondérant exercé par des élites locales dont on peut se demander si elles ne sont pas devenues à elles seules la « cité », au point de rendre ambiguës, dans les décrets et inscriptions honorifiques, les formules qui semblent pourtant exprimer le point de vue de la communauté civique dans son ensemble, tant il est vrai que ce sont les représentations mentales des élites locales qui contribuent à infléchir le processus de construction d’une identité dans les cités.

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4 Le rapport des cités à leur mémoire et la question de l’identité constituent des notions complexes, et pourraient tout aussi bien servir de fil directeur à des réflexions qui se situeraient dans des champs chronologiques autres que celui qui sert d’horizon à mon enquête. Elles permettent cependant une approche spécifique des valeurs et des pratiques dont la documentation d’époque romaine garde la trace; en outre, ces deux notions permettent d’analyser comment la mémoire collective, pour les communautés civiques d’époque romaine, se construit à travers l’éloge des élites locales dont le rôle est devenu prépondérant dans la vie politique et le jeu social des cités; elles permettent enfin de donner à un auteur comme Pausanias toute sa place comme témoin de pratiques contemporaines et interlocuteur, comme il le souligne lui-même à maintes reprises, de ceux qui, dans les cités, apparaissent comme les dépositaires d’une mémoire collective3. Et il faut souligner un point : si les cités, pour définir leur identité, tirent profit, à l’époque romaine comme par le passé, de la force des mythes, des généalogies et de certains rituels, elles ne peuvent cependant faire fi des aspirations romaines dont la prise en compte constitue une manière d’adapter les traditions aux exigences de l’actualité en cours et instaure entre passé et présent une dialectique particulière.

5 Dans cette perspective, les inscriptions honorifiques constituent le socle principal de mon étude. Il s’agit certes de documents flatteurs, où il est difficile de démêler ce qui relève du poncif et de la réalité, et dont la datation laisse souvent dans une incertitude irritante pour l’historien qui cherche à mesurer des évolutions ou à dégager l’originalité d’une époque. Destinés, par définition, à faire entrer un personnage et son action dans la mémoire de la cité, ces discours collectifs et civiques n’en constituent pas moins des discours officiels, des traces documentaires de la conscience de soi des cités, et ont l’avantage, au-delà d’un certain nombre de formules stéréotypées, d’être plus nettement ancrés dans les réalités que les discours des « intellectuels4 » de l’époque, dans la mesure où ils représentent moins les valeurs philosophiques générales que celles directement liées à la vie civique.

6 Comment justifier cependant l’application de ce mode de recherche à une étude régionale ? Sans pouvoir prétendre, j’en suis conscient, que le choix du Péloponnèse ne pose pas problème, je voudrais souligner les points qui m’ont conduit à situer la réflexion dans ce cadre géographique : outre le souci d’échapper aux références obligées que semblent constituer la province d’Asie ou la cité d’Athènes5, je signalerai l’intérêt d’une approche régionale pour qui cherche à mieux définir l’articulation entre des ancrages locaux et les modèles culturels communs; mais il faut ajouter aussi l’idée, sinon d’une spécificité, du moins d’une perception unitaire du Péloponnèse chez les Anciens eux-mêmes, liée notamment au thème de l’identité dorienne, qu’il faut interpréter plus comme un stéréotype éthique et culturel que comme le reflet d’une réelle conscience ethnique; et la possibilité enfin, en traitant de l’ensemble des cités de cette région de Grèce propre, de se situer dans un espace où l’analyse historique peut prendre en compte des communautés civiques riches de tout un passé historique et mythique – telles Sparte, Argos ou Messène – mais aussi des colonies romaines (Patras, Corinthe), ou encore, avec la région de l’Isthme et Olympie, deux des grands sanctuaires panhelléniques du monde grec antique. Le Péloponnèse m’apparaissait ainsi comme un terrain privilégié pour l’étude des axes à la fois grec et romain de l’identité civique.

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7 La question du mythe occupe dans ce cadre une place déterminante. On sait que la matière mythique – tout spécialement à l’époque de la domination romaine, lorsque le mythe semble avoir perdu son efficacité politique et sociale – peut fournir un savoir commun, une mémoire susceptible de confirmer la conviction de partager une même identité culturelle et que le mythe en est venu à constituer la recherche dans le passé très ancien d’un lien culturel et symbolique6.

8 Force est cependant de poser les limites qu’impose la nature de ma documentation : à l’horizon intellectuel dans lequel s’inscrivent leurs discours d’éloge, les cités n’empruntent pas des récits, mais des noms, des figures isolées, certes riches de connotations morales et culturelles, mais qui n’offrent à l’analyse que de rares points d’appui pour tenter de mieux cerner les liens qui s’instaurent, par le biais de ces références mythiques, entre le passé « légendaire » des cités grecques et leur présent.

9 C’est donc bien en termes de « stratégie » ou de « modalité » plutôt qu’en termes « d’objet » ou de « narration » que je parlerai du mythe, considéré surtout comme producteur, pour ceux à qui il est destiné, d’effets de sens et comme moyen, donc, de formuler une représentation historique de soi7. En outre, dans les limites imposées au présent article, je m’attacherai essentiellement aux figures héroïques, en privilégiant trois grands axes : le rôle de l’onomastique et des généalogies dans la construction d’une mémoire mythique; le lien entre les références mythiques et les conduites évergétiques; la place dans la mémoire civique des cultes rendus aux figures mythiques et leur signification dans la définition des identités. Je me demanderai ce faisant s’il est possible, au-delà des poncifs caractéristiques de l’image de la cité et de ses notables que renvoie la documentation de l’époque, de dégager certaines spécificités qui serviraient à définir, dans un cadre régional et local, les modalités d’une représentation de soi particulières à certaines cités.

1. La mémoire mythique : onomastique et généalogies

10 Quelques textes, dans notre documentation, méritent d’être signalés par le souvenir qu’ils conservent de noms qui rattachent directement certains membres des élites locales à des figures de la mythologie péloponnésienne.

11 Plusieurs dédicaces trouvées à Olympie8 font connaître un Tib. Claudius Pélops, honoré par la cité des Éléens et par le koinon des Achéens au tournant du IIe siècle. Il s’agit d’un des membres d’une famille importante de notables éléens et il est intéressant de constater que ce cognomen mythique est porté par un personnage qui exerça à l’époque des premiers Antonins des fonctions importantes, celles de stratège et de secrétaire du koinon des Achéens – une structure fédérale qui pouvait envoyer des ambassades à Rome et organisa, à partir de Néron, le culte impérial provincial. Manière donc de fournir une sorte de caution mythique à l’activité politique du personnage, par référence à un héros symbole d’une identité régionale.

12 Mais c’est à Sparte que le lien entre onomastique et mythologie s’affirme le plus nettement : une dédicace de la fin du Ier siècle av. J.-C., par exemple 9, honore un personnage du nom de Teisaménos, un héros qui s’inscrit dans un fonds légendaire auquel Sparte n’avait pas manqué de donner une connotation politique à certains moments de son histoire (je pense à l’épisode du transfert des ossements de Tisaménos à Sparte, qui s’insère peut-être dans le cadre d’une propagande politique philo-

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achéenne de Sparte10). Ce nom renvoie en tout cas implicitement au mythe constitutif des Doriens, à savoir le « retour des Héraclides », puisque Tisaménos, fils d’Oreste, est présenté, selon une tradition qui remonte sans doute à Éphore et est suivie par Polybe, Strabon et Pausanias, comme le fondateur de l’Achaïe après le « retour des Héraclides ». On peut souligner la récurrence de ce nom de famille dans la documentation épigraphique du Ier siècle av. J.-C. au IIe siècle ap. J.-C. De telles références, pour isolées qu’elles puissent paraître, témoignent d’un souci de faire valoir au moins implicitement la force de ces traditions mythiques dans la vie civique.

13 L’onomastique entretient le souvenir de figures marquantes de la mythologie régionale ou locale : leur présence dans la documentation épigraphique permet de relier la vie institutionnelle des cités à un temps légendaire qui a été constitué en passé par les communautés civiques et donne leur place, dans le présent politique romain, à des éléments qui ont trait aux origines mêmes des cités. On entre déjà par ce biais dans le domaine de ce qu’on peut appeler des stratégies culturelles, un domaine où les généalogies mythiques ont la part belle.

14 Il ne s’agira pas de traiter ici du rôle joué par certaines figures mythiques dans les revendications de parenté élaborées par les cités grecques d’époque impériale11 : en ce qui concerne le Péloponnèse, l’examen de ce type de revendications, attachées à faire valoir des liens mutuels qui reposent sur une forme de parenté qu’on peut appeler « légendaire » ou « mythique », conduirait à révéler en fait surtout la place que des cités comme Sparte et Argos occupent dans le passé que les villes grecques d’Asie Mineure se remémorent ou qu’elles reconstruisent à l’occasion des rivalités et des revendications qui les opposent sur la question de leur antiquité.

15 Dans la perspective qui est la mienne, je m’efforcerai plutôt de mieux cerner ce que les données de la documentation épigraphique révèlent de l’importance des critères généalogiques dans la définition que les cités grecques – entendons les élites locales – proposent d’elles-mêmes : les discours des cités renvoient-ils à des figures héroïques locales, régionales ou panhelléniques ? Est-ce que le choix des références apparaît plus spécialement lié à telle ou telle époque ?

16 À Messène, deux des textes d’une série de trois dédicaces12 adressées aux IIe-IIIe siècles par des membres de la gérousia d’Oupésia 13 à des prêtresses d’Artémis Orthia révèlent que les dédicants revendiquent des liens qui les rattachent à Cresphontès, l’un des fondateurs doriens de la cité.

17 Mais c’est surtout dans les inscriptions honorifiques argiennes et laconiennes que l’on peut évaluer la place accordée dans la mémoire civique aux ascendances héroïques des dédicataires, tous membres de lignages locaux : citons Publius Memmius Spartiaticos, présenté comme descendant d’Héraclès et de Rhadamante14, alors que l’on sait, par une inscription de la fin du Ier siècle av. J.-C., que l’un des membres de la famille des Memmii s’appelait lui-même Ῥαδάμανθυς15; un autre personnage est présenté comme descendant d’Héraclès et de Persée16, dans une évocation qui constitue certes un lieu commun de la rhétorique impériale, mais qui correspond aussi à une catégorie spécifique d’honneurs (les « honneurs de Persée et d’Héraclès ») décernés par Argos à divers évergètes; toute une série de textes rattachent les dédicataires à Héraclès et aux Dioscures en précisant même à quelle génération17 : par exemple Marcus Aurelius Aristocratès qui descend d’Héraclès « à la 48e génération » et des Dioscures « à la 44e génération », ou encore Sextus Pompeius Eudamos, grand-prêtre des Augustes et prêtre

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de nombreux cultes à Amyclées, qui descend d’Héraclès « à la [40e] génération » et des Dioscures « à la 47e génération ».

18 Tous ces textes, précisons-le, appartiennent au IIe siècle et, pour quelques-uns d’entre eux, au début du IIIe siècle. Du point de vue de l’importance que peuvent prendre certaines références mythiques dans les mentalités civiques de l’époque antonine et du début du règne des Sévères, ils permettent de faire valoir une spécificité argienne et surtout laconienne, puisque la grande majorité des documents provient de Sparte et suscite déjà la question de ce qu’on serait tenté d’appeler un « abus de mémoire » de la part de quelques cités.

19 Un texte spartiate de l’époque de Trajan ou Hadrien mérite de retenir spécialement l’attention18 : il concerne une femme, Octavia Agis, présentée, dans une dédicace trouvée dans les fouilles d’un portique romain, comme « descendante des dieux fondateurs de la cité, Héraclès et Lycurgue » (ἔκγονον τῶν ἀρχαγετᾶν τᾶς πόλεως θεῶν Ἡρακλέους καὶ Λυκούργου). Si Héraclès apparaît déjà comme archégète dans les Helléniques de Xénophon (VI, 3, 6), c’est en revanche le seul exemple d’une désignation de Lycurgue comme archégète de Sparte19 et la première attestation, chronologiquement, d’une référence à Lycurgue dans la généalogie d’une famille de l’aristocratie locale spartiate.

20 Aux documents qui rattachent les dédicataires à Héraclès, on peut rajouter, pour le IIe siècle, un autre texte spartiate20 qui présente un personnage – dont l’identité n’a pas été conservée – comme « le plus ancien du génos des Héraclides », ainsi qu’une épigramme d’Épidaure en l’honneur d’un personnage désigné comme « Alcide »21. Dans l’épigramme qui accompagne une dédicace spartiate du milieu du IIIe siècle en l’honneur d’Héracléia22, dont le nom lui-même constitue une illustration supplémentaire des liens entre onomastique et mythologie dans la société lacédémonienne du IIIe siècle, cette aristocrate, désignée aussi dans le texte comme fille d’un devin nommé Tisaménos, est dite « de la lignée d’Héraclès et de Phoibos, descendante des Iamides », une ascendance dont le texte souligne en outre le caractère « véritable » (γένος ἐτήτυμον). 21 À l’époque antonine, le père d’une prêtresse de Déméter à qui est adressée une dédicace d’Olympie23 est présenté comme « descendant d’Oxylos le fondateur de la cité », tandis qu’une autre inscription honorifique24 désigne le dédicataire comme « descendant de Créios, Mégatas et Scopélos » : s’agit-il, comme cela a été il y a longtemps suggéré25, de la perpétuation du souvenir des Titans ou de références à des devins ? Cette dernière hypothèse est renforcée à la fois par le témoignage de Pausanias, qui connaît un devin du nom de Crios et par un catalogue d’époque antonine où l’un des personnages est présenté comme « devin de la famille de Scopélos », peut-être un héros local aux pouvoirs prophétiques26.

22 Il y a là en tout cas pour ces familles de notables, aux IIe-IIIe siècles, une manière d’accroître leur prestige dans la vie civique, comme cela ressort d’ailleurs clairement d’une formule qu’on trouve dans une inscription métrique27 contemporaine qui accompagne un portrait que la cité de Messène a consacré à Harmonicos, « Héraclide », fils du Messénien Aristôn et d’Agéta, d’ascendance spartiate et où il est écrit : « nous disons aux Grecs que nous avons obtenu pour notre famille un grand honneur (μέγα κῦδος) en descendant des Dioscures et d’Héraclès ». Dans une inscription trouvée à Olympie, datée du milieu du IIIe siècle28, le koinon des Achéens honore Titus Flavius

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Polybios, Messénien et Lacédémonien, prêtre de la déesse Rome, et qualifié, selon une expression originale, de « véritable Héraclide » (τὸν ὄντως Ἡρακλείδην). 23 Ces généalogies sont-elles un trait spécifique des cités doriennes du Péloponnèse ? Un tel souci de se rattacher à des figures héroïques telles qu’Héraclès est attesté ailleurs dans le monde grec, dorien ou non, par exemple à Cos, où des inscriptions du Ier siècle révèlent le même souci de revendiquer une ascendance héracléenne, ou en liaison avec l’oracle d’Apollon à Claros : plusieurs des thespodes connus par des inscriptions du IIe siècle se définissent comme Héraclides. Mais Héraclès n’en occupe-t-il pas moins une place spécifique dans le passé mythique des cités péloponnésiennes ? La tradition du « retour des Héraclides » a dû fonctionner, surtout pour Sparte, comme moyen de légitimer une identité dans le contexte particulier de la conquête de la Messénie29 et ce n’est que par une généralisation favorisée par les lectures hellénistiques et romaines du mythe qu’elle contribua finalement à former une image spécifique de l’ensemble des Doriens du Péloponnèse.

24 En ce qui concerne le rattachement à Héraclès et aux Dioscures, on remarquera qu’il permet de prendre comme références des personnages héroïques qui ont un lien avec les antiques familles royales de Sparte et avec d’autres familles de l’aristocratie dorienne d’époque classique.

25 L’étude de la généalogie de ces familles montre en outre comment le rattachement à des ancêtres mythiques est perçu comme un privilège qui peut se transmettre à l’intérieur de la famille ou, par mariage, entre familles de cités différentes, de façon à préserver le souvenir de telle ou telle origine : de cette manière, la simple référence à des héros qui sont associés spécifiquement à une région (Persée pour Argos, les Dioscures pour la Laconie) peut devenir un indice de l’origine ethnique de la personne qu’on situe par rapport à ces héros – avec l’exception que constitue Héraclès, héros panhellénique dont peuvent se réclamer aussi bien Argos que Sparte ou Messène. Ainsi par exemple, tel personnage féminin né dans une famille d’Épidaure, pouvait prétendre, grâce aux liens qui rattachaient sa famille à Argos, descendre du héros argien Persée et transmettre cette parenté mythique à ses descendants spartiates.

2. Le mythe et l’éthique de la cité

26 Le rattachement des cités à certaines figures héroïques ou divines participe de reconstructions idéologiques qui permettent de justifier des liens de parenté, mais aussi de légitimer des valeurs qui servent à définir une identité spécifique : il faut en souligner les connotations aristocratiques, qui apparaissent conformes à ce que certains textes nomment « l’éthique de la cité30 », telle qu’elle s’exprime aussi à travers le vocabulaire de l’éloge qui témoigne d’un souci de valoriser, sur un mode ostentatoire et hyperbolique, des conduites qui définissent le présent « politique » des cités.

27 Certaines figures mythiques apparaissent, dans cette optique, emblématiques. C’est le cas de Pénélope, dont Marie-Madeleine Mactoux31 a bien fait valoir l’opposition entre deux tendances concernant la vision qu’on pouvait avoir de l’héroïne à l’époque impériale : d’un côté, il faut souligner la démystification du personnage (et aussi d’Ulysse lui-même) bien attestée dans la littérature d’inspiration cynique et en particulier chez Dion de Pruse et Plutarque, ainsi que l’utilisation de l’héroïne à des fins parodiques, notamment dans des textes marqués par la rhétorique de l’époque, qu’il

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s’agisse des écrits de Lucien ou des romans grecs, où Pénélope n’est plus considérée comme modèle de vertu ni comme incarnation de la pudeur; d’un autre côté, force est de constater que le peuple continue à voir apparemment en elle le modèle de la fidélité conjugale en même temps que, sous l’influence de la philosophie néopythagoricienne et de l’exégèse platonicienne, l’accent est mis sur une forme supérieure de cette sagesse : on peut dès lors parler d’un enrichissement du symbolisme qui s’attache à Pénélope, personnage qui devient l’incarnation de toutes les vertus qui permettent de qualifier une vie d’édifiante. C’est à ce titre que l’héroïne est choisie comme élément de comparaison dans des épitaphes ou des inscriptions honorifiques qui se multiplient aux IIe et IIIe siècles, tout particulièrement à Sparte32 : en témoignent plusieurs textes datés du IIIe siècle, qui accordent à des femmes, dont l’une est en même temps qualifiée de « première jeune femme de Sparte » (κούρα Σπάρτας ἁ πρώτα), le titre de « nouvelle Pénélope» et, dans un cas, de « nouvelle Pénélope et Laodamie33 ».

28 Dans une dédicace du IIe siècle qu’elle adresse à une femme de l’aristocratie locale qualifiée de « nouvelle Hypermestre «, la gérousie d’Argos se désigne comme « descendant de Danaos, d’Hypermestre et de Lyncée34 ». Déjà en 371 av. J.-C., après la victoire remportée à Leuctres au côté des Thébains, les Argiens avaient élevé à Delphes les statues de ces trois personnages35 qui constituent la trinité héroïque dont se réclame le Conseil d’Argos à l’époque impériale. Or, sur la même base figuraient aussi les rois Abas et Acrisios, Danaé, Alectryon et Alcmène, une constellation de personnages dont il faut souligner la place importante dans la mémoire argienne, en liaison avec les traditions qui reconstituent les origines d’Argos. Il est intéressant de noter que la référence à Hypermestre était éminemment locale36 et que l’héroïne était considérée comme un modèle de vertu et d’amour conjugal. Les comparaisons avec ces héroïnes sont inspirées par les qualités physiques, intellectuelles ou morales des personnages honorés.

29 Au-delà de la rhétorique, d’une arithmétique généalogique souvent fluctuante, l’important reste le fait de mentalité, la dimension éthique donnée aux références mythiques : elles alimentent des traditions dans lesquelles les cités trouvent de quoi commémorer des modèles de vertu. De fait, si des figures mythiques comme celles d’Héraclès et des Dioscures occupent une place de premier plan dans la définition des références civiques à Sparte et à Argos, c’est aussi parce qu’ils sont les patrons des concours et de la préparation athlétique dans le monde grec37 et parce que, en tant que tels, ils incarnent un idéal d’éducation auquel se rattachent tout spécialement, à Sparte, les épreuves de l’agôgé dont l’organisation est confiée à des membres des familles aristocratiques locales.

30 On ne s’étonnera donc pas de la fréquence des représentations d’Héraclès, des Dioscures ou du héros Lakédaimon sur le monnayage lacédémonien38. L’utilisation de ces figures mythologiques n’est certes pas systématique et elle n’est pas en elle-même spécifique de l’époque impériale romaine; il n’en reste pas moins que la référence aux autorités qui prennent en charge ce monnayage39 permet aux magistrats concernés, et donc aux grandes familles locales, avant que ce privilège ne soit récupéré par l’empereur lui-même ou sa famille40, d’affirmer un prestige que rehausse la référence aux figures héroïques majeures de la cité. On notera d’ailleurs qu’à la fin du Ier siècle av. J.-C., les émissions avec représentations mythologiques ont eu cours pendant toute la période, tandis que les autres émissions, représentant des personnages historiques

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(Octave, Livie, Agrippa), semblent n’avoir constitué qu’un monnayage honorifique, à durée limitée.

31 On ne s’étonnera pas non plus de la primauté accordée à certaines figures mythiques dans la réorganisation des espaces civiques, notamment à Argos où l’archéologie témoigne d’une restructuration de l’espace de l’agora dans le courant des Ier et IIe siècles41 et fait apparaître, au centre de l’agora, l’importance d’une fontaine monumentale (nymphée), offerte sans doute par la famille des Tib. Iulii, et qui vint modifier l’espace public en affectant la forme ancienne de la piste de course.

32 De telles transformations n’ont pas manqué d’être mises en rapport avec la figure de Danaos, qui avait son tombeau au centre de l’agora42, un espace où s’exprime en général de façon privilégiée le lien de la cité avec ses héros fondateurs et dont la légende occupe une place prépondérante dans la description de Pausanias. Plusieurs pratiques évoquées par le Périégète43, notamment, sont à mettre en rapport avec le héros argien, comme l’entretien du « feu de Phoroneus » sur l’agora ou les sacrifices héroïques en liaison avec la tombe du héros. Une dédicace honorifique fragmentaire d’Argos où il est question de travaux d’embellissement de l’agora entrepris par le dédicataire (dont le nom est perdu) avec ses fils (des Tiberii Claudii), mentionne des [effigies] d’empereurs et de héros, ainsi que les trois gymnases (βαλανεῖα) de la ville et l’on sait44 que le second fils avait élevé sur l’agora un de ces monuments pour le héros Danaos, offrant donc un nouveau témoignage de la place déterminante occupée par cette figure héroïque dans le paysage et la mémoire civiques.

33 Comment interpréter la réorganisation des paysages monumentaux que révèle l’archéologie dans les cités ? Si elle confirme certes que l’époque flavienne peut être considérée comme un tournant, elle atteste surtout le lien qu’il faut apparemment établir entre la réalisation de ces programmes et le souci de promouvoir des figures héroïques dont le statut ne laisse pas d’être ambigu, puisqu’elles peuvent incarner une identité civique locale mais correspondre aussi à un idéal moral que les élites sociales, sous l’influence du pouvoir romain, peuvent vouloir légitimer.

34 Parlera-t-on de « restauration impériale » autour de Danaos ? On est tenté de souligner, en suivant l’analyse de Marchetti, la façon dont cette rénovation de tout un espace de la cité correspondrait à une « relance des institutions liées à l’éducation de la jeunesse ». C’est la renaissance des institutions éphébiques qui expliquerait la remise en activité des gymnases, et l’on peut penser que c’est dans le cadre des tribus que s’inscrit le renouveau de l’éphébie, à Argos comme à Sparte et Messène. La documentation épigraphique fait en tout cas clairement apparaître la permanence, dans ces trois cités, de l’organisation en tribus45, perpétuant de ce fait dans la mémoire civique, du moins à Argos et Messène46, les noms de héros éponymes rattachés en majorité aux Héraclides.

35 Le souci d’entretenir, voire de reconstruire une mémoire culturelle en liaison avec un idéal de comportement civique explique donc la place privilégiée que tiennent dans la mémoire des cités péloponnésiennes certaines figures mythiques. Il s’agit de voir à présent dans quelle mesure ces mêmes figures sont concernées par des pratiques religieuses, elles-mêmes liées aux conduites évergétiques des élites locales.

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3. Les cultes et l’identité civique

36 La lecture de Pausanias, comme j’ai eu l’occasion de le montrer avec l’exemple de Patras47, fait apparaître, dans le domaine religieux, l’importance que les cités continuent d’accorder à des rituels qui leur permettent d’affirmer leur appartenance à l’ordre de la cité et d’établir des liens avec leurs origines, de célébrer finalement des valeurs qui contribuent à définir une identité fondée sur une mémoire partagée. C’est cette importance des pratiques religieuses comme facteur d’identité que je voudrais mettre maintenant à l’épreuve des discours officiels des cités péloponnésiennes, en y scrutant la place qu’y occupent les figures mythiques.

37 Un examen d’ensemble des prêtrises et des fonctions civiques mises en rapport, dans les discours des cités, avec les cultes organisés autour de figures mythiques suscite d’emblée deux constatations : d’une part, le nombre restreint des occurrences (outre les Dioscures et Héraclès48, on ne trouve évoqués que les Leucippides et les Tyndarides49, ainsi qu’un héros énigmatique, Téménios50) et, d’autre part, la prééminence absolue de Sparte, seule cité à faire valoir le souvenir de cultes héroïques, dans des textes allant de la basse époque hellénistique au règne des Sévères – forme d’accaparement qui peut être vu comme l’expression d’une volonté de récupérer des fonctions sacerdotales ancestrales autrefois réservées à l’aristocratie locale.

38 Ces textes permettent-ils de dégager des spécificités laconiennes ?

39 Le souci des élites locales de prendre en charge, dans la cité de Sparte, les cultes qui constituent des composantes essentielles de l’identité civique est illustré, dans les premières décennies du Ier siècle, par une série d’inscriptions 51 dont le texte est surmonté de représentations des Dioscures accompagnés d’une figure féminine, debout sur une petite base et portant un polos : il est tentant de supposer qu’il s’agit d’Hélène52 et de souligner la spécificité locale de ce culte des Dioscures, mais il faut aussi rappeler que de telles représentations correspondent à un schéma iconographique déjà attesté à Sparte au Ier siècle av. J.-C. 53, de même qu’en Asie mineure méridionale, sur de nombreux reliefs allant de l’époque hellénistique au IIIe siècle ap. J.-C.54, des cavaliers appelés Dioscures sont représentés comme dieux astraux encadrant la déesse lunaire.

40 Les textes fournissent des listes de convives ayant participé à des repas publics (Σιτηθέντες), dont la fonction était peut-être liée à un culte civique des Dioscures55. L’une des inscriptions révèle que la prêtresse, Eurybanassa, le prêtre – au nom significatif de Tyndarès56 – ainsi que trois des Σιτηθέντες appartenaient à la famille des Memmii, dont d’autres membres sont connus pour avoir eu la charge de cette prêtrise héréditaire. Parmi les Σιτηθέντες, après la mention de la sœur et du frère qui partageaient la prêtrise de ce culte, on trouve des représentants des principaux collèges de magistrats de la Sparte romaine (un βίδυος – cité en premier compte tenu très vraisemblablement de l’importance de cette fonction dans la vie civique, dans le domaine de l’entraînement éphébique –, un membre de la gérousia, un éphore, un nomophylax et un gynéconome 57), ce qui a pu conduire à suggérer que ces stèles témoignent de l’intégration du culte dans la vie civique et illustrent l’intrication des composantes mythiques, politiques et sociales dans la définition de l’identité civique.

41 Un autre groupe de textes semble témoigner, particulièrement à la fin de l’époque antonine et sous le règne des Sévères (hasard des trouvailles archéologiques ?), d’une volonté de perpétuer le souvenir de cultes pris en charge certes par des membres des

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élites locales58, mais que l’on peut définir, eu égard à leurs connotations et à leur ancrage explicite dans l’espace de la cité, comme des composantes d’une identité spécifiquement spartiate.

42 Dans trois des documents, datés du IIe et du début du IIIe siècle59, il est fait mention de la prêtrise héréditaire de Carnéios Boiketas, Carnéios Dromaios, Poséidon Dômatitès (dont le sanctuaire est situé par Pausanias près de l’hérôon d’un des fils d’Hippocoon), Héraclès Génarchas, Coré et Téménios – ce dernier ayant peut-être un rapport avec le héros anonyme auquel, d’après Pausanias, un téménos était réservé près du temple de Dionysos Colonatas : cette prêtrise commune60, exercée par des représentants d’une des familles de l’oligarchie lacédémonienne, dont deux femmes, regroupe les services religieux de divinités et de héros tous situés « dans l’Hélos », sur une partie de l’agora proche du théâtre, dans un secteur qui constituait l’une des composantes essentielles de l’espace public spartiate.

43 L’évocation de Carnéios, combinée avec le témoignage de Pausanias, selon lequel Carnéios Oikétas (« le familier de la maison ») était vénéré dans la maison d’un devin nommé Crios, introduit un lien avec Apollon Carnéios, dieu de l’implantation et de la fondation, et la fête des Carnéia, donc avec le monde dorien et le mythe du retour des Héraclides.

44 On soulignera à ce sujet la permanence à l’époque impériale des trois fêtes principales d’Apollon : les Carnéia, les Gymnopédies et les Hyakinthia, cette dernière étant attestée dans deux inscriptions honorifiques du IIe siècle 61, dont les dédicataires, deux personnages féminins de l’aristocratie locale spartiate, ont la responsabilité à vie du concours (ἀρχηΐδα καὶ θεωρὸν διὰ βίου τοῦ ἀγῶνος). À vrai dire, il apparaît que ces trois fêtes majeures de l’Apollon spartiate n’occupent pas une place déterminante dans la mémoire civique qui garde cependant l’image d’un dieu associé au retour des Héraclides et impliqué de façon privilégiée dans le domaine de l’éducation laconienne.

45 Dans le mythe fondateur héraclide/dorien, c’est Héraclès lui-même qui a acquis Lacédémone et l’a remise entre les mains de Tyndare pour ses descendants. Or, une dédicace des membres d’une phratrie d’Argos à Héraclès Pankames, datée du Ier siècle62, semble bien confirmer l’intérêt renouvelé qui est porté au héros à l’époque impériale63, et la découverte d’un sanctuaire dans la zone du théâtre, à un endroit consacré aux Dioscures, est venue confirmer qu’Héraclès était bien vénéré à Argos.

46 À Sparte, ce sont les sphaireis64 qui offrent des sacrifices à Héraclès – peut-être, en fait, l’Héraclès Génarchas attesté par la documentation épigraphique 65 – dans un secteur situé entre les tombeaux des Agiades et le Dromos66 : le héros, dans les pratiques de la cité lacédémonienne, est clairement mis en rapport avec la sphère éducative et athlétique, un domaine auquel se rattachent aussi les Dioscures – il y avait un temple des Dioscures non loin de Thérapné, à un emplacement (le Phoibaion) où les éphèbes sacrifiaient à Ényalios, avant d’accomplir le rituel du Platanistas.

47 Un catalogue agonistique spartiate du Ier siècle67 est en effet aussi dédié « aux Dioscures Sauveurs », qui apparaissent ici comme les patrons des activités athlétiques, un domaine auquel il faut rattacher particulièrement une série d’inscriptions (allant de la fin du Ier siècle av. J.-C. au début du IIIe siècle68) où se trouvent mentionnés les sphaireis de différentes tribus de Sparte vainqueurs au concours des ôbai – anciennes subdivisions du corps civique à Sparte, qui étaient assimilées à l’époque impériale aux « tribus « du type civique grec habituel69.

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48 L’une de ces inscriptions70, surmontée d’une représentation sculptée des Dioscures et datée du début du IIIe siècle, concerne les sphaireis de Pitané – là où était situé le sanctuaire de Castor et Pollux à Sparte : les Dioscures, bien qu’ils soient, aux yeux des autres Grecs en général, associés à Sparte, sont ici les patrons des habitants de Pitané en particulier. Et il semble qu’on puisse voir là le signe d’une volonté peut-être plus marquée à l’époque des Sévères d’affirmer une identité locale.

49 De fait, c’est à ce cadre chronologique qu’appartiennent deux inscriptions71 attestant l’existence de Dioscoureia, un concours qui semble avoir eu un rayonnement strictement local, à en juger du moins par l’absence de participants étrangers connus72, et qu’il faut peut-être mettre en rapport avec le culte des Dioscures desservi par certains membres de la famille des Memmii. Une dédicace honorifique de la même époque73 concerne une prêtresse à vie et héréditaire des Dioscures, responsable du concours des Dioscouréia. Peut-être s’agit-il d’une fête instaurée tardivement, postérieure en tout cas à l’époque de Pausanias qui n’y fait pas allusion74.

50 Les Leucippides ont quant à elles un culte à Sparte en tant qu’épouses des Dioscures, comme l’attestent non seulement le témoignage de Pausanias, qui cite leurs sanctuaires, mais aussi une dédicace à Artémis Orthia de la fin du IIe ou du début du IIIe siècle qui fait connaître un « prêtre des Leucippides et des Tyndarides75 ».

51 La permanence à Sparte d’une représentation des Dioscures comme figures héroïques paraît originale, dans la mesure où l’on sait que l’iconographie héroïque des Dioscures a quasiment disparu dans le monde grec à l’époque hellénistique, selon une évolution qui serait liée à une diffusion massive, dès l’époque classique, du culte divin des Dioscures, qui impose une nouvelle iconographie, avec pilos et étoile76.

52 On voit en tout cas que la fin du règne des Antonins et l’époque des Sévères constituent un cadre à l’intérieur duquel les communautés civiques péloponnésiennes et particulièrement la cité de Sparte témoignent d’un attachement marqué à un passé mythique qui pouvait servir à structurer, autour de figures héroïques et divines spécifiques, leur mémoire culturelle.

53 Cette insistance sur des figures qui apparaissent comme des composantes de l’identité locale des cités s’inscrit d’ailleurs dans un contexte qui lui donne une résonance particulière, puisque les guerres danubiennes et parthiques menées sous Marc Aurèle ont favorisé l’identification des élites à la cause romaine et l’affirmation d’une identité romaine impériale (au sens surtout géopolitique, contre des barbares définis désormais comme « extérieurs ») dans un climat qui, même si l’identité culturelle grecque n’était guère menacée, pouvait susciter une affirmation plus marquée de certains particularismes civiques.

Conclusion

54 « Une fois maîtres du Péloponnèse, [les fils d’Aristomachos] élevèrent trois autels de Zeus Paternel (Patrôos), sur lesquels ils sacrifièrent, puis ils tirèrent entre eux les cités. Le premier tirage donnerait Argos, le second Lacédémone, le troisième Messène. » À lire cette version que donne le Pseudo-Apollodore77 du partage tripartite de la presqu’île de Pélops à l’époque du « retour des Héraclides », on ne peut manquer d’être frappé par l’adéquation entre une telle répartition – fondatrice d’un nouvel ordre entre

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Argos, Lacédémone et Messène – et l’image du Péloponnèse que permet de reconstituer la documentation littéraire et épigraphique d’époque romaine.

55 Tout se passe en effet comme si l’effort de mémoire caractéristique de la vie civique de cette époque tendait à donner de la presqu’île une vision fondée sur le mythe du partage du Péloponnèse en trois royaumes, au détriment des régions septentrionale et occidentale, celles-là même, paradoxalement, qui apparaissent ouvertes directement sur le monde romain et où se sont formées les colonies romaines de Patras et de Corinthe, cette dernière devenue elle-même capitale de la province d’Achaïe.

56 Il y a là en tout cas semble-t-il un décalage entre une réalité géopolitique et la représentation qui en est donnée dans la documentation issue des cités grecques elles- mêmes, une distorsion révélatrice d’un écart entre des frontières « politiques » et des frontières « culturelles », entre ce que serait une géographie du Péloponnèse selon les intérêts du pouvoir romain et la géographie qui se constitue au fil des constructions de la mémoire civique.

57 La prédominance qu’exercent dans la documentation les villes d’Argos, Sparte et Messène incite à parler d’« abus de mémoire », et à mettre cet oubli d’une partie du Péloponnèse sur le compte de quelque stratégie cherchant à défendre et préserver l’idée d’une identité dorienne, bien en accord avec l’idéal aristocratique romain, et correspondant au fonctionnement oligarchique qui semble caractériser la vie politique des cités à l’époque impériale – à moins aussi que l’importance des références aux traditions doriennes à l’époque impériale ne trouve finalement une meilleure justification si on l’interprète comme moyen pour les cités péloponnésiennes d’affirmer leur identité face à une surévaluation d’Athènes et d’exprimer une réaction à l’encontre de la primauté accordée à Athènes dans la politique romaine.

58 Comme on l’a vu, en tout cas, les figures héroïques doriennes occupent une place déterminante comme références civiques dans la conscience que ces cités ont d’elles- mêmes : le personnage de Danaos à Argos est au centre d’un réaménagement de l’espace civique; les membres de l’oupésia de Messène, dont le rôle est important dans le fonctionnement des institutions civiques de l’époque, se disent descendants du héros Cresphontès; les grandes familles de l’aristocratie locale, à Argos comme à Sparte, entretiennent le souvenir de liens qui les rattachent aux Dioscures, à Lycurgue ou à Héraclès. Le recours aux généalogies mythiques donne à la mémoire mythique argienne, laconienne et messénienne une coloration particulière. Le rattachement à Héraclès et aux Dioscures – comme héros, alors qu’ils se sont imposés comme dieux dans l’iconographie contemporaine – permet en particulier de prendre comme références des personnages héroïques qui ont un lien avec les antiques familles royales de Sparte et avec d’autres familles de l’aristocratie dorienne d’époque classique, autant de signes révélateurs de stratégies familiales destinées à mettre en valeur l’existence d’un tissu culturel commun.

59 Si l’on cherche à prendre en compte d’éventuelles spécificités chronologiques, il semble qu’à partir du IIe siècle, ce soit la prédominance spartiate qui s’affirme le plus, au côté d’Argos – cette dernière bénéficiant, à l’époque antonine, d’un prestige accru par les largesses d’Hadrien et l’appartenance de la cité au Panhellénion. L’existence, au moins depuis la première moitié du IIe siècle, d’une classe sénatoriale spartiate, composée des membres des familles qui fournissaient à la cité les éphores, nomophylaques et gérontes, en même temps que les principaux bienfaiteurs, entraînait la cité à défendre une idéologie aristocratique. On a l’impression qu’au fil du temps, et par-delà les paliers

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que constituent les règnes d’Auguste et d’Hadrien, le poids de la mémoire et des traditions lacédémoniennes s’accentue, jusqu’à donner à l’époque des Sévères une place centrale à la cité de Sparte, représentée par ses notables.

60 Dans les discours officiels marqués par l’idéologie dominante, les références mythiques péloponnésiennes permettent donc à quelques cités et, à l’intérieur de celles-ci, aux groupes issus de lignages locaux des grandes familles de notables, non seulement de tirer des bénéfices symboliques pour l’élaboration d’une mémoire à connotation aristocratique, mais aussi de combiner un point de vue spécifiquement local et une vision régionale, voire panhellénique, de leur identité.

NOTES

1. La présente communication se rattache à un travail en cours de publication sur « La mémoire des cités dans le Péloponnèse d’époque romaine (IIe siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C.) ». Que Pierre Brulé, Anton Powell et toute l’équipe qui les entoure soient ici remerciés pour l’accueil si chaleureux qu’ils ont su réserver aux participants de ces « Rencontres celtiques ». 2. Outre l’étude fondamentale de Ph. GAUTHIER, Les cités grecques et leurs bienfaiteurs (IVe-Ier siècles av. J.-C.). Contribution à l’histoire des institutions (BCH, Suppl. 12), 1985, voir en particulier F. MILLAR, « The Greek City in the Roman Period », in M.H. HANSEN (éd), The Ancient Greek City-State, Copenhague, 1993, p. 232-260; J.-L. FERRARY, « De l’évergétisme hellénistique à l’évergétisme romain », in M. CHRISTOL, O. MASSON (éds), Actes Xe Congrès international d’épigraphie grecque et latine (oct. 1992), Paris, 1997, p. 199-225. 3. Voir S.E. ALCOCK, « Pausanias and the Polis : Use and Abuse », in M.H. HANSEN (éd), Sources for the Ancient Greek City-State, Copenhague, 1995, p. 326-345; Y. LAFOND, « Lire Pausanias à l’époque des Antonins : réflexions sur la place de la Périégèse dans l’histoire culturelle, religieuse et sociale de la Grèce romaine «, in D. KNOEPFLER, M. PIÉRART (éds), Éditer, traduire, commenter Pausanias en l’an 2000 (Actes d’un colloque tenu à Neuchâtel et Fribourg, 18‑22 sept. 1998), Genève, 2001, p. 387-406. 4. Sur cette notion appliquée à la Grèce de l’Empire romain, voir par exemple P. DESIDERI, « La letteratura politica delle élites provinciali », in G. CAMBIANOet al. (dir), Lo spazio letterario della Grecia antica, I, 3, Rome, 1994, p. 11-33; P. ZANKER, Die Maske des Sokrates. Das Bild des Intellektuellen in der antiken Kunst, Munich, 1995; F. MESTRE et P. GÓMEZ, « Les sophistes de Philostrate », in N. LORAUX, C. MIRALLES (dir), Figures de l’intellectuel en Grèce ancienne, Paris, 1998, p. 333-369; S. GOLDHILL (éd), Being Greek under Rome. Cultural Identity, the Second Sophistic and the Development of Empire, Cambridge, 2001. 5. Il ne faut pas perdre de vue pour autant le fait que chaque ensemble régional n’est à l’époque considérée que partie d’un tout englobant – l’empire romain – et que cette réalité détermine des rapports dont il faut tenir compte entre le pouvoir impérial et la société provinciale. 6. Voir J.-P. VERNANT, « Les frontières du mythe », in S. GEORGOUDI, J.-P. VERNANT (dir), Mythes grecs au figuré, de l’Antiquité au baroque, Paris, 1996, p. 25-42. 7. Sur la difficile question de la définition, en Grèce antique, de la notion de mythe, objet privilégié de l’anthropologie culturelle, outre M. DETIENNE,L’invention de la mythologie, Paris, 1981 et P. VEYNE, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paris, 1983, voir par exemple les réflexions

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stimulantes de C. CALAME, « Le mythe, une catégorie hellène ? », in M.-L. DESCLOS (dir), Réflexions contemporaines sur l’Antiquité classique (recherches sur la philosophie et le langage, Cahiers n° 18), Grenoble, 1996, p. 85-107, reprises et développées par le même auteur dans le chapitre I de Mythe et histoire dans l’Antiquité grecque. La création symbolique d’une colonie, Éditions Payot, Lausanne, 1996, p. 9-55. 8. IvOl, 429-430. 9. IG V, 1, 465. 10. Cf. mon commentaire à Pausanias VII, 1, 7-8 (CUF, 2000). 11. Voir O. CURTY, Les parentés légendaires entre cités grecques. Catalogue raisonné des inscriptions contenant le terme συγγένεια et analyse critique, Genève, 1985; T.S. SCHEER, Mythische Vorväter: zur Bedeutung griechischer Heroenmythen im Selbstverständnis kleinasiatischer Städte, Munich, 1993. 12. SEG 23, 215-217. 13. L. ROBERT (Bull. épigr. 1966, 202) avait suggéré qu’il s’agissait d’un collège religieux qui s’occupait du culte d’Artémis Oupis (épithète thrace de la déesse qui aurait donné son nom à l’association cultuelle). Cf. E. MEYER, RE, Suppl. XV (1978), s.v. « Messene », col. 154; P. THÉMÉLIS, « Artemis Ortheia at Messene. The Epigraphical and Archaeological Evidence », in R. HÄGG (éd), Ancient Greek Cult Practice from the Epigraphical Evidence, Stockholm, 1994, p. 111-115. 14. IG V, 1, 471. 15. IG V, 1, 141. Il s’agit d’un fils d’Euryclès et A.J.S. SPAWFORTH (o.c. [n. 3] Sparta, Londres / New York, 2002², p. 98) souligne à cette occasion les prétentions aristocratiques du personnage. Le nom de Rhadamanthys est restitué dans un décret des Delphiens de la même époque, où il désigne un acteur de comédie faisant partie de la compagnie des Technites dionysiaques athéniens honorée pour avoir participé à la Pythaïde de 128/127 av. J.-C. : voir B. LE GUEN, Les associations de technites dionysiaques à l’époque hellénistique I, Nancy, no 10, l. 25. Rhadamante est cité par Pausanias aux livres VII (3, 7) et VIII (53, 4-5) de sa Périégèse. Sur les contacts entre Sparte et le monde crétois, voir les remarques de D. MUSTI, Pausania. La Laconia (Fondazione Lorenzo Valla 1991), p. 172. 16. IG V, 1, 477. Voir A.J.S. SPAWFORTH, « Families at Roman Sparta and Epidaurus: Some Prosopographical Notes », ABSA 80 (1985), p. 215-224; M. PIÉRART, « Les honneurs de Persée et d’Héraclès », in C. BONNET, C. JOURDAIN-ANNEQUIN, Héraclès d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Bilan et perspectives, Bruxelles / Rome 1992, p. 223-244. 17. Cf. IG IV, 590; V, 1, 477; 529-530; 537; 559; 971; 1174. 18. Cf. SEG 44, 361. 19. À l’époque impériale, le terme archégète pouvait être utilisé pour des fondateurs de colonies et pour la déesse Rome : cf. S. MITCHELL, Anatolia I, Oxford, 1993, p. 102-103. 20. IG V, 1, 36 A. 21. IG IV2, 1, 692. 22. IG V, 1, 599. 23. IvOl, 456. 24. IG V, 1, 488. 25. Cf. S. WIDE, Lakonische Kulte, Darmstadt, 1893, p. 193. 26. Cf. Paus., III, 13, 3; IG V, 1, 60. 27. IG V, 1, 1399. 28. IvOl, 487. 29. Comme mythe constitutif de la fondation de la Sparte dorienne, le « retour » permettait en particulier de légitimer la royauté spartiate, représentée par deux familles supposées descendre d’Héraclès. Sur l’ambiguïté de la référence à une identité dorienne en général, voir A. SCHNAPP- GOURBEILLON, Aux origines de la Grèce (XIIIe-VIIIe siècles avant notre ère). La genèse du politique, Paris, 2002, p. 131-182.

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30. Ainsi dans le décret de Colophon en l’honneur de Polémaios, à la fin du IIe siècle av. J.-C. (traduction dans L. et J. ROBERT, Claros I. Décrets hellénistiques, Paris, 1989). 31. Pénélope. Légende et mythe, Paris, 1975, p. 155-168. 32. Cf. IG V, 1, 540; 598-599; 607; SEG 30, 407; 409. 33. Si l’on accepte la restitution Λαοδα]μίαν dans le texte IG V, 1, 598 (l. 9-10). 34. SEG 16, 259. Cf. IG IV, 579 : Γερόντων τῶν ἀπὸ Δαναοῦ et voir la lettre que M. Agrippa adresse aux Argiens « descendants de Danaos et d’Hypermestre » (EHRENBERG-JONES, Documents Illustrating the Reigns of Augustus and Tiberius, 19552, 308; cf. SEG 17, 145). 35. Cf. Pausanias, X, 10, 5; FD III, 1, p. 41-46. 36. Pausanias (II, 25, 4) mentionne une fête annuelle « des flambeaux » célébrée par les Argiens en liaison avec un épisode de la légende d’Hypermestre et Lyncée. 37. Voir la remarque de Pausanias (IV, 32, 1) qui note qu’« il est d’usage, chez tous les Grecs et déjà chez beaucoup de barbares, de tenir en honneur Hermès, Héraclès et Thésée dans les gymnases et les palestres ». On sait que, dans la partie orientale de l’Empire romain, la tradition hellénistique fait du gymnase un lieu privilégié à la fois de culture et d’éducation, mais aussi un lieu de culte des divinités qui y sont directement attachées, comme c’est le cas pour Hermès et Héraclès : voir Ph. GAUTHIER, « Notes sur le rôle du gymnase dans les cités hellénistiques », in M. WÖRRLE, P. ZANKER (éds), Stadtbild und Bürgerbild im Hellenismus, Munich, 1995, p. 1-11. 38. Voir S. GRUNAUER VON HOERSCHELMANN, Die Münzprägung der Lakedaimonier, Berlin / New York, 1978. 39. Cf. la mention, sur certaines des monnaies de la période 48-31, du patronomos éponyme, auquel s’ajoutent parfois les noms des principaux magistrats de Sparte (éphores, gérontes, nomophylaques) dont S. GRUNAUER (o.c., p. 54-55) suppose qu’ils ont financé ces émissions à titre de liturgies. 40. Dans le contexte d’une politique philhellénique : les représentations des Dioscures et d’Héraclès qui figurent sur le monnayage d’époque impériale sont attestées en plus grand nombre à l’époque des Antonins et notamment sous le règne d’Antonin le Pieux. 41. Voir P. MARCHETTI, K. KOLOKOTSAS, Le nymphée de l’agora d’Argos. Fouille, étude architecturale et historique (Études péloponnésiennes, 11), Paris, 1995; M. PIÉRART, « Les puits de Danaos et les fontaines d’Hadrien », in J. RENARD (éd), Le Péloponnèse. Archéologie et histoire, Presses Universitaires de Rennes, 1999, p. 243-268; P. AUPERT, « Architecture et urbanisme à Argos au Ier siècle ap. J.-C. », in J.-Y. MARC, J.-C. MORETTI (éds), Constructions publiques et programmes édilitaires en Grèce entre le IIe siècle av. J.-C. et le Ier siècle ap. J.-C. (Actes du Colloque organisé par l’École française d’Athènes et le CNRS, Athènes 14-17 mai 1995), Paris, 2001 (BCH, Suppl. 39), p. 442. 42. Cf. Strabon, VIII, 6, 9 = C371. 43. Cf. II, 19, 5 et 20, 3. 44. Cf. Bull. épigr. (1979), 191. 45. Cf. IG IV, 596-602; V, 1, 480; SEG 35, 270-271; PAE 153 (1998), p. 94. 46. Les subdivisions à Sparte à l’époque impériale correspondaient à une organisation territoriale fondée sur l’ancien système des ὠβαί. Cf. N.M. KENNELL, The Gymnasium of Virtue: Education and Culture in Ancient Sparta, Chapel Hill / Londres, 1995, p. 165; P. CARTLEDGE, A.J.S. SPAWFORTH, Hellenistic and Roman Sparta. A Tale of two Cities, Londres / New York, 2002², p. 203-206. 47. Voir mon article « Le panthéon de Patras et le témoignage de Pausanias : l’identité religieuse d'une cité grecque devenue colonie romaine «, Kernos, Suppl. 8 (1998), p. 195‑208. 48. IG V, 1, 209; 497; 559; 589; 602; SEG 11, 679. 49. Ibid., 305. 50. Ibid., 497 et 589. 51. IG V, 1, 206; 207; 209. Voir J.M. SANDERS, « The Dioscuri in Post-Classical Sparta », in O. PALAGIA, W. COULSON (éds), Sculpture from Arcadia and Laconia, Oxford, 1993, p. 217-224.

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52. SPAWFORTH (Hellenistic and Roman Sparta, p. 195) ne remet pas cette identification en doute (cf., en dernier lieu, « Spartan Cults under the Roman Empire », l.c. [n. 33], p. 233, n. 42) et en déduit qu’à l’époque augustéenne le culte s’était élargi pour inclure aussi Hélène, peut-être par suite d’une désaffection du culte d’Hélène et de Ménélas, tel qu’il est connu par un sanctuaire daté de la basse époque hellénistique. 53. Voir LIMC III (1986), s.v. « Dioskouroi », nos 134 et 145 (A. HERMARY) : les Dioscures, avec ou sans leurs chevaux, encadrent un xoanon féminin coiffé d’un calathos et tenant des bandelettes. 54. L. ROBERT, « Documents d’Asie mineure «, BCH 107 (1983), p. 553-579, traite de ces fausses parentés lacédémoniennes en Pisidie. 55. Voir les termes du problème posés par SPAWFORTH, « Spartan Cults under the Roman Empire », l.c. (n. 33), p. 233, n. 42. Cf. SANDERS, l.c. (n. 51), p. 218. 56. C’était un ami de Plutarque, comme d’autres membres de l’aristocratie sacerdotale de Sparte, tel Zeuxippos, dont une inscription du début du IIIe siècle (IG V, 1, 305) révèle qu’il était prêtre des Leucippides et des Tyndarides. Les liens avec les Tyndarides et Ménélas, le roi homérique de Sparte, – dont le culte, associé à celui d’Hélène, était devenu, selon l’expression de Malkin (La Méditerranée spartiate. Mythe et territoire, Paris, Les Belles Lettres, 1999, p. 42), un « point d’ancrage de l’identité nationale » – sont une manière pour la Sparte dorienne de réaffirmer son passé pré-dorien et « lacédémonien ». 57. Dans le texte IG V, 1, 209 sont énumérés toutes sortes de statuts sociaux. 58. Ces prêtrises sont rattachées à certaines branches des grandes familles qui dominent la société provinciale : les Tiberii Claudii, les Memmii, les Pomponii et les Sex. Pompeii. SPAWFORTH (Hellenistic and Roman Sparta, o.c. [n. 46], p. 164) note que pour 34 prêtrises civiques attestées à Sparte à l’époque romaine, toutes, sauf cinq, se révèlent tenues de façon héréditaire par seulement sept lignages différents. 59. IG V, 1, 497; 589; 608. 60. Qui s’exerce aussi sur les dieux « dont on a en même temps établi le culte dans les sanctuaires susdits » : καὶ τῶν συνκαθειδρυμένων θεῶν ἐν τοῖς προγεγραμμένοις ἱεροῖς. 61. IG V, 1, 586-587. 62. SEG 26, 429. 63. N’est-il pas significatif que dans la Bibliothèque d’Apollodore, le héros occupe l’essentiel du livre II ? 64. Définis par Pausanias (III, 14, 6) comme ceux qui passent de la jeunesse à l’âge adulte. 65. Cf. IG V, 1, 497; 589 et 608. 66. On rappellera par ailleurs la présence d’une statue d’Héraclès sur l’un des deux ponts donnant accès au Platanistas. 67. IG V, 1, 658. 68. Ibid., 674-688. Cf. SEG 11, 842-845 (+ addenda); 42, 318. Voir A.M. WOODWARD, « Some Notes on the Spartan Σφαιρεῖς », ABSA 46 (1951), p. 191-199 et Bull. épigr. 1952, 60. 69. Cf. supra, n. 46. 70. IG V, 1, 675. 71. Ibid. 559 et 602. 72. À moins qu’il apparaisse possible, à la suite de J. KEIL et A. VON PREMERSTEIN (Bericht über eine Reise, Denkschr. Akademie Wien, 53, 1910), de restituer le nom de ce concours dans l’énumération des victoires remportées par l’athlète M. Aurelius Demostratos Damas, originaire de Sardes, à des concours thématiques, dans une inscription datée de 212-217 ap. J.-C. (= MORETTI, IAG, 84, l. 19). 73. IG V, 1, 601. 74. Peut-être faut-il relier à cela l’attention que semble avoir porté le Périégète aux traditions qui rattachent les Dioscures plus spécifiquement aux Messéniens : cf. III, 26, 3; IV, 31, 9. 75. Cf. supra, n. 49.

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76. Voir LIMC, s.v. « Dioskouroi » l.c. (n. 53), p. 590. 77. Bibliothèque, II, 8, 4 (traduction J.-C. CARRIÈRE et B. MASSONIE).

RÉSUMÉS

La présente contribution se propose de réfléchir, à partir de l’exemple péloponnésien, au rôle joué par les références mythiques dans la représentation qu’élaborent d’elles-mêmes les cités grecques d’époque impériale romaine. Sans que soit négligé l’apport de l’archéologie, de la numismatique ou du texte de Pausanias, l’enquête s’appuie essentiellement sur les inscriptions honorifiques qui, même si elles s’inscrivent dans un cérémonial de la célébration publique, peuvent être considérées comme discours officiels, traces documentaires de la conscience de soi des cités. Dans le jeu complexe des influences romanisantes et de la continuité hellénique, la question sera aussi posée de la portée spécifique que prennent les références mythiques et, pour mon propos, spécialement les figures héroïques doriennes, dans la définition des axes grec et romain de l’identité civique.

Myth and civic identity in the Roman Peloponnese. In the present article, I explore how far mythical references are involved in the way the Peloponnesian cities define themselves during the Roman imperial age. Archaeological remains and numismatical material will be taken in account, but also Pausanias’ Description of Greece and mainly epigraphic texts, especially honorific inscriptions, which, despite their rhetorical phraseology, provide evidence of great interest for the study of self-definition in the cities of Roman Greece. Through a study of the relationship between Greek and Latin components of civic identity, I will try to make a reasonable assessment of the primacy of Dorian heroic characters, as revealed particularly throughout the Spartan epigraphic material, and I will ask whether this is to be understood as the expression of a distinct sense of Dorian self- consciousness.

AUTEUR

YVES LAFOND Université de Poitiers UFR Sciences Humaines et Arts

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Deux mythes de métamorphose en animal et leurs interprétations : Lykaon et Kallisto

Madeleine Jost

1 En intitulant un recueil d’articles « Interpretations of Greek mythology », J. Bremmer attirait l’attention sur la pluralité des approches possibles pour étudier les mythes grecs1. L’exemple de deux mythes arcadiens qui mettent en scène des métamorphoses en animaux permettra de montrer comment le consensus qu’obtient telle ou telle interprétation sur un mythe donné, la clé qu’elle procure, obéit à des courants de pensées qui doivent quelque chose à la mode. Au cours de son récit des Guerres messéniennes, Pausanias rapporte que les Arcadiens de la montagne avaient, au lieu de cuirasses et de boucliers, des peaux de loups et d’ours pour se protéger2; ce sont ces deux animaux emblématiques qui seront concernés dans ce qui suit.

2 Lykaon, le deuxième roi mythique d’Arcadie après Pélasgos, fut transformé en loup par Zeus. Au sanctuaire du mont Lycée, il faisait l’objet d’un récit de métamorphose que rapporte Pausanias3 : « Il apporta sur l’autel de Zeus Lykaios un nouveau-né humain, sacrifia le bébé et répandit son sang sur l’autel; et on dit qu’aussitôt après le sacrifice, il devint un loup au lieu d’un homme ». Selon d’autres versions4, la transformation en loup de Lykaon (et/ ou de ses fils) était la conséquence d’un banquet sacrilège : pour éprouver s’ils étaient bien en présence d’un dieu, Lykaon et/ou ses fils auraient servi à Zeus de la chair humaine. La responsabilité de cet acte impie était attribuée tantôt à Lykaon, tantôt, dans une version qui purifie le roi et le présente comme un homme pieux, à ses fils, les Lykaonides. La victime était, selon les auteurs, un hôte de Lykaon, un otage molosse qu’il avait à sa cour, ou, plus souvent un enfant, parfois même un propre fils de Lykaon ou son petit-fils Arkas. Zeus, furieux, renversa la table du festin, mettant fin avec éclat à la commensalité des hommes et des dieux. Il infligea en outre un châtiment au(x) coupable(s) : tantôt Lykaon est changé en loup, tantôt il est frappé par la foudre ou il voit sa maison foudroyée tandis qu’il se métamorphose en loup; les Lykaonides, quant à eux, sont foudroyés en même temps que lui ou foudroyés pour partie d’entre eux et changés en loups pour les autres. Plusieurs sources ajoutent que,

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pour punir la race humaine, Zeus envoya un déluge dévastateur. Parmi les châtiments infligés à Lykaon et à ses fils retenons la métamorphose en loup, présentée comme une punition au même titre que le foudroiement ou le déluge.

3 Au mythe de Lykaon, le Périégète oppose très clairement les récits relatifs à une lycanthropie qui se perpétuerait à son époque. Il affirme qu’il croit au sacrifice d’un enfant offert par Lykaon à Zeus Lykaios et à la métamorphose en loup de Lykaon, « parce que cette histoire est racontée par les Arcadiens depuis les temps anciens »; elle remonte à une époque où « les hommes étaient pour les dieux des hôtes et des commensaux », et où les dieux punissaient immédiatement les hommes. En revanche, il refuse d’ajouter foi à l’assertion selon laquelle, depuis Lykaon, un homme continuerait d’être changé en loup lors du sacrifice à Zeus et retrouverait sa forme humaine neuf ans après, à condition de s’abstenir de chair humaine : de son temps, en effet, nous dit- il, les liens entre hommes et dieux se sont distendus et la justice divine est plus lente à frapper les hommes; cette histoire n’est à ses yeux que « mensonge échafaudé sur des réalités vraies ». On le voit, Pausanias accorde foi à la tradition parce qu’elle est très ancienne; le mythe est considéré par lui comme une réalité. Au contraire, son refus de croire à la lycanthropie se fonde sur sa conception de l’évolution des rapports entre les dieux et les hommes. À ces considérations s’ajoute un argument de raison qui est développé par le Périégète à l’occasion de sa visite à Olympie : « À propos d’un boxeur, un Arcadien originaire de Parrhasie nommé Damarchos, tout ce que des hâbleurs ont raconté ne me paraissait pas crédible, à part évidemment sa victoire à Olympie : il aurait changé son apparence pour celle d’un loup lors du sacrifice à Zeus Lykaios et, après neuf ans, il serait redevenu homme. En tout cas, les Arcadiens non plus, me semblait-il, n’ont pas dit cela à son propos, car l’épigramme d’Olympie en parlerait; en voici le contenu : Le fils de Dinytas, Damarchos, consacra ce portrait, lui qui était par sa famille Parrhasien d’Arcadie »5.

4 S’agissant du pugiliste Damarchos, Pausanias ne peut pas croire qu’il ait été changé en loup, parce que l’inscription qu’il a vue à Olympie n’en fait pas mention. En conséquence, il récuse l’idée qu’une lycanthropie rituelle fasse partie des traditions du mont Lycée. Ajoutons que son attitude critique va certainement de pair avec sa répugnance vis-à-vis des sacrifices humains6, la lycanthropie étant liée à la consommation de la chair humaine provenant d’un sacrifice. Ainsi, il s’inscrit en faux contre une tradition dont Platon et Pline l’Ancien conservent le souvenir.

5 Platon dans la République 7 rapporte une tradition (muthos) racontée (legetai) dans le sanctuaire de Zeus Lykaios en Arcadie selon laquelle « lorsqu’on a goûté des entrailles humaines coupées en morceaux parmi celles d’autres victimes, il est fatal qu’on devienne un loup ». Pline l’Ancien, qui se fait l’écho de la même tradition, relate une anecdote : « Skopas, le biographe des Olympioniques, raconte que lors du sacrifice de victimes humaines que les Arcadiens faisaient encore de son temps à Jupiter Lycaeus, Déménètos de Parrhasie, après avoir goûté aux entrailles d’un enfant immolé, se trouva transformé en loup; que dix ans après, ayant retrouvé sa forme humaine, il reprit son entraînement athlétique et remporta à Olympie le prix de pugilat »8. La source de Skopas ne se laisse pas deviner et l’épisode est difficile à situer dans le temps; il concerne sans doute le même athlète que Pausanias nomme Damarchos et dont on date la victoire du Ve siècle ou des environs de 4009. Pline parle de « crédulité des Grecs » et

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de « mensonge ». Augustin rapporte la même histoire d’après Varron, qui l’aura prise chez Skopas; il la juge incroyable10.

6 Une autre tradition du même genre, rapportée par Pline et par Augustin d’après l’historien hellénistique Euanthès, est souvent invoquée à propos des rites du mont Lycée, quoi qu’elle ne soit pas explicitement rattachée à ce site. Mais comme l’anecdote joue un rôle important dans l’interprétation « initiatique » que l’on donne souvent de la lycanthropie, j’en reproduis ici la traduction : « Euanthès, qui n’est pas sans considération parmi les auteurs grecs, écrit que les Arcadiens rapportent ce qui suit. Un membre de la famille d’un certain Anthos, qui fait partie de leur nation, est tiré au sort et conduit au bord d’un étang de la région. Là, après avoir suspendu ses vêtements dans un chêne, il traverse l’étang à la nage, s’en va dans des régions désertes, s’y transforme en loup et se joint aux autres animaux de la même espèce pendant neuf ans. Si, pendant cette durée, il s’abstient de manger de l’homme, il revient au même étang et, quand il l’a retraversé à la nage, il recouvre sa forme, mais un vieillissement de neuf ans s’est ajouté à son aspect primitif. † Fabius † ajoute qu’il retrouve ses mêmes vêtements »11. En dépit de réelles ressemblances avec les textes précédents (période de neuf ans, abstention de chair humaine), le témoignage d’Euanthès offre tout au plus un parallèle aux histoires du Lycée12.

7 Si le mythe de Lykaon est considéré par Pausanias comme authentique, la lycanthropie est donnée comme un muthos arcadien par Platon, puis rejetée avec incrédulité par Pline et Pausanias. Nos contemporains ont accordé plus de crédit à la tradition et ont fait du mythe de Lykaon le mythe étiologique d’un rite. Voyons les trois grandes directions successives dans lesquelles s’est avancée la recherche.

8 Les traditions relatives à la lycanthropie ont très tôt retenu l’attention13 et une interprétation anthropologique a été assez vite formulée. Dans son commentaire à Pausanias, J.G. Frazer, qui fait un rapprochement avec les hommes-léopards de Banana, adopte une vision ethnographique14 dont on sait la longue carrière, marquée par l’étude des manifestations collectives dans lesquelles un groupe d’hommes s’assimile à tel ou tel animal dont il prend les qualités de force, de fécondité, etc.15 Ce type de comparaison est à l’origine de l’interprétation « totémique » de la lycanthropie : très vite prend corps l’idée de véritables confréries religieuses de loups garous16. Chez L.R. Farnell, l’affirmation que nous avons probablement affaire à un « cult of a wolf-clan » est encore timide; elle prend toute sa force avec les pages que lui consacre H. Jeanmaire dans ses Couroi et Courètes.Si l’on en tire toutes les conséquences, l’« hypothèse totémique » implique, à côté de l’existence d’une communauté d’hommes loups, celle d’un dieu loup que l’on met en rapport avec l’épiclèse de Zeus Lykaios; les sacrifices humains auraient été originellement les fêtes cannibaliques d’une tribu d’hommes loups, reconnaissant le loup comme totem. L’hypothèse est retenue par J.G. Frazer, L. Gernet, J. Przyluski et on la trouve encore, plus récemment, sous la plume de P. Lévêque17. Elle s’accompagne d’une conception du processus de développement de la religion grecque, exprimée par exemple par J. Harrison18, selon laquelle des dieux animaux auraient précédé les dieux anthropomorphes. Un autre développement de la théorie des confréries d’hommes loups, que l’on trouve déjà chez H. Jeanmaire, consiste à mettre en valeur l’origine initiatique de ces groupes : « La Grèce archaïque a connu… des confréries d’hommes-loups voués après initiation et pour une période de plus ou moins longue durée… à mener le genre de vie solitaire et sanguinaire de l’animal dont ils imitaient les mœurs », écrit-il19. Cette interprétation « initiatique » est appelée à un

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long succès. Avant d’y venir, voyons comment l’hypothèse de Zeus Lykaios / dieu loup a été abandonnée.

9 Dès 1914, A.B. Cook élevait une objection d’ordre philologique : l’épiclèse Lykaios, mise par les tenants du dieu loup en rapport avec lukos, ne peut dériver du nom du loup20. Il y a plus fondamental : le concept de dieu animal précédant un dieu humanisé (comme on peut s’autoriser à l’examiner pour l’Egypte ou la Mésopotamie) n’a aucune raison d’être retenu en Grèce21. Il m’était apparu plausible pour Poséidon Hippios22, à la lecture d’un texte mycénien cité par Palmer. À ce qu’il semble, le texte ne désigne pas un dieu cheval, mais il donne un anthroponyme23. Même dans le cas d’Artémis, on le verra, il n’y a aucune évidence qu’elle ait été une déesse ourse. On ne croit donc plus aujourd’hui à l’existence d’un dieu loup.

10 Reste l’idée d’initiation, qui a fait fortune. Le « scénario initiatique » décrit par W. Burkert en donne un brillant exemple. D’après lui, « en combinant les rumeurs sur le sacrifice arcadien et les mythes locaux, on arrive à la description d’un rituel entièrement réel et institutionnalisé »24.Après un sacrifice lors duquel les jeunes, l’esprit surexcité, pouvaient croire qu’ils avaient consommé de la chair humaine, les « mangeurs », devenus « loups », s’écartaient des hommes pendant neuf ans25. Mais « l’exclusion », liée à une classe d’âge, précédait « l’inclusion » dans la société des adultes. C’est l’idée que développe par exemple P. Bonnechere lorsqu’il écrit : « Les jeunes auraient été amenés à s’écarter de leur cadre de vie habituel et à faire les loups, au même titre que les fillettes de Brauron et de Munychie faisaient les ourses, avant de revenir conquérir leur titre de citoyen, à l’instar des Spartiates soumis pour un an à la cryptie »26. Le « scénario initiatique » est désormais associé à une initiation de type tribal plutôt qu’à l’initiation à une société secrète de loups-garous27. Cette initiation, comme la définit C. Calame, a pour « fonction d’assurer rituellement la transition sociale de la première adolescence à l’âge adulte en insérant jeunes filles et / ou jeunes gens dans la communauté des adultes pour leur attribuer le rôle actif et le statut social attendus »28. On renonce donc aux confréries de loups-garous de H. Jeanmaire et à la « projection dans une histoire évolutionniste des coutumes primitives des indigènes »29 – elles-mêmes mal étayées –, pour parler d’un rite de passage vers l’« acquisition du statut d’adultes »30. Dans cette perspective, la transformation en loup n’est plus « la récompense suprême au sein d’un wolf-clan, mais plutôt le service requis en expiation d’une faute mythique initiale »31.

11 L’explication n’est guère satisfaisante. En premier lieu, on objectera que le texte qui se prête le mieux à une interprétation de la lycanthropie comme rite initiatique, celui d’Euanthès cité par Pline, ne concerne pas sûrement le sanctuaire du mont Lycée; or il sert de pierre angulaire aux démonstrations de H. Jeanmaire ainsi que de W. Burkert. « Les précisions données sur les conditions dans lesquelles s’accomplissait cette métamorphose ont un intérêt remarquable, écrit H. Jeanmaire, comme exemple de rites de passage (dépouillement d’habit, nudité rituelle, franchissement de la rivière) »32. Notons que la mention d’une étendue d’eau stagnante en Arcadie n’oriente pas vers le mont Lycée, dont l’aridité avant que n’ait surgi la Néda était légendaire33, mais plutôt vers les bassins de l’Est, où les lacs et les surfaces inondées sont fréquents (Stymphale, Phénéos, Tégée par exemple); en fait, la proposition de P. Bonnechere de restituer la présence d’un petit étang à proximité du Lycée paraît surtout dictée par les besoins de la cause « initiatique »34. Outre l’absence de renvoi explicite au mont Lycée ou à Zeus Lykaios, le mode de désignation par tirage au sort dans le genos des Anthides, à la place

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du sacrifice dont parlent les autres sources, fait problème. D.D. Hugues, après W. Burkert, suggère une évolution du rite dont la version de Pline représenterait une forme plus civilisée, réservée à une famille particulièrement conservatrice; mais cette hypothèse n’est qu’un pis-aller35.

12 Restons-en aux textes sûrement reliés au sanctuaire du Lycée; décrivent-ils un rite d’initiation ? Pour ce qui est du sacrifice humain, point de départ du rituel, le « scénario initiatique » l’interprète comme une mort symbolique « représentant une mort à l’enfance » (Bonnechere). Ce n’est pas impensable en soi, car il faut avouer qu’on manque de certitude sur la réalité du sacrifice, mais celle-ci n’est pas impossible non plus36. En revanche, la durée de neuf ans attribuée à la lycanthropie est, de prime abord, trop longue pour un rite de passage37, et il ne paraît pas convaincant de répondre qu’il s’agirait d’une « énnéatéride factice », le temps réel de l’initiation étant en fait plus court38. L’âge supposé des protagonistes pourrait convenir à un rite d’initiation si l’on se réfère à l’exemple de l’athlète Damarchos : W. Burkert propose de placer sa lycanthropie entre 16 et 25 ans39, mais Lykaon, qui serait le premier initié, a été transformé en loup alors qu’il sacrifiait à Zeus en tant que roi du pays, alors donc qu’il était déjà intégré dans la catégorie des adultes. Plus grave, le fait qu’une seule personne soit concernée à chaque fois cadre mal avec ce que l’on entend habituellement par initiation tribale, en relation avec une classe d’âge; comme pour les Anthides, les tenants de l’initiation font appel à l’idée que cette initiation sélective n’est qu’une « survivance » d’un temps où tous les initiés subissaient la transformation40; le lycanthrope représenterait sa classe d’âge. Pas plus que précédemment cette perspective évolutionniste n’est satisfaisante. Enfin on objectera au « scénario initiatique » qu’il donne une valeur positive à une métamorphose que les sources antiques considèrent comme un châtiment. L’interprétation de la lycanthropie comme rite d’initiation n’est donc pas convaincante.

13 D.D. Hugues déjà, à propos des pages enthousiastes de W. Burkert, écrivait non sans humour : « The reader may begin to feel that initiation has supplanted the Corn Spirit, Yeae Demons, totems, Dying Gods, and Slain Kings of yesterday as a convenient but facile and unfounded explanation of some of the more puzzling rituals of the anciens » 41. Il rejoint K. Dowden qui fustige « the initiatory panacea »42 – tout en l’utilisant abondamment. Aujourd’hui, la notion même d’initiation tend à être mise en question par certains de ceux-là même qui l’avaient mise en œuvre. F. Graf43montre comment ce concept, qui n’a aucun équivalent en grec, connaît son apogée dans les années 1960/70; il remplace alors le paradigme de la fertilité qui avait fait les beaux jours de la période d’urbanisation et d’industrialisation de la fin du XIXe siècle, entraînant en contrepartie la nostalgie et l’idéalisation de la vie rurale primitive. Son aspect subversif explique en partie son succès, car le rapprochement de ces rites avec les rites de sociétés primitives était en contradiction avec l’humanisme des études classiques pendant le début du XXe siècle. Et C. Calame de conclure : « L’engouement pour la notion opératoire que constitue le rite d’initiation tribale fait figure de mode »44.

14 Autres temps, autre mode : le concept d’initiation n’est plus d’actualité aujourd’hui. Dès lors, il convient de réexaminer la légende de Lykaon qui est généralement considérée par les tenants de l’interprétation « initiatique » comme un mythe fondateur. Il apparaît vite que ce mythe n’a rien à voir avec un mythe d’initiation45. Lykaon n’est pas le prototype des hommes loups : sa transformation en loup n’est pas temporaire; elle est définitive et elle ne prélude pas à une réintégration dans la communauté des

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hommes46. Lykaon est un loup – l’animal dont il porte le nom –, pas un loup-garou. Qui plus est, il n’est pas cannibale, pas plus que Tantale qui offre un repas sacrilège aux dieux47. Ces points de divergence avec les histoires de loups-garous invitent à étudier le mythe pour lui-même48, indépendamment de la lycanthropie. C’est par le biais de cette étude, pour laquelle l’ouvrage de G. Piccaluga paru en 1968 avait donné de sérieuses bases, qu’un nouveau courant d’interprétation se fait jour actuellement.

15 Le thème de l’ambivalence, sur lequel j’avais insisté jadis, après G. Piccaluga, est à la base des interprétations récentes49. Lykaon est à la fois un héros civilisateur et l’auteur d’un sacrifice criminel. « Selon une tradition rapportée par les Arcadiens, Lykaon, raconte Pausanias, fonda la cité de Lykosoura sur le mont Lycée, il donna à Zeus le surnom de Lykaios et institua le concours des Lykaia »50. Comme le note M. Detienne, le temps de Lykaon marque une rupture avec le temps qui le précède, celui de Pélasgos, « l’âge de la cueillette et des cabanes, quand la première humanité, si démunie, semble ignorer toute distance d’avec la race des dieux »51. Lykaon est un « bon héros » que l’on peut mettre en parallèle avec Kékrops52 : un texte de Philochore fait de ce roi celui qui donne son nom à la cité d’Athènes, qui institue le sacrifice (le premier, il sacrifie un bœuf à Zeus) et qui attribue à Zeus son appellation53. Naissance d’une cité, sacrifice, épiclèse de Zeus, tels sont aussi les trois domaines où s’illustre Lykaon : il apparaît comme le promoteur d’une nouvelle étape dans la vie civilisée. Nicolas de Damas lui attribue d’ailleurs la dikaiosune54, et l’image de l’homme pieux est sauvegardée dans la version du banquet sacrilège offert à Zeus qui laisse Lykaon à l’écart et impute l’impiété à ses fils, les Lykaonides. Que penser alors de l’offrande à Zeus de chair humaine ? Tant pour ce qui concerne l’immolation d’un enfant chez Pausanias que pour le repas cannibale offert à Zeus dans les autres versions, G. Piccaluga a bien noté que, même lorsque l’acte est présenté comme odieux, un bon nombre de sources utilisent pour le désigner les verbes sphattein, sphagiazesthai, thuein, qui sont les termes du sacrifice. L’acte a, en quelque sorte une double valeur : sacrilège, il attire le châtiment; sacré, il fonde un rite. On pense au sacrifice du bœuf lors des Bouphonies à Athènes : J.-L. Durand a bien montré, à propos du « premier meurtre / sacrifice » accompli par Sopatros, comment son « impiété primordiale » est punie par le biais de la mise en jugement de la hache, tandis qu’il permet que « le lien avec la divinité [se mette en place] »55. On peut penser de même que le banquet sacrilège / sacré de Lykaon ne devait pas être fondamentalement incompatible avec l’image d’un roi pieux. C’est cette vision positive du personnage que donne Pausanias. Pourtant Lykaon est aussi, aux yeux de Zeus et aux yeux de la postérité, « un homme bien connu pour sa férocité », comme le désigne Ovide56, puni par le maître des dieux pour son impiété. Par son offrande sacrilège, Lykaon se rattache encore « au temps de la vie bestiale » dont l’anthropophagie est un des caractères. Le règne de Lykaon, encore proche du theriodes bios57 des origines, n’est pas totalement dégagé de la sauvagerie.

16 Dès lors les explications les plus récentes de la métamorphose en loup de Lykaon tournent autour de l’idée de bestialité. Focalisées sur le personnage de Lykaon, elles font peu de cas de la lycanthropie. En 1937, R. Eckels avait déjà insisté sur la fréquence du thème du loup-garou dans la littérature européenne et folklorique; il plaçait les histoires du mont Lycée au rang de forfanteries dont Pausanias aurait été victime : « the mountainer loves to épater les bourgeois » écrit-il 58. La question est aussi évacuée, plus récemment, par P.M.C. Forbes Irving qui s’appuie également sur la fréquence des histoires de loups-garous dans le folklore européen; on en trouve plusieurs exemples dans l’antiquité tardive (Pétrone, Ésope59) et il a dû en exister en Arcadie, ailleurs aussi

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que sur le mont Lycée, comme le suggère le texte d’Euanthès. Dans le sanctuaire de Zeus, elles pouvaient être liées au sacrifice dont le caractère secret encourageait les rumeurs sombres; peut-être le mythe de Lykaon lui-même a-t-il favorisé une telle extension.

17 Revenons à Lykaon60. Son crime date la séparation entre les hommes et les dieux. Auparavant, Lykaon avait coutume de recevoir les dieux à sa table (Pausanias parle de la commensalité entre les dieux et les hommes à son époque).En offrant de la chair humaine à Zeus, Lykaon offense le dieu; dans la version où il présente la chair en nourriture à Zeus, il brise aussi le « code alimentaire » et rabaisse en quelque sorte le dieu à l’état bestial : le cannibalisme est en effet perçu comme le symbole même du retour à la sauvagerie61. Zeus renverse la table de son hôte, dans un geste hautement symbolique62, et s’écarte désormais des hommes. Ainsi, l’offense de Lykaon détermine une nouvelle relation, plus distante, entre les dieux et les hommes63.

18 Comme châtiment de l’impiété de Lykaon, Zeus choisit d’en faire un animal qui symbolise lui aussi la sauvagerie. Non seulement le loup est d’une « voracité sanguinaire », mais plus qu’un être asocial, c’est, comme l’ont montré M. Detienne et J. Svenbro, « l’ennemi mortel de toute communauté »64. Le choix de cet animal renvoie à la sauvagerie de Lykaon. Mais il y a plus : la bestialité dans laquelle est plongé Lykaon symbolise le contraste entre la civilisation qu’il avait établie et le monde sauvage où le ramène son acte. Au total, selon P.M.C. Forbes Irving, on a donc un « mythe étiologique », qui fonde à la fois la distinction entre les hommes et les dieux, et la distinction entre les hommes et les animaux65. Originellement, hommes, bêtes et dieux étaient très proches; désormais les dieux sont dans un monde à part; Lykaon-roi est le premier homme civilisé et Lykaon-loup est un animal, le loup, symbole du monde des bêtes dans son opposition aux hommes et aux institutions. En Lykaon se succèdent en s’opposant la conduite de l’homme et celle de l’animal.

19 À cette dualité de Lykaon, M. Detienne donne un sens. Il interprète la métamorphose en loup comme une « régression » de la civilisation à la bestialité : c’est l’illustration de « la loi du retour possible à un état antérieur »; les Arcadiens découvrent à cette occasion « que le progrès n’est pas nécessairement irréversible, que la régression fait partie des possibles dans l’histoire de l’humanité »66. Ph. Borgeaud déjà avait souligné, en s’appuyant sur l’oracle de Delphes qui menace les Phigaliens d’un retour à l’anthropophagie, le caractère « toujours provisoire et mobile » de la « société » arcadienne; il analysait la royauté de Lykaon comme un règne « transitoire » : la bestialité du repas qu’il offre à Zeus montre en effet que son règne, qui correspond à l’avènement d’une ère en apparence civilisée, n’est en fait pas encore détaché du thériodès bios67. Comme le note M. Detienne, « dans la mémoire grecque de l’archaïcité, Lykaon… semble affirmer l’impossible partage radical entre hommes, bêtes et dieux »68 et le retour éventuel à la sauvagerie. D’où l’idée que la « transgression » (le sacrifice impie) induit la « régression » (la métamorphose en loup). Ce schéma, « transgression/ régression », qui souligne la perméabilité de la frontière entre le « civilisé » et le « sauvage », est en passe de remplacer l’interprétation initiatique. L. Gourmelen, dans un ouvrage récent, intitule un de ses développements « Métamorphose : régression vers l’animalité »69 et, s’il prend soin de préciser en note qu’il n’écarte pas pour autant d’autres interprétations de type initiatique ou totémique, il est néanmoins représentatif d’un nouveau courant de pensée70. Que l’on opte pour la « distinction » entre les espèces de P.M.C. Forbes Irving ou pour « l’impossible partage » de M.

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Detienne, on est dans un même système explicatif qui confronte les notions de « sauvage » et de « civilisé », tantôt en les opposant, tantôt en soulignant leur complémentarité. Ce sont les mêmes concepts que l’on retrouvera pour Kallisto.

20 « En plus de sa descendance mâle, rapporte Pausanias71, Lykaon eut une fille, Kallisto » . Cette Kallisto, dit-il, s’unit à Zeus et Héra la transforma en ourse. C’est la métamorphose de Kallisto en ourse qui nous intéressera. La légende est connue sous d’assez nombreuses formes et la recherche s’est souvent focalisée sur l’idée de reconstruire les versions perdues afin de parvenir à restituer une « version originale » 72; on admet aujourd’hui que celle-ci est impossible à établir de manière incontestable73. A. Henrichs74, dans une « approche mythographique », essaie du moins de retracer l’histoire des traditions, ce qui engage à éviter de les mettre toutes sur le même plan. Quoi qu’il en soit, c’est à nouveau l’évolution des interprétations proposées depuis l’ouvrage fondateur de R. Franz75, paru en 1890, que l’on étudiera.

21 Le mythe comporte plusieurs thèmes. Quitte à revenir sur tel détail d’une autre source, on en aura un aperçu commode en partant de la Bibliothèque du Pseudo-Apollodore, qui fait état de diverses versions : « Kallisto était compagne de chasse d’Artémis, portait les mêmes vêtements qu’elle et avait juré de rester toujours vierge. Zeus étant devenu amoureux d’elle, la viola, ayant pris à cet effet l’apparence d’Artémis selon les uns, d’Apollon selon les autres. Il la changea en ourse pour la cacher d’Héra; mais cette déesse la fit tuer par Artémis à coup de flèches, comme une bête sauvage. D’autres disent qu’Artémis la tua parce qu’elle n’avait pas conservé sa virginité. Zeus enleva son enfant et, l’ayant porté en Arcadie, le confia à Maïa pour qu’elle l’élevât et lui donna le nom d’Arkas; il changea ensuite Kallisto en constellation et c’est elle qu’on nomme l’Ourse ». Les épisodes essentiels sont les amours d’une jeune fille avec Zeus, la métamorphose en ourse de la jeune femme (attribuée ailleurs soit à Zeus soit à Héra)76, la mission confiée à Maïa et à Hermès d’élever Arkas et le catastérisme final77. Dans les chapitres introductifs des Arkadika, Pausanias expose une version « panhellénique » qui correspond à ce schéma pour l’essentiel78 : Kallisto s’unit à Zeus; Héra, jalouse, transforme Kallisto en ourse et Artémis la tue d’une flèche. Zeus envoie Hermès pour sauver l’enfant que porte Kallisto; d’elle, il fait alors une constellation, la Grande ourse. Mais le Périégète note lui-même la contradiction qui existe entre la version « panhellénique », avec le catastérisme – sans doute précédé de la métamorphose en ourse –, et la tradition locale arcadienne qui montrait un tombeau de Kallisto sur la route qui mène de Mégalopolis à Trikolonoi : il a vu « un tertre élevé, avec une quantité d’arbres tant sauvages que cultivés; au sommet du tertre il y a un sanctuaire d’Artémis dite Kallisté »)79. À ce qu’il semble, comme le pensait déjà W. Sale80, la version de Trikolonoi, ignorait la métamorphose comme le catastérisme; la tombe, dont l’aspect est celui des sépultures que l’on réserve aux héros depuis Homère81, implique une mort humaine82. Un premier problème se pose donc : le thème de la métamorphose a-t-il eu cours en Arcadie ?

22 Un seul autre texte que celui de Pausanias suppose la même version qu’à Trikolonoi, le Certamen Hesiodi et Homeri, un recueil de l’époque d’Hadrien qui remonte peut-être au sophiste Alcidamas (ca 400 av. J.-C.)83. L’un après l’autre, Homère et Hésiode déclament un vers : « Mais lorsqu’elle se fut laissé dompter par le mariage, Artémis qui lance des traits… », commence Hésiode qui espère embarrasser Homère en laissant entendre qu’Artémis a connu le mariage, « Artémis tua Kallisto de son arc d’argent » poursuit Homère en déjouant le piège. Comme dans la tradition rapportée par Pausanias,

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Kallisto, dans ce passage, aurait été tuée sous la forme d’une jeune femme84. Le témoignage des monnaies d’Orchomène85, une cité qui n’est pas très éloignée de Trikolonoi, semblerait aller dans le même sens. On y voit au droit Artémis qui vient de décocher une flèche et, au revers, une jeune femme assise sur un rocher qui s’effondre en arrière, le sein percé d’une flèche; près d’elle, le petit Arkas. La transformation en ourse (qui figure sur quelques vases apuliens86) n’est pas évoquée ici. Il est vrai que, sur le champ restreint d’une monnaie les indications, très discrètes sur les vases, d’oreilles d’ours et de pelage n’auraient guère été perceptibles; ajoutons que le monnayage arcadien ne fait jamais place au thériomorphisme, même lorsque celui-ci est attesté dans la littérature87. Quoi qu’il en soit, c’est la version de Trikolonoi que l’on reconnaît sur le monnayage : Artémis, qui a précisément un sanctuaire sur le tertre funéraire de Kallisto, est celle qui lui a donné la mort, après qu’elle fut mère d’Arkas. La version locale devait donc être la suivante : Kallisto, pour s’être unie à Zeus, est abattue d’une flèche par Artémis et enterrée sous un tertre.

23 Cette tradition locale rapportée par Pausanias est peu répandue et de peu d’écho dans la littérature. Il n’y a pourtant pas lieu d’en suspecter l’authenticité. Pausanias a recueilli la version sur le site, qu’il a personnellement visité : les notations de chemin « escarpé » jusqu’à Krounoi, puis de « descente »88 garantissent l’« autopsie ». On aura soin seulement de ne pas confondre, comme fait W. Sale89, authenticité et ancienneté. La tradition que donne Pausanias ne se laisse pas dater. Le témoignage des monnaies inviterait à remonter au IVe siècle; quant à la forme de la tombe, un tertre de terre, elle n’a pas d’âge : aussi bien le tombeau mythique de Pénélope que celui du tyran de Mégalopolis Aristodémos à l’époque hellénistique sont désignés comme gès chôma90.

24 Indépendante de la version de Trikolonoi, la tradition littéraire localise Kallisto en Arcadie (elle habite cette région où elle aime chasser avec Artémis) et, dès Hésiode91, elle connaît le thème de la transformation en ourse. S’appuie-t-elle sur une tradition arcadienne ? Selon J. Larson, la tradition de la métamorphose se rencontrait sûrement en Arcadie, ailleurs qu’à Trikolonoi92. Le nom d’Arkas, fils de Kallisto, évoque celui de l’ours (arktos) et l’on peut supposer qu’un mythe faisant naître Arkas d’une ourse a bien existé dans la région93. Les attestations d’une telle version font cependant défaut. Un texte d’Ar(i)aithos de Tégée94 rattache « Mégisto » (i.e. Kallisto) à Nonakris : sans qu’on en connaisse le contenu, une version du mythe de Kallisto pourrait donc être localisée en Arcadie du NE; les monnaies de Phénéos qui, au IVe siècle, représentent Hermès avec le petit Arkas dans les bras appartiennent au même secteur géographique. Mais il n’est pas certain qu’il faille prendre la mention de Nonakris au pied de la lettre, car « Nonakris » a plusieurs fois dans les sources un sens assez vague95. On en dirait autant pour la virgo Tegeaea d’Ovide, dont la localisation semble approximative96. Une tradition relative à Kallisto pourrait avoir été ancrée autour du mont Lycée : outre les traditions qui font de la jeune femme une fille de Lykaon97, plusieurs récits se rattachent au mont Lycée. Un texte hésiodique98 racontait comment, l’ourse Kallisto s’apprêtant à entrer dans l’abaton de Zeus sur le mont Lycée et les Arcadiens voulant la tuer, Zeus la changea en astre. Une tradition peut-être plus tardive reliait Arkas et Lykaon, en faisant d’Arkas la victime du banquet cannibalique de Lykaon99. Au total, on n’a pas la preuve avérée que l’histoire de la métamorphose fut bien élaborée en Arcadie, mais, quoi qu’il en soit, l’Arcadie était dans l’imaginaire grec une région où la métamorphose en animal paraissait un châtiment plausible, et les sources littéraires associent étroitement le mythe de la métamorphose en ourse de Kallisto et l’Arcadie.

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25 K.O. Müller a été le premier à interpréter Kallisto comme ancienne déesse ourse, simple dédoublement d’une Artémis qui aurait même nature. À l’origine Artémis ourse était mère d’Arkas. Lorsque la conception faisant d’Artémis une vierge se fut imposée, rendant sa maternité impossible, on lui aurait inventé une compagne, Kallisto, sur qui l’histoire aurait été transférée en même temps que la forme d’une ourse100. Kallisto transformée en ourse est somme toute identique à Artémis, ourse elle aussi. Pour identifier Artémis et Kallisto, il y a la ressemblance entre les deux figures, toutes deux chasseresses, et le fait qu’Artémis Kallisté, « la Très Belle », avait un temple sur le tertre funéraire de Kallisto. L’idée que Kallisto est l’hypostase d’une déesse ourse est explicitement formulée dans le Kleine Pauly en 1969 : « Artemis Kallisto, deren Hypostase sie ist »101; elle est encore affirmée ou latente dans les années 1970-1980 chez P. Lévêque, M. Maggiulli, L. Kahil ou R. Arena102. Dans ce système, le choix de l’ours pour la métamorphose est imputé tantôt au rapprochement entre Arkas et l’ours, arktos103(Arkas, lié par son nom à l’ours, devrait alors avoir une mère ourse), soit par un lien privilégié d’Artémis avec l’ours104.

26 Déjà mise en doute par M.P. Nilsson, puis par W. Sale, l’hypothèse examinée est aujourd’hui abandonnée105 : tant l’affirmation qu’Artémis ait été une déesse ourse que l’idée que Kallisto ait remplacé Artémis dans le mythe manque de fondement. Commençons par la prétendue déesse ourse, Artémis. Il n’y a pas de raison d’y accorder foi. La théorie qui fait dériver le nom d’Artémis d’ar(k)tos, l’ours est fragile106. Aucune épiclèse d’Artémis ne dérive du nom de l’ourse, aucune légende ne fait allusion à un thériomorphisme de la déesse, fut-il passager comme, par exemple, pour Poséidon à Thelpousa quand il se transforme en cheval107. Même à Brauron, dont on invoque souvent le parallèle, le rite de l’arkteia célébré en l’honneur de la déesse n’implique pas autre chose qu’un lien privilégié entre Artémis et l’ours; l’ourse, dissociée de la déesse, subsiste comme animal sacré et un fragment de cratérisque la représente à Brauron108. En tant que potnia theron, Artémis est simplement la déesse protectrice des animaux sauvages et en particulier de l’ours109. Ajoutons enfin que dans le mythe de Kallisto la forme ursine, loin d’être vue de manière positive comme une qualité divine, est présentée comme un châtiment. Au total, pas plus que pour le présumé dieu loup, le concept de dieu animal ne doit être retenu.

27 Venons-en à « l’hypostase », Kallisto. On ne trouve pour elle aucune trace d’un statut héroïque ou divin hérité de la déesse Artémis. De la proximité avec Artémis, honorée sur le tertre de Kallisto, que souligne l’épiclèse de la déesse (Kallisté), ne découle évidemment pas l’identité. Si on laisse de côté la glose d’Hésychios qui parle pour Kallisto de gynaikeia théos (c’est un unicum)110, en Arcadie rien n’implique que Kallisto ait été associée au culte d’Artémis Kallisté111, comme Iphigénie à celui de l’Artémis de Brauron112. Rien non plus ne permet de supposer une fête en son honneur113. Il n’y a d’ailleurs aucune nécessité que cette compagne d’Artémis ait été une ancienne déesse : le thème de la compagne chasseresse, qui se retrouve pour Atalante, ne renvoie pas à autre chose qu’à un schéma expliquant de manière redondante la nature chasseresse d’Artémis. La théorie de Kallisto « hypostase » d’Artémis paraît donc gratuite114, et elle a en outre l’inconvénient de présenter la forme d’ourse revêtue par Kallisto comme une qualité de nature, alors que le mythe la présente comme une métamorphose, thème qu’il convient de ne pas perdre de vue.

28 Dans les années 1980, on voit le concept d’initiation étendre son application au mythe de Kallisto et éclipser la notion d’« hypostase ». A. Henrichs, par exemple, en formule

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l’hypothèse en 1981, puis, en 1987115, il constate que « Kallisto est largement vue comme un modèle mythique pour l’initiation des adolescentes et leur entrée dans le monde adulte, par analogie avec le rite de l’arkteia lors duquel des groupes de fillettes prépubères ‘faisaient l’ourse’ dans divers sanctuaires d’Artémis ». De la même façon, K. Dowden note que le lien entre l’arkteia et Kallisto, « quoique non attesté dans les sources anciennes », est rendu vraisemblable par des similitudes de structure116 : Kallisto vit avec ses compagnes retirée du groupe social, comme les fillettes rejoignent Artémis117. Puis Kallisto prend la forme de l’ourse, comme les fillettes à Brauron « font l’ourse ». Comme à Brauron enfin, après une période de ségrégation, une mort symbolique et un passage rituel, les jeunes filles devenaient métaphoriquement des ourses; elles étaient préparées pour le mariage. La légende de Kallisto se résumerait alors ainsi, selon P. Bonnechere : « d’adolescente vierge, la nymphe passe à l’état de femme adulte ‘belle’ et génitrice »118. L’ourse n’est plus alors liée au nom d’Arkas; c’est plutôt le « symbole thériomorphique d’un statut biologique ou social », selon l’expression de A. Henrichs119. C. Sourvinou-Inwood, parlant de Brauron, voit dans l’ours « un animal capable d’être apprivoisé », qui est donc une très bonne métaphore pour la « fille sauvage » que le rite apprivoise;l’ourse est aussi par excellence le symbole de la mère qu’est appelée à devenir la jeune fille120. Du mythe, on est passé au rite. K. Dowden, tout en reconnaissant qu’il n’y a pas l’ombre d’un rite évoquant l’ arkteia autour de Kallisto, revendique le droit de restituer le rituel d’après le mythe (« c’est un plaisir de l’enquête que le rite puisse être restitué d’après le mythe »)121; il imagine ainsi qu’une jeune fille choisie enlevait son vêtement, se baignait et, avec un nouveau vêtement, devenait Ourse d’Artémis. Non seulement les rites de Brauron servent souvent de « parallèle » aux tenants de l’interprétation initiatique de Kallisto, mais A. Henrichs va jusqu’à affirmer un lien très fort entre la figure arcadienne et le sanctuaire attique : la représentation sur le fragment de cratérisque publié par L. Kahil de deux personnages à tête d’ours comporterait à la fois un propos cultuel et une référence mythique à Kallisto et à Arkas122, qui seraient ici représentés en ours; la transformation en ourse de Kallisto serait à l’arrière-plan du rite de l’arkteia qui en serait à Brauron la « réactivation ». Le mythe de Kallisto est-il donc étiologique d’un rite initiatique ? Est-il légitime de restituer le rite d’après le mythe ?

29 On soulignera, en premier lieu, que le thème de l’arkteia et celui de la métamorphose de Kallisto sont souvent interprétés l’un en fonction de l’autre. A. Brelich par exemple cite Kallisto comme parallèle en note à un long chapitre sur « Le fianciulle ateniesi », tandis que R. Arena parle de Brauron dans un article sur Kallisto123, et C.A. Faraone considère que le mythe péloponnésien et ses « thèmes initiatiques » ont aidé à l’interprétation des rites d’Attique. Mais un récent article de C.A. Faraone met précisément en doute l’interprétation de l’arkteia comme rite d’initiation124. Après avoir réexaminé l’ensemble des textes, l’auteur conclut que le rite n’a rien à voir avec « une initiation liée à une classe d’âge, un culte à mystère ou une quelconque sorte de préparation ou d’endoctrinement relatifs au mariage ». « Faire l’ourse » n’impliquerait pas une imitation de l’animal – elle n’est évoquée que tardivement par les textes –, mais à l’instar d’autres personnels des temples qui sont nommés d’après des animaux, le verbe désignerait un service divin de nature sacrificielle, ici en relation avec l’idée d’apaisement de la déesse, pour écarter de la cité famine et peste et, plus particulièrement, pour conjurer la crainte de la mort avant le mariage125. On devrait donc renoncer à tirer argument de l’arkteia pour voir dans le mythe de Kallisto un schéma initiatique126. Il y a aussi des raisons propres au mythe arcadien.

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30 Dans les différentes versions du mythe, on constate que la métamorphose en ourse n’est pas liée à une période de dévotion à Artémis; elle se présente plutôt comme un châtiment et une expulsion du monde de la déesse127. Ce n’est pas non plus une préparation à la réintégration dans la société : la transformation de Kallisto prélude à sa mort et/ou au catastérisme, et il serait bien arbitraire d’arguer que la mort n’est que symbolique si l’on prend en compte l’existence d’un tombeau de Kallisto en Arcadie128. C’est encore moins une préparation au mariage et à la maternité : séduite par Zeus, Kallisto donne naissance à un bâtard, Arkas, et l’enfant est dès la naissance retiré à sa mère pour être confié à des bergers ou à Maïa129. Bref, le mythe de Kallisto n’a de commun avec Brauron que la mention de l’ourse130 et le voisinage d’Artémis; ce n’est pas un mythe d’initiation. De ce fait, il est totalement hasardeux de vouloir passer du mythe au rite : l’idée de déduire d’un mythe un rite supposé, que rien n’atteste, n’est pas ici de bonne méthode131.

31 Dès lors, l’idée d’un rituel d’initiation cède la place au système « transgression/ régression »132. Ph. Borgeaud déjà, en 1979, tout en soulignant le « caractère d’initiation féminine » que revêt le séjour de Kallisto auprès de la déesse, limitait la portée de l’explication du mythe comme initiatique133 : « L’agogé de Kallisto ne saurait toutefois être assimilée… à une institution de type initiatique, qu’elle décrirait »; il faisait observer à juste titre que « dans ce mythe de passage, la maternité, loin de paraître comme l’objet auquel prépare l’agoge, est présentée comme une transgression violemment imposée par Zeus à une héroïne dont l’attitude tout entière trahit le refus de la condition féminine ». Plusieurs analyses du mythe proposées dans les années 1990-2000 s’attachent à la transgression de Kallisto. L’accent est porté sur le fait que cette transgression est de nature sexuelle. C’est ce que notait Ph. Borgeaud : « La métamorphose en ourse… entretient une relation d’implication avec le thème de l’union sexuelle et de la grossesse qui rompent avec l’appartenance de Callisto à Artémis »134. P.M.C. Forbes Irving le dit explicitement : « C’est comme résultat d’une activité sexuelle illicite que Kallisto devient un animal »135. L’idée est la même chez C. Sourvinou Inwood; elle souligne que le contact érotique avec les dieux est dangereux pour les mortels; le résultat est que la femme (ici Kallisto) perd son humanité et verse dans le pôle de l’animalité136. Même si la transgression n’a pas été voulue, ajoute D. Lyons, le passage de la virginité à la vie sexuelle par le biais de relations illicites provoque une réaction violente d’Artémis137. Chez tous ces auteurs, le « paradigme de la transgression sexuelle » est l’explication de l’antagonisme entre Artémis et Kallisto138 et de la métamorphose en animal de Kallisto. Le choix de l’animal, une ourse, n’est plus lié au caractère maternel de celle-ci; l’ourse est désormais un symbole de sauvagerie, un animal inapprochable139. La métamorphose de Kallisto est un retour à l’état sauvage, une « régression ».

32 De cette « régression », Ph. Borgeaud offrait déjà une explication, qui n’est pas différente de celle de la métamorphose en loup de Lykaon : « Au moment où Kallisto devient mère et devrait apparaître ainsi, en Arcadie, comme le modèle mythique de la jeune femme retirée de l’univers sauvage où règne Artémis, la thériomorphie qui l’afflige vient rappeler la précarité entre le sauvage et le culturel »140. C’est la même orientation que l’on trouve dans l’ouvrage récent de F. Frontisi sur les métamorphoses141 : lorsque l’homme se heurte au dieu, la métamorphose est souvent l’issue du choc qui l’affronte au divin : « l’être humain peut basculer, brusquement arraché à son espèce, pour se perdre dans l’animal ». Et l’auteur de parler de «

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bestialisation », d’« animalisation »; Kallisto est punie d’une « régression à l’animalité qu’incarne l’ourse et qui sommeille dans toute femme ».

33 On est désormais dans la logique « transgression/régression » déjà analysée pour Lykaon142. Selon Ph. Borgeaud143, les deux métamorphoses de Lykaon et de Kallisto seraient à relier à une même crise à l’issue de laquelle « la proto-humanité est arrachée à une trop grande proximité à la fois des dieux et d’une animalité sauvage qui a la figure au masculin du loup, au féminin de l’ourse ». Faut-il voir dans ces mythes connexes de métamorphose, avec F. Frontisi, un « désir du différent, de l’étrange, de l’étranger »144 ? C’est ce qu’avançaient déjà C. Bonnet et C. Jourdain-Annequin à propos du bestiaire d’Héraklès145 : depuis E. Durkheim et L. Lévy-Bruhl, écrivaient-elles, « il n’échappe à personne que certains rites des métamorphoses d’êtres humains en animaux répondent à un besoin nostalgique d’effacer une barrière ontologique qui a fini par séparer ceux qui, jadis, in illo tempore, vivaient en communauté et partageaient une même condition au monde. Les Métamorphoses de Franz Kafka sont une illustration significative de ce thème ».

34 Que conclure ? Cette étude a montré comment l’exégèse de deux mythes de métamorphose avait emprunté successivement, mais parallèlement, des modèles interprétatifs très différents : avatars d’un dieu animal, puis « scénario initiatique ». À l’heure actuelle, on a abouti, semble-t-il, à un schéma consensuel qui met en valeur le thème « transgression/régression ». Mais je me garderai bien de considérer l’explication comme définitive.

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NOTES

1. BREMMER (1988). La présente étude prolonge JOST (1985). 2. Pausanias, IV, 11, 3. 3. Paus., VIII, 2, 3. 4. Voir, pour les références aux sources, JOST (1985), p. 261, n. 6-7 et p. 262, n. 1-12.

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5. Paus., VI, 8, 1. 6. Cf. Paus., VIII, 38, 7, avec le commentaire de la CUF, et I, 22, 6 : (à propos du sacrifice de Polyxène), « Homère a eu raison de laisser de côté cet épisode cruel ». Sur les sacrifices humains, on possède, Platon mis à part (voir n. 7), deux textes qui en affirment l’existence : celui de Théophraste (Porphyre, De l’abst. II, 27, 2) et celui du Minos (Pseudo-Platon, Minos, 315c). HUGHES (1991), p. 97, tient ces textes pour dérivés de Platon et BONNECHERE (1994), p. 86, dit qu’ils « n’inspirent pas une confiance absolue ». Mais Platon ne mentionne rien des indications cultuelles que fournit Théophraste lorsqu’il parle de « sacrifices humains offerts en commun… aux Lykaia ». On ne peut donc pas laisser ces textes de côté et récuser a priori l’existence de sacrifices humains : JOST (2002), p. 183-186. 7. Platon, République VIII, 565d. 8. Pline l’Ancien, Nat. Hist. VIII, 82, d’après Skopas(FGrH 413 F 1 [éd. JACOBY]). 9. Cf.MORETTI (1957), p. 112. 10. Augustin, Cité de Dieu,XVIII, 17. 11. Pline l’Ancien, Nat. Hist. VIII, 81 (cf. aussi Augustin, Cité de Dieu,XVIII, 17, d’après Varron). 12. JOST(2002), p. 183-186 et déjà JOST (1985), p. 260-61. Voir aussi BUXTON (1988), p. 69, qui, parlant de « similarités avec le rituel du Lycée » pose la question de l’attribution à ce site, et HALM- TISSERANT (1993), p.131, qui distingue « radicalement » le texte d’Euanthès des sources relatives au mont Lycée. 13. Cf.HERTZ (1862), p. 34-41. Je ne traiterai pas ici des exégèses qui écartent la lycanthropie pour analyser le sacrifice humain comme un rite destiné à faire pleuvoir (p. ex. COOK [1914], p. 63-81; NILSSON [1941], p. 397-401 ou PICCALUGA [1968], passim) : voir pour ce thème JOST (1985), p. 264-265. 14. FRAZER (1913), p. 190. 15. LEVY-BRUHL (1927), p. 192-197. 16. FARNELL I (1896), p. 41. 17. FRAZER (1913),p. 386; GERNET (1968), p. 154-171; PRZYLUSKI, p. 128-145, et en particulier, p. 130 : « Le culte du dieu loup était célébré par des confréries de loups-garous, c’est-à-dire par des associations d’hommes loups qui pratiquent une anthropophagie rituelle, comme le font encore de nos jours les hommes-léopards et les hommes-panthères du Libéria, du Gabon, du Cameroun, etc. » (l’auteur récuse l’appellation impropre de clan totémique); LÉVÊQUE (1961), p. 93-108, en particulier p. 100 (« un clan d’hommes-loups honorait un Zeus-loup »). 18. HARRISON (1912), p. 122, pour l’idée que le thériomorphisme et le phytomorphisme ont précédé l’anthropomorphisme. 19. JEANMAIRE (1939), p. 568. 20. COOK (1914), p. 63-65. Cf. JOST (1985), p. 250, sur l’incapacité de la philologie à donner l’origine de l’épiclèse. 21. Cf. les remarques de FORBES IRVING (1990), p. 43-45. 22. JOST (1985), p. 283-284. 23. Sur cette question, il faut maintenant ajouter à la bibliographie de la p. 283, n. 4 de mon livre (JOST [1985]), ROUSSIOTI (2001), p. 310-311. Il s’agit de la tablette pylienne Fa 16. Dans son article sur les noms des dieux dans les tablettes inscrites en linéaire B, F. ROUGEMONT (à paraître) ne retient pas cette tablette. LEJEUNE (1958), p. 289, voit dans i-qo un anthroponyme (Hippos ou Hippôn). 24. BURKERT (1983), p. 89-91. 25. On imagine tantôt un déguisement en loup comparable à celui de Dolon ( GERNET[1968], p. 159; MAINOLDI [1984], p. 18-22), tantôt une retraite temporaire métaphoriquement traduite comme celle du loup qui vit à l’écart (BUXTON, [1988], p. 68). 26. BONNECHERE (1994), p. 90.

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27. BONNECHERE (1994), p. 92 : « En dernière analyse, et essentiellement parce que rite et mythe mettent en scène des adolescents, l’initiation de type tribal est ici davantage plausible qu’une initiation à une société secrète de loups-garous. » 28. CALAME (2003), p. 5-62, en particulier p. 29. 29. CALAME (2003), p. 36. 30. BONNECHERE (1994), p. 90-91; cf. déjà BURKERT(1983), p. 91; MAINOLDI (1984), p. 15. Voir aussi WATHELET (1986), p. 285-297. 31. BONNECHERE (1994), p. 94. 32. JEANMAIRE, (1939), p. 559; comp. BURKERT (1983), p. 90 : « The wolf metamorphosis, as described by Euanthes, can easily be seen as an initiation ritual. » Voir aussi BUXTON (1988), p. 69, qui analyse les aspects initiatiques du texte sans prendre parti sur son attribution; BORGEAUD (1979), p. 63. A. MOREAU (1999), p. 211, parle de rite « résolument initiatique ». 33. Callimaque, Hymne à Zeus, 18-41. 34. BONNECHERE (1994), p. 88; cf. aussi HUGHES (1991), p. 100 (ad stagnum indiquant un mouvement, le rite serait peut-être « à quelque distance »). 35. BURKERT (1983), p. 88;HUGHES (1991), p. 107. 36. JOST (2002), p. 183-186. 37. On ne peut songer, en fait de parallèle, qu’à l’« embrigadement » dans les agélai, en Crète, qui pourrait avoir été de dix ans environ (cf.JEANMAIRE [1939], p. 425-427, d’après Hésychios s.v. décadromoi.). Pour un rite ossète comparable cf.IVANCIK (1993), p. 305-329 (référence aimablement communiquée par B. Sergent). 38. BONNECHERE (1994), p. 90. Cf. déjà JEANMAIRE (1939), p. 559 et 368-69. 39. BURKERT (1983), p. 92. 40. HUGHES (1991), p. 103. 41. HUGHES(1991), p. 103; suit une série d’objections pour lesquelles je le rejoins. À noter que chez BONNECHERE (1994), p. 166 et 169, ces rituels initiatiques ne doivent pas être isolés des « croyances ayant trait à la fertilité de la terre et à la fécondité des hommes et des animaux » : les fêtes initiatiques tribales se déroulaient, nous dit-il, « dans une évolution parallèle à la germination et à la maturation des récoltes ». 42. DOWDEN (1989), p. 6. 43. GRAF (2003), p. 3-24. 44. CALAME (2003), p. 38. 45. Cf. les remarques salutaires de FORBES IRVING (1990), p. 56-57. 46. Cf. les remarques de BUXTON, (1988), p. 74et FORBES IRVING(1990), p. 56-57. 47. Pour le rapprochement entre Lykaon et Tantale, cf.SOURVINOU-INWOOD (1986), p. 42-44; et déjà PICCALUGA (1968), p. 186-190. 48. Cf. les remarques de F. GRAF ( 1993), p. 52 et 116 (« myth and ritual are autonomous phenomena »). 49. JOST (1985), p. 262-263. Voir maintenant GOURMELEN (2004), p. 275-280. 50. Paus., VIII, 2, 3. 51. DETIENNE (1991), p. 747. 52. Cf. Paus., VIII, 2, 2; mais Pausanias fait référence aux sacrifices non sanglants, généralement attribués à Kékrops, pour les opposer à ceux de Lykaon. 53. Philochore, FGrH 328 F 93 (éd. JACOBY). Texte analysé par DURAND (1986), p. 24-25;voir aussi GOURMELEN (2004), p. 255-57. 54. Nicolas de Damas, FGrH 90 F 38 (éd. JACOBY). Pausanias, VIII, 2, 4, attribue « à leur justice et à leur piété » la commensalité des hommes de l’époque de Lykaon avec les dieux. 55. DURAND (1986), p.21 et 53.

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56. Ovide, Métamorphoses I, 198. 57. Notion analysée par GOURMELEN(2004), p. 220-225. 58. ECKELS (1937), p. 31-69. Cf. aussi N ILSSON (1941), p. 399, qui impute les histoires de loups- garous à l’étymologie populaire de l’épiclèse Lykaios/loup. 59. Pétrone, Satyricon, 61; Ésope, fr. 196 (éd. HALM); cf. déjà Hérodote, IV, 105, à propos des Neures. 60. FORBES IRVING (1990), p. 55-56. 61. Cf. FORBES IRVING (1990), p. 93 et DETIENNE (1977), chap. 3. 62. Le motif de la table renversée est lié, dans le mythe, à celui du repas cannibale : cf. Tantale, Atrée, Procné et Philomèle (BORGEAUD [1979] p. 46-47, n. 10). 63. Voir FORBES IRVING (1990), p. 91-92. 64. DETIENNE, SVENBRO (1979), p. 229. Pour les autres punitions infligées par Zeus, cf. ci-dessus, p. 2. 65. FORBES IRVING (1990), p. 90-95. 66. DETIENNE (1991), p. 744. Le thème de l’instabilité de la civilisation en Arcadie est analysé par BORGEAUD (1979), p. 33-34. 67. Cf. Paus., VIII, 42, 6; BORGEAUD (1979) p. 34 et 48. 68. Cf. DETIENNE (1991), p. 750. 69. GOURMELEN (2004), p. 282-284. 70. On situera à part l’analyse de HALM-TISSERANT (1993), p. 133, qui rapproche les célébrants du mont Lycée des adeptes de Dionysos et conclut : « Entransés ou passifs, les adeptes de ces cultes atteignent, fût-ce par des voies différentes, à la même bestialité libératrice. » 71. Paus., VIII, 3, 6. Cf. aussi Eumélos, fr. 10 (éd. DAVIESEGFF); Hésiode, fr. 163 (éd. MERKELBACH- WEST) et la base d’un groupe en bronze de Delphes (Paus., X, 9, 5-6 et BOURGUET [1910], p. 4-9). Le texte du Pseudo-Apollodore, Bibl. III, 8, 2, selon lequel Hésiode (fr. 163 [éd. MERKELBACH-WEST]), aurait fait d’elle une nymphe, pourrait, selon W. Sale, ne pas provenir du même poème d’Hésiode (SALE [1962], p. 142-141). Sur les diverses généalogies de Kallisto, cf. DOWDEN (1989), p. 182-183. 72. Voir par exemple les travaux de SALE (1962), p. 122-141 et (1965), p. 11-35, dont les analyses de détail sont au demeurant souvent valables. 73. Cf. HENRICHS (1988), p. 264. 74. HENRICHS (1988), p. 254-267. 75. FRANZ (1890). 76. Voir les sources, commodément présentées en tableau, dans HENRICHS (1988), p. 256-257. Cf. aussi JOST (1985), p. 406, n. 4. 77. BURKERT (1979), p. 5-6, propose, à la manière de V. Propp, « la tragédie de la jeune fille » (Kallisto, mais aussi Augé, Danaé, Io, Tyro, Mélanippe et Antiope) en cinq épisodes : 1) départ de la maison; 2) « séclusion » – Kallisto rejoint Artémis; 3) enlèvement – elle est violée par Zeus; 4) tribulations – elle est changée en ourse, tuée et transformée en astre; 5) sauvetage et naissance d’un garçon (Arkas). 78. Paus., VIII, 3, 6; cf. aussi I, 25, 1. 79. Paus., VIII, 35, 8. 80. SALE (1965), p. 11-35. 81. Arkas, le fils de Kallisto, avait également sa tombe dans les parages, dans le mont Ménale, avant qu’elle ne soit transférée à Mantinée (cf. Paus., VIII, 9, 3). 82. ContraFONTENROSE (1981), p. 72. 83. Certamen Hesiodi et Homeri, 111-112. 84. ContraHENRICHS(1988), p. 266, qui considère que la « version arcadienne » est une construction moderne : pour lui la transformation en ourse précède toujours la mort et le

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catastérisme, même lorsque ce n’est pas explicitement dit; mais il ne tient pas compte du témoignage de Pausanias qui a vu la tombe de Kallisto. 85. Cf.M. JOST (1985), p. 115-116, n. 11 et pl. 31, fig. 1. Voir aussi MCPHEE (1990), p. 942. 86. Cf. MCPHEE (1990), p. 941-942. 87. Ainsi à Thelpousa, c’est un visage féminin aux cheveux dénoués et en désordre, qui, faisant pendant au cheval Arion figuré au revers, représente Déméter Erinys, alors que la légende rapportait sa métamorphose en cavale : cf.JOST (1985), p. 64 et pl. 11, fig. 2. 88. Paus., VIII, 35, 8. 89. SALE (1965), p. 15. 90. Paus., VIII, 12, 5 et VIII, 36, 5. 91. Hésiode, fr. 163 (éd. MERKELBACH-WEST); cf.SALE (1962), p. 122-141. 92. LARSON (1995), p. 90. Cf. déjà SALE(1965), p. 25-35. 93. Un lien entre Arkas et l’ours, arktos, s’il n’est pas fondé étymologiquement (cf.CHANTRAINE [1968], s.v. arktos), était établi dès l’antiquité : cf. Istros, FGrH 33 f 75 (éd. JACOBY). 94. Ar(i)aithos de Tégée, dans FGrH 316 F 2 (éd. JACOBY). 95. Cf. les remarques de DOWDEN (1989), p. 235, n. 30. 96. Ovide, Fastes II, 167, et Art d’aimer, 55; R. SCHILLING, dans son commentaire des Fastes de la CUF (1992), p. 111, considère que Tegeaea est une métonymie pour l’Arcadie. 97. Cf. ci-dessus, n. 71. 98. Hésiode, fr. 163 (éd. MERKELBACH-WEST). HENRICHS (1988), p. 260-61, considère que les fragments « hésiodiques » sont une version « pré-hellénistique » mise en forme par un érudit alexandrin du IIIe s. (Ératosthène de Cyrène ?). 99. BORGEAUD (1979), p. 51, n. 30, n’exclut cependant pas que ce récit ait appartenu au Catalogue des femmes d’Hésiode. HENRICHS (1988), p. 261, parle de « mythographical patchwork ». Ajoutons qu’une scholie à Théocrite, I, 123, fait peut-être allusion à un « lieu-dit Kallisto » sur le mont Lycée (mais le texte n’est pas sûr). 100. MÜLLER (1825), p. 73-76. Voir, dans la suite, FARNELL II (1896), p. 435, et encore MAGGIULLI (1970), p. 179-185. 101. GEISAU(1969). 102. LÉVÊQUE (1961), p. 98; M. MAGGIULLI (1970), p. 179-185 (il parle d’un culte d’animal-totem). Pour KAHIL (1977), p. 86-120, en particulier p. 94, on peut « remonter à une réalité très ancienne où la déesse était identifiée, au moins jusqu’à un certain point avec son animal sacré »; ARENA (1979), p. 5-25. 103. Cf. S ALE, (1965), p. 26, donne le scénario suivant : les Arcadiens auraient développé, indépendamment de la légende de Trikolonoi, l’idée que leur ancêtre, Arkas, était fils d’une ourse. À un certain moment, il aurait été jugé souhaitable de relier ensemble Arkas et la divinité majeure d’Arcadie, Artémis; celle-ci étant vierge, c’est sa compagne qui, changée en ourse, serait devenue la mère d’Arkas. 104. Le parallèle de Brauron est alors invoqué (cf. p. ex. LÉVÊQUE [1961], p. 98). Sur l’ours à Brauron, voir n. 108. 105. Cf. FORBES IRVING (1990), p. 45-47 (cf.NILSSON [1941], p. 485-486; SALE [1965], p. 21-29). 106. JOST (1985), p. 405-406. 107. Paus., VIII, 25, 5. 108. KAHIL (1977), p. 90-91, fig. 4. Abondante bibliographie sur l’arkteia : voir en dernier lieu FARAONE (2003), p. 43-68. 109. Cf.JOST (1985), p. 410; cf. déjà L. BODSON (1978), p. 142-143.

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110. Hésychios, s.v. Kallisto.ARENA (1979), p. 21, s’appuie sur ce texte pour considérer que l’on ne peut exclure que Kallisto soit « una divinità locale antichissima, sacrificata successivamente alla maggiore divinità panhellenica ». 111. Cf.BEVAN (1987), p. 17-21. Quant à l’idée d’une épiclèse Kallisté dérivant de Kallisto, on ne peut s’y arrêter puisque cette déesse est aussi attestée dans un autre contexte en Attique (cf. GUARISCO [2001], p. 77-78). Sur l’ambiguïté du rapport entre Kallisto et (Artemis) Kallisté, ARENA (1979), p. 21. 112. Cf. Euripide, Iphigénie en Tauride, 1462-1467, dont le témoignage tend à être remis en question : EKROTH (2003), p. 59-118. 113. JOST (1985), p. 409. 114. Cf.JOST (1985), p. 409-410 et 554 (avec une remise en cause plus générale de la notion d’hypostase divine). Voir aussi, à propos d’Iphigénie, les remarques de DOWDEN (1989), p. 44-46, qui vont dans le même sens. 115. HENRICHS (1981), p. 202 et HENRICHS (1988), p. 265. 116. DOWDEN (1989), p. 190. 117. Cf.BORGEAUD (1979), p. 53 : « La retraite volontaire que la nymphe accomplissait auprès de la déesse, loin du palais de son père, présente les traits d’une véritable consécration »; le caractère d’initiation que prend cette retraite est souligné par l’emploi du mot agoge. 118. BONNECHERE(1994), p. 135. 119. HENRICHS (1988), p. 264. 120. SOURVINOU-INWOOD (1990), p. 55-56; sur l’ourse qui donne naissance à un ourson informe qu’elle façonne après sa naissance, cf.BODSON (1978), p. 143. Pour les divers aspects de l’ours, voir aussi LONSDALE (1993), p. 180-186. 121. DOWDEN (1989), p. 190. Il n’hésite pas à affirmer, p. 191 : « The initiates are replaying the creation of the first Arcadian and in so doing the importance of their own prospective motherhood is enhanced ». 122. HENRICHS (1988), p. 265. Cf.KAHIL (1977), p. 86-98, qui parle de prêtre et prêtresse masqués. Pour l’interprétation mythologique des deux personnages, cf.SIMON (1963), p. 87-88; P. BRULÉ (1987), p. 255; H. REEDER (1995), p. 327-328. L’idée d’Arkas-ours, qu’évoque le nom du héros, semble étrangère au mythe : Arkas né ours se trouve chez Hygin, Astron., 2, 1, mais les monnaies arcadiennes de Phénéos et d’Orchomène montrent le petit Arkas comme un enfant : cf.TRENDALL (1984), p. 609-610. 123. Cf.BRELICH (1969), p. 247-279 et, en particulier, p. 263, n. 69; ARENA (1979), p. 12-16; FARAONE (2003), p. 43-68. Cf. aussi HENRICHS (1981), p. 202, à propos d’Iphigénie, selon qui le mythe de Kallisto serait une « cristallisation narrative du même schéma ancien d’initiation qui a survécu dans le culte de Brauron ». 124. FARAONE(2003), p. 43-68. 125. Cf. déjà les remarques de FORBES IRVING (1990),p. 53, qui notait que le schéma est celui d’une consécration qui devient expiation de la mort d’une ourse. 126. Curieusement, LLOYD-JONES (1983), p. 98, invoque le parallèle de la légende cultuelle des Lykaia et les « rites d’initiation » des jeunes garçons qui y étaient pratiqués. 127. Cf.BORGEAUD (1979), p. 54. 128. Cf. BRELICH (1969), p. 262-63 et n. 69 : la transformation en ourse et la mort sous les flèches d’Artémis sont données comme deux formes de « mort rituelle ». Sur la tombe de Kallisto, voir ci-dessus, p. 359. 129. Cf.FORBES IRVING (1990), p. 74, qui refuse de voir ici dans l’ourse un symbole d’amour maternel.

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130. Un passage d’Euripide isolé parle de métamorphose en lionne (Euripide, Hélène, 375-380) : voir FONTENROSE (1981), p. 73-74. 131. Cf. les remarques de FORBES IRVING (1990), p. 52-53 et de GRAF (2003), p. 16-19. 132. L’idée est en germe chez J. FONTENROSE (1981), p. 69-85, qui insiste sur la « transgression sexuelle », sans parler de « régression » pour le châtiment. 133. BORGEAUD (1979), p. 53. 134. Ibidem. 135. FORBES IRVING (1990), p. 73. 136. SOURVINOU-INWOOD (1991), p. 49. 137. LYONS (1997), p. 98. 138. LARSON (1995), p. 116. 139. Cf. Aristote, Hist. anim., 519a, 18-30. Cf.FORBES IRVING (1990), p. 73-74 et LONSDALE (1993), p. 182-183. 140. BORGEAUD (1979), p. 54. 141. FRONTISI-DUCROUX (2003), p. 17 et 152. 142. À noter un emploi du « paradigme » de la transgression pour analyser les mythes où un héros est rendu aveugle par une divinité dont il a dérobé la vue : BUXTON (1980), p. 22-37, en particulier p. 34 : « people whose acts of transgression take them momentarily ‘above’ the limits of humanity and who are then reduced to a condition ‘below’ that of ‘normal humanity. » 143. BORGEAUD (1979), p. 61, résumé par ELLINGER dans son compte-rendu de L’Homme (1981), p. 121. 144. FRONTISI-DUCROUX (2003), p. 271. 145. BONNET, JOURDAIN-ANNEQUIN (1998), p. 8.

RÉSUMÉS

Lykaon est changé en loup pour avoir sacrifié un enfant nouveau-né à Zeus Lykaios; après lui, chaque année un homme serait transformé en loup sur le Lycée. Ces traditions ont d’abord été mises en rapport avec un dieu loup honoré par une confrérie de loups-garous. Puis l’interprétation « initiatique » s’est imposée : les lycanthropes, dont Lykaon fournirait le parangon, seraient une classe d’âge soumise à une initiation tribale. Maintenant, l’intérêt se porte sur Lykaon, pour son ambivalence « civilisé/sauvage » : sa « transgression » des règles de la civilisation est punie d’une « régression » à l’état de bête. Kallisto, séduite par Zeus et mère d’Arkas, est métamorphosée en ourse. Elle a d’abord été considérée comme l’hypostase d’une déesse ourse Artémis, puis comme un modèle mythique pour l’initiation des adolescentes. Actuellement, on insiste sur sa « transgression » de la loi d’Artémis, qui provoque sa « régression » à l’état sauvage. Pour Lykaon et Kallisto les interprétations ont évolué parallèlement; la diversité des approches successives ne participe-t-elle pas plus ou moins d’une mode ?

Two mythical metamorphoses and their interpretations: Lykaon and Kallisto. Lykaon is changed into a wolf for having sacrificed a newborn infant to Zeus Lykaios; after him each year a man would be transformed into a wolf on Mt. Lykaion. These traditions were at first related to a wolf-god honoured by a brotherhood of werewolves. Then the “initiatory” interpretation took over: the

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wolfmen, for whom Lykaon would provide a model, were an age-class subjected to a tribal initiation. Now interest is focused on Lykaon because of his “civilised/wild” ambivalence: his “transgression” of the rules of civilisation is punished by a “regression” to the animal condition. Kallisto, seduced by Zeus and the mother of Arkas, is metamorphosed into a she-bear. She was first considered as the hypostasis of a she-bear goddess Artemis, then as a mythical model for the initiation of adolescent girls. Today, stress is laid on her “transgression” of the law of Artemis, which provokes her "regression" to a wild state. For Lykaon and Kallisto, interpretations have evolved in parallel: does not the diverse range of successive approaches more or less follow fashion?

AUTEUR

MADELEINE JOST [email protected] Université de Paris X – Nanterre 200, av. de la République F-92001 Nanterre Cedex

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Comment effrayer les enfants : le cas de Mormô/Mormolukê et du mormolukeion

Maria Patera

1 Parmi les récits des chambres enfantines, ceux que les nourrices ou les mères racontaient aux enfants, parmi ces récits de conteurs anonymes certains étaient destinés à effrayer les enfants turbulents dans le but de les assagir1. Plusieurs personnages étaient ainsi mis en scène, en général des figures féminines, parmi lesquelles Mormô/Mormolukê fut la plus étroitement associée aux craintes enfantines2.

