Journal de la Société des Océanistes

140 | janvier-juin 2015 Intégration régionale des territoires français dans le Pacifique Sud of the french Overseas Territories in the South Pacific Region

Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/jso/7221 DOI : 10.4000/jso.7221 ISSN : 1760-7256

Éditeur Société des océanistes

Édition imprimée Date de publication : 15 juin 2015 ISBN : 9782854301250 ISSN : 0300-953x

Référence électronique Journal de la Société des Océanistes, 140 | janvier-juin 2015, « Intégration régionale des territoires français dans le Pacifque Sud » [En ligne], mis en ligne le 05 juillet 2017, consulté le 05 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/jso/7221 ; DOI : https://doi.org/10.4000/jso.7221

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SOMMAIRE

Dossier Intégration régionale des territoires français dans le Pacifique Sud

Horizons régionaux et variations océaniennes des territoires français Rudy Bessard et Nathalie Mrgudovic

Regional Horizons and Oceania variations in French overseas territories Rudy Bessard et Nathalie Mrgudovic

Quelle association UE/PTOM à l’horizon 2014/2020 ? Le cas du Pacifique Sud Rémy Louis Budoc

Rhétorique et réalité : les collectivités françaises et leurs voisins du Pacifique Sud Denise Fisher

Rebuild or reform: regional and subregional architecture in the Pacific island region Tess Newton Cain

Le groupe du Fer de Lance mélanésien face à ses défis Nathalie Mrgudovic

Un peuple divisé ou les relations internationales dans le monde polynésien Sémir Al Wardi

Les transformations du politique : leaderships et question environnementale en Polynésie française Rudy Bessard

L’intégration régionale de la France dans le Pacifique océanien, une diplomatie multimodale Christian Lechervy

Hors dossier

The replicas of rongorongo objects in the musée du quai Branly () Rafal M. Wieczorek et Paul Horley

Miscellanées

Les « pagaies cérémonielles » des îles Australes, les recherches de Rhys Richards et la piste espagnole Gilles Bounoure

POSITION DE THÈSE. Autodétermination et autochtonie en Nouvelle-Calédonie. L’effacement progressif de la question coloniale Denis Monnerie

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Comptes rendus d'ouvrages

Compte rendu de L’odyssée pascuane. Mission Métraux-Lavachery, île de Pâques (1934 -1935), de Christine LAURIÈRE Gilles Bounoure

Compte rendu de Les îles d’Anir. Esprits, masques et spectacles dans le sud de la Nouvelle-Irlande, de Antje S. DENNER Gilles Bounoure

Compte rendu de , de Guigone CAMUS Gilles Bounoure

Compte rendu de Living with Indonesian Art. The Frits Liefkes Collection, de Francine BRINGREVE and David J. STUART-FOX (eds) Gilles Bounoure

Compte rendu de Kastom. Art of Vanuatu, de Kirk HUFFMAN et Lisa MCDONALD Gilles Bounoure

Compte rendu de A History of as recorded by Rev. John Thomas…, de Nigel STATHAM Gilles Bounoure

Compte rendu de Au-delà d’un naufrage. Les survivants de l’expédition Lapérouse, de Jean-Christophe GALIPAUD et Valérie JAUNEAU Christian Coiffier

Compte rendu de Océania. Légendes et récits polynésiens publiés par La Société d’études océaniennes, de Léonce JORE (éd.) Gilles Bounoure

Compte rendu de Casse-tête et massues kanak, de Roger BOULAY Isabelle Leblic

Compte rendu de Polynesian Outliers: The State of the Art, de Richard FEINBERG and Richard SCAGLION Pierre Maranda

Compte rendu de The Ancient Hawaiian State. Origins of a Political Society, de Robert J. HOMMON Gilles Bounoure

Actes de la Société et Actualités

Assemblée générale 2015 : bilan exercice 2014

Cinéma des Océanistes et Conférences de la SdO liste des ouvrages reçus [La liste précédente est incluse dans le numéro 138-139]

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Rudy Bessard et Nathalie Mrgudovic (dir.) Dossier Intégration régionale des territoires français dans le Pacifique Sud

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Horizons régionaux et variations océaniennes des territoires français Regional Perspectives and Oceanian Variations for the French Territorie

Rudy Bessard et Nathalie Mrgudovic

« L’identité régionale […] repose sur une réalité concrète : la mer est aussi réelle que vous et moi […]. Je ne fais que constater qu’elle forge le caractère de cette planète, qu’elle est une source majeure de notre subsistance et que nous l’avons tous en partage, où que nous soyons en Océanie. Mais au-delà des épreuves quotidiennes, la mer nous lie les uns aux autres. Elle est source de sagesse infinie. La mer est notre métaphore la plus puissante. L’océan est en nous. » (Hau’Ofa, 2015 [1997] : 55-56)

1 Souvent présentés de manière séparée, les territoires français dans le Pacifique Sud, objets de ce dossier, possèdent cependant des horizons régionaux intéressants qui mettent en exergue la variété des écosystèmes politiques de l’espace océanien 11. Les facettes multidimensionnelles des évolutions humaines montrent une « mer d’îles » océaniennes en mouvement, selon l’intellectuel tongien Epeli Hau’Ofa (2008 [1993]). Sa pensée alimente la formation d’une identité régionale océanienne, à partir du socle d’un projet commun d’unir les peuples du Pacifique autour de la protection du Pacifique Sud, dont les habitants seraient les « gardiens de l’océan » (Hau’Ofa, 2015 [1997]). La formation d’une identité régionale ne masque cependant pas la diversité des sociétés océaniennes qui évoluent au gré de trajectoires historiques et culturelles variées, en étant de plus en plus irriguées par des flux d’horizons internationaux et régionaux. Ainsi, les dynamiques de ces sociétés montrent qu’elles ne sont pas dominées malgré elles par un subconscient précolonial (Doumenge, 2001 ; Wittersheim, 2014), ni figées par le legs colonial ou prisonnières d’une réification des cultures dans le sillage de la modernité et de la mondialisation (Wolton, 2013 ; Babadzan, 1999, 2009).

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2 Peut-on pour autant affirmer que les trois principaux territoires français du Pacifique – Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna – se retrouvent dorénavant en situation postcoloniale ? Si les deux premiers de ces trois territoires sont inscrits sur la liste des Nations unies des territoires non autonomes à décoloniser (Regnault, 2013), ils ont connu une évolution institutionnelle importante, entre la « décolonisation dans la République » (Mohamed-Gaillard, 2010) mais sans l’indépendance et l’approche de la décolonisation au sens du droit international qui est privilégiée par les indépendantistes et dont les étapes transitoires ne concordent pas nécessairement avec les possibilités du droit français (Leblic, 1993 ; Regnault, 2013 ; Faberon, 2008 ; Graff, 2012 ; voir aussi le débat entre Alain Christnacht, conseiller d’État, et Roch Wamytan, leader indépendantiste kanak [Regnault et Fayaud, 2008 : 108-110]). Deux volumes du JSO ont été consacrés à ces deux territoires français, le premier coordonné par Isabelle Leblic, à l’occasion du cent cinquantenaire de la colonisation en Nouvelle-Calédonie (117 de 2003) et le second sur la Polynésie française (119 de 2004). Quant au territoire de Wallis-et-Futuna, il demeure régi par la loi du 29 juillet 1961 qui a transformé cet ancien protectorat français en Territoire d’Outre-Mer (TOM) (voir le dossier Spécial Wallis-et-Futuna du JSO 122-123 coordonné par Hélène Guiot et Isabelle Leblic en 2006).

3 Le courant pluridisciplinaire du post-colonialisme (anthropologues, sociologues, historiens, politologues, écrivains), apparu en France dans le sillage de Georges Balandier, s’interroge sur le rapport à l’histoire des peuples colonisés, ainsi que sur l’hybridité qui résulte de ces situations coloniales diverses, illustrant notamment la permanence des conséquences de la colonisation, aussi bien dans les sociétés anciennement colonisées qu’au sein des sociétés colonisatrices, qui ressentent ensemble un « besoin d’histoire » (Smouts, 2007). Sans s’appesantir sur le bien-fondé des postcolonial studies, quelquefois marquées par un parti-pris et une radicalité qui freinent leur implantation (Smouts, 2007), ces études ont pour mérite de présenter différents points de vue, en prenant en compte les degrés du traumatisme colonial et l’hybridité des pratiques sociales et culturelles à l’œuvre dans ces territoires d’outre- mer. Ainsi, la situation contemporaine des territoires français du Pacifique connaît d’intéressantes dynamiques sociales, politiques et économiques, que les chercheurs s’efforcent de mettre en lumière, en s’appuyant sur une interdisciplinarité nécessaire à l’étude de ces terrains de recherche. Marqués par la complexité, ils amènent à réfuter les préjugés coloniaux, raciaux ou une approche trop occidentalo-centrée sur des réalités relevant d’univers cosmogoniques, sociaux et culturels différents, conduisant au fait que « la recherche d’universaux s’en trouve déplacée » (Monnerie, 2014 : 150). Avec les dynamiques régionales de l’espace océanien (cf. infra), les « dynamiques du dehors » ont longtemps été étudiées dans le champ des relations internationales par un regard extérieur axé sur les intérêts des grandes puissances, en délaissant les perceptions des acteurs océaniens (Mohamed-Gaillard, 2012). La négligence de l’attention portée sur les « dynamiques du dedans » a été en partie contrebalancée dès les années 1980 par l’approche « Islander-oriented » et la prise en considération des réflexions océaniennes (Leblic, 1993, 2003 ; Lal, 2007). Cependant, la lecture océanienne des enjeux internationaux demeure marginale, aussi bien sur la scène internationale que dans les Pacific Studies (Mohamed-Gaillard, 2012).

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Carte 1. – L’Océanie

(http://ctig.univ-lr.fr/Fond_carte/Fond_Oceania2011_Col_Big.png)

4 Pourtant, l’analyse historique des relations internationales peut être effectuée à la lumière des jeux d’échelles entre situations particulières et contextes généraux, ainsi que le démontre l’historienne Sarah Mohamed-Gaillard, dans le précédent dossier du Journal de la Société des Océanistes ( JSO) publié sous sa direction. Le dossier Relations internationales et régionales en Océanie, publié dans numéro 135, faisait le bilan des publications de la revue dans le domaine des relations internationales relatives à l’Océanie. Plusieurs dossiers et de nombreux articles sur ces thématiques ont donc déjà été publiés par le JSO, depuis le volume 87 traitant de l’Océanie et de ses problèmes géostratégiques (1988), le numéro double 92-93 relatif à la Pacific Way et aux relations régionales (1991), le numéro traitant des défis du Pacifique (JSO 125, 2007), puis de la question de l’environnement (JSO 126-127, dirigé par Jean Trichet et Isabelle Leblic, voir Trichet et Leblic, 2008 : 5-10), ou les articles de Stephanie Lawson (JSO 109, 1999), Nathalie Mrgudovic (JSO 117, 2003), Guy Agniel (JSO 126-127, 2008 : 145-151) ou Stéphanie Graff (JSO 134, 2012 : 61-83) pour ne citer que les plus récents. Si le dossier du volume 135 du JSO montrait la vulnérabilité stratégique puis économique des territoires insulaires océaniens dans la globalisation, faisant de l’Océanie un continent en marge des enjeux internationaux, il mettait aussi en évidence la consolidation des puissances régionales australasiennes, l’intérêt croissant des puissances asiatiques dans la région (Mohamed-Gaillard, 2012 : 180), ainsi que les effets des politiques d’aide au développement (Overton et al., 2012). De manière plus épisodique, quelques revues se sont penchées sur la dimension internationale de la question océanienne. Par exemple, la revue Hermès (Barbe et Meltz, 2013) a consacré un dossier au « monde Pacifique dans la mondialisation », faisant appel à divers spécialistes des champs relatifs à la linguistique, aux techniques, à l’art, aux patrimoines et aux cultures en Océanie. Mais la démarche scientifique visant à étudier le champ des relations internationales dans la région océanienne s’inscrit dans la continuité des publications du Journal de la Société des Océanistes sur ce thème. En particulier, dans le sillage du volume 135, le présent dossier

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ouvre une nouvelle entrée dans l’étude des relations océaniennes en mettant l’accent sur la question de l’intégration régionale autour des territoires français dans le Pacifique. En l’occurrence, ce dossier s’appuie sur une perspective davantage géopolitique, institutionnelle qu’une étude de la dimension culturelle, sociologique et anthropologique de la région, qui aurait évidemment complété son contenu. Les travaux scientifiques déjà publiés en la matière, en particulier par le Journal de la Société des Océanistes, sont éclairants sur la profondeur ethnologique des sociétés océaniennes.

5 Les articles de ce dossier sont consacrés plus spécifiquement aux territoires français et à une problématique d’intégration régionale, essentiellement dans les champs politique et institutionnel. Il s’agit de mettre en évidence certaines dynamiques du processus de régionalisation dans le Pacifique et d’observer plus précisément ce que recouvre en réalité un concept en apparence aussi flou que celui d’intégration régionale. D’autant plus qu’une interrogation sur les possibilités et les facteurs d’intégration prend en compte la question « qui intègre qui ? »2, en raisonnant à partir du jeu des acteurs (dirigeants politiques et acteurs sociaux), mais aussi en fonction du cadre posé par les institutions (États, exécutifs locaux, organisations régionales et internationales), ainsi que par les différentes formes de leadership qui en émanent. En particulier, la formulation de la politique de la France par son représentant dans le Pacifique, M. Christian Lechervy, propose une réflexion intéressante qui met en relief les nouvelles problématiques régionales autour de l’insertion des territoires français dans les institutions de l’espace océanien. En resituant les enjeux à partir des spécificités de ces territoires, il apparaît que les formes institutionnelles de l’intégration régionale dans le Pacifique Sud ne possèdent pas le même caractère de rétrocession de la souveraineté, qui n’est d’ailleurs pas toujours juridiquement pleine et entière (Kochenov, 2011). Cependant, la formation d’une identité régionale, décelable par exemple dans les lieux d’échanges culturels (Jeux du Pacifique, Festival des Arts du Pacifique), irrigue les canaux vecteurs d’intégration régionale à plusieurs égards, par delà le champ culturel. De la sorte, la notion d’intégration régionale peut être envisagée au sens large de la rencontre, de l’échange et de la coopération entre deux ou plusieurs territoires/États et types d’acteur de ces territoires (politiques, économiques, culturels, religieux, etc.).

Trois territoires aux caractéristiques spatiales et socioéconomiques différentes

6 Les trois principaux territoires français3 du Pacifique – Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna – possèdent des caractéristiques soulignant leurs différences de position géographique, de population, de superficie, de statut ou de leurs langues vernaculaires (Vernaudon, 2010), mais ils n’en sont pas pour autant dépourvus de ramifications.

7 En-dehors d’un statut institutionnel propre à chacun des territoires – trois royaumes dans la Collectivité d’Outre-Mer (COM) de Wallis-et-Futuna cohabitant avec un administrateur supérieur, statut d’autonomie sui generis issu de l’accord de Nouméa (1998) pour la Nouvelle-Calédonie, statut d’autonomie pour la COM de Polynésie française (2004, révisé en 2007) –, leurs caractéristiques sociales et économiques fluctuent également. Ainsi, la Nouvelle-Calédonie possède une économie dynamique, contrairement aux deux autres territoires. Axée sur le secteur minier (voir le n° 138-139 du JSO : Les mises en récit de la mine dans le Pacifique) par ses gisements importants

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de nickel (90 % des exportations d’où l’importance du cours fluctuant du minerai), l’économie calédonienne s’appuie aussi sur la pêche, l’aquaculture ou l’agriculture (élevage). Avec une superficie de 18 575 km², le territoire est réparti entre la Grande Terre (16 361 km²), les îles Loyauté, Belep, l’île des Pins, auxquelles s’ajoutent de nombreux îlots et récifs, qui portent la zone économique exclusive à 1 422 000 km², soit 13 % de la ZEE française. Marquée par une histoire singulière qui a entraîné une répartition de la population entre le peuple autochtone kanak (40,3 % en 2009), les Européens (29,2 %), Wallisiens et Futuniens (8,7 %), Tahitiens (2 %), Indonésiens (1,6 %), Vietnamiens (1 %) ou Ni-Vanuatu (0,8 %) et autres, la population résidant en Nouvelle- Calédonie s’élevait à 268 767 habitants en 2014, dont les deux tiers (179 509 habitants) dans et autour de la ville de Nouméa (Institut de la statistique et des études économiques de Nouvelle-Calédonie - ISEE).

8 Le territoire de Wallis-et-Futuna est composé de trois îles principales – l’île volcanique basse de Wallis, entourée d’un lagon, est séparée par 230 km des îles volcaniques hautes de Futuna et Alofi (inhabitée), dépourvues de lagon –, Wallis-et-Futuna possède une superficie de 142 km² pour une ZEE de 300 000 km². Le nombre d’habitants était de 12 197 habitants en 2013, dont les deux tiers se trouvent à Wallis (Service territorial de la statistique et des études économiques de Wallis-et-Futuna - STSEE). La baisse de l’accroissement naturel (perte de 2 750 habitants depuis 2003 soit 18 % de la population essentiellement polynésienne) est principalement due à un courant migratoire en direction du pôle d’attractivité de la Nouvelle-Calédonie voisine (voir infra) : 21 262 personnes se déclarant wallisiennes et/ou futuniennes étaient recensées en Nouvelle- Calédonie en 2009, soit presque le double de la population résidant au Fenua (« pays »). L’économie du territoire est basée sur les dotations de l’État (environ 80 % du budget) et le secteur public, qui représente 70 % de l’emploi salarié total. L’économie locale, vivrière et domestique, est basée sur une agriculture d’autosubsistance, complétée par de fortes importations. En dépit de la présence d’un aéroport international à Wallis, le tourisme demeure très limité.

9 Au contraire, le tourisme constitue un revenu important de la Polynésie française, avec la perliculture, la pêche ou la culture de la vanille. Mais l’économie polynésienne demeure fragile – le taux de chômage a doublé entre 2007 et 2012 – et continue de reposer sur les dotations de l’État (Poirine, 2011), tandis que l’Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) mesurait un taux de pauvreté en conditions de vie atteignant 28 % en 2009 (17 % de taux de pauvreté en 2008 en Nouvelle-Calédonie)4, en relevant une répartition très inégale des revenus. Sur un territoire de 121 îles volcaniques ou coralliennes (dont 76 habitées) représentant une surface maritime de 2,5 millions de km² pour 3 814 km² de terres émergées sur cinq archipels (Société, Tuamotu, Gambier, Australes, Marquises), la Polynésie française est dotée d’un atout océanique indéniable dans cette partie stratégique du monde. Sa population s’élevait à 270 500 habitants en 2014, soit légèrement davantage que la Nouvelle-Calédonie, dont la densité de population est environ cinq fois inférieure. Ces brefs éléments généraux sur ces trois territoires permettent de situer leurs spécificités, qui n’excluent pas des échanges entre les territoires français de la région océanienne. Il existe par ailleurs des manifestations différentes du religieux dans les trois sociétés respectives, qui présentent de profondes particularités, avec des degrés variés de coutume, de tradition et de sacré qui donnent des accents singuliers au christianisme légué par la colonisation (Baubérot et Regnault, 2008).

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10 En effet, les îles de Polynésie française, Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna développent entre elles des relations déjà anciennes, ainsi qu’avec leurs voisins respectifs à l’échelle océanienne. Cet environnement régional s’avère disparate en fonction des territoires et des contextes propres à chacun de ces territoires : la Nouvelle-Calédonie, située à proximité de la puissance australienne, fait tampon avec « l’Océanie proche » et l’espace mélanésien, alors que la Polynésie française, très étendue, ferme la région océanienne à l’est, ses archipels s’étirant autour de « l’Océanie lointaine » dans la sphère d’influence polynésienne.

11 Certes, les problématiques varient selon les perspectives d’intégration régionale de ces territoires.

12 Par leur proximité plus directe qu’avec Tahiti, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et- Futuna ont une relation d’échanges commerciaux et migratoires plus importante. Wallis-et-Futuna est située entre les deux autres territoires, à 2 800 km de la Polynésie française et à 2 000 km de la Nouvelle-Calédonie. Mais le « Caillou » constitue un pôle d’attractivité pour les Wallisiens, en raison de la différence d’échelle territoriale et économique entre les deux entités. La présence d’une importante diaspora wallisienne et futunienne en Nouvelle-Calédonie s’accompagne d’une communauté tahitienne et polynésienne qui a migré en fonction de critères socio-économiques. Le « boom du nickel » de 1969-1970 entraîna la migration de 15 700 Européens, 3 500 Tahitiens et 2 900 Wallisiens et Futuniens, soit 24 200 migrants entre 1969 et 1973. En comparaison, l’installation du Centre d’expérimentations du Pacifique en Polynésie française au début des années 1960 avait déjà connu une migration de 12 200 personnes nées hors du territoire entre 1962 et 1971. Si elle a contribué à la transformation de la société et de l’économie polynésiennes, la migration a été deux fois inférieure à celle se déroulant en Nouvelle-Calédonie sur une courte période. Les migrations européenne et polynésienne ont pu être perçues par les Mélanésiens comme une nouvelle colonisation (Rallu et Baudchon, 2003), accélérant la cristallisation de la revendication politique mélanésienne (Leblic, 1993, 2003 ; Soriano, 2014). L’émergence de mouvements autonomistes et/ou indépendantistes en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française a développé un tissu de relations entre les acteurs de ces mouvements notamment engagés dans la lutte pour l’indépendance de leur territoire. Le processus s’est avéré chaotique en Nouvelle-Calédonie à la suite des « événements » (1984-1988). Des convergences politiques et militantes se sont nouées également au sujet connexe des protestations contre les expérimentations nucléaires conduites par la France à Moruroa et Fangataufa (Tuamotu, Polynésie française), qui focalisaient l’attention de la région à cette époque (Mrgudovic, 2008 ; Mohamed-Gaillard, 2010). L’opposition à la présence et aux essais atomiques français dans les années 19870 et 1980 a de la sorte renforcé le processus d’intégration régionale.

13 Les échanges intra-territoires français du Pacifique montrent-ils le développement d’une politique régionale cohérente de la France pour ces trois territoires ? Il semble davantage que les convergences émergentes sur les plans politique et institutionnel s’inscrivent, d’une part, en tant que collectivité d’outre-mer (COM) de la République française, mais aussi par l’association avec l’Union européenne en tant que Pays et Territoire d’outre-mer (PTOM), qui favorise les pratiques d’intégration régionale en matière économique, scientifique5 et culturelle. Les PTOM (les territoires français et Pitcairn dépendant du Royaume-Uni) représentent ainsi une « présence européenne » dans la région Pacifique, selon les termes de l’UE dans le document présentant en 2006

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la stratégie de renforcement du partenariat entre l’UE et les États ACP – Afrique, Caraïbes, Pacifique – (Choi, 2010). L’intégration régionale ne s’apparente donc pas à un « serpent de mer » ou à une marotte institutionnelle, mais s’inscrit dans une politique française et européenne de consolidation de leur présence stratégique, bien que les limites de ces considérations géopolitiques soient diplomatiquement connues et évaluées depuis longtemps (Regnault, 2013 : 235-244).

14 Un autre aspect relatif à l’intégration régionale concerne directement l’intégration territoriale au sein de chacun des territoires, dont les découpages administratifs sont distincts. La régionalisation dans les territoires concerne essentiellement la Nouvelle- Calédonie (Leblic, 1993, 2004). Cette option institutionnelle a été proposée sous des formes et des finalités différentes par le gouvernement central pour résoudre la question calédonienne, dans l’optique de diviser la revendication nationaliste kanak à la suite de la crise et de violences politiques entre les militants indépendantistes kanak et les loyalistes. Elle s’est avérée inopérante entre 1985 et 1988. Mais ce mouvement a été suivi par la provincialisation, issue des accords de Matignon en 1988 (Leblic, 1993 ; Faberon, 2003). Des représentants des trois provinces (Nord, Sud et îles Loyauté) siègent au Congrès de Nouvelle-Calédonie, où ils élisent un gouvernement. Pour autant, le découpage aux formes fédérales des provinces de Nouvelle-Calédonie (Faberon, 2008) ou l’organisation en circonscriptions administratives divisées en districts subdivisés en village dirigés par des chefs à Wallis-et-Futuna (Soulé, 2003 ; Guiot et Leblic (éds), JSO 122-123, 2006 ; Argounès et al., 2011 : 46) se différencient de la force centralisatrice de et de Tahiti en Polynésie française (Merceron et Morschel, 2013) pour y déceler des convergences en termes de régionalisation interne6. En outre, la Polynésie française, par son étendue maritime, représente presque à elle seule un espace régional, avec 121 îles étirées sur une surface comparable à celle de l’Europe occidentale. Ces territoires à la géographie, à l’histoire et aux institutions différentes possèdent tout de même quelques éléments propices au développement de leurs relations.

15 Des échanges culturels mais aussi institutionnels, ministériels et économiques se nouent entre la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Au niveau des relations économiques entre les territoires, quelques facteurs de convergence apparaissent au regard de missions ministérielles entre Tahiti et la Nouvelle-Calédonie. Ils concernent la gestion d’un tourisme durable (La Dépêche de Tahiti, 24 février 2015), ou la mise en place de relations entre les Chambres de commerce et d’industrie et les organisations patronales et syndicales sur les questions du lobbying en faveur de la défiscalisation (« Les trois collectivités françaises du Pacifique s’unissent », La Dépêche de Tahiti, 30 octobre 2014). Ce dernier aspect représente un sujet de convergence entre les autorités économiques des collectivités d’outre-mer dans leur ensemble7. Elles appellent à la prise en compte du potentiel de la ZEE (David, 2008) par les parlementaires français, notamment lors de la conférence sur les collectivités d’outre-mer du Pacifique et les enjeux stratégiques et économiques de la région qui s’est tenue à l’Assemblée nationale en novembre 2014.

16 Sous un angle économique, le processus d’intégration régionale révèle les impacts positifs des accords commerciaux intra-régionaux sur les flux d’échanges entre les pays membres. Ce type d’étude met aussi en relief le legs historique de la colonisation dans la structuration des échanges (Ro’i, 2013). Avant le développement récent des échanges commerciaux, économiques et technocratiques entre le Fenua (« pays ») et le Caillou, il

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a longtemps été considéré que la distance (4 700 km) entre les deux territoires, des histoires et des sociétés différentes ne favorisaient pas une intégration économique mutuellement intéressante. À l’exception de quelques échanges patronaux, il y a peu d’échanges commerciaux, car les « clans familiaux » verrouillent le business à Nouméa. La production serait trop faible en Polynésie française, selon l’avis de l’ancien président du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR), Jacques Lafleur, dont l’entreprise politique concurrente au sein des relais chiraquiens au RPR avec le leader polynésien Gaston Flosse mettait en scène la rivalité entre les deux territoires dans les années 1980 et 1990, chacun briguant par exemple le poste de Secrétaire d’État au Pacifique Sud dans le gouvernement Chirac en 1986 : « On est totalement différents. On peut avoir des échanges politiques. S’agissant des échanges économiques, ça se fera à sens unique parce que la Polynésie ne produit pas grand-chose. » (Lafleur, in Kotra, 2009 : 100)

17 Certes, la complémentarité économique entre la Polynésie française et la Nouvelle- Calédonie est loin d’être flagrante a priori, mais les échanges entre les deux territoires n’ont pas exclusivement vocation à être seulement de nature politique ou économique. En effet, l’échange de connaissances et de savoirs, par exemple lors du Festival international du film océanien (FIFO), démontre ainsi la richesse des échanges culturels qui naissent des créations artistiques par les acteurs des différents territoires océaniens.

Carte 2. – Intégration régionale en Océanie

(© http://www.defense.gouv.fr/var/dicod/storage/images/base-de-medias/images/marine/photos- des-breves/carte-zee/2067692-1-fre-FR/carte-zee.jpg pour le fond de carte & Nathalie Mrgudovic)

Degrés et natures variés des échelles de l’intégration régionale

18 Les différents niveaux de l’intégration régionale autour des entités françaises sont articulés autour de trois dimensions : l’intégration entre les territoires français, l’intégration avec les autres territoires et l’intégration dans des groupes régionaux,

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encouragée par les acteurs extérieurs en fonction de l’architecture institutionnelle de la région océanienne.

19 Les phénomènes d’intégration régionale se présentent principalement sous la forme de coopérations aux formes diverses. Celles des entités françaises avec leurs territoires voisins et/ou les organisations régionales concernent aussi bien les coopérations militaires (formation, surveillance des ZEE, interventions humanitaires), scientifiques (environnement [Trichet et Leblic éds, 2008]), changements climatiques ; échange de savoirs/technologies aquacoles, agricoles ou minières ; structuration du réseau de chercheurs e-toile Pacifique, etc.), ou les champs économiques (import/export ; aquaculture ; économie numérique) et culturels (manifestations sportives, médiatiques, artistiques).

20 Après 1945, les premières formes de coopération entre territoires de la région ont amorcé des processus d’intégration régionale, qui se sont traduits sur les plans institutionnel et politique par la création d’organisations régionales et subrégionales. Dès 1947, la commission du Pacifique Sud – devenue Communauté du Pacifique en 1997 – est instaurée. Tandis que le Forum du Pacifique – créé en 1971 à Wellington (Nouvelle- Zélande), devenu le Forum des îles du Pacifique en 2000 –, ou le groupe du Fer de Lance mélanésien (GFLM), établi en 1988 à Port-Vila (Vanuatu), sont mis en œuvre ultérieurement dans des contextes différents : lors de la phase de décolonisation des territoires du Commonwealth marquée par la contestation des essais nucléaires français dans les années 1970 pour le Forum ; et, lors de la crise calédonienne des années 1980 pour le GFLM, même si cette organisation politique entre États mélanésiens a depuis mis l’accent sur l’aspect économique de leur coopération.

21 Les rapports avec le Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS), qui a été intégré dans l’organisation mélanésienne depuis mars 1990, montre toutefois le caractère politique premier d’un groupe, qui a œuvré au développement d’un « sentiment régional » mélanésien. La recherche d’une intégration économique a ensuite été illustrée par l’intégration de la Nouvelle-Calédonie au marché de libre- échange mélanésien le 3 juillet 1999, lors du XIIIe sommet du GFLM à Port-Vila. Cet accord a été rendu possible par la signature de l’accord de Nouméa le 5 mai 1998 entre le FLNKS, le RPCR et le gouvernement français. En outre, le 15 août 2000, la Nouvelle-Calédonie est admise pour la première fois à participer aux travaux post-forum du XXXIIe Forum du Pacifique à Nauru. Ainsi, les 15 août 2002 et 16 août 2003, le président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, puis une délégation FLNKS-RPCR, participent directement au Forum du Pacifique à Suva (Fidji) puis à Auckland (voir notamment Mrgudovic, 2003 ; Mohamed-Gaillard, 2011 ; Tabani, 2011 ; Graff, 2012). Le Forum, dont les membres sont signataires des accords ACP/UE, représente de plus un appui pour la politique régionale de l’UE, qui est intéressante pour les signataires par son flux d’aides techniques et financières aux îles du Pacifique (Fabry, 2005).

22 Le régionalisme mélanésien a également des relations polynésiennes, en particulier avec le parti indépendantiste tahitien, le Tavini Huiraatira d’Oscar Temaru. Lors du XVe sommet du GFLM aux Salomon, le 6 août 2003, Temaru était l’invité spécial pour la réinscription de la Polynésie française sur la liste onusienne des pays à décoloniser. Le GFLM a continué de soutenir sa démarche, lorsqu’en mars 2011, le président du groupe du Fer de Lance écrivit au président du forum pour affirmer son soutien aux indépendantistes tahitiens (Regnault, 2013 : 199). De son côté, le Forum rappelle sa

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décision de 2004 qui reconnaît le principe d’auto-détermination, mais encourage la Polynésie française et la France à résoudre cette question par une approche interne et consensuelle (Regnault, 2013 : 201).

23 Si la Communauté du Pacifique représente une entité davantage technique, la raison de la création du forum des îles du Pacifique était essentiellement politique. D’ailleurs, le régionalisme océanien s’est développé en rapport avec le mouvement de décolonisation. La posture régionale a été ainsi structurée par le rejet de la politique de la France lors de la crise calédonienne et de la persistance des essais nucléaires (Mohamed-Gaillard, 2012). Il en est de même du GFLM et, plus récemment, des deux groupes de dirigeants et de parlementaires polynésiens, analysés ici par Sémir Al Wardi (pp. 75-88).

24 Déjà, à la suite de la mobilisation du Fer de Lance au milieu des années 1980, le président du gouvernement de la Polynésie française, Gaston Flosse, avait émis l’idée en septembre 1985 lors d’une visite de Jacques Chirac à Tahiti, de lancer une « fédération des États polynésiens » pour répondre au mouvement mélanésien (Bessard, 2013 : 327). Ironie de l’histoire, en août 2013, redevenu président de la Polynésie française, Gaston Flosse est élu par ses pairs, en tant qu’aîné, comme président du Pacific Leaders Group, regroupant huit « pays » polynésiens. Cette initiative s’avère moins formelle que l’instauration d’une fédération, mais elle s’inscrit cependant dans la recherche d’un groupe régional polynésien visant à contrebalancer l’influence des organisations mélanésiennes. En 1992, lors du IVe Festival des Arts du Pacifique, le président du gouvernement de Polynésie française, Gaston Flosse, déclara, à l’occasion d’un rassemblement de grandes pirogues : « Nous sommes un seul et même peuple. » (Bessard, 2013 : 306)

25 L’orientation de sa diplomatie privilégie surtout le versant polynésien des relations océaniennes, en mettant en avant la dimension familiale rapprochant les « frères et sœurs du Pacifique ». Lors du sommet France-Océanie à Tahiti en août 2003, le vice- président de la Polynésie française et ancien gendre de Gaston Flosse, Édouard Fritch, mandaté pour transmettre l’invitation de la France aux dirigeants océaniens, relevait que ces derniers avaient salué cette initiative : « Certains ont même parlé d’événement historique, qu’un membre de la famille ait ce souci de rassembler les frères et les sœurs du Pacifique […]. » (Bessard, 2013 : 306)

26 Par ailleurs, les territoires français du Pacifique sont inscrits dans la politique de la France dans le Pacifique, dont la consistance fluctue… Mais ils relèvent aussi de la politique de l’Union européenne, en tant que pays et territoire d’outre-mer (PTOM) associés à l’UE, leur permettant ainsi de postuler à l’attribution des fonds européens de développement (FED). Le principal bailleur de fonds de ces territoires demeure cependant l’État français. Néanmoins, le rôle des acteurs « extérieurs », l’Union européenne en particulier, participe au développement d’un processus d’intégration régionale qui fait partie des référentiels des politiques publiques européennes d’aide au développement. Au même titre que la « bonne gouvernance » ou le « développement durable », le renforcement des capacités en matière d’« intégration régionale » est mis en avant dans les programmes de coopération internationale de l’Union européenne. Toutefois, elles ne figurent pas au rang des conditionnalités politiques qui accompagnent parfois l’aide financière et technique apportée par l’UE, même si celle-ci cherche à remédier à la faible intégration régionale des outre-mers français dans leur

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zone (Fabry, 2005). L’article de Rémy-Louis Budoc (pp. 21-38) éclaire particulièrement la dimension européenne dans le processus d’intégration régionale autour des trois territoires français du Pacifique. Enfin, la création en 2002 de l’OCTA, association des PTOM de l’UE, vise à assurer la défense des intérêts des autorités insulaires auprès des instances européennes, bien que leur dispersion et leur hétérogénéité semblent les desservir face au bloc technocratique européen.

Un concept d’intégration régionale vecteur d’ambiguïtés

27 Le concept d’intégration régionale est conçu de façon souple, sans entrer dans les débats théoriques relatifs au néo-fonctionnalisme8 ou au néo-régionalisme 9 sur la question de l’intégration régionale dans les théories des relations internationales. Ces débats s’avèrent occidentalo-centrés, tandis que les études prennent majoritairement appui sur les États (Dabène, 2009). Non seulement le cadre qui nous préoccupe comprend des territoires aux degrés de souveraineté et aux statuts multiples, mais le contexte d’étude souvent lié à la dynamique de la construction de l’Union européenne, qui préside au développement de ces théories, n’offre pas une applicabilité conceptuelle vraiment intéressante dès lors que l’on étudie le contexte océanien. Confronté aux phénomènes d’intégration régionale en Amérique latine, le politiste Olivier Dabène propose une autre définition de l’intégration régionale, « […] En termes de processus historique de hausse du niveau d’interaction entre unités politiques (infranationales, nationales ou supranationales), provoquée par des acteurs partageant des idées, arrêtant des objectifs et trouvant des instruments pour les atteindre, et ce faisant contribuant de façon volontaire ou involontaire à construire une région. » (Dabène, 2009 : http://www.sciencespo.fr/opalc/content/integration-et- democratie)

28 Cette approche englobe la diversité des acteurs (publics et privés), des registres (formels et informels) et des niveaux d’interaction du processus, qui résulte soit d’une stratégie délibérée soit d’un effet émergent, pouvant entraîner la création d’institutions. Par exemple, l’idée d’une Pacific Way (Mara, 1997) faisait sens pour ses protagonistes, à partir des idées de recherche du consensus et de solidarité entre les peuples du Pacifique. Elle avait notamment pour objectif la formation d’un régionalisme, dont l’un des instruments fut le Forum du Pacifique Sud, qui voulait trancher avec le rôle plus feutré et limité en matière politique de la Commission du Pacifique Sud.

29 La région peut être comprise comme un mode de régulation et d’organisation des rapports entre les différents acteurs afin de les consolider et de les faciliter. Il ne s’agit pas d’un simple cadre d’échanges entre acteurs, mais plutôt d’un construit (Van Langenhove, 2003). Le renouveau de l’analyse du concept de région et de régionalisme met en évidence la région comme une nouvelle forme d’entité politique, à la fois multiculturelle, multidimensionnelle et dynamique, car elle se trouve inscrite dans un processus complexe de construction résultant de la volonté des acteurs. Le régionalisme n’a donc pas seulement pour vocation d’intensifier les relations économiques mais de donner « un sens » régional aux différentes entreprises politiques, sociales et culturelles (Hau’Ofa, 2015). Un tel régionalisme est traversé par

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des flux concernant des acteurs aux multiples profils sociologiques, qui ne sont pas uniquement les « acteurs d’une intégration par le haut », celle des dirigeants politiques, mais concernent aussi par exemple les acteurs culturels et économiques. Ainsi, l’« intégration par le bas » (Bach, 1998) met en exergue des mouvements de coopération, de transaction et d’interaction transfrontalières lancés par et impliquant les acteurs non-étatiques, par exemple les associations de femmes, souvent à l’origine d’initiatives culturelles dans la région (Cerf, 2007). Malgré tout, les rapports de force économiques penchent en faveur des territoires français en comparaison de leurs voisins océaniens, à l’exception des puissances régionales australasiennes, dans la mesure où la Nouvelle-Calédonie, et à un degré moindre, la Polynésie française, ont les PIB par habitant parmi les plus élevés de la région, presque au niveau de la Nouvelle- Zélande. Or, développer des relations commerciales avec de petits marchés, peu solvables et produisant les mêmes choses à moindre coût, est d’un intérêt économique relatif (Gay, 2008 : 106).

L’intégration régionale, des legs coloniaux aux flux mondialisés

30 Le développement des échanges et l’identification régionale à un ensemble de traits culturels qui font sens dans le Pacifique Sud comportent en effet une dynamique de « retrouvailles familiales postcoloniales » en quelque sorte, qui est progressivement alimentée par des échanges de nature variée. La diversité géographique, culturelle, politique et économique sépare en apparence les territoires et entités du Pacifique Sud. Or, un mouvement contemporain de « renaissance » de l’intégration régionale, en écho à l’histoire précoloniale de la région « océanienne » marquée par de nombreux échanges inter-insulaires, amène à réinterroger les relations intra- et extra- territoriales des entités françaises du Pacifique Sud.

31 Malgré tout, le processus de régionalisation s’inscrit dans le temps long des relations au sein du « continent d’îles ». D’ailleurs, les flux de l’époque précoloniale ont-ils des correspondances à l’origine de certains développements relationnels entre territoires, par exemple entre les « pays polynésiens » ? Si le Pacifique d’avant le contact avec les Européens n’était pas véritablement un espace de culture globale, en dépit du « complexe culturel lapita » (Sand, 2010 ; Conte, 2013 : 28) formant un substrat culturel commun à ces peuples, les populations de l’Océanie lointaine, principalement celles du triangle polynésien (Hawaï-île de Pâques-Nouvelle-Zélande), ont conservé entre elles des relations durant des siècles. Elles présentaient une « grande proximité culturelle qui autorise à les inclure dans un espace culturel global » (Conte, 2013 : 29). Néanmoins, selon l’archéologue Éric Conte, il semblerait aventureux de considérer la formation récente de groupes de représentants politiques du monde polynésien comme une réminiscence contemporaine de relations anciennes – mythe d’un âge d’or des relations précoloniales –, qui auraient été éclipsées par la période coloniale.

32 Marquées par le legs des logiques coloniales, les fragmentations régionales océaniennes sont repérables dans les divisions de l’Océanie conventionnellement acceptées (Tcherkézoff, 2009), dans le découpage territorial et le mode d’administration, qui a fait émerger des systèmes juridiques et administratifs différents en fonction des puissances coloniales. Les territoires français sont restés relativement isolés de leurs voisins, en particulier en raison des rivalités coloniales et religieuses. Les enjeux stratégiques et

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économiques dans la deuxième moitié du XXe siècle, dans le cadre d’une politique archipélagique de puissance (Mohamed-Gaillard, 2010), n’ont guère favorisé une ouverture régionale de ces territoires régis en vertu des « enjeux de puissance » (Mrgudovic, 2008). En Afrique, les États européens avaient cherché à décourager l’entrée et la sortie de marchandises durant la période coloniale, afin de contrôler voire limiter les contacts entre acteurs économiques faisant partie d’empires coloniaux différents (Grant et Söderbaum, 2003 ; Meyer, 2006 : 337). Le processus d’intégration régionale est de fait influencé par les types de relations et d’échanges qui se sont développés depuis lors. On note l’importance des facteurs exogènes dans un processus régional qui n’a rien de téléologique, en cela qu’il marquerait un stade d’avancée vers la libération graduelle de l’économie mondiale – le régionalisme comme « étape vers la libéralisation internationale » (Meyer, 2006 : 307) – en vertu de la logique libérale qui sied à la plupart des théories relatives au régionalisme. Or, un changement de considération politique de la France envers ses territoires tend aujourd’hui à favoriser l’intégration régionale. Auparavant, elle veillait à tenir ses COM à l’écart des influences régionales, même de manière rigide au sein des institutions régionales dont la Commission du Pacifique Sud. Pourtant, cela n’a pas empêché des rapprochements entre mouvements autonomistes et indépendantistes des territoires français du Pacifique, entre eux mais aussi avec des leaders et des mouvements politiques régionaux qui les soutiennent. Dès lors, les autorités françaises encouragent désormais le processus d’intégration régionale et la participation de ses territoires aux instances régionales. Cela lui permet non seulement d’améliorer son image régionale, mais aussi de gêner l’extériorisation des groupes politiques en faveur de la décolonisation onusienne (Mohamed-Gaillard, 2010).

33 Une autre approche consiste à entrevoir l’intégration régionale comme un facteur de réduction de la dépendance économique productrice d’inégalité, ou extraversion (Bayart, 1999). Une trop forte ouverture au marché international (Hugon, 2003) sous l’influence de l’organisation mondiale du Commerce (OMC), a peu d’intérêt économique pour les territoires océaniens. Mais une vision moins centrée sur l’économie laisserait aussi entrevoir la volonté des acteurs océaniens de se retrouver « entre soi », de renouer et de développer des relations aux accents régionaux, qui peuvent faire davantage sens, en comparaison de l’imposition de relations lointaines et unilatérales qui prévalaient entre de nombreux territoires océaniens et les puissances coloniales. Quant aux États insulaires indépendants, l’intérêt de la régionalisation pour des États susceptibles d’être marginalisés économiquement au niveau mondial (Giesen, 2011) possède une dimension commerciale limitée mais n’est pas exempt d’avantages politique. Les théories institutionnelles du régionalisme montrent que l’institutionnalisation et l’harmonisation des politiques s’avèrent des facteurs de réduction des incertitudes et de stabilité des interactions entre les acteurs. Il s’agit moins de simplement encourager les liens commerciaux, mais plutôt de développer des politiques sectorielles (environnement, culture, santé). Ce mouvement d’autoprotection serait un contre-mouvement moderne vis-à-vis de la mondialisation selon Björn Hettne (2000). Celui-ci reprend l’analyse de Karl Polanyi relative à la libéralisation de l’économie ; ce « premier mouvement » entraîne un contre- mouvement social dans un second temps. Toutefois, peut-on aller aussi loin dans la conceptualisation de l’intégration régionale autour des entités françaises du Pacifique ?

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34 Le voisinage des entités françaises du Pacifique Sud, d’un point de vue maritime, n’offre pas de perspectives d’intégration régionale très poussées au sens occidentalo-centré d’un processus essentiellement politique relatif à un transfert de souveraineté – souvent fraîchement acquise pour maints États de la région –, à l’instauration d’un marché commun et d’une union douanière. La Nouvelle-Calédonie se situe entre l’Australie et Fidji, tout en étant proche du Vanuatu et des îles Salomon. Wallis-et- Futuna est dans une position océanienne relativement centrale, mais sa taille et son défaut d’infrastructures ne facilitent guère des échanges plus réguliers avec ses voisins (, , , Tonga ou Fidji, voisin le plus proche à 280 km au sud-ouest de Futuna). Alors que Wallis se rattachait autrefois au modèle tongien, Futuna s’inspirait davantage du cas samoan. La colonisation a modifié les dynamiques régionales de ces territoires pour ne faire de ces trois royaumes qu’une seule entité politique (Leblic et Guiot, 2004 ; Angleviel, 2006). La Polynésie française, en périphérie orientale de l’Océanie, est voisine « directe » de territoires aux statuts différents : Pitcairn (Royaume-Uni), Kiribati (État indépendant) et les îles Cook (pays associé à la Nouvelle- Zélande). Elle se situe surtout au centre du triangle polynésien Nouvelle-Zélande- Hawaï-île de Pâques, et presque au milieu d’un axe imaginaire entre l’Asie et l’Amérique du Sud. Pourtant, le potentiel d’échanges entre les territoires et leur périphérie, qui se traduit par exemple par la participation croissante de ces entités aux institutions régionales, appartient à une dynamique d’intégration régionale originale, autour d’une architecture transnationale de coopération. Il en résulte un régio- multilatéralisme basé sur un équilibre des institutions régionales océaniennes, qui se trouve dans une phase de redéfinition, posant la question de la verticalisation des organisations régionales et de leur démocratisation (Lechervy, 2015).

35 À l’évidence, cette intégration ne correspond pas au schéma ou au degré de celle qui préside à la formation de l’Union européenne. Le modèle de l’intégration régionale tend à être enrichi par une vision océanienne qui ne place pas nécessairement l’économie et la concurrence non faussée comme socles d’une identité régionale en formation et fondée sur un rapport au temps et à l’océan qui réinvente une forme d’intégration régionale au sein d’un espace océanique (Hau’Ofa, 2015). Par exemple, l’idée d’une « Union Pacifique » ou d’une « Union océanienne », telle qu’elle est formulée par le sénateur souverainiste polynésien Richard Tuheiava, représente selon lui un « projet fédérateur », qui pourrait prendre appui sur la francophonie ainsi que sur une vision commune océanienne, offrant à la Polynésie française une place centrale dans un processus communautaire régional en gestation (Massau, 2011 : 152-160). Enfin, l’intégration régionale pose la question de la sécurité militaire dans une Océanie de plus en plus convoitée10 ; mais ce problème concerne moins directement ce dossier relatif aux territoires français du Pacifique, étant donné la présence de l’armée française et la configuration institutionnelle qui prévaut aujourd’hui. Cependant, le déplacement des enjeux dans la zone apporte son lot de nouvelles problématiques, par exemple celle de la montée en puissance des pays asiatiques dans la région – parfois relayée par les diasporas asiatiques présentes dans les territoires français (Fer, 2014) –, et en corollaire, la surveillance des pratiques de pêches commerciales (Chine, Taiwan, Japon, Corée du Sud ; Crocombe, 2007 ; David, 2008, 2011). Les navires jouent de l’immensité océanique pour échapper aux réglementations, prolongeant différentes formes d’écocide, dont les requins sont notamment les témoins malencontreux et des victimes rémunératrices.

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36 L’intégration régionale autour des territoires français se situe donc au carrefour d’enjeux internationaux multiples, dont de nombreuses facettes présentent des mutations significatives : l’enjeu de l’ouverture économique d’un espace marginal dans la zone Asie-Pacifique, la révolution technologique et les problématiques du changement climatique. Par exemple, en 2010, la pose du câble sous-marin en fibre optique Honotua (« lien du large » ou « colonne dorsale ») entre Tahiti et Hawaï, en reliant la Polynésie française au reste du réseau mondial de télécommunications, a illustré l’insertion de ce territoire dans la mondialisation et a ouvert le champ des potentialités de l’économie numérique (Laborie, 2013). L’essor d’internet et des technologies numériques transcende l’éparpillement et l’isolement géographiques des îles océaniennes. Il favorise les échanges régionaux en les facilitant. L’extension du câble reste cependant en suspens (« Le câble dans l’impasse », La Dépêche de Tahiti, 17 janvier 2015) malgré de nombreux projets, dont celui d’un câble reliant la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie, elle-même connectée au réseau australien (Argounès et al., 2011). En outre, l’enjeu environnemental, fondamental en Océanie, nécessite des coopérations à l’échelle régionale afin de répondre à l’interdépendance des périls écologiques. Face à ces multiples transformations globales, l’horizon d’un océan de nouvelles opportunités et de nouvelles contraintes, qui se dessine progressivement pour ces territoires, montre que les marges de coopération, au sein de la francophonie du Pacifique et par-delà le francocentrisme, demeurent très importantes en Océanie. Dans la « Françocéanité », l’appropriation des nouvelles compétences internationales et régionales par les gouvernements calédonien et polynésien permet progressivement l’élaboration de stratégies territoriales en accord avec les autorités de la République (Lechervy, pp. 105-122).

37 À partir des dynamiques contemporaines d’institutionnalisation des échanges régionaux entre les territoires océaniens, des relations naissent ou renaissent, tendent à prendre de nouvelles formes politiques, économiques, sociales ou culturelles. De fait, les formes du processus d’intégration régionale sont appréhendées au regard de plusieurs perspectives disciplinaires et thématiques.

Un dossier aux études hétéroclites sur les dynamiques régionales

38 L’analyse des relations entre l’Union européenne (UE) et les pays et territoires d’Outre- Mer (PTOM), sujet de l’article de Rémy-Louis Budoc (pp. 21-38) offre une première perspective intéressante dans ce dossier pour pénétrer les arcanes institutionnelles de l’intégration régionale au prisme du rôle de l’UE, qui « a fait de la région Pacifique une nouvelle priorité de sa politique étrangère » (p. 23). L’auteur se réfère à la dernière décision d’association d’Outre-mer (DAO) adoptée le 23 novembre 2013, afin d’étudier les objectifs de modernisation des relations PTOM-UE, qui implique le développement des PTOM tout en différenciant cette nouvelle politique de celle « traditionnelle » de l’UE de coopération au développement. Ce « changement de cap dans les relations UE-PTOM » implique notamment un soutien à la politique d’intégration régionale des trois territoires français dans leur environnement.

39 L’intérêt de l’Union européenne dans la région a en particulier été développé par la France. En effet, la politique d’insertion menée par la France pour ses territoires du

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Pacifique Sud, mise en lumière dans l’article de Denise Fisher (pp. 39-48), montre que la France est certainement parvenue, notamment grâce à l’arrêt des essais nucléaires en Polynésie française et à la mise en place des accords de Matignon-Oudinot puis de Nouméa en Nouvelle-Calédonie, à ce que ses territoires océaniens deviennent de plus en plus les acteurs de leur propre insertion régionale et participent aux activités des organisations régionales, ainsi qu’aux programmes de coopération militaire, d’échanges culturels ou encore sportifs. Pourtant, selon Denise Fisher, l’influence que la France exerce sur ses territoires est encore trop grande pour leur permettre de véritablement s’intégrer à la structure régionale.

40 Ainsi, dans son évaluation de l’état de l’architecture régionale, l’article de Tess Newton Cain (pp. 49-58) met en parallèle l’évolution des organisations régionales, qui semblent faillir à réformer une architecture régionale, et l’émergence d’un sous-régionalisme plus directement focalisé sur les questions de politique économique. L’auteur considère principalement les organisations régionales composant le Conseil régional des organisations du Pacifique (CROP), la Communauté du Pacifique et le Forum des îles du Pacifique. Le Pacific Plan, initié en 2005 pour renforcer cette architecture régionale, a déjà fait l’objet d’un premier bilan qui confirme que la région doit conserver sa structure essentiellement bicéphale et s’organiser autour de deux piliers principaux, l’un politique et l’autre technique. Face à ce mouvement de reconstruction régionale, le sous-régionalisme semble être accompagné par la défense d’intérêts insulaires communs. Ainsi, l’accord de Nauru conclu en 2010 sur la gestion de l’activité halieutique qui stipule qu’à partir du 1er janvier 2011, les thoniers équipés de senne tournante et coulissante n’ont plus accès à l’une des zones de pêche les plus riches en thon tropical dans le monde, apparaît plus attractif que l’organisation régionale (Agence du Forum des îles du Pacifique sur la Pêche). Les huit pays insulaires du Pacifique signataires de l’accord de Nauru (Papouasie Nouvelle-Guinée, Palau, îles Salomon, États fédérés de Micronésie, Kiribati, Nauru, Tuvalu et îles Marshall) forment dorénavant un véritable cartel du thon. Toutefois, Tess Newton Cain souligne les tensions qui peuvent exister entre intérêts nationaux et régionaux, par exemple au sujet de l’Université du Pacifique. Enfin, la place à accorder aux territoires français et américains au sein de l’architecture régionale n’est toujours pas vraiment réglée, ce qui contribue à cette perpétuelle mouvance du régionalisme dans le Pacifique.

41 Explorant le sub-régionalisme dans le Pacifique Sud, Nathalie Mrgudovic (pp. 59-74) analyse le bilan que le Groupe du Fer de Lance mélanésien (GFLM) peut tirer, vingt-cinq ans après sa création en mars 1988 à Port-Vila (Vanuatu). Initialement conçu pour porter le projet de construction nationale des nouveaux États mélanésiens (PNG, Salomon, Vanuatu) et peser davantage dans la balance régionale, le groupe entendait s’appuyer sur des valeurs culturelles communes fondées sur la Kastom, même si les aspirations des leaders mélanésiens ont parfois divergé. La volonté de promouvoir l’émancipation politique des peuples mélanésiens s’est traduit par le soutien du GFLM au mouvement indépendantiste kanak – le FLNKS – qui a par la suite été invité à devenir membre du groupe. L’objectif économique, rappelant vaguement le concept de « socialisme mélanésien », entendait mettre en place un accord de libre-échange mélanésien. Mais la limite des produits à échanger, ainsi que le refus, jusqu’en 1998, de Fidji de rejoindre le groupe, a mis à mal la réalisation de ce projet, de même que le refus du Fer de Lance de soutenir le mouvement indépendantiste en Papouasie occidentale. Nathalie Mrgudovic souligne ensuite le rôle ambigu de Fidji auprès du groupe, car s’il a

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pu fragiliser le groupe par son absence, il l’a aussi, tout à la fois, renforcé et menacé par sa présence. Dès lors, l’auteur se demande d’une part, si le GFLM est devenu un rival ou au contraire un complément des organisations régionales, et tout particulièrement du Forum des îles du Pacifique, et d’autre part, dans quelle direction le groupe saura poursuivre son évolution après la présidence tournante de , Premier ministre fidjien.

42 Une autre manifestation du sub-régionalisme océanien, étudiée par Sémir Al Wardi (pp. 75-88), concerne la formation du groupe des parlementaires polynésiens (GPP), créé en mars 2013. Après plusieurs tentatives, les États et territoires polynésiens sont parvenus à un rapprochement tout en se distinguant d’un autre groupe : le groupe des leaders polynésiens (GLP). Celui-ci, apparu deux ans plus tôt à l’initiative de Gaston Flosse, rassemble les leaders polynésiens. En procédant à une comparaison de ces deux groupes, l’auteur souligne l’absence de deux « États figurant dans le triangle polynésien à savoir les plus puissants : les États-Unis (pour et les Samoa américaines) et la Nouvelle-Zélande » (p. 78). Cela permet de conserver un certain équilibre entre les (petits) membres, mais les prive également de leur soutien financier. Selon Sémir Al Wardi, il ne faudrait pourtant pas voir l’émergence récente de ces groupes comme une volonté de rivaliser avec les groupes mélanésien et micronésien. D’autant plus qu’ils sont tous concernés par l’instabilité politique. Par ailleurs, il est certain pour l’auteur que les indépendantistes polynésiens utiliseront le GLP pour porter leurs revendications, comme l’avait fait le FLNKS avec le GFLM. Néanmoins, la Polynésie française peut s’exprimer dans ces groupes, dès lors qu’il ne s’agit pas de relations internationales classiques dans un cadre étatique. Si c’était le cas, l’autorisation de la France serait nécessaire. Pourtant, l’action concertée des deux groupes polynésiens au sein du forum a abouti, à la demande des Samoa, Nauru, Tuvalu, Salomon et du Timor oriental, à ce que l’ONU accepte la réinscription du territoire français le 17 mai 2013.

43 Confrontée à l’impératif croissant des transformations environnementales (changement et réchauffement climatiques, pollutions, énergies…), la région océanienne aborde ces problématiques avec intérêt. Ainsi, les territoires français du Pacifique Sud sont impactés par ces mutations environnementales. À partir de l’exemple de la Polynésie française, l’article de Rudy Bessard (pp. 89-104) interroge les formes de leadership institutionnel et politique dans leurs rapports aux transformations environnementales. L’État et les principaux leaderships politiques polynésiens mobilisent des ressources politiques (institutionnelles, identitaires et rentières), qui se trouvent parfois en décalage avec le renouvellement des enjeux politiques et la mise à l’agenda de la question écologique. L’auteur souligne la nécessité, pour l’État et ses territoires, de saisir les enjeux politiques des transformations environnementales au XXIe siècle, afin de coordonner de nouvelles formes de réponses publiques.

44 En conclusion de ce dossier, son Excellence l’Ambassadeur de France dans le Pacifique, Christian Lechervy, propose une vision globale et une conceptualisation de la politique régionale de la France dans le Pacifique Sud (pp. 105-120). La « politique Pacifique » de la France prend forme à partir de plusieurs stratégies sous-régionales reposant sur la recherche d’une plus grande efficacité diplomatique de l’État en Asie-Pacifique. Dans son « nouveau projet de puissance », la France s’appuie sur une stratégie d’insertion multilatérale prenant à la fois en compte les espaces Asie-Pacifique, Pacifique, mélanésien et polynésien. Cette approche plurielle des vecteurs d’intégration régionale

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illustre ainsi un renouvellement de la réflexion étatique sur la région océanienne à partir des collectivités du Pacifique.

45 L’intégration régionale représente alors un levier pertinent pour favoriser la compréhension et la coopération des territoires français du Pacifique face aux dynamiques universelles relatives aux transformations mondialisées en termes géopolitiques, environnementaux et technologiques. Il ressort de ces différentes approches que le processus d’intégration régionale autour des territoires français du Pacifique oscille d’un côté, entre une insertion régionale intra et extra-territoriale appuyée par la France et l’Union européenne dans une perspective géopolitique et stratégique, et, de l’autre, le développement d’une identité régionale au sein des institutions océaniennes, avec pour horizon un projet commun pan-océanien intégrant les territoires français du Pacifique à la « mer d’îles » océaniennes.

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NOTES

1. Plusieurs articles de ce dossier sont tirés des interventions présentées au 2 e colloque e-toile Pacifique à l’EHESS Paris (3-5 octobre 2013), dans la session du intitulée « L’intégration régionale autour des trois entités françaises » 2. Une question qui a été notamment posée par le sociologue Bruno Saura au sujet du débat sur le métissage et sa conceptualisation en Polynésie française (Saura, 2008). 3. Voir les trois JSO mentionnés qui leur ont déjà été consacrés.

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4. Ces taux constituent des indicateurs aux méthodes différentes, qui possèdent toutefois de nombreux biais, dont l’estimation chiffrée de conditions de vie qui ne rendent pas vraiment compte d’un mode vie rural et d’une économie traditionnelle toujours présents, en particulier en dehors des zones urbaines de Papeete et de Nouméa, ainsi qu’à Wallis-et-Futuna. 5. Voir, par exemple, le projet d’intégration régionale des pays et territoires d’outre-mer européens autour de la gestion intégrée des zones côtières (INTEGRE), dans le cadre du Xe FED régional PTOM Pacifique de l’Union européenne et, dans ce dossier, l’article de Rémy-Louis Budoc (pp. 21-38), qui offre un aperçu complet de ces différents programmes. 6. En dépit de quelques tentatives, dont celle du secrétaire d’État aux DOM-TOM Georges Lemoine (1983-1986), qui envisageait de « régionaliser la Polynésie française » (in Regnault, 2003 : 114). 7. Le lobbying sur ce point est en partie mis en œuvre par la fédération des entreprises d’Outre-Mer (FEDOM). 8. Les théories fonctionnalistes ou néo-fonctionnalistes ont été élaborées au même moment que la construction européenne s’est développée. L’attention portée sur ce processus de régionalisation a conduit à occulter d’autres cas de régionalisation dans d’autres parties du monde. 9. Les tenants du néo-régionalisme critiquent la dimension unidimensionnelle et restreinte du régionalisme analysé par les fonctionnalistes, c’est-à-dire une démarche consistant à décrire le processus d’intégration européenne, puis à généraliser ses spécificités comme un modèle standard servant à évaluer les autres processus de régionalisation à l’œuvre ailleurs (Breslin et al., 2002). 10. Thème d’un programme de recherche du laboratoire Gouvernance et développement insulaire (GDI), Université de Polynésie française (2015-2017), dont les auteurs font partie.

AUTEURS

RUDY BESSARD Chercheur associé en Science politiqueUniversités de Bordeaux (Centre Montesquieu de recherches politiques) et de Polynésie française (Laboratoire Gouvernance et développement insulaire)[email protected]

NATHALIE MRGUDOVIC Maître de conférencesAston University (Grande-Bretagne), associée au Laboratoire Gouvernance et développement [email protected]

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Regional Horizons and Oceania variations in French overseas territories Horizons régionaux et variations océaniennes des territoires français

Rudy Bessard and Nathalie Mrgudovic Translation : Beverly Adab

« Regional identity […] has been constructed on a foundation of concrete reality. That the sea is as real as you and I […], that it shapes the character of this planet, that it is a major source of our sustenance, that it is something that we all share in common wherever we are in Oceania – all of these are statements of fact. Yet beyond that level of everyday experience, the sea is our pathway to each other and to everyone else, the sea is our endless saga, the sea is our most powerful metaphor, the ocean is in us. » (Hau’Ofa, 2015 [1997]: 55-56)

1 Often conceived of as separate entities, French overseas territories in the South Pacific, as the subject of this special issue, nevertheless possess interesting regional horizons, which highlight the variety of political ecosystems of Oceania1. The multidimensional facets of human evolution show an Oceanian “Sea of Islands” in constant movement, according to the Tongan intellectual Epeli Hau’Ofa (2008 [1993]). His philosophy contributes to the formation of an Oceanian regional identity, based on a shared plan to unite the peoples of the Pacific around the theme of the protection of the South Pacific, whose inhabitants would become the “guardians of the ocean” (Hau’Ofa, 2015 [1997]). The construction of a regional identity does not however seek to hide the diversity of Oceanian societies which are evolving within diverse historical and cultural paths, whilst being increasingly irrigated by waves of international and regional flows. Thus the dynamics of these societies show that they are not unconsciously dominated by a

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precolonial subconsciousness (Doumenge, 2001; Wittersheim, 2014), nor are they rooted in time by their colonial heritage or prisoners of a reification of cultures in the wake of movements of modernity and (Wolton, 2013; Babadzan, 1999, 2009).

2 Could we, on this basis, assert that the three main French Pacific territories – New Caledonia, French , Wallis-and-Futuna – now find themselves in a postcolonial state of existence? If the first two of these territories now figure on the list of non-self governing territories to be decolonised (Regnault, 2013), they have nonetheless undergone a significant institutional evolution, between the “decolonisation within the Republic” (Mohamed-Gaillard, 2010) but without national independence, and an approach to decolonisation in the sense enshrined in international law, which is favoured by partisans of independence, and whose transitionary stages would not necessarily align with the possibilities offered by French law (Leblic, 1993; Regnault, 2013; Faberon, 2008; Graff, 2012; see also the debate between Alain Christnacht, conseiller d’État, et Roch Wamytan, pro-independence Kanak leader [Regnault et Fayaud, 2008 : 108-110]). Two volumes of the JSO (Journal de la Société des Océanistes – Journal of the Society of Oceanian research) were dedicated to these two French territories, the first edited by Isabelle Leblic, on the occasion of the 150th anniversary of the colonisation of New Caledonia (117, 2003) and the second on (119, 2004). As for the territory of Wallis-and-Futuna, this continues to be governed by the law of 29th July 1961, which transformed this former French protectorate into a TOM (Territoire d’Outre-Mer, overseas territory) (See the special Wallis and Fortuna edition of JSO 122-123 edited by Hélène Guiot and Isabelle Leblic).

Map 1. – Oceania

(http://ctig.univlr.fr/Fond_carte/Fond_Oceania2011_Col_Big.png)

3 The multidisciplinary movement of post-colonialism (anthropologists, sociologists, historians, political scientists, writers) which appeared in France in the wake of Georges Balandier, investigates the relation of colonised peoples to history, together with the state of hybridity which arises as a consequence of diverse colonial situations,

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thereby illustrating most notably the permanent nature of the consequences of colonisation, both in formerly colonised societies as well as in colonising societies, which together feel “a need for a history” (Smouts, 2007). Without dwelling too heavily on the soundness of post colonial studies, which are sometimes marked by partisan views or a radical perspective which hinders their uptake (Smouts, 2007), this research has the value of presenting different viewpoints, taking into account the degrees of colonial trauma and the hybridity of social and cultural practices at work in these overseas territories. Thus, the contemporary state of the French Pacific territories is undergoing some interesting social, political and economic dynamics, which researchers seek to highlight by drawing on a relevant interdisciplinary approach which is so necessary to the study of these areas of research. Marked by complexity, they work towards a rejection of colonial or racial prejudices, of an excessively Western culture-centred approach based on different cosmogonic, social and cultural universes, leading to the fact that the ‘search for universals is in fact displaced by these differences’ Monnerie, 2014: 150). With the regional dynamics of the world of Oceania (cf. infra) the ‘dynamics of the outside world’ have long been the subject of study in the field of international relations, as an external study founded on the interests of the great powers, to the exclusion of the perceptions of the actors of Oceania (Mohamed-Gaillard, 2012). The lack of attention given to “internal dynamics” has in part been counterbalanced, from the 1980s onwards, by the “Islander-oriented” approach and by taking into account the Oceanian perspectives (Leblic, 1993, 2003; Lal, 2007). However, an interpretation based on the views of Oceania in relation to key international issues remains marginal, both on the international scene and in the domain of Pacific Studies (Mohamed-Gaillard, 2012).

