Ighil Imoula Haut Lieu De Mémoire Et D'hisoire
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Ighil Imoula Haut lieu de Mémoire et d'Hisoire Ramdane ASSELAH né le 11-04-1926 à Ighil-Imoula Ancien membre du PPA-MTLD puis de l’Organisation Secrète Et comme un pied de nez à l’Histoire, c’est le 20 avril 2014, jour du trente-quatrième anniversaire du mouvement démocratique amazigh pour la reconnaissance de la spécificité amazigh et de l’officialisation de cette langue, qu’est signé l’arrêté portant ouverture d’instance de classement de « la maison historique d’Ighil Imoula », lieu de dactylographie et du tirage de la proclamation du 1er novembre 1954. On pourra le nommé à son tour « l’arrêté du 20 avril 2014 » Djamel Zenati « Quand l’Histoire se joue de nos mémoires » Tel un cadeau, c’est le lendemain du quatre-vingt-huitième anniversaire (88) de M. Asselah, l’un des principaux artisans de la guerre de libération nationale, que l’arrêté est signé pour enfin configurer un espace apaisé pour la reconnaissance du combat mené pour un peuple uni dans sa souffrance et ses différences. Djamel Zenati "Quand l’Histoire se joue de nos mémoires" Djamel Zenati 11 000011 Généralités À l’image d’autres villages kabyles, Ighil-Imoula s’est construit depuis des siècles au sommet d’une crête de 650 m d’altitude. On ne sait pas d’où sont venus ses premiers habitants, peut-être, des régions plates du voisinage. La légende dit aussi qu’un petit nombre de gens venus de Saguia El Hamra (Sahara occidental) se sont installés à Ighil-Imoula. Leurs descendants seraient les marabouts du village. Historiquement, les anciens racontaient que le village Ighil-Imoula avait depuis longtemps acquis la réputation d’être un lieu d’accueil et de refuge donnant asile à toute personne fuyant l’injustice ou recherchée pour « crime d’honneur ». On disait aussi qu’il jouait un rôle important dans le règlement des conflits entre les villages voisins et son arbitrage était souvent sollicité. Géographiquement, Ighil-Imoula est à environ 130 km d’Alger et à 35 km au sud-est de Tizi-Ouzou. En venant de la capitale, on y accède par plusieurs routes : Issers, Dra Ben Khedda, Boghni, Tizi-Ouzou, Ouadhia, - Maatkas ou par Mechtras. Pour monter à Ighil-Imoula, à partir de Tizi-N’Tléta, on emprunte une ancienne piste sinueuse qui a été élargie et goudronnée depuis l’indépendance. De part et d’autre de la route s’étendent des champs d’oliviers ; à l’approche du village, ce sont des plantations de figuiers puis de petits jardins où l’on cultive divers légumes. Cette route croise la nationale 12 000012 n° 30 qui va d’Ain El Hammam (Michelet) à Dra-El- Mizan. Plusieurs villages, distants de 2 à 5 km, entourent Ighil-Imoula. Au nord, Cheurfa et Aït Abdelmoumen qui avec le premier forment tous les trois, la commune de Tizi-N’Tléta. À l’est, on voit Ouadhia devenu Chef-lieu de daïra, plus loin, à droite, Agouni-Gueghrane, village natif du célèbre poète-chanteur. Slimane Azem, puis les Aït Oulhadj. Au sud-ouest, Aït Bouadou, Mechtras, Assi Youcef et Aït Mendès ; ce dernier village se trouve sur la route qui conduit de Boghni à la station hivernale et touristique de Tala-Guilef. Au sud, enfin, se dresse le majestueux massif du Djurdjura, qui se couvre de neige, chaque année, entre les mois de novembre et mai. Il constitue un véritable château d’eau pour toute la région. La montagne culmine à plus de 2300 mètres d’altitude au Lalla Khadidja, elle sert de rempart contre les vents chauds venant du Sahara. À partir d’Ighil-Imoula, on a une vue magnifique sur une vallée de deux à dix kilomètres de large qui s’étend des Ouadhia à Tizi-Ghenif ; la culture des céréales y était dominante. Une partie de cette vallée dénommée « Tiniri » est entièrement couverte d’oliviers qui ont peu à peu remplacé les figuiers, lesquels ont pour la plupart péri durant la guerre de libération. Avant l’indépendance, Ighil-Imoula et des dizaines d’autres villages qui s’étendent en longueur et en largeur des Ouadhia à Tizi-Ghenif étaient rattachés administrativement à la vaste commune mixte de Dra-El- Mizan dont l’étendue équivalait celle d’un département de la France. À la tête de celle-ci, il y avait un administrateur qui, assisté de caïds et de gendarmes, 13 000013 avait droit de vie et de mort sur la population d’une si vaste conscription administrative. Pour se faire délivrer un acte de naissance, se présenter au Tribunal ou à d’autres autorités administratives du chef-lieu, les habitants étaient obligés de parcourir plus de 50 km aller-retour à pied, y passant pratiquement toute une journée. Les quelques exemples ci-après illustrent les comportements de l’administration coloniale vis-à-vis des indigènes. D’une manière générale, les rapports entre les autorités françaises