2 Mormô/Mormolukê est qualifiée de φόβητρον3, terme à traduire par le français « épouvantail » qui, au sens figuré, désigne « ce qui inspire de vaines ou d’excessives terreurs, ce qui fait horreur ou inquiète fortement, parfois sans raison; ou, ce qui est mis en avant, ce qui est utilisé pour effrayer »4, aspects qui se retrouvent tous dans le caractère du personnage qui nous occupe et dans les termes apparentés.

Le personnage de Mormô

3 Malgré leur nombre important, les sources mentionnant Mormô restent très généralement allusives. L’histoire, l’aspect et les contours de ce personnage restent flous. Lorsqu’elle n’est pas identifiée à d’autres figures similaires5, elle est décrite comme une femme corinthienne6 qui aurait dévoré ses propres enfants et qui fait partie des apparitions (φάσματα) « qui effrayent et frappent les enfants de crainte (ou de stupeur) »7. Elle aurait eu une patte d’âne8 et aurait aussi été dotée du pouvoir de métamorphose9. Son apparence est peu documentée : selon Erinna c’est un quadrupède à grandes oreilles qui erre en apportant l’épouvante10. Selon une scholie à Théocrite11, il s’agirait d’un cheval. D’autre part, le composé lukos du nom de Mormolukê, renverrait au loup12. Enfin, chez Philostrate, une créature qualifiée entre autres13 de mormolukia, ayant pris l’apparence d’une belle femme, projette de dévorer un jeune homme, heureusement sauvé par Apollonios de Tyane.

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4 En réalité, le plus intéressant dans ce personnage peu déterminé, c’est son nom. Associé aux verbes μορμολύττομαι (qui signifie « effrayer comme un croque-mitaine » mais aussi « craindre ») et μορμύσσομαι (« faire peur comme un épouvantail »), Mormô est un « mot populaire expressif »14 qui peut être employé comme une exclamation destinée à effrayer les enfants, et qui repose peut-être sur une onomatopée. Son nom traduit des bruits confus et des grondements, des sonorités susceptibles de provoquer l’effroi, mais aussi de traduire la crainte ressentie15. Des termes fondés sur la même racine expriment également la « crainte » (comme μόρμοροϛ et μορμυραία) et notamment des « craintes vides » (μόρμοι· φόβοι κενοί)16. 5 L’usage du nom de Mormô pour provoquer l’effroi est illustrée par un mot de Théocrite17 : « Mormô, le cheval mord »; c’est en effrayant ainsi son enfant en pleurs qu’une mère le dissuade de venir se promener avec elle. Il s’agit ici d’un usage interjectif du terme. Seulement, le scholiaste le prend au mot et explique que la mère dit à l’enfant18 : « je ne t’emmènerai pas avec moi, enfant, car la Mormô-cheval19 mord ». De toute manière, même s’il s’agit d’une exclamation, elle est fortement associée par le poète à un cheval dangereux20. Et une Mormô qui change d’aspect pourrait très bien prendre l’aspect d’un cheval, ou d’une autre bête.

6 L’usage du terme pour exprimer la crainte ressentie est bien illustré par Aristophane. Dans les Cavaliers, le Charcutier, voyant venir son ennemi juré, le Paphlagonien, manifestement en colère, s’écrie que ce dernier s’avance « comme s’il voulait m’engloutir. Mormô de l’effronterie ! »21 qu’on pourrait traduire par « Brrr ! quelle effronterie ! »22. Aristophane associe ainsi au verbe « engloutir » (καταπίνω) Mormô, la créature qui dévorait les enfants. Il renforce de cette manière la portée significative du vers, tout en associant le Paphlagonien à un épouvantail dont la sonorité même du nom évoque la crainte, mais une crainte réservée aux enfants et par conséquent inadéquate chez un adulte.

7 En effet, Mormô est expressément désignée comme φόβητρον τοῖϛ παιδίοιϛ23. Dans les sources, Mormô paraît très efficace dans son rôle d’épouvantail d’enfants, et l’effroi qu’elle inspire tout aussi efficace pour obtenir leur obéissance. Nous en avons eu un exemple avec « le cheval qui mord » de Théocrite. Cependant, la crainte qu’inspire Mormô est doublée du ridicule qu’évoque une peur vaine face à une chose qui n’existe pas.

8 Aristophane a beaucoup utilisé cet aspect ridicule de la crainte qu’inspire Mormô. Dicéopolis, dans les Acharniens, s’écrie devant le bouclier du stratège Lamachos, orné d’une Gorgô (destinée évidemment à effrayer les ennemis) : « éloigne de moi la Mormô »24. Ce que la scholie explique par : « au lieu des [choses] terrifiantes; car Mormô était terrifiante (φοβερά) »25, en méconnaissant quelque peu le caractère grotesque que confère cette appellation aussi bien à la Gorgô peinte sur le bouclier qu’à Lamachos lui-même. Trygée, dans la Paix, dit à un choreute qui fait preuve de mauvaise volonté pour délivrer la Paix prisonnière, en le nommant Lamachos : « Nous ne craignons pas, homme, ta Mormô »26; il s’agit toujours du même bouclier27.

9 Peur ridicule chez les adultes, peur sans objet, de sorte que l’expression « Untel a peur de ceci comme les enfants ont peur de Mormô (ou des Mormones, au pluriel) » a eu un certain succès. Xénophon28 l’emploie à propos des alliés des Lacédémoniens que ces derniers accusent de craindre les peltastes ennemis, φοβοῖντο... ὥσπερ μορμόναϛ παιδάρια; Libanios, à propos de celui qui craint les Perses29 et aussi, à propos d’un

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couard qui « fuit plus les jugements que les enfants [ne fuient] les Mormones »30. Dion Chrysostome31 considère que chacun peut avoir sa source particulière de crainte, comme chaque enfant craint une Mormô et est habitué à craindre celle-là; mais ce comportement est honteux lorsqu’il s’agit de personnes importantes.

Le mormolukeion, épouvantail et masque

10 Le même genre d’expression est très couramment composé avec le terme de mormolukeion au lieu de celui de Mormô. Ce terme, dérivé de Mormô 32, de loin le plus fréquemment attesté, désigne aussi bien l’« épouvantail » en général que le « masque » de théâtre. Il est souvent difficile de distinguer les deux significations : les masques de théâtre peuvent très bien être des sujets d’effroi pour les enfants, et leurs épouvantails être des masques.

11 Parfois, la signification d’« épouvantail » est claire. Aristophane, par exemple, utilise le terme mormolukeion, « ce qui effraye », pour qualifier les molosses, chiens que les maris nourrissent pour servir d’« épouvantails aux adultères »33. Platon34 compare la peur des adultes face à la mort aux peurs enfantines face aux mormolukeia : il y a en chacun de nous un enfant effrayé, assure-t-il, et chaque enfant a craint un jour un mormolukeion. Proclus35 met les croyances aux êtres terrifiants qui punissent les condamnés dans les enfers au rang des terreurs enfantines : μορμολυκεῖα παίδων. 12 Chez Héliodore36, des adultes disent d’eux-mêmes l’énorme terreur qu’ils ressentent à la seule évocation du nom de Thisbé (la servante scélérate), nom qu’ils qualifient de mormolukeion, ce qui rappelle que le seul son produit par le nom de Mormô effrayait les enfants. Ce passage souligne l’absurdité de la crainte ressentie (puisqu’on nous dit que la servante est morte). Un peu plus loin37, leur interlocuteur leur demande si vraiment Thisbé leur fait peur ou s’ils veulent juste se moquer de lui, s’ils lui jouent un jeu, en utilisant l’expression : παιδιὰν ἐμὲ πεποίησθε, qui évoque évidemment un jeu d’enfant. 13 Ce genre d’expression fit également une belle carrière chez les auteurs chrétiens dans toutes sortes de contextes38. Clément d’Alexandrie39 veut que les chrétiens cultivés profitent de l’héritage de la philosophie païenne, sans craindre qu’elle ne les « enlève » (μὴ ἀπαγάγῃ αὐτοὺϛ), comme les enfants craignent les épouvantails. Ce qui est bien dans les habitudes des mormolukeia : ils enlèvent, saisissent, attrapent les enfants40. Plusieurs Pères de l’Eglise41 distinguent leurs paroles des faux mormolukeia inventés dans les récits mensongers des nourrices (ἐπίπλαστα διηγήματα) pour faire taire les jeunes indisciplinés. Jean Chrysostome42, plus radical, compare l’effet des mormolukeia que les mères utilisent pour faire revenir les enfants à elles à l’effet des ruses du Malin (ὁ Πονηρόϛ) : lorsqu’il nous effraye, nous nous tournons précipitamment vers Dieu. 14 Ces affirmations sont suffisantes pour établir que les mormolukeia furent tout à fait efficaces pour assagir les enfants turbulents. Cependant leur emploi – et ce dans la grande majorité des sources que nous avons citées – est ironique. Les adultes lâches craignent des épouvantails aussi vains et inexistants que ceux qui terrorisent leurs enfants.

15 Les masques ont également un aspect épouvantable, ce sont des moyens tout aussi efficaces pour effrayer les marmots récalcitrants, effroi qui se retrouve dans l’usage du terme mormolukeion. Hésychius43 explique que les mormolukeia sont « les masques des tragédiens ». Une scholie à Platon ajoute une remarque intéressante : « on appelle

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mormolukeia les masques des acteurs, masques que les Doriens appellent gorgia »44. Avec ces masques, les femmes effrayent les enfants45, ils sont « terribles » (φοβερά) pour eux46.

16 Aristophane parle également de « masque comique » (κωμῳδικὸν μορμολυκεῖον)47, terme qui désignerait un masque laid et grotesque48. Une scholie à Aristophane49 affirme que ce terme désigne des masques aussi bien tragiques que comiques, et les qualifie d’αἰσχρά : laids, difformes. Seulement, ils n’étaient pas uniquement utilisés au théâtre : Aristophane50 les suspend également aux temples de Dionysos; c’est même à cela qu’on reconnaît son temple, ils servent par leur présence à marquer l’espace du dieu. Selon Henri Jeanmaire51, ces mormolukeia étaient exposés « à titre apotropaïque ou pour conjurer les influences malignes »; ils attestent un lien avec l’univers dionysiaque; l’auteur paraphrase le fragment d’Aristophane, en disant que le dionysisme se rencontre partout où l’on suspend ce genre de masque grimaçant et effrayant. C’est possible. Cependant, Françoise Frontisi-Ducroux52 propose d’identifier ces mormolukeia aux masques de satyres à rôle apotropaïque suspendus aux temples de Dionysos.

17 Ces masques « façonnés pour l’effroi (ou pour la stupeur) »53 qui ont le même effet que Mormô sur les enfants54, participent pourtant de l’épouvante générale que provoquent les masques sur ces derniers. Jean Chrysostome parle en effet des « masques et autres épouvantails »55, associant ainsi toutes espèces de masque, et non seulement les « laids et grotesques », à la créature épouvantable qui nous occupe. Clément d’Alexandrie parle de la vérité qui se tient dissimulée, comme se cache « le véritable visage sous les masques »56. Comme Mormô, le mormolukeion est utilisé pour épouvanter, on se cache derrière lui, il est faux. En désignant ainsi le masque de théâtre, cette fausseté est mise en valeur : le masque-qui-prétend-être-ce-qui-n’existe-pas et l’épouvantail irréel des enfants deviennent synonymes. L’objet faux et l’histoire fausse acquièrent ainsi la même valeur. L’auteur de théâtre se rapproche de la nourrice qui raconte des histoires à dormir debout à des enfants naïfs. L’objet qu’il utilise pour représenter autre chose que le réel est nommé mormolukeion, par synonymie avec les inventions effrayantes des nourrices. Le procédé est analogue. En fin de compte, Aristophane utilise ces mormolukeia dont il se moque : il en a besoin. Ce rapprochement entre la scène théâtrale et la chambre enfantine s’effectuant dans l’invention de ce qu’on raconte sur l’une et dans l’autre, est peut-être à l’origine du fait qu’on peut généralement traduire notre terme aussi bien par « épouvantail » que par « masque ».

Mormoluka et les nourrices

18 Pour en revenir aux nourrices qui effrayent les enfants pour les rendre sages, il est intéressant de rappeler qu’un passage de Stobée explique que Gorgura fut façonnée en tant que femme d’Achéron57 « car les choses de l’Hadès paraissent terribles (γοργά) au grand nombre »58. D’après lui c’est pour cette même raison que Sophron fit de Mormoluka sa nourrice. Mormoluka est donc terrible : il est séduisant de penser que le personnage que les nourrices utilisent pour effrayer les enfants est justement lui-même une nourrice qui a élevé Achéron59.

19 Notons que la nourrice d’Achéron est nommée Mormoluka et non Mormô. Cette créature au rôle subalterne, avec le composé « loup » dans son nom, pourrait peut-être évoquer l’état de servilité des nourrices et des pédagogues dans la société humaine60. Selon Sylvie Vilatte61, l’état servile des nourrices et des pédagogues pourrait être un

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moyen de connoter en eux l’animalité. Une animalité qui, dans le cas de Mormoluka, est rendue plus évidente par le composé « loup » de son nom, et qui paraît rejoindre l’animalité ou l’aspect naturel des nourrices divines62, qui correspond elle-même à l’animalité de l’enfant63. On pourrait donc imaginer que Mormoluka fonctionne de deux manières (en admettant qu’elle était connue comme nourrice d’Achéron et pas seulement par Sophron). Elle évoque d’une part la mort, puisqu’elle est située dans l’Hadès; simultanément, le composé « loup » de son nom évoque un loup terrifiant et certainement anthropophage64; évocation renforcée par le son effrayant mormo, qui « désigne les murmures inquiétants et les grondements sourds qui signalent l’arrivée des fantômes »65. D’autre part, le fait que Mormoluka soit nourrice ajoute certainement à l’empire que la nourrice qui la mentionne dans son récit exerce sur son auditoire enfantin; elle partage avec la créature inquiétante de son récit une parenté de fonction, qui suggère qu’elle serait peut-être susceptible de devenir « terrible » à son tour.

20 Clément d’Alexandrie66 accuse les philosophes de brandir les dieux comme des épouvantails (οἱονεὶ μορμώ τινα) et d’en parler avec un bavardage de vieille femme (μυθολογῶν ὕθλῳ γραϊκῷ). Cette expression « conte de vieille femme » était très utilisée par les auteurs aussi bien païens que chrétiens pour dénigrer des propos qui leur semblaient incohérents; elle était équivalente à « non-sens »67 et, à partir de Platon68, devint très courante. Chez Platon69, le privilège de la transmission des récits est attribué en général aux femmes (nourrices, mères ou vieilles femmes). Ce sont elles qui racontent ces histoires d’épouvantails70, elles sont peureuses71 et leur crédulité s’oppose à la raison, apanage du sexe masculin. Les récits des vieilles conteuses étaient systématiquement dévalorisés, et l’image de la vieille femme radoteuse a eu un beau succès par la suite72. De plus, elles remplissaient souvent le rôle de nourrice73 : radoteuses, crédules et portées à la bouteille74, elles racontaient naturellement des histoires tellement absurdes que seul un enfant pouvait y croire75. D’ailleurs, elles ressemblaient à leur public. Chez les Grecs, les enfants étaient considérés comme « physiquement faibles, moralement incompétents, et mentalement incapables »76, à quoi on peut ajouter un manque de courage qui les fait volontiers comparer à des guerriers couards77.

21 Ces récits, contés par des femmes (et souvent par de vieilles femmes « crédules »), rappellent que Platon78 et Aristote79 associaient les enfants, les femmes, les esclaves et les animaux. Dans une grande partie des sources, il y a un usage rhétorique du thème de l’enfance pour dénigrer un adversaire80. Ils manquent de force physique81, ils sont fragiles, et donc incapables de résister efficacement aux attaques et, d’autant plus, aux créatures surnaturelles qui les agressent. Mais surtout, ils manquent de courage, ils sont lâches. Ils sont mentalement faibles, crédules, susceptibles de croire à n’importe quoi82 (un peu comme ces vieillards qui retournent « en enfance » : Δὶϛ παῖδεϛ οἱ γέροντεϛ dit l’expression83). Se comporter d’une manière appropriée à un stade antérieur de la vie était en général considéré comme une régression84. Les enfants auxquels on attribuait des comportements animaux85 étaient attaqués par des créatures qui avaient elles-mêmes acquis par leurs actes des comportements et, partant, des caractéristiques attribués aux animaux. Il est intéressant de relever une analogie de comportement entre l’agresseur et l’agressé : d’un côté, l’enfant est assimilé à l’animal tant qu’il n’a pas été « dressé »86; de l’autre, son agresseur est considéré comme bestial. On dirait qu’il y a une parenté entre enfant et croque-mitaine : ils n’appartiennent ni l’un ni l’autre pleinement à la société civile. L’un est susceptible d’en faire partie après

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son « dressage », l’autre en est sorti par ses actes, et il lui est impossible d’y revenir. Les enfants sont également associés aux ivrognes et aux insensés87, et leurs nourrices sont portées à la boisson88.

Mormô et Gorgô

22 Un autre usage intéressant du nom de Mormô est attesté chez Hippolyte89. Dans son traité intitulé Réfutation de toutes les hérésies, l’auteur décrit (pour le stigmatiser) un rituel de lécanomancie. Pour connaître l’avenir, on invoque Hécate sous sa forme la plus terrible, et on l’y nomme entre autres Mormô. Mormô devient donc, au même titre que Gorgô (dans la même phrase) et Baubô, une épithète de la déesse, et s’associe ainsi à elle.

23 Ce passage a servi à identifier la déesse aux « esprits infernaux » dont feraient partie Mormô et Gorgô. Par exemple, Erwin Rohde90 considérait que les noms individuels désignant des spectres de diverses localités (dont Mormô) auraient fini par exprimer tous la même idée générale et se seraient confondus à la fois entre eux et avec « la figure la plus répandue en ce genre : celle d’Hécate ». D’ailleurs tous ces personnages féminins auraient « perdu en même temps qu’Hécate une grande partie de leur puissance » et elles n’auraient plus été que des héroïnes de contes d’enfants. Elles auraient toutes appartenu, en même temps qu’Hécate, « au monde souterrain et au royaume des morts »91. Soulignons pour le moment l’opinion de Jan Bremmer92, qui pense qu’il était typique de la recherche de l’époque de Rohde de considérer les épouvantails comme ayant perdu leur puissance. Il considère ces personnages simplement comme des « fictions »93 destinées à effrayer les enfants, et les désigne ainsi parce qu’ils n’appartiennent pas au monde de la croyance adulte.

24 Pour revenir au rapport entre Hécate, Gorgô et Mormô, mentionnons une épiphanie d’Hécate décrite dans le Philopseudès de Lucien 94. La déesse y apparaît grande de presque un demi-stade, avec des pieds et une chevelure en forme de serpents, le haut du corps semblable à celui de Gorgô (τὰ δὲ ἄνω Γοργόνι ἐμφερήϛ). L’auteur désigne cette apparition terrible comme un mormolukeion. Notons toutefois que cette description est traitée avec l’ironie associée aux croyances enfantines : les vieillards qui l’écoutent attentivement sont semblables à des enfants en raison de leur crédulité.

25 K. Dilthey95 citait justement ce texte pour prouver que Mormô est une des appellations d’Hécate, qu’il mettait également en rapport avec Baubô, épithète attestée par un papyrus magique96. Seulement ici, Hécate est, à notre avis, plus nettement comparée à Gorgô qu’à Mormô. Le terme mormolukeion ne fait que dénoncer le grotesque d’un récit aussi mensonger que celui que Lucien met en scène97. Baubô désignant Hécate ferait partie de ces êtres bruyants qui, comme Mormô, imitent un bruit sourd98. Origine bruyante du nom de Mormô, considéré comme un impressif sonore99 « destiné à effrayer au même titre que Γοργώ (Gr.Gr. !) ». Pour Sarah I. Johnston100, ces créatures (Lamia, Mormô et Gellô) devaient se trouver parmi celles qu’Hécate avait pour rôle de détourner (en se tenant près de la porte de la maison), pour protéger la santé des enfants et des femmes. Est-ce pour cela qu’elle aurait été parfois assimilée101 à elles, la protectrice finissant par se rapprocher étroitement de la créature contre laquelle elle protège (un peu comme lorsque le même terme alastôr désigne à la fois le criminel et l’esprit vengeur qui le poursuit102) ?

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26 À propos de l’épithète « Mormô » qu’Hippolyte attribue à Hécate, on pourrait penser qu’elle fonctionne, en fait, comme nombre d’épiclèses et d’épithètes divines dans le polythéisme grec : le processus de nomination passe du général (Hécate) au particulier, en attribuant à la déesse les caractéristiques de la créature dont elle porte le nom, en lui accordant donc une forme spéciale103. Dans cette Hécate-là, ce sont les fonctions de peur évoquées par Gorgô et Mormô qui comptent, un peu comme lorsqu’on attribue à une divinité une épiclèse qui évoque le nom d’une autre divinité. Si Hécate, pourvue du nom de Mormô comme épithète, en acquiert ainsi les qualités et les prérogatives, sa protection contre Mormô pourrait peut-être devenir d’autant plus efficace. Mais il faudrait encore admettre que Mormô était considérée comme une créature réellement dangereuse, qu’on avait besoin d’expulser. Or, selon les sources, un des traits qui semble la caractériser est qu’elle était destinée à effrayer les enfants plutôt que les adultes; les mères ne semblent pas la craindre, ni chercher à en protéger leurs enfants104.

27 Il faut également souligner que parmi ces épouvantails, celui qui entretient la relation la plus étroite avec Hécate est incontestablement Empousa105. Mais évidemment, toutes ces créatures sont assimilées également entre elles106, et du coup, associées indirectement à Hécate.

28 Ce qui frappe dans le passage d’Hippolyte, c’est moins la relation d’Hécate avec Mormô que celle que cette dernière entretient avec Gorgô. En ce qui concerne le rapport Hécate/Mormô, c’est le seul texte à notre connaissance qui lie indubitablement la déesse à notre créature; le seul aussi, par conséquent, qui semble accorder au nom de Mormô un peu plus de sérieux que celui qui lui est habituellement attribué (il pourrait s’agir également d’une manière de discréditer Hécate). Par ailleurs, tout comme Aristophane107 donne le « sobriquet » de Mormô à la Gorgô ornant le bouclier de Lamachos, ce texte place les deux épithètes de la déesse côte à côte. Jean-Pierre Vernant108 pense que Mormô et les autres créatures terrifiantes traduisent dans le monde des enfants ce que Gorgô représente dans celui des adultes. Suite à la ressemblance évocatrice de leurs noms, tous deux « bruyants »109, Mormô pourrait peut-être traduire plus exactement que les autres la figure horrifiante de Gorgô dans l’imagination enfantine110. Association sonore dont Hippolyte pourrait s’être fait l’écho; association aussi qui, de la part d’un prêtre chrétien, pourrait être un clin d’œil : il dit assez que la lécanomancie est une pratique de charlatans, païens de surcroît. Dès lors, associer l’épouvantail d’enfants à la déesse ainsi qu’à un épouvantail d’adultes, dans l’invocation même qui lui est adressée, exprimerait assez bien la pusillanimité de telles pratiques, ainsi que celle des gens qui s’y adonnent, et reviendrait à traiter tout cela comme « conte de vieille femme ».

29 Pour en revenir au rapport entre Mormô et Gorgô, on pourrait également passer par l’association des deux personnages au cheval. Le « cheval qui mord » de Théocrite exprime la peur de la morsure, une crainte essentiellement enfantine111; notons que les chevaux anthropophages ne manquent pas dans les mythes grecs112. Mais le terme mormô est utilisé ici comme une exclamation, exprimant l’effroi que la mère veut communiquer à son enfant, tout en étant associé au cheval113. Or, ce dernier est également associé à Gorgô qui traduit dans la pensée grecque la nature inquiétante du cheval114. En effet, quand il est nerveux et impétueux le cheval peut être qualifié de gorgos : « terrible, inquiétant »115. Or « dans le mot gorgos, il y a l’image d’un regard de Gorgone », une Gorgô à tête de cheval116. Et il faut ajouter à la nature inquiétante de

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l’animal toutes les sonorités qui lui sont propres117. Le cheval est un animal vite effrayé selon les anciens. Il l’est par des « visions vides » (θεάματα κενά) et par des ombres118, probablement par ces « peurs vides » que sont les μόρμοι119. Il n’est donc pas étonnant que Mormô et Gorgô, deux « Puissances de Terreur » aux noms d’une sonorité évocatrice, soient toutes deux associées à un animal « terrible » comme le cheval.

30 De plus, le mormolukeion est à Mormô ce que le gorgoneion (ou le gorgeion) est à Gorgô120. D’ailleurs, Plutarque121 parle des masques qui effrayent les enfants en usant du terme moins connoté de prosôpeion. Pour que les petits enfants ne craignent plus les masques, il faut les retourner, les leur montrer sous toutes les coutures. Ce qui n’est pas sans rappeler une injonction d’Epictète de retourner le masque effrayant de la mort pour voir qu’il ne mord pas122. Le texte de Plutarque prouve que le masque appelé mormolukeion n’a pas le monopole d’effrayer les enfants : tout masque peut être un épouvantail123. Pollux se contente à deux reprises124 de fournir une liste de termes désignant le masque en général : προσωπεῖον, προσωπίϛ, γοργεῖον, γοργόνειον, μορμολυκεῖον : mormolukeion y est un terme parmi d’autres, tout comme le gorgeion/ gorgoneion. Suivant une scholie à Aristophane125, le terme mormolukeion désignerait un masque difforme. Il n’est donc pas facile de déterminer à quel genre de masque on avait affaire. Françoise Frontisi-Ducroux126 considère qu’il faut prêter « au mormolukeion une bouche dentue, dévorante, aussi menaçante que celle de la Gorgone », car Mormô est à l’évidence associée à la morsure, « expression privilégiée des terreurs enfantines ». En revanche, lorsque ce mot s’applique aux masques signalant les sanctuaires de Dionysos, il ne peut évidemment s’agir des masques du dieu lui-même. « Souriant ou sévère, Dionysos n’a rien d’un épouvantail ». F. Frontisi-Ducroux pense qu’il s’agit plutôt de masques de satyres ou de silènes, attestés par l’archéologie, qui seraient ainsi désignés comme des mormolukeia. Il s’agirait donc, comme les gorgoneia, de masques à vocation apotropaïque et prophylactique : « de petits masques de métal ou de terre cuite, perforés de trous de suspension, dont les traits sont conformes à deux modèles canoniques : avec les Gorgones, les satyres grimaçants fournissent l’essentiel de ces figurations »127.

31 Ainsi les relations entre Mormô/Mormolukê et Gorgô/Gorgura se confirment-elles : il semble naturel que les masques d’acteurs dérivant du nom de l’une ou de l’autre soient interchangeables dans leur fonction d’épouvantails d’enfants128.

Mormô, l’épouvantail et le masque

32 De toute manière, le fait que le mormolukeion désigne le « masque » en général montre que ce terme possède la nature même du masque. Tout masque dissimule la véritable nature de celui qui le porte. Cette dimension de secret est effrayante en elle-même et rappelle la capacité de métamorphose de Mormô. On ne sait pas sous quel aspect, sous quel visage et, par là, sous quel masque elle essaiera de nous atteindre. Elle se dissimule derrière son aspect ponctuel, comme le mormolukeion dissimule le visage de l’acteur (ou le vide). Or, disent certaines sources, il faut retourner le mormolukeion (ou le prosôpeion) pour voir qu’il ne cache qu’un vide inoffensif. Inoffensif et quelque peu ridicule : « le risible, dit Aristote129, est une partie du laid130 (…) ainsi, par exemple, le masque comique est laid et difforme ».

33 Comme derrière un masque, Mormô se dissimule derrière ses nombreux aspects. Le mormolukeion, tout en dissimulant la véritable identité de ce qui se trouve derrière

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(peut-être le vide), n’en devient pas moins l’instrument de révélation de Mormô, n’en rend pas moins sa présence effective : celle de l’épouvante. Le mormolukeion manifeste la présence de Mormô de façon subtile : elle peut ou non être là mais, dans les deux cas, elle est terrifiante. Il est par ailleurs significatif que ce même mormolukeion désigne par sa présence le Dionysion, le temple du dieu au masque. La figure de Mormô combinant en elle l’humain, le bestial et le surnaturel, renvoie au dieu à travers les masques; précisément à celui qui, selon Jean-Pierre Vernant131, « brouille les frontières entre le divin et l’humain, l’humain et le bestial, l’ici et l’au-delà ». Le dieu dont la vision « consiste à faire éclater du dedans, à réduire en miettes cette "vision" positive qui se prétend la seule valable et où chaque être a sa forme précise, sa place définie, son essence particulière dans un monde fixe assurant à chacun sa propre identité à l’intérieur de laquelle il demeure enfermé toujours semblable à lui-même »132. Dans un autre registre, Mormô brouille aussi les limites, elle représente un chaos où dieux, hommes et bêtes ne seraient pas différenciés : elle n’a pas de forme fixe, elle participe des trois états. Son acte (dévorer ses propres enfants) l’a séparée du monde humain et du statut qui était jusqu’alors le sien : en commettant ce crime atroce, elle est rentrée dans un monde d’où l’on ne revient plus; elle est devenue autre, tout en gardant un pied dans le monde des humains, toujours susceptible d’être là et d’entrer dans les chambres enfantines.

34 « Dépassement de toutes les formes, jeu avec les apparences, confusion de l’illusoire et du réel » : ainsi parle Jean-Pierre Vernant133 à propos du dieu au masque. Expression qui pourrait également évoquer Mormô : la confusion de l’illusoire et du réel se retrouve dans son aspect même de masque, le jeu avec les apparences dans son pouvoir même de métamorphose. Loup, cheval, masque, nourrice, elle fait partie des radotages de vieilles femmes, seules capables de croire à leurs contes, partageant la crédulité des enfants auxquels elles s’adressent, mêlant dans leurs récits le vrai et le faux, l’illusoire et le réel, introduisant l’invisible terrifiant dans les chambres enfantines pour charmer les oreilles et adoucir les comportements. En effrayant, mais aussi en tenant en haleine leurs auditeurs par des récits où – il est vrai – il y a des personnages terrifiants, mais s’ils ne l’étaient pas on s’ennuierait (et redeviendrait turbulent). Il faut que ces personnages soient fascinants pour focaliser l’intérêt de l’auditoire. Il n’est pas vrai que Mormô existe mais elle est peut-être ici : on y croit sans y croire, comme dirait Paul Veyne134, et le fait que tant de sources y fassent allusion, tant d’auteurs différents, nous amène comme à une expression fixe : elle n’existe pas mais on en a peur (du moins en ce qui concerne les enfants et les lâches). Comme le mormolukeion, Mormô n’est qu’apparence vide, décor creux : c’est particulièrement manifeste dans le récit de Philostrate135. Tout ce qui entoure la créature qui a pris l’apparence d’une belle femme pour dévorer le jeune Ménippe, créature elle-même désignée comme phasma, « apparition »136, sa vaisselle, sa maison, ses serviteurs, tout disparaît d’une manière ou d’une autre (ou bien littéralement, ou bien en abandonnant la maison); tout n’est qu’apparence, dit Apollonios, y compris la mariée. Et derrière elle se cache un être épouvantable, mais qui finalement disparaît lui aussi.

Mormô, un être verbal

35 Mormô semble se rapprocher, selon la définition de Nicole Belmont137, de la catégorie des « êtres verbaux » (après celles des créatures anthropomorphes et zoomorphes), ces

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êtres fantastiques dont la seule caractéristique semble être le nom, sur lequel repose toute la vertu d’effroi qu’ils suscitent. Il leur manque la description physique, la légende, les faits et les gestes.

36 À ce propos, on pourrait comparer les verbes dérivés de mormô, mormussomai, mormoluttomai, avec l’expression française médiévale de « faire barbo »138, qui servait à effrayer les enfants. Selon Jacques Berlioz, un croque-mitaine féminin nommé Babou (mentionné pour la première fois au XVIe siècle) proviendrait d’un tel être verbal, nommé barbo ou barbou, dès le XIIIe siècle. On « faisait barbo » aux enfants pour les faire reculer; il est en outre associé au loup ou au loup-garou139. « Tout se passe comme si dans l’invocation l’être fantastique primait l’animal sauvage, comme si le croquemitaine prenait le pas sur le danger réel »140. Or n’est-ce pas le cas dans le nom même de Mormô, qui reste le nom d’un croque-mitaine tout en gardant sa relation avec le loup par les attestations de Mormolukê ou du mormolukeion ? Le barbo est également en relation avec larua, un terme latin qui « désigne tout à la fois un fantôme malfaisant et un masque »141. Les laruae142 seraient les âmes des individus ayant commis quelque crime ou bien décédés de mort violente et qui reviennent parmi les vivants pour les tourmenter. Dans la tradition chrétienne, ils prirent le sens de « fantômes diaboliques épouvantant les bambins ». Déjà chez les Romains la nature des larves est de « terrifier les petits enfants et de murmurer dans les coins sombres »143. Ce qui n’est évidemment pas sans rappeler les murmures ou grondements associés à Mormô144. De plus, larua signifie aussi « masque ». Or « faire le barbo » signifierait également « faire le masque » 145, effrayer les enfants au moyen d’un masque. Finalement le « faire barbo » du Moyen Âge français est fort comparable au « faire mormô » (mormoluttomai, mormussomai)146 des Grecs. Le croque-mitaine français Babou est lié au loup, au masque et à l’interjection effrayante barbo, ce qui en fait un bon point de comparaison avec Mormô.

37 L’intérêt de cette comparaison entre deux êtres verbaux aussi éloignés culturellement, est que pour tous deux, comme le dit Nicole Belmont147, leur attribut essentiel est le nom par lequel on les désigne : « leur description et leur histoire sont secondaires au regard de leur nom ». L’autre point intéressant est que finalement ce « procédé d’éducation participant d’une véritable pédagogie de la peur et visant à délimiter l’espace de l’enfant par l’emploi d’un croque-mitaine »148, d’un être verbal auquel on peut attribuer toute forme d’action et tout aspect, se retrouve de manière comparable dans les récits de chambres enfantines fort éloignées mais somme toute pas si différentes.

38 Ce qui est frappant après l’examen des attestations de termes tels que Mormô, Mormolukê et mormolukeion, c’est qu’ils sont utilisés de manière très courante. Les auteurs anciens semblent bien avoir été épouvantés par eux dans leur enfance, et paraissent s’en souvenir précisément même si c’est pour s’en moquer. Mormô semble avoir fait partie intégrante de la prime éducation des Grecs, et les avoir ainsi rendu « sages » et « raisonnables ». Pourtant, elle n’a pas de figure bien définie et son histoire est très peu précise, comme si ce « flou artistique » qui caractérise cette créature faisait partie intégrante de sa personnalité. En effet, une créature sans forme ni histoire bien déterminées ouvre la porte à toutes les inspirations, à toutes les fantaisies. Il y a des noms effroyables (et de plus, dans le cas de Mormô, la sonorité même y contribue), et les nourrices peuvent leur prêter toute forme et tout méfait qu’elles veulent imaginer. Et cela vaut aussi pour les enfants : le « monstre » peut rester dans le noir, on ne le voit pas, on ne sait à quoi il ressemble, mais on n’en panique pas moins.

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NOTES

1. Un épisode de la vie d’Ésope constitue une bonne illustration de l’usage des épouvantails : ce dernierqui était, semble-t-il, d’une laideur proverbiale, propose à un marchand d’esclaves de l’acheter et de le nommer pédagogue; ainsi il servira d’épouvantail (ἀντὶ μορμολυκίου), pour assagir les enfants qui pleurent ou qui sont turbulents (παιδία κλαίοντα ἢ ἀτακτοῦντα) : Vita Aesopi Westermanniana XV, 4-16, 4 (éd. H. HUNGER, Corpus Fabularum Aesopicarum, I, 1, Leipzig, 1970, p. 83). Les mères inventent des épouvantails dans le même but : cf.Jean Chrysostome, Ad Stagirium a daemone, PG 47 (1858), col. 434, 1-5; Basile de Césarée, Homilia dicta tempore famis et siccitatis, PG 31 (1857), col. 328, 27-31. 2. Cf. M. PATERA, Phobêtra et mormolukeia. Figures de l’épouvante et de la peur dans l’imaginaire grec, thèse de doctorat EPHE, 2004. 3. Hésychius, s.v. Μομβρώ et Μομμώ (altérations enfantines du nom de Mormô). 4. Trésor de la langue française : dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle, 1789-1960, CNRS, Institut national de la langue française, Paris, 1971, s.v. « épouvantail ». 5. Identifiée avec Lamia : cf.Souda, s.v. Μορμώ;Scholia in Aristophanis Equites, 693b et 693d (éds D.M. JONES, N.G. WILSON, Scholia in Aristophanem I, 2 [1969], p. 167). Avec Lamia et Gellô : Scholia in Theocriti Idyllia, XV, 40 (éd. WENDEL). Avec Lamia et Empousa : Philostrate, Vie d’Apollonios de Tyane IV, 25. 6. Scholia in Aristidem, Panathênaïkos, 102 (éd. DINDORF III [1829], p. 42). 7. Ibid. : ἃ δὲ τοὺϛ παῖδαϛ φοβεῖ καὶ ἐκπλήττει. Cette qualification d’« apparition » rappelle que les termes « fantôme » et « spectre » sont quasi synonymes d’« épouvantail » selon le TLF. 8. Ce qui est un trait majeur d’un autre épouvantail du nom d’Empousa : J.O. Tzetzès, Commentarium in Ranas, 293 (éd. W.J.W. KOSTER, Scholia in Aristophanem IV, 3 [1962], p. 780); Etymologicon Magnum, s.v. Ἔμπουσα; Eustathe, Commentarii ad Homeri Odysseam XI, 634 (éd. VAN DER VALK, I [1971], p. 442, 32-35); Souda, s.v. Ἔμπουσα. 9. Ce qui est le cas de tous les épouvantails auxquels elle est assimilée, notamment Empousa, la plus protéiforme de ces créatures : cf. Aristophane, Grenouilles 288-304; Etymologicon Magnum, s.v. Ἔμπουσα; Scholia in Aristophanis Ranas, 293; Souda, s.v. Ἔμπουσα. 10. Erinna F Ib, 25-27 (éd. DIEHL I, 4). 11. Scholia in Theocriti Idyllia, XV, 40. 12. Le loup est lui-même un épouvantail pour les enfants et C. MAINOLDI, L’image du loup et du chien dans la Grèce ancienne d’Homère à Platon, Paris, 1984, p. 206 et n. 49, l’associe à Mormolukê. 13. Il s’agit plus précisément d’une des Empousai, Lamiai ou Mormolukiai : Philostrate, Vie d’Apollonios de Tyane IV, 25. 14. P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, 1968, s.v. μορμώ. 15. F. SKODA, Le redoublement expressif : un universal linguistique, Paris, 1982 (Société d’études linguistiques et anthropologiques de France, 15), § 3.84, p. 96. 16. Hésychius, s.v. μόρμοροϛ καὶ μορμυραία et s.v. μόρμοι. Cf. également Photios, Lexicon, s.v. Μορμώ qui atteste μορμόφοβοϛ : « la crainte de Mormô ». 17. Théocrite, Idylles XV, 40 : Μορμώ, δάκνει ἵπποϛ. 18. Scholia in Theocriti Idyllia, XV, 40 : οὐκ ἄξω σε, τέκνον, μετ᾿ ἐμοῦ, ὅτι ἡ μορμώ ἵπποϛ δάκνει. 19. Sarah Isles Johnston suppose que dans une aire spatiale donnée (peut-être la Sicile, patrie de Théocrite ?) Mormô était imaginée comme en partie équine; l’auteur suppose un terme mormippos qui correspondrait au terme mormolukê : « mormô-loup » utilisé, avant l’époque romaine, uniquement par des auteurs athéniens; ce qui lui fait suggérer qu’en Attique, Mormô était typiquement représentée comme en partie louve : cf. S.I. JOHNSTON, « Defining the Dreadful:

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Remarks on the Greek Child-killing Demon », in M. MEYER, P. MIRECKI (éds), Ancient Magic and Ritual Power, Leyde et al., 1995, p. 361-387, p. 375-378; ead., Restless Dead. Encounters Between the Living and the Dead in Ancient Greece, Berkeley et al., 1999, p. 182. 20. Cette mère effraye son enfant avec ses propres peurs : en effet, un peu plus loin (Théocrite, Idylles, XV, 58), elle explique qu’elle craint fortement les chevaux depuis son enfance. 21. Aristophane, Cavaliers, 691-693 : ὡϛ δὴ καταπιόμενόϛ με. Μορμὼ τοῦ θράσουϛ. 22. Le scholiaste (Scholia in Aristophanis Equites, 693b, 3 et d, 1) explique Μορμὼ τοῦ θράσουϛ par φεῦ τοῦ θράσουϛ : « hélas, quelle effronterie ! ». La Souda, s.v. Μορμώ, donne la même explication. 23. Hésychius, s.v. Μομβρώ et Μομμώ. 24. Aristophane, Acharniens, 582. 25. Scholia in Aristophanis Acharnenses, 582 (éd. N.G. WILSON, Scholia in Aristophanem I, 1b [1975], p. 79). Cf. également la Souda, s.v. Μορμώ. 26. Aristophane, Paix, 474. 27. Scholia in Aristophanis Pacem, 474 (éd. DÜBNER). 28. Xénophon, Helléniques IV, 17. 29. Libanios, Pro templis XXX, 38, 12. 30. Libanios, Contra Tisamenum XXXIII, 42, 7. 31. Dion Chrysostome, Discours LXVI, 20, 2 : τῶν παιδαρίων ἕκαστον ἰδιότροπόν τινα μορμὼ δέδοικε καὶ ταύτην συνείθισται φοβεῖσθαι. 32. CHANTRAINE, o.c. (n. 4), s.v. μορμώ. 33. Aristophane, Thesmophories, 413-417. 34. Platon, Phédon, 77e. 35. Proclus, In Platonis Rem Publicam Commentarii, 180, 19. 36. Héliodore, Les Éthiopiques VI, 2, 1. 37. Héliodore, Les Éthiopiques, VI, 2, 2. 38. Cf. par exemple : Basile de Césarée, Lettres XXV, 1, 16-17; Clément d’Alexandrie, Le pédagogue I, VI, 33, 3; Didyme l’Aveugle, Commentaire aux Psaumes XXXIII, 10, 196, 8; Eusèbe de Césarée, De la vie de l’empereur Constantin III, 54, 4, 2; VIII, 1, 1-3; V, 6, 4-7; Jean Chrysostome, Homiliae XC in Matthaeum, XXVIII, PG 57 (1860), col. 353, 38-40; id., Discours sur Babylas, 81, 12-14; Théodoret de Cyr, Quaestiones in Genesim, PG 80 (1860), col. 97, 10-22; id., Histoire ecclésiastique V, 11, 13, 4, 6-7. 39. Clément d’Alexandrie, Stromates, VI, 10, 80, 5. 40. Comme on le disait expressément de l’un d’eux, Lamia : cf.Scholia in Aristidis Panathênaïkos, 102. 41. Basile de Césarée, Homilia dicta tempore famis et siccitatis, PG 31 (1857), col. 328, 27-31; id., De futuro justitio, PG 32 (1857), col. 1304, 4-9; Jean Damascène, Sacra Parallela, PG 95 (1864), col. 1184, 37-41. 42. Jean Chrysostome, Ad Stagirium a daemone, PG 47 (1858), col. 434, 1-9. 43. Hésychius, s.v. μορμολυκεῖα et s.v. μομοκύκια : τῶν τραγῳδῶν τὰ προσωπεῖα (cf. également Photios, Lexicon, s.v. μορμολυκεῖα). 44. Scholia Platonica, Axiochos, 364b (éd. GREENE) : μορμολύκιά φασιν τὰ τῶν ὑποκριτῶν πρόσωπα, ἃ Δωριεῖϛ γόργια καλοῦσιν. Même rapport avec les gorgia dans la Souda, s.v. μορμολύκεια, qui ajoute : « l’adversaire était apparence, épouvantail pour la vue et effroi [ou stupeur] pour l’esprit » (δόκησιϛ ἦν τὸ ἀντίμαχον, μορμολυκεῖον ὅψεωϛ καὶ διανοίαϛ κατάπληξιϛ). Pour Zonaras, Lexicon, s.v. μορμολύκειον, cela peut désigner « le faux-semblant effrayant » (προσποιούμενον ἐπίφοβον). 45. Scholia Platonica, Gorgias, 473d. 46. Timée, Lexicon vocum platonicarum, s.v. μορμολύκεια. 47. Aristophane, F 31 (éds AUSTIN et KASSEL).

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48. J. TAILLARDAT, Les images d’Aristophane, Paris, 1965² (1962), § 884, p. 491, ajoute que le sens figuré de mormolukeion en tant que masque n’est pas autrement connu, ce qui est évidemment invalidé par toutes les occurrences mentionnées. 49. Scholia in Aristophanis Pacem, 474. 50. Aristophane, F 130 (éds AUSTIN et KASSEL) : τίϛ ἂν φράσειε ποῦ ᾿στι τὸ Διονύσιον; |ὅπου τὰ μορμολυκεῖα προσκρεμάννυται, « Qui peut me dire où se trouve le Dionysion ? | Là où sont suspendus les masques ». 51. H. JEANMAIRE, Dionysos. Histoire du culte de Bacchus, Paris, 1951, p. 310. 52. F. FRONTISI-DUCROUX, Du masque au visage. Aspects de l’identité en Grèce ancienne, Paris, 1995, p. 14. Sur une oenochoé à figures rouges provenant d’Éleusis, nous pouvons voir un exemple de l’utilisation des masques comme épouvantails; dans une scène familière de la vie quotidienne, un enfant poursuit un autre en brandissant un masque de satyre (cf. G.E. MYLONAS, La nécropole ouest d’Éleusis (en grec), Athènes, 1975, t. II, p. 80-82, t. III, pl. 362c). 53. Etymologicon Magnum, s.v. Μορμολυκεῖον : τὰ πρὸϛ κατάπληξιν τυπωθέντα προσωπεῖα. 54. Scholia in Theocriti Idyllia XV, 40 b. 55. Jean Chrysostome, Cathechesis I ad Illuminandos, PG 49 (1859), col. 226 : τὰ προσωπεῖα καὶ τὰ λοιπὰ μορμολύκεια. 56. Clément d’Alexandrie, Stromates II, I, 3 : καθάπερ ὑπὸ τοῖϛ μορμολυκείοιϛ, τὸ πρόσωπον τὸ ἀληθινόν. 57. Sur Gorgura, épouse d’Achéron : cf. Apollodore, I, 5, 3. Notons que le terme gorgura (qui signifie, entre autres, un conduit souterrain par lequel s’écoulent les eaux, cf. Hésychius, s.v. γοργύρα), formé sur la base GOR-GUR-, évoque le bruit de l’eau qui gargouille (cf. S KODA, o.c. [n. 15], § 3.60, p. 78). C’est justement l’épouse d’un fleuve qui porte ce nom. 58. Stobée, Anthologium I, 49, 50, 34. 59. Pour Achéron, cf.Odyssée X, 513; Euripide, Alceste, 443; Hérodote, V, 92, 7; Apollodore, I, V, 3; Pausanias, I, 17, 5; V, 14, 2; X, 28, 1 et 4; Virgile, Énéide VI, 295-297; Ovide, Métamorphoses V, 539. 60. S. VILATTE, « La nourrice grecque, une question d’histoire sociale et religieuse », AC 60 (1991), p. 5-28, surtout p. 19-25. 61. Ibid., p. 20. 62. Ibid., p. 10 sq. est nourri par la chèvre Amalthée et l’abeille Panacris (Callimaque, Hymne à Zeus (I), 49-50). Ce sont les Nymphes qui servent de nourrices à Zeus (ibid., 33-36, 46-48) et à Dionysos (Hymne homérique à Dionysos, II, 3-4); pour Apollon, c’est Délos anthropomorphisée (Callimaque, Hymne à Délos, (IV) 9-10, 264-265, 275-276). Pour les nourrices animales, cf. Th. HATZISTELIOU-PRICE, Kourotrophos, Cults and Representations of the Greek Nursing Deities, Leyde, 1978, p. 73-74, 77. 63. VILATTE, l.c. (n. 60), p. 20-22. Cf. également le passage de Platon, infra, n. 85. Sur le rapport entre le monde animal et les jeunes, et sur le domptage de ces derniers, cf. S. G EORGOUDI, « Les jeunes et le monde animal : éléments du discours grec ancien sur la jeunesse » (en grec), Actes du Colloque International Historicité de l’enfance et de la jeunesse, Athènes, 1986, p. 223-229. Cf. également M. GOLDEN, Children and Childhood in Classical Athens, Baltimore/Londres, 1990, p. 146, qui souligne que toutes les nourrices et tous les paidagôgoi n’étaient pas forcément des esclaves. 64. Sur le rapport entre loup et anthropophagie, cf. par exemple le cas du Mont Lycée : MAINOLDI, o.c. (n. 12), p. 11-18; L. GERNET, « Dolon le loup », in Anthropologie de la Grèce antique, Paris, 1982, p. 201-223 (article paru à l’origine dans l’Annuaire de l’Institut dePhilologie et d’Histoire orientales et slaves, IV, Bruxelles, 1936, p. 189-208); A.B. COOK, Zeus. A Study in Ancient Religion, Cambridge, 1914-1940, I, p. 63-99; W. BURKERT, Homo Necans, Interpretationem altgriechischen Opferinnen und Mythen, Berlin/New York, 1972 (RGVV, 32), p. 84-93; et surtout Ph. BORGEAUD, Recherches sur le dieu Pan, Genève, 1979 (Bibliotheca Helvetica Romana, 17), p. 41-48, 64-65. Platon, République X, 619b, établit un rapport entre loup, anthropophagie et tyrannie.

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65. FRONTISI-DUCROUX, o.c. (n. 52), p. 13. 66. Clément d’Alexandrie, Le Protreptique VI, 67, 1, 1-3. 67. J. BREMMER, « The Old Women of Ancient Greece », in J. BLOK, P. MASON (éds), Sexual Asymmetry, Studies in Ancient Society, Amsterdam, 1987, p. 191-215, p. 200; R. BUXTON, La Grèce de l’imaginaire : les contextes de la mythologie, trad. M. WECHSLER-BRÜDERLEIN, Paris, 1996 (1e éd. Cambridge, 1994), p. 33-36. 68. M. MASSARO, « Aniles Fabellae », SIFC 49, 1-2 (1977), p. 104-135. 69. Platon, Gorgias, 527a; République II, 377c; Lois, X, 887d; Lysias, 205d. Cf. à ce propos P. VEYNE, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? Essai sur l’imagination constituante, Paris, 1983, p. 150, n. 56. 70. VEYNE, o.c., p. 54. 71. Platon, Lois X, 910a : l’auteur y proscrit les sanctuaires privés, car il faut beaucoup d’intelligence pour les fonder correctement, or les femmes en sont manifestement dépourvues; il leur est habituel de consacrer n’importe quoi, ou alors elles sont enclines suite à la crainte de visions ou de rêves (ἔν τε φάσμασιν ἐγρηγορόταϛ διὰ φόβουϛ καὶ ἐν ὀνείροιϛ) à fonder des autels et des sanctuaires. 72. Cf.MASSARO, l.c. (n. 68), passim. 73. BREMMER, l.c. (n. 67), p. 200-201. 74. Ibid.; H.G. OERI, Der Typ der komischen Alten in der griechischen Komödie, seine Nachwirkungen und seine Herkunft, Bâle, 1948, p. 13-19, 39-46, et pour les servantes ivrognes (dont les nourrices) : p. 53-61. 75. Pour une vision plus nuancée (et plus positive) du rôle de la vieille femme en Grèce ancienne, cf. L. PRATT, « The Old Women of Ancient Greece and the Homeric Hymn to Demeter », TAPhA 130 (2000), p. 41-65. 76. Ibid., p. 5. 77. Eschyle, Euménides 38; Sophocle, F 314, 161 (éd. RADT); Astydamas, II, Hector, F 2 (éd. SNELL); Xénophon, Mémorables I, 4, 7; Platon, Gorgias, 479a; Lois XI, 933b; Phédon, 77d-e; République I, 330e; Théétète, 166a, 168d. 78. Association entre femmes et enfants : Platon, Lettres VIII, 355c. Association entre enfants et animaux : Platon, Lois IV, 710a; XII, 963 e; République IV, 441b-c. Association entre animaux, enfants et esclaves : Platon, Lois VII, 808d-e. Association entre femmes, enfants et animaux : Platon, Théétète, 171e. 79. Association entre enfants et animaux : Aristote, Éthique à Eudème II, 1224a 29; VII, 1236a 1; VII, 1238a 33; VII, 1240b 33; Éthique à Nicomaque I, 1100a 1; III, 1111a 28; III, 1111b 8; VI, 1144b 9; VII, 1152b 22; VII, 1153a 32; Histoire des animaux VIII, 588a 31; Les parties des animaux IV, 686b 24; Physique II, 197b 7; Problèmes X, 39, 895a 13; XI, 30, 902b 10; Rhétorique I, 1371a 15; II, 1384b 24. Association entre femmes et enfants : Aristote, De la génération des animaux I, 728 a 17. 80. GOLDEN, o.c. (n. 63), p. 10. 81. Ibid. Eschyle, Agamemnon, 75, 81; Xénophon, Cyropédie IV, 3, 10-11; Aristote, Problèmes XXXIV, 10, 964a 33. 82. Par exemple, Strabon, I, 2, 8 (= C18-19) explique les légendes merveilleuses de la mythologie grecque par le besoin des hommes politiques d’impressionner le peuple : ainsi « les fondateurs d’États ont accepté ces choses (foudre, égide, trident, etc.) en tant qu’épouvantails contre les esprits simples (littéralement : enfantins) » : ταῦτα δ᾿ ἀπεδέξαντο οἱ τὰϛ πολιτείαϛ καταστησάμενοι μορμολύκαϛ τινὰϛ πρὸϛ τοὺϛ νηπιόφροναϛ. 83. Aristophane, Nuées, 1417; Platon, Lois I, 646a; Axiochos, 367b; Souda, s.v. Δὶϛ παῖδεϛ οἱ γέροντεϛ; DIOGENIANUS, Centuria IV, 18 (éd. LEUTSCH). Sur ce proverbe, cf. GOLDEN, o.c. (n. 63), p. 6, et la bibliographie qu’il fournit (p. 184, n. 25). 84. GOLDEN, o.c. (n. 63), p. 10. Cf. Aristoxène, F 35 (éd. WEHRLI) : « les enfants ne devraient pas se comporter comme des petits enfants, les jeunes comme des enfants, les adultes comme des jeunes

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et les vieux ne devraient pas devenir fous » (ὅπωϛ μήτε οἱ παῖδεϛ νηπιάζοιεν, μήτε οἱ νεανίσκοι παιδαριεύοιντο, μήτε οἱ ἄνδρεϛ νεανιεύοιντο μήτε οἱ γέροντεϛ παραφρονοῖεν). L’association entre vieillards et enfants n’est pas toujours à connotation négative : voir par exemple l’intéressante analyse du rôle des vieillards dans Les Lois de Platon par M. DETIENNE, L’invention de la mythologie, Paris, 1981, p. 185-189. 85. Platon, Lois VII, 808d-e (trad. A. DIÈS) : « Mais, de tous les animaux, c’est l’enfant qui est le plus difficile à manier; par l’excellence même de cette source de raison qui est en lui, non encore disciplinée, c’est une bête rusée, astucieuse, la plus insolente de toutes » (Ὁ δὲ παῖϛ πάντων θηρίων ἐστὶ δυσμεταχειριστότατον · ὅσῳ γὰρ μάλιστα ἔχει πηγὴν τοῦ φρονεῖν μήπω κατηπτυμένην, ἐπίβουλον καὶ δριμὺ και ὓβριστότατον θηρίων γίγνεται). 86. Cf.GEORGOUDI, l.c. (n. 63), p. 223-224. 87. Aristote, De audibilibus, 801b 5; Éthique à Eudème I, 1214b 30; VII, 1238a 33; Éthique à Nicomaque VII, 1154b 10; Politique VII, 1323a 33; Problèmes XXX, 14, 957a 2. 88. Cf. G OLDEN, o.c. (n. 63), p. 149 (parmi les épouvantails d’enfants, Lamia est expressément désignée comme une ivrogne: cf. Diodore de Sicile, XX, 41, 3-6). 89. Hippolyte, Refutatio omnium haeresium IV, 35, 5 (éd. M. MARCOVICH). 90. E. ROHDE, Seelenkult und Unsterblichkeitsglaube der Griechen, Fribourg, 1898² (1893-1894), II, p. 407-411 (= Psyché, Le culte de l’âme chez les Grecs et leur croyance à l’immortalité, trad. A. REYMOND, Paris, 1928, p. 607-610). Hécate serait la mère du dieu du monde souterrain, la Ἅιδου μητέρα d’Eschyle, Agamemnon 1235. En tant que Mormô, elle apparaîtrait dans le conte sous la forme de Mormoluka comme nourrice d’Achéron. 91. Cf. également E. VERMEULE, Aspects of Death in Early Greek Art and Poetry, Berkeley et al., 1981 (Sather Classical Lectures, 46), p. 53, qui considère aussi toutes ces créatures comme des figures « infernales »; tout comme J. FONTENROSE, Python. A Study of Delphic Myth and its Origins, Berkeley/ Los Angeles, 1959, p. 116, qui les considère comme « des spectres d’Hécate » et des formes de la déesse elle-même; c’est également l’opinion de B.C. DIETRICH, Death, Fate and the Gods. The Development of a Religious Idea in Greek Popular Belief and in Homer, Londres, 1965, p. 342. 92. Dans une lettre citée par A. HENRICHS, « Namenlosigkeit und Euphemismus: Zur Ambivalenz der chthonischen Mächte im attischen Drama », in H. HOFMANN, A. HARDER (éds), Fragmenta Dramatica, Beiträge zur Interpretation der griechischen Tragikerfragmente und ihrer Wirkungsgeschichte, Göttingen, 1991, p. 161-201, p. 182, n. 44. 93. J. BREMMER, The Early Greek Concept of the Soul, Princeton, 1983, p. 101-102. 94. Lucien, Philopseudès, 22-24. 95. K. DILTHEY, « Ueber die von E. Miller herausgegebenen griechischen Hymnen », RhM 27 (1872), p. 375-419, p. 393, n. 3. 96. K. PREISENDANZ, A. HENRICHS (éds), Papyri Graecae Magicae: die griechischen Zauberpapyri, vol. II, Stuttgart, 1974, 21, 2. M. OLENDER, « Aspects de Baubô, textes et contextes antiques », RHR 202, 1 (1985), p. 3-53, p. 47. Selon Maurice Olender, « parmi ces démons inquiétants, familiers aux usagers antiques proches d’Hécate et de sa Baubô nocturne », on retrouverait Lamia, Gellô, Mormô et Empousa. 97. Sur le goût de l’absurde que Lucien attribue à la multitude illettrée, cf. M. CASTER, Lucien et la pensée religieuse de son temps, Paris, 1937, p. 332; Caster parle d’un « véritable cliché dans ce genre d’écrits » (ibid., p. 317), qui est celui « de mettre le lecteur en garde contre les μυθώδη, et de récuser les poètes ». 98. DILTHEY, l.c. (n. 95), p. 394. 99. SKODA, o.c. (n. 15), § 3.85, p. 96-97. Gorgô est un terme essentiellement auditif fondé « sur une base impressive sonore utilisée originellement pour effrayer (GOR-G-), comme le fait la réduplication gr… gr… qui, dans la langue enfantine, suggère par ses bruits de gorge, l’arrivée d’un monstre prêt à dévorer, donc farouche » : cf.ibid., § 3.61, p. 79.

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100. JOHNSTON, o.c. (n. 19), p. 215. 101. Assimilée, du moins avec Empousa, par diverses sources : cf. Aristophane, F 515 (éds KASSEL et AUSTIN);Hésychius, s.v. Ἔμπουσα; Scholia in Apollonium Rhodium, III, 861 (éd. WENDEL);J.O. Tzetzès, Commentarium in Ranas, 293. A. HENRICHS, l.c. (n. 92), p. 180-187, met en doute l’identification d’Hécate et d’Empousa dans le fragment d’Aristophane telle que comprise par la scholie aux Grenouilles d’Aristophane ou par Hésychius. 102. Cf. L. GERNET, Recherches sur le développement de la pensée juridique et morale en Grèce, Paris, 1917, p. 316-317. 103. À propos du processus de nomination des dieux grecs, cf. P. BRULÉ, « Le langage des épiclèses dans le polythéisme hellénique (l’exemple de quelques divinités féminines) », Kernos 11 (1998), p. 13-34. 104. En effet, il n’existe pas de témoignages faisant état de moyens prophylactiques utilisés par les mères ou les nourrices expressément contre Mormô. S.I. JOHNSTON, Restless Dead, p. 168-169, pense trouver la mention de tels moyens dans un passage de Platon, Phédon , 77e, parlant d’incantations ou de chants (ἐπᾴδειν) utilisés contre les mormolukeia, mais le ton plaisant du passage, l’utilisation du terme général mormolukeion, ainsi que le fait que l’écrasante majorité des sources atteste que les adultes « fabriquent » ces épouvantails pour effrayer les enfants (cf. par exemple, supra, n. 1 et n. 82), ne permettent pas à notre avis d’attribuer une vraie puissance de Mormô sur l’esprit des adultes. Sur ce passage, cf. M. STELLA, « Rire de la mort. Le philosophe, la cité, le savoir », in M.-L. DESCLOS (dir), Le rire des Grecs. Anthropologie du rire en Grèce ancienne, Grenoble, 2000, p. 460-467, p. 464. 105. Cf.supra, n. 101. 106. Cf.supra, n. 5. 107. Cf.supra, n. 24 et 26. 108. J.-P. VERNANT, La mort dans les yeux. Figures de l’autre en Grèce ancienne, Paris, 1985, p. 61-62. 109. Cf.supra, n. 14, 15 et 99; infra, n. 128. 110. Cf. un passage de Tzetzès, Chiliades V, 717-725, intitulé Τὶ τὸ μορμολύκειον, qui associe Mormô aux Gorgones. 111. La phobie des chevaux, et surtout de leur morsure, est courante chez l’enfant (cf. S. FREUD, « Analyse d’une phobie chez un petit garçon de 5 ans (Le petit Hans) », in CinqPsychanalyses, trad. M. BONAPARTE, R.M. LŒWENSTEIN, Paris, 1954, p. 93-198) et peut même se prolonger jusqu’à l’âge adulte (cf. G. DEVEREUX, « Les chevaux anthropophages dans les mythes grecs », REG 88 [1975], p. 203-205). D’ailleurs, les Grecs muselaient leurs chevaux car ils craignaient leur morsure : Xénophon, De l’art équestre V, 3. 112. Glaucos, fils de Sisyphe, prit part aux jeux funèbres en l’honneur de Pélias; vaincu à la course de quadriges, il se fit par la suite dévorer par ses juments : Iliade VI, 154; Eschyle, fr. 36-42 (éd. RADT). Le cruel Diomède qui jetait les étrangers en pâture à ses juments, en subit le même sort : Diodore de Sicile, IV, 15, 3-4; Élien, Sur la nature des animaux XV, 25; Strabon, VII, F 43 et 46; Hygin, Fables, 30; 250. Hippomenès enferma sa fille, qui n’était plus vierge, avec un cheval, jusqu’à ce que l’animal, affamé, la dévore : Diodore de Sicile, VIII, 22. Anthos, fils d’Autonoos et d’Hippodamie, poussa les chevaux de son père hors de leur pâturage et fut dévoré par eux : Antoninus Liberalis, Métamorphoses VII, etc. 113. Et c’est ainsi que le scholiaste comprend le passage : cf.supra, n. 18. 114. M. DETIENNE, J.-P. VERNANT, Les ruses de l’intelligence, la mètis des Grecs, Paris, 1974, p. 182. 115. Xénophon, De l’art équestre X, 17. 116. Gorgô à la tête chevaline, mère de Pégase (par Poséidon) : cf. DETIENNE, VERNANT, o.c. (n. 114), p. 181. 117. VERNANT, o.c. (n. 108), p. 53.

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118. S. GEORGOUDI, Des chevaux et des bœufs dans le monde grec (Réalités et représentations animalières à partir des livres XVI et XVII des Géoponiques), Paris/Athènes, 1990, n. 30, p. 137. 119. Cf.supra, n. 16. 120. VERNANT,o.c. (n. 108), p. 61-62. 121. Plutarque, De l’exil, 5 (Mor., 600e). 122. Épictète, Entretiens II, 1, 13-7. 123. Pas uniquement pour les enfants d’ailleurs : selon I. LOUCAS, « Ritual Surprise and Terror in Ancient Greek Possession-Dromena », Kernos 2 (1989), p. 97-104, on utilisait des masques dans certains rituels pour créer une violente surprise et la peur chez le spectateur. Il souligne la fonction de imitatio dei du masque, qui pouvait transformer un être humain en être surnaturel (sur cette fonction du masque cf. Th. KARAGIORGA, ‘Tête gorgonéenne’. Origine et signification de la forme gorgonéenne dans le culte et l’art de l’époque archaïque (en grec), Athènes, 1970, p. 112-132; W. BURKERT, Greek Religion, Archaic and Classical, trad. J. RAFFAN, Oxford, 1985 (1e éd. Stuttgart, 1977), p. 103. Th. FELDMAN, « Gorgo and the Origins of Fear », Arion 4 (1965), p. 484-494, essaye de trouver la source de la peur que peut provoquer le gorgoneion, en l’occurrence un visage sans corps, un masque; elle souligne que la peur du démembrement, et particulièrement de la tête coupée, serait la peur la plus profonde et la plus fondamentale déjà chez les primates; selon l’auteur, Gorgô évoquait les peurs les plus primitives de l’homme, tandis que Mormô connotait spécifiquement les peurs des enfants. 124. Pollux, Onomasticon IV, 115 et X, 167. 125. Cf.supra, n. 49. Scholia in Aristophanis Pacem, 474. 126. FRONTISI-DUCROUX, o.c. (n. 52), p. 13-14. 127. Ibid., p. 14. Cependant, les masques suspendus pouvaient être de diverses sortes, provenant d’offrandes au sanctuaire, par exemple le masque consacré après un concours théâtral lors de jeux en l’honneur de Dionysos, ou par quelqu’un qui a fini sa carrière théâtrale etc. et mormolukeion est un terme assez général que pour désigner toutes sortes de masques. Cf. Ch.G. SIMON, The Archaic Votive Offerings and Cults of Ionia, thèse de doctorat, Université de Californie, Berkeley, 1986, p. 376-378. 128. Notons une fois de plus les associations sonores de tous ces termes : MORM, GORG et MORMOR (Mormô, Gorgô, mormoros, mormoi etc.) sont des sonorités effrayantes, GORGUR (Gorgura) évoque des gargouillements, et MORMUR (mormuraia) des bruits sourds, des grondements, des murmures : cf.SKODA, o.c. (n. 15), § 3.103, p. 106. Pour les termes mormoros, mormoi et mormuraia, cf.supra, n. 16. 129. Aristote, La poétique V, 1449a 33-35 : τοῦ αἰσχροῦ ἐστι τὸ γελοῖον μόριον. (...) οἷον εὐθὺϛ τὸ γελοῖον πρόσωπον αἰσχρόν τι καὶ διεστραμμένον. 130. Cf. A. JAULIN, « Le rire logique : usages de geloion chez Aristote », in DESCLOS, o.c. (n. 104), p. 319-331. 131. J.-P. VERNANT, Figures, idoles, masques, Paris, 1990, p. 225. 132. Ibid., p. 229. 133. Ibid., p. 235 : plus précisément dans la tradition des Bacchantes d’Euripide. 134. VEYNE, o.c. (n. 69), p. 94. 135. Philostrate, Vie d’Apollonios de Tyane IV, 25. 136. Cf. R. PIETTRE, Le corps des dieux dans les épiphanies divines en Grèce ancienne, thèse de doctorat EPHE, 1996, p. 342-350 : le mot φάσμα formé sur le verbe φαίνω « désigne le résultat de l’action verbale ‘apparaître’ : il représente soit l’objet en tant qu’il apparaît (fantôme, présage), soit le fait même de l’apparition (vision). Cet objet ou cette vision ne sont cependant ainsi désignés que s’ils sont considérés et vécus comme frappants et surnaturels, ce qui veut dire que leur cause demeure obscure, ou qu’elle s’efface entièrement derrière le seul ‘apparaître’ » (p. 345). Un

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phasma frappe les sens, il « réalise pleinement la violence impérieuse du paraître, toutes les virtualités du φαίνεσθαι » (p. 347), il est terrifiant. 137. N. BELMONT, « Comment on fait peur aux enfants », Topique 13 (1974), p. 101-125, surtout p. 112-115. 138. J. BERLIOZ, « Masques et croquemitaines. À propos de l’expression ‘Faire barbo’ au Moyen Âge », Le monde alpin et rhodanien 10 (1982), p. 221-234. 139. Ibid., p. 225, citation de Doon de Mayence (chanson de geste du XIIIe s.), v. 1442-1443 : « Je sais bien que le loup-garou (barbeus) ou le loup m’étranglera/ Si Dieu ne me vient en aide. » 140. Ibid. 141. Ibid., p. 226 : en s’appuyant sur une note marginale « De larva vel Barbo » dans le Traité de prédication d’Étienne de Bourbon, datant également du XIIIe s. 142. Cf. Apulée, Du dieu de Socrate, 153, et le commentaire de J. BEAUJEU (éd.) p. 232-233. 143. Saint Jérôme, Hebraicae quaestiones in libro Geneseos, éd. P. de LAGARDE, t. I, 1, Corpus Christianorum, Series Latina, 72, Turnhout, 1959, Préface, p. 2, 14-17. Sur les larves chez les Romains, cf. É. JOBBE-DUVAL, Les morts malfaisants (Larvae, Lemures) d’après le droit et les croyances populaires des Romains, Chambéry, 2000² (1924), passim, surtout p. 44-50. 144. Cf.SKODA, o.c. (n. 15), § 3.87, p. 98. 145. BERLIOZ, l.c. (n. 138), p. 228. Et même faire peur aux enfants avec des masques à barbe : p. 230. 146. Voir par exemple l’emploi intéressant du verbe par Callimaque, Hymne à Artémis, (III) 65-71, où ce sont les filles des dieux qui sont effrayées par des épouvantails, lorsqu’elles sont désobéissantes; la mère fait appel aux Cyclopes, et Hermès se déguise en mormolukeion pour effrayer (μορμύσσεται) une fillette en se barbouillant de cendre noire et en surgissant d’une chambre reculée : « visage insolite, face noyée de nuit, sans plus de traits reconnaissables » (J.-P. VERNANT, « L’autre de l’homme : la face de Gorgô », in M. OLENDER (éd.), Mélanges Poliakov. Le racisme, mythes et sciences, Bruxelles/Paris, 1981, p. 141-156, p. 150) que n’en a une Mormô multiforme, sans aspect bien défini; scène familière, où le dieu joue avec la petite fille, comme le garçon qui poursuit un autre enfant avec un masque de satyre (cf.supra, n. 52). Sur le « masque de suie » utilisé par Hermès, cf. P. ELLINGER, La légende nationale phocidienne. Artémis, les situations extrêmes et les récits de guerre d’anéantissement, BCH Suppl. 27 (1993), p. 175. Notons qu’Hésychius, s.v. μορμύσσεσθαι, glose ce terme par ἐμβριμᾶσθαι; le verbe ἐμβριμάομαι-ῶμαι signifie « gronder, s’irriter contre quelqu’un ». Pourrait-on imaginer qu’Hermès ajoute la gronderie à la crainte qu’il inspire à la fillette pour la faire obéir ? 147. BELMONT, l.c. (n. 137), p. 125. 148. BERLIOZ, l.c. (n. 138), p. 232-233.

RÉSUMÉS

Cet article examine certains récits concernant un personnage faisant partie de l’univers des chambres enfantines, un croque-mitaine utilisé par les adultes pour effrayer les enfants. Mormô est une figure féminine fortement associée aux enfants et représentant l’aspect « vain » de l’épouvante qu’ils éprouvent. Être verbal, son nom est l’attribut essentiel de l’épouvante qu’elle provoque, nom que les sources associent à celui de Gorgô. Association qui se retrouve dans

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l’usage du terme mormolukeion, parallèle du gorgoneion, et signifiant à la fois « épouvantail » et « masque », faisant ainsi le lien entre les récits « enfantins » et la scène de théâtre.

How to scare children: the case of Mormo/Mormolyke and of the mormolykeion.This article examines narratives about a figure belonging to the world of childhood, a bogey used by adults to frighten children. Mormo is a feminine figure deeply associated with children and represents the “vain” side of their terror. She is a verbal being and her name is the main characteristic of the terror that she causes, a name that the sources associate with that of Gorgo. We find the same association in the use of the term mormolykeion (compared to gorgoneion), which signifies both “bogey” and “mask”, and so links the “childish” narratives with the theatrical stage.

AUTEUR

MARIA PATERA [email protected] École pratique des Hautes Études

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Héraklès : encore et toujours le problème du heros-theos*

Emma Stafford

Introduction

Un des thèmes de notre colloque est le vieux problème du rapport entre le mythe grec et le rituel. Sous ce titre j’aborde encore une fois le sujet de la double nature, héroïque et divine, d’Héraklès et la question de savoir si ce dualisme s’exprime au niveau du culte. Il était un temps où personne ne doutait du fait que l’apothéose du héros s’inscrivait dans un double culte, par des rites non seulement divins mais aussi héroïques. Mais les recherches récentes, surtout celles d’Annie Verbanck-Piérard et de Stella Georgoudi, ont tendu à montrer que la plupart des informations indiquent plutôt un simple culte divin d’Héraklès, et qu’il n’y a pas de preuves pour appuyer l’idée que le statut ambigu du heros theos de Pindare (Néméenne III, 21) se reflète dans son rituel1. Les arguments de Verbanck-Piérard et de Georgoudi sont en général convaincants, mais il reste, dans les rites accomplis pour Héraklès, des éléments à réexaminer parce qu’ils sont difficiles à expliquer sans faire appel à son côté héroïque. Par ailleurs, je veux tenir compte de la discussion récente au sujet des cultes héroïques en général, et de la prétendue opposition « olympien / chthonien » dans la religion grecque, en particulier2. Les études de Gunnel Ekroth et d’Annie Verbanck-Piérard ont montré qu’en fait, il n’y avait pas de différence nette entre les rites sacrificiels pour les dieux et pour les héros3. Il y a, bien sûr, une distinction entre les sacrifices du type thusia, caractérisés par le dîner rituel, et les sacrifices du type « destruction », que dénotent des mots comme enagizein et kautos, mais il n’y a que peu de preuves que ceux-ci furent utilisés pour les héros; il semble plutôt que la grande majorité des sacrifices pour les héros, comme pour les dieux, était des thusiai, avec un festin. On ne peut donc pas compter sur la présence des thusiai pour indiquer la divinité du destinataire; les rares exemples de sacrifices du type destruction, en revanche, semblent liés soit au caractère du destinataire, soit au contexte dans lequel on accomplit le rituel4. L’importance rituelle du caractère du destinataire est surtout défendue par Scott Scullion, qui

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propose toute une classification des rites « mixtes » ou « de compromis » qu’on peut associer aux héros et aux autres figures chthoniennes5. Avant de considérer quelques détails du culte d’Héraklès sous ce jour-là, il faut revoir rapidement le mythe qui donne lieu à son statut insolite de héros-dieu. L’histoire de sa vie montre plusieurs caractéristiques typiques du héros grec – il est né d’un père dieu (Zeus) et d’une mère mortelle (Alkmène), et, après une vie pleine d’aventures, il meurt; en outre, ses nombreux exploits répondent à plusieurs fonctions héroïques, depuis l’effet généralement civilisateur de la mise à mort des monstres, jusqu’à la fondation des cités et des institutions telles que les Jeux Olympiques. Ce qui le rend différent du héros typique, cependant, est l’absence de tombe et l’histoire de l’apothéose qui suit sa mort. Cette apothéose est notamment absente de l’Iliade, où Achille fait référence à Héraklès comme incontestablement mort, vaincu par « le destin et le courroux cruel d’Héra » (XVIII, 117-119). Néanmoins, cette mise au rang des dieux apparaît dans quatre passages de l’épopée, assez semblables, qui parlent de sa vie heureuse dans l’Olympe avec la déesse Hébé comme épouse6. On s’accorde donc à dire, en général, que cette histoire d’apothéose a dû apparaître quelque temps après l’Iliade, mais on n’est pas certain de la date à assigner aux passages pertinents – on soupçonne que les passages de l’Odyssée et de la Théogonie sont des interpolations, alors que le Catalogue des Femmes hésiodique, et l’Hymne homérique ne remontent qu’au milieu ou à la fin du VIe siècle7. Heureusement nous avons le témoignage solide de l’imagerie céramique, qui fixe une date pour l’apparition de l’histoire aux environs de 600 av. J.-C. Le motif se rencontre pour la première fois sur un aryballe corinthien, où Héraklès et Hébé sont en char, suivis d’Apollon et des Muses, accueillis par Athéna, Aphrodite et les Charites, pendant qu’Hermès annonce leur arrivée à Zeus et Héra8. À peu près contemporains sont des vases de Samos et (peut-être) de Mélos qui portent le même thème de l’introduction dans l’Olympe, thème qui apparaît bientôt aussi à Sparte9; et à partir de 570 av. J.-C. environ, nous avons à Athènes plus de 125 exemplaires à figures noires. Avant la fin du VIe siècle, donc, l’histoire de l’apothéose est bien établie, à côté du récit familier des tâches que le héros a dû accomplir sur l’ordre d’Eurysthée10.

Rites héroïques pour Héraklès ?

L’expression la plus explicite d’une opposition entre les rites divins et héroïques est le passage bien connu d’Hérodote (II, 44) sur la vénération pour Héraklès : J’estime très sage la conduite de ceux d’entre les Grecs qui ont dédié chez eux des sanctuaires à deux Héraklès, offrant à l’un, qu’ils appellent olympien, des sacrifices comme à un immortel (thuein hôs athanatôi), tandis qu’à l’autre ils rendent des honneurs funèbres comme à un héros (enagizein hôs hêrôi). Il est bien possible qu’il soit ici question ici de théorie, une prolongation logique du raisonnement d’Hérodote, plutôt que du témoignage d’un culte véritablement double dans un seul lieu quelconque11. À première vue le passage paraît confirmer, néanmoins, que la nature d’Héraklès doit vraiment avoir un effet sur la pratique rituelle – si on le considère comme un immortel, il faut lui offrir des thusiai – mais il est à noter qu’ailleurs Hérodote (V, 114) utilise la proposition thuein hôs hêrôi à propos d’Onesilos, un homme mort pendant la révolte de Chypre contre les Perses. Parce qu’elle a trouvé si peu de confirmation ailleurs pour un rapport entre les enagismata et les héros, Ekroth explique leur rapprochement ici, non comme une référence à un principe général, mais

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comme une marque particulière de la mortalité du héros Héraklès12. La même opposition se fait dans le récit de Pausanias (II, 10, 1) sur le culte à Sicyone : Ils racontent que Phaistos, venu sur le territoire de Sicyone, les trouva en train d’offrir des sacrifices (enagizein) à Héraklès comme à un héros. Phaistos considéra cette conduite incorrecte, mais il offrit des sacrifices (thuein) comme à un dieu. Et aujourd’hui encore les gens de Sicyone abattent (sphagein) les agneaux et brûlent les cuisses sur l’autel, et ils mangent une partie des viandes comme celles d’une victime sacrificielle (hiéréion), mais ils sacrifient (enagizein) une partie comme à un héros. Le type de sacrifice que décrit Pausanias comme courant – avec seulement une partie des agneaux du sacrifice détruite par le feu pendant qu’on mange le reste – s’accorde bien avec les destructions partielles que l’on peut voir ailleurs, et pour lesquelles Scullion a inventé le mot « moïrocauste » (de moira, la « part », et kaïein, « brûler »)13. L’explication qu’offre Pausanias pour le sacrifice mixte fait à Sicyone, résultat d’un changement des rites provoqué par une intervention externe, pourrait refléter un véritable changement historique de la pratique cultuelle, mais le récit est un peu confus – pourquoi poursuivre la pratique « incorrecte » après avoir reconnu Héraklès comme dieu ? Il paraît plus vraisemblable que cet aition soit venu du besoin d’expliquer une coutume insolite, qui mêlait des éléments rituels habituellement associés à des destinataires divins et héroïques respectivement; pour Pausanias, au moins, cette pratique s’accorde bien avec l’ambiguïté du personnage mythique d’Héraklès14. Il est encore question des « moïrocaustes » dans l’île de Thasos. C’est en fait à propos du culte thasien qu’Hérodote (II, 44) a fait sa remarque sur le double rituel qu’on doit à Héraklès en général. Dans le cas particulier de Thasos, il croit qu’on doit rendre compte de deux Héraklès, l’un apporté par les Phéniciens, l’autre le « fils d’Amphitryon », né quelque cinq générations plus tard. Pausanias rapporte également la tradition selon laquelle les Thasiens ont d’abord « vénéré le même Héraklès que les Tyriens » et plus tard « ils estimèrent rendre aussi un culte à Héraklès, fils d’Amphitryon ». Quand on a fait les premières fouilles du sanctuaire d’Héraklès à Thasos, on a compris les récits d’Hérodote et de Pausanias comme un reflet d’une première phase où les Phéniciens se servaient du sanctuaire pour honorer leur dieu Melqart, avant que l’Héraklès grec ne s’installe avec l’arrivée des colons de Paros vers 700 av. J.-C. Les premiers archéologues ont aussi identifié les restes d’une eschara dans le complexe des salles à manger et un bothros dans la cour triangulaire vers le sud, qu’ils ont considérés comme des témoignages des sacrifices à Héraklès le héros. Les études plus récentes, cependant, ont renoncé à l’idée d’une phase phénicienne, puisqu’il n’y a pas de traces matérielles d’activité sur le site avant le milieu du VIIe siècle peu de temps après la colonisation de l’île. On a aussi réinterprété l’eschara – plutôt qu’un lieu de sacrifice, c’était simplement une partie de la salle à manger du milieu du VIe siècle – et on considère maintenant que le prétendu bothros était un puits15. Selon les archéologues, donc, l’idée d’un double culte pour Héraklès à Thasos est peu fondée, mais la tradition qu’enregistrent Hérodote et Pausanias des deux Héraklès demande encore une explication16 – et c’est ici que nous nous tournons vers les inscriptions probématiques. Un calendrier des fêtes de ca300 et un décret de ca350 av. J.-C. témoignent de deux fêtes, des Sôteria pour Héraklès Sauveur et des Grandes fêtes d’Héraklès qui comprenaient des concours athlétiques17. Tout semble indiquer qu’Héraklès était un grand dieu du panthéon thasien, mais deux autres inscriptions laissent supposer qu’il existait à Thasos des éléments non divins, quoique l’interprétation reste contestée. Ce sont une loi sacrée du milieu du Ve s., trouvée près

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du « Passage de Théores » au nord-est de l’agora, à propos du culte d’Héraklès Thasios, et le bail d’un jardin de la fin du IVe siècle 18. La loi consiste en une série d’interdictions : interdiction de sacrifier des chèvres ou des porcelets, exclusion des femmes, interdiction d’enateuein, de couper des gera et d’organiser des concours. La signification de ce verbe rare enateuein a été éclaircie par comparaison avec la loi sacrée de Sélinonte, de ca460-50 av. J.-C., où les « Tritopatores impurs » reçoivent un neuvième (hê moira hê enatê) de la victime, qu’on doit brûler « comme pour les héros » (hôsper tois heroesi)19. Comme le rituel à Sicyone, ce type de sacrifice « de la neuvième portion » laisse vraisemblablement les huit neuvièmes restants disponibles pour la consommation. Le bail de jardin fait référence au sacrifice d’un bœuf, à un festin rituel, et à un sacrifice de la neuvième portion. On considérait cette inscription comme l’équivalent positif de la loi sacrée, mais les cartes sont un peu brouillées par la suggestion nouvelle de Bergquist de restituer un négatif à la proposition critique, oud’ enateuein20. Néanmoins, même si nous n’avons que des interdictions dans les deux inscriptions, on peut penser qu’une telle prohibition présuppose que le sacrifice « de compromis » de la neuvième portion était la norme qu’on attendait. La suggestion ancienne me paraît vraisemblable : les interdictions de la loi se réduiraient à une directive d’honorer Héraklès avec un holocauste complet. Certainement les propositions de la loi qui interdisent de couper les gera (portions honorifiques pour le prêtre) et les athla (portions données comme prix de concours) s’accordent avec un sacrifice de destruction21. Mais comment concilier un tel holocauste avec les informations archéologiques ? Il est bien clair que ce qui se faisait d’habitude au sanctuaire d’Héraklès entraînait le festin : dès le Ve siècle, il y avait un ensemble de cinq salles à manger renfermant 85 lits au total; en plus, des recherches récentes sur les restes animaux du site ont identifié des traces de coupures faites par le boucher en divisant la victime en portions pour qu’on les distribue22. Autre part sur l’île aussi, on trouve l’image d’Héraklès banqueteur, ce qui peut refléter les pratiques de ses fidèles à Thasos, comme le fait l’iconographie héracléenne à Athènes23. Pour expliquer un holocauste, donc, il n’y a que deux possibilités : il s’agit soit d’un lieu de culte particulier, soit d’une occasion exceptionnelle. On a proposé de distinguer l’Héraklès Thasios de l’agora de l’Héraklès du sanctuaire, celui-là héroïque (avec holocauste), celui-ci divin (avec thusia) – ou bien vice versa – mais toutes les hypothèses posent des problèmes face à l’interprétation courante des restes du sanctuaire24. En outre, il est difficile de comprendre comment l’épiclèse Thasios pourrait être indépendante du sanctuaire, sûrement le premier lieu sacré d’Héraklès sur l’île. Il est, me semble-t-il, plus vraisemblable d’interpréter la loi sacrée comme une mesure extraordinaire, peut- être à propos de la situation politique turbulente des années qui ont suivi la défection de Thasos de la Ligue de Délos, ca 465 av. J.-C., et la punition par Athènes qui s’ensuivit (Thucydide, I, 100-101). Cependant, on ne doit pas renoncer tout à fait à l’idée d’un élément héroïque dans le culte thasien. Il est parfaitement possible que la norme thasienne, à laquelle s’oppose la loi de l’agora, et ce qui se passait au sanctuaire était le sacrifice de la neuvième portion, suivi d’un festin. Une telle variation sur la thusia s’accorde assez bien avec la variété des prescriptions qu’on voit par exemple dans les calendriers attiques25, et la comparaison avec les Tritopatores de Sélinonte suggère que le rituel enateueinavait une signification particulièrement héroïque26. En outre, il est remarquable que l’image d’Héraklès qui ornait la porte de la cité juste au sud de son sanctuaire, qui date des premières années du Ve siècle, n’était pas celle du dieu au repos

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mais plutôt celle du héros en action, l’archer agenouillé, qualifié, dans l’inscription qui l’accompagne, de « fils de Zeus et d’Alkmène »27. Un dernier exemple possible d’un « moïrocauste » pour Héraklès apparaît à Milet ca 500 av. J.-C., avec une inscription qui transmet un oracle à propos de son culte28. Les femmes doivent être exclues du sanctuaire, comme à plusieurs endroits ailleurs, et on précise que la victime doit être noire. Nous avons l’habitude de comprendre cette dernière précision comme un élément du rituel « chthonien », mais l’étude des calendriers attiques a montré que les spécifications de couleur ne constituent pas une indication sûre du caractère du rituel ou du destinataire29. L’interdiction, toutefois, prescrit qu’on ne mange pas les entrailles (splanchna) de la victime. Puisque d’habitude les entrailles grillées faisaient partie du festin, cette interdiction pourrait laisser entendre qu’ici elles sont brûlées, comme les cuisses d’agneaux à Sicyone ou la neuvième portion à Thasos. Une autre sorte de sacrifice « de compromis » apparaît à Kos. Au lieu de détruire une partie d’une victime unique, on sacrifie un petit animal en holocauste, puis on sacrifie un animal plus grand de manière ordinaire, avec un festin. Selon un calendrier du milieu du IVe siècle, Héraklès reçoit un agneau en holocauste, suivi de la thusia d’un bœuf; en plus, le second sacrifice doit être accompagné d’offrandes d’orge, de blé, de miel et de fromage, et il faut un four neuf, des bâtons secs, du bois, et du vin30; ce sont là des indices du festin, certes, et peut-être d’une théoxenia. Mais que peut-on en retirer pour appréhender le statut d’Héraklès ? Ailleurs le calendrier prescrit un double rituel semblable pour Zeus Polieus et pour Zeus Machaneus, qui reçoivent tous les deux un porcelet en holocauste suivi d’un bœuf et/ou des moutons pour la consommation31. On a pensé que les deux épiclèses présentaient Zeus comme dieu de la fertilité agricole et que, dès lors, la destruction indiquerait ses associations « chthoniennes »32. Ce n’est pas un argument définitif – Georgoudi, par exemple, peut avoir raison d’être sceptique à propos de l’aspect « chthonien » de Zeus Polieus33 – mais la correspondance avec les « moïrocaustes » de Sicyone, Thasos et Milet est frappante. Ailleurs à Kos, en effet, il est évident qu’on considère Héraklès comme un dieu, parce qu’il partage avec Hébé et Héra un sanctuaire où on célébrait les mariages, vraisemblablement en imitation du hieros gamos d’Héraklès lui-même34. Mais rien n’empêche qu’on puisse avoir voulu, en un lieu ou à une occasion particulière, souligner son aspect de mortel en lui offrant des enagismata.

Héraklès héros à Athènes ?

Jusqu’ici, donc, nous avons trouvé des sacrifices de destruction au moins partielle à Sicyone, Thasos, Milet et Kos. Nous arrivons enfin à Athènes, où l’on pourrait imaginer que le statut divin d’Héraklès ne serait guère mis en question. Diodore (IV, 39) affirme que les Athéniens furent « les premiers de tous à rendre hommage à Héraklès comme à un dieu avec les thusiai », et l’image de l’introduction dans l’Olympe est connue dès la première moitié du VIe siècle – en plus de la céramique attique à figures noires (ci- dessus), on peut rappeler le fronton venu d’un bâtiment de l’Acropole archaïque35. Athènes prétend aussi à un rôle essentiel dans l’histoire d’Héraklès par le mythe de son initiation aux Mystères éleusiniens, qui a facilité son voyage aux Enfers. Selon les propositions de Boardman, l’invention de cette histoire se reflète dans l’iconographie de la recherche de Cerbère : vers la fin du VIe siècle, Héraklès cesse de tirer le chien par

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la force et commence à le persuader, quelquefois sous la surveillance de Perséphone36. On a souvent compris ce dernier des douze travaux comme le symbole de la victoire d’Héraklès sur la mort, un signe avant-coureur de son apothéose37, et il est probable qu’Isocrate fait allusion à cette initiation quand il dit, dans le Philippos (V, 33), qu’Athènes « a contribué à l’immortalité d’Héraklès – d’une façon facile à établir mais qui n’a pas lieu d’être ici… ». Dans le rituel athénien aussi, on considère que la plupart des témoignages indiquent la divinité d’Héraklès38, mais il y a des éléments dissonants. D’abord, seul son sanctuaire à Mélitè comportait un temple ordinaire, avec une statue de culte attribuée au sculpteur Hageladas39. Ce qui paraît être la forme plus habituelle du bâtiment sacré d’Héraklès à Athènes, c’est l’édifice à quatre colonnes, le prétendu Säulenbau, qu’on voit sur plusieurs vases attiques à figures rouges et reliefs votifs de la fin du Ve et du IVe siècle40. Une idée intéressante au sujet du Säulenbau, quoiqu’elle soit démodée actuellement41, c’est qu’il pourrait s’être développé à partir d’une sorte de monument funéraire semblable à celui que décrit Pausanias (II, 7, 2-3) comme étant typique de la coutume sicyonienne : Sur la route de Corinthe à Sicyone se trouve le monument de Lykos le Messénien, qui qu’il fût... Ce monument est un tertre artificiel : les Sicyoniens eux-mêmes enterrent d’habitude de cette façon. Ils couvrent le corps de terre, fabriquent par dessus une plinthe en pierre, dressent des piliers sur la plinthe, et puis ils élèvent un monument sur les piliers, très similaire au fronton d’un temple. N’inscrivant rien sauf le nom, sans nom de famille, ils font les adieux aux défunts. L’objection principale à cette interprétation42 est que, dans la plupart des images, le Säulenbau d’Héraklès manque de fronton et de toit, et donc ne s’accorde pas parfaitement avec la description du tombeau sicyonien. C’est vrai, mais il me semble inutile de chercher un accord assez exact – l’important est que l’exemple sicyonien nous donne le parallèle pour un monument funéraire, à trois dimensions, avec colonnes. On peut mettre en rapport ce passage avec la tradition selon laquelle Héraklès a hérité ses sanctuaires athéniens du héros local Thésée. La première référence vient vers la fin de l’Héraklès (1326-1333) d’Euripide, quand Thésée est en train de persuader Héraklès de venir à Athènes, en prédisant les honneurs qu’il recevra : Partout dans mon pays on m’a donné des enceintes; elles seront les tiennes dorénavant, et, pendant que tu vivras, on les appellera par ton nom chez les mortels; lorsque tu seras mort et allé aux Enfers, toute la cité d’Athènes te fera les honneurs, avec des sacrifices (thusiai) et des monuments (exogkômata) en pierre. Que sont ces exogkômata en pierre qu’offriront les Athéniens à Héraklès ? Le mot n’est pas précis : il peut signaler soit un tombeau simple, soit la décoration sculpturale d’un temple ou d’un trésor43. Thésée ne dit rien de l’apothéose, donc il serait logique qu’il parle des monuments propres à un héros mort plutôt qu’à un dieu. On peut faire valoir qu’il s’agit ici d’une invention euripidéenne, conçue pour renforcer les liens entre Thésée et Héraklès, mais le caractère étiologique de tels passages suggère que les spectateurs Athéniens étaient censés y voir la forme insolite des édifices consacrés à Héraklès dans leur propre cité44. Une autre possibilité se présente avec les propositions de Riethmüller à propos du sanctuaire d’Asclépios sur la pente sud de l’Acropole athénienne45. Il y avait un temple ordinaire et un autel élevé, et en plus des salles à manger et une stoa à deux étages, où dormaient les fidèles pendant qu’ils attendaient les rêves guérisseurs. À l’extrémité

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occidentale de la stoa se trouve une construction à quatre colonnes au-dessus d’une fosse, revêtue de pierre, que Riethmüller interprète comme un bothros, dont on se servait pour faire des enagismata lors de la fête annuelle des Heroa pour Asclépios, et aussi pour les offrandes préliminaires qu’on faisait avant l’incubation46. Si Riethmüller a raison, cela nous offrirait un parallèle excellent pour la coexistence des dispositifs permettant les sacrifices du type thusia et aussi le genre de sacrifice et de rituel du sang auquel on procède pour les défunts ordinaires et certains héros. Malheureusement, il n’y a pas de données positives pour des offrandes faites sur la fosse, et pas d’assurance que de telles offrandes auraient été destinées à Asclépios lui-même – ailleurs on parle des prothumata faits aux autres dieux et héros avant un sacrifice à Asclépios47. En outre, selon la plupart des archéologues, ce bothros est en fait un réservoir 48. Enfin, la proposition de Riethmüller selon laquelle on doit interpréter le Säulenbau d’Héraklès comme une combinaison de tétrastyle et de bothros s’effondre quand on pense à des images d’Héraklès banqueteur dans une telle structure49 – s’il y avait une fosse, Héraklès risquerait d’y tomber ! L’interprétation la plus en vogue est que le Säulenbau fournissait un abri pour le festin après le sacrifice. On ne manque pas d’indices de l’association générale entre Héraklès et le festin dans la comédie attique, et, au niveau du culte, le sanctuaire de Kynosarges est notamment connu pour son sacrifice mensuel et le festin des douze parasitoi, les « compagnons de table » d’Héraklès, choisis parmi les nothoi, les « bâtards »50. Kynosarges accueillait aussi les Herakleia, une fête annuelle pour toute la cité, et des offrandes privées, comme le montre un relief votif du sanctuaire, où une famille entière, y compris des femmes et un enfant, conduit un bœuf énorme vers Héraklès51. En outre, on peut préciser ce qui arrive aux bœufs dans les sanctuaires d’Héraklès à Athènes avec l’aide d’un passage de Théophraste (Caractères,27, 5) à propos de la bouffonnerie du « tard instruit » : invité à un Hérakleion, il s’élance pour « soulever lui-même le bœuf pour lui couper la gorge ». On a mis ce passage en rapport avec l’image remarquable sur une amphore attique à figures noires de Viterbe, ca550-25 av. J.-C., où plusieurs hommes nus tiennent un bœuf en l’air; un homme vêtu d’un chiton court est en train d’en couper la gorge, et un jeune tient une jatte, le sphageion, pour recueillir le sang, qui sera utilisé plus tard dans la préparation de plusieurs mets pour le festin52. Au total, donc, il semble peu douteux que l’Héraklès athénien recevait d’habitude le type ordinaire de sacrifice, suivi par la consommation de la victime. Comme nous l’avons vu cependant, le dîner est assez compatible avec les types de sacrifice « de compromis », et même une thusia simple ne présuppose pas la divinité de son destinataire. Ekroth suggère qu’on pourrait avoir signalé la mortalité d’un héros destinataire par d’autres éléments que le rituel sacrificiel – par la présence d’un tombeau, des lamentations sur sa mort, ou la caractérisation des jeux comme funéraires53. Pourquoi ne pas combiner les deux interprétations du Säulenbau en disant qu’il est à la fois une espèce de cénotaphe de l’Héraklès absent, mort, mais parvenu à l’Olympe, et un abri pour les fidèles banqueteurs54 ? Un autre témoignage athénien, auquel on n’a pas beaucoup prêté attention jusqu’ici, est la scène représentée sur une oinochoe de la fin du Ve siècle (Fig. 1)55.

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Fig. 1 : Oinochoe attique à figures rouges, ca400 av. J.-C., Kiel B55 (photo du musée)

Le jeune Héraklès imberbe reste debout à droite avec sa massue; au centre, un homme en tenue de prêtre tient un kantharos vers un jeune, qui tient un oinochoe; entre eux, au pied d’un arbre, est un tertre bas, sur lequel reste le crâne d’un bœuf. Dire que les deux mortels sont en train de faire une libation en l’honneur d’Héraklès n’est pas problématique; la question est de préciser ce qui vient de se passer en bas. Van Straten pense que c’est une représentation, exceptionnelle pour la céramique attique, de l’holocauste sur une eschara, notant que la tête de la victime ne faisait pas partie de la portion du dieu56. Ekroth réfute cette hypothèse, en citant des trouvailles faites à l’Isthme de fragments de crâne brûlés sur l’autel de Poséidon, et elle montre plus généralement que la distinction nette entre l’autel élevé (bômos) et le foyer bas (eschara) est illusoire avant l’époque romaine57. En effet, ce tertre est insolite : la plupart des autels qu’on voit dans la céramique et sur les reliefs votifs sont de type architectural, souvent avec chapiteau ionique, et même les autels primitifs, construits avec des pierres ou du bois, sont d’habitude plus élevés. Néanmoins, parmi les images de sacrifice rassemblées par van Straten, il y a un exemple de tertre semblable, sur un cratère en cloche attique à figures rouges de la fin du Ve siècle 58 : ici trois jeunes tiennent des obeloi avec les entrailles embrochées, prêtes à rôtir, indices irrécusables d’une thusia. Le tertre, donc, ne signifie pas forcément un holocauste : il est peut-être tout simplement une roche, utilisée comme autel expédient, ou un tas de cendres, restes des sacrifices précédents. La présence de l’arbre sur notre oinochoe s’accorde bien avec cette interprétation, comme indice d’un lieu rustique, où on pourrait attendre un autel primitif. Quant au crâne, je ne veux pas nier absolument la possibilité qu’il signifie un holocauste – comment signaler un tel sacrifice autrement ? – mais il faut rappeler qu’on voit aussi des crânes associés à des autels de type architectural59.

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À ce propos, deux autres images méritent réflexion, qui montrent un tertre ou un autel bas en combinaison avec le Säulenbau. La scène curieuse qui se trouve sur une cratère en cloche attique à figures rouges du début du IVe siècle, vase attribué au Peintre du Louvre G508 (Fig. 2)60, représente Héraklès, assis dans le Säulenbau, entouré de quatre figures : on peut reconnaître Hermès et Athéna par leurs attributs habituels, mais l’autre femme et le jeune manquent d’indices identifiants. On pourrait supposer que le jeune est Iolaos, le compagnon constant d’Héraklès dans la céramique attique, ou peut- être un des Dioscures. La présence des autres dieux a toutefois donné lieu à l’identification de la scène entière comme le mariage d’Héraklès et Hébé, ou même le « choix d’Héraklès ». Ni l’une ni l’autre de ces hypothèses n’est convaincante. La comparaison avec l’histoire bien connue de Prodikos repose sur des fondations fragiles : selon Picard, le Säulenbau signale l’emplacement de l’épisode au carrefour, la femme anonyme serait Hédonè, la personnification du Plaisir, tandis que le rôle de la Vertu serait joué par Athéna61. Des témoignages à l’appui des deux premières propositions font entièrement défaut, et je ne crois pas que l’allégorisation d’Athéna de cette façon se rencontre déjà à cette époque62. Quant au mariage, il se situe d’habitude sur l’Olympe, en présence de Zeus et Héra, et confirme la divinité d’Héraklès – pourquoi introduire alors le Säulenbau, lieu de son culte parmi les mortels, et peut-être souvenir de la mortalité du héros lui-même ? Il est beaucoup plus vraisemblable que l’action se déroule sur la terre, où le dieu accueille des collègues dans son sanctuaire. Le tertre s’explique comme une partie de ce sanctuaire, selon la description timide de Pottier : « une élévation du terrain (en rouge réservé) sur laquelle est placé un objet (petit autel portatif ?) entouré de trois flammes blanches (on pourrait y voir l’autel primitif, eschara, installé devant le temple et servant aux sacrifices ?) »63.

Fig. 2 : Cratère en cloche attique à figures rouges, ca400-380 av. J.-C., vase du Peintre du Louvre G508 (photo du musée).

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On n’est pas obligé de retenir l’appellation d’eschara, mais il est vrai qu’ici l’autel d’Héraklès est de type primitif, et paraît dissonant à côté de l’architecture assez élégante du Säulenbau. S’agit-il d’un élément fait exprès pour marquer la nature insolite d’Héraklès ? Une dernière reprise de cette combinaison se trouve sur un relief votif d’Érétrie du IVe siècle64 : ici Héraklès est assis dans le Säulenbau à gauche, avec un autel bas, de forme circulaire à ses pieds; de la droite s’approchent un bœuf et un homme en tenue de prêtre, tenant la machaira, le couteau sacrificiel. Sans les éléments mythologiques de la céramique, cette image parle plus clairement du culte : le bœuf est en effet destiné à l’autel bas, où se passera un sacrifice. Quel que type de sacrifice que ce soit – une thusia, un holocauste, un sacrifice « de compromis » – l’emplacement suffit peut-être pour signaler la nature d’Héraklès65.

Conclusion

Le mythe d’Héraklès heros theos persiste pendant toute l’antiquité – on continue de raconter les histoires de sa vie héroïque et d’expliquer comment il est devenu dieu plus de mille ans après que les Grecs « s’accordèrent pour lui concéder l’immortalité » (Diodore, IV, 8, 5). Est-il possible que tout indice de cette histoire soit absent du rituel ? Il est bien vrai qu’il n’y a nulle part de preuves de l’existence d’un double culte d’Héraklès comme l’expose Hérodote. Néanmoins, je crois que les cas où se manifeste une certaine ambiguïté cultuelle sont davantage qu’un phénomène marginal. On peut reconnaître des types de sacrifices « mixtes » ou « de compromis » à Sicyone, Thasos, Milet et Kos; à Athènes, la forme insolite du Säulenbau rappelle peut-être un monument funéraire, avec parfois un autel primitif comme souvenir de l’ancienne mortalité d’Héraklès. Dans tous ces lieux, d’autres indices confirment qu’on y connaît Héraklès comme un dieu, mais ces éléments rituels qui s’écartent de la norme de la thusia demandent des éclaircissements. Il est possible qu’on doive chercher des facteurs spécifiques aux lieux ou à des circonstances particulières, mais l’explication la plus simple tient à la nature d’Héraklès. Les rites expriment la même chose que ce que dit le mythe : autrefois Héraklès était mortel, maintenant il est un dieu; donc nous pouvons espérer nous-même la récompense d’une immortalité heureuse.

NOTES

*. Cette communication trouve son origine dans les recherches entreprises pour un livre qui fournira une vue d’ensemble du mythe et du culte d’Héraklès : E.J. STAFFORD, Herakles, London and New York, Routledge, à paraître. Je tiens à remercier les organisateurs du colloque de m’avoir donné l’occasion d’approfondir ce problème particulier, et je suis très reconnaissante aussi à Gunnel Ekroth, qui a commenté une version de cette communication, et à ceux qui m’ont aidé pour le français (Anne Barthélemy, Pierre Brulé, et Nicolas Richer). 1. A. VERBANCK-PIÉRARD, « Le double culte d’Héraklès : légende ou réalité ? », in A.-F. LAURENS (éd.), Entre hommes et dieux. Le convive, le héros, le prophète, Besançon / Paris, Les Belles Lettres,

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1989, p. 43-65; P. LÉVÊQUE, A. VERBANCK-PIÉRARD,« Héraclès héros ou dieu ? », in C. BONNET, C. JOURDAIN-ANNEQUIN (éds), Héraclès : d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Bilan et perspectives, Bruxelles / Rome, Institut belge de Rome, 1992, p. 43-65. S. GEORGOUDI, « Héraclès dans les pratiques sacrificielles des cités », in C. BONNET, C. JOURDAIN-ANNEQUIN, V. PIRENNE-DELFORGE (éds), Le Bestiaire d’Héraclès : IIIe Rencontre héracléenne, Liège, 1998 (Kernos, suppl. 7), p. 301-317. 2. Sur l’histoire du débat, voir R. SCHLESIER, « Olympian versus Chthonian religion », SCI 11 (1991-2), p. 38-51. 3. A. VERBANCK-PIÉRARD, « Héros attiques au jour le jour : les calendriers des dèmes », in V. PIRENNE-DELFORGE (éd.), Les panthéons des cités, des origines à laPériégèse de Pausanias, Liège, 1998 (Kernos, suppl. 8), p. 109-27; V. PIRENNE-DELFORGE, « Les rites sacrificiels dans la Périégèse de Pausanias », in D. KNOEPFLER, M. PIÉRART (éds), Éditer, traduire, commenter Pausanias en l’an 2000, Genève, Université de Neuchâtel, 2001, p. 109-134; G. EKROTH,« Pausanias and the sacrificial rituals of Greek cult », in R. HÄGG (éd.), Ancient , Stockholm, Åströms, 1999, p. 145-158; G. EKROTH,The Sacrificial Rituals of Greek Hero-Cults, Liège, 2002 (Kernos, suppl. 12). 4. EKROTH 2002, o.c. (n. 3), p. 225-228. 5. S. SCULLION,« Olympian and chthonian », Classical Antiquity 13 (1994), p. 75-119; S. SCULLION,« Heroic and chthonian sacrifice: new evidence from Selinous », ZPE 132 (2000), p. 163-171. EKROTH 2002, o.c. (n. 3), p. 310-325, réfute la thèse de Scullion selon laquelle la locution ou phora signale le caractère chthonien du destinataire, mais elle est d’accord avec la proposition selon laquelle le caractère mythique d’Héraklès a pu influencer le rituel (p. 127 et 333). 6. Odyssée XI, 601-604; Théogonie, 950-955, Catalogue des femmes, fr. 25, 20-29 (éd. MERKELBACK- WEST), Hymne homérique, 15, à « Héraklès cœur-de-lion ». 7. Voir M.L. WEST, Hesiod’s Theogony, Oxford, Clarendon Press,1966, p. 397-399 et 416-417; M.L. WEST, The Hesiodic Catalogue of Women,Oxford, Clarendon Press,1985, p. 130-137. 8. J. BOARDMANet al., s.v.« Herakles », LIMC IV (1988), p. 728-838 (nos 1-1696), et LIMC V (1990), p. 1-192 (nos 1697-3520), no 3331●; T.H. CARPENTER, Art and Myth in Ancient Greece, London, Thames and Hudson, 1991, fig. 233. 9. Cratère de Samos (non publié) : BOARDMAN et al., o.c. (n. 8), n o 3330. Amphore parienne de Mélos : Athens 354; K. SCHEFOLD, Myth and Legend in Early Greek Art, tr. A. HICKS, London, Thames and Hudson, 1966 [1964], pl. 57c. Coupe Laconienne, ca 570 av. J.-C. : New York 50.11.7; BOARDMANet al., o.c. (n. 8), no 2861; M. PIPILI, Laconian Iconography of the Sixth Century BC, Oxford, University Committee for Archaeology, 1987, p. 11-12, fig. 16. 10. Discussions : A.-F. LAURENS, « Héraclès et Hébé dans la céramique grecque ou les noces entre terre et ciel », in C. JOURDAIN-ANNEQUIN, C. BONNET (éds), IIe Rencontre héracléenne. Héraclès : les femmes et le féminin, Bruxelles / Rome, Institut belge de Rome, 1996, p. 235-258; T. GANTZ, Early Greek Myth: a guide to literary and artistic sources, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1993, p. 460-462; A. VERBANCK-PIÉRARD, « Images et croyances en Grèce ancienne : représentations de l’apothéose d’Héraclès au VIe siècle », in C. BÉRARD, (éd.) Images et société en Grèce ancienne, Lausanne, Université de Lausanne, 1987, p. 187-199; K. SCHEFOLD, Gods and Heroes in Late Archaic Greek Art, tr. A.H. GRIFFITHS, Cambridge, CUP, 1992 [1978], p. 33-46, fig. 31-47. 11. VERBANCK-PIÉRARD 1989, l.c. (n. 1), p. 46-47. 12. EKROTH 2002, o.c. (n. 3), p. 85-86. 13. SCULLION 2000, l.c. (n. 5). 14. PIRENNE-DELFORGE, l.c. (n. 3), p. 119-121, propose une autre lecture très intéressante du passage : elle signale le récit de Pausanias un peu plus loin (II, 10, 5) à propos du rituel accompli par les Sicyoniens pour Aphrodite, et suggère que ce genre de sacrifice était en fait assez normal

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chez eux pour honorer les dieux; le rituel local a été réinterprété à la lumière du mythe d’Héraklès panhellénique. Voir aussi GEORGOUDI, l.c. (n. 1), p. 313. 15. Résumé commode de l’archéologie du sanctuaire : Y. GRANDJEAN, F. SALVIAT, Guide de Thasos, Paris, de Boccard, 20002 [1967], p. 142 fig. 94-96. Discussions détaillées : M. LAUNEY, Le sanctuaire et le culte d’Héraklès à Thasos, Paris, de Boccard,1944(Études thasiennes, 1); J. POUILLOUX, Recherches sur l’histoire et les cultes de Thasos I : de la fondation de la cité à 196 avant J.-C., Paris, de Boccard,1954(Études thasiennes, 2), et « L’Héraclès thasien », REA 76 (1974), p. 305-316; D. VAN BERCHEM, « Sanctuaires d’Hercule-Melqart : contribution à l’étude de l’expansion phénicienne en Méditerranée »,Syria 44 (1967), p. 88-109; B.BERGQUIST, Herakles on Thasos, Uppsala, Acta Universitatis Upsaliensis, 1973 (Boreas 5); C. BONNET, Melqart. Cultes et mythes de l’Héraclès tyrien en Méditerranée, Leuven/Namur, Presses universitaires de Namur, 1988, p. 346-371; J. DES COURTILS, A. PARIENTE,« Excavations in the Heracles sanctuary at Thasos », in R. HÄGG, N. MARINATOS, G.C. NORDQUIST (éds), Early Greek Cult Practice, Stockholm, Åströms, 1988, p. 121-123. 16. Comme le remarque POUILLOUX 1974, l.c. (n. 15), p. 306. 17. Calendrier des fêtes = F. SALVIAT, « Une nouvelle loi thasienne : institutions judiciaires et fêtes religieuses à la fin du IVe s. av. J.-C. », BCH 82 (1958), p. 193-267. Décret, ca 350 av. J.-C. = POUILLOUX 1954, o.c. (n. 15), no 141. 18. Loi sacrée, ca 450-40 av. J.C. = IG XII Suppl. 414, F. SOKOLOWSKI, Lois sacrées des cités grecques, Supplément, Paris, de Boccard, 1962,no 63. Bail de jardin = IG XII Suppl. 353. POUILLOUX, l.c. 1974 (n. 15), résume les interprétations précédentes, surtout de VAN BERCHEM etBERGQUIST, o.c. (n. 15). 19. M.H. JAMESON, D.R. JORDAN, R.D. KOTANSKY, A ‘lex sacra’ from Selinous, Durham, North Carolina, 1993 (GRBS, Mongraphs 11), A 9-12. Le sacrifice du type enateueinse trouve encore une fois dans un calendrier des fêtes de Mykonos, ca 200 av. J.C., pour Sémélé : SOKOLOWSKI 1962, o.c. (n. 18), no 96, l. 23-24. 20. B. BERGQUIST, « Restudy of two Thasian instances of enateuein», in R. HÄGG (éd.), Greek Sacrificial Ritual, Olympian and Chthonian, Stockholm, Åströms, à paraître (cité dans EKROTH 2002, o.c. [n. 3], p. 221, n. 30). 21. C’était l’interpretation de H. SEYRIG, « Quatre cultes de Thasos », BCH 51 (1927), p. 185-198, suivie en dernier lieu par SCULLION 2000, l.c. (n. 5), p. 166-167. 22. J. DES COURTILS, A. GARDEISEN, A. PARIENTE, « Sacrifices d’animaux à l’Hérakleion de Thasos », BCH 120 (1996), p. 799-820. B. BERGQUIST, « Feasting of worshippers or temple and sacrifice? The case of Herakleion on Thasos », in R. HÄGG R. (éd.), Ancient Greek Cult-Practice from the Archaeological Evidence, Stockholm, Åströms, 1998, p. 57-72, pense que même les bâtiments du sixième siècle, les premiers dans le sanctuaire, étaient tous les deux des hestiatoria pour le festin rituel. C. JOURDAIN-ANNEQUIN, « Public ou privé ? À propos de quelques cultes d’Héraclès dans la cité grecque », Ktema 23 (1998), p. 351-355, lie le dîner du sanctuaire avec l’aspect politique d’Héraklès Thasios. 23. Relief rupestre dans les carrières antiques de Saliari, IIIe-Ier s. av. J.C. : GRANDJEAN – SALVIAT, o.c. (n. 15), fig. 107. Cf. A. VERBANCK-PIÉRARD, « Herakles at feast in Attic art: a mythical or cultic iconography? », in R. HÄGG (éd.), The Iconography of Greek Cult, Liège, 1992 (Kernos, suppl. 1), p. 85-106. 24. GEORGOUDI l.c. (n. 1), p. 310-311. 25. Voir, en dernier lieu, EKROTH 2002, o.c. (n. 3), passim, mais aussi SCULLION 1994, l.c. (n. 5), et VERBANCK-PIÉRARD 1998, l.c. (n. 3), p. 115-119. 26. SCULLION 2000, l.c. (n. 5); EKROTH 2000, o.c. (n. 3), p. 237-238. Celle-ci suppose (p. 221), avec plus de circonspection, qu’on connaissait le sacrifice de la neuvième portion à Thasos, mais qu’on ne le pratiquait pas : « The mention of the enateuein ritual may have functioned as an echo of

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Herakles’ particular history and mythology, which hardly ever was acted out in actual practised cult. » 27. IGXII 8, 356; BOARDMANet al., o.c. (n. 8), no 45*; GRANDJEAN – SALVIAT, o.c. (n. 15), p. 129-132, fig. 86. C’est la même image qu’on trouve sur les monnaies thasiennes du IVe s.; au IIe s. un type nouveau apparaît, avec un jeune Héraklès imberbe, debout, avec l’épiclèse Sôter : ibid., p. 306-313, fig. 271-283. 28. F. SOKOLOWSKI, Lois sacrées de l’Asie Mineure, Paris, de Boccard, 1955, no 42. 29. VERBANCK-PIÉRARD 1998, l.c. (n. 3), p. 119-121. 30. F. SOKOLOWSKI, Lois sacrées des cités grecques, Paris, de Boccard, 1969, no 151C, l. 8-15 = M. SEGRE, Iscrizioni di Cos, D. Peppas-Delmousou et M.A. Rizza (éds), Rome, “L’Erma” di Bretschneider, 1993, ED 140 pl. 37. 31. SOKOLOWSKI, o.c. (n. 30), no 151A, l. 32-34 et 46-55 (Zeus Polieus); 151.B.10-21 (Zeus Machaneus). 32. JAMESON, JORDAN, KOTANSKY, o.c. (n. 18), p. 95-97; SCULLION 1994, l.c. (n. 5), p. 93 et 106-107; EKROTH 2000, o.c. (n. 3), p. 218-20 et 225. 33. GEORGOUDI, l.c. (n. 1), p. 311-312. 34. Loi sacrée, ca 300 av. J.-C., SOKOLOWSKI, o.c. (n. 30), no 177 = SEGRE, o.c.(n. 25), ED 149 pl. 44; S.G. COLE, « Gynaiki ou themis: gender difference in the Greek leges sacrae », Helios 19 (1992), p. 107. Cf. Plutarque, Questions grecques, 304c-e, sur le culte à Antimacheia. 35. Musée de l’Acropole 9, ca 550 av. J.-C.; bibliographie, voir ci-dessus (n. 10). À ce propos A. VERBANCK-PIÉRARD, « Héraclès l’Athénien », in A. VERBANCK-PIÉRARD, D. VIVIERS (éds), Culture et Cité : l’avènement d’Athènes à l’époque archaïque, Bruxelles, de Boccard, 1995, p. 119, remarque : « Tout se passe comme si les artistes athéniens du VIe s. souhaitaient exprimer les premiers et avec bonheur l’installation réussie d’Héraclès dans l’Olympe... » 36. J. BOARDMAN, « Herakles, Peisistratos and Eleusis”, JHS 95 (1975), p. 1-12. 37. Je considère cet aspect du mythe héraklèen ailleurs : E.J. STAFFORD, « Herakles and the art of allegory », in L. RAWLINGS (éd.), Herakles-Hercules in the Ancient World, Swansea, Classical Press of Wales, 2005. 38. Voir surtout VERBANCK-PIÉRARD 1989, l.c. (n. 1), p. 51-53, et, en dernier lieu, VERBANCK-PIÉRARD 1995, l.c. (n. 35). S. WOODFORD, « Cults of Heracles in Attica », in D. G. MITTEN, J.G. PEDLEY, J.A. SCOTT ( éds),Studies presented to George M.A. Hanfmann, Cambridge, Mass., Fogg Art Museum, 1974, p. 211-225, fournit une vue d’ensemble des informations. 39. WOODFORD 1974, l.c. (n. 38), 218-19, et S. WOODFORD,« Herakles Alexikakos reviewed », AJA 80 (1976), p. 291-294. 40. Résumés du débat : WOODFORD 1974, l.c. (n. 38), 213-214; BOARDMANet al., o.c.(n. 8), p. 801-805. 41. C’était la proposition d’A. FRICKENHAUS, « Das Herakleion von Melite », MDAI(A) 36 (1911), 113-144. 42. Soulevée en premier lieu par O. WALTER,« Der Säulenbau des Herakles », MDAI(A)62 (1937), 41-51. 43. G.W. BOND, Euripides’ Herakles: a commentary, Oxford, Clarendon Press, 1981, ad loc. 44. La tradition suggère aussi une parité entre la forme des sanctuaires de Thésée et d’Héraklès, mais, à partir de là, on peut estimer, soit qu’Héraklès partage la nature héroïque de Thésée, soit que le culte de Thésée « tend vers le divin » : LÉVÊQUE – VERBANCK-PIÉRARD, l.c. (n. 1), p. 63-64. 45. J.W. RIETHMÜLLER, «Bothrosand tetrastyle: the heroonof Asclepius in Athens », in R. HÄGG (éd.), Ancient Greek Hero Cult, Stockholm, Åströms, 1999, p. 123-143. 46. Les Heroa sont assurés seulement par deux inscriptions du IIe s. av. J.C. : IG II², 974, 1061; voir E.J. EDELSTEIN, L. EDELSTEIN,Asclepius: collection and interpretation of the testimonies, Baltimore, Johns

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Hopkins University Press, 1945, no T553, p. 184, n. 11. Offrandes préliminaires : Aristophane, Ploutos, 660-661. 47. Par exemple, à l’Asklepieon du Pirée, une loi sacrée du IVe s. av. J.-C. (IG II², 4962a) prescrit des prothumata pour Maleatas, Apollon, Hérmès, Iasis, Akeso, Panakeia, des chiens et des Kynagetai. 48. Sur le bothros, voir S. ALESHIRE, The Athenian Asklepieion. The people, their dedications, and the inventories, Amsterdam, J.C. Gieben, 1989, p. 26. Pour une réfutation complète des propositions de Riethmüller, voir A. VERBANCK-PIÉRARD, « Les héros guérisseurs : des dieux comme les autres ! À propos des cultes médicaux dans l’Attique classique », in V. PIRENNE-DELFORGE,E. SUÁREZ DE LA TORRE (éds), Héros et héroïnes dans les mythes et les cultes grecs, Liège, 2000 (Kernos, suppl. 10), p. 329-332. 49. Par exemple, cratère attiques en figures rouges, Athènes 14902; BOARDMANet al., o.c. (n. 8), no 1372*; WOODFORD, l.c. (n. 38), pl. 62. 50. Voir surtout S.C. HUMPHREYS, « The nothoi of Kynosarges », JHS 94 (1974), p. 88-95, et C.B. PATTERSON,« Those Athenian bastards », Classical Antiquity 9 (1990), p. 40-73. 51. Athens EM 3942; BOARDMANet al., o.c. (n. 8), no 1388*; F.T. VAN STRATEN, Hierà kalá. Images of animal sacrifice in archaic and classical Greece, Leiden, Brill, 1995, R90 fig. 93. 52. VAN STRATEN, o.c.(n. 51), p. 109-113, fig. 115; EKROTH 2002, o.c. (n. 3), p. 273-274, fig. 12, et voir p. 247-251 sur le traitement du sang des victimes sacrificielles. 53. EKROTH 2002, o.c. (n. 3), p. 333-334. 54. Sur les offrandes de nourriture aux dieux et aux défunts ordinaires, voir EKROTH 2002, o.c. (n. 3), p. 276-280 et 288-289. 55. Kiel B55. 56. VAN STRATEN o.c.(n. 51), p. 157-158, fig. 168. 57. EKROTH 2002, o.c. (n. 3), p. 289-290, n. 377, et p. 25-59 (sur l’eschara). Voir aussi G. EKROTH, « Altars on Attic vases: the identification of bomos and eschara», in C. SCHEFFER (éd.), Ceramics in Context: Proceedings of the Internordic colloquium on ancient pottery held at Stockholm, 13-15 June 1997, Stockholm, Almqvist and Wiksell, 2001 (Stockholm Studies in Classical Archaeology, 12), p. 115-126. 58. Vatican 17924; VAN STRATEN o.c. (n. 51), V206 fig. 144; pour d’autres autels primitifs, voir fig. 33, 38-39, 98, 102, 118, 124. 59. Par exemple, VAN STRATEN o.c.(n. 51), fig. 32, 34, 43, 111, 117. Voir aussi EKROTH, l.c. (n. 57). 60. Louvre G508; très semblable est le cratère contemporain, Musée Rodin TC1 : BOARDMANet al., o.c. (n. 8), nos 1373*-1374. 61. Ch. PICARD, « Nouvelles remarques sur l’apologue dit de Prodicos : Héraclès entre le vice et la vertu », RA42 (1953), p. 33-37, pl. 5-6. 62. Sur « le choix » et l’allégorie hérakléenne, voir mon article, l.c. (n. 37). 63. E. POTTIER, Vases antiques du LouvreIII, Paris, Hachette, 1897, p. 281, pl. 153. 64. Eretria 631; BOARDMANet al., o.c. (n. 8), no 1379; VAN STRATEN, o.c. (n. 51), R95 p. 89. Le relief est illustré dans E. MITROPOULOU, Five Contributions to the Problems of Greek Reliefs, Athens, Pyli Editions, 1976, p. 28, fig. 7 bis, et (mieux) dans P. THEMELIS, «Anaskaphi stin Eretria», Praktika (1982), p. 170-173, pl. 107. 65. Cependant, l’autel primitif n’est pas une particularité constante : sur un cratère en calice attique à figures rouges, du début du IV e s. (Athens NM 12682), où Héraklès est accompagné d’Hermès, le Säulenbau se trouve en combinaison avec deux autels de type architectural simple; WALTER, l.c. (n. 41), pl. 26; BOARDMANet al., o.c. (n. 8), no 1369.

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RÉSUMÉS

La recherche récente autour du culte d’Héraclès tend à rejeter l’idée que les ambiguïtés mythiques du personnage se reflétaient dans le rituel. Cet article reprend la question, à la lumière d’études plus larges sur la prétendue opposition « ouranien/chthonien » dans la pratique religieuse des Grecs. Des éléments inhabituels apparaissent à coup sûr dans certains rituels pour Héraklès. En particulier, certains cas de sacrifices mixtes, impliquant la destruction partielle d’une victime, ou l’holocauste de petites victimes à côté d’un sacrifice régulier sont attestés à Sicyone, à Thasos, à Milet et à Cos. À Athènes, la particularité tient plutôt à la forme des sanctuaires d’Héraklès, avec l’édifice à quatre colonnes, très discuté. Un autel primitif est également attesté parfois, ce qui n’a pas reçu beaucoup d’attention. La figure d’Héraklès comme heros theos livre au moins une possibilité d’explication pour tous ces éléments, et il ne faut pas en évacuer trop vite la portée.

Herakles: the problem of the heros-theos yet again. Recent scholarship on the cult of Herakles has tended to argue against the idea that the ambiguities of his mythological character were reflected in ritual. This paper re-examines the case, in the light of broader studies of the supposed Olympian-chthonian opposition in Greek religious practice. Unusual elements can certainly be seen in Herakles’ ritual in a number of locations: in particular, various kinds of mixed sacrifice, involving partial destruction of a victim, or holocaust of a small victim alongside a regular sacrifice, are attested at Sicyon, Thasos, Miletos and Kos. At Athens the unusual feature is rather the form of Herakles’ sanctuaries, with their much-discussed four-column shrines; a primitive altar is also occasionally attested, which has not previously received much scholarly notice. Herakles’ character as heros theos provides at least a possible explanation for all of these elements, and we should not be too hasty to dismiss its significance.

AUTEUR

EMMA STAFFORD [email protected] School of Classics University of Leeds Leeds LS2 9JT

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Il corpo mitico dell’eroe. Eroi e santi nella rappresentazione di un cristiano d’Oriente

Chiara Cremonesi

Ἅπαντα γὰρ αὐτῶν τὸν ὁρμαθόν, οἷόν τινας νυκτερίδας, τῷ σκότῳ παρέπεμψεν ἀνατεῖλαν τὸ φῶς1 1 Con queste parole e l’augurio che i suoi lettori possano partecipare della luce, Teodoreto conclude la Graecarum Affectionum Curatio, una delle maggiori testimonianze dell’apologetica cristiana2; a formare l’ὁρμαθός sono i demoni pagani, pipistrelli ricacciati nelle tenebre: su tutti si staglia Asclepio, il solo cui sia concesso nome nel momento della celebrazione della vittoria, definitiva, del Salvatore. Se infatti Teodoreto rifiuta al medico della mitologia greca lo statuto di divinità soterica3, recuperandone, anche grazie alla selezione accorta delle fonti pagane, la dimensione eroica, solo ad Asclepio egli sembra del resto riservare il ruolo di antagonista del Cristo, per quanto esso sia, di necessità, incompiuto, abdicato nel momento stesso della croce e della passione del figlio di Dio.

2 Se la scelta di Teodoreto di concedere ad Asclepio la guida della tenebrosa schiera dei demoni pagani può sembrare ovvia per ragioni retoriche da un lato, per ragioni di « concorrenza » soterico-cultuale dall’altro4, la conclusione della Graecarum Affectionum Curatio assume un valore peculiare in rapporto alle modalità della rappresentazione cristiana del corpo mitico « pagano », laddove essa diviene peraltro testimonianza della mutata relazione tra umano e divino intervenuta con il Cristianesimo.

3 Non ci interessa qui ripercorrere la misura del rapporto tra il paradigma eroico pagano e il modello della santità cristiana nella rappresentazione retorica tardo-antica5 ma piuttosto uno dei modi in cui Teodoreto « segna la distanza » tra cristianesimo e paganesimo: egli sembra farlo anche attraverso la contrapposizione tra « modelli » corporei. Da un lato infatti l’autore antiocheno si premura di definire la differenza tra i corpi dei cristiani e quelli dei pagani; dall’altro insiste sulla distanza tra i corpi degli

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eroi pagani da una parte e quelli degli apostoli e dei santi cristiani dall’altra: i due livelli del confronto si presentano strettamente correlati tra loro, laddove Teodoreto non individua infatti solo differenti « morfologie » somatiche ma diversi e opposti modi di gestire il corpo.