4 Historical analysis of international relations can still be undertaken from the perspective of the different scales involved, between specific and more general contexts, as has been demonstrated by the historian Sarah Mohamed-Gaillard, editor of a previous volume of the JSO. The edition on International and Regional relations in Oceania (Relations internationales et régionales en Océanie), published in volume 135, offered a list of publications of the review in the domain of international relations, in respect of Oceania. Many editions and numerous articles have been published on these themes by the JSO. We list here the more recent ones, starting with volume 87 which dealt with the geostrategic problems facing Oceania (1988); also the double edition 92-93 relating to the ‘Pacific Way’ and to regional relations (1991); the edition dealing with the challenges in the Pacific (JSO125, 2007); another volume (JSO 126-127), edited by Jean Trichet and Isabelle Leblic (see Trichet and Leblic, 2008: 5-10) addressed the issue of the environment; contributions by Stephanie Lawson (JSO 109, 1999), Nathalie Mrgudovic (JSO) 117, 2003), Guy Agniel (JSO 126-127, 2008: 145-151) and Stéphanie Graff ( JSO 134, 2012:61-83). If the study of volume 135 of the JSO demonstrated the strategic and economic vulnerability of the island territories of Oceania in the context of globalization, showing Oceania to be a marginal continent in the international stakes, this volume also highlighted the consolidation of Australasian regional powers, the growing interest on the part of Asiatic powers in the region (Mohamed-Gaillard 2012:180) and the political efforts of development aid (Overton et al, 2012). Some other journals have focused on the international dimension of the problem of Oceania, in a less systematic manner. For example, the journal Hermès (Barbe and Meltz, 2013) dedicated a volume to ‘ The Pacific world and globalisation’, calling on different

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specialists in fields relating to linguistics, techniques, the arts, heritage and cultures of Oceania. However, scientific research seeking to study the field of international relations in the Oceania region can be found in the continuity of publications by the JSO on this theme. This present volume is opening up a new approach to the study of Oceanian relation by highlighting the question of regional integration, which surrounds the French territories in the Pacific. In this case, our study is based on a more geopolitically- and institutionally-focused perspective than on a study of the cultural, sociological and anthropological dimensions of the region, aspects which could of course have completed the scope of this study. Scientific research already published on these topics, in particular in the JSO, offer insights into the depth of questions of ethnology in Oceanian societies.

5 The articles in this volume focus more specifically on French territories and the problem of regional integration, most particularly in the political and institutional domains. The study aims to highlight certain dynamics in the process of regionalisation in the Pacific, also to record more precisely the true scope of the potentially vague concept of regional integration. This is all the more important since any research into the possibilities of and the factors governing integration has to take into account the question of “who is integrating whom?”2. Consideration of this question has to include the actors (political leaders and social actors); it must also address the institutional framework (States, local executive powers, regional and international organisations), not forgetting the different forms of leadership arising from these. More specifically, the description of French policy by France’s representative in the Pacific, M. Christian Lechervy, offers an interesting insight, which brings to the forefront the new regional problems which impact on the integration of French territories into the institutions of Oceania. By considering the stakes on the basis of the specific characters of these territories, we can see that institutional forms of regional integration into the South Pacific do not allow for the same feature of retrocession of sovereignty, which is moreover not always legally full and complete (Kochenov, 2011). However, the formation of a regional identity, which could for example be detected in the places for cultural exchange (Jeux du Pacifique – Pacific Games, Festival des Arts du Pacifique – Festival of Pacific Arts), could be said to support vectors of regional integration in several respects, reaching beyond the cultural domain. In this way, the notion of regional integration can be seen in its wider sense of meeting, exchange and co- operation between two or several territories or States and types of actors in these territories (political, economic, cultural, religious, etc.).

Three territories with spatially and economically different characteristics

6 The three main French territories3 in the Pacific – New Caledonia, French Polynesia, Wallis-and-Futuna – each have different characteristics which emphasise their differences in terms of geographical location, population, surface area, statutes or vernacular (Vernaudon, 2010); however, these differences entail certain ramifications.

7 Each of these three territories holds individual institutional statutes: for Wallis-and- Futuna, three kingdoms in the Overseas ‘Collectivity’ (COM - Collectivité d’Outre-Mer) cohabit with a senior administrator; for New Caledonia, there are the statutes of independence sui generis provided for in the Nouméa agreement (1998) (l’Accord de

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Nouméa); the COM of French Polynesia has statutes for self-governance (2004, revised in 2007). Apart from these, the social and economical characteristics of these three territories are also different. Thus, for example, New Caledonia possesses a dynamic economy, contrary to the two other territories. Centred on the mining sector, due to its large nickel deposits (90% of exports, hence the importance of fluctuating mineral values (see JSO vol 138-139: les mises en récit de la mine dans le Pacifique – the History of Mining in the Pacific), the economy of New Caledonia also depends on fishing, aquaculture and agriculture (livestock). With a surface area of 18, 575 km2 the territory is distributed between La Grande Terre (16, 361 km2 ), the îles Loyauté, Belep, île des Pins, to which must be added numerous small islands and reefs, all of which take the exclusive economic zone to 1, 422, 000 km2 thereby constituting 13% of the French EEZ (zone économique exclusive – exclusive economic zone).

8 The resident population of New Caledonia has a distinctive history, which has brought about a distribution of its population between the native Kanak people (40.3% in 2009); the Europeans (29.2%); the inhabitants of Wallis-and-Futuna (8.7%), Tahitians (2%), Indonesians (1.6%), Vietnamese (1%) or those of Ni-Vanuatu (0.8%). In 2014 this total population included 268,767 inhabitants, of whom two thirds (179,509) lived in and around the city of Nouméa (ISEE – Institute for statistics and economic research for New Caledonia).

9 The territory of Wallis-and-Fortuna comprises three main islands – the low volcanic island of Wallis, surrounded by a lagoon, is separated by 230km from the high volcanic islands of Futur and Alofi (uninhabited), which do not have a lagoon. Wallis-and-Futuna has a surface area of 142km2, for a EEZ of 300, 000 km2 . In 2013 there were

10 12, 197 inhabitants, of whom two thirds lived on Wallis (STSEE – territorial service for statistics and economic research for Wallis-and-Futuna). The dip in natural growth (with a loss of 2, 750 inhabitants since 2003, or 18% of the essentially Polynesian population) is due mainly to a migratory flow towards the centre of attraction of neighbouring New Caledonia (cf. infra); 21, 262 persons declared to be from Wallis or Futuna were found in a 2009 census to be living in New Caledonia, almost the double of the resident population numbers in the Fenua (‘country’). The economy of the territory is founded on State aid (about 80% of the budget), and on the public sector, which represents 70% of total paid employment. The local economy is centred around an agriculture of self-sufficiency, complemented by high levels of imports. Despite the presence of an international airport on Wallis, tourism remains very limited.

11 For French Polynesia, on the other hand, tourism brings a significant source of income, with pearl culture, fishing or cultivation of vanilla. However, the Polynesian economy remains fragile – unemployment doubled between 2007-2012 – and it continues to rely on State aid (Poirine 2011), whilst the ISPF (French Polynesia Institute for Statistics) demonstrated a level of poverty in terms of standards of living reaching 28% in 2009 (17% of the level of poverty in 2008 in New Caledonia)4, together with a reported very unequal distribution of revenues. Spanning a territory of 121 volcanic or coral islands (of which only 76 are inhabited), representing a maritime surface area of 125 km2 for

12 3, 814km2 of land above sea level on 5 archipelagos (Société, Tuamotu, Gambier, Australes, Marquises), French Polynesia possesses an undeniable oceanic advantage in this strategic part of the world. In 2014 its population was 270, 500, slightly higher than that of New Caledonia, where the population density is five times lower. These brief elements of general information in relation to the three territories allow us to identify

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their specific features, which do not however preclude the potential for exchanges between the French territories in the region of Oceania. There are, moreover, different expressions of religion in these three societies, which present deeply local specificities, with varying degrees of customs, tradition and perceptions of the sacred, which give rise to distinctive interpretations of the heritage of Christianity introduced by colonisation (Baubérot and Regnault, 2008).

13 In effect, the islands of French Polynesia, New Caledonia and Wallis-and-Futuna are developing their long-existing relationships with each other, as well as with their respective neighbours in the Oceania region. This regional environment is clearly disparate, in terms of the individual contexts of territories involved: New Caledonia, located in close proximity to Australia, serves as a buffer between “Near Oceania” and the Melanesian region, whilst French Polynesia, in its vast extension, forms the borders of the region of Oceania to the East, with its archipelagos stretching around “Far Oceania” in terms of the sphere of Polynesian influence.

14 It is undeniable that issues can vary according to the individual perspectives of these territories on the subject of regional integration. By virtue of their closer proximity to each other than to Tahiti, New Caledonia and Wallis-and-Futuna have a more well- developed relationship of commercial transactions and migratory flows. Wallis-and- Futuna is located between the two territories, 2, 800 km from French Polynesia and

15 2, 000 km from New Caledonia. However, le “Caillou” (the “Pebble” as New Caledonia has been nicknamed) offers a greater pole of attraction for inhabitants of Wallis, due to the difference on both territorial and economic scales between the two countries. The presence of a significant immigrant population in New Caledonia, from Wallis-and- Futuna, is complemented by communities of both Tahitian and Polynesian origin, who migrated according to socio-economic factors. The ‘nickel boom’ of 1969-1970 brought the migration of 15, 700 Europeans, 3, 500 Tahitians and 2, 900 from Wallis-and- Fortuna, giving a total of 24, 200 immigrants between 1969 and 1973. In comparison, the building of the Pacific Experimentation Centre in French Polynesia in the early 1960 had already resulted in the migration of 12, 200 people born outside of the territory, between 1962 and 1971. Although this migration did contribute to the transformation of the Polynesian society and economy, it was nevertheless half the size of the migratory flow towards New Caledonia during a very short period. The European and Polynesian migrations may have been viewed by the Melanesians as a new form of colonisation (Rallu and Badchon, 2003), one which accelerated the formulation of Melanesian political demands (Leblic, 1993; Soriano, 2014). The emergence of autonomist and/or pro-independence movements in New Caledonia and in French Polynesia developed a web of relations between the actors of these movements, especially those who were engaged in the fight for the independence of their territory. The whole process was chaotic in New Caledonia following the ‘events’ (les événements, 1984-1988). Political and militant convergences were also formed around the closely- related topic of protests against the nuclear experiments conducted by France at Moruroa and Fangataufa (Tuamotu, French Polynesia), thereby creating a focus of attention for the region at that time (Mrgudovic 2008; Mohamed-Gaillard, 2010). Opposition to the presence of France and to French nuclear tests in the1970s and 1980s thus served to reinforce the process of regional integration.

16 Do exchanges between French Pacific territories attest to the development of a coherent regional policy on the part of France in relation to these three territories? It

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would rather seem that emerging political and institutional convergences are due, on the one hand, to their status as an overseas collectivity (Collectivité d’Outre-Mer, COM) of the French Republic, but also by virtue of their association with the in their status as an overseas country and territory (PTOM – Pays et Territoire d’Outre- Mer or Overseas Countries and Territories OCTs), a status which encourages regional integration measures in economic, scientific5 and cultural terms. The OCTs (French territories and Pitcairn, a British dependency) thus represent a ‘European presence’ in the Pacific region, according to the terms of the EU in the 2006 document which presents the strategy for the reinforcement of the partnership between the EU and the ACP states – Africa, Caribbean, Pacific (Choi, 2010). Regional identity cannot be described as an ‘old chestnut’, nor as an institutional pastime: it has to be seen within the scope of a policy for consolidation of strategic presence that is both French and European, even if the limitations of these geopolitical considerations have been well- known and evaluated for quite some time in diplomatic circles (Regnault, 2013 : 235-244).

17 A further aspect of regional integration directly involves territorial integration within each of these territories, whose administrative divisions are quite distinct. Regionalisation in these territories essentially concerns New Caledonia (Leblic, 1993: 2004). This institutional option has been proposed in different forms, for different purposes, by the central government, in order to resolve the Caledonian problem, with the intention of causing a division in Kanak nationalist claims following the crisis and political violence among pro-independence Kanak militants and loyalists. It proved to be impossible to implement between 1985 and 1988. However this movement was followed by provincialisation, arising from the Matignon agreements of 1988 (Leblic 1993; Faberon 2003). Representatives of the three provinces (North, South and Loyalty Islands) are members of the Congress of New Caledonia, where they elect a government. Even so, the division of the provinces of New Caledonia into federal units (Faberon 2008), or the organisation into districts subdivided into villages, governed by leaders on Wallis-and-Futuna (Soulé 2003: Guiot and Leblic (eds), JSO 122-123, 2006; Arounès et al., 2011:46), can be seen as different from the centralising power of Papeete and Tahiti in French Polynesia (Merceron and Morschel, 2013), albeit with some convergences in terms of internal regionalisation6. Moreover, by virtue of its maritime spread, French Polynesia represents a regional space unto itself, with 121 islands spread across a surface area comparable to that of Western Europe. With their different geography, history and institutions, these territories still possess some features that would favour development of relations amongst them.

18 Exchanges that are not only cultural, but also institutional, ministerial and economic, are developing between New Caledonia and French Polynesia. In terms of economic relations between these territories, we can find some factors of convergence in the context of ministerial missions between Tahiti and New Caledonia. These relate to the management of sustainable tourism, (La Dépêche de Tahiti, 24 février 2015), or the setting up of relations between Chambers of Commerce and Industry, and employer and union organisations, on questions of lobbying in favour of tax exemption (“Les trois collectivités françaises du Pacifique s’unissent” – the three French Pacific territories seek closer collaboration/ unite - La Dépêche de Tahiti, 30 October 2014). This latter aspect represents a topic for convergence between economic powers of the overseas collectivities as a unified group7. They call for the potential of the eez to be

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taken into account by French parliamentarians, especially at the conference on the Overseas Territories of the Pacific and the strategic and economic issues of the region, held at the French National Assembly in November 2014.

19 From the economic perspective, the process of regional integration reveals the positive impact of intra-regional trade agreements on the flow of exchanges amongst member states. This type of study also highlights the historical legacy of colonisation in the structuring of exchanges (Ro’i, 2013). Before the recent development of commercial, economic and technocratic exchanges between the Fenua (‘the country’) and the Pebble, the long-standing view was that the distance between these two territories

20 (4, 700 km) with their different histories and societies, was not favourable to a mutually-beneficial economic integration. There are few commercial exchanges, with the exception of some interaction at the level of employers, because ‘family clans’ have business all stitched up in Nouméa. According to Jacques Lafleur, the former president of the RPCR (Rassemblement pour la Calédonie dans la République,a primarily European party), whose political activities within the scope of the Chirac RPR movement were in competition with the Polynesian leader Gaston Flosse, highlighting the rivalry between the two territories in the 1980s and 1990s, when both men were chasing the post of Secretary of State for the South Pacific in Chirac’s government in 1986: ‘We are completely different. We can have political exchanges, but as far as economic exchanges are concerned, they would be unilateral, as Polynesia does not produce much of anything.’ (Lafleur, in Kotra 2009:100

21 It is true that the complementarity between French Polynesia and New Caledonia is far from being an obvious conclusion, however exchanges between the two territories are not intended to be exclusively political or economic. In effect, the exchange of knowledge and wisdom, for example on the occasion of the Oceanian International Documentary Film (FIFO) attests to the richness of cultural exchanges which can be found through artistic creations by actors of the different Oceania territories.

Map 2. – Regional Integration in Oceania

(© http://www.defense.gouv.fr/var/dicod/storage/images/base-de-medias/images/marine/photos- des-breves/carte-zee/2067692-1-fre-FR/carte-zee.jpg pour le fond de carte & Nathalie Mrgudovic)

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Different degrees and characteristics of scales in the context of regional integration

22 The levels of regional integration of French territories are constructed around three dimensions: integration between French territories, integration with other territories, and integration within regional groupings, encouraged by external actors in accordance with the institutional framework of the Oceanian region.

23 Phenomena of regional integration are mainly evident in the form of diverse types of co-operation. The integration of French territories with neighbouring territories and/ or regional organisations included the following forms: military co-operation (training, surveillance of EEZ, humanitarian initiatives/ aid); scientific collaboration (environment [Trichet and Leblic eds 2008]), climate change; exchange of knowledge and technology in aquaculture, agriculture or mining; development of an internet-based Pacific network of researchers (E-Toile Pacifique, etc.) or of economic fields (import/export: aquaculture; digital economy) and cultural domains (sporting, media or arts based events).

24 After 1945, the first forms of co-operation between territories in the region made a start on processes of regional integration, which were translated on institutional and political levels by the creation of regional and sub-regional organisations. The South Pacific Commission was set up in 1947, and later became the Pacific Community, in 1997. The South Pacific Forum - created in 1971 in Wellington, , became the in 2000 – and the Melanesian Spearhead Group (MSG) – established in 1988 in Port-Vila, Vanuatu, were both subsequently deployed in different contexts: during the phase of of the Commonwealth territories, marked by protests by the Forum against French nuclear testing in the 1970s; and by the MSG during the Caledonian crisis in the 1980s, even if this political organisation of Melanesian states has since shifted its emphasis to the economic aspect of their co- operation.

25 Relations with the FLNKS, the Kanak socialist national liberation movement, which was integrated into the Melanesian organisation from March 1990, nevertheless demonstrate the first political characteristic of a group which has worked to achieve a ‘sense of regional identity’ for . The search for economic integration was subsequently illustrated by the integration of New Caledonia into the Melanesian free- exchange market on July 3rd 1999, on the occasion of the XIIIth summit of the MSG in Port-Vila. This agreement made possible the signature of the Nouméa agreement on 5th May 1998 between the FLNKS, the RPCR and the French government. Moreover, on August 15th 2000 New Caledonia was invited for the first time to participate in the post-forum workshops of the XXXII Pacific Forum in Nauru. Thus, on 15 th August 2002 and 16 th August 2003, the president of the government of New Caledonia, together with a delegation comprising FLNKS and RPCR, were all able to participate directly in the Pacific Forum at Suva (Fiji) then in Auckland (see in this respect Mrgudovic, 2003; Mohamed- Gaillard 2011; Tabani, 2011; Graff 2012).

26 Moreover, the Forum, whose members are all signatory to the ACP/EU agreements, also represents a source of support to the EU regional policy, which is of interest for the

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signatories due to its provision of technical and financial aids to the Pacific Islands (Fabry, 2005).

27 Melanesian regionalism also has relationships with Polynesia, in particular with the Tahitian pro-independence party, the Tavini Huiraatira of Oscar Temaru. At the XVth summit of the MSG in the Solomon Islands, on 6 th August 2003, Temaru was the honorary guest for the re-enrolment of French Polynesia on the UN list of countries to be decolonised. The MSG continued to support this initiative when in March 2011 the president of the Spearhead group wrote to the president of the Forum to assert his support to pro-independence Tahitians (Regnault, 2013: 199). For their part, the Forum reiterated its 2004 decision, which recognised the principle of self-governance, but encouraged French Polynesia and France to resolve this question by an internal, consensual approach (Regnault, 2013: 201).

28 If the Pacific Community represents a body that is more technically-oriented, the reason for the creation of the Pacific Islands Forum was essentially political in nature. Furthermore, regionalism in Oceania has developed alongside the decolonisation movement. The regional position has thus been structured by the rejection of French policy during the Caledonian crisis and by the continuing use of nuclear testing (Mohamed-Gaillard, 2012). The same can be said of the MSG and, more recently, of the two groups of Polynesian leaders and parliamentarians, analysed here by Sémir Al Wardi (pp. 75-88).

29 Following the mobilization of the Spearhead Group in the mid-1980s, the president of the government of French Polynesia, Gaston Flosse, had mooted the idea of setting up a ‘Federation of Polynesian States’, during a visit by Jacques Chirac to Tahiti in September 1985, to respond to the Melanesian movement (Bessar, 2013: 327). In an ironic turn of history, Gaston Flosse, having been returned to office as president of French Polynesia, was elected by his peers, as the most senior of their number, as president of the Pacific Leaders Group, which unites eight Polynesian ‘countries’. This initiative proved to be less formal than the creation of a federation, but it still fits with the search for a Polynesian regional grouping intended to counterbalance the influence of Melanesian organisations. In 1992, on the occasion of the Pacific Arts Festival, as president of the government of French Polynesia, Gaston Flosse declared to a gathering of wakas (Polynesian large canoes): “ We are a single, identical people” (Bessard 2013: 306)

30 His diplomatic bias particularly favours the Polynesian side of relations in Oceania, giving centre-stage to the family dimension of bringing together the ‘brothers and sisters of the Pacific’. At the France-Oceania summit in Tahiti in August 2003, Edouard Fritch, the vice president of French Polynesia and former son-in-law of Gaston Flosse, with a mandate to extend an invitation from France to the leaders of Oceania, revealed that the latter had welcomed this initiative: ‘Some have even described this as a historic event, that one member of the family took the trouble to bring together the brothers and sisters of the Pacific’ (Bessard 2103: 306).

31 Furthermore, the French Pacific territories are enshrined in French policy in the Pacific, whose composition is subject to fluctuation…. And yet they are also incorporated into European Union policy, as an Overseas country and territory (OCT) associated with the EU, which thus allows them to apply to the European Development Fund (EDF). The French State remains the main sponsor of these funds. Nevertheless,

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the role of ‘external’ actors, in particular the European Union, contributes to the development of a process of regional integration which constitutes one of the repositories of European public policy for development aid. On a par with ‘good governance’ or ‘’, the reinforcing of capacity in the domain of “regional integration” is prioritised in EU international co-operation programmes. However, they are not at the same level as political conditions which are sometimes attached to financial and technical aid from the EU, even if the EU is seeking to redress the low level of regional integration of the French overseas territories in their zone (Fabry 2005). The article by Rémy-Louis Budoc (pp. 21-38) is particularly enlightening with respect to the European dimension in the regional integration process involving these three French Pacific territories. Finally, the creation in 2002 of the OCTA, the association of the OCTs in the EU, is intended to guarantee the defence of the interests of the island authorities within the governing body of Europe, even though their geographical distribution and their heterogeneity might seem to put them at a disadvantage in relation to the European technocracy.

An ambiguous concept of regional integration

32 The concept of regional integration is designed to be flexible, without entering into debates around neo-functionalism8 or neo-regionalism 9 in theories of international relations. These debates have proved to be occidental-oriented, whilst research tends to focus mostly on states as main actors (Dabène, 2009). Not only does the context under study comprise territories which have been granted different degrees of sovereignty and multiple statutes. The context of research is often linked to the dynamics of the building of the EU, which leads the development of these theories; this situation does not offer conceptual applications of any real interest in the context of research on Oceania. Considering regional integration phenomena in Latin America, Olivier Dabène offers a different definition of regional integration: ‘ [….] In terms of the historical process of the increase in the scale of interaction between political(infra-national, national or supra-national), initiated by actors sharing a common approach, setting objectives and finding the means to achieve these, and in so doing, contributing voluntarily or involuntarily to the building of a region” (Dabène, 2009 : http://www.sciencespo.fr/opalc/content/integration- et-democratie).

33 This approach encompasses the diversity of actors (public and private), of registers (formal and informal) and of scales of interaction in the process, which results either from a deliberate strategy or from an emerging effect, and is likely to bring about the creation of institutions. For example, the idea of a Pacific Way (Mara, 1997) made sense for those involved, based on the ideas of seeking consensus and solidarity amongst the peoples of the Pacific. One of its objectives was notably to create a regionalism which would include as a key instrument the South Pacific Forum, which was seeking to contrast sharply with the softer and more limited role of the South Pacific Commission in the political arena.

34 The region could be understood as a form of regulation and organisation of relations between the different actors in order to consolidate and facilitate interactions, not simply a framework for exchanges amongst these actors, rather a deliberate construct (Van Lagnehove, 2003). The renewal of analysis of the concept of the region and regionalism highlights the region as a new form of political entity which is

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multicultural, multidimensional and dynamic, as it forms part of a complex process of construction arising from the deliberate will of the actors. Regionalism therefore aims not only to intensify economic relations but also to give a regional ‘purpose’ to different regional initiatives, be they political, social or cultural (Hau’Ofa, 2015). This form of regionalism is interwoven with flows relating to actors of different sociological profiles, not only those who operate at a ‘high level of integration’, i.e. political leaders, but also actors operating in cultural and economic areas. In this way, ‘bottom-up integration’ (Back, 1998) highlights movements for co-operation, for cross-border transactions and interaction driven by and involving non-state associated actors, for example women’s associations, which are often the originators of cultural initiatives in the region (Cerf, 2007). Despite this, relationships tend to favour French territories compared to their Oceania neighbours, with the exception of Australasian regional powers, in so far as New Caledonia, and to a lesser extent French Polynesia, both have one of the highest GDP per capita of the region, almost as high as that of New Zealand. In that sense, seeking to develop relations with small markets which are barely solvent and produce the same products at a lower cost, is of relatively low economic interest (Gay, 2008 : 106).

Regional integration from colonial heritage to global flows

35 In effect, the development of exchanges and of a regional identity with an overall cultural character that would make sense in the South Pacific incorporates a kind of dynamic of ‘postcolonial family reunions’, progressively fed by exchanges of different sorts. Geographical, political and economic diversity apparently separates the territories and political entities of the South Pacific. However, a contemporary ‘renaissance’ movement of regional integration, recalling the pre-colonial history of the Oceania region, marked by numerous exchanges amongst the islands, leads us to re- examine intra- and extra-territorial exchanges by the French political entities in the South Pacific.

36 All the same, the process of regionalisation is enshrined in the long term within relations at the heart of the ‘Continent of Islands’. Moreover, the question arises as to whether the flows of the pre-colonial era have any similarities at the root of certain regional developments between the territories, for example, between ‘Polynesian countries’. Even if the Pacific of pre-European contact was not really a space for a shared culture, despite the ‘lapita cultural complex’ (Sand, 2010; Conte, 2013:28) constituting a shared cultural substratum for these peoples, the populations of far Oceania, mainly those of the (Hawaï, , New Zealand) have still maintained relations with each other for centuries. They were characterised by a ‘great cultural proximity which allowed them to be included in a wider cultural space’ (Conte, 2013: 29). Nevertheless, according to Eric Conte, archeologist, it might be too bold to consider the recent formation of groups of political representatives of the Polynesian world as a contemporary echo of historical relations – a myth of a golden age of pre-colonial relations – which might have been eclipsed by the colonial period.

37 Marked by the heritage of colonial rationales, regional fragmentation in Oceania can be identified in the conventionally-accepted divisions of this region (Tcherkézoff, 2009), in the division of the territories into administrative constituencies, and in their

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administrative regimes. This division has brought into existence different legal and administrative systems in accordance with the respective colonial powers. The French territories have remained relatively isolated from their neighbours, in particular as regards colonial and religious rivalries. The strategic and economic stakes in the second half of the 20th century, in the context of an archipelago-based power struggle (Mohamed-Gaillard, 2010) have not encouraged a regional openness towards these territories which are governed by means of ‘ power stakes’ (Mrgudovic, 2008). In Africa, European states had sought to discourage the import and export of goods during the colonial period, so as to control, even to limit, contacts between economic actors belonging to different colonial empires (Grant and Söderbaum, 2003; Meyer, 2006:337). The process of regional integration is de facto influenced by the types of relations and exchanges which have developed since that time. The importance of exogenous factors in a regional process which is far from being teleological, in that it can be said to mark a phase of advancement towards the gradual liberalisation of the global economy – regionalism as a ‘stage towards international liberalisation’ (Meyer 2006: 307) – in terms of the liberal ideology which underpins most theories relating to regionalism. A shift in French political attitudes towards its territories tends nowadays to encourage regional integration. In the past, French policy aimed to keep French overseas territories separate from regional influences, sometimes in quite an inflexible way within the regional institutions of the South Pacific Commission. However, this did not prevent a rapprochement between self-governance and pro-independence movements in the French Pacific territories, both amongst themselves and with supporting regional political leaders and movements. Henceforth, French authorities encourage the process of regional integration and participation by its territories in regional governing bodies. This allows France not only to improve its regional image but also to prevent the externalisation of political groups in favour of the UN decolonisation policy (Mohamed- Gaillard, 2010).

38 Another approach consists of envisioning regional integration as a factor in the reduction of economic dependency, which leads to inequality or extraversion (Bayart, 1999). Too great an openness towards international markets (Hugon 2003) is of little economic interest for the territories of Oceania. However, a view less centred on the economy would offer an insight into the wishes of the actors of Oceania to create new links between themselves, to renew and develop links of a regional nature, which could make more sense, by comparison with the imposition of unilateral, distant relations which used to exist between numerous Oceanian territories and the colonial powers. As for the independent island states, the interest offered by regionalisation for states at risk of being economically marginalised in the global market (Giesen, 2011) offers a limited commercial dimension, but is not devoid of political benefits. Institutional theories of regionalism demonstrate that institutionalisation and harmonisation of policies are clearly factors in the reduction of uncertainty and the creation of stability of interactions amongst the actors involved. It is not so much a simple question of promoting commercial relationships but rather to develop sectorial policies (environment, culture, health). According to Björn Hettne (2000), this self-protection movement could be described as a modern counter-movement in relation to globalisation. The latter takes up Karl Polanyi’s analysis of economic liberalisation: this ‘first movement’ brings about a subsequent social counter-movement. However, can any conceptualisation of French regional states in the Pacific go quite that far?

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39 From a maritime perspective, the proximity of neighbouring French political states in the South Pacific does not offer very far-reaching prospects for regional integration, in the occident-centred sense of an essentially political process with regard to a transfer of sovereignty (often a recent acquisition for many states in the region), towards the introduction of a single market and a customs union. New Caledonia lies between Australia and Fiji, whilst also being close to Vanuatu and the Solomon Islands. Wallis- and-Futuna is in a relatively central position in Oceania, but its size and lack of infrastructures are hardly likely to encourage more regular exchanges with its neighbours (Tuvalu, Tokelau, Samoa, Tonga or Fiji, its nearest neighbour at 280km to the south-west of Futuna). Whilst Wallis used to be more closely linked to the Tongan model, Futuna used to be more closely inspired by the Samoan model. Colonisation modified the regional dynamics of these territories to make of these three kingdoms a single political entity (Leblic and Guiot, 2004; Angleviel, 2006). French Polynesia, on the eastern periphery of Oceania, is the ‘direct’ neighbour of territories of diverse statutes: Pitcairn (United Kingdom), Kiribati (independent state) and the (associated with New Zealand). French Polynesia is especially located at the centre of the Polynesian triangle comprising New Zealand, Hawaii and Easter Island, as well as being almost midway on an imaginary axis between Asia and South America. However, the potential for exchanges between the territories and their periphery, which can be seen, for example, in the growing level of participation by these states in regional institutions, belongs to an original dynamic for regional integration, based around a transnational architecture for co-operation. The result is a regional multilateralism based on a balance of Oceanian regional institutions, which is currently in a phase of redefinition, asking the question of verticalisation of regional organisations and their democratisation (Lechervy, 2015).

40 Clearly, this integration does not conform to the schema or degree of the form of integration which is at the heart of the formation of the European Union. The regional integration model is enhanced by an Oceanian vision which does not necessarily have the economy and true competition as founding principles for its burgeoning regional identity, an identity which is rooted in a the passage of time and linked to the ocean, which is reinventing a form of integration at the heart of an Oceanian space (Hau’Ofa 2015). For example, the idea of a “Pacific Union” or an “Oceanian Union”, as formulated by Richard Tuheiva, a Polynesian partisan of French sovereignty and Member of the French Senate, who claims that this idea represents a “unifying plan” which could seek support from the world of Francophonie as well as in a shared vision of Oceania, offering French Polynesia a central role in the evolving regional community process (Massau 2011: 152-160). Finally, regional integration raises the question of military security in an Oceania, an increasing object of envy10; the question of the French Pacific territories is less directly concerned, given the French military presence and the current institutional structure. However, the shift of stakes in the zone brings its own new problems, for example the rise in power of Asiatic countries in the region – sometimes supported by Asiatic diasporas already existing in the French territories – and at the same time, surveillance of commercial fishing practices (China, Taiwan, Japan, South Korea: Crocombe, 2007). Ships take advantage of the immensity of the ocean to avoid regulation, thereby extending various forms of ecocide, for example sharks, which are both the unhappy witnesses and financially-rewarding victims.

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41 Regional integration around French territories thus finds itself at a crossroads of multiple international stakes, whose numerous facets present significant mutations: the question of economic openness in a marginal space in the Asia-Pacific zone, the technological revolution and the problems of climate change. For example, in 2010, the laying along the sea-bed of the fibre optic cable Honotua (the open sea link, or the spinal column), between Tahiti and Hawaii, linking French Polynesia to the rest of the global telecommunications network, has been a good example of the insertion of this territory into the globalisation process and has opened up the field of opportunities offered by the digital economy (Laborie, 2013). The goldmine of digital technologies, including the internet, can overcome the scattered nature of the islands of Oceania, encouraging and facilitating regional exchanges. The extension of the cable has however been temporarily delayed («Le câble dans l’impasse », La Dépêche de Tahiti, 17 janvier 2015), despite numerous projects, including that of a cable linking French Polynesia and New Caledonia, which would be connected to the Australian network (Argounès et al., 2001). Moreover, the question of the environment, a fundamental issue in Oceania, relies on regional co-operation to address the interdependence of ecological risks. In the context of these multiple global transformations, the vision of an ocean of new opportunities and new limitations, which is gradually evolving for these territories, shows that the margins for co-operation, within the French Pacific and beyond a French-centred perspective, remain extremely important for Oceania. In the view of a Françocéanité ( “French-Oceania”), the appropriation of new international and regional powers by the Caledonian and Polynesian governments allows for the progressive development of territorial strategies in accordance with the French authorities (Lechervy pp. 105-121).

42 Relations can develop, and re-develop, on the basis of these contemporary dynamics in the institutionalisation of regional exchanges between the territories of Oceania, taking new political, economic, social or cultural forms. These forms of the process of regional integration can be studied from different disciplinary and thematic perspectives.

A volume gathering a wide-ranging research concerning regional dynamics

43 Rémy-Louis Budoc (pp. 21-38) offers interesting new insights in his analysis of relations between the European Union (EU) and French overseas countries and territories (OCTs), with an in-depth examination of the institutional mysteries surrounding regional integration from the EU perspective, which according to the author “has made the Pacific region a new priority in its foreign policy” (p. 23). In order to study the objectives for modernisation of relations between the OCTs and the EU, including the development of the OCTs whilst differentiating this new policy from the “traditional” EU policy for cooperation and development, Budoc refers to the latest decision of the Overseas Association Decision (OAD), adopted on 23rd November 2013. This ‘change of course in EU - OCT s relations’ relates notably to support for the policy for regional integration of the three French territories within their geographical environment.

44 France is most specifically responsible for the interest of the European Union in the region. In effect, the French insertion policy with respect to its South Pacific territories, highlighted by Denise Fisher (pp. 39-48), demonstrates that France has clearly managed to ensure that her Oceanian territories are increasingly becoming the drivers of their

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own regional insertion, participating in initiatives by regional organisations and in military cooperation programmes, also in cultural and sporting exchanges. This has been made possible by the cessation of nuclear testing in French Polynesian and the putting in place of the Matignon-Oudinot agreements, followed by the Nouméa agreement in New Caledonia. However, according to Denise Fisher, the influence that France is able to exert on these territories is still too great to allow the territories to achieve any real integration into the regional structure.

45 Thus, in her assessment of the state of the regional architecture, Tess Newton Cain (pp. 49-58) draws the parallel between the evolution of regional organisations, which seem to fail to reinforce the regional structure, and the emergence of a sub-regionalism which focuses more directly on questions of economic policy. She addresses most specifically the regional organisations comprising the Regional Council of Organisations in the Pacific (CROP), the Pacific Community and the Pacific Islands Forum. A review of the Pacific Plan, introduced in 2005 to reinforce the regional structure, has already confirmed that the regional needs to preserve its essentially two- headed structure and organise itself around two main poles, namely politics and technical developments. In the context of this regional reconstruction movement, sub- regionalism seems to go hand in hand with the protection of shared insular interests. In this way, the Nauru agreement of 2001 on the management of fishing, which stipulates that from 1st January 2011, tuna fishing vessels with seine nets and purse seine gear are no longer allowed in one of the richest zones for tuna fishing in the world, now appears to be more attractive than the (Pacific Islands Forum Fisheries Agency). The eight Pacific island member-state signatories of the Nauru agreement (Papua New-Guinea, Palau, Solomon Islands, Federated States of Micronesia, Kiribati, Nauru, Tuvalu and the Marshall Islands) now form a veritable cartel for tuna fishing. However, Tess Newton Cain emphasises the tensions that can exist between national and regional interests, for example, in relation to the University of the Pacific. Finally, the place accorded to French and American territories within the regional architecture is not always completely regulated, a fact which contributes to the perpetual movements of regionalism in the Pacific.

46 Exploring sub-regionalism in the South Pacific, Nathalie Mrgudovic (pp. 55-74) analyses the achievements of the Melanesian Spearhead Group (MSG) twenty five years after its creation in March 1988 at Port-Vila (Vanuatu). The group was initially intended to carry the national project for construction of new Melanesian states (PNG, Solomon, Vanuatu) and to have a greater influence in the regional balance: the group intended to rely on shared cultural values, based on the Kastom, even if the aspirations of Melanesian leaders sometimes took different forms. The determination to promote political emancipation of the Melanesian peoples was expressed through the support of the MSG for the Kanak pro-independence movement ( FLNKS): they were subsequently invited to join the group. The economic objective of the group, a vague echo of the concept of ‘Melanesian socialism’ was to put in place a Melanesian free-trade association. However the limiting of products that could be exchanged, together with Fiji’s refusal, until 1998, to join the group, had a negative effect on the completion of this project, as did the MSG refusal to support the pro-independence movement in West Papua. Nathalie Mrgudovic also highlights the ambiguous role of Fiji in relation to the group: whilst the group was weakened by the absence of Fiji, it was both reinforced and threatened by its presence. This being the case, the author wonders whether, on the

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one hand, the MSG has become a rival or a complementary actor to regional organisations, most particularly to the Pacific Islands Forum; and on the other hand, she questions the direction in which the group will develop its evolution following the rotating presidency of Frank Bainimarama, Prime Minister of Fiji.

47 Another sign of Oceanian sub-regionalism, studied by Sémir Al Wardi (pp. 75-88), concerns the formation of the Polynesian Parliamentary Group (GPP), created in March 2013. After several attempts, the Polynesian states and territories managed to create a rapprochement whilst simultaneously differentiating themselves from another group, that of the Polynesian Leader Group (GLP). This latter, which was formed two years earlier on the initiative of Gaston Flosse, brings together Polynesian leaders. The author draws a comparison between these two groups, stressing the absence of two ‘States belonging to the Polynesian triangle, the two most powerful: the United States (for Hawaii and the American Samoan Islands) and New Zealand’ (p.778). This allows for the preservation of a certain degree of balance amongst the (smaller) member states, depriving them at the same time of any financial support from these powers. According to Sémir Al Wardi, the recent emergence of these groups should not be seen as having the intention of competing with the Melanesian and Micronesian groups, all the more so as they are all affected by political instability. It is moreover certain, for the author, that pro-independence Polynesians will use the GLP to convey their demands, just as the FLNKS had done with the MSG. Nevertheless, French Polynesia can find expression through these two groups, given that this does not involve classic considerations of international relations within a state framework. If that were the case, authorisation by France would be required. However, the concerted actions of the two Polynesian groups within the Forum, at the request of Samoa, Nauru, Tuvalu, Solomon and East Timor, in the acceptance by the UN of the re-admission of French Polynesia on the list of non-self-governing territories on 17th May 2013.

48 Faced with the growing challenge of environmental transformations (climate change and global warming, pollution, energy sources…) the region of Oceania is tackling these problems with great interest. The French South Pacific territories are affected by environmental changes. Taking the example of French Polynesia, Rudy Bessard (pp. 89-104) investigates the forms of institutional and political leadership in the relations with environmental change. The State and key political Polynesian leaders are mobilising political resources (institutional, identity and private financing), which sometimes lag behind more recent political stakes and the setting of an agenda to deal with ecological issues. The author stresses the need for the State and its territories to take control of the political stakes involved in environmental changes in the XXIst century, in order to coordinate new forms of public response.

49 In the conclusion to this study, his Excellency the French Ambassador to the Pacific, Christian Lechervy, offers a global vision and a conceptualisation of French regional policy in the South Pacific (pp. 105-121). France’s ‘Pacific Policy’ is formed on the basis of several sub-regional strategies based on the search for a greater diplomatic effectiveness for the State in Asia-Pacific. In its ‘new project for power’ France relies on a multilateral insertion strategy which takes into account the Asia-Pacific, Pacific, Melanesian and Polynesian regions. This plural approach to vectors for regional integration attests to a renewed reflection on the part of the State as regards the region of Oceania, based on the French collectivities of the Pacific.

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50 Regional integration thus represents a relevant lever for the understanding and cooperation of the French Pacific territories as they face widespread changes relating to global transformations in terms of geopolitical, environmental and technological challenges. We can see from these different approaches that the process of regional integration surrounding the French Pacific territories fluctuates between, on the one hand, an intra- and extra-territorial regional insertion, supported by France and the European union from a geopolitical and strategic perspective, and on the other hand, the development of a regional identity within the institutions of Oceania, with the goal of a shared pan-Oceanian plan which will integrate the French Pacific territories with the “sea of islands” of Oceania.

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NOTES

1. Several articles in this special issue are based on presentations at the 2 nd Pacific internet conference at EHESS, Paris, October 3-5, 2013 (2e colloque e-toile Pacifique à l’ EHESS Paris, 3-5 octobre 2013), in the session entitled « L’intégration régionale autour des trois entités françaises » (Regional integration and the three French entities). 2. A question posed by sociologist Bruno Saura concerns the debate surrounding the concept of cultural mix and how it is understood in French Polynesia (Saura, 2008).

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3. See the three JSO mentioned, which have already dealt with these questions. 4. These levels represent indicators derived from different methods, which contain numerous points of bias, where the calculated estimation of standards of living do not properly take into account a rural existence and the ever-present traditional economy, in particular outside of urban areas in Papeete and Nouméa, as well as in Wallis-and-Futuna. 5. See, for example, the regional integration project in the European Overseas countries and territories on the theme of integrated management of coastal areas, in the context of the Xth conference of the Pacific Regional Federation of PTOM of the European Union, and in this edition, in the chapter by Rémy-Louis Budoc (pp21-38), which offers a comprehensive overview of these different programmes. 6. Despite some attempts, including that by the Secretary of State for the DOM-TOM, Georges Lemoine (1983-1986), which considered the ‘regionalisation of French Polynesia’ (in Regnault, 2003 : 114). 7. Lobbying on this point was partially developed by the Overseas Companies Federation (FEDOM). 8. Functionalist and neo-functionalist were developed alongside the construction of the European Union. Attention to the regionalisation process resulted in the overshadowing of other cases of regionalization in other parts of the world. 9. Supporters of neo-regionalism criticise the monodimensional, restricted nature of regionalism as analysed by functionalists, namely as an approach consisting of a description of the process of European integration, then generalizing on the basis of these specificities to produce a standard model intended to be used to evaluate processes of regionalisation taking place elsewhere. (Breslin et al., 2002). 10. Focus of a project led by the research programme ‘Gouvernance et développement insulaire’ (GDI)(Governance and Island Development), Université de Polynésie française (2015-2017): the authors are researchers associated with this programme.

AUTHORS

RUDY BESSARD Research fellow in Political Science Université de Bordeaux (Centre Montesquieu de recherches politiques) and Université de Polynésie française (Laboratoire Gouvernance et développement insulaire) [email protected]

NATHALIE MRGUDOVIC Lecturer Aston University (Grande-Bretagne) and research fellow (Laboratoire Gouvernance et développement insulaire) [email protected]

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Quelle association UE/PTOM à l’horizon 2014/2020 ? Le cas du Pacifique Sud What Association between the EU and the OCTs for 2014-2020? The South Pacific case

Rémy Louis Budoc

1 Les collectivités ultramarines du Pacifique Sud (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna) – notamment du fait de leurs spécificités institutionnelles – bénéficient du statut particulier d’« associé » vis-à-vis de l’Europe, dans un contexte international qui a profondément évolué en l’espace d’une décennie. L’Union européenne est devenue un acteur politique majeur sur la scène mondiale avec un rôle de leader dans les négociations. Ces évolutions ont rendu nécessaire une profonde mise à jour de ses relations avec les PTOM traduite dans la nouvelle décision d’association d’Outre-mer (DAO) de novembre 2013. Rappelons que l’existence d’une association institutionnalisée entre l’Union et les PTOM date du traité de Rome de 1957, dont les signataires ont choisi de confirmer la solidarité liant l’Europe à ces territoires. Dans le respect des principes de la Charte des Nations Unies, son but est d’assurer leur prospérité générale. Ainsi, les relations UE-PTOM sont régies par la partie IV du Traité sur le Fonctionnement de l’Union (articles 198 à 204 TFUE) dont les dispositions sont mises en œuvre par une décision du Conseil, périodiquement renouvelée. Dans ce cadre, les PTOM sont également associés à l’Union douanière (article 355 du TFUE) afin d’accroître leurs échanges avec l’Europe. Leur régime est largement inspiré de celui liant l’Union européenne aux pays ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). En outre, les habitants de ces territoires sont considérés comme des citoyens européens, bien que les PTOM ne fassent pas partie de l’Espace Schengen1.

2 Dans ce contexte, la DAO révisée couvre la période 2014/2020 et s’articule autour de deux axes : • la promotion du développement économique et social des PTOM ;

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• l’approfondissement des relations entre ces territoires et l’Europe dans le cadre d’une approche originale visant à mieux différencier ces relations de la politique communautaire « traditionnelle » de coopération au développement.

3 Elle prend en compte dans ses objectifs l’évolution de la structure du commerce mondial et les nouvelles priorités politiques européennes (environnement, changement climatique, recherche et l’innovation, jeunesse, éducation, emploi et politique sociale, culture). Contrairement à la décision d’association Outre-mer de 2001 (décision 2001/822/CE) focalisée sur la réduction de la pauvreté, la nouvelle DAO ambitionne de déterminer le cadre d’un développement véritablement adapté aux besoins des PTOM afin notamment de renforcer leur insertion régionale. En outre, elle pérennise le Fonds européen de développement (FED) comme outil financier transversal et principal d’intégration régionale, et en même temps, amorce un véritable rapprochement vers l’inclusion dans l’UE par la pleine ouverture, en droit, des programmes horizontaux aux PTOM.

4 Les objectifs ambitieux de cette DAO et le changement de cap qu’elle induit pour les collectivités françaises du Pacifique Sud à la recherche d’un nouveau souffle économique social et environnemental, appellent un certain nombre de questions et méritent un éclairage précis sur : • le renforcement de la coopération régionale entre les PTOM et les pays ACP dans un contexte macroéconomique régional peu intégré ; • l’impact de la DAO sur l’environnement commercial des PTOM ; • l’inclusion des PTOM dans l’UE par l’éligibilité des PTOM aux programmes horizontaux financés sur le budget de l’Union, notamment ceux qui peuvent avoir un impact réel sur l’intégration régionale dans le Pacifique Sud et la réorientation du FED comme instrument d’intégration régionale ; • la place de ces territoires au sein des organisations régionales de coopération au regard, notamment de leurs liens économiques avec l’Europe.

Un changement de cap dans les relations UE-PTOM

5 Le renforcement des partenariats dans le Pacifique Sud est l’un des objectifs de la nouvelle DAO. L’Union européenne, deuxième financeur de l’intégration dans cette zone accompagne fortement cette stratégie et favorise ces liens privilégiés par la pleine éligibilité de droit, à des programmes horizontaux au service de l’intégration régionale.

La nouvelle DAO et le renforcement des partenariats dans le Pacifique Sud

6 Les autorités françaises, conscientes des enjeux liés à la mondialisation des échanges et de l’évolution des relations entre les pays du Pacifique et l’Union européenne, ainsi qu’entre ces pays et leurs voisins industrialisés (Japon, Australie, Nouvelle-Zélande), soutiennent de manière affirmée l’intégration régionale de leurs territoires du Pacifique.

7 Ce soutien est d’autant plus fort que, globalement, le rôle de la France dans le Pacifique est reconnu depuis l’arrêt des essais nucléaires et l’adoption de nouveaux statuts tant en Nouvelle-Calédonie qu’en Polynésie. De plus, depuis le départ du Royaume-Uni de la

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CPS en 2004, l’Australie prend conscience de l’intérêt d’avoir un partenaire européen prêt à l’épauler. Face aux risques de déstabilisation de micro-États aux ressources limitées et confrontés aux catastrophes naturelles ou climatiques, face aussi à la montée des ambitions chinoises, l’Australie ne veut plus être seule puissance régionale à jouer un rôle de stabilisateur dans la géopolitique du Pacifique Sud. L’ennemi héréditaire français d’antan est devenu un allié indispensable. L’Australie souhaite donc maintenir avec la France une politique d’étroite coopération économique, politique et militaire. Par ailleurs, l’adoption par l’Assemblée générale de l’organisation des Nations unies (ONU) le 17 mai 2013, d’une résolution plaçant la Polynésie française sur la liste des territoires à décoloniser2, reste une affaire franco-polynésienne, même si l’île-continent soutient le principe universel d’autodétermination. L’Australie reconnaît aussi le rôle croissant joué dans l’environnement régional par le gouvernement local de la Nouvelle-Calédonie, collectivité la plus active et qui se projette le plus dans son environnement interrégional. Ce pays estime plus généralement que les territoires français ont davantage les moyens d’être plus actifs que les petits États environnants.

8 L’appui français vise à répondre aux défis de l’accélération des échanges des biens, des services et des cultures, en donnant aux PTOM océaniens les moyens d’y faire face. En effet, l’Union européenne (UE) a fait de la région Pacifique une nouvelle priorité de sa politique étrangère en ouvrant des dialogues politiques réguliers aux niveaux national et régional. Elle a pris en compte la demande des PTOM de la zone d’être associés à ses instances de dialogue3 avec leurs pays voisins, ce qui est indispensable pour renforcer leur intégration et mieux les valoriser en tant que plateformes avancées ou relais de l’ UE. Le « partenariat renouvelé pour le développement UE-Pacifique4 » concerne 15 pays insulaires indépendants55, les territoires français d’Outre-mer et Pitcairn, le Forum des îles du Pacifique (FIP), ainsi que l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

9 La communication conjointe du Parlement européen au Conseil, au Comité économique et social6 et au Comité des régions propose notamment d’encourager une intégration régionale réussie des PTOM du Pacifique, de renforcer leur capacité à promouvoir les valeurs de l’Union et à devenir les catalyseurs d’une croissance inclusive et durable au service du développement humain. En effet, leur situation géographique, leur richesse naturelle ainsi que leur rôle d’avant-postes européens stratégiques dans le Pacifique Sud, leur donnent des avantages comparatifs potentiels importants. En même temps, ils dépendent tous d’une économie caractérisée par une étroitesse des marchés. Dans ce contexte, le partenariat recherché consiste à renforcer leur compétitivité et leur résilience, réduire leur vulnérabilité économique et environnementale et promouvoir la coopération avec d’autres partenaires. La décision du conseil du 25 novembre 2013 relative à l’association des 26 pays et territoires d’Outre-mer à l’Union européenne vient concrétiser cette volonté de modernisation de leurs relations.

10 Cette nouvelle DAO en vigueur depuis le 1er janvier 2014, concrétise ce changement de cap en s’orientant davantage vers une logique de partenariat pour une meilleure intégration. Elle couvre la période budgétaire 2014-2020 puisque les PTOM bénéficient à la fois du budget général de l’UE (au titre des programmes sectoriels européens horizontaux) et du 11e Fonds européen de développement (FED) aussi utilisé pour l’aide financière aux États ACP. Faute d’une vision commune entre les États membres concernés (France, Danemark, Royaume-Uni, Pays-Bas), le principe d’une enveloppe budgétaire spécifique aux PTOM directement liée au budget général communautaire, voire d’un rapprochement entre les régimes PTOM et RUP7, n’a pas été retenue dans les

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discussions, in fine. Ainsi, le parallélisme actuel avec les États ACP est maintenu. Les propositions formulées in fine par la Commission sont dans l’ensemble conformes aux objectifs de la France, exprimés dans le document de position commune États- membres- PTOM, signé en février 2011 à Nouméa à l’occasion du 9e Forum UE-PTOM.

11 La décision du Conseil fixe un cadre à la stratégie européenne et lui assigne la promotion de la coopération des PTOM avec les pays tiers voisins. Elle priorise aussi l’établissement de relations économiques étroites entre l’UE et les PTOM dans leur ensemble, notamment par une amélioration des régimes d’échanges ; la promotion des valeurs, normes et intérêts de l’UE dans le reste du monde par l’intermédiaire des PTOM.

12 Le point central de la DAO est donc de moderniser la relation UE-PTOM, en allant au-delà d’une approche traditionnelle de coopération au développement. Dans la liste des considérants de la décision et dans son article 7 intitulé « coopération régionale, intégration régionale et coopération avec d’autres partenaires », la coopération des PTOM est promue comme pilier du partenariat avec l’ UE, à côté de la coopération bilatérale avec ces territoires. L’Europe leur assigne un rôle de pivots ou de centres d’excellence dans leur zone stratégique en soutenant notamment l’amélioration de la coordination et des synergies entre les programmes de coopération financés par des instruments financiers différents de l’Union européenne. Le soutien aux organisations d’intégration régionale pertinentes est également conforté.

13 Les deuxième et troisième parties de la DAO permettent d’envisager des perspectives ambitieuses en termes de coopérations possibles dans bien des domaines. Mais pour aller plus loin dans la réalisation de ces perspectives, la mise en œuvre de moyens financiers efficaces et concrets à même d’accompagner cette stratégie de développement s’impose.

L’Union européenne, deuxième financeur de l’intégration dans le Pacifique Sud

14 L’Union européenne et ses États membres sont les seconds bailleurs de fonds dans le Pacifique, après l’Australie dont la bonne gestion de cette région constitue la base de l’affirmation de son influence en qualité de puissance moyenne capable de gérer son environnement. En effet, cette zone est confrontée à de nombreux défis : la pauvreté, l’instabilité politique, les problèmes environnementaux et les catastrophes naturelles, la corruption, etc. L’interconnexion entre les différentes îles, dont l’instabilité de l’une peut, en cascade, produire des répercussions politiques, économiques et militaires non négligeables sur les autres, rend la zone très fragile. Les relations de l’Australie avec ces États insulaires se traduisent par un important programme d’aide financière, des missions d’assistance pour renforcer la stabilité politique dans la région, des formations et une assistance militaires, et par son omniprésence au Forum des îles du Pacifique (FIP). Le maintien de la suprématie australienne dans sa sphère d’influence est à ce prix : elle pourrait être remise en cause par des acteurs plus puissants, notamment la Chine qui apporte un soutien grandissant aux États du Pacifique Sud (Argounès, 2012).

15 Dans ce contexte, le montant cumulé (FED compris) de la coopération au développement de l’UE avec les pays ACP et les PTOM de la zone, gérée par la Commission européenne, est estimé à 750 M€ pour la période 2008-2013 (communiqué de presse de la CE, Bruxelles,

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30 août 2013). L’aide européenne finance des programmes d’aide bilatéraux et des programmes régionaux sous l’égide des organisations régionales du Pacifique Sud. Dans le cadre du FED pour la période 2007-2013, l’Union a soutenu financièrement la stratégie de développement des PTOM du Pacifique Sud (dans un « document unique de programmation ») pour un montant total de 286 M€. Le FED apparaît bien comme un outil financier transversal d’intégration régionale. La DAO maintient donc la formule du FED pour la période 2014-2020 : les aides accordées aux territoires du Pacifique Sud continueront à transiter par ce fonds, hors budget de l’Union, financé par les contributions des États membres.

16 Le FED assure également l’aide financière aux pays ACP. Il est donc particulièrement souhaitable que les PTOM soient associés aux comités de pilotage de la programmation régionale ACP du Pacifique, pour une meilleure concertation sur la mise en œuvre des enveloppes régionales FED-ACP et FED-PTOM. Par ailleurs, des problèmes liés à la complexité et la lourdeur des procédures de ce fonds persistent et ont des conséquences sur la consommation de ces crédits. Fondées sur des critères de prévisibilité, de conditionnalité et de pluri annualité, les procédures liées au FED n’ont toujours pas gagné en simplicité et doivent mobiliser une expertise très spécifique que beaucoup d’acteurs locaux ne peuvent acquérir. Il est regrettable que la France n’ait pas été entendue sur ce point important afin d’envisager des procédures simplifiées notamment pour les projets les moins lourds associant des représentants de la société civile.

17 Certes, depuis peu, les stratégies régionales de l’UE précisent le rôle que peuvent jouer les PTOM et intègrent des objectifs qui leurs sont dédiés (stratégie UE-Pacifique), ce qui constitue une avancée notable. Pour autant, les outils financiers vis-à-vis des PTOM et des pays ACP ne sont pas encore suffisamment complémentaires : les modes de programmation régionale du FED ne permettent pas le montage de vrais projets de partenariat.

18 Globalement, 321 M€ seront mobilisés au sein du FED pour la coopération avec les PTOM et le volume actuel des enveloppes territoriales consacrées aux thèmes choisis par chaque territoire sera sanctuarisé. Par ailleurs, les thématiques d’intérêt commun (recherche et développement, innovation, croissance verte ou d’autres) seront traitées dans le cadre de l’enveloppe régionale.

19 Au total, pour la période 2014-2020, 364,5 M€ du FED seront mobilisés, les PTOM ayant également accès aux autres programmes européens (recherche, éducation et formation, innovation et compétitivité, culture et média, etc.).

20 Les aides seront toujours réparties en fonction de la population et du produit intérieur brut (PIB), sans précision sur la pondération entre ces critères, pour préserver la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française dont le PIB dépasse à présent la moyenne européenne, alors qu’elles ont encore à réaliser des programmes importants.

21 Par l’intermédiaire de ce fonds, l’UE cherche à intensifier des stratégies de coopération régionale dans le Pacifique Sud pour des projets entre les PTOM ou un PTOM et une entité tierce de la région (État ACP ou autre, organisme régional,…).

22 Les montants alloués ont, au fil des années, sensiblement progressé : 8 M€ au titre du 9e FED, 40 M€ au titre du 10e FED. Pour la période post 2013, l’allocation régionale est d’un peu plus de 100 M€. En complément de ces initiatives régionales, l’Union développe une

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stratégie de coopération régionale dans le Pacifique, favorable à la préservation des biens publics mondiaux. La maîtrise du changement climatique, de l’érosion de la biodiversité, de la propagation des maladies contagieuses et l’amélioration de la stabilité financière, entre autres, constituent aujourd’hui des enjeux collectifs. Ces enjeux ne sont aujourd’hui pas correctement pris en charge, ni par les marchés, parce que leur bénéfices ne sont pas « appropriables », ni par les États, car leurs bénéfices ne peuvent être circonscrits dans leurs frontières (ministère des Affaires étrangères et européennes, 2010).

Tableau 1. – Ventilation du 11e FED-PTOM

10e FED-PTOM (M€)* 11e FED-PTOM (M€)*

Territoriale 195,00 229,50

Aruba 8,80 13,00

Bonaire 3,00 3,90

Curaçao 11,20 16,90

Saba 3,00 3,50

St-Eustatius 2,00 2,40

St-Maarten 4,70 7,00

Nouvelle-Calédonie 19,80 29,80

Polynésie française 19,70 29,90

Wallis-et-Futuna 16,40 19,60

Saint-Pierre-et-Miquelon 20,70 26,30

Mayotte 22,90 n.a.**

Anguilla 11,70 14,00

Montserrat 15,60 18,40

Turks et Caicos 11,80 14,60

Pitcairn 2,40 2,40

îles Falkland 4,10 5,90

Saint Helena, Ascension et Tristan da Cunha 16,60 21,50

Régionale 40,00 100,00

Réserve B 15,00 21,50

Facilité d’investissement BEI 30,00 5,00

Coopération technique 6,00 8,50

Total 286,00 364,50

Groenland*** 2007-2013 2014-2020

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175,00 183,90

* Le montant précis sera défini dans les décisions de financement individuelles. ** Mayotte n’est pas éligible aux fonds du FED depuis le 1er janvier 2014, suite à son changement de statut à une région ultrapériphérique de l’UE. *** Le Groenland est éligible à un financement dans le cadre du budget général de l’UE au titre de l’accord de partenariat entre l’UE, le Danemark et le Groenland.

23 À ce titre, le projet financé sous le 10e FED, « Initiative des territoires du Pacifique Sud pour la gestion de l’environnement » (INTEGRE) vise à ce que les PTOM du Pacifique deviennent les acteurs d’une dynamique régionale de préservation, de gestion et de valorisation des écosystèmes insulaires. Cet instrument doit leur permettre de coopérer durablement avec les pays ACP voisins sur leurs problèmes communs. Le projet a évolué pour étendre sa dimension régionale et mettre l’accent sur la coopération régionale et l’intégration dans des actions existantes, notamment via une collaboration avec le secrétariat général de la Communauté du Pacifique Sud (CPS). Le programme bénéficie de l’expertise scientifique et de l’appui technique des organisations locales pour les quatre territoires concernés (essentiellement le secrétariat général de la CPS), et de la mise en œuvre de projets similaires, notamment dans les pays ACP (programmes RESCUE, IWM, etc.). Il est placé sous la responsabilité de la Polynésie française et l’ordonnateur régional du FED, en coopération avec les ordonnateurs territoriaux des PTOM. Le premier Comité de pilotage du projet s’est réuni le 18 septembre 2013 et a approuvé neuf sites pilotes.

24 À Wallis-et-Futuna, il est prévu d’allouer 16,49 M€ pour aider le « désenclavement économique » en portant l’accent sur la desserte maritime, en particulier sur les infrastructures portuaires de Futuna ainsi que sur le transport maritime entre les deux îles. Cette aide financière sera également utilisée pour accompagner le territoire, à travers une assistance technique appropriée, dans l’élaboration de politiques publiques pour un nouveau modèle de croissance.

25 En Nouvelle-Calédonie, et en continuité avec le programme financé au titre du 9e FED, l’Union européenne soutient, avec 19,81 M€, la mise en œuvre de la stratégie territoriale de formation professionnelle continue qui vise à développer l’accès aux formations et accompagner les bénéficiaires, développer leur employabilité et leur mobilité, assurer l’adéquation du dispositif de formation et de certification aux besoins des acteurs socio-économiques et aux attentes politiques.

26 En Polynésie française, 19,79 M€ doivent être mobilisés pour soutenir la politique sectorielle de l’eau, la bonne gouvernance financière, et le renforcement des capacités institutionnelles pour la bonne gestion des fonds européens.

27 L’orientation prise consiste bien à renforcer davantage les liens privilégiés qui caractérisent les relations entre l’Europe et les PTOM, à travers un modèle de développement qui concilie les activités économiques et le bien-être social à long terme tout en préservant les ressources naturelles et les écosystèmes pour les générations futures.

28 Le renforcement de ces liens privilégiés a également été acté par la pleine éligibilité de droit à tous les programmes financés sur le budget de l’Union prévue par la nouvelle Décision d’association (articles 76 et 88).

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Des programmes horizontaux au service de l’intégration régionale : LIFE et ERASMUS

29 Les PTOM du Pacifique sont éligibles à l’ensemble des programmes horizontaux de l’Union dont les plus importants pour la mise en œuvre des priorités de la DAO seront LIFE+, ERASMUS+, Horizon 2020 (programme sur l’excellence scientifique et sur les technologies futures et émergentes), Europe créative (programme dédié au secteur de la culture). Les objectifs environnementaux du programme LIFE sont de contribuer à une transition vers une économie efficace dans l’utilisation des ressources à faible intensité de carbone et résiliente aux effets du changement climatique. Il cherche également à protéger et améliorer la qualité de l’environnement et de la biodiversité par le cofinancement des projets avec une valeur ajoutée européenne8. La quatrième phase du programme LIFE, LIFE+ pour la période 2007-2013, avec un budget de 2,143 milliards d’euros, comporte trois volets :

• LIFE+ nature et biodiversité a cofinancé des projets qui contribuent à la mise en œuvre des directives Oiseaux et Habitats et le réseau Natura 2000. Il a également cofinancé des projets innovants contribuant à la mise en œuvre des objectifs de la communication de la Commission sur « Enrayer la perte de biodiversité d’ici à 2010 et au-delà » (COM, 2006 : 216 final) ; • LIFE+ Politique et gouvernance en environnement a cofinancé des projets innovants contribuant à la mise en œuvre de la politique environnementale européenne et le développement des idées politiques d’innovation, de technologies, de méthodes et d’instruments ; • LIFE+ Information vise à mettre en place des projets de communication ayant pour but la sensibilisation à la protection de la nature, à l’environnement ou à la conservation de la biodiversité.

30 Étant donné que ces programmes n’étaient pas ouverts aux PTOM, même si, pour l’heure, aucun projet n’a été mis en œuvre dans la zone Pacifique, on peut retenir malgré tout qu’en vertu d’un règlement européen du 11 décembre 2013 relatif à l’établissement du programme LIFE (règlement (UE) n° 1293/2013 du Parlement et du Conseil), les PTOM du Pacifique peuvent désormais bénéficier de financement au titre de ce dispositif. En effet, selon l’article 6 de ce texte, le programme LIFE peut financer des activités en dehors de l’Union et dans les PTOM, nécessaires à la réalisation des objectifs européens en matière d’environnement et de climat. Certes, le règlement évoque la Décision d’association de 2001 anciennement en vigueur, mais il ne fait pas de doute que ce règlement doit s’interpréter à la lumière de la nouvelle Décision d’association.

31 De son côté, le programme ERASMUS+ s’adresse aux jeunes des territoires océaniens. Il contribue à la réalisation d’un espace européen de l’enseignement supérieur. Concernant les PTOM, notamment ceux du Pacifique Sud, le règlement n° 1288/2013 établissant ERASMUS+ mentionne dans son considérant 37 : « Les personnes physiques en provenance d’un PTOM et les organes et institutions publics et/ou privés compétents en provenance d’un PTOM peuvent participer aux programmes9. Les contraintes imposées par l’éloignement géographique, devraient être prises en considération pendant leur mise en œuvre. »

32 Le conseil économique social et environnemental dans son avis de mai 2012 (Budoc, 2012), a considéré que le renforcement de l’intégration des Outre-mer dans leur

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environnement géographique, devait passer par la création d’un dispositif scolaire et universitaire selon le modèle d’ERASMUS, dans les territoires ultramarins.

33 De plus, le Comité économique et social européen dans un avis en date du 20 mars 2013 a mis en lumière des paradoxes dans l’application du programme ERASMUS+, notamment en matière d’égalité d’accès aux citoyens des régions ultrapériphériques (RUP). Il est par exemple contradictoire de vouloir permettre à la jeunesse et aux universitaires des RUP de bénéficier pleinement des programmes de mobilité comme « ERASMUS pour tous » et le fait de nier leur géographie, en ne prenant pas en charge les frais de transport, aussi bien pour les étudiants visiteurs des RUP que pour ceux qui se rendent dans un autre pays de l’UE.