et la population kabyle étaient constamment tendus. L’oppression du dominant sur le dominé est permanente. À travers des auxiliaires indigènes arrogants et zélés et des gendarmes français condescendants, nos montagnards étaient soumis à toutes sortes d’humiliations, de vexations et de brimades. Solliciter un acte administratif quelconque était un véritable problème ; il fallait passer sous les fourches caudines du caïd ou du garde champêtre, qui exigeait constamment un « bakchich », alors que les « sous » étaient rares. Tandis que les paysans se débattaient dans la misère et que faute d’argent, ils ne pouvaient pas payer les impôts réclamés par le fisc, l’administrateur de la 14 000014 commune mixte de Dra-El-Mizan n’hésitait pas à envoyer des gendarmes pour menacer les « récalcitrants » de prison. Des gens étaient soumis à des taxes pour la possession de quelques chèvres, voire d’un chien. Perchés sur leurs chevaux blancs, les gendarmes parcourraient les villages pour intimider les populations et leur montrer que la France est là avec tout son appareil répressif. Il arrivait aussi que les autorités françaises envoient des gendarmes pour enchaîner des jeunes, aptes au service militaire, mais qui refusaient de rejoindre leurs affectations. Les « insoumis » étaient frappés avant d’être jetés en prison, puis affectés dans des casernes situées à des centaines de kilomètres de leur domicile. Les Français ne se doutaient pas que pour toutes ces injustices et brutalités finiraient par amener les Algériens à se révolter. L’éveil nationaliste aidant, le 8 mai 1945, la population indigène fit connaître à la puissance occupante qu’elle n’acceptera plus le régime colonialiste. Avec l’insurrection du 1er novembre 1954, il est signifié à la France, le rejet total du joug opprimant les Algériens depuis plus de cent vingt années. Aperçu sur la vie sociale et économique d’avant 1962 Jusqu’en 1962, on peut dire que le mode de vie et les conditions d’habitation à Ighil-Imoula étaient semblables à ceux qui prévalaient dans toute la Kabylie. Les maisons étaient à peu près toutes de même modèle. La pierre, la 15 000015 terre et le bois constituaient les matériaux principaux de construction. La plupart des habitations étaient faites en terre battue, y compris la toiture. Chacune d’elles comprenait deux à trois pièces, la plus grande servait de salle commune avec un « kanoun » pour faire la cuisine ; celui-ci fournissait de la chaleur par temps froid. Chaque maison était pourvue d’une cour intérieure où étaient rangés, la réserve de bois pour l’hiver, la jarre d’eau potable, des outils d’usage courant. La cour servait aussi d’espace de mouvement et de récréation pour les femmes ; les hommes quant à eux, prenaient leur repos à la grande place du village où se réunit périodiquement la Djemaa. La répartition des habitants du village obéissait à une forme de clanisme suivant lequel les familles portant le même nom patronymique se regroupaient dans un même quartier. À titre d’exemple, les Asselah et les Larbani, descendant d’un même arbre généalogique habitaient le lieu-dit « Tansaout Nait Asselah », les Kaced, « Tansaout Aït Salem ». On avait les mêmes regroupements, tels, les Idir-Bélaid, les Ben Chaba, les Achour-Yahi, les Yantren, les Haliche, les Abdellaoui, les Azzi, les Zamoum, pour ne citer que quelques familles. Pendant et après la guerre de libération, les regroupements ont éclaté, il y a eu des transferts et surtout beaucoup de départs vers les villes. Pendant longtemps, la population d’Ighil-Imoula était composée principalement de paysans qui vivaient des produits de petites parcelles de terre réparties sur les flancs des collines. Les cultivateurs les plus aisés possédaient des terrains à proximité du village, appelés « Timizert », produisant des céréales, de la pomme de 16 000016 terre, des oignons et des légumes secs. Une rivière prenant sa source dans le Djurdjura, traverse une partie de l’étroite vallée, située en contrebas du village. On lui a donné le nom de Acif Boulma. De novembre à mai, la rivière alimentait deux ou trois moulins à grains où les paysans faisaient moudre du blé et de l’orge, transportés à dos d’âne. À partir du mois d’avril, on y construisait de petits barrages avec de la pierre, des branchages et de la terre. Ils servaient à irriguer des jardins qui fournissaient fruits et légumes aux propriétaires des lieux. En été, il y avait assez d’eau dans la rivière pour permettre aux enfants de s’y baigner pendant les vacances scolaires et d’y pêcher de petits poissons. À présent, et durant la moitié de l’année, la rivière ne charrie plus qu’un mince filet d’eau, pollué hélas par des déchets divers jetés inconsciemment par des gens qui ignorent les méfaits de leurs gestes sur l’écologie.