4 L’attenzione del vescovo di Cirro nei confronti dei « corpi » eroici si inserisce del resto all’interno di uno scenario, qual è quello della letteratura tardo-antica pagana e cristiana, in cui il lessico relativo al corpo, alle malattie e alla cura ricorre estremamente di frequente, rivestendo sì valenze metaforiche – già presenti nella letteratura classica da un lato, in quella vetero e neo-testamentaria dall’altro –, ma rivelandosi soprattutto testimone di un mondo in cui il corpo si pone al centro della comunicazione simbolica; in cui la malattia non è mai ridotta a puro evento nosologico, non sussistendo nella tradizione iatrica antica quell’implicito presupposto teorico dell’inutilità e del « nonsenso » della malattia, che caratterizza il razionalismo medico- scientifico contemporaneo.

5 Se già con la techne ippocratica ebbe origine il metodo sperimentale e diagnostico, la ricerca di una causa naturale delle patologie, e l’individuazione di cure rispondenti anch’esse a leggi di natura, ciò non vuol dire che non vi fosse implicito un « sens du mal6 »: lo stato dell’individuo era strettamente correlato alla struttura e alle condizioni della realtà cosmica di cui egli faceva parte e pertanto la rappresentazione dell’evento nosologico, così come della salute, si caricava di forti implicazioni simboliche.

6 Si tratta di una generalizzazione che, come tale, non rende ragione anche delle profonde divergenze tra i sistemi medico-epistemologici dell’antichità7, i quali sembrano però condividere un comune criterio discriminante tra salute e malattia, ovvero il principio della « giusta mescolanza », un a priori, evidentemente non sperimentale, che trova una corrispondenza nell’ideale peculiarmente greco della « esatta proporzione8. »

7 Ne è testimone lo stesso Galeno, che nel II sec. d. C. affermava: « Quasi tutti i miei predecessori hanno definito la salute come la buona mescolanza (eucrasia) e come la proporzione (simmetria) degli elementi ». Egli stesso, grande sistematizzatore e al tempo stesso innovatore del pensiero medico-scientifico, aderiva a questo principio nel momento in cui concepiva la salutecome equilibrio, o meglio come una serie di equilibri successivi, connessi gli uni agli altri.

8 Il ‘dogma’ della ‘giusta mescolanza’, che si conserva nella medicina bizantina di derivazione galenica, mette a nudo una scienza iatrica in cui empirismo e determinismo non sono necessariamente alternativi ad una volontà di ‘significare’ il cosmo, e in cui la malattia, di conseguenza, non è ridotta a puro evento nosologico, ma diviene al contrario ‘significante’.

9 Se l’equilibrio infatti rappresenta una funzione dinamica, che integra microcosmo e macrocosmo, esso si configura, nello stesso tempo, come realtà condenda: deve essere cioè mantenuto, o ripristinato, anche attraverso norme di retto comportamento, che trovano quindi fondamento nello stesso sistema epistemologico. A ciò è connessa quella funzione profilattica che sin dall’inizio la medicina greca ha assunto e che diviene particolarmente chiara nell’episteme iatrica di tradizione galenica della Siria bizantina9: se il male non doveva semplicemente essere rimosso attraverso la cura, ma prevenuto, tale azione preventiva si traduceva di fatto in un orientamento del bios individuale e collettivo, non scevro da componenti di natura, a seconda dei differenti contesti storico-culturali, rituali ed etiche, tanto che il lessico della medicina si fa vicino, o

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meglio si intreccia con quello del nomos. Ciò accadeva a maggior ragione in quella particolare relazione terapeutica che intercorreva tra gli asceti cristiani taumaturghi e i fedeli che si raccoglievano intorno a loro nella speranza di ottenere una guarigione: tale relazione viene descritta magistralmente dallo stesso Teodoreto nell’Historia Religiosa10, opera in cui vengono celebrate le gesta degli asceti di Siria. In tale contesto malattia e attività terapeutica sembrano connotarsi più che mai come « fattori sociali », nei termini in cui la relazione medico-paziente/asceta-fedele interviene sul biosdegli individui, fondando per essi una nuova – o una rinnovata – adesione al messaggio evangelico ed assumendo quindi un’ampia ricaduta: non solo essa mette in gioco legami parentali e sociali, ma, concepita nei termini di azione apostolica, agisce sul « corpo della Chiesa », progressivamente rafforzandolo o accrescendolo attraverso la conversione degli infedeli.

10 Proprio polemizzando contro il politeismo greco Teodoreto si sofferma sulla questione dei corpi sani e perfetti, laddove si trova ad affermare la superiorità del regime monarchico rispetto all’anarchico e al poliarchico, supremazia perfettamente speculare a quella del monoteismo sul politeismo.

11 Teodoreto esordisce infatti ricordando da una parte l’ammirazione comune nei confronti dei corpi ben costituiti – ἀρτιμελῆ – ed integri – ἄπηρα –, vale a dire quei corpi che preservano intatto e perfetto l’armonioso insieme ricevuto dalla natura; ribadendo dall’altra la comune ripulsa nei confronti dei corpi che « hanno qualcosa in più » o « qualcosa in meno »; questi ultimi – afferma il vescovo di Cirro – vengono comunemente definiti τέρατα, mostri11 : appartenendo alla dimensione dell’eccezionalità, che esorbita dall’equilibrio, essi si iscrivono nell’ambito dell’anomalia mostruosa.

12 Se v’è per Teodoreto correlazione simbolica tra modelli somatici e tipologia di governo – l’anarchia rinvia ai corpi privi di qualcosa, la poliarchia ai corpi che hanno qualcosa in più, la monarchia ai corpi sani –, parallela corrispondenza si viene ad instaurare tra sistemi di governo e sistemi religiosi: se i corpi sani sono di necessità quelli cristiani, quelli malati appartengono agli empi e ai miscredenti, in primis ai pagani, sia quelli che non hanno conosciuto la fede salutare e salvifica, sia quelli che l’hanno rifiutata.

13 Il vescovo di Cirro invita quindi i suoi lettori a seguire tale regola: denominare come sani e perfetti coloro che hanno abbracciato la vera teologia – καὶ ὑγιεῖς μὲν καὶ ἀρτίους ἀποκαλεῖν τοὺς τὴν ἀληθῆ θεολογίαν ἀσπαζομένους – e, al contrario, qualificare come mutilati – ἀναπήρους δ’ αὖ προσαγορεύειν – non solo coloro che non credono in alcun dio, ma anche coloro che hanno suddiviso la maestà divina e che hanno posto sullo stesso piano il Demiurgo e la creazione12.

14 E qui entrano finalmente in scena gli eroi: se i corpi dei pagani sono per Teodoreto insani e imperfetti, « insalubri » sono infatti anche i demoni che essi adorano; questi ultimi infatti eccedono dalla metriotes e si allontanano da quel buon governo del corpo necessario al mantenimento e alla conservazione della salute; se i corpi delle divinità sono volgarmente schiavi delle passioni umane, lo sono a maggior ragione quelli degli eroi.

15 Teodoreto si sofferma in particolare su quella che sembra essere per lui una vera e propria « coppia logica » costituita da Eracle ed Asclepio, cui l’autore cristiano riconosce il medesimo statuto, appunto quello di « eroe », di uomo divinizzato.

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16 Il vescovo di Cirro li ricorda dopo aver elencato le differenti creature che i pagani adorano in luogo del Creatore, nonostante quest’ultimo le abbia forgiate volutamente « difettose », caduche, incompiute e imperfette, proprio perché gli uomini non incorressero nell’errore di adorare l’oggetto sbagliato: il sole o la luna, che, nonostante garantiscano quotidianamente benefici agli uomini, possono essere oscurati dalle nuvole o eclissarsi nel mezzo del giorno o della notte; l’aria, che, se è indispensabile per vivere, al tempo stesso trasmette malattie pestilenziali, non permanendo immutabile ma essendo soggetta a variazioni ed alterazioni; la terra, che fornisce sì i frutti ma patisce a volte la sterilità, emettendo irrevocabili sentenze di morte.

17 Se gli elementi naturali – afferma il vescovo di Cirro – furono i primi ad essere venerati come dei da Fenici, Egiziani e Greci, in un secondo momento furono divinizzati coloro che avevano compiuto delle belle azioni, che si erano comportati coraggiosamente in guerra, che avevano apportato qualche innovazione in agricoltura o trovato una cura per le malattie del corpo.

18 All’interno di questa schiera Teodoreto colloca Eracle ed Asclepio; il primo – sostiene il vescovo di Cirro – fu divinizzato dai Greci per il suo coraggio e la sua forza: Καὶ Ἡρακλέα δέ, ὡς γενναῖόν τε καὶ ἀνδρεῖον, ἐθεοποίησαν Ἕλληνες... 19 il secondo perché scopritore della scienza medica: καὶ τὸν Ἀσκληπιόν, ὡς τῆς ἰατρικῆς ἐπιστήμης εὑρετὴν γεγενημένον, θεὸν τελευτήσαντα προσηγόρευσαν13. 20 Eracle sembra in qualche modo rientrare nella schiera dell’imperfezione per eccesso: il suo corpo è quasi mostruoso nell’essere votato al modello della dismisura, pleonasticamente mancante ad infrangere ogni prescrizione rivolta agli uomini, dalla buona misura nella condotta sessuale a quella nella dieta,modello per eccellenza di quella condizione atletica che, secondo Galeno, non esisteva per natura14.

21 Eracle non fu soltanto un uomo assurdamente divinizzato dai Greci, ma fu pessimo tra gli uomini: egli non aveva amato né la temperanza, né la filosofia, ma aveva passato la vita nella dissoluzione e nell’errore15.

22 Scegliendo sapientemente tra le fonti, l’autore cristiano presenta infatti un Eracle uomo, figlio di Alcmena e Anfitrione, sorprendentemente annoverato fra gli dei dai pagani16, che a lui dedicarono templi e altari, offrirono sacrifici, intitolarono giorni di festa. Teodoreto descrive il progressivo propagarsi del culto di Eracle come si trattasse di una pestilenza, la malattia dell’errore, che non contaminò soltanto Ateniesi e Spartani, ma tutta la Grecia e la maggior parte d’Europa: il vescovo e intellettuale cristiano presenta la progressiva diffusione del culto specularmente al modo in cui descrive in più luoghi delle sue opere il progredire della Buona Novella, che raggiunge i popoli grazie all’azione apostolica17.

23 Se il tema della smoderatezza di Eracle non è evidentemente nuovo, più interessante è il fatto che Teodoreto, quando si trova a descriverne la vicenda, non insista tanto sugli eccessi dell’eroe in vita, quanto piuttosto sulle modalità della sua morte18.

24 L’intellettuale cristianoinsiste in particolare sulla causa ultima del decesso di Eracle, vale a dire l’incontinenza: è in conseguenza infatti della propria ἀκρασία che il traditore di Deianira19 viene involontariamente sottoposto dalla compagna al tormento del chitone avvelenato. Teodoreto insiste sull’incapacità dell’eroe greco di resistere alla sofferenza: è il linguaggio del corpo, del dolore e della malattia ad essere privilegiato. Il vescovo di Cirro ridicolizza la figura di Eracle che, colpito dalla gravissima malattia

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provocata dal farmaco di Deianira, ad essa soccombe; descrive gli effetti dell’ ἐρωτικὸν φάρμακον con il quale la donna unge il chitone, che riscalda talmente il corpo dell’eroe da farlo precipitare in una malattia tremenda. Non essendo in grado di sopportare il dolore – ricorda il vescovo di Cirro – l’eroe si dà la morte nel fuoco: … ἐκθερμῆναν γὰρ ἐκεῖνο τὸ φάρμακον τοῦ Ἡρακλέους τὸ σῶμα παγχαλέπῳ περιέβαλε νόσῳ· ὁ δὲ ἀλγυνόμενος καὶ μὴ φέρων τὸ πάθος, πυρὰν (5) νήσας καὶ ἑαυτόν γε καταθείς, τοῦ βίου τὸ τέλος ἐδέξατο ἄξιόν γε, οὐ γὰρ <ἄξια> τῆς θεοποιΐας τὰ τοῦ παρ’ ὑμῶν θεο ποιηθέντος ἐπιτηδεύματα20. 25 Come possono quindi i pagani – si chiede Teodoreto – attribuire il titolo di salvatore e di protettore21, ad un uomo incapace di sopportare la sofferenza, il titolo di « ἄναξ » ad un uomo incapace di resistere al dolore22?

26 Salvatore può essere soltanto chi, come il Cristo, ha assunto la sofferenza propria e degli uomini; garante di intercessione salvifica solo chi imita il figlio di Dio: la figura di Eracle non si va infatti a contrapporre solo a quella dei martiri, che, al contrario dell’eroe tragicomico di Teodoreto, sopportano con coraggio le prove estreme della tortura e della violenza ultima del supplizio, ma di quegli stessi asceti celebrati dal vescovo di Cirro nell’Historia Religiosa, i quali non solo sopportano con karteriale ferite e i mali più tremendi, ma per i quali la malattia stessa diviene « segno »dell’essere stati prescelti dalla grazia divina e conditio sine qua nonper poter divenire strumento di essa.

27 Se nell’VIII capitolo della Graecarum Affectionum CuratioTeodoreto insiste sulla débâcledi Eracle di fronte al male, nell’opera in cui celebra gli « astri d’Oriente » egli parallelamente si dilunga nella descrizione delle affezioni che tormentano gli asceti: mai ridotte a puro evento nosologico, esse divengono evidenza estrema e inconfutabile della natura umana e, appunto, non demonica del santo.

28 Non solo: la malattia – νόσος o πάθος che sia –, nel momento in cui viene sconfitta dall’intervento divino, sembra divenire garanzia della stessa capacità taumaturgica dell’asceta e della derivazione di quest’ultima da Dio; la grazia divina, avendo garantito la salute all’asceta, risana, attraverso il guaritore guarito, i malati che a lui si rivolgono, rovesciando in qualche modo il motivo della mitologia eroica dell’ammalato guaritore o del guaritore ammalato23, in base al quale chi è guaritore di molte ferite, viene in ultimo ferito inguaribilmente.

29 Se Teodoreto rappresenta Eracle che soccombe alla propria malattia cercando la morte e che non può quindi in nessun modo configurarsi come terapeuta, al contrario quando si trova a parlare degli « astri d’Oriente » rappresenta la malattia dell’asceta e il superamento di essa come il presupposto, la conditio sine qua nondell’attività terapeutica: ciò è evidente nella stessa scansione narrativa che in Teodoreto sembra, più che rivelare la struttura ideologica, costruirla.

30 Un esempio chiarificatore in questo senso può essere quello di Giuliano, asceta dell’Osroene che, arrivato ad Antiochia e preceduto dalla sua fama24, viene raggiunto da una folla accorsa da ogni parte per soddisfare il desiderio di vedere l’« uomo di Dio » e di ottenere guarigioni. L’asceta rifiuta alla folla la propria azione terapeutica25 e si ritira nelle grotte ai piedi del monte, dove si diceva si fosse ritirato il divino apostolo il beato Paolo26: « ma subito – afferma Teodoreto –, perché tutti sapessero che era un uomo, Giuliano cade preda di un accesso violentissimo di febbre27. »

31 L’evento nosologico « significa » la natura umana di Giuliano, ed è direttamente posto in relazione con l’attitudine iatrica dell’asceta: quando quest’ultimo cade preda della

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febbre, il suo compagno Acacio se ne dispiace, preoccupato per la reazione della folla. Racconta infatti Teodoreto che costui, vedendo la moltitudine riunita, si perse d’animo per il sopraggiungere dell’infermità – ἀρρωστία: riteneva infatti che quanti si erano riuniti sarebbero rimasti turbati se avessero saputo della malattia – νόσημα – di Giuliano mentre attendevano di ricevere proprio da lui la guarigione – θεραπεία.

32 Come poteva in effetti la folla, accorsa per ricevere la salute, reagire alla malattia del guaritore? La risposta di Giuliano alle preoccupazioni di Acacio è altrettanto eloquente: Μὴ ἀθύμει, ἔλεγεν ὁ Πρεσβύτης· εἰ γὰρ ἀναγκαῖον τῆς ὑγιείας τὸ χρῆμα, παραυτίκα καὶ τοῦτο δώσει θεός28. Se la salute era necessaria, Dio gliela avrebbe concessa.

33 Dopo aver detto questo ad Acacio, Giuliano prega Dio, supplicandolo di donargli la guarigione, qualora essa sia di vantaggio per la folla: la sua preghiera non è ancora terminata che un grande sudore improvviso estingue la fiamma della febbre. Da quel momento Giuliano dà inizio alla sua attività terapeutica, liberando molti da malattie di ogni genere29.

34 Si potrebbe sintetizzare la sequenza narrativa in cinque momenti – in questo come in molti altri casi dell’Historia Religiosa: 1) richiesta-rifiuto di guarigione; 2) malattia dell’asceta; 3) preghiera a Dio; 4) guarigione donata da Dio; 5) inizio dell’attività terapeutica.

35 L’azione terapeutica di Giuliano è successiva, in qualche modo consequenziale, alla malattia – νόσημα –, e al superamento di essa grazie all’intervento divino: perché ammalato, Giuliano è stato salvato e investito dalla grazia divina, e può quindi fungere da tramite di salvezza, fisica e spirituale, tra Dio e gli uomini.

36 L’asceta dispensa le sorgenti della grazia che dimora in lui – ἀφθόνως –, con generosità 30: egli condivide il dono divino, quella grazia appunto che, avendogli concesso la salute, gli permette d’essere strumento di guarigione per gli altri.

37 Se Zeus – nella tradizione mitica riportata da Teodoreto – ingenerosamente punisce il « prometeico » Asclepio per aver concesso agli uomini non solo la medicina ma pure la resurrezione, il Dio d’amore guarisce Giuliano e grazie a lui gli uomini; a differenza di Eracle, che, infiammato dal farmaco di Deianira, si butta nel fuoco, l’asceta grazie alla febbre e al sudore « divino », che la estingue, può operare guarigioni, al riparo da ogni sospetto.

38 Se l’Historia Religiosaracconta quindi di uomini che, pur guarendo, rifiutano d’essere venerati, affermando di essere semplici strumenti divini e ricevendo la stessa capacità taumaturgica dalla grazia divina, la Graecarum Affectionum Curatioridicolizza uomini cui viene tributato culto nonostante non abbiano, come Eracle, saputo guarire se stessi, o, abbiano, come Asclepio, dovuto apprendere la techneiatrica da Chirone31.

39 Teodoreto insiste del resto più ampiamente sulla « vicenda biografica » di Asclepio rispetto a quanto faccia con Eracle, di cui, come abbiamo visto, racconta piuttosto la morte: richiamandosi ad Apollodoro ma distanziandosi in varie occasioni dall’autore della Bibliotheca32, egli recupera la dimensione eroica di Asclepio, trascurando le tradizioni che vogliono di questo ἥρως ἰατρός una divinità salvifica e soterica. Il vescovo di Cirro, sulla scia di una polemica che si trascinava da secoli nell’apologetica cristiana, insiste quindi sulla natura mortale di Asclepio, soffermandosi divertito sul fatto che quest’ultimo avesse avuto bisogno per sopravvivere di una cagna e della pietà dei cacciatori.

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40 Allo stesso modo l’autore cristiano ironizza sul fatto che l’eroe greco non avesse ricevuto il potere di guarire da saggezza o scienza divine, ma da Chirone, il quale gli aveva insegnato una techne, che, in quanto tale, era, in fondo, trasmissibile a chiunque.

41 Come possono i pagani – si chiede quindi Teodoreto – venerare Asclepio, che non solo imparò da altri, il centauro Chirone, l’arte medica33, ma che ai tempi di Omero non aveva ottenuto ancora la deificazione, tanto che il poeta greco faceva guarire le ferite di Ares a Peone34?

42 E « chironica », curiosamente, viene definita da Teodoreto la tremenda ferita ai piedi dello Stilita Simeone35, che per primo, eroe culturale di un sistema simbolico radicalmente nuovo quale il culto dei santi36, inventò il biossulla colonna, lo stilitismo appunto.

43 L’aggettivo χε ι ρ ώ ν ε ι ο ς, che nella tradizione testimoniata dai paremiografi va ad indicare una ferita ulcerosa ai piedi37, si richiama alla ferita purulenta che Eracle causò a Chirone, colpendolo involontariamente con la sua freccia: l’eroe greco – racconta Apollodoro38 – tentò invano di curarla, applicando un farmaco fornitogli dallo stesso Chirone; quest’ultimo, immortale ma desiderando porre termine alla propria vita, potrà morire solo quando Prometeo offrirà a Zeus di diventare immortale al suo posto.

44 Teodoreto del resto utilizza l’aggettivo χε ι ρ ώ ν ε ι ο ς, come attributo della ferita di Simeone, in un episodio particolarmente importante della biografia dello stilita quando un diacono, venuto a conoscere gli eccezionali ritmi ascetici del santo, si reca da Simeone e polemicamente gli chiede: ἄνθρωπος εἶ ἢ ἀσώματος φύσις ; lo stilita risponde « esponendo » la ferita al piede, provocata dalla stasis sulla colonna: Φασὶ δὲ ἀπὸ τῆς στάσεως καὶ χειρώνειον ἕλκος ἐν θατέρῳ γενέσθαι ποδὶ καὶ διηνεκῶς πλεῖστον ἐκεῖθεν ἰχῶρα ἐκκρίνεσθαι39. 45 L’aggettivo χε ι ρ ώ ν ε ι ο ς40, oltre a chiarire la localizzazione corporea della ferita – sui piedi –, rafforza quindi la valenza del termine ἕλκος ad indicare la ferita suppurante41, da cui continua a fuoriuscire sangue42.

46 Di fronte al diacono, che gli chiedeva se fosse un uomo o una natura incorporea perché aveva sentito dire che non mangiava e non dormiva, Simeone risponde quindi ordinando di accostare la scala alla sua colonna e di esaminare anzitutto le mani, di passare la mano all’interno dei suoi vestiti e di guardare non solo i piedi ma la sua ferita orribile: l’infermità diviene in questo caso « strumento di realtà », non causa di morte ma modo dell’esistere.

47 La ferita, la malattia, il dolore, che segnano per gli eroi pagani il passo della fine, divengono per i martiri e per gli asceti il segno della comunione con Dio, di un’imitatio Christi che permette addirittura di ripetere, come nella scena appena citata, l’invito ad esaminare i segni della Passione rivolto dal Salvatore all’incredulo Tommaso.

48 Può sembrare improprio accostare due opere quali la Graecarum Affectionum Curatioe l’ Historia Religiosa, che appartengono a fasi distinte della produzione di Teodoreto e rispondono a scopi differenti; guardare però « sinotticamente » alle rappresentazioni di eroi e santi presenti in esse evidenzia il modo in cui malattie e mutilazioni, febbri e cancrene vengano non solo ad assumere un ruolo « positivo » nel processo di definizione della realtà, ma costituiscano lo stesso campo semantico all’interno del quale Teodoreto mette in scena la battaglia tra vera fede e miti falsi e bugiardi, una battaglia in cui i corpi, egualmente deficitarii o egualmente eccedenti, divengono i

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« segni » di costellazioni simboliche antitetiche. Così se quelli pagani sono inevitabilmente destinati al fallimento, quelli cristiani « eroicamente » resistono, tanto da poter essere smembrati, come quelli dei martiri, senza perdere unità.

49 Se Teodoreto nel terzo capitolo della Graecarum Affectionum Curatioafferma che il corpo cristiano è integro e perfetto, nell’VIII ricorda infatti che il corpo cristiano per eccellenza, quello del martire, può pure essere smembrato senza perdere la sua potenza poiché la grazia rimane intera: pertanto anche la più piccola reliquia può contenere la stessa potenza che possederebbe il corpo del martire se non fosse mai stato smembrato. La grazia ripartisce i suoi doni, considerando come unica misura la fede di chi prega43.

50 Se i pagani si scandalizzano di fronte a città e villaggi che si spartiscono i corpi dei martiri44, inneggiando loro quali salvatori delle anime e medici dei corpi45; se i Greci considerano un’azione impura – μύσος – avvicinarsi alle tombe dei martiri46 e inorridiscono di fronte al fatto che i santi vengano venerati come protettori, difensori e custodi delle città, essi si trovano ad offrire libagioni a uomini morti e deificati, ad adorare eroi dai corpi deboli e malati, che, incapaci di resistere al dolore, non potranno mai lenire il dolore altrui, tanto deboli da gettarsi nel fuoco per porre fine alla sofferenza invece di resistere alla sofferenza del fuoco, testimoni consunti di un’epoca di cui Teodoreto celebra il tramonto.

51 Il piano del confronto tra i destinatari del culto – eroi da una parte, santi dall’altra – è ancora quello della corporeità; l’azione di martiri ed asceti è iscritta infatti in quella degli apostoli che con i loro corpi convertirono i popoli, non solo i Romani e i loro sudditi ma anche Persiani, Sciti, Sarmati, Indiani, Etiopi, le genti situate ai confini del mondo47. I loro scritti sono nudi di fronte alla raffinatezza retorica ellenica48; essi non hanno narrato gesta di eroi, come sofisti esperti ed artificiosi, perché non hanno raccontato di porpora e corone splendenti, di eserciti e di guerre ma di una mangiatoia e di un bambino avvolto in poveri stracci, di un piccolo paese sconosciuto, di povertà, fame, sete, della fatica dei viaggi ma soprattutto della Passione del Cristo, di colpi sul volto e frustate sulle spalle, della colonna e della croce, della morte, quella morte assunta e sopportata fino in fondo dal figlio di Dio, divenuto uomo per la salvezza degli uomini.

52 E le vicende eroiche degli apostoli prima, come quelle dei martiri e dei santi poi, riattualizzando la sofferenza del Cristo, si fanno per Teodoreto espressione di salvezza: essi hanno offerto la propria schiena a chi voleva fustigarli, il fianco alle torture del fuoco e del ferro, le teste alle spade; si sono lasciati bastonare a morte senza opporre resistenza o mettere al palo, si sono fatti bruciare o hanno assistito con coraggio e fermezza al pasto offerto alle bestie feroci dai loro corpi.

53 Contrapponendo quei corpi ai corpi eroici celebrati dalla mitologia e dalla retorica ellenica, Teodoreto si fa testimone di un sistema simbolico quale quello della santità, che scardinava e ricomponeva le categorie di comunicazione e di separazione tra umanità e divinità, laddove erano state evidentemente stravolte e rifondate le categorie di separazione e comunicazione tra vita e morte. I cadaveri, che la cultura pagana non poteva avvicinare perché impuri e contaminanti, divengono, nel caso dei martiri e dei santi, pezzi da traslare, da disseppellire, da smembrare ma non solo: ossa e sangue acquistano valore, addirittura valore di scambio; conquistati e sepolti nuovamente, toccati e baciati, i corpi morti dei santi rifondano l’oikoumene, attraverso l’occupazione di luoghi da cui i morti erano precedentemente esclusi e rendendo con la loro stessa presenza « abitabili » spazi primi preclusi all’uomo, deserti o « disumani 49 »; facendo

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dimenticare i rimedi illusori di ossa di eroi smarritisi di fronte al dolore, dissoltisi per sempre di fronte al fuoco.

NOTE

1. Theodoretus, Graecarum affectionum curatio XII, 97. 2. Si tratta di una delle prime opere di Teodoreto, probabilmente redatta prima del Concilio di Efeso (431): cf. a tale proposito P. CANIVET (a cura di), Théodoret de Cyr. Thérapeutique des maladies helléniques I, Paris, Cerf, 1958 (Sources Chrétiennes), p. 28-31. 3. Theodoret., Affect. XII, 97:… ὁ Ἰησοῦς φρούδους ἀπέφηνε τοὺς θεούς, καὶ μετὰ τὸν σταυρὸν καὶ τὸ σωτήριον πάθος οὐκέτι φενακίζει τοὺς ἀνθρώπους Ἀσκληπιός, οὐδὲ ἄλλος τις τῶν καλουμένων θεῶν. (5) Ἅπαντα γὰρ αὐτῶν τὸν ὁρμαθόν, οἷόν τινας νυκτερίδας, τῷ σκότῳ παρέπεμψεν ἀνατεῖλαν τὸ φῶς. 4. Cf. a tale proposito E.J. EDELSTEIN, L. EDELSTEIN, Asclepius. A collection and interpretation of the testimonies II, Baltimore, The Johns Hopkins Press, 1945, p. 133: « It seems that the Christians themselves realized that in Asclepius they faced their strongest enemy, the most dangerous antagonist of their Master. » 5. Rinvio qui soltanto a G. FREYBURGER, L. PERNOT (a cura di), Du héros païen au saint chrétien. Actes du colloque organisé par le Centre d’Analyse des Rhétoriques Religieuses de l’Antiquité (C.A.R.R.A.). Strasbourg, 1er-2 décembre 1995, Paris, Institut d’Études Augustiniennes, 1997 (Collection des Études Augustiniennes), e in particolare a G. FREYBURGER, L. PERNOT, « Avant-propos », p. 6: « Dans quelle mesure le christianisme a-t-il inventé de nouveaux modèles, dans quelle mesure a-t-il recyclé, converti les modèles préexistant ? Les éléments de permanence et de fracture conduisent à une méditation sur les archétypes de la rhétorique religieuse. Le mots de passage, de continuité, de transition ou de rupture entre excellence païenne et excellence chrétienne ne décrivent qu’une face de la réalité. Il faut parler aussi de chevauchements et de mélanges. » 6. Cf. M. AUGÉ, C. HERTZLICH (a cura di), Le sens du mal. Anthropologie, histoire, sociologie de la maladie, Paris, Éditions des Archives Contemporaines, 1984. 7. Sicuramente non rende ragione degli « anti-epistemologi », ovvero gli « empirici », setta medica ellenistica che, sviluppatasi ad Alessandria ed influenzata dalla filosofia scettica, rifiutò appunto alla medicina lo statuto di scienza, ritenendola una terapeutica totalmente aliena alla speculazione. Cf. a proposito della nozione di « setta medica », nata ad Alessandria nel III sec. a. C., D. GOUREVITCH, “Le vie della conoscenza: la medicina nel mondo romano”, in M.D. GRMEK (a cura di), Storia del pensiero medico occidentale I. Antichità e Medioevo, Roma/Bari, Laterza, 1993, p. 121 ss. Gli stessi trattati del Corpus Hippocraticum sono del resto stati distintiin rapporto all’orientamento intellettuale dei diversi autori, medici teorici, medici empirici e medici che tentavano di conciliare teoria ed osservazione: cf. a tale proposito L. BOURGEY, Observation et expérience chez les médecins de la Collection Hippocratique, Paris, Vrin, 1953, p. 47-78. 8. Cf. a tale proposito S. NATOLI, L’esperienza del dolore. Le forme del patire nella cultura occidentale, Milano, Feltrinelli, 20012, in particolare p. 124, dove l’autore afferma: « La giusta mescolanza rimaneva, comunque, il criterio discriminante tra salute e malattia, indipendentemente dai mezzi che si ritenevano adatti a restaurarla qualora essa venisse meno. L’equilibrio rappresenta una funzione dinamica che integra insieme microcosmo e macrocosmo, determinazione singola e

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contesto, organismo e ambiente… Ciò che vale per il cosmo, vale anche per l’uomo, che a tale normativa è vincolato per il fatto stesso d’essere un caso particolare della physis, definito secondo un suo status ed un suo equilibrio. La determinazione dell’equilibrio compete, quindi, anche all’individuo che soffre, sia come entità fisica che come soggetto morale. » 9. Cf.G. STROHMAIER, « La medicina nel mondo bizantino e arabo », in GRMEK, o.c., p. 167-215. 10. L’opera viene datata alla prima metà del quarto decennio del V secolo: cf. a tale proposito A.J. FESTUGIÈRE, Antioche païenne et chrétienne, Paris, de Boccard, 1959 (BEFAR), p. 245; P. CANIVET, Le monachisme syrien selon Théodoret de Cyr, Paris, Éditions Beauchesne, 1977 (Théologie Historique), p. 32; H. LEPPIN, « Zum kirchenpolitischen Kontext von Theodorets Mönchgeschichte », Klio 78 (1996), p. 212-230. 11. Theodoret., Affect. III, 1, 1-2: Τῶν σωμάτων ἐκεῖνα θαυμάζειν εἰώθαμεν, ὅσα ἀρτιμελῆ τε καὶ ἄπηρα, καὶ ὃν ἐξ ἀρχῆς παρὰ τῆς φύσεως ἔλαχεν ἀριθμόν, σῶον ἔχει καὶ ἄρτιον· ὅσοις δὲ τούτων ἐνδεῖ τι ἢ πλεονάζει, ταῦτα τέρατα προσαγορεύειν εἰώθαμεν. 12. Theodoret., Affect. III, 3: Ταῦτα δὲ οὐ τηνάλλως ἀδολεσχῶ, ἀλλ’ ἀπὸ τῶν ἀνθρωπίνων δεικνύναι τὰ θεῖα πειρώμενος καὶ ἀξιῶν ὑμᾶς, ὦ ἄνδρες, καὶ ἐπ’ἐκείνων τόνδε διατηρῆσαι τὸν ὅρον καὶ ὑγιεῖς μὲν καὶ ἀρτίους ἀποκαλεῖν τοὺς τὴν ἀληθῆ θεολογίαν ἀσπαζομένους, ἣν καὶ ἡ φύσις ἐξ ἀρχῆς παραδέδωκε, καὶ τὰ θεῖα ὕστερον ἐκράτυνε λόγια, ἀναπήρους δ’ αὖ προσαγορεύειν μὴ μόνον ἐκείνους, οἳ οὐδένα θεὸν εἶναι νομίζουσιν, ἀλλὰ καὶ τούτους, οἳ εἰς πολλὰ τὸ θεῖον κατεμέρισαν σέβας καὶ τῷ δημιουργῷ τῶν ὅλων τὴν κτίσιν ξυνέταξαν. 13. Theodoret., Affect. III, 26, 3 14. De bono habitu liber IV, 752: Διάθεσις γάρ, φησίν, ἀθλητικὴ οὐ φύσει... 15. Theodoret., Affect. VIII, 15. Teodoreto rifiuta Eracle come esempio di saggezza e giustizia, ruolo attribuitogli da molta della riflessione filosofica sin dal V secolo: cf. in generale G.K. GALINSKY, The Herakles Theme. The Adaptations of the Hero in Literature from Homer to the Twentieth Century, Oxford, Blackwell, 1972; cf. anche D.E. AUNE, “Herakles and Christ. Heracles Imagery in the Christology of Early Christianity”, in D.L. BALCH, E. FERGUSON, W.A. MEEKS (a cura di), Greeks, Romans, and Christians. Essays in Honor of Abraham J. Malherbe, Minneapolis, Fortress Press, 1990, p. 3-19: l’autore si sofferma peraltro sulla questione del rapporto tra l’Eracle pagano e il Cristo dei Vangeli, già affrontata da M. Simon: M. SIMON, Hercule et le Christianisme, Paris, Editions Orfphrys, 1955; A. RODIGHIERO, « Morire per amore, indossare la morte », in A. RODIGHIERO (a cura di), Sofocle. La morte di Eracle (Trachinie), Venezia, Marsilio, 2004, p. 9-31. 16. Theodoret., Affect. VIII, 12: Καὶ γὰρ τὸν Ἡρακλέα, ἄνθρωπον γεγονότα καὶ Ἀλκμήνης παῖδα καὶ Ἀμφιτρύωνος, καὶ θεὸν ἀπέφηναν, ὡς ἐνόμισαν, καὶ τοῖς ἄλλοις θεοῖς ξυνηρίθμησαν. 17. Theodoret., Affect. VIII, 15: Οὕτως ἐγέλων οἱ ξυνορᾶν ἱκανοὶ τὰ παρὰ τῶν ἄλλων μυθολογούμενα· ἀλλ’ ὅμως ἀνθρώπῳ γε ὄντι καὶ Εὐρυσθεῖ δουλεύειν ἠναγκασμένῳ, καὶ νεὼς ἐδείμαντο καὶ βωμοὺς ἐδομήσαντο καὶ θυσίαις ἐτίμησαν καὶ ἑορτὰς ἀπεκλήρωσαν, οὐ Σπαρτιάται μόνοι καὶ Ἀθηναῖοι, ἀλλὰ καὶξύμπασα ἡ Ἑλλὰς καὶ τῆς Εὐρώπης τὰ πλεῖστα. Διέβη δὲ καὶ εἰς τὴν Ἀσίαν τῆς ἐξαπάτης ἡ νόσος. 18. Sulla morte eroica, cf. A. BRELICH, Gli eroi greci. Un problema storico-religioso, Roma, Ateneo, 1958, p. 80 ss.; cf. in particolare p. 87: « A prescindere… da qualsiasi discordanza che può delinearsi apparentemente tra il mito e il culto di un singolo eroe, non si potrà disconoscere la massiccia validità del fatto che se uno dei tratti salienti del culto eroico è la sua frequente localizzazione presso una tomba (e un altro è il rito sacrificale di tipo funebre), uno dei tratti salienti della mitologia eroica è che gli eroi muoiono… »; cf. anche p. 88: « E come nel culto eroico non basta la tomba e non basta il sacrificio di tipo funebre, ma lo stato di morte dell’eroe viene sottolineato spesso da particolari riti di lutto, così neanche il mito si accontenta di riferire che l’eroe è morto; la morte dell’eroe ha quasi sempre un rilievo particolare. » 19. Theodoret., Affect. VIII, 16: Καὶ μέντοι καὶ τοῦ βίου τὸ τέλος διὰ τοιαύτην ἀκρασίαν πρὸ τῆς ὥρας ὑπέμεινεν.

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20. Theodoret., Affect. VIII, 15 21. Teodoreto riprende il tradizionale epiteto di Eracle ἀλεξίκακος, « che tiene lontano i mali ». 22. Cf. Theodoret., Affect. VIII, 18: Ἀλλ’ ὅμως καὶ ταῦτα εἰδότες – ταῦτα γὰρ τὰ παλαιὰ διδάσκει ξυγγράμματα –, οὐδὲν ἧττον κἀκεῖνον σωτῆρα ἐκάλουν καὶ ἀλεξίκακον προσηγόρευον καὶ τὸ ‘Ἡράκλεις ἄναξ’ τοῖς λόγοις προσέπλαττον· καὶ ὑμεῖς δὲ ὡσαύτως τοῖς τοιούτοις σεμνύνεσθε λόγοις, ἀποχρῆν εἰς παιδείας ἡγούμενοι περιφάνειαν τὸ τὰ τοιαῦτα ἐπιλέγειν ῥηματίσκια. Con il termine ἀλεξίκακος del resto Teodoreto definisce, proprio nelle ultime righe dell’opera il pharmakon da lui preparato per i lettori, vale a dire la Graecarum Affectionum Curatio stessa (XII, 98): Ταύτης καὶ ὑμᾶς τῆς ἀκτῖνος μεταλαχεῖν ἀξιῶ. Τοῦδε γὰρ χάριν καὶ τὸν πόνον ἀνεδεξάμην, καὶ οἷόν τινας βοτάνας πανταχόθεν ξυλλέξας, τὸ ἀλεξίκακον ὑμῖν κατεσκεύασα φάρμακον. 23. Cf.BRELICH, o.c., p. 118: « Cheiron, guaritore di tante ferite, finisce per essere ferito inguaribilmente (Apollod., II, 85); nell’Iliade (XI, 834 sg.) Podaleirios a un certo momento diventa « bisognoso, anche lui, d’un ottimo medico »… Più noto e chiaro è un altro motivo, diventato proverbiale: « guarisce solo chi ha ferito ». Il più conosciuto dei miti relativi è indubbiamente quello di Telephos che, ferito da Achilleus, non può esser guarito che da Achilleus stesso o dalla sua lancia… » 24. Theodoret., Historia Religiosa II, 18, 2-4. 25. Ed è questo un topos particolarmente frequente nell’Historia Religiosa. 26. Theodoret., Hist. Rel. II 18, 5-7. 27. Theodoret., Hist. Rel. II 18, 7-9 28. Theodoret., Hist. Rel. II, 18, 13-15 29. Theodoret., Hist. Rel. II, 18, 15-19, 2 30. Theodoret., Hist. Rel. VI, 6, 6-7: Ὁ δὲ ἀφθόνως τῆς ἐνοικούσης χάριτος ἐχορήγει τὰ νάματα. 31. Theodoret., Affect. VIII, 20. Teodoreto infatti insiste su quelle fonti pagane che rappresentano un Asclepio che non è sorgente autonoma dell’arte medica avendola egli appresa da Chirone; cf.BRELICH, o.c., p. 117: la « linea, infatti, parte da Cheiron, come nel caso di altri arti eroiche…, di modo che la discendenza di Asklepios ne è solo una grossa diramazione: tanto è vero che nell’Iliade che pur conosce tra le fila dei Greci i due figli di Asklepios che vi hanno funzioni di medico, in un caso a Patroklos viene richiesto di guarire Eurypylos di una ferita (11, 828 sgg.) perché egli ha imparato l’arte iatrica da Achilleus che a sua volta l’aveva appresa da Cheiron. Achilleus stesso esercita la propria scienza medica, bendando la ferita di Patroklos, – e con ciò l’intervento guaritore dell’eroe presso un compagno ferito entra come tema obbligato nell’epica. » 32. Cf. J.C. CARRIÈRE, B. MASSONIE, La Bibliothèque d’Apollodore, Besançon/Paris, Les Belles Lettres, 1991, ad III 120, 1. 33. Theodoret., Affect. VIII, 19: Καὶ τὸν Ἀσκληπιὸν δέ φησιν Ἀπολλόδωρος κατὰ μέν τινας Ἀρσινόης εἶναι υἱόν, κατὰ δὲ ἄλλους Κορωνίδος, λάθρα μὲν Ἀπόλλωνι ξυνελθεῖν βιασθείσης, κυησάσης δὲ καὶ τεκούσης καὶ ἐκθεμένης τὸ βρέφος, τοῦτο δὲ κυνηγέτας τινὰς εὑρηκότας ὑπὸ κυνὸς τρεφόμενον λαβεῖν καὶ κομίσαι λέγει Χείρωνι τῷ Κενταύρῳ, εἶτα ἐκεῖ τραφῆναί τε καὶ ἀσκηθῆναι τὴν ἰατρικὴν ἐπιστήμην, ἐν Τρίκκῃ δὲ πρῶτον καὶ Ἐπιδαύρῳ δοῦναι πεῖραν τῆς τέχνης. 34. Theodoret., Affect. VIII 23: Ὅτι δὲ ἐπὶ τῶν Ὁμήρου χρόνων οὐδέπω οὗτος τῆς θεοποιΐας ἐτετυχήκει, μάρτυς ὁ ποιητής, οὐ τὸν Ἀσκληπιόν, ἀλλὰ τὸν Παιήονα δείξας τὰ τοῦ Ἄρεως θεραπεύσαντα τραύματα· 35. A Simeone il Primo Stilita Teodoreto dedica il XXVI capitolo dell’Historia Religiosa. 36. È senz’altro a Peter Brown (in particolare The Cult of the Saints, Chicago-London, Chicago University Press, 1981) che si deve il merito di aver individuato nel culto dei santi un fenomeno essenzialmente nuovo nel panorama della cultura tardo-antica: rifiutando da un lato la tesi della funzione sostitutiva nei confronti dei culti pagani e dall’altro l’idea che il culto dei santi fosse esclusivo appannaggio del popolo, egli ha identificato nei grandi vescovi del V e VI secolo i

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principali promotori del culto dei santi, e ha evidenziato il modo in cui attorno all’uomo di Dio, ma soprattutto attorno all’uomo di Dio morto, e quindi alla sua tomba e alle sue reliquie, si siano create nuove forme di potere. Proprio sulla figura di Simeone ha calibrato il paradigma dell’holy man nel celeberrimo “The Rise and Function of the Holy Man in Late Antiquity”, JRS 61 (1971), p. 80-101. 37. Così la definisce il paremiografo Zenobio nel II secolo (Zen. VI, 46): Χειρώνειον ἕ λκος : τὸ ἀπὸ πολλῆς στάσεως ἐν τοῖς ποσὶ γινόμενον τραῦμα, καὶ διηνεκῶς ἰχῶρας ἐκκρίνον. Τοξευθεὶς γὰρ ὑπὸ Ἡρακλέους ὁ Χείρων, μάχην πρὸς Κενταύρους ἐνστησαμένου, ἀνίατον ἔσχεν ἕλκος περὶ τὸν πόδα· δι’ οὗ καὶ ἀπέθανεν. Ὅθεν ἡ παροιμία ἐπὶ τῶν ἀνιάτων προήχθη τραυμάτων. Così la Souda, s.v.Χειρώνειον ἕ λκος : τὸ ἀπὸ πολλῆς στάσεως ἐν τοῖς ποσὶ γενόμενον τραῦμα καὶ διηνεκῶς ἰχῶρας ἐκκρῖνον. ἡ παροιμία ἐπὶ τῶν ἀνηκέστων καὶ ἀνιάτων ἑλκῶν. 38. Apollod., Bibl. II, 85. 39. Theodoret., Hist. Rel. XXVI, 23, 1-3 40. P. CANIVET, A. LEROY-MOLINGHEN (a cura di), Théodoret de Cyr: histoire des moines de Syrie II, Paris, Les Éditions du Cerf, 1979 (Sources Chrétiennes), p. 207: Canivet traduce « de Chiron ». 41. È utilizzato in questo senso da Tucidide (II, 49) nel descrivere la sintomatologia della peste; a questo genere di ferite è del resto dedicato un trattato del Corpus Hippocraticum, ilΠερὶ ἑλκῶν. Le descrizioni delle malattie e delle ferite all'epidermide ricorrono frequentemente nelle fonti preippocratiche e ippocratiche, cf. J.N. CORVISIER, Santé et société en Grèce ancienne, Paris, Economica, 1985, p. 75: « Ainsi le tableau pathologique présenté par les sources préhippocratiques est-il bien mince: fièvres et malaria, maladies de peau, lèpre blanche, ulcères, cécité. » Cf. anche p. 106-107, dove l’autore ripercorre i casi di cancrena ai piedi: « Les cas de gangrène sont nombreux dans le corpus hippocratique… On peut aussi distinguer: la nécrose des chairs et peut-être aussi des os, dans le cas d’un talon heurté trop fortement sur le sol, après course sur un chemin raboteux… Un cas de gangrène est cité à la suite d’une douleur au pied. Aucune plaie n’est citée. On a pensé à une gangrène faisant suite à un diabète. L’artérite est aussi possible… Une gangrène est citée à la suite d’incision au pied. Il peut y avoir eu infection… »

F0 42. Il termine ἕλκος 20 del resto indicava in Esodo 9, 8 ss.le piaghe mandate da Yahvé agli Egiziani; cf. anche Vangelo di Luca 16, 21; Apocalisse 16, 2. 43. Theodoret., Affect. VIII, 11: Καὶ μερισθέντος τοῦ σώματος, ἀμέριστος ἡ χάρις μεμένηκεν, καὶ τὸ σμικρὸν ἐκεῖνο καὶ βραχύτατον λείψανον τὴν ἴσην ἔχει δύναμιν τῷ μηδαμῇ μηδαμῶς διανεμηθέντι μάρτυρι· ἡ γὰρ ἐπανθοῦσα χάρις διανέμει τὰ δῶρα, τῇ πίστει τῶν προσιόντων τὴν φιλοτιμίαν μετροῦσα. 44. Cf. a tale proposito P. BROWN, Il culto dei santi, trad. it. di L. Repici Cambiano, Torino, Einaudi, 2002, p. 15 e ss., dove l’autore ricorda in particolare l’ « orrore religioso » dell’imperatore Giuliano di fronte al proliferare dei martiria. 45. Theodoret., Affect. VIII, 10:... ἀλλὰ πόλεις καὶ κῶμαι ταῦτα διανειμάμεναι σωτῆρας καὶ ψυχῶν καὶ σωμάτων καὶ ἰατροὺς ὀνομάζουσι καὶ ὡς πολιούχους τιμῶσι καὶ φύλακας· 46. BROWN, o.c., p. 12: « L’origine del culto cristiano dei santi ebbe luogo nei grandi cimiteri, oltre le mura delle città del mondo romano e per quanto riguarda il contatto con corpi morti, tale culto comportò ben presto il disseppellimento, la traslazione, lo smembrare – per non parlare di chi avidamente toccava e baciava – le ossa dei morti, con la conseguenza che spesso esse furono collocate in aree da cui prima i morti erano esclusi. » 47. Theodoret., Affect. VIII, 6 48. Theodoret., Affect. VIII, 7: Οὐ μόνον δὲ τῆς Ἑλληνικῆς ταῦτα κομψείας γεγύμνωται, ἀλλὰ καὶ τῶν πραγμάτων, ὧν πέρι διδάσκει, τὴν φύσιν οὐ σεμνήν τινα ἔχει καὶ περιφανῆ καὶ περίβλεπτον.

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49. BROWN, o.c., p. 13: Lo stesso confine che « sorgeva fra la città dei vivi e dei morti, finì per essere infranto dall’ingresso delle reliquie e delle loro custodie entro le mura di molte città tardoantiche e dall’ammassarsi di tombe « comuni » attorno ad esse ».

RIASSUNTI

Le corps mythique du héros.Les dieux et les héros grecs sont refoulés dans les ténèbres comme des chauve-souris, Jésus est la lumière victorieuse : ce sont les mots de Théodoret dans sa Graecarum affectionum curatio, l’un des plus précieux témoignages de l’apologétique chrétienne. Dans cette œuvre, l’évêque de Cyr parle aux païens de leurs héros et en particulier de l’iniquité du culte héroïque : cette représentation ne s’explique pas seulement par les topoi de la rhétorique chrétienne, mais aussi par rapport à la réflexion de Théodoret sur l’endurance des ascètes. Ce sont en effet les corps qui « posent le plan de l’énonciation » : les corps faibles des héros, destinés à être vaincus par la souffrance, incapables de supporter la douleur et la maladie, face aux corps trempés par la karteria des martyrs et des ascètes, qui prennent sur eux la souffrance et en font ainsi la « marque » de la sainteté, en actualisant par leur hyponomè celle du Christ. La représentation que Théodoret donne des corps vaincus des héros « marque » l’éloignement de la vera religio du mythe; l’auteur esquisse des modalités nouvelles de la relation entre l’humain et le divin, et il décrit un scénario, où les corps sont aussi éloquents que le logos.

The mythical body of the hero. The Greek heroes and gods are vanished into darkness, like bats; actually, Jesus Christ is the victorious light: these are Theodoret’s words in the Graecarum affectionum curatio, one of the most important texts of Christian apologetics. In his work, Theodoret offers to pagans a picture of their own heroes, in order to demonstrate the iniquity of the heroic cult. Evidences of such a statement is provided through Christian rhetorical topoi. However, an important argument against the heroic cult is the practice of ascetic endurance. According to Theodoret, on the one hand, the bodies of pagan heroes, who are unable to endure suffering and diseases, are doomed to be defeated by pain. On the other hand, martyrs and ascetics are able to endure suffering and to assume it, just through their bodies, hardened by karteria, so that they turn it into the mark of holiness. In this sense, Christ’s hypomone is re- enacted by the ascetic hypomone. Therefore, the heroic bodies, defeated by their own inability to endure suffering, stress the distance between vera religio and myth. So, the Christian author displays a new kind of relationship between humanity and divinity, describing a scene in which bodies are as meaningful and eloquent as logos.

AUTORE

CHIARA CREMONESI Dipartimento di Scienze dell’Antichità Piazza Capitaniato, 7 I-35139 Padova

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Droit de réponse

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Una breve puntualizzazione metodologica*

Fabio Mora

1 Il dibattito e la discussione sono aspetti importanti e necessari del lavoro scientifico e quindi suscitare un dibattito od una replica non può che lusingare l’autore di un contributo metodologico: molto però dipende anche dalla qualità della replica, ed a mio avviso soprattutto dal suo tono costruttivo (propensione a contrapporre una positiva, ancorché diversa, prospettiva metodologica a quella respinta) e dalla sua pertinenza (effettiva comprensione della tesi rifiutata). Dover ribadire il senso delle proprie affermazioni di fronte a gravi fraintendimenti del proprio pensiero è tanto spiacevole quanto necessario. Ed è questo che purtroppo ci accingiamo a fare.

2 Riprendendo e sviluppando, all’inizio del lavoro, con qualche accento personale una delle innovazioni metodologiche che maggiormente ho apprezzato del mio maestro U. Bianchi – vale a dire l’individuazione di una via intermedia tra l’affermazione dell’univocità del comportamento religioso umano e l’insistenza sullo studio non comparistico di singole culture nel concetto di parziale analogia tra i fatti religiosi di culture diverse – mai mi sarei aspettato di essere fatto oggetto di una riesumazione, piuttosto meccanica, del classico armamentario polemico contro l’intuizionismo della Religionsphänomenologie1. Tanto meno me lo sarei aspettato in quanto la mia proposta metodologica molto insiste sull’indagine dell’altrui soggettività, attraverso lo studio dei fenomeni soggettivamente esperiti come religiosi dagli individui o dalle culture oggetto di analisi (del resto da me già ampiamente praticata, da Religione e religioni nelle Storie di Erodoto, Milano, 1986 a Il Pensiero storico-religioso antico. Autori greci e Roma: I, Dionigi d'Alicarnasso, Roma, 1995). Uno degli apporti più originali del lavoro, oggetto di una nota di lettura così distratta e disinvolta, è del resto l’introduzione, al posto dell’ingenua dicotomia insider/outsider (che funziona davvero solo dove le fonti possano essere interrogate a piacere, in quella ricerca sul campo che non ha evidentemente mai riguardato le religioni classiche ed è in via di estinzione anche negli ambiti etnologici), di una struttura a tre livelli: autore moderno, fonte secondaria antica, fatti e fonti primarie. Questa struttura riconosce un ruolo specifico alla rielaborazione mentale dei

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dati primari operata dalla fonte secondaria, interna o più spesso esterna alla cultura oggetto di indagine, utilizzata dallo studioso moderno.

3 Il mio interesse in ogni caso va alla ricerca storica sull’estrema variabilità degli atteggiamenti2 che presentano un’analogia di funzione religiosa anziché alla ricerca sul sacro come universale antropologico, recentemente riproposta dal Ries, in un’opera di sicuro valore scientifico, verso cui non ho però nascosto le mie riserve metodologiche (nella mia recensione in StPat [1991], p. 206-211). Questo forte orientamento in senso storico del mio pensiero (che riflette tanto la mia convinzione esperienza gusto personale quanto il solido radicamento nella tradizione storicistica degli studi storico- religiosi italiani, da Pettazzoni a Bianchi alla Sfameni Gasparro) viene se mai ulteriormente accentuato nella mia successiva proposta metodologica (a partire da Polifemo 2 [2002], p. 32-36), alla base sia della mia attuale ricerca personale sia dei supplementi alla rivista Polifemo, da me fondata. Nella proposta cioè di una ricerca che riconosca la compresenza, la sovrapposizione, l’intreccio e l’interferenza di due discorsi ed organizzazioni concettuali della realtà, diversamente orientati: l’uno, la cultura, organizzazione mentale della realtà concretamente esperibile e delle reazioni umane a tale realtà, l’altro, la religione, rottura di livello3 operata introducendo nella cultura, immanentemente intesa, un elemento assoluto, altro dall’esperienza mondanamente considerata (cf. F. Mora, Religione e cultura: l’impatto della Riforma, Messina, 2004 [Polifemo. Supplemento 1], p. 13). L’originalità della nuova proposta sta nel sostituire allo studio di una bipartizione ontologicamente fondata della realtà culturale umana come la dialettica sacro/profano, od all’indagine, recentemente rinnovata, sul sacro, come universale antropologico ontologicamente fondato in una naturale disposizione umana, l’indagine di due atteggiamenti (discorsi, strutture mentali) strutturalmente indipendenti. Questo però, nell’articolo in questione, non c’era ancora, se non in nuce4: serve però a spiegare il mio assoluto sconcerto nel vedermi attribuire chissà come una posizione metodologica, che è in realtà uno dei termini negativi della mia riflessione metodologica.

4 C’era invece nell’articolo in questione una forte riflessione storiografica ed epistemologica sul grado di conoscibilità dei diversi ambiti religiosi antichi, in rapporto con la natura delle fonti in nostro possesso. In essa si insisteva in modo particolare sul rapporto tra fonti secondarie (spesso esterne alla cultura in questione), che determinano fin troppo la nostra ricostruzione moderna, e fonti primarie, poco atte a suggerire un autonomo quadro di lettura, ma che potrebbero essere meglio valorizzate come livello autonomo di documentazione, analizzandole sistematicamente come corpus, assoggettabile anche ad analisi statistiche, a prescindere dal dato delle fonti secondarie (interne od esterne). Se insisto su questo aspetto della mia proposta metodologica – d’altronde fondato sui risultati già ottenuti in una serie di lavori precedenti specificamente richiamati – è perché questa problematica epistemologica è stata travolta da una polemica contro i miei presunti pregiudizi classicistici. Polemica sorprendente e che non può che sconcertare chi abbia invece appena proposta, in una rivista dedita allo studio di una religione classica, quella greca, dello studio delle religioni classiche una concezione più ampia ed articolata di quella spesso ancora diffusa in molti atenei: uno studio cioè strutturalmente esteso alle loro relazioni con le civiltà, sostanzialmente prive di un’autonoma interna documentazione storica, dei popoli limitrofi, e con quelle alte culture, per cui abbiamo abbondante documentazione primaria, ma ci manca una riflessione secondaria interna – e per cui di fatto le guide

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portanti della nostra ricostruzione restano in buona misura le riflessioni secondarie esterne dell’etnografia greca5.

NOTE

*. A proposito di “Verso una tipologia delle religioni classiche”, Kernos 13 (2000), p. 9-33. 1. La presente puntualizzazione è stata resa necessaria da M.G. LANCELLOTTI, “Les religions du monde ancien: entre typologie et histoire. À propos d’un article récent”, Kernos 16 (2003), p. 225-246, che offre una lettura del mio pensiero carica di incomprensioni, fraintendimenti, stravolgimenti, polemiche marcatamente prive di fondamento nel mio dire, fino ad attribuirmi ignoranza di tematiche esplicitamente trattate ed approfondite (negando, p. 228 sq. che io conosca la distinzione insider/outsider, mentre io innovo profondamente rispetto a questa problematica, distinguendo al posto della ingenua dialettica insider/outsider una struttura a tre livelli: autore moderno, fonte secondaria antica, fatti e fonti primarie). Data l’assenza di uno sviluppo originale ed autonomo nell’articolo citato, che nel titolo e nell’argomentazione si presenta come un’esegesi del mio – il primo esempio che io conosca di articolo costruito come recensione di pari lunghezza di un altro articolo – ho ritenuto preferibile limitarmi a chiarire nei punti fondamentali il mio pensiero, lasciando al lettore il compito di confrontare l’altrui interpretazione con quanto ho originariamente scritto alla luce di questi chiarimenti, forniti con la massima concisione possibile nella stessa sede e lingua del mio lavoro originale. 2. Nella prospettiva, appresa dal Bianchi, che insiste sulla storicità del metodo storico-religioso, fino ad affermare la possibilità di una conoscenza, una mappatura soltanto a posteriori dei fenomeni religiosi: U. BIANCHI, “Storia delle religioni”, in M. ELIADE, Enciclopedia delle religioni, New York 1986, tr. it. Milano 1995, V, 538-547. 3. Il pensiero laicista sembra avere un’allergia per il concetto di rottura di livello, accusandolo di voler reintrodurre dalla finestra dell’universale atteggiamento religioso ciò che la storia delle religioni ha cacciato dalla porta, vale a dire il concetto teologico dell’obiettivo esistenza di Dio. Per evitare ulteriori fraintendimenti sottolineo molto esplicitamente che il mio interesse va alla soggettiva credenza in una realtà trascendente o comunque altra, rispetto a quella esperita insieme a qualunque outsider, che non partecipi del gioco mentale specifico di quella particolare comunità religiosa: e l’empirica esperienza dei fenomeni religiosi dimostra che questa realtà esperita solo all’interno di una specifica convinzione religiosa spesso tende quasi a prevalere, per importanza e significatività, sulla realtà a tutti comune, condivisa cioè con chi non partecipa della stessa identità religiosa. 4. “l’idea che la religione rappresenti, produca, costituisca una rottura di livello, cioè l’introduzione di un elemento ‘altro’ dalla realtà [comunemente] esperita quale elemento essenziale dell’esperienza”: MORA, l.c. (n. *), p. 11. 5. C’era infine anche un tentativo di analizzare, mediante l’individuazione di paradigmi successivi, l’evolversi complessivo in chiave diacronica delle strutture religiose greche e romane, della cui originalità giudicherà il lettore, tenendo magari presenti anche i successivi sviluppi della mia riflessione in “Evoluzione diacronica della religione greca”, Gerion 20 (2002), p. 153-195.

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AUTORE

FABIO MORA Università di Messina Facoltà di Lettere, stanza 318 Polo didattico dell’Annunziata I-98168 Messina

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Chronique des activités scientifiques

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Epigraphic Bulletin for Greek Religion 2002 (EBGR 2002)

Angelos Chaniotis et Joannis Mylonopoulos

1 With the 15th issue of the Epigraphic Bulletin for Greek Religion we present only the first part of a selection of epigraphic publications of the year 2002. The necessity to coordinate the publication of the EBGR with the edition of the SEG, but also the rather limited space available in this volume of Kernos, has not made the presentation of the entire epigraphic harvest of 2002 in this issue possible; but we have filled some of the gaps from earlier issues (especially EBGR 2000 and 2001). As in earlier bulletins, we have included in our selection also texts that contribute to the understanding of the development of Greek religion in a broader cultural context (Oriental cults, Judaism, and Early Christianity). Among the books and articles summarized below we single out the new corporaof Delphi (88, documents concerning the administration of the Amphictyony), Philippi (121), and Kibyra (28), two important contributions to the understanding of ‘Orphic’ concepts and rituals (8 and 124), an intriguing analysis of the ruler cult of Antiochos III and Laodike in Iasos (108), treatments of magical texts as a source of cultural and social history (44-45; cf. the analysis of the combination of cursing and blessing in a grave inscription: 54), comments on the competition among cults in the Imperial period (19 and 74), and a series of studies dedicated to the ambiguities in the use of a religious vocabulary and to the hazy borders among religious groups in the Imperial period and especially in Late Antiquity (13, 20-21, and 149). Many new inscriptions illuminate facets of worship and religious beliefs; we mention, e.g., a new epithet of Poseidon (Potbaterios, sc. Prosbaterios) in Delphi (65), a letter of Hadrian to Naryx which alludes to the local myths and in particular to the myth of the Lokrian Aias (115), a new lex sacra found in Samos, but originally from Erythrai, concerning the cult of the Korybantes (62, cf. 32), a new leasing document from Amos in Karia with a clause which seems to allude to the periodical cleaning of a sacred grove on the occasion of a sacrifice (11), oracular inquiries from Miletos, one of which may be a new attestation of imperial mysteries (41), an epitaph from Yehilova with a list of offerings to be made to the goddess Ma in Komana (6), a very important inscription from Hierapolis which quotes a sacred regulation of the cult of Zeus (126),

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and inscriptions from Asia Minor that provide information concerning the funerary cult (e.g., 117 and 119). With regard to the evolution of concepts of divinity, we draw attention to the increasing number of dedications which do not name the deity, but only its attributes – e.g., “the God under the Earth” in Philippi (121), “the Just Gods” and “the Lord, the God Above” in Kibyra (28), and the “divinity with the many forms/ images” in Stratonikeia (131). The principles explained in Kernos, 4 (1991), p. 287-288 and Kernos, 7 (1994), p. 287 also apply to this issue. Abbreviations which are not included in the list of abbreviations are those of L’Année Philologique and J.H.M. STRUBBE (ed.), Supplementum Epigraphicum Graecum. Consolidated Index for Volumes XXXVI-XLV (1986-1995), Amsterdam, 1999, as well as of later volumes of the SEG. If not otherwise specified, dates are B.C. We are very much obliged to Dr. James Cowey for improving the English text. [AC]

Abbreviations

2 BIWK G. PETZL, Die Beichtinschriften Westkleinasiens (EA, 22), Bonn, 1994.

3 Εὐεργεσίας χάριν T. DERDA – J. URBANIK – M. WECOWSKI (eds), Εὐεργεσίας χάριν. Studies Presented to Benedetto Bravo and Ewa Wipszycka by their Disciples, Warsaw, 2002.

4 Festschrift Deininger N. EHRHARDT – L.-M. GÜNTHER (eds), Widerstand – Anpassung – Integration. Die griechische Staatenwelt und Rom. Festschrift für Jürgen Deininger zum 65. Geburtstag, Stuttgart, 2002.

5 Πανελλήνιο Συνέδριο ᾿Επιγραφικῆς E.K. SVERKOS (ed.), Α´ Πανελλήνιο Συνέδριο ᾿Επιγραφικῆς. Συνέδριο ᾿Επιγραφικῆς στὴν μνήμη Δημητρίου Κανατσούλη. Θεσσαλονίκη 22-23 ᾿Οκτωβρίου 1999, Thessaloniki, 2001. 6 Zona Archeologica S. BUZZI – D. KÄCH – E. KISTLER – E. MANGO – M. PALACZYK – O. STEFANI (eds), Zona Archeologica. Festschrift für Hans Peter Isler zum 60. Geburtstag, Bonn, 2001.

7 Problemi della chora coloniale Problemi della chora coloniale dall’ Occidente al Mar Nero. Atti del quarantesimo convegno di studi sulla Magna Grecia, Taranto 29 settembre-3 ottobre 2000, Taranto, 2001.

Select Topics

Geographical areas (in the sequence adopted by SEG)

8 Attica: 31. 42. 47. 51. 56. 79. 83–86. 134. 137. 140. 144. 155. 158. Corinthia: Corinth: 69; Isthmos: 69. Epidauria: Epidauros: 14. Lakonia: Sparta:29. 40. 123. 160. Messenia: Messene: 118. 145. Arkadia: Gortyn: 135; Megalopolis: 87. 138. Elis: Olympia: 142. Boiotia: Akraiphia: 153; Chaironeia: 114; Oropos: 75. 140. Delphi: 65. 78. 88. 92. 97. 130. 140. 142. Phokis: Antikyra: 109. Eastern Lokris: Naryx: 115. Western Lokris: Naupaktos: 133. Thessaly: 26; Atrax: 150; Gonnoi: 150; Larisa: 59. 150; Phalanna: 150; Pherai: 38. Epeiros: Dodona: 135. Macedonia: Dion: 112; Kassandreia: 143; Pella: 27; Philippi: 11. 120–122. 148; Sane: 147; Thessalonike: 1. 73. 113. 139. Thrace: 33. 136. Moesia: Histria: 3; Kallatis: 152. North Shore of the Black Sea: 13. 152; Olbia: 14. 16. 152. Delos: 24. 29. 31. 60. 132. Rhodes: Kamiros: 99. 116; Lindos: 31. 34. Lesbos: 64. 70– 71. Thera: 22–23. Kos: 34. 77. Samos: 31. 61. Samothrake: 55. 72. Euboia: Eretria: 7. 76. 140; Zarax: 24. Crete: 9. 23. 137. 137bis ; Aptera: 102; Chersonesos: 80; Gortyn: 94–95.

Kernos, 18 | 2005 401

100; Idaean Cave: 18. Itanos: 22. Italy: Metapontion: 154; Rome: 68. Sicily: 4; Eryx: 51; Messana: 141; Selinous: 93. Asia Minor: 30; Karia: Alabanda: 125; Amos: 10. Aphrodisias: 20–21; Iasos: 91. 108; Knidos: 34; Labraunda: 30; Lagina: 131; Stratonikeia: 67. 131; Panamara: 131. Ionia: Ephesos: 30. 51. 74; Erythrai: 32. 61; Miletos: 31. 41. 51; Priene: 51. Lydia: 2. 119. 129; Hypaipa: 62. Aiolis: Ilion: 125. Mysia: Pergamon: 105–107. Bithynia: 117; Klaoudioupolis. 98. Pontos: Sinope: 36; Phrygia: 129; Aizanoi: 30. 90; Dorylaion 48; Hierapolis: 126–127. Pisidia: Antiocheia: 39; Sibidounda: 13 Termessos: 13. 17; Lykia: Kibyra: 28; Limyra: 101; Myra: 101. Kilikia: Aigeai. 141. Kappadokia: Komana: 6. Cyprus: 22. Syria: Antiocheia: 82; Edessa: 12; Kanatha: 5. 43. Jordan: Hawara: 110; Philadelphia: 50. Egypt: 81; Alexandria: 54. Kyrenaika: Kyrene: 34–35. 51. 111

Subject Index

9 account: 88. 97

10 aesthetic, in rituals: 88; see also decoration

11 agon: 35. 57. 88. 94. 105. 123. 140. 142. 159; agonistic festival, see festival

12 Aischylos: 34

13 Alexander of Abonouteichos: 19

14 altar: 3. 36. 41. 48. 60. 76. 101. 108. 110. 117. 131. 138. 150

15 amphictyony: 88. 115

16 amulet: 44–45; see also gem

17 animals: bull: 6; cow: 6; eagle: 48. 52; goat: 6; horse: 6; ox: 48; ram: 6; swallow: 6; see also sacrificial animal

18 architecture, religious: 60

19 association, cult: 22. 29. 60. 77. 89. 105. 112. 121. 136-137

20 asylia: 88. 130

21 baetyl: 48

22 banquet: 28. 42. 61. 69. 131

23 bath, ritual: 88. 126

24 birthday, of a divinity: 74. 131; of queen Laodike: 108

25 burial: 8; prohibition against b.: 10; see also funerary cult

26 calendar: 117 (in Bithynia); sacrificial: 42. 83–86

27 cave: 9

28 Christianity: 20–21. 120. 149

29 chthonic deity: 49. 54. 61

30 ‘confession inscriptions’: 129

31 creation: 12

32 crown: 48. 88. 105

33 cult, competition among c.: 19. 74; foundation of c.: 2. 19. 48. 131; c. founder: 48; c. transfer: 22. 117 (parentalia, rosalia). 121; c. of Roman magistrates: 146; see also emperor cult, hero cult, ruler cult, festival, ritual

Kernos, 18 | 2005 402

34 cult personel: agonothetes: 14. 69. 87–88. 91; archiepimenios: 105; archieranistes: 77; archiereia of the emperor cult in Asia: 28; in a city: 28; archiereus of the Attalids: 105; archiereus of the emperor cult in Achaia: 88; in Asia (Asiarches): 28. 104. 156; in Lykia (Lykiarches): 28; in a city: 71. 131; archiereus ton Ionon: 63; archimagos: 62; dendrophoros: 136; epimenios: 77; hiereia: 14. 28. 61. 108. 111. 126. 131; hiereus: 6. 14. 28. 63. 70. 77. 105. 108. 126–127. 131. 136. 139; hierokeryx: 88; hieromnemon: 10. 88; hierones: 64; hieronomos: 105; hierophantes: 42; hieropoios: 137; hieros pais: 88; hieros: 90; hierothytes: 138; hydragos: 29; hyphydragos: 29; kleidophoros: 131; kleidouchos: 77; magos: 62; meter dendrophoron: 136: neokoros: 28. 121; neopoies/neopoios: 91. 97; pyrouchos: 17; theekolos: 115; zakoros: 131; see also priesthood, Greek terms

35 curse: 44. 54. 129; in an oath: 28; curse tablet: 49. 68; see also funerary imprecation, magic

36 daimon: 131

37 decoration, of sacred objects, places: 61. 88

38 dedication: 3. 60; of foot: 13; of money: 24 (thrown in fountains). 79; of reliefs: 48; of sacrificial implements: 28; of statues: 28. 39. 126; of a temple: 113. 151

39 dedication, by priest/priestess: 17. 150; by priest after his term of office: 3; by soldiers: 3. 22. 50. 59; in commemoration of an athletic victory: 92; for the safe return from a journey: 48. 58; for rescue: 58–59; for the victory of an emperor: 3; for the well-being of the family: 48; for the well-being of an emperor: 80; thankgiving: 28. 58–59, 78. 110; upon divine command:3. 48. 70. 117; funded with sacred money: 127; joint dedication to healing god and doctor: 28; reciprocity in dedicatory practices: 154, regulation concerning d.: 88

40 deification, of Antinoos: 98; of Drusus: 131

41 deities: Agathos Daimon: 77. Amphiaraos: 75. Aphrodite: 73. 77; Epekoos 3; Eudie 77; Hilara 4; Pontia 33. Apollon: 28. 33. 77. 98. 121. 125. 131. 147. 151; Chereusieideus 28;Chresterios 58; Delios 25;Delphinios14; Didymeus 31. 41. 131 (?); Ietros 3. 14; Karneios 35; Klarios 52–53; Komaios 121; Mousagetes 150; Nisyreites 58; Oulios 152; Pholeuterios 152; Pythios 78; Samnaios 10. Ares: 3. 117. Arete: 28. Artemis: 3. 17. 121. 131. 150–151; Brauronia 144; Diktynnaia 109; Eleithya 109; Ephesia 30. 74; Hyakinthotrophos 34; Katagogis 51; Opitais 121; Philoparthenos 17; Tauropolos17; Thermia 70. Asklepios: 3. 8. 15. 28. 33. 58. 88. 98. 155; Poliouchos 141; Soter 141. Athena: 3. 12. 40. 58. 77. 131. 155; Lindia 31. 77; Pronaia 88. Demeter: 3. 8. 14. 17. 28. 54. 70. 98. Despoina: 100 (?). Dionysos: 3. 8. 98. 112. 120–121. 128. 136; Bakchos 77; Botrys 121; Kadmeios 88; Katagogios 51. Dioskouroi: 28–29. 33; Soteres3. Dodekatheon: 126. Eileithyia: see Artemis. Eirene: 3. 131. En(n)odia: 26. 38; Korroutara 26 (?). Eueteria: 70. Eumelios: 77. Ge: 117; Karpophoros 28 (?). Glykon Neos Asklepios: 19. Hades: 33. Hekate: 3. 16. 52. 131. Helios: 8. 58. 77. 117. Hephaistos: 33. Hera: 12. 31. 111. 117; Ourania 77. Herakles: 3. 8. 28 (Theos). 35. 58. 60. 145. 154. Hermes: 9. 35. 60. 77. 98. 145; Chthonios 150; Enagonios 88; Eriounios 9; Pantokrator 9; Polykarpos 95. Homonoia: 28. 39. Hygeia: 141. Kore: 14. 135. Korybantes/Kyrbantes: 32. 62. Leto: 3. Mes: 28; Axiottenos 58;Ouranios 13. Meter Theon: 3. 14. 121. Maia: 60. Moira(i): 3. 8. Mousai: 3. 35. 41. 112. Nemesis: Aniketos 121. Nike: 52. Ouranos: 117. Pan: 121; Euhodos 58. Parthenos: 121. Persephone: 3. 54. Phorkys: 152. Plouton: 49. 121. Ploutos: 3. Poseidon: 58.

Kernos, 18 | 2005 403

69. 121. 160; Aisios 29; Asphaleios 77; Prosbaterios 65. : 117. Semnai Theai: 86. Sozon: 58. Thea: Almopia 121; Rhome 28. Theion: Polymorphon 131. Theoi: Dikaioi 28; 28; Dodeka 126. 134; Hosioi 28; Katachthonioi 33. 90; Megaloi 28. 49. 55; Motaleon 127; Patrioi 126. Theos: Ano 28; Epekoos 20; Hypogaios 121; Hypsistos 13. 36. 58. 120. 131. Tyche: 28. 59 (?). Zeus: 8. 12. 52. 58. 87. 98. 117. 119. 121. 126–127. 131. 151; Agoraios 76; Antigonaos 2; Atabyrios 77; Bronton 48; Chrysaorios 131; Hyetios 77; Hypsistos 12. 77. 113; Karios 127; Karpophoros 28 (?); Megas 28; Megistos 48; Megistos Kapitolios 110; Melosios 158; Na(i)os 135; Nemeos 85; Olympios 50. 126; Panamaros 131; Pharnavas 6; Pyrgenos 48; Sarapis 110; Solymeus 17; Soter 28. 77. 118; of Thymnasa: 6; Tropaios 105

42 deities, Anatolian: Kakasbos: 28 (Theos); Egyptian: 11. 22. 58. 121. 131. 139. 148; Oriental: Anaitis/Anahita: 6. 62; Astarte: 77; Jupiter Dolichenus: 3; Kybele: 3. 11. 136; Mithras: 3; Sabazios: 28. 33; Theos Rabbou: 5. 43; Roman: Iuppiter Optimus Maximus: 33; Silvanus: 33. 120; Thracian: Bendis: 117; Rider God: 3. 33; Souregethes: 121

43 deities, assimilated with a deceased person: 73; patrons of agriculture: 48. 126; of the agora: 95; of children: 26; of fertility: 95; of livestock: 77; of potters: 12; of seafaring: 65; periodical return: 51

44 double axe: 28

45 Derveni Papyrus: 8

46 Eleusinian mysteries: 155

47 emperor cult: 11. 28. 41. 63. 69–71. 77. 101. 104. 122. 126. 131. 141. 143. 150. 156

48 epiphany: 34

49 eschatology: 28. 46. 99. 124

50 fasting: 14

51 festival, establishment of: 34; funding of: 91. 127

52 festivals, agons: Alexandreia: 63 (Ionia); Amphiaraia: 140 (Oropos); f. in Athens: 83; f. of the Cretan Koinon: 94; Dia: 126 (Hierapolis); Didymia: 123 (Miletos); Dionysia: 88 (Chios). 89 (Eretria). 91 (Iasos). 125 (Alabanda); Eleutheria: 138 (Plataiai); Eurykleia: 123 (Sparta); Genesia: 86 (Athens); Heraia: 131 (Lagina); of the Ionian Koinon: 63; Isthmia: 69. 123. 140; Kaisareia: 28 (Kibyra). 123 (Sparta); Katagogia: 51; Kornelia: 123; Nemea: 85. 94; Nikephoria: 106–107 (Pergamon); Nyktophylaxia: 132 (Delos); Olympia: 94 (Smyrna). 123 (Olympia?). 126 (Hierapolis). 142 (Olympia); Panathenaia: 137. 140 (Athens); Panionia: 63; Ptolemaia: 88 (Alexandria); Pythia: 88. 123 (Delphi); Rhomaia: 140 (Oropos); Soteria: 88 (Delphi); Thesmophoria: 132

53 fire: 8. 17

54 foot, dedication of: 13

55 funerary cult: 6. 28. 77. 90. 99. 114. 117. 119. 121. 128. 138. 143; f. imprecation: 6. 90. 117. 149; protection of grave: 17. 90; see also burial, heroization, Greek terms

56 gem: 52–53

57 godfearers: 13. 20

58 grove: 10

Kernos, 18 | 2005 404

59 gymnasium: 28. 35. 94. 145

60 hair, offering of: 108. 131

61 healing: 28. 58. 74; cult: 19

62 Heraclit: 8

63 hero cult: 42; Achilleus: 14. 16; Heros Auloneites: 120–121; Heros: 121; Heros Epekoos: 121; Kar: 67; heroization: 8. 27–28. 48. 73. 90. 102. 138. 153

64 homosexuality: 23

65 hymn: 9; hymnodos: 28; hymnody: 19

66 identity, religuous: 19

67 inauguration, of magistrates: 108

68 initiation: 23. 61. 124

69 inventories: 24. 30–31. 79. 88

70 inviolability: 30. 88; see also asylia

71 invocation: 48

72 Jews, Judaism: 13. 20–21. 82. 120–121. 149. 157

73 justice , divine: 8. 28. 54. 117. 129

74 labrys: 21

75 land, sacred: 88

76 Late Antiquity, paganism in: 20–21

77 lex sacra: 32. 34. 42. 61. 83. 88. 93. 116. 126. 131

78 libation: 9. 126–127

79 magic: 44–45. 49. 52–54. 68; cf. amulet, curse, gem

80 manslaughter: 88. 93

81 manumission: 6. 13. 72 (?). 114

82 marriage: 119

83 mind, holiness of: 15

84 mystery cult: 19. 41 (in connection with the emperor cult?). 72. 98 (in connection with Antinoos). 121. 128. 136. 155

85 myth: Aias: 115; mythical ancestry: 98; see also hero

86 names, as reflection of religious beliefs: 21; theophoric n.: 14 (Metrophanes, priest of Meter?). 28 (Menophantos, Menis, and cult of Mes). 77 (Eumeliodoros; Hermeios founder of the Hermaistai). 81 (in Egypt); theophoric names of tribes: 98

87 night, celebrations: 132; see also pannychis

88 number, religious significance of: 6

89 Nyktophylaxia: 132

90 oath: 129; amphictyonic: 88; citizen: 28; ephebic: 28; treaty 28

91 oracle: 19. 41. 88. 119. 130–131; alphabetical: 28

92 ‘Orphics’: 8. 46. 124. 128. 152

93 paganism in Late Antiquity: 21

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94 Panathenaic amphora: 7

95 pannychis: 127

96 papyri, magical: 45

97 Parmenides: 152

98 personification: 7; see also deities, s.vv. Arete, Eirene, Eueteria, Homonoia

99 pilgrimage: 9; protection of pilgrims: 88

100 Pindar: 46

101 politics, and religion: 30. 75. 108

102 prayer: 28. 54

103 priest, priesthood; couples of priests: 28. 104. 131; accumulation of priesthoods: 28. 131; election of: 108; families of p.: 104; p. for life: 28. 32. 70; list of p.: 111; perquisites: 32. 61. 83; prohibition of reelection: 108; sale of: 30. 32. 61

104 private, cult: 32. 41; p. sacrifice: 61

105 procession: 86. 108. 131; processional chariot: 140; processional way: 74

106 Prometheus: 12

107 protection, of pilgrims: 88

108 purification: 61. 93. 126; purity: 15

109 reciprocity, in the relation between mortals and gods: 154

110 rituals; aesthetic of: 88; interruption because of war: 88; cf. s.v. banquet, bath, fasting, hair offering, inauguration, initiation, libation, Nyktophylaxia, oath, pannychis, prayer, purification, sacrifice

111 roses, offering of: 126

112 ruler cult, Hellenistic: 22. 105. 108. 121; see also emperor cult

113 sacrifice: 28. 32. 42. 48. 56. 61–62. 69. 83. 105. 108. 126. 131. 137-138; funding of s.: 126. 137; bloodless: 83; sacrificial animal: 64 (purchase). 83. 116. 131. 138; sacrificial meat: 88 (distribution). 121

114 sacrilege: 88

115 salvation: 58

116 sanctuaries: 30. 137bis; boundary stone of: 147; cleaning of: 10; destruction of: 14; finances of: 24. 30. 88; fines paid to: 10; inviolability of: 30. 88; protection of: 88; revenues of: 10; see also grove

117 sexuality: 23. 45

118 slaves, sacred: 14. 72 (?)

119 soul: 8. 12. 21. 44. 48

120 statue, cult: 14. 17. 28. 80; dedication of: 28. 39. 126

121 supplication, suppliant: 34. 131

122 syncretism: 55. 62

123 tent: 88

124 theft, of sacred money: 88

125 Theokritos: 45

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126 theoxenia: 42

127 thunder: 48

128 thymiaterion: 52

129 tree: 14; see also grove

130 violence, religious: 14

131 virgin: 7. 108. 140

132 vow 2–3. 28. 38. 48. 52. 150

133 war: 58–59. 88

134 water: 46

135 wedding: 108

136 women: 14. 17. 51. 61. 132; association of: 77; and athletic competitions: 69. 140; and magic: 45; see also virgin

Greek Words

137 associations, cult associations and their officials: ἀρχιβούκολος 136; ἀρχιερανιστής 77; ἀρχιμύστης 136; βακχ(ε)ῖον 136; βάκχη 136; βουκόλος 136; ἔρανος 77; θίασος 77; κοινόν 77. 136; κουρής 136; μύσται 121; πατὴρ σπείρης 136; σπεῖρα 136; σπειράρχης 136; συμπορευόμενοι 77; συμπόσιον 121; σύνοδος 77; συστημάρχης 136; cf. below, cult personel, s.v. ἀρχιβασσάρα, κισταφόρος, κρανιάρχης, κρατηριακός, λικναφόρος, λυχνοάπτρια, ναρθηκοφόρος, σιμιοφόρος

138 cult personel (selection): ἀρητήρ 131; ἀρχιβασσάρα 136; δενδροφόρος 136; εἰρώνης 64; ζακόρος 131; ἠρώνης 64; ἱερά 72; κισταφόρος 136; κουρής 136; κρανιάρχης 136; κρατηριακός 136; λειτορεύω 150; λικναφόρος 136; λυχνοάπτρια 136; μήτηρ δενδροφόρων 136; ναρθηκοφόρος 136; πρὸ πόλεως 61; πυροῦχος 17; σιμιοφόρος 136; ὑδραγός 29; ὑφυδραγός 29 139 curse formulas: ἐξώλη εἶναι καὶ αὐτὸν καὶ γενεάν 28; πανώλης καὶ ἐξώλης πρόριζος ἀπόλοιτο 6; ἑαυτὸν αἰτιάσεται 28; οἱ πάντες θεοὶ κεχολωμένοι γένοισαν καὶ τῷ γένει αὐτοῦ 28; ἔσονται αὐτῷ οἱ δαίμονες κεχολωμένοι 28; ἕξει πάντας τοὺς θεοὺς κεχολωμένους 28; μετὰ τοῦ γένους ἀπόλοιτο 28; Διὸς ἐχέτω 28; ἔστω τοῖς καταχθονίοις θεοῖς 28; ἀρὰς τίθημι αὐτοῖσι καὶ τέκεσι παρρίζους μολῖν ῞Αδου μέγαν κευθμῶνα καὶ σκότου πύλας 54; οὕτως ἀώροις περιπέσοιτο συνφοραῖς 90; οὐρανὸς, γῆ, θάλαττα καρπὸν αὐτῷ μὴ ἐνέγκαιτο, ὄλοιτο ὤλη πανώλη πανσπερμεί 117; ἔσται αὐτῷ πρὸς τὸν θεόν (et sim.) 149 140 dedications: ἄγαλμα 39; δῶρον 117. 135; ἐπιταγή 3. 48. 70. 117 (κατ᾿ ἐπιταγήν); εὐχαριστία 110 (ὑπὲρ εὐ.); εὐχαριστῶ 28. 101; εὐξάμενος/η 38. 48. 150; εὐχήν 2. 28. 48. 52; κατ᾿ εὐχήν 3; ὑπὲρ εὐχῆς 133; ἐφιερόω 5; καθιερόω 17. 28. 80. 131; κατευχή 3; κέλευσις 48 (κατὰ κέλευσιν); συνκαθιερόω 126; σώζομαι 28 (ὅτι ἐσώθην); σωθεὶς ἐκ μεγάλου κινδύνου/ἐκ μεγάλων κινδύνων 58; σωτηρία 58. 80 (ὑπὲρ σ.); τύχη 80 (ὑπέρ τ.); χαριστήριον 58; ψυχικὰ δῶρα 9 141 epithets (a selection): ἀγοραῖος 76 (Zeus); ἀνάκτωρ δαιμόνων 54; ἀνίκητος 3 (Mithras). 121 (Nemesis); ἄνω 28 (Theos); ἀσφάλειος 77 (Poseidon); βροντῶν 48 (Zeus); δεσπότης 41 (Apollon); δίκαιος 28 (Theoi); ἐναγώνιος 88 (Hermes); ἐπήκοος 3

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(Aphrodite), 20 (Theos). 48 (Zeus Bronton). 121 (Heros); εὔοδος 58 (Pan); ἥρως 33 (Thracian Rider God); ἰετρός 3 (Apollon); ἱλαρά 4 (Aphrodite); καρποφόρος 28 (Ge?, Zeus?). 70 (Agrippina); καταγώγιος 51 (Dionysos); καταγωγίς 51 (Artemis); καταχθόνιος 33 (Theoi); κτίστης 28 (Tiberius); κύριος 28 (Ano Theos). 32 (Thracian Rider God). 121 (Poseidon); μέγας 28. 49. 55 (Theoi), 28 (Zeus); μέγιστος 48. 110 (Zeus); μεδέων, Βορυσθένηος/ ῎Ιστρου 14 (Apollon); ὁργία 139 (Isis); οὔλιος 152 (Apollon); οὐρανία 77 (Hera); οὐράνιος 13 (Mes); παντοκράτωρ 9 (Hermes); παρθένος 121; πάτριοι 126 (Theoi); πολιοῦχος 141 (Asklepios, Hygieia); πολύκαρπος 95 (Hermes); πολύμορφον 131 (Theion); ποντάρχης 14 (Achilleus); ποντία 3 (Aphrodite); ποτβατέριος 65 (Poseidon); προσβατήριος 65 (Poseidon); σεμνή 54 (Persephone); σύνναος 28 (Theoi); σώζων 58; σωτήρ 3 (Dioskouroi), 28 (Tiberius, Zeus). 77. 118 (Zeus). 141 (Asklepios, Hygieia); ταυροπόλος 17 (Artemis); τροπαῖος 105 (Zeus); ὑπόγαιος 121 (Theos); ὕψιστος 13. 36. 58. 120. 131. 149 (θεός). 77. 113 (Zeus); φίλιος 28 (Zeus); φιλοπάρθενος 17 (Artemis); φωλευτήριος 152 (Apollon); χθόνιος 150 (Hermes); χρηστήριος 58 (Apollon) 142 funerary cult and architecture: βωμικὸν ἔργον 28; βωμικὸν μνημεῖον 28; ἡρῶον 28; ἡρώνειον 117; ἥρως 27–28. 90. 102. 153; λέσχη 99; παρακαίω 117. 121; παρεντάλια 121; ῥόδα 121; ψυχαὶ πατρός 48 143 magic: θυμοκάτοχον 44; θυμός 44; Ιαω 52–53; φάρμακα 54 144 prayer: ἐπεύχομαι 54; εὐχωλή 54 145 rituals: ἀφικετεία 34; ἀφικετεύω 34; ἀφίκτωρ 34; ἐναγίζειν 42; ἐνάγισμα 42; ἐναγισμός 42. 61; ἐναγιστήριον 42; εὐωχία 28; θυηπολίη 41; ἱερὰ νεόκαυτα 28; ἱ(ε)ρουργέω 41. 126; κατάγω 51; κατάρχομαι 126; κατευχαί 28 (κατευχῶν ἡμέρα); κορυβαντίζω 61; κορυβαντισμός 61; κοσιναι 131; κρεοφυλάκιον 121; κρητηριάζω 61; λοιβή 9; λουτρόν 126; λούω 61; λῶτις 88; νηστείη 14; νυκτοφυλάξια 132; ξενισμός 61; πανήγυρις 131; παννυχίς 127; πρατήνιος 116; σπονδή 9. 126; συνθύω 126; σφάγια 28; τελέω 61 146 sanctuaries and their facilities: ἁγίασμα 20; ἄλσος 3. 10; βωμός 14. 42. 131; ἕδρον 14 (?); ἐσχάρα 42; ἐσχάρον 42; καταφυγή 13; πρόναιον 5; τέμενος 9. 138 147 various aspects of piety and worship: ἁγνός 15; ἁγνῶς 3; ἀλειτήριος 28; ἐνεύχομαι 117; εὐαγής 28; εὐσέβεια 112. 126; εὐσεβέω 117; εὐσεβής 1; εὐσεβῶς 131; εὔχομαι 3; θεοποίητος 14 (τόπος); θεοσεβεῖς 13; ὅσιος 9. 15; ὁσίως 131; σέβομαι 13; σεμνότης 88

Bulletin

148 1) P. ADAM-VELENI – E.K. SVERKOS, “᾿Επιτάφιες στῆλες ἀπὸ τὴ Θεσσαλονίκη”, in Πανελλήνιο Συνέδριο ᾿Επιγραφικῆς, p. 13-34 [SEG LI 891; BE 2002, 278]: Ed. pr. of an epitaph from Thessalonike in which the deceased woman is described with the attribute εὐσεβής (1, 1st cent. B.C./A.D.). [AC]

149 2) N.E. AKYÜREK SAHIN, “Neue Votivbüsten für Zeus Antigo(u)naos”, Olba 6 (2002), p. 71-84: Ed. pr. of four busts of a bearded man (probably a god) found in 1974 near the village Çukurören (Lydia, 3rd cent. A.D.). Two of the busts bear dedicatory inscriptions identifying the objects as votives to Zeus Antigo(u)naos in fulfillment of vows (III:

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᾿Αντιγονά[ῳ] | ε[ὐχήν]; IV: Διὶ ᾿Αντιγουνάῳ | [ε]ὐχήν). The cult of Zeus Antigonaos was already attested in Lydia. A. prefers a derivation of the epithet Antigonaos from the name of the cult founder (an Antigonos) [cf. EBGR 1998, 236 bis], rather than an association with a Hellenistic king [cf. EBGR 1998, 67 on p. 55]. [JM]

150 3) M. ALEXANDRESCU VIANU, Histria. IX. Les statues et les reliefs en pierre, Bucarest/Paris, 2001 [SEG LI 932]: This catalogue of sculpture found in Histria includes numerous inscribed objects (bases of statues and reliefs, funerary and dedicatory reliefs, and altars). Dedications: to Aphrodite (105, by a priest after his term of office, 3rd cent.), Aphrodite Pontia Epekoos (103, 2nd cent.), Apollon Ietros and Leto (101-102, both under the priesthood of Hippolochos, 5th/4th cent.), Demeter (172, as a vow, 1st/2nd cent.), Meter Theon (104, 1st/2nd cent.) [read κατευχή (vow), not κατ᾿ εὔχη], the Dioskouroi Soteres (178, by the soldiers who participated in an expedition to help Apollonia, 2nd cent.), Mithras Theos Aneiketos (191 = CIMRM 2307, 2nd/3rd cent., dedicated by a pater: κατ᾿ ἐπιταγήν, Θεῷ ᾿Ανεικήτῳ Μίτρᾳ ἀνέθηκεν εἰς ἄλσος ἀπόκρυφον | Εὐφράτῃ εὔχεσθαι ἁγνῶς), the Moirai (193, 3rd cent.), the Thracian Rider God (Heros; 153, 2nd cent. A.D., κατ᾿ εὐχήν; 157: Heroni invicto), and for the victory of an emperor (174, Antonine period). The statues and reliefs represent the iconography of Aphrodite, Ares, Artemis, Asklepios, Athena, Demeter and Persephone, Dionysos, Eirene, Hekate, Herakles, Kybele, the Muses, Ploutos, Jupiter Dolichenus, and the Thracian Rider God. [AC].

151 4) S. ANEZIRI, “A Different Guild of Artists: τὸ Κοινὸν τῶν περὶ τὴν ῾Ιλαρὰν ᾿Αφροδίτην τεχνιτῶν”, Αρχαιογνωσία 11 (2001/02), p. 47-56: A. presents an English version of her article summarized in EBGR 2000, 5. A. argues convincingly that Aphrodite Hilara was the patron goddess of a guild of artists who performed in comic-erotic spectacles (phlyakes, mimes, and pantomimes) and did not participate in the official program of Greek music competitions; for this reason they had no place in the guilds of Dionysiac artists in Magna Grecia. [JM]

152 5) Y. AUGIER – M. SARTRE, “Le dieu de Rabbos, maître du « temple périptère » de Canatha”, MDAI(D) 13 (2002), p. 125-130: Ed. pr. of an architraval dedicatory inscription found during the excavations at the so-called “peripteral temple” of Kanatha (Syria, c. A.D. 150-200) [cf. the preliminary report in EGBR 2001, 131; BE 2002, 466; SEG L 1535; the excavators suggest a different date; see supra no 43]. Philippos, a member of the council, his wife, and his son financed the construction of the pronaos and dedicated it to Theos Rabbou (τὸ πρόναιον | οἰκοδομήσαντες ἐφιέρωσ|αν Θεῷ ῾Ραββου)]. Associating the new text with an inscription which documents the dedication of a propylon to Theos Rabbou by Sithros (IGLS XVI.1, 143, A.D. 162 or 163), A.-S. suggest that Sithros dedicated the monumental entrance to the sanctuary of Theos Rabbou; Philippos and his family dedicated the pronaos of the temple. [JM]

153 6) M. AYDAŞ, “A Priest of the Goddess Ma at Komana”, EA 34 (2002), p. 23-27 [BE 2003, 534]: Ed. pr. of the epitaph of an anonymous person [with a quotation from his testament] (Yehilova, Imperial period); this person set an undetermined number of slaves free, forbidding the exposure of their children and further burials in his tomb. The manumitter may have been a priest of Ma at Komana, since her sanctuary (200 km east of the finding spot of the text) is known to have owned slaves. The inscription contains a unique imprecation formula: “If one of the freedmen or their descendants is unjust or takes to himself something of those, which have been given by me, or damages or abuses (the tomb) [but see below], this person will offer as atonement

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(ἀποτείνειν) [correct: “will pay as a fine”; the text explicitly excludes the possibility of atonement] nine uncorrupt girls, nine boys, nine bulls, nine white animals with golden horns (ταύρους θ´, | λευκοὺς χρυσοκέρωτας θ´) [read: ταύρους {Θ} | λευκοὺς χρυσοκέρωτας θ´; “nine white bulls with golden horns”; there were nine types of offerings, not ten], nine cows, nine horses with golden bridles, nine white he-goats, nine she-goats, nine rams with golden fleece and nine white swallows to the goddess in Komana every year. Let this person bring these to Zeus from Thymnasa, Zeus Pharnavas, and Anaitis. (And even so) the proclaimed [aforementioned] gods will not be appeased and neither the earth will give fruit nor the sky water nor the sun light. This person will also be liable to temple-robbery and this person’s root will be completely and utterly destroyed (πανώλης καὶ ἐξώλης πρόριζος ἀπόλοιτο)”. [A. understands the anticipated violations as being commited by the freedmen, and the beginning of the clause can indeed be understood in this way (ἐὰν δέ τις τῶν ἀπελευθέρων ἢ ἐγγόνων αὐτῶν ἢ ἀδικήσῃ); however, the next phrase makes better sense if the freedmen are the object, not the subject of the violation: ἢ ἀφέληταί τι αὐτῶν τῶν ὑπ᾿ ἐμοῦ δεδομμένων; and what follows (ἢ βλάψῃ ἢ ἐνεπηριάσῃ) cannot possibly refer to the tomb. As in manumission records, in general, this clause aimed at protecting the freedmen and their descendants: “and if someone violates the rights of (any of) the freedmen or their descendants of takes away from them one of the things granted to them by me, or harms them or treats them abusively/disrespectfully, etc.”]. A. comments on the religious significance of the number nine. As swallows are migratory birds, the offerings were to be made during a festival in the spring. Pharnavas is a new epithet of Zeus, possibly of Persian origin (farnah = royal splendor, glory). [AC]

154 7) M. BENTZ, “Die Preisamphoren aus dem Mosaikenhaus in Eretria”, AK 44 (2001), p. 3-12 [SEG LI 1122]: Re-edition of three Panathenaic amphoras found in a private house in Eretria (SEG XLIII 108, 363/2 and 360/59 B.C.). The unique feature of their iconography is the representation of female personifications, which B. tentatively interprets as Charis and the personification of the games. [Since neither Agon nor Panathenaia is female, the female personification may be that of Heorte]. This is a rare case in which the archaeological context gives information about the use of Panathenaic amphoras in private houses. In this case, these vases were probably desplayed in the peristyle in front of the banquet rooms. [AC]

155 8) G. BETEGH, “Papyrus on the Pyre. The Derveni Papyrus and its Archaeological Context”, ActaAntHung 42 (2002), p. 51-66: A survey of the significance of fire in the ideas and rituals of the ‘Orphics’ endorses the assumption that the Derveni papyrus was not thrown to the pyre as junk, but was designed to be burnt as part of the burial of its owner. In support of this very appealing hypothesis B. points to the expression γραμμάτων καπνούς in EURIPIDES’, Hippolytos 953f. in the context of Orphic and Bacchic rites, to the representations of heroised persons who hold a papyrus roll in their hand, to the Orphic custom of accompanying the dead with texts, and to the special role allotted to fire in the Derveni text, in Heraclitus, and in mythological narratives. B. observes a striking convergence between the Derveni papyrus and the Orphic lamellae from Thourioi. Gold leaf C, which was found in the coffin of a cremated person, reveals despite its very fragmentary condition a connection between divinities and physical elements or parts of the cosmos (Demeter-earth, Zeus-air, Helios-fire, Moira παμμήστωρ-the wisdom of Zeus; cf. the use of the verb ἐμήσατο in connection with Zeus’ creative power in the Derveni papyrus); these connections find close parallels in

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the Derveni papyrus. The reference to death by lightning caused by Moira in gold leaf A1 from Thourioi may be interpreted as a form of heroization [possibly in conscious analogy to Dionysos’ death]. Further [less compelling] analogies with the Derveni papyrus are detected by B. in the myth of Herakles’ heroization and in the Thessalian cult of Asklepios. Finally, an eschatological role is attributed to fire by HERACLITUS (B 16, 28, 64, 66 Diels-Kranz), in close connection with divine justice. In light of this evidence, one may suspect that the cremation of the dead had an eschatological significance in Orphic rituals, representing the destruction of the body and the liberation of the soul. [AC]

156 9) M. BILE, “Une inscription crétoise en l’honneur d’Hermès: IC II, XXVIII, no 2”, Cretan Studies 7 (2002), p. 21-31: B. discusses an epigram (I.Cret. II,xxviii 2, 2nd cent. A.D.) found in a cave near Axos. Salvius Menas, who regularly came as a pilgrim to the cave, honors (l. 11 and 13) Hermes with libations (l. 3: σπονδήν; l. 4: λοιβαῖσι) and sacrifices (l. 3: θυσίην; l. 11: θυσίαν), as well as with κτήσεως ἐξ ὁσίης ψυχικὰ δῶρα (l. 5). [The “spiritual gifts of a pious possession” may be hymns or other poetic offerings, such as the present epigram; for the offering of “spiritual sacrifices” in the Imperial period see EBGR 1994/95, 41; for the assimilation of a poem to a libation see FARAONE’s study summarized infra no 46]. In l. 12 Hermes is addressed as παντοκράτωρ ᾿Εριούνιος (Eriounios being a Homeric epithet for Hermes). The epigram ends with a reference to the sacred precinct of the god (l. 13: τέμενος). [AC] 157 10) W. BLÜMEL, “Neue Fragmente der Pachturkunden aus Amos”, EA 34 (2002), p. 107-114 [BE 2003, 487]: Ed. pr. of a further fragment of the leases of land which were undertaken under the responsibility of the hieromnamones in Amos (3rd/2nd cent.; cf. W. BLÜMEL, Die Inschriften der Rhodischen Peraia (ISGK, 38),Bonn, 1991, nos 352-354 = I.Rhod.Per. 49-51). The new fragment refers to fines payable to Apollon Samnaios (B 19), forbids burials in the fields which were leased (B 28-30), and mentions a sacrifice in the “fair grove” (A 17). [The latter clause provides information about the revenues of sanctuaries from groves; when one places a punctuation mark after καὶ ἐπίστεγα ποιησάτω (“and he, sc. the leaser, shall construct roofs”), the following text makes sense; it refers to the purchace of the necessary timber (not ὧν εἰς Ο[- -], but ὠνεῖσθ≥[αι]) needed for the aforementioned roofs. This material was provided by the hieromnamones, who sold the branches and dry hay (ξύλα and ξηρά) collected when the grove was cleaned for the performance of a sacrifice; the κύρβα is not a “Weihegefäß” (as in Delos), but a unit of measurement: ξύλα δὲ εἴ κα χρήζηι ὠνεῖσθ≥[αι ὅσων κα δέηται] ἐ≥πὶ τὰ οἰκήματα τὰ ἐπὶ τοῦ ἀγροῦ παρὰ τῶν ἱερομναμόνω[ν τῶν ἐν ἀρχᾶι ἐόντ]ων ὅκκα ἐν καλῶι ἄλσει θύωντι ῎Αμιοι τὰ ξηρὰ ἐκ τοῦ ἱε[ροῦ τᾶς – - τὸ]μ πᾶχυν τριωβόλου τὰν δὲ κύρβαν δύο [ὀ]βολῶν ὅλαν; “and if he (the leaser) needs to purchase timber which is necessary for the (roof of the) buildings on the field, he shall buy the dry timber/hay from the sanctuary of – –, for the price of three obols a cubit and two obols a kyrba, from the hieromnamones, who are in office, when the Amians perform the sacrifice in the fair grove”; BLÜMEL, o.c. no 352 A 28-32, can be restored in a similar way: [ξύλα δὲ εἴ κα χρήζηι ὠνεῖσθαι ὅσων κ]α δέηται ἐπὶ τὰ οἰκή[ματα τὰ ἐπὶ τοῦ ἀγροῦ παρὰ τῶν ἱερομναμόνω]ν τῶν ἐν ἀρχᾶι ἐόν[των ὅκκα ἐν καλῶι ἄλσει θύωντι ῎Αμιοι τὰ ξηρὰ] ἐκ τοῦ ἱεροῦ τᾶς – – τὸμ πᾶχυν τριωβόλου τὰν δὲ κύρβαν δύ]ο ὀβολῶν ὅλα[ν]; cf. 353 A 1-3]. [AC]

158 11) L. BORMANN, Philippi. Stadt und Christengemeinde zur Zeit des Paulus, Leiden/New York/ Cologne, 1995: B. studies the society at Philippoi in the 1st cent. A.D., primarily in the

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light of Paul’s letters, with occasional use of the inscriptions. We single out the discussion of the religious life, especially the emperor cult (p. 30-67, with lists of the flamines Divi Augusti et sacerdotes divae Augustae and the seviri Augustales on p. 43-46), the cult of Kybele/Magna Mater/Mater Deorum (p. 55/56), and the cult of Isis (p. 56-60). [AC]

159 12) G.W. BOWERSOCK, “Notes on the New Edessene Mosaic of Prometheus”, Hyperboreus 7 (2001), p. 411-415: A new mosaic from Edessa with Syriac texts (J. BALTY – F. BRIQUEL- CHATONNET, “Nouvelles mosaiques inscrits d’Osrhoène”, Mon. Piot 79 [2000], p. 31-72, c. 3rd cent. A.D.) represents the creation of mankind by Prometheus. A group of divinities, including Zeus (MRLH’, “lord of the gods”) and Hera (HR), observes how Hermes is bringing Psyche towards three clay statues made by Prometheus. B. identifies the three figures standing to the left of Zeus as Aion (a bearded man holding the wheel of time with the four seasons), Prometheus (a bearded man next to the inscription PRMTWS QRMYWS, sc. Προμηθεὺς κεραμεύς), and Athena, as a patron of potters. [AC]

160 13) G.W. BOWERSOCK, “The Highest God with Particular Reference to North-Pontus”, Hyperboreus 8 (2002), p. 353-362: S. MITCHELL has argued that the cult of Theos Hypsistos is to be considered as a single cult, linked with Judaism (cf. EBGR 1998, 109), while Y. USTINOVA (The Supreme Gods of the Bosporan Kingdom, Leiden, 1999) insisted that a single cult has never existed [cf. EBGR 2001, 175 and already 1991, 241]. B. rejects MITCHELL’S views stressing that designations of divinities should be seen in their local context; e.g., in Athens Zeus Hypsistos is perceived as a divine healer, which is uncharacteristic of Zeus elsewhere and inconceivable in a Jewish context; the dedication of a divine foot in bronze to Theos Hypsistos in Termessos (TAM III.1, 32) is clearly pagan; a text at Sibidounda which mentions Theos Hypsistos in the context of a “divine refuge” (καταφυγή; G.E. BEAN, “Notes and Inscriptions from Pisidia II”, AS 10 [1960], p. 70 no 122) is Jewish, but in the neighbouring Andeda a dedication to Theos Hypsistos was made by a pagan priest of Mes Ouranios (ibid., p. 65 no 115); similarly the expression θεοσεβεῖς does not necessarily have the same meaning in every place. The only evidence which correlates the theosebeis with worshippers of Theos Hypsistos (CYRIL. ALEX., PG 68.281-282) refers, as B. argues, to a local group in Palestine. With regard to the associations of the worshippers of Theos Hypsistos in Tanais, B. argues that the expression ἀδελφοὶ σεβόμενοι θεὸν ὕψιστον (CIRB 1281, 1283, 1285, 1286) is not compelling evidence for Jewish influence. A different local cult of Theos Hypsistos is attested at Pantikapaion (Kerch) in connection with manumission inscriptions of a Jewish or highly Judaized community (e.g. CIRB 70-71, 73, 985). In two documents the freedmen were expected to show their devotion to the Jewish synagogue; the expression χωρὶς ἰς τ[ὴ]ν προσευχὴν θωπείας τε καὶ προσκα[ρτερ]ήσεω[ς] in CIRB 70 corresponds to χωρὶς τοῦ προσκαρτερεῖν τῇ προσευχῇ καὶ θεὸν σέβων in CIRB 71. [For a different interpretation of the obligation of these freedmen see EBGR 1996, 57, where it is pointed out that the verbs θωπεύω and προσκαρτερέω often express the duties of servants (e.g., DEMOSTH. LIX 120; PLATO, Theaet. 173 a; PSI V 525 l. 16); this clause is compared to the obligation of persons dedicated to divinities to serve their sanctuaries on the days of festivals (see EBGR 2000, 155); according to this interpretation, the manumitted slaves were free, except for services they had to offer to the synagogue on certain occasions]. [AC]

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161 14) B. BRAVO, “Luoghi di culto nella chora di Olbia Pontica”, in Problemi della chora coloniale, p. 221-266 [SEG LI 969-970]:B. discusses many inscriptions which provide evidence for the cults and sanctuaries in the territory of Olbia, in particular for the cult of Achilleus (Achilleus Pontarches) on the promontory of Bejkuš, Apollon Ietros and Apollon Delphinios in Berezan and Olbia (SEG XXXVI 693-694; XLI 612; XLII 712; XLIV 651), and Demeter and Kore in a small sanctuary near Zajač᾿ja balka (6th cent. B.C.); sherds with the inscriptions Κ and ΤΗΡ are interprteted as referring to K (Κ(όρη)) and Demeter ([Δημή]τηρ) [but theonyms on graffiti are usually in the genitive or the dative; in which sense is a nominative used here?]. According to B., the place names Borysthenes and Istros in the epithets ᾿Απόλλων ᾿Ιητρὸς Βορυσθένηος μεδέων (SEG XLIV 651 = IGDOP 57) and ᾿Απόλλων ᾿Ιητρὸς ῎Ιστρου μεδέων (SEG XLII 712 = IGDOP 58) are the rivers Borysthenes and Istros (and not the respective cities). In a dedication to Apollon Ietros (IGDOP 54) the lettering is deliberately designed in such a way as to suggest a long meandering line, as an allusion to the river. In a dedication to Achilles (IGDOP 53) B. reads τὸμ βωμὸν καὶ τὸ δ≥≥έ<ν>δρον (not κέδρον or ἕδρον, i.e., cult statue, as in earlier editions). A large part of the article is dedicated to a new critical edition and commentary of a private letter preserved on an ostrakon in Olbia (SEG XLII 710; IGDOP 24, c. 550-510 B.C.; p. 253-264). According to his interpretation, the letter was written by an Olbian magistrate (or priest), who lived in Berezan, to another higher magistrate in Olbia. The letter refers to the excessive fasting of a certain Hirophos (sc. Hierophos; l. 4: [διὰ γὰ]ρ ἄκρην λίη<ν ἔ>καμε ῾Ιρόφως νησ[τείην]); he may have been a priest in Berezan, whose fasting may be related to the cult of the Μήτηρ (cf. l. 8: [Μ]ητρὸς θεῶν). Due to his excessive fasting Hirophos was unable to inspect a number of other sacred places far away from both Berezan and Olbia (cf. l. 3: [πάντ]α≥ς τόπους θεοποιήτους περιε≥[πόλησα]). The τόποι θεοποίητοι (cf. the description of Achilles’ island as κτεάτισμα θεῶν in BE 1991, 419) may be identified with Chalkeie (l. 5) and Hylaie (l. 6). B. argues that Meter was worshipped at Hylaie on the ῾Ιππολέω ἄκρη which separates the Hypanis harbor from that of Borysthenes (cf. SEG XLII 709; Syll.3730 l. 13-20). The slaves, who according to the letter ran away after a shipwreck (l. 8), are likely to have served in a sanctuary in Hylaie; Metrophanes (l. 9) is an appropriate name for a priest of Meter. The women in Chalkeie, who are reported to be in great anxiety (l. 5-6: ἐν τῇ Χαλκηή≥η αἱ γυν[αῖκές εἰσι | ἐν ταραχῆι πολ]λῆι) were probably also priestesses. The text mentions the destruction of sanctuaries (l. 7: οἱ βωμοὶ βεβλαμμένο[ι εἰσί]; l. 12-13: [τ]ῶν πιτύων {κα} καὶ τῶν <ἄλλων> δένδρων διηκόσια≥ | [κατακεκομμένα ο]ἱ θηρευταὶ τῶν ἵππων ηὑρήκασι μετὰ κινδύνων πο≥λ≥[λῶν]), possibly by Skythians, and an agonothetes (l. 1: [τῶι ἀγω]νοθέτῃ), who probably organized contests in honor of Achilles in Berezan. [AC]

162 15) J.N. BREMMER, “How Old is the Ideal of Holiness (of Mind) in the Epidaurian Temple Inscription and the Hippocratic Oath?”, ZPE 141 (2002), p. 106-108 [BE 2003, 317]: B. proposes a new date for the inscription which according to the literary sources (CLEM. ALEX., Stromateis V 1, 13, 3; PORPHYRIOS, de abstinentia II, 19, 5) stood above the portal of the temple of Asklepios in Epidauros requiring purity of mind from those who entered the temple. According to B. the inscription mentioned belongs owing to the terminology used (ἁγνός and ὅσιος) not to the early 4th cent. B.C. [cf. EBGR 1997, 71], but to the late 1st cent. B.C. or early 1st cent. A.D. [But ἁγνός and ὅσιος are already used in the same context in an epigram from Phaistos (I.Cret. I, XXIII 3, 2nd cent.), missing in B.’s list on p. 107, and the expression ναὸς θυώδης, which is also used in the

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Epidaurian text, is epigraphically attested as early as the 4th cent. B.C. (EBGR 2001, 143 = SEG LI 239); it seems more likely that the texts from Rhamnous and Phaistos have been influenced by the temple inscription of Epidauros than vice versa]. [JM]

163 16) S.B. BUJSKIH, “La dynamique d’aménagement du territoire rural d’Olbia pontique”, in Problemi della chora coloniale, p. 317-332: In a discussion of the cult of Achilleus on Cape Bejkuš [cf. supra no 14] B. reports that during his excavations in 1985/1986 and 1995/1996 several inscribed sherds were found, which name Achilleus and possibly Hekate (6th cent. B.C.) [but ΕΚΑ can be an abbreviated name (e.g., Hekataios]. [AC] 164 17) A.V. ÇELGIN, “Termessos Tanrlari ve Kent Alanindan Artemis’in Yeni Epithet ve Kültlerini Belgeleyen Üç Yazit”, Adalya 5 (2001-2002), p. 121-136: In a general study on the cult of the primary deities at Termessos, Zeus Solymeus and Artemis, Ç. publishes two dedications to Artemis (p. 125-127). The city dedicated a statue of Artemis Philoparthenos (early 3rd cent. A.D.). A priests [of Artemis] dedicated a statue of Artemis Tauropolos (τὸ ἄγαλμα ᾿Αρτέμιδος Ταυροπόλου ... τῇ πατρίδι καθιέρωσεν; ca. A.D. 180-190). Both epithets were hitherto unattested in Termessos. Ç. also publishes the epitaph of a woman, who served as πυροῦχος Δήμητρος καὶ ᾿Αρτέμιδος (Termessos, Imperial period, p. 127-128). The editor tentatively restores πο[τνίας θηρῶν] [but then one needs the name of the deceased woman at the end]. The office of the πυροῦχος [the keeper of a sacred fire, probably on the altar of Demeter] is attested for the first time. The inscription provides evidence for a cultic connection of Demeter and Artemis. The fine for a violation of the grave was to be paid to Zeus Solymeus [cf. EBGR 1991, 40; 1992, 103; SEG XLI 1268, 1270, 1278, 1280-1282, 1285-1286, 1289, 1300]. [AC]

165 18) A. CHANIOTIS, “Some Cretan Bastards”, Cretan Studies 7 (2002), p. 51-57: C. collects the epigraphic evidence for the use of metronymics by illegitimate children on Crete. He mentions an unpublished dedicatory inscription on a bronze vessel found in the Idaean Cave (cf. SEG XLIV 714, late 6th/early 5th cent. B.C.), identifying the dedicant as Phaistos, the son of Sybrita (Φαῖστος Συβρίτας), not Phaistos from Sybritos. He also recognizes a metronymic in a dedication to Artemis by Stephanos, the son of Aristo (Στέφανος ᾿Αριστῶς; I.Cret. II, xxv 6, 1st cent. A.D.). [JM] 166 19) A. CHANIOTIS, “Old Wine in a New Skin: Tradition and Innovation in the Cult Foundation of Alexander of Abonouteichos”, in E. DABROWA (ed.), Tradition and Innovation in the Ancient World (Electrum 6), Krokow, 2002, p. 67-85: The success of the new cult of Glykon Neos Asklepios introduced by Alexander of Abonouteichos can be attributed to the adoption, modification, and extension of existing religious traditions and to the conscious combination of traditional and innovative elements in this cult foundation. A comparison of the information provided by LUCIAN with contemporary religious trends known from the epigraphic sources reveals a convergence, e.g., in the staging of the cult foundation (cf. IG X.2, 255; LSAM 20), in the combination of oracle, healing cult, and mysteries, in the divinatory practices (e.g., TAM V.2, 1055), in the theosophical oracles given by Glykon (cf. SEG XXVII 933), in the rituals of the mystery cult, in the propagation of moral doctrines (cf. LSAM 20), and in the importance of hymnody (SEG XXXVII 961-980; LSAM 28, 69; R. MERKELBACH – J. STAUBER, “Die Orakel des Apollon von Klaros”, EA 27 [1996], p. 1-54 n os 2, 4, and 11). The exploitation of traditional cultic elements made the new cult seem familiar to potential followers; at the same time, the construction of a distinctive profile enabled the worshippers to establish a close relationship to the new cult and to acquire thereby to a certain extent a new religious identity. These efforts should be seen within the context of religious competition in the

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second century A.D. [Cf. ID., Wie erfindet man Rituale für einen neuen Kult? Recycling von Ritualen – das Erfolgsrezept Alexanders von Abonouteichos ( Forum Ritualdynamik, 9), Heidelberg, 2004 (www.ub.uni-heidelberg.de/archiv/5103).] [AC]

167 20) A. CHANIOTIS, “The Jews of Aphrodisias: New Evidence and Old Problems”, SCI 21 (2002), p. 209-242: The famous inscription recording the names of Jews and godfearers at Aphrodisias (SEG XXXVI 970) [ cf. EBGR 1987, 95; 1992, 209; 1993/94, 165] is traditionally regarded as a single text dating to c. A.D. 200. A close study of the form of the monuments shows that the two inscribed sides bear two unrelated texts; a study of the onomastics and the letter forms suggest a date in c. 350-400 for the earlier text (on side B), and in the 5th/6th cent. for the later text (on side A). New evidence (graffiti, representations of Jewish symbols) demonstrates the strong presence of a Jewish community in late antique Aphrodisias. Equally interesting is the epigraphic evidence for a religious interpenetration [cf. infra no 149]. The dedication of Flavius Eusebios, a former soldier, to Theos Epekoos (SEG XXXVII 851), demonstrates an ambiguous use of Jewish, Christian, and pagan religious vocabulary, which makes an unequivocal attribution to a particular religious group impossible and thus renders this text an instructive example of blurred boundaries among religious groups: the name Eusebios was very popular among the Christians, but it was occasionally used by Jews as well; the dedicant uses the Jewish expression ‘from the gifts of God’ which, however, was adopted by Christians as well; it is difficult to assume that Eusebios was a Jew, since he was a soldier (primipilarius); the expression theos epekoos is widely attested for a variety of pagan gods, but it is never attested in Christian texts and uncertainly in Jewish ones. A similar ambiguity can be seen in the dedication of Polychronios ‘to the god’ (MAMA VIII 457). The dedicator’s name is attested in Aphrodisias for at least two theosebeis; a Jewish or Christian context is evoked by the word hagiasma (holy place?, consecration?) which is often used both in the Septuaginta and in Christian inscriptions; Polychronios was the son-in-law of a pagan (or a Jewish?) priestess; his dedication was made for a certain Fl. Er., who may be identified with the pagan governor of Caria Fl. Quinctilius Eros Monaxius (c. 355-360). This evidence for the Aphrodisian Jews should be seen in the context of the religious interpenetrations and complexities of the 4th and 5th cent. A.D. [cf. infra nos 21 and 149]. [AC]

168 21) A. CHANIOTIS, “Zwischen Konfrontation und Interaktion: Christen, Juden und Heiden im spätantiken Aphrodisias”, in C. ACKERMANN – K. E. MÜLLER (eds), Patchwork: Dimensionen multikultureller Gesellschaften, Bielefeld, 2002, p. 83-128: Discussion of the evidence provided primarily by graffiti and inscriptions for the interaction and the conflict among pagans, Jews, and Christians in Aphrodisias (c. 330-500). Particular attention is given to the great influence of the Jewish community (cf. supra no 20), to the persistence of pagan groups until the late 5th cent. (e.g., Ch. ROUECHÉ, Aphrodisias in Late Antiquity, London, 1989, nos 25, 40, 47, 56), to the use of religious symbols (menorah, labrys) and characteristic personal names by the various religious groups, in particular by the Jews, to the evidence for the crossing of religious boundaries, to the interdependence of the three groups in their religious vocabulary and ideas, and to the use of pagan motifs in Christian inscriptions (e.g., ROUECHÉ, o.c., nos 38 and 156). The religious ambiguities of this period are particularly clear in a small group of funerary epigrams for pagans, which stress the idea of the immortality of the soul (ROUECHÉ, o.c., nos 33, 54, 153b, 154, 157; SEG XLVIII 1327; Anth. Gr. VII 690). [AC]

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169 22) A. CHANIOTIS, “Foreign Soldiers – Native Girls? Constructing and Crossing Boundaries in Hellenistic Cities with Foreign Garrisons”, in A. CHANIOTIS – P. DUCREY (eds), Army and Power in the Ancient World, Stuttgart 2002, p. 99-113: This survey of the relations between garrisons and native populations in Hellenistic cities includes a discussion of the religious aspects primarily in the light of the epigraphic sources: the contribution of garrison soldiers to the ruler cult, e.g., in Itanos (I.Cret. III, iv 4), Thera (IG XII.3, 464, 1390, and 1391), and Cyprus (OGIS 20), dedications of soldiers in sanctuaries in the cities where they served, cult transfer through garrison soldiers, e.g., with regard to the Egyptian deities (IG XII.3, 443, 463, 1389; I.Cret. III iv 14; SEG XXXI 1521), and the activities of cult associations of soldiers (e.g., SEG VIII 714). [On these subjects see now A. CHANIOTIS, War in the Hellenistic World: A Social and Cultural History, Oxford 2005, p. 149-154]. [AC]

170 23) A.S. CHANKOWSKI, “Οἴφειν. Remarques sur les inscriptions rupestres de Théra et sur le théorie de la pédérastie initiatique en Grèce ancienne”, in Εὐεργεσίας χάριν, p. 3-35 [BE 2003, 414]: The Archaic rock-cut inscriptions of Thera (IG XII.3, 536-540, 8th-6th cent.) which use the verb οἴφω to describe homoerotic copulation have traditionally been interpreted as evidence for initiatory pederasty, similar to that described by EPHOROS (FgrHist 70 F 149 = STRABON X 4, 2) for Crete. A study of the significance of the verb οἴφω (cf. I.Cret. IV 72 col. II 2) and of the noun οἰφόλης, which is used in obscene contexts (IG XII.5, 97; BE 1958, 377; SEG XV 517; IGDOP 27), makes the assumption that the homoerotic inscriptions of Thera belong to a ritualized context highly improbable. [AC]

171 24) V. CHANKOWSKI, “De l’argent jeté dans les fontaines ? La “Minoé” de Délos et les jarres du trésor sacré à la fin de l’indépendance”, in Εὐεργεσίας χάριν, p. 37-49 [BE 2003, 397]: The Delian inventories (I.Délos 408, 442, 453, 455, 461) mention money originating in Minoe (φανὲν ἐν τῆι Μινόηι, ἀναχθὲν ἐκ τῆς Μινόης, ἐν τῆι Μινόηι ὕστερον φανέν). This money was generally regarded as money thrown by pilgrims in the fountain Minoe in Delos. CH. rejects this interpretation and argues that it is money given as a loan to Minoa in Amorgos [but see the critical remarks of Ph. GAUTHIER, BE 2002, 397]. [AC]

172 25) A. CHATZIDIMITRIOU, “Ζάρακες”, AD 52 B2 (1997) [2003], p. 407-409 [SEG LI 1126-1128]: In her report on the excavation of buildings near Zarakes Karystou (ancient Zarex, Euboia) C. mentions several inscriptions of the type ἱερός (abbreviated as ἱε.), which suggest a cultic function for the buildings (7th-4th cent). A fragment of a relief pithos with the representation of a Centaur found in a building of the late Geometric period (building II, possibly a shrine) bears a graffito [we read on the photo the letters ἱερὸς Ζ..[- -]]. A bronze weight with representation of a ram’s head in relief (Classical period) belonged to a sanctuary of Apollon Delios (᾿Απόλλωνος Δηλίο) [this sanctuary?]. [AC] 173 26) P. CHRYSOSTOMOU, “Μιὰ ἀναθηματικὴ στήλη στὴν ᾿Εννοδία Κορρουτάρρα. Συμβολὴ στὴ μελέτη τῆς θεσσαλικῆς θεᾶς ᾿Εννοδίας ἢ Φερραίας”, Μουσεῖο Μπενάκη 1 (2001), p. 11-20 [English summary; SEG LI 739]: C. publishes a dedication to Ennodia Korroutara (᾿Εννοδίᾳ | Κορουταρρᾳ; Thessaly, c. 350 B.C.) with ample commentary on the nature of the cult of Ennodia [cf. EBGR 1998, 57]. The epithet of the goddess was hitherto unattested. C. interprets it as a dialect form of Κορωτάρσα, a composite of κόρος and ταρσός/ταρρός. It characterizes the goddess as a patron of children, the one who helps

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them stand up and walk (cf. ῎Αρτεμις Θροσία). [But Κορουταρρα may be the name of the dedicant]. [AC]

174 27) P. CHRYSOSTOMOU, “Παρατηρήσεις σὲ παλαιὲς καὶ νέες ἐπιγραφὲς ἀπὸ τὴν Κεντρικὴ Μακεδονία (Βόρεια Βοττιαία)”, in Πανελλήνιο Συνέδριο ᾿Επιγραφικῆς, p. 171-206 [SEG LI 840 and 852; BE 2002, 269]: Ed. pr. of two epitaphs from Pella in which the deceased persons are designated as ἥρωες (2 and 14, Pella, 2nd/1st cent.). [AC] 175 28) T. CORSTEN, Die Inschriften von Kibyra. Teil I. Die Inschriften der Stadt und ihrer näheren Umgebung (IGSK, 60), Bonn, 2002: The first of three volumes dedicated to the inscriptions, history, and topography of Kibyra presents the inscriptions found in the city and its vicinity (the southwest part of the valley of Alassos). New texts are marked with an asterisk. Dedications: The most interesting dedications are two thanksgiving dedications to Asklepios (82: εὐχαριστῶ ᾿Α[σκληπιῷ]; 83: εὐχαριστῶ τῷ θεῷ ὅτι ἐσώθη[ν]) by sick persons who were healed; in both cases the healed persons thank both the god (in no 83 also the Τύχη τῆς πόλεως) and the doctor, who treated them (82: [θεραπευ]θεὶς δὲ ὑπὸ Τρο[φί]μου τοῦ κα[ὶ – - – ἰατ]ροῦ; 83: Διονυσίῳ Διονυσίου ἰατρῷ τῷ θεραπεύσαντί με) [for this phenomenon, i.e., joint thanksgiving dedications to Asklepios, for the divine assistance, and the physician, for the treatment, see the comments in EBGR 1999, 148 on no 118 and infra no 58]. The disease is mentioned in one of the texts (“suffering in the genitals”, παθὼν αἰδοῖον). We single out a group of dedications to gods, who are not named, but designated only with their attributes: Κύριος ῎Ανω Θεός (93), Θεοὶ Μεγάλοι Σύνναοι (94), Θεοὶ Δίκαιοι (96*, εὐχήν), and the fairly common Theos Hypsistos (92). The “Just Gods”, who may be associated with Theoi Hosioi in I.Prusa 25 and 28 and Theoi Hosioi kai Dikaioi in I.Prusa 26, 95-96, are hitherto unattested local gods; they are represented on a rock-cut relief as three male and one female divinities. A large group of dedications in fulfillment of vows (εὐχήν) are addressed to the Dioskouroi. These rock-cut inscriptions are engraved under relief representations of the Dioskouroi in four cult places, at Kizilbel (87), Anbarcik (88*), Kücük Kilckaya (89-90), and Bayir (91*). The remaining dedications are addressed to Apollon Chereusieideus (81), Herakles (84, Θεῷ ῾Ηρακλεῖ εὐχήν), Kakasbos (86, Theos), Zeus Megas (79*), Zeus Philios, Homonoia, and Thea Rhome (2, the treaty between Plarasa/Aphrodisias, Kibyra, and Tabai), Zeus Soter (78*), Zeus (80, εὐχήν), and to a divinity with the epithet Karpophoros (95*: [Δι]ί or [Γ]ῇ≥). There are also two fragmentary dedications to unknown divinities represented in rock-cut reliefs as a rider god (99*) and as three male gods (100*, one of them with a double-axe) respectively. Cults: The cult of Thea Rhome is attested through the treaty between Rome and Kibyra, which mentions the base of a gold statue of Roma (1, 2nd cent.). Emperor cult: A priest of Augustus (41: ἱερέα γενόμενον Καίσαρος Σεβαστοῦ) funded the banquet (εὐωχία) during the celebration of the Kaisareia for a series of years (ἐπιδιδόντα τῇ πόλει ἐπὶ ἱκανὰ ἔτη διαδόματος εἰς εὐωχίαν Καισαρε≥ίων). The first day of the month was called Σεβαστή, in honor of Augustus (291). High priests of the emperor cult are often mentioned in honorific inscriptions and epitaphs: high priests of the emperor cult in Asia (12) and in the city (63), a couple of a high priest and a priestess of Asia (62; cf. 232), a high priestess of the city emperor cult (69), and several Asiarchs (63, 69-71, 149) and Lykiarchs (63, 69). The emperor cult is indirectly attested through dedications to Tiberius, called soter and ktistes (3; note the verb καθιερόω), Britannicus (4-5), Antonia Augusta (6), and Septimius Severus (?, 13*). Cult officials: Priests of Apollon (60), Arete (41-42), Demeter and Sabazios (272: ἱερεὺς Δήμητρος κα≥ὶ

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Σοάζου) [being priest of two divinities does not necessarily imply that these divinities had a joint cult or sanctuary as synnaoi, as C. suggests (p. 243)], Zeus Soter (44), and an unknown divinity (348, 352). Two priests held their priesthoods for life (41, of Arete: διὰ βίου; 44: εἰς αἰῶνα). [We may suspect that priests, who mention their office (ἱερεύς, not the participle ἱερατεύων/ἱερατεύσας) in their own epitaph (272, 348, 352) held these offices for life, and did not die during an annual term]. The other cult personnel includes a neokoros (319).