34 Autre paradoxe, le programme « ERASMUS pour tous » ne prend pas non plus en compte les pays tiers de l’UE voisins des Outre-mer. Il est impératif de mettre fin à cette situation discriminatoire. Un ERASMUS MUNDUS spécifique devrait permettre d’organiser des échanges de jeunes avec leur voisinage et assurer ainsi la promotion de l’identité et de la culture européenne et territoriale, à partir de ces plateformes européennes. Ces remarques valent aussi bien pour les RUP que pour les PTOM.

35 La question de la mobilité de la jeunesse des PTOM dans le domaine de la formation apparaît à l’article 32 de la DAO. Et l’article 33-3 prévoit que les organismes et les instituts d’enseignement des PTOM puissent participer à des initiatives de coopération de l’Union dans le domaine de l’éducation et de la formation professionnelle selon les mêmes critères que ceux applicables aux organismes et aux instituts d’enseignement des États membres.

36 De manière générale, dans ce nouveau contexte, les PTOM auront à faire des choix adaptés, dans la participation à tel ou tel programme communautaire, à leur stratégie de développement local. Au-delà, il convient de rester vigilant afin que leur accès aux programmes horizontaux ne reste pas théorique, faute pour ces territoires de pouvoir répondre aux critères d’éligibilité qui ne tiennent pas compte de certaines contraintes telles que l’éloignement. La question de l’effectivité de cette pleine participation de droit à l’ensemble de ces programmes reste donc posée. Il revient à la Commission européenne de veiller à ce que chacune de ses directions générales s’assure que les PTOM soient pleinement associés et accompagnés dans leur demande de participation à tel ou tel programme horizontal. L’idée de mettre en place un « référent » PTOM au sein de chaque direction générale de la Commission européenne n’a à ce jour pas été mise en œuvre. Il s’agit là pourtant d’une proposition qui aurait permis de faciliter l’effectivité de la pleine participation des PTOM aux programmes horizontaux de l’UE.

Le contexte macroéconomique d’un commerce international peu intégré

37 Les indicateurs de bien-être de ces territoires cachent des situations économiques contrastées, un commerce extérieur peu intégré et une faible compétitivité externe ainsi que de faibles partenariats commerciaux dans le Pacifique.

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Un PIB par habitant et un IDH très confortables, mais des situations économiques très contrastées

38 L’Océanie présente une superficie de 9 millions de km² et regrouperait en 2013 près de 40 millions d’habitants dont 22,8 millions en Australie, plus de 7 millions en Papouasie Nouvelle-Guinée, et 4,4 millions en Nouvelle-Zélande. L’anglais, le français et le portugais sont les principales langues parlées. Les territoires qui la composent peuvent s’appuyer sur d’importantes richesses naturelles et doivent aussi composer avec de nombreuses difficultés : l’éloignement de leurs États de rattachement, un développement économique limité par l’étroitesse des marchés, leur vulnérabilité face aux chocs économiques et aux modifications du climat, leurs difficultés pour construire et entretenir des infrastructures et l’indisponibilité de sources d’énergie durable. Au sein de ce vaste ensemble, éloigné de tous les grands centres économiques et politiques

du monde, le PIB/hab. des PTOM français est très enviable au regard de ceux des pays environnants (IEOM, Rapport annuel 2010, Polynésie française) bien supérieur à ceux de Fidji, Tonga, Vanuatu et les îles Salomon. La Nouvelle-Calédonie se classe au deuxième rang de la zone Pacifique, entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La Polynésie française se positionne derrière l’Australie, la Nouvelle-Calédonie et la Nouvelle- Zélande. Le poids économique de l’Australie est indéniable surtout grâce de ses immenses richesses naturelles qui lui permettent d’être l’une des premières puissances minière mondiale.

39 En outre, l’indicateur de développement humain disponible pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna montre que mis à part l’Australie (0,938) qui bénéficie de l’indice de développement humain (IDH) le plus élevé, les territoires français se classent aux trois places suivantes en terme de niveau d’IDH comparativement aux autres pays de la zone.

Mais leurs situations économiques sont très contrastées

40 En Polynésie française elle est particulièrement dégradée depuis le début des années 2000 et la crise actuelle révèle au grand jour l’essoufflement du modèle économique mis en œuvre sur ce territoire10, trop dépendant des transferts de l’État, fiscalement inepte et trop peu axé sur les secteurs clés d’avenir (transition énergétique, industries de la pêche, tourisme de niches, activité portuaire et aéroportuaire, etc.). Malgré l’insuffisance des données statistiques, il est possible d’utiliser, notamment, les travaux de l’Institut statistique de Polynésie française (ISPF) et de l’Institut d’émission Outre- mer (IEOM).

41 Entre 1999 et 2009, le taux annuel de progression du PIB s’est élevé à 0,9 % seulement quand il atteignait 1,4 % en métropole, 2,7 % dans l’ensemble de l’Outre-mer, 3,3 % en Nouvelle-Calédonie ou 3,9 % à La Réunion. En outre, la faible augmentation du PIB a été complètement absorbée par l’augmentation de la population, au point que le PIB/hab. a baissé sur l’ensemble de la période. La persistance de cette situation déprimée a alimenté la dégradation du marché du travail, qui s’est poursuivie tout au long de l’année 2012 (IEOM 2013, Polynésie française). Le taux de chômage atteint 21,8 % de la population active (RGP 2012, ISPF).

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Tableau 2 . – PIB et IDH, zone Pacifique

Territoires IDH* PIB/hab.** Population***

Wallis-et-Futuna 0,763 10 100 € 12 197

PTOM Polynésie française 0,737 18 687 € 268 207

Nouvelle-Calédonie 0,779 27 972 € 245 580

Australie 0,938 68 939 $ 22 800 000

Fidji 0,702 4 467 $ 874 742

Pays Tonga 0,710 4 494 $ 104 941

Vanuatu 0,626 3 183 $ 247 262

îles Salomon 0,530 1 835 $ 549 598

* Chiffres 2010 pour les PTOM sauf Wallis-et-Futuna 2005 et 2012 autres pays. ** Chiffres 2007 pour les Wallis-et-Futuna et la Polynésie française et 2012 pour la Nouvelle-Calédonie et autres pays. *** Chiffres 2012 (sources : Banque mondiale, AFD)

42 Le tourisme, qui représente l’une des principales richesses de l’économie polynésienne connaît, depuis dix ans, une baisse tendancielle de son activité, alors que toutes les destinations comparables du Pacifique Sud enregistrent une progression sensible. Entre 2001 et 2012, le nombre de touristes a diminué de 26 % – soit un peu plus d’un quart –, quand les îles Cook, plus éloignées que la Polynésie française des cinquante plus grandes économies mondiales, enregistrent dans le même temps un taux de croissance de 37 %. L’une des explications réside dans l’absence de mise en œuvre d’une véritable stratégie plusieurs fois recherchée mais jamais validée par la collectivité de Polynésie, qui devrait pourtant s’affirmer comme pilote de l’action touristique (GIE Tourisme, 2013).

43 De son côté, l’économie calédonienne marque le pas. Les prévisions de croissance proches de zéro pour 2013, sont comprises entre 0,5 et 1 % pour 2014. Cependant, c’est essentiellement autour du phénomène de la « vie chère » que se concentrent aujourd’hui les principales tensions qui traversent la société locale.

44 Depuis près d’une trentaine d’années, la Nouvelle-Calédonie a bénéficié d’une économie en plein développement, essentiellement grâce aux ressources minières dont elle dispose. La progression moyenne annuelle de son PIB est de 6,1 % entre 2000 et 2011 avec une croissance un peu moindre mais toujours soutenue en 2012 (à savoir 3,1 % du PIB). Ce dynamisme s’explique pour l’essentiel par l’exploitation et la transformation du nickel, le territoire disposant à lui seul d’un quart des ressources mondiales de ce minerai. Ainsi, en 201011, cette industrie représentait 8,4 % du PIB de l’archipel, sans compter ses effets d’entraînement sur le reste de l’activité économique, comme le secteur du bâtiment. Dans la province Nord, la toute nouvelle usine de nickel de Koniambo, un investissement de 5 milliards de dollars, doit permettre à la Nouvelle- Calédonie de devenir dans quelques années le deuxième producteur de nickel dans le monde. L’enjeu politique est également important puisque cette toute nouvelle usine,

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dont la Province Nord à majorité indépendantiste détient 51 % du capital en association avec le géant minier anglo-suisse Xstrata, qui a financé l’essentiel des investissements nécessaires, est censée permettre à l’avenir de rattraper une partie du retard économique de cette partie de l’île. Ce projet devrait ainsi générer près de 2 500 emplois en phase de pleine production – soit à partir de 2015 –, dont une grande majorité de population locale. Sa contribution au produit intérieur de l’archipel devrait également être vigoureuse, pour peu que les cours du nickel ne se maintiennent pas à un niveau structurellement bas.

45 L’activité économique de Wallis-et-Futuna demeure très traditionnelle et artisanale, axée sur une pêche artisanale et une agriculture orientée vers un élevage essentiellement avicole et porcin – notamment en lien avec la coutume – ainsi que vers des cultures vivrières. L’économie du territoire, peu ouverte sur l’extérieur, reste faiblement monétarisée, se caractérisant notamment par une forte propension des ménages à l’autoconsommation, évaluée à 40 % de leur consommation totale. La contribution du secteur privé dans la création de richesses y reste encore trop faible.

46 Le développement économique et social du territoire est contraint par des handicaps naturels et structurels, accentués par plusieurs facteurs : coût du transport élevé, éloignement des marchés potentiels, faible taille du marché intérieur, coûts de production supérieurs à ceux des pays voisins. Le PIB de Wallis et Futuna est essentiellement non marchand. Il représente 75 % de la valeur ajoutée totale alors que dans les autres collectivités d’Outre-mer, le PIB non marchand ne présente qu’un tiers du PIB total : le secteur administratif concentre plus de la moitié de la création de richesse (54 % du PIB). Par ailleurs, plus de 70 % de l’emploi salarié déclaré provient de la fonction publique et semi-publique.

47 Dans le secteur privé, l’économie locale est concentrée autour de trois secteurs d’activité : le commerce, les services marchands et la construction. En 2010, ceux-ci totalisent les deux tiers du nombre d’entreprises en activité. Concrètement, le PIB de Wallis et Futuna a été évalué en 2008 – à partir des données de l’année 2005 – à environ 1,8 milliards de francs CFP, soit un peu plus de 15 M€. S’élevant à 10 148 €, le PIB/hab. se situe au-dessus de ceux des petits États et territoires de la zone, mais au-dessous de la moyenne atteinte dans l’Outre-mer français.

Un commerce extérieur peu intégré, une faible compétitivité externe

48 S’agissant de la compétitivité externe, depuis la fin des années 1990, alors que le processus d’intégration régionale connaissait un souffle nouveau avec notamment la signature des accords PACER (Pacific Agreement on Closer Economic Relations), PICTA (Pacific Island Countries Trade Agreement)12 et la mise en place du Plan Pacifique, les territoires français océaniens sont restés en marge de ces accords de coopération. Leur rattachement à la métropole constitue un facteur d’explication, mais il n’est pas le seul.

49 Les chiffres relatifs à la compétitivité externe des PTOM sont, de ce point de vue, édifiants. Cette donnée macroéconomique, résultant des échanges extérieurs, exprime la capacité des territoires à couvrir les importations par les exportations et à dégager éventuellement une capacité de financement. À l’instar de la majorité des économies insulaires, les économies des territoires français du Pacifique Sud ont largement recours à l’importation pour leurs approvisionnements en biens et matières premières. En raison de l’étroitesse de leur territoire et de la taille réduite de leur marché, ils

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peinent à développer une production locale en substitution aux importations, et des exportations compétitives. Leur balance commerciale est par conséquent structurellement déficitaire.

50 Il faut souligner que ces collectivités connaissent des niveaux d’ouverture aux échanges commerciaux relativement plus faible que leurs voisins de taille souvent plus petite compte tenu du fait que les échanges intra-pacifique sont limités. La grande majorité des échanges sont réalisés avec la métropole et l’Union européenne. Ce dernier point a été souligné par l’Observatoire des Villes et des Ports de l’Océan indien, lors du colloque de l’Agence française de développement consacré aux Outre-mer en novembre 2011 (Bertile, 2011).

51 Ainsi le taux d’ouverture de la Nouvelle-Calédonie s’établissait au cours des cinq dernières années autour de 25 %, celui de la Polynésie française autour de 15 % alors qu’il était en moyenne autour de 35 % dans les autres petits États insulaires du Pacifique (voir les instituts de statistiques et banques centrales locales).

52 Cette situation résulte en partie de la difficulté de concurrencer les producteurs des pays voisins, où les coûts de production sont souvent inférieurs, avec des charges sociales et salariales plus basses, mais aussi des normes de production ne répondant pas toujours aux standards européens.

53 Ces collectivités se caractérisent de manière générale par des comptes extérieurs façonnés par la dépendance à un ou deux produits et aux transferts courants. Cette « ultra-spécialisation » se révèle être une vulnérabilité dans la compétition régionale.

54 En Polynésie, malgré la crise, on peut rappeler le poids prépondérants du tourisme et de la perle (environ 65 % de ses exportations totales sur la période 2000-2009 dont plus de 50 % pour le tourisme – voir ISEE, ISPF, IEOM). L’exportation de perles est passée, entre 2007 et 2012, de 101 à 59 millions d’euros, soit une chute de 42 % en cinq ans seulement. Cette situation résulte de la baisse de la production et de la diminution du nombre des producteurs. En 2013, ces exportations sont reparties à la hausse avec une progression de 11 % environ (ISPF, 2013).

55 Au niveau interne, la consommation des ménages ne cesse de diminuer : en 2012, les importations de biens de consommation non alimentaires ont reculé de 5,5 %, en raison d’une demande intérieure toujours en berne. La Polynésie française n’échappe pas à la « vie chère », à l’instar des autres collectivités d’Outre-mer, conséquence tout à la fois de l’indexation des rémunérations, de l’absence de concurrence, du poids de la fiscalité indirecte, des habitudes de consommation et de l’isolement. Elle peine à développer une production locale en substitution aux importations, de même que des exportations compétitives. Le taux de couverture des importations par les exportations s’établit à 8,9 % (IEOM, 2011 : Polynésie française - statistiques des douanes).

56 En Nouvelle-Calédonie, les exportations de nickel surtout, et dans un moindre mesure, le tourisme constituent les deux sources majeures de recette à l’exportation (environ 80 % des exportations sur la période 2000-2009, respectivement 60 % et 20 % des exportations des biens et services – voir ISEE, ISPF, IEOM). La réglementation du commerce extérieur relève de la compétence du territoire (art. 22.6 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999) qui fixe l’assiette et le taux des impôts, des droits et des taxes à l’importation. La Nouvelle-Calédonie n’étant pas intégrée à l’Union européenne, aussi les politiques de libre circulation des biens, des services, des hommes et des capitaux ne s’appliquent-elles pas dans les mêmes conditions. Cependant, certaines

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règles s’imposent, comme la non-discrimination des produits d’origine européenne ou la clause de la nation la plus favorisée.

57 À ce jour, la société calédonienne se caractérise également par des habitudes de consommation tournées vers les produits métropolitains, soumis à des frais de transport maritime ou aérien, auxquels vient s’ajouter une fiscalité grevant le prix des produits importés. Ces particularités économiques conduisent à évoquer le syndrome d’une « économie de comptoir ». Ces facteurs expliquent que le niveau moyen des prix sur le territoire soit supérieur de plus d’un tiers à celui constaté en métropole, ce qui a conduit à des mouvements sociaux en mai 2013. Ces événements démontrent que les principaux enjeux, auxquels la Nouvelle-Calédonie devra faire face au terme de l’accord de Nouméa, seront d’ordre économique et social et que l’Europe devra y prendre toute sa part.

58 Wallis-et-Futuna est la collectivité d’Outre-mer la plus éloignée de la métropole, à 22 000 kilomètres de Paris et à 2 100 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie. Ses particularités expliquent que la balance commerciale du territoire soit structurellement déficitaire, du fait de la quasi-absence d’exportations (hormis quelques flux ponctuels de produits artisanaux) et de la forte dépendance des populations aux produits importés. Le territoire est continuellement dépendant de l’extérieur. La valeur des exportations de biens a été considérablement réduite par rapport à 2008 du fait de l’arrêt complet des exportations de troca (coquillage dont on extrait la nacre, voir Rapport annuel 2010 de l’Institut d’émission de l’Outre-mer sur Wallis-et-Futuna – Statistiques des Douanes).

Une faible intégration commerciale au regard de la géographie des partenariats par territoire

59 Par la force des choses, les PTOM français sont davantage intégrés avec l’UE qu’avec les pays tiers voisins. Il faut rappeler que la Polynésie Française et la Nouvelle Calédonie ont mis en place des protections ou barrières tarifaires et non tarifaires relativement soutenues vis-à-vis des États voisins. Elles ne bénéficient pas, par exemple, de l’accord préférentiel SPARTECA13 avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

60 Pour les départements et régions d’Outre-mer (DROM), l’appartenance à un ensemble institutionnel et culturel commun fait que les entreprises locales ont tendance à se tourner vers leur maison-mère qui se trouve en métropole et non pas vers les entreprises des autres pays voisins. Cette relation exclusive avec la métropole explique le peu d’ouverture des Outre-mer français aux importations en provenance des pays ACP, et ce, malgré les accords de Lomé puis de Cotonou qui ouvrent à ces pays le marché local en franchise totale de droits de douane (Budoc, 2013).

61 Pour les collectivités françaises de l’Océanie, cette dépendance est moins affirmée, probablement à cause de leur éloignement plus important des centres économiques européens et de leur statut particulier de pays tiers au sein de l’Union européenne.

62 Concernant les partenaires du commerce extérieur de la Polynésie française (IEOM, 2011 : Polynésie française), la France concentre 28 % de ses importations totales en valeur et demeure le principal partenaire commercial (principalement en biens intermédiaires et agroalimentaires), suivie des 26 autres membres de l’Union européenne (14,1 %)14. Cette prédominance de la France tend toutefois à s’éroder sur la

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décennie (-18,2 points) au profit de la Chine et dans une moindre mesure des États- Unis. Depuis 2005, Singapour s’est imposé comme un fournisseur privilégié de la Polynésie française (12,7 % de la valeur totale importée en 2010 contre 0,5 % au début des années 2000) depuis qu’en 2004. Suite à la fermeture d’une raffinerie en Australie, la Compagnie Shell approvisionne la Polynésie française à partir de ses unités de Singapour.

63 En 2010, Hong Kong et le Japon concentrent à eux-seuls près de 50 % des exportations polynésiennes, essentiellement constituées de perles brutes. La France métropolitaine occupe le troisième rang. Ses achats demeurent principalement constitués de produits du secteur primaire ou semi-transformés (huile de coprah brute, monoï, poissons, perles…).

64 À l’exception de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, les échanges commerciaux de la Polynésie française avec sa zone d’appartenance géographique, demeurent marginaux sur les dix dernières années. Ils représentent moins de 1 % des importations et à peine 4 % des exportations en 2010. La Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna et les îles Fidji concentrent l’essentiel (près de 90 %) des flux de marchandises avec la Polynésie française qui sont principalement composés, à l’import, de produits aquacoles et agro- alimentaires (crevettes, céréales) et de biens intermédiaires (papier et cartons) et, à l’export, de bien d’équipement (bateaux à voile notamment) et de consommation (habillement et équipement du foyer).

Tableau 3. – Part des importations en provenance de la métropole par rapport aux importations totales (2010)

Import de la métropole

Guadeloupe 62,3 %

Martinique 54,2 %

DOM Guyane 35,0 %

Mayotte 43,0 %

La Réunion 54,0 %

Collectivité à statut particulier Nouvelle-Calédonie 22,0 %

Polynésie française 28,0 %

Saint-Barthélemy -

COM Saint-Martin -

Saint-Pierre-et-Miquelon 35,0 %

Wallis-et-Futuna 31,0 %

(sources : INSEE/ISEE/Douanes)

65 Pour la Nouvelle-Calédonie, la hausse des importations a concerné ses principaux fournisseurs : France, autres pays de l’Union européenne, Australie et Singapour. Pour autant, le poids de la Chine dans les importations du territoire est sans précédent. Elle est ainsi devenue le second pays de provenance des importations du territoire (18 %), derrière la France (22 %). Néanmoins, sans les livraisons des modules pour l’usine du

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Nord, la Chine repasse sous la barre des 10 % de part de marché, derrière l’Australie. Les pays de l’Union européenne hors la France fournissent 14 % des importations ; Singapour, 13 % ; la Nouvelle-Zélande, 4 % ; les États-Unis, 3 % ; le Japon, 2 %, etc.

66 La France demeure le premier pays destinataire des exportations de la Nouvelle- Calédonie, suivie du Japon, du Taïwan, de la Corée du Sud, des autres pays de l’UE, de l’Australie, etc.

67 Pour Wallis-et-Futuna, avec 31 % des importations en valeur, la France métropolitaine est leur fournisseur de référence, suivie de Singapour (hydrocarbures), de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de Fidji, de la Nouvelle-Calédonie, etc. (IEOM, 2011 : Wallis-et- Futuna, douanes).

68 La décision d’association en vigueur offre un régime commercial modernisé axé sur trois grands domaines : les échanges de biens, les échanges de services et la coopération sur les questions liées au commerce. Ce nouveau dispositif devrait avoir un impact

positif sur l’environnement commercial des PTOM qui se classeront ainsi parmi les

partenaires commerciaux les plus favorisés de l’UE : non seulement en raison de l’accès de leurs biens au marché européen, en franchise de droits et non contingenté, mais aussi parce qu’ils bénéficieront automatiquement d’une amélioration des termes de l’échange en matière de services et d’établissement. De plus, la modification des

conditions dans lesquelles les biens et services des PTOM accéderont au marché européen devrait permettre à ces derniers, d’associer les ouvertures du marché à de réelles possibilités d’exportation.

69 Le régime dont bénéficient les PTOM depuis 2001 prévoit le libre accès en franchise des droits de douane pour les produits originaires des PTOM et des règles d’origine permettant le cumul avec des produits originaires des États ACP, qui bénéficient d’un régime différent, et de la Communauté. En fait, la DAO prévoit que tous les « produits originaires des PTOM », sont admis à l’importation dans l’UE en exemption de droits à l’importation et sans restrictions quantitatives. Le cumul d’origine permet à des matières originaires de l’UE ou des États ACP d’être considérées comme des matières originaires des PTOM lorsqu’elles sont incorporées dans un produit obtenu dans un PTOM. Pour rendre ce cumul possible, les règles d’origine des PTOM ont été calquées sur les règles applicables aux ACP sous l’accord de Cotonou. Le principal avantage du maintien d’un système de cumul avec les pays ACP pour les PTOM est la possibilité, pour bénéficier d’un certificat d’origine préférentiel prévu par les accords bilatéraux, de transformer légèrement dans un PTOM un produit fabriqué dans un pays ACP pour exportation finale vers l’UE sous origine PTOM, dans une logique « gagnant- gagnant ».

La problématique des APE dans le Pacifique Sud

70 Le renforcement de l’insertion régionale, qui favorise la création d’un espace d’échanges économiques, commerciaux, culturels, sociaux, de recherche, de services… améliorerait la diversification et l’internationalisation des économies des pays et des collectivités de la zone, en créant des emplois et de la richesse. D’autant plus que, dans un contexte de ralentissement économique mondial, la coopération régionale des États et des territoires insulaires du Pacifique apparaît comme une opportunité. Dès lors,

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comment les territoires français du Pacifiques peuvent-ils développer leurs relations extérieures au sein de la région ?

71 Depuis les années 2000, les projets de coopération connaissent une certaine accélération et favorisent cette intégration. Ils sont multiples et ont abouti à différents accords d’échanges, élaborés à travers la Communauté du Pacifique et le Forum des îles du Pacifique. Cette dynamique est fortement encouragée par l’UE qui, à travers l’attribution de différents statuts, permet aux pays et territoires de la zone de bénéficier de régimes commerciaux préférentiels. Ainsi, les collectivités françaises du Pacifique, liées par la DAO, peuvent accéder au marché européen en franchise des droits de douanes et sans contingentements. De plus, l’accord de COTONOU conclu en 2000 entre les 77 États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (dits États « ACP ») et l’UE, met en place des régimes préférentiels dont le but est d’aboutir à des zones de libre-échange. Localement, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ont déjà tenté d’améliorer leurs relations économiques, en vain. En 1997, une convention de coopération économique et commerciale entre les deux collectivités a été élaborée, mais n’aboutit jamais15. Seules certaines mesures fiscales ont été adoptées, conduisant à la mise en place d’un taux préférentiel de la taxe générale à l’importation (TGI) à 4 % pour certains produits, notamment les perles et les crevettes. Cependant, les limites de ce dispositif sont aujourd’hui identifiées tant le volume des échanges entre ces deux collectivités sont faibles. Toutefois, il existe un grand nombre d’accords de coopération régionale et extrarégionales dans la zone Pacifique favorisant ainsi les échanges économiques (de biens et services) à diverses échelles : accord-cadre PACER – signé en 2001 – et sous ses auspices, l’accord de libre-échange PICTA – signé en 2002 –, accord SPARTECA…. Ces processus d’intégration régionale ont été mis en place dans le cadre du Forum des îles du Pacifique (FIP). La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie ont engagé des négociations qui n’ont pas encore abouti, pour une éventuelle adhésion au PICTA (IEOM, 2011). Par conséquent, il apparait nécessaire d’identifier d’autres produits ainsi que d’autres secteurs pouvant faire l’objet d’une libéralisation, d’un partage des ressources, des moyens et du savoir-faire, en vue d’un développement des échanges. À titre d’exemple, les flux de transactions de la Polynésie française avec la Nouvelle-Calédonie et Wallis- et-Futuna représentent plus des deux tiers de ce type d’échanges avec les PEI voisins. Le Vanuatu représente également 70 % des échanges de services de la Nouvelle-Calédonie avec ces États.

72 Dans ce contexte, la signature par l’Union européenne d’accords de libre-échange avec divers pays peut avoir des conséquences très négatives pour les PTOM du Pacifique. En outre, il faut souligner que, même s’ils visent à favoriser le libre-échange, les accords de partenariat économique de l’Union européenne (APE) comportent des clauses de sauvegarde régionales qui permettraient, au cas par cas et en situation de crise, de rétablir temporairement des barrières à l’importation. Si les PTOM ne sont théoriquement pas couverts par ces APE, la France peut demander, en sa qualité d’État- membre, la prise en compte de leurs intérêts. En effet, les APE sont susceptibles d’avoir des impacts sur les économies de ses PTOM de la zone, en raison d’une concurrence accrue des pays ACP.

73 Il faut courageusement affronter ces questions car, depuis des décennies, les territoires du Pacifique Sud parlent de production, mais arbitrent toujours en faveur de la consommation et de la redistribution dans un schéma keynésien de croissance, tirée

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par la dépense publique, qui favorise les importations dans des économies ultramarines ouvertes. Ils doivent inverser la tendance en faisant clairement le choix d’une politique de l’offre, en favorisant l’émergence d’un véritable appareil de production endogène capable d’alimenter les marchés intérieurs et de réduire ainsi, de manière significative, le déficit du commerce extérieur. Pour y parvenir, une politique de soutien volontariste des instances locales, nationales et européennes s’avère indispensable.

74 Développer une logique « gagnant-gagnant » dans la coopération régionale impose de faire preuve de vigilance et de prendre en considération, sans angélisme, cet impact indéniable sur la capacité concurrentielle des territoires ultramarins appartenant aux mêmes aires géographiques. Il est de même souhaitable que le cahier des charges des études d’impact prévoie explicitement la consultation des parties prenantes dans les PTOM. Enfin, les mesures d’accompagnement proposées par une étude d’impact devront elles aussi faire l’objet d’un examen attentif. La composition des comités de suivi mis en place à la suite de tous les accords de libre-échange, y compris les APE, mérite à cet égard une attention toute particulière. N’oublions pas que la Commission européenne a refusé le statut d’observateur aux PTOM dans les négociations des APE, au motif de sa compétence exclusive en matière de politique commerciale. Cela montre bien la nécessité de prendre systématiquement en compte les intérêts des PTOM, notamment ceux du Pacifique dans la politique commerciale de l’Union, mais aussi de réfléchir à un futur régime commercial préférentiel, reposant notamment sur des règles d’origine révisées, la libéralisation des échanges commerciaux étant à l’origine de l’érosion de ces préférences. L’intégration des PTOM dans leur environnement régional ne doit pas se heurter à une absence de volonté politique et à une insuffisante prise en compte de leurs enjeux propres lors de la conclusion, par l’UE, d’accords commerciaux internationaux.

75 Il y a bien un intérêt pour la France et plus généralement pour l’Europe de doter les PTOM du Pacifique Sud d’outils institutionnels et politiques fiables pour accompagner leur stratégie d’intégration politique économique et commercial au sein de leur zone d’influence.

Les outils institutionnels et politiques d’intégration dans le Pacifique Sud

76 Les territoires français du Pacifique Sud disposent d’outils internes d’intégration régionale qui facilitent leur participation aux organisations internationales de la zone. Ce qui n’empêche pas l’intervention d’autres acteurs de l’intégration régionale, en quête de solutions océaniennes.

Les outils internes d’intégration régionale des territoires français

77 Concernant la Polynésie française et Wallis-et-Futuna, régies par l’article 74 de la constitution – le titre XIII de la Constitution dans le cas de la Nouvelle-Calédonie –, ces collectivités françaises jouissent, au plan interne, de compétences très larges en matière d’association et de participation dans la coopération régionale. L’article 39 de la loi de septembre 1984 (loi n° 84-820 du 6 septembre 1984) portant statut du territoire

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de la Polynésie française modifié par l’article 4 de loi de juillet 1990 (loi n° 90-612 du 12 juillet 1990) précise ainsi que : « Dans la région du Pacifique, les autorités de la République peuvent désigner le président du gouvernement du territoire pour les représenter afin de négocier des accords dans les domaines intéressant le territoire ou l’État. Les accords négociés sont soumis à ratification ou approbation dans les conditions prévues aux articles 52 et 53 de la Constitution. »

78 Par ailleurs, la loi d’avril 1996 (loi n° 96-312 du 12 avril 1996) a accentué l’association de la Polynésie française au processus de conclusion des accords de coopération : elle constitua la base normative des dispositions législatives futures au bénéfice des collectivités ultramarines et laissa déjà apparaître une gradation de l’association selon le domaine de compétence de l’accord, mais aussi selon le niveau d’autonomie de la collectivité. L’article 40 de ce texte fait état de la délivrance de pouvoirs par les autorités de la République au président du gouvernement pour négocier et signer des accords internationaux avec des États, territoires ou organismes régionaux du Pacifique. À défaut de délivrance de pouvoirs, le président est associé à la délégation française et participe aux négociations des accords. Mais ce dispositif législatif ne doit porter atteinte ni à l’exercice de la souveraineté nationale, ni aux prérogatives de l’État (article 72 alinéa 3 de la Constitution).

79 L’approche déconcentrée de l’action extérieure de la Polynésie française dans son environnement régional sera ensuite formulée dans sa globalité par la loi organique de février 2004 (Loi n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française), qui revoit le dispositif d’association de la Polynésie française au processus de conclusion des accords de coopération régionale.

80 Dans les domaines de compétence de la collectivité polynésienne, l’article 39 de la loi organique prévoit que le président de la Polynésie française peut négocier tout accord avec des États ou des organisations internationales et des pouvoirs peuvent lui être confiés pour les signer. Enfin, le territoire doit être consulté préalablement à l’adoption de la loi autorisant la ratification de ces engagements internationaux. L’article 17 précise la faculté pour le président de négocier et signer des conventions de coopération, même si le Conseil constitutionnel a considéré que ces conventions ne pourraient pas intervenir dans les domaines de compétence du conseil des ministres de la Polynésie française à moins d’un vote conforme de l’assemblée délibérante.

81 Pour Wallis-et-Futuna, le dispositif est très spécifique : la loi de juillet 1961 (loi n° 61-814 du 29 juillet 1961) s’applique et aucun autre texte n’accorde expressément de compétences à la collectivité en matière internationale. En réalité, le mouvement de la décentralisation n’a à ce jour pas atteint ce territoire où l’ensemble des pouvoirs est concentré dans les mains du haut fonctionnaire Administrateur supérieur du territoire, à la fois chef de l’exécutif de la collectivité et représentant de l’État. Avec les TAAF16, cette situation est inédite sur le territoire de la République. Pour autant, sur la base de l’alinéa 6 de l’article 74 de la Constitution, l’assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna est fréquemment consultée préalablement à l’adoption de lois autorisant la ratification d’engagements internationaux dans les domaines de compétence de la collectivité ou dont l’enjeu le justifie (tel le Traité de Lisbonne).

82 Au total, les paramètres internes du dispositif juridique relatif à l’association des entités ultramarines au processus de conclusion des accords internationaux révèlent que l’action internationale de l’État ne s’en trouve pas fortement perturbée. L’évolution

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législative en la matière, les réserves d’interprétation du Conseil constitutionnel, le recours à la déconcentration dans la majorité des dispositions ne font que renforcer le caractère prépondérant du rôle de l’État dans l’exercice des relations internationales. Ainsi, sous couvert de l’attribution de compétences, l’État entretient son action internationale tout en satisfaisant l’insertion régionale de ses entités ultramarines.

83 Dans le cas particulier de la Nouvelle-Calédonie, l’article 21–II de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999, et le point 3.2.1 de l’accord de Nouméa17, ont fixé le cadre de l’association renforcée du territoire au processus de conclusion des accords de coopération régionale. Grâce à son autonomie plus poussée, il dispose de compétences élargies. En vertu de l’article 28 de la loi organique de 1999, et dans les domaines de compétence de l’État, le président du gouvernement acquiert les pouvoirs de négociation et de signature des accords. À défaut d’application, il dispose d’un pouvoir d’association ou de participation au sein de la délégation française aux négociations et à la signature.

84 On observera que la Polynésie française n’avait pas obtenu en 1996 ce pouvoir d’association ou de participation à la signature. Une avancée dans la gradation de l’association est effectuée lorsque le législateur prescrit les conditions de cette association pour les accords relevant des domaines de compétence de la Nouvelle- Calédonie. L’article 29 de la loi précitée dispose que le Congrès (et non le conseil des ministres) peut autoriser par délibération le président du gouvernement à négocier des accords.

85 Une distinction s’opère donc avec les dispositions relatives à la Polynésie française. Cette dernière est, dans ce domaine de compétence, toujours soumise à la délivrance de pouvoirs déconcentrés alors que la Nouvelle-Calédonie produit une simple autorisation par voie délibérative du Congrès. Mais il faut informer l’État de l’autorisation de négociation et qu’il soit représenté à la négociation au sein de la délégation de la Nouvelle-Calédonie, suite à sa demande. Des pouvoirs sont, en revanche, exigés pour la phase finale de signature de l’accord qui est, en cas d’accord du Congrès, soumis à un contrôle de constitutionalité.

86 Pour la Polynésie française une variation avec le dispositif de la Nouvelle-Calédonie est avérée par une intrusion, à leur demande, des autorités de la République au sein de la délégation polynésienne dès l’intention de négocier. S’y ajoute également une possibilité d’opposition à la négociation des accords des autorités de la République dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’intention de négocier. Au contraire, pour la Nouvelle-Calédonie, l’obligation déclaratoire ne pourra être suivie d’une opposition de l’État.

87 Globalement, la Polynésie française jouit donc d’une marge de manœuvre plus faible que la Nouvelle-Calédonie, qui bénéficie d’une « décentralisation totale de la compétence de négociation ». L’histoire récente de la Nouvelle-Calédonie, les événements tragiques qu’elle a connus dans les années 1980, ont conduit à la mise en œuvre d’un processus – à travers les accords de Matignon-Oudinot en 1988, puis l’accord de Nouméa en 1998 – original et inédit de transfert permanent de compétence afin de conduire à bien le processus d’autodétermination dont la date butoir est actuellement fixée à 2018.

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Les territoires français du Pacifique Sud et les organisations internationales d’intégration

88 Les considérants de la DAO et notamment son article 7, mettent en exergue le confortement de la coopération avec les organisations d’intégration régionale pertinentes. Aujourd’hui, les organisations internationales représentent un véritable système politique. Elles interviennent dans tous les domaines, de la sécurité internationale aux relations économiques et politiques, en passant par l’intégration et la coopération, ou encore l’environnement et les droits de l’homme. En ce sens, elles sont à la fois un instrument de politique des États et territoires, un échiquier (l’espace politique pluriel où se définit la politique internationale de l’organisation) et un acteur politique, employant la diplomatie dans les relations internationales pour faire aboutir les objectifs fondamentaux et les mandats définis par l’organisation. À l’exemple du forum des îles du Pacifique (FIP), elles répondent presque toutes à ce rôle et à ces caractéristiques. D’autres acteurs comme la Communauté du Pacifique (CPS) sont également à la recherche de solutions océaniennes.

89 Le FIP18 est un interlocuteur privilégié de l’Europe dans le Pacifique Sud. Cette organisation océanienne de coopération réunit seize membres à part entière19, ainsi que deux membres « associés » depuis 2006 – la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française –, et des membres « observateurs » – dont Wallis-et-Futuna depuis 2006. L’Australie et la Nouvelle-Zélande en sont des partenaires essentiels qui lui garantissent une large audience. Interpellé par les défis économiques, politiques, sociaux ou écologiques auxquels l’Océanie est confrontée, le Forum tente d’apporter des solutions locales : par exemple, le Plan Pacifique 2005-2015, à l’initiative du FIP, vise à stimuler la croissance économique, le développement durable, la bonne gouvernance et la sécurité pour les pays du Pacifique.

90 Tous les pays ACP potentiellement signataires de l’APE Pacifique sont membres du FIP. En l’absence d’organisation régionale intégrée à même de représenter ces pays et de négocier avec l’UE, l’interlocuteur privilégié de la Commission européenne (qui mène les négociations pour l’UE) est le Forum, principale institution politique et économique de la région dont la mission officielle consiste à renforcer la coopération et l’intégration régionales, et qui remplit aussi la fonction d’organisme intergouvernemental. En conséquence, la Commission européenne tend à renforcer considérablement ses relations et ses actions de soutien au Forum (y compris par le financement de projets de coopération) sur lequel elle s’appuie pour ses programmes de développement. Ce qui n’empêche pas un rapprochement avec la CPS qui déploie des efforts en ce sens (Tahiti info, 15 septembre 2014).

91 À titre d’exemple, le Forum annuel du FIP qui s’est réuni à Majuro (îles Marshall), en septembre 2013 intitulé « Coordonner la réponse de la région du Pacifique au changement climatique », a été l’occasion pour l’UE et la région Pacifique de réaffirmer leur engagement dans un partenariat de longue date, et qu’ils partagent des intérêts communs en ce qui concerne le changement climatique, la protection des océans et d’autres enjeux planétaires. Depuis que l’UE et le FIP ont adopté une déclaration conjointe sur le changement climatique en novembre 2008, la coopération UE-Pacifique dans ce domaine s’est considérablement renforcée, tant sur le plan politique que financier. Outre les ressources consacrées au développement et au changement

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climatique initialement allouées aux pays ACP du Pacifique pour la période 2008-2013, l’ UE a mis à disposition une enveloppe financière de 110 M€ correspondant à des ressources supplémentaires liées au changement climatique. Tous les petits États insulaires en développement de la région du Pacifique bénéficient du soutien financier et technique de l’initiative de l’Alliance mondiale contre le changement climatique (AMCC), soit directement au moyen de ses programmes par pays, soit indirectement par l’intermédiaire de ses programmes destinés à la région du Pacifique.

92 Dans ce contexte, la politique d’intégration régionale des territoires français du Pacifique Sud avait tout naturellement vocation à se développer au sein des principales organisations internationales de leur zone stratégique et notamment le FIP.

93 Le Forum est un outil puissant d’intégration des territoires français du Pacifique Sud. Sa dynamique en faveur d’une communauté économique et politique de plus en plus solidaire, est encourageante pour les territoires français de la zone qui peuvent au sein de cette organisation internationale, développer le potentiel d’une coopération avec les pays ACP voisins, en faisant entendre leur voix océanienne dans la résolution de leurs difficultés au-delà des aides extérieures qui, certes, restent indispensables.

94 Ces territoires sont situés au voisinage de nombreux États, États insulaires et micro- États, avec lesquels existent des relations de tous ordres : échanges commerciaux, touristiques, artistiques et culturels, etc. Cette coopération régionale longtemps caractérisée par la seule adhésion de la France au titre de ses collectivités (à l’exclusion du FIP), s’oriente davantage vers l’adhésion des collectivités elles-mêmes en leur propre nom, à condition que les statuts des organismes prévoient un droit d’adhésion ouvert à des entités non étatiques ou à des territoires. Cette opportunité résulte des textes qui régissent les statuts spécifiques de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Ces deux collectivités disposent d’une grande latitude d’action internationale. Pour autant, seule la Nouvelle-Calédonie peut avoir le statut de membre, membre associé ou observateur d’une organisation internationale quelle qu’elle soit. La Polynésie française, quant à elle, en vertu de l’article 42 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004, peut avoir le même statut mais uniquement dans les organisations internationales du Pacifique, tout comme Wallis-et-Futuna.

95 La France est le seul État de l’Union européenne à être présent dans le Pacifique Sud et à y avoir des intérêts au travers de trois collectivités qui participent à la CPS et au FIP. Elle participe au « Post Forum » du FIP, enceinte de dialogue avec les principaux partenaires non membres de l’organisation.

96 La Nouvelle-Calédonie a entrepris en 2010 une mission pour convaincre les membres du FIP de l’intégrer comme membre à part entière20. Malgré plusieurs refus (Pantz, 2012 : 58-59), elle s’est considérablement rapprochée de ces États et il semble très probable qu’elle y soit intégrée très prochainement. D’ailleurs, lors du 44e Sommet du FIP, le Président du gouvernement est intervenu pour réitérer la candidature du territoire au statut de membre à part entière. Les États membres du Forum se sont alors prononcés en faveur de l’ouverture d’un processus formel de son accession au statut de membre. À ce jour, elle peut participer à toutes les activités du Forum, sauf à la « retraite » des dirigeants au cours de laquelle sont adoptées les grandes décisions politiques et administratives de l’organisation, réservée aux seuls membres à part entière. Son statut de territoire, qui jouit d’une large autonomie mais n’est pas indépendant ou librement associé à un État, constitue pour certains États membres un obstacle à son éligibilité

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(les statuts du FIP prévoient la qualité de membre plein uniquement pour les États souverains). De plus, le litige de souveraineté sur les îles Matthew et Hunter qui sont revendiquées par le Vanuatu est probablement de nature à freiner l’ancrage des territoires français (ibidem) au sein du FIP. Le contentieux refait surface régulièrement, ce qui trouble des relations par ailleurs cordiales (Tahiti info, 22 février 2015).

97 Il revient au final à l’ensemble des membres du FIP d’approuver par consensus le bien- fondé de la demande des territoires français, qui est soutenue par la France et l’est probablement par l’Europe compte tenu des enjeux d’avenir posés par la DAO en terme d’intégration régionale, afin que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française y accèdent en qualité de membre permanent21 et que Wallis-et-Futuna y accède en tant que de membre « associé ».

La CPS et d’autres acteurs de l’intégration régionale, en quête de solutions océaniennes

98 D’autres organisations régionales jouent un rôle important dans la zone, à l’exemple de la Communauté du Pacifique (CPS), appelée dans un premier temps la Commission du Pacifique Sud, créée en 1947 en Australie par les six États qui administraient alors des territoires dans la région : l’Australie, la France, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas (jusqu’en 1962), le Royaume-Uni (jusqu’en 2005) et les États-Unis. Elle compte 26 membres dont 22 États et territoires océaniens et quatre des pays fondateurs. La Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna sont membres à part entière depuis 1983, au même titre que la France. Il convient de rappeler que le FIP avait précisément été créé pour marquer la volonté des États de s’affranchir de la CPS dont les statuts ne permettaient pas de traiter de questions politiques. Aujourd’hui, cette organisation de coopération a pour vocation le financement et la gestion des programmes de développement au bénéfice du Pacifique insulaire. Elle regroupe sur un pied d’égalité d’un côté quatre contributeurs (Australie, France, États-Unis, Nouvelle- Zélande), dont la contribution représente plus de 90 % des financements et, de l’autre, toutes les entités du Pacifique, de statuts politiques variables, dont les trois collectivités françaises. C’est également une organisation internationale de conseil technique, scientifique et stratégique, d’assistance, de formation et de recherche au service de ses membres insulaires océaniens. Des démarches ont été engagées avec succès par le gouvernement français et les élus locaux afin de consolider le siège de la CPS à Nouméa.

99 Par ailleurs, le Réseau océanien de surveillance de la santé publique créé en 1996, résulte de la volonté conjointe de la CPS et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de mettre en place un organe de surveillance de la santé publique dans le Pacifique. Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française en sont membres statutaires.

100 Notons aussi l’existence de la Commission du Pacifique Sud pour les géosciences appliquées (la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française en sont membres « associés », la France n’en est pas membre), ou encore, l’Organisation océanienne des douanes, l’Organisation du tourisme du Pacifique Sud (seule la Polynésie française est membre), le programme de développement des îles du Pacifique, le Programme régional océanien de l’environnement (PROE) dont les trois collectivités sont membres au même titre que la France, le Conseil de coopération économique du Pacifique ou

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l’Agence des pêches du Forum. Retenons aussi que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française siègent en qualité des membres « associés » au sein de la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique, organisation internationale dont la France est membre fondateur. Les deux territoires ultramarins français sont membres de l’Organisation mondiale de la météorologie, organisme de l’ONU depuis 1949. Seule la Nouvelle-Calédonie a intégré l’Office international des épizooties, organisation intergouvernementale créée par l’Arrangement international du 25 janvier 1924 : ce qui permet au territoire d’accéder à une organisation chargée de l’articulation des activités d’évaluation et de gestion des risques liés aux maladies animales infectieuses, afin de prendre en compte leur dimension transfrontalière et de les anticiper.

101 Au total, les Outre-mer océaniens sont entourés d’entités nationales et infranationales dont l’articulation ou l’intégration à leur espace national n’obéit pas au schéma décentralisé français. Il faut tenir compte de ces disparités de fonctionnement administratif. Mais au-delà, il faut envisager cette question sous l’angle plus politique de la liberté d’action de ces territoires en matière de coopération régionale : ils doivent pouvoir être de véritables partenaires politiques sans que l’État soit considéré comme une contrainte, en tenant compte de l’atout que représente leur appartenance française et leur association à l’Europe au travers de la DAO. Ils doivent être des acteurs authentiques qui participent directement aux décisions des instances régionales de coopération, en représentant la France mais aussi l’Union européenne et leurs peuples respectifs à des positions élevées qui forcent le respect des partenaires qui, pour la plupart, sont des pays indépendants. Les Outre-mer constituent les frontières actives de l’Union européenne dans une zone à fort potentiel de développement. Les autorités européennes, nationales et locales doivent prendre la mesure de ce potentiel en leur permettant d’exprimer pleinement ces atouts dans toutes les instances régionales de coopération.

102 L’État ne doit pas traiter l’action internationale des territoires océaniens comme une menace pour l’intégrité de sa politique étrangère mais, bien au contraire, chercher à créer de nouveaux modes de collaboration, de nouveaux partenariats et un meilleur partage des rôles avec ces collectivités afin qu’elles puissent profiter de la mondialisation.

103 L’État n’a pas d’autre alternative que de rester un allié déterminé de ses collectivités ultramarines, qui exercent une attraction sur les pays environnants en raison de leur statut politique, économique et social de région française et/ou européenne. Par maints aspects, l’intégration régionale par une coopération réussie avec des pays tiers, requiert une volonté politique clairement affichée. Avec cette volonté politique, les nouvelles opportunités offertes par la DAO pourront être appliquées avec efficacité pour assurer la prospérité des territoires du Pacifique Sud, par une meilleure intégration dans leur immédiat voisinage.

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NOTES

1. Seuls les ressortissants des PTOM français sont électeurs et éligibles au Parlement européen. 2. La résolution L.56, présentée par plusieurs petits États du Pacifique (îles Salomon, Nauru, Tuvalu, Samoa) ainsi que le Timor oriental, a été adoptée par consensus et a une portée largement symbolique. La France, n’a pas participé à la séance. Le texte « affirme le droit inaliénable de la population de la Polynésie française à l’autodétermination et à l’indépendance », conformément à la Charte de l’ONU (article 73 sur les territoires non autonomes). La Nouvelle-Calédonie figure déjà sur cette liste de l’ONU qui comprend désormais 17 territoires, dépendant pour la plupart du Royaume-Uni (Gibraltar, Malouines, îles Caïmans, Sainte-Hélène) ou des États-Unis (îles Vierges, Guam, Samoa américaines). 3. Les relations UE-PTOM prennent plusieurs formes pour assurer le dialogue constant entre les partenaires, à travers le forum annuel PTOM-UE et les réunions trilatérales régulières (commission, tous les PTOM et tous les États membres auxquels ils sont liés) ou les réunions de partenariat (commission, PTOM individuel et État membre apparenté). 4. Vers un partenariat renouvelé pour le développement UE-Pacifique, JOIN (2012) 6 final. JOIN est employé pour désigner les actes adoptés conjointement par la Commission et le Haut Représentant. 5. Les États insulaires concernés sont : Les îles Cook (sans droit de vote au sein des Nations unies), les États fédérés de Micronésie, les Fidji, Kiribati, les îles Marshall, Nauru, (sans droit de vote au sein des Nations unies), Palaos, la Papouasie Nouvelle-Guinée, Samoa, les îles Salomon, le Timor-Oriental, Tonga, Tuvalu et Vanuatu. 6. Avis du Comité économique, social et environnemental sur « la communication […] Vers un partenariat renouvelé pour le développement UE-Pacifique » (JO du 14 mars 2013 - numéro C76 : 66). 7. Idée développée notamment dans le rapport d’information E 3902 de l’Assemblée nationale sur « L’avenir des relations entre l’UE et les PTOM », présenté par Mme Annick Girardin et M. Hervé Gaymard (9 juillet 2008). 8. LIFE a commencé en 1992 et, à ce jour, a comporté quatre phases ( LIFE I : 1992-1995, LIFE II : 1996-1999, LIFE III : 2000-2006 et LIFE + : 2007-2013). Ces programmes sont basés sur le règlement (CE) n° 614/2007. 9. Conformément à la décision 2001/822/CE du Conseil. 10. Avis sur le projet de loi de finances pour 2013 « Collectivités d’Outre-mer, Nouvelle-Calédonie et Terres australes et antarctiques françaises », Assemblée nationale n° 235 11. D’après les dernières données disponibles (IEOM, 2013). 12. Les pays membres du Forum des îles du Pacifique ont signé en 2001 un accord-cadre, le PACER, prévoyant notamment une libéralisation graduelle des échanges au sein de la région. Cet engagement s’est concrétisé par la conclusion d’un accord de libre-échange en 2002, le PICTA, signé, par douze petites économies insulaires. Il prévoit également l’ouverture de négociations avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande pour élargir la zone de libre-échange à ces États. Celles-ci ont débuté dès 2009.

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13. SPARTECA est le South Pacific Regional Trade and Economic Cooperation Agreement (soit l’accord de coopération économique et commerciale régionale du Pacifique Sud). Il s’agit d’un accord régional signé en 1981 entre plusieurs États d’Océanie visant à améliorer les coopérations économique et commerciale entre l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les petits États insulaires du Pacifique Sud. Il prévoit une franchise de droits de douanes pour la quasi-totalité des produits des pays en développement et des pays les moins avancés du Forum, exportées vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande. 14. Pour l’essentiel, l’Allemagne, pour les biens de l’industrie automobile et les biens intermédiaires, et la Belgique, pour la métallurgie et la transformation des métaux. 15. Cf. l’autosaisine « les échanges économiques de la Nouvelle-Calédonie avec les États insulaires du Pacifique », CESE de Nouvelle-Calédonie, rapport et vœu n°1/2015. 16. L’acronyme TAAF identifie les Terres australes et antarctiques françaises qui constituent un territoire d’Outre-mer de la France créé par une loi du 6 août 1955. 17. L’accord de Nouméa est un accord qui prévoit le transfert de certaines compétences de la France vers la Nouvelle-Calédonie dans de nombreux domaines à l’exception de celles dites régaliennes, à savoir la Défense, l’Ordre public, la Justice, la Monnaie et les Affaires étrangères. 18. Il a été créé en 1971 sous le nom de forum du Pacifique Sud et a pris l’appellation de FIP en 2000. 19. Fidji avait toutefois été suspendu en 2009 de son statut de membre plein du Forum suite au coup d’État du commodore Bainimarama, puis a été réintégré en octobre 2014 suite à la mise en place d’un gouvernement légitime. 20. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française y sont membres « associés » depuis 2006 et Wallis-et-Futuna observateur. 21. Démarches entamées lors des sommets du FIP de Port-Vila en août 2010 et d’Auckland en septembre 2011.

RÉSUMÉS

La dernière décision d’association d’Outre-mer (DAO) liant les collectivités françaises du Pacifique Sud à l’Europe a été adoptée le 23 novembre 2013. Elle s’articule autour de deux axes : la promotion du développement économique et social des pays et territoires d’Outre-mer (PTOM) ; l’approfondissement de leurs relations avec l’Europe dans le cadre d’une approche modernisée. Les changements induits par cette récente DAO appellent un certain nombre de questions et méritent un éclairage précis sur le renforcement de la coopération régionale entre les PTOM et les États ACP (Afrique-Caraïbe-Pacifique), l’éligibilité des PTOM aux programmes horizontaux de l’Union ayant un impact réel sur l’intégration régionale dans le Pacifique Sud et la place de ces territoires au sein des organisations régionales de coopération au regard, notamment de leurs liens avec l’Europe.

The last “overseas association decision” (OAD) which binder French authorities from South Pacific to Europe, was adopted on November, 23 rd, 2013. It revolves around two axes: promoting OCT’s economic and social development; deepening OCT’s relations with Europe as part of a modernized approach. This recent OAD and the changes that come with it, call for a number of questions and deserve a precise focus on: reinforcing regional cooperation between the overseas countries and

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territories (OCT) and the African, Caribbean and Pacific Group of States (ACP); OCT’s eligibility to EU ’s horizontal programs with a real impact on South Pacific’s regional integration; the territories’ part within regional cooperation organizations, regarding their links with Europe.

INDEX

Mots-clés : dao, intégration régionale, fed, préférences commerciales, organisations internationales Keywords : oad, regional integration, edf, commercial preferences, international organizations

AUTEUR

RÉMY LOUIS BUDOC Conseiller économique social et environnementalMembre correspondant de l’Académie des Sciences d’Outre-mer (3e section)Maître de conférences associé Université des Antilles et de la [email protected]

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Rhétorique et réalité : les collectivités françaises et leurs voisins du Pacifique Sud Rhetoric and Reality: the French Territories and their Neighbours

Denise Fisher

Politique d’insertion régionale pour l’Outre-mer

1 Les gouvernements successifs de la République ont affirmé une politique d’insertion des collectivités d’Outre-mer dans leurs environnements régionaux respectifs. Le président Sarkozy avait défini cette politique quand il avait proposé une série de réformes comme réponse aux manifestations contre la vie chère en 2009, qui avaient commencé en Guadeloupe mais s’étaient vite étendues à la Martinique, la Guyane et La Réunion.

2 François Hollande avait déclaré à son tour, le 19 novembre 2012, que l’insertion des collectivités dans leur environnement international était dans l’intérêt de la France (Hollande, 2012). Il voulait que les collectivités d’Outre-mer représentent la France dans les organisations régionales. Son ministre des Outre-mer, Victorin Lurel, avait parlé de l’insertion régionale en soulignant, lors du conseil des ministres du 6 juin 2013, l’importance stratégique des Outre-mer pour la France. Il avait évoqué la collaboration de l’Union européenne (UE) et de ses PTOM (pays et territoires d’Outre-mer), en soulignant que les Outre-mer agiraient « comme acteurs de la politique d’aide et de développement de la France dans les pays environnants » surtout dans les secteurs énergétiques, dans « l’économie du savoir », et dans la santé (Lurel, 2013).

Actions dans la région du Pacifique Sud : la France

3 Il y a longtemps que la France a soutenu une politique d’insertion régionale pour ses trois territoires du Pacifique Sud : la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et

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Wallis-et-Futuna. Pour faciliter la lecture de ce papier, l’auteur utilisera le terme de « collectivités françaises du Pacifique Sud » pour désigner ces trois collectivités, quoique selon l’article 74 de la constitution (après un changement en 2003), la Polynésie française et Wallis-et-Futuna soient des collectivités territoriales d’outre-mer alors que la Nouvelle-Calédonie est une collectivité spécifique relevant du titre XIII de la constitution. Afin de rattraper les pertes (quant à son image et sa réputation internationale) après les controverses autour de ses politiques d’expérimentation nucléaire et de résistance à la décolonisation, durant les années 1980, la France a conçu toute une série de mesures pour démontrer aux leaders océaniens qu’elle avait changé, qu’elle voulait non seulement régler ces deux questions si épineuses, mais qu’elle voulait aussi des liens approfondis avec les organisations, gouvernements et leaders politiques du Pacifique Sud. Les deux mesures les plus importantes furent la cessation définitive des essais nucléaires en Polynésie française1 et la négociation réussie des accords de Matignon-Oudinot (1988) puis de Nouméa (1998), ces derniers étant inscrits dans la constitution de la République (articles 76 et 77). L’accord de Nouméa représente un processus de reconnaissance de l’identité et des aspirations, non seulement des « nouveaux arrivés » en Nouvelle-Calédonie (c’est-à-dire les Européens – à savoir les anciens colons et fermiers, dits Caldoches et les métropolitains – mais aussi des autres populations ultramarines françaises ainsi que des immigrants d’Océanie et d’ailleurs), mais surtout des peuples autochtones.

4 Depuis 1989, la France est partenaire au dialogue du forum des îles du Pacifique, l’organisation principale de la région Elle a renforcé sa participation à l’organisation technique qu’est la CPS (secrétariat de la communauté du Pacifique) dont d’ailleurs Nouméa abrite le siège, et à ses organisations subrégionales (les organisations du CROP ou Council of Regional Organisations of the Pacific, conseil des organisations régionales) qui forment le cœur de la coopération technique, pratique et quotidienne de la région. La France conduit des exercices militaires, non seulement avec les grands pays du Pacifique, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, mais aussi avec les États insulaires voisins (Papouasie Nouvelle-Guinée [PNG], Tonga, Vanuatu). Avec l’Australie et la Nouvelle- Zélande, la France a formé un accord FRANZ, arrangement utilisant leurs atouts de défense et d’aide d’urgence pour aider les États insulaires à la surveillance des zones maritimes et de pêche et pour répondre rapidement aux cas d’urgence tels que les catastrophes climatiques. Avec ces pays et les États-Unis, elle participe aux discussions quadrilatérales sur la sécurité régionale. Elle a œuvré pour une participation renforcée de l’Union européenne dans la région, non seulement grâce à l’aide au développement mais aussi en permettant aux économies insulaires de pénétrer le marché attractif de l’Europe.

5 La France contribue à de nombreux fonds du Pacifique Sud, par le biais de ses contributions à la CPS, son aide de coopération bilatérale et ses dotations au Fonds de développement européen (FED), auquel la France contribue à hauteur de 20 % de sa totalité. Dans les années 2000, le montant total équivalait à environ 100 millions d’euros par an. Et depuis 2003, la France organise tous les trois ans environ des sommets océaniens avec les États indépendants de la région. Ces sommets s’inscrivent dans une politique d’encouragement à l’intégration des entités françaises du Pacifique dans leur environnement régional.

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Actions dans la région : ses collectivités océaniennes

6 La France a ouvert la voie, après des décennies, et même une centaine d’années d’isolement, à la participation de ses trois collectivités à la vie de la région. Et ce sens, l’isolement était bien réel : par exemple, ce n’est qu’en 1981 que, pour la première fois, la France a permis aux hauts-commissaires et au préfet des collectivités, d’entretenir des relations avec les ambassadeurs français de la région, ce qui était interdit avant cette date (Sénat, 2013a : 20).

7 L’accord de Nouméa de 1998 et la loi organique pour la Polynésie française de 2004 ont accordé à ces deux collectivités leurs propres compétences extraterritoriales. Ces pouvoirs sont éloquents et représentent en effet un partage de souveraineté. Ils incluent le pouvoir de représentation en leur propre titre auprès des pays du Pacifique, des organisations régionales et même de l’UE et des Nations unies. Ces collectivités ont leurs compétences particulières pour le commerce extérieur, les services maritimes et aériens. Elles peuvent négocier avec les pays du Pacifique Sud2. Mais il va sans dire que ces partages de souveraineté s’inscrivent dans les pouvoirs souverains continus et supérieurs de l’État. L’accord de Nouméa spécifie ces pouvoirs régaliens de l’État (défense, affaires étrangères, justice, ordre public, monnaie) que la France détient au moins jusqu’à un processus de référendum prévu entre 2014 et 2018.

8 La France a obtenu un statut particulier pour ses trois collectivités au sein du forum des îles du Pacifique, en première instance comme observateurs (Nouvelle-Calédonie 1999, Polynésie française 2004, Wallis-et-Futuna 2006) et ensuite, dès 2006, comme « membres associés » pour les deux premières.

9 La France a soutenu la participation à part entière (c’est-à-dire en leur propre nom) de ses collectivités à la CPS, et dans un grand nombre d’organisations du CROP, organisations importantes, car engagées dans le travail pratique et technique au quotidien sur les sujets fondamentaux pour la région, tels que l’environnement, la géoscience, la pêche, le tourisme (voir tableau 1). En juillet 2013, la France a soutenu la participation des deux universités, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, à un réseau de coopération universitaire du Pacifique Sud. Les collectivités participent aux activités culturelles et sportives de la région, surtout aux jeux du Pacifique, auxquels elles contribuent aussi en tant que pays organisateur en alternance avec les autres pays océaniens.

Tableau 1. – Participation des collectivités françaises – organisations régionales du Pacifique Sud

Nouvelle- Polynésie Wallis-et- Organisation Calédonie française Futuna

Secrétariat de la communauté du Pacifique (Secretariat M M M for the Pacific Community)*

Forum des îles du Pacifique (Pacific Islands Forum)* AM AM O

Commission du Pacifique Sud pour les géosciences appliquées (South Pacific Applied Geoscience AM AM Commission)

Agence des Pêches O (Forum Fisheries Agency)*

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Conseil coopération économique Pacifique (Pacific AMf* AMf* AMf* Economic Cooperation Council)

Organisation du Tourisme du Pacifique Sud (South M M Pacific Tourism Organization)*

Programme de développement des îles du Pacifique M M (Pacific Islands Development Program)*

Programme régional Océanie de l’environnement M M M (South Pacific Regional Environment Program)*

Association des producteurs d’électricité du Pacifique M M M (Pacific Power Association)*

Organisation douanière du Pacifique (Oceanic Customs M M M Organisation)

M : Membre AM : Membre associé O : Observer AMf : Membre associé avec la France

• Organisation membre du conseil des organisations régionales (Council of Regional Organisations of the Pacific) (source : Fisher, 2013 : 208, utilisant les données statistiques de l’ISEE TEC 2008 : 13)

10 Le Fonds Pacifique a été établi en 1987 pour améliorer l’image de la France dans la région par le biais de l’aide au développement sous l’égide du premier secrétaire d’État pour le Pacifique Sud, Gaston Flosse. Progressivement, le fonds s’est transformé jusqu’à devenir aujourd’hui un fonds dédié spécifiquement à l’insertion régionale des collectivités françaises. Il est de plus en plus géré par elles, bien que sous la tutelle des hauts-commissaires français et soutenu par le secrétariat permanent pour le Pacifique basé à Paris.

11 À leur crédit, les deux grandes collectivités ont vite lancé des programmes, quoique de petites tailles et limités, d’aide à la coopération avec leurs voisins immédiats. La Polynésie française a commencé en 2002 par l’aide d’urgence à Tonga après un cyclone. La Nouvelle-Calédonie a conclu un accord commercial avec l’Australie en 2002 et une convention de coopération avec le Vanuatu la même année. Et la Nouvelle-Calédonie, en particulier, se montre de plus en plus ouverte pour accueillir des réunions internationales à Nouméa. En 2010, elle fut l’hôte du festival des arts mélanésiens et, en 2011, celle des jeux du Pacifique (elle a même offert alors une zone libre de visas de court séjour aux participants régionaux). Encouragé par l’État français, elle a aussi accueilli à plusieurs reprises les représentants du groupe du Fer de Lance mélanésien (GFLM, Melanesian Spearhead Group), dont le groupe politique FLNKS est membre, et elle a même exprimé le désir d’y appartenir à part entière.

12 Dès lors, on pourrait dire qu’apparemment, la République a investi de fortes ressources diplomatiques et politiques ces dernières années pour démontrer l’importance qu’elle attache à ce que ses collectivités appartiennent et participent aux organisations et à la vie régionale. La France a réalisé un grand effort, non seulement au sein de ses collectivités, mais plus largement pour nouer des liens avec les pays et les organisations de la région.

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13 Mais quelques-unes de ses actions pourraient laisser croire, au moins aux petits États insulaires de la région, que la France et les collectivités, et même l’Union européenne, n’envisagent pas assez sérieusement la mise en œuvre de leurs intentions déclarées, d’insérer les collectivités françaises d’une manière réelle et pratique, dans la vie de la région.

Aide à la coopération : chiffres modestes et obscurs

14 En premier lieu, les traits qui caractérisent l’aide à la coopération de la France et de l’UE reflètent parfaitement les difficultés qui compliquent l’image de la France dans la région. Bien sûr, cette aide est la bienvenue et très bien reçue par les pays petits, insulaires et isolés. Mais il y a un manque de transparence sur les chiffres et sur l’effet de cette aide à la coopération, ce qui fait qu’il est impossible de savoir exactement combien la France et l’UE versent aux pays du Pacifique. Même notre recherche intensive n’a pas permis de produire davantage qu’un petit tableau incomplet et ponctué de notes de clarification et de qualification (tableau 2). Les meilleurs chiffres disponibles montraient que : • La France verse à peu près 103 millions d’euros par an au Pacifique Sud. • L’UE verse à peu près 90 millions d’euros par an, dont 20 % représentent la contribution de la France.

Tableau 2. – Chiffres indicatifs sur l’aide de coopération de la France à la région du Pacifique Sud (en millions d’euros et en millions de dollars australiens : $A)

2006* 2007# 2008#

Aide à la région* 278 ($A40) 98 (140) 103 (146)

Dont bilatérale* 15,0 ($A21)

Dont celle par voie de l’UE (environ 20 % FDE) 12,8 ($A19)

Quelques programmes soutenus (incomplet) :

Fonds Pacifique Sud 2,4 ($A3,4) moyenne par an 2007-2009

CPS+ contribution bilatérale 3,0 ($A4,2) moyenne par an 1999-2009

Et contribution française par voie de l’UE 1,0 ($A1,4) moyenne par an 2002-2007

Initiative Récifs 2004-2009 2,0 ($A2,8) moyenne par an 2004-9

Activités par le biais de FRANZ++ 1,0 (1,4) (aide d’urgence, soutien logistique)

* Ministère des Affaires étrangères et du Développement international (www.diplomatie.gouv.fr/fr/ pays-zones-geo_833/oceanie_14692/index.html, consulté le 14 mai 2009) # Ministère des Affaires étrangères et du Développement international, site web consulté le 26 février 2010, peut inclure les allocations par le biais des programmes de l’UE + CPS Annual Reports and Financial Statements, France and EU Support to SPC 1993 to 2009. ++ Estimations du FANC (source : Fisher, 2013 : 198)

15 Non seulement on ne peut pas facilement identifier les montants des activités diverses, mais souvent ces allocations elles-mêmes ne reflètent pas la réalité. Trop souvent elles

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ne sont pas entièrement dépensées, en raison des systèmes éloignés et lourds des formulaires, des exigences bureaucratiques et administratives qui dépassent la capacité des petits États insulaires. En outre, il y a des ambiguïtés, car certains chiffres français comprennent la contribution de la France, ou une partie de sa contribution, par voie de l’UE, et d’autres chiffres ne l’incluent pas, ce qui n’est pas toujours clair (même dans les chiffres cités ci-dessus).