176 Rituals: The treaty between Plarasa and Aphrodisias, Kibyra, and Tabai (2), describes the oath ceremony (“they also made an oath in the presence of newly burned sacrificial animals and a blood sacrifice”; ποιησάμενοι καὶ ὅρκι[α] | καθ᾿ ἱερῶν νεοκαύτων καὶ σφ[άγια]); among the sanctions for a violation of a treaty it mentions an imprecation (ἐξώλη εἶναι καὶ αὐτὸν καὶ γε[νε]άν; “he and his descendants should perish”). A document, which provides for measures for the protection of the gymnasiarchical funds donated by Q. Veranius Troilos Philagros (43, 1st cent. A.D.) contains an imprecation formula against any violator: “they and their descendants should be accursed and sinners with regard to the emperors, the senate, the fatherland, and the sanctuaries and gods in the fatherland” (ἐν≥α≥γ≥εῖς ἔσ[τωσα]ν καὶ ἀλ≥ε≥ι≥τ≥ή≥ριοι τῶν τε Σεβαστῶν καὶ τῆς συνκλήτου καὶ τῆς πατρίδος καὶ τῶν ἐν ταύτηι ἱερῶν καὶ θεῶν καὶ αὐτοὶ καὶ γενεαὶ αὐτῶ[ν]). The protection of these funds was also included in the traditional oath taken annually by the ephebes in the gymnasium (ὀμνύτωσαν δὲ καθ᾿ ἕκαστον ἐνιαυτὸν οἱ ἔφηβοι ἐν τῶι γυμνασίωι τὸν πάτριον ὅρκον συνφυλάξειν τὴν γυμνασιαρχίαν καὶ πάντας τοὺς πόρους αὐτῆς). On a particular day of the year, called “the day of the prayers/vows” (ἐν τῆι τῶν κατευχῶν ἡμέραι), all the citizens took an oath under the supervision of the magistrates and the secretary of the assembly to protect these funds. [The “day of the vows” may have been a day at the beginning of the year, possibly the day on which the new citizens were accepted into the citizen-body]. An ὑμνῳδός is mentioned in an epitaph; the naming practices of his family (Men-ophantos, Menis) suggest that he did his service (in singing hymns in a chorus) in the cult of Mes (276) [on the importance of hymnody in the Imperial period see supra no 19. With regard to the rituals of honoring benefactors, we note the expression ἡ πόλις ἔδωκεν αὐτῷ τὰς ἀριστέως τιμάς (41), which C. regards as the award of honorary citizenship (“Ehrenbürger”). More accurately, it is the award of the στέφανος ἀριστείας, i.e., a particular type of crown usually given for bravery, but also for other services; see the examples in A. CHANIOTIS, “Griechische Rituale der Statusänderung und ihre Dynamik”, in M. STEINICKE – S. WEINFURTER (eds), Investitur- und Krönungsrituale, Cologne/Weimar, 2005, p. 56]. The verb καθιερόω (37) alludes to the rituals performed during the dedication of statues (in this case the statue of the governor Q. Aemilius Lepidus). [No 379*, a text written on a rock fragment, is included among the epitaphs, but this is questionable. The last lines (3-4) can be read as εἰ δὲ μὴ ἑαυ|τὸν ἐ≥τιάσετε (sc. αἰτιάσεται) (Ε≥ ΤΙΑΣ≥ETE in the ed. pr.). This is a common imprecation that follows an interdiction: “otherwise he will accuse himself”, i.e., he will be subject to a curse; e.g. Th. REINACH, “Inscriptions d’Aphrodisias”,REG 19 (1906), p. 103-105 no 17: ᾿Εάν τις ἔχων | χαλκὸν μὴ πα|ραδείξῃ ἤτε ἐν | φούνδῃ ἤτε ἐν | καμπίστρῳ αὑ|τὸν αἰτιάσεται. The interdiction is stated in lines 1-3, where one may tentatively read [μ]ηδένα {Ν} ἔριν (sc. αἴρειν; cf. ἐτιάσετε) | [τὰ] σκεύη, δίχα θυ|σίας ([μ]ηδένα ΝΕΡΙΝ |σκευη δίχα θυ|ΣΓΑΣ in the ed. pr.): “no one should remove the receptacles, except for a sacrifice”. According to this interpretation, this is a rock-cut

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inscription in a cult place, where a person donated receptacles or other implements for the performance of a sacrifice (cf. EBGR 1992, 154) and wanted to make sure that they would not be removed]. Divination: An alphabetical oracle has already been presented in EBGR 1997, 90.

177 Grave cult and afterlife: In only two cases are the deceased persons called heroes (288*: ἥρως ἀγαθός; 374*: ἡρωΐς). [The expression ἥρως ἀγαθός reflects the expectation that the deceased person would offer protection to the living; cf. F. GRAF, Nordionische Kulte, Rome, 1985, p. 130 for heroes who were regarded as ἀγαθοποιοί and πλουτοδόται; cf. the examples in EBGR 2001, 120 (comment on SGO II 09/06/18)]. Among the terms used to describe funerary monuments and their parts we select but a few: βωμός (136, 153, 164, 200, 218-219, 227, 261, 271, 282, 284, 347, 360, 375), βωμικὸς οἶκος with a κένωμα, i.e., an open space (151), βωμικὸν ἔργον (370), βωμικὸν μνημεῖον (254), ἡρῶον (343) [also the building inscription no 31 should perhaps be read as [τὸ ἡ]ρῷον and not [- -]ρῳ ΟΝ], κρηπίδωμα (the platform for a sarcophagus, 413), μνημεῖον ἐγκύκλιον καὶ περικείμενοι τοῖχοι (209), οἶκος πρὸς τῷ ἀλεκτορίῳ (130, a grave monument near an installation for the training of fighting cocks), οἴκημα (335), and οἶκος (156, 200, 281, 351, 377). A grave monument was divided between the families of two persons, who probably used the niches for the deposition of urns (185*): διακατέχω τὸν μέσον ὑπώρυγα σὺν τῷ ἀριστεροῦ τὸν κάτω τόπον, διακατέχω τὸν δεξιὸν σὺν τῷ κάτῳ τὸν ἀριστερὸν τὸν ἄνω (“I occupy the middle grave chamber and the lower part of the left one; I occupy the right grave chamber and the upper part of the left one”). We note the funerary imprecations οἱ πάντες θε[οὶ κεχολ]ωμένοι γένοισαν καὶ [τῷ γένει] αὐτοῦ (“let all the gods be angry at him and his descendants”, 209), ἔσονται αὐτῷ οἱ δαίμονες κεχολωμένοι (“the demons will be angry at him”, 349), ἕξει πάντες τοὺς [θ]εοὺς κεχολωμένους (“he will face the anger of all the gods”, 360), μετὰ τοῦ γένους ἀπόλοιτο (“let him perish, together with his descendants”, 308), Διὸς ἐχέτω (“let him face the wrath/punishent? of Zeus”, 367*) and the unparalleled ἔσ[τω τοῖς καταχθο]νίοις θεοῖς (“let him be subject to punishment by the gods of the underworld”, 194*). Two epitaphs close with apophthegms concerning life: “this is the end; until here” (335: ταῦτα τὸ τέλος· μέχρι ὡδί); “what I have eaten, I possess; what I have left behind, I have lost; Philistion was telling the truth, when he said this; the life is …” (362: ἔφαγον ἔχω· κατέλιπον, ἀπώλεσα· ἀληθῶς εἶπε Φιλιστίων· ὁ βίος ΤΟΚΟΥ≥[- – -]; Philistion was a famous poet of mimes from Asia Minor in the Augustan period). [AC]

178 29) M. DEL BARRIO VEGA, “Remarques sur une inscription de Sparte (ΜΣ 6747)”, ZPE 141 (2002), p. 134-136: B. discusses briefly an inscription (late 3rd cent. B.C.) found in secondary use in 1980 in Spartan Pitane published by E. KOURINOU, Σπάρτη. Συμβολὴ στὴ μνημειακὴ τοπογραφία της, Athens, 2000, p. 225. The inscription refers to the dedication of statues of a hydragos, and two hyphydragoi to the Dioskouroi by the enigmatic association of the Aihiatai (= Aisiatai). While KOURINOU left the question of the exact character of the Aisiatai open, B. attempts to reconstruct a cult association in honour of Poseidon Aisios, whose cult is known on Delos (I.Délos 1562, 1574, 1581, 1582, 1902; 102/101 B.C.); the worship of Poseidon and the Dioskouroi in Pitane is attested by Pausanias. [But Poseidon was worshipped as Hippokourios in Pitane, and his cult was separate from that of the Dioskouroi; does the worship of Poseidon Aisios on Delos (late 1st cent. B.C.) suffice for postulating a cult association in honor of Poseidon Aisios in Sparta in the 3rd cent. B.C.?]. [JM]

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179 30) B. DIGNAS, Economy of the Sacred in Hellenistic and Roman Asia Minor, Oxford, 2002: Based on epigraphic material and literary sources D. studies the financial affairs of sanctuaries in Asia Minor, particularly at Aizanoi, Baitokake, Ephesos, and Labraunda. Despite the vastness and the complexity of the material D. attempts a systematic approach to this subject using inventory lists, euergetic claims, financial disputes, royal decisions, annual expenditures, complaints by different authorities, and appeals by priestly instances. The author argues for the existence of some kind of independence of the sanctuaries from the city administrative organs, the Hellenistic kings, and the Roman emperors. We cannot present here a detailed review of this significant contribution to the study of sanctuaries in Asia Minor. Among the different subjects treated by D. we single out the corruption and mismanagement of temple revenues (e.g., the edict of Paullus Fabius Persicus concerning the revenues of Artemis Ephesia; I.Ephesos 18b, A.D. 44), the sale of priesthoods, and the role of festivals as financial factors. In two appendices D. discusses the συγγραφή between Mnesimachos and Artemis of Sardeis (I.Sardis VII, 1), and aspects of the inviolability of sanctuaries in Asia Minor. [JM]

180 31) B. DIGNAS, “‘Inventories’ or ‘Offering Lists’? Assessing the Wealth of Apollo Didymaeus”, ZPE 138 (2002), p. 235-244: After an overview of the temple records from the Athenian Akropolis D. briefly discusses similar epigraphic evidence from the sanctuaries of Apollon Didymeus near Miletos (I.Didyma 424-478), Hera on Samos ( D. OHLY, “Die Göttin und ihre Basis. Appendix 7: Schatzinschrift”, MDAI[A] 68 [1953], p. 46-50) [see now IG XII.6, 261], and Athena in Lindos (I.Lindos 2). The author concludes that there are important differences between the Athenian and the Delian ‘inventories’, with their obvious emphasis on the aspect of the delivery of the dedications [cf. EBGR 1992, 130-131], and the East Greek ‘offering lists’ which seem for some reasons to be incomplete and unsystematic (Didymaion), exceptional (Samos), or fictional, bringing together mythical and real donors (Rhodos). [JM]

181 32) B. DIGNAS, “Priestly Authority in the Cult of the Corybantes at Erythrae”, EA 34 (2002), p. 29-40 [BE 2003, 444]: D. presents a new critical edition of the lex sacra concerning the sale of the priesthood of the Korybantes at Erythrai (A = I.Erythrai 206; B = SEG XLVII 1628) [cf. infra no 61]. Her most significant new restorations are in A 5-6 κα[ὶ ἕως ἂν ζώ]ηι (i.e., a priesthood for life, as in most cases of sold priesthoods), in A 8-9 καὶ λούσουσι τοὺς [βουλομέν]ους (instead of [τελευμέν]ους), in A 13-14 ἀπεν≥[εγκάτω τῶν ἱερ]ειῶν (instead of ἀπ᾿ ἐκ≥[άστης τῶν ἁγν]ειῶν), and in B 2 ἢμ μή τι πόλι[ς αὐτὴ | προθύητ]αι (instead of ἢμ μή τι πόλι[ς ἄλλο | προθύητ]αι) [both restorations are improbable; the definite article before πόλις is indispensable; the text cannot possibly refer to “a” city, but only to “the” city of Erythrai; the restoration of a form of πολίτης (as opposed to ξένος, cf. A 12) seems more plausible]. N. HIMMELMANN had explained this document as an effort of the city to control the hitherto private worship of the Kyrbantes. D. rightly rejects this interpretation and regards the two fragments as parts of the same diagraphe and argues that the opposition between private and public cult is inappropriate. [This is in part the result of the lack of a definition of what “public” cult means. As S. ALESHIRE has made clear (EBGR 1994/95, 6) the primarily criterium for a distinction between private and public cult is the question of who finances the rites and sacrifices; the Erythraian text clearly makes a distinction between public and private: τὰ δημόσια (B 4 and 8) refers to “sacrificial animals bought with money of the demos” and is opposed to all other sacrifices, made by individuals at their own expenses]. In a

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more general discussion of sales of priesthoods, she stresses the importance of financial issues in leges sacrae and priesthoods, pointing out that the word τὰ ἱερώσυνα is used as a synonym for γέρα [which is not surprising, as ἱερώσυνα is just a short form for τὰ ἱερώσυνα γέρα, i.e., the priestly perquisites]. The selling of priesthoods, often for life, on the one hand increased the expertise and the authority of the buyers in matters of ritual, but also confirmed priestly rights. With regard to the terminology of the sales of priesthoods in Erythrai, D. interprets ἐπιπράσκειν as referring to the additional purchase of the priesthood of another shrine or temple of the same deity and ἐπώνιον as a sales tax on the acquisition of priesthoods. [AC]

182 33) N. DIMITROVA, “Inscriptions and Iconography in the Monuments of the Thracian Rider”, Hesperia 71 (2002), p. 209-229 [BE 2003, 128]: The numerous Thracian rider monuments resist a pure iconographic analysis. In most cases the accompanying inscriptions provide the only evidence to determine the type of monument – votive or funerary – or the honored deity. The more than 2,000 published examples date from Hellenistic to Roman times, but the vast majority date to the Imperial period. The exact identity of the depicted horseman (represented facing a woman, an altar, and a snake entwined tree, hunting or returning from the hunt carrying a deer) remains unknown. The inscriptions below the relief reveal the name of the dedicant and the honored deity or the name of the deceased, sometimes accompanied by Dis Manibus or Θεοῖς Καταχθονίοις. On the votive examples the Thracian Rider is called θεός, ἥρως, κύριος θεός, κύριος ἥρως, Apollon, Hades, Asklepios, Hephaistos, Sabazios, Iuppiter Optimus Maximus, or Silvanus, or is regarded as one of the Dioskouroi. In addition to these a variety of local names and cult epithets appears too: Karabasmos, Keilade(i)nos, Manimazos, Vetespios (Outaspios), Aularchenos, Aulosadenos, and Pyrmeroulas. According to D. the iconography of the Thracian Rider stems from a Greek artistic tradition. Yet, the accompanying inscriptions reveal that this Greek tradition was imbued with indigenous beliefs and new religious meanings. D. shows that the Thracian Rider was just an artistic convention for a god or hero and not a multifunctional, syncretistic divinity. [JM]

183 34) C. DOBIAS-LALOU, “᾿Αφίκτωρ, Eschyle, Suppliants 1 et 241”, REG 114 (2001), p. 614-625 [SEG LI 1022, 1060, 2210]: The author plausibly argues that the word ἀφίκτωρ in AESCHYLUS’ Suppliants 1 and 241 is neither an epithet of Zeus (‘protector of suppliants’; Suppl. 1: Ζεὺς μὲν ἀφίκτωρ ἐπίδοι) nor a designation of the suppliants (Suppl. 241: κατὰ νόμους ἀφικτόρων). In both cases it designates the god or gods who take part into the reintegration of the suppliant. This interpretation is supported by the use of the word ἀφικετεύω (“to take out of supplication, to settle back into a community”) in the cathartic law of Kyrene (SEG IX 72 = LSCG Suppl. 115 l. 132-141, § 19). Similarly, the word ἀφικετεία in the phrase θυσίας καὶ ἀφικετείας καὶ πομπάς in one of the Koan decreesconcerning the foundation of the Knidian festival in honor of Artemis Hyakinthotrophos (Iscr.Cos ED 77; I.Knidos 220 l. 6, c. 200 B.C.) does not mean ‘supplication’, but designates the reintegration of the suppliants after successful supplication, which lead to the epiphany of Artemis. In a Lindian decree concerning suppliants (SEG XXXIX 729, 3rd cent.) [cf. EBGR 1989, 60)] the phrase ἀφικετεύων ἢ δεκόμ[ενος τοὺς ἱκέτας] should be translated as ‘en intégrant ou en accueillant les suppliants’. [AC]

184 35) C. DOBIAS-LALOU, “Une épigramme de Cyrène pour deux athlètes”, Quaderni di Archeologia della Libya 16 (2002), p. 145-149: Ed. pr. of two epigrams in honor of two

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athletes, winners of equestrian contests (Kyrene, 2nd/1st cent.). With their references to Hermes (A), Herakles (A, B), and the Muses (B), the epigrams allude to the activities of the gymnasium. [The reference to (Apollon) Karneios in the first epigram ([ε]ὐ[ίπ]πω τόσα φαμι Νέων Καρνήιω ἇδος [- – -]) may be an allusion to a victory in an agon in honor of Apollon Karneios]. [AC]

185 36) O. DOONAN – D. SMART, “Gerna Dere, Roman and Byzantine Settlement in Sinop Province, Turkey”, Talanta 32/33 (2000/2001) [2002], p. 17-26: Ed. pr. of an altar for Theos Hypsistos found in an ancient settlement at Gerna Dere (west of Sinope, 2nd cent. AD). [AC].

186 37) vacat

187 38) A. DOULGERI-INTZESILOGLOU, “Βελεστίνο”, AD 52 B2 (1997) [2003], p. 467-472 [SEG LI 734]: Ed. pr. of a Hellenistic dedication made by a woman to Enodia in fulfillment of a vow (εὐξαμένα, Pherai, p. 468). [AC] 188 39) Th. DREW-BEAR – G. LABARRE, “Les trios statues de la Concorde à Antioche de Pisidie”, EA 34 (2002), p. 71-92 [BE 2003, 193, 517]: Three inscriptions record the dedication of statues of Homonoia in Antiocheia in Pisidia which commemorated the concord between Antiocheia and other cities: Lystra (OGIS 536: τῷ τῆς ῾Ομονοίας ἀγάλματι ἐτείμησεν), Tavium (W.M. CALDER, “Colonia Caesareia Antiocheia”, JRS 2 [1912], p. 84-86 no 3: ἐτείμησεν τῷ τῆς ῾Ομονοίας ἀνδριάντι), and Klaudioseleukeia (new text: τῷ τῆς ῾Ομονοίας ἀγάλματι ἱδρύσατο) [note the use of the word ἀνδριάς as a synonym of ἄγαλμα]. D.-B.-L. comment on the possible historical context and on the cult of Homonoia. [AC]

189 40) I. EFSTATHIOU, “Σπάρτη”, AD 52 B1 (1997) [2002], p. 179-186: E. mentions inscribed roof tiles [from a sanctuary of Athena] with the inscription δαμόσιος ᾿Αθάνας (Sparta, undated; p. 186). [AC]

190 41) N. EHRHARDT – W. GÜNTHER, “Funde aus Milet XV. Neue Orakelinschriften”, AA (2002.1), p. 47-57: Ed. pr. of four oracular inscriptions from Miletos. The first text is written on an altar. It is the inquiry of Eutyches concerning the erection of an altar for the Muses and the answer of Apollon Didymeus (2nd cent. A.D.): Εὐτύχης ἐρωτᾷ | εἰ συμφέρει αὐτῷ, δέσ|ποτα, ὅπου ἄν σοι ἱε|ρουργῇ καὶ ταῖς Μού|σαις ποιεῖν ἢ ἰδίᾳ | βωμὸν αὐταῖς ποι|ήσῃ ἢ εἰς τὸ Μουσεῖ|ον καὶ πῶς· | θεὸς ἔχρησεν· | Φοίβῳ καὶ Μούσαις | ξυνήονές εἰσι θόω|κοι [“Lord, Eutyches asks, what is beneficial to him: to erect (an altar) for the Muses at the same place where he performs the sacred actions for you, or to erect an altar for them privately (or separately), or in the Mouseion, and in which way? The God gave the following oracle: The places for Phoibos and the Muses are common”. Eutyches may have had a cult office in the service of Apollon; two of the options for the altar of the Muses (sanctuary of Apollon, sanctuary of the Muses) are public sanctuaries; consequently, ἰδίᾳ seems to refer to a private cult place, not to a separate cult place (p. 50: “völlig separate”), which already existed (the Mouseion)]. In l. 7-8 we have the first direct epigraphical evidence for the existence of a Mouseion. The other three texts (2-4, 3rd cent. A.D.) are small fragments of oracular questions and responses, inscribed in groups and not individually. No 2 concerns religious issues (l. 5: θυηπολί[- -]). No 4 contains the question of a hierophant (l. 6-7: ὁ ἱεροφάν[της ---]|ρας ἐρω[τᾷ ---]; cf. l. 3: θύειν). The title probably refers to a Milesian official in the service of the imperial cult in Miletos, and not to the Eleusinian hierophantes. [For the association of the emperor with mystery cults see H.W. PLEKET, “An Aspect of the

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Emperor Cult: Imperial Mysteries”, HThR 58 (1965), p. 331-347; A. CHANIOTIS, “Der Kaiserkult im Osten des Römischen Reiches im Kontext der zeitgenössischen Ritualpraxis”, in H. CANCIK – K. HITZL (eds), Die Praxis der Herrscherverehrung in Rom und seinen Provinzen, Akten der Tagung in Blaubeuren vom 4. bis zum 6. April 2002, Tübingen, 2003, p. 19]. [JM]

191 42) G. EKROTH, The Sacrificial Rituals of Greek Hero-Cults in the Archaic to the early Hellenistic Periods (Kernos Suppl. 12), Liège, 2002: Making ample use of literary and epigraphical sources, and to lesser degree of the archaeological material, E. studies the sacrificial rituals in honor of Greek heroes from the Archaic to the early Hellenistic periods [cf. EBGR 2000, 54]. In an appendix the author presents the Greek text of the sacrificial calendars of Thorikos, Marathon, and Erchia [cf. infra no 83], and of the genos of the Salaminioi. In the first chapter of her study E. discusses ancient terms related to hero- cult rituals (ἐσχάρα, ἐσχάρον, βωμός, ἐναγίζειν, ἐνάγισμα, ἐναγισμός, ἐναγιστήριον). Each term is studied chronologically on the basis of both epigraphic material and literary sources. The second chapter is dedicated to four rituals: destruction rituals, blood sacrifices, theoxenia, and thysiai followed by dining. In the third chapter E. tries to disprove the assumption that hero-cults originate in the cult of the dead. In her final chapter E. concludes that heroes were ritually assimilated to gods and had the same role in society. [JM]

192 43) Chr. ERTEL – K.S. FREYBERGER, “Zwischen Hellenisierung und Romanisierung: Ein Friesblock mit Weihinschrift aus dem Vorgängerbau des ‘Peripteraltempels’ in Kanatha”, MDAI(D) 13 (2002), p. 131-169: Based on an iconographic and stylistic analysis of the lion heads framing the architraval dedicatory inscription found in the sanctuary of Theos Rabbou at Kanatha (Syria) [cf. supra no 5)] E.-F. date the document in the last decades of the 1st cent. B.C. [JM]

193 44) Chr. A. FARAONE, “Thumos as Masculine Ideal and Social Pathology in Ancient Greek Magical Spells”, in S. BRAUND – G.W. MOST (eds), Ancient Anger: Perspectives from Homer to Galen (YCS 32), Cambridge, 2003, p. 144-162: The charms labeled θυμοκάτοχα originate from two different traditions. One of them is connected with cursing and the binding of the θυμός, which originally had positive connotations (soul, spirit, will, courage; cf. the distinction between θυμός in general in DTA 51-53 and κακὸς θυμός in DTA 84a); by the Imperial period θυμός often appears in connection with ὀργή (anger, but also impulse; e.g., AUDOLLENT, DefixTab 22, 33; Suppl. Mag. 57, 34-44; PMG XII 179-182). The second tradition is connected with spells and amulets which aimed at warding off the anger and hostility of others (cf. PMG IX); this amuletic tradition was regularly deployed by social subordinates against their superiors; it was based on the belief that males had an excessive amount of θυμός and ὀργή, which were to be controlled or healed by women or social subordinates. For these reasons the θυμοκάτοχα spells should be best described as “passion-restraining spells” that aimed at controlling a variety of phenomena, such as anger, competitive zeal, heated verbal exchanges, and erotic attraction. [AC]

194 45) Chr. A. FARAONE, “Agents and Victims: Constructions of Gender and Desire in Ancient Greek Magic”, in M. NUSSBAUM – J. SIHVOLA (eds), The Sleep of Reason. Erotic Experience and Sexual Ethics in Ancient Greece and Rome, Chicago/London, 2002, p. 400-427: F. explores the evidence provided by ancient erotic spells for the social construction of masculinity and sexual desire. Love spells fall into two very distinct categories: rituals used mainly by men to instill erotic passion in women and rituals used mainly by women to

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maintain or increase affection in men. Interestingly, autonomous women (esp. courtesans and prostitutes) occasionally used male spells for producing erotic passion, thus appearing as anomalous ‘males’; Simaitha’s spells in THEOCRITUS, Idyll II, esp. 23-32, belong to this group. Ancient love spells occasionally show an inversion of the natural gender, aiming at transforming the “naturally” chaste and moderate female to a passionate lover and the “naturally” lascivious male to a calm and subordinate person. In this context F. comments on a series of amulets (R. KOTANSKY, Greek Magical Amulets: The Inscribed Gold, Silver, Copper, and Bronze Lamellae. Part I. Published Texts of Known Provenance, Opladen, 1994, nos 40, 58, and 60) and magical papyri (PGM XIII 250; XVII a; XXXVI 35-68). [AC]

195 46) Chr. A. FARAONE, “A Drink from the Daughters of Mnemosyne: Poetry, Eschatology, and Memory at the End of Pindar’s Isthmian 6”, in J.F. MILLER – C. DAMON – K.S. MYERS (eds), Vertis in usum. Studies in Honor of Edward Courtney, Leipzig, 2002, p. 259-270: PINDAR ’s Isthmian 6 l. 66-75 (“I shall offer him a drink of Dirke’s sacred water, which the deep- bosomed daughters of golden-robed Mnemosyne made to surge by the well-walled gates of Kadmos”) alludes to eschatological ideas and in particular to the water of Memory mentioned in the ‘Orphic’ lamellae; this allusion expresses the idea that the praise poetry of Pindar can provide a special kind of happiness that can persist even in the underworld. [AC]

196 47) G. FERRARI, “The Ancient Temple on the Acropolis at Athens”, AJA 106 (2002), p. 11-35: Based on archaeological material, inscriptions, and literary sources F. argues that the Archaic temple of Athena on the Acropolis of Athens was neither destroyed completely during the Persian sack of the city nor taken down at a later date, but that it remained standing and partially functioning until the Roman period. [JM]

197 48) P. FREI, “Inschriften und Reliefs. Ein Beitrag zur lokalen Religionsgeschichte Anatoliens”, in Zona Archeologica, p. 135-158: F. studies the iconography of a group of altars dedicated to Zeus Bronton (1-9) and Zeus Pyrgenos (10, attested for the first time) from Inönü and its vicinity (territory of Dorylaion); these monuments seem to be related to the same sanctuary (2nd-3rd cent.); nos 7-10 are published for the first time (3 = SEG XXXII 1275; 4 = SEG LIV 1042; cf. EBGR 1994/95, 304; 6 = SEG XL 1236). The common feature of these altars is their decoration with the bust of a bearded deity (Zeus Bronton) on the front; additional decorative elements are found on the other sides, such as further busts (1, 6, 9), a sacrificial scene (1), animals (eagle: 2-4, 6, 8, 10; ox: 1), cult objects and symbols (baetyl: 4-5; gorgoneion: 9; thunder: 4; boukrania: 1-4, 6, 8, 10), vases (1, 3, 5-6), agricultural implements (plough: 1, 3-4, 6; sickle: 3, 6;pickaxe: 3, 6), crowns (1, 2, 4-6, 10), and rosettes (1-2, 5, 10). The inscriptions usually begin with the invocation ἀγαθῇ τύχῃ (1, 2, 4-5, 7-10), followed by the name of the divinity, dedicatory formulas, and the names of the dedicants. Zeus Bronton (1-9) is addressed with the epithet ἐπήκοος in no 1; n o 7 designates the god as Ζεὺς Βροντῶν ᾿Απελλιναρίου; Apellinarios was the founder of a cult of Zeus Bronton [nor necessarily a private cult, as F. (p. 152) suggests; for similar theonyms cf.Ζεὺς Βαραδάτεω, Μὴς ᾿Αρτεμιδώρου et sim. (cf. EBGR 2000, 108); see F. GSCHNITZER, “Eine persische Kultstiftung und die ‘Sippengötter’ Vorderasiens”, in W. MEID – H. TRENKWALDER (eds), Im Bannkreis des Alten Orients. Studien zur Sprach- und Kulturgeschichte des Alten Orients... Karl Oberhuber zum 70. Geburtstag gewidmet, Innsbruck, 1986, p. 45-54]. An inscription on the back of an altar dedicated to Zeus Bronton specifies that the altar belonged to Zeus Megistos (2: Διὸς Μεγίστου). In addition to the simple dedicatory formula (7: ἀνέθηκεν; 8, 10:

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ἀνέστησεν/αν), more complex formulas explain that the dedications were made in fulfillment of vows (1, 4-5: εὐχήν ἀνέστησαν), upon divine command (2, 7-8: κατὰ ἐπιταγήν; 10: κατὰ κέλευσιν), or for the well-being of the family (1: ὑπὲρ τῶν ἰδίων; 4: περὶ ἑαυτῶν καὶ τῶν ἰδίων). The reason for the vow is explicitly stated in one case (5: safe return from journeys to Dacia and Alexandria). The altar no 3 (= SEG XXXII 1275: Διὶ Βρ[ο]ντῶντι Θεό|ξενος Μαξίμου | ψυχαῖς πατρὸς σὺν | τοῖς ἰδίοις εὐξά|μενοι ἀνέθηκαν | εὐχήν) is more enigmatic. It seems to belong to a group of funerary monuments dedicated to divinities (cf. C.W.M. COX – A. CAMERON, MAMA V, Manchester 1937, p. XXXIV-XXXVIII), but its formulation is unusual (“Theoxenos, son of Maximos, together with the members of his family dedicated this vow to Zeus Bronton for the souls [“für die Totengeister”] of his father in fulfillment of their vow”). [According to F.’s interpretation, this is a funerary altar (“Grabstein”) placed under the protection of Zeus Bronton. But then why is the dative used (ψυχαῖς πατρός), instead of a construction with ὑπέρ? An alternative reading and interpretation may be suggested. If one places a full stop after Διὶ Βρ[ο]ντῶντι, the altar is a dedication both to Zeus Bronton, protector of the living and patron of agricultural activities (cf. the representation of agricultural implements, such as pickaxe, sickle, and plough), and to the protective spirit of the heroised Maximos: “To Zeus Bronton. Theoxenos, son of Maximos, together with the members of his family dedicated this vow to the souls of his father in fulfillment of their vow.” This interpretation may be also supported by the form of the monument (altar) and its iconography (table with jug, cup, and krater, wine amphora), which allude to the performance of rituals, possibly a heroic cult of Maximos]. [AC]

198 49) S. GAFFINO, “Une nouvelle tablette de défixion: κατακλιτικόν”, ZPE 140 (2002), p. 185-194 [BE 2003, 146]: Ed. pr. of a defixio of unknown provenance now in a private collection (3rd-4th cent.). The first lines (l. 1-21) contain voces magicae which seem to correspond to those in Suppl.Mag. 42 ll. 27-34 (Hermopolis, 3rd-4th cent.). In the last lines (l. 22-31) the defigens, whose name remains unknown, devotes Nonnos, the son of Sopatra, to the Great Gods, also invoking the stele of Plouton and (or among) the chthonic gods. The reason for the cursing of Nonnos is not specified. The victim should remain in his bed struck by fever. He should not be able to leave his bed and lose his soul rapidly remaining bedridden (θαιο≥ὶ μεγάλοι καὶ στήλη Πλούτονοc | τῶν καταχθωνίων, καταcχέται, κλίναται | εἰc πυρετὸν καὶ τριταία<ν> τὼν Νόνον, τὴν | ἔτεκεν Σωπάτρα, ἤδη, ταχύ. ὁρκίζω ὑμᾶc | [κ]ατὰ τῆc ὑμεταίρα δυνόμεω, ὅτι κατάσ|[χ]ε≥σται, κλίναται εἰc κράβατων Νόνον, | [τ]ὴν ἔταικεν Σωπάτρα, ἤδη, ταχύ. ναί, | [ν]αί, μὴ ἐκβῇ καὶ μὴ ἀνατῇ τοῦ κρα|[β]ατίου αὐτοῦ, ἀλ<λ>ὰ κριθῇ αὐτο<ῦ> τὴν ψυ|[χ]ὴ≥ν ε≥ἰ≥c τὸ κράβατον, ἤδη, ταχὺ ταχύ [“Great Gods and stele of Plouton, among the gods of the underworld, take possession of Nonon, whom Sopatra bore, turn him (his condition) to fever and three-day-fever, already now, fast; I adjure you on the name of your power, that you may take possession of Nonons, whom Sopatra bore, and make him bedridden, already now, fast; indeed, indeed, so that he will not be able to leave his bed and stand up from his bed, but his soul will be judged/condemned to the bed (sc. he will be condemned to die bedridden), already now, fast, fast”]. [JM]

199 50) P.-L. GATIER, “Bulletin épigraphique”, REG 113 (2000), 571, no 681 [SEG XLIX 2103]: G. restores the abbreviated name of the deity to which a soldier made a dedication in Philadelphia (Khirbat Yajuz, Jordan, Imperial period; cf. EBGR 2000, 192) as Zeus Olympios. [AC]

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200 51) L. GENTILE, “L’epiteto καταγωγίς e l’uso del verbo κατάγω in ambito religioso”, RFIC 127 (1999), p. 334-343 [SEG XXXIX 2357; BE 2002, 538]: The epithet Katagogis, attested for Artemis in Kyrene (SEG IX 13; cf. SEG IX 72 § VIII), has been interpreted by P. PERLMAN as the “Clothed” [EBGR 1990, 241]. Although the verb κατάγω and its derivatives – Dionysos Katagogios in Priene (LSAM 37) and the festival Katagogia in Eryx, Priene, Miletos, Ephesos, and Athens (LSAM 37 and 48; LSCG 49; ATHEN. IX 934 f; H. USENER, Acta S. Timothei, Bonn 1877, p. 11) – are frequently used in connection with the return of a divinity (usually Dionysos) to a sanctuary or a place [see also W. BURKERT, “Katagógia- Anagógia and the Goddess of Knossos”, in R. HÄGG – N. MARINATOS – G. NORDQUIST (eds), Early Greek Cult Practice. Proceedings of the Fifth International Symposium at the Swedish Institute at Athens, 26-29 June, 1986, Stockholm, 1988, p. 81-87], the periodic return to a sanctuary is not a feature of Artemis’ cult. G. prefers to associate the epithet katagogis in Kyrene with κατάγω in the meaning “to lead to a lower place” and with rituals during which female worshippers descended to the Nymphaion. [AC]

201 52) GORNY & MOSCH, GIESSENER MÜNZHANDLUNG, Auktion 119. Kunstobjekte der Antike. Mittwoch, 16. Oktober 2002, Munich, 2002: The catalogue of an auction in Munich includes several inscribed objects. A marble statuette of a Nike was dedicated by Papias to Hekate (p. 16 no 3043, 2nd/3rd cent. A.D.: Παπίας ῾Εκάτῃ | Νείκην ὑπὲρ ἑαυτοῦ). A marble thymiaterion with a representation of a Hekateion was dedicated by Karikos to Hekate as a vow (εὐχήν; p. 18 no 3046, 2nd/3rd cent. A.D.). A jasper gem bears a representation of Abrasax with Ιαώ and a magical logos (ΕΗΩΧΙΕΥΩΕΗΙΕΕΗΓΗΛ; p. 42 n o 3134, 2nd/34d cent. A.D.). A carneol gem has the representation of the dead Osiris and an anthropomorphic falcon, surrounded by the inscription ΨΝ ΡΣΤ Λ (p. 56 no 3270, 2nd/ 3rd cent. A.D.). A dedicatory plaque in the form of an aedicula, in which Apollon Klarios is seated, is inscribed with the monogram ΠΑ (p. 110 no 3558, late Imperial period) [cf. infra no 53]. [AC]

202 53) GORNY UND MOSCH, GIESSENER MÜNZHANDLUNG, Auktion 111. Kunstobjekte der Antike, Dienstag, 16. Oktober 2001, Munich, 2001 [SEG LI 2249-2250, 2273]: This auction catalogue contains two magical gems of unknown provenance (p. 68): a gem of green jasper with representation of Abrasax and the inscription Ιαω. (3241, 2nd/3rd cent.) and a hematite gem with the representation of an enthroned Zeus holding the eagle in a temple and two goddesses with cornucopia, corn-ears and a bird on the akroteria of the temple (obverse) and voces magicae on the reverse (ΛΜΕΛΛ|ΟΜΜΙΜ|ΕΛΩΦΙΣ|ΙΣΡΟΩΣΙΣ|ΙΦΡΝΟΥ| ΧΧΕΟςΩ; 3243, 3rd cent. A.D.). A bronze plaque has the form of an aedicula, with a seated Apollon of the type of the cult statue of Apollon Klarios in the aedicula; the monogram ΠΑ is on ist back (unknown provenance, Imperial period, 103 no 3444). [AC] 203 54) F. GRAF, “Fluch und Segen. Ein Grabepigramm und seine Welt”, in Zona Archeologica, p. 183-191: G. describes the religious context of a very interesting grave inscription from Alexandria (GV 1875, c. 2nd/1st cent.). In the first part of this metrical text Thermin, a woman who died in young years as a result of a disease, implores the divinities of the underworld to receive her (χθονίων ἔνερθε δαιμόνων ἀνάκτορες | σεμνή τε Φερσέφασσα, Δήμητρος κόρη, δέχεσθε τὴν ναυαγὸν ἀθλίαν ξένην); if someone had been responsible for her death using φάρμακα (magic or poison), she invokes the divinities of the underworld to punish this person with the same fate (μὴ πώποτ᾿ ἄλλην μοῖραν, ἄφθιτοι θεοί, | πέμψηθ᾿, ὁμοίαν θ᾿ ἣν ἐγὼ κεκτημένη | ἔνερθε ναίω, τριπτύχους μῆνας φθίσι, | βιότου λιποῦσα καρπόν). She curses the persons who thus

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caused her death to perish with all their descendants (ἀρὰς τίθημι, τοῖα ἔχουσα πήματα, | αὐτοῖσι καὶ τέκεσι παρρίζους μολῖν | ῞Αδου μέγαν κευ[θ]μῶνα καὶ σκότου πύλας· ... εἴ γ᾿ ἐστ᾿ ἐν ῞Αδου βαιὸς εὐχωλῆς λόγος, | ἀρὰς τελήας οἷς ἐπεύχομαι τελεῖν). The interesting feature of the text is that Thermin combines this curse with a blessing for her children and her husband (τέκνων δ᾿ ἐμῶν ἄθραυστον ὄλβιον βίον | πάντων ἱκέσθαι κἀνδρὸς ἰς γήρως χρόνον). Her husband responds in the second part of the epigram, promising her to take care of her children. G. associates this text with other ancient evidence for the suspicion that a premature death was the result of poison or magic and for the cursing of the unknown culprits; lacking legal possibilities for the punishment of these (known or unknown) persons, the relatives of their victims cursed them. To the mainly epigraphical evidence collected by G. BJÖRCK (Der Fluch des Christen Sabinus, Upsala, 1938), G. adds further examples (IG XII 8, 540; SEG VII 1239; OGIS 697; AUDOLLENT, DefixTab 1; G.S. BEAN, The Inscriptions of Side, Ankara, 1965, no 12; cf. CIL VI 12649, 19747, 20906; Carmina Latina Epigraphica 1534 B) [see also EBGR 2000, 127]. G. urges not to make a distinction between curse and prayer, as this text associates curse (ἀρά) and prayer (εὐχωλή); [a distinction should, nevertheless, be made between curses, in which a justification is given (“prayers for justice”) and those defixiones which lack this feature; G. suggests the term “Vergeltungsgebete” (prayers for revenge)]. [AC]

204 55) A.J. GRAHAM, “The Colonization of Samothrace”, Hesperia 71 (2002), p. 231-260 [BE 2003, 420]: Based primarily on archaeological material but using also literary sources and inscriptions from the Samothrakian cemeteries and the sanctuary of the Great Gods, G. argues that the Greek colonists came to the island from Samos. Numerous graffiti on pottery sherds from the sanctuary and the cemeteries in Greek script but in a non-Greek language are interpreted by G. as evidence for the use of a non-Greek lingua sacra by the Greek inhabitants of Samothrake in the cult of the Great Gods between the Archaic and the Hellenistic period. A non-Greek cult already existed in Samothrake, when the first Greek colonists arrived from Samos in the 6th cent. The adoption of cult and language by the colonists presupposes at least a short period of coexistence of Greek and non-Greek elements. In a useful appendix G. presents a catalogue of the inscriptions on pottery from Samothrace 2.2 that have been republished in the pottery catalogues of later volumes in the series of the Samothrake publications. [JM]

205 56) B. GRIMES, “IG II2 1198: Money Awarded by Attic Demes for the Purpose of Sacrifice”, ZPE 140 (2002), p. 80 [BE 2003, 255]: According to a new restoration of an Athenian honorary inscription (IG II 2 1198 l. 10-11, 4th cent. B.C.), funds for a sacrifice (ten drachmai) and a golden crown (with a value of 100 drachmai?) were given to the honorand directly from the demos treasury. Only three more Attic demotic decrees of the 4th cent. B.C. attest to the same combination of honors. In these cases the amount given for the sacrifices corresponds to one tenth of the value of the crown. [JM]

206 57) P. GROSSARDT, “Der Ringer Maron und der Pankratiast ‘Halter’ in epigraphischen und literarischen Quellen”, EA 34 (2002), p. 170-172 [BE 2003, 544]: The wrestler T. Aelius Aurelius Maron, victor in many agons, known from an honorary inscription in Seleukeia in Kilikia (SEG XLI 1407 A) [EBGR 1991, 79 and 212], can be identified with the Kilikian wrestler Maron in PHILOSTRATOS ( Gymnastikos 36), possibly also with an undefeated pankratiast from Kilikia known under the nick-name ὁ Πατούμενος (PHILOSTR., Her. 14-15). [AC]

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207 58) Chr. HABICHT, “Danksagungen Geretteter an die Götter”, Hyperboreus 7 (2001), p. 301-307 [SEG LI 2353; BE 2003, 192]: H. gives an overview of thanksgiving dedications addressed to a variety of divinities (e.g., Apollon Chresterios, Apollon Nisyreites, Asklepios, Athena, Helios, Herakles, Mes Axiottenos, Pan Euodos, Poseidon, Sozon, Theos Hypsistos, Zeus, the Egyptian gods) by persons who were saved from a great danger (4th cent. B.C.-3rd cent. A.D.; IG II2 4323, 4357, 4499; IG X.2.1, 67; IG XII.1, 742; IG XII.5, 712.36; IG XIV 997, 2564; SEG XX 501; XXXII 790, 1084; XXXVI 555; XL 985; XLII 747; CIG 3669, 4838c; IGBulg I2 1; IGUR 193; I.Délos 2119, 2205, 2330, 2433; TAM II 900; V 179b, 442, 881; H. MALAY, Researches in Lydia, Mysia and Aiolis, Vienna, 1999, nos 118 and 137; AvPergamon VIII.3, 63 and 71; I.Assos 28A; I.Stratonikeia 1101, 1104; SB 1054-1056, 2610, 3751, 4049, 4050, 7897, 8863, 8864; A. BERNAND, Le Paneion d’El-Kanais, Leiden, 1972, nos 2, 8, 9bis, 34, 42; E. BRECCIA, Iscrizioni greche e latine. Catalogue general des antiquités égyptiennes du Musée d’Alexandrie, Cairo, 1911, no 121; Syll.3 1173, OGIS 69, 450; LW 516). In many cases the danger is referred to in a general manner (σωθεὶς ἐκ μεγάλου κινδύνου/ἐκ μεγάλων κινδύνων et sim.; cf. dedications ὑπὲρ σωτηρίας or to gods with the attribute σωτήρ). When the danger is specified, it usually concerns sea journeys, war, pirates’ attacks, captivity, accidents, disease, and journeys in dangerous areas (e.g., the Troglodytike). [H. draws attention to the dedication of Aigai to Apollon Chresterios for its rescue which is ascribed to the governor P. Servilius Isauricus (OGIS 450: ᾿Απ[όλλωνι Χρ]ηστηρίῳ χαριστήριον σωθ[εὶς] ὑπὸ Ποπλίω Σε[ρουιλίω Ποπ]λίω υἱῶ ᾿Ισαυρικῶ τῶ ἀνθυπάτω). This dedication is not unique; it belongs to a group of dedications in which the object of gratitude is both a divinity (especially Asklepios) and a human agent (especially a doctor); see supra no 28]. See also the next lemma. [AC]

208 59) Chr. HABICHT, “Weitere Weihungen Geretteter”, Hyperboreus 8 (2002), p. 340-344: To the evidence discussed in supra no 58, H. presents three further thanksgiving dedications of persons who have been rescued from dangers. One of these texts is an unpublished dedication from Larisa (?, 2nd cent.); it was made by a group of men, possibly a commander and his soldiers ([Α]ἴσχυλος Σω[π]άτρου καὶ οἱ συνανασωθέντες), to an unknown divinity ([Τύχ]ηι? .Ω≥Σ≥Α); further names were added by a different hand some time later. The other texts are a dedication from Kibyra (I.Kibyra 83) [cf. supra no 28] and a dedicatory epigram from Philomelion (I.Sultan Dagi I 44). [AC]

209 60) C. HASENOHR, “Les monuments des colleges italiens sur l’« Agora des Compétaliastes » à Délos (IIe-Ier s. av. J.-C.)”, in J.-Y. MARC – J.-C. MORETTI (eds), Constructions publiques et programmes édilitaires en Grèce entre le IIe siècle av. J.-C. et le Ier siècle ap. J.-C. Actes du colloque organisé par l’École Française d’Athènes et le CNRS, Athènes 14-17 mai 1995 (BCH Suppl. 39), Paris/Athens, 2001, p. 329-348 [SEG LI 993]: H. studies the dedications made by the religious associations of the Competaliasts and the Hermaists in the ‘Agora des Compétaliastes’ in Delos. The Ionic naiskos (cf. I.Délos 1734) cannot be interpreted as a temple of Hermes and Maia (according to R. VALLOIS, in EAD VII 1, p. 112-119) or as a temple of the Lares Compitales (as suggested by T. MAVROJANNIS; cf. EBGR 1994/95, 239). The inscriptionI.Délos 1731, written on an architrave, should be attributed to a Doric temple dedicated by the Hermaistai to Hermes and Maia. The monopteral tholos, to which I.Délos 1738 belongs, was regarded by J. HATZFELD as a temple of Hermes and Maia dedicated by the Hermaistai, since one of the dedicators (Aulus Cerrinius, L. f.) is known as a Hermaist (I.Délos 1734); N.K. RAUH interpreted the tholos as a temple of Herakles dedicated by the Competaliasts (cf. I.Délos 1746 and 1764),

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T. MAVROJANNIS as a temple of Herakles dedicated by the association of the Olearii (cf. I.Délos 1713/1714). Based on the observation that the dedicators of the tholos included freedmen and a slave and that a person (here, Cerrinius) could belong to different associations, H. identifies the dedicators as Competaliasts and the building as a temple of the Lares Compitales. A group of dedications (I.Délos 1744-1749) share as a common feature that the dedicators identified themselves simply by stating that they had dedicated another monument as well (e.g., οἱ καὶ τὸν ῾Ηρακλῆν, οἱ αὐτοὶ καὶ τὸν βωμόν et sim.). This practice is probably explained by the fact that the dedicators dedicated two objects (a statue and an altar) standing next to one another, but set a dedicatory inscription only on one of them. The altar of Maia (I.Délos 1744) may be connected with the inscribed base I.Délos 1750, the altar of Herakles (I.Délos 1746) with the statue dedicated by the Competaliasts (I.Délos 1764), and the Ionic naiskos of the Hermaistai (I.Délos 1734) with a statue of Hermes and Maia and with the altar I.Délos 1749. The formula οἳ καὶ was not used only by the Hermaistai, but by different associations. While the Hermaists made dedications only to Hermes and Maia, the Competaliasts addressed various gods. The dedicatory relief I.Délos 1745, which also refers to the dedication of statues of the θεοί (the Lares Compitales) and of a temple, should be attributed to Kompetaliastai. With regard to the interpretation of the monuments erected by the Italians on Delos, H. observes that because of the heterogeneity of the Italian residents of Delos one should not apply here models known from Republican Rome; the Italians on Delos adopted monuments and practices of the Greek East (e.g., garland altars, Greek monopteral tholoi); it is doubtful whether the Agora of the Competaliasts is the result of a specific building program [see also C. HASENOHR, “L’Agora des Compétaliastes et ses abords à Délos: topographie et histoire d’un secteur occupé de l’époque archaique aux temps byzantins ”, REA 104 (2002), p. 85-110]. [AC]

210 61) P. HERRMANN, “Eine „pierre errante“ in Samos: Kultgesetz der Korybanten”, Chiron 32 (2002), p. 157-172 [BE 2003, 418]: Ed. pr. of a lex sacra (2nd cent.) seen for the first time in Samos in 1900 by L. BÜRCHNER, but originally from Asia Minor. The fragmentary text is a regulation (διαγραφή) concerning the sale of a female priesthood for the cult of the Korybantes (cf. l. 39-40: ἡ πριαμένη τὴν ἱερει≥[τείαν]). The typical initiatory rites of this cult are referred to, unfortunately in unclear contexts: τελεῖν/τελεῖσθαι (l. 3-6), κορυβαντίζειν/κορυβαντίζεσθαι (l. 10-12, 15, 17-18, 43), κορυβαντισμός (l. 7), and κρητηριάζειν/κρητηριάζεσθαι (l. 10-11, 17). The text also mentions sacrifices (l. 13: [τὰς θυ]σίας), both private and public (ἰδιωτικὰ ἱερά: l. 7; δημόσια ἱερά: l. 8-9; l. 35: [- -]ς ψηφίσηται ὁ δῆμος θυσίαν συντε[λεῖν]), particular sacrificial offerings (for chthonic deities?, for the dead?; l. 13: τοὺς ἐναγισμούς), sacred banquets (l. 14: τοὺς ξενισμούς; l. 21: ὁ ξενίζων), and the decoration of a sacred place or object (l. 45: προσκοσμη[σ-]). The text treats the obligations of the initiate (l. 6: διδότω δὲ ὁ τελούμε≥[νος]) and the prequisites of the priestess (l. 6, 15, 18-19). Other priests and priestesses seem to have had the right to fulfill the rites (l. 5: [βο]ύληται ἱερεὺς ἢ ἱέρεια τελε[ῖν]). A priestess πρὸ πόλεως (l. 16) and the treasurer (l. 37) are mentioned in an unclear context. A particular section is devoted to the participation of a large number of women in a ritual (the ξενισμός?) under the supervision of gynaikonomoi (l. 21-28). Finally, the text repeatedly mentions fines and sanctions (l. 20, 23, 25, 28, 30-31) and refers to other written norms (l. 15: [γέγρ]α≥πται; l. 19: καθότι ἐν τῶι δημοσίῳ γέγραπται; l. 29: [- -]νει νόμωι γέγραπται; l. 33: τῆι διαγραφῆι τῆι γραφείσηι ἐπὶ ΤΟ..Α≥ΣΙ≥≥[- -]). The new text

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shows many similarities with the fourth century Erythraian lex sacra which concerns the cult of the Korybantes (I.Erythrai 206 + SEG XLVII 1628; cf. EBGR 1996, 273; 1997, 175) [see also supra no 32], of which H. presents the text and a German translation (p. 165-169); the most important differences are the mention of a ritual purification (λούειν) and the role of both priests and priestesses in Erythrai. The similarities between the two texts, the dialect, and the existence of a priestess πρὸ πόλεως in Erythrai support the assumption that Erythrai is the provenance of the Samian stone. [JM]

211 62) P. HERRMANN, “Magier in Hypaipa”, Hyperboreus 8 (2002), p. 364-369: L. ROBERT (OMS VI, p. 137-160) had identified Artemis of Hypaipa (Lydia) with the Iranian goddess Anahita and argued that Iranian cult traditions survived until the 2nd cent. A.D. To the evidence for μάγοι in Hypaipa (PAUS. V 27, 5-6: ἀνὴρ μάγος; I.Ephesos 3820: ἀρχιμάγος), H. adds a new very fragmentary inscription (2nd cent. A.D.), in which one recognizes a reference to μάγοι (l. 8), a sacrifice (l. 2), and a goddess (l. 6: καὶ τῆς θεοῦ συντ≥[ελεῖν]). The new fragment is a further piece of evidence for Iranian elements in Lydia. [AC]

212 63) P. HERRMANN, “Das κοινὸν τῶν ᾿Ιώνων unter römischer Herrschaft”, in Festschrift Deininger, p. 223-240 [BE 2003, 442]: Survey of the activities of the Koinon ton Ionon in the late Hellenistic and in the Imperial period, with particular focus on the festivals and agons organized by the Koinon (Panionia, Alexandreia), the officials of the Koinon and their cultic functions (basileus, archiereus ton Ionon, hiereus), and the emperor cult. [AC]

213 64) R. HODOT, “Chronique d’étymologie grecque”, RPh 75 (2001), p. 143: The word ἠρῶναι/εἰρῶναι used in inscriptions of Mytilene (IG XII.2, 242 and 251) designates the purchase of sacrificial animals (i.e., ἱερωνία; cf. εἶρος/ἶρος = ἱερός); the change of εἰρώνα to ἠρώνα is an example of ‘itacisme’. [AC] 214 65) A. JACQUEMIN, “Une nouvelle épiclèse de Poséidon à Delphes”, BCH 126 (2002), p. 55-58: Ed. pr. of a dedicatory inscription found near the stadion in the sanctuary of Apollon at Delphi: Ποτειδᾶνι | Ποτβατερίοι≥ (c. 450 B.C.). This text is the first attestation of the epithet Potbaterios (= Προσβατήριος) for Poseidon in Delphi. J. suggests that the epitheton designates Poseidon as a divinity which enabled the access to the sanctuary [as a patron of seafaring; cf. the comments on ἐπιβατήριος in EBGR 2001, 132 and ἐμβατήριος in EBGR 1997, 413]. [JM] 215 66) D. JAILLARD, “A propos du fragment 35 de Callimaque”, ZPE 132 (2000), p. 143-144: See infra no 115.

216 67) C.P. JONES, “Epigraphica”, ZPE 139 (2002), p. 108-116 [BE 2003, 482]: J. suggests that Kar in an inscription from Stratonikeia (SEG XXXVIII 1100, 2nd cent.) should not be identified with Zeus Karios, but with the eponym of Karia, which is known only from literary sources. The inscription from Stratonikeia would then be the first epigraphical attestation of Kar; J. suspects some kind of an antiquarian or patriotic spirit behind this dedication. [JM]

217 68) D. JORDAN, “A Curse on Charioteers and Horses at Rome”, ZPE 141 (2002), p. 141-147 [BE 2003, 144]: J. discusses briefly a Greek defixio of 33 lines against charioteers and their horses found in Rome (early 4th cent. A.D.; cf. EBGR 1998, 22 = SEG XLVIII 1297). According to his new reading, the curse is directed against three charioteers of the blue faction (l. 20: Lampadius, Leontius, Lepas) and their horses (l. 13-19), three charioteers

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of the green or white faction (l. 21: Alcinus, Pansa, Βεννετερ) and their horses (l. 22-25), and two charioteers of the red faction (l. 26: Curius, Lusor) and their horses (l. 26-28). J. also proposes a new reading of l. 2-3: Λακινει, Ηιλαρεινο, Φλακινο (Lacinius, Hilarinus, Flaccinus) suggesting that these three persons are cursed not as charioteers, but perhaps as the owners of the three blue teams. [JM]

218 69) M. KAJAVA, “When did the Isthmian Games Return to the Isthmus? (Rereading Corinth 8.3.153)”, CP 97 (2002), p. 168-178: E. GEBHARD (EBGR 1994/95, 144) has demonstrated that the Isthmian festival, which was transferred to Sikyon after the sack of Korinth in 146 B.C., returned to Korinth’s control almost immediately after the foundation of the colony (40 B.C.?); GEBHARD suggested that the agon was held in Korinth until c. A.D. 50-60. The agonothetes of the first Isthmian contest celebrated in Isthmus after the return of the games to the sanctuary of Poseidon is known from an honorific inscription (Corinth 8.3.153; l. 6-8: [agonothete I]sthmion et Caesar[eon, qui Isthm]ia ad Isthmum egit [primus sub cura]m col(oniae) Laud(is) Iul(iae) Cor(inthiensis)). J.H. KENT identified this person as [L. Castri]cius Regulus, duovir quinquenalis in c. A.D. 21/22. GEBHARD favored an identification with Cn. Publicius Regulus (c. A.D. 50-60) and restored [Claudi]on in l. 5. KAJAVA plausibly argues that this inscription should be dated shortly after Livia’s deification, when a competition in her honor was introduced to the program of the games (l. 9: [carmina ad Iulia]m diva[m Au]g(ustam)). He recognizes in the agonothetes of the first Isthmia in Isthmus Cn. Cornelius Pulcher, known as an agonothetes from F.Delphes III.1, 534 (c. A.D. 45). According to the Delphic inscription, during his agonothesia the festival included for the first time an equestrian event for maidens, which may be identified with the contest mentioned in the Korinthian honorific inscription (l. 9-10: virgi[numque certame]n instituit). Consequently, the Isthmian games returned to Isthmus in A.D. 43. In l. 8 K. restores [primus omniu]m (not sub cura]m col(oniae)). Pulcher, who also served as agonothetes of the Claudia Sebasta, was also responsible for the re-organization of the celebration of the Caesarea in Korinth, which included sacrifices and a banquet (l. 10-13: omnib[us caerimoniis Cae]sareon novatis Coo[rinthi sacra vo]to peregit epulumq(ue) [omnibus co]lonis dedit). [AC]

219 70) M. KAJAVA, “Eueteria Sebasta in Mytilene”, Latomus 61 (2002), p. 919-928: Eueteria Sebasta in an inscription from Mytilene (IG XII.2, 262) has been interpreted as the equivalent of Abudantia Augusta or Annona Augusta. K. proposes a new restoration of the text as a dedication of the statues of Claudius and Agrippina the Younger ([θεὰν Καρποφόρον? Ε]ὐετηρίαν Σεβαστ[άν ᾿Αγριππείναν]) to Artemis Thermia by the priest of the emperor cult ([ἱερεὺς διὰ] βίω [α]ὐτῶν) in accordance with divine command ([κα]τ᾿ ἐπιταγά[ν]). Agrippina is known to have been associated with Demeter and to have been worshipped as Thea Aiolis Karpophoros. [AC]

220 71) M. KAJAVA, “Eresian Memories”, ZPE 139 (2002), p. 89-107: K. studies several inscriptions from Eresos on Lesbos related to the imperial cult and attesting dedications made by Caius Cornelius, son of Zoittas, P. Quintilius (Varus?), Damarchos, son of Leon, an unknown archiereus, and the Eresian demos. The author associates IG XII 2, 573 and more cautiously IG XII Suppl. 124 with the activities of Caius Cornelius, known as the dedicant of an edifice [a temple?] to Augustus and the Eresian demos (IG XII 2, 536). If this attribution is correct, then Caius Cornelius must have been one of the most important supporters of the imperial cult on the island in the early Imperial period, having dedicated a sanctuary and a temple to C. Caesar and L. Caesar, a sanctuary and a temple to Livia Sebasta Pronoia, and temples to Augustus. [JM]

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221 72) Chr. KARADIMA-MATSA – K. CLINTON, “Korrane, a Sacred Woman in Samothrace”, ZPE 138 (2002), p. 87-92 [BE 2003, 421]: Ed. pr. of a grave stele (Samothrake, 2nd cent. B.C.): Κορράνη ἱερά. The name Korrane is attested for the first time. She was either a sacred dancer in the Samothrakian Mysteries, like the dancers depicted on the frieze of the so called “Hall of the Choral Dancers” (formerly “Temenos”) or a manumitted slave, who had been dedicated to the Samothrakian Great Gods and did her service in the sanctuary. The authors seem to prefer the first hypothesis [but see Ph. GAUTHIER, BE 2002, 421]. [JM]

222 73) N. KARYDAS, “Νομὸς Θεσσαλονίκης”, AD 52 B2 (1997) [2003], p. 689-692 [SEG LI 890]: Ed. pr. of a funerary stele set up by a couple for its alumna (Thessalonike, Imperial period, p. 691). The stele is decorated with the representation of Aphrodite. [For the association of heroised women with Aphrodite see, e.g., I.Beroia 214, 244, 284, 354, and 508 (3rd cent. A.D.)]. [AC]

223 74) D. KNIBBE, “Private Evergetism in the Service of the City-Goddess: The Most Wealthy Ephesian Family of the 2nd Century CE Supports Artemis in her Struggle Against the Decline of her Cult after the Meteorological Catastrophe of 186 CE”, MedAnt 5.1 (2002), p. 49-62: K. presents an overview of the measures taken in the 2nd cent. A.D. to stengthen the cult of Artemis in the context of the competition among sanctuaries and cults in the 2nd cent. A.D. These measures included the transformation of Artemis’ altar near the crossway to Ortygia into a monumental cenotaph for the emperor Lucius Verus, the extension of the ekecheiria during the entire month of Artemision (I.Ephesos 24), the celebration of the birthday of Artemis on the sixth day of every month (SEG XXXIX 1195), the perception of the goddess as helper against pestilence (SEG XLI 981), and the roofing of the processional way to the Artemision, funded by T. Flavius Damianus (PHILOSTR., vit. Soph. II, 23 p. 107 K), one of the great benefactors of Ephesos. The latter project became an urgent necessity after the climatic changes which were caused by a volcanic eruption in New Zealand in A.D. 186; the processional way had to be sheltered from heavy rainfalls. [AC]

224 75) D. KNOEPFLER, “Oropos et la Confédération béotienne à la lumière de quelques inscriptions « revisitées »”, Chiron 32 (2002), p. 119-155 [BE 2003, 332]: Among other important issues concerning the significance of Oropos in the context of the Boiotian Koinon K. also discusses briefly the role of the sanctuary of Amphiaraos. K. demonstrates that the erection of proxeny decrees of the Boiotion Koinon in the Amphiareion does not in any way imply that this sanctuary functioned as a federal cult place; moreover, these decrees were erected in a short period of time (the last three decades of the 3rd cent. B.C.), in which Oropians were holding important positions in the administration of the federation. [JM]

225 76) D. KNOEPFLER, “Loi d’Érétrie contre la tyrannie et l’oligarchie”, BCH 126 (2002), p. 149-204: K. completes his study of the two fragments of the Eretrian law against tyranny and oligarchy (Eretria, c. 340 B.C.; cf. EBGR 2001, 97) with the presentation of fr. B 17- 36, a restoration of fr. A, and thorough commentary. According to K.’s restoration of A 7-9, the tyrannicide, if a citizen, was honored with an erection of his statue next to an altar (?) and with prohedria in all the agons of the city. The new fragment (B 25) mentions an Agoraion, which should probably be interpreted as a sanctuary of Zeus Agoraios; in case of an oligarchic revolt the people are urged to occupy the Agoraion, in the section of the city where normally the meetings of the council were held. [AC]

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226 77) V. KONTORINI, “Οἱ σύλλογοι στὴν ἀρχαία Κῶ”, Dodone 12 (2001), p. 5-24 [SEG LI 1048; BE 2002, 319]: K. gives a useful overview of the epigraphic evidence concerning the cult and professional associations in Kos (3rd cent. B.C.-3rd cent. A.D.), their organization and officials (ἐπιμήνιοι, ἱερεῖς, κλειδοῦχοι, ἀρχιερανισταί) and their religious activities (e.g., a κοινὸν τῶν συμπορευομένων παρὰ Δία ῾Υέτιον in Syll.31107). Most of the relevant inscriptions are boundary stones (ὅροι θηκαίων) of associations, but there are also three decrees and a few honorary inscriptions and dedications, which attest c. 45 associations (θίασοι, κοινά, ἔρανοι, σύνοδοι; see the list on p. 20-22). The associations were devoted to the worship of Agathos Daimon, Aphrodite, Aphrodite Eudie, Apollon, Athena, Athena Lindia, Bakchos, Helios, Hera Ourania, Hermes, Poseidon Asphaleios, Zeus Atabyrios, Zeus Hyetios, Zeus Hypsistos, Zeus Soter, Augustus Mercurius, the Egyptian deities, and Astarte. We single out an association of women for the worship of Aphrodite Eudie (Maiuri, NS 495: θίασος ᾿Αφροδίτης τῶν σὺν Τερτίᾳ Αὐδίᾳ Δωροθέᾳ). K. interprets a fragmentary text (Maiuri, NS 492) as a dedication which records the names of sponsors on behalf of a θίασος (θιάσῳ Βακχιαστᾶν τῶν σ[ὺν] Εὐμηλιοδώρωι), and not as the boundary stone of a burial place (p. 7); we note here the interesting theophoric name Eumeliodoros which derives from Eumelios, a Koan patron of livestock. The founder of an association of Hermaistai was the son of a man with the theophoric name Hermaios (PH 156). [AC]

227 78) E. KOSMETATOU, “Remarks on a Delphic Ptolemaic Dynastic Group Monument”, Tyche 17 (2002), p. 103-111: K. argues that the statues of PTOLEMY III Euergetes and his family to Apollon Pythios at Delphi (IG IX.12 202) were dedicated by an Aitolian (Lamios?) as an expression of gratitude towards the king for financially (?) supporting the Aitolian League. [JM]

228 79) E. KOSMETATOU, “The Athenian Inventory Lists: A Review Article”, AC 71 (2002), p. 185-197: In her critical review of the book of D. HARRIS, The Treasures of the Parthenon and Erechtheion, Oxford, 1995 [cf. EBGR 1994/95, 157; 1997, 228], K. focuses on the mention of coins in these inventories (cf. EAD., “A Numismatic Commentary of the Inventory Lists on the Athenian Acropolis”, Rev. Belge de Num. 147 [2001], p. 11-37), on the historical context of a dedication made by Roxane, and on the meaning of several terms: χρυσίδες (gold phialai), ἀργυρίδες (silver phialai), διάλιθος (reference to a semi- precious stone), ὅρμος (necklace with pendants), ὑποδερίς (necklace composed of beads at the base of the throat), περιτραχηλίδιον (cross-bands of a breast-band?), τέτιγξ (ornamental cicada), θυμιατήριον ὑπόξυλον ἀργυροῦν (wooden incense-burner overlaid with silver), καρχήσιον (a specific shape of a drinking cup), βοιότιον (gold Boiotian stater), σημεῖα ἐλεφάντινα (ivory figurines), στρεπτόν (necklace, but also bracelet or ring). [AC]

229 80) Ch. B. KRITZAS, “᾿Αναθηματικὴ ἐπιγραφὴ ἀπὸ τὴ Χερσόνησο”, in Σῆμα Μενελάου Παρλαμᾶ, Iraklio, 2002, p. 267-280: Ed. pr. of a dedicatory inscription from Chersonesos on Crete (2nd cent. A.D.). It reports that Chryson dedicated (καθιέρωσεν) together with his wife and his children the temple of an anonymous deity, together with the cult statue and a porticus (τὸν ναὸν μετὰ τοῦ ἀγάλματος καὶ τῆς στοᾶς), the construction of which he had promised as a φιλοτιμία (munus) during his term as chief magistrate (protokosmos). The dedication was made on behalf of the success and well-being (ὑπὲρ τύχης καὶ σωτηρίας) of an anonymous emperor. [AD]

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230 81) A. ŁAJTAR, “Bemerkungen zu griechischen Inschriften aus Ägypten”, ZPE 140 (2002), p. 99-101: Discussion of theophoric names in an Egyptian inscription of unknown provenience (SB I 5980, 2nd/3rd cent.): Sarapion, Dioskouros, Isidoros, Athenodoros, Ammonios, Anoubion, Apollonios. Because of the name Antinoos (or Philantinoos)Ł. attributes the inscription to Antinoopolis in central Egypt. On a funerary stele for a family from Tenuthis now in the Kestner Museum in Hannover (inv. 1925.225; 2nd cent. A.D.) one recognizes four theophoric names (Herakleia, Herakloun, Hermias, Apollonarion). [JM]

231 82) A. ŁAJTAR, “Eine jüdische Inschrift aus Antiochia in Syrien”, ZPE 140 (2002), p. 101-102 [BE 2003, 559]: The letters Γο ΛΒ next to a menorah depicted on a stone at Antiocheia (BE 1938, 505) were interpreted as a Semitic name, a profession or, a date. According to Ł. Γο is an abbreviation for οὐγκίαι (known from alchemist sources) and λβ is the numeral 32. A small golden object (perhaps the depicted menorah) weighed 32 ounces, or somebody donated 32 ounces of gold for the gilding of a menorah. [JM]

232 83) S.D. LAMBERT, “The Sacrificial Calendar of Athens”, ABSA 97 (2002), p. 353-399: L. offers an invaluable study of the sacrificial calendar of Athens, which was produced in two stages, between 410/9 and 405/4 and 403/2 and 400/399 B.C. The study includes a technical description and a new critical edition of the text, commentary, translation, and brief explanatory notes. Thirteen fragments of white marble can be attributed to the calendar [we adoptthe numbering of L.]. On face A the text is in Ionic script (later stage), on face B in Attic script (earlier stage). Fragments of headings on face A show that the text was arranged in annual and biennial sequences, but there must have existed arrangements for quadrennial festivals and such that took place at longer intervals. Within these sequences sacrifices and other issues are listed in chronological order, month by month and within a month, day by day. In addition to these headings there is a third type of heading which specify the source of authority for the items listed: ἐκ τῶν φυλοβασιλικῶν (“from the tribe-kingly”, e.g. F1A col. 3, l. 6-7), ἐκ τῶν κατὰ μῆνα (“from the by month”, e.g. F3A col. 1, l. 21), ἐκ τῶν μὴ ῥητῆι (“from those on an unspecified day”, e.g. F1A col. 3, l. 24). In his explanatory notes L. lists and discusses briefly the sacrificial animals (sheep, rams, lambs, cows, sows, piglets), the non-animal offerings (barley, wine, olive oil [restored], honey, wood), and the payments made to officiants (payments in kind or in lieu and monetary payments [hierosyna for priestesses and apometra for priests or priestesses]). [JM]

233 84) S.D. LAMBERT, “Parerga I: IG I3 240K, a Fragment of IG I3 1185?”, ZPE 139 (2002), p. 69-71 [BE 2003, 242]: IG I 3 240K does not belong to the sacrificial calendar of Athens (410/9-400/399 B.C.; S. DOW, “Greek Inscriptions”, Hesperia 10 [1941], p. 31-37; “The Walls Inscribed with Nikomakhos’ Law Code”, Hesperia 30 [1961], p. 58-73), but perhaps is part of a funerary monument of the period of the Peloponnesian War (IG I3 1185). [JM]

234 85) S.D. LAMBERT, “Parerga II: The Date of the Nemean Games”, ZPE 139 (2002), p. 72-74 [BE 2003, 242]: After offering a new restoration of l. 10 (instead of [Δ]ιὶ Νε[ανίαι], L. reads [Δ]ιὶ Νε[μέωι]) in a fragment of the sacrificial calendar of Athens as inscribed in the second phase of the work of Nikomachos’ commision (403/2-400/399 B.C.; S. DOW, “Greek Inscriptions”, Hesperia 10 [1941], p. 31-37, fr. F) L. confirms the assumption of P. PERLMAN [EBGR 2000, 154] that the Nemean Games took place in late summer. According to the reconstruction of L. there was a shrine of Zeus Nemeos in Athens at which

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offerings took place in the month Metageitnion on the setting out of the Nemean theoria. [JM]

235 86) S.D. LAMBERT, “Parerga III: The Genesia, Basile and Epops Again”, ZPE 139 (2002), p. 75-82 [BE 2003, 242]: L. relates a part of fragment 1 of the sacrificial calendar of Athens to the Genesia, a hypothesis already proposed by S. DOW in an unpublished paper. In l. 2 the author restores Σε[μνῶν θεῶ]ν, suggesting that the famous procession for the Semnai might have taken place one day before the beginning of the Genesia. According to L., the Genesia could have been a rite celebrated both at the level of polis subgroups and at the level of the city. Analogous to the sacrifice to Erechtheus (l. 5) during the state Genesia, L. suggests that in Erchia a similar sacrifice in honour of the hero Epops took place during the local Genesia. L. links the Erchian sacrifice offered to Basile to the local Genesia. In a brief appendix L. suggests a new resoration of l. 13-14 of Agora XVI 218: πέμψαι εἰς τὴ[ν πομπὴν τῶν | Σεμνῶν θεῶν τὴν ἑ]αυτοῦ θυγατέ[ρα]. [JM]

236 87) H. LAUTER, “„Polybios hat es geweiht...“. Stiftungsinschriften des Polybios und des Philopoimen aus dem neuen Zeus-Heiligtum zu Megalopolis (Griechenland)”, AW 33 (2002), p. 375-386: Three different series of stamped roof tiles bearing inscriptions (2nd cent. B.C.), can be identified as dedications of important personalities of Megalopolis to the sanctuary of Zeus: Philopoimen (Φιλοποίμην Διί), the historian Polybios (῾Ομίλου δαμόσιοι | Πολύβιος ἀνέθηκε; “(from the workshop) of Homilos; public (roof tiles); Polybios dedicated them), and Arsition ([᾿Α]ρ≥ιστίων δα(μόσιοι) ἐπ᾿ ἀγων[ο]|[θέ]ται Θρασέαι; “Aristion (dedicated); public (roof tiles); during the agonothesia of Thraseas). [JM]

237 88) F. LEFÈVRE, Corpus des Inscriptions de Delphes. Tome IV. Documents amphictioniques avec une Note d’architecture par Didier LAROCHE et des Notes d’onomastique par Olivier MASSON, Paris, 2002 [BE 2002, 208]: The new volume of the Delphic corpus presents new critical editions of the documents of the Delphic amphictyony with detailed commentaries. In the short introductory chapters, L. briefly treats the history of the institutions of the Delphic amphictyony (p. 3-4) and the complex problems of chronology (13-30). In a post-scriptum (p. 459-468) he presents a critical review of the book of P. SÁNCHEZ, L’Amphictionie des Pyles et de Delphes. Recherches sur son rôle historique, des origines au IIe siècle de notre ère, Stuttgart, 2001 (cf. EBGR 2001, 163). The inscriptions are presented in a chronological order (4th cent.: 1-11; c. 278-190: 12-102; 2nd-1st cent.: 103-131; Imperial period: 132-169; incerta: p. 385-397). The corpus includes the following groups of texts. Leges sacrae and administrative regulations: The most important text is the amphictyonic lex sacra which contains the oaths of the federation’s magistrates (l. 3-13) and regulations concerning a variety of subjects related to the administration of the amphictyony, the sacred land of Apollon, a ritual bath (?, λῶτις), and the festival of the Pythia (1 = CID I 10, 380 B.C.). To the fragmentary decree or law no 2 (= SEG XLV 469, ca. 400-350 B.C.), which has been summarized in EBGR 1996, 241, L. adds seven new small fragments, which, however, do not contribute to a better understanding of the text. A fragmentary lex sacra (4 = IG II2 1127, ca. 350 B.C.) treats the subject of manslaughter and seizures. Other amphictyonic decrees concern the protection of visitors of the sanctuary and the protection of the sacred land and the mountains from fire (51 = SEG XVIII 243, c. 250-220), prohibit the unauthorized setting up of dedications, the erecting of tents, and the making of fire in the porticus of King Attalos I (85 = LSCG Suppl. 43, late 3rd cent.), and delimitate pasture land for the sacred livestock (108 = LSCG 79, c. 220-217

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B.C.). Several documents (judgments, letters, etc.) stem from disputes between cities with regard to their representation in the amphictyony (Sparta and the Dorians: 110; the Euboian cities: 121-122; Thronion and Skarpheia: 123-126); a fragmentary letter of Licinius also seems to deal with the issue of the amphictyonic votes (105, 186? B.C.). A fragmentary document concerns the creation of the board of treasurers (9 = CID II 74 I, 337 B.C.), another decree appoints Achaion and his son Antagoras as servants (ὑπηρέται) of the amphictyons, giving them the same security as the one guaranteed to the herald of the amphictyons (43, c. 260 B.C.). The longest text is a dossier of documents concerning crimes against the sanctuary (119, ca. 120-115 B.C.); it consists of a fragmentary letter of a Roman magistrate (A), a list of the hieromnemones and the pylagorai (B), the oath of the hieromnemones (C), documents concerning an estimate of the money missing from the sacred revenues and owed to the sanctuary (D, F, G, H, I), a verdict of the amphictyons concerning the borders of the sacred land (E), and a list of objects (J). A letter of a Roman governor informs the amphictyony about Domitian’s decision that the Pythian contest should be performed in accordance with the traditional amphictyonic laws (142). One of the most important documents for the amphictyony in the Imperial period is Hadrian’s letter to Delphi (152, A.D. 125; cf. 152 bis), in which he reforms the rules under which the Pythian contest should take place and passes a judgment concerning the representation of Greek cities in the amphictyony. A letter of Adeimantos to King Demetrios Poliorketes concerns the relations between the king and the amphictyony (11 = SEG XLV 479); a letter of the consul Spurius Postumus recognized the asylia of the Delphic sanctuary (104, 189 B.C.). Two documents concern the associations of Dionysiac technitai: A decree introduces sanctions against members of the association of the Dionysiac artists of Isthmos and Nemea in case of unexcused absence from the trieteric contest for Dionysos Kadmeios in Thebes (71, c. 228-222 B.C.; cf. 72); another document is connected with the dispute between the associations of Dionysiac technitai in Athens and those in Nemea and Isthmos (120, late 2nd cent.; cf. the asylia decrees for the Dionysiac artists in Athens, nos 114-115, and two honorific inscriptions for the Athenian association of Dionysiac technitai, nos 12 and 117). The decrees or laws n os 3, 5, 8, 21 (concerning sacred property), 78 (concerning the house? of the Thebans; cf. EBGR 1990, 73), 80, and 83 are too fragmentary. Other public documents include a fragmentary decree concerning an alliance (?) between Athens and the Aitolians (30), a decree concerning the acceptance of the Attic tetradrachme (127), and a fragmentary decree (?) concerning a judicial procedure (387-388 no B, 4th cent.).

238 Asylia decrees: for the sanctuaries of Athena Itonia in Koroneia (38), Dionysos Kadmeios in Thebes (70; cf. 72), Apollon Ptoios in Akraiphia (76), the Muses (?) in Thebes (77), Athena Nikephoros in Pergamon (107), for the cities of Teos (97) and Antiocheia of the Chrysaoreis (99), and for the Dionysiac artists in Athens (114-115, 134 or 130 B.C.); cf. a decrees concerning the recognition of the festivals of the Ptolemaia in Alexandria (40, 266 or 262 B.C.). Accounts and inventories: An account lists the necessary construction works for the preparation of the Pythia (57, c. 251); a fragmentary inventory (p. 385-387 no A) may be related to the Third Sacred War. Building inscriptions: They record the constructions and repairs of supporting walls (139-140), a fountain (Kassotis?; 141), the house of the Pythia (146), a library (147), the sanctuary of Asklepios (154), and the enigmatic stuctorium (148) from revenues of Apollon. Lists: of Amphictyonic magistrates (16, 29, 34, 36-37),participants in the Soteria (technitai: 31, 42; other participants: 45, 47-48, 53, 55), and victors at the Soteria (61, 67, 73, 75, 79, 84, 94). Honorary inscriptions:

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Most of the amphictyonic documents are honorary decrees and honorific inscriptions. They honor cities (Megalopolis and Messene: 7), boards of hieromnemones (28, 33, p. 389-390 no D) and individual hieromnemones (of Chios: 64-65, 86-93, 101; Athens: 95, 134-135; Thessaly: 106; Magnesia on the Maeander: 100), other persons in the service of the Amphictyony (agonothetes of the Pythia: 156, 163-164; amphiktyon: 145; epimeletes: 165; hierokeryx: 56; hieros pais: 155; hypogrammateus: 46; hyperetes: 52), Roman generals, magistrates, and governors (103, 129, 143, 166, 169), emperors and members of the imperial family (132-133, 136-138, 149-150, 153, 168), a Helladarches (161), a high priestess of the Achaian Koinon (162), individuals from various cities (Aigion: 68; Alexandreia Troas: 63; Argos: 14-15, 20, 27; Athens: 6, 49, 56, 59-60, 62, 112-113, 159-160; Chaironeia: 151, the philosopher Plutarch; Bouttos: 23; Delphi: 167; Kos: 96; Elis: 25; Eretria: 18; Herakleia: 24; Kamarina: 35; Knidos: 25, 26, 130, 131; Lamia: 39, 52; Larisa: 128; Megara: 22; Mylasa: 101, a descendant of Mausolos; Naupaktos: 54; Pellene: 41; Tyrbeion: 23; unclear: 13, 66, 74), the Athenian association of Dionysiac technitai (12, c. 278; 117, c. 121-117 B.C.); nos 32 and 116 are fragmentary. We single out the honorary decree for Aristotle and Kallisthenes for the composition of the list of the victors at the Pythia (10, c. 337-327), for the Koan doctor Philistos (96), for other specialists (scholars and artists), who gave lectures or performed during competitions (kitharode: 49; philosopher: 63; sophist: 157-158; unclear: 17), and for Antiochos III and Laodike (98). A particularly interesting group of decrees honors persons, who denounced the theft of sacred money (14-15, 20, 22-23, 25, 41; c. 277-260 B.C.) and other crimes against the sanctuary (118), as well as a Roman magistrate, who punished persons involved in a sacrilege and in crimes against the sanctuary (169). Among the honorands we also mention persons who engaged in building works and the better performance of festivals. These services include the construction of a road (18 l. 4: τὸν ὁδὸν κεκόμικε τῶι θεῶι), the dedication of a statue of Hermes Enagonios in the Pythian stadion (26), the construction of the κόσμος for Athena Pronaia (39 and 54), and the donation of ten decorated shields for the more glamorous performance of the athletic contest of the Pythia (27). We single out the case of the architect Damon (44), who represents the third generation of architects of the temple belonging to the same family.

239 We remark a few interesting details. The Chremonidean War hindered the meeting of the Amphictyons at Thermopylai (36, c. 266-260), an interesting case in which wars influenced the performance of rituals [cf. L. ROBERT, Études anatoliennes, Paris, 1937, p. 426-429 and A. CHANIOTIS, War in the Hellenistic World: A Social and Cultural History, Oxford, 2005, p. 162]. In the honorary decree for the architect Damon L. draws attention to the expression τὴν ἐπιμέλειαν τῶν ἔργων ἐπο≥[ιήσατο τῶν] | ὑπὸ τοῦ θεοῦ καὶ τῶν ᾿Αμφικτιόνων (l. 3-4): “noter, ici comme dans le no 27, l. 8, la fiction du dialogue avec la divinité, dans lequel les Amphictions ne sont qu’un intermédiaire. Dans le cas présent, y a-t-il une allusion indirecte à un oracle…?” (p. 153). [An oracle giving instructions concerning the construction of the temple is quite probable; cf. I.Milet 935: the builders of a part of the theater asked Apollon whether they should continue the difficult task of building arching vaults, or rather dedicate themselves to another construction (cf. EBGR 1998, 121). The situation in no 27 l. 8 is somewhat different, since it does not imply divination. A man promised the god (ἐπηγγείλατο τῶι θεῶι) to donate shields for the Pythia; he probably announced his promise in a ritual space (in the temple?, in front of Apollon’s statue?)]. In the honorary decrees nos 46, 49, 52, 56, 59-60, and 62-63 one notes the particular type of the crown: δάφνης στεφάνωι τῆς παρὰ τοῦ

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θεοῦ, i.e. a crown made not of any laurel, but from Apollon’s sacred laurel (cf. 102 l. 11: [τῶι τοῦ θεοῦ στεφάνωι δάφν]ας; l. 14-15: τῶι τοῦ θε[οῦ στεφάνωι δάφνας]; 106 l. 40: τῶι τοῦ θεοῦ στεφάνωι); [similarly, the παρὰ τοῦ θεοῦ στέφανος given to a benefactor by the priest of Dionysos in Ilion (EBGR 1999, 201 = SEG XLIX 1753) may be a crown made from ivy cut in a sanctuary of Dionysos]. The particular attention given to crowns is also demonstrated by the request of the Dionysiac technitai of Athens to receive a guarantee of the right of their priests to wear the traditional golden crowns in every city (117 l. 26: [στεφανηφορεῖν το]ὺς πατρίους στεφάνους ἐμ πάσῃ πόλει ὑπὸ μηδενὸς κωλυόμενοι; l. 31-32: [χρ]υσοφορεῖν τοῖς θεοῖς κατὰ πάσας τὰς πόλεις κατὰ τὰ π≥ά≥| [τρια]). [The wearing of crowns and other insignia was subject to permission by the city authorities; e.g., the Athenian hieromnemon Demetrios was allowed to wear the gold crown awarded to him by the amphictyony only during the sacred days of the Pythias (134, A.D. 27 or 31). For insignia of office see A. CHANIOTIS, “Griechische Rituale der Statusänderung und ihre Dynamik”, in M. STEINICKE – S. WEINFURTER (eds), Investitur- und Krönungsrituale, Cologne/Weimar 2005, p. 49-52; for crowns cf. MAMA 406: ἐξεῖναι δὲ αὐτῷ καὶ τοὺς στεφάνους φορεῖν οἷς ἐστεφάνωται ὅταν βούληται]. Several honorary decrees for the hieromnemones of Chios provide for the announcement of the honors in Chios in the theater, during the Dionysia, “when the choruses of the boys are about to compete” (86-88; no reference to the precise moment of the announcement in nos 65 and 89). [One expected a full house during the performance of the choruses of boys (cf. e.g. I.Kyme 13 I); for other examples for distinctions between particular types of crowns and announcements see A. CHANIOTIS, “Theatre Rituals”, in P. WILSON (ed.), The Epigraphy of Greek Theatre, Oxford, forthcoming]. The honorary decrees for the hieromnemones Polyarchides and Leochides (86-87) are illustrative examples of typical duties and activities of the hieromnemones: “he jointly performed (συνετέλεσε) all the rites connected with the sacrifices (τά τε κατὰ τὰς θυσίας) in a beautiful and brilliant manner (καλῶς καὶ λαμπρῶς), demonstrating an unsurpassable love of honor and showing all zeal with regard to piety towards the divinity (οὐδεμίαν ὑπερβολὴν καταλείπων φιλοτιμίας τὰν πᾶσάν τε σπουδὰν ποιούμενος τᾶς εἰς τὸ δαιμόνιον εὐσεβείας); he also took care of the dedications, the altar and all the other objects dedicated by the city of the Chians; and together with his fellow hieromnemones he resolved some of the legal conflicts through arbitration and others through verdict in a just manner and according to the laws (δικαίως καὶ κατὰ τοὺς νόμους)”; [we note here the distinction made between a judgment according to the laws (κατὰ τοὺς νόμους) and according to the feeling of justice (δικαίως); cf. MAMA VIII 410: νομίμως καὶ δικαίως]. The interest in the aesthetic aspects of sacrifice are clear in these decrees (καλῶς καὶ λαμπρῶς; cf. the difference from n o 64: [λαμπρῶς? καὶ] φιλοτίμως; 95: καλῶς καὶ φιλοτίμως; 100: καλῶς καὶ ἐνδόξως). In this context we draw attention to the honorific inscription for an amphictyon who contributed to the performance of the Great Pythia in a solemn manner (145: ὑπὲρ τῆς σεμνότητος τοῦ ἀγῶνος τῶν μεγάλων Πυθίων). No 54 attests the particular privilege σκανὰν ἐμ πυλαίαι (or Πυλαίαι) τὰμ πρώταν (“qu’il bénéficie aussi de la première tente (?) à la pylée (aux Pyles?)”), possibly a prerogative in the distribution of sacrificial meat. The asylia decree for Antiocheia of the Chrysaoreis (99) is a nice example for the reception of the victors in their home town; the ambassador of Antiocheia, Pausimachos, who was also a victor at the Soteria, was honored by the Amphictyones with a crown; this honor was to be publicly announced “in his fatherland, when he presents the crown of the Soteria” (l. 31-32:

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ὅταν εἰσάγηι τὸν τῶν Σωτηρίων στέφανον). The award of a kerykeion sealed with the seal of the amphictyons to benefactors of the amphictyony (14, 27, 41), in order to provide security to these persons in their travels, is relevant for questions of mobility and the reputation of the sanctuary as a warrant of safety. [Cf. the remarks of Ph. GAUTHIER, BE 2002, 208] [AC]

240 89) B. LE GUEN, Les associations de technites dionysiaques à l’époque hellénistique, Nancy, 2001 [SEG LI 2279; BE 2002, 500; 2003, 300]: This is a comprehensive study dedicated to the associations of Dionysiac artists. The first volume of the work presents an overview of research and of the sources as well as an introduction to the corpus of relevant testimonia (p. 9-34). The body of this volume (p. 41-326) consists of a corpus of 78 inscriptions (p. 41-336) and a few literary texts (p. 331-349), presented in critical edition, French translation, and commentary. In addition to the Eretrian law concerning the Dionysia (1), the documents concern the history and activities of the associations in Athens (2-16), Isthmos and Nemea (17-37), Ionia and Hellespontos (38-59), Egypt and Cyprus (60-71), Sicily and Italy (72-77), and Rhodes (78). The second volume presents a systematic survey of this material, in which L.G. discusses the history of the associations (p. 5-40), their organisation (recruitment, membership, officials, salaries, seat, assembly; p. 41-82), their cultic activities (p. 83-93), their finances (p. 95-104), and the professional specialisation of their members (p. 105-132). [Cf. the review of J.R. GREEN, Topoi 11 (2001), p. 809-813, the remarks of S. FOLLET, BE 2003, 300, and the systematic study by S. ANEZIRI, Die Vereine der dionysischen Techniten im Kontext der hellenistischen Gesellschaft. Untersuchungen zur Geschichte, Organisation und Wirkung der hellenistischen Technitenvereine, Stuttgart, 2003]. [AC]

241 90) C. LEHMER – M. WÖRRLE, “Neue Inschriftenfunde aus Aizanoi III: Aizanitica Minora I”, Chiron 32 (2002), p. 571-646 [BE 2003, 506]: Ed. pr. (and in part improved edition) of funerary inscriptions found at Aizanoi and in the Aizanitis (2nd-3rd cent.). In no 1 the deceased person is designated as a ἥρως. No 2 is a bilingual inscription beginning with D(is) M(anibus) resp. Θεοῖς καταχθονίοις. In no 5 Aglaos who erected the altar for his mother Apphion, describes himself as hieros, a designation of an unclear status in the service of Zeus. Two texts (6, 10) mention fines against those who would violate the grave; no 6 is of great interest, because it mentions the confiscation of the entire property of the violator (εἰ δὲ μὴ προ|σανασχήσου|ν τοῖς προγ|εγραμμένοις | τὰ ἐκίνων | εἰς τὸ ταμῖον). N o 10 (= MAMA IX 134) also mentions the person who would take care of the funerary altar. We also note a funerary imprecation (63) with the common formula ὃς ἂν ποσάξει χεῖρα τὴν δυσδαίμονα, οὕτως ἀώροις περ[ιπ]έσοιτο συνφοραῖς [cf. the remarks of C. BRIXHE, BE 2003, 506]. [JM]

242 91) G. MADDOLI, “Nuovi testi da Iasos”, PP 56 (2001), p. 15-32 [BE 2002, 388]: Ed. pr. of three fragments of an epidosis list which records contributions made for the organization of the Dionysia (Iasos, 2nd cent.) [for the Iasian epidosis lists for the Dionysia see I.Iasos 160-218; EBGR 1993/94, 161; 1995, 87]. The donors include agonothetai (B2-3), a stephanephoros (B2), and choregoi (B2-3). A decree (A, c. 200 B.C.) [SEG LI 1506] mentions the neopoiai as the magistrates responsible for inscribing an older decree on the frame of a door or a window of the archeion prostatikon (i.e., the seat of the prostatai). For the chronology see infra no 103. [AC]

243 92) H. MAEHLER, “Bakchylides and the Polyzalos Inscription”, ZPE 139 (2002), p. 19-21 [BE 2003, 340]: M. argues that the original dedicatory inscription of the famous bronze statue of the charioteer at Delphi commemorated a chariot victory of Hieron in 482 or

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478 B.C., while he was a ruler of Gela ([νικάσας ῾Ιέρων μ᾿ ὁ Γ]έλας ἀνέθεκεν ἀνάσσ[ον]). A later text ([νικάσας ἵπποισι Π]ολύζαλος μ᾿ ἀνέθηκεν), inscribed with the approval of the Amphictyons, transferred the commemoratory inscription to Hieron’s brother Polyzalos. [JM]

244 93) A. MAFFI, “La lex sacra di Selinunte e la purificazione dell’omicida”, in E. CANTARELLA – G. THÜR (eds), Symposion 1997. Vorträge zur griechischen und hellenistischen Rechtsgeschichte (Altafiumara, 8-14 September 1997), Cologne/Weimar/Vienna, 2001, p. 209-214: M. argues that the lex sacra of Selinous, which concerns purifications [SEG XLIII 630; cf. EBGR 1996, 45; 1998, 93; 2000, 28] is not an internal regulation of a sanctuary or a norm of a strictly religious character, but a city law. The text of B 1-7 refers to the purification of persons from manslaughter. A comparison with πρόρρησις in Athens (cf. DEMOSTH., c. Lept. 158) suggests that the procedure introduced with the participle προειπών (B 2) refers to an announcement made by a representative of the victim’s relatives, who has agreed with the exiled homicide to open the procedure of pardon and reconciliation. [AC]

245 94) A. MAGNELLI, “Iscrizioni”, in A. DI VITA (ed.), Gortina V.3. Lo scavo del Pretorio (1989-1995). T. II. I materiali, Padova, 2001, p. 626-654[SEG LI 1136-1140]: Ed. pr. of the inscriptions found in the so-called “Pretorio” of Gortyn (Crete), which in an early phase was a gymnasium complex. These texts include a series of honorary inscriptions for athletes, which provide new evidence for the agon of the Cretan Koinon (c. A.D. 100-150). The pankratiast Diogenes (11) was a periodonikes and winner of the pentaeteric agon of the Cretan Koinon (ἱερὸς πενταετηρικὸς ἀγὼν τοῦ κοινοῦ τῶν Κρητῶν) . An anonymous athlete (12) was winner of the Olympia in Smyrna and possibly the Sebasta Nemea. Two further pankratiasts, winners of the periodos, remain anonymous (13-14). [AC]

246 95) A. MAGNELLI, “Un’inedita dedica a Hermes da Gortina (Creta)”, in S. BIANCHETTI (ed.), ΠΟΙΚΙΛΜΑ. Studi in onore di Michele R. Cataudella in occasione del 60o compleano, La Spezia, 2001, p. 679-685 [SEG LI 1141]: Ed. pr. of an inscribed base dedicated by an agoranomos, after his term in office, to Hermes Polykarpos (Gortyn, c. 100-50 B.C.). M. discusses the perception of Hermes as the patron of the agora and of fertility. [AC]

247 96) I.A. MAKAROV, “From the History of Religious Cults in Tauric Chersonesus”, ACSS 8 (2002), p. 189-198: English version of the article summarized in EBGR 2001, 117. [AC]

248 97) P. MARCHETTI, “En relisant les comptes de Delphes autour de l’archonte Palaios”, BCH 126 (2002), p. 59-72: After autopsy of the stone, M. excludes the restoration Παλαίου as name of the archon in a Delphic account of naopoioi (CID II 56 I A 7; 338/7 B.C.). According to M., the accounts of the treasurers CID II 77 and CID II 75 belong together and date to the very beginning of the archontate of Dion (autumn 336 B.C.). [JM]

249 98) C. MAREK, “Die Phylen von Klaudiupolis, die Geschichte der Stadt und die Topographie Ostbithyniens”, MH 59 (2002), p. 31-50: A new honorific inscription for Septimius Severus (Bithynion/Klaoudioupolis in Bithynia, A.D. 198), set up by the archontes of the phylai, gives the names of the city’s twelve tribes. Half of them derive their names from names of gods (Apollonis, Asklepias, Demetrias, Dia, Dionysias, Hermesias), the other half are directly or indirectly related to emperors (Sebaste, Traianis, Hadrianis, Antinois, Antonine, Aureliane). Because of the mention of a gymnasiarchos (l. 15: γυ.) M. suggests that the statue base was dedicated in the theater on the occasion of a festival. In this context M. discusses the evidence for the names of tribes in Prousias ad Hypium (Iuliane, Sebastene, Germanike, Tiberiane, Hadriane, Sabiniane, Antoniane, Faustiniane, Megaris, Thebais, Prousias, Dionysias); one observes

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the absence of names related to prehellenistic elements (e.g., Baradendromianoi and Petrozetoi in Nikomedeia). One may assume that originally all the tribes’ names in Bithynion/Klaoudioupolis derived from theonyms, but some of them were later replaced by imperial names. The lack of a tribe named after Claudius is surprising; the tribe Antinois honored Antinoos, a native of Bithynion and Hadrian’s lover, after his deification. A comparison of the honors awarded to Antinoos in Antinoopolis in Egypt, in Bithynion, and in Mantineia, shows that they included the same elements: temple, mystery cult, agon; a tribe in Antinoopolis had the name Oseirantinoeioi. M. briefly discusses the mythical ancestry between the Arkadians and the Bithynians. [AC]

250 99) G. MARGINESU, “Λέσχε in una iscrizione funeraria da Camiro (DGEEP 273)”, AION arch. 8 (2001), p. 135-138 [SEG LI 1020]: The peculiar feature of an epitaph in Kamiros (IG XII.1, 709 = Tit.Cam. 160, ca. 550-500 B.C.) is the designation of the monument as a λέσχη and the reference to the genealogy of Euthytidas (three generations). M. argues that the term λέσχη is related to the public role of the grave monument as a meeting place of the family members, as the center of the memory of the family, which was structured around genealogies; it may also be related with the notion of afterlife as an eternal symposion. [AC]

251 100) G. MARGINESU, “Due frammenti di iscrizioni vascolari dal santuario sull’acropoli di Gortina”, ZPE 140 (2002), p. 67-70: Ed. pr. of two graffiti on sherds from the acropolis of Gortyn (late 7th/early 6th cent. B.C.). On the first fragment M. suggests reading the name of the dedicant, on the second he tentatively recognizes a dedication to Despoina (l. 2: [- – ]π≥οινα≥[- -]). [JM]

252 101) Th. MARKSTEINER – M. WÖRRLE, “Ein Altar für Kaiser Claudius auf dem Bonda tepesi zwischen Myra und Limyra”, Chiron 32 (2002), p. 545-569: Ed. pr. of the dedicatory inscription on a monumental altar dedicated by the Lykian Koinon for emperor Claudius (Kaklık in Lykia, A.D. 45/6). The dedication was made in gratitude for the peace and for the construction of roads, probably financed by the Lykians themselves (l. 6-7: Λύ≥κ≥ιοι φιλο≥καίσαρες κ≥αὶ φιλ[ο]|ρώμαιοι εὐ[χ]αριστ≥οῦντ≥ε≥ς≥ | περὶ τῆ≥ς≥ ε≥ἰ≥ρ≥ή≥[ν]ης≥ καὶ περὶ τῆς κα|τ≥α≥[σκευ]ῆ≥ς≥ τῶν ὁδῶν). [JM] 253 102) A. MARTÍNEZ-FERNÁNDEZ – V. NINIOÚ-KINDELÍ, “Inscripciones del Heroon de Aptera (Creta)”, ZPE 138 (2002), p. 270-272 [BE 2003, 423]: Ed. pr. of five inscriptions found during excavations at a precinct near the principal gate of Aptera (Crete). The precinct seems to have been used as a heroon from the Classical period to the 7th cent. A.D. All inscriptions date to the 2nd cent. A.D. and attest the honorific title of ἥρως given to private persons by the city. Only one text is complete (1): ἡ πόλις | Πραξίοχον | Φιλεταίρου | ἥρωα [“the city (honored/erected the statue of) Praxiochos, the son of Philetairos, a hero”; on the cults of Aptera see also infra no 137, p. 261-267]. [JM]

254 103) N. MAURIZI, “A proposito dei nuovi testi di coregia da Iasos”, PP 56 (2001), p. 42-68: Discussion of the chronology of the new choregic documents presented in supra no 91. [AC]

255 104) E. MIRANDA, “Due famiglie di ἀρχιερεῖς ᾿Ασίας dalla Frigia”, MedAnt 5.1 (2002), p. 39-48: M. discusses the career of two elite families of Roman origin in Phrygia, the members of which served as high priests of the emperor cult in Asia. M. Claudius Valerianus from Eumeneia and his wife Claudia Terentulla occupied the high priesthood of Asia in c. 84-96; M. Claudius Valerianus Terentullianus (MAMA IV 336; SEG XXVIII 1115-1116), high priest after c. A.D. 132, must have been their son. His nephew

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(?), M. Flavius Valerianus Terentullianus, who also served as high priest of Asia, was honored by P. Aebutius Flaccus, as a new inscription from Hierapolis shows. The new inscription associates the family of Eumeneia with the family of the Aebutii of Hierapolis. P. Aebutius Flaccus can be identified with Aebutius Flaccus, high priest at Kyzikos (IGR IV 153, c. A.D. 100-150). He is one of the ancestors of Aebutius Flaccus Apphianos, known as a descendant of archiereis Asias from an unpublished inscription of Hierapolis under the Tetrarchy. The priesthood of Aebutius Flaccus in Kyzikos confirms the assumption that the archiereis of Asia did not always exercized this function in their own conventus. [AC]

256 105) H. MÜLLER – M. WÖRRLE, “Ein Verein im Hinterland Pergamons zur Zeit Eumenes’ II.”, Chiron 32 (2002), p. 191-235 [BE 2003, 437]: Ed. pr. of an inscription (168-164 B.C.) found in 1969 in the Kaikos valley. The text on the two sides of the stone regulates ritual and financial issues of an unspecified association (Attalistai?). The first five fragmentary lines of the front side seem to regulate sacrificial matters (cf. the term σπλαγχ≥νίτας in A 3). The following lines (A 6-15) refer to the award of crowns to the deified King Attalos I and his wife Apollonis, living members of the royal family, high officials of Pergamon (among them the archiereus for the cult of the Attalids), the priest and the hieronomos of the association (A 10: ἱερεῖ τῆς συνόδου; A 11: ἱερονόμωι) by the archepimenioi (= hieropoioi) of the association. The rest of the text on the front side refers to financial issues. The back side is much more mutilated; one recognizes a reference to a contest (B 6: τοὺς τιθεμένους ἀγῶνας≥) and to a dedication or rather a sacrifice to Zeus Tropaios (B 25: [---] τῶι Διὶ τῶι Τροπαίωι). For B 20 W. proposes the restoration [--] π≥ε≥ρ≥ὶ Αρκ≥ιδ≥οας τοῦ Διός; Αρκ≥ιδ≥οαι may be an epichoric toponym designating a sanctuary or an estate belonging to Zeus (Tropaios?) [cf. the remarks of Ph. GAUTHIER, BE 2003, 437]. [JM]

257 106) D. MUSTI, “Nuove riflessioni sui Nikephoria pergameni e Diodoro Pasparo”, RFIC 127 (1999), p. 325-333 [BE 2002, 351]: M. defends his view on the trieteric character of the Nikephoria of Pergamon [cf. EBGR 1999, 32 and 169; 2000, 90] and on the historical context of the activities of Diodoros Pasparos (during the Aristonikos War) [cf. infra no 107 and the remarks of Ph. GAUTHIER, BE 2002, 351]. [AC]

258 107) D. MUSTI, “Un bilancio sulla questione dei Nikephoria di Pergamo”, RFIC 128 (2000), p. 257-298 [SEG XXXIX 1770]: Critical review of recent publications on the periodicity of the Nikephoria of Pergamon (trieteric according to M., pentaeteric according to C.P. JONES and others) [cf. supra no 106]. [AC]

259 108) M. NAFISSI, “L’iscrizione di Laodice (IvIasos 4). Revisione del testo e nuove osservazioni”, PP 56 (2001), p. 101-146 [ BE 2002, 390]: N. presents a substantially improved edition of the honorary decree for Queen Laodike, the wife of Antiochos III, and an excellent commentary (I.Iasos 4; Iasos, c. 196 B.C.). The most interesting aspects of the text are the modification of the rituals which accompanied the inauguration of magistrates in their office and the introduction of new rituals in honor of Laodike. N. plausibly associates the perception of king Antiochos III as “guardian” of the city with the new ritual of the delivery of the keys by the strategoi to their successors; this ritual took place near the altar for Antiochos III; after the new strategoi received the keys of the city, they performed a sacrifice to the king and to the other divine patrons of the city (l. 12-13: καὶ τοῖς ἄ[λλοις πᾶσιν κοι]|νοῖς τῆς πόλεως θεοῖς) on this altar. According to his restorations, a virgin was to be elected as the priestess of Laodike; she was allowed to serve only for one term. The honors for Laodike included a procession

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lead by the priestess on the queen’s birthday (15 Aphrodision) under the participation of all the priests and priestesses, the brides and the bridegrooms, who were to offer a sacrifice to Laodike, and the virgins who were to get married in the rest of the month (?). N. suggests that the virgins made as a pre-marital offering (aparche; cf. proteleia gamou) a hair offering (l. 30: ἀπαρ[χέσθωσαν αὐτῆι τῆς κόμης]). [AC] 260 109) F. NTASIOS, “᾿Αντίκυρα”, AD 52 B2 (1997) [2003], p. 450-451 [SEG LI 637]: A dedication to Artemis Eleithyia ([᾿Αρτά]μιτι ᾿Ελειθύαι) found at Antikyra (3rd/2nd cent.;SEG XLIX 567) was already presented in EBGR 2000, 135. N. provides information on the site, where the inscription was found, and presents an improved text. N. points out that PAUSANIAS (X 37,1) mentions a sanctuary of Artemis located on the peninsula of Kephale; two inscriptions (IG IX.1, 5 and an unpublished one) mention priestesses of Artemis Diktynnaia. [AC]

261 110) J.P. OLESON – M.B. REEVES – B.J. FISCHER, “New Dedicatory Inscriptions from Humayma (Ancient Hawara), Jordan”, ZPE 140 (2002), p. 103-121: Ed. pr. of three dedications found in the Nabataean settlement of Hawara in the Hisma of Southern Jordan; they are probably connected with the Roman garrison at Hawara. The monuments are an altar dedicated to Zeus Megistos Kapitolios (1, 2nd-3rd cent.), a statue base dedicated to an unknown divinity (2, 2nd cent. A.D.), and a column dedicated to Zeus Sarapis in expression of gratitude (ὑπὲρ | εὐχαριcτί|ας; 5, late 2nd/3rd cent.). [JM] 262 111) G. PACI, “La grande stele delle sacerdotesse di Era dall’agorà di Cirene”, Quaderni di Archeologia della Libya 16 (2002), p. 271-284: New critical edition of the list of the priestesses of Hera (Kyrene, 1st/2nd cent.; SEG IX 182) and discussion of its chronology. [AC]

263 112) D. PANDERMALIS, “New Discoveries at Dion”, in M. STAMATOPOULOU – M. YEROULANOU (eds), Excavating Classical Culture. Recent Archaeological Discoveries in Greece (BAR Int.Series 1031), Oxford, 2002, p. 99-107: P. discusses briefly a dedication on the abacus of a Doric capital (Dion, 170-168 B.C.) [SEG XLIX 697; EBGR 1999, 179]. The cult association of the Mousaistai dedicated to the Muses and Dionysos a statue in honor of king Perseus for his benefactions towards the association and for his piety towards the gods (l. 5-6: καὶ εὐσεβεία[ς] | τῆς πρὸς τοὺς θεούς). [JM] 264 113) I.A. PAPAGGELOS, “Κατασκευὴ ναοῦ Διὸς ῾Υψίστου”, Tekmeria 7 (2002), p. 163-165: Ed. pr. of an inscription which records the construction and dedication of a temple of Zeus Hypsistos (Διὶ ῾Υψίστῳ τὸν ναὸν ἐκ θεμε|λίων κατασκεύασαν ἐκ τῶν ἰδί|ων) at the expenses of Zoilos and his wife Kratisto, citizens of Antiocheia (Thessalonike?, 2nd-3rd cent. A.D.). [JM]

265 114) R. PARKER, “A New Euphemism for Death in a Manumission Inscription from Chaironeia”, ZPE 139 (2002), p. 66-68 [BE 2003, 331]: P. shows that the obligation of manumitted slaves in a manumission record from Chaironeia (P. ROESCH – J. M. FOSSEY, “Neuf actes d’affranchissement de Chéronée”, ZPE 29 [1978], p. 129-131, no 6, late 3rd/ early 2nd cent.) is not connected with honours for a goddess, but with the fulfillment of funerary and other commemorative rites for the former owners. The relevant clause reads: ἐπὶ δέ κα ἀμφέπωνθι τὰν ἰδίαν Μνάσων κὴ Καλλίς, ποίσονθι αὐτῦς τὰ νομιδδόμενα τὴ προερρειμένη (nominative feminine plural, not dative feminine singular as in the ed. pr.) ἁ πόλις νομίδδει κοινῆ (“when Mnason and Kallis die, the aforementioned women will together perform for them [not for an unnamed goddess] the customary rites which are the custom of the city”). [JM]

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266 115) A. PASQUIER, Revue du Louvre 50.2 (2000), p. 90 (ph.): P. briefly presents an important new acquisition of the Louvre. It is the upper part of a bronze pedimental stele; the middle of the pediment is decorated with a relief bust of Hadrian (Naryx, A.D. 138). The stele contains a letter of Hadrian, with which the emperor allays the fear of the Narykeans that one might doubt their right to the status of a πόλις. [P. does not present the text, which can be read on the photo (see SEG LI 641)]. D. JAILLARD (supra no 66) presents a few lines of the letter (l. 16-20: ἐμνήσθησαν δὲ ὑμῶν καὶ ποιηταί τινες τῶν ἐνλογιμωτάτων καὶ ῾Ρωμαῖοι καὶ ῞Ελληνες· ὡς Ναρυκείων ὀνομάζουσι δὲ καὶ τῶν ἡρώων τινας ἐκ τῆς πόλεως τῆς ὑμετέρας ὁρμηθέντας), pointing out that this text confirms the reading ἀπὸ Νά<ρυ>κος in CALLIMACHUS, fr. 35. The text alludes to the Lokrian Aias (cf. also OVID, met. 8.312 and 14.468). [One should perhaps place the punctuation after Ναρυκείων: “and some of the most famous poets, both Romans and Greeks, have mentioned you as Narykeians; and they explicitly name some of the heroes as originating in your city”. As evidence for the polis status of Naryx the emperor, who certainly summarizes the arguments of the envoys of Naryx, mentions inter alia the participation of Naryx in the Delphic Amphictyony (l. 10-11: εἰς τὸ κοινὸν τῶν ᾿Αμφικτυόνων συντελεῖτε) and in the Panhellenion (l. 12-13: Πανέλληνα αἱρεῖσθε καὶ θεηκόλον πέμπετε), as well as the existence of a council, an assembly, priests, and Greek tribes]. [AC]

267 116) J.-L. PERPILLOU, “Animaux d’un an”, RPh 76 (2002), p. 233-241: The adjective πρατήνιος/πρητήνιος is known from two cult regulations in Kamiros (LSCG Suppl. 94, 3rd cent.; LSCG Suppl. 104, 1st cent.), which stipulate the sacrifice of a κριός and a τράγος πρατήνιος respectively; it is also explained by PHOTIOS (s.v. προτήνιος), Hesychios (s.v. ἐπιπρήτην, πρητῆνας, πρατήνιον), and Eustathios (1625.35, πρητῆνες). It refers to yearling animals, the sacrifice of which is often mentioned in leges sacrae. P. discusses

the etymology of the word (from *h1en- = year). [Cf. ID., RPh 75 (2001), 152]. [AC] 268 117) U. PESCHLOW – A. PESCHLOW-BINDOKAT – M. WÖRRLE, “Die Sammlung Turan Beler in Kumbaba bei Sile (II). Antike und byzantinische Denkmäler von der bithynischen Schwarzmeerküste”, MDAI(I) 52 (2002), p. 429-522: Ed. pr. of inscribed objects in the collection of Turan Beler in Kumbaba (Bithynian Chersonesos). The most interesting text is a funerary altar (117, late Imperial period) inscribed on all four sides and set up by Sosios for himself and his wife Eia on the estate where his funerary monument (ἡρώνειον) was built. The text on side B is a funerary foundation delimitating an estate for the person who would perform the rites of the grave cult for Sosios and Eia (ὁ παρακα(ί)ων, i.e., the person who would perfom the rites of parentalia and rosalia, which were introduced to Bithynia under Roman influence); the text ends with a greeting to those who would address the grave with respect (χαίρετε οἱ εὐσεβοῦντες). Sides C and D contain a funerary imprecation: καὶ ἐνεύχο|με τὸν Δία≥, ῞Η≥|λιον, Γῆν κὲ | Οὐρανὸν μη≥|δεὶς τῶν ὑπὸ ἐ≥|μοῦ εἰς λίθον | γεγραμένων με|ταχαράξει· τίς | τῶν ὑπὸ ἐμοῦ δ[ι]| ατεταγμένων | μ≥ὴ ποιήσει ἢ τὰ ἐ|[μ]ὰ τέκνα τίς ἀδίκω[ς] | [ἐ]π≥η≥ριάσ≥ε≥ι ἢ ἀδίκως τ≥ι≥ ἐ≥|π≥είγῃ ἐμοῖ≥ τ≥ρ≥όπον τ≥[ι]|ν≥ά,≥ οὐρανὸς, γῆ, θάλαττα≥ | καρπὸν αὐτῷ μὴ ἐνέ[γ]|καιτο, ὄλοιτο ὤλη παν|ώ≥λ≥η πανσπερμ≥εί· ὧν μά[ρ]|τυρας τιθῶ Γῆν, Οὐρανὸ[ν], ῞Ηλιον, Σελήνην, θεοὺ[ς] | πάντα[ς], ὧν κολά≥σ≥ε≥ων τύχοι | ὁ παρὰ τοῦτο ποίσας (“and I demand in the name of Zeus, Helios, Ge, and Ouranos that nobody changes what I have writenn on this stone. If somebody does not fulfill my arrangements or harasses unfairly my children or in any way undertakes something

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unfair against me, then neither the sky nor the earth nor the sea shall bear him any fruits, and he both he and his descendants shall perish. For this my witnesses are Ge, Ouranos, Helios, and Selene and all the gods; whoever acts agaist this will be subject to their punishment”). A small altar was dedicated by Talaris to Bendis upon divine command (122, Imperial period: Τ≥αλάρις Δα≥---|εος ἀνέθ≥[ηκεν] | μηνὸς Δί[ου Βεν]| δίδει .Λ≥ ---| κατὰ ἐπ≥[ιτα]|γὴν δῶρ≥[ον]). We note references to months: Areios (117), Dios (122), and Heraios (130). [JM]

269 118) V. Ch. PETRAKOS, “4. Μεσσήνη”, Ergon 2002, p. 27-35: P. mentions an inscription found near the doric temple next to the fountain of Arsinoe during the excavations of P. THEMELIS at Messene. The text reads Διὶ Σωτῆρι and permits a possible identification of the divinity honored in the temple with Zeus Soter. [The cult of Zeus Soter was already attested in Messene (IG V 1, 1440, 1st cent. A.D.). PAUSANIAS (IV, 31, 6) refers only to a statue of Zeus Soter near the fountain of Arsinoe at the agora of the city]. [JM]

270 119) G. PETZL, “Neue Inschriften aus Lydien (IV). Kulturbeflissenes Nordostlydien”, EA 34 (2002), p. 94-102 [BE 2003, 464]: Ed. pr. of a very interesting epitaph from northeast Lydia (3, A.D. 226). Living and deceaced members of the family of Diogenes and Secunda honor them posthumously with the erection of a stele; deceased members of the family (κὲ οἱ προ|άξαντες ὑπὸ ζόφον εἰ|ερόνεντα· Αὐρ(ήλιος) Διογένης | ὁ μακαρίτης κὲ Αὐρ(ήλιος) Καλαν|δίων ὁ πᾶσι φίλος) are included among the honorands probably because they had contributed to the erection of the funerary monument; the deceased couple is described as “joined with the bonds (of marriage) through a decision of Kronion” ([τ]οὺς ζευχθέντας ἐκ | βουλῆς Κρονίωνος) [perhaps a reference to an oracle of Zeus which recommended this marriage]. [AC]

271 120) P. PILHOFER, Philippi. Band I. Die erste christliche Gemeinde Europas, Tübingen, 1995: The first volume of an important synthesis dedicated to the history of Philippi in the first two centuries A.D. places the Christian textual evidence (especially the letters of Paul and Polykarpos and the History of the Apostles) against the background of the inscriptions. Ample use of the epigraphic evidence is made for the study of the cults in the early Imperial period (p. 92-113, 182-188). We single out the discussion of the cult of ῞Ηρως Αὐλωνείτης, the public character of the cult and its procuratores (p. 93-100), the worship of Dionysos (p. 100-107) and Silvanus (p. 108-112), and the character of the cult of Theos Hypsistos as a local cult and not the result of Jewish influence (p. 182-188), the Jewish community (p. 231-234), and the first Christians (p. 240-245) [cf. supra no 13 and infra nos 121-122 and 148]. [AC]

272 121) P. PILHOFER, Philippi. II. Katalog der Inschriften von Philippi, Tübingen, 2000 [SEG L 604, 617]: In the second volume of his work, P. presents a corpus of the published inscriptions of Philippi and its territory [but also of neighboring areas, which have never been part of the territory of Philippi; see the critical remarks of M. B. HATZOPOULOS, BE 2001, 304, M. SÈVE, An.Ép. 2000 [2003], no 1323, J. BARTELS, BZ 95 (2002), 710-711, and SEG L 617]. The inscriptions attest inter alia the cult of Thea Almopia (602) [cf. SEG L 618], Apollon (191, 359), Apollon Komaios, (246), Artemis (246), Artemis Opitais (18), Botrys Dionysos (535), Dionysos (499, 501, 501a/b, 501d), Dionysos [---]oios (417), Heros (623, 626, 626a), Heros Epekoos (618), Heros Aulonites (580, 619, 624/625; cf. 622: Theos Heros Auloneites), Theos Hypogaios (92), Meter Theon (468), Nemesis Aneiketos (142-144), Pan (545), Plouton (527), Poseidon (509a, kyrios), Zeus (568b), the Egyptian gods (12, 190), and the ruler cult of Philip V (568). The Archaic and Classical inscriptions found in Kavala (ancient Neapolis; 1-20, 22-24, 26-30) include a dedication

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to Parthenos (6, 5th/4th cent.) and sherds of vases found in the sanctuary of Parthenos (7-16, 6th-4th cent.). An undated seal (17) names the same goddess (17). We single out only very few interesting texts. Funerary cult: Several inscriptions mention the performance of the rites of rosalia and parentalia, under Roman influence. A woman bequeathed 150 denarii to the Καλπαπουρεῖται for the performance of the rosalia (29: παρα|καύσουσιν δὲ ‘παξ | τοῦ ἔτους ῥόδοις; 2nd cent. A.D.; cf. 597). Another woman fulfilled the will of her husband and gave money to a cult association (133 l. 14-15: συνποσίῳ θεοῦ Σουρεγέθου | πρὸς τὴν ἀγορὰν παρὰ τὸ ὡρο|[λ]όγιν; 2nd/3rd cent.) for the performance of the rosalia (l. 17: [π]αρακαύσωσιν κατὰ ῥόδοις; cf. 636: παρακαύσωσίν μοι παρενταλίοις) [on these texts and on the cult of Σουρεγέθης see SEG XLV 862; for ῥοδισμός cf. SEG XLIX 1788]). An epitaph mentions the payment of fines to the Jewish synagogue (387 A) [for this text cf. SEG XVLIII 837]. Dedications: A νεωκόρος dedicated a κρεοφυλάκιον to Parthenos (5; 2nd/1st cent.; ‘das Gebäude des Tempels, in welchem dasjenige Fleisch der Opfer aufbewahrt wird, welches zur Ernährung der Priester ausgesondert war’). Cult associations: A Dionysiac association (οἱ περεὶ ῾Ροῦφον Ζείπα μύσται) honored the mystarches (535); another (or the same) association (597: μύσται Διονύσου) was recipient of an amount bequeathed by a man. [AC] 273 122) M.-D. PONCIN, “Les prêtrises publiques dans la colonie de Philippes”, CGG 12 (2001), p. 229-252: P. studies the public priesthoods in the Roman colony of Philippi (pontifex, flamines, sacerdos Divae Augustae, seviri Augustales, priests of the imperial cult, augures), on the basis of the Latin inscriptions of the city. [AC]

274 123) A. RAMMOU, “Σπάρτη”, AD 52 B1 (1997) [2002], p. 186-190 [BE 2003, 136]: A mosaic discovered in a bath in Sparta is decorated with representations of crowns and inscriptions which record victories at the following agons: Didymia [in Miletos], Olympia, Eurykleia [in Sparta, cf. SEG XXXVI 1090], Kaisareia, Kornelia, Pythia, and Isthmia (late 3rd/early 4th cent.). [AC]

275 124) Chr. RIEDWEG, “Poésie orphique et rituel initiatique. Éléments d’un « Discours sacré » dans les lamelles d’or”, RHR 219.4 (2002), p. 459-481: The texts on the ‘Orphic’ lamellae show a mixture of metrical lines and rhythmical prose; e.g., in the text from Pelinna (SEG XXXVII 497) three phrases in rythmical prose (l. 3-5) appear between the dactylic verses in lines 1-2 and 6-7. This change in form correlates to a change in content, the dactylic verses containing a narrative section, the prosaic phrases commemorating a ritual performance (during the initiation or the funeral). Based on this observation, which applies in a different measure to all the texts – except for the text of the group C from Timpone Grande [see supra no 8] –, R. argues that the prosaic text are an adaptation of the poetical narrative, serving as a kind of a libretto for the performance of the rituals during the initiation. He plausibly reconstructs the sequence of the texts in the original poem (hieros logos), in which a person (Orpheus?) gave instructions to the initiates for their journey to the underworld: death and the katabasis of the soul, description of the topography in the palace of Hades, meeting with Persephone and other gods, exchange of oral symbola, allusion to the condition of the Blessed, final exhortation of the initiate. [We did not have access to two new corpora of the ‘Orphic’ texts: A. BERNABÉ – A.I. JIMÉNEZ SAN CRISTOBÁL, Instrucciones para el más allá. Las laminillas órficas de oro, Madrid, 2001; G. PUGLIESE CARRATELLI, Le lamine d’oro orfiche. Istruzioni per il viaggio oltremondano degli iniziati greci, Milano, 2001; see also W. BURKERT, “Die neuen orphischen Texte: Fragmente, Varianten, ‘Sitz im Leben’”, in W.