16 Par contre, les chiffres du soutien de la République à ses propres collectivités du Pacifique Sud sont tout à fait disponibles. Toute la région peut facilement établir que la France attribue plus d’un milliard d’euros par an à chacune de ses grandes collectivités, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française (2,5 milliards d’euros pour 2013 ; Laurin, 2013 : 28).

17 Ainsi, l’aide de l’État à la région ne représente que 3,4 % de son soutien à ses collectivités du Pacifique Sud. Cela ne constitue que 2 % de l’aide à la coopération globale de la France, très peu quand on pense que celle-ci est présente dans cette région en tant que puissance souveraine. Paradoxalement, la France attribue 53 % de son aide en Afrique, où elle n’a pas de présence souveraine (ministère français des Affaires étrangères, 2010). Et par rapport aux sommes attribuées, annuellement, par l’Australie (1,09 milliard de $A; ou 0,774 milliard d’euros) et même par la Nouvelle- Zélande (205,5 millions de $A ou 145 millions d’euros) la contribution de la France n’est pas énorme (Australian Minister for Foreign Affairs, 2009, NZ AID, 2010)3.

18 De plus, la France a mis en œuvre depuis des années une politique pour assurer que les collectivités elles-mêmes soient les bénéficiaires de l’aide française versée dans la région. Par exemple, en 1996, quand il a ratifié une convention régionale sur l’environnement, le sénat a noté que : « La politique de la France a évolué jusqu’au point où sa participation est conditionnelle à l’engagement de ses collectivités […]. L’aide française au développement du Pacifique Sud doit aussi bénéficier aux territoires français. […] La France a toujours conditionné sa contribution aux programmes du forum du Pacifique Sud à la participation de nos territoires aux projets de développement ainsi financés. Parmi les projets du forum auxquels a contribué le “Fonds Pacifique”, relevons notamment la promotion du commerce avec les TOM français de la région. » (Sénat, 1996)

19 Le manque de transparence des chiffres et les ambiguïtés qui les entourent sont dommageables pour l’image de la France et de ses collectivités. Au lieu de présenter clairement et positivement les sommes qui, quoique modestes, peuvent tout de même faire une vraie différence dans la vie des gens des petites îles, l’absence de chiffres clairs peut laisser croire à une intention de voiler ou de déguiser la réalité. Et cela n’aide pas à renforcer la confiance envers les intentions et la participation de la France et de ses collectivités dans la région.

Le commerce

20 Concernant le commerce, l’État parle d’une participation des collectivités dans leur région, et même de l’intention de faire baisser le coût de la vie accablant dans ces dites collectivités. Mais il continue à refuser fermement à ses collectivités l’achat local, auprès des États voisins, répondant à leurs besoins, et à un prix raisonnable. Les taxes imposées par les collectivités à l’entrée des produits des pays voisins restent très

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élevées. De plus, l’État continue à encourager activement l’importation presque exclusive par les collectivités de produits venus de France et d’Europe, qui viennent donc de très loin, avec tous les frais de frets et les coûts élevés de production qui y sont afférents et contribuent ainsi à maintenir des prix élevés.

21 La France a aussi mené une politique de changement du traitement des PTOM, les Pays et territoires Outre-mer de l’Union européenne, et des pays insulaires ACP (Afrique- Caraïbes-Pacifique) depuis 2009, changements qui servent à distinguer ses collectivités des pays insulaires plutôt qu’à contribuer à l’intégration régionale. Ces changements aboutirent à la décision 2013/755/UE du conseil de l’UE, le 25 novembre 2013, relative à l’association des pays et territoires d’outre mer à l’Union européenne (décision d’association outre mer). Cette décision approuvait de faire reposer le futur partenariat entre l’Union et les PTOM sur les trois piliers que sont le renforcement de la compétitivité, le développement de la capacité et la réduction de la vulnérabilité, l’action en faveur de la coopération et de l’intégration entre les PTOM et d’autres partenaires et régions voisins. Quoique, par cette décision, l’UE ait adopté elle-même la politique d’insertion régionale pour les PTOM menée par la France (voir par exemple Saramandis 2013 : 49), la réalité et les effets de sa politique sont autres. Les PTOM, y compris les collectivités du Pacifique Sud, sont traités de plus en plus nettement comme des pays membres de l’UE. Ils bénéficient des programmes normaux de l’UE, car de moins en moins traités comme dépendants de l’aide à la coopération et de plus en plus comme partenaires dans les programmes de développement durable, l’accent étant mis sur la compétitivité (Commission, 2009). Ils sont maintenant décrits comme « les avant-postes stratégiques » non seulement de la France mais aussi de l’Europe. Ce processus est perçu dans la région comme « l’européanisation » des collectivités françaises du Pacifique Sud, plutôt que l’insertion de ces collectivités dans leur région (Muller et Blockmans, in Kochenov (ed.), 2011 ; Calvignac, 2013 : 55-57 ; Fisher, 2012b).

22 Alors que les PTOM sont traités de plus en plus comme une partie de la famille européenne, l’UE, avec la forte participation de la France, a changé l’accès préférentiel des petites îles des ACP au marché de l’Europe. Ainsi, les petits pays insulaires ont perdu leurs droits d’accès privilégié, qui vont être remplacés par un schéma « APE » (accords de partenariat économique). C’est une structure essentiellement européenne, imposée à la région sans considérer les structures et projets locaux, tels que le Plan océanien (Pacific Plan, architecture régionale pour la coopération), le PICTA (Pacific Island Countries Trade Agreement, instrument de libre échange régional et exclusif aux petits États insulaires) et le PACER (Pacific Agreement on Closer Economic Relations, accord entre les petits États insulaires, l’Australie, et la Nouvelle-Zélande), avec lesquels les APE ne sont pas du tout compatibles. Ces trois accords/plans sont multilatéraux, et partent du principe que chaque participant agit dans l’intérêt régional, tandis que les APE sont des accords bilatéraux entre l’UE et chaque gouvernement insulaire.

23 Pourquoi s’étonner si, après des années de négociations et de discussions, l’échéance APE de 2008 n’a abouti à aucun accord conclu, et que même aujourd’hui, il n’en soit résulté que deux accords, avec les deux puissances économiques insulaires de la région, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et Fidji ? Comment inclure les États plus petits qui, en ce moment, ne bénéficient que des tarifs préférentiels généralisés ? Quant aux collectivités françaises, jusqu’à présent, seule la Nouvelle-Calédonie a parlé de « considérer » sa participation dans les projets PICTA et PACER, sans entreprendre aucun

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changement de ses propres politiques pour accommoder un accès plus ouvert aux États insulaires.

24 Quel est le résultat de cette politique? En 2013, les exportations de la Nouvelle- Calédonie, la plus grande des économies des collectivités françaises, se sont dirigées principalement vers l’UE (dont plus de la moitié vers la France), puis le Japon, l’Australie, et la Corée du Sud. Ses importations sont venues, elles aussi, principalement de l’UE (dont les deux tiers de France), de Singapour, d’Australie, des États-Unis, et de la Nouvelle-Zélande. Son commerce avec les pays insulaires de la région a été si minime que les statistiques officielles n’en font même pas mention (ISEE site web, consulté le 15 janvier 2015). En 2012, l’Australie ne représentait que 10,9 % du marché en Nouvelle- Calédonie (après la France et Singapour) (DFAT, 2015). Par contre, l’UE ne reçoit que 10 % des exportations des pays ACP du Pacifique Sud, dont plus de 90 % provenaient de PNG et de Fidji (Commission, 2006 : 24, chiffres les plus récents disponibles).

25 Avec tous ces changements, la réduction de l’accès préférentiel des États indépendants aux marchés de l’Union européenne, l’exclusion continue de l’accès aux marchés des territoires français dans leur région et le traitement croissant des collectivités françaises en tant que partie intégrale de la France et de l’Europe, les petits États insulaires de la région ont raison de croire que la stratégie politique de la France consiste de plus en plus à conserver ses collectivités en son sein plutôt que de les insérer dans leur région.

26 Les disparités de richesse entre les trois collectivités françaises et les petits États insulaires restent énormes, avec par exemple un PIB par habitant en Nouvelle-Calédonie beaucoup plus élevé que celui des petites îles (et dans une certaine mesure, plus important même que celui de la Nouvelle-Zélande ; CPS site web). Dans ces circonstances, ce serait aux collectivités françaises d’accorder les plus grandes concessions aux petits États pour contribuer réellement au développement de l’architecture commerciale de la région. C’est un geste essentiel pour la France et ses collectivités, si elles veulent leur acceptation par la région.

Capacités des instances locales

27 Quant à la participation des collectivités elles-mêmes dans les organisations régionales, il reste beaucoup à faire pour qu’elles puissent y participer de leur propre volonté. Certes, elles sont membres soi-disant « à part entière » de la plupart des organisations régionales. Mais que vaut ce droit si les représentants des collectivités elles-mêmes ne sont pas présents, aux réunions grandes et petites, pour décider de leurs positions à elles, sans avoir un conseil français à la tête de la délégation ou en base arrière, à Nouméa ou Papeete ? Le Service de la coopération régionale et des relations extérieures du gouvernement de Nouvelle-Calédonie existe, mais comme l’explique le site web du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, il développe ces relations régionales « au côté de la France », et ses positions sont finalement celles de la France.

28 Les collectivités se sont servies de leurs pouvoirs extérieurs avec plus ou moins d’enthousiasme mais toujours avec l’État en arrière plan. On pourrait dire que Gaston Flosse, en tant que Président de la Polynésie française, a même outrepassé ses compétences quand il a ouvert des bureaux de représentation de son gouvernement en

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Chine en mai 2004, et auprès de l’UE. Le conseil constitutionnel a vite jugé que ces représentations ne correspondaient pas à de pleines représentations diplomatiques : « Cette faculté [compétence dotée par l’article 15 de la loi organique], qui n’appartenait pas jusqu’à présent à la Polynésie française, ne saurait conférer à ces représentations un caractère diplomatique. » (Conseil Constitutionnel, 2004)

29 Ni la Polynésie française ni la Nouvelle-Calédonie n’ont utilisé le pouvoir de négocier elles-mêmes avec l’UE, et elles ne participent aux réunions UE/PTOM qu’aux côtés de la France. En outre, la France n’a encouragé ni l’une ni l’autre à établir un bureau de représentation auprès des Nations unies.

30 Au niveau pratique, les notions innovatrices comme la Convention de Coopération avec le Vanuatu n’ont pas vraiment de substance si elles ne sont pas basées sur un soutien quotidien, grâce à un secrétariat bien équipé pour mettre en œuvre les promesses des accords, et une représentation sur place (voir Mrgudovic, 2010 : 209).

31 La France devrait avoir un peu plus confiance dans les citoyens calédoniens et polynésiens autochtones, ainsi qu’en ceux qui sont venus de l’Hexagone. Elle devrait les valoriser afin de montrer leur propre statut et leurs propres intérêts. Ne pas le faire risquerait d’entraîner des résultats contre-productifs pour la France et les collectivités. Les gouvernements des États insulaires craignent d’accepter la pleine participation des collectivités (par exemple dans l’organisation prééminente, le FIP), tant que leurs statuts futurs n’auront été clarifiés, car ils craignent que les collectivités ne finissent par ne représenter que la position de la France. Parce que celle-ci a ses propres liens avec toutes les organisations régionales du Pacifique Sud (membre plein de la CPS, partenaire au dialogue du FIP), les leaders des îles indépendantes ne veulent pas que cette puissance européenne ait deux, trois ou quatre voix (par le biais des trois collectivités) dans ces organisations, ou dans les organisations du « CROP ». Il faut souligner que nous parlons ici des positions des gouvernements insulaires du FIP : depuis 2010 le gouvernement australien soutient la pleine participation des collectivités françaises du Pacifique Sud au sein du PIF (DFAT, 2010).

32 Et, chez eux, à Nouméa, Papeete et Mata Utu, il est à regretter qu’il n’existe pas de secrétariats permanents, même petits, mais qui soient vraiment indépendants de l’État et constitués d’habitants locaux y compris les autochtones, grâce auxquels les leaders locaux pourraient développer leur propre politique, leurs propres archives, leur propre participation pratique de jour en jour à toute la gamme des activités régionales.

33 Pour la Nouvelle-Calédonie, il serait même plus important d’établir un bureau « tout- en-un », car les contacts avec les niveaux de bureaucratie, pour les gouvernements externes, n’y sont pas du tout facilités. Avec des compétences variées définies par l’accord de Nouméa, on trouve que pour envisager un sujet particulier, il faut s’adresser aux services de l’État ; pour un autre, quel qu’il soit, il faut s’adresser au gouvernement et aux services du gouvernement de Nouvelle-Calédonie ; pour un autre encore, aux services des Provinces. Les petits États insulaires, qui n’ont pas de représentation à Nouméa ni à Papeete, ne savent souvent pas comment contacter la personne ou le service adéquat quand ils ont besoin de communiquer officiellement.

34 Il est vrai que la France a l’intention, dans le cadre d’un processus de formation diplomatique, d’envoyer des « délégués » des collectivités au sein des ambassades françaises dans la région (PNG, Fidji, le Vanuatu, l’Australie et la Nouvelle-Zélande). Dès 2012, il y a eu un délégué pour la Nouvelle-Calédonie au sein de l’ambassade française à

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Wellington, en Nouvelle-Zélande, et d’autres doivent suivre ailleurs. Notion créatrice et assez innovatrice, sa mise en œuvre est néanmoins délicate, car cette pratique risque de conforter la tendance des petits États insulaires à percevoir les trois collectivités comme de simples instruments de la France. Il faut que celle-ci leur permette de se représenter elles-mêmes, sans un représentant de l’État français à leurs côtés. Les États voisins des collectivités vont juger le comportement de ces délégués, soit comme des représentants des intérêts particuliers des collectivités, soit comme une voix pour la France.

35 La formation diplomatique d’une manière autonome est même urgente, quand on constate les changements d’intérêts stratégiques dans la région, avec l’accroissement de l’intérêt de la Chine notamment. À noter que celle-ci a maintenant un consulat à Papeete.

36 Pour mieux équiper les gouvernements locaux, il faut faire plus avec une bonne formation de langue anglaise, et des capacités diplomatiques en rapport avec le style de la région4. Un changement récent est à noter, et est le bienvenu : on voit maintenant les délégations des collectivités se déplaçant en Australie et ailleurs, munies de mécanismes de traduction portables.

37 Il serait utile d’encourager plus d’échanges dans la région, non seulement au niveau plus élevé (comme les visites diplomatiques), mais aussi par le bais de stages assez longs au sein des services publics des pays insulaires de la région, et réciproquement. Inclure les fonctionnaires autochtones serait essentiel, pour mieux souder les liens avec les pays environnants mélanésiens et polynésiens et ainsi ouvrir la voie de l’acceptation régionale.

38 Assurer un bon et libre échange d’informations entre les collectivités françaises et les États indépendants de la région, dans les deux sens, est fondamental pour renforcer une insertion réussie des collectivités dans leur propre région. Ces dernières années ont vu une augmentation de l’accès à d’excellentes sources d’informations sur les territoires français. La France soutient depuis longtemps le service bilingue de presse Flash d’Océanie/Oceania Flash, pour mieux informer, en français, sur les îles indépendantes et, en anglais, sur les collectivités françaises. Mais le contenu de cet outil très utile a changé au cours des dernières années, en fournissant de moins en moins d’informations sur les développements politiques dans les collectivités françaises, et en représentant de plus en plus un simple sommaire des développements dans les îles indépendantes fourni par les services de presse anglophone. En même temps, et depuis quelques années, les journaux les plus importants des collectivités (Les Nouvelles calédoniennes, La Dépêche de Tahiti) ne sont plus gratuitement accessibles en ligne et les frais d’abonnement sont assez élevés. Ouvrir davantage ces services aux lecteurs, chercheurs et décideurs des États indépendants serait très utile pour augmenter la connaissance et la compréhension mutuelle des collectivités françaises et des pays de la région, surtout en ce moment, où la Nouvelle-Calédonie entame le processus pour définir son futur statut.

Assurer un statut clair et démocratique pour l’avenir

39 Même si la France et l’UE clarifient leur système d’aide au développement, et même si la France ouvre le système des tarifs douaniers au commerce régional, et si elle dote les collectivités du soutien administratif pour qu’elles puissent mettre en œuvre leur

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propre politique dans leurs sphères de compétence, l’acceptation par les voisins régionaux des collectivités françaises dépend finalement d’un principe fondamental : celui de la pleine mise en œuvre, en toute sincérité, par la France qui a le pouvoir souverain, du processus de décolonisation et donc du processus d’auto-détermination conforme aux principes de l’ONU en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, les deux collectivités dans lesquelles certains ont exprimé le désir d’accéder à leur propre souveraineté, sous forme d’autonomie et même, pour certains, d’indépendance. Les leaders du forum expriment régulièrement leur soutien à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie dans leurs communiqués annuels5. Depuis 1998, le forum des Îles du Pacifique s’est donné pour mandat de surveiller le déroulement de l’accord de Nouméa en Nouvelle-Calédonie, et un Comité ministériel y fait des visites régulières (en 1999, 2001, 2004, et 2013).

40 Dès lors, la meilleure politique pour la France, si elle veut l’acceptation régionale de sa présence, et si elle veut vraiment l’insertion régionale de ses collectivités du Pacifique Sud, serait de remplir, justement et pleinement, ses responsabilités et ses engagements inscrits dans l’accord de Nouméa. La France, et les parties qui ont signé l’accord, s’approchent de la grande étape finale d’un processus innovateur et unique, et elles progressent bien (voir notre analyse, Fisher, 2012b). Mais nous nous approchons maintenant du dénouement. C’est aux partenaires qui travaillent ensemble en Nouvelle-Calédonie de continuer à mettre en œuvre non seulement la lettre mais aussi l’esprit de cet accord si durement gagné. Nous tous dans la région attendons le processus de référendum si souvent promis, si souvent différé, qui a si souvent échoué dans le passé.

41 Et en Polynésie française, le moment est assurément venu pour la France d’accepter le rôle des Nations unies. L’État a laissé passer une occasion de démontrer sa bonne foi, lorsque les Polynésiens, menés par Oscar Temaru et soutenus par trois petits États insulaires, ont demandé la réinscription de la Polynésie française auprès du comité de décolonisation de l’ONU, une demande satisfaite en 2013 par le vote de l’Assemblée générale de l’ONU (A/Rés/67/265, Nations unies, 2013). La mise en œuvre de l’accord de Nouméa a permis à la République de constater qu’elle n’avait rien à redouter de l’engagement de l’ONU dans le processus de décolonisation. Et il est certain qu’avec le soutien des populations de ces collectivités, au moins deux des trois options reconnues par les Nations unies – l’indépendance, l’association ou l’intégration – devraient êtres acceptables pour la France, surtout avec toute son expérience d’innovation statutaire des dernières années. Le fait que la Résolution 67/265 ait été approuvée par tous les membres de l’ONU sauf cinq (la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Allemagne – dont tous sauf le dernier ont des territoires d’outre-mer), souligne les aspirations de la communauté internationale. La réaction immodérée d’opposition par la France après le vote à l’ONU, que le ministère des Affaires étrangères a caractérisé d’« ingérence flagrante » (ministère des Affaires étrangères, 2013), ne contribue pas à rassurer les petits pays de la région sur la bonne foi de la France.

42 Celle-ci peut choisir de devenir, elle-même, un partenaire valable de la région, et dans la région. Ou bien elle peut décider de se comporter simplement comme une grande puissance extérieure. Mais ce qui est certain, c’est que ses trois collectivités, elles, sont de la région et dans la région et elles vont y rester, peu importe les choix de la France.

43 Dès lors, c’est à la République et aux populations des collectivités de choisir.

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NOTES

1. En 1996, avec la signature par la France du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE). 2. L’accord de Nouméa de 1998 spécifie les compétences du gouvernement local de la Nouvelle- Calédonie pour quelques éléments du commerce extérieur, pour les services maritimes et aériens (article 3.1.1), sa propre représentation auprès des pays du Pacifique Sud, et auprès de quelques organisations régionales, de l’UE, et des Nations unies, ainsi que le pouvoir de négocier des accords avec les pays de la région (article 3.2.1). La loi organique pour la Polynésie française de 2004 octroie également au gouvernement local de la Polynésie française le pouvoir de représentation auprès des autres pays (quoique le conseil constitutionnel ait qualifié ce pouvoir comme moindre de la pleine représentation diplomatique). Cette loi donne au président du territoire le pouvoir de négocier des accords administratifs avec tout État ou territoire du Pacifique pour avancer son développement économique ou social et de signer les accords dans les secteurs de la compétence de la Polynésie française (articles 15-17). La Polynésie française peut devenir membre, associé, ou observateur auprès des organisations internationales et le président peut s’associer aux organisations du Pacifique Sud dans les secteurs de la compétence de la Polynésie française (article 42). 3. Les chiffres datent de 2009, même période que les chiffres les plus récents pour la France.

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4. « Parler la langue » de la région va au-delà du seul usage de la langue anglaise. Souvent, malheureusement, on continue à entendre l’expression redoutable « anglo-saxon » pour décrire la région du Pacifique Sud (par exemple, le rapport du Sénat de 2013 sur la France dans le Pacifique Sud, utilise ce terme six fois), quand on aurait peut être dû utiliser le mot « anglophone ». Que veut dire « anglo-saxon » quand on parle de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande qui sont des pays d’immigrants du monde entier et, pour cette dernière, avec une population océanienne importante ? Quant aux états insulaires de la région, eux-mêmes, tout comme la Nouvelle- Calédonie et la Polynésie française, ils comprennent des peuples composés de nombreuses tribus, avec des centaines de langues et des origines soient mélanésiennes soient polynésiennes. La notion d’ « anglo-saxon » n’y a aucune place. Utiliser ce terme ignore la réalité régionale et risque de dégrader ce que la France veut réaliser dans la région. 5. Depuis 1998 dans leurs communiqués. Le communiqué du 44 e forum, 3-6 septembre 2013, a simplement cité et soutenu le rapport du Comité ministériel du forum après sa visite en Nouvelle-Calédonie les 17-19 juillet 2013. Ce rapport a conclu que « l’esprit et la lettre de l’accord de Nouméa ont été respectés et actés en Nouvelle-Calédonie et que le processus irréversible en vue de l’auto-gouvernance, dans le cadre de l’accord de Nouméa, progresse bien, avec l’engagement de toutes les parties en présence pour un avenir paisible et prospère pour tous les Néo-Calédoniens ».

RÉSUMÉS

Les dirigeants français ont engagé une politique d’insertion des collectivités ultramarines dans leurs environnements régionaux. Dans le Pacifique Sud, la France a fait des progrès solides en assurant la participation officielle de ses collectivités dans la gamme d’organisations régionales, dans la coopération régionale de défense, et en soutenant les collaborations plus officieuses, telles que culturelles et sportives. La France a également stimulé l’intérêt de l’Union européenne pour la région. Mais il reste encore beaucoup à faire. Plusieurs aspects de cette politique freinent plutôt qu’ils ne renforcent l’insertion des collectivités dans leur région. En même temps la France n’est pas encore au bout des processus qu’elle a mis en place pour répondre aux demandes des indépendantistes et des autonomistes en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. L’insertion et l’acceptation régionales de ses collectivités exigent la résolution réussie de ces questions.

French leaders have declared a policy of integration of their overseas territories into their respective regions. In the Pacific, France has made solid progress in encouraging the official participation of its entities in the range of regional organisations, regional defence cooperation, and informally through sporting and cultural events. France has also led European Union engagement in the region. But a lot more needs to be done. Many aspects of France’s integration policy work more to separate their collectivities from the region rather than to strengthen their regional integration. At the same time, France has not yet finalised the processes put in place to respond to those seeking autonomy and independence in New Caledonia and French Polynesia. Full regional integration and acceptance of its collectivities requires successful resolution of these issues.

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INDEX

Mots-clés : collectivités françaises, insertion régionale, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, cps Keywords : French territories, regional cooperation, New Caledonia, French Polynesia, spc

AUTEUR

DENISE FISHER Chercheur invitéCentre des études européennes, Australian National University (anu) Ancien consul général de l’Australie à Nouméa (2001-2004)[email protected]

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Rebuild or reform: regional and subregional architecture in the Pacific island region Reconstruire ou réformer: l'architecture régionale et sub-régionale dans la région du Pacifique insulaire

Tess Newton Cain

The views contained in this paper are mine alone, as are any errors or discrepancies. I would like to thank the peer reviewer and Dr Matthew Dornan of the Development Policy Centre for their comments and feedback on earlier drafts.

1 This paper examines the nature of the relationship between sub-regionalism and regionalism within the Pacific island region. The questions I consider are: a. What is the nature of regionalism in the Pacific and how has it changed over time? b. How can we expect regional and sub-regional groupings to develop and perform with reference to expected future changes? c. Why is it so difficult to engender political buy-in for regional and sub-regional groupings and activities? d. How has France as a Pacific power contributed to the current state of (sub)-regionalism and how might this change in the future?

2 Elsewhere, this discussion is grounded firmly in terms of economic development stemming from the belief (and in some quarters this is essentially an article of faith) that the only feasible path to meaningful growth is through increased integration. My position is much more focused on historical and political economy factors, essentially as a complement to the economic scans presented by others.

3 I begin with an analysis of some of the key developments in the regional architecture of the Pacific. This section comprises a brief history of the development of that architecture and a summary of some of the attempts to reform and manage the proliferation of regional organizations. This is followed by an examination of the role of the Pacific Plan in relation to regionalism, with particular focus on the most recent

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review of this document undertaken in 2013. The third section examines the significance of sub-regionalism in the Pacific, in particular the growing presence of the Melanesian Spearhead Group. The penultimate section examines an essential tension between the regionalism project and national political imperatives and discusses how this affects interactions at sub-regional and regional levels. The article concludes with an exploration of future issues that are likely to arise and the opportunities and challenges they may present for the Pacific island region and sub-regions.

Regional Architecture

4 The proliferation of regional organisations, their inter-relations and effectiveness, both individually and overall, have been the subject of a great deal of debate and criticism over many years. The number of regional organisations has grown steadily since the 1950s although there was a significant spike in this growth from the 1970s, which coincided with many Pacific island countries achieving independence (Hughes, 2013). There have been numerous attempts to reform the regional architecture but these have largely been in the nature of adjustments rather than radical reformulation such as the adoption of a “Pacific Commission” as some have advocated (Hughes, 2005). It is likely that there would be a certain degree of political resistance to making such a radical change even though on the surface it may appear to have much to recommend it in terms of efficiency and clarity.

5 More fundamentally, the use of a term “regional architecture” could be misleading as it implies a form that was designed in advance and built according to that design. The Pacific reality is that this is a term that we apply retrospectively to a vast array of organisations, programmes and projects, which have something of the “regional” about them: « To the extent that there is a regional architecture in existence, it consists of a frame fitted around a collection of existing institutions and relationships, rather than a deliberate design that shaped the institutions and the way they relate to each other. » (Hughes, 2005: 6)

6 This in turn reflects what is evident from the literature in this regard; that the definition of “regionalism” is not easy to pin down. For example, Tarte (2014: 314) refers to “regionalism” as one aspect of the “regional order’. She also references the concept of “regionalism” as the label given to a network of regional organisations.

7 More recently, the review of the Pacific Plan in 2013 also identified that the term “regionalism” does indeed mean different things to different people (Morauta et al., 20013: 45) and went to some lengths to try and establish clarity about key terms such as “regional cooperation” and “regional integration”. However, a footnote to the report contains a very telling comment: « While the difference is conceptually clear, it is often difficult to draw a clear distinction between regional bodies that are pursuing regional integration and those that are facilitating regional cooperation. The reality is that many are doing both. » (Morauta et al., 2013: 46)

8 Beyond the technocratic discussions of regional organizations and the projects and programs they do (or sometimes do not) deliver, there lurks a rather nebulous sense of “Pacificness” that encompasses things such as cultural heritage, communal values and

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a complex relationship with the Pacific ocean. Perhaps the most significant and longstanding encapsulation of this is the oft-cited “Pacific Way” that: « asserted Pacific cultural values and practices, which in turn provided a basis for regional solidarity and empowerment. » (Tarte, 2014: 315)

9 Although the phrase, coined by the Rt Hon Ratu Sir Kamisese Mara, was originally formulated to have specific reference to the socio-political environment of Fiji it has gained and retained significant cachet more widely: « I had coined the phrase ‘The Pacific Way’ and we felt we could speak from our own experience, insofar as Fiji was recommending continuing dialogue as a means of resolving differences on a basis of mutual understanding. » (Mara, 1997: 117)

10 All of these conceptualisations of regionalism have contributed over time to the complex and potentially confusing patchwork of organisations, activities and initiatives and their relative sway has varied over time as discussed in the next section.

A Short History of Regional Architecture in the Pacific

11 It is not possible here to provide the full story of how the regional architecture of the Pacific island region came to be what it is today. There are too many organisations to consider, of varying sizes and with a range of mandates from the very specific to the all-encompassing. However, by reference to some key developments, it is possible to illustrate some enduring issues that have influenced the debates about which regional organisations are required, to do what, for whom in what way and with whose money.

12 Here, I take as my starting point the establishment of the South Pacific Commission in 1947. This body was made up of the then colonial powers of the region: Australia, France, New Zealand, United Kingdom, and United States of America. The rationale for its creation was « partly based on ideas of pooling resources for research, information and training to promote development and eradicate disease. » (Fry, 2005: 91)

13 It is this mandate which informs the ongoing delineation of regional functions which characterises the (now) Secretariat of the Pacific Community (SPC) as a “technical” organisation, not to be confused with the “political” body that is the Pacific Islands Forum (Newton Cain and Tukuitonga, 2014). When the South Pacific Commission was formed, it was not envisaged that indigenous Pacific leaders had any meaningful role to play in decision-making for the region: « They were represented instead in the South Pacific Conference, a triennial meeting of Island leaders established in 1950. The conference was a source of information for the commission on the particular concerns of Island countries, but without influence over the commission in any concrete way until decolonisation began and Island leaders were motivated to demand a more active presence in regional forums. » (Guthrie, 2013: 295)

14 The SPC now has 22 members, giving it the largest membership of the regional organisations. Its membership comprises sovereign states and dependent territories. Whilst it commenced operations in Sydney, it has had its Headquarters in Noumea since 1949.

15 The South Pacific Forum (which became the Pacific Islands Forum in 2000) was established in 1971. It was formed by Pacific leaders who were in the throes of guiding their people through the transition from colonies to independent nations. Its creation

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largely stemmed from the limitations placed on political discussion and decision- making by Pacific islanders within the South Pacific Commission. « For some time we had felt that the constitution and procedures of the South Pacific Commission were too rigid, and that the attitudes of what may be called the administering powers were at best too paternalistic, and at worst arrogant and autocratic. » (Mara, 1997: 170)

16 Issues of concern that were not being given sufficient oxygen in that forum included testing of nuclear weapons by France and the USA and continuing struggles for independence in several Pacific territories (Morgan, 2013). Its current membership comprises 15 sovereign states (at the time of writing Fiji’s membership has been reinstated although the current government has refused to rejoin unless Australia and New Zealand leave the group). Australia and New Zealand were originally accorded observer status but became full members soon after the grouping was established (Guthrie, 2013). New Caledonia and French Polynesia were made associate members in 2006. In 2010, New Caledonia sought to gain full membership but was unsuccessful (Morgan, 2013). The Pacific Islands Forum is supported by a secretariat located in Suva, Fiji. The “political” nature of the Pacific Islands Forum and its mandate was highlighted during the wave of “collective diplomacy”, which was at its peak during the 1980s: « While the Forum’s campaign to support the decolonisation of New Caledonia did not influence France’s explicit toward that territory, the success in gaining UN support on the re-inscription issue despite French lobbying, demonstrated what concerted diplomatic action could achieve in international fora. » (Fry, 2005: 97)

17 The most recent entrant into an already crowded landscape is the Pacific Islands Development Forum. Once again, the inherent political nature of how regional organisations come about and operate is writ large in this instance. When Fiji was suspended from the Pacific Islands Forum in 2009 it embarked on an aggressive programme of diplomatic and political engagement not only through a “look North” policy but also within the region. The Bainimarama regime instigated the “Engaging with the Pacific” dialogues and from this the Pacific Islands Development Forum was born, in 2013. The rhetoric of this grouping is situated in the importance of inclusivity and a determination to avoid domination by one or two key members such as is perceived to happen within the Pacific Islands Forum. The economic focus of this organisation is avowedly on the blue-green economy but it is the domestic politics of Fiji and political relationships within the region and between regional powers and others (especially China) that will determine what its future will be, if indeed it has one (Dornan, 2013).

Attempts to manage and reform regional architecture

18 There have been numerous attempts to organise regional organisations to improve coordination between them, cut down on duplication (perceived and actual) and minimise waste of resources and effort.

19 In 1988, an umbrella body was formed called the Council for Regional Organisations in the Pacific (CROP), although it was not a completely new creation having previously been incarnated as the South Pacific Organisations’ Coordination Committee. The CROP currently comprises eight regional organisations: the Forum Fisheries Agency (FFA), the Pacific Islands Development Programme (PIDP), the Secretariat of the Pacific

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Community (SPC), the Secretariat of the Pacific Regional Environment Programme (SPREP), the South Pacific Tourism Organisation (SPTO), the Pacific Power Association (PPA), the Pacific Aviation Safety Office (PASO) and the University of the South Pacific (USP). The role of the CROP is « to improve cooperation, coordination and collaboration among the various intergovernmental regional organisations in the Pacific. » (PIFS, 2014)

20 The Secretary-General of the Pacific Islands Forum Secretariat (PIFS) is mandated as the permanent chair of the CROP.

21 More recently, a review of regional architecture was undertaken at the request of the PIFS (Hughes, 2005). This review was commissioned as a contribution to the “process surrounding and supporting the development of the Pacific Plan1” (Hughes, 2005: 5). At the time that this review was undertaken, there were ten CROP agencies and the review focused on five of them: the FFA, the PIFS, the South Pacific Applied Geoscience Commission (SOPAC)2 and the SPREP. In 2005, this group of agencies was responsible for disbursing in excess of US$ 50 million of external assistance per annum. The Hughes review was largely critical of the CROP considering it to be overly bureaucratic and having a tendency to act as some sort of “super” regional organisation. Hughes identified a number of measures he felt would lead to greater collaboration, effectiveness and efficiency on the part of the “G5” as he termed the regional organisations on which he focused. However, his primary recommendation was that these agencies should become directorates under the overarching structure of a “Pacific Commission”: « A further proposal is therefore made for conversion of the G5 into a Pacific Commission, by amalgamating their operations and funding arrangements under a unified management structure that would internalize and eliminate inter-G5 barriers. The separate (but overlapping) memberships and political character of the Forum and the Pacific Community would be preserved, but they would be served by a unified Secretariat and Directorates forming the Pacific Commission. Over time the Forum and the Community would inevitably move closer together until eventually a form of merger becomes possible that would be acceptable to all members. This approach is preferred by the report as likely to produce the more efficient and effective arrangements for strengthening regional cooperation. » (Hughes, 2005: 3)

22 Subsequently, in 2007, a process called the Regional Integration Framework (RIF) commenced with the objective of reducing the number of regional organisations and enhancing integration and cooperation at regional level (Ivarature, 2013). The basis of this process was a report (Tavola et al., 2006), which disagreed with Hughes’ suggestion for a Pacific Commission. The Hughes report informed this new review but was considered flawed because of lack of widespread consultation. Hughes’ recommendations as to the establishment of a Pacific Commission were considered problematic: « It was felt that the proposed dual governance arrangements were unworkable because one governing body would be subservient to the other on the key matters of approving budgets and appointing a Chief Executive Officer. As a result, according to this line of reasoning, decision-making would be unequal and the status of territories, France and the United States of America as full members of the Pacific Community and other regional organisations would be jeopardized. » (Tavola et al., 2006: ii)

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23 This review concluded that it was preferable to maintain the avowed separation between the “political” pillar of regional architecture as embodied by the PIFS and the “technical” pillar spearheaded by the SPC. A third pillar was designated to bring together all of the regional organisations concerned with education and/or training. Further to this review, the number of CROP agencies was reduced from ten to eight.

24 There have also been criticisms of the regional architecture, which might be described as more philosophical in nature: « The regional project has been seen as illegitimate because it has been too state- centric, too male-dominated, or dominated by larger countries such as Fiji. In general terms, there has been a tension between those who see the need for an opening-up of regional governance to include civil society, sovereignty movements and non-independent territories and those who support a state-centric regional community. » (Fry, 2005: 103)

25 These concerns were echoed in several of the public submissions that were made to the most recent review of the Pacific Plan (see below). An analysis of those submissions revealed that whilst there were many calls for more and better integration and cooperation between existing regional organisations, there was not a great deal of appetite for creating new ones. However, a strong theme that did emerge was the need for existing regional organisations, and especially those at the apex of the structure: the Pacific Islands Forum and its Secretariat (PIFS, 2013) to be more inclusive. Of particular concern was the apparent lack of access to these bodies for civil society organisations, both national and regional.

26 In addition to these pan-Pacific attempts at reform of the overall architecture, there have been more targeted activities in relation to specific organisations or agencies within the overall scheme. These have had mixed fortunes in terms of their acceptance and achievements. Both USP and SPC have undergone wholesale strategic reviews in recent years and these have largely been welcomed and recognised as providing significant value. However, a review of the PIFS in 2012 did not fare as well. Although a copy of the review was leaked, it has yet to be released officially. More significantly, the regional leadership has failed to take seriously the findings of that review, some of which were framed in very trenchant terms (Dornan, 2012). When the report was leaked, the Pacific Islands Forum indicated that it would defer addressing its recommendations until such time as the 2013 review of the Pacific Plan was concluded (see below). That time has now come but no mention of this review, its recommendations and implications has yet been made.

27 In late 2014, the foreign ministers of Australia and Fiji announced that they would be convening a review of the Pacific regional architecture. This announcement was made without reference to any of the other countries that have a stake in this type of activity. Although there has been some small welcome of this initiative (Brien, 2014), it is largely considered to be neither warranted nor appropriate (Dornan and Newton Cain, 2014b).

The Pacific Plan3

28 Unsurprisingly, there is an important link between the various regional organisations and the Pacific Plan, a framework document designed to guide cooperation and integration between members of the Pacific Islands Forum. Indeed, one of the functions

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of the CROP is to provide a mechanism for member organisations to monitor and report against their implementation of the Pacific Plan. The Pacific Plan originated with at the “Auckland Declaration” made at the Pacific Islands Forum meeting of Leaders in 2004: « Leaders believe the Pacific region can, should and will be a region of peace, harmony, security and economic prosperity, so that all its people can lead free and worthwhile lives. We treasure the diversity of the Pacific and seek a future in which its cultures, traditions and religious beliefs are valued, honoured and developed. We seek a Pacific region that is respected for the quality of its governance, the sustainable management of its resources, the full observance of democratic values, and for its defence and promotion of human rights. We seek partnerships with our neighbours and beyond to develop our knowledge, to improve our communications and to ensure a sustainable economic existence for all. » (PIF, 2004)

29 Since its adoption in 2005, the Pacific Plan has been subjected to a great deal of criticism. Some of this criticism stems from the fact that rather than it being a springboard for new initiatives focused on cooperation and integration, it was treated as something of a catch-all for existing activities and projects being undertaken by regional organisations. Another criticism of the Pacific Plan is that is largely donor driven with too much power vested in Australia and, to a lesser extent, New Zealand rather than ownership being exercised by Pacific island countries. Another significant criticism of this document is that it is too prescriptive and has too many priorities and objectives. Its prescriptive nature is exemplified by reference to pooling of service delivery within the region, with specified activities delineated rather than a process by which appropriate options might be identified and explored (Dornan and Newton Cain, 2014a).

30 The Pacific Plan was envisaged as a “living document” and has been subject to more than one review since its adoption. The most recent review was undertaken in 2013. An eminent group, led by Sir Mekere Morauta (a former prime minister of Papua New Guinea) and assisted by two international consultants, undertook extensive consultations. They visited each of the fourteen member countries and the two associate members (New Caledonia and French Polynesia). They also invited public submissions and received in excess of 70 of those. The relationship between the Pacific Plan and the agencies and organisations that constitute the regional architecture, was identified as a key focus of the review process: « The Review was, among other things, asked to consider governance and priority- setting, and to what extent the regional institutional architecture supports the strategic directions of the Plan. » (Morauta et al., 2013: 12)

31 In presenting its “diagnosis” further to consultations, the review team encapsulates the inherent and abiding refrain of Pacific regionalism and the arising debates: this is essentially a political process and not a technical one: « The place of the CROP agencies in prosecuting regionalism is an interesting one from a political perspective. Their activities are almost invariably “in line with” the Pacific Plan, and they are a necessary resource for its implementation. There is therefore an assumption that the CROP agencies are the embodiment of regionalism: that regionalism is the product of the CROP agencies’ work. However, the Review takes the view that regionalism is in the first instance a political, not technical, process. This Review did not recognise such a robust political dialogue about regionalism. While cooperation at a technical level is relatively good across the Pacific, hard political choices being made about economic integration and the future of the Pacific are much more difficult to pinpoint. » (Morauta et al, 2013: 17).

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32 In terms of reimagining Pacific regionalism and the mechanisms by which it can be achieved, the review has identified a number of ways in which relevant institutions and processes should be overhauled. They include: • Supporting political conversations rather than technical ones; • Identifying and developing “game-changing political initiatives” to actively prosecute regional cooperation and integration; • Enhancing operational efficiency by way of “more predictable and sustainable, and less distortionary” funding; • Improving governance so that “the totality of effort constitutes the strategically right thing to do to achieve the aspirations of the Pacific’s leadership as regards regionalism” (Morauta et al., 2013: 21-22).

33 One of the key recommendations of that review was that the Pacific Plan should adopt and promote a clear public policy process to facilitate the identification, investigation, implementation and evaluation of regional activities rather than setting out a list of objectives to be achieved as was previously the case (Dornan, 2014). This recognises and addresses a longstanding criticism that the Pacific Plan had too many objectives to the point that its overarching strategy had become obscured.

34 The result of the review was that the Pacific Plan was reformulated as a “Framework for Pacific Regionalism”. This Framework was endorsed at the Pacific Islands Forum leaders meeting in Palau at the end of July 2014. Although the Framework addresses issues of regionalism that go beyond pooling of service delivery, it does maintain a commitment to identifying and progressing activities that aim to deliver services regionally as a means of remedying national deficits.

35 However, a significant change, which is to be welcomed is the move away from a list of priorities as occurred with the Pacific Plan to the development of a process by which priorities can be identified, researched, modelled prior to reference to the appropriate level of decision-making.

The Rise and Rise of Sub-regionalism

36 The establishment of sub-regional groupings is not a recent phenomenon in the Pacific island region. However the level of activity at the sub-regional level has recently increased in a number of spheres including trade, economic integration and political activity. There are three regional sub-groupings, which generally correspond with three broadly recognised cultural groupings in the region. Each of these groupings has a membership comprising both sovereign states and other entities that are “non- sovereign”.

37 In the northern Pacific (Micronesia) there is the Micronesian Chief Executives’ Summit, which was convened for the first time in 2003. This group comprises the political leadership of the Commonwealth of the Northern Marianas, the Territory of Guam, the Federated States of Micronesia and its States (Yap, Kosrae, Pohnpei and Chuuk), the Republic of the Marshall Islands and Palau. The group has established the “Micronesia Challenge”, which has a very strong focus on issues relating to the environment and management of natural resources: « The Micronesia Challenge is a commitment by the Federated States of Micronesia, the Republic of the Marshall Islands, the Republic of Palau, Guam, and the

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Commonwealth of the Northern Marianas Islands to preserve the natural resources that are crucial to the survival of Pacific traditions, cultures and livelihoods. The overall goal of the Challenge is to effectively conserve at least 30% of the near-shore marine resources and 20% of the terrestrial resources across Micronesia by 2020. » (Micronesia Challenge, 2010-12)

38 The Polynesian Leaders’ Group is made up of the leaders of eight states and territories. They are , Cook Islands, French Polynesia, Niue, Samoa, Tokelau, Tonga, and Tuvalu. This group was established largely as a response to the growing presence of the Melanesian Spearhead Group (see below). It is the least active of the three groupings with its focus being more about establishing and maintaining cultural ties rather than active economic or political endeavours.

39 The Melanesian Spearhead Group (MSG) was established in 1988 and gained recognition as an international organisation in 2007. It comprises the sovereign states of Fiji, Papua New Guinea, Solomon Islands and Vanuatu plus the Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), a pro-independence movement from New Caledonia. The FLNKS took over the chair of the MSG during 2013. The MSG is generally recognised as the most established and active of the sub-regional groupings. It has a secretariat located in Port Vila, Vanuatu and, in recent years, has been increasingly active both politically and economically. The state members have signed both a free trade agreement and a skilled movement scheme to allow for labour migration within the sub-region. At its most recent summit in 2013, the MSG took the innovative step of establishing a department of peacekeeping operations (DPKO) to explore opportunities for providing military personnel from group members to UN peacekeeping missions elsewhere in the world. In the political sphere, the MSG has established an FLNKS unit within its secretariat. This unit has taken on progressing a number of initiatives that exist under the Noumea Agrement that were previously within the remit of the Pacific Islands Forum Secretariat. The MSG through its secretariat has also facilitated visits by Kanaky public servants to Timor Leste to get a sense of how to go about establishing a new state should the time come when New Caledonia becomes an independent country.

40 The confidence and apparent acceptance of the MSG is illustrated by the moves it has made to set up what might be termed “sub-regional architecture”. Leaders’ summits are a well-established feature and, as has already been noted, a secretariat has been established. There are regular meetings of ministers and officials which are smaller versions of structures and processes utilised by the Pacific Islands Forum. There is a conference of MSG chiefs of police and plans to convene similar forums for chief justices and speakers of parliaments from within the sub-region. Not only does this require careful management by the MSG but it also raises questions for regional organisations as to the when, where and how engagement between sub-regional and pan-regional agencies: « The prospect of MSG institutions proliferating could be problematic for region cooperation, but it is not improbable. These possibilities will have to be factored in to the promotion of Pacific regional cooperation and the design of regional activities. » (Hughes, 2013: 12)

41 Another form of sub-regionalism that can be observed arises in the realm of pooled service delivery. In recent research, it was noted that there were some serious challenges to the delivery of “public goods” on a pan-regional basis, with a number of these being closely linked to issues of political economy. These obstacles may be more easily overcome when working at the sub-regional level (Dornan and Newton Cain,

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2014a). Pooled service delivery at the sub-regional level does not have to be formulated by reference to geographic proximity. It is possible that countries may come together to pool resources or bulks procure services with reference to a shared economic or development interest. The Parties to the Nauru Agreement is a good example of this type of grouping. The members of this organisation are particularly concerned with the management of fisheries in the region and appear to have gained more traction in this space than the larger, Forum Fisheries Agency. Another area that might lend itself to shared resources is in relation to managing extractive industries. Countries such as PNG, Solomon Islands and Fiji may see some benefit in establishing a pooled resource of technical, regulatory and other expertise to maximise positive impacts (and minimise negative ones) of resource extraction.

42 However, one of the biggest challenges in terms of progressing initiatives either at sub- regional or regional level arises in the space of making these arenas relevant to political leaders whose primary and possibly sole preoccupation is the domestic agenda. This is explored in the following section.

The ongoing tension between national political interests and the “regionalism” project

43 Whilst it would appear to be self-evident that the small countries of the Pacific must benefit from working together and establishing agencies and mechanisms to do so, it is important to take account of some very significant political economy factors that militate against this. They are exemplified within the context of pooled service delivery (Dornan and Newton Cain, 2014a), where Air Pacific was perhaps the most obvious example of theory not translating into practice: « There was a perception among Islands states that Air Pacific had not served the interests of all its shareholding states equally, in addition to which, nationalist aspirations, particularly the prestige associated with the operation of a national carrier, had seemingly overridden aspirations for integration in the aviation sector. » (Guthrie, 2013: 296)

44 Similar tensions arise in relation to the acceptance or otherwise of regional organisations. The political imperatives to share the benefits of establishing such bodies have led to them being dispersed across the region. Again, whilst this may not be the most efficient way of locating organisations that would no doubt benefit from being in close proximity to each other (not least by cutting down on travel costs) there are significant political reasons as to why that is not the case. Issues of sovereignty, or the perceived loss of it associated with regionalism, are significant. This is not surprising given the very recent emergence from colonial rule of the countries of the region. More practically, the capital city in which a regional organisation is located accrues economic benefits including generation of employment and local procurement of goods and services. For a number of reasons, Suva has long been seen as the ‘natural home’ of regional organisations. This has led to a certain amount of jealousy among other countries who feel that Fiji is benefitting disproportionately. This criticism has been particularly marked with reference to USP:

« Around four-fifths of USP’s full-time students are from Fiji, significantly in excess of Fiji’s share of member PICTs’ population4, and Fiji citizens predominate in the academic and administrative staff. The Suva campus is a major source of incomes to

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Fiji through employment, purchase of goods and services and payment of taxes by individuals and USP itself. The concentration of the benefits of USP in Fiji has long attracted adverse comment in the region. » (Hughes, 2005: 16)

45 In both of these scenarios an essential tension remains. The regionalism project has no political currency at national level. In many Pacific island countries, politics are avowedly and doggedly local in nature. Votes are secured (by various means including purchase) by reference to local priorities, with the majority of political allegiances being based around (extended) family or cultural ties. This means that where policy decisions are discussed they rarely fix on national issues and never on regional ones. Pacific island leaders may well issue statements that appear to be commitments to more or better regional cooperation whilst sequestered on one remote island or another (and there is no shortage of those in the region). But on returning to their homeports and the realities of managing domestic politics and polities, enthusiasm wanes rapidly. Where regional projects or regional organisations are discussed (and generally they are just not mentioned at all), the discussion is often couched in terms of protecting sovereignty or lobbying for a regional project or organisation to be domiciled in a given country (Hughes, 2005).

Current and Emerging Issues

46 The issue of self-determination is one that has coloured numerous developments in the realm of regionalism and sub-regionalism. As has been discussed above, the Pacific Islands Forum had self-determination for Pacific islanders at its heart from its inception. The enduring wish for independence throughout the region is continued in the presence of the flnks in the Melanesian Spearhead Group and the ongoing process associated with negotiating possible membership for a non-sovereign group to represent the Melanesian people of West Papua. The application for membership by the United Liberation Movement of West Papua (ulmwp) will be considered at the msg Leaders’ Summit in mid-2015. This represents a critical juncture for the group as it seeks to negotiate a very tricky path between the wish to promote self-determination for West Papua (voiced most loudly by Vanuatu but increasingly volubly within Melanesian civil society) and ever-deepening military, diplomatic and economic relationships between msg members (especially Fiji and Papua New Guinea) and Indonesia (Webb-Gannon & Elmslie, 2014).

47 A preoccupation with self-determination was also reflected in the re-entering of French Polynesia on the un List of Non-Self Governing Territories further to a motion put before the un General Assembly in 2013. That motion was sponsored by Nauru, Solomon Islands and Tuvalu. This year is a key milestone for the process of self- determination for New Caledonia as envisaged by the Noumea Accords. How the status of New Caledonia is resolved in the next few years may be instructive in terms of future determinations, such as for the future of Bougainville: « New Caledonia led the way into the decades of preparation; now it must demonstrate if such a process can ever be finalised. Whether success or failure, what France does in New Caledonia will have a huge demonstration effect for PNG and Bougainville. And that resolution will say much about whether France can become more than an outside power in the South Pacific, defined as much by ambiguity as any ambition. » (Dobell, 2013)

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48 Metropolitan powers, including France, will need to work out how, if at all, to engage with sub-regional groupings. As discussed above, the most significant of these organisations is the MSG and the status accorded to the FLNKS within that group is already significant and will become more so as the process of transfer of sovereign powers progresses under the Noumea accord. But it will be even more significant should that process stall or founder. Congressional elections were held in May 2014. These elections are significant, as the resulting Congress will play a significant role in the next stage of implementation of the Noumea. Between 2014 and 2018 the Congress can move (by a 3/5 majority) to a referendum on the transfer of remaining sovereign powers from France to the Pacific territory.

49 How peak regional organisations engage with non-sovereign territories will also continue to be significant and may not always be straightforward. Mention has already been made of the inclusion of New Caledonia and French Polynesia in the consultation process associated with the 2013 review of the Pacific Plan. However, it is not clear whether this should be taken as an indication of an intention on the part of the Pacific Islands Forum to upgrade the status of these territories from associate to full membership. In some quarters, there has been robust criticism of the level and nature of engagement with non-sovereign territories (including the French ones) by CROP agencies: « A decade ago, the Forum Eminent Persons Group led by Sir Julius Chan saw closer integration between the Pacific Islands Forum and the US and French territories as a crucial part of their vision for the region. Sadly, the future status of the Pacific territories was effectively dropped from successive revisions of the Plan and ignored in annual Pacific Plan declarations issued by Forum leaders – the latest Pacific Plan Annual Report (2012) makes no mention of the Pacific territories. » (Maclellan, 2013: 1)

50 The 2013 review of the Pacific Plan does not make any recommendation as to whether the membership of the Pacific Islands Forum should be extended to include territories that are non-self governing. Whilst it would be improper for a review team to make recommendations of this type one way or another, the review team has noted the flavour of comments and recommendations made by those with whom they consulted on this issue. The report refers to a sense that the key debates that framed the establishment of the Pacific Islands Forum (most notably the push for independence and the campaign for a nuclear free Pacific) have now been largely superseded: « The contemporary debate about regionalism has rather less intrinsic association with self-determination. Most of the issues being debated in contemporary Pacific regionalism (trade and transport, for example) are entirely within the mandate of even the non-self-determining territories to resolve, and regionalism would be better served by fully including, not excluding, such territories in the debate and in its implementation. » (Morauta et al., 2013: 78)

51 The elections in Fiji during September 2014 have already had an impact at regional level and this is likely to continue. Fiji’s reluctance to rejoin the Pacific Islands’ Forum has already been referenced, as has the Australia-Fiji initiative to review the regional architecture in early 2015. Although Fiji utilised alternative political and diplomatic channels (including chairing the MSG from 2010 to 2012) to maintain and possibly enhance her international standing in the period since 2009 (when she was suspended from the PIF), the leadership is obviously keen to reclaim her previous role of regional leader. However, the prevailing environment has changed most notably in the rise of

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Papua New Guinea in this space, an avowed policy imperative of Peter O’Neill, prime minister of that country (Hayward-Jones and Newton Cain, 2014). In the last few years PNG has become a bilateral and regional development partner and lobbied hard and successfully for Dame Meg Taylor (a former PNG diplomat) to become Secretary General of the PIFS in 2014. Ongoing diplomatic tensions between these countries are already causing headaches for the MSG and may cause disruption at the wider regional level.

52 The nature of Pacific regionalism is ever changing and the future may well bring as much iteration as we have seen in the past. The regionalism project is often couched in economic terms with a strong focus on how Pacific island countries can overcome tyrannies of distance, diseconomies of scale and other vulnerabilities. However, issues of history, politics and culture are and will continue to be key determinants of how that project does or does not proceed.

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NOTES

1. The significance of the Pacific Plan for regionalism and regional architecture is examined below. 2. This agency has since been brought within the SPC. 3. This shorthand term is the one used most commonly. The full name for the document is the Pacific Plan for Regional Integration and Cooperation 4. PICT stands for Pacific Island Countries and Territories.

ABSTRACTS

To understand the current state of regional architecture in the Pacific requires an historical assessment of cultural, economic and political imperatives. Recent region-wide initiatives such as the review of the Pacific Plan (2013) have raised once again questions of what regional organizations should and can do to further development in Pacific Island Countries (PIC). Concurrently, we have seen the rise of sub-regionalism as a focus of economic and political activity, most notably in Melanesia. This paper considers the impact of the rise of sub- regionalism on the regionalism project overall to date and posits what might arise in the future.

Afin de comprendre l’état actuel de l’architecture régionale dans le Pacifique, il est nécessaire d’en évaluer la nature historique, culturelle, économique et politique. De récentes initiatives régionales, telles que le dernier rapport sur le plan Pacifique (2013) ont une fois de plus soulevé la question de ce que les organisations régionales devraient et peuvent faire pour renforcer le développement des États insulaires du Pacifique (EIP). Parallèlement, nous assistons à l’émergence d’un subrégionalisme focalisé sur les questions politiques et économiques, tout particulièrement en Mélanésie. Cet article considère l’impact que le développement du sub- régionalisme a eu sur le projet régionaliste dans son ensemble et envisage les évolutions à venir.

INDEX

Keywords: Regionalism (Pacific), political economy, sub-regionalism, regional architecture, sovereignty Mots-clés: régionalisme (Pacifique), économie politique, subrégionalisme, architecture régionale, souveraineté

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AUTHOR

TESS NEWTON CAIN Principal DevPacific (http://www.devpacific.org/)[email protected]

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Le groupe du Fer de Lance mélanésien face à ses défis The MSG and its New Challenges

Nathalie Mrgudovic

1 La notion de subrégionalisme est généralement comprise comme un mécanisme de coopération intergouvernementale s’inscrivant nécessairement dans un cadre régional plus vaste et associé à un processus d’intégration régionale (Manoli, 2012). Cependant, lorsqu’un petit groupe d’États ou de territoires se rassemblent au sein d’une structure subrégionale alors qu’ils appartiennent déjà, pour la plupart, aux organisations de la région, et qu’ils adhèrent et appliquent les politiques de celles-ci, peuvent-ils développer, en parallèle, une organisation subrégionale à l’identité et aux objectifs spécifiques ? Peuvent-ils se distinguer, et ce, de façon complémentaire plutôt que rivale, des structures régionales déjà existantes ? Et comment peuvent-ils assurer la réalisation et l’adaptation des desseins de leur groupe ? C’est ce que nous envisagerons avec le cas du groupe du Fer de Lance mélanésien (GFLM)1 dont les membres appartiennent presque tous2 au Forum du Pacifique ( FIP)3 et au secrétariat de la Communauté du Pacifique (CPS), les deux organisations régionales principales du Pacifique Sud.

2 Au début des années 1980, les leaders de la Papouasie Nouvelle-Guinée (PNG), des îles Salomon et du Vanuatu, fraîchement indépendants, et aux identités culturelles spécifiques bien que toutes mélanésiennes4, ont fait appel à leurs valeurs et traditions communes afin de forger l’unité entre leurs pays tout en construisant des référents nationaux nouveaux par rapport à ceux imposés par les anciennes puissances coloniales et distincts de ceux des autres entités océaniennes (Hau’ofa, 1985). Les élites politiques et l’intelligentsia en PNG, aux Salomon et au Vanuatu ont ainsi entrepris : « un travail de production d’images et d’idéaux nationaux […]{générant] un discours constructif fondé sur la coutume et la tradition afin d’établir une distinction nationale en accord avec les traditions indigènes ancestrales. » (Foster, 1997 : 1, notre traduction)

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3 Créer une identité nationale avait pour objectif de transformer ces nouveaux États en États-nations unifiés (Douglas, 2003 ; Leblic, 1993) (voir plus loin les points sur la Melanesian Way et la Pacific Way).

4 Depuis son émergence, ce groupe promeut, essentiellement au niveau régional, la singularité des peuples mélanésiens. Plutôt qu’un facteur de division régionale, il a toujours été perçu, par le Forum notamment, non comme une menace mais comme un élément de renforcement de l’intégration régionale (Maiava, 2003). Le Fer de Lance, comme d’autres groupes5, traitent au niveau subrégional de problèmes souvent déjà considérés par la CPS ou le FIP, tels que le changement climatique, la coopération économique ou encore les questions de sécurité. Ces initiatives subrégionales permettent ainsi de contre-balancer le poids de l’isolement, l’un des obstacles majeurs à la coopération (Grynberg et al., 2005 : 79) et à l’intégration régionales.

5 Pourtant, depuis sa création, le GFLM semble avoir toujours été confronté à des défis touchant à ses raisons d’être politiques et économiques. Ces épreuves sont-elles les étapes normales de tout processus d’évolution d’une organisation ou bien révèlent-elles les limites du subrégionalisme en Océanie ? Alors que la réalisation de son projet économique – les accords de libre-échange – stagne6, l’évolution des aspirations politiques du groupe mélanésien est plus significative. C’est sur celle-ci que portera notre analyse. Après avoir considéré les ambitions originelles du groupe mélanésien, nous aborderons les défis majeurs auxquels il a été confronté, notamment en ce qui concerne sa politique d’adhésion. Finalement, nous étudierons la position ambiguë de Fidji à l’égard du Fer de Lance mélanésien et l’impact que la récente présidence fidjienne a eu sur l’affirmation politique régionale du groupe.

Émergence d’une revendication identitaire complexe

6 Outre la volonté de promouvoir une identité culturelle distincte au sein de la région, le projet politique de soutenir l’émergence d’États-nations mélanésiens souverains s’est focalisé plus particulièrement sur la cause des indépendantistes kanak de Nouvelle- Calédonie. Toutefois, le développement de ce groupe mélanésien a révélé parmi certains de ses membres des nuances quant à la nature du leadership à adopter.

Affirmation de la spécificité mélanésienne

7 Pour Henningham et Ball (1991), l’émergence de la référence à l’identité mélanésienne résultait des expériences coloniales communes. En outre, étant les derniers à avoir acquis leur indépendance dans la région, la formation intellectuelle et politique des leaders mélanésiens reflétaient davantage l’influence des idéaux plus libéraux voire radicaux des années 1960 et 1970 (Henningham et al., 1991). Afin de développer un discours rassembleur et donner à leurs populations respectives un sens d’identité et d’unité, deux leaders papous, Bernard Narokobi et le père John Momis, ont créé le concept de Melanesian Way (Narokobi, 1980), « une restructuration radicale de la société et de la politique en PNG dans un contexte post-indépendance. » (Premdas, 1987 :111, notre traduction). Ce concept avait toutefois aussi été créé en réaction à la notion plus inclusive de Pacific Way développée en 1970 par le leader fidjien Sir Kamisese Ratu Mara (Mara, 1997 : 238)7 et dénoncée par Narokobi et Momis comme :

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« une forme d’idéologie et d’identité pour l’unité régionale […] [promue par et pour] des élites insulaires mobiles [sans] intention de l’ancrer dans les sociétés insulaires dans leur ensemble. » (Hau’ofa, 1985 : 168, notre traduction)8

8 Pour rassembler les divers peuples des Nouvelles-Hébrides dans leur lutte émancipatrice, Walter Lini, le père de l’indépendance du Vanuatu, avait préféré quant à lui invoquer la kastom, à savoir les coutumes et traditions mélanésiennes (Tabani, 1999). Une fois élu Premier ministre, il développa alors sa vision d’un « socialisme mélanésien » basé sur les idéaux de « communalisme »9, de partage et d’humanisme (Hau’ofa, 1985 ; Premdas, 1987 ; Mrgudovic, 2008b). Cette vision reposait également sur les valeurs chrétiennes auxquelles la kastom est étroitement liée (Tabani, 2000 ; White, 2007 ; Douglas, 2003 ; Leach et al., 2013).

9 Au-delà de ces initiatives essentiellement internes de création d’identités nationales, cette troïka mélanésienne 10 ( PNG, Salomon, Vanuatu) a reconnu la nécessité de développer en parallèle un mouvement collectif. Malgré le rejet initial par Walter Lini de l’idée d’un groupe mélanésien conçu comme une alliance politique, le groupe avait tout de même établi des objectifs politiques précis bien avant sa création en 1988. En effet, il est possible de dater l’émergence du combat politique mélanésien à 1976. Cette année-là, le Premier ministre papou, Sir Michael Somare, et son vice-Premier ministre, Ebia Olewale, avaient exprimé la nécessité de promouvoir l’identité et l’émancipation mélanésiennes alors que les Nouvelles-Hébrides et une partie de la Nouvelle-Calédonie réclamaient leur indépendance. À partir de 1979, l’idéal se transforma en actions concrètes. Les Nouvelles-Hébrides, sur le point d’obtenir leur indépendance et de devenir le Vanuatu en 1980, et le mouvement indépendantiste kanak de Nouvelle- Calédonie avaient besoin de la solidarité mélanésienne pour soutenir leur projet d’indépendance. Elle fut vigoureusement affirmée, notamment au Forum des îles du Pacifique – alors Forum du Pacifique Sud – dès 1979 où des représentants indépendantistes kanak furent officieusement invités par la troïka mélanésienne à venir remettre aux membres du Forum une pétition demandant à l’organisation régionale de soumettre, via ses membres, une proposition de résolution auprès de l’Assemblée générale de l’ONU pour obtenir la réinscription de la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires non autonomes11 (Mrgudovic, 2003). Dès lors, la pression constante exercée par les Mélanésiens sur le reste des États-membres du Forum ainsi que la menace grandissante d’une quasi-guerre civile en Nouvelle-Calédonie finirent de convaincre le FIP de soutenir le combat du Front indépendantiste [qui allait, en 1984, se transformer en Front de libération national kanak et socialiste (FLNKS)]. Le 2 décembre 1986, la Nouvelle-Calédonie fut réinscrite sur la liste onusienne des territoires non autonomes et, par là-même, le FLNKS fut officiellement reconnu par l’ONU comme un mouvement de libération nationale (Mrgudovic 2003, 2008ab ; ONU, 1986 : résolution 41/41A ; Mapou, 2006 : 2).

10 Malgré sa structure plutôt informelle, cette victoire politique et diplomatique permit au groupe mélanésien de renforcer sa légitimité politique. En mars 1988, la PNG, les Salomon et le Vanuatu signèrent six « Principes de coopération entre les États de la Mélanésie » établissant ainsi le « groupe du Fer de Lance mélanésien » (MSG, 1988). Pas vraiment une constitution, ni une charte, ces principes n’imposaient pas non plus de coopération supranationale. Ils avaient pour objectif d’œuvrer au respect et à la promotion des cultures, traditions et valeurs mélanésiennes, du droit à l’indépendance – tout spécialement de la Nouvelle-Calédonie –, de la coopération économique et

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technique, de l’amitié et de la coopération avec les Nations unies et le Forum des îles du Pacifique, et du principe de non-ingérence (MSG, 1988). Outre ces objectifs culturels et politiques, le GFLM entendait promouvoir la coopération économique et la solidarité afin de tenter de contrebalancer : « l’intensification de la dépendance économique et la transnationalisation croissante du capital […] » (Foster, 1997 : 1-2, notre traduction)

11 La pratique traditionnelle et coutumière de l’échange dans les sociétés mélanésiennes devait être la base de l’autre grand objectif du groupe : établir un accord de libre- échange mélanésien.