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BURKERT – L. GENTILLI MARCIANO – E. MATELLI – L. ORELLI (eds), Fragmentsammlungen philosophischer Texte der Antike, Göttingen, 1998]. [AC]

276 125) K.J. RIGSBY, “A Greek Inscription from Troia, 2001”, Studia Troica 12 (2002), p. 275-277: Ed. pr. of a fragmentary decree of Antiocheia (= Alabanda in Karia) found in Ilion, with which judges from Ilion are honoured (Ilion, 3rd cent.). According to R.’s plausible restoration, the text mentions the agon of the Dionysia and the sanctuary of Apollon (Isotimos) in Antiocheia/Alabanda. [JM]

277 126) T. RITTI, “Un decreto onorario di Hierapolis per Tiberius Iulius Myndios”, Mediterraneo Antico 4 (2001), p. 489-555 [SEG LI 1783]: Ed. pr. of a very interesting honorary decree for the local benefactor Tib. Iulius Myndios, who made a foundation in order to promote the cult of Zeus in Hierapolis (c. A.D. 117-138). Myndios, who served as an envoy to Hadrian in A.D. 117, is known from a (possibly earlier) dedicatory inscription from the theater of Hierapolis (SEG XLI 1200), of which R. presents (p. 495) an improved, but still preliminary text. Together with his wife Glykonis, priestess of the Dodekatheon, Myndios dedicated to Zeus Olympios, the Theoi Patrioi, the emperor Hadrian, the imperial family, and the Demos a construction and facilities pertaining to the cult of the Twelve Gods (τὸ ἔργον κα[ὶ τὸ Δ]ωδεκάθ[εον?] ... κατασκευάσας ἐ[κ τῶν ἰδίων τὸν ναὸν? σὺν τοῖς ἀγάλμασιν? καὶ τὰ ἄ]λλα ἐν αὐτῷ ἱερά ἀπὸ τῆς ἰδίας προαιρέσεως συνκαθ[ιέρωσε]) [perhaps [καὶ τὸν ναὸν? καὶ – - – καὶ τὰ ἄ]λλα); the Dodekatheon mentioned after the ἔργον possibly is not a cult building, but a group of statues of the Twelve Gods in the theater]. The interest of Myndios for the cult of Zeus may be related to the promotion of this cult under Hadrian, who in A.D. 128 was awarded the title Olympios. The agon of the Olympia in Hierapolis may be related to the promotion of Zeus Olympios under Hadrian (p. 533). The new inscription, of which R. presents a thorough commentary, honors Myndios, now a priest of Zeus (l. 17: τὸν ἱερέα), for providing the funds for the offering of a sacrifice to Zeus (l. 1-14). The sacrifice was to be offered by Myndios together with 30 councillors determined by lot (l. 2-3: αὐτοῦ τοῦ Μυν]δίου μετὰ τῶν κληρουμ[ένων] | τρειάκοντα βουλευτῶν συνθύοντος καὶ ἱερουργοῦ[ντος). In order to enable the council to demonstrate its piety as soon as possible (l. 3-4: [ὅπ]ως δὲ ἤδη τῆς εὐσεβείας ἄρξητα[ι] | ἡ βουλή), Myndios provided additional funds. His benefaction may have been part of summa honoraria for the priesthood (p. 504). The honorary decree is followed by a lex sacra concerning [the reorganization of] the rituals in the cult of Zeus: “The priest Tiberius Iulius Myndios will begin/officiate the sacrificial ceremonies during the offering of annual libations and sacrifices to Zeus: on the 14th day of the second month at the set of the Pleiads; on the 18th day of the eighth month during the offering of the new roses; on the day of the Sebastos (= on the first day) of the tenth month, a ritual bath in honor of Zeus; on the second of the Sebastos (i.e., the second day of the month), sacrifices of the festival Dia; and on the 18th day of every month, in accordance with the acts and the decrees of the people” (l. 15-18: ἐτησίους σπονδὰς τῷ Διὶ καὶ θυσίας, μηνὸς μὲν δευτέρου τεσσαρεσκαιδεκάτῃ Πλειά|δων δύσει, μηνὸς δὲ η´, ιη´ ῥοδίνων νέων προσφορᾷ, μηνὸς δὲ δεκάτου Σεβαστῇ λου|τρὸν τῷ Διί, Σεβαστῇ δὲ δευτέρᾳ θυσίας τῶν Δείων, [κ]ατάρχεσθαι τὸν ἱερέα Τιβέριον ᾿Ιούλ[ι]|ον Μύνδιον, καὶ κατὰ μῆνα τῇ ὀκτωκαιδεκάτῃ κατ[ὰ] τὰ ἄκτα καὶ ψηφίσματα τοῦ δήμου). This section of the text is a sacrificial calendar concerning the cult of Zeus. The first sacrifice was offered at the set of the Pleiads (late October/early November), which marks the beginning of the seasonal agricultural activities; Zeus was probably perceived as patron

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of these activities. The offering of a crown of roses took place in the spring (18 Daisios, c. May 11). The ritual bath on the first day of Loos (c. June 24) should not be understood as the washing of Zeus’ statue, since such a ritual washing is attested only for statues of goddesses [see now T.S. SCHEER, Die Gottheit und ihr Bild, Munich, 2000, p. 57-60], but as a ritual bath, possibly a purificatory bath either of the priest or of worshippers, in honor of Zeus. The annual festival of Zeus was celebrated on the next day. It is not clear why sacrifices were offered on the 18th day of each month (cf. the offering of roses 18th day of the eighth month); they probably commemorated an important event; R.’s plausible explanation is that Hadrian had visited Hierapolis on the 18th day of a month (June or July 18th, A.D. 129 [but Hierapolis did not use the Roman calendar; it must be the 18th day of a local summer month, e.g. 18 Panemos (c. June 11) or 18 Loos (c. July 11)]. [AC]

278 127) T. RITTI, “Documenti epigrafici dalla regione di Hierapolis”, EA 34 (2002), p. 41-70 [BE 2003, 131 and 510]: Ed. pr. of an inscription on a sarcophagus [in second use?] at Motalla recording a dedication funded by the property of the god (Zeus Karios?; ἐκ τῶν τοῦ θεοῦ χρημάτων). In a discussion of the inscriptions of localities in the vicinity of Hierapolis, R. comments on already published inscriptions which include two stelae erected by the Thiounteis in honor of phratries which funded a pannychis in honor of Zeus for 8 days (W.M. RAMSAY, The Cities and Bishoprics of Phrygia, Oxford, 1897, I nos 30-31, Thiounta), a stele erected in honor of a priest of Zeus, represented in a libation scene under Zeus’ bust (SEG XXXI 1127, Thiounta), and dedications to Theoi Motaleon (SEG XXXIII 1138 and XXXIV 1298, Motalla). [AC]

279 128) H.S. ROBERTS, “Pots for the Living, Pots for the Dead. Were Pots Purpose-made for the Funeral or Reused? Can Inscriptions Throw Light on the Problem?”, in A. RATHJE – M. NIELSEN – B.B. RASMUSSEN (eds), Pots for the Living, Pots for the Dead (Acta Hyperborea 9), Copenhagen, 2002, p. 9-31: The epigraphic evidence (e.g., CID I 9; cf. LSCG 97 l. 8-10) and archaeological finds suggest that pots used for the funeral or as grave goods were sometimes brought from the house and sometimes purchased. In the case of initiates in the Dionysiac-Orphic mysteries, R. detects connections between the grave goods and the religious beliefs of the buried initiates: e.g., the pottery found in the grave of an ‘Orphic’ in Pelinna (SEG XXXVII 497) includes a statuette of a maenad; a woman buried at Lokroi was grasping in her hand a vase shaped as a maenad, which possibly marked her as an initiate of Bacchic mysteries; such maenad-vases are also found in Olbia, where the presence of ‘Orphics’ is attested (IGDOP 94); the ‘Orphic’ lamella of Pharsalos (SEG XXIII 410), which refers to the water of Mnemosyne, was found inside a hydria; the two skyphoi and the lamp found outside the Hipponion tomb (SEG XXVI 1139) may be connected with a final rite of libation, a jug and hydriae may be allusions to the lakes of the Underworld. [AC]

280 129) A. ROSTAD, “Confession or Reconciliation? The Narrative Structure of the Lydian and Phrygian ‘Confession Inscriptions’”, SO 77 (2002), p. 145-164: After a study of the narrative structure of the ‘confession’ inscriptions and their vocabulary [cf. EBGR 1994/95, 285], which emphasizes the appeasement of divine wrath, rather than the confession of sin and the admittance of guilt, R. plausibly argues that the explanation of the divine punishment and the reconciliation are the central aspects of these texts, which, therefore, should be characterized as “reconciliation inscriptions” [cf. already EBGR 1994/95, 68: “propitiatory inscriptions”; see now also the study of A. CHANIOTIS, “Under the Watchful Eyes of the Gods: Aspects of Divine Justice in Hellenistic and Roman Asia Minor”, in S. COLVIN (ed.), The Greco-Roman East. Politics, Culture, Society (YCS

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31), Cambridge, 2004, p. 1-43]. R. points out that the resolving of oaths and curses are crucial element in these texts and concludes: “the basic elements of the reconciliation would be sacrifices, ritual cleanings and dedications of inscriptions, not confession” (p. 162). [This conclusion is somewhat exaggerated: the public confession was also part of the reconciliation ritual. R. has not taken into consideration some of the recent scholarship on the subject: e.g. EBGR 1994/95, 68 and 305; 1997, 72; 1998, 207-208; 1999, 148; 2000, 187; some of the translations are not accurate; ἐπιζητέω in these text does not mean “investigate” (p. 153), but “pursue a case”; in BIWK 43 (p. 153) read χόρον (holy place), not χορόν (“holy land”); προγραφή in BIWK 15 is not “account”, but “auction”; ὑπὸ Πολυχονίου τοῦ υἱοῦ χολιασθεῖσα in BIWK 47 is not “she was hated by her son Polychronios” (p. 156), but “she became angry (from χολόομαι) at her son Polychronios”; ἐπιτυχοῦσα περὶ ὧν ἔπαθα is not “when I found out why I was suffering” (p. 157), but “when I was healed from my suffering (literally, “when I had success in my wish with regard to what I was suffering from”); κατέθηκεν ΟΛΟΔΟΥΜΕ ἰσοθανάτους in BIWK 10 cannot be “he placed him in a death like condition” (p. 158), since ἰσοθανάτους is in the plural; “he placed them, the entire family (?, ὅλος + δοῦμος), in a death like condition”; the same text refers to Zeus Didymeites (not “Didymeitos”)]. [AC]

281 130) G. ROUGEMONT, “Delphes hellénistiques et l’oracle”, in R. FREI-STOLBA – K. GEX (eds), Recherches récentes sur le monde hellénistique. Actes du colloque organisé à l’occasion du 60e anniversaire de Pierre Ducrey, Lausanne, 20-21 novembre 1998, Bern, 2001, p. 65-74 [SEG LI 599]: Critically reviewing the current views on the decline of the Delphic oracle in the Hellenistic period, R. points out that these views are influenced by the fact that the oracle was not consulted by Hellenistic kings and by the nature of the sources. A close study of the literary and epigraphic evidence shows that the oracle was consulted by communities for religious matters (foundation of cults and festivals, recognition of the asylia of cities and sanctuaries), for diplomatic contacts, and for military matters; the oracle also continued to be consulted by private persons. A decline can be observed in the late Hellenistic period, which should be regarded as a distinct historical period – not only for Delphi. [AC]

282 131) M.C. ŚAHIN, “New Inscriptions from Lagina, Stratonikeia, and Panamara”, EA 34 (2002), p. 1-21 [BE 2003, 483]: Ed. pr. of 48 inscriptions from Lagina (1-34), Stratonikeia (35-47), and Panamara (48). Lagina: The most interesting text is a fragmentary lex sacra (1, c. 350-300 B.C.) which concerns the cult of “the daimon of Leros” (l. 6: δαίμονος Λέρω; cf. LSAM 56); the text seems to be the final section of an honorary decree [of the demos or of an association?] for Leros and another person (his wife?), who are called “benefactors” (l. 2-4: ὁ≥σίως κα≥[ὶ εὐσεβῶς, δεδόχθαι· ἀποθ]ύειν κατὰ πα[τρίους νόμους ὑπὲρ αὐτῶ]|ν, εὐεργέτας ἀ[ναγράφειν αὐτούς]) [these restorations, suggested ex.gr. by S. are unlikely; ἀποθύω is rare, and one would expect κατὰ τοὺς πα[τρίους νόμους]; perhaps [- -]υειν κατὰ πά[ντα]]. The honors include the introduction of the cult of the “daimon of Leros and – - -” (l. 4-6: [καὶ] | ἱδρύσασθαι δὲ βω[μὸν καὶ ναὸν? ὑπέρ τοῦ] δαίμονος Λερω καὶ≥ [- – -]) [rather: [καθ]ιδρύσασθαι δὲ βω[μὸν ὑπέρ τοῦ] δαίμονος] Λερω; the erection of a temple is very improbable]. The best preserved part of the text (l. 6-14) concerns a sacrifice: [θύ]|ειν Λέοντα τὸν ἱερεία ἔ[ριφον νέον? καὶ]| κριὸν ἑκάστου ἐνιαυτοῦ≥, [θύειν αὐτὸν] καὶ κοσινας [perhaps: [θύ]|ειν Λέοντα τὸν ἱερεία ἐ[πὶ τοῦ βωμοῦ]| κριὸν ἑκάστου ἐνιαυτοῦ≥, [- – ειν δὲ] καὶ κοσινας; “Leon, the priest, shall sacrifice on the altar every year a ram and [make an offering] of kosinai”];

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the term κοσινη/κοσίναι is attested for the first time. The rest of the text concerns the prerogatives of Leros and his descendants from this annual sacrifice (l. 9-15: δίδοσθαι δὲ καὶ μ≥[έρη ἐντε]|λῆ Λερωι ἐκ τῆς κατ᾿ ἐνιαυτὸν θυ≥σί≥α≥[ς] | καὶ κωλέαν ἐξαίρετον· εἶναι δὲ ταῦτα | αὐτῶι καὶ τοῖς ἐκγόνοις· συντελεῖν δὲ | ταῦτα καὶ τοὺς ἐπιγινομένους ἱερεῖς· | καὶ εἶν≥α≥ι≥ ταῦτα συντελοῦσι{ΣΙ}ν αὐ|τοῖς λῶιον καὶ ἄμεινον) [“one should give to Leros unblemished? parts of the sacrificial animal from the annual sacrifice as well as a thigh; these privileges should be valid for him and his descendants; the future priests should fulfill this, and if they do so, let them flourish”]. The other texts from Lagina record the dedication of the statue of woman by her brothers to Hekate (3, c. 50 B.C.); the dedication of an altar at the expenses of the priest Demetrios (ἱερεὺς ἐπανγειλάμενος), his wife, the priestess, their daughter, who served as kleidophoros, and their son (5, Imperial period); the dedication of hair by a man (6, late Imperial period) [for this phenomenon see M. GIRONE, “Una particolare offerta di chiome”, EA 35 (2003), p. 21-42]; the dedication of a statue to the gods (33, Imperial period); honors for kleidophoroi (7 and 13, Imperial period); honors for a priest (?) (10) [who took care of the suppliants in the sanctuary; in l. 7-8 one may restore [τ]ῶν ἱκετ[ι]κ≥ῶν | [σωμάτων]; cf. SEG XLV 1556 (l. 10-11: τῶν ἱκετευόντων [- -] πρόνοιαν ἐποιεῖτο`) with the comment in EBGR 1994/95, 63]; the dedication of an altar by an agoranomos (8, Imperial period); the offering of wine and olive oil by priests and couples of priests on festivals (9, 11, 12, Imperial period) [the restoration of no 9 is odd: ἐν ῾Ηραίοις, ... ἔν τε τῇ ἑ≥|[ορτῇ πάσας τὰς ἑο]ρτῶν ἡμέρας; perhaps: ἔν τε τῇ γ≥[ενεθλίῳ καὶ ταῖς λοιπαῖς τῶν ἑο]ρτῶν ἡμέραι≥ς≥; cf. 12: [ἐν τῇ] τῶν γενεθλίων≥ [ἑορτῇ – - ἐν πολ]|λαῖς ταῖς ἡμέρα[ις]]; several fragmentary texts refer to the services of priests or couples of priests (17-28); one recognizes references to the worshippers who sacrificed (18: [τοῖς θ]ύουσιν), to a procession and a panegyris (21), and to the office of ζακόρος (28); [note the poetic designation ἀρητήρ for the priest in the small fragment no 26]; one of the best preserved texts commemorates the services of the priest Chrysaor (14; cf. I.Stratonikeia 22.1, 690), who served as priest of Zeus Panamaros, Zeus Chrysaorios, and another divinity; [the verb κατορθόω in l. 5 refers to the successful outcome of Chrysaor’s embassy to the emperor (l. 4-5); consequently, not [κατω]ρ≥θωκὼς τὸ≥[ν βωμὸν | τῆς θεοῦ], but [γεγονὼς πρεσβ]ευτὴς πα[ρὰ τον κύριον αὐτοκράτορα ὑπὲρ – - καὶ κατω]ρ≥θωκώς, then a separate clause]. A small fragment mentions a Didymeion (the sanctuary of Apollon and Artemis at Lagina?, 31). Stratonikeia: An inscription honors Menelaos, who served as high prist of the (city) emperor cult twice (36, c. A.D. 100); [he seems to have been the first occupant of the office (ἀρχιερατεύσαντος δὶς πρώτου); the statue was dedicated by his grand-daughter; the date may be earlier]. A dedication is addressed to Zeus Panemeros (37, a vow). An altar decorated with a crescent was set up for Theion Polymorphon (38, late Imperial period); this is a new epithet for Theion; the cult of Zeus Hypsistos and Theion with many epithets is attested in Stratonikeia and its territory; S. associates them with Isis and Sarapis. Two other altars were destined for the cult of Eirene (40) and the emperors (41: Σεβαστῶν Αὐτοκρατόρων). A statue of the deified Drusus was dedicated (καθειέρωσεν) by the demos (47) [note the interesting rhythmical expressions θεὸν ἐκχ θεῶν, εὐεργέτην ἐξ εὐεργετῶν, which may commemorate acclamations]. A fragmentary metrical text may be an oracle (39); [one recognizes references to Zeus (l. 1: Κρονίωνι) and Athena (l. 3: [- -]ε≥ια Τρειτογενείης; perhaps [ἱέρ]ε≥ια)]. Panamara: An

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inscription honors a former priest (48, 1st cent. A.D.). [Cf. the remarks of C. BRIXHE, BE 2003, 483]. [AC]

283 132) F. SALVIAT, “Les Nyktophylaxia, l’enfermement de la truie et les Thesmophories de Délos d’après ID 440+456”, inJ.-P.BRUN – P. JOCKEY (eds), Τέχναι. Techniques et sociétés en Méditerranée. Hommage à Marie-Claire Amouretti, Paris, 2001, p. 735-747 [SEG LI 997]: S. rejects the interpretation of the ritual of the Delian ritual of the Nyktophylaxia as a festival of the dead (as suggested by A. SCHACHTER; EBGR 1999, 219) and presents conclusive arguments for linking this ritual with the Thesmophoria and with the promotion of fertility. According to the information provided by the accounts of the hieropoioi (IG XI 145 l. 30; I.Délos 440-456 = SEG XLVIII 1039), the Nyktophylaxia were a night celebration, during which a pregnant sow was thrown alive into a subterranean megaron (cf. I.Délos 199 l. 148) in the Thesmophorion, which may be identified with the building GD 123. This ritual took place in the month Aresion (November); the remains of the sow were collected by women (cf. the antletriai in Athens) in Metageitnion (September) of the next year. The taking off of a door (διαλέγειν θύρετρον or θυρία) and the building of a wall (ἐνοικοδομεῖν) mentioned in the accounts in connection with the Nyktophylaxia (I.Délos 154 l. 25-26; 199 l. 48-49; 372 l. 93-94; 442 l. 193) refer to the opening and closing of the megaron, when the sow was thrown into it and when her remains were removed. During this ceremony the female celebrants kept guard in the Thesmophorion (I.Délos 142: φυλακή); the references to beds (I.Délos 145 l. 30: εὐναί), lamps, and firewood (new restoration of I.Délos 440+456) are connected with this ceremonial guard. [S. rightly observes (p. 742) the military connotation of the terms φυλακή/Νυκτοφυλάξια. It should be noted that the Athenian Thesmophoria also attest the adoption by the female celebrants of a male vocabulary (ἄρχουσαι) and the occupation of the male domain (the Pnyx); see H. S. VERSNEL, Inconsistencies in Greek and Roman Religion 2, Leiden, 1994, p. 240 note 40 and p. 251 note 80]. [AC]

284 133) F. SARANTI, “Ναύπακτος”, AD 52 B1 (1997) [2002], p. 301-307 [SEG LI 643]: Ed. pr. of a mosaic inscription on the floor of a late antique building near the Hellenistic wall (Naupaktos, Late Antiquity): ὁ λαμπρότατος ὑπὲρ εὐχῆς αἰποίησεν. [It is not clear whether the word εὐχή is used in the pagan (“vow”) or the Christian sense (“prayer”)]. [AC]

285 134) K. SEAMAN, “Athletes and Agora-phobia? Commemorative Athletic Sculpture in Classical Athens”, Nikephoros 15 (2002), p. 99-115: S. suggests that the statue of Leagros, son of Glaukon, in the Athenian Agora (IG I3 951) was dedicated by himself to the Twelve Gods after 480 B.C. and stood near their altar at least until the end of the 4th cent. B.C. [JM]

286 135) A. SIDERIS, “Bronze Drinking Vases Bearing Dedicatory Inscriptions”, Eirene 38 (2002), p. 167-201: Ed. pr. of two bronze kylikes and a bronze skyphos dedicated to Zeus Na(i)os and found in the sanctuary of Zeus at Dodona (late 4th cent.); the dedicatory inscriptions are written with raised letters: 1) Αὐταγαθίδας Διὶ Ναΐῳ and Αὐτοκρατίδας Δὶ Νάῳ [note the different spelling on the same votive]. 2) Παναίτιος : Φαρσάλιος Διὶ Ναΐῳ : ἀνέθηκε. 3) Ε[...]γ[...] ἀν[έ]θ[ηκε] Δ[ιὶ] Ν[αΐῳ : δ]ῶρον. Ed. pr. of bronze kantharos with raised letters, dedicated to Kore, found in the vicinity of Gortyn in Arkadia (early 3rd cent.): Κόρᾳ. [JM] 287 136) M. SLAVOVA, “Mystery Clubs in Bulgarian Lands in Antiquity. Greek Epigraphical Evidence”, OAth 27 (2002), p. 137-149: Based on 17 inscriptions S. studies mystery cult

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associations in Bulgaria (Augusta Trajana, Apollonia Pontica, Cillae, Dionysopolis, Gradiste, Montana, Nikopolis ad Istrum); except for one, these testimonia refer to Dionysiac mystery cults. The exception is an inscription (IGBulg 1925, 2nd-3rd cent.) concerning the association (δοῦμος) of female worshippers of Kybele and naming one of the functionaries (l. 3: μήτηρ δενδροφόρων). The Dionysiac mystery associations are designated as σπεῖρα (IGBulg 23, 480, 671, 1517, 1518; SEG XXXIX 649), βακχ(ε)ῖον, a term which also describes the place where Dionysiac gatherings took place (IGBulg 1864, 1865, 5579), or κοινόν (IGBulg 671). Beside the typical names, such as βάκχη, βουκόλος, ἀρχιβούκολος, ἱερεύς, σπειράρχης, ἀρχιμύστης, the following more specific names for worshippers and functionaries are attested in the Dionysiac mystery associations studied by S.: λικναφόρος, κισταφόρος (IGBulg 401, 1517), ναρθηκοφόρος (IGBulg 1517), ἀρχιβασσάρα, κρατηριακός (IGBulg 401), λυχνοάπτρια, κουρής, κρανιάρχης [cf. SEG XLIX 814; EBGR 1999, 144], συστημάρχης, σιμιοφόρος (IGBulg 1517), πατὴρ σπείρης (IGBulg 671), ἔκδικος (IGBulg 401, 1517), and γραμματεύς (IGBulg 18). [JM] 288 137) J.D. SOSIN, “Two Attic Endowments”, ZPE 138 (2002), p. 123-128: 1) D. suggests a new restoration of an Athenian document which deals with financial aspects of the sacrifices of the Lesser Panathenaia (4th cent.; IG II2 334 l. 16-22: [ὅταν δὲ ἡ πρό]σοδος γένηται δυοῖν ταλάντο[ιν ἀπὸ τῆς] | [μισθώσεως τ]ῶν κτημάτων τῶν ἐν τῆι Νέα[ι] κ[αὶ τῆς πεντη]|[κοστῆς, ὑπά]ρχειν τῆι ᾿Αθηνᾶι τοῦτο [τὸ ἀρχαῖον ἐς τὰ]|[ς θυσίας Παν]αθηναίων τῶν μικρῶν, τ[ῶν ἐνεστηκότων ἀ]|[ποδεκτῶν με]ριζόντων αὐτὸ εἰς ταῦ[τα τοῖς ἱεροποιο]|[ῖς· ἐκδανεισμ]ὸν δ᾿ εἶναι καὶ τ<ῶ>μ προ[σόδων· τὰ δὲ κτήμα]| [τα τὰ ἐν τῆι Νέ]αι μισθοῦν καθ᾿ ὁ [c. 16]; “when the revenue from the lease of the properties in the Nea and the pentêkostê reach two talents, this sum shall belong to Athena for the sacrifices in the Lesser Panathenaia, the apodektai in office disbursing it to the hieropoioi for his purpose. These shall be a lending also of the revenue. The land in the Nea shall be leased according to what ...”). 2) D. proposes a restoration of a document which describes the settlement of a dispute concerning the property of a private cult association (3rd cent.; IG II 2 1289 l. 11-16: μηθένα ὀ[ρ]γ[εῶνα τῶν κτη]| μάτων τῶν ἑαυτῆς μηδ[ὲν ἀποδίδοσθαι μη]|δὲ μισθοῦσθαι [ε]ἰς ἄ[λλο ἢ εἰς τὰς θυσίας] | μηδὲ κακοτεχνεῖν μ[ηδένα τὰ περὶ τὰ ἑαυ]|τῆς κτήματα μήτε τ[έχνηι μήτε παρευρέ]|σει μηδεμιᾶι, ὥσ[τε τὸν ἱερέα ἐκ τῶν προσό]δων λαμβάνον[τα μετὰ τῶν ὀργεώνων θύ]|ειν ...; “no orgeôn shall sell any of her properties nor lease for any purpose other than for the sacrifices, nor do evil to anything pertaining to her properties, neither by craft nor on any pretext, so that the priest, taking from the revenues, may sacrifice with the orgeônes ...”). [JM]

289 137bis) K. SPORN, Heiligtümer und Kulte Kretas in klassischer und hellenistischer Zeit (Studien zu antiken Heiligtümern, 3), Heidelberg, 2002: S. studies the archaeological, epigraphic, numismatic, and literary evidence for sanctuaries in Classical and Hellenistic Crete [but without a discussion of festivals]. S. provides an invaluable insight into the Cretan pantheon during the aforementioned periods. In the first and lengthiest part of this study the cults in every Cretan city are surveyed, while the second part is a systematic analysis of the material presented in the catalogue. [JM]

290 138) E. STAVRIANOPOULOU, “Die Familienexedra von Eudamos und Lydiadas in Megalopolis”, Tekmeria 7 (2002), p. 117-156: Ed. pr. of three blocks belonging to an exedra and bearing honorary inscriptions (190-180 B.C.) for Eudamos and his son Lydiadas, the last tyrant of Megalopolis. The decree for Eudamos (A1) documents the honors posthumously awarded by the city of Megalopolis: A bronze statue should be

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erected in an unknown temenos; S. cautiously suggests identifying it with the temenos for an already heroized member of the family of Eudamos, named Lydiadas (l. 7-8: [στ]ᾶ[σαι δ]ὲ [αὐτοῦ καὶ] ε[ἰκ]ό≥ν≥[α] χ≥αλκέαν [c. 7] | [ἐν τῶ]ι≥ τεμένει το≥ῦ Λ≥Ι≥ΔΙ[.]Δ≥ΑΙ≥). Another honor (a sacrifice?) cannot be clearly identified (l. 10-13). An annual sacrifice of a sheep was to be performed on the altar of Eudamos; the sacrifice should be executed according to the usual manner for heroes and benefactors (l. 13-15: θύειν δὲ καὶ τοῖς [c. 7]Ι≥Ο≥≥[..] τὰν πόλιν ἐπὶ τοῦ≥ | [βωμ]οῦ τοῦ Εὐδ≥[άμου] ο[ἶν], ὡ≥ς≥ ἄν θ≥[ύητ]α[ι τοῖς ἄ]λλ≥ο≥ι≥[ς τε] ἥρωσι καὶ εὐε|[ργ]έταις τ≥ο≥ῦ≥ δ[άμου]). A military unit participated in the sacrifice in an undefinable way (l. 15-16: τ≥ὸ≥ν≥ λόχον τὸν | [τρ]ί≥τον τὰς ἀ≥ε≥[ὶ γινομένας θ]υ≥[σί]ας καὶ τὰ γέρα τὰ νομιζόμενα). The board of the hierothytai was in charge of the sacrifice (l. 17-18: τοὺς δὲ ἱ≥ε≥≥[ρ]ο[θύτας τοὺς ἐν] τ≥ᾶ≥ι≥ [πό]λ≥ε≥ι≥ ἀε≥ὶ≥ τὰν ἐπιμέλειαν ἔχειν | ὅπως συν≥[τελῶντ]α≥ι≥ [αἱ] θυσίαι≥). The damiourgoi were to announce the honors for Eudamos to all Greeks during the festival of the Eleutheria at Plataiai (l. 20-22: τοὺς δὲ δα[μ]ιοργοὺς τοὺς ἐ[ν] τ≥ᾶ≥ι≥ πό[λ]ει [τ]ὰς | [θυσί]ας κα[ρῦξαι ἐν τῶι] ἀγῶνι≥ ὃν τίθεν≥σι οἱ ῞Ελλανες κ[α]ὶ [τ]ὰ≥[ς] | [ἄλλ]ας τι≥μ≥[ὰς τὰς ψαφι]ζομένας Εὐδάμωι ὑπὸ τᾶς πόλι[ος πάσας]). An inscription recording these honors was to be erected by the city near the bronze statue of Eudamos (l. 23-24: [στᾶ]σ≥αι δὲ καὶ σ[τάλ]αν λ≥ι≥θ≥[ί]ν≥α≥ν≥ παρὰ τὸν ἀνδριάντα τὸν Ε≥[ὐδά]| [μου]). [JM]

291 139) Chr. STEIMLE, “Neue Erkenntnisse zum Heiligtum der Ägyptischen Götter in Thessaloniki. Ein unveröffentlichtes Tagebuch des Archäologen Hans von Schoenebeck”, AEMTh 16 (2002), p. 291-306: A round altar bearing a dedicatory inscription (IG X.2.1, 84, 35 B.C.) was reused as a statue base in the 2nd cent. A.D., bearing a dedicatory inscription to and a statue of Isis Orgia (X.2.1., 103: Εἶσιν ᾿Οργί|αν Γ. Φολουί|νιος Οὐῆρος | ὁ ἱερεὺς ἐπι|σκευάσας | ἐκ τῶν | ἰδίων | ἀνέθηκεν). The entries in the unpublished diary of the German archaeologist H. VON SCHOENEBECK show that this dedication stood in the cella of the the so-called “apsis-temple” in the sanctuary of the Egyptian gods in Thessaloniki. [JM]

292 140) J.-Y. STRASSER, “Quelques termes rares du vocabulaire agonistique”, RPh 75 (2001), p. 273-305 [SEG LI 585, 604, 608, 973, 1102 bis; BE 2003, 187]: In an important contribution to the vocabulary of agonistic inscriptions S. interprets in a new way several designations of disciplines in inscriptions from Athens, Delphi, and Oropos. 1) The terms ζεῦγος, σφαλός, παλτόν, and πᾶλος appear in a list of victors at the Eleusinia (c. 150 B.C.) in the context of equestrian events, such as ζεῦγος ὀρεικόν, ἵππος κέλης, ἵππος πολεμιστής, and ἅρμα πολεμιστήριον (J. KIRCHNER – S. DOW, “Inschriften vom attischen Lande”, MDAI(A) 62, 1937, p. 3-5 no 2; W. PEEK, “Attische Inschriften”, MDAI(A) 67 [1942], p. 164). S. demonstrates that these terms also designate equestrian competitions reserved to Athenians: παλτόν probably refers to throwing a javelin while riding on a horse (cf. ἀφ᾿ ἵππου ἀκοντίζειν); πᾶλος may be a pike with which a rider aimed at hitting a target; he restores this term in an inscription of Olbia (IOSPE I² 157); σφᾶλος is “un exercise d’adresse au tir à cheval”; ζεῦγος ὀρεικόν designates a competition among chariots driven by a pair of mules. In a agonistic dedication recording victories at the Eleusinia and the Theseia (IG II2 3148) S. recognizes the competition ζεῦγος πομπικόν ([ὁπλ]ιτικῷ in IG), i.e., a competition among processional chariots, which is also attested for the Panathenaia (IG II2 2311 B 65) and was of the same type as the competitions in εὐανδρία, εὐοπλία, and ἀνθιππασία. 2) An honorific inscription in Delphi (F.Delphes III.1, 534, c. A.D. 50) records the athletic victories of

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three virgins. Hedea won at the Isthmia a victory in two disciplines: ἐνόπλιος δρόμος, a race in armor probably reserved to virgins, and ἅρμα (ἐνόπλιον, ἅρματι; earlier readings: ἐνόπλι|ον ἅρμα {τι} or ἐνοπλί|<ῳ> ἅρματι), a chariot race of a quadriga (ἅρματι), open to all. The participation of women in races is attested in the Imperial period [cf. F. FERRANDINI TROISI, La donna nella società ellenistica. Testimonianze epigrafiche, Bari, 2000, no 6.3], but this would be the only attestation of a race of virgins in armor (in honor of Athena?); races in armor among men are well attested (ἐνόπλιος and ὁπλίτης in SEG XVII 393; I.Didyma 201; Milet I.9, 369; to be restored in I.Keramos 15). The discipline ἐνόπλιον ἅρμα, interpreted as a race of war chariots or war horses (ἵππος πολεμιστής, πολεμιστήρια, πολεμιστήριον) as in Athens, Corinth, Argos, and Epidauros, should be deleted from the agonistic vocabulary. 3) The term πρόβασις mentioned in the honorific inscription for an athlete (τειμηθέντα προβάσει ἐν τῇ βασιλίδι ῾Ρώμῃ in F.Delphes III.1, 555 = IAG 87, mid-3rd cent. A.D.) is usually interpreted as a synonym of προπομπεία, i.e., the privilege of leading a procession; S. rejects this interpretation, not only in view of the existence of the term προπομπεία, but also because leading the procession was the privilege of the high priest of the association of athletes; the usage of the verb προβαίνω (cf. progredior) suggests a different interpretation: ‘notre champion s’est vu octroyer le privilège de se distinguer au milieu de ses collèges pour accomplir un geste quelconque lors des concours, ou pour parler devant l’assemblée réunie à cette occasion, athlètes, éventuellement artistes, spectateurs’ (299). S. associates with this honor, probably a distinction during a parade, the representation of a parade of a victorious athlete in a mosaic at Baten Zammour in Tunisia (M. KHANOUSSI, “Spectaculum pugilum et gymnasium”, CRAI 1988, p. 543-561; early 4th cent. A.D.). 4) Two lists of victors at the Amphiaraia and Rhomaia in Oropos include references to εὐαγγέλια τῆς ῾Ρωμαίων νίκης (I.Oropos 525 l. 68-69 and 529 l. 22-23). L. ROBERT (Laodicée du Lycos, Québec/Paris, 1969, p. 273-274) regarded it as a competition, A. SCHACHTER (Cults of Boiotia. 3. Potnia to Zeus, London, 1994, p. 26-27) as an honor for the victor of apobasis. S. adds I.Oropos 521 l. 62 ([᾿Ω]ρωπίων [στ]άδιο[ν ε]ὐαγγέλ[ια τῆς ῾Ρωμαίων νίκης]) to the attestations of this event, which he interprets as a stadion race that took place to celebrate the good tidings of the Roman victory; this contest was reserved for the Oropians. In this context (p. 301 note 188) he also suggests that the Eretrian races Λευκίου Μομμίου στάδιον (SEG XXVI 1034 + XXVIII 722) and ᾿Αρτέμιδος στάδιον (SEG XXVI 1035) took place during the same festival (the Artemisia?) to honor Lucius Mummius and Artemis respectively, and not during two separate festivals as assumed by D. KNOEPFLER (“L. Mummius Achaicus et les cites du golfe euboïque : à propos d’une nouvelle inscription d’Érétrie”, MH 48 [1991], p. 253-257). [AC]

293 141) J.-Y. STRASSER, “Deux autels de Messine rendus à Aigéai de Cilicie”, EA 34 (2002), p. 149-159 [BE 2003, 549]: Two altars dedicated one to Asklepios and Hygieia Soteres Poliouchoi (SEG XLII 870), the other to these gods and to the emperor Antoninus Pius (IG XIV 402) have been attributed to Messene in Sicily (cf. SEG XLVI 1264). S. argues for their attribution to Aigeai in Kilikia, pointing to the importance of the cult of Asklepios and Hygieia in Aigeai (to which L. ROBERT had attributed IG XIV 402) and to the strong presence of altars with double dedications to divinities and the emperors in this city. [AC]

294 142) J.-Y. STRASSER, “Choraules et pythaules d’époque impériale. À propos de trois inscriptions de Delphes”, BCH 126 (2002), p. 97-142: In the light of some 2nd and 3rd cent. A.D. Delphic inscriptions in honor of victors in aulos competitions in the 2nd and

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3rd cent. A.D. (CIG 1719; FD III.1, 547 and 550; FD III.4, 478; FD III.6, 143; SEG XLII 465) S. shows that victorious choraulai in stephanitai agons are attested epigraphically only from the late 1st/early 2nd cent. A.D. onwards. This evidence seems to suggest that the initiative of introducing choraulic competitions in the great stephanitai agons came from the western part of the Roman Empire, perhaps under Domitian. In an appendix S. suggests that the cult personnel of Olympia (IvO 58-141) was elected shortly after the end of one celebration of the festival, remained in charge for the next four years, and organised the next agon. In a second appendix S. identifies IG XIV 2499 (= IGR 21, Nimes) as a decree of the universal synodos of the Dionysiac artists (reign of Hadrian?). [JM]

295 143) E.K. SVERKOS, “Παρατηρήσεις σὲ μιὰ νέα ἐπιγραφὴ ἀπὸ τὸ territorium τῆς ρωμαϊκῆς ἀποικίας τῆς Κασσάνδρειας (Πρινοχώρι)”, Tekmeria 7 (2002), p. 167-180: A funerary stele depicting the bust of the deceased in relief (SEG XLVI 746, territory of Kassandreia, c. A.D. 225-250) documents the erection of the monument by Auphatios Theoros in honor of his father Louteios, son of Epaphrodeitos. Louteios must have been a member of a collegium of augustales, involved in the cult of the emperor, since this collegium contributed 75 denars for his funeral (l. 2-3: ἔδωκαν | αὐγουστάλαι τὰ τῆς κηδείας * οε´). Another inscription from the territorium of Kassandreia attests the contribution of exactly the same amount by the augustales for the funeral of a deceased member (SEG XXIX 614, Mende, Imperial Period). [JM]

296 144) P. THEMELIS, “Contribution to the Topography of the Sanctuary at Brauron”, in B. GENTILI – F. PERUSINO (eds), Le orse di Brauron. Un rituale di iniziazione femminile nel santuario di Artemide, Pisa, 2002, p. 103-116 [BE 2003, 98]: In a study primarily dedicated to the topography of the sanctuary of Artemis in Brauron, T. presents for the first time the entire text of an important inscription concerning restorations in the Artemision [no translation or commentary of l. 8-25], with brief discussion of the officials (l. 8-9: nomothetai; l. 9-10: tamiai; l. 12-13: epistatai; l. 15: architekton ho epi ta hiera)]. Lines 2-6 are of great significance for the topography of the Artemision. In some cases, the correlations between buildings mentioned in the inscription and buildings excavated by J. PAPADIMITRIOU differ from those suggested by F. BUBENHEIMER and J. MYLONOPOULOS in their study of this text [see EBGR 1996, 194]. T. accepts their restoration and interpretation of l. 3 (ὅ τε [ἀρχαῖος καὶ ὁ Πα]|ρθενών: archaios [neos] being the cella and Parthenon the adyton of the temple) [see also G. EKROTH, “Inventing Iphigeneia? On Euripides and the Cultic Construction of Brauron”, Kernos 16 (2003), p. 108-110]. [JM]

297 145) P. THEMELIS, “Messene, Recent Discoveries (Sculpture)”, in M. STAMATOPOULOU – M. YEROULANOU (eds), Excavating Classical Culture. Recent Archaeological Discoveries in Greece (BAR Int.Ser. 1031), Oxford, 2002, p. 229-243: T. briefly discusses the building inscription found at the entrance of room III in the west stoa of the gymnasion of Messene (late 1st cent. A.D.) [cf. EBGR 1996, 255; 1997, 368]. The text documents the financing and dedication of a tempel to Hermes, Herakles and the city of Messene by Herakleidas and his son L. Peticius Gallus (l. 2-3: τὸν ναὸν κατεσκεύασαν | ῾Ερμᾶι, ῾Ηρακλεῖ καὶ τᾶι πόλει). A dedicatory inscription on a limestone herm representing Herakles from the area of the gymnasion attests to the cult of Herakles in this area already in the 3rd cent. (Φιλλιάδας | Νέωνος | ῾Ηρακλεῖ | ἀνέθηκεν) [cf. EBGR 1992, 168; 1997, 158]. [JM] 298 146) G. THÉRIAULT, “Remarques sur le culte des magistrats romains en Orient”, Cahiers des Études Anciennes 37 (2001), p. 85-95 [SEG LI 2351]: T. places the cultic honors awarded to Roman magistrates in the context of divine honors for benefactors (cf. his

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forthcoming book Bienfaiteurs grecs et romains, et les honneurs cultuels dans la cité grecque). The first Roman who was awarded such honors was not the proconsul M. Marcellus in Syracuse, since the Marcellia were not established for him, but for C. Claudius Marcellus (79 B.C.; cf. CIC., Verr. 2.51), but T. Flamininus in Gytheion (SEG XI 923), Argos (MIGEOTTE, Emprunt no 20), and Chalkis (PLUT., Flam. 16.5-7); other Roman magistrates who were awarded cultic honors by Greek cities include L. Mummius (SEG XXVI 1034 + XXVIII 722), Manius Aquilius (IGR IV 292 l. 38-40) M. Annius (Syll.3 700 l. 36-40), Q. Mucius Scaevola (OGIS 437-439), Sulla (IG II2 1039 l. 57; SEG XIII 279), Lucullus (PLUT., Luc. 23, 2; APP., Mithr. 76), Pompey (IG IX2 1, 719 l. 8; IG XII.2, 59 l. 18; I.Délos 1641, 1797; G.E. BEAN, The Inscriptions of Side, Ankara 1965, no 101), Caesar (IG XII.2, 25-26; IG XII.5, 557; IG XII Suppl. 25-26; IGR IV 2728; Syll.3 760; Iscr.Cos ED 269; A.E. RAUBITSCHEK, JRS 44 [1954], p. 66 no I), P. Servilius Vatia Isauricus (I.Ephesos 702), L. Munatius Plancus (I.Mylasa 135), M. Iunius Silanus (IG XII.9, 916), and L. Sextus Appuleius (I.Alexandreia Troas 13). T. correctly stresses the extraordinary character of this honor, which expressed the gratitude of Greek communities for extraordinary services. This phenomenon declined when the emperor cult monopolized the divine honors for mortals (cf. CASSIUS DIO LVI, 25, 6). The last testimonia concern the cults of C. Vibius Postumus (IG XII.6.1, 365; 6-9 or 12-15 A.D.), the procurator Geminus (IG V.2, 435; 1st cent. A.D.?), and Cn. Vergilius Capito (SEG XXXIV 1186 A; I.Didyma 278). [AC]

299 147) E.B. TSIGARIDA, “᾿Επιγραφή ἀπὸ τὸ ἱερὸ τοῦ ᾿Απόλλωνα/῾Ηλίου στά Νέα Ρόδα Χαλκιδικῆς”, in Πανελλήνιο Συνέδριο ᾿Επιγραφικῆς, p. 151-156 [SEG LI 878; BE 2002, 285; 2003, 376]: T. presents an improved edition of an inscription from Sane (Chalkidike, c. 450-400 B.C.; cf. SEG XLVII 947) [EBGR 1998, 272], which she interprets as a boundary stone of a sanctuary. [AC]

300 148) Ch. TSOCHOS, “Τὸ ἱερὸ τῶν Αἰγυπτίων θεῶν καὶ ἡ λατρεία τους στοὺς Φιλίππους μέσα ἀπὸ τὸ ἐπιγραφικὸ ὑλικό. Πρῶτες παρατηρήσεις”, AEMTh 16 (2002), p. 83-94: T. summarizes the known Greek and Latin inscriptions concerning the cult of the Egyptian deities in Philippi (2nd-3rd cent. A.D.). Based on the observation that the persons mentioned in this epigraphic material belonged to the elite of Philippi, T. suggests that this cult ranked among the most important ones in the city. [One should, however, note that the number of the preserved inscriptions is very small for such general conclusions; for the cults at Philippi see also supra nos 120-121]. [JM]

301 149) P. TREBILCO, “The Christian and Jewish Eumeneia Formula”, MedAnt 5.1 (2002), p. 63-97: The phrase ἔσται αὐτῷ πρὸς τὸν θεόν (“he will have to reckon with God”) is known in several variants from funerary monuments of Phrygia (3rd-4th cent.), where it was used in funerary imprecations. As the formula does not make clear which deity is invoked, there is a controversy about whether it was used by Christians or Jews. T.’s cautious survey of this material demonstrates that variants of the Eumeneia formula were used by Christians and Jews, but also by some pagans. Religious symbols (e.g., christogram, cross), terms (e.g., ἰχθύς, μάρτυς, ἀρᾶς δρέπανον), characteristic names (e.g., Μαθιος), and offices (ἐπίσκοπος) occasionally reveal the religious context, but in many cases the religious beliefs of the formula’s users are impossible to determine. T. concludes that the “Eumeneia formula”, which was originally created by Christians or by Jews, was shared by both religious groups; this is indirect evidence for the close relations between the two communities and the hazy boundaries between some Christians and some Jews. [T.’s plausible conclusion about the hazy boundaries between religious groups in the late Imperial period should, however, be expanded to include

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some pagan groups. For the religious ambiguities and the interdependence among religious groups see supra no 21 and the remarks in earlier issues of the EBGR in Kernos 13 (2000), p. 128; 14 (2001), p. 147f.; 15 (2002), p. 334; 16 (2003), p. 250; 17 (2004), p. 190]. We give a list of attestations of the “Eumeneia formula” and its variants. Christian: MAMA VI 224, 234 (ἔσται αὐτῷ πὸς τὸν ἐξσουσειάζοτα πάσης ψυχῆς), 235; W.M. RAMSAY, The Cities and Bishoprics of Phrygia, Oxford 1897, I.2, no 362 (ἔστε αὐτῷ πρὸς τὸν ζῶντα θεόν), no 372 (ἔσται αὐτῷ πρὸς τὸν ᾿Ιησοῦν Χριστόν); E. GIBSON, “A Unique Christian Epitaph from the Upper Tembris Valley”, BASP 12 (1975), p. 151 (ἔ[σ]τη αὐτοῦ πὸ[ς] τὼν παντωκράτορα θεόν); W. TABBERNEE, Montanist Inscriptions and Testimonia, Macon, 1997, no 35. Jewish?: CIJ 769 ([ἔσ]ται αὐτῷ πρὸς τὸν θεὸν τὸν ὕψιστον); RAMSAY, o.c., nos 455-457 ([ἔσ]ται αὐτοῖς πρὸ[ς τὴ]ν δικαιοσύ[νην] τοῦ θεοῦ). Pagan: TAM III 365 (ἔσται αὐτῷ πρὸς τοὺς κατυχομένους); L. ROBERT, Hellenica 11/12, Paris 1960, p. 399 no 4 (ἔστι αὐτῷ πρὸς ῞Ηλλιων κὲ Σελήνην). Undetermined: e.g., CIJ 773; LW 703 (for φιλόθεοι); MAMA IV 355, 357, 358, 360; VI 223, 225 (ἔσται αὐτῷ πρὸς τὸν ζῶντα θεὸν καὶ νῦν καὶ ἐν τῇ κρισίμῳ ἡμέρᾳ), 226-227, 229, 231 (ἔσται αὐτῷ πὸς τὴν χεῖρα τοῦ θεοῦ), 233, 358; VII 276b, 276c, 360; RAMSAY, op.cit., nos 365-366, 369 (ἔσται αὐτῷ πρὸς τὸ μέγα ὄνομα τοῦ θεοῦ), 388 ([ἔσ]ται αὐτῷ πρὸς τὸν ἀθάνα[τον θεόν]); W.M. CALDER, “Early Christian Epitaphs from Phrygia”, AS 5 (1955), p. 38 (ἔστα[ι α]ὐτῷ πρὸς τὸν θεὸν καὶ νῦν καὶ τῷ π[α]ντὶ αἰῶνι καὶ μὴ τύ[χ]υτο τῆς τοῦ θεοῦ [ἐ]πανγελίας); ROBERT, o.c., p. 430 (ἔσται αὐτῷ πρὸς τὸν θεὸν καὶ τὸν ἄνγελον τοῦ ῾Ρουβῆδος) ; J.R.S. STERRETT, “An Epigraphical Journey in Asia Minor”, Papers of the American School of Classical Studies at Athens 2 (1888), p. 154-154 no 138 (ἔσται αὐτῷ πρὸς τὸ μέγεθος τοῦ θεοῦ); T. DREW- BEAR, Nouvelles inscriptions de Phrygie, Zutphen, 1978, nos 44, 48 (ἔστε αὐτῷ πρὸς τὸν ζῶντα θεόν). [AC] 302 150) A. TZIAFALIAS, “Νομὸς Λαρίσης”, AD 52 B2 (1997) [2003], p. 522-526 [SEG LI 674-678, 713, 721, 730]: Ed. pr. of inscriptions found in various Thessalian cities. Atrax: A dedication was made by a woman during her service as a priestess (57: λειτορεύονσα, 3rd cent.). Another dedication is addressed to Artemis (54, 2nd cent.). The addressee of a third dedication (ὀνέθεικε) is not known. A marble stele was dedicated to Augustus (54: Θεοῦ Σεβαστοῦ | Καίσαρος Σωτῆ|ρος). [It may have stood next to an altar thus specifying, whose altar it was]. An epitaph is placed under the protection of Hermes Chthonios (45, 3rd cent.). Gonnoi (?, area of): A dedication found at Makrychori (7 km south of Gonnoi) was made in fulfillment of a vow (16: εὐξαμ[ένα]). Larisa: A dedication to Apollon Mousegetes (19: ῎Απλονι Μονσαγέ[τ]αι, 5th cent.) and an epitaph dedicated to Hermes Chthonios (1, 4th cent.). Phalanna: A stele dedicated to Augustus (Θεοῦ | Σεβαστοῦ | Καίσαρος | Σωτῆρος) [probably designating the addressee of an altar; cf. supra]. [AC]

303 151) G. UMHOLTZ, “Architraval Arrogance? Dedicatory Inscriptions in Greek Architecture of the Classical Period”, Hesperia 71 (2002), p. 261-293 [BE 2003, 89]: After a discussion of various dedicatory inscriptions in Greek architecture in a chronological order (e.g., SEG XXXI 841, temple of Apollon in Syracuse, c. 580 B.C.; I.Ephesos 1518, temple of Artemis, before 547 B.C.; Syll.3 8, Knidian treasury in Delphi, mid-6th cent. B.C.; Syll.3 29, stoa of the Athenians in Delphi, c. 480-450 B.C.; Labraunda III.2, 13-19, Hekatomnid dedications in the sanctuary of Zeus, c. 350-300 B.C.) U. suggests that architraval inscriptions of the Late Classical Period commemorating the dedication of buildings by individuals belong to a long votive and epigraphical tradition which already begins in the 6th cent. B.C.;

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they cannot be regarded as the result of serious social or religious changes in this period. [JM]

304 152) J.G. VINOGRADOV, “Heilkundige Elearen in den Schwarzmeergründungen”, in M. DREHER (ed.), Bürgersinn und staatliche Macht in Antike und Gegenwart. Festschrift für Wolfgang Schuller zum 65. Geburtstag, Konstanz, 2000, p. 133-147 [SEG LI 938, 943, 969, 976]: V. collects epigraphic evidence which indirectly supports his view that the Orphic movement in the area of the Black Sea (SEG XXVIII 659-661; L 699) has its origin in Magna Graecia, from where it was introduced with the active participation of physicians of the Eleatic school. The most important text is a new epitaph in Olbia for a man from Elea with the characteristic name Oulios (c. 450-425 B.C.).As V. points out, the name Oulios, which is connected with the cult of Apollon Oulios [cf. EBGR 1988, 111], was used in Elea by the leaders (φώλαρχοι) of the association (φωλεός) founded by Parmenides [cf. SEG XXX 798; XXXVIII 1020; XXXIX 1078; XLVIII 1302]. Consequently, this Oulios may have been a physician, member of Parmenides’ school, who left Elea during the tyranny. V. recognizes a second Eleatic physician in a very fragmentary honorary decree from Kallatis (SEG XXIV 1028 = I.Kallatis 8, c. 250-200 B.C.). Here, he restores the name of the honored person as [Ζωΐλο]ς ᾿Αρίστωνος ᾿Ελ[ε|άτας] (l. 2-3) and identifies him as the brother of Οὖλις ᾿Αρίστωνος ἰατρὸς φώλαρχος in Elea (SEG XXXVIII 1020, c. 260-250 B.C.). V. speculates on the possibility that the honorand had been active as a doctor in Histria as well, where he introduced the cult of Apollon Pholeuterios (I.Histriae 105). In this context, V. interprets two marble stones found in the sacred zone of Histria (I.Histriae 105: ᾿Απόλλωνος Φωλευτη|ρίου; 106: Φόρκυος), as boundary stones of the sanctuaries of Apollon Pholeuterios and Phorkys, a maritime daemon. [AC]

305 153) E. VLACHOGIANNI, “Βόρεια πλευρὰ ἐθνικῆς ὁδοῦ ᾿Αθηνῶν-Λαμίας”, AD 52 B1 (1997) [2002], p. 378-387 [SEG LI 577]: Ed. pr. of an epitaph (marble urn) of a heroised person (p. 386: ἐπὶ Πανφίλῳ ἥρω[ι]; Akraiphia, 1st cent. A.D.). [AC] 306 154) R. WACHTER, “Griechisch δόξα und ein frühes Solonzitat eines Töpfers in Metapont”, in M. FRITZ – S. ZEILFELDER (edd.), Novalis Indogermanica. Festschrift für Günter Neumann zum 80. Geburtstag, Graz, 2002, p. 497-511 [BE 2003, 648]: After a linguistic analysis of the dedicatory epigram of the potter Nikomachos in Metapontion (CEG 215, c. 525-500 B.C.), W. presents a new translation and interpretation of the text: “I (the clay stele) was made by Nikomachos. Ruler Herakles, have joy on it (χαῖρε). This potter dedicated me to you. Grant him (δὸς δ᾿ ἐϝίν) that he finds good acceptance (δόξαν ἔχεν ἀγαθ<έ>ν) among the humans”. The correspondence between χαῖρε and δός should be interpreted as an example of reciprocity [cf. EBGR 2000, 76 on IG IX2 1.4, 844]. The phrase ἀνθρώποις δόξαν ἔχειν ἀγαθήν is directly inspired by Solon’s fr. 13 ed. West/Bergk, and does not originate in a common source. [AC]

307 155) M.B. WALBANK, “Notes on Attic Decrees”, ZPE 139 (2002), p. 61-65 [BE 2003, 244]: In a brief discussion of eight Athenian decrees, W. presents a new interpretation of IG II2 165 (= IG II2 4434, from the Asklepieion, c. 400-350 B.C.) as an honorific inscription and not part of a dedication. Athena is represented in the surviving part of the relief which crowns the inscription; W. suggests that the missing part showed Asklepios or Demos together with the honorand on a smaller scale (cf. C. LAWTON, Attic Document Reliefs, Oxford, 1995, p. 128 no 98). According to W. an honorary decree (Agora XVI, 239, late 3rd cent.) should not be accociated with the Eleusinian Mysteries, despite the award of myrtle crowns. W. suggests instead that the honorands were physicians. [Note,

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however, that this decree was to be set up πρὸς τῷ ᾿Ελευσινίῳ. The alleged connection between the award of myrtle crowns and the medical use of myrtle is not a very strong argument in favor of this interpretation; see also the critical remarks of Ph. GAUTHIER, BE 2003, 244]. [JM]

308 156) P. WEISS, “Asiarchen sind Archiereis Asias. Eine Antwort auf S.J. Friesen”, in Festschrift Deininger, p. 241-254: A close analysis of inscriptions from Thytteira with the terms ᾿Ασιάρχης and ἀρχιερεὺς ᾿Ασίας (TAM V.2, 950 and 954), of coins of Stektorion with the term ᾿Ασιάρχης καὶ τῆς πατρίδος, and inscriptions with the terms ᾿Ασιάρχης ναῶν τῶν ἐν ᾿Εφέσῳ (I.Ephesos 897), ᾿Ασιάρχης Περγαμηνῶν (TAM V.2, 969), and ᾿Ασιάρχαι τὸ β´ (for a couple; I.Smyrna 386) shows beyond any doubt that the titles ᾿Ασιάρχης and ἀρχιερεὺς ᾿Ασίας are synonyms (cf. Dig. XXVII 1,6,14) [on this controversy see EBGR 1998, 99; 1999, 79 and 181; 2000, 56]. W. suggests that the title Asiarches was introduced in order to express more clearly the high position of the high priest of the provincial emperor cult. [AC]

309 157) M.H. WILLIAMS, “The Case for Jewish Use of Moses as a Personal Name in Graeco- Roman Antiquity”, ZPE 140 (2002), p. 279-283 [BE 2003, 554]: Continuing the discussion on whether the name Moses was used by Jews as a personal name (EAD., “Jewish Use of Moses as a Personal Name in Graeco-Roman Antiquity – A Note”, ZPE 118 [1997], p. 274) or was avoided until the 9th cent. A.D. because of its sacrosanctity (T. DERDA, “Did the Jews use the Name of Moses in Antiquity?”, ZPE 115 [1997], p. 257-260; ID., “The Jews and the Name of Moses in Antiquity – A Reply”, ZPE 124 [1999], p. 210), W. lists further evidence against the latter view: SEG LI 2082 (Zo’ar in Arabia, 4th cent. A.D.); I.Cret. IV 509 (?, Gortyn, 5th cent. A.D.); CIJ 713 (Athens, Byzantine), 746 (?Ephesos, 2nd-3rd cent. A.D.), 793 (Korykos, Byzantine), 1420 (?Wadi el-Mukatteb, undated); the papyrus DJD II 91 (?, 2nd cent. A.D.). This evidence shows that Moses was used as a personal name already in the Graeco-Roman world, sometimes in the form Mousaios, Musaeus, and Moussios. [JM]

310 158) E. WIRBELAUER, “Zeus auf Salamis”, ZPE 141 (2002), p. 125-128 [BE 2003, 256]: A painting of the Bavarian landscapist Carl Rottmann showing a picturesque Salaminian landscape (spring 1835?) shows a boundary stone with the inscription ὅρος Διὸς | Μηλωσίου. Based on this aquarelle W. argues that Zeus Melosios was worshipped on the island of Salamis in the 4th or 3rd cent. B.C. The cult of Zeus Melosios is only known from Naxos (a horos stone: IG XII.5, 48, 4th cent. B.C.) and Korkyra (conical loom weight: IG IX.1, 702, undated). The later object was omitted as a falsum in the corpus of the Ionian Islands (IG IX 12 4). However, this evidence supports its authenticity. [JM]

311 159) A. WOLICKI, “The Heralds and the Games in Archaic and Classical Greece”, Nikephoros 15 (2002), p. 69-97: Based on literary sources and epigraphic material W. suggests that heralds appeared as participants in competitions for the very first time during the Olympic Games of 396 B.C. Contests of heralds do not appear before the last quarter of the 4th cent. B.C. in the other three Panhellenic games. As late as the 3rd or 2nd cent. B.C. they appear in other contests (eg. IG IX.2, 525, Larissa, 2nd cent. B.C.; SEG III 368, Chaironeia, 2nd cent. B.C.). An inscription which records victories in the competition of heralds at the Charitesiai of Orchomenos (IG VII 3195) should be dated as late as the 1st cent. B.C. An Athenian account (IG II2 1635 l. 68-69) does not prove the existence of a herald competitions beyond the Olympic Games, since this text records inter alia

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benefits for heralds, trumpeters, and assistants in the service of the council of the Delian amphictyony. [JM]

312 160) E. ZAVOU, “Σπάρτη”, AD 52 (1997) [2002], p. 160-166 [ BE 2003, 135]: A mosaic representing Poseidon’s triumph was found in Sparta (Late Antiquity). Inscriptions identify the figures as Amphitrite, Proto, Doto, Kymothoe, Speio, and Okeanos. [AC]

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Chronique archéologique de la religion grecque (ChronARG)

1 La présente chronique couvre essentiellement les publications de 2003, tout en tenant compte des années antérieures pour les régions qui n’ont pas systématiquement fait l’objet d’une chronique annuelle. Plusieurs régions, qui étaient jusqu’à présent traitées chaque année, passent provisoirement à un traitement bisannuel (Athènes, Péloponnèse). Nous ne désespérons pas de couvrir les régions qui n’ont pas encore été associées à cette chronique depuis sa création (Béotie, Eubée, Phocide, Locride, Étolie), mais ce n’est pas encore le cas cette année.

2 Par contre, nous renouons avec une pratique inaugurée lors de la première livraison de la Chronique archéologique en publiant le compte rendu d’une fouille par ses auteurs. Il s’agit de la mise au jour d’un ensemble exceptionnel de trois animaux découpés et enterrés tels quels à l’angle nord-est de l’agora de Thasos. C’est par cette découverte remarquable que s’ouvre la chronique. Didier VIVIERS & Vinciane PIRENNE-DELFORGE

Un rituel d’engagement à Thasos : archéologie et textes (Francine Blondé, Arthur Muller, Dominique Mulliez, François Poplin)

3 À l’occasion d’un sondage destiné à contrôler une relation stratigraphique, dans l’angle nord-est de l’agora de Thasos, a été mis au jour un ensemble ostéo-archéologique exceptionnel1 : dans une grande fosse allongée, on a retrouvé les squelettes d’un taurillon, d’un verrat et d’un bélier, coupés en deux et disposés en deux amas bien séparés, comprenant l’un l’avant du bélier, l’arrière du porc et du bovin, l’autre l’arrière du bélier, l’avant du bovin et du porc. Il s’agit de trois mâles, deux d’entre eux plutôt jeunes, énergiquement mais soigneusement coupés en deux comme le suggère la trace de la lame qui s’observe sur les vertèbres et les côtes du bovin. Dans chacune des moitiés, les os sont restés en parfaite connexion, ce qui signifie que les carcasses ont été disposées telles quelles dans la fosse, sans autre dépeçage ni prélèvement de chairs. La datation de cette trouvaille repose uniquement sur du matériel céramique : celui, très

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pauvre, du comblement de la fosse qui renvoie au IVe siècle, sans autre précision, et celui, plus riche et caractéristique, du comblement d’une fosse postérieure dont le terminus post quem est de ca 330 av. J.-C.

4 L’interprétation de cette trouvaille demande que soient pris en compte ses deux éléments constitutifs : l’association de trois animaux d’une part, la division des corps et leur disposition en deux ensembles distincts d’autre part. La première donnée nous renvoie à une association bien connue et attestée dans la documentation épigraphique et littéraire pour différents rituels sacrificiels sous les noms de τρίττοια, τριττύς ou encore de τρίκτευα2. Si l’on s’en tient à la définition par espèces, le complexe retrouvé à Thasos correspond très exactement à la trittoia dans la composition qu’en donne Callimaque3 et qui est confirmée par la plupart des sources écrites, même si d’autres associations sont attestées par ailleurs.

5 En l’occurrence, si le nombre rehausse l’importance du rituel, c’est le découpage des bêtes et leur séparation en deux tas qui lui donnent sens. Cette pratique, attestée dans une aire géographique extrêmement large et à des périodes très diverses, intervient dans des rituels qui, pour l’essentiel, ont reçu dès l’Antiquité deux interprétations principales : on y a vu soit une façon solennelle de sceller une forme d’engagement (traité, alliance ou serment), soit un rituel de purification4. Le réexamen de l’ensemble des sources nous amène à privilégier pour la trouvaille thasienne la première de ces interprétations, la seconde n’intervenant de manière explicite en contexte grec qu’assez tardivement, dans des textes de Quinte-Curce5 et de Tite-Live6 relatifs à des lustrations de l’armée macédonienne que l’on fait passer entre les parties d’un animal coupé en deux. Plutarque mentionne un rituel de purification similaire chez les Béotiens, en dehors de tout contexte militaire7. La question se pose de savoir s’il ne s’agit pas à chaque fois d’un rite dont le sens fondamental échappait. En tout état de cause, si elle devait être retenue, il conviendrait d’expliciter la dimension lustrale de ces rites militaires; et cette dimension elle-même serait-elle recevable qu’elle ne nous paraîtrait aucunement exclure la signification que d’autres sources élucident pleinement.

6 En effet, en dehors du contexte proprement grec, deux ensembles de textes donnent clairement l’interprétation du rituel comme une manière, parmi d’autres, de préfigurer le sort qui attend l’éventuel parjure : le premier regroupe des traités du VIIIe et du VIIe siècle provenant de l’empire assyrien et de ses marges8; le deuxième réunit deux extraits de l’Ancien Testament, l’un évoquant l’alliance que Iahvé passe avec Abraham, l’autre la rupture de l’alliance conclue entre Iahvé et Jérusalem9. Dans ces textes, le découpage des bêtes est donné comme la préfiguration du sort dont est menacé le parjure. En contexte grec, trois textes évoquent de façon tout aussi explicite la malédiction appelée sur les parjures, avec une mise en scène différente, mais d’interprétation identique : le premier est un serment homérique que l’on scelle en répandant du vin comme sera répandue la cervelle du parjure10; le second décrit le rituel du serment molosse avec découpage d’un bœuf en petits morceaux et vin répandu11; le troisième est le fameux serment de Cyrène par lequel les colons qui partaient pour l’Afrique et les habitants de la métropole Théra s’engageaient réciproquement : il fut scellé en jetant au feu des figurines de cire, rituel prédéterminant la liquéfaction des parjures12. Le découpage de bêtes en deux était cependant la pratique la plus courante dans le serment grec, à en croire de nombreux autres textes, tant épigraphiques que littéraires. Ils se contentent de la simple mention,

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à l’occasion de prestations de serments dans le cadre politique ou judiciaire, des τόμια ou des σφάγια des bêtes immolées : les prestataires du serment ou les partenaires de l’alliance ou les parties qui prêtent serment les prennent en main, ou se tiennent sur elles ou encore passent entre elles, selon les cas13. Jamais ces chairs ne sont consommées : elles sont tantôt enfouies, tantôt entièrement brûlées ou encore jetées à la mer. Les Grecs, pas plus que les Hébreux ou les Assyriens, n’avaient manifestement besoin d’aucune autre explication sur le sens de ce rituel, désigné par des expressions équivalentes dans plusieurs langues : « couper une alliance » en hébreu, « couper un serment » dans les langues sémitiques ou chez Homère14.

7 La trittoia partagée de Thasos nous paraît donc devoir être interprétée comme le témoignage archéologique – à notre connaissance, le premier jamais identifié – d’un engagement solennel. Cette trouvaille nous permet d’abord d’écarter avec certitude l’interprétation souvent soutenue depuis le début du XXe siècle selon laquelle les tomia seraient les testicules de l’animal immolé15 : il s’agit bien de grandes pièces, des moitiés de la bête. D’autre part, elle nous invite à revenir sur l’interprétation comme rite de purification de plusieurs textes décrivant le passage d’une armée (hittite, perse, grecque, macédonienne), entre les moitiés d’une victime (homme, femme, chien, porcelet, chèvre)16, interprétation que suggéraient notamment les deux textes tardifs mentionnés ci-dessus. Nous sommes très tentés de penser que ces « purifications » d’armées défaites ou menacées de mutineries relèvent en fait du même cas de figure que celui que nous venons de décrire. Il s’agit de restaurer ou d’instaurer une cohésion, sous la menace : celui qui ne respecte pas son engagement de soldat et met en péril la cohésion du groupe subira le sort de la victime coupée. Et c’est encore la même explication qu’il faut avancer lorsque Platon décrit la troisième phase de la procédure de désignation des magistrats, où « chacun élit le candidat de son choix parmi les cent [retenus], en passant entre les parties d’une victime coupée en deux »17, ce qui nous paraît plutôt relever d’un rituel d’engagement que de purification. Il nous semble que c’est la prégnance du rituel bien mieux connu, à la fois dans les textes et l’iconographie, de la purification par le sang d’une victime18 qui est à l’origine d’un certain nombre de contaminations et d’interprétations fautives, chez les Anciens aux époques tardives d’abord, chez les exégètes contemporains ensuite.

8 Reste à essayer de préciser le cadre de cette cérémonie thasienne. Des indices archéologiques – succession de fosses observées dans la stratigraphie et restes dispersés d’ossements de verrats étrangers à notre trittoia – suggèrent que cette région de l’angle nord-est de l’agora de Thasos aurait pu voir se répéter de tels rituels à l’époque classique au moins et constituer en quelque sorte l’horkomosion de Thasos. Tout serment comporte la prise à témoins de divinités, qui sont les garants : Glaukos, héros de la fondation de Thasos, dont le cénotaphe est immédiatement voisin, mais aussi les Charites, déesses de la concorde civique, qui avaient leur sanctuaire dans le Passage des Théores tout aussi proche19, pourraient à notre sens avoir été ces garants. En revanche, il faut évidemment se résoudre à l’ignorance sur la nature précise de l’engagement pris ici (alliance, traité, réconciliation civique, serment judiciaire ou privé…) et à la totale impossibilité de le rattacher à un épisode quelconque de l’histoire de Thasos au IVe siècle.

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[01. Athènes, Attique, Mégaride] [02. Péloponnèse] [03. Béotie, Eubée] [04. Phocide, Locride, Étolie] 05. Acarnanie, Épire, Illyrie méridionale, îles ioniennes (François Quantin)

Acarnanie

9 05.01 – Palairos– La découverte, en 1988, d’un autel au sommet de la colline du Prophète-Élie, est à l’origine d’une prospection, qui a permis d’identifier l’itinéraire des processions entre la ville et le sanctuaire, même si le tracé ne peut pas toujours être situé avec précision. Le temple est localisé au S de l’autel. M. BERTELE, in Acheloos. Schriften der Oberhummer Gesellschaft e.V. München 2, 2000, p. 7-16; G. TOUCHAIS et alii, BCH 125 (2001) [2002], Chr., p. 887.

Épire

10 05.02 – Ambracie – XIIeÉphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Les fouilles de sauvetage et les interventions programmées conduites à Arta fournissent comme chaque année de nombreux renseignements sur l’urbanisme d’Ambracie. On signale les découvertes suivantes : au pied de la colline Péranthis, hors contexte d’habitat, des figurines en terre cuite et des fragments de plaques, dont un exemplaire présente une scène de banquet (rue Papagou); à l’angle d’une maison, au niveau des fondations, de nombreux petits vases associés à des restes animaux et des indices de combustion dans une fosse (rue Manoliassis) : le dispositif, déjà connu à Ambracie, suggère la pratique d’un rite de consécration des fondations – cf. I. et E. ANDRÉOU, in Ε´ Επιστημονική συνάντηση για την ελληνιστική κεραμική (Chania, 6-13 avril 1997), Athènes, 2000, p. 301-310, pour une étude de ces dépôts votifs, en particulier les vases miniatures, dans les fondations de maisons ambraciotes de l’archaïsme à l’époque hellénistique; dans une maison, des figurines féminines d’époques classique et hellénistique, et des appliques à relief en terre cuite dont l’iconographie évoque un banquet funéraire (rue Stamatelopoulou); près des vestiges du grand théâtre d’Ambracie, une stèle votive gravée d’une inscription en alphabet corinthien archaïque : ΚΟΤΕΝΟΣ ΑΝΕΘΕΚΕ (rue Tsakalof).

11 Aux abords d’un nouveau tronçon des remparts antiques de la ville situé près du kastro byzantin, on note la découverte de plusieurs constructions et dépôts datés de l’archaïsme à l’époque hellénistique, qui sont interprétés comme les vestiges d’un sanctuaire (rues Mostraion et Agia Paraskevi). À quelques mètres à l’extérieur du rempart sont conservées les fondations d’un mur d’enceinte plus ancien, mais de même direction; au droit de ce nouveau mur, on découvre les vestiges plus ou moins rectangulaires d’une aire dallée limitée par des murs, vraisemblablement un lieu de culte, dont sont distinguées deux phases, toutes deux d’époque hellénistique.

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L’interprétation cultuelle est fondée sur la découverte de sept figurines taurines en bronze, auxquelles s’ajoutent de nombreux fragments qui appartiennent au même type d’offrande. V. Karatzeni propose à juste titre d’attribuer ces vestiges hors-les-murs à un sanctuaire de Poséidon, ou du fleuve Arachthos [AD 52 (1997) [2003], Chr. B’2, p. 564-566, fig. 8, pl. 209 α et β]. Un sanctuaire de Poséidon est connu sur le territoire des Ambraciotes, mais il est situé aux confins de la chôra (cf. ChronARG [2002], 05.03), et ne peut donc être confondu avec ce lieu de culte associé aux remparts de la ville. A. ANGELI, AD 52 (1997) [2003], Chr. B’2, p. 561; V. KARATZENI, ibid., p. 562-566; Th. KONDOGIANNI, ibid., p. 573; J. WHITLEY, AR 2002-2003 (2003), p. 57-58.

12 05.03 – Phanari [plaine du] – Université de Boston, École américaine d’Athènes, XIIE Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, VIIIe Éphorie des antiquités byzantines – Les A. reconstituent l’évolution du paysage de la plaine du Phanari, et précisent les modifications qui ont affecté la baie, le lac Achérousia et le cours de l’Achéron, en particulier pendant la période antique. La colline de l’édifice de Mésopotamon, interprété par S.I. Dakaris comme un nekyomanteion, est donc dans l’Antiquité un promontoire dominant la baie du Phanari, dont le comblement est bien postérieur (pour des conclusions similaires, cf. ChronARG [2001], 05.00). M.R. BESONEN, G. RAPP et Z. JING, « The Lower Acheron River Valley: Ancient Accounts and the Changing Landscape », in J. WISEMAN, K. ZACHOS (éds), Landscape Archaeology in Southern Epirus, Greece I, American School of Classical Studies, Athènes, 2003, p. 198-234 (Hesperia, Supplément 32).

13 05.04 – Agia Paraskevi (Thesprôtie) – VIIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – K. Preka signale la découverte des vestiges d’une construction hellénistique de plan rectangulaire, peut-être associée à l’E à un autel. La stratigraphie a permis d’identifier clairement une couche de destruction due à un incendie. Le matériel – des figurines et des protomés féminines, des os d’animaux, des vases miniatures certainement votifs, une boucle d’oreille en or et une monnaie d’Alexandre III –, associé à une construction rectiligne, suggère que le site était un lieu de culte. K. PREKA, AD 52 (1997) [2003], Chr. B’2, p. 610; J. WHITLEY, AR 2002-2003 (2003), p. 59.

14 05.05 – Dodone – Université de Ioannina – Sous la responsabilité de Ch. Tzouvara-Souli, d’A. Vlachopoulou et K. Gravani, la campagne 1999 avait permis de mieux connaître la partie S de l’édifice interprété comme un prytanée. Vestiges architecturaux et matériel archéologique sont datés dans cette zone des époques romaine et paléochrétienne. Pour les fragments de tuile estampillés Διὸς Νάου, cf. SEG 50 (2000) [2003], n° 545. En 2000, les fouilles ont continué le dégagement du couloir de l’aile O2 dans la partie S de cet édifice. La construction du mur N de ce diadromos semble être postérieure au passage destructeur de Paul-Émile en 167. Les A. estiment que ce mur, dans lequel sont remployés des fragments de chapiteaux, pourrait avoir succédé à une colonnade de même axe.

15 –L’équipe de l’Université de Ioannina a aussi travaillé en 2000 dans le secteur du portique découvert par K. Karapanos dans la partie occidentale du sanctuaire. Devant la stoa, on a mis au jour six bases de statues : quatre sont parallélépipédiques, une porte un cylindre mouluré à la base (κιονοειδές), et la dernière est semi-circulaire [cf. Ergon (2000), fig. 90, p. 82, et PAAH 155 (2000) [2003], p. 147, fig. 2]. Lors de la campagne 2002 – cette zone n’est pas fouillée en 2001 –, on signale le long de la façade orientale six autres soubassements de bases de statues. La même année, la fouille de la stoa a

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découvert deux bases supplémentaires appartenant à la colonnade intérieure, a continué le dégagement du « stéréobate » qui portait la colonnade en façade, et a atteint la limite S-E du portique, où est conservé un escalier de six marches permettant l’accès à l’édifice [cf. Ergon (2002), fig. 39, p. 44]. Un emmarchement plus modeste est observé approximativement au milieu de la façade E. Au S du portique, une partie du péribole a été fouillée, ainsi que les fondations d’une tour qui signale peut-être un accès au sanctuaire. À l’O, un grand mur parallèle au tracé du péribole pourrait correspondre selon les A. à un gymnase. En 2003, on continue l’étude de la stoa (79 × 10,50 m) : découverte de quatre nouvelles bases de colonnes appartenant au portique axial (4,3 m d’entrecolonnement), d’une inscription datée par la forme des lettres du Ve ou du IVe s. av. J.-C. [PAAH 50 (2003) [2004], p. 55, fig. 53], d’une tête de taureau – sans indication de la matière –, et de fragments de statues en bronze. Notons que ces fouilles illustrent une fois de plus la qualité des travaux de K. KARAPANOS (Dodone et ses ruines, Paris, 1878, pl. III, VI et VII, et p. 26-27, 125-128, en particulier pour les bases en façade du portique; cf. ChronARG [2002], 05.05). CH. SOULI, A. VLACHOPOULOU et K. GRAVANI, PAAH 154 (1999) [2002], p. 147-154; 155 (2000) [2003], p. 145-150; 156 (2001) [2004], p. 113-117. Ergon 48 (2001) [2002], p. 62-63; 49 (2002) [2003], p. 43-45; 50 (2003) [2004], p. 52-56.

16 – À partir de deux kylikes – traditionnellement identifiés comme des phiales – et d’un skyphos en bronze découverts à Dodone lors des fouilles de K. Karapanos, l’A. tente de mieux définir une série typologique de vases à boire, dont Corinthe est sans doute le centre de production, et s’interroge sur le contexte festif et religieux d’utilisation de cette vaisselle souvent gravée d’une inscription dédicatoire. A. SIDERIS, « Bronze Drinking Vases Bearing Dedicatory Inscriptions », Eirene 38 (2002), p. 167-201.

17 – Grâce aux textes de quelques lamelles oraculaires découvertes dans le sanctuaire de Dodone, l’A discute le sens de l’épiclèse Naios et commente le rôle de l’eau dans le sanctuaire épirote – sur ce sujet cf. aussi Ch. CHANDEZON, L’élevage en Grèce (fin Ve – fin Ier s. a.C.), Bordeaux, 2003 (Ausonius-Scripta Antiqua, 5), p. 104-105. Fondée sur les préoccupations commerciales ou coloniales de certaines questions posées aux dieux de Dodone, et sur une restitution favorable de l’environnement antique du sanctuaire, cette interprétation « aquatique » de Dodone, ancienne, permettrait de démontrer l’intérêt du sanctuaire pour les affaires maritimes. A.M. PRESTIANI GIALLOMBARDO, « Dodona e la Sicilia : frammenti di un dialogo », in Μύρτος. Μνήμη Ιουλίας Βοκοτοπούλου, Thessalonique, 2000, p. 91-107; ead., « L’oracolo di Dodona e le navigazioni adriatiche nei secoli VI-IV a.C. », in I Greci in Adriatico 1, Hesperìa 15 (2002), p. 123-136.

18 05.06 – Passaron – N. Katsikoudis reprend l’étude d’un relief découvert dans le sanctuaire de Zeus Aréios près de la ville molosse de Passaron. Un aurige seulement vêtu d’une chlamyde conduit un char attelé à des félins. Une inscription mentionnant Zeus accompagne cette œuvre énigmatique. L’A. parcourt la bibliographie, et, au terme d’une réflexion iconographique et stylistique, estime que le relief est une consécration à Zeus, ce qui est très vraisemblable, et qu’il doit être situé dans le seconde moitié du IVe s. av. J.-C.

N. KATSIKOUDIS, « ᾿Ενεπίγραφο ἀνάγλυφο ἀπὸ τὴν Πασσαρῶνα », AE 140 (2001) [2003], p. 205-216.

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19 05.07 – Phoinikè – Università degli studi di Bologna (Dipartimento di archeologia), Institut archéologique albanais (Département de l’Antiquité) – Depuis 2000, une mission dirigée par S. De Maria et Sh. Gjongecaj a repris les recherches à Finik, et sur le territoire de l’antique capitale des Chaones. Ces travaux font l’objet de publications régulières depuis 2001, ouvrages dont la qualité et la rapidité d’édition sont remarquables.

20 – Découverte par L.M. Ugolini en 1926 (Albania antica II, L’acropoli di Fenice, Roma/Milano, 1932, p. 93-109), une petite chapelle, cosiddetta « thesauros » – l’archéologue italien n’attribuait pas une fonction précise à cet édifice qu’il datait au IVe s. av. J.-C., mais insistait sur son caractère public : sa fonction religieuse ne lui paraissait pas certaine –, est sise sur un point haut de l’acropole de Phoinikè (area A22). Elle a fait l’objet d’une seconde fouille, et d’urgents travaux de restauration. Le monument est associé à l’E à un mur à gradins, et a connu plusieurs phases d’occupation, avant sa transformation en baptistère associé à une église à l’époque paléochrétienne. Les murs de l’édifice sont de très belle facture, et diffèrent des vestiges domestiques découverts à Phoinikè, en particulier par l’usage d’orthostates. Le plan sommaire levé par l’architecte de L.M. Ugolini est amélioré par M. Zaccaria, qui donne une très précise description des vestiges, à partir de la reconstitution de l’état de l’édifice à la fin des fouilles de L.M. Ugolini. La forme est incontestablement celle d’un naos, tel que l’archéologie épirote en connaît tant, distyle in antis, vraisemblablement sans colonnade prostyle, et sans doute d’ordre dorique (cf. une restitution graphique hypothétique). La construction de ce petit temple est datée à la charnière des IVe et IIIe s. av. J.-C. par S. De Maria. La divinité est inconnue. S. DE MARIA (éd.), E. GIORGI et G. LEPORE, Phoinike. La città e il suo territorio, Bologna, 2001 (Percorsi di archeologia 1), p. 20-21; S. DE MARIA, « Il Thesauròs: una revisione », in S. DE MARIA et Sh. GJONGECAJ (éds), Phoinike I. Rapporto preliminare sulla campagna di scavi e ricerche 2000, Bologna/Firenze, 2002, p. 55-61; M. ZACCARIA, « Ricerche e restauri nel tempietto prostilo (thesauròs) », in S. DE MARIA, Sh. GJONGECAJ (éds), Phoinike II. Rapporto preliminare sulla campagna di scavi e ricerche 2001, Bologna, 2003, p. 63-72.

21 – Sh. Gjongecaj et I. Pojani abordent l’iconographie religieuse, à partir de deux découvertes réalisées en 2000 et en 2001 : une statuette en bronze d’Hermès (H : 7 cm), vraisemblablement datable au Ier s. av. J.-C., augmente le nombre de représentations de la divinité en Épire d’un bel exemplaire, sans doute une offrande; un fragment de statue, sans doute féminine, en marbre blanc (H conservée : 37,5 cm), vêtue d’une nébris, d’un chiton, et d’un himation replié sur le bras gauche. Dotée d’une mortaise dans le dos, cette statue pourrait appartenir à un ensemble tympanal. L’A. propose de reconnaître Artémis chasseresse, mais n’exclut pas Dionysos, grâce à une comparaison de la statue de Phoinikè avec une stèle à naïskos découverte à Dermenas, près d’Apollonia d’Illyrie (Musée archéologique d’Apollonia, n° inv. 3465; cf. Albanien. Schätze aus dem Land der Skipetaren, Mainz am Rhein, 1988, n° 328). Sh. GJONGECAJ, « Ritrovamenti fortuiti da Phoinike », in Phoinike II, p. 109-114, en particulier « Un Hermes/Mercurio di bronzo », p. 111-112, et un appendice de N. CIVICI et F. STAMATI : « Mercurio o Hermes ? Analisi e restauro »; I. POJANI, « Artemide o Dioniso ? », in Phoinike II, p. 115-117.

22 – En 2001 et en 2002, la Mission italo-albanaise a effectué une première reconnaissance topographique du territoire de Phoinikè. Les vestiges de Metoqi, au S/O de Phoinikè en direction de Saranda, sont très comparables à ceux de Çuka et, à une autre échelle, à

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ceux de Malathre, c’est-à-dire des complexes composés d’une enceinte plus ou moins fortifiée qui abrite au centre un édifice en forme de tour. Ils ne correspondent donc pas à un sanctuaire composés de deux temples datés au IVe s. av. J.-C., identification proposée par L.M. UGOLINI, Albania Antica, I, Ricerce archeologiche, Roma/Milano, 1927, p. 150. Dh. BUDINA avait repris les observations de L.M. Ugolini : son étude des vestiges en modifiait considérablement le plan et l’interprétation, ce que confirment parfaitement les travaux actuels d’E. Giorgi (Dh. BUDINA, « Harta arkeologjike e bregdetit Jon dhe e pellgut të Delvinës [Carte archéologique du littoral ionien et du bassin de Delvina] », Iliria I [1972], p. 292-293, fig. 9 et 10). En revanche, on signale un édifice antique vraisemblablement cultuel près de l’église Saint-Nicolas à Mesopotamon dans la plaine de la Bistrica. S. DE MARIA (éd.), E. GIORGI et G. LEPORE, Phoinike. La città e il suo territorio, p. 30-31; E. GIORGI, « Ricerche e ricognizioni nel territorio », in Phoinike I, p. 121-131; id., « Ricerche e ricognizioni nel territorio », in Phoinike II, p. 91-98.

23 05.08 – Bouthrôtos en Chaonie – Fouilles et travaux albano-britanniques (Butrint Foundation et Institut Archéologique albanais) – La fouille du théâtre de Butrint a été menée par L.M. Ugolini entre 1928 et 1932, avec des levés réalisés par l’architecte de la Mission italienne Carlo Ceschi en 1931 et 1932. Le manuscrit était pratiquement achevé en 1934, mais n’a pas été publié. Conservé au Museo della Civiltà Romana à Rome, cet ouvrage, le volume IV de la série Albania Antica, voit donc le jour, grâce à un accord entre la Fondation Butrint et le musée romain. L’ouvrage, fondé sur un considérable travail d’archive et de recherche bibliographique, n’est donc pas une publication du théâtre, mais l’édition du manuscrit de L.M. Ugolini, enrichi de commentaires et de contributions sur le monument, la Mission archéologique italienne et son directeur. Cette belle publication, destinée à faire le point sur l’édifice et son environnement immédiat, permet d’aborder quelques aspects importants de la topographie cultuelle grecque de Bouthrôtos, puisque le théâtre fait partie du sanctuaire d’Asclépios.

24 L’ouvrage livre des informations sur la relation archéologique entre le koilon et le petit temple attribué à Asclépios, découvert et étudié par L.M. Ugolini (p. 80, § B2.1; cf. p. 117) : le petit naos (6,55 × 8.45 m), doté au fond d’une anfractuosité naturelle [cf. p. 166-167, et G. PANI, « Arkitektura e dy tempujve në Butrint dhe puniment restauruese ne to », Monumentet 1 (1988), p. 23-24] – appelée « favissa » –, a été respecté lors de la construction du théâtre, de la parodos O – plus courte que la parodos E (fig. 6.1, p. 108, et 6.16, p. 120; pour la phase romaine, cf. fig. 6.50, p. 149) –, où étaient gravés les actes d’affranchissement (P. CABANES, « Les inscriptions du théâtre de Bouthrôtos », Actes du colloque 1972 sur l’esclavage, Besançon/Paris, 1974, p. 105-209). Les deux édifices ne sauraient en effet s’ignorer, puisqu’une inscription gravée sur la face antérieure du second rang de gradins indique que le théâtre a été construit grâce aux revenus du dieu [p. 89, §B17.5; cf. L. MORRICONE, « Le iscrizioni del teatro di Butrinto », PdP 41 (1986), p. 172-174] : ᾿Απο τᾶν ποθόδων τοῦ θεοῦ. J. Wilkes (p. 166) résume les informations publiées par la Mission italienne au sujet du petit temple attribué à Asclépios, un naos distyle in antis, sans doute dorique, dont la construction, datée au IVe s. av. J.-C., est comparée à celle du Trésor des Athéniens à Delphes (cf. fig. 6.74, p. 171). À l’intérieur, l’anfractuosité pourrait correspondre à un ancien écoulement d’eau sulfureuse. Un second temple est succinctement abordé, situé sur une terrasse au N qui domine le petit temple et le théâtre, près des remparts de l’acropole. Ajoutons que cet édifice est lui aussi découvert par L.M. UGOLINI pendant la fouille du théâtre (Butrinto. Il mito d’Enea. Gli

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scavi, Roma, 1937, p. 122-123; cf. fig. 71, p. 126). La krepis (7,8 × 11,7 m) et les premières assises des murs sont bien conservées, et permettent de restituer une chapelle tétrastyle ionique comparée au naos de Zeus à Dodone. À l’époque romaine, le sol est couvert d’une mosaïque polychrome (pour les activités édilitaires romaines, cf. maintenant J. BERGEMANN, Die römische Kolonie von Butrint und die Romanisierung Griechenlands, Munich, 1998, en particulier p. 47-66). Selon J. Wilkes, ce temple in summa cavea est « evidently dedicated to Aphrodite ». Or en 1999, en l’absence de matériel épigraphique et archéologique associé au monument – absence toujours d’actualité –, N. Ceka reconnaissait que la divinité logée dans ce temple était inconnue et proposait sans argument précis une attribution à Dionysos (Butrint. A Guide to the City and its Monuments, Butrint Foundation, London, 1999, p. 39; cf. ChronARG [2001], 05.12). Notons que les cultes d’Aphrodite et de Dionysos sont en effet attestés à Bouthrôtos, comme ceux d’Artémis, d’Hygie, de Zeus Cassios, et, peut-être, d’Athéna. Il est donc périlleux de choisir un candidat, d’autant plus que l’édifice oblong à deux chambres immédiatement à l’O de la chapelle attribuée à Asclépios – bien visible sur le plan de L’Institut archéologique albanais à la fig. 6.73, p. 170 –, non attribué, doit être pris en compte dans ces réflexions, et qu’un dieu important dont est attestée à Bouthrôtos la prêtrise, Zeus Sôter, n’est pas encore domicilié. Il est évident que cet ensemble forme une aire cultuelle importante, et que le théâtre vient compléter le dispositif topographique en le perturbant partiellement.

25 F. Sear confirme la relation chronologique entre le petit temple attribué à Asclépios et le théâtre proposée par L.M. Ugolini (p. 182), et montre que cette association topographique ne manque pas de parallèles dans le monde grec (p. 191), en particulier dans les sanctuaires d’Asclépios (Épidaure, Balagrae en Cyrénaïque, Pergame, Messène, Nea Paphos à Chypre, Lissos en Crète, Smyrne; cf. p. 192). L’hypothèse d’un odéon couvert avait été formulée par R. MEINEL (Das Odeion. Untersuchungen an überdachten Antiken Theatergebäuden, Francfort, 1980), mais une série d’arguments de nature technique conduit F. SEAR à penser que le théâtre de Bouthrôtos n’était pas couvert (p. 192-194).

26 I. Pojani propose un catalogue commenté des sculptures découvertes par L.M. Ugolini lors de la fouille du théâtre. Nous signalons celles qui ont sans doute un rapport avec le culte : une tête masculine barbue datée de la basse époque hellénistique, peut-être celle d’Asclépios selon l’archéologue italien, qui n’exclut pas néanmoins Zeus ou Poséidon (Cat. n° 4, p. 219-221; cf. le commentaire de l’A., p. 249); un fragment de pilier hermaïque appartenant à une statue, Hermès selon L.M. Ugolini (Cat. n° 14, p. 240-241; cf. le commentaire d’I. Pojani, p. 251, qui reconstitue le lieu exact de provenance, et, en se fondant en particulier sur des exemples régionaux, rappelle à juste raison que le pilier « hermaïque » peut correspondre à la représentation d’autres dieux, dont Asclépios); un autel cylindrique daté de l’époque impériale (Cat. n° 18, p. 243-244). O.J. GILKES (éd.), A.M. LIBERATI, L. MIRAJ, I. POJANI, F. SEAR, J. WILKES et B. POLCI, The Theater at Butrint. Luigi Maria Ugolini’s Excavations at Butrint 1928-1932 (Albania Antica IV), Britisch School at Athens, 2003 (Supplementary Volume n° 35).

27 – Dans le cadre d’une réflexion sur les offrandes en numéraire dans les sanctuaires de héros guérisseurs et les Asclepieia, un dispositif découvert par L.M. Ugolini dans la chapelle attribuée à Asclépios est interprété à juste titre par les A. comme un thesauros (p. 262-263). Il s’agit de deux blocs superposés creusés de deux cavités symétriques et communicantes; le bloc supérieur est doté d’une fente destinée à introduire des

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monnaies [L.M. UGOLINI, L’acropoli di Butrinto, Rome, 1942, p. 96-97, pl. 88, fig. 2 : « ara di Filisto », en raison de l’inscription gravée sur l’un des deux blocs = ᾿Επὶ ἱερέος Φιλίστου). Signalons que ce thesauros n’est en effet pas pris en compte dans la synthèse de G. KAMINSKI, « THESAUROS. Untersuchungen zum antiken Opferstock », JdI 106 (1991), p. 63-181], dont la typologie montre néanmoins que le dispositif de Bouthrôtos a de nombreux parallèles, et que sa présence dans un édifice naomorphe ne fait pas nécessairement de ce dernier un trésor ou un temple-trésor (cf. « Im Tempel bzw. Kultraum », p. 118-120). M.E. GORRINI et M. MELFI, « Archéologie des cultes guérisseurs : quelques observations », Kernos 15 (2002), p. 247-265.

Illyrie méridionale

28 05.09 – Apollonia – Mission épigraphique et archéologique française en Albanie, Institut archéologique albanais – Grâce aux travaux de la campagne 2001, il est maintenant assuré que l’« édifice à mosaïque » ne peut correspondre à l’atrium d’une domus à péristyle, car la cour centrale n’est pas hypèthre – absence d’un dispositif d’évacuation des eaux. Il pourrait s’agir d’un édifice cultuel (cf. ChronARG [2003], 05.09). La façade monumentale oriente le monument vers l’E, en direction de la grande rue qui mène aux deux points hauts de la ville. L’hypothèse d’un pompeion d’où partiraient des processions sacrées n’est pas exclue. À l’E de la fouille, les constructions complexes situées au S du mur 12, qui marque la limite méridionale de la grande rue, doivent peut-être être interprétées comme le podium d’un temple, qui pourrait avoir été transformé en basilique paléochrétienne. L’éboulis découvert dans la rue, en contrebas de ce dispositif, contenait en effet de très nombreux fragments architecturaux signalés dans les précédentes chroniques. P. CABANES, J.-L. LAMBOLEY, B. VREKAJ et alii, « Apollonia d’Illyrie (Albanie) », BCH 126 (2002) [2003], p. 646-658; J.-L. LAMBOLEY, « La nuova documentazione archeologica di IV secolo ad Apollonia », in La Sicilia dei due Dionisî (Atti della settimana di studio, Agrigento 24-28 febbraio 1999), Roma, 2002, p. 217-221 (p. 220); id., « Les fouilles franco-albanaises d’Apollonia : résultats récents et perspectives », in M. BUORA et S. SANTORO (éds), Progetto Dürres. L'indagine sui beni culturali albanesi dell'Antichità e del Medioevo: tradizioni di studio a confronto (Parme-Udine, 19-20 aprile 2002), Trieste, 2003 (Antichità altoadriatiche, 53), p. 323-351.

29 – Description et analyse de 18 stèles funéraires apolloniates antérieures à l’époque impériale; cf. notamment deux couronnements de stèles : une Nikè sacrifiant (n° 17, p. 227-228) et une probable représentation d’Aphrodite (n° 18, p. 228-229). I. POJANI-DHAMO, « Relieve të stelave funerare apoloniate të periudhës klasike dhe helenistike », Iliria (1997) [1999], 1-2, p. 205-241.

Îles ioniennes

30 05.10 – Corcyre – VIIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – À Palaiopolis, K. Preka signale la découverte de fragments de figurines d’époque archaïque, associées à un « trésor » de monnaies d’argent (rue Nafsikas).

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31 – Selon K. Kanta-Kitsou, le kouros et le « bétyle » de Kanoni (terrain Pouriki, cf. ChronARG [2001], 05.16), sont vraisemblablement associés à un sanctuaire d’Apollon Agyieus. K. PREKA, AD 52 (1997) [2003], Chr. B’2, p. 606; J. WHITLEY, AR 2002-2003 (2003), p. 59; K. KANTA-KITSOU, in A. ALEXANDRI et I. LEVENTI (éds), Καλλίστευμα. Μελέτες προς τιμήν ᾿Ολγας Τζάχου-Αλεξανδρή, 2001, p. 439-460. 32 05.11 – Leucade – I. Andréou publie une étude archéologique et historique du centre urbain de l’ancienne Leucade, en insistant sur les aspects urbanistiques et édilitaires, et ainsi complète parfaitement l’étude de S.P. MORRIS, « The Towers of Ancient Leukas: Results of a Topographic Survey, 1991-1992 », Hesperia 70-73 (2001), p. 285-347, les réflexions de M. FIEDLER, AJA 105 (2001), p. 278, et les informations fournies par G. PLIAKOU et V. KARATZENI, AD 52 (1997) [2003], Chr. B’2, p. 595-598. Dans ce cadre, l’A. propose une synthèse sur les sanctuaires urbains (p. 178-181). Après avoir rappelé la découverte de figurines en terre cuite dans les maisons, I. Andréou retient que trois grands sanctuaires sont connus par les sources, ceux d’Apollon, d’Aphrodite Aineias, et d’Héra; par ailleurs, l’épigraphie et l’iconographie monétaire font aussi connaître les cultes d’Athéna, d’Artémis, d’Hermès, d’Achélôos et d’Héraclès. Aucun de ces sanctuaires n’est actuellement situé de manière satisfaisante. L’A, qui compare la forme du terrain et l’organisation spatiale des sanctuaires de Leucade à celles d’Apollonia d’Illyrie, propose de situer le sanctuaire d’Apollon sur le promontoire nord-occidental de la ville. Aphrodite Aineias, sans doute honorée en dehors de la ville, avait très vraisemblablement un lieu de culte urbain, où son épiclèse était sans doute différente. Le sanctuaire d’Héra, côtier (cf. Tite-Live, XXXIII, 17), doit vraisemblablement être situé près d’un port, au N ou au S, selon une situation topographique comparée à celle du sanctuaire de la déesse à Pérachôra. Le sanctuaire urbain d’Athéna, connue à Leucade par une dédicace archaïque provenant du S de l’île (LSAG, 1961, p. 227 et 229), ne peut encore être situé. Une inscription découverte dans une tombe pourrait, avec prudence et foi en la restitution proposée, suggérer l’existence d’un culte de Thétis. Le culte d’Achélôos, attesté par les monnaies de Leucade, pourrait être situé auprès de deux sources jaillissant respectivement au N et au S de la ville (Megali Vrisi et Spasmeni Vrisi), où ont été découvertes de nombreuses figurines féminines en terre cuite, comparées au matériel votif découvert dans le sanctuaire du dieu-fleuve à Messène. Enfin, le culte des Nymphes, non attesté en ville, est en revanche très présent dans la chôra, principalement dans des grottes ou de plus modestes anfractuosités : Agia Kiriaki à Nidri, Asvotripa à Phrini (cf. ChronARG [2001], 05.17), Choirotripa à Apolpaina, Charalavi Tripa à Platistoma, et Borliatsos à Kakalo (ces deux toponymes correspondent très vraisemblablement à Voliatso et Kavallo, où une grotte cultuelle a été explorée par l’Éphorie de paléoanthropologie et de spéléologie en 1994, cf. ChronARG [2002], 05.08, et J. WHITLEY, AR 2003-2004 [2004], p. 41, pour la découverte de figurines votives en terre cuite : Pan, Héraclès, Hermès, Silènes et Satyres). L’activité cultuelle dans ces sanctuaires naturels remonte au VIe s. av. J.-C. et doit être attribuée aux colons corinthiens. I. ANDRÉOU, « Πολεοδομικά της αρχαίας Λευκάδος », AD 53 (1998) [2002], p. 147-186. 33 05.12 – Ithaque – VIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, King’s College (London) – Dans le cadre de la prospection dirigée par C. Morgan et A. Sotériou, une étude paléotopographique de la grotte de Polis et de ses environs a été menée. Elle met en cause l’existence même d’une « cave-like structure » pendant l’Antiquité, en montrant que l’effondrement du plafond est plus ancien. Les recherches de la

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campagne 2003 confirment cette conclusion, mais apportent une nuance : un abri ouvert et étroit existait vraisemblablement. J. WHITLEY, AR 2002-2003 (2003), p. 42-44; AR 2003-2004 (2004), p. 38-39.

34 – Découvert à Magnésie du Méandre, l’unique décret connu de l’État d’Ithaque mentionne à la fin du IIIe s. av. J.-C. les deux sanctuaires où des copies du textes devaient être exposées sous la responsabilité d’un même magistrat, l’epidamiorgos : l’Odysseion et le hieron d’Athéna (O. KERN, Die Inschriften von Magnesia am Meander, Berlin, 1903, 27, n° 36, l. 29-30). J.M. FOSSEY tente de localiser ces deux sanctuaires et rappelle à cette occasion la découverte dans le secteur de Polis d’une inscription très restituée mentionnant une offrande – disparue dans une lacune au début du texte –, peut-être faite par des peripoloi, et, au génitif, Athéna Polias et Héra Téléia (LSAG, p. 213, n° 3, et M.L. LAZZARINI, Le formule delle dediche votive nella Grecia arcaica, Rome, 1976, n° 945). Il propose donc de situer l’Odysseion dans le centre urbain, et le sanctuaire d’Athéna près de la grotte de Polis, qui, d’après le matériel, serait plus particulièrement consacrée aux Nymphes (pour un culte d’Ulysse bien antérieur à l’époque hellénistique, cf. I. MALKIN, The Returns of Odysseus. Colonization and Ethnicity, Berkeley et al., 1998, p. 94-119; id., « Ithaka, Odysseus and the Euboeans in the eighth century », in M. BATS, B. D’AGOSTINO (éds), Euboica. L’Eubea e la presenza euboica in Calcidica e in Occidente, Naples, 1998 [CJB, 16 / AION(ArchStAnt), 12], p. 1-10). Notons que cette localisation des deux lieux de culte s’accorde parfaitement avec les conclusions, non exploitées par J.M. FOSSEY, de S. SYMEÔNOGLOU (PAAH 1995 [1998], p. 211-215, pl. 92-93; cf. ChronARG [2002], 05.09), qui pense avoir découvert l’Odysseion lors de ses fouilles à Alalkomenai. La prospection menée par C. Morgan et A. Sotériou apportera sûrement des informations utiles à la localisation de l’Athénaion (cf. J. WHITLEY, AR 2002-2003 [2003], p. 42-44). L’A. s’interroge aussi sur le caractère exceptionnel de la double exposition, l’expliquant par la nécessité de déposer le texte dans le lieu de culte le plus important pour l’identité insulaire des habitants d’Ithaque, l’Odysseion – son prêtre fait partie des magistrats éponymes, ce qui témoigne de l’importance du culte du héros –, mais aussi dans un sanctuaire d’une divinité dont la diffusion est panhellénique (« the need for a divine participation in the act of recognition »). À la manière du poème odysséen, les monnaies d’Ithaque associent en effet étroitement Ulysse et Athéna au faîte du panthéon insulaire [cf. aussi L. RADIF, « Una fantageografia realistica: la ‘grotta delle Ninfe’ omerica », Maia 54 (2002), p. 27-32]. J.M. FOSSEY, « Ithaka and Magnesia-on-the-Maiandros », AncW 32-2 (2001), p. 171-181.

35 05.13 – Céphalonie – VIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques et Éphorie de paléoanthropologie et de spéléologie – L’étude de la grotte de Drakaina à Poros ( cf. ChronARG [2002], 05.10) a montré que du Néolithique au Bronze Ancien l’abri est un habitat; du XVe s au VIIe s. av. J.-C., la grotte est semble-t-il abandonnée, et devient au VIe s. un lieu de culte consacré à Pan et aux Nymphes, dont l’activité cesse avec la conquête romaine en 188 av. J.-C. Sur ce sanctuaire, cf. surtout E.M. CHATZIOTOU, G. STRATOULI et E. KOTZAMPOPOULOU, « Η Σπηλιά της Δράκαινας », AAA 22 (1989) [1995], p. 31-60. J. WHITLEY, AR 2003-2004 (2004), p. 38.

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[06. Phthiotide, Thessalie] 07. Macédoine (Emmanuel Voutiras et Kalliopi Chatzinikolaou)

36 07.00 – Généralités

37 – Présentation du projet « la religion romaine en Macédoine ». En novembre 2000 la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) a approuvé un projet de recherche intitulé « La religion romaine dans l’Empire et dans ses provinces », dont le but est d’étudier le phénomène de la diffusion et de l’assimilation de la religion romaine dans les provinces de l’Empire. La section concernant la province de Macédoine a été confiée à une équipe de chercheurs de l’Université d’Erfurt et comprend deux parties : a) la Macédoine avec une mention spécale pour l’île de Samothrace et b) Thessalonique. Par une étude combinée des textes, des inscriptions, des monnaies et des données archéologiques les collaborateurs du projet se proposent d’atteindre les objectifs suivants : 1. Étudier l’histoire religieuse de la région en fonction des relations entre centre et périphérie, c’est-à-dire entre capitale et province, afin de déterminer l’acceptation ou le rejet éventuel de nouvelles idées ainsi que les influences mutuelles. 2. Développer une théorie sur le processus de formation et les moyens de transmission des faits religieux. 3. Comprendre la Macédoine en tant qu’unité politique et culturelle par rapport aux régions avoisinantes, en faisant ressortir son caractère de zone de transition.

38 La Macédoine se prête à ce genre d’étude, car elle a connu un essor presque ininterrompu (sauf dans les deux premiers tiers du Ier s. av. J.-C.) grâce à la construction de la via Egnatia, important axe routier qui assurait la liaison entre la partie occidentale et la partie orientale de l’Empire romain. La présence de soldats, de vétérans et de trafiquants romains a contribué à un brassage des cultes et des idées religieuses. Bien sûr, cette évolution s’est produite de manière différente dans les centres urbains, plus ouverts aux influences extérieures, et dans les campagnes. Les pratiques cultuelles peuvent également varier en fonction du statut social des fidèles. La langue et l’éducation sont aussi des facteurs importants dans la propagation des cultes. Les périodes étudiées en particulier sont : 1. Des premiers contacts entre la Macédoine et Rome jusqu’à la création de la province (221 à 148 [ou plutôt 146] av. J.- C.). 2. La période qui va des guerres civiles romaines et de la création de colonies en Macédoine à la venue de l’apôtre Paul (42 av. J.-C. à 50 ap. J.-C.). 3. L’époque des Sévères. 4. L’époque de la Tétrarchie, quand Thessalonique devient pendant quelque temps siège impérial.

39 Samothrace, bien qu’appartenant à la Thrace sous les Romains comme auparavant, est examinée dans le contexte de cette étude parce que son sort était étroitement lié à celui de la Macédoine. En effet, plusieurs Macédoniens, y compris des souverains, s’étaient fait initier aux fameux mystères pratiqués dans le grand sanctuaire de l’île. Ces mystères étaient associés au culte dominant, celui des Grands Dieux (Megaloi Theoi) ou Kabires, mentionnés par plusieurs auteurs anciens. Il faut pourtant noter que le nom de « Kabires » n’apparaît jamais dans les documents provenant de l’île elle-même : les Dieux de Samothrace ne sont appelés ainsi qu’en dehors de leur sanctuaire, par exemple à Philippes ou à Thessalonique. Nous possédons très peu de renseignements sur le culte et les mystères (cf. infra, 09.03). Au début, les Dieux de Samothrace ne

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semblent pas avoir beaucoup intéressé les Romains. Cependant Varron a essayé de les associer aux Pénates, amenés, selon la tradition, en Italie par Énée après la chute de Troie. Vers la fin de la période républicaine, certains dignitaires romains se font initier aux mystères des Dieux de Samothrace. À partir du Ier s. ap. J.-C. le nombre des initiés romains augmente sensiblement d’après le témoignage des inscriptions. Toutefois, il ne semble pas que des Romains se soient installés dans l’île. On ne constate aucune influence romaine sur le culte des Grands Dieux. Ch. TSOCHOS, « Η ρωμαϊκη θρησκεία στη Μακεδονία », AErgoMak 15 (2001) [2003], p. 47-54.

40 – Dans le cadre d’un volume dédié aux cultes dans les zones « périphériques » du monde hellénique, l’A. revient sur un sujet qu’il avait déjà étudié (M.B. HATZOPOULOS, Cultes et rites de passage en Macédoine, Athènes 1994 [Meletemata, 19]). Contrairement à ce qu’on a pu croire dans le passé, la religion des anciens Macédoniens était fondée sur un panthéon entièrement hellénique; Zeus, Héraclès et Asclépios y occupaient une place importante. Les recherches archéologiques ont révélé en outre l’existence du culte d’une importante divinité féminine (la Mère des Dieux), à laquelle on pourrait associer un « parèdre » masculin qu’il est tentant d’identifier avec Dionysos. Ce culte paraît avoir comporté des rites à caractère intiatique et plus spécialement des rites de passage à l’âge adulte pour des jeunes filles et des garçons. Un ensemble d’inscriptions et de sculptures provenant d’un sanctuaire situé dans le territoire de Létè offre la possibilité d’étudier certaines pratiques cultuelles concernant les jeunes filles. L’A. évoque des parallèles surtout thessaliens. D’autre part, l’épigraphie de Beroia a révélé la présence (du mois à l’époque impériale) du culte de Dionysos Pseudanôr, déjà connu par des témoignages littéraires, associé à des travestissements rituels et à la pratique de la krypteia. Ce dieu présidait probablement à des rites de passage à l’âge adulte. Un autre aspect de Dionysos, associé cette fois à Perséphone, serait le rôle important qu’il aurait joué lors du passage des morts dans l’au-delà. L’A. examine les croyances des anciens Macédoniens sur le sort des âmes dans le règne d’Hadès et insiste sur l’importance des croyances et des rites bacchiques et orphiques, que nous révèlent en partie quelques inscriptions funéraires et les lamelles orphiques. M.B. HATZOPOULOS, « Λατρείες της Μακεδονίας· τελετές μεταβάσεως και μυήσεις », in A. AVAGIANOU (éd.), Λατρείες στην ‘περιφέρεια’ του αρχαίου ελληνικού κόσμου, Εθνικό ´Ιδρυμα Ερευνών, « Επιστήμης Κοινωνία », Ειδικές Μορφωτικές Εκδηλώσεις, Athènes, 2002, p. 11-30.

41 – L’A. publie une monnaie en bronze appartenant à un petit trésor de sept monnaies dont six sont des émissions de cités macédoniennes (3 de Pella, 1 d’Amphipolis, 2 de Thessalonique). Ce trésor, trouvé au sud de Serrès dans un pot en terre, est passé dans une collection privée en Allemagne. Les six monnaies macédoniennes sont des émissions des années 187-168 av. J.-C. et elles sont assez usées, ce qui indique qu’elles sont restées longtemps en circulation. Le trésor a dû être caché après la défaite de Persée à Pydna. La septième monnaie est une pièce unique; elle porte la tête de Zeus couronné de laurier, un foudre et l’inscription ΔΙΟΣ ΕΛΕΥΘΕΡΙΟΥ. Il n’y a ni indication de l’autorité d’émission ni de monogramme. L’A. attribue cette monnaie à la Macédoine à cause de l’alliage et de l’étalon, et considère Pella comme le lieu d’émission le plus probable. Quand au type monétaire, il peut être daté au 2e quart du IIe s. av. J.-C., ce qui en fait le plus ancien témoignage du culte de Zeus Eleuthérios en Macédoine. Une recherche sur cette épiclèse de Zeus montre qu’elle apparaît souvent en association

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avec le culte de Dea Roma et des empereurs romains, notamment dans des inscriptions d’époque impériale provenant de Macédoine et de Thrace (Thessalonique, Kalindoia, Abdères, Maronée, Ainos). Après une discussion détaillée des diverses opinions qui ont été exprimées au sujet de l’introduction du culte de Zeus Eleutherios en Macédoine, l’A. parvient à la conclusion qu’elle doit être placée après la bataille de Pydna. Ce culte, qui allait de pair avec celui de Dea Roma, servait sans doute la propagande romaine. K. LIAMPI, « Die Einführung des Kultes des Zeus Eleutherios in Makedonien. Die numismatischen Zeugnisse aus dem Hortfund von Serres », MDAI(A) 117 (2002) [2003], p. 203-220, pl. 40.

42 07.01 – Kastoria – site de Psalida ou Vigla – XVIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Un sanctuaire datant des périodes hellénistique et romaine a été localisé et fouillé en partie sur le sommet appelé Psalida dans la préfecture de Kastoria. Des fragments de reliefs votifs, aussi bien en marbre qu’en calcaire, à Zeus Hypsistos, à Héra et à Hermès y ont été découverts. (cf.ChronARG [2001], 07.02 p. 260). Ch. TSOUGARIS, ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B2, p. 744, 750.

43 07.02 – Polyneri, site de Kastri (préfecture de Grevena) – Université Aristote de Thessalonique – La poursuite de la fouille sur le site de Kastri près de Polynéri, où l’acropole et un sanctuaire d’une ville inconnue ont été découverts (ChronARG [2004], 07.02), a dégagé une plus grande partie du temple dorique déjà connu, ce qui a permis F0 d’en calculer les dimensions avec exactitude (18,80 m B4 11,40 m) et de préciser un certain nombre de traits structurels et morphologiques. À l’angle NE, il existe une construction en forme de tour directement liée au temple. On a aussi poursuivi le dégagement du portique dorique monumental dans la partie S de la terrasse du sanctuaire. Des tronçons de l’enceinte fortifiée de la ville ont été repérés en bordure de cette terrasse. Les trouvailles comprennent, outre de nombreux membres architecturaux, un grand nombre d’objets variés (vases, bijoux, monnaies). La date de construction du sanctuaire à la fin du IVe s. av. J.-C. a pu être confirmée, de même que sa destruction vers le milieu du IIe s. av. J.-C. Les A. proposent, comme hypothèse de travail, l’identification du site avec la cité antique d’Aiginion en Tymphée. S. DROUGOU, Chr. KALLINI, « Καστρί Πολυνερίου Γρεβενών », AErgoMak 15 (2001) [2003], p. 587-592.

44 07.03 – Kozani – XVIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Mention d’une stèle votive inscrite à Zeus Hypsistos (IIe – IIIe s. ap. J.-C.) provenant des environs de Agios Dimitrios dans la préfecture de Kozani (voir Th. RIZAKIS, J. TOURATSOGLOU, Επιγραφέ ς ´Ανω Μακεδονίας, Athènes, 1985, p. 37, no 22). Ch. ZIOTA,ADelt 52 ( 1997 ) [ 2003 ], Chron. B2, p. 749 et n. 111.

45 07.04 – Eordée, site de Agia Paraskevi (municipalité de Agia Paraskevi) (préfecture de Kozani) – XVIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – L’A. énumère les découvertes archéologiques faites dans la passé dans la région de la municipalié de Agia Paraskevi, dont certaines ont un intérêt religieux :

46 – Lieu-dit Ekklissaki près de Spilia : clé en fer de type laconien et partie basse d’un relief votif avec la figure d’un aigle, associé sans doute au culte de Zeus Hypsistos.

47 – Lieu-dit Kioupi près de Karyochori : sanctuaire d’Artémis d’époque romaine identifié déjà en 1922. D’ici proviennent des membres architecturaux (une colonne, des parpaings, des tuiles de toiture) ainsi qu’une stèle votive inscrite à Artémis Lochia avec

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des oreilles en relief. L’A. pense que la stèle votive à Artémis Agrotera (IIe – IIIe s. ap. J.- C.) publiée comme provenant de Spilia (RIZAKIS – TOURATSOGLOU, supra07.03, n° 101) pourrait être associée à ce sanctuaire.

48 – Lieu-dit Zounolo près de Agios Christophoros : stèle votive inscrite à Zeus Hypsistos. G. KARAMITROU-MENTESSIDI, « Εορδαία, δήμος Αγίας Παρασκευής », AErgoMak 15 (2001) [2003], p. 620-624.

49 07.05 – Aiani (préfecture de Kozani ) – XIe Éphorie des antiquités byzantines – Du matériel provenant d’un sanctuaire antique a été remployé lors de la construction de l’église du monastère de Saint Athanase à Aiané (voir K. E. Siampanopoulos, Αιανή, Thessalonique, 1974, p.122-127). Il est probable que le monastère fut construit sur le site même du sanctuaire en question. A.TSILIPAKOU,ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B2, p. 789-790.

50 07.06 –Menèis en Bottiée(préfecture de Pella) – XVIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Nouvelle présentation du sanctuaire funéraire des mystes de Dionysos à Menèis en Bottiée (ChronARG [2004], 07.05). P. CHRYSOSTOMOU, « Ταφικό ιερό μυστών του Διονύσου στη Μενηΐδα Βοττιαίας », AAA 32-34 (1999-2001) [2003], p. 195-220.

51 07.07 – Beroia – XVIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Deux figurines en terre cuite proviennent d’une tombe à chambre d’époque hellénistique taillée dans le rocher tendre, découverte dans une ruelle latérale de la rue Stadiou dans la ville moderne de Beroia. L’une d’elles représente une femme vêtue d’un chiton ceint haut et portant une hydrie qui pourrait être liée au culte de Déméter et à la fête des Thesmophories (ChronARG [2004], 07.06); l’autre est une femme vêtue d’un peplos dont le drapé, de style archaïsant, rappelle les hekataia en marbre de l’époque hellénistique tardive. V. ALLAMANI, ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B2, p. 730-731.

52 – Une base inscrite en marbre (Musée de Béroia, no Λ 919), datant du début du IIe s. av. J.-C., a été découverte sous le dallage d’une rue de la période romaine tardive au cours de travaux pour la pose d’un conduit d’eau potable. Ce document fournit des renseignements relatifs à la topographie de la ville de Beroia et mentionne le sanctuaire d’Asclépios. E. STEFANI, ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B2, p. 729.

53 – Les travaux pour le percement d’une rue conduisant au cimetière moderne de Beroia ont mis au jour une stèle funéraire du IIIe s. ap. J.-C. à couronnement arché. Sur le champ principal sont représentées une femme assise et une Artémis vêtue d’un chiton court et avançant vers la droite. Dans le champ du couronnement, on voit deux figures de taille plus petite dont la première représente un petit Éros et la deuxième une Aphrodite. Il s’agit sans doute de représentations de défunts sous les traits de divinités, phénomène bien attesté en Macédoine à l’époque romaine. V. ALLAMANI, ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B 2, p. 746.

54 07.08 – Leukopetra, site de Kallipetra (préfecture d’Imathia) – XVIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Les travaux pour la construction de la nouvelle autoroute « via Egnatia » au lieu-dit Kallipetra, à 700 m au SO du sanctuaire de la « Mère des Dieux Autochthone » de Leukopetra, ont conduit à la découverte et à la fouille partielle d’un complexe d’habitations de l’époque hellénistique. Deux espaces de

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ce complexe (pièces 2 et 3) abritaient probablement des sanctuaires domestiques. La découverte dans l’angle NO de la pièce 2 de deux thymiateria (brûle-parfums) ainsi que de figurines en terre cuite d’Éros et d’Aphrodite font penser qu’on y adorait Aphrodite. Par ailleurs, la pièce 3, destinée sans doute en premier lieu aux activités domestiques puisqu’elle contenait une construction en pierre interprétée comme un moulin, des jarres et de nombreux vases, fonctionnait probablement elle aussi, du moins en partie, comme lieu de culte. En effet, on y a trouvé, près du mur N, deux figurines en terre cuite représentant des femmes drapées, une protomé de Pan (faussement identifié comme satyre) portant la syrinx à ses lèvres, un thymiaterion et un petit autel. Ces objets étaient apparemment posés sur un gradin en terre, car ils ont été trouvés dans une masse de terre glaise. Il faut également noter la présence d’une construction isolée dans la nécropole de l’agglomération hellénistique. Il s’agit d’une petite salle rectangulaire, ouverte d’un long côté, qui contenait une quantité de vases en terre cuite et des objets en métal. L’A. pense que ce bâtiment, qu’elle date du 2e quart du IIIe s. av. J.-C., pourrait avoir eu une fonction cultuelle. L. STEFANI, « Ανασκαφές στον άξονα της Εγνατίας : η έρευνα στις περιοχές της Λευκόπετρας και της Νέας Σάντας », AErgoMak 15 (2001) [2003], p. 560, 561, 567, fig. 5α, 5β, 6, 19.

55 07.09 – Vergina-Aigai – Université Aristote de Thessalonique – L’A. résume les résultats des recherches menées dans la ville antique d’Aigai pendant la dernière décennie. Référence est faite entre autre au sanctuaire d’Eukleia, situé dans l’axe du palais et du théâtre, et dont la construction remonte au IVe s. av. J.-C. Le caractère politique de ce culte est relevé et comparé à celui d’Héraclès dans le palais (sans doute très important pour la monarchie macédonienne) et de Zeus sur l’agora. Le sanctuaire hellénistique de la Mère des Dieux est également mentionné. S. DROUGOU,« Βεργίνα 2001 – Minimalia », AErgoMak 15 (2001) [2003], p. 549-557. 56 07.10 –Pella, ville antique – XVIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Mention du sanctuaire du héros guérisseur Darron récemment fouillé, qui contenait entre autres une baignoire en terre cuite (p. 714; ChronARG [2004], 07.07). Les excroissances en maçonnerie au bas des murs intérieurs d’une cour à ciel ouvert dans le sanctuaire étaient probablement des supports de banquettes (p. 715). M. LILIMPAKI-AKAMATI, ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B2,p. 714 et n. 9, 715 et n. 19.

57 07.11 – Pella, palais – Une base quadrangulaire en calcaire ayant probablement porté une offrande a été découverte dans la partie sud de la cour du complexe identifié comme la palestre du palais. Parmi les trouvailles provenant des puits de la palestre se trouve un autre fragment de base qui pourrait aussi avoir porté une offrande. P. CHRYSOSTOMOU, ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B2, p. 718, 719.

58 – Mention des exedres et des bases découvertes dans les cours des bâtiments I, II et V (identifié par l’A. comme palestre) au cours des récentes campagnes de fouilles. Il est permis de supposer qu’au moins certaines de ces bases portaient des statues en bronze de dieux et de héros liés à la famille royale de Macédoine (cf. P. CHRYSOSTOMOU, « Συνεισφορές σε λατρείες θεοτήτων και ηρώων από τη Βοττιαία και την Πιερία της Μακεδονίας », Eulimene 4 [2003]). P. CHRYSOSTOMOU, « Ανάκτορο Πέλλας 2001 : ‘Βασίλειος κάραβος’ », AErgoMak 15 (2001) [2003], p. 442, 444.

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59 07.12 – Archontiko (préfecture de Pella) – XVIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Mention d’une figurine en terre cuite représentant Dionysos au banquet trouvée dans une tombe archaïque de la nécropole O d’Archontiko. A. CHRYSOSTOMOU, P. CHRYSOSTOMOU, « Ανασκαφή στη δυτική νεκρόπολη του Αρχοντικού Πέλλας », AErgoMak 15 (2001 ) [2003], p. 483, fig 10. 60 07.13 –Dion– XVIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Brève présentation de l’histoire de la recherche et mention des principaux témoignages mythologiques et historiques concernant le sanctuaire de Zeus à Dion de Piérie. E. POULAKI, in Αρχαίες αγροικίες σε σύγχρονους δρόμους. Κεντρική Μακεδονία (catalogue d’exposition), Athènes, 2003, p. 32.

61 – Université Aristote de Thessalonique – Au cours des campagnes de fouilles de 1998-2001 dans le sanctuaire de Déméter un portique d’époque hellénistique a été dégagé au sud des édifices cultuels. Le portique est ouvert vers le N et son mur de fond est conservé sur une longueur de 30 m; ses extrémités n’ont pas été repérées. En façade, des poteaux de bois en série posés sur des bases quadrangulaires en pierre, dont six sont conservées, supportaient la toiture. L’aspect du portique a été modifié lors d’une réfection survenue probablement peu de temps après sa construction : la façade a été fermée par un mur entrecoupé d’ouvertures et l’intérieur a été divisé en chambres. Ce réaménagement témoigne sans doute d’un changement d’usage de l’édifice. À l’époque romaine, le portique fut détruit et sa partie E fut occupée par un four de pottier. S. PINGIATOGLOU, « Το ιερό της Δήμητρας στο Δίον », AErgoMak 15 (2001) [2003], p. 355-361.

62 – Des travaux effectués pour dévier les eaux qui innondent régulièrement une partie du site archéologique de Dion en Piérie ont mis au jour un sanctuaire de Zeus Hypsistos en très bon état de conservation avec des trouvailles datant principalement de l’époque impériale. Le sanctuaire est situé à côté de celui d’Isis. La statue de culte (malheureusement acéphale) du dieu assis sur son trône a été trouvée au fond de la cella. On a aussi découvert l’autel du sanctuaire ainsi que 14 aigles votifs et des inscriptions grecques et latines. Αρχαιολογία, Décembre 2003, Rubrique « Αρχαιολογικά », p. 116. 63 07.14 – Mont Olympe– XVIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – (a) Bref aperçu des principaux témoignages littéraires relatifs au culte de Zeus sur le Mont Olympe, mention du sanctuaire du dieu sur le sommet de Agios Antonios et réference à une statuette en argent provenant de Kallipeuké dans le Bas Olympe à l’Ashmolean Museum d’Oxford. (b) Référence à Orphée et à ses liens avec la région de Leibethra rapportés par la tradition écrite : sa naissance dans une grotte de la région; son rôle dans la création des mystères dionysiaques; sa mise à mort violente par les femmes de la Piérie. La tombe d’Orphée à Leibethra aurait été à l’origine un herôon, graduellement transformé en sanctuaire contenant son xoanon. E. POULAKI, in Αρχαίες αγροικίες σε σύγχρονους δρόμους (supra07.13), p. 17, 21-23, 25, 30. 64 – Municipalité de l’Olympe oriental. Sur la hauteur appelée Pappous, près d’un site encore inexploré au lieu-dit Paliokastro, entre Leibethra et Platamôn, a été localisée depuis quelque temps une grotte, aujourd’hui fermée; selon certains reneignements, on y aurait trouvé « des tessons de vases offerts à Poseidon ». E. POULAKI-PANTERMALI, ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B2, p.661.

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65 07.15 – Mont Olympe, site de Krania (Heraklion) – XVIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Une statuette en bronze d’Artémis a été découverte sur le site de Krania, qui a été indentifié avec l’ancien Hérakleion, dans une couche de destruction d’époque hellénistique parmi plusieurs autres trouvailles, principalement des figurines en terre cuite représentant des femmes et des animaux. E. POULAKI-PANTERMALI, « 1997 – 2001 : ´Εργα εθνικά και άλλα στην περιοχή του Μακεδονικού Ολύμπου », AErgoMak 15 (2001) [2003], p. 337. 66 07.16 – Thessalonique – Aperçu des cultes religieux attestés à Thessalonique et dans sa région depuis la fondation de la cité par Cassandre. L’A. tient compte de la présence de cultes similaires ou apparentés ailleurs en Macédoine, ce qui rend son exposé particulièrement détaillé et intéressant. Les premières données archéologiques relatives à des cultes divins et héroïques à Thessalonique remontent à la fin du IVe s. av. J.-C. et concernent les divinités grecques traditionnelles. À partir du IIIe s. av. J.-C., on observe l’introduction de cultes orientaux (surtout égyptiens), due sans doute à l’importance de la cité comme centre commercial. La conquête romaine a pour conséquence l’introduction de nouveaux cultes, en particulier celui de la Dea Roma et plus tard de divinités populaires parmi les troupes romaines, comme Mithra et Epona. Certaines divinités importantes apparaissent sur le monnayage de la cité. Dans la partie O de la ville, on a proposé d’identifier une « aire sacrée », où étaient situés les pricipaux sanctuaires, notamment le « Sarapieion » et un temple ionien reconstruit en ce lieu avec des membres apportés d’ailleurs. Il faut noter le grand nombre de sculptures votives découvertes dans la ville et dans sa région. Les cultes examinés sont les suivants : I. Cultes de divinités : Athéna, Artémis, Aphrodite, Déméter, Zeus et Theos Hypsistos, Hermès, Poseidon, Dionysos. II. Cultes héroïques : Le héros cavalier vénéré sous les noms Héros ou Hérôn [mais il faut noter qu’il est parfois appelé theos], Héros Aulônitès, Énée (à Aineia et à Thessalonique), Héros Hippalkmos, Asclépios, Héraclès. III. Cultes de personnifications divinisées : Némésis et Tychè. L’A. traite aussi du culte de Kabeiros, divinité tutélaire de la cité à l’époque impériale, et du culte des Korybantes, associés de la Grande Mère, attesté au IVe s. av. J.-C., avant la fondation de Thessalonique. IV. Cultes orientaux : Isis, Sarapis et les autres dieux d’origine égyptienne, Cybèle, Mithra. V. Cultes d’origine occidentale : Epona (déesse d’origine celtique attestée à l’époque de Galère). K. TZANAVARI, « Λατρεία των θεών και των ηρώων στη Θεσσαλονίκη », in D. GRAMMENOS (éd.), Ρωμαϊκή Θεσσαλονίκη (Catalogue d’exposition, Fondation Tellogleion, Université de Thessalonique, Juin 2003 – Janvier 2004. Éditions du Musée Archéologique de Thessalonique, 1), Thessalonique, 2003, p. 177- 262.

67 – Aperçu du culte des empereurs romains et de celui de la Dea Roma à Thessalonique. Déjà Jules César était vénéré à Thessalonique comme Divus Julius selon le témoignage des monnaies; une inscription aujourd’hui perdue atteste la construction d’un temple en son honneur. Le culte de Jules César était, semble-t-il, associé à celui de son ancêtre mythique Aphrodite dont le temple fut transféré à Thessalonique, dans l’aire sacrée à l’O de la ville, probablement d’Aineia, à l’époque d’Auguste. Ce temple, fouillé déjà avant la dernière guerre, a été récemment remis au jour et des statues d’empereurs romains y ont été découvertes (ChronARG [2004], 07.10). Un temple dédié au culte impérial devait exister dans la même zone, puisque les statues d’Auguste et d’un autre empereur ont été trouvées non loin de là, bien qu’il n’ait pas encore été découvert. Les cultes de Dea Roma et des Romains bienfaiteurs ainsi que celui de Zeus Eleutherios (cf.

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supra, 07.00)sont sans doute antérieurs à l’époque impériale; ils sont attestés par des inscriptions à Thessalonique et à Kalindoia. Une statue de culte de Dea Roma dans le type d’une Amazone provient du temple de la zone O de la ville déjà mentionné. Le culte des empereurs était également présent dans les deux édifices monumentaux de la terrasse N de l’agora romaine de Thessalonique, conjointement avec le culte de la famille d’Alexandre le Grand (cf. les études de Th. Stefanidou-Tiveriou présentées ci- dessous). Nous savons en effet que le culte d’Alexandre connaît une grande faveur au IIIe s. ap. J.-C., particulièrement sous les Sévères. Dans le voisinage de l’église de Saint Démètre devait se trouver un sanctuaire dédié au dieu Fulvus, le fils de Marc Aurèle (ou d’Antonin le Pieux selon Edson) divinisé après sa mort prématurée. Le culte du dieu Fulvus est attesté par des inscriptions du IIIe s. ap. J.-C.

V. ALLAMANI-SOURI, « Η αυτοκρατορική λατρεία », ibid., p. 98-119. 68 07.17 – Thessalonique, agora – L’A. soumet à un nouvel examen les résultats des recherches effectuées sur la terrasse N de l’agora romaine de Thessalonique, où Stratis Pélékidis avait fouillé, en 1924, un édifice rectangulaire d’époque impériale avec une grande abside sur son côté N (édifice B). Cet édifice a livré des fragments d’inscriptions et des sculptures remarquables (incorporées pour la plupart dans des murs tardifs, ajoutés probablement au IVe ou au Ve s. ap. J.-C.) dont les parties en marbre d’une statue acrolithe colossale d’Athéna « Medici » transformée ultérieurement, sans doute au début du IIIe s., en portrait de l’impératrice Julia Domna. Une nouvelle fouille, effectuée sur le même terrain en 1973, a permis d’étudier l’édifice B avec plus d’attention. Les résultats de cette fouille furent publiés par E. Kambouri, qui interpréta le somptueux édifice comme une bibliothèque, suivant une opinion émise par Ch. Bouras, et le data du milieu du IIe s. ap. J.-C., date proposée par G. Despinis pour la statue colossale d’Athéna, qui se dressait vraisemblablement dans l’abside. Cependant la fouille de Pélékidis avait aussi mis au jour un édifice triconque de plus petites dimensions (édifice A), qui jouxtait le mur O de l’édifice B. L’édifice A apparaît sur un dessin non publié de la fouille de 1924 que l’A. a retrouvé et publie dans son étude. L’emplacement exact des sculptures et les inscriptions découvertes dans le complexe est noté sur le plan. Les plus importantes parmi les sculptures, outre la statue d’Athéna déjà mentionnée, sont : (a) une tête colossale de l’empereur Titus (n° 882; voir le n° suivant), (b) un buste cuirassé de Septime Sévère, (c et d) deux têtes de facture similaire, une barbue et une imberbe (nos 886+6130, 878), associées probablement, comme l’a vu G. Despinis, à une base portant les noms de certains membres de la famille d’Alexandre le Grand et (e) une partie nue (comprenant la tête et la poitrine) d’une statue de divinité féminine, peut- être acrolithe (n° 887). Près du complexe fut trouvée une tête de Sarapis (n° 897) portant des traces de dorure et provenant sans doute d’une statue de culte. Les dimensions et la qualité de ces œuvres soulignent l’importance des deux édifices, sans aucun doute publics. L’interprétation de l’édifice B comme bibliothèque peut être mise en doute à partir d’une série d’observations sur l’architecture. En outre, ses liens avec l’édifice A, qui, comme le montrent de nombreux indices, relève du même programme architectural, amènent l’A. à supposer que nous avons affaire à des constructions à caractère cultuel alignées sur une terrasse à part, comme c’est le cas sur le forum de Philippes. Th. STEFANIDOU-TIVERIOU, « Η βόρεια πλευρά της Αγοράς της Θεσσαλονίκης : Μια νέα ανάγνωση των ανασκαφικών δεδομένων », AEgroMak 15 (2001) [2003], p. 229-240

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69 – La tête en marbre n° 882 du Musée de Thessalonique provient de la terrasse N de l’agora romaine de la ville (supra) où l’on a fouillé, en 1924 et 1973, un somptueux édifice d’époque impériale (édifice B) associé à un plus petit édifice triconque (édifice A). Cette tête devait appartenir à une statue acrolithe colossale au type du personnage en toge, comme le prouvent ses caractéristiques techniques. Le personnage représenté est identifié avec l’empereur Titus, puisque les traits typologiques de la tête et surtout de la chevelure renvoient à des portraits connus de cet empereur. Certaines particularités de cette œuvre grecque, dans le rendu des joues et des yeux, nous amènent à la comparer avec la tête de la statue de Titus d’Olympie qui est attribuée à un atelier attique. Il est permis de penser que la statue acrolithe colossale de l’empereur dont nous avons la tête avait été dressée dans un temple consacré au culte des Flaviens, peut-être fondé lorsque Vespasien fut divinisé par son fils Titus (79 ap. J.- C.). Ce raisonnement conforte l’interprétation des deux édifices de la terrasse N de l’agora comme des constructions à caractère cultuel. Th. STEFANIDOU-TIVERIOU, « Une tête colossale de Titus au forum de Thessalonique », BCH 125 (2001) 1 Études, p. 389-411.

70 07.18 – Thessalonique – XVIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Les tombes de la nécropole orientale de Thessalonique fouillées dans le terrain de Foire internationale et datant de l’époque hellénistique et du début de l’époque romaine contenaient, entre autre, un grand nombre de figurines en terre cuite représentant des divinités ou des êtres mythiques : Éros et Psychè, Aphrodite (Cnidienne et type « de Fréjus »), Télesphore. Il y avait également des figurines d’animaux : chiens et bovins. M. TSIBIDOU-AVLONITI, St. GALINIKI, K. ANAGNOSTOPOULOU, « ΔΕΘ και αρχαιότητες. Μια σχέση με παρελθόν και μέλλον… », AErgoMak 15 (2001) [2003], p.220, 222. 71 – Les travaux de creusement pour la mise en place d’un réseau de distribution de gaz naturel dans le centre ville de Thessalonique ont mis au jour, entre autre, une stèle portant une inscription à caractère religieux et un fragment d’un des piliers décorés de reliefs du portique de « las Incantadas ». La stèle inscrite a été trouvée à l’angle des rues Palaion Patron Germanou et Alexandrou Svolou; son texte concerne les membres d’une association religieuse de Dionysos et date de la deuxième moitié du IIe ou du IIIe s. ap. J.- C. Le fragment de pilier a été trouvé dans la rue Rogoti (près de la place Elefthérias); il conserve en partie la représentation en relief d’une figure féminine rappelant la Victoire sur un pilier du même monument au Musée du Louvre. (cf. ChronARG [2001], 07.13 p. 263). A. LIOUTAS, ADelt 52 (1997) [2003], Chron B2, p. 635-637.

72 07.19 – Thessalonique, Oraiokastron – XVIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Une protomé féminine en terre cuite représentant Aphrodite ou Perséphone provient du voisinage d’une tombe du IVe s. av. J.-C. (tombe 1) de la nécropole associée à l’agglomération antique de la toumba Daoutbali (toumba A) à Oraiokastro (terrain agricole no 528). Dans l’aire de la nécropole on a trouvé une tablette de défixion avec une malédiction contre les fils d’Ospéros. K. SOUEREF, ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B2, p.644.

73 07.20 – Létè (préfecture de Thessalonique ) – XVIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – La fondation du sanctuaire de Déméter et de Korè à Létè, découvert en 1936 au S de la colline Assar, dont proviennent entre autre des représentations statuaires des deux divinités, peut être située vers la fin de la période classique. Par ailleurs, les

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trouvailles de statuettes en marbre et de figurines en terre cuite datant des époques classique, hellénistique et romaine révèlent la présence de plusieurs cultes dans la région de Létè, plus particulièrement ceux de la Mère des Dieux, de Sarapis et d’Isis, d’Artémis, de Dionysos et peut-être d’Enodia. Il faut noter que des figurines de la Mère des Dieux ont été trouvées dans des maisons rurales (ChronARG [2004], 07.09). L’épigraphie atteste l’existence, à l’époque romaine, d’une association d’Asianoi pratiquant le culte de Dionysos. K. TZANAVARI, in Αρχαίες αγροικίες σε σύγχρονους δρόμους (supra07.13), p. 74-75, 87, 221, nos 239-241.

74 07.21 – Profitis (préfecture de Thessalonique) – XVIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Les travaux pour la construction de la nouvelle autoroute « via Egnatia » dans la région entre les lacs de Koroneia et de Volvi, près du village moderne de Profitis, ont mis au jour des restes de constructions antiques appartenant à deux phases, dont la première remonte à la fin du VIe et la deuxième au IVe s. av. J.-C. Les vestiges des fondations d’une structure rectangulaire et d’un espace auxiliaire ainsi qu’une fosse remblayée appartiennent à la première phase; un mur en pierre long de 6 m conservé en partie date de la deuxième phase, qui a recouvert la précédente. On a aussi dégagé une section d’un enclos circulaire. Les phases successives ont été largement détruites par la culture des champs. Toutefois, les trouvailles monétaires montrent que le complexe était en usage jusqu’à l’époque impériale. Deux monnaies trouvées en surface appartiennent au IVe s. ap. J.-C. La céramique ainsi que les nombreuses figures féminines en terre cuite provenant du remblai de la fosse permettraient, de l’avis des A., d’identifier le lieu comme le sanctuaire d’une divinité féminine inconnue. A. LIOUTAS, S. KOTSOS, « Ιερόάγνωστης θεότητας στον Προφήτη Λαγκαδά στην πορεία της Εγνατίας οδού », AErgoMak 15 (2001) [2003], p. 187-194. 75 07.22 – Mygdonie, site de « Poli Rachi »(préfecture de Thessalonique) – XVIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – L’A. propose de situer la cité de Bormiskos, connue par Thucydide, IV, 103, 1, au lieu-dit « Poli Rachi » près du lac de Bolbè. Il y aurait là un culte de Dionysos associé à l’eau. P. ADAM-VELENI, in Αρχαίες αγροικίες σε σύγχρονους δρόμους (supra07.13), p. 91. 76 07.23 –Stagire (préfecture de Chalcidique) – XVIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Sur la colline N du site de la ville antique de Stagire, trois édifices à caractère sacré ont été repérés; certaines constructions plus modestes leur étaient probablement associées. L’édifice le plus important était un temple hécatompède du VIe s. av. J.-C., fouillé en partie, dont proviennent de nombreux fragments de membres archtecturaux. Il y avait aussi un petit sanctuaire du VIe s. av. J.-C. disposant d’un autel et d’une fosse sacrificielle, dédié à une divinité inconnue, sans doute féminine, qui a livré plusieurs objets, surtout des statuettes en terre cuite de figures féminines et de Dionysos ainsi que des lampes. Le troisième édifice était circulaire; il appartient à la même période et peut être identifié comme un Thesmophorion. Il y a lieu de mentionner aussi le linteau de la porte pricipale du rempart de la ville, orné d’un relief représentant un lion et un sanglier. Le sanglier est en effet l’emblème de la cité de Stagire et il apparaît sur son monnayage. K. SISMANIDIS, Αρχαία Στάγειρα. Η πατρίδα του Αριστοτέλη (Guide archéologique), Athènes, 2003, p. 63, 66 fig. 63, 67 fig. 65, 68, 70-73, 75-81, 89-93.

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77 07.24 – Asprovalta, site de Liotopi Routscheli(préfecture de Thessalonique) – XVIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Mention de deux figurines représentant Aphrodite Ourania et Cybèle provenant d’une maison agricole d’époque classique et hellénistique à Asprovalta (lieu-dit « Liotopi Routscheli »). P. ADAM-VELENI, in Αρχαίες αγροικίες σε σύγχρονους δρόμους (supra07.13), p. 222 n° 243-244.

78 07.25 – Nea Kerdyllia, site de Strovolos (préfecture de Serres) – XVIIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Des figurines en terre cuite représentant Aphrodite dans le type « de l’Anadyomène » avec l’himation étendu derrière les épaules, fabriqués peut-être dans la voisine Amphipolis, ont été trouvées dans des tombes d’époque romaine au lieu-dit Strovolos près de Néa Kerdyllia (sur le site cf. ChronARG [2004], 07.14). Des figurines de bovins ont également été trouvées. P. MALAMA, K. DARAKIS, « Ανασκαφή ρωμαϊκού νεκροταφείου στα Ν. Κερδύλλια Σερρών », AErgoMak 15 (2001) [2003], p. 142-143, fig. 20.

79 07.26 –Amphipolis – XVIIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Une lamelle en or inscrite (transcription en majuscules), trouvée pliée sur la poitrine de la défunte dans un sarcophage en calcaire d’époque classique de la nécropole orientale d’Amphipolis, montre que cette femme était une dévote du culte bacchique et probablement orphique. P. MALAMA, « Νεότερα στοιχεία από το ανατολικό νεκροταφείο της Αμφίπολης », AErgoMak 15 (2001) [2003], p. 118.

80 07.27 – Serres – XVIIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – L’A. émet l’hypothèse qu’un sanctuaire antique pourrait être situé sur la pente SE de l’acropole de Serres, dans le voisinage du premier lycée pour jeunes filles de la ville. Une stèle votive du IIe s. ap. J.-C. avec un catalogue de 36 membres d’une association religieuse a été trouvée dans le voisinage de cette école en 1891. Ch. KOUKOULI-CHRYSANTHAKI, « Σίρις – Σίρρα – Σέρραι », Σεραϊκά Ανάλεκτα 3 (2002), p. 39. 81 07.28 – Région de Serres (?) – Une nouvelle inscription votive aux Theoi Megaloi de provenance inconnue a été donnée au Musée de Serres par un habitant du village de Mavrothalassa de la préfecture de Serres en 1998 (n° L 276). L’A. date l’inscription à la deuxième moitié du Ier s. ap. J.-C. et suppose que le culte des « Grands Dieux » de Samothrace avait été importé dans une cité inconnue de la Macédoine orientale. Chr. VELIGIANNI, « Θεοίς Μεγάλοις : Μια νέα αναθηματική επιγραφή », Τεκμήρια 6 (2001) [2002], p. 14-21.

82 07.29 –Philippes– XVIIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques, Université Aristote de Thessalonique – Les A. supposent la présence d’un sanctuaire de Dionysos à proximité du théâtre de Philippes, à l’O de la parodos occidentale et du mur de soutènement O de la cavea. Cet espace n’a pas encore été fouillé. G. KARADEDOS, Ch. KOUKOULI-CHRYSSSANTHAKI, « Θήατρο Φιλίππων », AEgroMak 15 (2001) [2003], p. 106.

08. Thrace (partim) (K. Chatzinikolaou et E. Voutiras)

83 08.00 – Généralités

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84 L’A. traite d’une catégorie de monuments funéraires d’époque classique en forme de naïskos associés à des tumulus. De tels monuments ont été découverts à Strelcha, Sveshtari, Ravnogor, Starosel, Aleksadrovo, Ostrusha et surtout dans la région de Kazanlak, que l’A. appelle la vallée des princes thraces; il propose de distinguer les monuments de ce type des tombes à chambre et de les considérer en quelque sorte comme des temples dédiés au culte des princes thraces qui y étaient probablement ensevelis. G. KITOV, « Dolinata na Trakiskite Vladeteli (I) », Archeologia (Sofia) 44 (2003), 1, p. 13-28, idem, « Dolinata na Trakiskite Vladeteli (II) », Archeologia (Sofia) 44 (2003), 2, p. 28-42.

85 08.01 – Mont Haemus, site de Turlata à côté de Troyan – Un sanctuaire de sommet du début le l’âge du Fer a été mis au jour sur la hauteur de Turlata, près de la ville de Troyan, au pied N de la partie centrale de la chaîne de l’Haemus. On y a découvert les traces d’une enceinte circulaire ainsi que des tessons de céramique et des restes d’incinérations, probablement à caractère cultuel. I. HRISTOV, A. GOTSEV, « Proutcavane na Trakiskoto svetilise v. m. Turlata krai Troian », Arheologia (Sofia) 44 (2003), 3, p.21-30.

86 08.02– Sofia, site de Lozenets – Un ensemble de cinq fosses et de deux constructions en partie souterraines a été découvert à proximité d’un monument funéraire du IVe s. av. J.-C., sur la pente basse d’une colline de la région de Lozenets, près de Sofia. L’A. pense qu’il pourrait s’agir de « sanctuaires creusés dans le sol ». M. IVANOV, « Komplex ot iami i sorzenia ot IV v. pr. Hr. v. kv. Lozenec, Sofia », Archeologia (Sofia) 44 (2003), 2, p.43-51.

87 08.03– Polystylon-Abdères (préfecture de Xanthi) – XIIe Éphorie des antiquités byzantines – Pendant les fouilles de l’enceinte fortifiée de Polystylon, un fragment de triglyphe a été trouvé hors contexte. L’A. suppose que cette pièce pourrait provenir d’un temple dont l’emplacement reste inconnu. Il est possible que deux autres membres architecturaux jadis repérés dans la zone appartiennent au même temple. S. DOUKATA, ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B3, p.894.

88 08.04– Plotinopolis (préfecture d’Evros) – XIXe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Mention d’un torse d’Éros portant un baudrier d’épée en bandoulière, datant probablement de l’époque impériale et provenant d’un site archéologique près de Didymoteichon, sur la rive droite de l’Hèbre, identifié avec Plotinopolis. M. KOUTSOUMANIS, ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B3, p. 874; id., « Η αρχαιλογικήέρευνα στην Πλωτινόπολη Διδυμοτείχου », AEgroMak 15 (2001) [2003] p. 24 et fig. 25-26.

09. Îles de l’Égée (Kalliopi Chatzinikolaou, AlexisD’Hautcourt, Natacha Massar, Zozie Papadopoulou, Emmanuel Voutiras)

89 09.01 –Thasos – XVIIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – La fouille dans la zone du Poseidonion a mis au jour une série de chambres datant de la fin de l’époque classique, qui s’ouvrent sur l’ancien temenos. Le mur de façade a été dégagé sur toute sa longueur, de même qu’une partie des chambres. L’A. pense qu’il s’agit d’espaces auxiliaires du sanctuaire. [E.V.; K.Ch.]

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Z. BONIAS,ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B3, p. 828.

90 09.02 –Thasos – École française d’Athènes –La découverte, dans une tranchée stratigraphique ouverte dans l’angle NE de l’agora de Thasos, près du monument de Glaukos, d’un ensemble d’ossements appartenant à un porcelet, à un jeune bovin et à un bélier mis en morceaux et déposés ensemble dans une fosse a fait l’objet d’une étude approfondie. Cf. supra, p. 476-479. [E.V.; K.Ch.] F. BLONDÉ, A. MULLER, D. MULLIEZ, F. POPLIN, « Οστά και ιεροτελεστίες : μία τρίττοια στη Θάσο. ΒΑ παρυφές της Αγοράς – τομή XXIX », AErgoMak 15 (2001) [2003], p. 67-72. 91 09.03– Samothrace –Excellente mise au point sur les célèbres mystères de Samothrace et le non moins fameux sanctuaire des Megaloi Theoi ou Kabires. L’A. examine de manière judicieuse tous les témoignages, littéraires et archéologiques, relatifs à ce culte fort intéressant mais parfois mal compris. Il remarque tout d’abord que, d’une manière générale, les mystères de la Grèce ancienne ne sont pas des religions au sens moderne du terme, car ils ne comportent ni dogme ni code de conduite morale. L’adhésion à ces mystères était avant tout un choix personnel. À propos des mystères de Samothrace l’A. évoque l’analogie du pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle : les adeptes (mystai) se rendaient au sanctuaire de l’île afin de vivre une expérience unique et gagner l’espoir d’un meilleur sort dans l’au-delà. Suit un aperçu des recherches archéologiques dans l’île depuis la découverte de la Victoire (aujourd’hui au Louvre) par Champoiseau en 1863 jusqu’aux fouilles américaines de Karl et Phyllis Lehmann et de James McCredie. Samothrace était importante déjà à l’âge du Bronze. Mais les plus anciennes trouvailles faites dans le sanctuaire remontent au début du VIIe s. av. J.-C.; c’est à peu près l’époque de la fondation d’une colonie samienne, à laquelle l’île doit son nom. Le plus ancien texte mentionnant Samothrace comme centre cultuel est un fragment des Catalogueshésiodiques (POxy. 1329), qui établit un rapport avec la Troie homérique et la lignée d’Énée en particulier. Cette tradition mythologique recoupe ce que rapportent les auteurs postérieurs, d’Hellanicos à Apollodore. La contribution de l’archéologie à la connaissance du sanctuaire aux VIe et Ve s. av. J.-C. est modeste et se limite aux trouvailles de céramique et d’objets mineurs. La plus ancienne construction est une aire théâtrale circulaire à fonction sans doute cultuelle datant de la fin du Ve s. Le culte nous est connu par des témoignages littéraires (Hérodote surtout, mais aussi Stésimbrote de Thasos, Callimaque, Cicéron, Varron). Karl Lehmann a identifié un des édifices fouillés avec l’Anaktoron du sanctuaire, où étaient érigées, selon l’évêque chrétien Hippolyte, deux statues ithyphalliques. Les IVe et IIIe siècles marquent l’apparition de l’architecture monumentale dans le sanctuaire de Samothrace, à l’initiative d’abord de Philippe II et ensuite de Philippe Arrhidée, de Ptolémée II et d’Arsinoé. L’édifice circulaire construit par cette dernière a été souvent interprété comme lieu de cérémonies mystiques, mais sa fonction reste incertaine. L’A. examine en détail les étymologies proposées pour les noms des divinités de Samothrace. Il faut aussi noter l’intérêt des Romains pour les dieux de Samothrace, qui se manifeste à partir de leur arrivée dans la région après la bataille de Pydna en 168 av. J.-C. Cet intérêt est dû sans doute, du moins en partie, aux liens de l’île avec Énée dans la tradition mythologique. La traduction grecque laisse à désirer. [E.V.; K.Ch.] W. BURKERT, « Greek Margins : Mysteries of Samothrace. Ελληνική περιφέρεια : Τα μυστήρια της Σαμοθράκης » in AVAGIANOU (éd.), Λατρείες στην ‘περιφέρεια’ (supra07.00), p. 31-63.

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92 09.04– Samothrace, site de Kerasouda – XIXe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Découverte dans la partie S de l’île, à 530 m de hauteur, d’un sanctuaire à ciel ouvert où la Grande Mère était adorée comme divinité de montagne. Les trouvailles provenant de ce site, ressemblent à celles du site de Mandal’ Panagia (cf. ChronARG [2004], 09.02; tessons de céramique portant des inscriptions votives et fragments de figurines représentant une déesse assise) et témoignent de la coexistence de Thraces et de Grecs. [E.V.; K.Ch.] Chr. KARADINA, ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B3,p. 878.

93 09.05– Samothrace, site de Mandal’ Panagia – XIXe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Mention de trouvailles du début de la période archaïque provenant du sanctuaire à ciel ouvert de la Grande Mère (cf. ChronARG [2004], 09.02 et ci-dessus, site de Kerasouda). [E.V.; K.Ch.] D. TRIANTAPHYLLOS,ADelt 52 (1997) [2003], Chron. B3, p. 881.

94 09.06 – Astypalaia (Tallara) – Sur le site des bains de Tallara (Ve s. ap. J.-C.), on trouve une mosaïque (photos) représentant les douze signes du zodiaque entourant la figure d’Hélios. Ce motif circulaire est inscrit dans un carré dont les angles sont occupés par la représentation des quatre saisons. Le tapis de motifs géométriques dans lequel est inséré ce panneau inclut des carrés dans lesquels sont inscrits douze bustes (9 hommes et 3 femmes) qui figurent les douze mois. Alors que la représentation du cycle de l’année est un motif courant sur les mosaïques de l’antiquité tardive, la combinaison de motifs du panneau central était considérée jusqu’ici comme une iconographie spécifique aux anciennes synagogues d’Israël. Cet exemple montre qu’il n’en est rien. [N.M.; A.DH.] R. JACOBY, « The Four Seasons in Zodiac Mosaics: The Tallaras Baths in Astypalaea », Greece, IEJ 51 (2001), p. 225-230.

95 – Thesi Katsalos – XXIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Mise au jour de 17 sépultures (plan Fig. 13 p. 1118) : 12 en fosses rectangulaires, deux incinérations (dont l’une placée dans un fosse ovale; 2e quart du IIIe s. av. J.-C.) et trois vases incomplets qui ont pu servir pour des sépultures à enchytrismos. Trois tombes à fosse contenaient encore du matériel (en céramique et en métal) et des ossements; l’une appartenait à un jeune homme (T19) et les deux autres à des jeunes filles (T14, T27). Ces deux dernières datent du IVe s. av. J.-C. [N.M.; A.DH.]

E. PHARMAKIDOU, AD 52 B 3 (1997) [2003], p. 1117-1118; J. WHITLEY, AR 50 (2004), p. 72.

96 – Thesi Kylindra – XXIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Découverte de tombes à enchytrismos des époques classique et hellénistique. [N.M.; A.DH.] E. PHARMAKIDOU, AD 52 B 3 (1997) [2003], p. 1118-1119; J. WHITLEY, AR 50 (2004), p. 72.

97 09.07 – Kos – Suite à l’étude de D. BERGES (Rundaltäre aus Kos und Rhodos, Berlin, 1996), H. reprend la question de la chronologie des autels cylindriques de Kos. Elle date de manière précise quelques pièces (photos) sur base des inscriptions qu’elles portent, en combinant études prosopographique et paléographique. Partant de ce nouveau cadre chronologique, elle propose de revoir la datation des trois groupes de décor identifiés (combinaison de divers motifs avec des bucranes) par Berges et de ne pas les considérer comme les trois phases d’un développement linéaire, du plus simple au plus élaboré, mais davantage comme trois types coexistants s’adressant à des clientèles différentes.

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Un appendice signale l’aire de diffusion des autels cylindriques de Kos (exportés vers Iasos, Halicarnasse, Cnide et Nisyros). [N.M.; A.DH.] K. HÖGHAMMER, « The Inscribed, Cylindrical, Funerary Altars: Questions of Date and Stylistic Development », in K. HÖGHAMMER (éd.), The Hellenistic Polis of Kos. State, Economy and Culture, Uppsala, 2004 (Boreas, 28), p. 69-81.

98 09.08 – Kos (ville) – XXIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Odos Argurokastrou et Korutsas. Découverte d’une tombe mycénienne à tholos (chambre funéraire de 4,50 m environ; dromos de 7,50 × 1,70 m), violée sans doute dès l’antiquité. Dans la chambre, on a fouillé deux tranchées à incinération contenant des restes d’ossements humains, de la céramique, la dent d’un animal (cheval ?) et des bijoux en or (pl. 417 α). [N.M.; A.DH.] E. SKERLOU, AD 52 B 3 (1997) [2003], p. 1111; J. WHITLEY, AR 50 (2004), p. 73.

99 09.09 – Kos (ville, nécropoles) – XXIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Fouilles de nombreuses sépultures, dont quatre (3 incinérations d’adultes; une tombe d’enfant à ciste) de l’époque géométrique (Odos Ethnikis Antistateos et Aparchiaki Odos; p. 1113) et des dizaines de tombes de types variés d’époque hellénistique et romaine. On notera la présence de nombreuses sépultures d’enfants à enchytrismos (en particulier dans le secteur Odos Asklepiou et Australias, p. 1113-1114). [N.M.; A.DH.] D. GRIGORIADOU, E. SKERLOU, AD 52 B 3 (1997) [2003], p. 1112-1115; J. WHITLEY, AR 50 (2004), p. 73.

100 09.10 – Kos ( Halassarna) – En complément à sa publication (sous presse) des inscriptions découvertes lors des fouilles menées au sanctuaire d’Apollon à Halassarna, K.-A. présente un commentaire de deux inscriptions (avec photos) d’époque hellénistique. La première, datant du milieu du IIIe s., est un décret interdisant d’emprunter de l’argent en utilisant comme garantie les coupes et autres vases du sanctuaire d’Apollon. Le second est un calendrier qui définit les sacrifices que doit offrir le prêtre d’Apollon au cours de l’année. Les discussions relatives aux divinités concernées (notamment les différentes épithètes sous lesquelles elles sont honorées) mènent à des considérations sur la topographie religieuse du dème d’Halassarna. K.-A. évoque en particulier le culte d’Hestia Phamia au Timacheion, le siège des timachoi, des magistrats du dème, et d’Hekatè Stratia, mentionnée dans plusieurs inscriptions trouvées près du sanctuaire d’Apollon ce qui suggère que son lieu de culte se trouvait à proximité. L’inscription mentionne également un culte de Zeus Polieus « sur l’Acropole »; l’acropole du dème est également mentionnée dans d’autres inscriptions et surplombait le sanctuaire d’Apollon (p. 124-5). K.-A. pense que le nombre de cultes mentionnés suggère qu’il y avait plusieurs temples à Halassarna, ce que confirmeraient des notes prises par R. Herzog lors de visites qu’il a faites au dème d’Halassarna. Cependant, seules les fouilles en cours pourront fournir la preuve de cette hypothèse. [N.M.; A.DH.] K. KOKKOROU-ALEVRAS, « New Epigraphical Evidence on the Cults of Ancient Halasarna in Cos », in HÖGHAMMER (supra09.04), p. 119-127.

101 09.11 – Kos (Alexandreion et Ptolemaieion) – À l’occasion de la publication d’une inscription fragmentaire mentionnant un Alexandreion et un Ptolémaieion (on ne sait pas s’il s’agissait d’un seul sanctuaire ou de deux structures différentes), B. et H. donnent un bref résumé de la documentation épigraphique et archéologique des cultes d’Alexandre et des Ptolémées à Rhodes et à Kos. [N.M.; A.DH.]

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D. BOSNAKIS, K. HALLOF, « Alte und neue Inschriften aus Kos. I », Chiron 33 (2003), p. 203-262, n° 13, p. 226-228.

102 09.12 – Rhodes – M. présente brièvement quelques statues découvertes depuis 1947, « trouvées en principe à l’E de l’acropole sur le versant de Monte Smith », une zone d’occupation mixte (privée et publique, parfois religieuse). Nous signalons une Aphrodite nue (les dimensions ne sont pas données; non reproduite ici, mais voir AD 23 [1968], B 2, pl. 403 γ), une Tychè de 54 cm (brève analyse iconographique et stylistique; fig. 1), une Artémis (dimensions non données; fig. 3). [N.M.; A.DH.] V. MACHAIRA, « Sculptures hellénistiques de Rhodes en contexte public ou privé », RA (2003), p. 205-210.

103 09.13 – Rhodes (ville) – XXIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Secteur N et O de la ville : Odos Ammochostou et Lochagou Phanouraki (O.T. 38). Poursuite des fouilles du secteur. On signalera en particulier la découverte, au S des secteurs A, A1 et G, d’une citerne scellée par des murs postérieurs. Le dégagement de la conduite, d’une longueur d’environ 3,60 m, a révélé des débris de céramique des IIIe-Ier s. av. J.-C. Dans la citerne, on a retrouvé des fragments de statuettes, dont le torse d’une Aphrodite à moitié dénudée et l’arrière-train d’un animal assis. [N.M.; A.DH.] K. BAÏRAMI, AD 52 B 3 (1997) [2003], p. 1079-1080.

104 09.14 – Rhodes (ville) – F.-T. retrace dans ses grandes lignes le développement urbanistique (plan général) de Rhodes depuis sa fondation, suite au synécisme de 408/7, jusqu’à l’époque médiévale, en se concentrant sur l’époque hellénistique (photos). La position des grands centres cultuels et leurs principales constructions sont évoquées. [N.M.; A.DH.] M. FILIMONOS-TSOPOTOU, « Rhodos: Städtebau und Stadtbild im Wandel », in Die Stadt als Grossbaustelle. Von der Antike bis zur Neuzeit. Internationaler Kongress vom 7. bis 11. November 2001 in Auswärtigen Amt, Berlin, Berlin, 2003, p. 32-39.

105 09.15 – Rhodes (ville) – Dans ce livre, qui par son format et sa présentation s’adresse plutôt au grand public, l’éditeur et ses collaborateurs abordent de nombreuses questions liées tant aux colosses dans l’antiquité qu’à celui de Rhodes plus précisément. L’ouvrage est constitué d’une multitude de petits chapitres (entre 2 et 5 p.) abondamment illustrés, consacrés à des considérations variées sur le culte d’Hélios, des problèmes topographiques, techniques et artistiques concernant le Colosse de Rhodes, mais également des aspects de l’histoire plus récente, réelle et imaginaire du Colosse. Leur ordre n’apparaît pas clairement. Nous nous concentrerons ici sur les questions concernant la religion à proprement parler, en signalant seulement les autres thèmes abordés. Plusieurs chapitres du début et de la fin de l’ouvrage sont consacrés à des problèmes techniques spécifiques aux statues colossales : déformations optiques dues à la position des membres supérieurs et comment les compenser; techniques du coulage du bronze propres à la fabrication d’une statue d’une telle taille; son équilibrage (contrepoids, etc.); nombre de ces considérations techniques ont d’ailleurs été émises par un ingénieur. Des réflexions sur les dimensions, les proportions et le poids du résultat final font l’objet de plusieurs chapitres (dont l’un par K. Vogl et H. Sachse, et l’autre par G. Zimmer). La destruction du colosse lors du tremblement de terre de 226/5, et son hypothétique reconstruction par Hadrien sont également évoquées, ainsi que la représentation erronée que l’on s’est faite à partir du XIVe s. d’un colosse debout enjambant l’entrée du port de la ville. Cette vision, qui domine les représentations

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figurées jusqu’au XIXe s., est impossible pour des raisons de stabilité. Quelques chapitres évoquent l’art de la sculpture rhodienne (N. Königs), l’identité de l’auteur du colosse (Charès de Lindos) ou les diverses listes des Sept merveilles du monde, au nombre desquelles figure le colosse de Rhodes (J. Berndt). Ces considérations encadrent le cœur du propos qui concerne le Colosse, son emplacement et son type iconographique. Partant d’un exposé général sur la topographie de Rhodes, H. situe le colosse à l’entrée du port de guerre de la ville. Viennent ensuite des considérations sur le culte d’Hélios. H. insiste sur la relative rareté du culte dans le monde grec, pourtant choisi comme culte civique par Rhodes après le synécisme de 408/7. Il mentionne brièvement (p. 32) les manifestations du culte du dieu dans la cité (procession, concours, etc.). Le lieu d’implantation du sanctuaire d’Hélios dans la ville reste incertain et, après avoir évoqué les différentes solutions évoquées dans l’historiographie, H. propose de situer ce sanctuaire près du temple d’Apollon pythien. Il suggère qu’un grand bassin (38,50 × 34 m) situé à proximité a pu constituer un décor dans lequel s’inscrivait la célèbre statue d’Hélios par Lysippe. Il restitue à cet effet un socle au centre du bassin avec une sorte de rocaille en arrière-fond (côté N) : le quadrige du dieu aurait paru émerger de l’eau. Cependant, S. Ridgway, dans son compte rendu, souligne à raison que, dans cette reconstitution, la statue d’Hélios est orientée N-S ce qui paraît difficile à défendre. Le chapitre suivant concerne le lieu de réunion des Haliastai. Une maison, dans laquelle ont été retrouvées de nombreuses dédicaces à Hélios, est identifiée par H. comme le lieu de réunion des fidèles de ce dieu. Si cette interprétation est plausible au vu du matériel épigraphique, les restitutions proposées à la fig. 67, notamment celle des pièces situées à l’O du bâtiment, reposent sur peu d’indices. Un long chapitre est consacré à l’analyse des vestiges archéologiques qui se trouvent sous la tour d’Agios Nikolaos à l’entrée du « port de guerre » et que H. identifie comme les restes d’une base décorative sur laquelle se dressait le colosse; ces vues ont déjà été développées dans un précédent article. Les raisonnements sont souvent rapides (ainsi écarter en quelques lignes, p. 60, l’idée que le colosse est une dédicace semble d’autant plus hardi que l’épigramme citée p. 57 émet clairement cette idée) et ne reposent pas sur une analyse détaillée des sources. Plusieurs chapitres sont consacrés à des discussions concernant les multiples petits bronzes d’époque impériale (fin IIe s. au plus tôt) représentant Hélios nu, portant une chlamyde sur une épaule, le dos ou le bras gauche, et ce qu’elles peuvent apporter à une hypothétique reconstitution du colosse, dont nous ne possédons pas de description antique. Les restitutions proposées reposent sur des bases fort incertaines (voir les deux compte rendus mentionnés ci-dessous). [N.M.; A.DH.] W. HOEPFNER, Der Koloss von Rhodos und die Bauten des Helios. Neue Forschungen zu einem der Sieben Weltwunder. Sonderband der Antiken Welt, Zaberns Bildbände zur Archäologie, Mainz, 2003. On trouvera sur internet deux compte rendus développés de cet ouvrage: B.S. RIDGWAY, Bryn Mawr Classical Review 2004.01.25 (http:// ccat.sas.upenn.edu/bmcr/2004/2004-01-25.html) et U. VEDDER, Göttinger Forum für Altertumswissenschaft 7 (2004), p. 1103-1113 (http://webdoc.sub.gwdg.de/edoc/p/gfa/ 7-04/vedder.pdf).

106 09.16 – Rhodes (ville, secteurs S et E) – XXIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Odos Romanou tou Melodou et Agion Anargiron. Découverte de deux fragments de grandes bases et d’une base cylindrique portant des inscriptions votives; deux d’entre elles se réfèrent à Asklépios. Cette découverte combinée à d’autres suggère qu’on se trouve ici dans le sanctuaire du dieu ou dans son voisinage. Dans le

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même secteur, dans les fondations de la rue R17, ont été découvertes trois bases votives inscrites; l’une porte également le nom d’Asklépios; on peut lire sur les deux autres des épigrammes avec une dédicace aux dieux. Cette zone pourrait faire partie de l’aire ouverte du sanctuaire d’Asklépios. [N.M.; A.DH.] C. PHANTAOUTSAKI et al., AD 52 B 3 (1997) [2003], p. 1083-1085; J. WHITLEY, AR 50 (2004), p. 74.

107 09.17 – Rhodes (Afandou) – XXIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Fouilles lors de l’aménagement d’un terrain de golf. Découverte de trois tombes appartenant à la nécropole de l’ancien dème des Brygandarioi. La structure située le plus au nord contenait une couronne en or qui date de peu avant le milieu du IIIe s. av. J.-C. [N.M.; A.DH.] E. KANINIA, AD 52 B 3 (1997) [2003], p. 1108; J. WHITLEY, AR 50 (2004), p. 76.

108 09.18 – Rhodes (Ialysos) – P.C. publie succinctement, avec d’excellentes photographies, deux inscriptions d’une ligne, sur deux objets de bronze provenant d’un dépôt votif du sanctuaire d’Athéna à Ialysos (décrit brièvement par M. MARTELLI, dans Archaeology in the Dodecanesos [1988], p. 104-120) : 1. un manche de racloir (?), long d’une quinzaine de centimètres, terminé en bec de canard et dédié à Athéna (pas de datation); 2. un vase de bronze (paléographie : VIe s. av. J.-C.), écrasé, écrit sur le col, prix d’un concours (athlon). Le nom du dédicant amène l’A. à émettre l’hypothèse qu’il est originaire d’Eubée. [N.M.; A.DH.] G. PUGLIESE CARRATELLI, « Dalla stipe dell’Athenaion di Ialysos. I », PP 328 (2003), p. 71-73; id., « Due epigrafi dalla stipe dell’Athenaion di Ialysos. II », PP 331 (2003), p. 309-311 (p. 71 : la publication du dépôt votif a été confiée à M. Martinelli, M.A. Rizzo et E. Zervondakis).

109 09.19 – Rhodes (Lindos, région de Koskinou) – XXIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – On a trouvé un ensemble funéraire de 8 tombes. Trois d’entre elles sont des sarcophages et trois autres sont des caveaux avec antichambre. L’un des sarcophages contenait une osthéothèque inscrite. Du matériel fut retrouvé dans les caveaux. On peut dater le site du IIIe s. av. J.–C. [N.M.; A.DH.]

St. PALAIOLOGOU, AD 52 B 3 (1997) [2003], p. 1107-1108; J. WHITLEY, AR 50 (2004), p. 76.

110 09.20 – Rhodes (Lindos) – Parution de L.W. SORENSEN, Lindos IV, 2. Excavations and Surveys in Southern Rhodes (Copenhague, 2004). Nous présenterons cette publication l’année prochaine. [N.M.; A.DH.]

111 – H. a écrit un livre important sur un document épigraphique qui présente une archéologie imaginaire de ce que pouvaient être les offrandes d’un sanctuaire grec, ou plutôt d’une certaine manière grecque de concevoir le mobilier sacré d’un sanctuaire en un lieu et un temps donnés. À ce titre, l’ouvrage devrait être lu par tous les archéologues qui fouillent un temple grec. Rappelons que l’appellation traditionnelle de « Chronique de Lindos » est malheureuse puisque cette inscription du début du Ier s. av. J.-C., dont on ne connaît pas avec précision l’emplacement original, est en fait un décret suivi de deux catalogues, d’une part d’offrandes mythiques et réelles déposées au sanctuaire de Lindos (42 entrées) et d’autre part d’apparitions de la déesse Athéna (à 3 occasions différentes; la pierre est brisée). Faute de place, on ne peut ici qu’offrir une brève idée du contenu de cette étude, essentiellement épigraphique: une courte présentation topographique et archéologique de l’Acropole (p. 1-15), le texte grec de

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l’inscription et une traduction anglaise juxtaposée (p. 18-48), un commentaire fouillé (p. 51-151), épigraphique, historique et religieux. Les informations fournies font du livre un objet de travail dorénavant indispensable pour l’étude de l’histoire et de la religion de Rhodes. Malgré les efforts méritoires de H., le commentaire archéologique de la Chronique, quant à lui, reste à faire. Par contre, les parallèles littéraires ou épigraphiques de tous les objets mentionnés ont été très bien établis par H., qui a, notamment, exploité plusieurs inventaires de sanctuaires gravés sur pierre. Sera aussi précieuse la liste de témoignages à propos d’offrandes ignorées par la Chronique (p. 166-167). Une dernière partie, intitulée « Essays on the Greek Past » (p. 155-288), analyse la façon dont cette liste de dons, réels ou inventés, crée une histoire de Rhodes, en utilisant et citant documents écrits (historiens et autres auteurs anciens de recherches locales, et archives) et objets, visibles, disparus ou inexistants. La plupart de ces offrandes n’existaient plus au moment de la rédaction du document : seules six d’entre elles (entre Alexandre le Grand et Philippe de Macédoine) semblent avoir été vues par les auteurs du document (hypothèse fondée sur l’emploi d’un temps grammatical pour ces 6 notices). Le traitement des objets dans l’inscription ne diffère guère de celui des apparitions de la déesse : une entrée de catalogue, plus ou moins descriptive, suivie d’une liste de références à des sources plus anciennes. Nous voudrions apporter quelques remarques. D’abord, il est dommage que l’A. n’ait pas mieux utilisé l’archéologie dans la dernière partie de son étude : l’architecture et la décoration figurée des bâtiments du sanctuaire racontent aussi une histoire, qui était bien plus visible à un public en majorité analphabète qu’une stèle monumentale à l’écriture difficilement déchiffrable. L’histoire de Lindos n’avait pas besoin de l’inscription pour être exprimée et diffusée. Ensuite, H. donne l’impression que l’inscription visait d’abord les visiteurs étrangers du sanctuaire, mais on ne comprend pas pourquoi elle ne se serait pas d’abord adressée à un public local. En cela, à notre avis, H. a été trop influencée par la lecture de Pausanias, et elle a projeté de façon anachronique les préoccupations du monde grec impérial et de la seconde sophistique (il est malheureux que la pierre soit brisée au moment où elle aurait pu témoigner de la visite de Romains à Lindos). Vu l’importance du rôle d’une famille particulière pour cette inscription, il faut aussi se demander comment les différents membres de l’élite d’une cité hellénistique pouvaient rivaliser pour en contrôler et manipuler l’histoire, peut-être à travers son historiographie. Ne finissons pas sur cette note négative et répétons encore une fois combien ce livre sera précieux pour de nouvelles études sur Rhodes et ses cultes. [N.M.; A.DH.] C. HIGBIE, The Lindian Chronicle and the Greek Creation of their Past, Oxford, 2003.

112 09.21 – Rhodes (Nécropoles) – XXIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Les fouilles se sont poursuivies dans plusieurs secteurs. La plupart des tombes datent de la haute époque hellénistique; seules quelques-unes (du secteur de l’Odos Parthenopis) sont du début de l’époque impériale (p. 1089). Les vestiges retrouvés témoignent de la pratique contemporaine d’inhumations et d’incinérations. Les structures sont variées : tombes creusées dans le rocher, tombes à couvercle coulissant, caveaux, souvent précédés d’une antichambre et contenant de multiples sépultures, inhumations et incinérations (vases placés dans des niches dans les parois, etc.). Les incinérations se font dans des hydries ou des ostéothèques, souvent en pierre, qui portent parfois une inscription. Aux sépultures sont souvent associées des stèles funéraires inscrites, parfois ornées d’une scène de dexiosis (Prolongation de l’Odos Peiraios; p. 1091 – K. Baïrami), ainsi que des autels portant fréquemment un décor de bucranes et de

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guirlandes. À côté de la tombe 73 de l’Odos Parthenopis (p. 1089), on a retrouvé un autel cyclindrique inscrit avec la représentation d’un homme tenant dans la main gauche deux papyrus. Dans quelques secteurs de la nécropole, les tombes sont groupées en un ensemble structuré. On notera ainsi que, dans le secteur de l’Odos Parthenopis, les 12 tombes de l’angle S-O (Plan fig. 4, p. 1088) de la parcelle semblent appartenir à un seul groupe. Les tombes sont toutes orientées de la même manière, perpendiculairement au sens du rocher, et elles sont d’une taille supérieure à la plupart des autres sépultures du secteur. Le tout semble être organisé autour d’un couloir central commun. Lorsque les tombes sont suffisamment bien conservées, les notices du AD fournissent une liste du matériel retrouvé (céramique, bijoux, objets en verre et en métal). Quelques objets exceptionnels ont été mis au jour, dont, Odos Parthenopis, tombe 33, une phiale à omphalos de type dit achéménide en verre (p. 1087; pl. 411 α) [tombe du 3e quart du IVe s.] et, dans la zone archéologique Korakonerou, une phiale en or et un alabastre en argent portant un décor végétal incisé (Date : vers 300 av. J.-C.; p. 1099) ont été retrouvés dans une tranchée funéraire. Notons aussi, à proximité, une boîte ronde et une hydrie d’Hadra qui servait d’urne cinéraire (p. 1099-1100), ainsi que de grandes stèles funéraires avec base, Odos Ataburou (Pl. 413 α), p. 1097. [N.M.; A.DH.] Nécropole occidentale : M. CHALKITI, E. KANINIA, Ch. GIAKOUMAKI, AD 52 B 3 (1997) [2003], p. 1085-1089; Nécropole centrale : E. KANINIA, K. BAÏRAMI, P. TRIANTAPHYLLIDIS, Ph. ZERVAKI, ibid. p. 1089-1093; Nécropole orientale : E. KANINIA, K. BAÏRAMI, Ph. ZERVAKI, Ch. PHANTAOUTSAKI, ibid. p. 1093-1100; J. WHITLEY, AR 50 (2004), p. 72-76.

113 09.22 – Rhodes (Theologos – sanctuaire d’Apollon Erethimios) – XXIIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – « Bâtiment à stoa » A. La structure fouillée, orientée N-S, se divise en deux parties comportant chacune cinq pièces, les plus grandes se situant à l’E et les plus petites à l’O. [N.M.; A.DH.] L. MARANGOU, I. PAPACHRISTODOULOU, AD 52 B 3 (1997) [2003], p. 1108-1109; J. WHITLEY, AR 50 (2004), p. 76.

114 09.23 – Rhodes (Vroulia) – Dans le cadre d’une réflexion générale sur la présence phénicienne dans le monde égéen, K. discute des traces de présences phénicienne et chypriote sur l’île de Rhodes de l’époque mycénienne à la fin du VIe s. Au VIIIe s., les contacts avec Chypre et le Levant se sont intensifiés, comme le montre le matériel trouvé dans les trois grands sanctuaires d’Athéna de l’île : des coquillages tridacna de la mer Rouge, des ivoires phéniciens et de Syrie du nord, des objets en métal. La céramique produite à Rhodes à cette période témoigne également d’une forte influence de modes orientales. Aux siècles suivants, les objets votifs importés les plus marquants trouvés dans les sanctuaires rhodiens sont des statuettes en terre cuite ou en calcaire. Quel que soit leur matériau, il est vraisemblable que toutes aient été fabriquées à Chypre (même si le style et la typologie des statuettes en pierre trouvées en Égée, notamment la représentation de jeunes hommes nus, diffèrent de celles découvertes à Chypre et dans le Levant). En conséquence, lorsque ces statuettes sont inscrites, la langue de la dédicace dépend du dédicant et non du fabricant. K. étudie de manière plus approfondie deux statuettes provenant de Rhodes et portant des inscriptions qui ne sont pas en grec (photos). Sur un lion aujourd’hui à Copenhague, mais trouvé sans doute à Vroulia ou dans le N-O de l’île, sont gravés deux signes en syllabaire chypriote. L’objet aurait donc été dédié par un Chypriote. Un sphinx de facture chypriote en calcaire, provenant du site de « la chapelle » à Vroulia, porte une inscription en phénicien. Il correspond à un type de sphinx assis, très rare à Chypre mais bien connu

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en Égée et en particulier à Rhodes. L’inscription phénicienne indiquerait une dédicace par quelqu’un d’origine levantine. La fin de l’article est consacrée à une rapide discussion du site de Vroulia (S de l’île), fondé sans doute vers 700, même si la date est disputée. Le sanctuaire principal de l’endroit a fourni du matériel datant de la fin du VIIIe à la fin du VIe s. Un petit sanctuaire extra urbain, le lieu-dit « la chapelle », présentait lui du matériel de la seconde moitié du VIIe au début du VIe s., de même qu’un cimetière voisin. La nature générale du site est disputée : poste militaire ou port commercial ? La présence d’une statuette de facture chypriote, de même que de la poterie levantine de type noir sur rouge révèlent des contacts avec le Proche-Orient, mais la majorité de la poterie trouvée à « la chapelle » était rhodienne.La discussion qui a suivi la communication porte surtout sur le lieu de production des statuettes, qui sont de très petite taille : a-t-on pu exporter le calcaire et le tailler à divers endroits (artisans itinérants ou artisans étrangers installés sur des sites grecs) ? Ou bien, comme le suggère Niemeyer dans le même volume, les statuettes étaient-elles sculptées toutes au même endroit mais selon des types différents en fonction de la clientèle ? K. admet aussi que la région de Cnide n’a pas été envisagée dans son étude du calcaire, et l’on ne peut donc exclure que le matériau provienne de là plutôt que de Chypre. [N.M.; A.DH.] N. KOUROU, « Rhodes: The Phoenician Issue Revisited. Phoenicians at Vroulia? », in N. STAMPOLIDIS, V. KARAGEORGHIS (éds), Sea Routes… Interconnections in the Mediterranean 16th – 6th c. B.C. – Proceedings of the International Symposium held at Rethymnon, Crete, Sept. 29th-Oct. 2nd 2002, Athènes, 2003, p. 249-262.

Cyclades (Zozie Papadopoulou)

115 09.24 – Généralités

116 Dans un article de synthèse, l’A. (Université-Lumière Lyon 2) offre une mise au point sur la vie religieuse des Cyclades à l’époque impériale (à l’exception de Délos, dont l’histoire cultuelle est retracée par Ph. BRUNEAU dans les Recherches sur les cultes de Délos à l’époque hellénistique et à l’époque impériale, Paris, 1970). Malgré les difficultés (manque de documentation épigraphique et archéologique pour certaines îles, fouilles anciennes, etc.), l’A. fait le point sur l’évolution des cultes traditionnels à cette époque. Elle observe que certains cultes locaux sont abandonnés (comme par exemple celui de Zeus Damatrios à Théra, d’Archiloque à Paros, de Poséidon à Ténos) tandis que d’autres ont continué d’être pratiqués (par ex. Apollon Karneios, Asclépios et Aphrodite à Théra, Ilithye à Paros, Athéna à Mélos, etc.). Les cultes les plus importants sont ceux qui étaient considérés comme panhélleniques pendant cette période, à savoir le culte de Dionysos et celui d’Asclépios. Le culte des Kabires, répandu dans les Cyclades à l’époque hellénistique, prend encore plus d’importance à cette époque, spécialement à Syros. Le matériel, surtout épigraphique, concernant le rituel est très intéressant dans certaines îles (par ex., une série des décrets à Syros, qui nous renseignent sur le déroulement des banquets rituels) et révèle l’étroite relation entre la vie religieuse et la cité, ainsi que la place de Rome dans certaines fêtes.

117 Les cultes des divinités étrangères, existant déjà à l’époque hellénistique (comme ceux d’Isis et de Sérapis) ainsi que de nouveaux cultes introduits (comme ceux de Mithra et des anges à Théra), sont aussi attestés à l’époque impériale (Isis à Syros, Andros, Ios, Paros, Amorgos, Sérapis à Paros, Amorgos, Mykonos) et prennent maintenant plus d’ampleur en se mêlant à ceux des divinités grecques. Le culte de Mithra n’était pas

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populaire dans les îles et est seulement attesté à Andros. Un culte sans parallèle dans le monde grec est celui des anges, mentionnés sur des inscriptions funéraires provenant de Théra. Ces épitaphes semblent provenir des courants en marge du judaïsme et du christianisme. Des communautés juives sont attestées à Délos et à Paros. En ce qui concerne la religion chrétienne, les premières églises datent du IVe s. de notre ère. M.-Th. LE DINAHET, « Cultes étrangers et cultes locaux dans les Cyclades à l’époque impériale », in G. LABARRE (éd.), Les cultes locaux dans les mondes grec et romain, Lyon, 2004, p. 129-142.

118 09.25 – Délos – École française d’Athènes – De nouveaux sondages effectués dans le sanctuaire d’Apollon modifient les opinions antérieures de R. Vallois et G. Gruben sur la forme et la date des deux états des Propylées. R. ÉTIENNE, M. WURCH-KOZELJ, « Propylées et sondages dans le sanctuaire d’Apollon », BCH 126 (2002), p. 529-535.

119 – Des sondages ont été faits sur la terrasse méridionale du Sarapieion : Sondage I, dans une des boutiques à l’O du Sarapieion C, pour préciser la date du contrebas de la terrasse méridionale, ainsi que l’histoire de cet endroit. Les données montrent que l’abandon de la boutique, utilisée pour une période très brève, intervient avant même son achèvement et n’est pas lié à la construction du portique de Sarapieion comme Roussel le supposait. Sondage II : un sondage derrière le temple C place, sous toutes réserves comme l’A. le souligne, la construction du temple à une date postérieure à 150 av. J.-C. Sondage III : le nettoyage d’une construction à l’E du temple C a montré qu’il s’agissait d’un autel daté de la phase d’aménagement de la terrasse S du sanctuaire. H. SIARD, « Le Sarapieion C », BCH 126 (2002), p. 537-545.

120 – L’A. (American School of Classical Studies) propose une nouvelle lecture d’une tablette de malédiction, en essayant d’éclaircir certains passages difficiles interprétés de façon incomplète dans la première publication de la tablette. La prière, qui s’adresse aux Dieux Syriens, habitants d’un lieu inconnu dit Sykôn, est dirigée contre un voleur. Le texte est daté par l’A. au début de l’ère chrétienne. D. JORDAN, « Une prière de vengeance sur une tablette de plomb à Délos », RA (2002), p. 55-60.

121 – L’A. (École française d’Athènes) réexamine le riche corpus des peintures liturgiques, des monuments architecturaux et des témoignages épigraphiques de Délos, ainsi que les sources littéraires et les parallèles iconographiques d’Italie, pour définir les modalités de la fête des Compitalia attestée à Délos aux IIe et Ier s. av. J.-C. La fête était célébrée dans un cadre familial, aux portes des habitations, et contribuait à la perpétuation des traditions fondamentales romaines et au renforcement des liens familiaux; mais, comme les sources épigraphiques le montrent, c’était aussi une fête officielle de la communauté italienne, organisée par le collège des Compitaliastes, célébrée sur l’Agora dite des Compitaliastes, où un sanctuaire consacrée aux Lares était construit. Le réexamen des peintures montre qu’auprès des Lares Compitales – divinités principalement vénérées dans cette fête –, Hercule et d’autres divinités appartenaient aussi au panthéon des Compitalia. En plus, les peintures liturgiques sont précieuses pour l’étude des rites de Compitalia, à savoir le sacrifice et les ludi, les jeux athlétiques. Comme l’A. le remarque, il devient clair que la fête était influencée par certains élements locaux en ce qui concerne les rites des dieux, l’emplacement de la célébration ainsi que l’origine des fidèles.

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Cl. HASENHOR, « Les Compitalia à Délos », BCH 127 (2003), p. 167-249.

122 – Dans cet article, l’A. (École française d’Athènes), s’appuyant surtout sur les sources épigraphiques, reprend la question des magistri italiens à Délos, c’est-à-dire des collèges de dignitaires portant le titre d’Hermaïstes, Apolloniastes, Poséidoniastes en grec, dépendants de la communauté des Italicei de Délos. Parmi leurs activités officielles intervenaient la consécration des monuments (petits temples, autels, statues, etc.) à diverses divinités, l’ornementation des édifices et très probablement l’organisation des jeux. Cl. HASENHOR, « Les collèges de magistri et la communauté italienne de Délos », in Chr. MÜLLER, Cl. HASENHOR (éds), Les Italiens dans le monde grec. IIe s. av. J.-C. – Ier s. ap. J.-C. Ciriculation, activités, intégration,Paris, 2002 (BCH,Supplément41), p. 67-76. Cf. aussi Cl. HASENHOR, « Les monuments des collèges italiens sur l’‘Agora des Compitaliastes’ à Délos (IIe – Ier s. av. J.-C.) », in J.-Y. MARC, J.-Ch. MORETTI (éds), Constructions publiques et programme édilitaires en Grèce entre le IIe s. av. J.-C. et le Ier s. ap. J.-C., Paris, 2001 (BCH,Supplément39), p. 329-348.

123 09.26 – Despotiko – XXIe Éphorie des antiquités préhistoriques et classiques – Présentation de la fouille (avec des photographies, des plans et des rélevés récents) menée sur le terrain Mandra à Despotiko, à l’O d’Antiparos, où un sanctuaire a été mis au jour. En 2003, cinq nouveaux ensembles de constructions ont été localisés et partiellement fouillés (bâtiments ΒΓΔΕΖ; pour le bâtiment A, voir ChronARG [2003], 09.27). 520 membres architecturaux ont été trouvés dans des constructions modernes, appartenant au temple qui n’est pas encore localisé avec certitude (probablement le bâtiment A). À l’E des pièces A1 et A2 du bâtiment A, un autel rectangulaire construit de quatre plaques de marbre similaires a été fouillé. Un de ces plaques porte l’inscription ΕΣΤΙΑΣ ΙΣΘΜΙΑΣ, datée de l’époque tardo-classique (ΙΣΘΜΟΣ désigne un isthme qui existait probablement à l’époque entre Despotiko et Antiparos). Un tesson portant l’inscription ΑΡΤΗΜΕ ou ΑΡΞΗΜΕ, daté de la fin du VIe – début Ve s. av. J.-C., a été trouvé à l’angle S-E de la pièce Est du bâtiment Γ. Ce tesson, ainsi que cinq autres portant l’inscription ΑΠΟΛΛ, datés du VIe au IIIe s. av. J.-C, permettent de faire du site un sanctuaire d’Apollon et d’Artémis. La similitude des objets et des restes architecturaux trouvés à Despotiko avec ceux trouvés au Délion de Paros, ainsi que la situation du site en face de Délos, permettent de supposer qu’il s’agit d’un Délion. Y. KOURAGIOS, S. DETORATOU, « Δεσποτικό Πάρου. Νέες αρχαιολογικές έρευνες των τελευταίων δεκαετιών », Corpus 57 (Février 2004), p. 20-26. Voir aussi Corpus 47 (Mars 2003), p. 32-47.

124 09.27 – Kythnos–Université de Thessalie – Présentation des résultats de la campagne de fouille de 2003, menée dans un sanctuaire de l’ancienne ville de Kythnos. Les secteurs suivants ont été investigués : Secteur B : achèvement de la fouille de l’adyton et de la cella du temple; le soubassement a été mis au jour; au niveau inférieur du sol de l’adytonca 30 objets votifs ont été trouvés (fragments de lames en or, bague, pendentif, rosettes, fibules, sceaux, etc). Secteurs Γ (entre le mur est de l’adyton et le péribole du temple)et Δ (entre le mur S et le péribole du temple) : dans les remblais, des tuiles ont été trouvées ainsi que des objets votifs s’étalant de l’époque archaïque à l’époque hellénistique. Secteur Δ, entre l’angle SE de l’adyton et le péribole du temple : une pyra contenant des cendres, des os et des fragments de vases est interprétée en relation avec l’inauguration du temple pendant sa restauration au IIIe s. av. J.-C. Secteur au S du temple : une

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construction a été trouvée, probablement un autel monumental. Secteur de l’analema au nord du temple : la fouille a montré que la partie centrale de l’analema a été fortement endommagée, probablement lors d’un tremblement de terre. Dans ce secteur, plusieurs trouvailles ont été mises au jour, datées des époques archaïque et classique, parmi lesquelles un fragment de triglyphe qui permet de supposer que le temple était d’ordre dorique. En résumant les résultats actuels de la recherche, l’A. conclut que le sanctuaire était en usage jusqu’à l’époque héllenistique et était consacré à une divinité féminine dont l’identité ne peut pas encore être déterminée. A. MAZARAKIS-AINIAN, « Ιερό στην αρχαία πόλη Κύθνο. Ανασκαφή κατά το 2003 », Corpus 63 (Août-Septembre 2004), p. 16-19.

[10. Crète]

11. Chypre (Thierry Petit)

125 11.00 – Généralités

126 – L’ouvrage est essentiellement consacré à la typologie et à la chronologie des fibules cypriotes découvertes dans un contexte funéraire. Mais l’auteur envisage aussi certaines trouvailles en contexte cultuel. Ainsi dans les sanctuaires d’Apollon Hylatès à Kourion, par exemple (p. 292 et 360). K. GIESEN, Zyprische Fibeln. Typologie und Chronologie, Jonsered, 2001 (Studies in Mediterranean Archaeology and Literature, Pocket book 161).

127 – Il s’agit là d’une thèse soutenue devant l’Université de Pennsylvanie en 1980 qui reflète, bien sûr, l’état de la question du moment. L’ouvrage constitue sans aucun doute une synthèse utile des sources littéraires, épigraphiques et archéologiques sur la religion cypriote. On peut toutefois déplorer l’absence d’une discussion sur le concept de « Greek Cypriotes » et celle d’une mise en perspective et d’une problématique : ainsi on n’y trouve aucune discussion sur les personnalités qui se cachent sous les diverses appellations souvent tardives (les divinités y sont simplement classées par ordre alphabétique). C.G. BENNETT, The Cults of Ancient Greek Cypriotes, Londres/Ann Arbor (UMI), 2003.

128 – La provenance des objets de cette collection privée cypriote est inconnue, mais elle compte notamment plusieurs figurines dont certaines pourraient être des ex-voto (n° 520-571). St. LUBSEN-ADMIRAAL, Ancient Cypriote Art in the T.N. Zintilis Collection, Säveladen, 2003 (SIMA, XX:25).

129 – Ces collections proviennent de sources très différentes, au point qu’il serait nécessaire, pour établir le contexte de trouvaille de chaque objet, de suivre individuellement son parcours. Quoi qu’il en soit, certains objets figurés (statues, statuettes ou figurines) du catalogue (n° 306-329) sont très vraisemblablement des offrandes votives découvertes en contexte cultuel (en particulier certains prêts du Fitzwilliam Museum de Cambridge, provenant du petit sanctuaire de Mersineri, près de Lefka : voir p. 12; ou du sanctuaire de Salamine Toumba tou Michali : n° 308 sq.). J.M. WEBB, Cypriote Antiquities in the Nicholson Museum at the University of Sydney, Jonsered, 2001 (SIMA, XX:20).

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130 – La presque totalité des objets de la collection du Musée de Stockholm provient des fouilles de la célèbre Swedish Cyprus Expedition, qui, en quatre années (1927-1931), posa les bases de l’archéologie cypriote. En vertu des dispositions légales de l’époque, la totalité des trouvailles mobilières fut divisée entre Chypre et la Suède en 1931. C’est un peu plus de la moitié de ces nombreux objets qui parvint ainsi à Stockholm. L’intérêt de cette collection réside dans le contexte sûr de provenance, qui fait souvent défaut aux œuvres conservées dans les musées d’Occident. Pour ce qui nous concerne, on relèvera l’importance les trouvailles des sanctuaires d’Agia Irini, de Mersinaki, de Vouni et de Kition, qui permirent à Einar Gjerstad de poser les fondements d’une chronotypologie de la statuaire cypriote et de caractériser ses styles successifs et les influences qu’elle subit. Ces sanctuaires d’époque archaïque et classique abondaient, en effet, en œuvres en terre cuite et en calcaire; outre des séries relativement bien attestées (Héraclès en Smiting God à la léontè de Kition : n° 274-275), elles présentent aussi des types rares ou inconnus ailleurs dans l’île : des taureaux au cou enlacé de serpents (n° 181 sqq.), des figures anthropoïdes avec masque de taureau (n° 187), des « centaures » ou « minotaures » (n° 188 sq.), Athéna et son quadrige (n° 257), une très belle tête de déesse à la couronne (alternance de « Bès » et de rosettes), etc. Tous ces objets ont déjà fait l’objet d’une publication dans la série SCE (en particulier SCE II, III, IV2) et d’autres études (voir notamment Sjöqvist dans ARW 30 [1933], p. 308-359, pour Agia Irini); mais les notices des objets ici présentés réactualisent les références bibliographiques et offrent des illustrations d’excellente qualité, aux normes récentes. Le volume contient en outre quelques études thématiques, notamment sur les fouilles suédoises à Chypre (p. 24 sqq.) et sur le sanctuaire d’Agia Irini (p. 151 sq. : voir notamment l’impressionnant cliché p. 154, qui montrent les ex-voto figurés d’Agia Irini autour de l’idole aniconique, sphérique, du sanctuaire). V. KARAGEORGHIS et al., The Cyprus Collections in the Medelhavsmuseet, Nicosie, 2003.

131 – La collection cypriote du musée d’Odessa se limite à une trentaine de pièces (n° 148-175). Elle est constituée essentiellement de statues ou fragments de statues en calcaire. Leur provenance est inconnue. On relèvera cependant quelques types iconographiques proches des ex-voto connus dans les sanctuaires de l’île : des porteuses d’offrande du type de la « Dame de Mersinaki » (n° 155-156) un jeune homme au bandeau orné de rosettes (n° 157), un Héraclès à la leontè (n° 162), des temple boys, un personnage à la syrinx (n° 175). V. KARAGEORGHIS et al., Greek and Cypriote Antiquities in the Archaeological Museum of Odessa, Nicosie, 2001.

132 – De la même manière, la provenance des objets conservés dans les collections hongroises est inconnue, à peu d’exceptions près. On relèvera simplement une figurine féminine modelée (n° 112), deux têtes de figurines masculines modelées (n° 108 et 109) et une « applique murale » avec décor de tête de taureau (n° 103), qui peuvent provenir d’un contexte cultuel. B. CSORNAY-CAPREZ, Cypriote Antiquities, Rome, 2000 (Monumenta Antiquitatis extra Fines Hungariae Reperta, 6).

133 – La plupart des objets cypriotes du Musée de Berlin proviennent des fouilles de Max Ohnefalsch-Richter qui, dans les années 1880, fouilla un grand nombre de sites insulaires. Parmi eux, un certains nombre de sanctuaires, notamment dans la région d’Idalion, et à Tamassos. Les trouvailles figurées en terre cuite (n° 82-137) et en calcaire

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(n° 138-183) ont déjà été étudiées et reproduites ailleurs. La bibliographie récente sur chaque pièce est, à cet égard, fort utile. L’iconographie de ces œuvres est souvent exceptionnelle : ainsi, pour la terre cuite, un « Bès » aux serpents (n° 104), une tête féminine casquée (n° 107), une très belle tête féminine avec couvre-oreilles (n° 110); pour le calcaire, une tête coiffée du pschent (n° 144), une tête masculine avec un curieux couvre-chef non encore identifié (n° 145; peut-être, selon moi, une tiare perse dont les rabats sont noués sur le front, à la manière caractéristique de certains dignitaires perses : cf. BCH 112 [1988], p. 322 et n. 95), une statue fragmentaire d’un type égyptisant, avec devanteau décoré (n° 177), l’intéressant chapiteau hathorique d’Amathonte avec un « Maître des ‘Pégases’ » en lieu et place du naïskos (n° 181). Notons enfin, parmi les sceaux, l’image d’un « Bès » affrontant un lion (n° 207). S. BREHME, M. BRÖNNER, V. KARAGEORGHIS, et al., Ancient Cypriot Art in Berlin, Nicosie, 2001.

134 – Quoique, par nature, issus d’un contexte funéraire, ces reliefs fournissent des indications précieuses sur les croyances des Cypriotes : on y distingue nombre de lions (n° 1-11, 17-19, etc.), de sphinx (n° 12-16, etc.), hybrides associés à l’arbre de la (sur)vie; des banquets funéraires (n° 17-35), des scènes de départ, etc. Ce n’est cependant pas le propos de l’auteur qui traite essentiellement du developpement stylistique et thématique des 124 œuvres étudiées. El. POGIATZI, Die Grabreliefs auf Zypern. Von der archaischen bis zur römischen Zeit, Mannheim/Möhnesee, 2003.

135 – Outre ses innombrables travaux spécialisés, Vassos Karageorghis livre, à intervalles réguliers, une synthèse sur l’archéologie cypriote; cette dernière se renouvelle rapidement du fait des nombreuses fouilles dont l’île est le théâtre. Cet ouvrage était attendu et tient toutes ses promesses, tant par la richesse du texte, qui n’élude aucune des discussions récentes, que par la remarquable qualité des illustrations. On y trouvera donc une synthèse des connaissances nouvellement acquises, entre autres, en matière de religion cypriote. Les chapitres concernant l’époque qui va de l’âge du Fer à la fin de l’époque archaïque couvrent les pages 115 à 217. V. KARAGEORGHIS, Early Cyprus. Crossroads of the Mediterranean, Los Angeles, 2002.

136 – Dans le premier tophet de Carthage (VIIIe s.) des figurines en terre cuite et des askoi de type cypriote (p. 91-92; 96-98). N. KOUROU, « Phéniciens, Chypriotes, Eubéens et la fondation de Carthage », CCEC 32 (2002), p. 89-114 (Hommages à Marguerite Yon).

137 – Étude de plaquettes en or ou en argent, travaillées à l’estampage (p. 199), datant des époques géométrique et archaïque, et trouvées dans les nécropoles d’Amathonte, de Lapéthos et de Palaepaphos. Elles sont la plupart du temps décorées d’un personnage féminin de type oriental, qui se tient les seins. L’auteur admet une hypothèse de R. Laffineur, selon laquelle il s’agirait d’une « parure funéraire liée à une croyance de vie après la mort » (p. 196), qui décorait une couronne ou tiare. M. KONTOMICHALI, « Les plaquettes métalliques à décor figuré. Origines, iconographie et destination », CCEC 32 (2002), p. 191-208 (Hommages à Marguerite Yon).

138 – La monographie naguère consacrée à ces cruches à embouchures plastiques (figurines féminines), propres à l’ouest de l’île, est ici complétée par l’évocation d’une quinzaine d’autres exemplaires. La plupart ont été découverts dans des contextes funéraires; mais il est fait mention spéciale de trois fragments découverts dans les remblais du palais

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d’Amathonte, qui, selon l’A., pourraient être liés « à un culte palatial, car la plupart de ces récipients sont des rhyta et pouvaient servir à des libations » (p. 331-332). Fr. VANDENABEELE, « Les royaumes de Chypre et les cruches à Cruches à Choéphores », CCEC 32 (2002), p. 327-337 (Hommages à Marguerite Yon).

139 – Utile énumération de publications récentes, et de monnaies apparues en ventes publiques ou publiées dans des collections publiques ou privées. M. AMANDRY, « Chronique de numismatique chypriote (II) », CCEC 32 (2002), p. 403-414 (Hommages à Marguerite Yon).

140 – Étude d’une catégorie particulière de kouroi cypriotes du VIe s. av. J.-C., vêtus d’une sorte de caleçon et portant un diadème à rosettes. Ils ont été découverts à Chypre, dans des sanctuaires de divinités masculines, et parfois en dehors de l’île. L’A. propose d’y voir, non des « princes » comme d’aucuns l’avaient suggéré, mais des sacrificateurs. R. HURSCHMANN, « Archaisch-kyprische Kouroi mit Hosen », CCEC 33 (2003), p. 169-209.

141 11.01 – Athiénou-Malloura– Parmi les trouvailles du sanctuaire en activité de l’’époque archaïque à l’époque romaine, une tête féminine avec sakkos, du Ve s. av. J.-C.,est très similaire aux représentations de la déesse Artémis connues à Chypre, notamment deux œuvres du Louvre provenant précisément de Malloura. Quoique la déesse de Chypre ne soit connue sous son nom qu’à partir de l’époque hellénistique, les sculpteurs insulaires ont adopté l’iconographie d’Artémis dès le début de l’époque classique. Elle présente alors les attributs de la déesse de la fertilité ou ceux de la potnia therôn. Son culte perdurera pendant toute l’époque hellénistique. D.B. COUNTS et M.K. TOUMAZOU, « Artemis at Athienou-Malloura », CCEC 33 (2003), p. 237-251.

142 11.02 – Golgoi – Voir 11.06 [Amathonte] : HERMARY, « Les ascendances légendaires des rois chypriotes… », CCEC, 32 (2002), p. 275-288 (Hommages à Marguerite Yon).

143 11.03 – Idalion– Rappel des fouilles britanniques (et autres) sur le site de la ville antique. Evocation de ses sanctuaires et des études récentes qui leur ont été consacrées (p. 244-245); et évocation de plusieurs pièces de sculptures, déjà discutées dans la publication de R. Senff (1993), d’une vaisselle en verre, de quelques bronzes, vases et d’une lampe, aujourd’hui au British Museum. Parmi les œuvres figurées, la plupart d’époques archaïque et classique, on notera un Héraclès (fig. 7), une dame au calathos (fig. 8), une tête d’Apollon du IIIe s. (fig. 9). V. TATTON-BROWN, « The Kingdom of Idalion. Lang’s Excavations in the British Museum », CCEC 32 (2002), p. 243-256 (Hommages à Marguerite Yon).

144 – Étude d’une tête de déesse en marbre coiffée d’un polos en forme de couronne tourelée, conservée au musée de Graz. Sa coiffure présente des analogies avec celles de statuettes anatoliennes de l’âge du Fer, ainsi qu’avec des couronnes tourelées de type achéménide. L’A. conclut qu’il s’agit d’une image de Tyché, datée du deuxième quart du IVe s. av. J.-C. C’est là un type rare à Chypre, sans aucun doute un avatar de la Grande Déesse en tant que souveraine des États-cités et, en particulier, patronne d’Idalion. C. BEER, « A Head Marble Tyche from Idalion », CCEC 32 (2002), p. 369-385 (Hommages à Marguerite Yon).

145 11.04 – Achna – Analyse du vêtement représenté sur une figurine d’époque archaïque trouvée dans le sanctuaire d’Achna (est de l’île), et composé de sept éléments. La figurine était dédiée à la déesse d’Achna au cours de rites qui associaient dans leur

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invocation le mariage, la fertilité, la naissance, et qui étaient pratiqués par des jeunes filles. Se fondant sur certains textes grecs, l’A. voit un aspect chthonien à cette déesse. Discussion aussi des pendentifs et amulettes qu’elle porte sur sa poitrine. St. LUBSEN-ADMIRAAL, « The Goddess of Achna: Heptastolos », CCEC 32 (2002), p. 257-274 (Hommages à Marguerite Yon).

146 11.05 – Kition – Comparaison entre les figurines de terre cuite de Tyr, Sidon et Kition, qui reflèteraient « les préoccupations idéologiques, politiques et territoriales des royaumes de Phénicie et de Chypre » (p. 151). A. CAUBET, « Royaumes de Chypre et royaumes de Phénicie. Le cas des figurines de terre cuite à Sidon, Tyr et Kition », CCEC 32 (2002), p. 147-154 (Hommages à Marguerite Yon).

147 – L’auteur rappelle que les sanctuaires phéniciens qui se succédèrent du Cypro- Géométrique III à l’époque classique et dont les vestiges ont été découverts lors de fouilles de la colline de Bamboula à Larnaca ne se trouvaient qu’à une altitude allant de deux à cinq mètres au-dessus du niveau de la mer (p. 134). Sur le site de Kathari,les Phéniciens installèrent leurs grands sanctuaires à Astarté/Aphrodite et Melqart/ Héraclès sur d’anciens lieux de culte de l’âge du Bronze; tandis qu’à Bamboula ils fondèrent un sanctuaire plus modeste sur un lieu jusqu’alors inoccupé. M. YON, « The Acropolis that never was. A myth to be destroyed », RDAC (2002), p. 127-138.

148 – Rappel des résultats des deux missions françaises. La découverte des sanctuaires phéniciens de Kition-Bamboula est évoquée (p. 72-73; 77-78). M. YON, « Salamine et Kition. Mission française 1964-2004 », CCEC 33 (2003), p. 67-87.

149 11.06 – Amathonte – Utilisation vraisemblable de poids dans l’administration des sanctuaires cypriotes, en particulier au sanctuaire d’Aphrodite à Amathonte (spéc. p. 242). A. HERMARY, « Poids d’Amathonte », RDAC (2002), p. 235-244.

150 – L’A. évoque un fragment de groupe sculpté découvert près du palais d’Amathonte et représentant Phryxos sur le bélier. Celui-ci illustrerait les luttes idéologiques, portant sur leurs ascendances respectives, auxquelles se livraient les rois de l’île à la fin de l’époque archaïque et à l’époque classique. Des conclusions analogues sont tirées d’autres scènes : le décor figuré des trois boucliers d’un Géryon en calcaire de Golgoi, qui montrerait Persée décapitant la Gorgone, Ajax portant le corps d’Achille et un personnage (Héraclès ?) combattant un centaure; une série monétaire de Marion avec Phryxos sur le bélier, motif qui sera remplacé par Europe sur le taureau. A. HERMARY, « Les ascendances légendaires des rois chypriotes. Quelques messages idéologiques », CCEC 32 (2002), p. 275-288 (Hommages à Marguerite Yon).

151 – Évocation de plusieurs sanctuaires découverts dans les fouilles du Palais d’Amathonte. L’un d’eux a livré un certain nombre de trouvailles qui permettent de l’attribuer à une divinité féminine, dont une statuette d’un homme portant un masque de taureau, une tête en calcaire coiffée de la mitra, des sphinx-thymiateria, et surtout un cippe/bétyle en forme de Tau renversé. Mise au point également sur l’importance relative des divers lieux de culte connus sur l’acropole de la cité et sur les rapports statistiques des offrandes qui en proviennent; les sanctuaires palatiaux s’y taillent la part du lion. Th. PETIT, « Sanctuaires palatiaux d’Amathonte (dont un sanctuaire à bétyles) », CCEC 32 (2002), p. 289-326 (Hommages à Marguerite Yon).

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152 – Voir aussi 11.00 [Généralités] : VANDENABEELE, « Les royaumes de Chypre et les cruches à Cruches à Choéphores ».

153 11.07 – Kouklia-Palaepaphos – L’A. propose une synthèse historique sur ce que l’on sait du sanctuaire d’Aphrodite à Palaepaphos. Elle traite notamment des vestiges du grand sanctuaire de l’âge du Bronze, du titre de Wanassa donné à la déesse, du statut sacerdotal du roi, de l’adoption d’une iconographie occidentale sous la forme de la déesse aux bras levés. J. KARAGEORGHIS, « Royaume et sanctuaire à Palaepaphos », CCEC 32 (2002), p. 155-171 (Hommages à Marguerite Yon).

154 – Peut-être des indices du sacrifice d’une femme (épouse ?) dans la tombe d’un guerrier de la nécropole de Palaepaphos-Plakes (T. 144), et des signes de l’adoption d’usages égéens. E. RAPTOU, « Nouveaux témoignages sur Palaepaphos à l’époque géométrique d’après les fouilles de Kouklia-Plakes », CCEC 32 (2002), p. 115-133 (Hommages à Marguerite Yon).

155 – Discussion des vestiges archéologiques et des trouvailles mobilières du sanctuaire du Cypro-Géométrique III, sur la colline de Bamboula, près du port de Kition. Deux phases sont distinguées. La première a livré deux autels, dont un monolithe, des idoles aux bras levés. Dans cette première phase, « il s’agissait probablement d’un sanctuaire de la Grande Déesse, en relation avec un culte d’Astarté, venu avec les Phéniciens » (p. 176). La seconde phase voit des agrandissements et la grande pièce est divisée en deux. Elle a livré les mêmes types de figurines féminines, mais le cloisonnement de la pièce principale pourrait indiquer que le culte de Melqart/Héraclès a été adjoint à celui de la Déesse. Y. CALVET, « La fondation d’un sanctuaire phénicien à Kition-Bamboula », CCEC 32 (2002), p. 172-183 (Hommages à Marguerite Yon).

156 – Le Grand temple de Kition-Kathari, reconstruit au IXe s. sur les ruines du temple de l’âge du Bronze, comporte un curieux aménagement intérieur : dans l’axe longitudinal de la travée centrale subsistent les bases de deux épais piliers peu espacés, entourés d’aménagements secondaires. L’auteur suggère qu’ils constituaient une sorte de naïskos et qu’ils encadraient l’objet de culte, peut-être une de ces fameuses « Dames à la fenêtre » bien connues, notamment par des ivoires. O. CALLOT, « Une ‘Dame à la fenêtre’ à Kition ? », CCEC 32 (2002), p. 185-190 (Hommages à Marguerite Yon).

157 11.08 – Pegeia (Paphos) – Des ossements animaux (moutons, chèvres et poulets) découverts à l’intérieur d’une tombe hellénistique (fin IIIe – fin IIe s. av. J.-C.) de Pegeia attestent l’existence de rites funéraires et illustrent ces pratiques : des groupes d’animaux sacrifiés sont clairement en rapport avec plusieurs loculi. Un squelette d’agneau avait même été déposé sur le sarcophage du loculus 4 (p. 224). P. CROFT, « Appendix II. Animal Bones from the Hellenistic Tomb at Pegeia », RDAC (2002), p. 228-233.

158 11.09 – Geronisos – Bilan de huit années de fouilles sur l’île, dont le nom indique qu’elle était sacrée. Elle abritait, à l’époque ptolémaïque et romaine, le sanctuaire d’une divinité masculine, sans doute Apollon (p. 249). De nombreux vestiges architecturaux ont été mis au jour : peut-être des propylées (p. 263) et sans doute un temple de même ampleur que le temple d’Aphrodite à Neapaphos (p. 266). Ce temple d’époque romaine

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incluait une structure d’autel antérieure, d’époque hellénistique (p. 264). Pour le mobilier, on trouve notamment des petits plateaux à offrandes en pierre; de grandes quantités de vaisselle fine témoignent de repas communs pris au sein du sanctuaire; on trouve aussi du matériel pour écorcher les victimes et de nombreux ossements animaux (moutons, chèvres, porcs, vaches et poissons), avec traces de combustion. J.B. CONNELLY, « Excavations at Geronisos (1990-1997): First Report », RDAC (2002), p. 245-268.

159 11.10 – Marion-Arsinoè – Une structure en portique d’époque romaine (IIe s. ap. J.-C.) évoque un édifice similaire à celui découvert dans le sanctuaire d’Apollon Hylatès à Kourion (p. 144). La suite de la fouille permettra peut-être de déterminer s’il s’agit bien d’un sanctuaire. T. NAJBERJERG, Ch. NICKLIES et A. PAPALEXANDROU, « Princeton University Excavations at Polis/Arsinoe: Preliminary report on the Roman and Medieval Levels », RDAC (2002), p. 139-154.

160 – Voir aussi 11.06 [Amathonte] : HERMARY, « Les ascendances légendaires des rois chypriotes…».

12. Asie Mineure (partim) (Isabelle Tassignon)

Lycie

161 12.01 – Tyberissos– Université de Tübingen – Dans un article tout récent [« Hafen und Hinterland; Wege der Akkulturation an der lykischen Küste: Vorbericht über die Feldforschungen in den zentrallykischen Orten Tyberissos und Timiussa in den Jahren 1999-2001 », MDAI(I) 53 (2003), p. 265-312], M. Zimmermann a exposé les différentes étapes chronologiques de la formation de Tyberissos. En 2002, les travaux de relevés architecturaux se sont poursuivis au temple d’Apollon. Orienté au S, le temple suivait l’orientation habituelle des temples lyciens. Par ailleurs, une approche d’ensemble des sanctuaires locaux de Tyberissos semble montrer que les plus anciens d’entre eux, disposant de séries de niches cultuelles, semblent se rattacher aux temples en bois de la plus ancienne tradition lycienne, les autres s’inspirant des formes architecturales d’époque hellénistique et impériale. Dans la chôra, un grand complexe cultuel comprenant des cavités, de nombreuses niches et des salles rupestres qui communiquaient avec les cavités par des petits puits a été mis au jour. Les fouilleurs proposent d’interpréter ces constructions soit comme un dispositif oraculaire, soit comme le petit sanctuaire d’un culte à mystères. Une présentation générale de cette aire cultuelle à niches rupestres a également été faite par O. Hülden dans l’article cité plus haut. M. ZIMMERMANN, « Feldforschungen auf dem Gebiet der antiken Polis Kyaneai und in Tyberissos sowie Teimiusa », 20. Araştırma sonuçları toplantısı, 2. cilt, 27-31 Mayıs 2002, Ankara, 2003, p. 23-28 et spéc. p. 27-28.

162 12.02 – Tlos– Université d’Antalya – Les archéologues ont relevé un ensemble de pierres parmi lesquelles des fragments d’éléments architecturaux appartenant à l’ordre corinthien; il pourrait s’agir d’un temple. Ils proposent un plan des structures visibles, encore difficile à interpréter en l’état.

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H. IŞKAN, “Tlos 2001”, 20. Araştırma sonuçları toplantısı (supra 12.01), p. 99-112 et spéc. p. 102, fig. 8.

Pamphylie

163 12.03 – Kaunos – Université d’Antalya – Les fouilles entreprises ces dernières années sur la vaste terrasse qui se trouve au N de la stoa du Port ont mis au jour un temple dédié à Basileus Kaunios, fondateur et grand dieu de la ville, identifié à l’époque hellénistique avec Apollon. Mais une autre divinité semble aussi avoir été honorée dans un sanctuaire situé entre « l’édifice à banquettes » et l’espace sacré d’Aphrodite Euploia. Au centre d’un grand temenos de 8,70 × 12,35 m, une zone rectangulaire où le rocher a été laissé à l’état brut se démarque du reste de la construction. La pente naturelle du rocher a été approfondie et une niche centrale a été aménagée dans la paroi O. Le type d’accès et sa situation sont encore incertains. Tous ces éléments suggèrent que la pièce devait être l’adyton d’un lieu de culte souterrain. Les A. rapprochent cet édifice de ceux du culte de la Grande Mère anatolienne. Il leur paraît cependant douteux que cette divinité puisse être ici la Grande Mère, mais plutôt une Artémis locale, plus précisément une forme de Cybèle.

164 Dans l’aire anatolienne, de semblables cellae rupestres sont connues dès le XIVe s. Deux éléments archéologiques provenant du temenos invitent les auteurs à formuler l’hypothèse que Kaunos était un centre important du culte de Cybèle. Il y a tout d’abord une grande base de statue dont le lit d’attente montre des traces d’encastrement d’un trône et d’un animal couché ou assis. Les A. pensent à une Cybèle accompagnée d’un lion; il y a ensuite une statuette de calcaire trouvée dans la salle de culte. Il s’agit en réalité d’un petit pilier dont seul l’arrière est sculpté et qui comporte comme élément anthropomorphique unique une tête ornée d’une couronne tourelée et d’un collier, alors que la partie inférieure, raccourcie, comporte des traces en haut-relief d’un scorpion, d’un cerf (?), d’une grenouille (?), de Nikè, d’un buste d’Hélios. Le type évoque celui d’Artémis, telle qu’elle est connue à Éphèse et à Perge, et qui pourrait être ici l’Artémis Kaunienne; cette statuette devait prendre place dans la niche de la salle de culte souterraine. Cet article, qui présente du matériel archéologique intéressant, se déforce cependant par son défaut d’étude sérieuse des syncrétismes possibles entre Cybèle et Artémis. C. IŞIK, « Kaunos’ta (Kbid) bir kült mahzen –fakat kimin için ?–, Anadolu/Anatolia 25 (2003), p. 53-69; C. IŞIK, « Kaunos 2001 yıllı çalışmaları », 24. Kazı sonuçları toplantısı, 2. cilt, 27-31 Mayıs 2002, Ankara, 2003, p. 219-225.

Cilicie

165 12.04 – Olba/Diokaisareia – Université de Mersin – Des prospections archéologiques se sont déroulées autour de la zone sacrée du sanctuaire de Zeus Olbios à Diokaisareia. De nouvelles tombes rupestres dont l’entrée affecte la forme d’une façade de temple ont été repérées; une tombe monumentale construite (et non rupestre), imitant un temple prostyle, décoré de colonnes corinthiennes, a également fait l’objet d’un relevé. E. ERTEN, « Olba (Uğuralani) 2001 Yüzey araştırması », 20. Araştırma sonuçları toplantısı (supra 12.01), p. 185-196 et spéc. p. 188 et fig. 10-12.

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Pisidie

166 12.05 – Pednelissos– Université de Cologne – Les premiers travaux accomplis à Pednelissos ont permis de repérer les vestiges du temenos d’un temple situé en partie sous la tour S de la localité. Un relief votif, orné d’un dieu tenant un bâton surmonté d’un rameau d’olivier, a été identifié par les archéologues comme une représentation d’Apollon et daté de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. L. VANDEPUTE, V. KÖSE, « Pisidien Survey Project: erste Kampagne in Pednelissos », 20. Araştırma sonuçları toplantısı (supra 12.01), p. 315-319 et spéc. p. 319et fig. 11.

167 12.06 – Sagalassos– Université de Louvain (KUL) – On signale la découverte, au cours d’une campagne de prospection dans la zone suburbaine de Sagalassos, d’un petit autel en pierre de plan circulaire. M. WAELKENS et al.,« The 2001 survey season at Sagalassos and in its territory », 20. Araştırma sonuçları toplantısı (supra 12.01), p. 329-343 et spéc. p. 338 et fig. 13.

Carie

168 12.07 – Iasos(Golfe de Mandalya, Çirkince Tepe)– Université de Naples – Un sanctuaire de type indigène, situé dans la chôra de Iasos, sur le versant S-E de Çirkince Tepe, a été repéré au cours d’une vaste campagne de prospection. La situation de ce sanctuaire, sur une point stratégique qui domine toute la vallée, est frappante et présente des similitudes avec celui de Çanagik Tepe, dans la même région. De nombreux fragments de statuettes de terre cuite ont été ramassés; une statuette de femme au polos, datée du VIe siècle, et un fragment de bol mégarien plaideraient pour une occupation longue, allant de l’époque archaïque jusqu’à la période hellénistique. Le plan de ce sanctuaire, étranger à la tradition classique, suggère un culte rendu à une divinité indigène. R. PIEROBON BENOÎT , « Survey of the Mandalya Gulf Report on the 2000 and 2001 Campaigns », 20. Araştırma sonuçları toplantısı (supra 12.01), p. 335-348, et spéc. 339-340.

169 12.08 – Cnide – Université de Konya – Les vérifications entreprises dans le « sanctuaire des Muses », déjà repéré et décrit par C. Newton au milieu du XIXe siècle, avaient pour objectif de mieux cerner le contexte archéologique des trouvailles faites par l’archéologue anglais (aujourd’hui conservées au British Museum). La mise au jour de couches intactes contenant beaucoup de céramique a permis à I. Jenkins de dater la fondation du sanctuaire de la fin du IVe siècle av. J.-C. ou du début du IIIe; cette date est confortée par la comparaison de l’appareil de maçonnerie avec ceux d’autres bâtiments de Cnide. Par ailleurs, de nouvelles investigations au sanctuaire de Déméter rendront bientôt possible d’en proposer un plan définitif. R. ÖZGAN et al., « 2001 Knidos Kazıları », 24. Kazı sonuçları toplantısı (supra12.03), p. 359-371, et spéc. 362-364 et fig. 1-2.

170 12.09 – Pedasa (Halicarnasse) – Université de Muğla – Un grand temple a été repéré au cours d’une vaste prospection à Pedasa et sur son territoire. Des terres cuites fragmentaires de la fin de l’époque archaïque (notamment de femmes au polos) et du début de l’époque classique, venant probablement d’un bothros, ont été répertoriées.

A. DİLER, « Damlıboğaz/Hydai ve Leleg Yarımadası araştırmaları 2001 », 20. Araştırma sonuçları toplantısı (supra 12.01), p. 11-22, et spéc. 14-15 et fig. 7-8.

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Ionie

171 12.10 – Claros – Université d’Izmir – Dans le secteur de l’autel d’Artémis, les fouilles de 2001, reprenant la plupart du temps des zones ouvertes en 1995-1997, ont mis au jour plusieurs statuettes en terre cuite datées du début de l’époque hellénistique : Aphrodite, Éros, Apollon à la lyre, ainsi que des vestiges d’hécatombes. Les fouilleurs signalent aussi l’étude des quelque 800 fragments d’œnochoés et de temple-boys trouvés dans une couche archaïque en 1995. N. ŞAHINet al., « Klaros 2001 », 24. Kazı sonuçları toplantısı (supra12.03), p. 81-90.

172 12.11 – Phocée – Université d’Izmir – On signalera la parution d’une étude sur les sanctuaires de Phocée, suite à la reprise par Ö. Özyigit des fouilles jadis menées par E. Akurgal. Ainsi l’orientation et les dimensions du temple archaïque d’Athéna ont pu être déterminées. Près du Port Sud de la ville antique, à proximité d’une nécropole, deux autels archaïques ont été mis au jour. Situés en dehors des murs de la ville, ils semblent indépendants de tout temple. Leurs gros blocs rectangulaires en calcaire rappellent ceux des fortifications datées de 590-580 av. J.-C. ainsi que l’appareil du temple d’Athéna. Enfin on trouve dans cet article une présentation des cinq sanctuaires dédiés à Cybèle à Phocée et aux alentours : il semble que son culte se soit pratiqué non dans un temple, mais conformément à la tradition phrygienne, autour de niches rupestres. Ö. ÖZYİGİT, A. ERDOGAN, « Les sanctuaires de Phocée à la lumière des dernières fouilles », Études massaliètes 6 (2000), p. 11-23; Ö. ÖZYİGİT, « 2000-2001 yılları Phokaia kazı çalışmaları », 24. Kazı sonuçları toplantısı (supra 12.03), p. 333-349.

13. Grande Grèce (Massimo Osanna et Ilaria Battiloro)

173 13.01 – Caulonia–Soprintendenza archeologica della Calabria et Scuola Normale Superiore di Pisa – Un volume récent consacré à l’antique Caulonia trace le bilan des investigations menées par la surintendance de Calabre sur le territoire, comprenant une confrontation avec le résultat des fouilles antérieures. Les recherches sur le site du temple dorique découvert par P. Orsi ont été effectuées en 1998 en collaboration avec la Scuola Normale Superiore di Pisa. La contribution de M.T. Iannelli, centrée sur les campagnes de fouilles de 1912-1913, propose une relecture de quelques passages des carnets 86 et 88 de P. Orsi (déjà publiés dans le volume XXIII [1914] des Monumenti antichi de l’Accademia dei Lincei), relatifs aux investigations menées à l’entour du temple et dans le « predio Delfino », afin de récupérer des données sur la provenance d’un matériel archéologique pour lequel on manque d’une documentation adéquate. [I.B.] M.T. IANNELLI, « Le campagne di scavo al tempio dorico di Caulonia attraverso i taccuini nn. 86 e 88 di Paolo Orsi e gli atti d’archivio della Soprintendenza ai Beni Archeologici della Calabria », in M.C. PARRA (éd.), Kaulonía, Caulonia, Stilida (e oltre). Nuovi contributi storici, archeologici e topografici, Pisa, 2003 (Quaderni ASNP, 11), p. 163-218.

174 – Dans le même volume, M.C. Parra présente les principaux résultats des investigations menées dans le sanctuaire de Punta Stilo depuis 1999, qui ont confirmé le caractère sacré de l’endroit à l’époque archaïque (comme l’atteste, entre autre, un deinos orientalisant considéré comme offrande votive : cf. dans le même volume, I. CAVAZZUTI, « Ceramica arcaica fine dal santuario di Punta Stilo », p. 249-278). Les investigations se sont concentrées autour du stéréobate du temple dorique mis au jour par P. Orsi (cf. F.

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BARRELLO, Architettura greca a Caulonia. Edilizia monumentale e decorazione architettonica in una città della Magna Grecia, Firenze, 1995), dans un secteur où sont encore visibles quelques structures à insérer – selon l’A. – dans une vaste réorganisation de l’endroit en rapport avec la construction du temple dorique. Afin de comprendre la dynamique cultuelle du sanctuaire, les données émanant du site fouillé au S-E du temple sont intéressantes : une caisse de tuiles plantées en terre (pour des pratiques rituelles de type chthonien ?) en relation avec lesquelles ont été déposées de petites lames en bronze décorées en saillie (probablement des décorations de boucliers) et des armes. De nombreux éléments d’architecture et de sculpture ont été récupérés dans le niveau de destruction du temple. Dans le secteur au N du temple, à proximité des trois puits déjà mis au jour par P. Orsi, a été dégagée une vasque quadrangulaire recouverte de tuiles avec, au centre, le fond d’une amphore, évidemment destinée à des rituels en relation avec l’eau (sur la céramique mise au jour sur le site, cf. dans le même volume, V. GAGLIARDI, « Ceramica a vernice nera dal santuario di Punta Stilo: contributi all’analisi delle produzioni », p. 279-318). Il est difficile de préciser l’identité de la divinité vénérée dans le sanctuaire. À Héra, peut-être en sa qualité d’Hoplosmia, on pourrait attribuer la dédicace d’armes; à Apollon Pythien, présent aussi sur les incuses cauloniates, pourraient faire référence des fragments de sculpture avec des anneaux de serpents. À Artémis, enfin, pourrait correspondre l’usage rituel des eaux (rites de passage ?). Aucune hypothèse explicite n’est donnée pour expliquer la fonction de l’espace défini par l’escalier monumental, qui a été interprété comme un espace destiné aux assemblées de la Ligue achéenne, dans le cadre du culte de Zeus Homarios [cf. M. OSANNA, « Sull’ubicazione del tempio di Zeus Homarios in Magna Grecia », DArch (1989), p. 55-63]. [I.B.] M.C. PARRA, « Con Paolo Orsi, ed altri, nel santuario di Punta Stilo. Campagne di scavo 1999-2001 », in M.C. PARRA, Kaulonía (supra), p. 219-248.

175 13.02 – Herakleia–Università degli studi di Perugia et Soprintendenza per i Beni archeologici della Basilicata – Présentation des investigations menées dans le sanctuaire héracléote de Déméter, coordonnées par Brinna Otto de l’Université d’Innsburck. En 2002, elles se sont concentrées sur les secteurs N et O de la zone. À l’O, on a identifié des restes de murs délimitant les espaces appartenant au sanctuaire, tandis qu’au N, il faut souligner la découverte d’une vasque à associer à une activité rituelle. [I.B.] M.L. NAVA, « Attività archeologica in Basilicata », Atti del XLII Convegno di studi della Magna Grecia (Taranto settembre-ottobre 2002), Taranto, 2003, p. 663-664.

176 – Institut archéologique de l’Université d’Innsbruck – Présentation d’une synthèse des résultats des dernières campagnes de fouilles menées au sanctuaire de Siris-Herakleia, dont surgit une meilleure vision de la nature du culte pratiqué, que ce soit dans la phase siriote ou héracléote du lieu sacré. Les rituels attestés dans le sanctuaire siriote (sacrifices avec feu sur eschara, repas rituels consommés sur place, libations réalisées directement sur le sol avec des entonnoirs), autant que l’iconographie récurrente sur la coroplastie votive (figures féminines trônant et enfants debout), renvoient à une culte de type chthonien, comme le confirme, d’autre part, l’évocation explicite à Gè griffonnée sur une kylix archaïque. Les mêmes rituels se retrouvent dans le sanctuaire à la phase liée à Herakleia, lorsque le lieu sacré est incontestablement dédié à Déméter. L’A. souligne que les libations pratiquées directement sur le sol et surtout, dans l’iconographie des ex-voto en terre cuite, l’attribut de la torche en croix – variante de la torche éleusinienne – autorisent à identifier Déméter en tant que divinité des mystères

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éleusiniens, liée au monde l’au-delà et protectrice des défunts en tant que mère de Perséphone (avec laquelle elle est souvent représentée aussi à Herakleia). Cette divinité revêt un important rôle politique pour la cité, alors qu’Herakleia est devenue capitale de la Ligue italiote en 374 av. J.-C., comme l’attestent – entre autres – quelques dédicaces de citoyens politiquement influents inscrites sur des vases, ainsi que la présence du symbole de la torche en croix sur les monnaies en bronze d’Herakleia. On ne peut exclure l’hypothèse que ce sanctuaire ait été utilisé comme siège des réunions de la Ligue, comme l’avait déjà affirmé, mais sans éléments probants, K. LOMAS, Rome and the Western Greeks. 350 BC ad 200, London, 1993. [I.B.] B. OTTO, « Il santuario sorgivo di Siris-Herakleia nell’odierno Comune di Policoro », in Lo spazio del rito. Santuari e culti in Italia meridionale tra Indigeni e Greci. Atti del Convegno di Studi, Matera 28 e 29 giugno 2002, Bari, 2005, p. 5-18. 177 13.03 – Métaponte – −Soprintendenza per i Beni archeologici della Basilicata − Dans une brève synthèse des résultats d’une étude sur les terres cuites votives et les cultes du sanctuaire urbain de Métaponte à l’époque archaïque, on peut relever l’iconographie la plus significative : figures féminines avec oiseaux, avec stephanè et les mains placées sur le ventre, avec animal, avec bouton de rose. Bien que l’on puisse isoler des emplacements caractérisés par une grande quantité de matériel votif (la zone du petit sanctuaire, construction qui a précédé celle du temple C), il n’est pas possible d’associer des exemplaires typologiquement liés à des lieux de culte spécifique. Derrière les iconographies attestées, qui pourraient renvoyer à toutes les divinités présentes dans le sanctuaire – Héra, Artémis et Athéna – semble se profiler une divinité conçue comme Potnia Therôn, qui se rapporte à la sphère féminine et en particulier au domaine du mariage et de la naissance. Les statuettes mises au jour dans la zone du temple B, interprété comme temple d’Apollon, renvoient aussi à une divinité féminine [A. DE SIENA,« Metaponto: problemi urbanistici e scoperte recenti », in Siritide e Metapontino. Storie di due territori coloniali. Atti dell’incontro di studio (Policoro 1991), Napoli/ Paestum, 1998, p. 163 sq.] : l’A. fait l’hypothèse que la divinité féminine pourrait avoir été honorée en qualité de « divinité hôte » du sanctuaire (peut-être Artémis, sœur d’Apollon), un phénomène attesté dans d’autres lieux sacrés du monde grec et de Grande Grèce. (I.B.) V. BARBERIS, « Terrecotte votive e culti nel santuario urbano di Metaponto: l’età arcaica e severa », in Lo spazio del rito (supra 13.02), p. 55-67.

178 – Synthèse du matériel votif des périodes classique et hellénistique provenant du même espace sacré de Métaponte. Les terres cuites mises au jour renvoient d’une part à la sphère de Déméter, de l’autre à celle d’Artémis Bendis. Ces deux groupes d’ex-voto proviennent des mêmes contextes de trouvailles, tout particulièrement concentrés dans la partie voisine des temples C et D, une donnée spatiale qui confirme l’hypothèse récemment avancée par A. De Siena que le temple ionique D serait un Artémision (« Metaponto: problemi urbanistici e scoperte recenti », in Siritide e Metapontino – Storie di due territori coloniali, Napoli, 1998 [Cahiers CJB, 20], p. 141-170; id., « La colonizzazione achea del metapontino », in G. DE ROSA, A. CESTARO, Storia della Basilicata – L’antichità, Bari, 1999, p. 211-246). Il s’agit de l’association de deux divinités bien attestée dans le monde grec et en Grande Grèce, que l’A. explique par la fonction commune d’Artémis et de Déméter comme divinités de la fertilité et de la végétation, héritée de l’antique Potnia de tradition archaïque. [I.B.]

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E. CALABRIA, « Coroplastica votiva dal Santuario urbano di Metaponto: nuove attestazioni di culto di età classica ed ellenistica », in Lo spazio del rito (supra 13.02), p. 69-82.

179 – Mise en perspective de l’iconographie de quelques antéfixes de Métaponte, afin d’en tirer des informations sur les cultes et les mythes de la colonie achéenne. Il faut souligner tout particulièrement la présence de deux types d’antéfixes, un avec protomé d’Io, une typologie largement attestée en Grande Grèce, l’autre à l’image de Dionysos, un type seulement connu à Métaponte. L’iconographie d’Io – dont le mythe qui en faisait la prêtresse d’Héra et l’ancêtre de Danaos était certainement connu des colons achéens de Métaponte –, répondait à un programme idéologique qui voyait la reprise des cultes de la plus antique tradition achéenne de la colonie (et des mythes afférents), réinterprétés en termes de propagande de la part des élites aristocratiques. Les antéfixes à protomé de Dionysos, encadrées de deux griffons ailés, font référence au culte de Sabazios, le Dionysos thraco-phrygien, fils de Zeus et de Perséphone, des divinités fortement liées à l’orphisme. Cette iconographie insolite pourrait refléter la nouvelle religiosité de type eschatologique diffusée en Grande-Grèce aux IVe et IIIe s. av. J.-C., en réponse à un climat d’instabilité politique et sociale généralisé. [I.B.] A.L. TEMPESTA, « Attestazioni del mito di Io e del culto di Dioniso a Metaponto: alcune considerazioni », in Lo spazio del rito (supra 13.02), p. 83-90.

180 13.04 – Sybaris–Institut d’archéologie de l’Université de Groningen –Cette brève monographie livre une synthèse des données relatives aux investigations de l’espace sacré de Francavilla Marittima, sur le territoire de Sybaris, conduites par l’Université de Groningen. La présentation des nouvelles données est précédée d’une discussion des recherches antérieures, tant dans l’établissement énotrien que dans le sanctuaire grec (sur lequel M. KLEIBRINK MAASKANT, « Cenni nuovi sull’aristocrazia enotria a Francavilla Marittima: evidenze dalle Tombe di Macchiabate e dagli edifici di Timpone della Motta », in Emergenze ambientali di carattere culturale (Francavilla Marittima, 9-10 settembre 2000), Trebisacce, 2000, p. 11-25). Concernant les investigations au sommet du Timpone della Motta, dans l’espace du sanctuaire, les recherches entreprises en 1991 et toujours en cours ont permis de récupérer un matériel très riche, renvoyant autant au culte pratiqué et à la structure à laquelle il s’articulait, qu’à la présence indigène antérieure. Sur la base de la lecture parallèle des données anciennes (cf. S. LUPPINO et alii, « Il santuario del Timpone della Motta di Francavilla Marittima: nuove prospettive di ricerca dall’analisi dei vecchi scavi », in Depositi votivi e culti dell’Italia antica dal periodo arcaico a quello tardo-repubblicano (Atti del Convegno di Perugia, giugno 2000, in c.d.s.) et nouvelles, on analyse l’organisation du sanctuaire entre les VIIIe et VIIe s. av. J.-C., lorsque l’acropole naturelle devait compter trois structures de temple en bois qui ont succédé à trois maisons en bois d’un segment relevant de la société énotrienne pré- coloniale (dans l’une d’entre elle, appelée « casa delle tessitrici », l’A. fait l’hypothèse – sans argument probant – de rites célébrés autour d’un foyer et destinés à une déesse du tissageenotrienne, à laquelle aurait succédé l’Athéna grecque). Les dynamiques rituelles qui mettent en scène Athéna dans le sanctuaire grec doivent donc renvoyer à une déesse Erganè, liée à la laine et au tissage, et, à en juger par la grande quantité d’hydries mises au jour, à l’offrande d’eau, qui devait être au centre du culte. L’accomplissement d’actes rituels à l’intérieur de cet espace est documenté par le dépôt d’une grande quantité d’objets manufacturés en des lieux particulièrement significatifs (à l’intérieur du périmètre des temples et du mur d’enceinte du sanctuaire) qui associent de nombreuses hydriskai à des coupes et des coupes miniatures qui renvoient

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à l’offrande d’eau à la déesse. La troisième partie, moins convaincante, discute les sources littéraires et les mythes qui permettraient d’identifier cette implantation avec l’antique Lagaria, attestée par Strabon au nord de Thourioi. C’est dans l’Athénaion du lieu qu’Épeios aurait déposé les instruments utilisé pour la construction du cheval de Troie. Les sources relatives à ce lieu et au mythe d’Épeios [cf. M. OSANNA, « Strabone VI, 263 e l’ubicazione di Lagaria », AnnPerugia 39 n.s. 10 (1986/87), p. 171-184] ne permettent pas une telle identification. [M.O.] M. KLEIBRINK MAASKANT, Dalla Lana all’acqua. Culto e identità nell’Athenaion di Lagaria, Francavilla Marittima, Rossano, 2003.

181 – L’étude de l’A. sur les objets votifs en métal du sanctuaire de Francavilla Marittima s’inscrit dans un projet d’étude et de publication de l’importante quantité de matériel archéologique provenant de fouilles clandestines effectuées dans le cadre du sanctuaire sybarite, recueilli dans les collections de l’Institut d’archéologie classique de l’Université de Berne et du Département des antiquités du J.Paul Getty Museum de Malibu, et ensuite restitué par les autorités suisses et américaines au Museo Nazionale Archeologico della Sibaritide. L’étude comprend deux parties. La première partie s’ouvre sur une présentation du site de Timpone della Motta et rappelle, sous forme de synthèse, les campagnes de fouille qui ont été conduites, depuis les investigations commencées en 1963 par la Soprintendenza Archeologica della Calabria et reprises en 1982 avec la collaboration de l’Istituto Archeologico Germanico di Roma, jusqu’aux campagnes entreprises en 1991 par Marianne Kleibrink de l’Université de Groningen. Au matériel provenant de ces explorations sont systématiquement confrontés les objets examinés par l’A., afin d’en reconstituer le contexte de provenance et la fonction originelle. Ensuite vient le catalogue détaillé du matériel examiné – 517 objets en or, argent, bronze, plomb et fer – avec une introduction pour chaque catégorie distinguée. Les objets en bronze sont majoritaires, constitués surtout d’une grande quantité de récipients, armes, fragments ou parties d’armement, objets ornementaux, instruments de musique, rameaux votifs. L’arc chronologique des objets manufacturés va de la fin du VIIe à la totalité du VIe s. av. J.-C., à l’exception de quelques objets qui datent de l’âge du Fer ou d’une période postérieure à la destruction de Sybaris. Une partie du matériel appartient à une tradition indigène, d’autres objets sont assurément grecs, d’autres encore semblent importés. Dans la plupart des cas, une attribution sur base stylistique est difficile et il pourrait s’agir d’objets spécifiquement locaux. La difficulté tient aux multiples influences culturelles auxquelles fut soumis le territoire de Sybaris, tant grecques (achéennes, corinthiennes, laconiennes, argiennes, gréco-orientales, etc.) que phéniciennes. À la lumière de ces constats, l’A. définit comme « hybrides » tant la nature du site de Francavilla que le culte qui y était pratiqué, renvoyant à la notion d’hybridation définie par H. BHABHA (« The Other Question: Stereotype, Discrimination and the Discourse of Colonialism », in H. BHABHA, The location of Culture, London, 1992 [1994], p. 66-184). Cette notion définit le matériel que l’on ne peut qualifier ni de grec, ni de proprement indigène en le qualifiant de « South Italian ». La seconde partie du volume est consacrée aux analyses métallographiques effectuées sur les trouvailles, coordonnées par David Scott des Museum Services Laboratory de la Getty Conservation Institution. [I.B.] J.K. PAPADOPOULOS, La dea di Sibari e il santuario ritrovato. Studi sui rinvenimenti dal Timpone Motta di Francavilla Marittima. II.1, The archaic votive metal objects, Rome, 2003 (BdA, vol. special).

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182 13.05 – Poseidonia – Università degli Studi di Perugia, University of Michigan –Presque dix ans après la parution du premier volume consacré au sanctuaire hors-les-murs de S. Venera à Paestum (J.G. PEDLEY, M. TORELLI, The Sanctuary of Santa Venera at Paestum I, Roma 1993) paraît le deuxième volume, qui traite des terres cuites votives mises au jour dans le sanctuaire à partir des fouilles des années 1950, jusqu’aux investigations reprises par les Universités de Pérouse et de Michigan en 1980. L’A. introduit son étude en passant systématiquement en revue les phases d’existence du sanctuaire, depuis les maigres vestiges d’architecture dorique du VIe s. av. J.-C. en passant par la première articulation des espaces sacrés un peu mieux documentée (oikos, salle rectangulaire, édifice méridional), jusqu’aux modifications substantielles apportées au sanctuaire lors de la fondation de la colonie latine de Paestum en 273 av. J.-C. S’ensuivit la grande extension du sanctuaire datée de l’époque républicaine et des débuts de l’empire, qui ne connut pas de solution de continuité jusqu’au IIIe s. ap. J.-C., en dépit des dommages dus à l’éruption du Vésuve de 79. Pour le culte pratiqué dans le sanctuaire à la période romaine, lorsqu’est attesté le culte de Vénus, les témoignages épigraphiques sont nombreux. Par contre, aucune source écrite ne permet l’identification de la divinité patronne du sanctuaire à la période grecque. Les seuls instruments permettant de renouer le fil de l’histoire cultuelle et rituelle du sanctuaire sont les 4800 terres cuites votives mises au jour par les fouilles. Ce richissime corpus d’objets votifs est soigneusement analysé et les mould series sont identifiées afin de fixer la chronologie relative des exemplaires : des statuettes archaïques de figures féminines nues aux statuettes de déesse trônant majoritaires à la période classique; des figures féminines habillées de la période hellénistique aux statuettes contemporaines qui reproduisent des divinités spécifiques, et en particulier Éros et Aphrodite, et aux ex-voto anatomiques d’époque romaine, lorsque la dédicace d’ex-voto en terre cuite commença à devenir obsolète à S. Venera, bien que le sanctuaire ait été actif jusqu’à la fin du IIIe s. ap. J.-C. Sur la base des données tirées de l’analyse des terres cuites de S. Venera, il est possible de parcourir les lignes fondamentales de l’industrie coroplastique pestane (cf. M. CIPRIANI, « Le produzioni artistiche e artigianali », in F. ZEVI (ed.), Paestum, Napoli, 1990, p. 105-125; ead., « Poseidonia tra VI e IV secolo a.C.: La coroplastica votiva », in E. LIPPOLIS (ed.), Arte e artigianato in magna Grecia. I Greci in Occidente, Napoli, 1996, p. 206-215), depuis les premières influences achéenes et ioniennes de la période archaïque, en passant par le développement d’un style particulier et original vers la fin du VIe s. av. J.-C. jusqu’à la période classique où émergent les productions plus originales de la coroplastie pestane, et au floruit à la période lucanienne. La période suivante va jusqu’à l’époque hellénistique (qui voit l’introduction dans les ateliers pestans d’une série de sujets appartenant à la koinè hellénistique), puis c’est la « décadence » de la période tardo-républicaine et du début de la période impériale. À la lumière des données établies par l’étude typologique et stylistique des statuettes, l’A. s’interroge enfin sur les informations qu’il est possible d’en tirer pour le culte pratiqué dans le sanctuaire de S. Venera. En prenant seulement en compte les iconographies qui, bien que numériquement non pertinentes, présentent des aspects particuliers qu’il est possible d’associer à une divinité précise et à des cultes, l’A. conclut que les plus anciens colons de Poseidonia doivent avoir dédié le sanctuaire extra-urbain de S. Venera au culte d’Aphrodite, qui ne semble pas avoir connu de solution de continuité jusqu’à la fin de la période romaine. [I.B.] R. MILLER AMMERMANN, The Sanctuary of Santa Venera at Paestum II, Ann Arbor, 2002.

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183 – Présentation des résultats préliminaires de la révision des données de fouille et de l’analyse quantitative des trouvailles mises au jour dans l’aire sacrée de Capodifiume. Il s’agit de tirer des conclusions nouvelles sur le culte et le rituel qui y étaient pratiqués. Le matériel s’inscrit dans un arc chronologique qui va du 2e quart du IVe au 3e quart du IIIe s. av. J.-C., et est concentré tant à l’extérieur de l’édifice qu’à l’intérieur de l’une des pièces identifiées. Il ressort de l’examen des formes céramiques et de leur distribution que les vases majoritairement représentés (petits récipients, vases à onguents et pyxides) étaient destinés à être offerts à la divinité, mais la grande quantité de vaisselle retrouvée devait être fonctionnelle pour des rituels bien connus qui impliquaient la préparation et la consommation de repas. Bien que moins bien représentés, les ex-voto en terre cuite contribuent à définir le culte pratiqué dans le sanctuaire : il s’agit surtout de représentations féminines qui comptent, dans une première phase (IVe – début IIIe s. av. J.-C.), des bustes, des têtes, des statuettes; dans une deuxième phase (à partir du début IIIe s.), des têtes de facture hellénistique et des erotes. À la lumière de ces données, on peut conclure que le culte pratiqué à Capodifiume était destiné à une déesse. Quant à la détermination de son identité, il semble que le début du IIIe s. constitue une césure qui reflète des transformations cultuelles : dans la première phase prévalent des bustes féminins qui rappellent ceux de tradition siciliote en face de dynamiques cultuelles qui renvoient au culte de Korè; dans la deuxième phase, lorsque, avec la disparition des bustes, deviennent prépondérantes les figures habillées et les erotes, on perçoit des modèles propres à la communauté italique. Vient appuyer cette hypothèse la découverte d’un trépied datable de la fin du IVe s. av. J.-C., dont la décoration associe les images d’Athéna avec le casque phrygien, Héraclès, des hermaphrodites et une scène d’ anodos qui renvoie au culte de Korè. Dans cette décoration, l’A. voit un véritable programme idéologique : l’association des images « manifesta la rifunzionalizzazione di un culto di tradizione greca nel quadro di rinnovate esigenze cultuali rispondenti a modelli propri delle comunità italiche ». [I.B.] A. SERRITELLA, « Poseidonia: l’area sacra di Capodifiume », in Lo spazio del rito (supra 13.02), p. 19-26.

184 13.06 – Tarente – Dans sa communication, E. Lippolis propose une série d’observations sur la pratique rituelle attestée à Tarante, dans le cadre d’une étude plus large réservée à l’analyse des contextes archéologiques du matériel votif. L’A. s’attache tout particulièrement aux dépôts de matériel votif dispersé après la fragmentation rituelle dans la région extra-urbaine de Tarante, en mettant ce type de dépôt en relation avec des cérémonies liées à des rites de passage vers la condition de défunt. Il énonce une série de principes méthodologiques, parmi lesquels il souligne combien l’association de différents sujets à l’intérieur d’une même fosse reflète la logique interne de l’action rituelle et constitue une donnée très importante pour sa reconstitution. À ces observations générales s’ajoute, à titre d’exemple, l’analyse d’un sujet coroplastique bien connu dans la région tarentine, l’Artémis Bendis, dont l’A. propose une révision complète de la bibliographie existante. Les terres cuites italiotes d’Artémis Bendis témoigneraient, d’un côté, de la participation des fidèles aux rites de passages, mais pourraient, de l’autre, revêtir également un rôle dans des rituels funéraires (en association avec les typologies des personnages couchés et des personnages faisant le geste de l’offrande, où la statuette deviendrait l’image du défunt lui-même). [I.B.] E. LIPPOLIS, « Pratica rituale e coroplastica votiva a Taranto », in Lo spazio del rito (supra 13.02), p. 91-102.

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14. Sicile (Nicola Cucuzza)

185 14.00 – Généralités

186 Présentation d’une étude d’ensemble sur le type coroplastique dit « de l’Athéna Lindia » ou de la « statuettes aux parures » (selon M. Dewailly). Les exemplaires connus sont catalogués par type et l’iconographie, la chronologie et le contexte de mise au jour en sont discutés. L’A. identifie avec l’Agrigente du VIe s. av. J.-C. le centre dont émane le type coroplastique qui se retrouve quasi exclusivement en Sicile jusqu’à la fin du Ve s. av. J.-C. Elle exclut l’identification traditionnelle du type avec Athéna Lindia, proposée par Blinkenberg : elle souligne plutôt le caractère générique de la statuette, ce qui en explique la diffusion en contexte funéraire, en plus des sanctuaires qui semblent voués à des divinités chthoniennes. La faible circulation du type à l’extérieur de la Sicile et la diffusion dans les colonies et centres indigènes, surtout dans la région centrale du S de la Sicile (en particulier Agrigente, Géla, Sélinonte, Heloros) sont expliquées selon l’hypothèse que les statuettes auraient reproduit la statue de culte d’une divinité protectrice de la fertilité agraire et humaine. M. ALBERTOCCHI, Athana Lindia. Le statuette siceliote con pettorali di età arcaica e classica, Roma, 2004 (Suppl. Rivista di Archeologia, 28).

187 – Proposition d’une typologie des autels puniques retrouvés sur les sites de Sélinonte, Solonte et le mont Adranone : des autels en forme de parallélépipède, en forme de parallélépipède avec des bords verticaux et autels à trois bétyles. F. SPAGNOLI, « Altari punici dei santuari della Sicilia occidentale », Sicilia Archeologica 36 (2003), p. 169-190.

188 14.01 – Lentini (Santuario di Scala Portazza) – Soprintendenza ai Beni Culturali e Ambientali di Siracusa – Présentation préliminaire de la découverte d’un espace sacré, entre 1999 et 2001, à l’O de l’habitat antique, non loin du sanctuaire des Dioscures de Contrada Alaimo (ChronARG [2002], 14.07). Le sanctuaire, structuré en deux terrasses, était limité par un mur de temenos (retrouvé le long des côtés N et O), dans lequel ont été identifiées deux ouvertures : une, avec un large escalier, à l’O, et une, étroite, au N. Cette dernière, à brève distance des fondations d’un autel rectiligne avec frise à métopes et triglyphes, orienté N-S, est interprétée comme l’entrée destinée aux victimes du sacrifice sur l’autel voisin. Devant cette structure (en particulier à l’E de celle-ci), une couche de cendres a été retrouvée, contenant de petits fragments d’ossements consumés avec de minuscules fragments de céramique, en relation avec une phase d’utilisation du sanctuaire antérieure à la construction de l’autel. Des incertitudes demeurent sur la planimétrie et la fonction d’un édifice situé dans la partie méridionale de la zone fouillée; il pourrait s’agir du temple, dont la présence est déduite de la découverte d’éléments architecturaux en terre cuite et, toujours à l’intérieur du temenos (juste devant l’escalier d’accès !), d’un four destiné à la cuisson des tuiles en terre cuite. La principale période d’utilisation du sanctuaire se situe au milieu du VIe s. av. J.-C.; au début du Ve s. av. J.-C., le complexe était déjà abandonné. Quoi qu’il en soit, l’existence d’une phase architecturale plus ancienne que l’autel et la couche de cendres avec les restes d’ossements et de céramique devant lui est attestée, mais non encore datée. M. Frasca a fait l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’un sanctuaire dédié au culte d’Héra.

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B. BASILE, « Il Santuario di Scala portazza. Prime indagini », in M. FRASCA (éd.), Leontini. Il mare, il fiume, la città, Catania, 2004, p. 99-116.

189 – Rapport préliminaire des découvertes faites à l’intérieur d’une pièce carrée appartenant à un sanctuaire fouillé en 1987-1988 et déjà attribué aux Dioscures grâce à une inscription sur un cratère attique à fig. r. (ChronARG [2004], 14.03). Dans l’attente de la publication définitive de l’intéressant complexe, on relève la mention, dans le même contexte, de la découverte de vases mêlés à des ossements d’animaux, interprétés comme les restes de dépôts sacrés. La céramique d’importation est protocorinthienne et corinthienne (aryballes, alabastres, kotyles, kylikes, lécythes, pyxides), gréco-orientale, rhodienne (aryballes, vases à onguents), étrusque (canthares in bucchero) et attique (kylikes et skyphoi); nombreuse céramique locale, avec une majorité de formes ouvertes (coupes et tasses) et la présence de céramique miniature (cruches, hydries, amphores). Le contexte, datable entre le VIIe et le VIe s. av. J.-C., comprenait peu de fragments de statuettes en terre cuite, fusaïoles et poids de métier à tisser; il y avait aussi des objets d’ornement en bronze qui apparaissent bien plus tard dans le reste des trouvailles (2e moitié IVe – IIe s. av. J.-C.

L. GRASSO, « Il Santuario di Alaimo. Primi risultati dello studio della stipe », in M. FRASCA (éd.), Leontini… (supra), p. 117-122.

190 – La découverte d’éléments architecturaux en pierre et d’une tête de korè laisse supposer l’existence d’un espace sacré d’époque archaïque à l’O de l’actuelle Piazza Umberto I. B. BASILE, « Il Santuario… » (supra), p. 114.

191 14.02 – Grammichele – Università di Torino – Au cours des fouilles de 2000-2001 à l’emplacement de Terravecchia, sur le Poggio del Rullo, on a identifié les vestiges d’une structure qui se retrouve associée à des activités cultuelles, avec deux phases architecturales du VIe s. av. J.-C. (saggio A). Des couches de cendres, avec des fragments d’ossements d’ovins et de caprins sont interprétés comme des restes de sacrifices et de consommation rituelle de repas qui auraient eu lieu tout d’abord dans un petit enclos de 2,50 × 2,10 m. Ensuite, un édifice rectangulaire fut construit, long d’au moins 8 m (détruit entre le 1er et le 2e quart du Ve s. av. J.-C.), à l’intérieur duquel se trouvait une base cylindrique en pierre (autel ou base de statue ?). L’interprétation cultuelle de l’ensemble se fonde également sur la découverte de céramique miniature; une phiale attique à vernis noir contenant des graines de céréales est mise en relation avec des pratiques sacrificielles en l’honneur de divinités de la fertilité agraire. Du matériel relatif à l’activité de culte, en particulier un petit autel en pierre, a été découvert un peu plus au S (saggio B). M. BARRA BAGNASCO, « Terravecchia di Grammichele: rapporto preliminare sulla campagna di scavo 2000 », Orizzonti 2 (2001), p. 27-35, 46-47.

192 14.03 – Camarina – Soprintendenza ai Beni Culturali e Ambientali di Siracusa – Étude des trouvailles effectuées dans les fouilles de 1972-1973 dans la nécropole de Passo Marinaro : en particulier, on signale la présence de soutènements probablement liés à des autels et des vestiges de la fondation d’un grand édifice en appareil polygonal à côté d’une route à l’intérieur de la nécropole. Les structures sont mises en relation avec une fréquentation rituelle de l’endroit; une même explication est avancée pour les éléments découverts dans les couches superficielles de la nécropole, parmi lesquelles se trouve la majeure partie des tablettes de défixion.

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R. SALIBRA, « La necropoli di Passo Marinaro a Camarina. Nuove acquisizioni dalla campagna di scavo 1972-1973 », Kokalos 45 (2003) [2004], p. 41-110.

193 14.04 – Géla – L’analyse de la diffusion de la céramique attique à Géla, comparée à celle qui est connue dans d’autres centres de la Sicile (Agrigente, Himère, Lipari), met en évidence le fait que, dans les sanctuaires, l’utilisation de ce type de céramique serait liée à la pratique cultuelle. Un tel emploi se distingue de ce qui est attesté en milieu funéraire, où sont particulièrement mis en évidence les motifs peints qui illustreraient peut-être des mythes liés aux discours funéraires. G. GRECO et alii, « L’incidenza della ceramica attica nei santuari: il caso di Gela », in R. PANVINI, F. GIUDICE (éds), Ta Attika. Veder greco a Gela. Ceramiche attiche figurate dell'antica colonia, Roma, 2003, p. 157-184.

194 14.05 – Polizzello – Università di Catania – En 2000, les fouilles ont été reprises sur le site déjà en partie exploré par Orsi et De Miro. Une structure rectangulaire du VIe s. av. J.-C. a été mise au jour. Elle est constituée d’une pièce de 8,3 × 5,6 m. La découverte, à l’intérieur, d’une grande quantité d’ossements d’animaux laisse supposer que la structure aurait pu abriter des sacrifices animaux. On retiendra la localisation, dans la partie occidentale de la colline, de l’édifice où avaient été trouvés en 1926 deux petits modèles circulaires en terre cuite. L’A. souligne la ressemblance des ex-voto avec ceux qui sont en usage en Crète à la période minoenne. D. PALERMO, « La ripresa degli scavi sulla Montagna di Polizzello », Orizzonti 4 (2003), p. 95-99.