12 Le FLNKS fut invité à rejoindre le Fer de Lance en 1990, après la signature des accords de Matignon-Oudinot en 1988, qui avaient mis en œuvre un plan décennal devant aboutir à un référendum d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie. Ces accords et l’assassinat du leader du FLNKS Jean-Marie Tjibaou en mai 1989 sont les facteurs qui ont influencé la décision du groupe mélanésien d’inviter non pas un État mais un mouvement à devenir observateur – en 1991 – puis membre à part entière du GFLM – en 1999. Cette décision cruciale d’accueillir le FLNKS, et donc de transformer le Fer de Lance en une organisation intergouvernementale, est aujourd’hui encore au cœur de la réflexion du groupe sur sa nature intrinsèque (voir plus loin).

13 Bien qu’ayant existé et fonctionné durant deux décennies, le GFLM n’est officiellement devenu une organisation subrégionale qu’en 2007. Le 23 mars, la signature de sa charte lui attribua la personnalité morale et son nouveau statut d’organisation subrégionale fut reconnu par l’ONU (ONU, 2010). Son secrétariat général, longtemps attendu12, fut inauguré à Port-Vila le 1er novembre 2007.

Visions et aspirations du leadership mélanésien

14 Dès sa création, le groupe mélanésien a dû faire face à ce qui allait devenir ses démons intérieurs récurrents, à savoir ses principes fondateurs eux-mêmes et notamment une « vision » politique initiale parfois divergente entre les leaders mélanésiens. Dès l’émergence du concept de groupe mélanésien, particulièrement dans la période immédiate de l’après-indépendance, des nuances sont apparues quant aux priorités ou perspectives régionales de ses membres.

15 Ainsi, les îles Salomon n’ont jamais vraiment exprimé d’ambition de leadership régional ni même de centralité régionale. Même lorsqu’en 1984, l’ancien Premier ministre Mamaloni appelait à la création d’un groupe spécifiquement mélanésien, il l’envisageait au sein du Forum. Par ailleurs, dans un discours de politique étrangère, en 1985, le gouvernement salomonais affirma qu’en tant que petit État dépendant, vulnérable aux changements économiques et dépourvu de toute puissance militaire, il avait décidé d’adopter une « approche multidimensionnelle de sa politique étrangère qui aspirait à développer des partenariats aux niveaux bilatéral, régional et multilatéral » (Henningham, 1992 : 204-205, notre traduction). Malgré ce réalisme et cette humilité affichés, les îles Salomon ont cependant choisi une attitude de fermeté contre les essais nucléaires et le stockage des déchets nucléaires dans la région et contre toute forme de colonialisme. Ceci explique pourquoi les Salomon continuent de reconnaître Taiwan plutôt que la République populaire de Chine.

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16 De son côté, et depuis son indépendance en 1975, la PNG a souvent exprimé son aspiration au leadership dans les affaires régionales. Les leaders papous, spécialement Michael Somare, ont toujours considéré que ce rôle revenait naturellement à la PNG en raison de sa supériorité physique (que ce soit en termes de superficie, de population ou de richesses naturelles) sur le reste des États insulaires du Pacifique Sud13.

17 À l’aube de l’indépendance de la PNG, l’ambition de son Premier ministre, Michael Somare et de son ministre des Affaires étrangères, Albert Maori Kiki, était de défendre une politique étrangère « universaliste » et d’établir des relations sur une base égalitaire avec tout État avec lequel la PNG aurait des intérêts et des bénéfices mutuels, y compris l’Australie, qui demeure le plus important partenaire économique et donataire d’aide de la PNG (MacQueen, 2007). Cette vision « universaliste » du « Friends to all, ennemies to none » (« Amis de tous, ennemis de personne ») explique pourquoi Somare s’était initialement opposé à toute intervention militaire au Vanuatu – bien que réclamée par ce dernier – et qui fut finalement organisée en 1980 par le nouveau Premier ministre papou, Julius Chan (MacQueen, 1988). Fortement favorable à une plus grande coopération régionale, la vision de Chan s’étendait au-delà de la seule Mélanésie (MacQueen, 2007). L’intervention militaire papoue au Vanuatu devrait donc être interprétée comme une nouvelle illustration du rôle que la PNG voulait jouer au niveau régional même si, en réalité, cette intervention avait été entièrement orchestrée et équipée par l’Australie (Henningham, 1992).

18 Afin d’établir une position plus affirmée pour les États insulaires de la région, le Premier ministre papou, Michael Somare, avait fait campagne dès le début des années 1980 pour remplacer le Communauté du Pacifique (CPS) « coloniale et dépassée » par « une organisation régionale unique […] qui combinerait les fonctions de la CPS, du Forum et des autres organisations régionales, et qui n’accueillerait que les États insulaires du Pacifique », excluant ainsi l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ainsi que toutes les puissances extra-régionales. Si le projet avait alors échoué – Chan ayant été élu à la place de Somare –, le Forum a cependant réalisé – en partie – la suggestion papoue en créant le Comité de coordination (le SPOCC) en 1989 devenu l’actuel Conseil des organisations régionales dans le Pacifique (le CROP) en 199914.

19 L’ambition régionale de la PNG pouvait-elle alors être comparée à celle de Fidji ? Bien que les deux États aient acquis leur indépendance plus ou moins à la même époque, la PNG est toujours apparue dans ses aspirations comme dans ses projections extérieures légèrement en retrait ou dans l’ombre de Fidji qui bénéficiait déjà, tant au niveau régional que sur la scène internationale, d’une reconnaissance et d’une influence bien plus importantes. Cela n’a cependant pas affecté les relations de la PNG avec Fidji, comme le refus papou de condamner les coups d’État de 1987 à Fidji l’a démontré. Dans son approche « universaliste », la PNG s’est toutefois toujours considérée comme un pont entre l’Asie du Sud-Est et le Pacifique Sud et a consacré une part importante de sa politique étrangère au développement de bonnes relations avec sa voisine immédiate : l’Indonésie (MacQueen, 1989 ; 2007). Port Moresby avait en effet assisté à la façon dont Djakarta avait réalisé ses ambitions territoriales en persuadant dans un premier temps l’ONU de lui transférer l’administration de la Papouasie occidentale en mai 1963 pour déclarer, quelques mois plus tard, que ce territoire faisait désormais partie intégrante de l’Indonésie (Ondawame, 2011b).

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20 Afin d’éviter de prendre position sur cette question, de maintenir des relations pacifiques avec l’Indonésie et de justifier – auprès du Vanuatu notamment – son manque de soutien au mouvement indépendantiste de Papouasie occidentale (MacQueen, 1989 ; Henningham et al., 1991 ; Mrgudovic, 2008b), la PNG avait préféré adopter une position de grande fermeté vis-à-vis de la France et de l’indépendance kanak. Le Vanuatu allait cependant rapidement s’affirmer sur cette question.

21 Comme la PNG, le Vanuatu, et son premier leader, le père Walter Lini, auraient pu à l’époque laisser apparaître une forme d’ambition pour un leadership régional reposant toutefois davantage sur des fondements idéologiques et moraux plutôt que sur des critères de supériorité géographique et démographique. Dès son indépendance en 1980, le Vanuatu, compte tenu des difficultés qu’il avait rencontrées dans sa volonté de s’émanciper de la colonisation française – les Britanniques ayant montré moins de réticence à abandonner le condominium – avait fait du soutien à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie l’une des priorités de sa politique étrangère (Henningham, 1992).

Les enjeux politiques au groupe du Fer de Lance mélanésien : instabilité et contradictions

22 Trop souvent désignés comme un « arc mélanésien d’instabilité », les États et territoires mélanésiens n’en ont pas moins prouvé leur capacité à rétablir des conditions de gouvernance relativement stables et défendre un front uni sur la scène régionale. Des failles sont toutefois apparues dans la politique d’adhésion au GFLM.

Une instabilité endémique ?

23 La violence en Nouvelle-Calédonie dans les années 1980, les coups d’État militaires à Fidji en 1987, 2000 et 2006, la crise sécessionniste à Bougainville à partir de 1997, le début de la guerre civile aux îles Salomon en 1998, la constante fragilité institutionnelle au Vanuatu, la bataille de légitimité entre deux Premiers ministres papous en 2012 constituent les éléments de ce qui a été décrit par certains comme un « arc mélanésien d’instabilité » (voir Ayson, 2007 ; White, 2007). Ils auraient pu être perçus comme autant de coups de grâce au groupe mélanésien. Au lieu de cela, il a été mis fin à la quasi-guerre civile en Nouvelle-Calédonie grâce aux accords de Matignon-Oudinot en 1988 puis celui de Nouméa en 1998 qui doit conduire à un référendum d’autodétermination entre 2014 et 2018. La guerre civile à Bougainville a connu un dénouement assez similaire à celui de Nouvelle-Calédonie, avec la mise en place d’un gouvernement autonome (self-government), d’une constitution et d’un référendum d’autodétermination prévu entre 2015 et 2020 (Maclellan et al., 2012). Cependant, dans les deux situations, malgré la dynamique positive créée par ces accords, rien ne garantit la non-résurgence de conflits dans la période post-référendum. Dans les deux cas, la gestion de la grande richesse minière de ces territoires pourrait notamment générer de vives tensions, quel que soit le résultat des referenda (Maclellan et al., 2012).

24 Dans le cas des îles Salomon, la mission d’aide régionale (Regional Assistance Mission, RAMSI), placée sous commandement australien, composée de troupes régionales y compris mélanésiennes et déployée en juillet 2003, a permis de mettre fin à cinq ans de conflits ethniques et fonciers entre l’île principale et celle de Malaita. Après une

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mission parfois tendue – la population était progressivement devenue réticente à la présence australienne jugée trop imposante (Hameiri, 2009) – mais réussie, la force régionale a organisé sa transformation graduelle en forces de police, toujours rattachées à la mission et financées par l’Australie jusqu’en 2017 (Johnson, 2013).

25 Pour White, le pluralisme ethnique, généralement présenté comme une explication à l’instabilité mélanésienne, est trop souvent associé, à tort, à « la désunion, la division et les querelles » ainsi qu’à un manque de puissance des gouvernements centraux (White, 2007 : 5, notre traduction). Prenant l’exemple de Bougainville cependant, il explique cette instabilité par un manque de gouvernements provinciaux décentralisés et reconnus ainsi qu’« une pénurie de leaders traditionnels pour réguler leurs affaires locales » (White, 2007 : 8, notre traduction). Douglas souligne le fait que : « en Mélanésie, bien qu’il y ait des États, il n’y a toujours pas d’États-nations […] [et] la distance entre l’État et la nation en Mélanésie s’accroît, tandis que les communautés locales, éloignées des centres principaux, sont de moins en moins impliquées dans les affaires publiques et que les centres rivaux promouvant un engagement “national” acquièrent en assurance et en légitimité. » (Douglas, 2003 : 8, notre traduction)

26 Ce point de vue est confirmé par White qui souligne « le manque de connexion entre le gouvernement et les communautés rurales » (White, 2007 : 4, notre traduction). Il est notamment illustré par le film d’Éric Wittersheim (2003) sur le Vanuatu : Grassroots. Ceux qui votent.

27 Paradoxalement, cette instabilité mélanésienne semble avoir affecté voire divisé le monde politique australien. L’ancien Premier ministre Kevin Rudd a ainsi accusé à plusieurs reprises son prédécesseur John Howard d’avoir entraîné cette instabilité en raison de la négligence australienne à l’égard de son environnement stratégique immédiat (Ayson, 2007). Cependant, cette « négligence » est peut-être aussi, en partie, le résultat d’un activisme politique mélanésien. Cette interprétation se confirme à la lecture des communiqués annuels du Forum. Les États mélanésiens y ont toujours veillé au respect du principe de non-intervention dans la politique intérieure des pays membres du Forum. La Déclaration de Biketawa de 2000, qui découle directement du principe édicté par le GFLM en 1988, garantit qu’aucune intervention dans un État membre du Forum ne pourra avoir lieu sans la demande expresse de cet État. Ceci explique en partie le succès de la RAMSI qui est intervenue en toute légitimité aux îles Salomon. Ceci pourrait aussi expliquer pourquoi aucune intervention n’a eu lieu à Fidji, notamment après les derniers coups d’État de 2000 et de 2006, et malgré le refus de Bainimarama de relancer plus rapidement le processus démocratique dans son pays.

Le groupe du Fer de Lance et l’adhésion des « Mélanésiens »

28 Plusieurs États ou territoires, comme le Timor-Leste ou la Papouasie occidentale, aspirent à être admis au sein du GFLM, tandis que le groupe mélanésien envisage un rapprochement avec d’autres, comme le cas de la Nouvelle-Calédonie, voire de l’Indonésie.

29 Le Timor-Leste (ou Timor oriental), indépendant depuis 2002, considère encore sa proximité géographique avec l’Indonésie (son ancienne puissance administratrice) comme une menace directe à sa sécurité. Les troupes de maintien de la paix de l’ONU, en poste depuis 1999 jusqu’au référendum d’autodétermination de 2002, avaient dû

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revenir en 2006 en raison d’une tentative de coup d’État. Elles ont quitté le Timor-Leste fin 2012 (Head, 2012). Cependant la situation de ce petit État demeure fragile. Son objectif principal est de développer une stratégie affirmée d’intégration internationale comme l’illustre sa volonté affichée d’adhérer à l’association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) où il y a le statut d’observateur. Il a aussi renforcé ses partenariats économiques avec l’Australie et la Chine (Le Moel, 2012 : 7). En revendiquant ses racines mélanésiennes, le Timor-Leste cherche à intégrer cette zone, et à s’assurer de la sorte un certain degré de protection de la part des États océaniens. Son nouveau statut d’observateur au sommet des leaders du GFLM depuis 2011 est une première étape vers plus de collaboration et d’interaction avec le groupe subrégional. Son statut de membre à part entière du GFLM fait même peu de doute au sein de l’organisation mélanésienne (Falemaka, 2011). La volonté timorienne de contribuer financièrement au budget du groupe mélanésien et sa probable intégration au sein de l’ASEAN sont des arguments qui contrebalancent largement le fait que, pour une grande majorité de Mélanésiens, le Timor-Leste n’est pas un État mélanésien (PIPP, 2011)15.

30 La question de l’indépendance de la Papouasie occidentale représente l’une des plus importantes menaces à la crédibilité, voire à l’unité du GFLM. Devenue province indonésienne en 1963, la Papouasie occidentale n’a dès lors eu de cesse de réclamer son indépendance. En 2011, l’Indonésie a adopté une loi attribuant une autonomie spéciale à la Papouasie occidentale afin de mettre fin aux violences que cette province connaît depuis 1963. Cependant, en 2003, et en violation de la loi de 2001 qui garantissait les découpages provinciaux opérés, cette province indonésienne a été divisée en deux zones, la Papouasie et la Papouasie occidentale. Les autorités indonésiennes entendaient ainsi éradiquer la rébellion et les mouvements indépendantistes de cette région (Ondawame, 2011a). Les propositions régulièrement soumises par le Vanuatu et soutenues par les îles Salomon et le FLNKS, et dans une moindre mesure par Fidji, d’accorder à la Papouasie occidentale le statut d’observateur auprès du Fer de Lance ont toujours été bloquées par la PNG. Pour justifier son choix de contrer le principe du GFLM de soutenir l’indépendance des peuples mélanésiens, Port-Moresby invoque celui de non-intervention dans la politique intérieure d’un État. Le fait que cette position soit en totale contradiction avec la politique de soutien du Fer de Lance à la cause kanak souligne ici l’une des failles majeures du GFLM. Et cette attitude biaisée à l’égard de la Papouasie occidentale se retrouve également dans les communiqués du Forum où cette question est rarement évoquée, voire plus du tout depuis 2007 lorsque la PNG avait proposé d’être le rapporteur des discussions du Forum sur la Papouasie occidentale auprès du président indonésien (Pacific Islands Forum, 2007). Ceci illustre combien la PNG entend conserver un contrôle étroit sur cette question. Une explication est qu’alors que tous les États ou territoires de la région – excepté le Timor – sont « protégés » par leurs frontières maritimes et un voisinage non agressif, la PNG est confrontée à une situation stratégique difficile. Elle partage en effet son unique et longue frontière terrestre avec sa puissante voisine indonésienne dont les troupes militaires violent très souvent les limites pour venir y pourchasser les activistes indépendantistes réfugiés en PNG.

31 La question du soutien à la cause indépendantiste de Papouasie occidentale, au potentiel fortement dommageable pour la légitimité politique du GFLM, a connu un premier choc lorsque le groupe a décidé d’accorder à l’Indonésie, en 2011, le statut d’observateur. En l’acceptant, Djakarta était bien consciente que sa déclaration d’être « la terre de 11 millions de Mélanésiens » y était pour peu (Radio Australia, 2011) et

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qu’un statut de membre plein n’était pas réaliste (Falemaka, 2011). Pourtant le renforcement de la coopération avec les États mélanésiens, ainsi que la volonté indonésienne de contribuer financièrement au fonctionnement du GFLM (Ministry of Foreign Affairs of Indonesia, 2011) ne présageaient rien de bon pour la poursuite des discussions sur la Papouasie occidentale au sein du Fer de Lance, et donc aussi du Forum.

32 La réticence de la PNG à ce que la question de la Papouasie occidentale soit évoquée dans les instances régionales a connu un nouveau tournant en juin 2013. Alors que le sommet biennal du GFLM se tenait en Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre papou, Peter O’Neill, a préféré se rendre, à la tête d’une très importante délégation gouvernementale, en Indonésie pour y signer une série d’accords commerciaux, d’exploitation minière, culturels, ou encore portant sur la frontière entre l’Indonésie et la PNG et l’extradition des « réfugiés » de Papouasie occidentale en PNG. Peter O’Neill, qui depuis son élection en 2011 avait adopté une certaine neutralité sur cette question, a désormais franchi le pas en déclarant en juin 2013 à Djakarta que « la Papouasie occidentale faisait partie intégrante de l’Indonésie » (Flash d’Océanie, 18/06/2013).

33 Il est intéressant de noter la similarité de l’attitude fidjienne, le contre-amiral Bainimarama ayant lui aussi préféré renforcer la coopération commerciale avec Djakarta (Flash d’Océanie, 18/06/2013) plutôt que de porter un combat diplomatiquement embarrassant.

34 Le 19e sommet du GFLM, en 2013 , avait pourtant suscité de gros espoirs quant à l’adhésion de la Papouasie occidentale au groupe mélanésien, au moins en tant qu’observateur dans un premier temps. Pour la première fois, la question y avait été ouvertement discutée16. Le vice-président du WPNCL (West Papua National Coalition for Liberation)17, Otto Ondawame, y avait même été invité à prendre la parole, dénonçant les exactions indonésiennes18, réclamant l’inscription de la Papouasie occidentale sur la liste des territoires à décoloniser de l’ONU et demandant que le GFLM envoie une mission d’observation dans cette région (Ondawame, 2013). Bien que décevante – puisque la candidature de la Papouasie occidentale a encore été rejetée – cette première étape a néanmoins été perçue comme le début de la reconnaissance régionale et internationale de la cause papoue occidentale (Pacnews, 26/06/2013).

35 Une autre illustration des contradictions du GFLM est son changement d’attitude vis-à- vis de la Nouvelle-Calédonie. En effet, depuis sa création, le Fer de Lance a soutenu l’indépendance de ‘Kanaky’ et a fait du FLNKS l’un de ses membres de plein droit. Ce statut fut attribué au mouvement indépendantiste kanak, et non au territoire de Nouvelle-Calédonie, perçu comme entité non indépendante car encore française. Grâce aux accords de Matignon-Oudinot, puis de Nouméa en 1998, l’engagement vers un référendum d’auto-détermination a été mis en place. Et les progrès en sont régulièrement observés – et approuvés – par des missions ministérielles, initialement organisées par le seul Forum, puis, depuis 2007, par le GFLM également.

36 Or, depuis 2002, la Nouvelle-Calédonie est devenue l’objet d’un intérêt grandissant de la part des États membres du Fer de Lance. Cette année-là, le gouvernement calédonien avait contesté au FLNKS le droit d’accueillir le sommet des leaders du GFLM aux frais des contribuables calédoniens. Le gouvernement territorial avait alors décidé d’accueillir, au nom de tout le territoire, le sommet annuel du groupe mélanésien à Nouméa (Mrgudovic, 2008b). L’acceptation de cette invitation par le GFLM pourrait dès lors être

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interprétée comme sa reconnaissance, même implicite, de la légitimité de l’autorité du gouvernement calédonien et, par extension, de la présence française dans ce territoire et dans le reste de la région.

37 Ce changement d’attitude peut s’expliquer de plusieurs façons. L’impact des accords de Matignon-Oudinot puis celui de Nouméa, ainsi que la politique encouragée par la France de renforcer la coopération bilatérale et multilatérale et l’intégration régionale de la Calédonie en sont une première explication (Mrgudovic, 2008b). Dans le rapprochement entre le GFLM, et en particulier le Vanuatu, et la Nouvelle-Calédonie, une étape importante a été franchie lorsque le Premier ministre ni-vanuatu Natapei s’est rendu en visite officielle à Nouméa en mai 2003 et a assuré qu’il soutiendrait une candidature de la Calédonie pour devenir membre du GFLM (May, 2011).

38 Le fait que le Fer de Lance envisage désormais l’intégration possible de la Nouvelle- Calédonie en son sein, aux côtés du FLNKS, souligne combien l’organisation mélanésienne a changé de perspective. La stabilité politique de la Nouvelle-Calédonie, son soutien économique à la région, réel et potentiel, et les liens privilégiés que celle-ci partage avec l’Union européenne (en tant que Pays et Territoires d’Outre-mer – PTOM) sont des arguments de poids pour les quatre États mélanésiens, et particulièrement pour le projet d’accord de libre échange voulu par le GFLM. Le fait que lors de son 15e sommet en 2003, le GFLM ait demandé à la délégation du FLNKS de tenter de convaincre la Nouvelle-Calédonie de signer l’accord de libre-échange – Nouméa n’a pas encore répondu… – signifie que le territore français est devenu très attractif pour le Fer de Lance. Ceci est renforcé par le fait qu’en juin 2013, c’est « la Nouvelle-Calédonie » – et non juste le FLNKS – qui a été désignée hôte du 19 e sommet, un autre signe de l’importance croissante du rôle que le GFLM souhaite que la Calédonie joue au sein de l’organisation.

39 Selon l’article 1.3 de l’accord institutant le GFLM, l’organisation peut inviter des observateurs, des membres associés et des invités spéciaux. La Nouvelle-Calédonie pourrait très certainement obtenir le statut d’invité spécial du GFLM, avant d’y devenir observateur, voire plus. L’implication financière et organisationnelle du gouvernement territorial dans l’accueil du 19e sommet mélanésien a été accompagnée d’une demande par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie – bien que moins insistante que sous la présidence Gomès19 – de statut de membre plein au sein du Fer de Lance. Cependant, 2013 n’en fut pas encore l’occasion. Déjà membre associé au Forum, la Nouvelle- Calédonie pourrait-elle recevoir un statut similaire au sein du groupe du Fer de Lance ? Cela ne risquerait-il pas de saper la position du FLNKS au sein du groupe mélanésien ?

40 Dans tous les cas, ce dernier devra trouver la bonne formule s’il veut accueillir les deux entités tout en conservant sa légitimité vis-à-vis de ses principes fondateurs. Le GFLM se trouve déjà confronté à une ambiguïté similaire vis-à-vis de l’Indonésie et de la Papouasie occidentale. Le rôle de Fidji, qui a été instrumental dans l’entrée indonésienne au sein du groupe mélanésien a illustré, une nouvelle fois, la relation complexe de Fidji avec le Fer de Lance, notamment sous le leadership de Bainimarama.

Le GFLM et l’ambiguïté du leadership de Bainimarama

41 Même avant l’arrivée au pouvoir de Bainimarama, les relations entre Fidji et le GFLM ont toujours été empreintes d’une certaine ambiguïté.

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42 Situé au cœur de l’Océanie, l’archipel fidjien a une identité ethnique duelle : bien que majoritairement mélanésien, sa partie orientale avec les îles Lau appartient à la zone polynésienne. L’île de Vanua Balavu, dans cet archipel, a été le berceau de la plupart des leaders fidjiens, dont son premier Premier ministre, le charismatique Ratu Mara (Huffer, 1993). Fidji se trouve ainsi dans une position spécifique, au sein de la région et au-delà. La plupart des organisations régionales, et internationales, y ont établi leurs bureaux ou agences. Fidji est en outre l’un des premiers – sinon l’unique – État océanien à s’être distingué sur la scène internationale, à l’ONU en particulier où il s’est engagé sur plusieurs causes (Huffer, 1993 ; Mrgudovic, 2008a, b) et participe régulièrement aux forces de maintien de la paix.

43 Le persistant refus initial de Fidji d’adhérer au GFLM a longtemps affecté la légitimité du groupe. Il reposait notamment sur le concept de Ratu Mara de la Pacific Way (Mara, 1997), un engagement pour la coopération et le développement régionaux, dans le cadre d’une approche consensuelle pan-Pacifique Sud qui plaçait Fidji dans une dimension régionale plutôt que sub-regionale. Ce concept fut parfois aussi perçu comme l’expression de l’ambition d’un leadership régional pour Fidji (Huffer, 1993), voire pour Ratu Mara lui-même. Pourtant, après les coups d’État de 1987, la PNG et le Vanuatu avaient été parmi les rares États océaniens à soutenir leur « frère mélanésien ». Invoquant le principe de non-intervention, le Premier ministre papou Somare était parvenu à empêcher le Forum de prendre position sur cette question (McQueen, 1990). En raison de son industrie sucrière fortement subventionnée par l’Union européenne [UE], mais aussi en raison du soutien français après les coups d’État de 1987, le « frère mélanésien » considéra que la France – et sa forte position au sein de l’UE – devait être traitée avec égard, notamment sur la question kanak (Huffer, 1993). Fidji s’était ainsi clairement désolidarisé du GFLM sur cette question (Mrgudovic, 2008ab). Toutefois, lorsque Fidji a finalement accepté de rejoindre le GFLM et sa zone de libre-échange en 1998, il est vite apparu que le partenariat commercial avec Fidji était, et demeure, une source d’instabilité pour le projet économique du Fer de Lance (Mrgudovic, 2008b). Pourtant, Fidji, ou son leader actuel qui vient de diriger le GFLM de 2011 à 2013, n’a-t-il pas aussi risqué de mettre en porte-à-faux la vision politique du groupe ?

44 Après le coup d’État du contre-amiral Bainimarama en 2006, puis l’annonce, en 2009, de l’abrogation de la Constitution fidjienne, le doute s’est intensifié chez la plupart des observateurs quant aux intentions du Premier ministre « intérimaire » de restaurer la démocratie parlementaire (Herr, 2010 :1). En conséquence, en 2009, Fidji a été suspendu du Forum ainsi que du Commonwealth. Bainimarama a, en retour, développé une stratégie diplomatique largement basée sur le GFLM, mais pas nécessairement pour le GFLM.

L’approche du Big Man

45 Selon White (2007 :10, notre traduction) : « […] le pouvoir politique en Mélanésie est traditionnellement personnel et local […]. C’est l’image du “Big Man” mélanésien – une personne dont l’autorité tient en partie à sa réputation personnelle » voire à sa richesse ou sa capacité à pouvoir agir, politiquement, sans avoir à en rendre compte à une quelconque autorité (Dix and Pok, 2009).

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46 La réputation et les actions de Bainimarama, qui a généralement bénéficié du soutien mélanésien, ont aussi généré des tensions importantes au sein du GFLM comme au moment du transfert de la présidence du groupe mélanésien à Fidji en 2010. Le président sortant du Fer de Lance, et du Forum, le Premier ministre du Vanuatu, Edward Natapei, avait refusé de transférer ses pouvoirs à Bainimarama au motif que celui-ci n’était pas un leader élu – alors que tout président du GFLM ne peut l’être qu’à cette condition20 – et que le gouvernement intérimaire fidjien était en violation des principes démocratiques du groupe. Bainimarama riposta en organisant ce qui fut initialement désigné comme une rencontre du « GFLM Plus », aussitôt rebaptisée « Engaging with Fidji » puis « Engaging with the Pacific » (May, 2011). Lançant un appel, au- delà du groupe mélanésien, à tous les PEID (petits États insulaires en développement) du Pacifique, Bainimarama déclara: « Je propose aussi assistance et coopération entre Fidji et les PEID sur une base bilatérale et au niveau régional. » (Bainimarama, 2010)

47 Le message du Big Man indiquait ainsi clairement la stratégie que Fidji entendait jouer sur la scène régionale, au niveau multilatéral et bilatéral, et le soutien qu’il entendait générer pour les petits États insulaires mais aussi – et surtout – pour Fidji.

48 Évincé du pouvoir ni-vanuatu par une motion de censure, Natapei fut remplacé en décembre 2010 par Sato Kilman, plus favorable au contre-amiral. Après une cérémonie traditionnelle de réconciliation entre les deux pays organisée par les îles Salomon21, Bainimarama fut officiellement désigné président du Fer de Lance. Cette action illustre à nouveau la détermination mélanésienne d‘empêcher l’isolement de Fidji et d’appliquer l’un des principes fondateurs du GFLM de soutien aux peuples mélanésiens. Or, une fois de plus, la politique fidjienne allait maltraiter la solidarité mélanésienne. En effet, en septembre 2011, en marge du traditionnel sommet des leaders du GFLM, Fidji organisa un second sommet « Engaging with the Pacific ». Il y présenta alors une « Charte du peuple », ébauche de la nouvelle constitution de Fidji – qui fut adoptée avant les élections parlementaires de septembre 2014 (Bainimarama, 2011). Réaffirmant la nécessité pour les PEID de collaborer avec Fidji, Bainimarama fit souvent référence à la légitimité mélanésienne (en raison de sa population et de ses richesses réelles et potentielles) à accompagner les PEID sur la voie du développement. Cependant, malgré ces références à la Mélanésie, le contre-amiral n’en fut pas moins accusé par certains d’avoir en réalité pris le Fer de Lance en otage à des fins stratégiques à vocation uniquement nationale – voire personnelle (Nikenike, 2011).

49 Une autre brèche à la construction mélanésienne est illustrée par le fait que c’est sous la présidence fidjienne du Fer de Lance que l’Indonésie fut invitée, en tant qu’observatrice, au sommet des leaders du GFLM de 2011 (Blades, 2011). L’initiative indiquait clairement la nouvelle direction que Fidji entendait faire prendre à l’organisation subrégionale, préférant le rapprochement avec l’Indonésie plutôt qu’avec la Papouasie occidentale, et favorisant ainsi les échanges commerciaux plutôt que la poursuite de l’idéal politique mélanésien.

50 Pourtant, l’effet le plus dommageable que la présidence de Bainimarama pourrait avoir eu sur le GFLM, et la région, tient à l’utilisation que le contre-amiral a faite du groupe mélanésien dans la gestion des relations que Fidji et l’Australie ont développées au cours des dernières années.

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Fidji et l’Australie : le pernicieux antagonisme

51 La politique australienne, organisée dès 2006, de sanctions et d’isolement diplomatique vis-à-vis de Fidji s’est en quelque sorte retournée contre Canberra. Alors que la Nouvelle-Zélande a progressivement montré des signes de bonne volonté pour reprendre le dialogue avec Fidji à partir de 2010 afin de l’encourager à relancer le processus démocratique (Mrgudovic, 2010), les autorités australiennes se sont entêtées à appliquer la méthode forte contre Suva. Des critiques contre Canberra ont alors émergé dans le pays et dans la région, voire au delà (Herr, 2010, 2012 ; Thomson, 2009). L’Australie a été de plus en plus directement accusée d’avoir introduit une politique perçue comme une menace directe à la cohésion régionale et à la crédibilité et la légitimité du FIP désormais, et plus que jamais, considéré comme l’instrument de la politique régionale de l’Australie (Namorong, 2012 ; Flash d’Océanie, 28/06/2012).

52 Paradoxalement, la réaction australienne a, en quelque sorte, renforcé la solidarité mélanésienne. Face à « une culture du coup d’État », aux reports des élections générales et au refus fidjien d’assister au sommet du Forum en 2008, le GFLM a continué à soutenir Suva. En invitant Bainimarama à la signature de l’acte constitutif du GFLM en mars 2007 (Flash d’Océanie, 27/03/2007), le but du Fer de Lance fut non pas de justifier la situation à Fidji mais plutôt d’empêcher l’isolement de l’État mélanésien. Le communiqué du Forum de 2008 l’illustre quand il rapporte l’offre de la PNG d’accueillir une réunion spéciale du Forum pour discuter spécifiquement de la question fidjienne afin de tenter de prévenir l’isolement du pays et d’aider à y rétablir rapidement le processus démocratique (FIP, 2008).

53 L’attitude australienne a également encouragé les États insulaires du Pacifique, et en particulier les États mélanésiens, à se tourner de plus en plus vers l’Asie pour leurs échanges commerciaux et de développement. Elle a aussi encouragé le GFLM, par la voix de son président Bainimarama, à promouvoir une nouvelle forme de régionalisme dégagé du contrôle australien – voire néo-zélandais – (Herr, 2012) sans toutefois chercher à en exclure ces deux États. La réévaluation que l’Australie a entreprise de sa « stratégie régionale », notamment vis-à-vis des États mélanésiens (PIPP, 2012), pourrait bien être dès lors l’étape nécessaire pour une redistribution salvatrice du pouvoir au sein de la région. Concernant Fidji, Canberra a annoncé une forte relance de son aide au développement, tout en la justifiant au niveau social et humanitaire mais en rejetant toute collaboration avec le gouvernement intérimaire fidjien (AusAid, 2012). Selon l’agence australienne de développement AusAid, cette volte-face de la politique australienne n’aurait pourtant rien à voir avec l’accroissement de la visibilité et de la reconnaissance de Fidji sur les scènes régionale et internationale.

54 Les succès diplomatiques croissants de Bainimarama auprès de nombreux États insulaires océaniens se sont pourtant traduits, à partir de 2012, par l’émergence d’une volonté internationale affirmée de renouer avec Fidji comme exprimée par le Japon, l’Indonésie, la Chine, ou encore la Russie. Toutefois une distinction demeurait entre Fidji et la personne de Bainimarama. Si l’État fidjien, et même ses ministres, furent de plus en plus souvent accueillis et donc « réhabilités » sur la scène internationale, ce n’en fut pas toujours de même pour Bainimarama, l’Australie continuant d’exercer une pression diplomatique importante tous azimuts. Ainsi, dans un souci de renforcer sa propre influence en Océanie face à l’activité croissante de la Chine dans la région, avec Fidji notamment, le Japon avait-il invité le contre-amiral au sommet Japon-Océanie

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(PALM) en mai 2012 (Wallace, 2012). Cependant, « convaincu » par l’Australie que « pas assez n’avait été fait pour lever les mesures draconiennes d’ordre public », le Japon fut finalement contraint de retirer son invitation au Premier ministre fidjien pour lui préférer son ministre des Affaires étrangères (Wallace, 2012, ma traduction).

55 Une situation similaire s’est produite en Nouvelle-Calédonie – quoique la pression australienne soit moins claire. Une visite ministérielle du GFLM pour évaluer les progrès de la mise en place du processus de l’accord de Nouméa y avait été prévue pour juillet 2012. Mais lorsqu’il fut annoncé que Bainimarama conduirait lui-même cette mission, certains élus anti-indépendantistes calédoniens (dont Philippe Gomès) s’opposèrent vivement à la venue d’un « dictateur mélanésien » sur le sol calédonien (Flash d’Océanie, 21/06/2012). « Dans un esprit de non-intervention dans la politique intérieure d’un pays », le GFLM décida alors de repousser cette visite à « une date plus appropriée », la Nouvelle-Calédonie ayant précisé que la mission – sans Bainimarama – « était toujours la bienvenue » (Flash d’Océanie, 26/06/2012). La même chose manqua de se reproduire en juin 2013 alors que le 19e sommet du GFLM allait s’ouvrir à Nouméa. Philippe Gomès tenta à nouveau de faire barrage à la venue de Bainimarama. Mais cette fois-ci, le ministère des Affaires étrangères français décida d’accorder un visa au contre-amiral, compte tenu des garanties apportées par ce dernier sur la tenue d’élections générales à Fidji prévues en septembre 201422.

56 La volonté croissante de normalisation des relations avec Fidji, exprimée aussi par la Nouvelle-Zélande, explique probablement pourquoi le nouveau Premier ministre australien, Tony Abbot, avait annoncé durant sa campagne électorale en septembre 2013, sa volonté de « normaliser les relations avec Fidji » (Herr et Bergin, 2013, notre traduction). La visite de la ministre australienne des Affaires étrangères à Suva le 15 février 2014 illustra la reprise d’une normalisation des relations entre les deux États (Hayward-Jones, 2014).

Bainimarama le visionnaire

57 Bainimarama, président du GFLM, a indubitablement apporté des éléments positifs au GFLM, à ses membres et à la région. En cherchant à sortir son pays de l’isolement, à lui redonner un rôle de leadership régional, Bainimarama a encouragé le reste des États et territoires océaniens à réfléchir et réagir. Tout d’abord, il a permis au GFLM de prendre une position centrale dans la région en endossant un rôle de médiateur. Le processus de réconciliation organisé entre Fidji et le Vanuatu a souligné la capacité du Fer de Lance d’éviter un nouveau risque d’instabilité voire de division entre ses membres. De même, le rôle de médiateur que le groupe mélanésien a joué entre le forum et Fidji a indiqué un net retour aux principes fondateurs du Fer de Lance pour la solidarité mélanésienne. En agissant en tant qu’intermédiaire entre Fidji et le forum, le GFLM a permis d’évacuer la tension entre Suva et la région, laissant l’Australie et la Nouvelle- Zélande dans une position de relatif isolement (Herr, 2011 ; Thomson, 2009) quoique cette dernière ait démontré plus rapidement sa volonté de reprendre le dialogue et de normaliser ses relations avec Fidji (Flash d’Océanie, 23/07/2012).

58 Bainimarama a aussi encouragé, à travers ses actions à la tête du GFLM, le reste du groupe mélanésien ainsi que les PEID à adopter la politique fidjienne du « Look North » et regarder au-delà de la région, vers le nord, l’Asie et l’ASEAN notamment – la PNG et Fidji en particulier souhaitent depuis de nombreuses années rejoindre cette organisation

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(Bainimarama, 2012). Se tourner vers les État asiatiques en général, perçus comme des partenaires commerciaux et fournisseurs d’aide au développement privilégiés, permettrait de réduire la dépendance régionale vis-à-vis de l’important soutien économique – et donc du contrôle – australien. La présidence fidjienne du Fer de Lance a aussi encouragé la réflexion – critique – sur l’accord PACER Plus et sur la justice et l’intérêt d’un tel projet pour les petits États insulaires en particulier (Kilman, 2011). La transformation en 2013 des sommets « Engaging with the Pacific » en une organisation régionale, le « Pacific Islands Development Forum » (« Forum pour le Développement des îles du Pacifique ») (PIDF) reconnue par l’ONU, symbolise la victoire de la stratégie de Bainimarama qui présente toutefois le PIDF non pas comme un rival mais comme le « complément » du FIP (PIDF, 2013).

59 Globalement, l’attitude du Big Man pourrait donc bien avoir redonné aux pays mélanésiens, voire à nombre de petits États insulaires du Pacifique Sud, une confiance en eux-mêmes que des années de régression économique ou de simple tendance à suivre l’impulsion australasienne avaient affectée. Mais elle pourrait aussi avoir sérieusement mis à mal la raison d’être politique du GFLM.

Prospectives et stratégies subrégionales

60 En 2012, le GFLM, sous présidence fidjienne, avait demandé à un « groupe de personnes éminentes » (GPE) d’établir un rapport sur le bilan des actions passées et la stratégie que le Fer de Lance devrait envisager pour les vingt-cinq prochaines années afin de poursuivre au mieux la réalisation de ses principes fondateurs originels. Présenté lors du sommet du GFLM de juin 2013, ce rapport, intitulé « renforcer le subrégionalisme du GFLM » indiquait la « direction » à suivre (MSG, 2013b, ma traduction). Celle-ci favorisait le plan économique, en promouvant la coopération et l’intégration économique, notamment au-delà du seul groupe mélanésien (MSG, 2013b). L’essence politique du GFLM fut aussi considérée. Ainsi, l’adhésion du FLNKS au groupe en 1990 avait créé un précédent quant à l’appartenance au groupe de membres non étatiques, et avait soulevé la question de la nature intergouvernementale du groupe. Dans son rapport, le GPE reconnaissait dès lors que « stratégiquement », le GFLM bénéficierait à accueillir de nouveaux membres (Pacnews, 24/06/2013). Le GPE suggéra que d’autres formes d’association au groupe pourraient être envisagées. Ainsi, concernant l’accueil d’un nouveau membre plein, une période préliminaire dite « de consolidation » devrait être requise par le GFLM. Celle-ci permettrait à l’État candidat de « consolider » ses frontières pour éviter tout conflit éventuel avec ses voisins sur « l’accès à ses richesses naturelles. » (Pacnews, 24/06/2013). Cette recommandation semblait porter principalement sur la Papouasie occidentale et l’Indonésie, mais probablement aussi sur la Nouvelle-Calédonie et la France. En dépit de ce rapport, le GFLM n’a toujours pas développé de politique concrète sur cette question. En outre, compte-tenu de la nature « intergouvernementale » de l’organisation, le rapport recommandait que son caractère « transitoire » soit considéré afin d’envisager la diversité de ses membres potentiels – étatiques et non étatiques – faisant du GFLM une organisation « intergouvernementale Plus », le but clairement affiché étant d’ « élargir la légitimité et diversifier les sources de financement » (Flash d’Océanie, 26/06/2013). Deux candidatures sont désormais à envisager en priorité : celles de la Nouvelle-Calédonie mais surtout celle de la Papouasie occidentale. D’ici à 2018, les Néo-Calédoniens vont se

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prononcer sur leur avenir. S’ils choisissent l’indépendance, la Nouvelle-Calédonie- Kanaky devrait normalement remplacer le FLNKS en tant que membre à part entière du GFLM. S’ils optent pour une autre solution – qui reste à déterminer –, le GFLM devra alors considérer, s’il ne l’a fait avant, une éventuelle adhésion néo-calédonienne – en raison notamment de son poids économique non négligeable. La Nouvelle-Calédonie pourrait ainsi se retrouver – en tant qu’observateur ou membre associé – aux côtés du FLNKS, membre à part entière. Plus préoccupante cependant, est la question de l’adhésion de la Papouasie occidentale à laquelle le Fer de Lance doit absolument apporter une réponse. Lors du sommet de juin 2013, l’Indonésie, observateur au GFLM, avait invité le groupe à envoyer une mission d’observation en Indonésie et en Papouasie occidentale. Cette mission, qui s’est finalement tenue en janvier 2014, a été décevante à plusieurs titres. Boycottée par le Vanuatu après le refus indonésien d’organiser une rencontre avec les représentants indépendantistes de Papouasie occidentale, la visite s’est transformée en une mission économique et commerciale du GFLM en Indonésie. Cependant le point le plus inquiétant et crucial de cette visite est la déclaration que le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono a cosignée avec les représentants du GFLM de non- ingérence dans leurs affaires intérieures respectives (Islands Business, 2014b)23. Principe fondateur du Fer de Lance, et toujours invoqué par la PNG quand la question de la Papouasie occidentale est évoquée, une telle déclaration pourrait bien avoir scellé le sort de la Papouasie occidentale. D’autant plus qu’au retour de cette visite, le représentant du FLNKS a émis un avis négatif sur l’actuelle candidature de la Papouasie occidentale auprès du GFLM tant que celle-ci ne serait pas présentée de manière collective par toutes les organisations indépendantistes de cette région – la demande est actuellement présentée par la West Papuan National Coalition for Liberation (Islands Business, 2014a). Il a toutefois suggéré que le GFLM pourrait aider les diverses organisations papoues à établir une demande commune (Radio New Zealand, 2014).

Conclusion

61 Durant les deux premières décennies de son existence, le GFLM s’est établi en se focalisant sur la Mélanésie et en se concentrant principalement sur ce qui allait permettre aux nations mélanésiennes de se (re)construire et de s’affirmer. Aujourd’hui, en tant qu’organisation officielle et reconnue au niveau régional et international, le GFLM semble vouloir regarder de plus en plus au-delà de la Mélanésie, voire de la région, essentiellement vers l’Asie.

62 Sa position ferme en faveur de Fidji semble avoir renforcé la stature du Fer de Lance. La région compte désormais avec lui, notamment l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ainsi que le Forum. Cependant, de nouveaux défis ont émergé qui soulignent le besoin pour le GFLM de clarifier ou redéfinir une stratégie politique et économique consensuelle. L’émergence d’une dynamique culturelle mélanésienne stagne. Par exemple, le festival de la Culture et des Arts mélanésiens vivote tandis que les Jeux mélanésiens, dont les premiers auraient dû être lancés en 2014 à Nouméa, en sont toujours au stade de projet. En réalité, ces évènements sont trop largement dépendants des soutiens financiers extérieurs pour être viables. Et ils ne connaissent et ne connaîtront qu’un succès très limité face aux événements régionaux du même type, plus rassembleurs, et mieux financés.

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63 L’« instabilité » mélanésienne, toujours sous-jacente, révèle que ces pays connaissent encore certains problèmes quant à l’accomplissement de leur affirmation identitaire « nationale » et donc mélanésienne. Afin de demeurer une organisation subrégionale cohérente et constructive pour la société mélanésienne et océanienne, le GFLM a réalisé qu’il devait faire son introspection. Avec la révision de ses principes fondateurs de 1988 et de sa Charte de 2007, le GFLM devrait aussi redéfinir et clarifier la place et le rôle des traditions et de la kastom au sein du groupe (Tarere, 2012), vecteurs identitaires largement négligés sous la présidence fidjienne du GFLM.

64 Le Fer de Lance s’est récemment avéré l’instrument le plus adapté pour faciliter et consolider le processus de reprise du dialogue entre Fidji et les instances océaniennes (étatiques et organisationnelles) et ainsi préserver la stabilité régionale quelque peu fragilisée ces dernières années. Un subrégionalisme émergeant venant à la rescousse d’un régionalisme affaibli, tous deux également nécessaires, illustre la façon dont le groupe du Fer de Lance mélanésien pourrait servir au mieux tous ses principes fondateurs. La dernière présidence du groupe l’a largement réorienté dans une perspective économique et régionale voire supra-régionale. Le défi pour l’actuelle présidence du Fer de Lance – le FLNKS la détient depuis juin 2013 et jusqu’en juin 2015 – sera donc de parvenir à conjuguer l’impératif du développement économique avec celui du soutien à l’affirmation de la souveraineté des peuples mélanésiens. Le FLNKS, plus qu’aucun autre membre du GFLM, en connaît l’importance.

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NOTES

1. Voir Mrgudovic (2003), pour une présentation plus détaillée des origines du GFLM et de son soutien au mouvement indépendantiste kanak. 2. Le Front de libération national kanak et socialiste (FLNKS) n’appartient qu’au GFLM. Voir plus loin.

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3. Comme la notion de « Pacifique Sud » a été abandonnée par les organisations régionales depuis 2000 sous prétexte qu’elle n’englobait pas les territoires situés au-dessus de l’équateur, la notion plus large de « Pacifique » prévaut désormais. Nous estimons que cette notion est beaucoup trop large et ne permet plus de distinguer la partie sud-ouest du Pacifique. Dès lors, nous choisissons de garder l’usage de la terminologie « Pacifique Sud » ou d’employer alternativement le terme d’Océanie, justifiable tant au plan géographique que sémantique. 4. Voir Tcherkezoff (2008) sur le fondement de la distinction entre les trois zones « culturelles ». 5. Voir, dans ce numéro spécial, l’article de Sémir Al Wardi sur les groupes subrégionaux polynésiens. 6. Les îles Salomon n’en sont toujours pas partie prenante par exemple. Et le 19e sommet du GFLM a lancé une troisième version de proposition pour cet accord (communiqué du GFLM, 20 juin 2013). 7. Pour une analyse des interprétations de la Pacific Way, voir Stephanie Lawson (2010). 8. On retrouve tout à fait cette perspective dans le discours « régional » de Bainimarama (voir plus loin). 9. Le « communalisme » est une forme d’allégeance à un groupe de personnes spécifiques. Son fonctionnement est moins organisé que celui du communautarisme et il renvoie souvent à des divisions ethniques ou religieuses. 10. Cette expression, de notre invention, symbolise la dynamique des trois États mélanésiens à l’origine du Fer de Lance. 11. À l’époque, seuls l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Fidji, la PNG et les îles Salomon étaient membres de l’ONU. Et, dès son mandat de secrétaire général de la CPS terminé, en novembre 1986, Francis Bugotu s’était lui aussi rendu aux Nations unies pour demander que la Nouvelle- Calédonie soit réinscrite sur la liste des territoires à décoloniser. 12. Finalement « offert » – construit et financé – par la Chine, comme tant d’autres bâtiments dans la région, il illustre ainsi une des facettes de la stratégie chinoise d’« intégration » régionale. 13. La PNG représente 80 % de la superficie totale des États insulaires du Pacifique Sud et de leur population (De Deckker, 2002). Cette revendication a d’ailleurs été reprise par l’actuel Premier ministre fidjien Bainimarama pour le compte de tout le groupe mélanésien (qui représente 85 % de la population océanienne insulaire et 98 % de sa surface terrestre). 14. Ce conseil rassemble la CPS, le Forum et huit autres organisations régionales liées au Forum telles que la FFA, la SOPAC ou encore l’USP, et assure le lien entre elles. 15. Seules 14,1 % des personnes interrogées, en 2011, considéraient les Timoriens comme des Mélanésiens (PIPP, 2011). 16. Notamment la question de la violation des droits humains des Papous par les autorités indonésiennes. 17. Un groupe qui rassemble 29 organisations de Papouasie occidentale promouvant l’unité nationale, la réconciliation et la consolidation internes (Ondawame, 2013). 18. Au moins 200 000 personnes auraient été tuées depuis le début des affrontements entre indépendantistes papous et forces indonésiennes (Bohane, 2013). 19. Lors de ce sommet, en juin 2013, le président du territoire, Harold Martin, avait admis que l’intégration de la Nouvelle-Calédonie au sein du GFLM dépendrait avant tout de ce qu’en déciderait le FLNKS (Nouvelle-Calédonie 1ère, 21/06/2013). 20. Lors de ce sommet, en juin 2013, le président du territoire, Harold Martin, avait admis que l’intégration de la Nouvelle-Calédonie au sein du GFLM dépendrait avant tout de ce qu’en déciderait le FLNKS (Nouvelle-Calédonie 1ère, 21/06/2013). 21. Cette cérémonie avait, en fait, été mise en place par Natapei lui-même alors qu’il était encore au pouvoir (Vurobaravu, 2011).

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22. Et probablement aussi en raison de l’achat par Fidji d’un deuxième Airbus A330, livré à Bainimarama lors de sa visite à Toulouse, en mai 2013. 23. Déclaration reprise, au niveau bilatéral, entre la PNG et l’Indonésie en février 2015 (Indonesian Ministry of Foreign Affairs, 2015).

RÉSUMÉS

Cet article examine la complexité du processus d’intégration régionale en Océanie à travers le cas du groupe du Fer de Lance mélanésien (GFLM). L’émergence de cette structure subrégionale en 1988 avait pour but d’affirmer la spécificité mélanésienne au cœur du Pacifique Sud. Or, en vingt- cinq années d’existence, le Fer de Lance ne semble pas avoir pleinement réalisé tous les objectifs qu’il s’était initialement fixés. Ses ambitions, politiques en particulier, ne sont qu’en partie réalisées. Quant à la récente présidence fidjienne du Fer de Lance, elle a tenté de donner une nouvelle stature régionale au groupe, mais y est-elle parvenue ? Cet article analyse les défis politiques, intérieurs et extérieurs, que le GFLM rencontre depuis sa création et considère ceux qui lui restent à relever.

This paper examines the complexities of regional integration in Oceania through the case study of the Melanesian Spearhead Group (msg). The emergence of a new subregional structure in 1988 aimed to support the development of the Melanesian identity within the South Pacific. However, after twenty-five years of existence, the Spearhead Group does not seem to have reached all its initial objectives. Its political ambition has only partly been achieved. The recent Fijian leadership of the msg has attempted to give a new regional dimension to the Melanesian group, but has it succeeded? This paper analyses how the subregional group has faced the challenges that emerged from its regional environment as well as from within its own structure. It finally considers the new challenges ahead for the Melanesian group.

INDEX

Keywords : Melanesian Spearhead Group, subregionalism, Independence, flnks, West Papua, Fiji Mots-clés : groupe du Fer de Lance mélanésien, subrégionalisme, indépendance, flnks, Papouasie occidentale, Fidji

AUTEUR

NATHALIE MRGUDOVIC School of Languages and Social Sciences, Aston University, Birmingham (GB)[email protected]

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Un peuple divisé ou les relations internationales dans le monde polynésien Divided People or International Relations in the Polynesian World

Sémir Al Wardi

1 Le 6 mars 2013 est créé, à Papeete, le groupe des parlementaires polynésiens (GPP) qui rassemble les représentants des Samoa américaines, des îles Cook, de la Polynésie française, de Tonga, Niue et Tuvalu1. Les représentants de Wallis-et-Futuna et de Rapa Nui (île de Pâques) sont acceptés comme observateurs. Étaient absents les représentants des Samoa et de Tokelau ainsi que les Hawaïens et les Māori. Ce groupe se distingue du groupe des leaders polynésiens (Polynesian Leader Group, GLP) créé en 2011 et qui rassemble, comme son nom l’indique, les responsables politiques ou les dirigeants polynésiens.

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Photo 1. – Les délégations à l’assemblée de la Polynésie française

De gauche à droite : Niki Rattle (îles Cook), Ahohiva Levi (Niue), Jacqui Drollet (Polynésie française), Kinikinilau Fakafanua (Tonga), Pelenike Tekinene Isaia (Tuvalu) et Savali Talavou Ale (Samoa américaines) (© Assemblée de Polynésie française)

2 Le monde polynésien, connu sous le nom de « triangle polynésien », est un des mythes fondateurs des sociétés polynésiennes, dans le sens proposé par Paul Geyer, « de la formation des identités et des questions de légitimation » (Geyer, 2007). Dès lors, le désir de se retrouver est une constante dans l’histoire de cet espace qui présente une grande homogénéité culturelle et linguistique (Feinberg and Mc Pherson, 2002 : 153). Le leader indépendantiste Oscar Temaru déclare bien à l’enterrement de la reine māori de Nouvelle-Zélande que : « Nous, les gens du Pacifique, nous sommes un seul peuple, une seule nation. » (Les Nouvelles de Tahiti, 21 août 2006)

3 Il ne s’agit pas de former ou de revendiquer un État polynésien mais de se faire reconnaître comme groupement de peuples autochtones et donc de se constituer en une communauté politique (Gagné, 2011 : 48). En effet, lors du sommet du Forum des îles du Pacifique à Auckland en septembre 2011, le Premier ministre samoan réunit les leaders de Tuvalu, Tonga, Niue et Cook pour leur proposer cette vieille idée de rassemblement des Polynésiens, possibilité évoquée régulièrement depuis plusieurs années. Le 17 novembre 2011, à , sous le nom de groupe des leaders polynésiens (GLP), le rêve du roi Taufa’ahau Tupou IV de Tonga et du leader samoan Malietoa Tanumafili II, selon le Premier ministre samoan, se réalise enfin (Talamua Media and Publications, Samoa, 18 novembre 2011). C’était aussi, selon Michel Paoletti, conseiller spécial du président de la Polynésie française, le souhait du secrétaire d’État au Pacifique Sud, Gaston Flosse en 1987. Ce dernier avait obtenu une lettre de mission du Premier ministre Jacques Chirac (n° 173/SG du 23 avril 1986), qui précisait qu’il était autorisé à établir des relations avec tous les États de sa zone de compétence pour mener à bien sa mission (Cordonnier, 1995 : 161). Gaston Flosse réunit effectivement à

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Paris, le 4 septembre 1987, en présence du Premier ministre Jacques Chirac, le Premier ministre des îles Cook, l’Honorable Robati et son ministre des Affaires étrangères (entretien avec Michel Paoletti, conseiller de Gaston Flosse, le 21 septembre 2013). Ils se mettent d’accord pour mettre en place rapidement la « communauté des peuples de Polynésie » et souhaitent associer les Samoa, les Samoa américaines et Tonga. Le siège devait se situer aux îles Cook et le Fonds Pacifique avait prévu de débloquer la somme de 200 000 francs français pour le secrétariat. Ce groupe avait un objectif culturel mais se voulait aussi le pendant du groupe mélanésien du Fer de Lance. S’agissait-il alors de contrer ce dernier groupe qui avait été formé un an auparavant essentiellement pour soutenir le FLNKS ? Les dates coïncident. Isabelle Cordonnier et Paul De Deckker soulignent le travail diplomatique de Gaston Flosse pour restaurer l’image de la France dans le triangle polynésien après les essais nucléaires et surtout après l’affaire du Rainbow Warrior (De Deckker, 1996 : 45). Mais le projet de « communauté des peuples de Polynésie » ne verra pas le jour, la France connaissant une nouvelle alternance politique.

Tableau 1. – Les États et territoires polynésiens dans les groupements GLP et GPP

GLP GPP

Samoa x

Samoa américaines x x

Tonga x x

Tuvalu x x

Cook x x

Niue x x

Tokelau x

Polynésie française x x

Autres peuples x x

Tableau 2. – Les membres du GPP en 2006

Total sièges Nbre de femmes %

Cook 24 2 8,0

Niue 20 3 15,0

Samoa 49 4 8,2

Tonga 30 1 3,3

Tuvalu 15 0 0,0

Wallis-et-Futuna 20 3 15,0

Polynésie française 57 31 56,0

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4 Paul De Deckker ajoute que, durant son secrétariat d’État, Gaston Flosse, après avoir vu la plupart des leaders du Pacifique Sud, « rencontra ses plus grands succès auprès de ses frères polynésiens avec lesquels il se sentait culturellement très proche », et de citer notamment Tupou IV, roi de Tonga, Sir Tom Davis, Premier ministre des Cook, Vaai Kolone, Premier ministre des Samoa et même Ratu Sir Kamisese Mara, Premier ministre Fidjien et père de la nation fidjienne, qui était en fait un grand chef coutumier d’origine tongienne (De Deckker, 2003 : 504). C’est ce désir profond de se retrouver entre soi qui pousse les leaders polynésiens à organiser l’embryon des deux sous-groupes régionaux (sub-regional group) GLP et GPP, groupes fragilisés par la faiblesse des moyens. Nous verrons ensuite comment la Polynésie française, successivement sous les présidences de l’indépendantiste Oscar Temaru et de l’autonomiste Gaston Flosse, vont se servir de ces groupes polynésiens sur la scène internationale.

Les sous-groupes polynésiens

5 Ces deux sous-groupes (GLP et GPP) ne sont pas des organisations internationales car ils ne rassemblent pas que des États. De plus, en précisant être ouvertes aux peuples et aux minorités, ces entités peuvent admettre en leur sein des territoires en association ou intégrés à des États qui, dès lors, n’ont pas besoin de l’accord de ces États. Par ailleurs, le groupe des leaders polynésiens assure vouloir protéger les cultures, les langues et les traditions communes. Le Premier ministre samoan, Tuilaepa Lupesoliai Sailele Malielegaoi, insistait dans son invitation aux leaders polynésiens en 2011 sur l’importance de l’héritage et de la culture commune comme fondement du groupe régional. Ce groupe (GLP) comprend les États souverains de Samoa, Tonga et Tuvalu, deux territoires associés à la Nouvelle-Zélande, Cook et Niue, un territoire néo- zélandais, Tokelau, un territoire non incorporé des États-Unis, les Samoa américaines, et la Polynésie française.

6 Ce groupe souhaite encourager la prospérité économique de ses membres, le développement de la démocratie et les droits de l’homme ainsi que le principe d’autodétermination. Dans le mémorandum d’entente (Memorendum of understanding) du GLP, il est précisé que le groupe est concerné par « l’impact des forces extérieures qui vont réduire les fondations de la culture, des traditions et des langues ». De la même façon, la charte du groupe des parlementaires polynésiens annonce, dans son article 2, participer à la « promotion de l’identité, de la culture et de la langue polynésienne ». Il s’agit aussi de favoriser les échanges entre les parlements ainsi que de « promouvoir le rôle des femmes dans les institutions polynésiennes ». Cette dernière préoccupation concerne tous les parlements. Il faut dire qu’en dehors de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, qui sont soumises à la loi sur la parité, les femmes n’ont que peu de chance de siéger à un parlement : le taux de femmes élues dans les parlements du Pacifique Sud est le plus faible au monde avec 4,1 % (Fraenkel, 2006 : 59).

7 On peut noter que chaque groupe, du Fer de Lance et des leaders polynésiens, se retrouve séparément avant chaque Forum pour s’accorder sur les sujets à débattre au sein du Forum. Il y a donc bien deux sous-groupes, mélanésien et polynésien, au sein du Forum. Ils sont présidés chaque année par un des membres. Sont membres du Forum du Pacifique Sud les îles Cook, Niue, Samoa, Tonga et Tuvalu. La Polynésie française, comme la Nouvelle-Calédonie, n’étant que membres associés.

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D’autres Polynésiens…

8 Le GLP est ouvert à tous les nouveaux membres ou observateurs qu’ils soient des États, des territoires et des populations indigènes. Ainsi à la réunion du GLP aux îles Cook en 2012, des délégations de Māori (Nouvelle-Zélande), de Hawaii et de l’île de Pâques étaient présentes. Les Māori Iwi ont demandé à devenir membre du GLP tandis que le groupe de Hawaiiens (« hawaiian indigenous polynesian group ») a souhaité essentiellement participer aux travaux du groupe en matière d’éducation et de santé. La charte du GLP précise également que sont acceptés comme membres observateurs, « les territoires ou une population autochtone polynésienne » comme le furent les représentants de Wallis et Futuna et de l’île de Pâques en 2013.

Une naissance tardive

9 Il faut bien reconnaître que ces deux institutions (GPP et GLP) apparaissent tardivement comparativement au Forum du Pacifique Sud en 1971 et au groupe mélanésien du Fer de Lance en 1986, même s’il faut attendre 2007 pour la charte de ce dernier. L’« Island Business » avance que cette création tardive est due à des raisons économiques et géographiques : contrairement aux Mélanésiens, les États et territoires polynésiens sont de petites tailles, très éloignés les uns des autres avec peu de populations et peu de ressources naturelles (septembre 2012). Ce manque de moyens financiers est d’ailleurs évoqué à chaque réunion des deux sous-groupes GLP et GPP. C’est que ces deux institutions polynésiennes ne comprennent pas certains États figurant dans le triangle polynésien à savoir les plus puissants : les États-Unis (pour Hawaii et les Samoa américaines) et la Nouvelle-Zélande. C’est d’ailleurs l’argument avancé par le président de l’assemblée de la Polynésie française, Jacqui Drollet, qui explique que « c’est une question de taille » car, selon lui, il est préférable d’abord de réunir des pays de petite superficie et à faible population (Tahiti Info, 6 mars 2013). Il s’agit donc de se réunir sans la présence imposante des deux grandes puissances régionales que sont les Américains et les Néozélandais. Auparavant, pour le GLP, la participation de la Nouvelle-Zélande était aussi qualifiée de « compliquée » par le Premier ministre samoan Tuilaepa Sailele Malielegaoi. Nathalie Mrgudovic rappelle qu’au Forum également : « La question de l’adhésion de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande a pu, à un certain moment, être source d’interrogations. » (Mrgudovic, 2003 : 283)

10 Si les deux grands États ont été finalement admis au Forum, ce n’est pas le cas pour les trois sous-groupes régionaux, à savoir le groupe du Fer de Lance, le GLP et le GPP. Paul De Deckker rappelle que pour l’ancêtre du GLP, la « communauté des peuples de Polynésie » en 1987, la Nouvelle-Zélande était très réticente car : « [elle] y voyait un facteur potentiel de déstabilisation du rapport socio ethnique […] entre Pakeha et Māori. » (De Deckker, 1996 : 45)

11 Se réunir sans les puissances régionales, c’est prendre un risque financier : lors du troisième sommet du GLP, par exemple, les membres ont été contraints de rappeler, au point trois du communiqué, « la nécessité pour le GLP, durant ses premières années d’agir avec précautions et de manière souple, eu égard aux moyens de ses membres » (Tahiti-infos.com, 2013). Se retrouver « entre soi », entre peuples autochtones polynésiens, n’est pas aisé mais le désir reste fort face aux puissances régionales.

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Rappelons, par ailleurs, que l’Australie et la Nouvelle-Zélande financent à 75 % le budget du Forum.

Une solidarité des puissants

12 Il faut dire que ces deux grands États (Australie et Nouvelle-Zélande) expriment souvent une certaine solidarité avec la France depuis la fin des essais nucléaires et l’apaisement de l’affaire calédonienne. La France n’est plus, comme auparavant, « isolée au plan régional » (De Deckker, 2003 : 493). Ces périodes de grandes tensions entre les deux puissances régionales et la France laissent la place à une bonne entente : ainsi le Parliamentary Secretary for Pacific Islands Affairs, Duncan Kerr, déclare que dorénavant la volonté de l’Australie est : « de voir les collectivités françaises [y] jouer un rôle plus significatif dans les affaires régionales. » (Brown, 2012 : 394)

13 Cette solidarité s’exprime, par exemple, par le rejet de la demande de la réinscription de la Polynésie française dans la liste des pays à décoloniser ou, autre exemple, par le choix de pousser la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française à trouver des solutions internes avec leur métropole. Le Premier ministre néo-zélandais, John Key, par exemple, répète à l’envi que les solutions seront à trouver entre la France et la Polynésie (Regnault, 2013 : 201). Jean-Marc Regnault analyse le refus de la Nouvelle- Zélande et de l’Australie notamment comme un échange de bons procédés : une place au Conseil de sécurité de l’ONU en échange du rejet de la réinscription. D’ailleurs, l’Australie a déjà obtenu son siège en octobre 2012 et la Nouvelle-Zélande l’a réclamé, le 23 septembre 2013, lors d’une visite de son Premier ministre en France et le recevra à partir de janvier 2015 (Le Figaro, 16 octobre 2014). Fabrice Argounès confirme à ce propos que la France longtemps critiquée, « demeure aujourd’hui un partenaire important de l’Australie » notamment pour la surveillance maritime et la stabilité de ces territoires (Argounès, 2012 : 109). Ces deux puissances régionales ont effectivement l’intention de maintenir un « leadership sur les espaces mélanésiens et polynésiens » (Fisher, 2012 : 193). Enfin, ces trois États font partie du même monde des puissances occidentales et collaborent dans des exercices militaires conjoints (« Croix du Sud ») ou dans le dispositif FRANZ (France – Australie – Nouvelle-Zélande) de gestion post- catastrophe et de sécurité des mers. Un monde stable, riche, bien différent de celui de certains peuples autochtones.

Une zone instable ?

14 Lors de la première réunion du GPP à Papeete, chaque président ou représentant des parlements ont analysé leur propre vie politique. Des vies politiques faites d’instabilité chronique, de nomadisme politique2, de mandats inachevés, auxquels s’ajoutent des fragilités face au changement climatique et des ressources insuffisantes. Même le royaume de Tonga connaît une certaine instabilité politique : par exemple, le 8 octobre 2012, une motion de censure a été déposée pour renverser le Premier ministre Lord Tu’ivakano. Il se maintient par le score fragile de 13 contre 11 voix. Trois ministres avaient préalablement démissionné. Aux îles Cook, après une forte instabilité politique due au nomadisme politique chronique, le parti majoritaire souhaite, avant les élections prévues le 17 novembre 2013, obliger tous les candidats à s’engager à ne pas pratiquer le nomadisme. À Tuvalu, après plusieurs mois de crise politique, une motion

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de censure renverse le Premier ministre Willy Telavi le 2 août 2013 en faveur d’Enele Sopoaga, élu trois jours plus tard. Notons que c’est le gouverneur général Sir Italeli Iakoba qui a exigé l’ouverture des débats au Parlement car son président Kamuta Latasi souhaitait ajourner les débats six semaines. Pour résumer la situation de Tuvalu comme un micro État à haut degré d’instabilité politique, rappelons que de 1985 à 2006, il y a eu 19 motions de censure dont quatre qui ont abouti. Mose Saitala, originaire de Tuvalu qui a travaillé sur la gouvernance pour le PNUD et le Forum du Pacifique, explique, lors d’un colloque, que sur 13 ans, tous les gouvernements ont eu du mal à terminer leur mandat de quatre ans (Saitala, 2007). La Polynésie française a connu une grande instabilité de 2004 à 2011 avec 11 présidents de la Polynésie française, la première cause étant toujours le nomadisme politique. Ces États et territoires polynésiens partagent donc cette instabilité politique, cette fragilité économique et même écologique. Ce sont aussi des États et territoires contraints le plus souvent à une grande migration des travailleurs.

Tableau 3. – L’instabilité politique en Polynésie française

Date de l’élection du président de la Polynésie Titulaire de la Parti politique française fonction

30 juin 2004 Oscar Temaru UPLD

Tahoera’a 22 octobre 2004 Gaston Flosse Huiraatira

3 mars 2005 Oscar Temaru UPLD

26 décembre 2006 Gaston Tong Sang To Tatou Ai’a

13 septembre 2007 Oscar Temaru UPLD

Tahoera’a 23 février 2008 Gaston Flosse Huiraatira

15 avril 2008 Gaston Tong Sang To Tatou Ai’a

11 février 2009 Oscar Temaru UPLD

17 avril 2009 Oscar Temaru UPLD

24 novembre 2009 Gaston Tong Sang To Tatou Ai’a

1er avril 2011 Oscar Temaru UPLD

Pourquoi ces institutions polynésiennes ?

15 Au travers de ces deux groupes, il semble que les Polynésiens souhaitent se faire entendre en Océanie : le gouverneur des Samoa américaines, Togiola Tulafono, explique que le groupe GLP est une opportunité pour se faire entendre dans les affaires régionales (Pacific Islands report, PIDP/East-West center, 2011). S’agit-il de fonder un groupe pour contrer le groupe mélanésien du Fer de Lance ? Le Premier ministre samoan Tuilaepa Sailele Malielegaoi et le Premier ministre de Niue, Toke Talagi, ont affirmé dès septembre 2011 que ce groupe ne présentera pas un contrepoids au Fer de Lance mélanésien ou au groupe micronésien (Pacific Scoop, septembre 2011)3. Or, se faire

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entendre c’est aussi s’affirmer par rapport aux autres groupes. Le Premier ministre des îles Cook se défend aussi de viser, par le nombre accru des sous-groupes mélanésiens, polynésiens et micronésiens, un affaiblissement du Forum des îles du Pacifique : « Certains, y compris à Washington, ont cette idée selon laquelle la croissance des sous-régionalismes, via le groupe mélanésien Fer de Lance, le groupe des dirigeants polynésiens et même maintenant les Micronésiens, lance un signal indiquant un démantèlement lent du Forum. Je ne suis pas d’accord. Leurs positions sont basées sur des suppositions qui ne sont pas correctes. Au contraire, on pourrait dire beaucoup de choses à propos du sous-régionalisme. Cela permet à des groupements ayant des intérêts en commun de traiter de problèmes qui ne sont pas forcément pertinents pour d’autres, et qui peuvent donc être mieux abordés au sein d’un cercle d’amis. Si nous utilisions cette notion de sous-régionalisme pour cultiver une proximité avec nos voisins, alors des solutions peuvent apparaître, des solutions qu’on n’aurait pas pu trouver dans des espaces régionaux plus larges. Donc, le sous- régionalisme, il est là pour longtemps. » (Flash d’Océanie, 3 septembre 2013)

16 Par ailleurs, tous les groupes régionaux mettent en avant leurs cultures et leurs identités. Nous avons déjà expliqué le désir puissant de rassembler les peuples autochtones polynésiens. Peut-on imaginer que ce sont des groupes qui se rassemblent sur des bases ethniques ? Cette question n’a pas toujours le même sens dans la culture politique républicaine et la culture politique anglo-saxonne. Si pour la culture politique « française » il s’agit d’un fondement essentiellement culturel, les choses peuvent être différentes pour les autres cultures politiques. Par exemple, pour le média samoan Talamua il n’y a aucun doute ; il s’agit clairement « d’unir tous les groupes ethniques polynésiens » (Talamua Media and Publications, Samoa, 18 novembre 2011). Il est d’ailleurs curieux de voir ces entités, les deux groupes polynésiens (GLP et GPP), le Micronesia Challenge et le groupe mélanésien Fer de Lance, se regrouper selon une géographie héritée de l’époque coloniale (Tcherkézoff, 2009). Avant l’étonnement de Serge Tcherkézoff, Cluny Mc Pherson et Richard Feinberg posaient la question des limites de la Polynésie : au-delà du fameux triangle polynésien, notent-ils, il y a un nombre d’îles jugées polynésiennes dans l’espace mélanésien ou micronésien comme Tikopia, Bellona ou même Anuta dans les îles Salomon et Nukumanu en Papouasie Nouvelle Guinée (Feinberg et Mc Pherson, 2002 : 192).

17 On peut noter également que ce sont les ethnies qui l’emportent sur la « réalité politique ». Autrement dit, ce sont les Kanak qui sont membres du GMFL et non les Calédoniens comme cela a été tenté en 2009 par le président Philippe Gomès (Fisher, 2012 :192). Et encore moins la France ! Même si le congrès de Nouvelle-Calédonie a passé des conventions avec le GMLF, c’est essentiellement par le biais de son président Roch Wamytan. À ce propos, le groupe du Fer de Lance déclarait en 2012 : « Monsieur Wamytan est le président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et il est également membre éminent du FLNKS. Grâce à son initiative, le congrès de la Nouvelle-Calédonie offre une aide financière au secrétariat du GMFL. » (Flash d’Océanie, communiqué du GMFL de février 2012)

18 D’ailleurs, comme le rappelle Denise Fisher, le GMFL a soutenu le Vanuatu contre la France en 2009 à propos des îles Matthew et Hunter et devient critique dans l’application de l’Accord de Nouméa (Fisher, 2012 :192). De la même façon, ce sont les Polynésiens de Polynésie française qui sont membres du GLP ou du GPP et non la France. Et, on peut continuer avec les observateurs comme les Hawaiiens et non les Américains, les Māori et non les Néo-Zélandais etc. Rappelons que, paradoxalement, pour reprendre Richard Feinberg et Cluny Mc Pherson, les Māori et les Hawaiiens (native Hawaiians)

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représentent un « quart monde » dans des États puissants (Australie et Nouvelle Zélande) (Feinberg et Mc Pherson, 2002). Et ces derniers États correspondent à la destination des migrations polynésiennes (Gille, 1999).

19 Enfin, on peut avancer que les indépendantistes polynésiens vont se servir de ce groupe polynésien comme l’a fait auparavant le FLNKS avec le Forum et le groupe du Fer de Lance. Mais pour Bruno Peaucellier, ancien chef du service des relations internationales de la Polynésie française, si le groupe du Fer de Lance a été crée essentiellement pour soutenir le FLNKS, la création du GLP a été évoquée au départ par une lettre remise à Edouard Fritch, représentant du président autonomiste Gaston Tong Sang, lors du Forum des Cook en 2010, lettre qui contenait une proposition de coopération culturelle, économique et de protection des traditions polynésiennes (entretien avec Bruno Peaucellier, 14 septembre 2013). Ainsi, l’indépendantiste Oscar Temaru, au pouvoir l’année suivante, va plutôt profiter de cette aubaine pour faire passer sa revendication portant sur la réinscription de la Polynésie française dans la liste des pays à décoloniser de l’ONU. Il va, dit Bruno Peaucellier, « instrumentaliser le GLP à des fins partisanes ».

20 Rappelons, en effet, que le groupe mélanésien du Fer de Lance (GMLF) a été créé en 1986 par la Papouasie Nouvelle-Guinée, les îles Salomon et le Vanuatu pour soutenir dans « une solidarité mélanésienne », le mouvement de libération Kanak (Mrgudovic, 2003 : 283). D’ailleurs, un communiqué du GMFL du 31 janvier 2013, à l’occasion de l’ouverture (tardive) de la cellule du FLNKS au siège du groupe à Port-Vila confirme bien en rappelant : « Les lien historique du FLNKS et du GMFL ayant donné naissance à la création de l’organisation dans le seul but de soutenir les Kanak dans leur quête d’émancipation politique. » (News Pad –Pacific info, communiqué de presse du GMFL, 31/01/2013)

21 Ces États mélanésiens estimaient les positions polynésiennes trop proches des grands États du Pacifique Sud (Mrgudovic, 2003 : 289). Mais on peut ajouter, selon Michel Pérez, Fidji qui s’alignait sur la position des deux puissances régionales « plus circonspectes » (Pérez, 2003 : 532). Nathalie Mrgudovic note donc une certaine frustration des Mélanésiens face au Forum. En fait, c’est déjà une forte frustration à l’égard du Secrétariat Général de la Communauté du Pacifique (CPS), dans laquelle aucune discussion politique n’était possible, qui expliquait la création du Forum du Pacifique. Et c’est donc une autre frustration qui crée le groupe du Fer de Lance avec la volonté d’être entre îliens, entre Mélanésiens sans les puissances régionales, sans l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Nathalie Mrgudovic écrit ainsi que : « le groupe mélanésien du Fer de Lance (GMLF) est né, pourrait-on dire, d’une double frustration. » (Mrgudovic, 2003 : 177)

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Photo 2. – Les délégations parlementaires dans le bureau du président de l’assemblée

(© Assemblée de Polynésie française)

22 Cela rappelle fortement les motivations des Polynésiens pour la création des deux sous- groupes. Il est vrai que la présence à la CPS de la France, des États-Unis et des deux puissances régionales, posaient un certain nombre de problèmes aux petits États du Pacifique Sud. Dès lors, la présence de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande au forum entraîne aussi un embarras et pousse les Mélanésiens à créer le groupe du Fer de Lance. Nathalie Mrgudovic ajoute qu’effectivement c’est grâce au Fer de Lance qui a agi : « auprès des autres membres du Forum […] obtenant, l’année de sa création, le ralliement de l’organisation régionale à sa cause avec l’inscription de la Nouvelle- Calédonie sur la liste du comité des vingt-quatre. »

23 Le groupe du Fer de Lance est donc le « défenseur de la cause indépendantiste kanak » (Mrgudovic, 2003 : 177). Paul De Deckker raconte qu’en 1988, en échange d’un accord de coopération dont le volet financier était conséquent, le Premier ministre fidjien proposa à Bernard Pons, ministre de l’Outre-mer : « sous la forme d’un contre-don, d’intervenir auprès des leaders Kanak pour calmer la situation de tension existant en Nouvelle-Calédonie. » (De Deckker, 2003 : 501)

24 La solidarité mélanésienne peut connaître donc des variations. Il faut dire qu’après le coup d’État de 1987, Fidji était isolé. De la même façon, des prudences peuvent exister pour l’espace océanien, le Premier ministre fidjien Laisenia Qarase précisant pour la Polynésie en 2004 : « Nous soutenons (les indépendantistes polynésiens)… mais ce processus revient entièrement à eux et au gouvernement français. Nous n’avons pas à nous en mêler. » (Regnault, 2013 : 187)

25 En fait, dès mars 2011, le groupe du Fer de Lance apporte aussi son soutien aux indépendantistes polynésiens lorsque son président demanda à son homologue du Forum de soutenir la démarche d’Oscar Temaru.

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Les sous-groupes polynésiens et les revendications de la Polynésie française sur la scène internationale

26 Rappelons que la Polynésie française peut s’expri-mer dans ces sous-groupes car il ne s’agit pas de relations internationales classiques dans un cadre étatique. Si c’était le cas, il faudrait l’autorisation de la République française. L’article 42 du statut de la Polynésie française précise bien que : « la Polynésie française peut, avec l’accord des autorités de la République, être membre ou membre associé d’organisations internationales du Pacifique ou observateur auprès de celles-ci. En outre, le président de la Polynésie française ou son représentant peut être associé, avec l’accord des autorités de la République, aux travaux des organismes régionaux du Pacifique dans les domaines relevant de la compétence de la Polynésie française. » (loi organique du 27 février 2004, JORF 12/03/2004)

27 Mais dans les domaines de compétences de la Polynésie, l’article 39 ajoute que « le président de la Polynésie française peut, après délibération du conseil des ministres, négocier, dans le respect des engagements internationaux de la République, des accords avec tout État, territoire ou organisme international ». L’État peut s’y opposer dans un délai d’un mois. La liberté est donc réduite.

Une ambiguïté dans les relations internationales de la Polynésie française

28 Au sommet France-Océanie, en juillet 2003 à Papeete, le président de la République, Jacques Chirac, propose de laisser les collectivités territoriales françaises du Pacifique Sud rayonner au bénéfice indirect de la France. Il déclare : « La France souhaite contribuer à la stabilité et au développement de cette région du monde […] nous allons revivifier le dialogue et la coopération avec les États voisins. Avec le statut d’autonomie renforcée dont elle bénéficie, la Polynésie aura plus de liberté pour s’impliquer dans la construction de ce nouveau partenariat […] c’est la voie du rayonnement de la Polynésie et donc de la France […]. » (Discours du 26 juillet 2003 du président de la République à Papeete )

29 Pour ce faire, Jacques Chirac relance le « Fonds de coopération économique, sociale et culturelle pour le Pacifique » qui sera présidé par Gaston Flosse les deux premières années. C’est une relance de la politique du secrétaire d’État au Pacifique Sud entre 1986 et 1988 (Cordonnier, 1995 : 168). Ainsi, ces collectivités françaises devaient exercer une influence dans la région essentiellement anglophone : les Polynésiens, par exemple, pénètrent ce monde océanien, qui est leur monde, avec en arrière la France et l’Union européenne. Mais les méfiances réciproques n’ont pas toujours permis cette stratégie d’éclore ; par exemple : « Lors de la quatrième conférence des États insulaires du Pacifique qui s’est tenue en Polynésie française (Pacific Island Development Program, PIDP) en juin 1993, le Territoire a fait inscrire sur tous les badges officiels les seuls termes “Tahiti Nui 93”, ceux de Polynésie française ne figuraient ni sur les badges ni dans les programmes, au grand mécontentement des autorités de l’État dont le ministre des DOM-TOM présent pour la circonstance. Lors de la réunion du cinquième PIDP du 10 au 12 juillet 1996 à Fidji, Gaston Flosse fait hisser le seul drapeau polynésien et jouer l’hymne territorial. Les représentants de l’État sont surpris d’autant, selon le directeur de cabinet du haut-commissaire, “qu’il s’agit d’une réunion des États du

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Pacifique Sud […] nous avons donc considéré que cette mission, dans le cadre général des missions fixées par le président de la République à M. Flosse dans le Pacifique Sud, entrait dans le cadre des visites officielles”. » (Al Wardi, 1998 : 290)

30 Cet objectif a encore été évoqué en 2013 lors de la visite du Premier ministre néo- zélandais en France par ces termes : « Le président de la République a rappelé le rôle joué par la France dans le Pacifique et le soutien apporté au développement de la coopération entre les collectivités françaises et les États riverains. » (Communiqué de la présidence de la République du 23 septembre 2013)

31 Pourtant, les malentendus sont toujours présents entre la Polynésie française et la métropole.

L’oubli délibéré de l’article 53 de la Constitution

32 Le président de la République, Nicolas Sarkozy, va créer un certain émoi en présentant ses vœux pour l’outre-mer en janvier 2010 sur l’île de la Réunion : « Nous nous sommes dotés d’une Constitution qui nous permet de la souplesse. Eh bien, je compte en faire bon usage dans le respect de la volonté exprimée par les populations concernées avec une seule ligne rouge, mes chers compatriotes, que je n’accepterai jamais qu’elle soit franchie, c’est celle de l’indépendance. L’outre-mer est français et restera français. » (Sarkozy, 2010)

33 La volonté des peuples a donc une limite précise, c’est l’indépendance. Or, le président de la République qui normalement « veille au respect de la Constitution » (art. 5) remettait en cause ce qui semblait être une liberté particulière et intangible dévolue aux anciens territoires d’outre-mer français et garantie par le texte suprême ; la possibilité de s’émanciper prévue à l’article 53, alinéa 3 de la Constitution. Il n’y a aucune « souplesse » dans la lecture de la Constitution surtout après toutes les confirmations de cette éventualité par le Conseil constitutionnel. Mais surtout, Aimé Césaire expliquait bien que : « ce n’est pas l’octroi de liberté qui pousse les peuples coloniaux à la sécession, c’est le refus de liberté […] » (JORF, séance du 18/09/1946, Ass. nat. constituante )

34 Cette déclaration a des conséquences que son auteur n’avait certainement pas imaginées : la perte de crédibilité du gouvernement dans une solution interne à la République dans ses rapports avec l’outre-mer. Dès lors, il semblait indispensable d’introduire un nouvel acteur dans les relations entre la France et la Polynésie à savoir les Nations unies. C’est du moins l’argument présenté par les Polynésiens.

La résolution de l’assemblée

35 Le 18 août 2011, l’assemblée de la Polynésie française approuve à la majorité la résolution demandant au président de la République de « bien vouloir faciliter la réinscription de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser », d’engager des discussions « dans la perspective d’une évolution statutaire » et au secrétaire général des Nations unies « de bien vouloir inscrire cette demande de réinscription […] à l’ordre du jour d’une prochaine Assemblée générale » (résolution n° 2011-2 APF). Si, le vote s’est déroulé dans une certaine confusion, la majorité est incontestable. Les partis autonomistes ont déposé, en vain, un recours auprès du tribunal administratif. La majorité a été possible grâce notamment à deux

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représentantes. Une des représentantes, Éléanor Parker du groupe des « îliens » Te Mana o te Mau Motu, déclare : « Je voterai contre l’indépendance, si nous en arrivons là, mais je vote pour la résolution pour qu’on en parle et qu’on avance. » (Les Nouvelles de Tahiti, le 19 août 2011)

36 Puis ce sera au tour d’une représentante du parti autonomiste Tahoeraa Huiraatira, Mme Heifara Izal, en fait A’ia Api ancien allié de l’UPLD, de voter pour. Cette résolution ouvre la porte des instances internationales à Oscar Temaru qui se rend au sommet du Forum à Auckland. Mais il n’y a pas encore de groupe polynésien à cette époque pour l’épauler. Jean-Marc Regnault explique qu’Oscar Temaru cherche alors le soutien des Églises en allant d’abord à Samoa pour recevoir le soutien du Pacific Conference of Churches (Regnault, 2013 : 199). Il reçoit, le 2 septembre 2011, l’appui de la plateforme régionale appelée Engaging with the Pacific Leaders ( EWPL)4 qui se réunit à Nandi (Fidji) chaque année depuis 2010 avec les représentants des États et territoires du Pacifique Sud sous la présidence du Commodore Bainimarama : dans son communiqué final, les chefs d’État et de gouvernement reconnaissent l’aspiration de la Polynésie française à l’autodétermination (point 8) et demande la réinscription de la Polynésie dans la liste du comité de décolonisation des Nations unies (point 10).

Un rendez-vous manqué

37 À cette réunion du Forum, la France dépêche son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, pour convaincre l’organisation de ne pas contenter Oscar Temaru. Ce qui fut fait grâce, encore une fois, aux alliés australiens et néo-zélandais. Le communiqué soutient, comme en 2004, le droit à l’auto-détermination des peuples, mais réitère : « ses encouragements envers la Polynésie française et la France pour qu’elles recherchent une approche consensuelle sur les moyens de réaliser le droit de la Polynésie française à l’auto-détermination » (site du ministère de l’Outre-mer)

38 Le ministère de l’Outre-mer n’a pas apprécié l’utilisation des termes de Maohi Nui à la place de Polynésie française par Oscar Temaru. Le même ministère reconnaît toutefois qu’Oscar Temaru avait obtenu le soutien « de la plupart des petits États du Pacifique mais pas celui de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande ». C’est abonder dans le sens du sénateur indépendantiste, Richard Tuheiava, qui déclare qu’il y a : « Une fissure au sein du Forum entre les pays qui estiment que les intérêts du Pacifique sont prioritaires, et les pays qui ont décidé, avec le leadership de l’Australie et la Nouvelle-Zélande, que les intérêts européens dans la zone devaient primer sur la solidarité familiale. » (Les Nouvelles de Tahiti, 8 septembre 2011)

39 Il s’agit bien de la solidarité entre Polynésiens, voire entre Océaniens. Cette fissure était déjà présente et a justifié la création des groupes mélanésiens, micronésiens et polynésiens. Ces petites îles souhaitaient se retrouver entre elles sans les influentes puissances régionales, à savoir l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

40 L’année suivante, à la première réunion fondatrice du groupe des leaders polynésiens à Apia, le 17 novembre 2011, c’est l’indépendantiste Oscar Temaru qui représente la Polynésie française. Ce dernier avait expliqué dans un courrier au Premier ministre des îles Cook, , qu’il serait à la tête de la « délégation Maohi Nui » mais ajoute clairement qu’il cherchera encore le soutien du GLP pour la réinscription de la Polynésie dans la liste des pays à décoloniser. Il annonce qu’il représentera encore une fois la résolution de l’assemblée de la Polynésie française adoptée l’année précédente. Le nom

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devient, dans le communiqué final, tour à tour Ma’ohi Nui, French Polynesia puis French Polynesia / Tahiti.

Le soutien du Forum ?

41 Le leader indépendantiste Oscar Temaru est encore présent au premier sommet formel du GLP qui se déroule aux îles Cook juste avant le Forum des îles du Pacifique. Et Oscar Temaru arrive à ses fins : le 30 août 2012, la presse samoane précise que le groupe des Leaders polynésiens approuve le droit de la Polynésie française à l’autodétermination (Savali Newspaper, 30 août 2012). Le Premier ministre Tuilaepa Sailele Malielegaoi déclare, avec l’accord de tous les leaders, que « si c’est la volonté de la population de Tahiti Nui, alors le GLP supportera cette revendication au niveau du Forum. » (Savali Newspaper, 30 août 2012) Il ajoute que « la colonisation est une survivance du passé ». Dans le communiqué final du 25 août 2012, il est bien précisé que « à l’initiative du président du Maohi - French Polynesia », le groupe du GLP apporte son soutien à la réinscription de la Polynésie française. Dès lors, fort de ce nouvel appui, Oscar Temaru demande officiellement au Forum des îles du Pacifique d’aider à la réinscription de la Polynésie dans la liste des pays à décoloniser de l’ONU.

42 Quelques mois plus tard, le 6 mars 2013, se réunissent à Tahiti les parlementaires polynésiens à l’invitation du président de l’assemblée Jacqui Drollet pour créer le GPP, l’autre organe polynésien. Et, dès le premier jour, le vice-président de la Polynésie, l’indépendantiste Tony Géros n’hésite pas à demander aux présidents des parlements et aux parlementaires présents de soutenir la Polynésie française dans sa demande de réinscription. Mais, il n’y a eu aucune réponse des participants qui visiblement ne s’y attendaient pas. Le GPP, trop récent, ne servira donc pas la Polynésie française pour sa réinscription contrairement au GLP.

Photo 3. – La prière de clôture

(© Assemblée de Polynésie française)

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La réinscription à l’ONU

43 Le 17 mai 2013, la Polynésie française est finalement réinscrite sur la liste de l’ONU des pays à décoloniser à la demande des Samoa, Nauru, Tuvalu, Salomon et du Timor oriental ; la résolution ayant été adoptée par consensus. La France s’est opposée à cette réinscription. Notons que malgré le soutien du GLP et du EWPL, les autres États membres de ces deux organisations n’ont pas déposé de demande auprès des Nations unies. Seuls cinq États du Pacifique Sud ont clairement manifesté leur désir de réinscription de la Polynésie française. De la même façon, le Forum des îles du Pacifique n’a pas soutenu la réinscription. Encore une fois, les deux puissances régionales, l’Australie et la Nouvelle- Zélande, ont d’une part, empêché le Forum des îles du Pacifique de se prononcer en faveur de cette question et d’autre part, exercé des pressions diplomatiques sur les États du Pacifique Sud (Regnault, 2013 : 205).

44 Ce même jour, Gaston Flosse, dont le parti Tahoeraa Huiraatira venait de remporter les élections territoriales, est élu président de la Polynésie par les représentants à l’assemblée de la Polynésie française par 38 voix sur 57. La veille, la même assemblée avait adopté un vœu dans lequel il était notamment précisé d’une part, que le président Oscar Temaru ayant été élu par une majorité de circonstance, dès lors, il ne pouvait se targuer de représenter la volonté de la majorité des Polynésiens et d’autre part, que les électeurs ont rejeté cette politique aux élections territoriales du 21 avril et 5 mai 2013 (vœu n°2013-1 V APF du 16 mai 2013). Le vœu rappelle que, selon la Constitution, une émancipation n’est possible qu’avec le consentement de la population intéressée et les dernières élections ont montré le refus d’indépendance de cette même population. Ainsi, les élus exigent le retrait de la demande de réinscription de la Polynésie française de la liste des pays à décoloniser.

Le retour de Gaston Flosse

45 Le 3e sommet du GLP se déroule le 30 août 2013 à Auckland et c’est Gaston Flosse qui est élu président du groupe à la demande du président sortant, le Premier ministre des îles Cook Henry Puna. Il faut dire que la proximité de ces deux îles donne un caractère particulier aux relations entre la Polynésie française et les îles Cook. Par ailleurs, des officiels se présentent pour, peut-être, ne pas laisser le champ libre aux diverses associations hawaiiennes et māori : ainsi, le chef du bureau des affaires hawaiiennes et le ministre néo-zélandais en charge des affaires Māori sont acceptés en qualité d’observateurs.

46 Le communiqué final précise que « les dirigeants ont élu à l’unanimité et offert la présidence du GLP pour le mandat 2013-2014 au président de la Polynésie française, sur recommandation du président sortant » qui est le Premier ministre des Cook. Il s’agit de faire tourner la présidence par ordre alphabétique selon le même communiqué. Le communiqué insiste sur les migrations nécessaires entre les membres afin de procurer des emplois aux populations démunies et aussi des effets du changement climatique sur les îles. Le groupe désigne son président pour présenter au Forum sa proposition d’aide au peuple polynésien victime de ce changement climatique. Et, pour la Polynésie française, le communiqué précise :

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« Notée la résolution adoptée par l’assemblée de Polynésie française réaffirmant le choix démocratique de sa population de demeurer une collectivité d’outre-mer autonome. » Le groupe indique simplement : « [avoir] pris connaissance de la résolution adoptée par l’assemblée de la Polynésie française réaffirmant le choix démocratique de sa population pour rester une collectivité d’outre-mer très autonome. » (Les Nouvelles de Tahiti, 2 septembre 2013) Et à la fin de la réunion du GLP, il est précisé que : « Le Premier ministre des Samoa Tuilaepa Malielegaoi, a dit apprécier, au nom des dirigeants du sommet, la présidence compétente du président Flosse. » (Les Nouvelles de Tahiti, 2 septembre 2013)

47 Notons que ce même Premier ministre a soutenu fermement la réinscription de la Polynésie française dans la liste des pays à décoloniser à la demande d’Oscar Temaru. C’est la « Polynesian way » peut-être…

48 Au sommet du Forum, Gaston Flosse a présenté deux résolutions dont la première consiste à protester contre la réinscription. La seconde est un ensemble de propositions pour faire face au réchauffement climatique. Les deux résolutions ne furent pas retenues parce que le Forum d’une part, a approuvé la Déclaration de Majuro sur le Climat et d’autre part, n’a pas souhaité, encore une fois, entrer dans ce débat interne à la France.

Le tournant des institutions régionales ?

49 Peut-on dire, qu’à l’instar du groupe du Fer de Lance qui, selon la thèse de Nathalie Mrgudovic, a perdu sa raison d’être avec la mise en place du processus d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie, que l’élection en Polynésie de Gaston Flosse, fait perdre au GLP également sa justification ? Est-ce l’une des raisons de placer Gaston Flosse à la tête de ce groupe afin de le régénérer ? Et espérer que le GLP, comme le groupe du Fer de Lance, s’occuperont plus d’économie que d’émancipation ? Dans la Charte du GMFL de 2007, il est précisé dans son article 2, que l’objectif du groupe est de : « promouvoir et de renforcer entre ses membres le commerce, les échanges culturels… afin de servir les objectifs partagés […] de croissance économique, de développement durable, de bonne gouvernance et de sécurité. » (Mrgudovic, 2008 : 186)

50 Le nouveau président du GLP, Gaston Flosse, déclare aussi avoir discuté essentiellement « de la mobilité de la main-d’œuvre polynésienne et la recherche de pays qui pourraient offrir du travail aux Polynésiens » (Les Nouvelles de Tahiti, 30 août 2013). Il a été question de la libre circulation des touristes et des travailleurs dans les États et territoires polynésiens grâce à un « laissez-passer polynésien ». Ce point marque la différence entre les États souverains et les territoires dépendants car ces derniers ne peuvent, en général, disposer des entrées et sorties du territoire, compétence qui relève de la souveraineté.

51 Dès le second sommet du GLP, le 25 août 2012, le sous-groupe élargit ses préoccupations au développement social, les migrations, des échanges entre membres, aux infrastructures, au tourisme, à la prospérité économique, aux énergies, à l’environnement et au changement climatique et enfin au développement d’internet. Les membres proposent également de réfléchir sur un festival des Arts polynésiens afin de promouvoir la culture.

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52 Lors du troisième sommet du GLP, les dirigeants se sont penchés sur plusieurs dossiers comme celui du câble sous-marin Hawaiki, l’initiative Nansen sur le changement climatique et le projet Océania 21 sur le même problème. Or ces trois projets ne sont pas uniquement polynésiens mais océaniens. Les grands projets ne peuvent se limiter à une région mais englobent forcément l’ensemble de la zone du Pacifique Sud. Se limiter à la zone Polynésienne ne semble pas réalisable pour ces types de projet. Mais précisément le GLP peut se faire entendre pour que l’on n’oublie pas les petits États polynésiens dans les grands projets du Pacifique Sud. Ce rôle diplomatique du GLP, conformément aux vœux du gouverneur des Samoa américaines, Togiola Tudu, n’est pas négligeable.

Conclusion : Une diplomatie schizophrène ?

53 Le GLP et le GPP apparaissent encore embryonnaires dans les relations internationales du Pacifique Sud mais souffrent déjà d’un manque de moyens. Gaston Flosse proposa au dernier sommet d’établir le siège du GLP à Tahiti. Ce point ayant été reporté, il a créé un bureau des affaires du Pacifique au sein de la direction des affaires internationales et européennes en Polynésie française. Selon le communiqué du conseil des ministres du 11 septembre 2013 : « Ce bureau […] sera notamment chargé d’assister le président de la Polynésie française dans ses relations avec les États, territoires et organisations du Pacifique, de contribuer à l’organisation de conférences se tenant en Polynésie française ou dans l’un des pays et territoires de la région, et de proposer les modalités d’attribution d’aides apportées à des populations sinistrées dans la région. »

54 Ce même communiqué ajoute que le prochain sommet du groupe des leaders polynésiens, GLP, prévu en 2015, sera organisé en Polynésie française. De plus, la première et seule réunion du GPP a été entièrement financée par la Polynésie française et le Fonds Pacifique. Tahiti peut donc avoir un rôle appréciable dans les relations entre peuples autochtones polynésiens grâce aux financements du pouvoir local et de l’État. C’est que la France trouve aussi un intérêt à ces relations internationales.

55 D’une relation entre la France et son outre-mer placée sous le signe de l’exclusive, c’est- à-dire avec l’interdiction pour ces territoires d’échanger avec leurs voisins, exclusive qui disparaît en 1981 et 1982, nous sommes passés à l’idée des territoires têtes de pont entre la métropole et le reste du Pacifique (Rocard, 2013 : 20).

56 Autrement dit, la France souhaite intervenir en Océanie grâce à ses territoires : si, pour reprendre Denise Fisher, la France n’est pas considérée comme étant vraiment du Pacifique, ces peuples d’Océanie le sont (Fisher, 2012). Leur permettre d’engager des dialogues dans la région, ne peut lui être que bénéfique. Le ministre de l’Outre-mer, Victorin Lurel, rappelle que : « La France est ancrée dans le Pacifique et se doit, à travers ses collectivités, d’interagir en permanence avec l’étranger proche. Elle encourage l’établissement de relations directes entre les entités françaises et ces pays amis. » (Lurel, 2013 : 135)

57 Une façon d’être sans être du Pacifique, particulièrement lorsque le ministre ajoute que « La France est fière et heureuse de compter en son sein ces mondes polynésiens et mélanésiens qui entrent en résonnance avec leurs voisins aborigènes et māori. Ils permettent à travers l’affirmation de leur culture, de leur identité, de leurs

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coutumes, de rendre la France plus présente, plus diverse et plus riche. » (Lurel, 2013 : 135)

58 Remarquons cet effort de terminologie : depuis que ces peuples de l’outre-mer ne sont que des « populations », peut-on les remplacer par les termes « d’entité » ou de « monde » ? Rappelons que le terme de peuple a été remplacé par celui de population lors de la révision de la Constitution en 2002 et que Victorin Lurel s’était écrié alors : « Vous flattez celles et ceux qui ont peur […] Vous venez de prendre une décision liberticide. » (Assemblée nationale, 2e séance du mercredi 27 novembre 2002) Suivi par la députée Mme Taubira qui ajoute : « Pour moi, la “population”, c’est un concept statistique, alors que le “peuple” est un concept historique. Et je ne peux pas concevoir que l’on passe par pertes et profits l’histoire de nos territoires, de nos peuples, la construction de nos identités dans une histoire extrêmement douloureuse et violente […] Tout cela manque de courage. » (Taubira, 2002)

59 La réforme était menée par la ministre de l’Outre-mer Brigitte Girardin, représentante spéciale de la Polynésie française à Paris en 2014. Comment peut-on dénier à ces peuples d’être « peuple » puis de les « exhiber » fièrement ? De plus, en réponse à la déclaration du ministre de la Défense, Yves Le Drian, qui affirmait le 2 juin 2013 que « La France se considère comme une puissance de cette région, car elle y a des territoires et une population », la Chine et la Russie se sont montrées dubitatives (Le Monde, 2 juin 2013)5. L’amiral Chinois Li Ji a même précisé que « pour nous, la France c’est en Europe ». Il faudra donc convaincre bien au-delà du Pacifique Sud !

60 En revanche, pour les peuples d’Océanie française, il s’agit parfois de dialoguer avec les autres peuples d’Océanie, considérés comme leur peuple, pour revendiquer notamment leur émancipation de la France qu’elle soit totale ou non. C’est aussi le moyen de s’affirmer comme océanien avant tout, dans un esprit clanique.

61 Paradoxalement le soutien d’un État tel que la France peut être ressenti comme une nécessité. D’une part, les territoires français et les micro-États ont besoin de la marine française pour exercer la police maritime sur la zone économique exclusive, source de grandes richesses, et d’autre part, les États pauvres du Pacifique Sud ont besoin des crédits de la France qui est selon l’ancien Premier ministre, Michel Rocard, « le plus gros apporteur de crédits d’aide publique à ces petits pays oubliés du monde que sont le Vanuatu et les îles Fidji » (Rocard, 2013 : 20).

62 Tout cela s’accompagne d’un besoin général de financements, d’aides de la France et de l’Union européenne6. Et c’est donc à travers les territoires français d’Océanie que la France apparaît. La France est d’ailleurs le seul État de l’Union européenne présent dans le Pacifique Sud et bientôt un bureau de l’Union européenne ouvrira à Nouméa. Dès lors, pour la diplomatie française, l’idée d’intervenir en Océanie, grâce à ces territoires du Pacifique, pourrait se réaliser. Roch Wamytan, par exemple, en tant que président du Congrès, ayant visité en 2012 le Vanuatu, les îles Salomon, la Papouasie- Nouvelle-Guinée et Fidji, affirma dans une perspective d’une coopération interparlementaire (comme le GPP pour les Polynésiens), que : « C’est une volonté politique affichée, affirmée et confirmée par l’ensemble de la classe politique calédonienne et par l’État français que la Nouvelle-Calédonie prenne sa place au sein de la grande famille océanienne et notamment mélanésienne, puisque la Nouvelle-Calédonie est d’abord un pays mélanésien. » (Flash d’Océanie, le 30 septembre 2013)

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63 L’idée de la diplomatie française de se faire représenter dans le Pacifique Sud par les peuples autochtones des territoires français de l’Océanie, alors que les relations mêmes entre la métropole et les élus locaux sont souvent complexes, est-elle crédible ? Cela dépend du territoire, du moment et des perspectives. Pour la Polynésie française, les relations entre l’État et le pouvoir local ont souvent été difficiles quelle que soient les majorités nationale et locale (Al Wardi, 1998 : 294). Les intérêts sont trop souvent divergents localement, les malentendus trop fréquents, pour donner une image d’unité à l’extérieur, unité nécessaire à ce qui représente vraiment une belle et généreuse idée : les Polynésiens parlant à leurs frères en leur nom, au nom de la France et même de l’Europe.

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NOTES

1. Les six présidents de parlements présents sont Savali Talavou Ale pour les Samoa américaines, Niki Rattle pour les îles Cook (première femme à ce poste), Ahohiva Levi pour Niue, Kinikinilau Fakafanua pour Tonga. Tuvalu est représenté par Pelenike Tekinene Isaia (voir photo 1). 2. Une définition du nomadisme politique : « En Polynésie, les élus ont souvent estimé qu’ils étaient libres d’utiliser leur mandat et ainsi de s’associer avec n’importe quel parti politique après leur élection. Autrement dit, la culture politique polynésienne donne une relative autonomie aux élus pour négocier leur appartenance à un parti en fonction de leurs intérêts et surtout de celui de leur électorat » (Al Wardi, 2008 : 26). 3. Le Micronesia Challenge rassemble les États fédérés de Micronésie, Palau, les îles Marshall, Guam et les îles Mariannes à des fins essentiellement écologiques. 4. Le Pacifique Sud dispose de plusieurs institutions, groupes informels ou plate-forme comme le Pacific Small Island Developing States (PSIDS) ou le Micronesia Chiefs Executive’s Summit (MCES) dans le Pacific Institute of Public Policy. 5. Il s’agit d’un discours au forum annuel sur la sécurité régionale du Shangri-La Dialogue, à Singapour. 6. 400 millions d’euros au titre du 10e FED (2008-2013).

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RÉSUMÉS

Le président de l’assemblée de la Polynésie française a invité les 6 et 7 mars 2013 huit présidents, ou leurs représentants, des Parlements polynésiens (Cook, Niue, Tonga, Tuvalu, Samoa, Samoa américaines, Rapa Nui et Wallis et Futuna). Pour la seconde fois, après le GLP, un accord a été conclu entre des Polynésiens séparés par les différentes colonisations. Il manquait toutefois les Hawaïens et les Māori. Chaque délégué a présenté la vie politique de son pays. Ainsi, au-delà des différences, une vision politique a émergé : rapports affectifs, clientélisme, nomadisme politique… il s’agira donc d’analyser à la fois ce nouveau rapprochement, la culture politique polynésienne et les relations internationales des peuples polynésiens.

The President of the Assembly of French Polynesia invited the Presidents or their representatives of eight Polynesian Parliaments (Cook, Niue, Tonga, Tuvalu, Samoa, American Samoa, Rapa Nui and ) on the 6 and 7 March 2013. For the second time, after the PLG, an agreement was reached between Polynesians long separated by different forms of colonisations. However, the representatives of Hawaii and Māori did not attend. Each delegate presented the political life of his country. Thus, beyond the differences, a political vision emerged: emotional relationship, clientelism, political nomadism… this paper will therefore consider this new rapprochement together with this Polynesian political culture and the Polynesian international relation.

INDEX

Mots-clés : groupe des parlementaires polynésiens (gpp), groupe des leaders polynésiens (glp), culture politique, nomadisme politique, Polynésie française Keywords : Polynesian Parliamentary Group (gpp), Polynesian Leader Group (glp), political culture, political nomadism, French Polynesia

AUTEUR

SÉMIR AL WARDI Maître de conférences en science politique Université de la Polynésie française, laboratoire Gouvernance et développement insulaire (EA4240) ; [email protected]

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Les transformations du politique : leaderships et question environnementale en Polynésie française Politics in Change, Leaderships and the Environmental Issue in French Polynesia

Rudy Bessard

1 Les métamorphoses de la « Terre-patrie », selon la formule d’Edgar Morin, concernent en particulier l’émergence des nouveaux enjeux environnementaux à l’échelle planétaire. En effet, à l’heure de l’Anthropocène (Bonneuil et Fressoz, 2013), les changements climatiques et la question énergétique amènent à reconsidérer le champ du politique et les manifestations du leadership politique. Le renouvellement des enjeux globalisés concerne également les transformations technologiques dans le sillage de la troisième révolution industrielle (Rifkin, 2011). Elle repose sur un big bang technologique, caractérisé par une convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, de sciences de l’information/communication et des sciences cognitives, dans un processus accéléré à même de modifier les sociétés humaines (Poirson et Miailhe, 2013). Dans ce contexte, les défis politiques s’articulent de plus en plus en fonction d’enjeux mondialisés en termes de domination (Hibou, 2011), de démocratie (Milacic, 2006), de rivalités économiques (Stiglitz, 2008) et de ressources géopolitiques liées au contrôle des océans (Royer, 2012). Les transformations globales expriment l’apparition d’un nouveau monde encore peu déchiffrable (Morin, 2007), dont les nouvelles potentialités et contraintes n’écartent pas de leur spectre la « mer d’îles » océaniennes (Hau’Ofa, 2008). Ainsi, les collectivités françaises du Pacifique (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna), qui présentent des spécificités contrastées (voir l’introduction du dossier), sont confrontées à ces mutations, en particulier sur le plan environnemental (Trichet et Leblic, 2008) ; la Nouvelle-Calédonie est ainsi un « point chaud » de la biodiversité mondiale confrontée à l’exploitation minière (Richer de Forges et Pascal, 2008). Au moment où la 21e conférence internationale Paris Climat 2015 se déroulera à la fin de l’année 2015 en

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France (http://www.cop21.gouv.fr/fr) et à laquelle la présidence de François Hollande attache une importance particulière, la question environnementale résonne mondialement dans l’attente d’interventions politiques permettant un accord universel sur le climat. En Océanie, la Polynésie française fait partie des principaux territoires directement concernés par les dérèglements climatiques et la transition énergétique. À partir du cas polynésien, cet article interroge les différentes formes de leadership politique dans leur rapport avec les transformations environnementales. De quelle manière ces leaderships mobilisent-ils des ressources politiques ou institutionnelles pour répondre à l’émergence de nouveaux enjeux environnementaux, climatiques et énergétiques ? Le texte s’appuie sur des éléments collectés sur le terrain de recherche (données scientifiques, littérature en sciences humaines, rapports institutionnels, articles de presse et entretiens), qui avaient été mis de côté durant la thèse, soutenue en 2013, puis, accumulés lors de séjours à Tahiti en février-mars et juin 2014 dans le cadre des activités de recherche en science politique1.

Politique et environnement

2 L’apparent paradoxe entre le rôle fondamental du politique et la nature des enjeux technologiques et environnementaux, tels que la « démocratie numérique » (Cardon, 2010 ; Casilli, 2010) ou la « démocratie écologique » (Bourg et Whiteside, 2010) par exemple, peut s’expliquer à première vue par les différentes temporalités des champs d’action qui leurs sont relatifs. À la lenteur du politique s’oppose la vitesse de transformations mondiales accélérées et interconnectées. L’étude séparée des transformations environnementales d’un côté et technologiques de l’autre n’a de sens que pour l’intelligibilité du propos. Ainsi, la notion de « techno-environnement » a été définie à partir de deux éléments qui font système : « L’environnement utile d’une société donnée est donc relatif aux techniques et aux savoirs dont elle dispose. Réciproquement, les sociétés produisent les savoirs et les techniques appropriées à un environnement donné. » (Laburthe-Tolra et Warnier, 2003 : 330-331)

3 Dans cette optique, le champ de l’environnement étant désormais mondial, les sociétés humaines produisent des connaissances et des technologies à un rythme jamais observé dans l’histoire humaine. La réponse du politique face à ce constat oscille entre discours alarmistes, proclamations d’intérêt général et une action publique d’une ampleur insuffisante. Le renouvellement d’enjeux politiques universels entrecroisés implique pourtant la mise en relation des enjeux environnementaux avec les problématiques sociales et politiques. La démarche théorique d’Hannah Arendt définit la politique comme un espace relationnel – « La politique prend naissance dans l’espace intermédiaire et elle se constitue comme relation » –, qui « organise d’emblée des êtres absolument différents en considérant leur égalité relative et en faisant abstraction de leur diversité relative » (1995 : 43). De fait, penser l’espace public ou commun conduit à mettre en évidence les enjeux relatifs aux questions environnementale – et technologique : par exemple, les projets de « maison amphibie » ou de « bateau-nation » (Le Monde, 3-4/02/2008) –, souvent délaissés ou peu approfondis dans le débat politique.

4 Par la conciliation d’apparentes contradictions et d’intérêts opposés, la politique peut aussi être analysée en tant que conflit dont le sujet a vocation à s’universaliser, ou, comme un affrontement constant entre deux processus de gouvernement ou de police –

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au sens d’activité ordonnatrice de la société – et d’égalité, au sens du jeu des pratiques relatives à l’émancipation (Rancière, 2004).

5 Les mutations environnementales, mais aussi l’attractivité des nouveaux médias ou des technologies dans ces territoires, montre la capacité d’accueil des innovations dans les sociétés du Pacifique, qui appelle à désenclaver la pensée au sujet de territoires qui ne sont pas prisonniers d’une altérité indépassable. D’ailleurs, un intérêt mutuel entre les îles du Pacifique et « le reste du monde » pourrait être décelé dans l’échange entre la mondialisation et les systèmes de pensée ou de valeurs véhiculés en Océanie (Babadzan, 2009). Certains de ces aspects portent également une vision non séparée des rapports entre l’homme et la nature, envisageant plutôt le cosmos comme un ensemble (Saura, 2008). C’est d’ailleurs sous cet angle que le sénateur polynésien Richard Tuheiava2 présente ses conceptions : « Cette façon de vivre, cette croyance, cette cosmogonie mérite de participer et de contribuer à l’universel. » (Massau, 2010 : 16)

6 Par ailleurs, articuler la question des transformations environnementales avec le politique appelle à la prise en compte des apports de l’anthropologue Bruno Latour, qui a posé sans détour le problème du dialogue entre les sciences studies et la science politique, qui s’appuie sur des données élaborées dans d’autres disciplines (Latour, 2002 ; 2008). Toutefois, plusieurs limites à ces perspectives ont été relevées par Pierre Favre, en particulier sur la l’absence de séparation entre « science » et « politique » (Favre, 2008). Sans se perdre dans les méandres du débat sur l’identification des objets politiques, il reste que les problèmes environnementaux appellent des réponses publiques, définies dans le cadre de politiques publiques, ou intégrées dans le cadre de stratégies des acteurs ou des partis politiques.

7 La manifestation sociale de différentes formes de leadership en rapport, par leurs discours ou leurs actions, avec la problématique environnementale, développent une portée politique, dès lors qu’on entend le politique par la non-réciprocité, autrement dit « ce qui ne se donne ni ne s’échange » (Seiler, 2006). Le caractère souverain du politique ne remet cependant pas en cause l’approche en termes de science politique de l’ensemble des entités politiques du Pacifique, bien qu’elles ne jouissent pas toutes des attributs de la souveraineté étatique.

8 Ainsi, plusieurs défis politiques dans le Pacifique insulaire concernent la définition des formes futures de l’architecture institutionnelle ou juridique de ces territoires, ainsi que l’évolution de systèmes politiques très divers dans la région. Ces écosystèmes politiques, autant de Pacific Ways (Levine, 2009) selon le politiste Stephen Levine, sont marqués par une histoire, et une culture spécifiques, ainsi que par un pluralisme juridique (Bambridge et Rigo, 2012). Ils sont néanmoins inscrits dans la mondialisation (Demmer et Salaün, 2006) et dans la modernité politique. Les individus votent, se présentent aux élections, forment des partis politiques, expriment leur attachement pour un leader, un gouvernement, l’opposition, etc. Les formes de la démocratie ne sont pas le calque des modèles tels qu’ils sont pratiqués dans les pays occidentaux, mais ils n’en demeurent pas moins dépourvus de « sens démocratique » (Wittersheim, 2006 ; 2014).

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Leadership et transformations environnementales

9 Le caractère spécifique du politique est décelable dans différents processus de légitimation des leaderships politiques ou institutionnels en mesure de faire face à la complexité des mutations contemporaines. L’approche des leaderships politiques et sociaux est intéressante parce qu’elle s’avère interactive entre les transformations générales et les sociétés particulières. C’est-à-dire que l’analyse des leaderships est heuristique, puisqu’elle permet de considérer les interactions entre les mutations globales et les sociétés politiques des territoires du Pacifique.

10 La notion de leadership, définie comme « la capacité d’un représentant à gérer de façon dynamique des rapports de pouvoir au sein d’un groupe » (Braud, 2004 : 681), est mobilisée dans des travaux qui alimentent la dimension compréhensive des phénomènes de pouvoir chère à Max Weber. Ainsi, le leadership politique renvoie à des phénomènes de domination et de légitimité, d’échange et de réciprocité (Smith et Sorbets, 2003). Il se limite à ceux qui exercent leur autorité au nom de l’intérêt général et inclut les leaderships dont la légitimation est de nature institutionnelle ou sociale (États, organisations internationales, groupes sociaux, individus en situation de pouvoir). Le leadership transactionnel, le plus courant en régime démocratique, se distingue du leadership de recomposition. Le leadership transactionnel se fonde sur « l’attente d’un échange mutuellement productif » (soutien par le vote contre promesses de réalisation). La dimension du clientélisme en tant qu’institution sociale apparaît dans cette approche. Elle est utile à la compréhension du contexte politique polynésien, dans lequel le clientélisme scande des rapports politiques personnalisés et représente le principal mode de médiation politique entre l’État et le territoire polynésien, entre autorités politiques nationales et notables tahitiens, ou entre l’électeur et son représentant. Le clientélisme peut aussi représenter une des formes de néopatrimonialisme. Ce concept, utile pour mettre en relief le chevauchement des ressources publiques et privées (Bessard, 2013 : 569-654), englobe les pratiques de clientélisme, de corruption ou de népotisme. En outre, le recours à la ressource politique de la mobilisation identitaire appartient également aux manifestations du leadership transactionnel en Polynésie française, où les partis autonomistes et indépendantistes utilisent différemment la politisation du récit identitaire de la « polynésianité » (Celentano, 2002 ; Saura, 2008 ; Bessard, 2013 : 358-368).

11 Le leadership de recomposition correspond à l’attitude dynamique d’un dirigeant qui vise à transformer les cadres de la représentation. Ce leadership peut prendre une forme personnalisée ou idéologisée. Dans le cas d’un leadership personnalisé, l’interaction est basée sur « l’autorité charismatique » (Weber, 2004 [1921]) ou sur le « leadership héroïque » (Burns, 1978). Si le leadership politique classique exprime la recherche du maintien du statu quo (logique de conservation du pouvoir), le concept de leadership de la transformation, ou « leadership transformationnel », représente un outil conceptuel dérivé de cette notion, qui provient de l’approche du leadership développée par James Burns dans le concept de transforming leadership (Burns, 2007). Elle a été notamment utilisée par Bernard Bass (transformational leadership) dans un registre managérial, en définissant quatre éléments d’un leadership transformationnel efficace : charisme, inspiration, stimulation intellectuelle et considération. L’organisation (ou l’institution) est revitalisée par l’énergie transmise par le leader. Dans sa forme normative, le leadership transformationnel modifie les valeurs et les attitudes des suiveurs pour

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atteindre des buts plus élevés (paix, justice, liberté), le plus souvent, en vertu d’une éthique. La fin de ce type de leadership arrive quand l’imposition des transformations devient impopulaire. Le passage d’un leadership transactionnel à un leadership transformationnel est marqué par la mutation d’un leader « courtier » à un leader acteur majeur d’un changement social en redistribuant du pouvoir à ses suiveurs à partir d’objectifs de long terme (Burns, 2007).

12 Appliqué à la sociologie politique, à la sociologie des organisations et à l’étude d’entrepreneurs mondialisés, le concept peut aussi être transposé de façon intéressante à l’échelle étatique, dans le sillage de la conception d’un État entrepreneur en matière d’innovation (Mazzucato, 2011). Cette approche schumpetérienne remet en cause certains dogmes opposés à l’interventionnisme étatique, en montrant le « court- termisme » du secteur privé. Pour autant, une critique similaire peut être formulée à propos de la professionnalisation de l’action politique, qui se détermine en fonction d’un temps électoral favorisant rarement une approche de long terme. Néanmoins, le recours à la catégorie de leadership transformationnel n’est pas toujours des plus éclairantes et nécessite donc une instillation parcimonieuse dans l’étude des leaderships.

13 L’identification des acteurs principaux vecteurs de leadership dans l’espace polynésien fait apparaître l’État, par l’action des services publics étatiques, la collectivité d’outre- mer de Polynésie française (assemblée, gouvernement et administration territoriale), ainsi que les principaux leaders et partis politiques. L’ « étaticité » du dispositif politico- administratif polynésien révèle le caractère étatique d’institutions locales récentes et en cours de construction. Par ailleurs, les acteurs socio-économiques ne sont pas exclus du champ du leadership mais ne font pas directement partie de cette étude. Néanmoins, les entrepreneurs s’inscrivent souvent dans une logique d’entreprise « politico- économique » s’appuyant sur différentes formes de capitaux. En Nouvelle-Calédonie par exemple, les entrepreneurs politiques mobilisent une matrice des ressources en jouant à la fois sur les registres politique, économique, social, minier, foncier, etc. (Le Meur, 2014).

14 Enfin, la Polynésie française, associée en tant que Pays et Territoire d’Outre-Mer (PTOM) à l’Union européenne, fait de cette dernière un acteur complémentaire en matière de coopération institutionnelle régionale et de dotation de fonds de développement non négligeables mais peu abondants pour les PTOM français (Budoc, 2012). Toutefois, le 11e FED régional mobilise les thématiques du changement climatique et des énergies renouvelables, ainsi qu’il en a été acté lors de la conférence ministérielle annuelle de l’Association des PTOM (OCTA) et du 13e Forum de dialogue politique UE-PTOM, réunis les 26 et 27 février 2015 aux îles Vierges britanniques. Le développement de la thématique environnementale dans les politiques européennes contribue ainsi à orienter les politiques publiques territoriales dans les secteurs vecteurs de fonds européens. Selon Gaston Tong-Sang, ancien président autonomiste entre 2006 et 2010, il s’agit aussi de rééquilibrer les relations entre l’Union européenne et les pays d’outre-mer, afin que ceux-ci ne soient plus considérés comme des pays en voie de développement, pour devenir : « […] des têtes de pont de l’UE dans la région […]. Nous devons pouvoir utiliser l’UE comme une caisse de résonance pour viser les grands pays qui favorisent le changement climatique dont nous sommes les premières victimes. » (Les Nouvelles de Tahiti, 30/03/2010)

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15 Cette dernière mention illustre une stratégie de victimisation qui permet l’accès à un nouveau type de rente, la rente climatique (Gay, 2014), qui propose le paradoxe suivant : les petits États insulaires adoptent le discours du développement durable et rejettent sur les grandes puissances les problèmes environnementaux, bien qu’ils se comportent parfois comme des « chevilles ouvrières de l’ultralibéralisme » (Gay, 2014 : 83), en considérant comme ressources aussi bien la rente climatique que le blanchiment de capitaux, les pavillons de complaisance ou le vente de leurs voix sur la scène internationale. Or, la gestion interne de l’environnement dans ces territoires est très loin d’être exempte de reproches en termes de gestion des littoraux (extraction de sable, remblayage, etc.). De fait, la question du réchauffement climatique, dont l’empirie est encore limitée (Gemenne, 2010) – suscite des controverses, des prédictions alarmistes voire un révisionnisme climato-sceptique hors du champ scientifique, quand bien même le consensus de la communauté scientifique sur un tel constat fait désormais autorité.

16 Un effet de zoom sur les enjeux relatifs aux transformations environnementales permet d’une part de cerner les différents enjeux politiques, sociaux et économiques de problématiques qui s’imposent à l’agenda politique, et, d’autre part, d’analyser les variations des leaderships dans la mobilisation des ressources politiques en Polynésie française.

Les enjeux politiques face à l’ampleur des mutations environnementales

17 Le renouvellement des enjeux politiques s’articule avec la démultiplication des transformations environnementales, au sujet desquelles les réponses politiques apparaissent lentes et peu coordonnées face à la complexité des problèmes écologiques et énergétiques.

La multiplicité des transformations environnementales à portée politique

18 Le champ du politique est confronté à l’examen de phénomènes qui prennent leurs sources hors du champ des institutions publiques, mais qui appellent une capacité de régulation dans l’espace public, constituant un enjeu politique (Bourg et Whiteside, 2010). Progressivement, la problématique environnementale s’est imposée à l’agenda politique à partir de nouvelles difficultés biopolitiques3 : interaction entre la qualité de l’environnement naturel et la santé des organismes vivants, phénomènes climatiques changeants, menaces écologiques, pollutions... Les slogans ou les déclarations d’intentions environnementales des acteurs politiques demeurent insuffisantes et souvent déconnectées du champ de la recherche scientifique pour formuler des réponses englobant les diverses parties de problématiques complexes. Par exemple, comment remédier à la question de la pollution des littoraux sans repenser les modes de consommation ou de gestion de l’urbanisme ? En ce sens, les mutations technologiques peuvent être particulièrement utiles à de nouvelles formes d’action publique (Cornu, 2008), en particulier face à la vitesse des transformations environnementales.

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19 Par l’immensité de son étendue maritime, la Polynésie française est confrontée à de nouvelles données environnementales telles que le développement de toutes les formes de pollution, le réchauffement climatique à moyen terme – même si son effectivité et son ampleur restent à déterminer (Gay, 2014) –, ou la convoitise économique des zones de pêche ou d’exploitation minière. En matière de pollution, un des exemples les plus spectaculaires reste la grande poubelle du Pacifique, immense plaque tourbillonnante de déchets flottants dans laquelle la masse de plastique correspond à six fois la masse du plancton (Le Monde, 9/05/2012). La pollution des lagons et des barrières de corail – qui représentent 0,2 % de la surface océanique mais contiennent environ 25 % des espèces marines –, s’ajoute au risque d’une nouvelle pollution nucléaire au regard des fissures dans les de Moruroa et Fangataufa (archipel des Tuamotu), ou, sur le plan « terrestre », à la gestion des déchets produits dans les îles les plus peuplées. En termes de biodiversité, si la pollution peut à l’évidence menacer la faune sous-marine, la prolifération d’espèces invasives, telles que les plantes envahissantes (Larrue, 2008), pose de nouveaux défis aux autorités publiques4. Par exemple, la fourmi de feu (Wasmannia auropunctata) menace5 la biodiversité et les activités humaines, notamment dans les lieux d’activité agricole (faapu ; apiculture, élevage) ou touristique. Enfin, la pollution de l’océan – la concentration de polluants organiques qui altèrent le fonctionnement des chaînes alimentaires –, de ses habitants et du sol amène à s’interroger sur les enjeux des politiques publiques en matière de santé et économiques en matière de pêche côtière (David, 2008). Outre la question épineuse du financement de la protection sociale, il s’agit de constater prosaïquement que le poisson représente une part importante de l’alimentation insulaire, même si les voies de la nutrition évoluent sous l’influence de la société de consommation (Serra-Mallol, 2007).

Les enjeux politiques du réchauffement climatique

20 La double question du réchauffement et des réfugiés climatiques (Mac Adam, 2012 ; White, 2011 ; Cournil et Mayer, 2014) concernerait en particulier certains atolls de l’archipel des Tuamotu. L’examen de quelques exemples en matière de changement climatique révèle des enjeux politiques communs pour de nombreux territoires insulaires. Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) rappelle régulièrement aux autorités politiques les impacts potentiels en matière de transformations environnementales à partir de constats scientifiques pluridisciplinaires6. D’autres groupements scientifiques développent des données directement relatives à la question des réfugiés climatiques. Par exemple, l’Internal Displacement Monitoring Centre ( IDMC, http://www.internal-displacement.org), à partir d’un modèle gravitationnel intégrant variables climatiques et facteurs migratoires, élabore différents scénarios migratoires en fonction des types d’impacts du changement climatique variant selon la configuration géographique et humaine des territoires.

21 La dimension politique de la lutte contre le réchauffement climatique a été mise en lumière par les démarches internationales du président des Maldives Mohammed Nasheed (Gay, 2014), et dans une moindre portée médiatique, par les différents projets afférents aux cas des Kiribati ou des Tuvalu (Joyau, 2008 ; Gemenne, 2010 ; Gay, 2014). Parmi les territoires français, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie seraient les régions les plus affectées par la hausse du niveau des mers à l’horizon 2100, car elles

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abritent 60% des îles menacées (30% chacune) – entre 6 et 12% des îles françaises sont concernées. Selon cette étude parue dans Nature Conservation7, il s’agit de l’estimation la plus basse, en prenant en compte des îles qui seraient submergées à 100% en permanence, et non celles perdant 70, 80 ou 90% de leur territoire. Cette projection amène à réfléchir sur les enjeux politiques et sociaux qu’un renchérissement des difficultés climatiques produirait sur certaines activités économiques (coprah) ou sur le quotidien des habitants des atolls, déjà en prise avec la gestion de l’eau douce. Selon le biologiste Pierre Gillet, qui pointe particulièrement les risques de multiplication des cyclones, « les Polynésiens pourraient être les premières victimes de la remontée du niveau marin » (Les Nouvelles de Tahiti, 5/11/2010). Toutefois, cela soulève de nouvelles problématiques juridiques concernant le statut des réfugiés climatiques et des États potentiellement engloutis (Joyau, 2008 ; Lallemant-Moe, 2009), ainsi que des réflexions sur les manœuvres d’instrumentalisation politique d’une nouvelle rente climatique. Le cas limite de Tuvalu, dont les causes de la menace de montée des eaux sont quelquefois mal interprétées – même la montée des eaux a pu être remise en cause (Joyau, 2008 ; Lazrus, 2009, 2012 ; Gay, 2014) – met en évidence certaines formes de désinformation, entre l’activisme écologique, le sensationnalisme journalistique et le fonctionnement souvent opaque des Nations unies. Sans se prononcer sur les fondements du débat scientifique relatif à la montée du niveau de la mer – mesurée à 3 millimètres par an à Tahiti entre 1950 et 2009, et entre 2.5 et 2.9 millimètres par an dans certains atolls des Tuamotu-Gambier selon Virginie Duvat-Magnan, géographe à l’université de La Rochelle et membre du GIEC – cette thématique n’en reste pas moins un nouveau référent des politiques internationales.

L’environnement face aux enjeux géopolitiques et économiques

22 Les questions de l’exploitation et de la gestion des ressources naturelles (nickel en Nouvelle-Calédonie) et des zones économiques exclusives (Polynésie française et Wallis-et-Futuna) s’inscrivent dans des logiques géopolitiques qui dépassent le cadre du Pacifique océanien par leurs enjeux économiques.

23 Ainsi, en Polynésie française, « seulement » 40 % de la zone économique exclusive (ZEE) sont exploités pour une surface de 5,5 millions de km², ce qui représente 6 000 tonnes de poissons pêchés à la palangre en 2012 (Les Nouvelles de Tahiti, 14/08/2013). Paradoxalement, les niches économiques potentielles au niveau de la conserverie et de la congélation du poisson sont évoquées par le gouvernement Flosse en 2013. Mais les bateaux de pêche polynésiens ne trouvent pas d’équipage pour partir plusieurs mois en mer. Les autorités territoriales souhaitent donc que la Polynésie devienne éligible en tant que PTOM au Fonds européen des affaires maritimes, en contrepartie d’une ouverture de la ZEE à l’UE, au grand dam des syndicats de pêcheurs professionnels. Ceux- ci mettent en avant leur capacité à exercer un mode de gestion traditionnel des aires protégées et des ressources, le Rahui (Bambridge, 2006), ainsi que la nécessité de protéger cette richesse polynésienne, afin, revendiquent-ils, de « ne pas céder notre océan » (Les Nouvelles de Tahiti, 16 août 2013). En particulier, le rôle des puissances asiatiques et surtout de la Chine dans la surpêche mondiale8 (extermination des requins (Stewart, 2006) ; forte diminution des stocks halieutiques), représente une source de convoitise des ressources océaniques et de l’ « or bleu » du Pacifique insulaire.

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24 En outre, « l’or gris » – les ressources des gisements sous-marins – est au cœur d’un enjeu croisé entre l’État, ses territoires et les multinationales du secteur sur la question des nodules polymétalliques, des encroûtements cobaltifères et des « terres rares ». En Polynésie française, seuls les encroûtements cobaltifères présentent pour le moment un réel potentiel, mais une future exploitation dépendra notamment des résultats des expertises en cours demandées par l’État français et le gouvernement polynésien.

25 Dans le sillage de ces recherches, des enjeux de souveraineté dans la gestion des ressources naturelles ont été mis en évidence par les négociations du programme d’Extension raisonnée du plateau continental (EXTRAPLAC). Initié en 2002, il comprend une déclinaison pour la zone de compétence territoriale (Taglioni, 2007)9. Néanmoins, la question des ressources minérales profondes et demeure un « serpent de mer » récurrent depuis plusieurs décennies, dépendant de capacités technologiques d’extraction et d’exploitation encore lacunaires.

26 Par ailleurs, des liens entre transformations environnementales et révolution technologique émergent d’initiatives provenant de la société civile. Par exemple, la Polynésie française a été le premier pays insulaire du Pacifique Sud à organiser des conférences indépendantes sur le modèle de TED (Technology, Entertainment, Design), cette organisation de la Silicon Valley (http://www.tedxpapeete.com) qui diffuse les idées par la multiplication de micro-conférences. Dans le secteur économique, les acteurs font naviguer leurs intérêts en fonction des garanties juridiques et de la diminution des risques induits par la présence souveraine de l’État dans les territoires français du Pacifique. L’homme d’affaires Richard Bailey – PDG du groupe Beachcomber – est le promoteur d’une énergie propre et renouvelable mise en place sur l’ de Tetiaroa. Au fait des complications bureaucratiques avec l’administration locale (Montet et Venayre, 2013), et quelquefois néopatrimoniales dans plusieurs endroits du Pacifique insulaire (Murray, 2007), cet entrepreneur économique compte sur l’État : « Nous comptons beaucoup sur la France. Nous voyons en la France, un garde-fou, un arbitre. Une sécurité très rassurante, pour soutenir le gouvernement autonome de la Polynésie […]. Notre souhait, c’est d’être l’effet catalyseur de la création d’un véritable pôle de compétitivité en Polynésie autour des énergies renouvelables. » (Sénat, rapport n° 293)10

27 L’énergie thermique des mers représente une technologie environnementale adaptée à la configuration géographique de nombreuses îles polynésiennes et océaniennes, dès lors qu’un accès à des eaux suffisamment profondes se trouve à proximité de la côte. La Polynésie française est pionnière en la matière, en raison d’une configuration sous- marine favorable grâce à la profondeur de la zone océanographique. Ce dernier exemple illustre l’importance du leadership de la puissance publique dans l’aide aux initiatives de la société civile et surtout dans la définition et la mise en œuvre de politiques publiques transversales. Malgré tout, les leaderships politiques en mesure de conduire une action publique environnementale et, au-delà, d’imprégner les imaginaires sociaux de l’importance des enjeux écologiques (Dwyer, 2005), mobilisent essentiellement des ressources politiques à caractère identitaire ou clientéliste dans une perspective de recherche d’une rente providentielle, et n’intègrent en apparence les transformations environnementales qu’à la marge de leurs entreprises politiques.