195 14.06 – Agrigente – Soprintendenza ai Beni Culturali e Ambientali di Agrigento – Publication complète des fouilles menées entre 1982 et 1989, et en 2000, dans le sanctuaire naguère identifié comme celui d’Asclépios grâce à un passage de Polybe (I, 18) relatif au siège des Romains en 262 av. J.-C. Le sanctuaire aurait été construit au IVe s. av. J.-C. La découverte de céramique des VIe et Ve s. av. J.-C. près du temple est, à titre d’hypothèse, mise en relation avec un culte d’Apollon, représenté par une statue abritée dans le sanctuaire, due à Myron (Cicéron, Verr. IV); il manque toutefois des données concrètes pour soutenir cette hypothèse, étant donné le caractère banal des trouvailles (outre la céramique, une statuette féminine en terre cuite de style dédalique et des monnaies) et compte tenu de la fréquentation protohistorique connue de l’endroit, peut-être en relation avec un petit établissement près d’une source (P. MARCONI, Agrigento. Topografia e arte, Firenze, 1929, p. 92-93). Le sanctuaire, qui s’étend sur près de 18000 m², était délimité par un mur de temenos, avec une ouverture au N, vers l’habitat; sa construction est datée du milieu du IVe s. av. J.-C.

196 Au milieu du sanctuaire s’élevait le temple distyle in antis, également accessible par le S au moyen d’une rampe et doté d’un puits à l’intérieur. À l’E des marches d’accès au temple se trouvait un petit puits, au-delà duquel se trouvait un autel rectiligne et deux autres petits puits. Un second édifice de culte, appelé « Sacello Thesauros » se trouvait juste au N, entre le temple et l’autel; dans la partie N du sanctuaire – celle qui semble la plus largement investiguée – se trouvait une fontaine et, à l’O, une petite enceinte carrée, accessible par le S, qui renferme un autel. À l’O du propylon d’accès au sanctuaire se trouvaient des espaces délimités par un mur de temenos, parmi lesquels on identifie l’ abaton, où intervenait l’incubation. Dans la restructuration romaine du sanctuaire qui suivit l’occupation durant le siège de 262 av. J.-C., l’édifice, devant lequel se trouvait une citerne, fut précédé d’un portique (« Portico N-O »); un second portique fut alors

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construit le long d’une série de pièces édifiées contre le mur occidental du temenos (« Portico O ») et identifiées comme hestiatorion et katagogeia. L’A., sur la base des analogies avec d’autres Asklépieia connus, reconstitue à titre d’hypothèse un itinéraire rituel qui va du propylon vers la source et, ensuie, après le dépôt de l’offrande dans le « Sacello Thesauros », repart vers l’autel rectiligne, arrive au temple pour se diriger enfin vers l’enceinte avec l’autel et le Portique N-O. La présence de fragments de couteaux en fer et d’ossements d’animaux (outre des petites cruches, des vases à onguent, des figurines en terre cuite et quelques monnaies) dans les deux petits puits à l’E de l’autel rectiligne est mise en relation avec des offrandes sanglantes près du même autel; en revanche, le petit ensemble de l’enceinte avec autel était probablement utilisé, d’après l’A., pour le dépôt de gâteaux et de fruits, malgré l’existence de traces de combustion repérables à la surface des blocs. Un couteau en fer, un pinax avec une représentation de chien, de la céramique miniature font partie des découverte du « Sacello Thesauros ». En général, on signale l’absence d’inscription d’action de grâce (on a seulement mis au jour une seule paire d’inscriptions fragmentaires) et la faible quantité d’ex-voto anatomiques. L’A. en déduit qu’à la période romaine, le culte d’Asclépios pourrait avoir été en partie transféré dans le temple d’Héraclès, même si le sanctuaire d’Asclépios a continué à fonctionner, au moins partiellement, jusqu’au IVe s. ap. J.-C. E. DE MIRO, Agrigento II. I santuari extraurbani. L’Asklepieion, Roma, 2003.

197 – La céramique découverte dans le sanctuaire de S. Anna est interprétée comme un indice d’actions rituelles (comme la cuisson et la consommation de repas) qui avaient lieu dans l’espace sacré. Il faut mentionner la présence massive de vaisselle et de céramique miniature (en particulier des cruches, des puisettes et des vases à onguent). V. CALÌ, « Ceramiche votive e ceramiche di uso votivo e rituale dal Santuario extra- urbano di S. Anna ad Agrigento », Quaderni di Archeologia. Università di Messina 3 (2003), p. 145-164.

198 14.07 – Salemi (Monte Polizzo) – Stanford University, Santa Clara University, Soprintendenza Beni Culturali ed Ambientali di Trapani – Présentation des données de la fouille menée entre 1998 et 2002 (ChronARG [2003], 14.20). Tout particulièrement intéressantes sont les découvertes effectuées dans la partie A, où une structure circulaire d’un diamètre de 6,4 m (A1), construite vers 550 av. J.-C., pourrait être un édifice de culte. À côté de l’édifice, au point le plus haut de la colline, il y a deux structures rectilignes interprétées comme des autels, une stèle, et des parties des murs qui semblaient délimiter cet espace. Des traces de combustion et de nombreux restes de cornes de cervidés, en particulier (cervus elaphus), indiquent le sacrifice de ces animaux, dont les viandes étaient probablement consommées ailleurs; les fragments de coupes découvertes sont mises en relation avec la consommation de vin. La structure circulaire est restée en usage jusque 500-475 av. J.-C.; une fosse contenant des cendres fut soigneusement scellée avec de l’argile, comme un foyer placé à l’intérieur du même édifice. On avance l’hypothèse que les ossements humains d’un individu de 12 à 14 ans, trouvés dans les environs de A1 pourraient appartenir à une sépulture qui détermine le lieu pour le développement des pratiques cultuelles qui sont reconstituées. L’attention est tout particulièrement attirée sur le très fort pourcentage d’ossements de cervidés, dont les cornes sont les matériaux ostéologiques de loin les mieux représentés sur le site (5141 fragments). Les A. affirment que les cervidés auraient été chassés (en automne, sur la base du point de développement des cornes) dans les bois alentour du

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Mont Polizzo, pour être sacrifiés sur les autels mis au jour, où l’on trouve des restes brûlés de crânes et de pattes. Les cornes pourraient avoir été portées durant des rituels (par exemple des danses) peut-être documentés dans l’iconographie contemporaine (œnochoé de Polizzello). Le large pourcentage d’ossements de cervidés (5347 fragments sur 5402 de mammifères sauvages) trouve peut-être un parallèle dans les pratiques cultuelles en l’honneur d’Artémis (sanctuaire d’Artémis Elaphèbolia à Kalapodi). I. MORRISet alii, “Stanford University Excavations on the Acropolis of Monte Polizzo, Sicily III: preliminary report on the 2002 season”, MAAR 48 (2003), p. 251-259, 273-290.

199 14.08 – Entella – Dans les fouilles menées entre 1999 et 2001, juste en dehors du circuit d’enceinte de l’établissement, près de la porte N-O, on a mis au jour un dépôt de matériel certainement lié à des pratiques cultuelles; une couche contenant des ossements d’animaux (bovins, ovins, caprins, porcs et sangliers) et du matériel votif recouvrait une fosse constituée en particulier de nombreuses statuettes en terre cuite, parfois déposées en ordre, les unes à côté des autres, comme dans le sanctuaire de Déméter et Korè de la piazza della Vittoria à Syracuse ou dans le Thesmophorion de Bitalemi à Géla. La pente de la colline a probablement été terrassée pour accueillir des structures « mobiles et provisoires » liées à la fréquentation du sanctuaire. Une des activités qui s’y est développée est la cuisson de repas, à en juger par la présence de nombreux fragments de marmites, de petites fosses remplies de cendres et d’ossements animaux, et de petits foyers. Le matériel, datable entre la fin du VIe et le IIIe s. av. J.-C., comprenait des bustes et des statuettes féminines en terre cuite (du type dit « de l’Athéna Lindia », fidèles avec flambeau et porcelet), des lampes, des kernoi, un fragment de pinax en terre cuite, des vases en terre cuite dont quelques exemplaires miniatures. La documentation archéologique (comparable à celle de Bitalemi à Géla) conduit à interpréter ces vestiges comme ceux d’un Thesmophorion, situé à une courte distance de la nécropole (la B) de l’établissement. F. SPATAFORA, « Entella. Il santuario delle divinità ctonie in contrada Petraro », in F. SPATAFORA, S. VASSALLO(éds), Sicani, Elimi e Greci. Storie di contatti e terre di frontiera, Palermo, 2002, p. 13-15, 23-35; F. SPATAFORA, A. RUVITUSO, G. MONTALI, « Entella: un santuario ctonio extra moenia », in Quarte giornate internazionali di studi sull’area elima (Erice, 1-4 dicembre 2000), Pisa, 2003, p. 1189-1201.

200 – L’A. ajoute quelques remarques supplémentaires sur le dépôt votif déjà connu et mis au jour dans les fondations du grenier (principalement des statuettes en terre cuite avec porcelets et des coupes : M.C. PARRA, in Seconde giornate internazionali di studio sull’area elima, Pisa, 1997, p. 1203-1214). Les pièces découvertes au N du grenier étaient probablement liées aussi à l’édifice utilisé à des fins cultuellesau Ve s. av. J.-C. Elles ont continué à être utilisées à la période hellénistique, parfois avec la présence d’un autel intérieur (pièce A1/D1). L’A. suggère que le complexe, outre la fonction de magasin, aurait accueilli un culte chthonien, attribué à Déméter ou à Hestia. M.C. PARRA, « Ad Entella, tra un granaio ed un oikos: nuovi dati sulla thysia di fondazione », in Quarte giornate… (supra), p. 1029-1048.

201 14.09 – Marineo – Soprintendenza ai Beni Culturali e Ambientali di Palermo – Confirmation du caractère votif du dépôt de trois casques, de jambières et d’un bouclier dans un espace peut-être couvert près du mur de l’habitat (ChronARG [2002], 14.13; [2004], 14.13) identifié, grâce à la découverte de quelques tuiles inscrites, comme le centre de Makella. Présentation analytique du matériel en question, datable de la 2e moitié du VIe

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s. av. J.-C. Le dépôt votif d’armes (associées à des vases pour la cuisson) est isolé dans le cadre de la Sicile archaïque. Mais les A. n’examinent aucune explication alternative qui ne concernerait pas la sphère religieuse. F. SPATAFORA, « La Montagnola – Makella », in Sicani, Siculi e Greci (supra 14.08), p. 87-97.

202 14.10 – Colle Madore (Lercara Friddi) – Soprintendenza BB.CC.AA. di Palermo – Récapitulation des découvertes déjà publiées (S. VASSALO [éd.], Colle Madore. Un caso di ellenizzazione in terra sicana, Palermo, 1999), avec une nouvelle présentation des données relatives au petit sanctuaire identifié sur la pente méridionale et datable au milieu du VIe s. av. J.-C. Entre les blocs de fondation de l’édifice (à l’intérieur duquel se trouvait une stèle avec une représentation interprétée comme Héraclès à la fontaine), il y avait un dépôt de fondation constitué, outre de fibules et d’une lame en métal à décor anthropomorphe, de vases en céramique de production indigène, étrusque et grecque; parmi ces derniers, on remarque la présence de vases miniatures. S. VASSALLO, « Colle Madore. Terra di frontiera », in Sicani, Siculi e Greci (supra 14.08), p. 99-113.

203 14.11 – Cozzo Spolentino (Corleone) – L’A. mentionne la découverte, à l’extérieur de l’habitat antique, d’un groupe de matériel du IVe s. av. J.-C. interprété comme l’éparpillement des ex-voto d’un sanctuaire. Outre une statuette et des bustes féminins en terre cuite sont présentés des boucles d’oreille et des perles de collier en bronze, des monnaies et des vases de production siciliote et italiote. F. SPATAFORA, « Cozzo Spolentino », in Sicani, Siculi e Greci (supra 14.08), p. 147-156.

204 14.12 – Sélinonte – L’A. discute l’hypothèse que les nombreuses figurines en terre cuite retrouvées à l’O du temple du sanctuaire de Zeus Meilichios soient en relation avec le rite de purification mentionné dans les premières lignes de la lex sacra, par analogie avec ce qui est prescrit par la lex cathartica de Cyrène (M.H. JAMESON, D.R. JORDAN, R.D. KOTANSKI, A lex sacra from Selinous, Durham, 1993). Le Campo di Stele est plutôt identifié comme un lieu sacré réservé aux cultes de groupes familiaux. A. BRUGNONE, « Riti di purificazione a Selinunte », Kokalos 45 (2003) [2004], p. 11-26.

205 14.13 – Lylibaeum (Marsala) – Soprintendenza ai Beni Culturali e Ambientali di Trapani – Les fouilles menées dans la via Quarto ont mis au jour un édifice à vasques près de la ligne de côte en usage entre le IVe et le IIIe s. av. J.-C. (ChronARG [2004], 14.16); la structure pourrait avoir eu un usage cultuel, une hypothèse fondée sur la proximité de la « Grotte de la Sibylle ». Une telle hypothèse permettrait d’expliquer la découverte récente d’une réplique de l’Aphrodite du type ‘syracusain’ (janvier 2005), rapportée par les journaux locaux. R. GIGLIO, « Lilibeo (Marsala): recenti rinvenimenti archeologici in via Quarto », in Quarte giornate (supra 14.08), p. 730-731.

206 14.14 – Mozia – Università “La Sapienza” di Roma – En 2002, à l’E de Kothon, les vestiges d’un édifice déjà fouillé en partie ont été identifiés comme ceux d’un temple (Temple C) dont ont été mis au jour des niveaux postérieurs à 397 av. J.-C. (sanctuaire C3). Il faut remarquer la présence d’un autel en pierre, d’une cour intérieure avec un puit et d’un espace de stockage. L. NIGRO, « Nuovi scavi a Mozia dell’Università di Roma “La Sapienza” (XXII campagna, agosto-ottobre 2002) », Sicilia Archeologica 36 (2003), p. 87-88.

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207 – Sur les pentes occidentales de l’acropole, à l’intérieur d’une maison (dès lors appelée « Casa del sacello domestico »), a été retrouvée une petite niche qui, vu la présence d’un petit autel et d’un astragale, pourrait avoir accueilli un culte domestique. Une colonnette cannelée avec un chapiteau éolique (fin Ve – début IVe s. av. J.-C.) pourrait lui être associée. L. NIGRO, « Nuovi scavi … », ibid.,p. 90-91.

208 14.15 – Kossyra (Pantelleria) – Scuola di Specializzazione in Archeologia di Matera, Université de Greifswald, Soprintendenza ai Beni Culturali e Ambientali di Trapani – Sont rendus publics les résultats des fouilles menées en 2003 sur l’acropole de S. Marco où une citerne était remplie de matériaux probablement liés à un édifice sacré du IIe s. av. J.-C., avec une phase d’utilisation à la période impériale. À cette structure sont associées les trois têtes en marbre identifiées comme César, Antonia la Jeune et Titus, découvertes à l’intérieur de deux autres citernes. La fouille a particulièrement mis en évidence le fait que les têtes de César et d’Antonia furent soigneusement déposées (dans le 3e quart du Ier s. av. J.-C.) entre les ossements des bovins dans la citerne 861 à la fin d’un rite qui comprenait des sacrifices d’animaux, attestés par l’abondance des cendres, du charbon de bois et des ossements consumés de bovins et d’ovins. Ces derniers appartiennent au moins à sept ovins et à quatre bovins qui furent abattus. La grande quantité de vaisselle en céramique (assiettes et coupes) retrouvées dans le remplissage de la citerne doit probablement être mis en relation avec la consommation des chairs des animaux, accompagnée de libations. La présence des ossements d’un chien, tué mais non abattu, permet d’envisager que l’enterrement des têtes impériales associées aux parties non consommées des animaux découpés, au chien sacrifié et à la vaisselle en céramique utilisée pour la consommation des repas aurait été effectué au cours d’un rituel d’expiation (peut-être en relation avec des vicissitudes locales dont on ignore la teneur). M. OSANNA, T. SCHÄFER, S. TUSA, « I ritratti imperiali dell’antica Cossyra (acropoli di S. Marco, Pantelleria) », Sicilia Archeologica 36 (2003), p. 79-84. http://www.unibas.it/ssa/ pantelleria.htm

Index géographique (Alexis d’Hautcourt)

209 Acarnanie : 05.01; Palairos 05.01

210 Asie Mineure : Carie : Çanagik Tepe : 12.07; Cnide : 09.07; 09.23; 12.08; Halicarnasse : 09.07; 12.09; Iasos : 09.07; 12.07; Cilicie : 12.04; Ionie : Claros : 12.10; Ephèse : 12.03; Magnésie du Méandre : 05.12; Phocée : 12.11; Lycie : Tlos : 12.02; Tyberissos : 12.01; Mysie : Pergame : 05.08; Pamphylie : Kaunos : 12.03; Pergè : 12.03; Pisidie : Pednelissos : 12.05; Sagalassos : 12.06; Troade : Troie : 09.03

211 Attique : Eleusis : 13.02

212 Carthage : 11.00

213 Chypre : 09.23; Achna : 11.04; Agia Irini : 11.00; Amathonte : 11.00; 11.06; Arsinoè : 11.10; Athienou : 11.01; Geronisos : 11.09; Golgoi : 11.02; 11.06; Idalion : 11.00; 11.03; Kition : 11.00; 11.05; 11.07; Kouklia : 11.07; Kourion : 11.00; 11.10; Lapethos : 11.00; Malloura : 11.01; Marion : 11.06; 11.10; Mersinaki : 11.00; Mersineri : 11.00; Neapaphos : 05.08;

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11.09; Palaepaphos : 11.00; 11.07; Paphos : 11.08; Pegeia : 11.08; Salamine : 11.00; Tamassos : 11.00; Vouni : 11.00;

214 Crète : 14.05; Lissos : 05.08

215 Cyrénaïque : Balagrae : 05.08; Cyrène : 14.12

216 Épire : 05.02; Achéron 05.03; Acherousia (lac) 05.03; Agia Paraskevi 05.04; Ambracie 05.02; Arta 05.02; Bouthrôtos : 05.08; Chaones : 05.07; Çuka : 05.07; Dodone 05.05; Finik : 05.07; Malathre : 05.07; Mesopotamon : 05.07; Passaron : 05.06; Phanari (plaine) 05.03; Phoinikè : 05.07; Thesprôtie 05.04

217 Eubée : 09.18

218 Grande Grèce : Caulonia : 13.01; Herakleia : 13.02; Lagaria : 13.04; Métaponte : 13.03; Paestum : 13.05; Poseidonia : 13.05; Siris : 13.02; Sybaris : 13.04; Tarente : 13.06; Thourioi : 13.04; Vésuve : 13.05

219 Îles de l’Égée : Amorgos : 09.24; Andros : 09.24; Astypalaia : 09.06; Délos : 09.25; 09.26; Despotiko : 09.26; Ialysos : 09.18; Ios : 09.24; Kos : 09.07; 09.08; 09.09; 09.10; 09.11; Kythnos : 09.27; Lindos : 09.19; 09.20; 14.00; Melos : 09.24; Mykonos : 09.24; Nisyros : 09.07; Paros : 09.24; 09.26; Rhodes : 09.11; 09.12; 09.13; 09.14; 09.15; 09.16; 09.17; 09.18; 09.19; 09.20; 09.21; 09.22; 09.23; Samos : 09.03; Samothrace : 07.00; 07.28; 09.03; 09.04; 09.05; Syros : 09.24; Ténos : 09.24; Thasos : 09.01; 09.02; Théra : 09.24

220 Iles ioniennes : Céphalonie : 05.13; Poros : 05.13; Corcyre : 05.10; Palaiopolis : 05.10; Ithaque : 05.12; Leucade : 05.11

221 Illyrie méridionale : Apollonia : 05.07; 05.09; 05.11; Dermenas : 05.07

222 Macédoine : 07.00; Abdères : 07.00; Aiani : 07.05; Aigai : 07.09; Aiginion en Tymphée : 07.02; Aineia : 07.16; Ainos : 07.00; Amphipolis : 07.00; 07.25; 07.26; Archontiko : 07.12; Asprovalta : 07.24; Beroia : 07.00; 07.07; Bormiskos : 07.22; Dion : 07.13; Eordée : 07.04; Herakleion : 07.15; Kalindoia : 07.00; 07.16; Kastoria 07.01; Kozani : 07.03; Leibethra : 07.14; Lété : 07.00; 07.20; Leukopetra : 07.08; Maronée : 07.00; Ménèis en Bottiée : 07.06; Mygdonie : 07.22; Nea Kerdyllia : 07.25; Olympe (Mt.) : 07.14; 07.15; Pella : 07.00; 07.10; 07.11; Philippes : 07.00; 07.17; 07.29; Polyneri : 07.02; Profitis : 07.21; Serrès : 07.00; 07.27; 07.28; Stagire : 07.23; Thessalonique : 07.00; 07.16; 07.17; 07.18; 07.19; Vergina : 07.09

223 Mer Rouge : 09.23

224 Péloponnèse : Argolide : Epidaure : 05.08; Corinthie : Corinthe : 05.05; 05.11; Pérachôra : 05.11; Élide : Olympie : 07.17; Messénie : Messène : 05.08; 05.11

225 Phénicie : 09.23; 11.05; 11.07; Sidon : 11.05; Tyr : 11.05

226 Phocide : Delphes : 05.08; Kalapodi : 14.07

227 Rome : 09.24

228 Sicile : 14.00; Adranone (Mt.) : 14.00; Agrigente : 14.00; 14.04; 14.06; Camarina : 14.03; Colle Madore : 14.10; Cozzo Spolentino : 14.11; Entella : 14.08; Géla : 14.00; 14.04; 14.08; Grammichele : 14.02; Heloros : 14.00; Himère : 14.04; Kossira : 14.15; Lentini : 14.01; Lipari : 14.04; Lylibaeum : 14.13; Makella : 14.09; Marineo : 14.09; Mozia : 14.14; Pantelleria : 14.15; Polizzello : 14.05; Polizzo (Mt.) : 14.07; Salemi : 14.07; Sélinonte : 14.00; 14.12; Solonte : 14.00; Syracuse : 14.08

229 Thrace : 08.00; Abdères : 08.03; Haemus (Mt.) : 08.01; Plotinopolis : 08.04; Polystylon : 08.03; Sofia : 08.02

Kernos, 18 | 2005 519

230 Via Egnatia : 07.00.

Index thématique (Alexis d’Hautcourt)

231 acropole : 11.06 (Amathonte); 13.04 (Sybaris)

232 affranchissement : 05.08

233 agora : 07.09; 07.17

234 aigle : 07.04 (relief); 07.13 (votif)

235 amulette : 11.04

236 anges : 09.24

237 animaux : 07.18 (figurines); 07.23 (relief); 09.13 (figurine); voir bovins, cerf, chien, ex- voto, lion, ovins, serpent

238 anodos : 13.05

239 arbre de vie : 11.00

240 arme : 13.01; 14.09

241 artisan : 09.23

242 association religieuse : 07.18; 07.20; 07.27; 09.15; voir collège

243 atelier : 13.05

244 aurige : 05.06

245 autel : 05.01; 05.04; 05.08; 07.08; 07.13; 09.07 (cylindrique); 09.25-26; 12.06; 12.11; 14.00; 14.02-03; 14.07-08; voir aussi sanctuaire

246 auteurs anciens : Cicéron 14.06; « Hésiode » 09.03; Hippolyte 09.03; Polybe 14.06; Strabon 13.04; Thucydide 07.22; Tite-Live 05.11; Varron 07.00

247 banquet : 05.02; 07.12 (Dionysos); 09.24; 11.00; 11.09; 13.02; 13.05; 14.02; 14.06; 14.08; 14.15

248 base : 05.05; 07.07; 07.11; 07.17; 09.16; 12.03; 14.02

249 bétyle : 11.06; 14.00

250 bibliothèque : 07.17

251 bothros : 12.09

252 bouclier : 11.06; 13.01

253 bovins : 07.25 (figurines); 14.15 (sacrifice)

254 calendrier : 09.10

255 centaure : 11.00; 11.06

256 céramique / « vaisselle » : 09.10 (inscription); alabastre 09.21 (argent); 14.01; aryballe 14.01; bol mégarien 12.07; canthare 14.01; coupe 13.04; coupe miniature 13.04; cratère 14.01; cruche à embouchure plastique 11.00; hydrie; 09.21; 13.04; hydrie d’Hadra 09.21; kotyle 14.01; kylix 05.05; 13.02; 14.01; lécythe 14.01; oenochoé 12.10; phiale 05.05; 09.21 (or); 14.02; phiale à omphalos 09.21; pyxis 13.05; 14.01; rhyton 11.00; skyphos 05.05; 14.01; vase 05.02; 09.18 (bronze); 14.01; vase à boire 05.05; vase à onguent 13.05; 14.01; vase miniature 05.04; 14.01; 14.02; 14.06; 14.08; 14.10; voir aussi ex-voto

257 céréales : 14.02

Kernos, 18 | 2005 520

258 cerf : 12.03; 14.07 (ossements et cornes)

259 chapiteau : 05.05; 11.00

260 chasse : 14.07

261 cheval de Troie : 13.04

262 chien : 14.15

263 chôra : 05.11; 12.01; 12.07

264 christianisme : 09.24

265 Chronique de Lindos : 09.20

266 chthonienne (divinité) : 14.00

267 citerne : 09.13; 14.15

268 collège : 09.25; voir association religieuse

269 colonie : 05.11; 09.03; 13.03; 13.04; 13.05

270 Compitalia : 09.25

271 concours : 09.15; 09.18; voir jeux

272 consécration : 05.06; 09.25

273 coquillage : 09.23

274 corinthien (ordre) : 12.01; 12.04

275 cornes : 14.07 (cerf)

276 couronne : 11.03 (voir aussi ex-voto)

277 culte des princes thraces : 08.00

278 défunt représenté sous les traits d’une divinité : 07.07

279 départ (scène de) : 11.00

280 divinités/ héros

281 Achélôos : 05.11

282 Achille : 11.06

283 Ajax : 11.06

284 Alexandre le Grand : 07.16

285 anges: 09.24

286 Aphrodite : 05.08-09; 07.07-08; 07.16; 07.18-19; 09.12-13; 09.24; 11.05-07; 12.10; 13.05; 14.13; Aineias 05.11; Euploia 12.03; Ourania 07.24-25

287 Apollon : 05.11; 09.10; 09.25-26; 11.03; 12.01; 12.03; 12.05; 12.10; 13.03; 14.06; Agyeus 05.10; Erethimios 09.22; Hylatès 11.00; 11.10; Karneios 09.24; Pythien 13.01

288 Arachtos (fleuve) : 05.02

289 Archiloque : 09.24

290 Artémis : 05.07-08; 05.11; 07.04; 07.07; 07.15-16; 07.20; 09.12; 09.26; 11.01; 12.03; 12.10; 13.01; 13.03; 14.07; Agrotera 07.04; Bendis 13.03; Elaphèbolia 14.07; Lochia 07.04

291 Asclépios : 05.08; 07.00; 07.07; 07.16; 09.16; 09.24; 14.06

292 Astarté : 11.05; 11.07

Kernos, 18 | 2005 521

293 Athéna : 05.08; 05.11; 07.16-17; 09.18; 09.20; 09.23-24; 11.00; 12.11; 13.03-05; 14.00; Erganè 13.04; Lindia 14.00; Polias 05.12

294 Auguste : 07.16

295 Aulonitès : 07.16

296 Bacchus : 07.26

297 Basileus Kaunios : 12.03

298 Bès : 11.00

299 Cybèle : 07.16; 07.24; 12.03; 12.11

300 Danaos : 13.03

301 Darron : 07.10

302 Dea Roma : 07.00; 07.16

303 Déméter : 07.07; 07.13; 07.16; 07.20; 12.08; 13.02; 13.03

304 Dieu-fleuve : 05.11

305 Dieux Syriens : 09.25

306 Dionysos : 05.07-08; 07.00; 07.06; 07.12; 07.16; 07.18; 07.20; 07.22-23; 07.29; 09.24; 13.03; Pseudanôr : 07.00

307 Dioscures : 14.01

308 Énée : 07.00; 07.16; 09.03

309 Enodia : 07.20

310 Épeios : 13.04

311 Epona : 07.16

312 Éros : 07.07-08; 07.18; 08.04; 12.10; 13.05

313 Eukleia : 07.09

314 Europe : 11.06

315 Fulvus : 07.16

316 Gè : 13.02

317 Géryon : 11.06

318 Gorgone : 11.06

319 Grande Déesse : 11.03; 11.07

320 Grande Mère : 07.16; 09.04-05; 12.03

321 Grands Dieux : 07.00; 07.28; 09.03

322 Hadès : 07.00

323 Hékatè : Stratia : 09.10

324 Hélios : 09.06; 12.03

325 Héra : 05.11; 07.01; 13.01; 13.03; 14.01; Hoplosmia 13.01; Teleia 05.12

326 Héraclès : 05.11; 07.00; 07.09; 07.16; 11.00; 11.03; 11.05-07; 13.05; 14.06; 14.10

327 Hercule : 09.25

328 Hermès : 05.07-08; 05.11; 07.01; 07.16

329 Héros : 07.16 (ou Héron)

Kernos, 18 | 2005 522

330 Héros cavalier : 07.16

331 Hestia : Isthmia : 09.26; Phamia : 09.10

332 Hippalkmos : 07.16

333 Hygie : 05.08

334 Ilythie : 09.24

335 Io : 13.03

336 Isis : 07.13; 07.16; 07.20; 09.24

337 Jules César (Divus Julius) : 07.16

338 Kabeiros : 07.16

339 Kabires : 07.00; 09.03; 09.24

340 Korè : 07.20; 13.05

341 Korybantes : 07.16

342 Lares : 09.25

343 Melqart : 11.05; 11.07

344 Mère des Dieux : 07.00; 07.09; 07.20

345 Mère des Dieux Autochthone : 07.08

346 Mithra : 07.16; 09.24

347 Muses : 12.08

348 Némésis : 07.16

349 Nikè : 05.09; 12.03 (voir Victoire)

350 Nymphe : 05.11; 05.12; 05.13

351 Orphée : 07.14; 07.26

352 Pan : 05.11; 05.13; 07.08

353 Pénates : 07.00

354 Persée : 11.06

355 Perséphone : 07.00; 07.19; 13.02; 13.03

356 Phryxos : 11.06

357 Poséidon : 05.02; 05.08; 07.14; 07.16; 09.24

358 Psychè : 07.18

359 Sarapis : 07.16; 07.17; 07.20; 09.24; 09.25

360 Satyre : 05.11

361 Silène : 05.11

362 Sobazios : 13.03

363 Télesphore : 07.18

364 Theoi Megaloi : voir Grands Dieux

365 Theos Hypsistos : 07.16

366 Thétis : 05.11

367 Tychè : 07.16; 09.12; 11.03

Kernos, 18 | 2005 523

368 Ulysse : 05.12

369 Vénus : 13.05

370 Victoire : 07.18; 09.03 (voir Nikè)

371 Zeus : 05.05; 05.08; 07.00; 07.09; 07.13-14; 07.16; 13.03; Aréios : 05.06; Cassios : 05.08; Damatrios : 09.24; Eleutherios : 07.00; 07.16 ; Homarios : 13.01; Hypsistos : 07.01; 07.03-04; 07.13; Meilichios : 14.12; Olbios : 12.04; Polieus : 09.10 ; Sôter : 05.08

372 dorique (ordre) : 05.07; 05.08; 07.02; 09.27; 13.01; 13.05

373 eau : 05.05; 05.08 (sulfureuse); 05.11 (source); 07.22; 13.01 (rite)

374 enceinte : voir rempart

375 enfant : 09.09

376 étrangers : 09.20

377 expiation (rite) : 14.15

378 ex-voto et mobilier cultuel : aigle 07.13; armes 14.09; bague 09.27; baignoire 07.10; banquettes 07.10; bijoux 07.02; boucles d’oreille 05.04; 14.11; catalogue 09.20; clé 07.04; collier 14.11; coquillage 09.23; couronne 09.17 (or); 11.00; couteau 14.06; deinos 13.01; ex-voto anatomique 13.05; fibule 09.27; 11.00; 14.10; figurine 05.02; 05.04; 05.10-11; 07.07-08; 07.12; 07.15; 07.18; 07.21; 07.24-25; 09.04; 11.00; 13.02; 13.06; 14.12; kernos 14.08; lame 13.01 (bronze); 14.10; lamelle 07.26 (or); 09.27 (or); lamelle oraculaire 05.05; lampe 14.08; marmite 14.08; métal (objets en) 13.04; monnaies 07.02; 14.11; pendentif 09.27; 11.04; pinax 14.08; plaque 05.02; plateau à offrandes 11.09; protomé 05.04; 07.08 ; racloir 09.18; relief 07.01; 07.04; 12.05 ; rosette 09.27; sceau 09.27; stèle 07.03-04; 07.18; 07.27; 14.10; terre cuite 13.03; 13.05-13.06; thymiaterion 07.08; trépied 13.05; vases 07.02; xoanon 07.14; voir céramique

379 famille : 14.12

380 faune : 05.02; 05.04; 09.02; 11.08-09; 14.05-06; 14.08

381 fertilité : 11.01; 11.04; 13.03; 14.00; 14.02

382 fête : 09.25

383 fosse : 05.02

384 four : 14.01

385 foyer : 13.04

386 fragmentation rituelle : 13.06

387 fruit : 14.06

388 funéraire (contexte) : 07.18; 07.19; 07.25; 09.19; 09.21; 11.00; 14.03; 14.04; enchytrismos 09.06; 09.09; monument 08.02; 12.04; osthéothèque 09.19; 09.21; relief 11.00; rite 11.08; rupestre 12.04; tholos 09.08; tombe 07.07; 07.12; 09.17

389 gâteau : 14.06

390 grenouille : 12.03

391 griffon : 13.03

392 gymnase : 05.05

393 hermaphrodite : 13.05

394 héros guérisseur : 07.10

Kernos, 18 | 2005 524

395 impérial (culte) : 07.00; 07.17

396 importation : 13.04

397 incendie : 05.04

398 incubation : 14.06

399 indigène (divinité) : 12.07; 13.04

400 initiation : 07.00

401 inscription : 05.02; 05.05-06; 05.08; 05.11; 07.00; 07.03-04; 07.07; 07.13; 07.17-18; 07.28; 09.04; 09.07; 09.10-11; 09.15-16; 09.18-19; 09.23-26; 13.05; 14.01; 14.06

402 ionique (ordre) : 13.03

403 Italiens : 09.25

404 jeux : 09.25; voir concours

405 judaïsme : 09.24

406 laine : 13.04

407 libation : 11.00; 13.02; 14.15

408 ligue italiote : 13.02

409 lion (statuette) : 09.23; 11.00

410 loi : 14.12 (lois sacrées)

411 malédiction : 07.19

412 mariage : 11.04; 13.03

413 mer : 05.05

414 minotaure : 11.00

415 monnaie : 05.04 (Alexandre III); 05.10 (trésor); 07.00 (trésor); 11.00; 11.06; 13.02; 14.06

416 mortaise : 05.07

417 mosaïque : 05.08; 09.06

418 moule : 13.05

419 mystères : 09.03; 12.01; 13.02

420 mystes : 07.06 (Dionysos); 09.03

421 naïskos : 11.07

422 naissance : 11.04; 13.03

423 noms de personnes : Alexandre le Grand 07.17; 09.11; Antonia 14.15; Arsinoé 09.03; Charès de Lindos 09.15; César 14.15; Hadrien 09.15; Lysippe 09.15; Myron 14.06; Paul 07.00; Paul-Emile 05.05; Ptolémées 09.11; Septime Sévère 07.17; Titus 07.17; 14.15

424 oiseau : 13.03

425 olivier : 12.05

426 oracle : 05.05; 12.01

427 orphisme : 13.03

428 ovins : 14.15

429 palais : 07.09; 07.11; 11.00; 11.06

430 peinture : 09.25 (liturgique)

Kernos, 18 | 2005 525

431 poids : 11.06; 14.01

432 politique (culte) : 07.09; 13.02

433 porcelet : 14.08

434 port : 05.11; 09.15; 09.23

435 porteuse d’offrande : 11.00

436 potnia therôn : 11.01; 13.03

437 pottier : 07.13

438 procession : 05.01; 05.09; 09.15

439 propagande : 07.00 (romaine); 13.03

440 prytanée : 05.05

441 pschent : 11.00

442 relief : 05.06; 07.01

443 rempart : 05.02; 05.07; 07.02; 07.23; 08.01; 08.03

444 remploi : 07.05; 07.17

445 réoccupation d’un sanctuaire par une église chrétienne : 07.05

446 revenus du dieu : 05.08

447 rite : 05.02 (consécration de fondations); 13.01 (chthonien; de passage); 13.06 (de passage; funéraire)

448 roi : 07.11; 09.11 (Ptolémées); 11.06-07 (Chypre)

449 rose : 13.03

450 sacrifice : 09.02; 09.10; 11.07 (humain ?); 12.10 (hécatombe); 13.02; 14.01; 14.02; 14.05; 14.07; 14.15; sacrificateur : 11.00

451 sanctuaire : abaton 14.06; à ciel ouvert 09.04; 09.05; administration 11.06; adyton 09.27; 12.03; Alexandreion 09.11; anaktoron 09.03; analema 09.27; antéfixe 13.03; archives 09.20; Artémision 13.03; Athénaion 05.12; autel 07.13; 07.23; 09.25; 09.27 (monumental); 11.09; 14.01; 14.06; 14.14; bassin 09.15; en bois 12.01; boutique 09.25; cella 07.13; 09.27; 12.03; colonnade 05.05; « creusé dans le sol » 08.02; Délion 09.26; diadromos 05.05; domestique 07.08; entonnoir 13.02; escalier 05.05; 13.01; 14.01; eschara 13.02; extra-urbain 09.23; favissa 05.08; fontaine 14.06; fosse 08.02; fosse sacrificielle 07.23; frise 14.01; funéraire 07.06; grotte 05.11-13; 07.14; gerôon 07.14; grenier 14.08; 14.14; hécatompède 07.23; hestiatorion 14. 06; inventaire 09.20; katagogeia 14.06; koilon 05.08; krepis 05.08; métope 14.01; naos distyle in antis 05.07-08; 14.06; naos tétrastyle 05.08; nekyomanteion 05.03; Odysseion 05.12; orthostate 05.07; péribole 05.05; podium 05.09; pompeion 05.09; portique 05.05; 07.02; 07.13; 07.18; 09.25; 11.10; 14.06; Poseidonion 09.01; Propylées 09.25 (Délos); 11.09 (Chypre); 14.06 (Agrigente); Ptolémaieion 09.11; puits 13.01; 14.06; 14.14; pyra 09.27; rampe 14.06; réfection 07.13; 09.27; rupestre 12.01; 12.03; 12.11; Sarapieion 09.25; de sommet 08.01; stéréobate 05.05; 13.01; stoa 05.05; 09.22; taphet 11.00; temenos 14.01; 14.06; terrasse 14.01; Thesmophorion 07.23; 14.08; Timacheion 09.10; triglyphe 08.03; 09.27; 14.01; tympan 05.07; vasque 13.01-02; 14.13

452 scorpion : 12.03

453 serpent (statue) : 11.00; 13.01

454 sphinx (statuette) : 09.23; 11.00; 11.06

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455 statue de culte : 07.13; 07.17

456 statue / statuette: 05.07-08; 07.17; 07.20; 07.23; 08.04; 09.12-13; 11.00-01; 11.03; 11.05-06; 12.03; 12.10; 13.01; 13.03; 13.05; 14.01; 14.06; 14.08; 14.11; acrolithe 07.17; argent 07.14; bétyle 05.10; bronze 05.05; 05.07; 07.15; colossale 07.17; 09.15; ithyphallique 09.03; korè 14.01; kouros 05.10; 11.00; voir ex-voto figurine

457 stèle funéraire : 05.09; 07.07; naiskos 08.00

458 synagogue: 09.06

459 syrinx: 11.00

460 tablette de défixion: 07.19; 14.03; tablette de malédiction: 09.25

461 taureau : 05.02 (figurine); 05.05 (statue); 11.00 (statue); 11.06

462 temple boy : 11.00; 12.10

463 théâtre : 05.02; 05.08; 07.09; 07.29; 09.03

464 tiare : 11.00

465 tissage : 13.04

466 torche : 13.02

467 tour : 05.07; 07.02

468 trittoia : 09.02

469 tuile : 05.05 (estampillée); 09.27; 13.01; 14.01; 14.09 (inscrite)

470 tumulus : 08.00

471 vêtement : 11.04

472 vie après la mort : 11.00

473 vin : 14.07

474 zodiaque : 09.06

NOTES

1. Voir Fr. BLONDÉ, A. MULLER, D. MULLIEZ, BCH 124 (2000), p. 520 et, avec Fr. POPLIN, AErgoMak 15 (2001), p. 67-73 et BCH 127/2 (2003), sous presse. Le groupe de recherche sur la religion grecque des Universités de Liège, Louvain et Bruxelles, nous a accueillis en novembre 2001 au Musée royal de Mariemont, pour la présentation alors bien provisoire de cette trouvaille. Nous remercions la rédaction de Kernos de faire place aujourd’hui à une interprétation plus élaborée. – Pour le détail de l’établissement des données et de l’argumentation avec l’exploitation des textes, nous renvoyons à notre article à paraître dans le BCH 129 (2005). Tous nos remerciements vont aux nombreux collègues qui nous ont aidés à faire progresser la compréhension de notre trouvaille. 2. Les textes principaux désignant cet assemblage de trois animaux à des fins rituelles ont été commodément réunis dès 1939 par L. ZIEHEN, s.v. « trittoia », RE VII A1 (1939), col. 328-330. 3. Callimaque, fr. 578 (éd. R. PFEIFFER, 1949).

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4. Voir en particulier M.P. NILSSON, Geschichte der griechischen Religion I3, Munich, 1967, p. 106-107 (sur le rituel de purification et la contamination entre Reinigungs- et Eidopfer), et p. 139-141 (sur le Eidopfer); W. BURKERT, Greek Religion, Harvard, 1985, p. 250-254 (serment) et p. 82-84 (purification). 5. Quinte-Curce, X, 9, 11-12. – La lustration a lieu au lendemain de la mort d’Alexandre, en 323. 6. Tite-Live, XL, 6. – La lustration que décrit Tite-Live a lieu en 182. 7. Plutarque, Quaest. rom.,290d. 8. Voir A. LEMAIRE, J.-M. DURAND, Les inscriptions araméennes de Sfiré et l’Assyrie de Shamshi-ilu, Genève/Paris, 1984, et Ch. A. FARAONE, « Molten wax, split wine and mutilated animals: sympathetic magic in Near Eastern and Early Greek oath ceremonies », JHS 113 (1993), p. 60-80, qui commente les textes les plus intéressants de notre point de vue. 9. Respectivement Génèse 15, 7-10 et 17, et Jérémie 34, 17 sq. 10. Iliade III, 299 : « Quels que soient ceux qui transgresseront les premiers ces serments, que leur cervelle comme ce vin soit répandue sur la terre. » 11. Proverbia Coisliniana, Paroemiographi Graeci I 225 (texte cité par BURKERT, o.c. [n. 4], p. 251-252, n. 18) : « lorsque les Molosses prêtent un serment, ils apportent un bœuf et une coupe remplie de vin; ils découpent le bœuf en petits morceaux et prient pour que le parjure soit découpé de la sorte; puis ils versent le vin de la coupe et prient pour que le sang des parjures soit répandu de la sorte. » 12. Inscription R. MEIGGS, D. LEWIS, A Selection of Greek Historical Inscriptions to the end of the fifth century BC, Oxford,1988², p. 5-9 n° 5, se terminant par la formule de malédiction : « que celui qui sera infidèle à ce serment se liquéfie et disparaisse, lui, sa race et ses biens. » 13. Entre autres nombreux exemples dont on trouvera les références dans les ouvrages cités ci- dessus n. 4 ou dans G. GLOTZ, s.v. « jusjurandum », Dictionnaire des Antiquités III (1899), p. 748-769, signalons Démosthène, Contre Aristocrate, 67-68. 14. E.J. BICKERMAN, « Couper une alliance », Studies in Jewish and Christian History (1976), p. 1-32; FARAONE, l.c. (n. 8), p. 76. On trouve chez Homère ὅρκια τάμνω (e.g. Il. IV, 155) ou ὅρκια πιστὰ τάμνω (e.g. Il. II, 124; Od. XXIV, 483); l’expression finit par signifier « prêter serment » : voir Hérodote, IV, 70 et VII, 13, 2; Polybe, XXI, 24, 3 et XXI, 32, 15; SIG3, 45, l. 44). FARAONE, l.c. (n. 8), renvoie aussi au latin fœdus ferire. 15. P. STENGEL, « Zu den griechischen Schwuropfern. Tomia, Hiera teleia », Hermes 49 (1914), p. 90-101. Voir NILSSON, o.c. (n. 4), p. 139-141. 16. Apollodore, III, 13, 7; Keilschrifttexte aus Boghazköi (1921), XVII.28 iv 55-56; Hérodote, VII, 39, 3; Quinte-Curce, X, 9, 11-12; Tite-Live, XL, 6. Voir S. EITREM, « A purificatory rite and some allied rites de passage », SO 25 (1947), p. 36-53, ainsi que FARAONE, l.c. (n. 8), p. 60-80. En revanche, nous excluons de la discussion le rituel décrit par Pausanias (II, 34, 2) au cours duquel on promène les moitiés d’un coq autour d’une vigne pour la protéger du vent : il ne s’agit ni de serment ni de purification, mais d’un rite prophylactique. 17. Platon, Lois VI, 753d : διὰ τομίων πορευόμενος. 18. Voir les références ci-dessus n. 4. 19. Sur ces monuments de l’angle nord-est de l’agora, voir Y. GRANDJEAN et Fr. SALVIAT (dir.), Guide de Thasos, École française d’Athènes, 2000 (Sites et monuments, 3), p. 69-70 (mnèma de Glaukos) et p. 82-87 (Passage des Théores).

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Comptes rendus et notices bibliographiques

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Barbara GOFF, Citizen Bacchae. Women’s Ritual Practice in Ancient Greece

Anne-Françoise Jaccottet

RÉFÉRENCE

Barbara GOFF, Citizen Bacchae. Women’s Ritual Practice in Ancient Greece, Berkeley / Los Angeles / London, University of California Press, 2004. 1 vol. 16 × 23,5 cm, XII + 400 p., 11 fig. ISBN : 0-520-23998-9.

1 L’ouvrage dense de Barbara Goff nous invite à nous plonger dans l’univers rituel des femmes de la Grèce ancienne, et plus particulièrement de l’Athènes des Ve et IVe siècles av. J.-C. Plus fidèle à son sous-titre qu’à son titre principal, ce livre a en effet pour objet la reconstruction détaillée de la sphère d’action rituelle féminine et vise à faire (ré)apparaître le rôle à la fois de sujet et d’objet que les femmes ont endossé dans les divers rituels auxquelles elles ont été associées. S’articulant en cinq grands chapitres, l’ouvrage propose autant d’approches différentes de l’activité rituelle féminine.

2 En répondant aux trois questions matérielles qu’évoque le sujet (où ? quand ? quoi ?), le premier chapitre (« Working toward a material presence ») fournit une base de travail bienvenue qui permet de mieux évaluer la place prise par les rituels féminins dans la vie quotidienne des Grecs de l’époque classique. Au catalogue des rites publics qui scandent l’année rituelle, B. Goff a eu l’heureuse initiative de joindre les rites accomplis dans la sphère privée de l’oikos (offrandes des femmes enceintes, rites entourant la naissance, le mariage et les funérailles). Le tableau de l’activité rituelle féminine se révèle ainsi multiple et fort dense, ce qui conduit l’A. à conclure que la participation des femmes aux divers rituels leur permet de construire une présence forte et complexe dans la vie de la communauté tout en leur apportant une certaine

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indépendance d’action, notamment financière (rôle de prêtresses et dédicaces d’offrandes).

3 Dans un second volet (« Ritual management of desire. The reproduction of sexuality »), l’A. s’interroge sur la façon dont les pratiques rituelles ainsi définies agissent sur la subjectivité des femmes. Fondé essentiellement sur l’étude de leur relation à la sexualité et au désir (leur propre désir comme celui qu’elles suscitent au travers du regard des hommes), ce chapitre tente de montrer comment les diverses fêtes religieuses féminines qui jalonnent l’année rituelle offrent aux femmes une palette d’expressions différentes de ce rapport à la sexualité, allant de la chasteté à la licence, avec pour résultat, selon l’A., le conditionnement de la femme à la place que la société patriarcale lui assigne : en dramatisant les identifications contradictoires qu’on attend d’elles, les rituels féminins soulignent la relation réciproque de sujet et d’objet que les femmes endossent simultanément dans les rituels, et qui les mène à développer une subjectivité notamment sexuelle plus utile aux autres qu’à elles-mêmes.

4 Le troisième chapitre (« In and out the city. Imaginary citizens ») explore quant à lui les rôles officiels et quasi politiques que certains rituels permettent aux femmes d’atteindre à certaines conditions. En analysant les mythes qui mettent en scène le sacrifice, salvateur pour la cité, d’une femme – plus particulièrement d’une parthenos – aussi bien que les occasions dans lesquelles les femmes agissent rituellement « pour la sauvegarde de la cité », l’A. insiste sur la possibilité, pour les femmes, d’accéder au travers du rituel à un rôle quasi politique; mais c’est paradoxalement la reconnaissance de l’altérité de la femme qui lui ouvre les portes de l’officialité; c’est parce qu’elle est toujours considérée comme extérieure à la société masculine que la femme peut lui apporter par le biais rituel des éléments constitutifs essentiels. Les divers rituels offrent ainsi à la femme une certaine expérience de la citoyenneté, relevant plus de l’imaginaire que d’une quelconque fonction réelle et qui occulte partiellement l’exclusion que les femmes ont à subir dans la société et la vie quotidienne.

5 Les deux derniers volets de cet ouvrages proposent des analyses plus spéculatives sur la question de la représentation de la femme, par elle-même et par la société masculine. Le chapitre 4 (« Representing women. Ritual as a cultural resource ») évoque la possibilité de l’existence d’une subculture féminine, focalisée sur le rituel, qui serait décelable dans trois domaines, la poésie féminine, la représentation des femmes et des rituels féminins sur la céramique attique et le ménadisme. Si, de façon attendue, l’A. pose plus de questions qu’elle ne propose de conclusion, elle voit tout de même dans ces trois créneaux l’émergence timide d’une voix plus proprement féminine qui emprunte les chemins du rituel pour mieux se donner une identité privée : l’existence de communautés rituelles facilite l’apparition de femmes poètes (Sappho, Nossis), alors que ces poètes au féminin se concentrent sur les ressorts du rituel pour obtenir une voix publique et représenter leur propre autorité poétique; la céramique quant à elle ne représente peut-être pas une voix indépendante et résistante de la part de la femme « historique », mais en tout cas une voix « privée » ou domestique qui ne correspond pas tout à fait avec l’idéologie officielle; le ménadisme enfin offre aux femmes une certaine expression d’autorité qui les met en état de négocier leur subordination et peut-être d’y résister psychologiquement. Le rituel se définit ainsi, non tellement comme le lieu de l’expression personnelle et autonome des femmes, ni comme celui de leur simple exploitation par la société patriarcale, mais comme le lieu d’une dialectique

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jamais donnée d’avance qui doit se construire constamment pour obtenir le consentement des femmes à un système qui n’est pas à leur avantage.

6 Le dernier chapitre (« Women represented. Ritual in drama ») propose un parcours chronologique des tragédies et comédies conservées dans lesquelles les femmes sont représentées dans un rôle rituel. Sans proposer de véritable conclusion, l’A. souligne l’évolution qu’elle décèle entre les premières pièces d’Eschyle et les dernières d’Euripide ou encore d’Aristophane : le rôle rituel des femmes passe d’une phase de conflit ouvert et dramatisé avec la cité à une sorte de coopération raisonnée pour retrouver à l’extrême fin de la production « classique » un mode conflictuel d’opposition.

7 On l’aura sans doute compris, le livre de B. Goff est un ouvrage à thèse, un ouvrage engagé théoriquement et politiquement. S’appuyant sur le comparatisme anthropologique et avant tout sur la littérature féministe, l’A. s’applique à relativiser les options contradictoires souvent évoquées à propos de la sphère rituelle féminine, selon lesquelles la religion est soit le lieu de l’assujettissement idéologique et matériel des femmes à la société patriarcale qui les contrôle, soit inversement le lieu de l’expression de leur résistance à cet ordre masculin de la société. L’on saura gré à B. Goff d’avoir su proposer une interprétation plus nuancée, faisant de la sphère rituelle féminine le lieu d’une dialectique toujours remise en question entre l’oppression dont les femmes sont les victimes et la créativité que les espaces rituels leur offrent. S’appliquant à teinter les propos féministes d’une vision matérialiste, elle s’attache à montrer comment les femmes, bien que sujets des activités rituelles qu’elles mettent en œuvre, sont à la fois et réciproquement objets de l’idéologie masculine qui façonne leur identité féminine (« Women act and are acted upon in the same gesture », p. 59).

8 Mais le souci théorique qui se manifeste tout au long de l’ouvrage ne va pas sans laisser des traces, dommageables, dans la conception de cette recherche. Occupée à former un modèle théorique et à en prouver la pertinence dans le domaine rituel féminin, l’A. me paraît avoir engagé sa recherche à rebours, comme si les conclusions précédaient l’analyse. Cette impression qui prend corps au fil des pages semble trouver un reflet dans la structure des divers chapitres : commençant chaque volet de cette étude par une introduction théorique, souvent circonstanciée, l’A. propose en premier lieu, pour les 5 chapitres, un parcours des différentes théories et un résumé de la dialectique qu’elle-même voit dans la question; l’analyse des rituels ne vient que dans un second temps, en quelque sorte en guise d’argumentation et de preuve du bien-fondé des propos théoriques initiaux. Cette prédominance théorique se révèle aussi par l’importance prise par la littérature secondaire au détriment des documents antiques, comme si cette étude devait avant tout prendre une place dans le discours moderne sur les femmes plutôt que dans la réalité antique de la condition féminine. La voix que B. Goff veut rendre aux femmes antiques ressemble trop souvent à la voix des féministes contemporaines. Cette théorisation à outrance et ce regard de deuxième main sur bien des documents amène certaines distorsions que plus d’un exégète de l’antiquité aura du mal à concevoir : les Adonies, avec leur jardins portatifs que les femmes font germer puis laissent délibérément brûler sur les terrasses, sont par exemple interprétées comme la métaphore de la position de la femme dans la société : les jardins brûlés avant leur épanouissement et leur maturation évoquent, selon l’A., l’incapacité des femmes à être positivement productives et assied ainsi, tout en le constituant, le regard

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négatif que les hommes ont de la femme. La figure de la femme au miroir sur les vases attiques, pour prendre un autre exemple, peut bien être interprétée comme l’image d’elle-même que la femme préfère et qu’elle concourt à imposer sur les vases qui la concernent directement, ou encore comme la mise en abyme du regard de la femme sur elle-même; mais lorsque ce discours s’appuie sur l’image d’un médaillon de coupe, vase on ne peut plus masculin, présenté en illustration, l’impression de l’utilisation des documents pour servir une cause théorique plutôt comme centre véritable de l’analyse s’impose désagréablement à l’esprit du lecteur.

9 Retenons tout de même que l’ouvrage de Barbara Goff a le mérite – et peut-être la témérité – de prendre en compte un très vaste domaine de recherche, qu’il est intéressant de voir traité de façon unitaire. Si les positions théoriques souvent forcées de l’A. ne peuvent emporter l’adhésion de tout un chacun, au moins ce livre ne laissera- t-il pas le lecteur indifférent et le forcera-t-il à prendre position, sur les questions méthodologiques comme sur la problématique, très à la mode aujourd’hui, de l’identité féminine dans l’Antiquité.

AUTEURS

ANNE-FRANÇOISE JACCOTTET Université de Lausanne

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Jérôme LAURENT (éd.), Les dieux de Platon

André Motte

RÉFÉRENCE

Jérôme LAURENT (éd.), Les dieux de Platon. Actes du colloque organisé à l’Université de Caen Basse-Normandie les 24, 25 et 26 janvier 2002, Université de Caen Basse-Normandie, Presses Universitaires de Caen, 2003. 1 vol. 14 × 21,5 cm, 298 p. ISBN : 2-84133-199-7.

1 Le numéro précédent de Kernos (p. 353) a annoncé déjà la publication de ces Actes et énuméré les intitulés ainsi que les auteurs des treize communications qui les composent. L’apport substantiel de cet ouvrage à une problématique dont on connaît l’importance, et aussi la difficulté, mérite qu’on y revienne, quitte à ne retenir ici que les contributions les plus directement centrées sur les questions que posent la théologie platonicienne. Celle-ci, on le sait, ne fait pas l’objet d’un traitement systématique dans les dialogues – on n’y trouve pas de traité de théologie en bonne et due forme –, mais les dieux et la catégorie du divin y sont constamment présents. C’est le cas notamment des divinités traditionnelles qu’inventorie soigneusement A. Lefka (« La présence des divinités traditionnelles dans l’œuvre de Platon ») en scrutant les diverses modalités de leur présence et en les regroupant ensuite selon les rôles que le philosophe leur assigne dans sa vision du monde et de l’homme. « Tout est plein de dieux », répète Platon (Lois X, 899b 9) à la suite de Thalès, mais de dieux dont il a pris soin au préalable de rectifier l’image : le divin ne peut être que beau, sage, bon et pourvu de tout ce qui est du même ordre (Phèdre, 246d-c). – S’agissant de l’héritage reçu et transformé par Platon, on signalera encore l’étude de M. Lacore sur « la théologie homérique » jugée par le philosophe et celle, très originale, de M.-L. Desclos sur « Créatures divines et divinités pré-olympiennes » (auteure à qui l’on doit par ailleurs ce récent et important ouvrage, qui ne concerne pas la thématique religieuse : Aux marges des dialogues de Platon. Essai d’histoire anthropologique de la philossophie ancienne, Paris, Éd. J. Millon, 2003). – À la faveur de sa réflexion sur « Le corps des dieux », L. Brisson offre un remarquable

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aperçu général de la conception du divin chez Platon. Les dieux sont des vivants immortels, dotés d’une âme et d’un corps. Méritent à ce titre d’être qualifiés de θεός non seulement les dieux traditionnels, mais aussi l’univers dans son ensemble, les corps célestes, la terre ainsi que le démiurge du Timée, auquel il convient d’assimiler, estime l’auteur, le φυτουργός de la République. Les formes intelligibles, en revanche, sont incorporelles et ne peuvent être ni avoir une âme. Aussi bien Platon, même s’il lui arrive souvent de les qualifier de « divines », ne leur attribue-t-il jamais le nom de θεός, pas même au Bien. La notion de dieux corporels qu’il retient s’accorde donc avec la mythologie traditionnelle, mais il ne s’ensuit pas qu’à ses yeux l’aspect physique des dieux puisse être assimilé à celui des hommes, lequel est soumis au changement, comme changent aussi les opinions humaines. Pareille réserve, conclut l’auteur, rend la religion traditionnelle caduque. « Dans une tel contexte, il n’est plus question de faire des prières ou d’offrir des sacrifices pour fléchir tel ou tel dieu ou pour obtenir ses faveurs ». Cette conclusion, qui outrepasse quelque peu les prémisses de l’enquête, s’appliquerait peut-être adéquatement aux conceptions stoïciennes, mais appelle, me semble-t-il, plus que des nuances dans le cas présent. Qu’il s’agisse en effet des propos explicites que tient Platon au sujet la providence divine, de la manière dont il fait prier ses personnages, en particulier Socrate, ou encore de la façon dont il réserve la possiblité d’une intervention divine dans les événements qui affectent la vie des hommes, il s’emploie à accréditer l’idée selon laquelle les dieux sont sensibles à la prière de l’homme pieux et peuvent y accéder, ce qui n’est pas incompatible avec l’idée selon laquelle le but final de la dévotion du sage serait de « glorifier les dieux en vue de s’assimiler à eux par la contemplation de la réalité véritable ». – Ce thème de l’assimilation à la divinité fait précisément l’objet de l’intéressante contribution de F. Pradeau qui entend rectifier quelque peu l’interprétation purement éthique, médioplatonicienne et chrétienne, qui ne voit dans cette injonction célèbre du Théétète qu’une formulation du τέλος assigné à la vie humaine. Le contexte de ce dialogue et, plus encore, celui du Timée où réapparaît l’injonction invitent à en élargir la portée; l’imitation que peuvent réaliser les hommes intervient après trois autres et est ordonnée à l’imitation du monde, lequel est déjà une imitation de l’intelligible. – J. Laurent (« La beauté du dieu cosmique ») confronte la beauté de ce dieu avec les définitions du beau présentes dans les dialogues. C’est la vie, dans son éternelle jeunesse, qui donne au monde sa beauté éclatante, laquelle suscite une émotion admirative qui pousse à la philosophie. – La contribution de F. Fronterotta « La divinité du Bien et la bonté du dieu producteur » aborde un des points cruciaux de la théologie platonicienne; s’interrogeant sur le statut ontologique du Bien dans son rapport avec la divinité, elle argumente contre la thèse d’une équivalence, voire d’une identification entre le Bien en soi et une divinité suprême. – Complément bien utile à son bel ouvrage sur la piété en Grèce ancienne (cf. Kernos 15, p. 489-495), qui n’accordait à la réflexion philosophique qu’un développement très ciblé, la communication de L. Bruit Zaitman, intitulée « Impies et impiété de l’Euthyphron aux Lois », propose notamment du premier de ces deux dialogues une interprétation solidement étayée. Très pertinente m’apparaît aussi la mise au point de L.-A. Dorion à propos du signe divin qu’invoquait Socrate (« Socrate, le daimonion et la divination »); se fondant sur une étude des textes de Platon et de Xénophon, il examine les rapports que ce signe divin entretient avec la divination et montre qu’on a tort de parler du « démon » de Socrate comme d’un être intermédiaire entre l’homme et la divinité. – Faisant suite à la contribution d’A. Castel-Bouchouci sur « La finalité religieuse de l’éducation dans les Lois », étude éclairante mais un peu

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décentrée par rapport au titre de l’ouvrage, les trois derniers articles traitent de thèmes particuliers relatifs à la postérité de Platon chez Proclus, chez Grégoire de Naziance et chez Marsile Ficin.

2 Bénéficiant d’une édition très soignée, pourvu d’une bibliographie de plus de 200 titres, l’ouvrage est bien mis en perspective dans un avant-propos que l’on doit au directeur de la publication. Qu’il me soit permis cependant d’y relever un propos conclusif qui prête à discussion. L’être intelligible, est-il dit justement, est ontologiquement plus éminent que les dieux. Peut-on tirer de là que « le divin n’est pas dans la pensée de Platon la réalité la plus haute » ? On peut en discuter. Les dieux, dotés d’un corps et d’une âme, auxquels il se réfère n’ont pas, en effet, le monopole de la réalité divine; le Phèdre (249c) précise, au contraire, que c’est son attachement aux Idées qui fait qu’un θεός est un θεός. Par-delà les dieux, il est donc bien une réalité divine dont ils tirent leur être propre. D’autre part, ce même dialogue se plaît à montrer l’âme humaine, lorsqu’elle aperçoit les Idées, en proie aux mêmes sentiments de crainte et d’effroi que suscitent d’ordinaire les épiphanies divines (254b-c, etc.). On se gardera bien d’en conclure que les Idées sont des dieux, mais il ne faudrait pas non plus, à l’inverse, dénier à ces textes et à d’autres similaires toute portée religieuse et théologique. À dessein, la théologie platonicienne demeure énigmatique.

AUTEURS

ANDRÉ MOTTE Université de Liège

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P. MURRAY, P. WILSON (éds), Music and the Muses: The Culture of Mousike in the Classical Athenian City

Ellen Van Keer

RÉFÉRENCE

Penelope MURRAY, Peter WILSON (éds), Music and the Muses: The Culture of Mousike in the Classical Athenian City, Oxford, Oxford University Press, 2004. XIV + 438 p. ISBN 0-19-924239-9.

1 Issue d’un colloque tenu à l’université de Warwick en 1989, ce volume propose maintenant au grand public une approche de la musique grecque beaucoup plus large que la pratique habituelle en pays anglo-saxon. La recherche en histoire de la musique a traditionnellement traité de la musique grecque comme de la musique occidentale. Elle s’est occupée d’avantage de ses aspects dits ‘historiques’ : instrumentation, notation, théorie, philosophie, style, évolution... Cette approche, trop limitée, ne parvient pas à saisir toute la complexité de la musique chez les Grecs. De fait l’introduction, fort instructive, affirme que le présent volume n’aborde pas la ‘musique grecque’ au sens strict – le sens moderne – mais qu’il a précisément comme but d’exposer cette catégorie culturelle beaucoup plus large et tout à fait fondamentale qu’est la mousikè grecque. La mousikè technè, les arts placés sous la protection des Muses, ne concernaient pas seulement la musique. Elle comprenait aussi la poésie, la danse et d’autres acquisitions culturelles comme les sciences historiques et les mathématiques. La mousikè nous conduit vers le cœur même de la culture grecque. Elle y occupait une place essentielle mais sous-estimée dans les études classiques. Même dans le sens plus étroit d’arts et de pratiques sonores, sa portée et ses capacités restent encore largement ignorées. Ce n’est qu’assez récemment, et notamment avec les apports de l’étude de la littérature grecque non tant comme de simples textes poétiques mais plutôt comme des performances culturelles variées, que l’attention des hellénistes s’est

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tournée vers la dimension fondamentalement musicale de la culture – orale ! – grecque. Parallèlement, la recherche en matière de musique s’est élargie à l’étude du comportement musical grec dans sa totalité. Il est significatif que le volume entreprenne l’examen d’éléments musicaux dans différents domaines de la vie en Grèce (religion, théâtre, politique et éducation) et que ces études soient menées par des hellénistes venant d’orientations variées (l’histoire de la musique, la philologie, l’histoire des religions...). Leur objectif commun, fort prometteur et très ambitieux, est d’exposer l’ampleur et la richesse de la mousikè grecque. Cette vaste problématique est abordée ici dans une première phase, en mettant l’accent sur la culture musicale de l’Athènes classique. Ce résumé se concentre sur les contributions en matière religieuse, suivant l’orientation de Kernos.

2 Les communications rassemblées dans la première section intitulée « Mousikè and Religion » incitent à l’étude novatrice des dimensions musicales et performatives de la religion grecque ancienne. Alex Hardie explore les relations des Muses and mysteries (p. 11-37). Bien que les Muses elles-mêmes n’aient jamais fait l’objet d’un culte à mystères, leur rapport aux mystères dépasse le niveau de la simple homophonie ou de l’allégorie. La musique, instrumentale et chorale, sous le patronage des Muses, jouait un rôle fondamental dans les cérémonies d’initiation des cultes à mystères comme à Éleusis. Or, les Muses présidaient à l’inspiration divine et à l’éducation de l’homme, autant par la poésie que par la musique, par l’intermédiaire de l’aiodos. L’enchevêtrement de la musique et de la connaissance est commun aux Muses et aux mystères. Dans Changing the choral worlds: song-dance and society in Athens and beyond (p. 39-65) Barbara Kowalzig examine le rôle socio-politique des chœurs dramatiques dans la démocratie athénienne et elle constate un paradoxe flagrant. D’un côté, la participation générale des citoyens au chant des chœurs exerçait une fonction socialisante très importante dans la formation et la consolidation de la démocratie de la polis athénienne. De l’autre côté, les performances dramatiques ne s’orientent à la limite que vers un seul dieu, Dionysos. Les chœurs démocratiques de Dionysos, bien qu’ils soient parmi les plus accessibles, les plus aptes à la participation des citoyens comme au contrôle de l’État, présentaient aussi des difficultés pour le polythéisme, la démocratie et la cité elle-même. Ian Rutherford pour sa part explore le rôle des chœurs dans les relations entre les États. Song-Dance and State-Pilgrimage at Athens (p. 65-90) traite des choroi théoriques : des délégations chorales envoyées en pèlerinage pour représenter la cité auprès d’autres et pour accomplir ses devoirs à l’occasion des grandes fêtes panhelléniques. Les choroi de theoroi athéniens envoyé à Delphes et les Pythaïdes héllenistiques sont exemplaires. Par leur ensemble caractéristique de moyens musicaux, textuels et visuels, ces chœurs s’adaptaient particulièrement bien à la présentation – souvent exagérée – d’une cité individuelle par la propagation des styles locaux ainsi qu’à la représentation de la cité idéale par la création d’une impression d’harmonie et d’unité : un chœur pour chaque cité, affirme Xénophon (Mem. III, 3,12). Reste que c’est un office peu connu et mal attesté. Le manque de sources est pareillement problématique pour l’étude de la Pyrrhique. C’est en examinant l’ensemble de tous les contextes particuliers dans lesquelles cette danse a été exécutée que Paola Ceccarelli, dans son article Dancing the Pyrriche in Athens (p. 91-117), essaie de trouver des indications et des explications des valeurs, des modalités, de la position et de la fonction de la danse armée dans la société athénienne au sens large. Nos informations sur l’exécution de cette danse lors des Panathénées, Tauropolies, Apatouries et sur la scène (dans la tragédie, le dithyrambe, la comédie et la lyrique chorale) affirment son caractère davantage militaire, collectif et

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civique. La Pyrrhique sert essentiellement à l’intégration de l’individu et à l’affirmation du groupe. Ainsi, elle s’adapte fort bien au culte dionysiaque comme aux rites funéraires, sans que ceci représente, comme on l’a ordinairement envisagé, une dégradation de ces danses armées dans la société grecque ancienne.

3 Dans la deuxième partie, « Mousikè on stage », l’accent se déplace vers le théâtre grec. Eva Stehle (Choral prayer in Greek tragedy: euphemia or aischrologia?, p. 121-155) et Claude Calame (Choral forms in Aristophanic comedy: musical mimesis and dramatic performance in classical Athens, p. 157-184) exposent le rapport fondamental et sous-estimé qui a existé entre le texte et le rôle littéraire des chœurs d’un côté et de l’autre côté la fonction et la portée religieuse des chants choraux dans les drames exécutés lors de fêtes à Athènes. Avec Andrew Barker (Transforming the nightingale: aspects of Athenian musical discourse in the late fifth century, p. 185-204) on entre dans la vogue hautement problématique de la « nouvelle musique ». Elle s’est développée vers la fin du Ve siècle av. J.-C. dans le contexte des dithyrambes et du théâtre. Les communications de la troisième section « The Politics of Mousike » en évaluent l’impact beaucoup plus largement politique, éthique et historique (E. Csapo, The Politics of the New Music, p. 207-248; R. Wallace, Damon of Oa: a music theorist ostracized, p. 249-267; P. Wilson, Athenian strings, p. 269-306). La dernière section « Mousike and Paideia » considère le rapport primordial perçu par les Grecs entre les pratiques musicales d’un côté et l’éducation et le divertissement de l’autre (A. Ford, Catharsis: the power of music in Aristotle’s Politics, p. 309-336; V. Wohl, Dirty dancing: Xenophon’s Symposium, p. 337-363). Le volume se conclut sur une contribution de Penelope Murray « The Muses and their arts » (p. 365-389) qui livre une belle synthèse des prémisses et des objectifs du livre dans son ensemble. Les Muses et la « Mousikè » ont joué un rôle essentiel dans la transmission des pratiques, des coutumes et des attitudes panhélleniques autant que locales. Les pratiques musicales on été un moyen privilégié d’interaction entre les humains et de communication avec le divin. La dimension musicale et sonore était tout à fait fondamentale dans la vie entière des Grecs anciens. On l’a perdu de vue et « d’oreille ». La musique est un sujet nouveau, un passage obligé et porteur dans la recherche actuelle en histoire culturelle grecque. Ce volume en présente une première démonstration très bien faite et fort bienvenue.

AUTEURS

ELLEN VAN KEER Centre Leo Apostel – VUB

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Antje KOLDE, Politique et religion chez Isyllos d’Épidaure

Pierre Sineux

RÉFÉRENCE

Antje KOLDE, Politique et religion chez Isyllos d’Épidaure, Basel, Schwabe & CO AG Verlag, 2003. 1 vol. 16 × 23 cm, XIV + 443 p. (Schweizerische Beiträge zur Altertumswissenschaft, 28). ISBN : 3-7965-2000-6.

1 Isyllos d’Épidaure n’est connu que par une inscription de 79 lignes, datant du début du IIIe siècle av. J.-C. et découverte dans le sanctuaire d’Asklépios d’Épidaure en 1885 par P. Kavvadias. Ce citoyen d’Épidaure avait fait graver une stèle, placée bien en vue, qui se présentait comme une dédicace à Apollon Maléatas et à Asklépios et par laquelle il faisait connaître successivement une nouvelle loi cultuelle qu’il avait fait établir en l’honneur des divinités, un péan, et le récit d’un « miracle » : Isyllos, alors qu’il était enfant et malade, avait vu le dieu Asklépios lui annoncer son intervention à Sparte pour lutter contre Philippe; et il s’était alors fait le messager de la nouvelle auprès des Lacédémoniens. L’editio princeps de ce texte composite fut établie l’année même de sa découverte et fut suivie d’une série d’éditions (seize au total) qui s’est achevée en 1929 avec celle de F. Hiller von Gaertringen (IG IV, 1², 128). La seule monographie existante sur Isyllos était celle de U. von Wilamowitz parue en 1886 (Isyllos von Epidauros, Berlin). Autant dire que l’ouvrage d’A. Kolde, issue d’une thèse de doctorat légèrement modifiée soutenue à l’Université de Genève en juillet 2001, veut combler une lacune et montrer que ce texte, tout en étant porteur d’une tradition littéraire, est ancré dans un contexte politique et religieux précis.

2 Les deux premiers chapitres, qui occupent plus de 220 pages (1. L’inscription d’Isyllos; 2. Commentaire), constituent en quelque sorte le socle de l’ouvrage. Après des rappels sur la découverte et les éditions antérieures, une description précise de la pierre, l’A. établit une nouvelle édition accompagnée d’une traduction soignée, dont les partis pris sont justifiés dans le commentaire qui suit. La structure générale du texte est ensuite

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dégagée et l’A. montre comment les sept « segments » de l’inscription, rendus visibles par le lapicide qui avait gravé des paragraphoi grammai dans la marge gauche, peuvent être reliés les uns aux autres, de sorte qu’apparaît une construction en trois parties : la première partie, composée des deux premiers segments, fournit des éléments sur le contexte de l’offrande faite à Apollon Maléatas et à Asklépios; vient ensuite le segment occupé par la nouvelle loi cultuelle instaurée par Isyllos; la dernière partie forme un triptyque ordonné autour du péan en l’honneur d’Apollon et d’Asklépios : ce péan est précédé de quelques lignes en prose relatives à la consultation de la Pythie et d’un petit poème sur l’origine du culte d’Apollon Maléatas puis il est suivi du récit du « miracle ». Après l’analyse métrique des parties versifiées (les segments 3, 4 et 7 sont dans un mètre dactylique, le segment 2 en mètre trochaïque et le segment 6, correspondant au péan, en mètre ionique), l’A. organise un commentaire découpé selon les sept segments de l’inscription et dans lequel on trouve pour chacun d’entre eux une analyse de la prosodie, une étude de la structure et des éléments dialectaux, ainsi qu’une succession de mises au point et de discussions sur les termes et les expressions utilisées. L’ensemble, étayé par une bibliographie solide, est impossible à résumer, mais nous pouvons retenir des développements très utiles, comme par exemple ceux qui concernent Isyllos et son identité de citoyen épidaurien (p. 43-48), Maléatas (p. 49-52 et 117-118), les notions telles que andragathia (p. 57-60) – même si la traduction par « vertu virile » n’est pas forcément la plus adéquate pour exprimer la qualité de l’anèr agathos (p. 59) –, aidôs (p. 76-79), terme difficile à traduire comme l’A. le montre bien (le mot « respect » retenu en définitive affaiblit quelque peu le sens), kalokagathia (p. 89-95), eunomia (p. 97-102). Pour l’étude de ces termes, grand profit aurait pu être tiré de l’ouvrage d’A. Fouchard, Aristocratie et démocratie. Idéologies et sociétés en Grèce ancienne (Besançon, 1997). On trouve également dans ce chapitre une bonne définition du « péan » (p. 135-140), suivie d’une bonne analyse de la structure et d’une étude judicieuse de la répartition des noms propres. Au sujet du troisième segment se référant à la loi cultuelle proposée par Isyllos (avec institution d’une procession réservée à ceux qui auront été proclamés pour leur arétè et leur aidôs, et d’une prière), le détour par treize autres lois cultuelles (relatives à une fondation cultuelle et comportant le règlement de cette fondation) n’était sans doute pas nécessaire pour aboutir à la conclusion que le texte d’Isyllos contient les mêmes points que ceux que l’on rencontre habituellement dans les lois sacrées, à quelques différences près : ces éléments sont « dilués » dans tout le texte (c’est-à-dire qu’ils ne se limitent pas au seul segment se rapportant à la loi cultuelle) tandis que la « mise en forme littéraire » du texte fait que le vocabulaire et les expressions utilisés ne sont pas conformes à l’usage (p. 112-113). On trouve également un long développement à propos du vers 30 où l’on peut lire, à propos du sanctuaire d’Asklépios de Tricca, εἰς ἄδυτον καταβὰς Ἀσκληπιοῦ, ce qui, dans l’esprit du poète, fait référence à un édifice analogue à un édifice épidaurien comme le οὐδέ du début du vers 29 l’indique sans équivoque; l’A. développe l’idée selon laquelle adyton ne saurait être synonyme d’abaton mais doit correspondre, à Épidaure, à la partie souterraine de la tholos qui, selon l’hypothèse développée par R. Martin et H. Metzger (La religion grecque, Paris, 1976, p. 103-107), était notamment destinée à rappeler les pratiques oraculaires primitives par l’eau et le lien unissant Asklépios à Apollon. A ce sujet, disons que la discussion ne saurait être close. Il n’est pas si aisé de rejeter l’idée selon laquelle adyton pourrait être équivalent à abaton, comme de nombreux auteurs l’ont écrit (voir E.J. et L. Edelstein, Asclepius. A collection and interpretation of the testimonies, Baltimore, 1945, II, p. 191) et comme le laisse penser, au

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demeurant, la définition d’adyton que l’A. propose : « endroit clos, dans lequel seules certaines personnes ont le droit de pénétrer, à savoir des prêtres ou des gens qui s’y sont longuement préparés » (p. 120); l’abaton peut se définir de la même manière. En outre, le terme est bien attesté à Lébéna dans le même sens qu’abaton (comme il est rappelé p. 121) et si, à Épidaure, sur la stèle B, au début de la l. 113, on ne lit en effet que les lettres –ΔΥΤΟΥ là où l’on attend le génitif d’abaton, on ne voit pas comment on pourrait proposer une restitution autre que [ἀ]δύτου. Enfin, l’interprétation retenue repose essentiellement sur l’idée générale que la descente vers un bassin ou une source dissimulée devait être indispensable aux rites asklépieiens (p. 125, n. 604); cette idée se fonde, en partie au moins, sur les conclusions de R. Ginouvès qui aurait dû être cité ici (Balaneutikè. Recherches sur le bain dans l’Antiquité grecque, 1962 [BEFAR, 200] et « L’eau dans les sanctuaires médicaux », in L’eau, la santé et la maladie dans le monde grec, 1994 [BCH, Suppl. 28], p. 237-246), mais il convient de rappeler aussi que cette lecture procède d’une interprétation des données archéologiques et qu’aucun texte ne vient formellement rendre compte directement de cette pratique. Ces remarques n’enlèvent rien à la qualité générale du commentaire détaillé.

3 La deuxième partie de l’ouvrage s’ouvre sur un chapitre (chapitre 3) intitulé « Isyllos, le poète, la poétique et le genre littéraire du texte » (p. 223-256). L’A. tente de montrer qu’Isyllos devait appartenir à une famille « noble » d’Épidaure et qu’il était bien lui- même le poète, auteur du péan intégré à l’inscription, cherchant à se poser en digne successeur de Lycurgue, tant du point de vue « technique » (il promulgue une loi) que « politique » (ses convictions et l’esprit de la loi sont aristocratiques et se rattachent à Sparte). L’étude de la poétique et du genre littéraire montre bien comment Isyllos inscrit son texte dans un ensemble de traditions : les cinq segments versifiés appartiennent au genre de l’élégie pour le deuxième et le troisième, des épigrammes pour le quatrième, de la lyrique chorale pour le sixième, du récit épique pour le septième; le dialecte est dorien mais on trouve une proportion plus ou moins grande de dorismes selon les passages et les genres rencontrés; le niveau de langue est également soigneusement adapté à la nature des segments, émaillés de citations qui posent la question, abordée avec prudence, de l’intertextualité. Cette imprégnation d’une tradition culturelle n’empêche pas une certaine liberté formelle de s’exercer comme on peut l’observer, par exemple, dans l’utilisation de termes rares. En définitive, Isyllos, sans appartenir pour autant au courant des poetae docti de l’époque hellénistique, fait figure de poète érudit mais, en dépit de ses prétentions littéraires, le contenu du texte apparaît typique de l’historiographie locale, à visée essentiellement politique.

4 L’A. revient ensuite (chapitre 4) sur la question de la datation. Le point de départ en est le vers 58-59 où Isyllos mentionne, au début du récit final de l’inscription, l’intervention armée de Philippe contre Sparte, au devant de laquelle Asklépios serait allé avant de revenir à Épidaure pour guérir l’enfant Isyllos. La plupart des commentateurs avaient considéré qu’il s’agissait de l’invasion de la Laconie par Philippe II de Macédoine à la fin de l’automne 338, ce qui conduisait à dater l’inscription du début du IIIe siècle. Sans contester ce point de vue, l’A. entreprend de défendre la validité d’une hypothèse, qui avait déjà reçu quelque faveur, selon laquelle le Philippe mentionné serait Philippe Arrhidée, le demi-frère d’Alexandre, devenu roi à la mort de ce dernier sous le nom de Philippe III; l’épisode de l’intervention contre Sparte se placerait après la mort d’Antipatros en 319, quand Polyperchon cherchait l’appui des Grecs du continent pour faire face à la coalition formée par Cassandre,

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Antigone, Ptolémée et Lysimaque. Dans ce contexte, il aurait poussé Philippe à restaurer la ligue de Corinthe, ce qui aurait conduit Sparte à réactiver sa politique anti- macédonienne, au moment où les Arcadiens et surtout les Messéniens s’alliaient avec la Macédoine, comme le montre le traité conclu en 317 (connu par une stèle découverte en 1991) à propos de l’installation d’une garnison macédonienne sur le Mont Ithôme. L’événement auquel Isyllos fait allusion daterait alors de 317-316. L’A. ne tranche pas mais tente ensuite de montrer que l’inscription doit, en définitive, dater de 280, ce qui conviendrait mieux à l’hypothèse en faveur de Philippe III (Isyllos serait, dans ce cas de figure, à un âge « plus normal » [p. 264] au moment où il fait graver l’inscription). Pour étayer cette idée, l’A. établit une relation entre l’inscription d’Isyllos et l’offensive (connue par Justin) menée par le roi Areus pendant l’été 280 en Phocide contre les Étoliens, alliés d’Antigone Gonatas, et au cours de laquelle « presque toutes les villes de la Grèce » auraient participé à la guerre. Selon elle, en effet, Isyllos appellerait à la lutte contre les « Macédoniens », c’est-à-dire, en fait, contre tous ceux qui tentent d’asseoir leur pouvoir sur l’héritage d’Alexandre.

5 Pour convaincre, l’A. passe par une série de développements connexes à son sujet. Elle reprend la question du « mirage spartiate » afin de montrer qu’Areus avait fondé son expédition sur une certaine image de Sparte dont Isyllos se ferait le relais comme l’indiqueraient les mentions de la kalokagathia, de l’eunomia, les allusions à l’eirènè ou encore l’utilisation du terme ploutos, jugé récurrent dans les réflexions relatives à sa constitution. Ensuite, elle voit dans le récit du « miracle » plusieurs références aux guerres médiques (parallèles lexicaux, parallèles de situation : le dieu annonce son aide militaire, un message est confié à une personne à laquelle le dieu apparaît) dont on connaît la prégnance dans bon nombre de textes et de discours de l’époque classique, en particulier athéniens (au premier rang desquels le genre de l’epitaphios logos); elle établit alors une série de parallèles (Isyllos et Philippidès, Asklépios et Pan, la victoire des Spartiates sur Philippe II ou III et Marathon…) destinés à rendre le texte « lisible » par un public athénien autant que spartiate. L’inscription est alors comprise comme un appel à soutenir le projet d’Areus, adressé aux Spartiates comme aux Athéniens, en rappelant leur combat contre un ennemi commun et l’aide divine dont ils ont bénéficié dans le passé. C’est cette aide qu’il est prêt à leur garantir en raison du secours d’Asklépios aux Spartiates dont il fut le témoin dans son enfance. L’A. souligne alors la portée politique de l’inscription dont le contenu semblait à première vue essentiellement religieux (p. 290-291). Enfin, l’A. propose une réflexion basée sur l’hypothèse, non démontrée, qu’il existerait un « lien » entre l’épithète Sôter par laquelle Asklépios est honoré à Sparte et les Soteria de Delphes commémorant la victoire remportée sur les Galates en 279 par des Phocidiens et des Étoliens assistés d’une coalition de Grecs, victoire à laquelle a contribué Apollon, secondé par d’autres divinités. L’inscription d’Isyllos serait alors à dater précisément du moment de la préparation de la seconde tentative d’Areus, ce qui implique – nouvelle supposition – de placer cette dernière après ou au moment de l’invasion galate. Toutefois, après avoir tenté de montrer qu’Isyllos aurait essayé de vanter la supériorité d’Asklépios sur d’autres dieux dont Apollon – Asklépios vient seul à bout des Macédoniens ! –, l’A. revient à une plus grande prudence en rappelant in fine qu’il n’est pas certain que l’on puisse établir de lien direct entre l’intervention d’Asklépios et celle d’Apollon dans le cadre de l’invasion galate, ce sur quoi on ne peut que la suivre.

6 Sur l’ensemble du chapitre relatif aux questions de datation, on peut se laisser convaincre… ou montrer quelques réserves. Si les sympathies philo-laconiennes

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d’Isyllos ne font pas de doute, on pourra hésiter à mettre nécessairement les notions qui les expriment en relation directe avec l’expédition d’Areus en Phocide, tant elles appartiennent à une phraséologie répandue. En outre, dans la lecture qui est proposée, force est de reconnaître que l’appel aux Athéniens apparaît en quelque sorte crypté, ce qui convient mal à un texte de propagande et à un appel à mener la lutte contre un ennemi commun; ajoutons que les interventions divines au combat, sous des formes multiples dont l’épiphanie n’est qu’un aspect, ne se limitent pas aux guerres médiques et les « parallèles » dits de « situation » qui sont proposés ne sont pas suffisants, ni pour évoquer une « mise en scène marathonienne » de la rencontre du jeune Isyllos avec Asklépios, ni pour affirmer que le passage s’adresse « avant tout à un public athénien ». La volonté de proposer à tout prix une date précise conduit, de manière parfois excessive, à substituer aux données historiques manquantes des raisonnements fondés sur des analogies, des « parallèles » ou des « liens » dont on ne parvient pas à voir par quel processus historique ils se constituent.

7 Le dernier chapitre intitulé « L’Asclépios d’Isyllos » commence par une présentation des différentes versions de la naissance d’Asklépios destinée à faire ressortir les changements qu’Isyllos introduit dans la partie du péan consacrée à la généalogie de la divinité. On peut alors observer comment Isyllos, non sans un certain dialogue avec la tradition, fait avant tout d’Asklépios un Épidaurien, né à Épidaure, et dont les ancêtres à l’exception d’Apollon sont des Épidauriens. L’inscription d’Isyllos apparaît, dans un contexte de rivalités entre plusieurs Asklépieia, porteuse d’une propagande visant à établir la préséance du sanctuaire d’Épidaure sur les autres. En cela, il rejoint l’une des finalités des récits des iamata soumis à la lecture des fidèles venant accomplir le rite de l’incubation et avec lesquels l’inscription d’Isyllos présente quelques similitudes, notamment parce que le dieu qui y est mis en scène y apparaît comme dieu guérisseur détenteur également d’un pouvoir oraculaire. Il reste que l’Asklépios d’Isyllos offre aussi l’image d’un dieu qui, revêtu d’une armure d’or brillante, quitte son sanctuaire pour aller au secours de Sparte menacée par Philippe, ce qui lui vaut alors de recevoir l’épiclèse Sôter. Donnant à l’épiclèse une acception politique et rangeant le dieu, à l’instar d’Apollon, du côté des divinités protectrices des régimes aristocratiques, l’A. propose de voir un parallèle métaphorique (p. 322-323) entre la santé des hommes et celle d’une constitution comme en témoignerait, selon elle, la reprise de ἐναργῆ, employé une fois pour désigner la santé des hommes à la fin du péan (l. 55-56), l’autre fois pour qualifier les paroles du dieu annonçant sa décision d’aller au secours de Sparte et de sa constitution (l. 67). Si le caractère politique de la fonction dévolue alors à la divinité ne fait pas de doute, sans doute conviendrait-il, pour mieux l’expliquer, de ne pas partir de l’idée a priori qu’Asklépios est « un dieu apparemment si étranger à la cité » mais, au contraire, de s’interroger d’emblée sur les relations que ce dernier entretient, à Épidaure comme ailleurs (et notamment à Messène), avec les communautés civiques.

8 L’ouvrage comprend en annexe un choix de treize lois sacrées (textes et traductions) correspondant à celles qui ont été utilisées pour établir la comparaison avec celle qui est formulée dans l’inscription d’Isyllos, ainsi que les textes relatifs à la naissance d’Asklépios. S’y ajoute un long appendice de plus d’une trentaine de pages intitulé « Σωτήρ : Démétrios Poliorcète, Ptolémée Ier et Asclépios »; l’A. cherche à établir un « rapprochement » entre l’Asklépios d’Isyllos et les souverains hellénistiques en question, à qui l’épithète a été attribué. La question a été posée dans le cours du dernier chapitre (p. 326) et l’on voit mal pourquoi son traitement est alors rejeté hors du texte

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principal. On trouve alors un certain nombre de considérations sur le culte rendu aux souverains hellénistiques, le texte, traduit et commenté, de l’hymne des Athéniens en l’honneur de Démétrios Poliorcète ainsi que le passage de l’inscription se rapportant à l’épiphanie d’Athéna Lindia qui aurait conduit à l’intervention de Ptolémée Ier à la fin du siège de Rhodes par Démétrios. Des points communs sont alors recherchés, en particulier entre les modalités de l’intervention du dieu dans l’inscription d’Isyllos et celles de l’action des souverains, ce qui permet d’aboutir à la conclusion que le texte d’Isyllos reprend certains éléments constitutifs de la propagande utilisée par les souverains hellénistiques. Une bibliographie et des indices complètent cet ouvrage.

9 En dépit de pages parfois moins convaincantes et qui, à tout le moins, ouvrent le champ de la discussion, l’ensemble constitue d’ores et déjà l’ouvrage de référence sur l’inscription d’Isyllos d’Épidaure tout en brossant un portrait d’Asclépios en « habit de citoyen », au cœur des relations entre religion et politique, une place que les études antérieures avaient souvent ignorée.

AUTEURS

PIERRE SINEUX Université de Caen

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Ilias N. ARNAOUTOGLOU, Thusias heneka kai sunousias. Private religious associations in Hellenistic Athens

Yulia Ustinova

REFERENCES

Ilias N. ARNAOUTOGLOU, Thusias heneka kai sunousias. Private religious associations in Hellenistic Athens, Athens, Academy of Athens, 2003. 1 vol. 17 × 24 cm, 231 p. (Academy of Athens. Yearbook of the Research Centre for the History of Greek Law, 37, supplement 4). ISBN : 960-404-034-0.

1 The title of this book comprises two phrases, one in ancient Greek, the other one in modern English. This dichotomy reflects a basic characteristic of the subject: it can be adequately described and perceived only within the framework of the Greek culture, whereas modern definitions and comparisons, indispensable its discussion, are always inaccurate, and often misleading. The author (henceforth A.) is completely aware of this problem. The book starts with a warning that modern word usage and ideas about cult groups in the contemporary world are inappropriate for Classical and Hellenistic Athens. Towards the end of his study, the A. demonstrates that “the modern legal background of associations … is entirely irrelevant to the Athenian experience” (p. 119).

2 He is less explicit about the applicability of another present-day notion, the opposition of private to public, to the discussion of Athenian associations. The word ‘private’ appears in the title, although on several occasions the A. emphasizes the mutual permeability of various spheres of activity of the Athenian democracy and Athenian associations (e.g. pp. 21, 156). During the last decade, the study of ‘private’ vs. ‘public’ in the life of ancient Greeks attracts a growing number of researchers, as a number of

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recent conferences on this theme indicate: for instance, the colloquium “Entre public et privé en Grèce ancienne : lieux, objets, pratiques,” organized by Centre Louis-Gernet in 1995 (Ktèma 23 [1998]) and the conference of CIERGA “Idia kai demosia. Les cadres ‘privés’ et ‘publics’ de la religion grecque antique”, held in the University of Fribourg (Switzerland) in 2003 (Kernos, suppl. 15 [2005]). It becomes increasingly clear that the spheres of ‘private’ and ‘public’ in Greek cult practices and social life were intermingled to such an extent that even the use of the terms seems problematic. In particular, the demarcation line between private and public associations in the Greek polis was blurred. It would therefore be more accurate to tag Greek associations as ‘voluntary,’ rather than ‘private,’ as the A. does.

3 The book is based on the A.’s Ph.D. study of forms and legal features of religious association in Athens, carried out at Glasgow University under the supervision of D.M. MacDowell. The main text of the book is followed by two appendixes: a catalogue of epigraphic testimonia (p. 171-186) and a list of known members of Athenian associations (187-206).

4 The Introduction (p. 19-30) gives a brief summary of the research on Greek associations during the last two centuries, and a condensed exposition of the A.’s methodology. In the A.’s view, “cult association is nothing more than a Weberian ideal type, useful in pinpointing the divergence of societal organizational models” (p. 27). Real associations were different from place to place and from period to period, which means that they are to be studied within their historical context, and that extreme caution is required in reconstructions based on parallels. Another essential observation concerns the limitations of the existing record: although the bulk of epigraphic material is dated to the 4th cent. BC and later, private cult associations undoubtedly came into existence earlier, and remained unattested, because the ‘epigraphic habit’ spread only in the early Hellenistic era. These and other principles define the A.’s approach to the evidence, both epigraphic and literary, in the following chapters.

5 Chapter 1, “Pieces of Evidence” (p. 31-88), is a discussion of the available evidence on the activities of cult associations identified in their documents as orgeones, thiasotai, and eranistai. Special attention is paid to the terminological difference between epigraphic and literary dossiers, as well as to the chronology, hence to the historical context of the information. Although certain positions may be questioned, as for instance the A.’s reluctance to commit himself to an opinion on the origin of the law ascribed to Solon in the Digest (47. 22. 4), the diachronic analysis of the record enables the A. to come to important conclusions on the nature of various groups. He shows that “… orgeones denote invariably portions of the population connected either by social qualification … or … by religious identities and through them with local identities. Indeed, the latter is the only element that associates the late sources with the earlier and gives us a coherent picture of a possible evolution and continuity” (p. 57). As to thiasotai, the A. argues that in the literary tradition the range of possible meanings attributed to the words thiasos and thiasotai “indicate that these words may describe different patterns of communal living, whose common feature was conviviality” (p. 64). The A. puts forward a subtle distinction between thiasos and thiasotai in the epigraphic evidence: “… the word thiasos is used either as a subdivision of the phratry, … or to indicate a religious function of any group of thiasotai in which non-thiasotai could take part. The term thiasotai is used in general to describe not only the members of a phratry’s thiasos, but also to define a private cult association, acquiring in this way a broader sense” (p. 70).

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This assumption remains not entirely convincing, given the wide spectrum of meanings of the words thiasos and thiasotai. In contrast, the need of discrimination between the words eranos and eranistai is more persuasive. The A. demonstrates that before the first century the term eranos means ‘loan’ and has nothing to do with associations, whereas the terms eranistai and koinon eraniston designate members of an association or an association, possibly, but not necessarily, involved in financial affairs.

6 Chapter 2, “The Structure of the Groups” (p. 89-118), deals with the administration of the associations, their membership, assembles, and offices, as well as honours bestowed on eminent members. While stressing certain features of the associations that have already been established by his predecessors, such as the emulation of the polis administration, the A. provides some stimulating insights concerning the organization of private associations. The lack of provisions concerning their dissolution, as opposed to minute stipulations for apparently less crucial events, has puzzled many scholars. The A. gives a very reasonable explanation for this neglect: cult groups had a religious dimension, which meant that “dissolving a group devoted to the cult could mean dishonouring the god or the goddess” (p. 95) and might ensue his or her wreath. The continuation of the group’s activities was considered guaranteed through the introduction of new members, be they children or strangers. A keen analysis of decrees of private cult associations discloses their real and proclaimed values and aspirations.

7 Most interesting are the two closing chapters of the book. Chapter 3, “Looking for the Rules…” (p. 119-144), is devoted to the legal basis of associations. The A. demonstrates the irrelevance of the approach based on application of present-day notions, such as juristic personality, to the analysis of the Athenian experience. Instead, he follows Aristotle’s statement that associations were a part of the polis, and envisages their functioning in the framework of the Athenian polis. Here, as in other chapters, the A. grounds his assumptions on thorough analysis of the evidence, and especially of the particularities of word usage in the documents of associations. His observations on the meaning of the words nomos and psephisma in these documents, on the significance of the terms designating associations, and on the peripheral nature of property matters for the assessment of the juristic personality of Athenian associations are very convincing. As a result, the A. defines cult associations as “structured collective entities” (p. 142), and emphasizes their role as “centers of civic activity, in which established beliefs were reassured and socially expected attitudes were rewarded" (p. 143). In the case of non-citizens, the associations both delimited their particularity and "reproduced civic virtues and attitudes”(p. 143), which created an atmosphere of tolerance towards them, and their integration in the long run.

8 Finally, Chapter 4, “Cult Associations on the Ground” (p. 145-164), examines the experience of Athenian associations after the fourth century, when the polis lost its independence, and was governed by notables rather than by the people’s assembly. The A. demonstrates that associative life involved several features of the model of “euergetism,” which reflect their integration into the social context of their time. However, other characteristics, as for instance “the forging power of the group’s identity and cohesion” (p. 153), which cannot be incorporated into this model, find their explanation in the integrative function of the associations. Associations differed in another important respect: their membership ranged from exclusively citizen to foreign. Nevertheless, according to the A., it would be misleading to label even the latter as marginal, since they followed the mainstream system of values. The A.

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prudently avoids attributing uniform attitudes and modes of existence to all the Athenian associations, which were in his view “multi-functional units of people,” pursuing different aims and acting in various ways inside the wider society.

9 The research on associations in the Greek world seems to surge every half a century: E. Ziebarth (Das griechische Vereinswesen, Leipzig, 1896) and F. Poland (Geschichte des griechischen Vereinswesens, Leipzig, 1909) on the turn of the 20th century, were followed by W.S. Ferguson (“The Attic Orgeones”, HThR 37 [1944], p. 61-140 and other works) in the middle of the century, and by N.F. Jones (The Associations of Classical Athens, New York, 1999) and I. A. Arnaoutoglou five decades later. The book by Ilias N. Arnaotoglou is a valuable contribution to this research. The A. combines precise analysis of testimonia with measured application of sociological theory, as well as profound understanding of the changing historical context and its effect on the associations. The resulting diachronic study succeeds in establishing the place of cult associations in the social framework of the Athenian polis.

AUTHORS

YULIA USTINOVA Ben-Gurion University of the Negev

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Marina POLITO, Il δοῦμος. Un’associazione sacra in zone di contatto

Emmanuel Voutiras

RÉFÉRENCE

Marina POLITO, Il δοῦμος. Un’associazione sacra in zone di contatto, Napoli, Università degli studi di Salerno, Dipartimento di Scienze dell’Antichità, 2004. 1 vol. 17 × 23,5 cm, 114 p. ISBN : 88-87375-74-7.

1 Le mot rare δοῦμος, signifiant « confrérie » et sans doute aussi « lieu de rassemblement », est attesté en grec depuis le VIe siècle av. J.-C. et dérive d’une langue de l’Asie Mineure occidentale qu’il est impossible d’identifier avec certitude (lydien, méonien ou phrygien). Ceci a pu être établi à partir de l’apparition de ce terme dans des inscriptions d’époque impériale provenant de Lydie (précisément de Méonie), publiées pour la première fois par Karl Buresch il y a plus d’un siècle1. En 1987, Olivier Masson dédia à ce mot une étude très fouillée2. Quelques années plus tard une inscription funéraire trouvée à Thessalonique est venue s’ajouter au dossier3. Dans ce petit volume, l’A. dresse un bilan de la recherche et propose une synthèse à partir des données disponibles. L’ouvrage comprend (1) une introduction, (2) un aperçu du problème linguistique et des solutions proposées (étymologie et sens originel du mot), (3) un catalogue de toutes les attestations de doumos, épigraphiques d’abord et littéraires ensuite, avec textes et commentaires, (4) une discussion de ce type d’association sous tous ses aspects et (5) un résumé des principales conclusions; il se termine par une longue bibliographie et une carte indiquant la distribution géographique des doumoi attestés.

2 Une première remarque concerne la potrée de cette étude. Selon l’A. son objectif est de présenter une « vue d’ensemble » du doumos, qu’elle considère d’emblée comme une

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« institution » (tout en admettant que ce terme n’est pas tout à fait approprié) à caractéristiques fixes (Introduction, p. 7). Il est pourtant permis de se demander si une telle entreprise peut être meneé à bien à partir d’une documentation restreinte et peu cohérente. Celle-ci comprend en effet d’une part, treize témoignages épigraphiques plus ou moins certains, mais parfois d’interprétation délicate ou contestée, datant tous de l’époque impériale, dans lesquels doumos signifie « confrérie » et se trouve lié à un ou plusieurs cultes; d’autre part, trois témoignages littéraires dont l’un remonte à l’époque archaïque (Hipponax fr. 30 Masson, West; fr. 41 Degani), l’autre au Ier siècle av. J.-C. (épigramme de Philodème de Gadara, AP VII, 222), tandis que le troisième (une glose d’Hésychius) est de date incertaine, car on ignore la source où le lexicographe l’a puisé. Dans ces textes le mot doumos signifie soit « maison » soit « lieu de rassemblement », et il semble avoir une relation avec les femmes. Le grand écart chronologique et la nature très différente de ces témoignages invite à se demander si le doumos a été partout et toujours une association à caractère bien défini, une sorte d’institution dont les traits principaux sont restés plus ou moins les mêmes au fil du temps. Ceci n’est pas a priori très probable, quand on sait combien la forme et la fonction des diverses associations, cultuelles ou autres, a pu évoluer dans l’Antiquité entre la période archaïque et la période impériale. Aussi est-il possible qu’un même nom renvoie à des réalités différentes selon les époques et les régions. L’A. a conscience de cette difficulté, mais elle pense malgré tout qu’une enquête comme la sienne peut parvenir à des résultats intéressants (Introduction p. 8).

3 En l’occurence la plupart des conclusions semblent en quelque sorte prédéterminées, du moment qu’elles sont fondées sur la conviction que tout doumos doit avoir un minimum de caractéristiques fixes justifiant cette appellation. Il en résulte une interprétation un peu rigoureuse des documents qui privilégie les éléments formels permettant de les comparer les uns aux autres afin de déterminer les traits communs qui les unissent, au lieu de chercher à les situer plus précisément dans leur contexte géographique et historique concret. Prenons un exemple : au terme d’une discussion sur les divinités associées au doumos, l’A. conclut à l’existance d’un lien étroit et constant avec le culte métroaque (p. 81-86). Cette conclusion est pourtant loin de s’imposer, si l’on tient compte du fait que la Mère des Dieux n’est présente que dans trois inscriptions sur les treize mentionnant des doumoi (voir le tableau p. 83); pour les autres la relation avec cette divinité est établie au moyen d’une série de rapprochements pas toujours évidents. Sur ce point il est sans doute préférable de souscrire à la conclusion judicieuse de Jeanne et Louis Robert, qui écrivaient4 : « Il nous paraît que dans son pays d’origine le doumos peut être lié à Cybèle, mais se trouver aussi dans le culte de divinités tout à fait différentes. Nous croyons que le mot n’a en lui- même aucune ‘spécialisation’ en relation avec tel culte, métroaque ou autre; il nous semble être l’équivalent indigène de συμβίωσις ». 4 Il faut également noter que l’aspect religieux du doumos, privilégié par l’A., n’est pas nécessairement toujours dominant, surtout à l’époque impériale et hors de son pays d’origine, la Lydie ou la Phrygie. Suivant l’exemple d’autres associations, un doumos aurait pu fonctionner aussi comme une association professionnelle tout en gardant son aspect de confrérie cultuelle. À cette époque tardive, la plupart des associations se manifestent d’abord par un culte qui ne permet en rien de préjuger de leur nature réelle5. On sait en effet que les collèges et les confréries présentes un peu partout dans l’Empire romain sont le plus souvent de nature complexe, plurifonctionnelle. Ceci concerne en particulier les associations liées aux cultes orientaux, dont le nom ne

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permet pas, à lui seul, de déterminer de manière rigoureuse le caractère plutôt religieux ou plutôt profane6.

5 On saura gré à l’A. d’avoir réuni et discuté les témoignages relatifs au doumos. Mais cette recherche aurait sans doute gagné à être menée dans un cadre plus vaste, celui de l’étude des associations culturelles et professionnelles dans la partie orientale de l’Empire romain. Il eût été intéressant d’examiner les doumoi de chaque région en les comparant aux autres confréries qui y sont attestées; cela devrait permettre non seulement de parvenir à des conclusions plus solides, mais aussi de mieux saisir leur éventuelle spécificité.

NOTES

1. K. BURESCH, Aus Lydien, Leipzig 1898, p. 60-61. 2. O. MASSON, « Le mot doumos, ‘confrérie’, dans les textes et les inscriptions », Cahiers Ferdinand de Saussure 41 (1987), p. 145-152. 3. E. VOUTIRAS, « Berufs- und Kultverein: ein doumos in Thessaloniki », ZPE 90 (1992), p. 87-96. 4. Bulletin épigraphique (1968), 131, p. 436; l’A. y renvoit, p. 82 n. 23. 5. C. ZIMMERMANN, Handwerkervereine im griechischen Osten des Imperium Romanum, Mainz, 2002, p. 42-43. 6. Cf. D. STEUERNAGEL, « Vereins-, Stadt- und Staatskulte im kaisezeitlichen Puteoli », MDAI(R) 106 (1999), p. 161.

AUTEURS

EMMANUEL VOUTIRAS Université de Thessalonique

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Guy LABARRE (éd.), Les cultes locaux dans les mondes grec et romain. Actes du colloque de Lyon, 7-8 juin 2001, Université Lumière-Lyon 2 / UMR 5189 du CNRS

Yves Lafond

RÉFÉRENCE

Guy LABARRE (éd.), avec la collaboration de M. DREW-BEAR, J.-Cl. GOYON, M.-Th.LE DINAHET et J.-M. MORET, Les cultes locaux dans les mondes grec et romain. Actes du colloque de Lyon, 7-8 juin 2001, Université Lumière-Lyon 2 / UMR 5189 du CNRS, Diffusion de Boccard, 2004. 1 vol. 20, 5 × 29 cm, 318 p. (Collection archéologie et histoire de l’antiquité. Université Lumière- Lyon 2, 7). ISBN : 2-911971-06-X.

1 Issu d’un séminaire de DEA portant sur « Cultures locales et vie religieuse », le colloque dont le présent volume constitue les Actes a rassemblé une bonne vingtaine de participants autour d’une thématique – celle des « cultes locaux dans les mondes grec et romain » – qui vise à mettre en évidence l’intérêt des approches régionales dans l’étude de la religion grecque. Quelques grandes questions, rappelées en avant-propos de l’ouvrage, définissent les enjeux de l’enquête : quelle est la part des héritages anciens dans le fonctionnement des cultes locaux ? Quels sont les critères possibles d’analyse et d’interprétation de ces mêmes cultes, susceptibles d’éclairer des particularités et des différences qui relèvent de contextes ethniques, géographiques, historiques, sociaux et culturels très divers ? Si les limites géographiques du travail sont clairement posées − elles sont liées bien sûr à l’impossibilité, dans le cadre d’une telle publication, de prétendre couvrir l’ensemble des régions du bassin méditerranéen et du monde bosporan −, on regrettera cependant que la question de la chronologie

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n’ait pas été d’emblée plus nettement évoquée, de façon à inscrire dans une perspective historique mieux définie les études rassemblées ici selon un classement thématique (cela aurait permis peut-être par exemple un approfondissement de la réflexion en ce qui concerne les continuités ou mutations qu’on relève à l’époque impériale choisie comme cadre par plusieurs exposés). Un essai de mise au point sur la notion de « culte local » et sur le vocabulaire qui permet de l’appréhender aurait aussi été utile, ne serait-ce que pour tenter une approche synthétique de points de vue et de définitions exprimés de façon éparse dans le volume et compte tenu aussi du fait que certaines contributions ne semblent pas avoir cherché à relier clairement leur problématique à la notion de « culte local ».

2 Trois grands thèmes ont été retenus pour classer la matière traitée ici, répartie cependant de manière inégale. Deux communications concernent « les sources et leur interprétation » : l’une (V. Pirenne-Delforge), s’interrogeant sur la portée du témoignage de Pausanias − fondamental, on le sait, pour toute étude des cultes locaux dans la Grèce continentale d’époque antonine − analyse finement l’exemple du rituel des Laphria de Patras pour montrer qu’il doit s’agir d’une « reconstruction » augustéenne dont l’interprétation risque d’être faussée par la présentation qu’en donne le Périégète dans un contexte strictement grec ; l’autre traite de cultes locaux en Sicile (J.-L. Lamboley), ceux des Paliques et d’Adranos, dans la région de l’Etna, et montre l’importance, pour notre connaissance de ces cultes, des témoignages littéraires, mais aussi leurs limites qui tiennent, pour des textes en majorité tardifs, à l’approche sélective qui est la leur, en liaison avec des circonstances politiques et des contextes culturels propres à dénaturer les réalités cultuelles indigènes.

3 Une deuxième section, où se trouvent regroupées la grande majorité des communications, vise, sous le titre « Cultes locaux, topiques et épichoriques de l’Anatolie à l’Hispanie », à rendre compte, dans une vaste aire géographique, du caractère pluriel de la religion gréco-romaine et de la place de choix qu’y occupent les cultes locaux. Certaines de ces contributions, visiblement, n’ont pas choisi d’affronter directement la thématique retenue pour le colloque et ne font pas de la notion de « culte local » l’enjeu principal de la réflexion : H. Lohmann (« Mélia, le Panionion et le culte de Poséidon Héliconios »), au fil d’une analyse méthodiquement menée, s’appuie sur une enquête archéologique récente pour proposer une nouvelle localisation du Panionion archaïque ; J.-M. Moret (« Médée à Éleusis ») traite de l’imagerie éleusinienne sur un vase apulien du IVe siècle av. J.-C. ; J. Lancha (« Vivre avec les dieux dans les villas tardives de la péninsule ibérique »), par le biais d’une analyse de l’attitude des élites sociales païennes vis-à-vis des dieux au IVe siècle, met en évidence non pas tant des cultes locaux que des formes locales de culte. D’autres contributions ne sont que de brèves mises au point sur des découvertes archéologiques susceptibles il est vrai d’éclairer notre connaissance de certains cultes locaux : reliefs rupestres du IIIe siècle ap. J.-C. mis en rapport avec le culte des Dioscures en Pisidie occidentale (M. Özsait) ; niches sculptées dans le rocher à Samos, rattachées à des sanctuaires de Cybèle (V. Yannouli). Les autres articles explorent de façon plus approfondie la question des « cultes locaux », selon des approches très diverses, tant du point de vue de la méthode que de l’aire géographique : G. Courtieu (« Les cultes de l’Ida troyen ») prend l’exemple du mont Ida pour illustrer le caractère fondamentalement topique du polythéisme antique. La publication par Th. Drew-Bear et G. Labarre d’une dédicace aux Douze Dieux lyciens donne lieu à une contribution fouillée qui met en relation l’émergence de cultes

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épichoriques aux IIe-IIIe siècles avec la vivacité de l’attachement aux dieux indigènes dans les campagnes de Lycie. Dans une contribution en italien (« Asiarchi e archiereis d’Asia »), D. Campanile montre l’intérêt d’envisager le culte impérial dans ses implications locales à l’échelle de certaines régions de la péninsule anatolienne, en liaison avec le rôle qu’y jouent les élites dans la vie politique et religieuse des cités. En s’intéressant aux « Cultes étrangers et cultes locaux dans les Cyclades à l’époque impériale », et en se fondant sur les recherches récentes des historiens et des archéologues, M.-Th. Le Dinahet remet utilement en question l’idée d’un déclin généralisé qu’aurait connu entre le Ier et le IVe siècle cette région de l’Égée. F. Quantin pour sa part (« Poséidon en Chaonie et en Illyrie méridionale ») propose une analyse claire et pondérée de la personnalité de Poséidon telle que permet de l’appréhender la documentation épigraphique et iconographique à l’échelle d’une région. Un ensemble de trois communications enfin (S. Deyts, J.-C. Béal et A. Pelletier) aborde divers aspects de la vie religieuse locale en Gaule romaine, pour souligner en particulier la question du rapport entre les cultes indigènes et la romanisation.

4 La troisième et dernière section de l’ouvrage s’intéresse plus spécifiquement à la confrontation de la religion gréco-romaine avec les cultures locales et aux processus d’acculturation. On ne s’étonnera pas que la moitié des communications sur ce thème concernent l’Égypte qui offre, comme l’on sait, une matière privilégiée pour des études concernant les phénomènes interculturels : J.-C. Goyon met en valeur le rôle joué par l’élite sacerdotale dans le sud de l’Égypte, en liaison avec les cultes d’Isis et d’Horus à Philae et Edfou ; M. Drew-Bear présente de façon convaincante, en prenant l’exemple de la Moyenne Égypte, les liens qu’on peut établir entre toponymes et cultes locaux traditionnels ; P. Schubert exploite un dossier documentaire de la collection papyrologique de Genève pour éclairer la façon dont les autorités civiles romaines et le clergé égyptien étaient amenés à collaborer dans des procédures relatives à des cultes locaux. Deux contributions traitent de l’influence anatolienne décelable dans des cultes d’Asie Mineure, au Métrôon d’Éphèse (C.M. Thomas) et en Lycie (Chr. Le Roy). N. Jijina évoque pour sa part, en anglais, le mélange des cultures que révèle dans la région du Bosphore une étude de l’art funéraire.

5 L’ensemble constitue un recueil dont la lecture est stimulante et où, grâce à un index détaillé, il sera possible d’effectuer des parcours croisés à partir des sources, tant littéraires qu’épigraphiques, des figures héroïques ou divines et des noms, historiques, mythiques ou géographiques. Mais il me semble que le caractère quelque peu hétéroclite de l’ouvrage aurait gagné à être corrigé par des remarques introductives plus développées, visant à mieux circonscrire les enjeux d’une réflexion portant sur une très vaste thématique.

AUTEURS

YVES LAFOND Université de Poitiers

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Laurent BRICAULT, Isis en Occident. Actes du IIème colloque international sur les études isiaques, Lyon III, 16-17 mai 2002

Richard Veymiers

RÉFÉRENCE

Laurent BRICAULT (éd.), Isis en Occident. Actes du IIème colloque international sur les études isiaques, Lyon III, 16-17 mai 2002, Leiden, Brill, 2004. 1 vol. 16 × 24 cm, XXV + 510 p. (Religions in the Graeco-Roman World, 151). ISBN : 90-04-13263-5.

1 Les actes de ce second colloque international, riches de dix-huit contributions, rédigées sur plus de cinq cents pages en français, anglais, allemand et italien par des chercheurs issus d’horizons très variés, participent du renouveau noté dans la recherche isiaque depuis ces dernières années. Bien que traitant de recherches particulières, les articles se rattachent à certains axes principaux retenus pour peindre un tableau actualisé de la diffusion d’Isis en Occident.

2 Une première série de communications propose des études régionales permettant de faire le point sur les conditions d’implantation et de diffusion des cultes isiaques dans plusieurs zones de l’Occident méditerranéen. Grâce à ces enquêtes géographiques, réalisées dans le cadre de l’Italie (M. Malaise), de l’Hispanie (J. Alvar, E. Muñiz), de la Gaule (J. Leclant), des deux Germanies (M. Haase), des provinces alpines (S. Cibu, B. Rémy), du limes danubien (M.-Ch. Budischovsky) et de l’Afrique du Nord (L. Bricault, Y. Le Bohec, J.-L. Podvin sur la Proconsulaire; J.-P. Laporte sur la Maurétanie Césarienne, Numidie et partie de la Proconsulaire; Y. Le Bohec sur la Maurétanie Tingitane), il est possible d’aborder les grandes questions de la diffusion de ces cultes et de procéder à d’intéressantes comparaisons. Ainsi, nous pouvons observer la nature des itinéraires empruntés par les divinités isiaques, l’époque de leur implantation, l’identité des

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agents de leur diffusion, issus par exemple du monde militaire (A. Perrissin-Fabert), ainsi que leur succès dans les populations autochtones. Selon le territoire envisagé, la répartition des isiaca est inégale et les membres du cercle isiaque ont une importance relative entre eux. Les témoignages de dévotion isiaque sont parfois difficiles à identifier tant la frontière entre le culturel et le cultuel peut être floue. Cette ambiguïté révèle la nécessité d’un consensus dans la terminologie utilisée par les spécialistes. Qu’entend-on par exemple par site isiaque, par isiaca ou par Aegyptiaca ?

3 Deux travaux se concentrent sur des sites particuliers considérés comme des centres isiaques majeurs et tentent de préciser la chronologie et le statut de certains sanctuaires. L’un (S. Ensoli) présente les fouilles exécutées à Cyrène dans le temple acropolitain d’Isis et de Sérapis. L’autre (M.J. Versluys) concerne l’existence possible d’un Iséum sur le Capitole romain dès le Ier siècle av. J.-C.

4 Plusieurs enquêtes portent sur certaines catégories documentaires dont l’étude avait souvent jusqu’ici été sous-estimée et négligée : les lampes fabriquées hors d’Égypte (J.- L. Podvin), les monnaies grecques d’Ionie et de Carie (F. Delrieux), les intailles et gemmes magiques (C. Sfameni), ainsi que les formes décoratives des sanctuaires (K. Parlasca). Tous ces documents présentent un potentiel informatif considérable qu’il convient de réhabiliter pour autoriser une vision cohérente et complète du phénomène isiaque. Ils possèdent évidemment un degré de signification variable et ne sont pas dénués de problèmes d’interprétation.

5 Enfin, le volume s’achève par une conclusion (M. Malaise) qui reprend les grands thèmes du colloque, mais qui soulève aussi d’autres questions et énonce de nouveaux souhaits visant à améliorer notre connaissance d’Isis en Occident.

AUTEURS

RICHARD VEYMIERS FNRS – Université de Liège

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Monique BOUQUET, Françoise MORZADEC (éds), La Sibylle. Parole et représentation

Emilio Suárez de la Torre

RÉFÉRENCE

Monique BOUQUET, Françoise MORZADEC (éds), La Sibylle. Parole et représentation, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004. 1 vol. 15 × 21 cm, 301 p. (Collection « Interférences »). ISBN : 2-86847-879-4.

1 La voix de la Sibylle conserve toujours sa sonorité. Ce volume, qui réunit le contributions au colloque tenu à l’Université de Rennes 2-Haute Bretagne en octobre 2001 (organisé par le Centre d’Études de Littératures Antiques et Modernes), en est un bon exemple. Étant donné que les dernières années ont connu une sorte de fièvre sibylline dans le monde éditorial, le premier éloge qui mérite l’ouvrage est qu’il a sa propre personnalité et que, même lorsqu’on y traite des aspects plus connus, les A. ont trouvé des points de vue originaux et des perspectives nouvelles. De surcroît, une bonne partie des contributions met en évidence des aspects très peu connus de l’univers sibyllin. C’est donc un ensemble qui a une place très méritoire dans la production bibliographique sibylline. Voici un résumé (nécessairement trop télégraphique) du contenu.

2 L’Avant-propos de M. Bouquet et F. Morzadec, p. 11-16 (avec une description, brève mais précise, de l’ensemble) ouvre le chemin aux chapitres suivants. Caroline Février, « Le double langage de la Sibylle : de l’oracle grec au rituel romain », p. 17-28 : intéressante hypothèse sur l’usage que les décemvirs faisaient des libri sibyllini pour la procuration des prodiges comme moyen de rénovation des pratiques rituelles. Charles Guittard, « Reflets étrusques sur la Sibylle : Libri Sibyllini et Libri Vegoici », p. 29-42 : sur les rapprochements entre les livres sibyllins et l’etrusca disciplina et le rôle de la figure de la lasa Vecu (Végoia). Jacqueline Champeaux, « Figures romaines de la Sibylle », p. 43- 52 :

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Virgile a fusionné tous les types sibyllins précédents et, comme résultat, a créé une figure « innovante, totale et unitaire » (p. 46) qui aura une énorme influence. Christophe Cusset, « Cassandra et/ou la sibylle : les voix dans l’Alexandra de Lycophron », p. 53-60 : étude du rôle ‘métaphorique’ de la sibylle par rapport à la prophétie de Cassandra et analyse des rapports entre les deux figures. Damien Nélis, « La Sibylle et Médée : Virgile et la tradition argonautique », p. 61-68 : la fonction de la sibylle virgilienne comme triviae sacerdos a son précédent dans celle de la Médée d’Apollonios de Rhodes, prêtresse d’Hécate. Albert Foulon, « Sibylles élégiaques », p. 69-74 : particularités des prédictions sibyllines chez Tibulle. Alain Deremetz, « La sibylle dans la tradition épique à Rome : Virgile, Ovide et Silius Italicus », p. 75-84 : ‘dédoublement actantiel’ de la sibylle chez Silius Italicus par rapport aux autres auteurs, en fonctionnant autant comme prophétesse qui a un rôle dans le récit que comme médiatrice entre l’auteur et son œuvre. Françoise Morzadec, « Stace et la Sibylle : rivalité littéraire autour de la louange de Domitien. La Silve, IV, 3 », p. 85-98 : habileté de Stace pour transformer la sibylle virgilienne en une poétesse inspirée, éloignée même de son entourage habituel, qui sert à délimiter le choix générique de l’auteur dans l’ensemble du panégyrique de Domitien. Sabina Crippa, « Figures du σιβυλλαίνειν », p. 99-108 : réflexions sur la ‘coprésence de la voix et de l’écriture’ (p. 100) dans la prophétie sibylline, ainsi que sur la richesse des différentes modulations de la voix sibylline en tant que moyen de communication avec le divin. Monique Bouquet, « La sibylle servienne, guide de l’exégèse moderne ? », p. 109-118 : malgré ses imperfections, les commentaires serviens à la sibylle ont une perspective philologique remarquable, car Servius s’est proposé de trouver « l’intention de Virgile au plus près et au plus vrai » (p. 117) et de devenir un authentique interprète du poète. Giuseppe Ramires, « Le problème des additions italiennes dans l’épisode de la Sibylle de Cumes. Servius ad Aen.VI, 37-135 », p. 119-130 : analyse de l’importance du travail des humanistes dans la constitutio textus, avec des remarques importantes sur leur tendance à compléter et augmenter les gloses. Ileana Chirassi-Colombo, « La bru de Noé », p. 131-150 : le profil de la Sibylle monothéiste juive et les traits de sa prédiction. Nicole Belayche, « Quand Apollon s’est tu, les Sibylles parlent encore », p. 151-164 : les avantages de la Sibylle pour la propagande chrétienne. Marie-Noël Colette, « Le chant de la Sibylle, composition, transmission et interprétation », p. 165-176 : modalités mélodiques et d’exécution du chant de la Sibylle à partir du Xe siècle; son rôle de médiation entre le drame et la fonction liturgique. Denis Hüe, « La Sibylle au théâtre », p. 177-196 : sur la sibylle comme personnage théâtral médiéval. Francine Mora, « La Sibylle séductrice dans les romans en prose du XIIIe siècle : une Sibylle parodique ? », p. 197-210 : analyse des traits parodiques de la Sibylle des romans médiévaux, bien éloignée (mais consciemment) de la Sibylle virgilienne. Christine Acher-Ferlampin, « Sebille prophétesse et maternelle : du monde antique au monde arthurien dans Perceforest », p. 211-226 : étude de cet intéressant renouvellement de la figure de la Sibylle et de son rôle prophétique dans ce roman arthurien, où, devenue une fée séductrice, elle sert de lien généalogique avec Alexandre le Grand. Fabienne Pomel, « La Sibylle guide et double de Christine dans l’autre monde des lettres. Le Chemin de longue étude de Christine de Pizan », p. 227-240 : la Sibylle initie la poétesse et donne une légitimité à son activité. Emmanuel Buron, « Oracles humanistes et rumeurs de la cour. Sibyllarum duodecim oracula de Jean Rabel, Jean Dorat et Claude Binet », p. 241-254 : la conjonction d’images et de textes, même si les deux proviennent d’origines disparates, peut être employée pour composer une prédiction sur la naissance d’un enfant royal.

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Isabelle His, « La Sibylle en musique : d’Orlande de Lassus à Maurice Ohana », p. 255-272 : coïncidences et différences dans le traitement musical de la Sibylle d’un auteur de la Renaissance et d’un autre contemporain. Anne Ducrey, « Sibylles fin de siècle », p. 273-284 : la Sibylle sur la scène symboliste. L’ouvrage se termine par les sigles, p. 285 et la bibliographie générale, p. 287.

AUTEURS

EMILIO SUÁREZ DE LA TORRE Universidad de Valladolid

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Ute HEIDMANN (éd.), Poétiques comparées des mythes. De l’Antiquité à la Modernité

Vinciane Pirenne-Delforge

RÉFÉRENCE

Ute HEIDMANN (éd.), Poétiques comparées des mythes. De l’Antiquité à la Modernité, Lausanne, Editions Payot, 2003. 1 vol. 14 × 22,5 cm, 256 p. ISBN : 2-601-03329-0.

1 Ce livre se veut un hommage adressé à Claude Calame quittant l’Université de Lausanne pour l’École Pratique des Hautes Études en Sciences Sociales à Paris. Lorsqu’on se rappelle les centres d’intérêts du destinataire, le livre s’en fait l’écho presque parfait. Il est résolument interdisciplinaire : philologie classique, anthropologie, linguistique, etc. s’y côtoient pour réaffirmer une des idées forces de l’œuvre de Calame : les récits que nous avons érigés en catégorie sous le terme de mythes ne sont accessibles qu’au travers de pratiques discursives particulières, et la méthode comparative, dont le but est la différenciation et non l’universalisation, illustre la multiplicité et la diversité de ce que l’on continue par commodité à appeler « les mythes » (pour la table des matières détaillée, voir Kernos 17 [2004], p. 351-352).

2 Ce livre est en quelque sorte, également, l’acte de naissance d’un Groupe de Recherche interdisciplinaire en Analyse comparée des discours né d’un dialogue continu et interdisciplinaire avec le travail de Claude Calame.

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AUTEURS

VINCIANE PIRENNE-DELFORGE FNRS – Université de Liège

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Philippe BORGEAUD, Exercices de mythologie

Vinciane Pirenne-Delforge

RÉFÉRENCE

Philippe BORGEAUD, Exercices de mythologie, Genève, Labor et Fides, 2004. 1 vol. 15 × 22 cm, 218 p. ISBN : 2-8309-1141-5.

1 Ce livre est conçu, selon les termes de son auteur, comme « un répertoire ouvert, un recueil d’études à reprendre encore et toujours » (p. 7). Il ne s’agit donc pas d’un aboutissement, même s’il ponctue trente années d’« exercices » au cœur de la matière du mythe. Et Ph. Borgeaud assume encore et toujours son émerveillement devant ce matériau découvert à l’adolescence dans les ouvrages de Frazer et d’Eliade. Le préambule est limpide : il pose clairement les termes actuels de la question du mythe, qui est d’abord une histoire à raconter puis à comprendre. Le mythe est un récit qui tente de répondre à certaines questions et qui fait naître, par là même, un commentaire jamais achevé. L’interprétation est au cœur de chaque énonciation, mais la trame reste commune. Le répertoire narratif est une mémoire partagée qui s’ancre aussi dans les comportements rituels. Cette double manière traditionnelle de dire et de faire crée le style particulier à une communauté : la mémoire est donc culturelle et forge une identité. Les processus symboliques que sont le mythe et le rite forment les deux dimensions essentielles de cette tradition partagée qui, pour n’être pas l’objet d’un credo, n’en a pas moins un sens, fût-il fluide. S’appuyant sur le discours de Socrate les muthologèmata au bord de l’Ilissos (Platon, Phèdre, 229b-e), Ph. B. écrit que le mythe « relève d’une pratique sociale non problématique, une pratique du bonheur » (p. 30). Il s’agit d’une exploration ludique des limites de l’imaginaire psychologique et social.

2 Les sept réflexions qui suivent sont des articles plus ou moins retravaillés selon les cas, hormis le texte sur la musique de Pan qui était inédit. Le « mythe du labyrinthe » explore le motif en tant qu’espace imaginaire de l’initiation et livre un savant entrecroisement de la question des successions royales, entre Athènes et Crète.