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Variations des leaderships par la mobilisation de ressources institutionnelles, identitaires et rentières

Le leadership institutionnel de l’État français face aux mutations environnementales

28 La redéfinition d’une politique de la France dans le Pacifique s’inscrit toutefois dans la continuité d’une politique de puissance (Mrgudovic, 2008) en termes de sécurité régionale et de politique maritime. Désormais, en relation avec le partenariat de l’Union européenne, cette politique proclamée concerne la transition énergétique (éolien offshore adapté aux zones cycloniques, géothermie, hydrolien maritime ou biomasse), le savoir (Plan haute qualité éducative : favoriser l’accueil des étudiants et la mobilité des personnes), la santé (pôles d’excellence vecteurs de coopération régionale) et l’écologie.

29 Le développement de nouvelles politiques publiques ciblées sur les transformations environnementales met en évidence la marge de manœuvre de l’État sur l’orientation des politiques publiques et une responsabilité dans la démocratisation des pratiques politiques et économiques en termes environnementaux. Le thème du changement climatique, à travers son versant sur le réchauffement climatique, est de plus en plus porté à l’agenda politique et institutionnel. La formation d’un référentiel des politiques publiques (Muller, 2013), c’est-à-dire une vision du monde, une image cognitive qui inspire une politique publique en structurant les représentations des acteurs définissant et mettant en œuvre une politique environnementale en l’occurrence. Le réchauffement climatique devient un sujet progressivement incontournable des acteurs institutionnels, aussi bien aux niveaux de l’État, du gouvernement et des ministères polynésiens. Sur ce point, la double structure administrative et politique affaiblit les perspectives d’une politique environnementale ambitieuse. La rivalité (Al Wardi, 1998) mais aussi la coordination entre la présidence polynésienne et les ministères, auxquels s’ajoutent les partenaires étatiques – dont les représentants, à l’instar du Haut- commissaire, ne sont la plupart du temps que quelques années sur place – annoncent des complications bureaucratiques importantes, qui nuancent la portée des ressources institutionnelles que l’État serait apte à mobiliser face à des transformations environnementales multiformes. D’autre part, la relation du territoire polynésien à l’État français, dans la continuité des rapports clientélistes entraînés par l’installation du Centre d’Expérimentations du Pacifique (CEP) à partir des années 1960, s’avère relativement paradigmatique des logiques clientélistes et rentières qui scandent les relations franco-polynésiennes. L’éventualité d’une diversification des relations de dépendances et des rentes – le « choix des interdépendances » pour paraphraser la formule de Jean-Marie Tjibaou (1985) – est notamment posée par les partisans de la « décolonisation », qui utilisent la mobilisation identitaire dans une logique de réorientation et de diversification des perspectives de relations clientélistes et rentières (Regnault, 2013).

30 Bien que son rôle soit reconfiguré par rapport à des processus micro (pouvoirs locaux) et macro (primauté du droit communautaire européen, dérégulation économique, révolution technologique), qui obèrent sa souveraineté et la verticalité de son pouvoir de décision, l’État possède une latitude d’action dans le développement d’espaces

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innovants et originaux au sein de la République qui respectent la biodiversité, l’art de vivre de ces territoires et l’approfondissement du savoir-vivre démocratique.

31 Sur le plan géopolitique, la réaffirmation de « l’enjeu stratégique » de la zone Asie- Pacifique pour la France11 par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian (Sénat, rapport d’information n° 293, 17/01/2013), rappelle que la France ne pouvait se détourner de la région, malgré « les contraintes de la géographie, l’impact de la contrainte budgétaire ou les présupposés erronés sur la dimension économique exclusive que revêtirait la relation euro-asiatique » (Les Nouvelles de Tahiti, 3 juin 2013). Selon le Livre blanc de la Défense et de la sécurité nationale : « Dans un contexte de tension sur l’accès aux ressources, la France doit être en mesure de marquer sa souveraineté et de défendre ses intérêts dans les outremer » (Les Nouvelles de Tahiti, 4/07/2013) En outre, le ministre des Outre-mer du gouvernement Ayrault, Victorin Lurel, soulignait que : « les outre-mer ont vocation à tenir le rôle particulier de relais des intérêts stratégiques de la France » (Les Nouvelles de Tahiti, 7/06/2013) en relevant les clés d’une nouvelle stratégie. Outre la coopération régionale en lien avec l’Union européenne, le point intéressant de cette approche transformationnelle réside dans le fait de rechercher à « combiner systématiquement » (idem) les intérêts de la métropole avec ceux de ses collectivités, entre prolongement des rapports clientélistes étatiques et ultramarins, et développement d’une logique de coopération. L’ensemble de ces discours, de ces perceptions et représentations renouvelées des autorités françaises mettent en évidence les dynamiques d’une « politique du Pacifique », qui prend forme à partir de divers travaux qualitatifs12. Lors du colloque organisé au Sénat en janvier 2013 sur la place de la France dans le Pacifique, les enjeux suivants avaient été mentionnés : protection de la biodiversité, protection et exploitation des données halieutiques, développement économique, nodules polymétalliques et extension du domaine continental. Ainsi, la « combinaison systématique des intérêts » tente de répondre à un point important soulevé par l’historien Jean-Marc Regnault : des conflits futurs peuvent naître d’intérêts opposés entre les territoires du Pacifique et ceux de l’État13. Malgré tout, selon l’ancien Ambassadeur de la France dans le Pacifique, Hadelin de La Tour du Pin, la France maintient son intérêt pour le Pacifique : « Donc il est évident que tant que nos concitoyens français du Pacifique souhaiteront rester français, la France restera avec eux. Nous mettrons les moyens nécessaires à leur prospérité, à leur stabilité, à leur démocratie […]. Dans une vingtaine d’années, vous aurez une nouvelle génération de leaders politiques, d’électeurs, d’acteurs économiques et il est assez naturel, que les uns et les autres puissent envisager des évolutions auxquelles peut-être nous ne pensons pas encore aujourd’hui. » (Les Nouvelles de Tahiti, 18/01/2013)

32 En outre, la dimension internationale de la question climatique prend un relief intéressant en Polynésie française au regard des enjeux de souveraineté et des évolutions de la configuration institutionnelle des relations entre la France et la Polynésie française. En effet, la négociation du volet « réfugiés climatiques » nécessite une clarification sur la double échelle territoriale et nationale quant au degré de ressources stratégiques disponibles en matière géopolitique et de développement des relations internationales (Gemenne, 2009). Si l’État conserve la compétence régalienne en matière de politique étrangère, la Polynésie française dispose dans son statut d’outils d’affirmation d’une « diplomatie » polynésienne dans la région océanienne.

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33 D’ailleurs, un regard comparatif entre les territoires français du Pacifique Sud sur la question climatique (Worliczek, 2013) amène à envisager des convergences institutionnelles dans le champ des politiques publiques relatives à l’environnement, à partir de données anthropologiques et sociologiques pertinentes. La confrontation de ces problématiques avec le politique est illustrée dans la manifestation des leaderships politiques.

Un leadership politique axé sur la mobilisation identitaire

34 L’entreprise identitaire de la revendication d’indépendance défendue par le leader du Tavini Huiraatira, Oscar Temaru, vise à transformer la Polynésie française en Maohi Nui dans une démarche politique inscrite dans une forme de messianisme religieux du souverainisme (Saura, 2008). La question du « pouvoir de l’identité » (Castells, 1999) se traduirait à Tahiti par une « obsession de la France » (Al Wardi, 2008), face à laquelle les préoccupations environnementales paraissent moins audibles.

35 La défense d’un « paradis communautaire » (Castells, 1999) repose sur un prisme identitaire voire ethnique de la conception mā’ohi (Saura, 2008). Elle exprime une réponse-refuge face aux nombreuses dérégulations engendrées par la mondialisation, en laissant parfois de côté les identités-mixtes complexes (Appadurai, 2001). Or, selon l’historien Henry Laurens, le choc des civilisations peut être empêché en admettant « partout la présence de l’autre dans l’identité », de « desserrer l’étau des exclusivismes identitaires », et de « se souvenir qu’un seul individu peut posséder des identités multiples, et toutes contextualisées » (Laurens, 2010). Ces remarques sont d’autant plus pertinentes à l’heure de la révolution numérique, qui efface les barrières structurelles, l’éparpillement géographique des îles, facilite les échanges et les accès à la connaissance par le moyen du câble Honotua – hono, le lien ; tua, le large (Argounès et al., 2011 : 56) –, qui permet aussi l’individualisation des moyens de production et d’expression dans une « société en réseaux » (Castells, 1998).

36 En fait, l’hybridité des cultures politiques française et polynésienne (Bessard, 2013) renvoie d’un certain côté à l’analyse anthropologique de Michel Panoff, qui évoquait une « société euro-tahitienne » au sujet de la Polynésie française, car, « […] c’est le métissage entendu au sens biologique et au sens culturel qui a été le moteur de l’histoire vraiment singulière de Tahiti et des îles voisines » (1986 : 230). Le sociologue Bruno Saura (2008 : chap. 7 relatif à « l’idéologie polynésienne ») est depuis revenu sur les limites de l’apologie du métissage par rapport à la perception identitaire mā’ohi des Tahitiens. Néanmoins, les risques sociaux d’une traduction ethnique voire raciale du message politique ne découragent pas la démarche politique particulière de certains entrepreneurs politiques (Panoff, 1989 : 231). Pourtant, dès les années 1980, le recours politique à la ressource identitaire pouvait déjà apparaître comme une impasse : « C’est précisément quand la panmixie est à jamais consommé, que certains politiciens et intellectuels de Papeete découvrent l’ethnicité et veulent ressusciter les valeurs ethniques de la Polynésie traditionnelle […]. Or s’il existe une identité tahitienne, elle est à chercher dans le présent et l’avenir, mais certainement pas dans le passé. » (Panoff, 1986 : 231)

37 L’économie polynésienne repose de façon conséquente sur le protectionnisme et les transferts financiers de métropole (Poirine, 2011). Or, la micropolitique polynésienne n’endigue pas les macro-flux mondiaux, en raison d’une dépendance importante en ressources énergétiques, économiques14 et militaires (Duranthon, 2011). Malgré tout,

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Oscar Temaru a encouragé une réflexion sur l’avenir lors de la réunion du Club de Madrid à Tahiti (Les Nouvelles de Tahiti, 3/07/2012). Sur invitation du président Temaru, avec l’aide du milliardaire australien Clive Palmer, des personnalités se sont jointes aux membres du gouvernement polynésien pour examiner la place du Pacifique dans le XXIe siècle. Ensuite, la démarche onusienne du leader indépendantiste s’est inscrite dans une logique de reconnaissance du processus de décolonisation (Regnault, 2013). Sanctionné dans les urnes par ses insuffisances gouvernementales au profit de Gaston Flosse et du Tahoeraa Huiraatira en avril 2013, le leadership politique de Temaru n’en développe pas moins une dimension prospective, qui est présente dans ses discours politiques à connotation identitaire et dans les allusions à des mannes économiques providentielles15. Ainsi, la dernière expérience gouvernementale pendant deux ans a permis au parti de réfléchir à de nouveaux objectifs pour les politiques maritimes et de la pêche (« Le Mā’ohi doit renouer avec son océan », http://www.tavinihuiraatira.com).

38 Le thème des transformations environnementales n’a pas été de grande importance lors de la campagne électorale de 2013, face à la crise économique et sociale. Le Tahoeraa Huiraatira a depuis longtemps intégré la question environnementale à son programme, et mis en avant quelques réalisations sur son site Internet (http:// www.tahoeraahuiraatira.pf). Dans l’espace politique polynésien, l’écologie ne dispose ni d’une implantation partisane ni d’une audience électorale conséquentes. Peu influent au sein de la coalition Union pour la démocratie (UPLD) emmenée par le Tavini, le parti écologiste Heuira-les Verts de Jacky Bryant, ministre de l’Environnement du gouvernement Temaru (2011-2013), ne possède qu’une place marginale, en raison de son manque de ressources politiques en termes de clientélisme et d’implantation partisane dans les archipels. Le chef du parti écologiste déplore que le président du Tavini « refuse l’expression démocratique qu’il a pourtant initié » (La Dépêche de Tahiti, 20/04/2015) – en référence au Taui (« changement, alternance ») de 2004, qui avait vu Temaru conduire la plate-forme d’opposition de l’UPLD. La question environnementale ne constitue pas non plus une préoccupation majeure du leadership identitaire : « on peut s’interroger », selon Jacky Bryant, sur la sensibilité environnementale d’Oscar Temaru.

39 En effet, les formes du leadership politique en Polynésie française incluent la prise en compte des mécanismes de réciprocité et de redistribution des ressources matérielles et symboliques (Robineau, 1978, 1985). Le clientélisme est vécu comme une institution sociale, qui alimente des pratiques de courtage encouragées par la structure d’une économie rentière depuis l’installation du Centre d’expérimentations du Pacifique en 1965, à laquelle a succédé la pérennisation des dotations de l’État, acteur fondamental, même indirectement, de l’économie polynésienne (Poirine, 2011). L’idée de « rente nucléaire » imprègne toujours l’économie politique polynésienne. Ainsi, les stratégies des leaders, à la recherche de rentes, continuent d’activer les registres du clientélisme interne – les aides de Paris – et international, entre le besoin d’une clientèle onusienne (Regnault, 2013) et le développement d’une diplomatie polynésienne avec les puissances asiatiques (Bessard, 2013) .

40 La quête d’une rente providentielle pour assumer la conduite d’un État souverain sous Gaston Flosse n’a pas empêché le leadership à résonance identitaire de recourir à des pratiques clientélistes (Al Wardi, 2008). Les pratiques et les ressorts des leaderships politiques polynésiens transcendent alors les clivages partisans quant à la diversification des rentes économiques, sans s’accorder nécessairement sur la

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provenance de la manne providentielle ni sur la trajectoire de développement (Magrin, 2013). Si les indépendantistes se retranchent derrière le passé colonial et nucléaire en regardant un horizon souverain, les autonomistes, conscients des liens établis et des ressources apportées continuellement par la France, écartent davantage de leur spectre d’action politique la question identitaire au profit d’une orientation programmatique vers des formes plus ou moins subventionnées de développement économique. Ainsi, la « virtuosité » des acteurs politiques consiste à se plaindre d’une dépendance en demandant paradoxalement et régulièrement de l’augmenter (Panoff, 1986). Les présidences de Flosse jouaient sur le registre identitaire – en partie pour récupérer la mouvance autonomiste des années 1970 – tout en exigeant toujours plus de subsides de la part de l’État (Al Wardi, 1998 ; Bessard, 2013).

41 Le leadership de Gaston Flosse et du Tahoeraa Huiraatira développe une approche prospective qui relève davantage de la recherche d’une indépendance économique et d’une autonomie institutionnelle que d’une émancipation politique radicale. L’intérêt de la question environnementale prend en particulier la forme du développement de la perspective d’une rente minière ou climatique.

Un leadership politique en quête de rentes, climatique ou autres…

42 Dans une relation complexe à l’État français selon une logique de « partage du pouvoir » (Al Wardi, 1998), la domination politique du leadership flossien entre 1982 et 2004 a mis en évidence la conception d’un développementalisme rentier (Bessard, 2013), c’est-à-dire un système économique qui combine les avantages structurels d’une économie de rente défiscalisée entretenue par la France et le développement des potentialités économiques polynésiennes (tourisme, perliculture, vanille, coprah, etc.) en vertu d’une idéologie qui place le gouvernement local comme acteur majeur de l’économie (Montet et Venayre, 2013), à la limite du chevauchement entre ressources publiques et privées (straddling). Dans ce contexte, la question environnementale n’apparaît qu’à la marge des politiques publiques territoriales.

43 En 1984, après l’obtention du statut d’autonomie, Gaston Flosse déclarait qu’il s’agissait de « tendre vers l’indépendance économique », dans laquelle il voyait un « dessein susceptible de mobiliser les efforts et l’enthousiasme de notre pays. » (Bessard, 2013 : 240). Le jeune député chiraquien, qui érigeait le pouvoir de décision dans le domaine économique comme une priorité, était alors à l’origine de l’article 62 (évoqué dans le projet de loi d’autonomie de 1980), qui prévoit des possibilités d’exploration, de recherche et d’exploitation de toutes les ressources biologiques et minérales dans la ZEE, mais aussi d’autorisation d’investissements étrangers en-deçà d’un certain seuil. Après le retour au pouvoir de « Papa Flosse » en avril 2013, plusieurs champs d’activités économiques ont été ciblés : pêche, aquaculture, hub touristique, technologique (numérique)16 et scientifique (environnement et fonds marins, « terres rares »). Certains chantiers s’inscrivent dans la reprise de projets du précédent gouvernement (aquaculture, question minière : modification du code minier)17. Toutefois, un effet d’accélération est mis en évidence par plusieurs projets du gouvernement Flosse relatifs aux dossiers de « l’or bleu » et de « l’or gris ».

44 Le leadership relatif à ces secteurs est notamment impulsé par le ministre des Ressources marines, des Mines et de la Recherche, Tearii Alpha, qui multiplie les rencontres à Paris et à Bruxelles, pour promouvoir une « plate-forme internationale de

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recherche », et « faire de la Polynésie une terre d’innovation et de recherche » (Les Nouvelles de Tahiti, 14/06/2013). Le ministre polynésien met la France et l’Union européenne au pied du mur (« on n’a pas vingt ans devant nous »), en menaçant implicitement d’un basculement de réseaux d’intérêts en faveur des Chinois, des Japonais ou des Canadiens : « ça intéresse ceux qui seront capables d’aller sous l’eau. Nous pensons que cela doit intéresser en premier la France et l’Union européenne. » (Les Nouvelles de Tahiti, 14/06/2013) Mais, s’ils ne sont pas réactifs, le ministre annonce que d’autres puissances viendront, car : « Les Russes investissent le Pacifique, les Chinois et les États-Unis aussi. » (Les Nouvelles de Tahiti, 14/06/2013)

45 L’exploitation n’interviendra pas, au regard des technologies actuelles, avant vingt ou trente ans. Cette démarche s’inscrit selon ses promoteurs dans une réflexion pour recréer une activité économique à long terme et « tourner définitivement la page » des essais nucléaires : « Nous avons contribué pour la Défense nationale, on souhaiterait contribuer au développement des technologies du futur au travers de ce potentiel minier. »

46 Le hub scientifique international concernerait les écosystèmes tropicaux et insulaires, les ressources marines et maritimes, les énergies renouvelables et la biotechnologie, avec l’implantation d’une unité mixte internationale avec le réseau du CNRS en Polynésie française, qui constituerait, selon le ministre, « un atout important pour atteindre les objectifs de la politique maritime intégrée de la Polynésie française. » (Les Nouvelles de Tahiti, 22/07/2013).

47 La dimension transformative du leadership politique Gaston Flosse, qui a développé une « certaine idée de Tahiti Nui » selon l’expression de Jean-Marc Regnault (2003), apparaît tout au long de sa carrière, en tant que « créateur » d’institutions (commune de Pirae, statuts d’autonomie ; secrétariat d’État au Pacifique Sud). Toutefois, Gaston Flosse « absorbe tous les projets », qu’ils relèvent du développement économique classique ou de secteurs innovants, selon différents observateurs de la scène économique tahitienne. Le leader agit en fonction d’une logique d’entreprise politique, qui le situe davantage dans une perspective classique et transactionnelle que dans une logique transformationnelle (Bessard, 2013). « Il ne s’agit pas d’innover, d’inventer », déclarait le président de la Polynésie française, mais d’appliquer le programme du parti (Journal télévisé, Polynésie 1ère, 9/09/2013).

48 Pourtant, l’approfondissement des relations avec la Chine illustre la quête de ressources économiques et politiques du leader polynésien, qui avait ouvert la voie à des relations commerciales avec Pékin dans le sillage des réseaux chiraquiens. Les demandes de financement à des organismes bancaires chinois, l’installation d’une société chinoise dans l’aquaculture (poissons à haute valeur ajoutée sur le marché chinois : mérous, loches, coquillages) dans l’atoll de Hao (archipel des Tuamotu), en contrepartie notamment de l’embauche d’une main-d’œuvre polynésienne, ou la proposition à différents investisseurs étrangers dans le projet du Mahana Beach (complexe touristique à Punaauia, Tahiti), ainsi que l’étude du modèle hawaïen pour le tourisme (La Dépêche de Tahiti, 27/07/2013) mettent en exergue la quête de développement économique et de nouvelles mannes financières, en évacuant la problématique environnementale derrière l’impératif financier et touristique.

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49 Cependant, la question des changements climatiques, au cœur des transformations environnementales, fait de plus en plus l’objet d’une préoccupation politique au niveau territorial. Par exemple, les atolls de Napuka et de Puka Puka dans l’archipel des Tuamotu ont connu une perte de 90% de la production de coprah de la cocoteraie, menacée par l’océan, ainsi que l’a signalé en conseil des ministres par le ministre de l’Agriculture Thomas Moutame (Les Nouvelles de Tahiti, 12/08/2013)18. Tauira Puarai, le maire de Napuka, a fait part de son inquiétude aux autorités polynésiennes, car l’activité de l’île est impactée. Dans un discours explicite sur la question climatique, le président Flosse a estimé que : « La montée des eaux n’est pas encore très significative, mais il faut prévoir l’avenir […]. Il y a des terres aux Marquises ou dans d’autres îles, mais nous n’en sommes pas encore là. » (Les Nouvelles de Tahiti, 26/08/2013)

50 De plus, cette thématique a également été mobilisée par le leader polynésien lors du 44e Forum des îles du Pacifique aux îles Marshall. Gaston Flosse proposait de créer une fondation mondiale pour permettre la réinstallation des populations exposées à la montée des eaux, évoquant même la possibilité pour la Polynésie de s’ouvrir aux réfugiés climatiques. Or, pour l’ancien ministre Jacky Bryant, il s’agit d’une compétence de l’État en matière d’accueil de populations étrangères : « ce n’est pas une compétence de la collectivité et encore moins de Gaston Flosse. […] Plutôt que d’avoir la modestie de proposer une démarche très constructive, il s’est embarqué dans des déclarations laissant presque croire qu’il serait le président d’un État indépendant. » (Les Nouvelles de Tahiti, 26/08/2013)

51 Outre le prestige politique conféré dans la région par l’esquisse d’une diplomatie polynésienne d’un « presque chef d’État », l’intérêt pour la rente climatique fait aussi résonner la promesse d’un autre levier de ressources pour la Polynésie française. Ainsi, le député Jean-Paul Tuaiva demandait au gouvernement de Manuel Valls des « moyens financiers » supplémentaires pour faire face aux changements climatiques et à la transition énergétique, lors de la séance à l’Assemblée nationale le 13 mai 2015. La ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, Ségolène Royal, a rappelé les efforts de l’État dans l’accompagnement du territoire vers les énergies renouvelables et le financement de projets en cours, par exemple la climatisation de l’hôpital du Taaone à Tahiti.

52 Les mannes successives (présence américaine à Bora pendant la Deuxième Guerre mondiale, coprah et phosphate après-guerre, tournage des Mutinés du Bounty en 1961, construction de l’aéroport, CEP, perle noire, défiscalisation, dotation de l’État) encouragent les leaders polynésiens à mettre régulièrement en avant les nouvelles potentialités, et dorénavant les risques, de l’avenir d’un territoire de 270 000 habitants, mais sans remettre en cause les rentes de situation qui fondent de fortes inégalités sociales à Tahiti (Regnault et Al Wardi, 2011 : 108-117). Dès lors, le salut économique, en-dehors de la mise en valeur des ressources locales, passe une nouvelle fois par la pérennisation des dotations de Paris à Tahiti – par exemple via le Contrat de Projets État-Polynésie française (2015-2020), qui prévoit un volet sur les énergies renouvelables –, des demandes d’avance de trésorerie à l’État, face à la difficile situation financière du territoire19. En 2013, selon l’Institut d’Emission d’Outre-Mer (IEOM), l’État a dépensé 176,6 milliards de FCFP (1,48 milliards d’euros), soit 23 % du PIB de la Polynésie française dans l’économie locale, comprenant les salaires versés aux fonctionnaires, les dépenses de fonctionnement et d’investissement, les retraites et les transferts aux collectivités

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territoriales. Cependant, le leadership politique continue de s’exercer dans la logique d’une mise en œuvre extensive des prérogatives du statut d’autonomie.

53 Selon le président de la Polynésie française Edouard Fritch, président-délégué du Tahoeraa, ancien président de l’Assemblée de la Polynésie française et gendre de Gaston Flosse, qui a pris la succession de ce dernier – non d’ailleurs sans conflits qui persistent jusqu’à aujourd’hui entre les deux clans respectifs : « L’autonomie est le meilleur outil qui nous permet d’être nous-mêmes, d’être ouverts sur un monde globalisé, d’être maîtres de nos choix économiques, fiscaux et sociaux et d’être fiers de notre identité ; tout cela à condition bien entendu d’être en capacité et d’avoir les compétences pour utiliser les multiples ressources institutionnelles de notre statut. » (Les Nouvelles de Tahiti, 20/09/2013)

54 La complexité des enjeux relatifs aux transformations environnementales semble laisser les leaderships politiques polynésiens dans l’expectative, pris par les impondérables enjeux de réélection et de gestion des rapports de force politique locaux.

Conclusion

55 Face à la question des transformations environnementales, la France a d’un côté les mains liées par les différents transferts de compétences, tandis que de l’autre, les enjeux environnementaux sont appréhendés par les notables politiques dans une logique de réappropriation de nouveaux projets, par exemple ceux liés à la politique européenne.

56 Le passage des préoccupations environnementales dans le champ politique, en dépit des limites et des faiblesses de la parole politique (Latour, 2002), montre que ces sujets ne peuvent demeurer dans l’entre-soi scientifique en raison des enjeux démocratiques sous-jacent. Ce constat appelle à concevoir le collectif des hommes et de la nature, en partie dans le sens que l’anthropologue Bruno Latour tâche de redonner à l’écologie « politique » (Latour, 1999). Mais, dans le cas polynésien, les compétences du pouvoir local conféré par le statut d’autonomie politique aux côtés d’une puissance économique et militaire française, laissent perplexes quant à l’abandon d’une protection politique et économique dans les macro-flux planétaires, en considérant derechef les limites des gouvernementalités postcoloniales face au développement durable (Li, 2007). En outre, il subsiste une contradiction entre une volonté d’émancipation institutionnelle et la perte des compétences de l’État, qui possède les capacités techniques et transformatives indispensables aux territoires français du Pacifique face aux changements climatiques. Pour autant, ces domaines transformationnels révèlent une source d’intégration entre les entités françaises du Pacifique Sud et leur intégration dans la région. À condition que les leaderships politiques territoriaux en Polynésie française considèrent l’intérêt d’aborder les transformations en coopération avec une puissance étatique oscillant entre l’oubli de ses Outre-mers et la reconsidération de la question Pacifique.

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NOTES

1. Je tiens à remercier les lecteurs et correcteurs de la première version de ce papier proposé au Journal de la Société des Océanistes pour la qualité de leurs remarques, ce qui a permis à cet article de prendre la forme finale présentée ici. 2. Indépendantiste modéré du parti Tavini Huiraatira, qui développe une approche ouverte du souverainisme par rapport à l’approche radicale du président du parti, Oscar Temaru. 3. La biopolitique, régulation du biologique par le politique, a été analysée comme un mode de gouvernementalité du biopouvoir (Foucault, 1976). Mais l’introduction de la biopolitique, définie en tant que facteur comparatif d’analyse des mutations du politique, met en évidence la façon dont le pouvoir politique agit sur le champ du vivant (corps des individus, milieu naturel). La valeur ajoutée scientifique du concept de biopolitique pour les sciences humaines et sociales résiderait dans le croisement de problématiques et de données scientifiques transdisciplinaires. 4. Le Programme régional océanien de l’Environnement (PROE), entré en vigueur en 1996, possède des compétences pour agir en ce domaine mais n’est doté que de très peu de moyens (Agniel, 2008). 5. L’association Fenua Animalia à Tahiti a alerté en vain les autorités territoriales polynésiennes depuis l’apparition de la fourmi ravageuse au début des années 2000. Elle est désormais recensée par la Direction de l’Environnement parmi les espèces envahissantes (http:// www.environnement.pf/spip.php?rubrique53). 6. Un des nœuds de la négociation internationale sur le réchauffement climatique se trouve notamment dans l’opposition entre croissance économique et action contre le changement climatique. Or, les deux s’excluent-ils nécessairement ? (voir le 5e rapport du GIEC sur les changements climatiques et leurs évolutions futures, 3 volumes, 2013-2014 (www.ipcc.ch). 7. Les scientifiques ont travaillé sur des hypothèses de hausse du niveau de la mer, allant de 1 à 3 mètres autour de 2100, une fourchette désormais avancée par de nombreuses études. Ils ont croisé les profils de 1 269 îles françaises (sur les 2 050 existantes de plus d’un hectare) avec ces projections d’élévation des eaux. Selon leurs résultats, entre 6 % (dans l’hypothèse d’une hausse d’un mètre) et 12 % (hypothèse de 3 mètres) des îles françaises sont menacées d’être totalement submergées (La Dépêche de Tahiti, 12/09/2013). Voir les documentaires de John Shenk, Le combat d’un président (2012) à propos des Maldives, et celui de Tom Zubricki, La marée affamée (2011), au sujet de Kiribati. 8. Les navires de pêche chinois ont siphonné, loin de leurs côtes, entre 3,4 millions et 6,1 millions de tonnes de poissons par an entre 2000 et 2011 (64 % en Afrique), dont 0,2 million de tonnes en Océanie. Il s’agirait du premier chiffrage effectué, selon une étude internationale coordonnée par

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le biologiste Daniel Pauly (université de Colombie-Britannique), publiée dans la revue Fish and Fisheries puis reprise dans la revue Nature. Pékin ne déclarait que 368 000 tonnes de poisson en moyenne auprès de la Food and Agriculture Organization (FAO), soit douze fois moins que le chiffrage cité (Le Monde, 4/04/2013). 9. POLYPLAC en Polynésie française. Par ailleurs, la Direction des ressources marines est devenue la Direction des ressources marines et minières en juillet 2013 (Les Nouvelles de Tahiti, 25/05/2013). 10. Le groupe de Bailey est à l’origine du projet afin d’alimenter l’hôtel écologique de Tetiaroa à partir de l’énergie thermique des mers. Ce type de projet, également mis en œuvre dans un hôtel à Bora Bora, concernerait à terme l’hôpital du Taaone à Tahiti afin de réduire le coût de l’air conditionné dans un bâtiment surdimensionné (Les Nouvelles de Tahiti, 26/11/2012). 11. Selon le vice-amiral Jean-Louis Vichot, lors du colloque sur le Pacifique organisé au Sénat en janvier 2013 : « Le Pacifique sera la première source d’emploi pour la France. L’outre-mer sera crucial pour les ressources minérales, alimentaires, biologiques, pour le développement de la recherche au XXIe siècle (…). Ce n’est pas la question de l’avenir de la richesse de la France, que l’on développe en Nouvelle-Calédonie, que l’on développe à Wallis-et-Futuna, où on a découvert des encroûtements minéraux d’une rare qualité, et également en Polynésie française où l’on espère beaucoup des progressions de la pêche avec le réchauffement climatique qui n’apporte pas que des catastrophes, puisqu’il va […] déplacer la ceinture du thon vers la zone exclusive de la Polynésie française » (cité dans Les Nouvelles de Tahiti, 18/11/2013). 12. Outre le colloque au sénat, l’avis du Conseil économique, social et environnemental Pour un renforcement de la coopération régionale des outre-mer en 2012, la conférence internationale organisée par le CESE intitulée : « Haute mer, avenir de l’Humanité, quelle gouvernance pour une gestion durable de l’océan ? », afin de peser sur les négociations des Nations unies, qui doivent aboutir en 2014 à un cadre international pour la gestion de la biodiversité en haute mer (La Dépêche de Tahiti, 12/04/2013). 13. « Automatiquement les territoires vont prendre des compétences, et au moment où ils exerceront ces compétences, ils vont forcément entrer en conflit avec les compétences étatiques […]. Quels sont les intérêts qu’il faut faire passer en priorité ? Sont-ce les intérêts de l’État, ou sont-ce les intérêts des territoires ? » (cité dans Les Nouvelles de Tahiti, 18/01/2013). 14. Communiqué de Standard and Poor’s, Agence Tahitienne de Presse (22/05/2011). Le classement de la Polynésie française au même niveau que la Grèce en 2010 (BB+), par cette critiquable agence de notation, montrait malgré tout les fragilités éco-financières du Fenua (trésorerie exsangue et faibles capacités d’investissement). 15. En 2006, Oscar Temaru se rend en Californie, afin de rencontrer le gouverneur Schwarzenegger pour vendre de l’hydrogène aux automobilistes californiens, mais le projet n’aboutit pas (Les Nouvelles de Tahiti, 30/05/2011). La même année, le leader polynésien déclare : « chaque fois que nous parlons d’être indépendants, de l’autre côté le gouvernement français dit que nous n’aurons jamais assez d’argent pour cela. Notre indépendance n’a pas de prix. Le noni [fruit médicinal] nous aidera à être libres ; maintenant, je peux rentrer à Tahiti et dire aux gens, comme Martin Luther King : j’ai observé et j’ai vu la terre promise » (Les Nouvelles de Tahiti, 30/05/2011). 16. Un Observatoire de l’économie numérique a été créé en mai 2014 et mis en place le 25 février 2015. 17. L’ancien ministre de l’Environnement du gouvernement Temaru, Jacky Bryant, a ainsi demandé au nouveau gouvernement Flosse de reprendre le Plan climat-stratégie (140 orientations à mettre en place à court, moyen et long terme), même « peint en orange », c’est-à- dire la couleur du parti politique de G. Flosse (Les Nouvelles de Tahiti, 18/09/2013). 18. À Napuka, le phénomène de dégénérescence de la cocoteraie est accentué par la présence d’une maladie véhiculée par un insecte nuisible, le Brontispa longissima, surnommé la peste du cocotier.

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19. En 2010, les dépenses de l’État s’élevaient à 179 milliards de FCFP (soit 1,5 milliard d’euros ; statistique ISPF), pour 270 000 habitants en 2011. Après une carrière effectuée dans les cabinets des gouvernements successifs de Flosse, Temaru et Tong-Sang, Maïana Bambridge estime, au sujet des années Flosse, que « Ce monsieur a pu tirer profit de la manne nucléaire mais n’a pas pu construire une économie durable ». D’autant que l’instabilité politique post-taui (alternance en 2004-2005 marquée par la chute du gouvernement Flosse) a nourri un climat économique maussade marqué par le déclin de l’emploi salarié et le déficit de la balance commerciale. Une autre explication sur l’absence de transformation économique est fournie par un militant et agriculteur, qui a travaillé pour l’ONU, Gabriel Tetiarahi : « J’ai choisi de ne pas travailler avec des gouvernements ici […] à cause de la corruption […]. De plus, nos gouvernements successifs n’ont eu aucune vision de politique de production pour la transformation et l’exportation de nos produits […]. On s’en rend compte avec le gouvernement indépendantiste […]. C’est difficile de travailler avec des équipes qui n’ont aucune notion de ce qu’est une politique agricole. Ils n’ont aucune notion de ce qu’est un plan stratégique. La situation est bloquée […]. Le gouvernement décide trop de politiques à mettre en place sans consulter les professionnels des secteurs concernés. Ici, les politiques économiques sont faites pour bénéficier aux familles politiques. » (Les Nouvelles de Tahiti, 21/03/2013).

RÉSUMÉS

L’importance croissante des transformations environnementales (changement et réchauffement climatique, pollutions, énergies…) confronte le champ du politique à la réflexion et à l’action sur ces sujets. Les territoires français du Pacifique Sud sont impactés par ces mutations accélérées. À partir de l’exemple de la Polynésie française, cet article interroge les formes de leadership institutionnel et politique dans leurs rapports à la question environnementale. L’État et les principaux leaderships politiques polynésiens mobilisent ainsi des ressources politiques qui varient entre ressources institutionnelles, identitaires et rentières, parfois en décalage avec le renouvellement des enjeux politiques et la mise à l’agenda des problématiques écologiques.

The political field is more and more confronted to the increasing dimension of environmental transformations (climate change, pollutions, energy issues…). In the South Pacific, the French territories are impacted by these accelerated mutations. The article, which is based on the example of French Polynesia, deals with the institutional and political leadership relation to the ecological issue. Thus, the State and most Polynesian political leaderships are mobilizing political resources – institutional, identity and rent resources – that make appear the gap with renewed political stakes and the environmental agenda.

INDEX

Keywords : leadership, transformation, political resources, environment, Pacific, French Polynesia Mots-clés : leadership, transformations, ressources politiques, environnement, État, Polynésie française, Pacifique

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AUTEUR

RUDY BESSARD

Politiste, chercheur associé Centre Montesquieu de recherches politiques (CMRP, Université de Bordeaux) et laboratoire Gouvernance et développement insulaire (GDI, Université de Polynésie française)[email protected]

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L’intégration régionale de la France dans le Pacifique océanien, une diplomatie multimodale Regional Integration of France in the Oceanian Pacific: Multimodal Diplomacy

Christian Lechervy

NOTE DE L’ÉDITEUR

NDLR. – Les analyses et commentaires présentés ici n’engagent que leur auteur

1 ÀNouméa devant les chefs d’ État et de gouvernement réunis au siège de la Communauté du Pacifique (CPS), le président de la République François Hollande a réaffirmé le 17 novembre 2014 que la France est un pays du Pacifique et de l’Océanie. Si nombre de Français tiennent pour acquis cette réalité géopolitique, la « Françocéanie »1 ne va pas naturellement de soi. Nombre de pays ignorent que la France demeure possessionnée dans la région. D’autres contestent diplomatiquement cette donne et l’espère temporaire. Ce sont d’ailleurs du cœur même du Pacifique qu’ont été parrainées les résolutions des Nations unies inscrivant successivement sur la liste onusienne des territoires non autonomes la Nouvelle-Calédonie, en décembre 1986, par les îles Salomon, Papouasie Nouvelle- Guinée, Vanuatu2, puis la Polynésie française, en mai 2013, par Nauru, Samoa, Salomon, Timor oriental, Tuvalu3. En conséquence, en étant à la fois, une puissance administrante et un État ayant une diplomatie globale, la France définit une politique extérieure tournée vers les États territoires du Pacifique qui est à la fois hexagonale et fondée sur sa « Françocéanité ». La diplomatie française s’exécute vers le Pacifique, sur et depuis le Pacifique (Dobell, 2013 : 1). En vertu de cette multipolarité, la France prend en compte dans sa diplomatie multilatérale les organisations internationales associant, parmi d’autres, les États du Pacifique océanien et celles qui ont pour acteurs principaux les États souverains et les territoires non autonomes du Pacifique. Parallèlement, elle

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affirme ses ambitions et la défense de ses intérêts dans des institutions multi- régionales, trans-Pacifique et intra-Pacifique. Enfin, la diplomatie française interagit avec un nombre croissant d’acteurs à l’ échelle sous-régionale, avec plus de partenaires périphériques du bassin Pacifique et des collectivités territoriales calédoniennes et polynésiennes plus agissantes. Ces dernières s ’ouvrent en outre concomitamment sur et à leur région. Le temps où les États et territoires insulaires n’accordaient de l’attention qu’ à un tout petit nombre de partenaires est de surcroît dépassé ce qui a pour conséquence une volonté de réorganiser les architectures transnationales de coopération.

La France face à la pluralité des organisations du Pacifique océanien

2 Au fil des décennies et des évolutions des lois cadres régissant les pouvoirs dévolus à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française4, il a fallu à la France conduire une diplomatie « Pacifique » multimodale, intégrant dans sa manœuvre les capacités d’action des gouvernements de Nouméa et de Papeete, sans même parler d’une Union européenne ayant enserré le Pacifique dans ses propres instruments d’action extérieure géographisés (ACP, PTOM, UE-Océanie)5. Bien que ces contraintes internes soient tout à fait dimensionnantes pour la diplomatie de la République, c’est d’abord aux évolutions de l’espace Pacifique auxquelles la France dut s’adapter. La France eut toujours à articuler sa politique vis-à-vis du Pacifique avec son action diplomatique en Asie car le Pacifique océanien ne fut jamais ni hors du temps des rivalités stratégiques, ni hermétiquement isolé du reste du monde.

Une politique océanienne « asianisée »

3 Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, la politique conduite par la France dans le Pacifique et au travers de ses territoires du Pacifique océanien a interféré avec son action en Asie du Nord-Est et du Sud-Est. Après avoir cherché à se prémunir des effets des développements du communisme indochinois, il s’est agi de faire face à l’ émergence de la République populaire de Chine (RPC) sur la scène politique polynésienne (Mohamed-Gaillard, 2010 : 171-197). Cette interaction entre les dynamiques politiques océaniennes et asiatiques a également pesé au fil des décennies sur les principaux partenaires occidentaux de la région, formatant ainsi un peu plus l’asianisation du regard français tourné vers le Pacifique.

4 Les Australiens n’ont accepté une réinsertion du Japon dans l’espace régional qu’au prix de la mise sur pied de mécanismes de sécurité collective avec les États-Unis et la Nouvelle-Zélande. L’encouragement du sens communautaire océanien n’eut pas d’autres buts pendant longtemps que de tenir la région du Pacifique Sud à l’ écart de toute influence périphérique et d’actions subversives venues d’Asie du Sud-Est, notamment d’Indochine et d’Indonésie. Les efforts d’aide au développement aux États devenus souverains furent, de la même manière, autant l’expression de solidarités entre pays développés et pays en voie de développement que la conséquence des politiques visant à éviter que les États océaniens soient tentés d’aller rechercher un

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appui diplomatique et des moyens financiers auprès de l’URSS et de la RPC. C’est donc bien avant même que les puissances asiatiques ne deviennent le moteur de l’ économie mondiale que la politique océanienne de la France a dû s’articuler avec sa diplomatie extrême-orientale, aseanienne et indochinoise.

5 Àl’heure où les enjeux commerciaux sont devenus primordiaux, il s’agit dorénavant de savoir si les territoires insulaires français du Pacifique, voire l’Australie, peuvent être pour la France autant de têtes de pont vers l’Asie en croissance. Historiquement, ce ne sont pourtant pas les intérêts économiques qui poussèrent à penser l’espace en termes « Asie-Pacifique » (AsPac). Ce sont des impératifs de sécurité qui imposèrent à Paris de concevoir sa stratégie à l’échelle d’un théâtre « AsPac » (ministère de la Défense, 2013). Alors que la reconquête du Pacifique fut conduite du Sud vers le Nord, d’Océanie vers l’Extrême-Orient en passant par l’Asie du Sud-Est, il s’est agi, à partir de la fin des années 1940 et cela pendant quarante ans, de faire obstacle à tout risque glissant du Nord-Est de l’Asie vers le Pacifique Sud. Tout en globalisant les défis auxquels l’AsPac devait faire face – même la signature le 8 septembre 1954 à Manille du traité de défense collective pour l ’Asie du Sud-Est qui donna naissance à l’OTASE, fut entendue par la France comme couvrant explicitement la sécurité des établissements français d’Océanie, la Nouvelle- Calédonie et les Nouvelles-Hébrides –, le théâtre stratégique AsPac s’est compartimenté au fil des conflits armés. Des espaces politiques « homogènes » ont même fait leur apparition, nourrissant l’émergence de nouveaux micro-régionalismes (ASEAN ; Triple alliance indochinoise ; partenariats stratégiques américain avec le Japon, les Républiques de Chine et de Corée

; Pacifique Sud sous leadership australo-néo-zélandais). Certains de ces micro- régionalismes institutionnalisés sont demeurés à l ’état de projets comme l’Union bouddhiste, d’autres ont pris rapidement le chemin d’un régionalisme-ethnicisé – par exemple le MAPHILINDO6. Aujourd’hui, des manifestations identitaires d’entre soi qui ne sont plus propres aux micro-régionalismes des territoires à l’est de l’Inde et au sud de la Chine. Elles semblent tentantes jusque chez nombre d’Océaniens comme en témoignent la consolidation des espaces politiques micronésien, mélanésien et polynésien, quitte à ce que certains États jouent d’identités multiples pour valoriser leur importance politique et stratégique à l’instar de Fidji ou encore l’Indonésie.

6 Paradoxalement, à l’heure où l’Océanie se cardinalise avec le reste du monde, elle revivifie ses identités particulières. Tout en bâtissant des partenariats structurés avec les puissances émergentes (par exemple, Chine, Corée, Inde, Turquie), les territoires océaniens trouvent utiles, indispensables même de se retrouver entre eux. Non seulement à l’échelle insulaire, sans les Australiens voire les Néo-Zélandais (cf. les appels fidjiens au retrait de Canberra et de Wellington du Forum des îles du Pacifique [FIP]), mais également entre Micronésiens, Mélanésiens (cf. Groupe du Fer de lance mélanésien [GFLM] et Polynésiens [Groupe des dirigeants polynésiens]. Ces constructions s’élaborent au nom d’une conceptualisation géographique pour partie artificielle mais elles n’en font pas moins sens aujourd’hui dans le champ politique. L’Indonésie vante ainsi sa « mélanésité »77 pour s’associer au GFLM et contrecarrer les

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efforts de légitimation internationale des indépendantistes papous, relayés notamment par le Vanuatu ou encore le FLNKS.

7 En cherchant à mieux imbriquer aujourd’hui sa politique océanienne avec sa politique d’influence en Asie du Sud-Est et en Extrême-Orient, la France – parfois sans en avoir pleinement conscience – met en œuvre une stratégie « AsPac » déjà fort ancienne. Le seul changement radical à l’intérieur de l’espace est d’avoir vu disparaître une barrière défensive intra-Pacifique. L’extinction de la menace communiste et les fantasmes d’appétits territoriaux qui lui ont été prêtés ont pour conséquence une plus grande fluidité des relations économiques et politiques à l’ échelle du bassin, sans même parler des mouvements migratoires. Les économies océaniennes s ’« asianisent ». Les échanges politiques s’institutionnalisent. États et territoires insulaires bâtissent des « Look North Policies » ce qui revient aussi à dire qu’ils regardent plus que jamais vers l’Ouest. Une nouvelle donne stratégique qui laisse à penser qu’une nouvelle ère politique s’ouvre, que l’unipolarité américaine s’estompe et un nouveau « Grand jeu » s’ordonne. Certains comptent même sur une présence française durable pour participer à un endiguement de la montée en puissance chinoise dans le Pacifique (Fisher, 2013 : 272). Toutefois, la transformation de l’espace politico-stratégique a pour conséquence de nourrir un sentiment d’effacement stratégique de la France et de ses alliés tout en rendant plus prégnante la nécessité d’ élaborer un nouveau narratif politique, de nouvelles alliances et modes d’insertion régionale. Afin de montrer qu’elle s’inscrit dans un nouveau grand dessein, la France abandonne peu à peu dans son vocabulaire politico-stratégique toute mention au Pacifique Sud pour privilégier une terminologie faisant référence à l’« Asie-Pacifique » ou au « Pacifique ». Le premier référentiel a pour avantage de souligner des intérêts stratégiques allant bien au-delà des territoires océaniens possessionnés. Ce changement sémantique rappelle aussi combien la France peine à fixer son langage pour définir la région et ses sous-ensembles (Mrgudovic, 2008 : 5-10).

L’importance croissante du bi-multilatéralisme

8 Aujourd’hui, la France doit compter avec un réseau d’ États insulaires ayant un nombre grandissant de partenaires de par le monde. Certains bien qu’ éloignés du bassin Pacifique ont même institutionnalisé leurs échanges sous la forme de sommets avec tous les États océaniens (Cuba, Inde). Néanmoins, c ’est la « jeunesse » des États8 qui explique la lente progression de leur tissu relationnel et l’attrait qu’ils représentent collectivement dans les enceintes multilatérales9 (Guilbert, 2015).

9 Les États insulaires sont courtisés comme jamais mais nombre des relations récemment bâties sont des partenariats dissymétriques. Les pays extra-océaniens en tirent des avantages immédiats plus importants que les États insulaires. Il est vrai que les capacités des Océaniens à répondre à toutes les sollicitations demeurent limitées, faute de ressources humaines et d’ambassades. Dans ce contexte, les représentations permanentes auprès des Nations unies à New York sont le lieu privilégié de toutes les batailles d’influence. Bien plus que dans les capitales océaniennes, c’est au siège de l’ONU que sont mises en œuvre les

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diplomaties des États du Pacifique. La France, membre permanent du Conseil de sécurité, y est en résonance depuis longtemps mais elle doit aussi compter avec une dynamique trans-Pacifique densifiée par un nombre croissant de dialogues Océanie+110 (Chine, Corée, Japon, Taïwan, Thaïlande). Ce relationnel est d’abord le fruit d’initiatives des puissances émergentes. Pour affirmer urbi et orbi leur nouveau statut et leurs ambitions mondialisées, elles veillent à disposer de forums dédiés à chaque région du monde (par exemple Afrique, Asie du Sud-Est, Amérique latine). Selon cette logique de cardinalisation, l’Océanie ne saurait manquer à l’appel. De surcroit, au-delà des rivalités d’influence affichées (par exemple Chine-Japon, Chine-Taïwan), les pratiques diplomatiques sont bien souvent empreintes de mimétismes. Elles ont accéléré la mise sur pied de tels forums, la plupart ayant trouvé leurs marques dans la décennie 1997-2007.

10 Si les États océaniens se prêtent aisément à ces exercices de bi-multilaréalisation alors qu’ils n’en sont pas les initiateurs, c’est parce qu’ils espèrent être plus écoutés de la communauté internationale. Il est implicitement entendu que le partenaire, quel qu’il soit et où qu’il se trouve, se doive de relayer les préoccupations océaniennes « vitales », jugées peu portées aujourd’hui par les partenaires historiques de la région (par exemple Australie, États-Unis).

11 Les États océaniens ne sont pas des États « passifs ». Ils ont des intérêts essentiels et entendent les défendre. Pour cela, ils ont besoin de partenaires disponibles dans le temps et ayant des leviers d’influence. Pour autant, les États insulaires ont parfaitement conscience de leur statut de micro-États mais ils n’en veulent pas moins voir leur « pacificité » mieux reconnue. Signe de leur importance et de leur capacité à faire entendre leur identité propre, en 2011 à New York le groupe de pays les accueillant aux Nations unies a été dénommé « Asie-Pacifique » et non plus « Asie ». En outre, les États océaniens ne sauraient voir leur parole véhiculée seulement par leurs puissants voisins australiens et/ou néo-zélandais, aux intérêts souvent si différents. Il leur faut donc trouver leurs propres démultiplicateurs d’influence.

12 Les puissances émergentes qui se montrent disponibles à bâtir une architecture Océanie +1 sont d’autant plus rassembleuses qu’elles prennent généralement à leur charge pour les rencontres internationales les coûts de transport prohibitifs des délégations. Elles veillent par ailleurs, la Chine communiste en tête, à offrir aux organisations régionales des infrastructures de travail nouvelles (par exemple les aides au bureau du Forum des îles du Pacifique à Pékin11, ou à la construction du siège à Port Vila du GFLM ). De plus, à l’occasion de ces manifestations les puissances invitantes prennent le plus grand soin à annoncer de nouveaux engagements sonnant et trébuchant (Chien-peng, 2010 : 98-11012). Les puissances émergentes le font de manière d’autant plus ostentatoire qu’elles n’ont pas de place statutaire dans les organisations régionales anciennes ou plus récentes du Pacifique-océanien, à l’exception du très formel dialogue post-Forum des îles du Pacifique. Même le plus généreux des donateurs et le plus soucieux à user des canaux multilatéraux pour distribuer son aide aux politiques de développement, le Japon, n’a pas de voix décisionnelle dans les organisations sous régionales qu’il finance – comme la Communauté du Pacifique (CPS), ou encore le Programme régional océanien de l’environnement (PROE). Une situation qui est d’ailleurs également celle de l’Union européenne mais qui ne pourra pas durablement rester inchangée. Un défi politique, financier mais aussi juridique car il

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implique de modifier les traités fondateurs des organisations océaniennes – notamment le traité de Canberra constitutif de la CPS. En attendant, la bi-multilatéralisation des relations du Pacifique océanien avec le reste du monde va bon train.

13 Comme d’autres puissances moyennes, la France s’est employée à bi-multilatéraliser ses relations avec le monde océanien. Cette méthode lui permet de rayonner mais aussi de s’assurer que ses trois territoires du Pacifique sont associés étroitement à la construction du dialogue régional et sont intégrés de la même manière aux institutions régionales. C’est ainsi que les trois sommets (2003, 2006, 2009) se sont déroulés successivement à Papeete, Paris et Nouméa. Toutefois, on relèvera que ce sont les élus de Nouvelle-Calédonie (par exemple P. Gomès ou P. Germain) qui se montrent aujourd’hui les plus vindicatifs à demander l’organisation à Paris d’un quatrième sommet France-Océanie et cela dès la fin de l’année 2015 (Question au gouvernement le 15 janvier 2015, déclaration de politique générale du 13 avril 2015, Germain, 2015 : 13). Il s’agit de fixer autant que faire se peut des rendez-vous réguliers, les rencontres ayant été prévues pour se tenir tous les trois ans.

Une cardinalisation institutionnalisée et cadencée

14 Le rythme triennal des rencontres semble convenir aux États océaniens puisque plusieurs de leurs partenaires l’ont fait leur. Le Japon l’a instauré dès 1997. Depuis, les sept rencontres avec les leaders du Pacifique (PALM) ont permis à Tokyo un accès garanti à des ressources halieutiques, de mieux sécuriser ses liaisons maritimes et de s’assurer du soutien de la plupart des États océaniens à sa campagne pour un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations unies.

15 Les rencontres nippo-océaniennes ne sont pas seulement des échanges inter-étatiques formalisés (préparation par des réunions de hauts fonctionnaires (SOM), réunions des ministres…), elles associent également les acteurs transnationaux (par exemple Secrétaire général du FIP, directeur général du PROE…). Des réunions si inclusives que se pose la question d’y associer d’autres partenaires de la scène internationale. La France par exemple a manifesté publiquement un tel intérêt. Le Japon ne l’a pas écarté comme en ont témoigné le communiqué conjoint F. Hollande-S. Abe du 7 juin 201313 (Communiqué conjoint entre la France et le Japon, 2013) ou encore l’invitation lancée à la secrétaire d’ État au Développement et à la Francophonie Mme A. Girardin pour participer à unside event du sommet d’Iwaki en mai 2015 consacré aux changements climatiques. Ces contacts permettent à la France d’affirmer son rôle de puissance globale, sa « pacificité » et de valoriser le potentiel coopératif de ses territoires du Pacifique océanien.

16 La France n’est pas la seule puissance périphérique à se voir associer aux mécanismes Océanie+1. L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont ainsi été invitées comme observateurs au premier Forum Thaïlande-pays insulaires du Pacifique (TPIF, Bangkok, 4-8 août 2014). En conséquence, la France doit-elle chercher à se joindre au plus grande nombre des sommets Océanie+1 ? Si cela fait incontestablement sens avec les pays avec lesquels elle entretient un dialogue politique global ou plus particulier sur les questions du Pacifique, l’exclusion de certains forums n’est pas sans danger pour les intérêts français puisqu’elle marginalise doublement la France, en n’associant pas celle-ci et/ou ses territoires ultramarins aux échanges sur les réponses à apporter aux défis transnationaux de la région mais également en faisant des seuls États et territoires14

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membres de plein droit du Forum des îles du Pacifique la seule pierre angulaire des dialogues Océanie+1. Une approche que l’on retrouve dans le dialogue qui se met en place avec la Corée du Sud et qui offre au FIP des moyens financiers nouveaux dont il paraît vain d’imaginer qu’ils puissent bénéficier, d’une manière ou d’une autre, aux territoires non membres de plein droit du Forum. Pourtant, Séoul a doté son fonds pour la coopération avec le FIP (RPCF) de moyens importants, un million de dollars par an pour les années 2013-2016. Certes en s’appuyant sur le FIP et son secrétariat de Suva, Bangkok et Séoul qui sont tous deux partenaires du dialogue post-Forum, se facilitent la tâche pour organiser toute rencontre internationale avec les États océaniens. Les deux pays asiatiques n’ont quasiment pas de relais diplomatiques dans le Pacifique insulaire pour monter des réunions mobilisant des leaders géographiquement très dispersés et disposant d’une faible logistique administrative. Mais en excluant les territoires CPWF (Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna) des mécanismes Océanie+1, cela met à mal leur connectivité « Asie-Pacifique » potentielle, rend difficile les interactions susceptibles d’être établies avec les dispositifs mis en place avecl’APEC15, voire leur intégration dans les mécanismes de coopération Sud-Sud. Cela est dommageable dans la mesure où la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française possèdent des instruments nationaux de coopération scientifique mobilisables et sont capables d’amener de l’extérieur des compétences faisant régionalement défaut. Les territoires CPWF sont notamment à même d’ œuvrer efficacement au profit de tierces parties du Pacifique océanien avec les agences spécialisées d’aide au développement coréenne (KOICA) ou thaïlandaise (TICA)16 et de leur apporter leurs propres leviers financiers dans le cas de la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. On pourrait en dire tout autant avec l’Indonésie, elle aussi membre du dialogue post-Forum tout comme deux autres pays aseaniens, la Malaysie et les Philippines.

17 La plupart des pays asiatiques offrent la possibilité de coopérer avec des pays soucieux d’adopter les normes internationales édictées par le Comité d’aide au développement de l’OCDE, autant de règles que d’autres nouveaux donateurs, à commencer par l’Inde et la RPC, se montrent rétifs à mettre en œuvre. Mais en écartant ipso facto la Nouvelle- Calédonie et la Polynésie française de certains forums régionaux, certains donateurs adoptent une attitude discriminante en rupture avec la réflexivité des relations souhaitables à l’échelle du bassin Pacifique même s’ils n’en ont pas forcément pleinement conscience. De leur côté, les territoires français ne font pas de même. Nouméa notamment se montre attentive en particulier sur les sujets relatifs à la lutte contre les changements climatiques, à associer le plus grand nombre de partenaires à ses rencontres. Àce titre, le ministre thaïlandais de l’Intérieur en charge de la lutte contre les désastres naturels a même été invité par le président du gouvernement calédonien à se joindre au troisième sommet d’Oceania 2117 (28-30 avril 2015) alors que le Royaume est sous sanctions européennes.

Une multivectorialisation très politique du Pacifique

18 Si avec certains partenaires d’Asie du Nord-Est voire du Sud-Est il est possible de concevoir un mode d’association de la France à leurs dialogues institutionnels avec l’Océanie, cela paraît bien plus difficile à envisager avec la Chine car l’association de la France mettrait à mal le narratif voulant que les rencontres Chine-Océanie soient des

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mécanismes de coopération Sud-Sud. Quant à l’association d’entités non souveraines, cela introduirait implicitement, tôt ou tard, la question de Taïwan. Or Taipeh entretient des relations particulièrement étroites avec les États insulaires. Depuis le début de la décennie 70, la rivalité sino-taïwanaise latente a eu pour conséquence d’enkyster Pékin et Taipeh dans les jeux politiques intérieurs des États océaniens (Lechervy, 2015b) et d’ordonnancer deux mécanismes concurrents d’échanges bi-multilatéralisés.

19 Derrière des manœuvres diplomatiques et géopolitiques se cachent des calculs géoéconomiques. Les dimensions mercantiles des sommets bi-multilatéralisés sont manifestes tout en étant en rien spécifiques au monde chinois. Le Forum Thaïlande- pays insulaires du Pacifique (TPIF) sert les intérêts économiques de Bangkok notamment ses pêcheurs de thon et les entrepreneurs qui cherchent à obtenir des concessions forestières en Papouasie Nouvelle-Guinée. La Corée du Sud, tout en faisant implicitement obstacle au développement de réseaux d’influence nord-coréens dans la région18, cherche à valoriser ses savoir-faire industriels en premier lieu dans le secteur des industries des énergies renouvelables auprès des États insulaires qui veulent réduire au plus vite leur dépendance vis-à-vis des énergies hydrocarbonées fort coûteuses à importer.

20 Au-delà d’intérêts commerciaux bien compris, le bi-multilatéralisme est aussi très politique. Dans le cas chinois par exemple, il permet d’afficher combien le Japon n’est plus le principal partenaire économique et d’aide au développement de la région. Il s’agit de dévaloriser stratégiquement le Japon en particulier dans le Pacifique Sud, les positions nippones étant plus affirmées en Micronésie où l’influence taïwanaise est aussi plus prégnante. L’agenda politique du bi-multilatéralisme est si évident que dès que Pékin eut instauré son Forum de développement économique Chine-Pays des îles du Pacifique (avril 2006), la République de Chine s’est inquiétée de cette nouvelle caisse de résonance et s’est empressée d’instituer des sommets Taïwan-Alliés du Pacifique (novembre 2006). Au fond, c’est en comprenant que l’Océanie ne voulait pas se trouver enfermée dans les rivalités sino-nippones et sino-taïwanaises que la Corée du Sud et certains pays de l’ASEAN se sont montrés disponibles à l’instauration de nouveaux partenariats. En outre, le bi-multilatéralisme permet d’ égrainer un nouveau récit politique des puissances émergentes, aussi valorisant à l ’intérieur des frontières que sur les théâtres extérieurs. C’est l’occasion pour les nouveaux Dragons de souligner leurs succès et le chemin qui les a conduit d’États récipiendaires de l’aide internationale à celui de donateurs (Corée du Sud, Singapour) même si dans certains cas (par exemple la Thaïlande) les pays sont à la fois des donateurs et des bénéficiaires de l’aide internationale.

21 La politisation des forums tient également au rôle donné aux ministres des Affaires étrangères et au choix des puissances émergentes de s’adresser au plus politique des forums, le FIP. C’est ainsi que Séoul orchestre régulièrement des réunions de ministres des Affaires étrangères avec les îles du Pacifique (mai 2011, novembre 2014) et la Cité- État de l’ASEAN cherche à s’associer au FIP et au Secrétariat de la Communauté du Pacifique. Cette dynamique de rapprochement n’est pas propre aux pays riverains du bassin Pacifique. L’Inde a organisé un sommet océanien autour du premier ministre N. Modi en déplacement à Fidji (novembre 2014) et a annoncé vouloir réitérer l’ événement. De la même manière, une première réunion ministérielle Cuba-îles du Pacifique s’est tenue en septembre 2008 à La Havane. Mais alors que l’Océanie se multi- vectorialise, aucun forum nouveau n’a été constitué avec les États-Unis, pire

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Washington a fermé pour des raisons d’arbitrages budgétaires ses représentations aux îles Salomon et aux Samoa en 1993 (Crocombe, 1995 : 278). En outre, Washington n’a pas plus cherché à élargir l’APEC vers le Pacifique insulaire au-delà de la Papouasie Nouvelle-Guinée qui accueillera en 2018 le sommet des chefs d’ État et de gouvernement de l’organisation trans-Pacifique.

22 Dans ce contexte, les puissances émergentes asiatiques ont beau jeu de vanter au travers des forums bi-multilatéralisés le siège des institutions internationales qu’elles accueillent (par exemple l’Institut mondial pour une croissance verte19, le Fonds vert pour le climat, la Commission économique et sociale pour l’Asie-Pacifique) mais également leurs attraits économiques et leurs savoir-faire. Elles ne sont pas les seules. Les Émirats arabes unis ou Cuba ont développé des coopérations plus techniques avec le Pacifique pour consolider l’assise internationale de certaines de leurs institutions comme l’Agence internationale pour les énergies renouvelables ou l’École latino- américaine de médecine.

Macro-multilatéralisme versus micro-régionalisme

23 Ces nouveaux pôles de coopération démontrent que l’espace océanien s’imbrique institutionnellement avec lui-même et le reste du monde (cf. figure 1). Il en est de même pour les organisations sous-régionales. En 2014, l’Assemblée générale des Nations unies a ainsi décidé d’accorder, avec le soutien de la France, un statut d’observateur permanent à la CPS, le FIP en bénéficiant déjà depuis 1994. Ce qui est vrai pour les méta-organisations l’est tout autant pour les États insulaires pris individuellement. Les États du Pacifique océanien s’insèrent, de plus en plus, dans des organisations internationales extrarégionales.

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Figure 1. – Les États et territoires insulaires océaniens dans les organisations régionales du Pacifique océanien

(Voir le tableau 2 ci-dessous pour la signification des abréviations.) (© C. Lechervy)

24 Le macro-multilatéralisme s’accompagne d’une présence renforcée des États océaniens dans plusieurs institutions internationales – par exemple la Banque asiatique de développement20, le Mouvement des non-alignés21 ou encore l’OMC22. Ces réseaux sont efficacement mobilisés (par exemple l’Alliance des petits États insulaires) et se densifient en même temps que se renforce un régio-multilatéralisme trilatéralisé (Sommet des chefs des chefs des pouvoirs exécutifs de Micronésie occidentale, 2003, Groupe du Fer de lance mélanésien, 1988, Groupe des dirigeants polynésiens, 2012). Cette dynamique montre combien le multilatéralisme océanien a aussi besoin de se rétracter sur des identités étroites (Micronésie, Mélanésie, Polynésie) au moment même où il institutionnalise ses relations avec le reste du monde. Il sera intéressant de voir si la triangulation fait apparaître une géométrie politique isocèle, donnant à chaque pôle le même poids alors que les déséquilibres en matière de ressources économiques et territoriales sont considérables (cf. Tableau 1). Les cinq pays mélanésiens représentent près de 98 % des terres émergées et des ressources terrestres. Les dix-sept États et territoires insulaires océaniens (ETIO) de Micronésie et de Polynésie ne couvrent même pas à eux seuls toute la superficie terrestre du Vanuatu, d’où l’importance capitale pour eux, plus que pour tout autre, d’accéder et de pouvoir exploiter durablement les ressources hauturières. De même, l’apparition de structures régionales identitaires fera-t-elle naître des coopérations privilégiées entre Mélanésiens et Polynésiens ou encore entre Mélanésiens et Micronésiens ? Si cela devait se vérifier les modes de fonctionnement du Forum des îles du Pacifique en seraient radicalement modifiés.

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25 Les nouvelles dynamiques intra-régionales réévaluent également la place à accorder aux territoires français. En 2013, le PIB de la Polynésie française représentait 74,8 % du monde polynésien. Celui de la Nouvelle-Calédonie constituait 6,2 % du total mélanésien mais il est le deuxième de la sous-région après celui de la Papouasie Nouvelle-Guinée.