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L’« enfance au miel » réunit Platon, Pindare, le chrétien Ambroise, mais aussi Zeus lui- même dans une commune relation au miel. Rhésos, un « cousin d’Orphée », est mis en regard de son prestigieux parent par la vertu des rapprochements et des écarts de leur biographie respective. Avec « Écho, désir, musique, les sentiers de Pan », Ph. B. retrouve le chemin de ses Recherches sur le dieu Pan (1979) et rejoint La Mère des dieux (1996) sur le thème de la musique. Quant à « la mort du Grand Pan », ce chapitre offre une remarquable leçon de méthode autour du curieux épisode rapporté par Plutarque (De la disparition des oracles, 17). S’interrogeant à la fois sur la portée du récit en contexte antique et sur les acrobaties interprétatives qui se sont succédé entre XIXe et XXe siècle, Ph. B. montre que le récit relève d’une propagande politique anti-impériale, revue ensuite dans une perspective apologétique chrétienne. En outre – et la leçon de méthode est là –, le comparatisme totalisant qui l’a intégré dans l’imagerie du « dieu qui meurt » ou dans le cadre folklorique de légendes nordiques montre avant tout la distance qui sépare les données et la succession de modes interprétatives. Ensuite, « la tête du Capitole » est une analyse fine et comparative des mécanismes idéologiques et historiques ayant mené à cette tradition : mise au jour d’une tête sur la colline tarpéienne, exploration du sens du prodige, tentative de détournement de l’oracle, reconnaissance de l’hégémonie à venir de Rome.

3 Le dernier volet de l’ouvrage n’entre pas tout à fait dans « l’exercice mythologique » du titre, même s’il a pleinement sa place dans ce regard rétrospectif sur un parcours, à la fois scientifique et personnel. Ph. B. fut l’élève de Mircea Eliade à Chicago dans les années septante et cette relation, même si elle fut moins déterminante que celle de Jean Rudhardt, a marqué le chercheur débutant en histoire des religions. Ce chapitre final, intitulé « Un mythe moderne : Mircea Eliade », est une mise au point rigoureuse et sensible de l’impact des « années noires » du savant roumain, quand il adhérait aux idées extrémistes de la Garde de Fer de Codreanu (1937-1944). Elle est rigoureuse car elle rend compte des dérives auxquelles un nationalisme exalté, soucieux de « respiritualiser l’individu », a mené Eliade, tout en continuant d’informer dans une certaine mesure sa vision méta-historique du sacré. Elle est sensible car certains excès du « révisionnisme » auquel a été soumise la carrière d’Eliade après sa mort ont manifestement blessé son ancien élève, qui a connu un autre homme « qu’il serait vain, absurde de vouloir à tout prix réduire au premier » (p. 202).

4 Ce livre remarquablement écrit montre la cohérence d’une démarche et l’application d’une méthode d’analyse des mythes qui rend compte de leur poikilia en leur appliquant, sans exclusive, les acquis les plus intéressants des trois dernières décennies.

AUTEURS

VINCIANE PIRENNE-DELFORGE FNRS – Université de Liège

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Jean-Baptiste BONNARD, Le complexe de Zeus. Représentations de la paternité en Grèce ancienne

Véronique Dasen

RÉFÉRENCE

Jean-Baptiste BONNARD, Le complexe de Zeus. Représentations de la paternité en Grèce ancienne, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004. 1 vol. 16 × 23,5 cm, 254 p. ISBN : 2-85944-508-0.

1 Le discours grec sur la place du père dans le processus de la génération est au coeur de cet ouvrage tiré d’une thèse sur « La représentation du père de la cité. Contribution à l’étude de l’imaginaire dans la Grèce archaïque et classique », soutenue en 1998 à Paris I Panthéon-Sorbonne. J.-B. Bonnard y compare deux dossiers, l’un mythique, l’autre biologique, pour analyser les différentes manipulations discursives qui traduisent l’idéal d’un monde masculin déniant aux femmes le pouvoir de la reproduction. La démarche est originale et s’inscrit dans un courant comparatif qui s’attache à confronter différents niveaux de représentation qui mettent en œuvre, chacun à sa manière, l’imaginaire collectif d’une société. Sur le plan mythique, comme dans le discours scientifique, la pensée grecque privilégie ainsi le rêve d’un monde où la reproduction de l’humanité se passe des femmes ou les relègue à une place mineure.

2 L’ouvrage est divisé en deux parties. La première examine les facettes de la fonction génératrice du père dans un discours mythique qui décrit des paternités solitaires exemplaires, la naissance de héros sans mère, et raconte des paternités humaines parodiques. Parmi les dieux, Zeus est le champion des naissances monoparentales (Athéna, Dionysos, Agdistis et Aphrodite), avec Ouranos, dont le sang du sexe castré produit de nombreuses divinités, tels les Géants, les Érinyes, les Nymphes. La survalorisation du rôle paternel se traduit par la naissance de jumeaux issus d’une double paternité. À côté des Dioscures et d’Héraclès et Iphiclès, conçus par Zeus associé

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à Amphitryon ou à Tyndare, plusieurs autres paires gémellaires pourraient être évoquées pour renforcer la démonstration de l’auteur (cf. V. Dasen, Jumeaux, jumelles dans l’Antiquité grecque et romaine, Akanthus Verlag, 2005). Les descriptions mettent l’accent sur les douleurs de l’enfantement masculin et nous rappellent que les souffrances sont la part virile de la fonction maternelle qui se voit reconnaître grâce à elles une certaine andreia. On retrouve l’expression d’un désir de paternité exclusive dans les mythes de l’autochtonie béotienne et athénienne. Cadmos, « semeur des Spartes », et Érichthonios, « enfant sans mère », fondent un ordre politique dont les femmes sont exclues. Les élucubrations de Lucien sur les engendrements masculins des Séléniens, qui naissent dans les mollets, ou des Dendrites, issus d’un testicule mis en terre, brodent sur le même fantasme. Quand au corps maternel, la métaphore très répandue du sillon le dévalorise en le réduisant à une fonction nourricière. À ce traitement du corps féminin, transformé par analogie en paysage, on pourrait ajouter la dimension de la mère comme territoire, bien explorée par Susan Guettel Cole (Landscapes, Gender and Ritual Space, 2004).

3 La deuxième partie de l’ouvrage livre le dossier du mécanisme de la génération humaine dans le discours biologique, des Présocratiques à Aristote en passant par le corpus hippocratique. L’idée de l’existence d’une semence féminine à côté d’une semence masculine ne devient générale qu’au Ve siècle, mais sans que leurs rôles respectifs ne soient jugés véritablement égaux. Pour les Hippocratiques, chaque sexe est porteur d’une semence mâle et femelle, mais l’élément femelle est dévalorisé par un ensemble de connotations organisées selon un système d’oppositions binaires (froid/ chaud, humide/sec, gauche/droite). L’écart se creuse encore chez Aristote qui oppose le sang menstruel, semence impure mais nourricière, au sperme masculin, porteur du souffle créateur, vital. La femme n’est qu’un mal nécessaire pour perpétuer l’espèce, et exclue de toute participation à la détermination du sexe ou des caractères de l’enfant.

4 L’argumentation de chacune des deux parties s’appuie sur un riche dossier de textes cités en grec et accompagnés d’une traduction. L’ouvrage, assorti d’une utile bibliographie et d’indices (mythologicum, fontium, nominum), constitue une contribution bienvenue à l’histoire des pères et de la paternité, encore paradoxalement peu explorée. Il ouvre aussi plusieurs champs de recherches prometteurs, par exemple pour une remise en question du modèle du corps unisexe théorisé par Thomas Laqueur (La fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occident, 1992). Si le concept du corps unisexué peut s’appliquer à la construction aristotélicienne, le modèle hippocratique y résiste. La valorisation du masculin sur le féminin y est indéniable, mais les auteurs y définissent deux types de chair, féminine et masculine, dont la différence est radicalisée par la présence de l’utérus, organe féminin – et maternel – par excellence.

AUTEURS

VÉRONIQUE DASEN Université de Fribourg

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Françoise FRONTISI-DUCROUX, L’homme-cerf et la femme-araignée

Véronique Dasen

RÉFÉRENCE

Françoise FRONTISI-DUCROUX, L’homme-cerf et la femme-araignée, Paris, Gallimard, 2003. 1 vol. 16,5 × 21 cm, 300 p., 70 ill. (Le Temps des images). ISBN : 2-07-076655-1.

1 Ce livre important nous mène au cœur du fonctionnement de l’imaginaire collectif grec au travers des déclinaisons presque infinies des métamorphies humaines et divines dans la mythologie classique. Face à la profusion des récits, Fr. Frontisi-Ducroux s’est centrée sur les histoires qui font l’objet de représentations figurées, sans négliger les récits parallèles dépourvus de version iconographique ou qui ne sont connus que par les images. Avec beaucoup de finesse, l’A. fait patiemment émerger de la confrontation du système verbal avec les procédés de réthorique picturale les spécificités des catégories mentales et symboliques grecques. Les principaux axes de réflexion s’articulent autour de la perméabilité des frontières entre l’humain, l’animal, le végétal et le minéral, traduite par différentes formes d’hybridation, parfois incomplètes ou doublées d’un changement de sexe, autour des rapports entre la féminité et l’animalité, le désir et la bestialité, enfin de la métamorphose comme expression particulière d’une temporalité perçue non comme un continuum mais comme une succession de stades distincts.

2 Les récits examinés sont essentiellement livrés par des auteurs grecs, mais sans faire l’économie d’Ovide, qui le premier utilise le mot grec Metamorphoseon dans le titre de son poème Les métamorphoses. Conservatoire de récits disparus, son recueil est précieux à plus d’un titre, notamment pour sa part de réélaboration qui permet d’approcher d’autres façons culturelles de penser le corps et l’hybridation.

3 Le livre est découpé en six chapitres qui tournent chacun autour d’un mythe principal et d’une thématique. Le premier chapitre explore l’hybridité et la polymorphie des

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créatures qui hantent les mers, tels Nérée, sa fille Thétis, Protée, Glaucos et Métis. Leur métamorphie n’est pas la conséquence d’un accident ni d’un acte volontaire, mais inhérente à leur nature, changeante et fluide comme l’eau. Leur passage d’une forme à l’autre est traduite visuellement par des formes composites juxtaposant des appendices animaux (poisson, lion, panthère, chèvre, serpent). L’épisode de la lutte de Thétis et Pélée détient une valeur paradigmatique. Il rappelle la fonction profonde du mariage, maîtriser la nature féminine en fixant son instabilité foncière. – Le deuxième chapitre explore autour du mythe de Circé les limites d’une bestialisation qui ne prive pas de conscience humaine les hommes enfermés dans une enveloppe animale. Les imagiers inventent des assemblages composites, greffant des parties animales sur des parties humaines, usant de métonymie visuelle pour rendre visible la transformation des victimes. L’emploi constant de l’aoriste pour décrire le phénomène traduit l’impossible représentation du temps de la métamorphose, insaississable pour les mortels; la valeur ponctuelle de l’action verbale renvoie à l’instantanéité de l’action divine. – Le troisième chapitre interroge le statut de la vision par le biais du mythe d’Actéon qui bascule dans l’animalité à cause de son voyeurisme. Chasseur devenu proie, il est dévoré par ses chiens. Sa métamorphose en cerf est-elle réelle ou les chiens sont-ils sujets d’une hallucination ? Le sort d’Actéon renvoie à celui de Tirésias qui change de sexe en punition de son regard transgressif.

4 Les transformations de Zeus constituent l’objet du quatrième chapitre. Ses métamorphoses et celles de ses amantes mettent en évidence l’animalité de la femme et la bestialisation qu’elle provoque chez le mâle qui la désire. – Les mythes de Niobé et de Méduse permettent d’aborder, dans un cinquième chapitre, les qualités symboliques et métaphoriques de la pétrification, associée au thème de l’invisibilité, de la mort et de la souffrance causée par l’absence. Figée dans une douleur paralysante sur la tombe de ses enfants, Niobé se transforme en monument funéraire. Sous le pinceau des imagiers italiotes, elle devient tantôt sa propre statue et sèma des disparus, tantôt perd complètement forme humaine en se muant en stèle ou tumulus. Ces motifs se retrouvent concentrés chez Méduse et ses sœurs, créatures hybrides au regard pétrifiant.

5 Ce parcours foisonnant se termine dans l’espace des femmes où la voix silencieuse des tisserandes raconte les entrelacements du masculin et du féminin, de la tragique histoire de Procné à la transgression d’Arachné.

6 L’exploration des relations entre hybridité et métamorphose fait ainsi ressortir les paradoxes de l’anthropocentrisme grec, conjugant une conception mouvante du monde à un désir irrésistible et permanent de franchissement des limites.

AUTEURS

VÉRONIQUE DASEN Université de Fribourg

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Le Papyrus de Derveni, traduit et présenté par Fabienne Jourdan

Claude Calame

RÉFÉRENCE

Le Papyrus de Derveni, traduit et présenté par Fabienne Jourdan, Paris, Les Belles Lettres, 2003. 1 vol. 15 × 21,5 cm, XXII+166 p. (Vérité des mythes. Sources). ISBN : 2-251-32434-8.

1 Plus de quarante ans se sont désormais écoulés depuis la découverte dans une tombe de Derveni, non loin de Thessalonique, d’un rouleau de papyrus à demi consumé par le feu de l’incinération du défunt auquel il appartenait; et il y a plus de vingt ans que les philologues doivent se contenter de la transcription et de l’édition pirates de cet étrange commentaire du milieu du IVe siècle à une cosmo-théogonie explicitement attribuée à Orphée (ce texte provisoire a été prudemment cantonné dans une annexe à ZPE, 47 [1982], après p. 300 !). R. Janko vient de publier sous le titre « The Derveni Papyrus: an Interim Text », ZPE, 141 (2002) p. 1-62, un texte nouveau; il est assorti d’un apparat critique qui rend compte de manière relativement exhaustive des différentes conjectures proposées par les nombreux lecteurs du texte provisoire depuis vingt ans et d’une traduction qui peut remplacer celle offerte par A. Laks & G. W. Most (éds), Studies in the Derveni Papyrus, Oxford, 1997, p. 9-22. Ce texte est très proche de celui désormais publié, avec une traduction, par G. Betegh, The Derveni Papyrus. Cosmology, Theology, and Interpretation, Cambridge, 2004, p. 4-55. Certes, l’apparat critique offert par le texte intérimaire publié par R. Janko intègre les leçons et conjectures transmises par K. Tsantsanoglou (l’éditeur du papyrus) notamment à A. Bernabé, lui-même l’auteur d’une édition toute récente des fragments orphiques (les fr. extraits du P. Derv. viennent d’être publiés dans le premier volume des Poetae epici Graeci. Testimonia et fragmenta, Pars II. Orphicorum et Orphicis similum testimonia et fragmenta, Fasc. 1, München/Leipzig, 2004); on ne saurait néanmoins en aucun cas prêter à ce texte établi tout récemment un statut définitif...

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2 C’est dire que fournir l’étude d’un aspect du P. Derv. ou mieux encore en offrir un commentaire – que celui-ci soit consacré aux fragments de la cosmo-théogonie citée ou à son exégèse plus tardive – tient de la gageure. C’est donc le défi relevé par F. Jourdan qui présente pour la première fois aux érudits francophones le texte et la traduction du P. Derv. tel qu’il vient d’être publié (à quelques variations près) par R. Janko; texte et traduction sont assortis d’une introduction, d’une bibliographie, d’un commentaire littéral et d’un lexique. En ce qui concerne le texte publié, on déplorera l’absence d’apparat critique pour un texte qui est encore très conjectural et qui, en raison de son caractère fragmentaire, continuera à l’être après son editio princeps. Par exemple, le texte offert reprend à l’édition provisoire de R. Janko des citations de la théogonie commentée qui sont de pures reconstructions à partir des expressions et des lemmes cités dans la colonne suivante; signalés par des simples lettres marginales et par un curieux système de parenthèses carrées enchâssées qui ne correspond pas au système philologique plus orthodoxe adopté par R. Janko, ces vers reconstitués non seulement ne sont souvent pas reconnus comme tels dans l’édition toute récente d’A. Bernabé, mais ils ne font en général pas l’objet de la note explicative attendue. Quant à la traduction, elle est assez littérale pour combiner fidélité et clarté.

3 Mais procédons dans l’ordre. L’introduction est en général informative, sauf sur deux points. Si, au titre de la présentation du « commentaire », les procédures de l’exégèse sémantique, allégorique et étymologisante d’un texte considéré comme « énigmatique » sont bien exposées (voir en dernier lieu à ce propos A. Ford, The Origins of Criticism. Literary Culture and Poetic Theory in Classical Greece, Princeton / Oxford, 2002, p. 72-85, qui pourrait éclairer le propos repris à p. 42, à propos de l’occurrence à la col. VII, 5 du terme ainigmatódes), en revanche l’attention portée à l’explicitation en termes physiques du déroulement de la cosmo-théogonie ne rend pas compte des différentes théories impliquées, dans un surprenant syncrétisme d’atomisme, d’hippocratisme, et d’éléments théoriques apparemment empruntés à des « présocratiques » tels Anaxagore, Empédocle ou Diogène d’Apollonie, sinon Héraclite lui-même. Par ailleurs, si certains de ces noms sont rapidement mentionnés dans le paragraphe consacré à la question de l’auteur du commentaire, aucune des hypothèses élaborées à ce titre n’est mentionnée : de Stésimbrotos de Thasos à Diagoras de Mélos, les propositions n’ont pourtant pas manqué, toutes indicatives du caractère à la fois philosophique et sophistique du commentaire lui-même; on verra en dernier lieu à ce propos l’étude de R. Janko, « The Derveni Papyrus (Diagoras of Melos, Apogyrizontes logoi?): A New Translation », CPh 96 (2001), p. 1-32.

4 Volontairement sélective, la bibliographie est involontairement hétérogène. Si à côté du sommaire détaillé de l’ouvrage édité par A. Laks et G.W. Most, Studies in the Derveni Papyrus, Oxford, 1997, est cité un unique article (d’ailleurs remarquable) publié par L. Brisson dans ZPE 141 (2003), p. 1-11, on se demande pourquoi n’est pas mentionnée l’étude essentielle de A. Bernabé, « La théogonie orphique du papyrus de Derveni », Kernos 15 (2002), p. 91-129 (à la note 29, on y trouve par exemple une liste explicite et exhaustive des propositions faites quant à l’auteur du commentaire). Et au titre des « ouvrages généraux » sur l’Orphisme, plutôt que deux articles isolés également dus à L. Brisson, on aurait attendu au moins la mention de l’ouvrage collectif édité par Ph. Borgeaud, Orphisme et Orphée. En l’honneur de Jean Rudhardt, Genève, 1991 (en français !).

5 L’apport essentiel du livre est naturellement constitué par le commentaire à la cosmo- théogonie orphique et à l’exégèse proposée par son commentateur antique. Du point de

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vue formel, le commentaire suit la disposition typographique adoptée pour les volumes les plus récents de la Collection des Universités de France (Association Guillaume Budé), soit une répartition des notes explicatives entre, d’une part, la partie laissée libre sur chaque page de traduction et, d’autre part, la fin du volume. Rendant peu aisée la consultation des remarques explicatives et interprétatives, ce choix se justifie d’autant moins dans le cas discuté ici que les notes figurant sous la traduction n’ont pas à compenser l’espace d’habitude occupé par l’apparat critique figurant sous le texte grec ! Cet handicap est accentué par le système de pagination adopté (même numéro de page pour le texte et la traduction en regard), par la numérotation continue des notes de commentaire au lieu d’un renvoi à la ligne du texte et éventuellement aux mots concernés (comme le veut la bonne habitude du commentaire anglo-saxon ou italien) et par le fait que les développements plus généraux résumant la plupart des colonnes du papyrus (pourquoi pas toutes ?) tantôt suivent immédiatement la traduction concernée, tantôt sont à chercher dans la partie réservée aux « notes complémentaires ». Quoi qu’il en soit d’une disposition typographique qui ne s’imposait pas, le commentaire en général fouillé est essentiellement centré sur les différentes phases du déroulement de ce qui constitue pour nous la première cosmo-théogonie attribuée à Orphée et par conséquent de son interprétation en termes de cosmogonie physique.

6 Du point de vue philologique de l’établissement du texte et de la justification dans le commentaire des choix proposés, les solutions offertes par F.J. sont rarement appuyées sur la technique traditionnelle des parallèles. Pour ne prendre qu’un exemple, à propos de l’usage et du sens de poíesis (col. VII, 3 et 4), s’imposaient au moins les référence aux textes classiques d’Hérodote, II, 82, 1 ou de Platon, Gorgias, 502a-b et Ion, 531d, avec le triple sens du terme en tant que fabrication poétique, art poétique et résultat de cette capacité artisane. En effet, en dépit des lacunes, les remarques introductives au poème commenté semblent faire allusion à sa récitation rituelle, de même qu’à la col. V, 4, la forme párimen pourrait renvoyer à une forme du futur performatif impliquant, par l’usage de la première personne du pluriel, l’engagement non pas « personnel » (p. 5) mais collectif du commentateur et de ses lecteurs dans une démarche d’ordre cultuel. Mais la fonction (probablement) rituelle non seulement du poème, mais surtout du commentaire avec leur dimension pragmatique respective ne correspond apparemment pas aux intérêts cosmologiques de F.J.

7 Axé sur le déroulement de la naissance du monde selon Orphée et dans la conception physique de son commentateur, le commentaire moderne n’est pas toujours aussi fiable qu’on aurait pu le souhaiter. On donnera ici un seul exemple des hésitations qui nuisent à sa transparence. Comme le souligne F.J. dans son interprétation générale de la col. XV (p. 70), les relations entre Ouranos, Cronos et Zeus sont envisagées par le poème et par son commentateur essentiellement en termes de succession; ceci en contraste avec la Théogonie d’Hésiode où relations de pouvoir et relations de père à fils sont étroitement imbriquées. Il ne s’agit donc pas en premier lieu de reconnaître dans la cosmo- théogonie orphique une « chronologie généalogique » (p. XVI). Cronos ne saurait par conséquent « couper le sexe de son père » (p. 59). En effet non seulement Ouranos n’assume jamais la paternité directe de Cronos, mais le commentaire de la col. XIV fait explicitement naître Cronos du Soleil et de Terre, ou plus exactement du sexe coupé d’Hélios et de Gé. Dans son commentaire à ce passage, Betegh (o.c., p. 123) affirme prudemment : « The appearance of Ouranos in this context makes it probable that Kronos is Ouranos’ son in the narration of the poem » (mais cf. o.c., p. 169 !). L’amalgame

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interprétatif offert par F.J. semble trouver sa source dans trois malentendus. De manière erronée, l’acte de séparation du sexe « vénérable » de Soleil est d’abord identifié comme un acte de « castration » (p. XVI, 14, 65, 66, etc.) tel qu’il est attesté dans la Théogonie; chez Hésiode, la castration porte d’abord sur le pouvoir générateur (naissance d’Aphrodite !) des testicules ou de l’ensemble des parties génitales (et non pas du seul sexe) de Ciel (v. 180). De plus, l’expression qui décrit dans l’exégèse orphique la naissance de Cronos de l’union de Soleil et de Terre présente paradoxalement une construction grammaticale (cf. p. 66 : père donneur de la semence présenté dans une tournure avec ek suivi du génitif; mère réceptrice au datif) exactement inverse de celle qui est adoptée pour le vers correspondant, reconstruit et présenté au bas de la colonne XIII. Enfin, dans le poème et son commentaire l’expression ek toû signifie moins la « naissance de » que l’ordre de succession (cf. col. XV, 6, avec le commentaire exact de p. 72 : « L’auteur commente la formule ek toû qui, dans le vers, signifie que Kronos succède à Ouranos. Il veut préciser qu’en réalité Kronos ne naît pas d’Ouranos, mais qu’il s’empare de son trône », mais en contradiction avec la traduction donnée à p. 15 : « de lui alors descendit à son tour Kronos »). Cette série de confusions tire probablement son origine du fait que les vers reconstruits (et privés de commentaire) dérivent, avec quelques modifications, de la reconstitution trompeuse du texte de la cosmo-théogonie orphique donnée exempli gratia par M.L. West, The Orphic Poems, Oxford, 1983, p. 114-115 (cf. v. 16). On notera que dans son étude et dans son édition tout récents, A. Bernabé élimine du poème orphique toute trace de relation généalogique entre Ouranos et Cronos (voir la reconstruction proposée pour le fr. 10 F Bernabé). Faire directement de Cronos le fils de Ciel c’est faire fi du jeu des assimilations propre à la théologie orphique qui tend à effacer les différences de génération (dans le poème commenté lui-même, Terre = Mère (Déméter ?) = Rhéa = Héra : col. XXII, 7); c’est oublier que dans son déroulement (qui n’a rien de « cyclique », mais qui affirme la re-création du monde dans l’unité incarnée en Zeus), la cosmo- théogonie orphique se distingue de celle de la théologie traditionnelle; c’est procéder à la rationalisation à laquelle invite l’usage implicite du texte recomposé à simple titre d’hypothèse par West.

8 D’ailleurs, en ce qui concerne l’information bibliographique permettant d’appuyer ou d’enrichir tel point du commentaire, on remarquera qu’à l’exception des travaux (traduits en français) de W. Burkert et naturellement de R. Janko, les références, sans doute pertinentes, sont presque exclusivement francophones, allant d’E. Benveniste à J.-P. Vernant en passant par L. Brisson, P. Chantraine, M. Detienne, J. Humbert, J. Pépin, J.-F. Pradeau ou R. Sorel. Cette perspective hexagonale nous prive ainsi des observations et des hypothèses pourtant déterminantes de spécialistes tels A. Henrichs, D. Obbink, G.W. Most ou J. Rusten, pour ne citer qu’eux. Et le flou régnant sur certains points de l’exégèse du poème et de son commentaire trouve son reflet dans certaines failles quant à la rigueur formelle en général requise d’un commentaire philologique; les fragments d’Héraclite, par exemple, sont cités de trois manières différentes : DK 22 A 16 (p. 32), DK B 3 (p. 34) et (enfin !) 22 B 14 a DK (p. 37) !

9 Enfin, en l’absence de confrontation avec des emplois parallèles des termes catalogués, on peut s’interroger sur les fonctions et sur la nécessité du long lexique raisonné qui clôt le volume. Indépendamment du fait que l’enregistrement de termes tels que allá, en, epí ou kaí doit encore prouver sa pertinence, indépendamment aussi du fait qu’il est souvent difficile de déterminer si le terme enregistré appartient au poème commenté ou à son commentaire, les quelques analyses sémantiques présentées, issues des

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emplois des termes les plus marquants en contexte interne, auraient pu être intégrées au commentaire interprétatif.

10 En dépit de l’apport important des notes exégétiques offertes désormais par l’ouvrage de F.J., le P. Derv. attend non seulement son éditeur, mais aussi un commentateur qui suive les règles d’ouverture et d’exhaustivité informatives appliquées en particulier par l’auteur de Hesiod. Theogony, Oxford, 1966.

AUTEURS

CLAUDE CALAME EHESS, Paris

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Giovanni PUGLIESE CARRATELLI, Les lamelles d’or orphiques. Instructions pour le voyage d’outre- tombe des initiés grecs

Claude Calame

RÉFÉRENCE

Giovanni PUGLIESE CARRATELLI, Les lamelles d’or orphiques. Instructions pour le voyage d’outre- tombe des initiés grecs, ouvrage traduit de l’italien par A.-Ph. Segonds et C. Luna, Paris, Les Belles Lettres, 2003. 1 vol. 15 × 21,5 cm, 151 p. (Vérité des mythes. Sources). ISBN : 2-251-32435-6.

1 De même que le Papyrus de Derveni, le corpus désormais important des textes inscrits sur les lamelles funéraires d’or est dans l’attente de son édition érudite et de son commentaire exhaustif. Maintenant traduit en français, le recueil proposé par G.P.C. une première fois dans une édition hors commerce en 1993, puis en 2001 chez Adelphi à Milan (sous le titre Le lamine d’oro orfiche. Istruzioni per il viaggio oltremondano degli iniziati greci) ne répond ni aux exigences d’un texte établi selon les règles de la philologie, ni à celles d’un commentaire courant systématique, mêlant informations, explications et interprétations; essentiellement centré sur la lamelle d’Hipponion au texte de laquelle l’A. a déjà consacré de nombreuses études, il n’en a d’ailleurs pas la prétention.

2 Le recueil offre une nouvelle préface dans laquelle G.P.C. justifie la suppression des guillemets qui dans la première édition encadraient le terme « orfiche ». Suit un texte introductif où G.P.C. fait l’hypothèse d’une forte influence de l’école de Pythagore sur le mouvement orphique de Grande-Grèce; il explique ainsi le caractère « mnémosynien » de la théologie sous-jacente à des textes qui proposeraient aux mortels défunts une régénération à la suite d’un rituel (initiatique) « orphico-pythagoricien »; de ce point de vue l’existence de plusieurs catégories de textes rendrait vaine toute tentative de

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postuler et de reconstruire un archétype (dernier essai en date : Ch. Riedweg, « Poésie orphique et rituel initiatique. Éléments d’un “Discours sacré” dans les lamelles d’or », RHR 219 [2002], p. 459-481). Réduite à l’essentiel, la bibliographie est augmentée dans l’édition française d’indications complémentaires, également disposées par ordre chronologique. Suivent les textes eux-mêmes, réorganisés en trois catégories dont la dernière n’inclut que le texte de la lamelle de Thurii; seuls quelques théonymes tels Zeus, Déméter, Feu ou Prôtogonos y font sens. Distinguant les textes « mnémosyniens » qui présentent en tant que passeports pour l’au-delà une déclaration d’identité (filiation de terre et de Ciel étoilé) des textes mentionnant en particulier Perséphone, Hadès et Dionysos (cf. p. 10-14), la répartition de tous les autres documents en deux groupes implique un nouvel ordre de présentation et une numérotation originale par rapport à l’édition provisoire de Ch. Riedweg et celle, sous presse, de A. Bernabé (voir les références données à l’occasion de la table de concordance p. 133-134 et infra).

3 Chaque texte est accompagné d’indications sur le lieu et les circonstances de la fouille correspondante; s’y ajoutent, s’il est disponible, un dessin de l’original, une transcription diplomatique assortie de quelques remarques, une traduction (due dans la version francophone à Alain-Philippe Segonds et à Concetta Luna) qui suit en général la colométrie conforme à la diction homérique et dactylique présentées par la plupart des textes d’or, des indications bibliographiques particulières qui ne semblent exhaustives que pour la lamelle d’Hipponion, enfin un commentaire littéral plus ou moins développé. L’un des prix de cette édition au commentaire très partiel est constitué par les photographies des documents les plus significatifs, avec néanmoins une nette dégradation dans la qualité photographique en passant de l’édition privée financée par le Credito italiano à l’édition confiée aux soins des Belles Lettres. Le tout est complété par un triple index des noms propres anciens apparaissant dans l’introduction et le commentaire, des noms des érudits modernes, de tous les mots grecs des textes funéraires eux-mêmes. On relèvera, en appendice aux lamelles « crétoises » provenant essentiellement d’Eleutherna, la réédition de l’épigramme gravée sur une stèle du IIe siècle av. J.-C. et retrouvée dans le sanctuaire consacré à Phaistos à la Mère des dieux. Confronté au fameux passage des Crétois d’Euripide (fr. 472 Nauck2-Kannicht) où le chœur chante et danse en tant que myste de Zeus de l’Ida, bouvier de Zagreus et bacchant des Courètes au service de la Mère des montagnes, le poème épigraphique (donné sans traduction) sert de confirmation pour la classification des textes courts de Crète non pas dans la catégorie des lamelles « mnémosyniennes », mais dans le groupe des textes dépendant d’une « religion mystérique » empreinte d’une mystique dionysiaque qui aurait, dans une phase originaire, influencé les premiers Pythagoriciens.

4 Pour des textes dont l’établissement n’est pas encore entièrement fixé, on regrettera évidemment l’absence de tout apparat critique. Ce choix surprenant implique le recours constant, en parallèle, à l’édition provisoire de Ch. Riedweg (« Initiation-Tod- Unterwelt : Beobachtungen zur Kommunikationssituation und narrativen Technik der orphisch-bakchischen Goldblättchen », in F. Graf (ed.), Ansichten griechischer Rituale. Geburtstags-Symposium für Walter Burkert, Stuttgart/Leipzig, 1998, p. 359-398) et bientôt à l’édition des Orphica d’A. Bernabé (Poetae epici Graeci. Testimonia et fragmenta, Pars II. Orphicorum et Orphicis similum testimonia et fragmenta, Fasc. 2, München/Leipzig, 2005 ? cf. fr. 474-495 F). En dépit de leur facture soignée, les textes fournis ne sauraient donc être utilisés tels quels.

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5 Quant au commentaire, loin d’être systématique, il porte surtout sur le texte d’Hipponion, trouvé et édité il y a trente ans par G. Foti et par G.P.C. lui-même (« Un sepolcro di Hipponion e un nuovo testo orfico », PP 30 [1974], p. 91-107 et 108-126). Les remarques explicatives et interprétatives consistent donc essentiellement en des précisions relatives aux positions et aux hypothèses déjà élaborées dans d’autres études par G.P.C. De ce point de vue, on peut regretter, par exemple, que l’A. abandonne son astucieuse proposition de lire le ERION du document comme eríon, dans l’emploi d’un mot rare, mais convenant à la diction homérique du texte (cf. Il. XXIII, 126) et signifiant le tertre et, par conséquent, le tombeau. Dans un geste initial de deixis correspondant à une sorte de sphragís, le texte se présenterait lui-même (tóde) comme la tombe de Mnémosyné, conformément à sa fonction d’indiquer le chemin vers l’eau de Mémoire et par conséquent vers le monde privilégié réservé aux « mystes et bacchants »; ces mystes n’ont apparemment rien des adeptes ascétiques de l’Orphisme, mais ont probablement suivi, avant d’être confrontés au passage dans l’Hadès, une initiation d’ordre dionysiaque.

6 Et le témoignage tardif qui attribue à Philolaos (fr. 44 B 13 Diels-Kranz) la dénomination de Mnémosyné pour la « monade » pythagoricienne est-il suffisant pour faire de la figure de Mémoire telle qu’elle apparaît de manière récurrente dans le texte d’Hipponion une Mnémosyné inspirée par le Pythagorisme (p. 46) ? Même si on aurait pu citer à ce propos le passage beaucoup plus explicite de la Vie de Pythagore 31 de Porphyre qui attribue à Pythagore lui-même cette dénomination pour désigner l’inengendré dans son harmonie et sans exclure la tonalité pythagoricienne, la diction homérique du texte nous réfère principalement à la Mnémosyné de la mémoire poétique; une figure qui, en se fondant sur le passé, permet aux mortels d’entrevoir « les choses futures » et qui, par conséquent, est la garante de l’itinéraire funéraire et initiatique proposée, ainsi que de l’efficacité des mots récités (cf., par exemple, les textes indiqués par M. Simondon, La mémoire et l’oubli dans la pensée grecque jusqu’à la fin du Ve siècle avant J.-C., Paris, 1982, p. 103-127).

7 Dans de telles conditions, il serait en tout cas nécessaire de pourvoir à nouveau le terme « orphique » de guillemets, de l’intitulé de l’ouvrage jusqu’à la dernière ligne du commentaire (cf. p. 128); et il serait certainement indispensable de recourir en parallèle à l’ouvrage de A. Bernabé & A.I. Jiménez San Cristóbal, Instrucciones para el más allá. Las laminillas órficas de oro, Madrid, 2001 (qui présente un commentaire circonstancié des aspects les plus importants offerts par toutes les lamelles d’or – lamelles de Pella incluses = fr. 496 F Bernabé, – présentées en traduction et accompagnées de l’édition des textes correspondants avec un apparat exhaustif et une bibliographie complète, ainsi que d’un dossier iconographique). N’eût-il d’ailleurs pas été plus opportun d’offrir en traduction au public francophone ce dernier ouvrage ?

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AUTEURS

CLAUDE CALAME EHESS, Paris

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Agnès PIGLER, Plotin. Traité 54 (I, 7), Introduction, traduction, commentaires et notes

André Motte

RÉFÉRENCE

Agnès PIGLER, Plotin. Traité 54 (I,7), Introduction, traduction, commentaires et notes, Paris, Éd. du Cerf, 2004, 1 vol. 12,5 × 19,5 cm, 194 p. (coll. Les écrits de Plotin). ISBN : 2-204-07415-2.

1 Cette prestigieuse collection, entreprise à l’initiative et sous la direction de Pierre Hadot, à qui l’on doit la publication des trois premiers volumes (cf. Kernos 1 [1988], p. 253; 5 [1992], p. 349; 8 [1995], p. 307-308) progresse à pas lents mais assurés. Le présent traité, qui est le huitième paru, est le dernier qu’ait écrit Plotin. Très bref – sa traduction compte à peine huit pages –, mais d’une grande densité, il traite « Du premier Bien et des autres biens » et peut être vu comme une petite somme de l’enseignement du philosphe, une sorte de testament spirituel. Plotin y fait sienne la doctrine platonicienne d’un Bien transcendant, ce qui ne l’empêche pas d’adhérer aussi à la conception aristotéliciene d’un Premier moteur immobile. Pour se rapprocher de ce Bien absolu, l’âme est invitée à conformer sa vie à celle de l’intelligence, mais c’est lorsqu’elle est séparée du corps par la mort qu’elle parvient à s’unir plus pleinement au Bien. Cette méditation éthique et métaphysique comporte assurément une dimension religieuse, mais les références à la religion traditionnelle y sont rares. On y parle une fois de l’Hadès comme lieu de la sanction d’une vie mauvaise et, une fois aussi, il y est aussi question des dieux – en l’occurrence les astres – qui « possèdent le Bien sans aucun mal ».

2 A.P., qui enseigne la philosophie à l’Université de Dijon, donne de ce texte une traduction rigoureuse. Son introduction et ses commentaires, fort abondants mais dépouillés de toute vaine érudition, témoignent d’une bonne connaissance de l’œuvre

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de Plotin et s’avèrent très éclairants pour le lecteur. Comme de coutume, une bibliographie et plusieurs index complètent le travail. Cette publication répond donc bien aux objectifs initiaux qu’avait définis le directeur de la collection et suit fidèlement les modèles qu’il a lui-même donnés.

AUTEURS

ANDRÉ MOTTE Université de Liège

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Louis GERNET, Polyvalence des images. Testi e frammenti sulla leggenda greca

Vinciane Pirenne-Delforge

RÉFÉRENCE

Louis GERNET, Polyvalence des images. Testi e frammenti sulla leggenda greca, editi da Antonella Soldani, contributi di Michela Benedetti, Vanessa Ghionzoli, Lucia Marrucci, andrea Taddei, prefazione di Riccardo Di Donato, Pisa, Edizioni ETS, 2004. 1 vol. 15,5 × 22 cm, 287 p. (Antropoi. Studi e materiali di Antropologia storica del mondo antico, 1). ISBN : 88-467-0945-4.

1 L’historiographie en tant que regard d’une discipline sur elle-même a récemment ouvert quelques beaux chantiers. L’édition de correspondances entre savants européens en est une manifestation particulièrement féconde et significative. L’entrée dans le laboratoire des chercheurs par une étude rigoureuse de leurs archives en est une autre. Avec ce livre, Riccardo di Donato et de jeunes chercheurs de Pise ajoutent, depuis l’Italie, une pierre à l’édifice de cette historiographie. Dépositaire des « archives Louis Gernet », l’équipe en livre ici une sélection cohérente, articulée autour de « la légende grecque ». Cette incursion dans le laboratoire d’un intellectuel aussi indépendant que Gernet, qui a eu une influence importante sur Vernant et Detienne, pour ne citer qu’eux, est un voyage passionnant dans la genèse « d’un essai général d’analyse du mythe pour l’intelligence de la préhistoire sociale » (lettre à I. Meyerson du 8 juillet 1942), un essai qui sera fragmenté dans des contributions singulières (dont une des plus marquantes est sans conteste La notion mythique de la valeur en Grèce [Journal de psychologie 1948, repris dans Anthropologie de la Grèce antique, 1968, p. 93-137]).

2 Cet ouvrage soigneux satisfait aux exigences scientifiques d’un travail archivistique et se voit accompagné d’un apparat critique précis. Il est divisé en trois parties, chacune introduite par un long commentaire de forme et de fond, qui met également en

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perspective certaines archives non publiées. Le premier groupe, affecté par Gernet lui- même de la lettre ψ, relevait de la « psychologie », du « travail mental ». C’est là que se rencontre l’expression « polyvalence des images » – qui a donné son titre au livre. Elle est définie par Gernet comme « un phénomène de mémoire sociale » dans la mesure où des représentations (des schèmes) « ont correspondu à des objets divers de préoccupation ou d’intérêt dans des milieux successifs » (p. 48) : c’est véritablement le « fil rouge » de la réflexion portée par les brouillons qui sont ici présentés. Une analyse assez longue de la « légende de Bellérophon » montre à la fois l’originalité de Gernet (la mise en perspective ‘structurale’ des épreuves du héros) et l’obligation de se poser des questions de l’époque, même s’il ne les considérait pas comme essentielles (origine de la légende). Forcément, bon nombre de thèmes ne sont qu’ébauchés et d’autres sont repris et retravaillés dans les trois parties (Thésée, Érysichthon). La deuxième partie (Γρ ‘Grèce’) regroupe tout une série de réflexions autour de noyaux thématiques : la mort consacrante de jeunes héros, aspects de la légende de Thésée, Ino, Jason en Colchide et le labourage sacré, l’agneau d’or des Atrides – et autres talismans dorés –, l’eranos et Polydecte/Persée, Érysichthon. La troisième partie semble avoir été conçue par son auteur comme une « conclusion » (Schluss) qui renvoie notamment à un « titre » et à un « chapitre d’introduction » (p. 202). Cette conclusion montre de façon lumineuse la méthode de travail de Gernet et ses principes d’analyse. Le questionnement sur la légende pose une problématique d’histoire – en l’occurrence l’information qu’elle recèle sur le passé de la société où elle s’est constituée. Mais Gernet précise d’emblée qu’il ne s’agit pas à proprement parler de « rechercher dans la légende des éléments prétendus historiques » (par ex. le fait que tel héros ait ou non existé) : « nous nous attacherons de préférence à ce qu’il y a de mythique au sens courant… dans la légende » lorsque la distance n’est pas trop grande « entre le thème mythique et l’histoire humaine qui en est sortie » (p. 192). C’est ainsi qu’il donne à la figure d’Hélène le statut de « curiosité » qui marque l’inclinaison de la légende vers le roman et cesse dès lors d’être instructive. Dans une réflexion d’aujourd’hui, cette figure ne recèlerait pas moins que d’autres, comme Thésée ou Bellérophon, une dimension proprement mythique, si l’on ne réduit pas le « mythique » à l’évocation d’une pratique sociale. Gernet en semble conscient par ailleurs et s’oppose à la « théorie du reflet ». La légende n’est pas qu’une illustration et la mythologie « correspond à une fonction mentale autonome, qui n’est autre que la fonction esthétique, c’est-à-dire celle de la pensée par images. Il faut donc considérer le jeu des images pour lui-même… on en sera plus sûrement récompensé qu’à faire la chasse aux ‘usages primitifs’, maigre butin épars’ » (p. 202). C’est donc le travail de la légende sur les représentations et les pratiques d’une société qu’il analyse, dans un cheminement d’une étonnante modernité. L’ouvrage se referme sur un inventaire des archives, une bibliographie et un index des noms antiques.

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AUTEURS

VINCIANE PIRENNE-DELFORGE FNRS – Université de Liège

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Chronique des activités scientifiques

Revue des livres

Actes de colloques, ouvrages collectifs et mélanges

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Actes de colloques, ouvrages collectifs et mélanges

1 ACCORINTI Domenico, CHUVIN Pierre (éds), Des Géants à Dionysos. Mélanges de mythologie et de poésie grecque offerts à Francis Vian, Alessandria, Ed. dell’Orso, 2003 (Hellenica. Testi e strumenti di letteratura greca antica, medievale e umanistica, 10). D. ACCORINTI, Parturiunt montes an parturiuntur? La nascita delle montagne nel mito, p. 1-24; A. BERNABÉ, Autour du mythe orphique sur Dionysos et les Titans. Quelques notes critiques, p. 25-39;A. CAMERON, A Greek source of Ovid’s Metamorphoses?, p. 41-59; J. YOYOTTE, P. CHUVIN, Autour du solstice d’hiver : Épiphane et les fêtes alexandrines de l’éternité, p. 135-145; W. FAUTH, Kosmische Katastrophen im griechischen Mythos, p. 61-73; Ch. PIETSCH, Einheit oder bunte Fülle? Zu Funktion und Integration des Mythos in den Epinikien des Bakchylides am Beispiel des Herakles-Meleager-Mythos in B. 5, p. 173-188; A. KÖHNKEN, Apoll-Aitien bei Kallimachos und Apollonios, p. 207-213; P. CHUVIN, Anaphé, ou la dernière épreuve des Argonautes, p. 215-221; S. SAÏD, Divination et devins dans les Argonautiques, p. 255-275; J.L. LIGHTFOOT, Giants and Titans in Oracula Sibyllina 1-2, p. 393-401; H. FRANGOULIS, Les pierres magiques dans les Dionysiaques de Nonnos de Pannopolis, p. 433-445.

2 ALVAR EZQUERRA Antonio, GONZÁLEZ CASTRO José Francisco (éds.), Actas del XI Congreso Español de Estudios Clásicos (Santiago de Compostela, del 15 al 20 de septiembre de 2003), Madrid, 2005, vol. I. Alberto BERNABÉ PAJARES, ¿Qué se puede hacer con un pájaro? ὀρνίθειονen el Papiro de Derveni, p. 287-297; Francesc CASADESÚS BORDOY, Adaptaciones e interpretaciones estoicas de los poemas de Orfeo, p. 309-18; Ana Isabel JIMÉNEZ SAN CRISTÓBAL, El concepto de dike en el orfismo, p. 351-361; Raquel MARTÍN HERNÁNDEZ, Orfeo, el orfismo y la magia en los s. V y IV a. C., p. 375-383; Inmaculada RODRÍGUEZ MORENO, Influencias de los Oráculos Caldeos en Porfirio de Tiro, p. 385-395; Marco Antonio SANTAMARÍA ÁLVAREZ, ΠΟΙΝΑΣ ΤΙΝΕΙΝ. Culpa y expiación en el orfismo, p. 397-405; Pilar DÍEZ DEL CORRAL CORREDOIRA, Los contextos del amor. Eros en las imágenes de cortejo de Dioniso y Ariadna, p. 431-441; Fátima DÍEZ PLATAS, Agua para los vivos, agua para los muertos: sobre iconografía y función en los lutróforos áticos de época arcaica, p. 443-453; Jesús-María NIETO IBÁÑEZ, El mito de Tifón y el antijudaísmo de Egipto, p. 525-534; María Elena RODRÍGUEZ TEN, Las Dédalas de Platea: ¿un festival de Hera?, p. 569-577.

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3 AMBOS Claus, HOTZ Stephan, SCHWEDLER Gerald, WEINFURTER Stefan (éds), Die Welt der Rituale. Von der Antike bis heute, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2005. E. STAVRIANOPOULOU, Die „gefahrvolle“ Bestattung von Gambreion, p. 24-37; ead., Priester gesucht, Erfahrung erwünscht!, p. 90-95; St. HOTZ,Delphi – ein störrische Ziege und Priester unter Druck, p. 102-105; A. CHANIOTIS, Ein mißverstandenes Ritual der griechischen Diplomatie: Geschichte als Argument, p. 106-109; St. HOTZ, Eine „grenzüberschreitende“ Prozession in Athen, p. 133-136; E. STAVRIANOPOULOU, Göttin Bendis in Attika, p. 144-155; A. CHANIOTIS, Akzeptanz von Herrschaft durch ritualisierte Dankbarkeit und Erinnerung, p. 188-204; E. STAVRIANOPOULOU, Die Würde des Priesters ist unantastbar, p. 225-232.

4 ANGELI BERNARDINI Paola (éd.), La città di Argo. Mito, storia, tradizioni poetiche. Atti del convegno internazionale (Urbino, 13-15 giugno 2002), Roma, Ateneo, 2004. M. PIÉRART, Deux voisins. Argos et Épidaure (mythe, société, histoire), p. 19-34; C. BRILLANTE, Genealogie argive: dall’asty phoronikon alla città di Perseus, p. 35-56; E. CINGANO, Tradizioni epiche intorno ad Argo da Omero al VI sec. a.C., p. 59-78; O. OLIVIERI, Analoge rovesciamenti tra i Sette e gli Epigoni, p. 79-91; M. CANNATÀ FERA, Poesia e statuaria: gli eroi argivi di Pindaro e di Antifane, p. 95-106; B. D’ALESSIO, Argo e l’Argolide nei canti cultuali di Pindaro, p. 107-125; P. ANGELI BERNARDINI, La città e i suoi miti nella lirica corale: l’Argolide e Bacchilide, p. 127-145; G. AVEZZÙ, Mappe di Argo, nella tragedia, p. 149-161; C. CATENACCI, Realtà e immaginario negli scudi dei Sette contro Tebe di Eschilo, p. 163-176; C. CALAME , Le funzioni di un racconto genealogico: Acusilao di Argo e la nascita della storiografia, p. 229-243; E. SUÁREZ DE LA TORRE, Los oráculos sobre Argos, p. 245-262; M. DORATI, Pausania, le Pretidi e la triarchia argiva, p. 295-320.

5 BAKEWELL Geoffrey W., SICKINGER James P. (éds), Gestures. Essays in ancient history, literature, and philosophy presented to Alan L. Boegehold on the occasion of his retirement and his seventy- fifth birthday, Oxford, Oxbow books, 2003. L. ATHANASSAKI, A divine audience for the celebration of Asopichus’ victory in Pindar’s Fourteenth Olympian ode, p. 3-15; P. GREEN, Delivering the go(o)ds: Demetrios Poliorcetes and Hellenistic divine kingship, p. 258-277; D.D. PHILLIPS, The bones of Orestes, p. 301-316.

6 BINDER Gerhard, EFFE Bernd, GLEI Reinhold (éds), Gottmenschen. Konzepte existenzieller Grenzüberschreitung im Altertum, Trier, Wissenschaftlicher Verlag Trier, 2003 (Bochumer Altertumswissenschaftliches Colloquium, 55). L.-M. GÜNTHER, Hellenistische Könige als Götter: Das Beispiel der Ptolemäer, p. 9-26; B. EFFE, Der Held als Gott: Die Apotheose des Herakles in der alexandrinischen Dichtung, p. 27-43; Th. PAULSEN, Verherrlichung und Verspottung. Die Gestalt des ‘Gottmenschen’ bei Philostrat und Lukian, p. 97-120; W. GEERLINGS, Die theios anêr-Vorstellung der ‘Religionsgeschichtlichen Schule’ und ihre Kritik, p. 121-131.

7 BROZE Michèle, COULOUBARITSIS Lambros, HYPSILANTI Aimilia, MAVROMOUSTAKOS Platon, VIVIERS Didier (éds), Le mythe d’Hélène, Bruxelles, Éditions Ousia, 2004 (coll. « Mythes et religions »). Philippe ROUSSEAU, La Toile d’Hélène (Iliade III, 125-128), p. 9-43; Ioanna PAPADOPOULOU- BELMEHDI, Ethos et Epos : Hélène dans la Rhapsodie psi de l’Odyssée, p. 45-88; Pietro PUCCI, Prosopopée d’Hélène, p. 89-119; Lambros COULOUBARITSIS, Les passions d’« Hélène », p. 121-131; Michèle BROZE, Françoise LABRIQUE, Hélène, le cheval de bois et la peau de l’âne, p. 133-187; Michalis MERAKLIS, Références folkloriques au sujet de la belle Hélène, p. 189-195;

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Costas GIORGOUSSOPOULOS, L’Hélène de Faust II : une critique du romantisme ?, p. 197-202; Mairi ECONOMOU, Helen and her Lovers, p. 203-219; André DEISSER, Hélène dans la littérature néo-hellénique, p. 221-242; V. KONDOYANNI, De la guerre de Troie à la question chypriote : Hélène dans l’œuvre de Séféris, p. 243-252; G. GIATROMANOLAKIS, Giannis Ritsos : Hélène. Un poème politique ?, p. 253-268; Jina KALOGIROU, Le crépuscule des héros : mythe et ethos dans la quatrième dimension de Yannis Ritsos, p. 269-284; Platon MAVROMOUSTAKOS, Hélène dans le théâtre grec moderne, p. 285-293.

8 CANDAU MORÓN José María, GONZÁLEZ PONCE Javier, CRUZ ANDREOTTI Gonzalo (éds), Historia y mito. El pasado legendario como fuente de autoridad. Actas del Simposio Internacional celebrado en Sevolla, Valverde del Camino y Huelva (abril 2003), Málaga, Servicio de Publicaciones, Centro de ediciones de la Diputación, 2004. Ph. A. STADTER, From the mythical to the historical paradigm: the transformation of myth in Herodotus, p. 31-46; E. LANZILLOTA, Patriotismo e tradizioni mitiche. Le origine della storiografia locale in Grecia, p. 47-55; G. SCHEPENS, J. BOLLANSÉE, Myths on the origins of peoples and the birth of universal history, p. 57-75; A. PÉREZ JIMÉNEZ, Dos héroes fundadores. La Vidas de Teseo y Rómulo de Plutarco, p. 165-178; P. GIOVANNELLI-JOUANNA, L’hellénisme chez les historiens grecs et le Périple d’Héraclès dans l’ouest de la Méditerranée. Les enjeux du mythe, p. 193-208.

9 CAPDEVILLE Gérard (éd.), L’Eau et le feu dans les religions antiques. Actes du premier colloque international d’histoire des religions organisé par l’École doctorale Les Mondes de l’Antiquité, Paris, 18-20 mai 1995, Université de Paris IV-Sorbonne / École Normale Supérieure, Paris, De Boccard, 2004 (De l’Archéologie à l’Histoire). Dominique BRIQUEL, Le thème indo-européen du feu dans l’eau. Application à la Grèce, p. 11-23; Alain MOREAU, L’eau sur le feu, le feu dans l’eau. La marmite de Médée, l’épée de Clytemnestre et l’ordre cosmique, p. 25-35; Gérard CAPDEVILLE, Le volcan dans la mer ou l’initation d’Hèphaistos, p. 37-59; Paul WATHELET, Le combat d’Héphaïstos contre le Scamandre et le Simoïs dans l’Iliade, p. 61-77; Françoise BADER, L’eau et le feu du guerrier : l’ordalie d’Achille dans le Scamandre-Xanthe, p. 79-115; Pierre SOMVILLE, Virgile et la source grecque. Le rôle des quatre éléments dans le sixième livre de l’Énéide, p. 149-154.

10 COULOUBARITSIS Lambros, OST J.-F. (éds), Antigone et la résistance civile, Bruxelles, Éditions Ousia, 2004. Jacques TAMINIAUX, Antigone dans l’histoire de la philosophie, p. 9-39; Ana IRIARTE, Antigone Autonomos, p. 41-55; Pierre SOMVILLE, Antigone et l’autre lumière, p. 57-62; Sophie KLIMIS, Antigone et Créon à la lumière du « terrifiant/extraordinaire » ( deinotès) de l’humanité grecque, p. 63-102; Jean ALAUX, Antigone et Niobé : sous le signe de l’oxymore, p. 103-125; Mariela Rotaru CONSTANTINESCU, Pour une phénoménologie du poétique dans la tragédie « Antigone » de Sophocle et ses avatars littéraires, p. 127-141; Myriam WATTHÉE-DELMOTTE, « Antigone ne se retourne pas ». Écriture et résistance chez Henri Bauchau, p. 143-159; Benoît FRYDMAN, La rhétorique judiciaire dans l’Antigone de Sophocle, p. 161-183; Philippe GÉRARD, Les enjeux politiques d’Antigone, p. 185-203; Anne-Marie ROVIELLO, Antigone n’est pas toujours là où on l’attend, p. 205-230; Jean-Yves CARLIER, Le cri d’Antigone, de l’exil à la résistance, p. 231-244; Monique LAMBERT, Antigone et le civisme aujourd’hui, p. 245-270; Entretien avec Henry Bauchau, p. 271-276.

11 CSAPO Eric, MILLER Margaret C. (éds), Poetry, Theory, Praxis. The social life of myth, word and image in ancient Greece. Essays in honour of William J. Slater, Oxford, Oxbow books, 2003.

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R. FOWLER, Pelasgians, p. 2-18; M.C. MILLER, Art, myth and reality: Xenophantos’ lekythos re- examined, p. 19-47; R. HAMILTON, Lenaea vases in context, p. 48-68;E. CSAPO, The dolphins of Dionysus, p. 69-98; B. SEIDENSTICKER, The chorus of the satyr-play, p. 100-121; E. SIMON, Hypermestra and Lynkeus, p. 122-128; M. CROPP, Hypsipyle and Athens, p. 129-145; J.R. PORTER, Orestes the ephebe, p. 146-178; J.R. GREEN, Speculations on the tragic poet Sthenelus and a comic vase in Richmond, p. 179-185; R. GARLAND, Up-staging Greek tragedy: the use (and abuse) of genre?, p. 186-202; M. STEINHART, Literate and wealthy women in Archaic Greece: the case of Telestas Hydria, p. 204-231; M.W. DICKIE, The topic of envy and emulation in an agonistic inscription from Oenoanda, p. 232-246; N. ROBERTSON, Aesop’s encounter with Isis and the Muses, and the origins of the Life of Aesop, p. 247-266.

12 DASEN Véronique (éd.), Naissance et petite enfance dans l’Antiquité. Actes du colloque de Fribourg, 28 novembre – 1er décembre 2001, Fribourg/Göttingen, Academic Press / Vandenhoeck & Ruprecht, 2004 (Orbis Biblicus et Orientalis, 203). Vincent BARRAS, La naissance et ses recettes en médecine antique, p. 93-102; John BOARDMAN, Unnatural conception and birth in Greek mythology, p. 103-112; Philippe BORGEAUD, L’enfance au miel dans les récits antiques, p. 113-126; Véronique DASEN, Femmes à tiroir, p. 127-144; Mark GOLDEN, Mortality, mourning and mothers, p. 145-157; Yvette MORIZOT, Offrandes à Artémis pour une naissance. Autour du relief d’Archinos, p. 159-170; Vinciane PIRENNE- DELFORGE, Qui est la Kourotrophos athénienne ?, p. 171-185.

13 GUGLIELMO Marcella, BONA Edoardo (éds), Forme di comunicazione nel mondo antico e metamorfosi del mito. Dal teatro al romanzo, Allessandria, Ed. dell’Orso, 2003 (Culture antiche, studi e testi, 17). A. ALONI, Teseo, un eroe dalle molte identità, p. 1-22; A. BELTRAMETTI, Storie e drammi di regalità nell’Atene periclea. Di Ciro e di Edipo, di Solone e del Sileno, p. 23-41; J. PÒRTULAS, ‘Molto hai toccato il moi cuore, figlio di Filammone… (Reso, 890-973), p. 43-48; P. PINOTTI, Metamorfosi del mito e prefigurazioni del romanzo nella scrittura platonica, p. 49-78; J.-M. BERTRAND, Mensonges, mythes et pratiques du pouvoir dans les cités platoniciennes, p. 79-96; C. CHIESA, Platon et le bon usage des fables platoniciennes, p. 97-111; A. JAULIN, La transformation du mythos dans la Poétique d’Aristote, p. 113-120; D. MICALELLA, I miti e l’arte del poeta tragico (Aristot. Poet. 1454a 9 ss.), p. 121-133; O. GENGLER, Héritage épique et lyrique dans la poésie alexandrine : les Dioscures et les Apharétides d’Homère à Lycophron, p. 135-147; F. BESSONE, Discussione del mito e polifonia narrativa nelle Heroides, Enone, Paride ed Elena (Ov. Her. 5 e 16-17), p. 149-185; D. VAN MAL-MAEDER, Credibiles fabulas fecimus. Mythe, rhétorique et fiction dans les déclamations latines, p. 187-200; E. BERARDI, Mito e storia nella diatriba cinico- stoica (una lettura dell’or. 17 di Dione di Prusa), p. 201-213; C. HERRENSCHMIDT, Callirhoé et Chariclée héroïnes monétaires ? Une proposition à paropos de Chéréas et Callirhoé de Chariton et des Éthiopiques d’Héliodore, p. 215-233; D. CRISMANI, La donna velata e altri ricordi di scena tra le pagine del romanzo greco, p. 235-241; G.F. GIANOTTI, Andromeda e Psiche. Storie nuziali e assunzioni in cielo, p. 243-257; M. CURNIS, Un tópos quasi immancabile: la tempesta marina tra teatro e romanzo, p. 259-273; R. FALCETTO, Il mito di Palamede nell’Heroikos di Filostrato, p. 275-297; M.T. CLAVO, Comunicare a Delfi: lo Ione euripideo e le Etiopiche di Eliodoro, p. 299-321; M. SEITA, Oreste e Elettra al tempo di Robespierre. Nota a Les dieux ont soif di Anatole France, p. 323-334.

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14 KARAGEORGHIS Vassos, TAIFACOS Ioannis (éds), The World of Herodotus. Proceedings of an intern. conference held at the Foundation A.G. Leventis, Nicosia, September 18-21, 2004, Nicosa, Foundation A.G. Leventis, 2004. R. PARKER, Sacrificing twice seven children: queen Amestris’ exchange with the god under the earth (7, 114), p. 151-157; P. FUNKE, Herodotus and the major sanctuaries of the Greek world, p. 159-167; Th. HARRISON, Truth and lies in Herodotus’ Histories, p. 255-263; D. HARVEY, Herodotus mythistoricus: Arion and the liar?, p. 287-305.

15 KOESTER Helmut (éd.), Ephesos. Metropolis of Asia. An interdisciplinary approach to its archaeology, religion, and culture, Cambridge, Mass., Harvard UP, 2004 (HThS, 42). Ch. THOMAS, At home in the city of Artemis: religion in Ephesos in the literary imagination of the Roman Period, p. 81-117; D. KNIBBE, Via sacra Ephesiaca. New aspects of the cult of Artemis Ephesia, p. 141-155; H. THÜR, The processional way in Ephesos as a place of cult and burial, p. 157-199; St. FRIESEN, The cult of the Roman emperors in Ephesos: temple wardens, city titles, and the interpretation of the Revelation of John, p. 229-250; M. AURENHAMMER, Sculptures of gods and heroes from Ephesos, p. 251-280; J. WALTERS, Egyptian religions in Ephesos, p. 281-290.

16 KOTJABOPOULOU Eleni, HAMILAKIS Yannis, HALSTEAD Paul, GAMBLE Clive, ELEFANTI Paraskevi (éds), Zooarchaeology in Greece. Recent advances, London, The British School at Athens, 2003 (Studies, 9). G. FORSTENPOINTNER, Promethean Legacy: investigations into the ritual procedure of ‘Olympian’ sacrifice, p. 203-213; I. CHENAL-VELARDE, J. STUDER, Archaeozoology in a ritual context: the case of a sacrificial altar in geometric Eretria, p. 215-220; Y. HAMILAKIS, The sacred geography of hunting: wild animals, social power and gender in early farming societies, p. 239-247.

17 MARTÍNEZ PINNA Jorge (ed.), Mito y ritual en el antiguo Occidente mediterráneo, Málaga, 2002.

Juan F. MARTOS MONTIEL, Sexo y ritual: la prostitución sagrada en la antigua Grecia, p. 7-38; Francisco SÁNCHEZ JIMÉNEZ, Prodigios y política: Filócoro F 67 Jacoby, p. 39-53; Dominique BRIQUEL, Rite étrusque et mythe grec : les funérailles de Patrocle dans l’Iliade et le rituel de divinisation des morts en Étrurie, p. 73-90.

18 M. MAZOYER, O. CASABONNE (éds), Studia Anatolica et varia. Mélanges offerts au professeur René Lebrun II, Paris, L’Harmattan, 2000 (coll. Kubaba. série Antiquité, 6). Sophie LALAGÜE-DULAC, Typhon, doublet cilicien d’Héphaïstos ?, p. 13-28;André MOTTE, Xénophane de Colophon et la naissance d’une théologie nouvelle, p. 151-194; Isabelle TASSIGNON, Dionysos et les rituels dendrophoriques de Magnésie du Méandre, p. 315-335.

19 Mythe et mythologie dans l’Antiquité gréco-romaine, publié dans Europe. Revue mensuelle 82e année, 904-905 (août-septembre 2004). Bernard MEZZADRI, Le mythe, objet tabou ?, p. 3-8; Claude CALAME, Du muthos des anciens Grecs au mythe des anthropologues, p. 9-37; Diego LANZA, Nés de la même mère ?, p. 38-54; Lucien SCUBLA, Sur le mythe de Prométhée et l’analyse du sacrifice grec, p. 55-72; Françoise LÉTOUBLON, Le rossignol, l’hirondelle et l’araignée, p. 73-102; Ezio PELLIZER, Épreuves d’amour, épreuves de mort, p. 103-118; Luc BRISSON, L’attitude de Platon à l’égard du mythe, p. 119-132; Bernard MEZZADRI, Socrate, le monstre et le père, p. 133-153; Jesper SVENBRO, Le mythe d’Ajax, p. 154-175; John SCHEID & Jesper SVENBRO, Le mythe de Vertumne, p. 176-190; Mary BEARD, Sur la piste du mythe romain, p. 191-218; Florence DUPONT, Mythe et rituel à Rome, p. 219-230; Pierre et André SAUZEAU, La quatrième fonction, p. 231-253; David BOUVIER, Le

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héros grec au pays des dictionnaires, p. 254-266; Alain MONNIER, Miroir du mythe – L’Inca Pachacuti, p. 267-275.

20 SCOLNICOV Samuel, BRISSON Luc (éds), Plato’s Laws: From Theory into Practice. Proceedings of the VIth Symposium Platonicum. Selected Papers, Sankt Augustin, Academia Verlag, 2003 (International Plato Studies, 15). M. SCHOFIELD, Religion and philosophy in the Laws, p. 1-13; J. DILLON, Philip of Opus and the theology of Plato’s Laws, p. 304-311; F. BRENK, Finding one’s place: Eschatology in Plato’s Laws and first-century Platonism, p. 312-319.

Contributions particulières

21 ALONI A., « L’ira di Era: tracce di committenza samia nell’Inno omerico a Apollo », in E. CAVALLINI (éd.), Samo. Storia, letteratura, scienza. Atti delle giornate di studio, Ravenna, 14-16 novembre 2002, Pisa/Roma, Istituti editoriali e poligrafici internazionali, 2004 (AION(fil). Quaderni 8), p. 13-29.

22 ANDO Clifford, « A Religion for the Empire », in A.J. BOYLE, W.J. DOMINIK (éds), Flavian Rome. Culture, image, text, Leiden, Brill, 2003, p. 323-344.

23 ANEZIRI S., DAMASKOS D., « Städtische Kulte im hellenistischen Gymnasion », in D. KAH, P. SCHOLZ (éds), Das hellenistische Gymnasion, Berlin, Akademie Verlag, 2004, p. 247-271.

24 ATHANASSIADI P., « Hellenism: a Theological Koine », in V. KARAGEORGHIS (éd.), The Greeks beyond the Aegean: from Marseilles to Bactria. Papers presented at an intern. symposium held at the Onassis cultural center, New York, 12th october 2002, New York, 2003, p. 189-207.

25 AUBRIOT Danièle, « Entre Héphaïstos et Poséidon. Cataclysmes homériques », in E. FOULON (éd.), Connaissance et représentations des volcans dans l’antiquité. Actes du colloque de Clermont-Ferrand, Université Blaise Pascal, 19-20 septembre 2002, Clermont- Ferrand, Presses Univ., 2004, p. 13-37.

26 BERNABÉ A., « Hittites and Greeks. Mythical influences and methodological considerations », in R. ROLLINGER, C. ULF (éds), Griechische Archaik. Interne Entwicklungen – Externe Impulse, Berlin, Akademie Verlag, 2004, p. 291-310.

27 BÖHME Stephanie, « The ‘naked goddess’ in early Greek art: an orientalizing theme par excellence », in N.C. STAMPOLIDIS, V. KARAGEORGHIS (éds), Ploes… See routes… Interconnections in the Mediterranean 16th – 6 th c. BC. Proceedings of the inter. symposium held at Rethymnon, Crete, September 2002, Athens, Univ. of Crete; A.G. Leventis Foundation, 2003, p. 363-370.

28 BOOKIDIS Nancy, « The sanctuaries of Corinth », in Ch. K. WILLIAMS II, N. BOOKIDIS (éds), Corinth. Results of excavations conducted by the American classical studies at Athens XX: Corinth, the centenary 1896-1996, Oxford, Oxbow books, The American school of classical studies at Athens, 2003, p. 247-259.

29 BREMMER Jan, « Pandora of the creation of a Greek Eve », in G.P. LUTTIKHUIZEN (éd.), The Creation of Man and Woman. Interpretations of the Biblical Narratives in Jewish and Christian Traditions, Leiden, Brill, 2000, p. 19-33.

30 BREMMER Jan, « Remember the Titans! », in C. AUFFARTH, L. STUCKENBRUCK (éds), The Fall of the Angels, Leiden, Brill, 2003, p. 35-61.

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31 BREMMER Jan, « Don’t Look Back: From the Wife of Lot to Orpheus and Eurydice », in Ed NOORT, E. TIGCHELAAR (éds), Sodom’s Sin. Genesis 18-19 and its Interpretations, Leiden, Brill, 2004, p. 131-145.

32 CARITÀ Cristina, « Un episodio di asylia all’Heraion della Perachora », in G.D. ROCCHI, M. CAVALLI (éds), Il Peloponneso di Senofonte. Giornate di Studio del Dottorato di Ricerca in Filologia, Letteratura e Tradizione classica, Milano, 1-2 aprile 2003, Milano, Cisalpino, 2004,p. 93-113.

33 CASADIO Giovanni, « Hera a Samo », in E. CAVALLINI (éd.), Samo. Storia, letteratura, scienza. Atti delle giornate di studio, Ravenna, 14-16 novembre 2002, Pisa/Roma, Istituti editoriali e poligrafici internazionali, 2004 (AION(fil). Quaderni 8), p. 135-155.

34 CHANIOTIS Angelos, « Under the watchful eyes of the gods: divine justice in Hellenistic and Roman Asia Minor », in S. COLVIN (éd.), The Greco-Roman East. Justice, Culture, Society, Cambridge UP, 2004 (Yale Classical Studies, 31), p. 1-43.

35 DALLY O., « ‘Pflege’ und Umnutzung heidnischer Tempel in der Spätantike », in G. BRANDS, H.-G. SEVERIN (éds), Die spätantike Stadt und ihre Christianisierung. Symposium vom 14. bis 16. Februar 2000 in Halle/Saale, Wiesbaden, Reichert, 2003, p. 97-114.

36 DEACY S., VILLING A., « Athena blues? Color and divinity in Ancient Greece », in L. CERCHIAI, L. JANNELI, F. LONGO (éds), The Greek Cities of Magna Grecia and Siciy, Los Angeles, The Paul Getty Museum, 2004, p. 85-90.

37 DI DONATO Ricardo, « Il culto degli eroi ad Atene: l’evidenza e i modelli », in St. BRUNI, T. CARUSO, M. MASSA (éds), Archaeologica pisana. Scritti per Orlanda Pancrazzi, Pisa, Giardini editori e stampatori, 2004 (Terra Italia. Collana di studi archeologici sull’Italia antica, 7), p. 143-146.

38 DIGNAS Beate, « Posidippus and the mysteries. Epitymbia read by the ancient historian » , in B. ACOSTA-HUGHES, E. KOSMETATOU, M. BAUMBACH (éds), Labored in Papyrus Leaves: perspectives on a epigram collection attributed to Posidippus (P.Mil.Vogl. VIII 309) , Washington, Center for Hellenic Studies, 2004 (Hellenic Studies, 2), p. 177-186.

39 DIXSAUT M., « Divination et prophétie (Timée 71a-72d) », in C. NATALI, S. MASO (éds), Plato physicus. Cosmologia e antropologia nel Timeo, Amsterdam, Hakkert, 2003, p. 275-291.

40 FELTEN F., « Neues zu Apollon und Demeter in Aigina », in B. ASAMER, W. WOHLMAYR (éds), Akten des 9. Österreichischen Archäologentages am Institut für Klassische Archäologie der Paris Lodron – Universität Salzburg, 6.-8. Dezember 2001, Wien, Phoibos Verlag, 2003, p. 41-45.

41 GIACOMETTI D., « Erodoto: la festa fra storia e rito », in A.-M. BIRASCHI, P. DESIDERI, S. RODA, G. ZECCHINI (éds), L’uso dei documenti nella storiografia antica, Perugia, Edizioni scientifiche italiane, 2004 (Incontri perugini di storia della storiografia, 12), p. 187-204.

42 GRECO G. et al., « L’incidenza della ceramica attica nei santuari. Il caso di Gela », in R. PANVINI, F. GIUDICE (éds), Ta Attika. Veder greco a Gela. Ceramiche attiche figurate dall’antica colonia. Gela, Siracusa, Rodi, Roma, L’ ‘Erma’ di Brestschneider, 2003, p. 157-184 (cf. supra, p. 521).

43 GUÉPIN J.-P., « Is there a night side to Greek religion? In defence of festivity », in M. ZIMMERMANN, R. VAN DER PAARDT (éds), Metamorphic reflections. Essays presented to Ben Hijmans at his 75th birthday, Leuven, Peeters, 2004, p. 41-67.

44 HABICHT Christian, « Notes on the Priests of Athena Lindia », in B. VIRGILIO (éd.), Studi Ellenistici XVI, Pisa, Giardini Editori, 2005, p. 71-78.

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45 HAUBEN Hans, « Christ versus Apollo in Early Byzantine Kourion? with a note on the so- called ‘Panayia Aphroditessa’ in Paphos », in B. JANSSENS, B. ROOSEN, P. VAN DEUN (éds), Philomathestatos. Études de patristique grecque et textes byzantins offert à J. Noret à l’occasion de ses 65 ans, Leuven, Peeters, 2004 (Orientalia Lovaniensia Analecta, 137), p. 269-284.

46 HENRICHS Albert, « Writing Religion. Inscribed Texts, Ritual Authority, and the Religious Discourse of the Polis », in H. YUNIS (éd.), Written Texts and the Rise of Literate Culture in Ancient Greece, Cambridge, Univ. Press, 2003, p. 38-58.

47 HIDAL St., « When and why is a sacrifice rejected? A comparison between Homer and the Old Testament », in P. SANDIN, M. WIFSTRAND SCHIEBE (éds), Dais Philêsistephanos. Studies in honour of Professor Staffan Fogelmark. Presented on the occasion of his 65 th birthday, Uppsala, Dahlia books, 2004, p. 11-18.

48 HOWIE G., « Apollo’s dealings with Chiron and Croesus: ambiguity and hymnic predication in Hesiod’s Theogony, Pindar’s 9thPythian and Herodotus I », in P. SANDIN, M. WIFSTRAND SCHIEBE (éds), Dais Philêsistephanos. Studies in honour of Professor Staffan Fogelmark. Presented on the occasion of his 65th birthday, Uppsala, Dahlia books, 2004, p. 21-69.

49 JAMESON Michael, « Mapping Greek Cults », in F. KOLB (éd.), Chora und Polis, München, Oldenbourg, 2004 (Schriften des Historischen Kollegs. Koloquien, 54), p. 147-183.

50 JOUAN François, « Dieux et héros d’Athènes dans l’Érechthée d’Euripide », in IXe Congrès intern. de Delphes sur le drame grec ancien (Delphes, juillet 1998), Athènes, 2004, p. 57-69.

51 KARAGEORGHIS Jacqueline, « The goddess of Cyprus between the Orient and the Occident », in N.C. STAMPOLIDIS, V. KARAGEORGHIS (éds), Ploes… See routes… Interconnections in the Mediterranean 16th – 6th c. BC. Proceedings of the inter. symposium held at Rethymnon, Crete, September 2002, Athens, Univ. of Crete; A.G. Leventis Foundation, 2003, p. 353-362.

52 KEARNS Emily, « The Gods in the Homeric Epics », in R. FOWLER (éd.), The Cambridge Companion to Homer, Cambridge UP, 2004, p. 59-73.

53 KRALLI I., « The date and context of divine honours for Antigonos Gonatas – a suggestion », in O. PALAGIA, S.V. TRACY (éds), The Macedonians in Athens 322-229 B.C. Proceedings of an intern. conference held at the University of Athens, May 24-26, 2001, Oxford, Oxbow books, 2003, p. 61-66.

54 MARI M., « Macedonians and anti-Macedonians in early Hellenistic Athens: reflections on asebeia, in O. PALAGIA, S.V. TRACY (éds), The Macedonians in Athens 322-229 B.C. Proceedings of an intern. conference held at the University of Athens, May 24-26, 2001, Oxford, Oxbow books, 2003, p. 82-92.

55 MOREAU Alain, « Une pratique des magiciennes et sorcières de l’Antiquité : les perturbations astrales et météorologiques », in Chr. CUSSET (éd.), La météorologie dans l’Antiquité entre science et croyance, Université de St-Étienne, 2003, p. 169-178.

56 MOREAU Alain, « Tithonos », in B. BAKHOUCHE (éd.), L’Ancienneté chez les Anciens. II : La vieillesse dans les sociétés antiques : la Grèce et Rome, Univ. de Montpellier III, 2003, p. 341-356.

57 MOTTE André, «Nativité divine à l’ombre du palmier de Délos et naissance d’un philosophe sous un platane de la campagne athénienne », in M. MAZOYER, J. PÉREZ REY, R. LEBRUN, F. MALBRAN-LABAT (éds), L’arbre : symbole et réalité. Actes des Premières journées

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universitaires de Hérisson organisées par la ville de Hérisson et les Cahiers KUBABA (Université de Paris I – Panthéon-Sorbonne) les 21 et 22 juin 2002, Paris, L’Harmattan, 2003 (Collection KUBABA),p. 159-174.

58 MOTTE André, « Figures du prêtre dans la littérature grecque », in A. MOTTE, P. MARCHETTI (éds), La figure du prêtre dans les grandes traditions religieuses. Actes du Colloque en hommage à M. l’abbé Julien Ries à l’occasion de ses 80 ans par les Départements de Langues et littératures classiques et de Philosophie des Facultés Universitaires Notre- Dame de la Paix en collaboration avec la Société belgo-luxembourgeoise d’Histoires des Religions (Namur, du 26 au 28 octobre 2000), Leuven, Peeters, 2005 (Collection d’Études classiques, 20), p. 1-31.

59 MOTTE André, « Tempo della festa e tempo del mito nella religione greca », in N. SPINETO (éd.), Interrompere il quotidiano. La costruzione del tempo nell’esperienza religiosa, Milano, Jaca Book, 2005, p.61-82.

60 OBBINK Dirk, « Vergil’s De pietate: from Ehoiae to allegory in Vergil, Philodemus and Ovid », in D. ARMSTRONG, J. FISCH, P. JOHNSTON, M.B. SKINNER (éds), Vergil, Philodemus, and the Augustans, Austin, Texas UP, 2004, p. 175-209.

61 OTTO B., « Opferbräuche im Demeterheiligtum von Herakleia in Lukanien », in B. ASAMER, W. WOHLMAYR (éds), Akten des 9. Österreichischen Archäologentages am Institut für Klassische Archäologie der Paris Lodron – Universität Salzburg, 6.-8. Dezember 2001, Wien, Phoibos Verlag, 2003, p. 147-150.

62 PARKER Robert, « What are sacred laws? », in E.M. HARRIS, L. RUBINSTEIN (éds), The Law and the Courts in Ancient Greece, London, Duckworth, 2004, p. 57-70.

63 PELLIZER Ezio, « Il mito e la città », in M. VETTA (éd.), La civiltà dei Greci. Forme, luoghi, contesti, Roma, Carocci editore, 2001, p. 105-129.

64 ROWE Ch., « The status of ‘myth’ in Plato’s Timaeus », in C. NATALI, S. MASO (éds), Plato physicus. Cosmologia e antropologia nel Timeo, Amsterdam, Hakkert, 2003, p. 21-31.

65 SHAPIRO Alan, « Theseus and Adriadne on Crete: the Dinos Painter’s krater from Gela », in R. PANVINI, F. GIUDICE (éds), Ta Attika. Veder greco a Gela. Ceramiche attiche figurate dall’antica colonia. Gela, Siracusa, Rodi, Roma, L’ ‘Erma’ di Brestschneider, 2003, p. 229-238.

66 SINEUX Pierre, « La visite au sanctuaire : le Mime IV d’Hérondas ou propos sarcastiques sur une émotion esthétique », in C. BERTHO LAVENIR (éd.), La visite du monument, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2004 (Collection Histoires croisées), p. 31-48.

67 STRATIKI Kerasia, « Melas in Greek cultural practices: the case of heroic sacrifices in the Periegesis of Pausanias », in L. CERCHIAI, L. JANNELI, F. LONGO (éds), The Greek Cities of Magna Grecia and Siciy, Los Angeles, The Paul Getty Museum, 2004, p. 106-109.

68 SUÁREZ DE LA TORRE Emilio, « L’eau dans la religion et la magie en Grèce ancienne », in M.-Fr. MARIEN, P. VOISIN (éds), Actes du XXXVIe Congrès de l’Association des professeurs de langues anciennes de l’enseignement supérieur, Pau 23, 24 et 25 mai 2003, Pau, 2004, p. 77-99.

69 TURCAN Robert, « Note sur les ‘dieux portables’ », in Fr. CHAUSSON, Ét. WOLFF (éds), Consuetudinis amor. Fragments d’histoire romaine (IIe – VIe siècles) offerts à Jean-Pierre Callu, Roma, ‘L’Erma’ di Bretschneider, s.d. (Saggi di Storia Antica, 19), p. 409-417.

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70 VAN BREMEN Riet, « Leon son of Chrysaor and the religious identity of Stratonikeia in Caria », in S. COLVIN (éd.), The Greco-Roman East. Justice, Culture, Society, Cambridge UP, 2004 (Yale Classical Studies, 31), p. 207-244.

71 VILLANI Stefano, « Presagi, prodigi e sacrifici nelle Elleniche, in G.D. ROCCHI, M. CAVALLI (éds), Il Peloponneso di Senofonte. Giornate di Studio del Dottorato di Ricerca in Filologia, Letteratura e Tradizione classica, Milano, 1-2 aprile 2003, Milano, Cisalpino, 2004, p. 287-305

72 WARD-PERKINS B., « Reconfiguring sacred space: from pagan shrines to Christian churches », in G. BRANDS, H.-G. SEVERIN (éds), Die spätantike Stadt und ihre Christianisierung. Symposium vom 14. bis 16. Februar 2000 in Halle/Saale, Wiesbaden, Reichert, 2003, p. 285-290.

73 WIGODSKY M., « Emotions and immortality in Philodemus, On the gods 3 and the Aeneid », in D. ARMSTRONG, J. FISCH, P. JOHNSTON, M.B. SKINNER (éds), Vergil, Philodemus, and the Augustans, Austin, Texas UP, 2004, p. 211-228.

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Revue des Revues

Vinciane Pirenne-Delforge et Angel Ruiz Pérez

1 Cette chronique a été réalisée à Liège par Vinciane Pirenne-Delforge et à Santiago de Compostella par Angel Ruiz Pérez, pour les revues espagnoles. Toutes les références glanées au cours du dépouillement sont également mentionnées, sans que tous les articles en question aient pu être consultés, afin de fournir un parnorama le plus complet possible. Ce dépouillement concerne essentiellement les publications des années 2002 à 2004, auxquelles on a ajouté les tomes des revues portant un millésime antérieur mais seulement disponibles depuis peu. Nous remercions tous ceux qui pensent à nous envoyer leurs contributions sur la religion grecque.

2 AJOOTIAN Aileen, « Hermes / Omphalos Apollo at Corinth », MDAI(A) 118 (2003), p. 198-210 [réflexion sur le type statuaire et hypothèse de localisation du sanctuaire d’Hermès sur le forum de Corinthe].

3 ALBADALEJO VIVERO Manuel, « Elementos utópicos en la India descrita por Onesícrito », Polis 15 (2003), p. 7-34.

4 ALBERRO Manuel, « Componentes ideológicos, mitológicos y religiosos en los sacrificios rituales equinos de investidura y confirmación real de los antiguos pueblos indoeuropeos », Polis 14 (2002), p. 7-50.

5 ALBERRO Manuel, « El rol del sacrificio del caballo en las estructuras míticas y religiosas de los pueblos indo-europeos relacionadas con el concepto dumeziliano tripartito de organización social », Habis 35 (2004), p. 7-30.

6 ALBERRO Manuel, « Las tres funciones dumezilianas y las tradiciones mitológicas indo- europeas de los mellizos divinos reflejadas en las leyendas acerca de El Cid », Polis 15 (2003), p. 35-62. 7 ALLEN Nick J., « Dyaus and Bhi–s≥ma, Zeus and Sarpedon. Towards a history of the indo-european and sky god », Gaia 8 (2004), p. 29-36.

8 ALVAR EZQUERRA Jaime, « Actividad económica y actitud religiosa: Perspectivas para el análisis de la interacción de la religión y la economía », Arys 2 (1999), p. 3-14.

9 ALVAR EZQUERRA Jaime, « Dependencias reales e imaginarias en el mito y en el culto a Isis », Arys 3 (2000), p. 177-190.

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10 ANSON Edward M., « Alexander and Siwah », Ancient World 34 (2003), p. 117-130 [mise en contexte de la consultation de l’oracle d’Ammon : pourquoi cet oracle-là et à quelles fins ?].

11 ARAVANTINOS Vassilis L., GODART Louis, SACCONI Anna, « En marge des nouvelles tablettes en Linéaire B de Thèbes », Kadmos 42 (2003), p. 15-30 [réponse au critiques de Th. G. Palaima sur l’interprétation religieuse des nouvelles tablettes de Thèbes].

12 ARMSTRONG J.M., « After the ascent: Plato on becoming like god », Oxford Studies in Ancient Philosophy 26 (2004), p. 171-183.

13 ASSAËL Jacqueline, « La résurrection d’Alceste », REG 117 (2004), p. 37-58 [si Euripide met en scène cet épisode, en dépit de sa propre analyse critique du mythe, c’est qu’il lui donne une signification mystique qu’éclaire une comparaison avec les mystères d’Éleusis].

14 AUBERT Emilie, « Le trône grec et ses représentations : étude iconographique de Zeus trônant à l’époque archaïque et classique », Pallas 65 (2004), p. 57-76 [le trône ne peut être défini selon des critères morphologiques spécifiques et sa représentation n’est pas inhérente au dieu ou à la scène représentée].

15 BALLESTEROS PASTORLuis, « El santuario de Comana Póntica (Apuntes para su historia) », Arys 3 (2000), p. 143-150.

16 BALTZLY D., « The virtues and ‘becoming like a god’: Alcinous to Proclus », Oxford Studies in Ancient Philosophy 26 (2004), p. 297-321.

17 BASLEZ Marie-Françoise, « Les Galles d’Anatolie : image et réalités », Res Antiquae 1 (2004), p. 233-245 [sur la base du corpus des épigrammes hellénistiques qui concernent les Galles, réévaluation de la portée des danses extatiques des Galles : elles les placent dans la lignée de prophètes proche-orientaux sans permettre d’affirmer qu’elles préparaient à l’autocastration].

18 BEEKES Robert S.P., « The Origin of the Kabeiroi », Mnemosyne 57 (2004), p. 465-477 [argumentation en faveur de l’origine pré-grecque du nom des Kabires; rejet de l’interprétation par le sémitique kabir- « grand »].

19 BEEKES Robert S.P., « Kadmos and Europa, and the Phoinicians », Kadmos 43 (2004), p. 167-184 [critique approfondie des thèses de Ruth B. Edwards sur l’origine phénicienne de Kadmos, telles qu’y fait écho l’article récent du Neue Pauly].

20 BÉLIS Annie, « Le ‘Péan de Berlin’ : une relecture », REG 116 (2003), p. 537-558 [papyrus inv. n° 6870 de Berlin : la relecture dont il est question conduit à attribuer cette pièce archaïsante à Mésomède de Crète, témoin de la splendeur musicale du siècle des Antonins].

21 BERMAN D.W., « The double foundation of Boiotian Thebes », TAPhA 134 (2004), p. 1-22.

22 BERNABÉ PAJARES Alberto, « La Teogonía Órfica del Papiro de Derveni », Arys 2 (1999), p. 301-338.

23 BETTARINI Luca, « Una nuova defixio di Selinunte? », ZPE 151 (2005), p. 253-258 [révision de l’inscription publiée par G. Mangarano, REG 116 (2003), p. 685-689].

24 BIRASCHI Anna Maria, « L’‘altro’ Teseo. Mito, storira, politica e storiografia ad Atene nel V secolo a.C. », A & R 48 (2004), p. 49-62 [peut-on vraiment aborder encore ce sujet sans même se référer à C. Calame, Thésée et l’imaginaire athénien, Lausanne, 1996 ?].

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25 BLÁZQUEZ MARTÍNEZ José María, LÓPEZ MONTEAGUDO Guadalupe, SAN NICOLÁS PEDRAZ María Pilar « Representaciones mitológicas, leyendas de héroes y retratos de escritores en los mosaicos de época imperial en Siria, Fenicia, Palestina, Arabia, Chipre, Grecia y Asia Menor », Antigüedad y cristianismo 21 (2004), p. 277-374.

26 BOOKIDIS Nancy, STROUD Ronald S., « Apollo and the Archaic Temple at Corinth », Hesperia 73 (2004), p. 401-426 [examen de la documentation littéraire, archéologique, épigraphique autour du grand temple dorique archaïque de Corinthe; un pinax archaïque inscrit, mis au jour en 1902, mais resté non publié, atteste que le temple était celui d’Apollon].

27 BORGNA Elissabetta, « Aegean Feasting. A Minoan Perspective », Hesperia 73 (2004), p. 247-279 [contrastes entre les perspectives minoenne et mycénienne en terme de compétition sociale et de négociation de l’autorité].

28 BRÉLAZ Cédric, SCHMID Stephan G., « Une nouvelle dédicace à la triade artémisiaque provenant d’Érétrie », RA (2004), p. 227-258 [publication d’une base inscrite (fin IIe ou début Ier s. av. J.-C.) qui portait deux statues de bronze honorant les membres d’une famille et dédiées à la triade Artémis, Apollon, Létô : la place d’Artémis dans la dédicace suggère que le monument était originellement placé dans uen chapelle artémisiaque à l’intérieur des murs de la cité].

29 BREMMER Jan, « Attis: A Greek God in Anatolian Pessinous and Catullan Rome », Mnemosyne 57 (2004), p. 534-573 [analyse du mythe et du rituel d’Attis, et de sa réception dans la Rome de Catulle].

30 BRILLANTE Carlo, « Il sogno di Epimenide », QUCC 76 (2004), p. 11-39 [analyse approfondie du motif, de sa place dans le thème des « shamans grecs » et de son évolution].

31 BROUT Nicole, « La mauve ou l’asphodèle ou comment manger pour s’élever au-dessus de la condition humaine », DHA 29 (2003), p. 97-108 [en référence au v. 41 des Travaux d’Hésiode, analyse des implications de cette alimentation en relation avec l’âge d’or et permettant à des hommes d’exception de dépasser la condition humaine pour se rapprocher du divin].

32 BUDIN Stephanie, « A Reconsideration of the Aphrodite-Ashtart Syncretism », Numen 51 (2004), p. 95-145.

33 CAMPOS MÉNDEZ Israel, « Consideraciones sobre el origen de la iconografía de los misterios mitraicos », Florentia Iliberritana 15 (2004), p. 9-28.

34 CAPODICASA Roberta, « Apollo medico fra Grecia e Roma », A & R 48 (2004), p. 17-28 [c’est dans l’aire ionienne et phocéenne que se situerait l’origine du profil médical qu’Apollon adopte en contexte romain dès les premières attestations de son culte].

35 CAPOMACCHINA A.M.G., « L’eroe mangia: il pasto nella dimensione della hybris eroica », Ilu 12 (2004), p. 9-14.

36 CARDETE DEL OLMO María Cruz, « Identidad y religión: el santuario de Apolo en Basas », Studia historica. Historia antigua 21 (2003), p. 47-74.

37 CARRÉ Renée, « Mercure archaïque et la libération des contraintes sur la terre », Arys 3 (2000), p. 67-94.

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38 CARTER Michael, « Archiereis and Asiarchs: A Gladiatorial Perspective », GRBS 44 (2004), p. 41-68 [le contexte des combats de gladiateurs permet d’étayer l’identification des deux fonctions].

39 CASADIO Giovanni, « The Failing Male God: Emasculation, Death and Other Accidents in the Ancient Mediterranean World », Numen 50 (2003), p. 231-268 [réévaluation positive de la pertinence des catégories ‘dying and rising gods’ et ‘deities subject to vicissitude’ pour l’historien des religions, recherche des fondements de la récurrence du motif mythique et recours à certaines analyses freudiennes pour éclairer l’arrière-plan de ce processus].

40 CATARZI Marcello « I sacrifici per gli schiavi nell’economico dello pseudo Aristotele tra tempo libero e dipendenza sacra », Arys 4 (2001), p. 17-40.

41 CAVALLINI Eleonora, « Afrodite Melenide e l’etèra Laide », SCO 47 (2001) [2004], p. 247-264 [analyse de l’épiclèse Mélainis d’Aphrodite, au départ d’une anecdote d’Athénée sur la fondation de son culte corinthien par la courtisane Laïs].

42 CERROCALDERÓN Gonzalo del, « Reflexiones sobre las diosa Tykhe/Fortuna»,Analecta Malacitana 27 (2004), p. 143-154.

43 CHANIOTIS Angelos, « New Inscriptions from Aphrodisias (1995-2001) », AJA 108 (2004), p. 377-416 [présentation de 33 inscriptions grecques, dont certaines livrent des informations sur les cultes : Thea Eleutheria (8), Zeus Nineudios (11), Hephaistos (15)].

44 CHIASSON Charles C., « Myth, Ritual, and Authorial Control in Herodotus’ Story of Cleobis and Biton (Hist. 1.31) », AJPh 126 (2005), p. 41-64 [Hérodote aurait volontairement introduit des éléments mythiques et rituels initiatiques dans l’épisode de Cléobis et Biton].

45 CLINTON Kevin, « A Family of Eumolpidai and Kerykes descended from Pericles », Hesperia 73 (2004), p. 39-57 [l’inscription d’une base de statue du IIe-IIIe s. ap. J.-C. atteste des mariages entre les deux genè et permet, entre autres, d’identifier des prêtres connus jusqu’ici par leur seul hiéronyme].

46 CLINTON Kevin, PALAGIA Olga, « The Boy in the Great Eleusinian Relief », MDAI(A) 118 (2003), p. 263-280 [le célèbre relief d’Éleusis représenterait le don d’un épi par Déméter à Ploutos que Korè couronne; étude du titre éleusinien de παῖς ἐφ’ ἑστίας μυηθείς]. 47 COLOMO Daniela, « Herakles and the Eleusinian Mysteries: P. Mil Vogl. I 20, 18-32 Revisited », ZPE 148 (2004), p. 86-98 [réédition, traduction et commentaire de cet exercice de rhétorique romaine autour de l’exception que constituait l’initiation d’Héraclès « étranger » aux mystères].

48 CORDIANO G., « La fine della Ierodulia femminile a Temesa magno greca nella propaganda dei Locresi Epizefirii », Arys 3 (2000), p. 115-128.

49 D’ALESSIO G.B., « Textual Fluctuations and Cosmic Streams: Ocean and Acheloios », JHS 124 (2004), p. 16-37 [la suppression du vers 195 du chant XXI de l’Iliade rend à Achéloos son rôle cosmologique, parallèle à celui qu’il joue dans le poème commenté par le papyrus de Derveni; implication de sa dimension cultuelle à Dodone dans ce cadre].

50 DABNEY Mary K., HALSTEAD Paul, THOMAS Patrick, « Mycenaean Feasting on Tsoungiza at Ancient Nemea », Hesperia 73 (2004), p. 197-215 [le dépôt étudié laisse entrevoir une consommation de viande ailleurs; une figurine féminine similaire à celles des sanctuaires de Phylakopi et de Mycènes associe la fête à des rites religieux qui

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contribuaient peut-être à maintenir des alliances politiques et économiques dans la zone autour de Mycènes].

51 DAVIES Malcolm, « Heracles and Acheloos », Maia 56 (2004), p. 249-258.

52 DAVIES Malcolm, « Philoctetes: Wild Man and Helper Figure », PP 332 (2003), p. 347-355.

53 DEPALMA DIGERER Elizabeth, « An Oracle of Apollo at Daphne and the Great Persecution », CPh 99 (2004), p. 57-77 [le lien entre la « Grande Persécution » de Dioclétien et un oracle « pythien » est connu, mais l’A. propose de situer un oracle rendu en 299 à Daphne d’Antioche ayant abouti à la purge des chrétiens dans l’armée].

54 DESIDERI Paolo, « Dione di Prusa uomo religioso », Arys 3 (2000), p. 203-214.

55 DICKIE M.W., « Priestly Proclamations and Sacred Laws », CQ 54 (2004), p. 579-591 [la critique des païens, qui s’offusquent du fait que les chrétiens accueillent les pécheurs dans leurs célébrations, est fondée sur l’impératif de pureté qui est inversement requis dans les rites païens].

56 DÍEZ DE VELASCO Francisco, « Cuestiones metodológicas para el estudio de un aspecto de la experiencia dionisiaca: vino y muerte », Ilu 12 (2004), p. 33-46.

57 DÍEZ DEL CORRAL CORREDOIRA Pilar, « Dioniso y Ariadna, historia de un amor en la producción del pintor de Codrus », Habis 36 (2005), p. 65-76.

58 DÍEZ PLATAS Fátima, « Sexo fuera de la ciudad: silenos y ninfas en la cerámica griega arcaica», Semata 16 (2004), p. 277-300.

59 DOMÍNGUEZ MONEDERO Adolfo J., « Las esclavas sagradas de Afrodita », Arys 4 (2001), p. 111-140.

60 DROZDEK Adam, « Empedocles’ theology », Myrtia 18 (2003), p. 5-20.

61 DROZDEK Adam, « Xenophanes’ Theology », SIFC 97 (2004), p. 141-157 [évaluation des différents points de vue de Xénophane sur la religion traditionnelle, et notamment son prétendu « monothéisme »].

62 DUCAT Jean, « Le vol dans l’éducation spartiate », Mètis n.s. 1 (2003), p. 95-110 [reprise du dossier textuel autour du vol afin d’évaluer sa portée dans les pratiques éducatives spartiates : le modèle initiatique a été remodelé à Sparte pour être intégré à la vie sociale et à l’éducation].

63 DUCAT Jean, « L’enfant spartiate et le renardeau », REG 117 (2004), p. 125-140 [rejet des théories « initiatiques » habituelles pour interpréter l’anecdote de l’enfant dévoré par le renard qu’il cachait sous son manteau, au profit d’une analyse fondée sur la construction du récit].

64 DUCATÉ-PAARMANN Sandrine, « Deux femmes à l’enfant. Étude d’une classe d’offrandes étrusco-latiales en terre cuite », MEFRA 115 (2003), p. 837-865.

65 DURBEC Yannick, « La rhétorique apollinienne chez Callimaque, Aitia, fr. 75, 22-37 », ZPE 151 (2005), p. 49-50 [nouvelle interprétation de la métaphore du plom et de l’or utilisée dans l’oracle d’Apollon sur le mariage de Cydippé et Acontios].

66 EHRHARDT Norbert, GÜNTHER Wolfgang, « Funde aus Milet XIV. Neue Orakelinschriften », AA (2002), p. 47-57 [oracles émis par l’Apollon de Didymes datés du IIe s. ap. J.-C., une inscription complète, question/réponse au sujet de l’établissement d’un autel, et trois fragments].

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67 FAIN G.L., « Callimachus’ Hymn to Artemis and the Tradition of Rhapsodic Hymn », BICS 47 (2004), p. 47-57 [analyse des jeux sur l’Hymne homérique à Apollon qui montre que l’A. devait disposer d’un poème dans la forme que nous avons conservée].

68 FARAONE Christopher A., « Orpheus’ Final Performance: Necromancy and a Singing Head on Lesbos », SIFC 97 (2004), p. 5-27 [mise en perspective des vertus oraculaires de la tête d’Orphée – sa poésie ne devient en effet prophétique qu’après sa mort – et une vieille tradition grecque d’utilisation de la tête des défunts dans le cadre de rituels nécromantiques].

69 FARAONE Christopher A., « Twisting and Turning in the Prayer of the Samothracian Initiates (Aristophanes Peace 276-279) », MH 62 (2005), p. 30-50 [interprétation du passage en fonction de rituels et de prières visant à entraver et à neutraliser l’arrivée d’esprits mauvais en leur tournant les pieds dans le mauvais sens].

70 FERNÁNDEZ GARRIDO María Regla, « Las heroínas de novela griega al servicio de Artemis », Arys 4 (2001), p. 59-70.

71 FERRARI Franco, « La sapienza acerba e il dio-tutto: Pindaro e Senofane », Prometheus 30 (2004), p. 139-147 [mise en regard de fragments de l’un et l’autre auteur, abouttissant à l’hypothèse d’une référence de Pindare à la conception par Xénophane du divin comme un tout unitaire].

72 FRIEDRICH R., « Dionysus among the dons: the new ritualism in Richard Seaford’s Commentary on the Bacchae », Arion 3rd ser. 7, 3 (2000), p. 115-152.

73 GAMBINO Benedette, « Omero, Esiodo, Inni omerici. Lessico religioso », ΜΥΘΟΣ. Rivista di storia delle religioni 11 (2003), p. 35-127.

74 GARCÍA-DILS DE LA VEGA Sergio, « Manumisiones Délficas », Arys 2 (1999), p. 95-104.

75 GARSTAD Benjamin, « Belus in the Sacred History of Euhemerus », CPh 99 (2004), p. 246-257 [Évhémère aurait peut-être cherché à favoriser une vision « internationale » reliant les peuples du monde dans le culte d’un seul Zeus sous différentes épiclèses; la création de « nouveaux mythes » sert à soutenir le culte traditionnel et non à le remettre en cause].

76 GESSERT Genevieve, « Myth as consolatio: Medea on Roman Sarcophagi », G & R 51 (2004), p. 217-249 [les sarcophages ne jouent pas sur des dichotomies simples, mais sur les applications complexes des mythes, traduisant des conflits et des expériences individuelles; une telle complexité est analysée dans l’utilisation du motif de Médée].

77 GONZÁLEZ DELGADO Ramiro, « Autores griegos cristianos y ‘Anábasis’ órfica », Archivum 52 (2002), p. 197-224.

78 HAMON Patrice, « Les prêtres du culte royal dans la capitale des Attalides : note sur le décret de Pergame en l’honneur du roi Attale III (OGIS 332) », Chiron 34 (2004), p. 169-185.

79 HASENOHR Claire, « Les Compitalia à Délos », BCH 127 (2003), p. 167-249 [cf. supra, p. 505].

80 HEDREEN Guy, « The Return of Hephaistos, Dionysiac Procession Ritual and the Creation of a Visual Narrative », JHS 124 (2004), p. 38-64 [en puisant au répertoire des processions épiphaniques de Dionysos, tant rituelles qu’iconographiques, pour rendre le thème du retour d’Héphaïstos dans l’Olympe, les imagiers imposent visuellement le même type de message].

Kernos, 18 | 2005 600

81 HELD Winfried, « Funde aus Milet XIV. Ein Reiterrelief aus Milet und die Kabiren von Assessos », AA (2002), p. 41-46.

82 HERNÁNDEZ MARTÍNEZ María, « La presencia del culto de Apolo Jacinto en Tarento », Gerión 22 (2004), p. 81-99.

83 HIDALGO DE LA VEGA María José, « Hombres divinos: de la dependencia religiosa a la autoridad política », Arys 4 (2001), p. 211-230.

84 HOZ MONTOYA Joaquín de la, « La manutención de Demonacte (Luc. Dem. 63) », Arys 2 (1999), p. 183-204.

85 JANIK J., « Dike and Themis in the Works of Homer », Eos 87 (2000), p. 5-31.

86 JASINK Anna Margherita, « ’Signora’ umana e ‘Signora’ divina: una rilettura della Potnia micenea », Kadmos 43 (2004), p. 185-195 [réévalutation de la portée du terme Potnia].

87 KACZYŃSKA Elwira, « Il motivo della tomba di Zeus a Creta in Epimenide e Callimaco », ZAnt 52 (2002), p. 83-107 [la légende serait née de l’interprétation de tholoi mais la critique d’Épiménide aurait abouti à la vision des « Crétois menteurs »; un fragment de son poème a été conservé dans deux commentaires syriaques des Actes des Apôtres; discussion du rapport entre ce poème et l’Hymne à Zeus de Callimaque].

88 KALDELLIS Anthony, « The Religion of Ioannes Lydos », Phoenix 57 (2003), p. 300-316 [Jean le Lydien n’était pas chrétien : c’est un païen qui adhérait à la théologie platonicienne, aux oracles de la Sibylle et montrait un intérêt marqué pour l’astrologie].

89 KANTZIOS Ippokratis, « Pindar’s Muses », CB 79 (2003), p. 3-32 [évaluation de la position respective de Pindare et de Bacchylide envers l’art poétique et l’inspiration].

90 KENZELMANN PFYFFER Anne, THEURILLAT Thierry, VERDAN Samuel, « Graffiti d’époque géométrique provenant du sanctuaire d’Apollon Daphnéphoros à Érétrie », ZPE 151 (2005), p. 51-83 [catalogue des 66 graffiti, dont un seul pourrait faire référence à la sphère sacrée (n° 5 : ]hιερε[)].

91 KOLIA Erophili-Iris, « Eine Kultgrotte des Mithras in Aigion. Aspekte der Mithrasverehrung in Achaia », MDAI(A) 118 (2003), p. 397-42.

92 KÖVES-ZEULAUF Th., « Der Kuß des Musengottes Apollon », WJbb 28b (2004), p. 31-55.

93 KOZLÓVSKAIA Victoria, « Divinidades masculinas de la antigua Tanais (siglos I-II de C.) », Arys 2 (1999), p. 351-358.

94 KREUZ Bernhard, « Ixion, der Schwärmer », WS 11117 (2004), p. 232-250.

95 KYRIAKIDIS Evangelos, « Aniconicity in the Seal Iconography of the Late Minoan I Period », Kadmos 43 (2004), p. 159-166 [contestation de l’opinion selon laquelle cet aniconisme refléterait des conception religieuses minoennes interdisant la représentation des visages : il s’agirait de conventions iconographiques].

96 LABARRE Guy, « Les Menagyrtes », EA 37 (2004), p. 126-128 [les menagyrtes n’étaient pas des prêtres mendiants du dieu lunaire Men, mais des prêtres en tournée de quête mensuelle en l’honneur de la Mère].

97 LALONDE Gerald V., « Pagan Cult to Christian Ritual: The Case of Agia Marina Theseiou », GRBS 45 (2005), p. 91-125 [après la vogue de l’interprétation des lieux de culte chrétien en termes de continuité par rapport au paganisme, c’est l’idée de la discontinuité qui prévaut aujourd’hui; analyse précise et nuancée du cas athénien de Agia Marina].

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98 LAMBIN Gérard, « L’épisode d’Inô-Leukothéa (Odyssée, chant V, vers 333-353) », BAGB (2004), p. 97-110 [interprétation psychanalytique de l’épisode].

99 LANZA Diego, « La memoria degli dei », Philologus 148 (2004), p. 3-20 [la « mémoire des dieux » est celle de la violence subie à l’intérieur du monde olympien, indépendamment des grands conflits cosmogoniques; cette théologie du conflit, qui n’est pas que poétique, pourrait refléter la mémoire de l’expérience religieuse des humains qui la racontent].

100 LATEINER Donald, « Signifying Names and Other Ominous Accidental Utterances in Classical Historiography », GRBS 45 (2005), p. 35-57 [analyse d’exemples grecs et latins d’interventions divinatoires dans la diplomatie].

101 LAURIOLA Rosanna, « La discendenza di Notte in Esiodo, Theog. 211-213: un confronto con Omero », Prometheus 30 (2004), p. 1-22 [la Nuit est qualifiée d’« obscure » (ἐρεβεννή) à la fois physiquement et métaphoriquement, ce qui permet de comprendre que la Mort, le Sommeil et les Songes soient vus comme ses enfants].

102 LÉVÊQUE Pierre, « Divines dépendances, un long parcours sur les idéologies », Arys 4 (2001), p. 321-332.

103 LIBRÁN MORENO Miryam, « El proceso por impiedad de Esquilo », Habis 35 (2004), p. 39-56.

104 LIDOV Joel B., « Hera in Sappho, fr. 17 L-P, V – and Aeneid I? », Mnemosyne 57 (2004), p. 387-406 [réinterprétation du début du poème, qui voit dans la première strophe une dépréciation de la colère divine et un lien entre la malédication des Atrides et Héra].

105 LÓPEZ FÉREZ Juan Antonio, « Los dioses griegos y sus mitos en Galeno »,CFC(G), 14 (2004), p. 155-181.

106 LOZANO VELILLA Arminda « La consagración a la divinidad: consideraciones sobre la dependencia personal en los cultos minorasiáticos », Arys 4 (2001), p. 91-110.

107 LOZANO VELILLA Arminda, « Función económica de los templos anatólicos en época helenístico-romana », Arys 2 (1999), p. 105-120.

108 LOZANO VELILLA Arminda, « La consagración a la divinidad: consideraciones sobre la dependencia personal en los cultos minorasiáticos », Arys 4 (2001), p. 91-110.

109 MALAY Hasan, « A Dedicatory Statuette of a Mother Goddess », EA 37 (2004), p. 181-182 [la forme τὴν μητέρα τοῦ θεοῦ est remarquable en contexte païen]. 110 MALAY Hasan, « A New Confession to Zeus ‘from Twin Oaks’ », EA 37 (2004), p. 183-184.

111 MALAY Hasan, « Dedication of a Herm to Zeus Ariou », EA 37 (2004), p. 179-180 [le génitif accolé au nom du dieu renvoie sans doute au fondateur du culte].

112 MARCO SIMÓN Francisco, « Ambigüedad y persuasión en el dinero de los dioses: El caso de Juliano », Arys 2 (1999), p. 253-262.

113 MARÍN VALDÉS Fernando Arturo, « Economía de la Arquitectura Sagrada: Algunos aspectos de las cuentas del templo de Asclepio en Epidauro », Arys 2 (1999), p. 83-94.

114 MARÍN VALDÉS Fernando Arturo, « Plutarco, Temístocles y el Santuario de Artemis Proseóa », Arys 3 (2000), p. 101-114.

115 MARTÍN HERNÁNDEZ Mercedes, « La realidad urbana griega en el Egipto tolemaico: propuesta de criterios de definición », Arys 4 (2001), p. 71-90.

116 MARTÍNEZ MAZA Clelia, « La katoché en los cultos egipcios », Arys 3 (2000), p. 163-176.

Kernos, 18 | 2005 602

117 MENÉNDEZ VARELA José Luis, « Una relectura del ciclo de Teseo en el contexto geopolítico de los siglos oscuros », Polis 15 (2003), p. 129-160.

118 MEULDER Marcel, « Les trois morts fictives d’Arès au chant V de l’Iliade », Gaia 8 (2004), p. 13-27 [les trois mésaventures d’Arès – enfermement dans une jarre, blessure par Diomède, précipitation du haut de l’Olympe – sont des châtiments liés aux trois fonctions i.-e.].

119 MEYER Guy, « Le prix de l’eau et le tarif du sanctuaire des Nymphes : IG, I³, 256 », REG 117 (2004), p. 321-325 [nouvelle restitution à la ligne 11 et réflexion sur les relations entre la fixation du prix de l’eau et les besoins en liquidités du sanctuaire].

120 MIRÓN PÉREZ María Dolores, « Eirene: Divinidad, généro y pas en Grecia antigua », DHA 30 (2004), p. 9-31 [réflexions sur le riche symbolisme de la Paix divinisée, qui relie l’ordre naturel avec l’ordre politique, sans oublier la problématique du genre].

121 MUÑIZ GRIJALVO Elena, « El declive del templo pagano y la agonía de la tradición », Arys 2 (1999), p. 239-252.

122 MUÑIZ GRIJALVO Elena, «Hagase mi voluntad: La magia y los dioses domésticos », Arys 3 (2000), p. 151-162.

123 MUÑOZ LLAMOSAS Virginia, « Ideas religiosas de Eurípides a través de sus obras », Myrtia 17 (2002), p. 103-125.

124 MUSTI Domenico, « Isopythios, isolympios e dintorni », RFIC 130 (2002), p. 129-148 [retour sur une hypothèse antérieure (RFIC 128 [2000], p. 257-298) touchant à la chronologie des Nikèphoria de Pergame en regard des concours panhelléniques].

125 NERI Francesco, « Dedalo ed Efesto alla luce di un’olpe da Cerveteri », Rivista storica dell’Antichità 33 (2003), p. 7-40 [la frise représentée sur le vase, avec Médée et Dédale, illustrerait l’évolution de la figure de l’artisan de la sphère divine à la sphère humaine].

126 NEUMANN-HARTMANN Arlette, « Der Paian des Philodamos an Dionysos und der Ausbruch des 4. Heiligen Krieges », MH 61 (2004), p. 9-31 [mise en évidence de l’importance de l’œuvre pour évaluer la politique religieuse delphique au IVe s. av. J.-C., mais aussi comme reflet plus global de la politique du temps].

127 NUEZ PÉREZ María Eugenia de la, « Las Panateneas : topografía de una fiesta », Gerión 22 (2004), p. 101-120.

128 OLIVIERI Oretta, « L’Inno ad Apollo Ptoios di Pindaro (Hymn. frr. 51a-d Maehl.) », QUCC 76 (2004), p. 55-69 [la nouvelle généalogie du héros Ptoios (fils d’Apollon et de Zeuxippè, la fille d’Athamas) et la présence du prophète de l’Isménion Ténéros en ce lieu ont pu servir à affirmer la domination de Thèbes sur le sanctuaire du Ptoion à l’époque de Pindare].

129 PALAIMA Thomas G., « Reviewing the New Linear B Tablets from Thebes », Kadmos 42 (2003), p. 31-38 [réponse à la réponse de Aravantinos – Godard – Sacconi dans le même tome de la revue : référence supra].

130 PALAIMA Thomas G., « Sacrificial Feasting in the Linear B Documents », Hesperia 73 (2004), p. 217-246 [analyse des fournitures attestées pour les sacrifices et fêtes dans les palais, avec une confrontation exhaustive des données archéologiques et textuelles de Pylos].

131 PALUSCHOWSKI Adam, « Note au sujet des Velchania de Lyttos (ICret, I, 18 Lyttos, n° 11) », DHA 31 (2005), p. 25-32 [il faut inverser l’ordre des deux grandes fêtes crétoises établi

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par G. Capdeville (Volcanus [1995]), pour revenir à la séquence Theodaisia / Velchania; les Velchania ne concernaient pas les éphèbes mais les jeunes épousées].

132 PAPADOPOULOU Thalia, « Herakles and Hercules: The Hero’s Ambivalence in Euripides and Seneca », Mnemosyne 57 (2004), p. 257-294 [comparaison du traitement dramatique de la folie du héros chez les deux auteurs et évaluation de la réception des thèmes par l’auditoire].

133 PASTORE Ch., « Il destino di Eracle dopo la morte e il suo ruolo di doppio », Dipartimento di filologia, linguistica e tradizione classica ‘Augusto Rostagni’. Quaderni 19 (2002), p. 47-47.

134 PATTERSON Lee E., « An Aetolian Local Myth in Pausanias », Mnemosyne 57 (2004), p. 346-352 [le rôle d’Endymion dans les traditions éléennes et étoliennes se justifie par la parenté effective des communautés].

135 PEPPAS DELMOUSOU Dina, « Il quadro storico-religioso dell’altare di Brauron (IG, I³ 1407 bis) », Opuscula Epigraphica 10 (2003), p. 91-106 [= Epigraphica. Atti delle Giornate di Studio e di Roma e di Atene in memoria di Margherita Guarducci (1902-1999)].

136 PÉREZ JIMÉNEZ Aurelio, « La comida y la astrología lunar antigua », Ilu 12 (2004), p. 79-88.

137 PESANDO F., « La Sagra a Locri. Iconografia di una divinità fluviale », AION(Arch) 8 (2001), p. 85-97.

138 PETROVIC I., « Φαρμακεύτρια ohne φάρμακον. Überlegungen zur Komposition des zweiten Idylls von Theokrit », Mnesmosyne 57 (2004), p. 421-444 [étude du traitement de la magie dans l’Idylle, relation avec les defixiones judiciaires, conclusions sur les vertus curatives de la poésie dans le corpus].

139 PFISTERER-HAAS Susanne, « Mädchen und Frauen im Obstgarten und beim Ballspiel. Untersuchungen zu zwei vorhochzeitlichen Motiven und zur Liebessymbolik des Apfels auf Vasen archaischer und klassischer Zeit », MDAI(A) 118 (2003), p. 139-195 [même si l’interprétation n’est pas religieuse, ce catalogue sera très utile à tous ceux qui travaillent sur les rituels liés à l’âge au mariage des jeunes filles].

140 PICCALUGA Giulia, « La prospettiva giurídico-alimentare dell’ordine delle cose », Ilu 12 (2004), p. 89-98.

141 PLÁCIDO SUÁREZ Domingo, « Los espacios míticos de la producción y de los intercambios » , Arys 2 (1999), p. 15-20.

142 PLÁCIDO SUÁREZ Domingo, « La dependencia de Ion en la tragedia de Eurípides », Arys 3 (2000), p. 95-100.

143 PLÁCIDO SUÁREZ Domingo, « El mito de las edades como metáfora de los procesos de integración y exclusión », Studia historica. Historia antigua 21 (2003), p. 15-27.

144 PRAUSCELLO L., « A note on tabula defixionis 22(A).5-7 Ziebarth: when a musical performance enacts love », CQ 54 (2004), p. 333-339 [interprétation érotique de la référence à la performance due à la cithare présente sur la tablette].

145 RAMELLI Ilaria, « Osservazioni sul concetto di giorno natalizio nel mondo greco e romano e sull’espressione di Seneca dies aeterni natalis», Arys 2 (1999), p. 339-350.

146 REBOREDA MORILLO Susana, « El simbolismo del trípode de la Grecia Homérica », Arys 2 (1999), p. 21-34.

147 RICHER Nicolas, « Les Hyakinthies de Sparte », REA 106 (2004), p. 389-419 [bilan des composantes et du sens de la fête; mise en parallèle avec les Dionysies urbaines athéniennes et proposition d’une date au début du printemps].

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148 ROBERTSON Noel, « The Parxiergidae Decree (IG I³ 7) and the Dressing of Athena’s Statue with the Peplos », GRBS 44 (2004), p. 111-161 [une nouvelle présentation – traduction et commentaire - des trois fragments non jointifs de ce document aboutit à une réévalutation des fêtes des Plyntéries et Kallyntéries, et à la proposition d’une datation classique pour l’introduction du rite du peplos d’Athéna].

149 ROCCHI Maria, « Oche sulla mensa e in volo sul Tauros », Ilu 12 (2004), p. 99-108.

150 ROMANI S., « Un eroe, una veste, una dea. A proposito del mito di Eracle (ad Diod. 4, 39) » , Dipartimento di filologia, linguistica e tradizione classica ‘Augusto Rostagni’. Quaderni 19 (2002), p. 129-149.

151 ROMERO RECIO Mirella, « El rito de las piedras volteadas (Str. 3.1.4) », Arys 2 (1999), p. 69-82.

152 RUBIO RIVERA Rebeca, « Finanzas sacras en santuarios de Isis y Serapis », Arys 2 (1999), p. 205-214.

153 RUTHERFORD Ian, « The Keian Theoria to Delphi: Neglected Data from the Accounts of the Delphic Naopoioi (CID 2.1-28) », ZPE 147 (2004), p. 107-114 [étude des « visites » faites à Delphes, par des individus ou des délégations entre 360 et 330 av. J.-C., en fonction des comptes des naopes liés à la reconstruction du sanctuaire].

154 SÁNCHEZ LEÓN María Luisa, « Adorando a Deméter: Euno-Antíoco y la diosa de Enna »; Gerión 22 (2004), p. 135-145.

155 SANSONE DI CAMPOBIANCO Luca, « Analisi di un mito: l’identità di Perseo », Rivista storica dell’Antichità 33 (2003), p. 41-65 [d’une phase archaïque où la valeur politique argienne du héros prédomine, on est passé à un ajout de mythèmes et à la mise en relation avec Tirynthe, puis, avec Apollodore et Pausanias, l’accent est davantage mis sur la dimension morale].

156 SANTAMARÍA ÁLVAREZ M. A., « Orfeo y el orfismo. Actualización bibliográfica (1992-2003) » , Ilu 8 (2003), p. 225-64.

157 SANTUCCI Marco, « I tempi del sacro in atti pubblici, interstatali e amministrativi del mondo greco », RFIC 130 (2002), p. 149-169 [mise en évidence de quelques épisodes de l’interférence entre les grandes fêtes et la diplomatie « internationale » pendant la guerre du Péloponnèse].

158 SCHEFER Christina, « Platons Philosophie als Religion », Philotheos. International Journal for Philosophy and Theology 4 (2004), p. 222-236.

159 SCHMIDT J.-U., « Die sogenannte Telemachie und die theologischen Intentionen des Odyssedichters », Wort und Dienst. Jb. der Kirchlichen Hochschule Bethel 27 (2003), p. 71-86.

160 SCHUBERT Paul, « Une brève note sur un nouveau texte mythographique », ZPE 150 (2004), p. 63-65 [Ténès, fils de Cycnos, est calomnié par sa belle-mère Philonomé pour avoir refusé ses avances; amélioration de l’edition princeps].

161 SEGARRA CRESPO Diana, « A propósito de los quesos de la diosa Orthia », Ilu 12 (2004), p. 123-140.

162 SENEGAČNIK Branko, « Deianeira and her guilt », ZAnt 53 (2003), p. 23-39 [sur la base d’une comparaison avec les figures de Jocaste et d’Eurydice, évaluation de la ‘faute’ de Déjanire, fondée sur l’ambivalence de la nature humaine].

163 SERGHIDOU Anastasia, « Servitude humane et communauté divine dans la tragédie grecque », Arys 4 (2001), p. 41-58.

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164 SILVEIRA CYRINO Monica, « The Identity of the Goddess in Alcman’s Louvre Partheneion (PMG 1) », in CJ 100 (2004), p. 25-38 [argumentation en faveur de l’identification en une « Aphrodite de l’aurore » de la déesse à laquelle est adressée le poème, dans son statut de déesse qui préside au moment de transition entre adolescence et âge adulte].

165 SPINETO Natale, « La panspermia degli Anthesteria », Ilu 12 (2004), p. 141-146.

166 STEINER Ann, « The Alkmene Hydrias and Vase Painting in Late-Sixth-Century Athens », Hesperia 73 (2004), p. 427-463 [e.a. analyse des scènes héracléennes sur une hydrie à fig. noires récemment retrouvée et mise en perspective du contexte socio-politique].

167 STENGER Jan, « Agesilaos als Heros (Xen. Ag. 11,16) », RhM 147 (2004), p. 421-424 [dans ce passage, Xénophon évoque en creux la fonction protectrice du mort enterré dans sa communauté et « héroïsé »].

168 STOCKER Sharon R., DAVIS Jack L., « Animal Sacrifice, Archives, and Feasting at the Palace of Nestor », Hesperia 73 (2004), p. 179-195 [examen des contextes dans lesquels des restes d’animaux consumés ont été mis au jour par les fouilles de Blegen; évaluation du rôle des fêtes sacrificielles dans la société mycénienne].

169 STRASSER Jean-Yves, « L’empereur θεῖος et une inscription de Laodicée du Lykos », EA 37 (2004), p. 129-143 [e.a. réflexion sur la portée de l’adjectif dans la titulature des empereurs : il s’applique, comme son superlatif plus fréquent, à l’empereur vivant].

170 STRASSER Jean-Yves, « La fête des Daidala de Platées et la ‘grande année’ d’Oinopidès », Hermes 132 (2004), p. 338-351 [à la suite des analyse de D. Knoepfler, l’A. reprend la question de la périodicité des Daidala et met en relation la périodicité de 59 ans des « Megala Daidala » avec le cycle astronomique hexacontaétérique d’Oinopidès de Chios].

171 STRASSER Jean-Yves, « La grande prêtrise dans trois inscriptions de Cilicie », Tyche 16 (2001), p. 189-204 [dans le cas de la Cilicie trachée, les grands prêtres sans mention de la divinité doivent être considérés comme les flamines de l’empereur].

172 SUÁREZ DE LA TORRE Emilio, « Apollo, teologo cristiano », Annali di Scienze Religiose 8 (2003), p. 129-152 [analyse de textes oraculaires qui montrent comment Apollon est devenu voix divine pour les païens, les hébreux et les chrétiens].

173 TILG Stefan, « Die Symbolik chthonischer Götter in Sophokles’ Ödipus auf Kolonos », Mnemosyne 57 (2004), p. 407-420 [après de nombreuses études qui abordent la dimension proprement religieuse des éléments chthoniens présents dans la tragédie, l’A. privilégie la dimension littéraire de l’association des protagonistes avec la sphère du chthonien et du sombre].

174 TSIOLIS Vasilis, « Devoción, economía y política: a propósito de dos inscripciones de Licosura (Acaya) », Arys 2 (1999), p. 121-132.

175 USTINOVA Yulia, « Truth lies at the bottom of a cave: Apollo Pholeuterios, the Pholarchs of the Eleats, and subterranean oracles », PP 334 (2004), p. 25-44 [discussion de l’hapax legomenon Φωλευτήριος attesté comme épiclèse d’Apollon dans une inscription d’Histria : l’A. y voit un Apollon patron d’un oracle sous-terrain, un manteion ou même iatromanteion].

176 VALDÉS GUÍA Miriam, « La Sisactía de Solón y el juramento de los heliastas », Arys 2 (1999), p. 35-48.

177 VANHAEGENDOREN Koen, « Individuelles religiöses Erleben auf dem Hintergrund stoischer Vorgaben? Aspekte von Epiktets Gottesbild », Hermes 132 (2004), p. 495-510 [analyse de

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la religiosité d’Épictète aboutissant à l’affirmation du lien étroit et personnel qu’il instaurait avec un dieu conçu comme un père aimant, loin de tout panthéisme abstrait].

178 VEGA MENOCAL Teresa de la, « Divinos mendigos », Arys 2 (1999), p. 227-238.

179 VELASCO LÓPEZ María del Henar, « El mito de Meleagro », Minerva 17 (2004), p. 31-84.

180 VIAN Francis, « Notes critiques et exégétiques aux Hymnes orphiques », REA 106 (2004), p. 133-146 [entre autres interprétations, Dionysos Epaphrios est vu comme le dieu du vin « écumant »].

181 VILLANUEVA PUIG Marie-Christine, « Des ‘coupes à yeux’ de la céramique grecque », JS (2004), p. 3-20 [interprétation du motif comme transformation du regard du symposiaste par le vin et ouverture vers l’univers de Dionysos].

182 VILLANUEVA PUIG Marie-Christine, « Deux ménades sous un même manteau ? », REA 106 (2004), p. 445-454 [une amphore att. à fig. noires représente deux femmes sous un même manteau, entourées de trois satyres dansant : elle attesterait l’existence de représentations homoérotiques féminines en contexte dionyasique].

183 VILLARRUBIA MEDINA Antonio, « Algunas notas mitológicas sobre las Dionisíacas de Nono de Panópolis», Habis 35 (2004), p. 395-412.

184 VINAGRE LOBO Miguel Angel, « Los Intérpretes de sueños en los templos de Serapis », Arys 3 (2000), p. 129-142.

185 VINCENT Jean-Christophe, « Le xoanon chez Pausanias : littératures et réalités cultuelles », DHA 29 (2003), p. 31-75 [analyse des emplois du terme, qui cherche à évaluer la cohérence et la précision du discours de Pausanias et à définir la place de ces statues dans les rituels].

186 WIATER Nicolas, « Eine poetologische Deutung des σηκός in Simon. Fr. 531 PMG », Hermes 133 (2005), p. 44-55 [analyse littéraire du fragment célébrant les morts des Thermopyles qui conclut à l’usage métaphorique du mot sèkos : ce hèrôon évoque le poème lui-même].

187 WULFF ALONSO Fernando, « Mito y Rito: La construcción de las divinas dependencias en el mundo Griego », Arys 3 (2000), p. 3-10.

188 YATES Velvet, « The Titanic Origine of Humans: The Melian Nymphs and Zagreus », GRBS 44 (2004), p. 183-198 [mise en perspective de l’épisode hésiodique de la naissance des Nymphes méliennes et du mythe néoplatonicien de Zagreus pour affirmer que l’un et l’autre sont liés à la naissance de l’humanité].

189 ZANNINI QUIRINI Bruno, « Anthos: la terra senza frutti, gli uomini senza cibo », Ilu 12 (2004), p. 147-158.

190 ZERBINI Maurizio, « ‘Vuoi vincere a Olimpia?... stai lontano dai dolci!’ Delizie del palato e interdizioni rituali nel regime atletico classico », Ilu 12 (2004) p. 159-170.

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