26 Ce qui se joue avec le développement du régio-multilatéralisme, c’est également la verticalisation des organisations régionales et l’ équilibre des institutions dédiées au Pacifique océanien surtout à l’heure où les autorités fidjiennes remettent en cause la composition du FIP voire son rôle de pivot régional (cf. figure 2).

27 Fidji se montre le plus offensif sur le sujet mais certains de ses voisins n’en pensent pas moins. En refusant que l’Australie et la Nouvelle-Zélande soient parties prenantes aux institutions du Forum des îles du Pacifique (Poling, 2015), Suva remet en cause l’ordre établi au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ou tout au moins depuis le début des années 70 lors de la mise sur pied du FIP . En ébranlant le Forum, c’est toute l’architecture régionale qui est remise en cause (cf. figure 2).

28 Pour autant, le réordonnancement de l’architecture régionale ne saurait être le fruit des (dés)accords du binôme australo-fidjien. La plupart des défis de la région (climatiques, économiques, migratoires, sanitaires) se moquent bien des statuts juridiques des territoires insulaires. C’est ce que la France s’emploie à répéter à intervalles réguliers pour souligner combien il serait aussi injuste que contre-productif de ne pas associer ses territoires du Pacifique aux actions de coopérations transnationales et aux organisations dont se dote la région. Le système des Nations unies paradoxalement prend mieux en considération cette attente française.

29 Les programmes multilatéraux d’aide au développement doivent répondre à des défis qui font fi des statuts juridiques des territoires. Les organisations onusiennes installent donc des bureaux à vocation régionale au cœur du Pacifique insulaire et des bureaux de coopération déconcentrés, ce qui facilitent les contacts avec les territoires français, offrant ainsi plus d’occasion d’échanger et co-opérer avec les collectivités (cf. l’ouverture en 2014 d’un bureau à Apia du Programme des Nations unies pour l’environnement, PNUE, et la mise sur pied du Dialogue environnemental Asie-Pacifique, SEPD). Le micro-régionalisme a ceci d’avantageux pour la France qu’il estompe la distinction entre les territoires souverains et ceux qui ne le sont pas. Il est plus facile pour la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française d’y trouver place y compris dans des organisations sous-régionales plus politiques. Personne ne discute la vocation, à plus ou moins long terme, de Nouméa à se joindre au Groupe du Fer de lance mélanésien ou encore à Papeete d’ être partie prenante du Triangle polynésien. Si la Polynésie française n’a pu convaincre récemment ses voisins de lui confier le siège d’un secrétariat du Groupe des dirigeants polynésiens, cette décision n’a rien à voir avec son degré d’ émancipation vis-à-vis de la République française. Le désaccord portait uniquement sur l ’utilité d’une structure de soutien, son coût et sur l’appréciation portée sur le leader attaché à ce projet, bien plus que sur le caractère indépendant ou non du territoire. Quant à la place future de la Nouvelle-Calédonie au GFLM, elle est liée intimement à l’avenir institutionnel et politique du territoire.

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30 La tyrannie des distances, la volonté des États d’accueillir sur leur sol des organisations internationales créatrices d’emplois nationaux de soutien23 et la rivalité entre les institutions favorisent le micro-régionalisme. Ce dernier, bien plus que les méta- organisations, fait place à des experts et des bénéficiaires de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française, de Wallis-et-Futuna. Toutefois si cette déconcentration des centres de décision opérationnelle permet de mieux associer la Françoéanie au quotidien, encore faut-il à cette dernière ainsi qu’à la France de s’adapter à un monde intra- Pacifique en pleine recomposition.

Figure 2. – Verticalisation des organisations régionales du Pacifique océanien

(© C. Lecherv)

31 Alors qu’au cours de la dernière décennie le nombre d’organisations régionales a été réduit de 16 à 10, la rationalisation passée ne fait pas obstacle à l’ émergence de nouvelles structures transnationales d’ échanges et de coopération se rassemblant sur une base annuelle (comme le Forum de développement des îles Pacifique , FDIP, 2012, ou le Sommet Oceania 21 du développement durable, 2013). La multiplication du nombre des forums mobilise les énergies et les ressources mais complexifie d’autant l’action diplomatique non seulement de la France, de ses partenaires mais également de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française voire de Wallis-et-Futuna. Non seulement le nombre de forums régionaux croît mais au sein de ceux-ci on assiste à une représentation plurielle de la France, en nombre (1 à 4) et en variété de statuts (associé, exclu, membre de plein droit, observateur). Àla complexité de la « pacificité » s’ajoute l’ « asianisation » du bassin Pacifique, l’insertion non uniforme des insulaires dans les organisations de la mondialisation et une « Françocéanité » toujours plus complexe.

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Une France plurielle dans les organisations du Pacifique océanien

32 Dans les enceintes internationales d’« Asie-Pacifique », la France agit sous divers statuts tout comme ses trois collectivités d’outre-mer. On peut classer les modes d’association aux organisations transnationales AsPac en huit grandes catégories, 1. La France représente seule juridiquement ses territoires océaniens comme le Comité régional de l’Organisation mondiale de la Santé pour le Pacifique occidental à Manille24 par exemple. 2. La France représente ses territoires dans des compétences qui leur ont été déjà déléguées, ainsi, bien que membre de l’Organisation Météorologique Mondiale (WMO) depuis le 5 décembre 1949, la Nouvelle-Calédonie est représentée dans cette enceinte par la France qui en est membre tout comme la Polynésie française. 3. La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont des partenaires « juniors » (par exemple, la France est un membre fondateur de la Commission économique et sociale Asie-Pacifique des Nations unies, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française n’en sont que des membres associés depuis 1992). 4. La Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et la République française sont sur le même pied d’égalité comme membres de plein droit (par exemple Communauté du Pacifique, CPS, Programme régional océanien de l’environnement, PROE). 5. L’État a un statut « dégradé » par rapport à celui accordé à ses territoires océaniens (par exemple au Forum des îles du Pacifique, la France est un partenaire du dialogue post-Forum depuis 1989, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont des membres associés depuis 200625, Wallis-et-Futuna un observateur depuis 2006). 6. La France n’est pas membre mais les collectivités territoriales sont associées (par exemple la Nouvelle-Calédonie bénéficie du statut d’observateur permanent à l’Agence des pêches du Forum, FFA, depuis mai 1998, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie sont des membres associés depuis 1991 de la Commission des géosciences appliquées du Pacifique, SOPAC, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont des membres constitutifs du Programme de développement des îles du Pacifique, PIDP).

7. L’État est exclu au profit d’acteurs infra-étatiques – la participation du FLNKS au Groupe du fer de lance mélanésien26 en est une illustration. 8. Ni l’État, ni les collectivités territoriales ne sont présentes, comme c’est le cas au Conseil océanien d’évaluation pédagogique (SPBEA) ou encore au Centre pour la coopération technique et financière dans le Pacifique (PFTAC).

Tableau 2. – Liste des abréviations (et acronymes anglophones entre parenthèses

ACPIP (PICTA) Accord commercial entre les pays insulaires du Pacifique

APF (FFA) Agence des pêches du Forum

APREPE (PACER) Accord du Pacifique sur des relations économiques plus étroites

BAD (ADB) Banque asiatique de développement

BCIIP (PT&I) Bureau pour le commerce et les investissements des îles du Pacifique

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BM (WB) Banque mondiale

CCEP (PECC) Conseil de coopération économique du Pacifique

CCTFP (PFTAC) Centre pour la coopération technique et financière dans le Pacifique

CESAP (UN – ESCAP) Commission économique et sociale des Nations Uniespour l’Asie – Pacifique

CGAPC (SOPAC) Commission des géosciences appliquées du Pacifique Sud

COEP (SPBEA) Conseil océanien d’évaluation pédagogique

COF (FOC) Comité des officiels du Forum

CORP (CROP) Conseil régional des organisations du Pacifique

CPPCO (WCPFC) Commission des pêches du Pacifique centre-ouest

CPS (SPC) Secrétariat général de la Communauté du Pacifique

CSRF (FRSC) Comité de sécurité régionale du Forum

ETIO (PICTs) États et territoires insulaires océaniens

FIP (PIF) Forum des îles du Pacifique

FDIP (PIDF) Forum de développement des îles du Pacifique

GCM (MCG) Groupe de contact ministériel

GDP (PLG) Groupe des dirigeants polynésiens

GFLM (MSG) Groupe du Fer de lance mélanésien

IIDAE (IIDEA) Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale

ODO Organisation des douanes océaniennes

OIF (IOF) Organisation internationale de la francophonie

OMC (WTO) Organisation mondiale du commerce

OMI (IOM) Organisation maritime internationale

OSPIP (PIPSO) Organisation du secteur privé des îles du Pacifique

OTPS (SPTO) Organisation du tourisme du Pacifique Sud

PACP (PACP) États du Pacifique du groupe Afrique Caraïbes Pacifique

PEID (SIDS) Petits États insulaires en développement

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PIDP (PIDP) Programme de développement des îles du Pacifique

PROE (SPREP) Programme régional océanien de l’environnement

PTOM (OCT) Pays et territoire d’outre-mer

RDP (PALM) Rencontre des dirigeants du Pacifique

RMEF (FEMM) Rencontre des ministres économiques du Forum

RMCF (FTM) Rencontre des ministres du Commerce du Forum

Une diversité de statuts pénalisante

33 La diversité des statuts nuit à la lisibilité de la politique française, à une certaine cohérence d’ensemble mais également à la place qui peut être légitimement octroyée à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie. Elle rebute l’ État-stratège et lui fait mettre de côté souvent l’une ou l’autre des structures auxquelles elle est Partie – par exemple à l’UNESCAP. En outre, le schéma institutionnel déjà bien compliqué ne doit pas faire oublier que l’atoll de Clipperton dans le Pacifique Nord est un cas singulier à garder à l’esprit. Certes, il ne rattache pas par lui-même la France à une organisation (sous) régionale mais le sujet n’est pas anodin. Clipperton, même sans habitant, contribue lui aussi à faire de la France un État possessionné du Pacifique. La République dispose à ce seul titre d’une ZEE conséquente, 6,6 % de sa zone économique exclusive du Pacifique et 2 % du total de ses ZEE. Àl’échelle européenne, il s ’agit d’une superficie comparable à celle d’un pays comme la Suède et à l’ échelle mondiale cette zone économique exclusive se range au 56e rang (Lechervy, 2015a). Dès lors, peut-on imaginer la France comme État partie à une organisation régionale du Pacifique au seul titre de ses confins non habités ? Une question qui pourrait bien être posée à Londres avant Paris. Si d’aventure, le Royaume-Uni devait évacuer la cinquantaine d’habitants résidant sur les îles Pitcairn, scénario envisagé épisodiquement, qu’adviendrait-il du siège de l’archipel à la CPS par exemple, alors que la Grande-Bretagne s’est déjà retirée de l’organisation en 200527 ? Le scénario d’un membre d’une organisation du Pacifique océanien sans habitant sur son sol pourrait bien être prochainement autre chose qu’un cas d’école. L’ élévation du niveau de la mer du fait des changements climatiques menace l’existence même de certains États souverains, au point que ceux-ci s’interrogent sur le transfèrement de leurs populations vers des territoires de pays tiers, cela pourrait donc bien donner sens à l’hypothèse de pays sans habitant membre d’organisations régionales du Pacifique.

34 Ce maillage des statuts nécessite de s’adapter à chaque instance et de pouvoir ordonnancer une manœuvre d’ensemble. Pour les territoires d’outre-mer cela impose de disposer d’une administration dédiée. Si à Wallis-et-Futuna c’est le cabinet de l’administrateur supérieur, à Papeete et à Nouméa ce sont deux administrations gouvernementales qui ont été mises sur pied. En Nouvelle-Calédonie, un service de coopération régionale et des relations extérieures a été créé en 2001. Armé de douze personnes, il supervise les relations bilatérales, multilatérales et le commerce extérieur

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du territoire. Tout comme son pendant polynésien bien que de taille plus modeste, il rapporte au président du gouvernement, seul compétent en matière internationale. La professionnalisation de ces institutions incite les territoires à mieux rayonner mais également à rapporter publiquement de leurs actions notamment auprès des commissions des relations extérieures des assemblées territoriales. Un contrôle démocratique propre aux territoires ultramarins s’esquisse ainsi.

Des stratégies territoriales plus élaborées

35 Les nouvelles administrations territoriales en charge des dossiers internationaux, les présidents des gouvernements, les élus sont en phase d’appropriation de leurs compétences internationales. Si, pour l’essentiel, les affaires étrangères relèvent de la compétence de l’ État, les lois organiques ont accordé à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française de nombreuses compétences en matière de relations extérieures. Ces responsabilités étant aussi récentes que sujet tes à controverses, elles ne sont assumées encore que partiellement, même si les autorités locales ne peuvent prendre des décisions en matière internationale pouvant aller à l’encontre des engagements internationaux de la République. L’existence d’administrations dédiées aux relations internationales et la volonté politique des élus donnent progressivement de la consistance, de la constance, de la cohérence aux démarches entreprises vers les États et territoires voisins.

36 L’étranger proche étant l’horizon politique immédiat, la Nouvelle-Calédonie se tourne vers la Mélanésie, la Polynésie française vers le Triangle polynésien. Mais pour être recevables, inscrites dans la durée, encore faut-il que ces stratégies puissent être fondées précisément en droit.

37 Dans le cas calédonien en vertu de la loi organique du 19 mars 1999 actualisée le 15 novembre 2013, prise pour l’application de l’Accord de Nouméa28 ; selon l’article 28, les autorités de la République peuvent confier au président du gouvernement des pouvoirs pour négocier et signer des accords dans le domaine de compétence de l’ État, avec des États ou des organisations internationales du Pacifique. En 2015, c’est ce qui a été fait dans le cadre d’un accord pluriannuel de coopération avec le Vanuatu. On notera de même que les prérogatives prévues aux articles 31 (association aux organisations internationales29), 32 (représentation auprès des États et territoires du Pacifique) et 33 (signature de conventions de coopération décentralisés avec des collectivités étrangères) sont également globalement mises en œuvre à la différence des articles 29 et 30.

38 Selon l’article 29, dans les domaines de compétence de la Nouvelle-Calédonie, qui sont nombreux, le Congrès peut autoriser le gouvernement à négocier des accords avec les États et organisations régionales. Les autorités de la République sont alors informées de l’intention de négocier et peuvent confier au président du gouvernement local les pouvoirs pour signer les accords élaborés. Ce champ d’application est encore très largement inexploré tout comme les compétences édictées à l’article 30 qui précisent que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le cas échéant, les présidents de province, peuvent être associés, au sein de délégations françaises, aux négociations avec l’Union européenne. Ceci incite les provinces à se doter, elles aussi, de structures en charge des questions internationales30.

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39 Dans le cas polynésien, la situation est peu différente si ce n’est que la loi organique confère une compétence plus large en matière de consultation de l’assemblée territoriale et une responsabilité géographique élargie au président de la Polynésie française (article 15 de la loi organique du 27 février 2004), ce qui est utile pour le développement des relations avec la Chine, les États-Unis, le Japon voire le Chili, quatre partenaires historiques de Papeete.

40 Les dispositions existantes permettent aux territoires de développer un large spectre de coopérations bilatérales. Ainsi, des coopérations de solidarité et d’aide au développement « Nord-Sud » ont été mises sur pied avec Fidji, le Vanuatu, les Tonga. Elles sont susceptibles de se diversifier encore géographiquement à l’avenir (par exemple, îlesCook, Papouasie Nouvelle-Guinée, Salomon). Il y a également des coopérations qualifiées d’égal à égal ou « Nord-Nord » avec l’Australie et la Nouvelle- Zélande dans les domaines administratifs, éducatifs, économiques, sportifs, de santé ou encore de transport. Enfin, il y a les coopérations entre les collectivités territoriales françaises elles-mêmes (cf. l’accord particulier entre l’ État, la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna ; l’accord commercial liant depuis 2001 la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française). Cet écheveau attache les communautés françaises à leur environnement aujourd’hui, et demain plus encore.

41 Sans préjuger de l’avenir, les dispositifs existant sont évolutifs. Il s’agit de mettre en cohérence les textes avec les pratiques mais également d’aligner, autant que possible, les dispositions les plus récentes à l’ensemble des territoires. Une démarche de cohérence administrative mais qui rencontre bien des réticences politiques notamment en Nouvelle-Calédonie. Dans son souci pratique d’homogénéisation législative et réglementaire, l’ État ne peut donc faire fi des particularismes de chacun de ses territoires. Ainsi en 2013, le projet d ’actualisation de la loi organique a été jugé excessif dans l’ élargissement des compétences relatives à l’ouverture des représentations du territoire hors des ambassades de la République, choix fait à deux reprises par le passé par Papeete pour des bureaux à Pékin et Wellington. Pour l’heure, en vertu d’un accord signé avec le Quai d’Orsay et le ministère des Outre-Mer en 2012, la Nouvelle-Calédonie ne disposera donc de représentants que dans cinq ambassades de France (Australie, Fidji, Nouvelle-Zélande, Papouasie Nouvelle-Guinée, Vanuatu), sous réserve encore de définir les modalités de recrutement de ses agents31.

42 L’ État continuant de constater des lacunes dans les dispositifs juridiques de ses pratiques, il voudra les combler car tout vide juridique est susceptible de contentieux et d ’incompréhensions politiques. C’est pourquoi il a proposé à la Nouvelle-Calédonie lors de l’actualisation de la loi organique en 2013 d’ être associée aux négociations engagées par l’ État intervenant dans les domaines de compétence du territoire. Pour la conférence de Rio+20 par exemple, la Nouvelle-Calédonie avait été partie prenante de la délégation française car cela participait de la recherche d ’une plus grande intégration régionale du territoire mais il n’y avait pas de base juridique pour justifier un tel choix. De même, il est apparu souhaitable de permettre au président du gouvernement ou à son représentant d’

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être associé et de participer aux travaux des organisations internationales auprès desquelles la France est membre mais pas ses territoires, lorsque les discussions portent sur des sujets relevant de leurs compétences. Pour les organisations régionales de pêche cela pourrait s ’exprimer en confiant, dans certains cas, la représentation de la France à la Nouvelle- Calédonie, or aucune disposition juridique ne le permet explicitement.

43 Les quelques distorsions juridiques entre les compétences dévolues à la Nouvelle- Calédonie et la Polynésie française, le degré différent de bureaucratisation des administrations en charge des relations extérieures, les appétences diverses des responsables politiques et des intérêts parfois divergents doivent conduire l’État à s ’interroger sur la nécessité de rechercher des places parfaitement identiques pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française dans toutes les organisations régionales voire sur la nécessité d’esquisser des politiques sous-régionales plus marquées dans le Pacifique Sud. Ce dimorphisme diplomatique Mélanésie-Polynésie, tout comme celui qu’impose les approches trans-Pacifique et intra-Pacifique, incite à décliner plus précisément les politiques sous-régionales françaises. Mais cette élasticité est susceptible de porter une moindre attention au monde micronésien auquel l’un des alliés majeurs, les États-Unis, est particulièrement attaché. Reste donc à savoir si une présence renforcée dans les organisations mini-multilatérales nées d’identités éclatées se traduira pour la France par une hiérarchisation plus affirmée dans ses approches des organisations sous-régionales, afin de tenir compte de leurs capacités d’action et de rayonnement propres qu’elles offriront à chacun de ses territoires océaniens.

Le difficile accès à un espace économique océanien intégré

44 Si l’État soutient très officiellement les demandes d’attribution d’un statut de plein droit pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française au sein des organisations politiques régionales comme le FIP et le FDIP, et finance pour partie les participations aux mécanismes mini-multilatéralistes – comme pour le Groupe des dirigeants polynésiens –, à cette construction étato-centrée de l’architecture régionale s’ajoute, de plus en plus, une mobilisation des acteurs de la société civile notamment économiques. La France se montre soucieuse de voir inscrits pleinement ses territoires dans les organisations sous-régionales socioprofessionnelles (par exemple, agriculture, pêche, tourisme…). Cependant, cet objectif ne peut être atteint que par la volonté des collectivités territoriales car nombre des organisations transnationales visées agissent dans des domaines de compétence déjà octroyés par l’État, or l’accession de la Nouvelle-Calédonie et/ou de la Polynésie française à des organisations économiques du Pacifique océanien n’est pas sans soulever de complexes enjeux notamment européens.

45 Les organisations les plus politiques ne sont pas sans promouvoir la coopération et l’intégration régionales en matière économique. L’article 2 de l’accord établissant le FIP (2005) et l’accord de libre-échange signé le 29 juillet 2004 entre les États membres du GFLM dont l’exécution constitue l’un des buts constitutifs de l’organisation mélanésienne le rappellent. Si l’adhésion de la Nouvelle-Calédonie et/ou la Polynésie aux organisations régionales d’intégration économique n’est en rien exclue, elle n’en demeure pas moins devoir être envisagée dans des conditions juridiquement contraintes, notamment au regard des engagements internationaux de la République. Les autorités territoriales doivent respecter les engagements en vigueur, pris au titre

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des territoires dans le cadre du GATT et de l’accord général sur le commerce des services (GATS). Cela impose de respecter les règles posées par le traité de la communauté européenne, telles que mises en œuvre par l’accord d’association des PTOM à l’Europe. Enfin, et surtout, cela nécessite une concertation avec les autorités communautaires pour s’assurer que la participation des territoires aux organisations régionales n’est pas susceptible de porter atteinte aux politiques développées dans le cadre de l’Union européenne. Autrement dit, toute initiative pouvant être prise par les autorités locales en application des compétences qui leur sont désormais dévolues dans les matières commerciale et douanière et visant par exemple à la libération des échanges de produits doit s’inscrire dans le contexte des règles posées par la décision d’association. Il s’agit de ne pas contrevenir à l’économie du système d’ échange préférentiel mis en place par la Communauté au profit desPTOM et de ne pas établir de mécanismes discriminatoires entre les États de l’Union en matières commerciale et douanière. Dans la mesure où, en vertu de l’article 133 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Communauté dispose d’une compétence exclusive en matière commerciale commune, la France est tenue d’envisager toute négociation d’adhésion aux organisations régionales à vocation économique et commerciale, à l’initiative des présidents des gouvernements des territoires, en concertation étroite avec les autorités de l’Union européenne. Une situation qui impose à l’État de conduire sa politique « Pacifique » en adéquation avec trois évolutions majeures de la politique européenne, l’avenir de l’accord de Cotonou, qui régit à l’heure actuelle les relations entre l’Union européenne et le groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) qui arrivera à échéance à la fin de l’année 2020, plus de synergies entre les politiques conduites avec les États du Pacifique du groupe ACP et les quatre PTOM du Pacifique et une attention aux impacts économiques sur les États et territoires océaniens des accords de libre-échange établis ou en cours de discussion avec les partenaires asiatiques, australien et néo- zélandais. Une raison supplémentaire pour intégrer institutionnellement l’Union européenne aux organisations intra-Pacifique.

La fin des relations strictement étato-centrées et un plus grand contrôle démocratique

46 Les critiques émises à l’encontre de la plupart des organisations régionales du Pacifique océanien portent aujourd’hui sur leur caractère strictement étato-centré. C’est pourquoi depuis quelques années, les ONG y réclament leur place et créent leurs propres plateformes d’échanges (par exemple l’association des femmes francophones océaniennes). Des législateurs, à l’instar du Néo-Zélandais Mike Moore (Moore, 1982) réclament eux l’instauration d’un Parlement du Pacifique à l’image du Parlement européen ou du Conseil nordique. Il s’agit de redonner du sens politique aux organisations régionales, une plus grande légitimité démocratique et d’associer les représentants des citoyens aux décisions visant à ordonnancer le Pacifique océanien. Mettre sur pied un dispositif de cette nature serait une gageüre en terme logistique puisqu’il s’agit de donner corps à un espace législatif s’étendant sur 10 000 km d’Est en Ouest et 5 000 du Nord au Sud. En attendant, les forums inter-parlementaires qui émergent depuis le début des années 90, rencontrent pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna l’ écueil de la plupart des institutions intra-Pacifique puisqu’ils les excluent

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institutionnellement. L’espace géographique des échanges inter-parlementaires ne couvre soit qu’une partie du Pacifique – comme pour l’Asia-Pacific Parliamentary Forum32 ou la Conférence de l’assemblée parlementaire du Commonwealth – soit la plupart des territoires à l’exclusion de la Françocéanie (par exemples l’Assemblée parlementaire conjointe ACP-UE, l’Association des bibliothécaires parlementaires, APLAP, le Forum parlementaire du Pacifique ou encore le Partenariat parlementaire du Pacifique). Cette situation donne le sentiment que les stratégies d’intégration régionale se confondent avec le périmètre des membres de droit du FIP et ne prennent pas l’espace Pacifique comme un tout. Une ambiguïté que l’on trouve dans les documents censés penser les processus d’intégration eux-mêmes, Pacific Plan (2005, révisé en 2012) et Framework for Regionalism (2014), déclinant des priorités très générales et ne s’incarnant pas dans de véritables stratégies d’intégration au travers de politiques publiques coordonnées et adossées à des priorités pleinement partagées par les États et territoires océaniens. Cette absence de synergies entre les acteurs incitent les ONG, les chercheurs et les experts à demander plus de place dans les institutions régionales notamment celles ayant pour mandat de répondre aux principaux défis des politiques de développement. Les défis environnementaux étant les plus préoccupants à court, moyen et long terme, il n’est pas surprenant de voir s’esquisser pour y répondre une concurrence entre les opérateurs – CPS /PROE – et de nouvelles plateformes tribunitiennes associatives – Oceania 21 par exemple.

47 L’exigence grandissante de démocratisation des institutions régionales (Dearden, 2007 : 10-12) est aussi une critique de leur peu d’efficacité intégratrice (Grynber, 2006). Dans ce contexte, le Pacifique insulaire se caractérise dorénavant par une volonté de s’arrimer aux puissances émergentes, par le resserrement des matrices sous-régionales y compris dans le champ économique (PICTA Trade in Goods Agreement, MSG Trade Agreement, Micronesian Trade Committee Memorandum of Understanding, Economic Partnership Agreement), l’ émergence de forums mixtes associant les autorités gouvernementales, coutumières et des citoyens et la volonté de s ’appuyer sur les sciences de la terre pour assurer un développement durable aux territoires. Dès lors, la nécessité de diplomaties scientifiques et la prise en compte des acteurs diversifiés des sociétés civiles sont le prochain enjeu pour tous les États souhaitant développer leur influence dans le Pacifique océanien. La modularité des diplomaties va donc s’accroître encore. La stratégie française sera donc axée sur la recherche d’une plus grande efficacité diplomatique de l’ État en Asie-Pacifique, tout en étant la conséquence d’une atomisation de l’espace institutionnel régional, l’expression d’une influence grandissante des communautés d’outre-mer et de certains de leurs leaders sur la politique étrangère de l’hexagone. L’ État fait le pari que sa politique « Pacifique » est la somme de ses stratégies sous-régionales, de celles de ses territoires et de sa politique asiatique mais également de ses acteurs infra-gouvernementaux , qu’ils soient académiques, associatifs, entrepreneuriaux ou encore sportifs.

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Annexe 1. – Schématisation des relations internationales du forum des îles du Pacifique

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(© C. Lechervy)

NOTES

1. Nous utilisons ce néologisme pour qualifier au temps présent un espace géographique et politique singulier du Pacifique-océanien. Le terme de « Françocéanie » et son dérivé« Françocéanité » veulent exprimer une singularité française dans le Pacifique qui vaut aux territoiresultramarins de la République d’être ni pleinement intégrés à leur région, ni totalement exclus. Il s’agit aussi de qualifier une entité ayant une même langue en partage, une même consubstantialité pour beaucoup de partenaires étrangers – l’Union européenne a classifié la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna au sein du même groupe des PTOM (Pays territoires d’outre- mer) – et bâtissant des stratégies additives à celles de l’État français. Bref, il s’agit d’un sous- ensemble géostratégique étant quelque chose de plus que la France, disposant d’identités multiples et d’autonomies croissantes, nées de la loi-cadre Defferre de 1957 jusqu’au partage de souveraineté inscrit aujourd’hui dans les lois organiques. C’est pourquoi pour qualifier l’espace politico-territorial français d’aujourd’hui, il n’était pas possible de reprendre l’acception de la « France australe », aussi datée que le journal calédonien homonyme qui s’est voulu de 1889 à 1979 l’organe des intérêts français dans le Pacifique. Il n’était pas non plus possible de faire notre le néologisme de « Franconésie » (Chesneaux-Maclellan, 1992, 112-118) qui laisse à penser que les territoires océaniens d’aujourd’hui seraient toujours intégralement subordonnés aux intérêts de l’État français et ses relais locaux. Ceteris paribus et compte tenu des particularismes politiques qui sont aussi ceux d’autres pays de la région, on serait fondé à parler également d’une « américanocéanité » pour qualifier l’espace politique pluriel des États-Unis dans la région (territoires annexés ou dépendants, Guam, Hawai’i, Mariannes du nord, Samoa américaines ; territoires en libre association, États fédérés de Micronésie, îles Marshall, Palaos), voire même d’une « zélandocéanité » pour dépeindre les relations en rhizome qui lient la Nouvelle-Zélande à Tokelau ou encore aux îles Cook et Niue. Même si ces néologismes ne rendent pas pleinement compte des spécificités de chaque territoire, ils rappellent la nécessité de ne pas résumer les territoires insulaires non souverains aujourd’hui à leurs seules identités locales ou à leurs puissances tutélaires. 2. Ces trois États proposèrent au Forum des îles du Pacifique une résolution demandant la réinscription de la Nouvelle-Calédonie à l’ordre du jour du Comité de décolonisation des Nations unies. Cette proposition reçut le 8 août 1986 un assentiment unanime comme en témoigne le communiqué final du Forum des îles du Pacifique (FIP). 3. Le 2 septembre 2012, les États fédérés de Micronésie, à Fidji, les îles Marshall, Kiribati, Nauru, les îles Salomon, le Timor oriental, Tonga, Tuvalu et le Vanuatu ont adopté une résolution appuyant la réinscription. 4. Dans le cas de Wallis-et-Futuna, le maintien du statut de 1961 n’a pas fait évoluer les compétences du territoire en matière de relations internationales. 5. Lors du 45e sommet du Forum des îles du Pacifique en août 2014, la haute représentante, Mme Ashton a annoncé la tenue prochaine d’un tel sommet. 6. La confédération MAPHILINDO (Malaisie, Philippines, Indonésie) fut établie en 1963 pour rassembler dans un même espace politique les populations malaises d’Asie du Sud-Est. Elle échoua du fait des différends territoriaux opposant la Malaisie à l’Indonésie et aux Philippines. On se souviendra que Jules Dumont d’Urville proposa à la Société de géographie de Paris en 1831 de dénommer ce même espace territorial Malaisie. Il constituait à ses yeux une des quatre composantes de l’Océanie avec la Micronésie, la Mélanésie et la Polynésie. Par convention, on

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parlera ici de Malaisie pour désigner l’entité politique antérieure à 1963 (Malaya) et de Malaysie (Malaysia) pour la période postérieure. 7. La politique océano-Pacifique de Jakarta présente plusieurs facettes. Devenue partenaire du dialogue post-Forum des îles du Pacifique depuis 2001, l’Indonésie se présente comme un « pont » entre l’Asie du Sud-Est et le Pacifique insulaire. À ce titre, elle a instauré en 2002 un dialogue du Pacifique du Sud-Ouest avec les Philippines, la Papouasie Nouvelle-Guinée, le Timor-Oriental, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Elle se veut aussi un « partenaire de la sécurité environnementale ». En 2009 en marge de la Conférence mondiale des océans (WOC), elle a donc pris l’initiative d’un Triangle corallien pour la sécurité alimentaire, les pêches et les récifs (CTI) avec la Malaysie, les Philippines, la Papouasie Nouvelle-Guinée et les îles Salomon. Ayant obtenu le statut d’observateur au GFLM en 2011, l’Indonésie vante dans cette enceinte son « insularité », insiste sur le fait qu’« historiquement elle a plus à voir avec les pays du Pacifique qu’avec l’Asie » (Suryodipuro, 2014) et sur son héritage mélanésien. Le paragraphe 3 de la déclaration en neuf points signée à Jakarta en janvier 2014 par le ministre des Affaires étrangères du président Yudhoyono et ses homologues du GFLM souligne, par exemple, le rôle des Indonésiens de culture mélanésienne dans le dialogue avec le GFLM (Joint Statement, 2014). 8. En moyenne, les États du Pacifique insulaire sont indépendants depuis seulement 36 ans. 9. Les États océaniens représentent 6,7 % des voix à l’Assemblée générale des Nations unies. 10. On désignera par cet axiome toute réunion internationale rassemblant les États et territoires insulaires du Pacifique et une puissance tierce, quelle que soit la géolocalisation de celle-ci. 11. Le second des sommets des leaders du Pacifique avec le Japon ( PALM 2) fut l’occasion d’annoncer un Good Will Trust Fund d’une valeur de 10 millions de dollars pour financer des projets dans les domaines de l’environnement, de l’énergie et du tourisme. En réponse, la Chine instaura la même année un Fonds pour la coopération avec le Forum des îles du Pacifique. Ce dernier a financé en 2002 pour un million de dollars l’ouverture d’un bureau commercial du FIP à Pékin. 12. En avril 2006, par exemple, le premier ministre chinois Wen Jiabao a annoncé lors du premier forum pour le développement économique et la coopération Chine-Pays insulaire du Pacifique (CPIC Forum) qui se tenait à Suva, un Plan d’action pour le développement économique et la coopération, 375 millions de prêts à des taux préférentiels, la création d’un fonds pour faciliter les investissements chinois dans la sous-région, 2 000 bourses de formations et un million de renminbis pour lutter contre la malaria. Un mois plus tard, lors du 4e sommet des leaders du Pacifique avec le Japon (PALM 4) à Okinawa, Tokyo précisait que son aide au développement aux pays insulaires du Pacifique allait passer de 279 millions de dollars par an à 357 millions. En septembre 2006, c’était au tour du président taïwanais Chen Shui-bian de s’engager à développer la coopération économique dans les domaines de l’agriculture, les énergies renouvelables, le tourisme et d’octroyer 100 millions de dollars aux Salomon lors du premier sommet Taïwan- Alliés du Pacifique à Palaos (Chen-yi, 2010 : 121-126). En novembre 2013, lors du 2e CPIC Forum à Canton, il fut annoncé un milliard de dollars de prêts concessionnels pour des projets d’infrastructure et un milliard supplémentaire pour des prêts commerciaux visant à soutenir le développement économique et social de la région. (http://english.mofcom.gov.cn/article/ newsrelease/significantnews/201311/20131100386982.shtml). Lors du sommet japonais triennal qui suivit (Iwaki, 23 mai 2015), le premier ministre nippon a surenchéri et annoncé 55 milliards de yens d’aide au développement pour les trois prochaines années et 4 000 bourses (Construire ensemble un futur prospère, 2015 : http://www.mofa.go.jp/a_o/ocn/page4e_000261.html). 13. Le point 1, paragraphe 5 du communiqué conjoint du 7 juin 2013 précise que les deux pays se reconnaissent mutuellement comme étant du Pacifique et annoncent le renforcement de leur dialogue sur la région, en vue d’une coopération régulière au sein des organisations régionales du Pacifique. Il est également précisé que le Japon « a accueilli positivement l’intérêt exprimé par la

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France pour les sommets des dirigeants des îles du Pacifique (PALM) ». Dans le communiqué de presse conjoint du 5 mai 2014, il est précisé au point 2.16 des coopérations conjointes pour venir en aide aux États insulaires du Pacifique vulnérables aux effets du changement climatique. 14. Deux des quatorze pays insulaires invités par les Thaïlandais ne sont pas membres des Nations unies, les îles Cook et Niue. 15. En octobre 2013 par exemple, la Corée du Sud au sommet de Bali s’est fait le porte-parole des États insulaires du Pacifique et a proposé qu’ils bénéficient des actions mises en œuvre dans le cadre de l’APEC Climate Center installé à Pusan, or seule la Papouasie Nouvelle-Guinée est membre de l’APEC. 16. Ces deux agences sont relativement récentes. Elles ont été respectivement crées en 1991 et en 2004. Leur expérience est encore somme toute limitée. Au cours des deux dernières décennies, l’assistance sud-coréenne aux États insulaires du Pacifique s’est élevée à 50 millions de dollars. Dans le cas de la Thaïlande, le plus grand nombre de projets a été conduit avec le groupe de pays dit CLMV (Birmanie, Cambodge, Laos, Viêt Nam) même si quelques projets ont été mis en œuvre au-delà de l’Asie du Sud-Est. Au nom de la coopération Nord-Sud-Sud, Bangkok a ainsi mis en œuvre un projet au Sénégal avec la France. 124 opérations de prêt pour un montant de 25,7 milliards de baths ont été conduites. En moyenne, 5 à 10 projets nouveaux sont adoptés par an essentiellement dans les domaines de l’agriculture, les développements communautaires, l’éducation, l’environnement, la pêche, la santé et le tourisme. 17. Les sommets Oceania 21 se veulent les rencontres océaniennes annuelles du développement durable. Ils rassemblent les représentants des États et territoires insulaires, des responsables coutumiers, associatifs et scientifiques. 18. Fidji est le seul État du Pacifique insulaire à avoir ouvert une représentation diplomatique à Pyongyang. Le Commandore Esala Teleni y a présenté ses lettres de créances en août 2012. Ce geste a été présenté comme l’expression de la « Look North Policy » adoptée par Fidji. Les deux pays entretiennent toutefois des relations diplomatiques depuis 1975. Un arrangement administratif de coopération a été paraphé en marge du sommet des non- alignés en août 2012 à Téhéran. Il couvrirait les relations politiques et commerciales bilatérales. 19. Le Kiribati et la Papouasie Nouvelle-Guinée sont des membres fondateurs du GGGI. En avril 2013, Fidji a rejoint l’organisation dont le siège est à Séoul. 20. Six des treize États et territoires du Pacifique ont rejoint la BAD depuis 1990. 21. Fidji, Papouasie Nouvelle-Guinée, Timor oriental, Vanuatu. 22. Fidji (1996), îles Salomon (1996), Papouasie Nouvelle-Guinée (1996), Samoa (2012), Tonga (2007), Vanuatu (2012). 23. En moyenne, les organisations internationales emploient de 60 à 70 % de recrutés locaux à leurs sièges ou dans leurs bureaux décentralisés. 24. En février 2012, Harold Martin alors président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie a fait part de la volonté de Nouméa de voir son statut évoluer et être rehaussé au niveau de celui accordé à Hong Kong et Macao qui participent à cette instance pour leur propre compte. 25. En 2006, la Nouvelle-Calédonie a fait connaître officiellement son souhait de devenir un membre de plein droit de l’organisation. Le 25 août 2014, le président Gaston Flosse en a fait de même par courrier auprès du secrétaire général du FIP pour le compte de la Polynésie française. Les seules différences entre un membre à part entière et un membre associé résident dans la participation à la retraite des leaders, dans le paiement d’une cotisation minorée et dans l’emploi de ressortissants des membres de plein droit au sein du secrétariat du FIP. 26. On notera toutefois que l’accord de libre-échange signé le 29 juillet 2004 entre les États membres du GFLM dispose à l’article 3 qu’un statut d’observateur permanent est accordé au FLNKS jusqu’à ce que la Nouvelle-Calédonie devienne partie à cet accord.

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27. Membre fondateur de la CPS, le Royaume-Uni s’est retiré une première fois de l’organisation en 1996 avant de retrouver son siège en 1998. 28. Au paragraphe 3.2.1., les relations internationales et régionales sont classées dans la catégorie des compétences partagées. 29. À ce titre, la Nouvelle-Calédonie a pu ouvrir et mener des négociations avec laCPS afin de redéfinir les conditions de l’établissement et les privilèges et immunités de celle-ci sur son territoire. 30. Il y a par exemple un agent en charge pour la province Sud. 31. Convention relative à l’accueil de délégués pour la Nouvelle-Calédonie au sein du réseau diplomatique de l’État dans le Pacifique, 26 janvier 2012. 32. N’en sont membres que l’Australie, Fidji, les îles Marshall, les États fédérés de Micronésie et la Papouasie Nouvelle-Guinée.

RÉSUMÉS

En s’adaptant à un espace Pacifique en profonde mutation (États insulaires courtisés par les puissances émergentes, réordonnancé dans de nouveaux sous-ensembles), la France adopte une diplomatie modulaire. Celle-ci se bâtit au travers de son rôle de puissance globale, des liens établis avec l’Union européenne, des particularismes de ses territoires océaniens et de sa stratégie asiatique. Dans les institutions régionales, elle se fonde sur des statuts juridiques multiples et une volonté d’y associer de plein droit la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna. Elle doit compter avec une architecture régionale articulée autour du Forum des îles du Pacifique et privilégiant les États souverains insulaires. Longtemps étatisées, ces politiques doivent dorénavant faire place, pour répondre aux défis globaux, à nombre d’acteurs non gouvernementaux.

By adapting itself to a Pacific region in deep evolution (Island States courted by the emergent powers, reorganized in new sub-institutions), France adopts a modular diplomacy. This one builds through its role as a global power, its links developed with the European Union, the senses of identity of its South Pacific territories and its Asian strategy. In the regional institutions, it bases itself on multiple legal statutes and will to associate it by full memberships New Caledonia, French Polynesia, Wallis and Futuna. It has to count with the regional architecture articulated around the Pacific Islands Forum that supports the sovereign island States. Long established stated policies have now to give way to numerous civil societies and NGO in order to face global challenges.

INDEX

Mots-clés : collectivités territoriales, diplomatie française, Forum des îles du Pacifique, intégration économique, organisations régionales Keywords : Overseas countries and territories, French diplomacy, Pacific Islands Forum, Economic intégration, Regional organizations

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AUTEUR

CHRISTIAN LECHERVY Ambassadeur Représentant permanent de la France auprès de la communauté Pacifique et du PROE [email protected]

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Hors dossier

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The replicas of rongorongo objects in the musée du quai Branly (Paris) Les moulages de tablettes rongo-rongo au musée du quai Branly (Paris)

Rafal M. Wieczorek and Paul Horley

This paper would not be possible without the kindest collaboration of the musée du quai Branly. The authors are deeply grateful to Philippe Peltier, Head of the Oceania Heritage Unit, for his exceptional permission to study all rongorongo casts of the museum and to publish the corresponding photographs in this paper. We are also grateful to Francisco Torres Hochstetter (Museo Antropológico Padre Sebastián Englert, Hanga Roa, Easter Island), Gabrielle Weiss and Ilse Jung (Museum für Volkerkunde, Vienna), David Rosenthal, Donald Hurlbert and Felicia Pickering (Smithsonian Institution), Daisy Njoku, Gina Rappaport and Jeanine Nault (The National Anthropological Archives), Kamalu du Preez, Erin Tamashiro (Cultural Collections, Bernice P. Bishop Museum, Honolulu) and Tia Reber (Library and Archives, Bernice P. Bishop Museum, Honolulu) for their most kind help with the photographs of rongorongo artefacts and permission to reproduce the corresponding images in this paper. Special thanks to Albert Davletshin for his help with information about rongorongo casts in the Ethnological Museum of Berlin. We are also grateful to Nicholas Cauwe and Greet Van Deuren (Royal Museum of Art and History, Brussels) for their kind help with photographs of the Brussels cast of the Lateran tablet.

1 Rapa Nui (Easter Island) is located in South-East Pacific and is primarily known for the monumental stone statues moai that once stood on ceremonial platforms ahu. Among the vast Rapanui cultural heritage appears an unprecedented achievement for the small – but ingenious and hard-working island community – the development of a native writing system called rongorongo. Mentioned for the first time in 1864 by Brother Eugène Eyraud from the Congregation of the Sacred Hearts of Jesus and Mary (SS.CC.), the existence of inscribed artefacts did not attract much attention up to their rediscovery by the bishop Tepano Jaussen of Tahiti, who catalysed the search for inscribed tablets in 1870. As a consequence of his efforts (and scientific interest generated by them), at present the museums of the world safeguard some two dozens of inscribed artefacts with rongorongo script. Despite numerous claims published since the late XIXth century, rongorongo still awaits its decipherment (Robinson, 2002:

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223-225), which is complicated by the smallness of the surviving inscription corpus. The scarcity of the material prompted production of casts, predominantly made of plaster, to facilitate the scholarly access to inscriptions which otherwise are scattered in the museums from Hawai’i to Russia. Among the numerous museums striving to gather detailed documentation of the tablets, the musée du quai Branly holds a special place. Merging the collections of musée national des Arts d’Afrique et d’Océanie and musée de l’Homme, musée du quai Branly presently possesses the greatest number of plaster casts of rongorongo tablets in the world (Fischer, 1997: 399). Fischer’s inventory of rongorongo casts is mainly focused on the artefacts themselves, without providing a number of the casts in existence. To clarify this question, one of the authors (RW) made two visits to musée du quai Branly aiming on documentation and description of rongorongo casts. In addition to the material mentioned by Fischer, it turned out that in many cases there was a number of duplicate casts, reaching the impressive total count of 29 casts documenting 14 different inscribed artefacts from Easter Island. Additionally, the museum holds a unique rongorongo artefact – a snuffbox manufactured from inscribed tablet (Barthel, 1963: 373). With a large collection of remarkable Rapanui woodcarvings and other artefacts from Easter Island, musée du quai Branly is definitely a very important institution to visit for the scholars interested in different aspects of history and culture of Easter Island.

Description of the casts

2 The main body of casts documenting various inscribed Rapanui artefacts nowadays preserved in musée du quai Branly was formed due to efforts of , since 1928 the director of musée d’Ethnographie du Trocadéro. Trocadéro was the forerunner of musée de l’Homme (Laurière, 2006). According to Lehman (1907: 263), Trocadero Museum possessed a cast with inventory number 34483 documenting inscribed tablet sent to Louvain – which seemingly points on tablet Keiti that later perished in fires of the War. However, the footnote 3 on the same page, added by Rev. Father Alazard says that it was the cast of a tablet remaining in collections of the SS.CC., which rules out Keiti. Fischer search for the artefact with catalogue number 34483 was unsuccessful (Fischer, 1997: 651, note 15); the modern on-line database of musée du quai Branly does not recognize this century-old catalogue number as well.

3 We can be sure that by 1928 Rivet’s collections already had two casts of St. Petersburg tablets, which survived to this day. In the coming years, more casts were produced: « In 1933, for the purpose of investigating rongorongo’s wood, the new Director Paul Rivet had tablets dispatched to Paris from throughout Europe, from among which he had also plaster casts created at the same time. In 1934 Alfred Métraux […] even arranged with the Chilean government for the Santiago tablets (RR8 and 9) to be forwarded to Paris for this purpose. » (Fischer, 1997: 399-400) 4 These included the casts of the tablets from the Congregation of the Sacred Hearts of Jesus and Mary: Tahua, Mamari and Échancrée (there might have been a cast of Aruku Kurenga tablet as well, because the catalogue entry 71.1933.27.3 is empty from the range 71.1933.27.1-4 occupied by the casts of SS.CC. tablets). In the same year Rivet’s collection was extended with five casts recorded as donations from “Museum für Völkerkunde (Wien)”. Two of them indeed reproduce the Large and Small Vienna tablets, while the remaining three were definitely shipped from Smithsonian Institution (Washington D.C.), reproducing the Large and Small Washington tablets as

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well as Small Santiago tablet. There can be no doubt that these casts arrived from Washington as records of Smithsonian Institution mention that the casts were sent to musée d’Ethnographie (Paris) in May of 1933 (online collection database of Smithsonian Institution). Four more casts entered the collections in 1933 – two documenting London tablet and smaller of two inscribed reimiro pectorals from the British Museum, and two casts of Saint Petersburg tablets. In 1934, a cast of inscribed tablet from the Ethnological Museum of Lateran was added to the collection.

5 It is unclear whether Rivet also produced casts of two Santiago tablets that were supposedly loaned to Paris due to efforts of Métraux (Fischer, 1997: 400). The only cast of Large Santiago tablet that can be found at musée du quai Branly today has a catalogue number dating to 1977. The online collection database says it was donated by “Mr. Céa”, most probably Alfredo Cea Egaña, who possesses a plastic cast of the famous Santiago staff (Bettocchi, 2010: 57). Upon the tedious procedure to create an updated inventory, eleven more casts of rongorongo tablets were located in the collections of musée du quai Branly. All of them are assigned with catalogue numbers of 2012. These objects proceed from musée de l’Homme, reproducing four tablets from the collections of SS.CC. These casts were possibly considered as “backup copies”, as they were not even cleaned from the remains of casting material forming pronounced seams around the border of the artefact.

6 To provide the reader with detailed information about every cast, we assembled the following list mentioning the principal collection number given in boldface and the previous / alternative collection numbers given in parenthesis. Each artefact is identified by name as well as capital letter code established by Barthel (1958). 7 The cast 71.1928.2.1 (alternatively 7 158; 71.1928.2.1@1) replicates Small St. Petersburg tablet (text Q). Plaster cast, painted in two colours – dark brown mimicking the intact inscribed surface and yellowish covering the parts where eroded wood is exposed. General casting quality is good. A small piece is broken off the very corner of verso side, removing several glyphs from the end of the line Qv6. 8 The cast 71.1928.2.2 (7 159; 71.1928.2.2@1) replicates Large St. Petersburg tablet (text P). Plaster cast, painted in dark brown. Coloration is uneven, with large lighter areas that may be due to inhomogeneous application of original paint or alternatively could be a consequence of cleaning the cast with a wet cloth. These variation of colour somewhat complicate the study of the glyphs, though the general casting quality is good. At a certain moment of its history the cast was damaged, most possibly by falling on the floor, which resulted in severe breakage at its wider extremity. As the cast was probably made by joining two plaster plates for each side together, the hit partially split these up, shattering the fragments of different dimensions from the both sides. The largest splinters are still preserved in a plastic bag together with the cast. The damage extents for about 5cm from the wide extremity affecting dozens of glyphs of verso side. On recto side, the breakage extents for 2.5cm. 9 The cast 71.1933.27.1 (9 383; 71.1933.27.1@1) replicates tablet Échancrée (text D). Very good quality cast, painted light brown and perfectly preserved. 10 The cast 71.1933.27.2 (9 384; 71.1933.27.2@1) replicates tablet Tahua (text A). Very good quality cast, painted brown and perfectly preserved. The U-shaped nail in the original artefact is absent from the cast; the place where it should be is flattened out.

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11 The cast 71.1933.27.4 (9 386; 71.1933.27.4@1) replicates tablet Mamari (text C). The cast is of very good quality, painted light brown, intact. Pigmentation is slightly uneven. As with the next cast, the casting process was performed very skilfully resulting with preservation of some of the edge glyphs interspersed in the calendar sequence. 12 The cast 71.1933.27.4.1 (380 988; X380988) replicates tablet Mamari (text C). Intact painted plaster cast. Pigmentation is very uneven, with multiple areas of lighter tone at the both sides. Casting carefully proceeds all the way to the edge, documenting to a considerable extent two glyphic groups of lunar calendar section, inscribed on the side edge of the artefact. 13 The cast 71.1933.27.4.2 (380 989; X380989) replicates tablet Mamari (text C). Intact cast, non-painted. Occasional dark spots are scattered over side b. Glyph outlines are well-defined. Glyphs inscribed on the side edge of the artefact are partially visible. The plaster surface is eroded in several places, most notably missing several glyphs from lines Cb10-12. The mould for the tablet was made of several pieces, which is witnessed by envelope-looking seams visible on side a. The very similar casting technique can be observed on Mamari cast in the British Museum. 14 The cast 71.1933.28.1 (9 387; 71.1933.28. 1@1) replicates London tablet (text K). Very good quality cast, uniformly painted light brown and perfectly preserved. Casting reproduces very well even the smallest of scratches present on the original artefact. 15 The cast 71.1933.28.2 (9 388; 71.1933.28.2@1; also 71.1933.28.2@1-1 for the main body and 71.1933.28.2@1-2 for fragments) replicates Small London reimiro (text L). This plaster cast was made of original London reimiro, which is witnessed by the details of faces carved on reimiro’s extremities, including broken nose of one of these faces. However, the original glyphs possibly did not look good on a cast, so that they were enhanced with a sharp point, in many cases producing the contours that are different from the original inscription. After this operation, the cast was painted light brown. The cast suffered damage, perhaps from falling, so that at the present moment both reimiro heads are broken off, revealing a metal wire added during the casting to reinforce plaster. The head fragments are preserved together with the cast in a plastic bag. 16 The cast 71.1933.79.1 (9 550; 71.1933.79.1@1) replicates Small Vienna tablet (text N). Intact cast, not painted. For surface erosion shown by the original artefact, this cast is just superb. 17 The cast 71.1933.79.2 (9 551; 71.1933.79.2@1) replicates Large Vienna tablet (text M). Intact cast, not painted. This cast will be discussed in more detail further in the paper. 18 The cast 71.1933.79.3 (9 552; 71.1933.79.3@1) replicates Small Washington tablet (text R). Intact cast, not painted. The original tablet was broken, so that one extremity features numerous sharp wooden edges. These were in part “clipped” in the cast. Side a of the tablet is reproduced well; side b is considerably smeared, rendering the majority of glyphs in the lines Rb4-7 illegible. The hole for hanging was emphasized by drilling, piercing the cast throughout. 19 The cast 71.1933.79.4 (9 553; 71.1933.79.4@1; also 71.1933.79.4 1/2 for rectangular fragment and 71.1933.79.4 2/2 for pointed fragment) replicates Large Washington tablet (text S). The cast is not painted. The casting quality is very good, even showing the remnants of the glyphs in the places where the original tablet was planed during

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the late period of its history, possibly to serve a part of a canoe. The edges of the tablet are also properly cast, revealing the system of concavities that were made to fit the neighbour planks of the canoe. To achieve faithful reproduction of the edges, the original mould should have more than two parts, but the moulding are not visible at all – definitely, this cast was made by a professional. The holes that once received the lashings of a canoe are highlighted by drilling, piercing the cast throughout. At present, the cast is broken roughly in half, with a rectangular fragment measuring c. 25.5 cm and a pointed fragment measuring c. 34 cm. The breakage line is very clean, so that the both fragments put together provide very good impression of the entire cast. Only a couple of glyphs of line Sa1 are affected. The breakage provides an interesting opportunity to study the cross-section of the tablet that features considerable deviations from rectangular form. 20 The cast 71.1933.79.5 (9 554; 71.1933.79.5@1) provides an artistic reproduction of Small Santiago tablet (text G). The cast is intact and not painted; it will be discuss its detail below. 21 The cast 71.1933.162.1 (9 820; 71.1933.162.1@1) replicates Large St. Petersburg tablet (text P). It is intact and not painted. The casting in general is very good, but the mould had problems in covering the borders, for that the glyphs of the first and last lines were outlined by scratching with a sharp tool. 22 The cast 71.1933.162.2 (9 821; 71.1933.162.2@1) replicates Small St. Petersburg tablet (text Q). The cast is intact and not painted. The casting itself is not the best; the plaster displays variations of colour that suggest that some part of original cast surface might exfoliated. In this process, many glyphs became partially defaced, so that the inscription was massively enhanced by scoring glyph contours. The new lines in many cases can be distinguished by their lighter tone and considerable depth, but the large number of contour corrections renders this cast practically useless in obtaining accurate information about the calligraphy of the original artefact.

23 The cast 71.1934.45.1 replicates the Lateran tablet (text M2 according to classification presented by Fischer (1997: 541)). It is not painted, with minor damage at the extremities revealing the wire set inside for structural integrity. This cast will be discussed in details further in the paper.

24 The cast 71.1977.8.1 (21761) replicates Large Santiago tablet (text H). The cast is made of plaster and painted in brown for the inscribed surface and dark brown / black in the areas where the original tablet was carbonized. The casting quality is superb, revealing the finest details such as wood fibre structure. The very edges of the cast are planed, so that the glyphs in the first and last lines appear roughly to 3/4 of their height. Otherwise, it is just a perfect cast. 25 The cast 72.2012.0.2 D (361 682; X361682) replicates the tablet Aruku Kurenga (text B). Intact cast. It is neither painted nor processed – that is, featuring remnants of plaster that originally stuck between the halves of the mould, all around edges of the cast. The casting itself is quite good, only occasionally smearing glyph details here and there. 26 The cast 72.2012.0.3 D (361 683; X361683) replicates the tablet Mamari (text C). Intact cast, nor painted nor processed. Overall casting is good. The edge glyphs of tablet Mamari are not reproduced in their entirety.

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27 The cast 72.2012.0.4 D (361 684; X361684) replicates the tablet Aruku Kurenga (text B). Intact cast, neither painted nor processed. The seam between the halves of the cast is well pronounced. The overall casting quality is good, but not perfect. 28 The cast 72.2012.0.5 D (361 685; X361685) is another cast of the tablet Aruku Kurenga (text B). Intact cast, neither painted nor processed; in quality it is much similar to 72.2012.0.4 D.

29 The cast 72.2012.0.6 D (361 686; X361686) is yet another cast of the tablet Aruku Kurenga (text B). Intact cast, neither painted nor processed. It may be that 72.2012.0.2 D and 72.2012.0.4 D to 72.2012.0.6 D all were made from the same mould. An additional study is required to find definite answer to this question. 30 The cast 72.2012.0.7 D (361 687; X361687) replicates the tablet Mamari (text C). The cast is intact and not processed, featuring considerable seam around its border. The cast is not painted, but the material it is made of is pinkish-brown and medium- grained, so that fine glyph details are essentially absent. The surface of the cast is much eroded producing a mixture of light and dark spots. The regions neighbouring the edges possibly stuck to the mould, defacing many glyphs in lines Ca1, Ca14 and Cb13. The general reproduction quality is very poor. 31 The cast 72.2012.0.8 D (361 688; X361688) replicates the tablet Échancrée (text D). The cast is intact, not painted and made of the same pinkish-brown material as the cast 72.2012.0.7 D. A seam can be seen on side a, where the original tablet Échancrée is broken. Several signs are badly smeared. The general reproduction quality is poor. 32 The cast 72.2012.0.9 D (361 689; X361689) replicates the tablet Mamari (text C). The cast is intact, not painted and not processed, featuring considerable seam around its border. The casting quality is very good, featuring crisp and clear glyph contours. Two small smeared areas obscure several glyphs from lines Cb11 and Cb12. 33 The cast 72.2012.0.10 D (361 690; X361690) replicates the tablet Échancrée (text D). The cast is intact, neither painted nor processed. Casting quality is good. Signs of side a are damaged, perhaps because casting material stuck to the mould or a small air bubble was created inside the mould. Overall reproduction quality is good. 34 The cast 72.2012.0.11 D (361 691; X361691) replicates the tablet Échancrée (text D). The cast is intact, neither painted nor processed. Casting quality is very good, without any defects observed in 72.2012.0.11 D. 35 The cast 72.2012.0.12 D (361 692; X361692) replicates the tablet Tahua (text A). The cast is intact, neither painted nor processed, with considerable seam seen around its borders. Casting quality is inferior, with many glyphs smeared. Even if the mould was of good quality, the casting process was not carried out perfectly, so that there is long curvy seam affecting several glyphs of side b, in the vicinity of long groove opening to the thinner extremity of the artefact.

36 The overall statistics of rongorongo casts in collections of musée du quai Branly are as follows: - Tablet Tahua: 2 copies, the best one is 71.1933.27.2. - Tablet Aruku Kurenga: 4 copies, possibly all from the same mould. - Tablet Mamari: 6 copies, the best ones are 71.1933.27.4 and 71.1933.27.4.1. - Tablet Échancrée: 4 copies, the best one is 71.1933.27.1. - Small Santiago tablet: 1 artistic representation, not the cast of authentic object.

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- Large Santiago tablet: 1 copy, very good cast. - London tablet: 1 copy, very good cast. - Small London reimiro: 1 copy, inscription is “nullified” by extensive scoring. - Large Vienna tablet: 1 copy of a special value (see below). - Small Vienna tablet: 1 copy, good quality. - Large St. Petersburg tablet: 2 copies. - Small St. Petersburg tablet – 2 copies. - Small Washington tablet: 1 copy. - Large Washington tablet: 1 copy of very good quality, albeit the cast is broken. - Lateran tablet: 1 copy of good quality. 37 One of the most intriguing data discussed by Fischer in his monumental monograph (Fischer, 1997: 400) is the possible existence of a cast reproducing the perished tablet Keiti. In addition to collections of musée de l’Homme, other casts were seemingly existing: « A cast of “Keiti” was part of the SSCC collection at Braine-le-Comte, Belgium (Ropiteau, 1935[sic]: 518); Lavachery (1933a: fig. 3) was even allowed to reproduce a photograph of this cast. However, the Padri dei Sacri Cuori in Rome now possess no such cast of “Keiti”. The plaster cast of “Keiti” that once had been at the Museum für Völkerkunde in Berlin (Lehmann, 1907: 263, fn 2) has since disappeared. » (Fischer, 1997: 650, note 14)

38 The authors did their best to study all aforementioned references and searched for the cast in musée du quai Branly, alas, unsuccessfully. The original text of Ropiteau (1936: 1) says: « luckily at Braine-le-Comte are preserved one photograph and tracing of two inscribed sides, and the Bulletin des Américanistes de Belgique reproduces them very good in its number of Autumn 1933. » (translation from French1 by the authors) 39 The latter, in turn, is a reference to Lavachery’s 1933 paper that indeed features a photograph of tablet Keiti (reproduced in much more detail in Orliac & Orliac 2008: 260) and an image of its tracing (Lavachery 1933: Fig. 3) (“calque” as per Ropiteau), which did not survived: « The SSCC also possessed a thin tissue impression of “Keiti”, but it disintegrated over the years. Recorded in the folder where it was stored are the words: “eaten by the moths”. » (Fischer, 1997: 652, note 15) 40 The purported cast from the Museum für Völkerkunde in Berlin is a cause of misidentification / misattribution either by Lehmann or by his informant Dr. Hamy. Most possibly, the cast in question reproduced tablet Mamari, since that was the plaster cast that SS.CC made for Hamy as mentioned by Fischer (1997: 399) – and indeed, such cast still exists in Berlin Museum under catalogue number VI 24767 (Staatliche Museen zu Berlin, n.d.).

41 The most significant documentation problem that contributed much to the overall confusion about Keiti casts stems from an inappropriate caption from Thomson’s expedition reports (1891: plate 46). The plate shows two photographs of the original tablet Keiti, described as a “cast lent by Parke, Davis & Co”. Fischer made an excellent research to follow this lead (Fischer, 1997: 650, note 14), proving that the “Parke-Davis tablet” seemingly never existed. There is the artefact E151490 from Smithsonian Institution, which is identified on its catalogue card as “[cast of inscribed tablet,] Original lent by Parke, Davis & Co., copies by Mills” (online collection database of Smithsonian Institution). However, it does not represent a copy of tablet Keiti and

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moreover, it was not made after original rongorongo tablet –rather being an artistic reproduction of Small Santiago tablet. The same catalogue card informs that “1 cast – [sent as a] gift to National Museum, Paris, 5-8-1933”, which corresponds to the object 71.1933.79.5 in the collections of musée du quai Branly. Therefore, despite a considerable efforts aimed on searching for the cast of Keiti, the present authors have to admit that they were unable to confirm Fischer’s comments about possible existence of such cast in collections of musée de l’Homme and its successor musée du quai Branly. The inconsistencies in historical publications of late XIXth – early XXth century mentioning Keiti’s cast makes one really doubtful whether such was ever actually produced. At the same time, Fischer should be duly credited for his great discovery of the pencil rubbings of tablet Keiti, preserved among the papers of Alphonse Pinart in Bancroft Library (Fischer, 1997: 650, note 8).

Figure 1. – The inscribed side of the Large Vienna tablet VO-22869.

The present dimensions of the artefact are 28.4 × 13.7 cm (Fischer, 1997: 504) (image courtesy of the Museum für Volkerkunde, Vienna)

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Figure 2. – The cast of the Large Vienna tablet 71.1933.79.2

The dimensions of the cast are 29 × 14 × 2 cm (online database of the musée du quai Branly) (image courtesy of the musée du quai Branly)

The cast of Large Vienna tablet

42 The Large Vienna Tablet was collected in 1882 as a consequence of the visit by Geiseler and Weisser to Easter Island on board SMS Hyäne. The Germans inquired Alexander Paea Salmon (who was in charge of Brander’s sheep station) about the inscribed tablets. Salmon replied that there are two tablets in possession of the chief Hangeto, who was asking a price that was too high for the Germans. The issue was settled in the following manner: « Salmon added that once the Hyäne had left Rapanui he would try to buy both artefacts for ₤2 sterling. The Germans gave him the money for this, asking him to forward the two tablets at the next opportunity to the German Imperial Consul at Tahiti, Gustav Godeffroy, who would send them to Germany. » (Fischer, 1997: 79) 43 The further events went slightly different than planned – Salmon purchased several inscribed artefacts and sent them instead to Valparaiso, to the German Consul Heinrich August Schlubach (the husband of Salmon’s niece). Schlubach sent the larger tablet to Adolf Bastian in Berlin, and sold two smaller tablets to “Klée and Kocher”, from whom the tablets were acquired by Heinrich Freiherr von Westenholz. The collection of Westenholz was donated to the Museum für Volkerkunde of Vienna in 1886 (Fischer, 1997: 501). Both Vienna tablets were immediately published by Haberlant (1886: 101-102, Plate 10). Alas, both inscribed artefacts were considerably eroded; their photographic documentation using the late XIXth century technique (compounded by the limitations of typographic reproduction) might produce the results of insufficient

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quality, so that Haberlandt resorted to publication of the drawings (Haberlandt, 1886: Plate 10). Indeed, the preservation state of the Large Vienna tablet makes it complicated to achieve good photographic reproduction even with modern digital photography techniques (fig. 1).

44 The poor preservation of the tablets is a consequence of the scribal techniques used in their production. The crisp glyph contours seen in the photographs of inscribed tablets make an impression of deep engraving, which is considerably far from the reality. The actual depth of the glyph contours2, traced with a shark tooth (Dederen and Fischer, 1993: 182), is only about 0.1mm. Thus, under bad storage conditions (damp atmosphere, direct contact with soil, etc.), the inscription on the tablet will perish as soon as erosion affects the surface layer deeper than its shallow glyph contours. For the case of Large Vienna tablet that eroded so bad that large pieces of wood crumbled away, it is a miracle that several glyphs are still discernible. But there is good news as well. Glyph carving technique contained two steps – pre-incising and contour deepening (Fischer, 1997: 387). In first step, the pressure applied to the writing implement produced very thin but relatively deep line, the traces of which can be noticed even on eroded areas, where the deepened contours are no longer observed. Therefore, looking on the original artefact with a magnifying glass, or studying very high-resolution digital imagery, it is possible to find faint pre-incision traces even in the areas of moderate surface erosion, which permits to extract a few new glyphs.

45 The Large Vienna tablet underwent casting several times, producing the casts that nowadays can be found in musée du quai Branly (Paris, catalogue number 71.1933.79.2), American Museum of Natural History (New York, catalogue number 80.1/1008) and in collections of Department of Ethnography, Tübingen University (Tübingen). The authors are unaware of other casts, yet they may exist in various museums or institutions. Fischer (1997: 505) was the first to notice that the cast preserved in musée du quai Branly is special: « the “Large Vienna” reveals the greatest degree of recent defacing. It is sad to have to report that between 1933, when Paul Rivet had a plaster cast […] of this tablet made for his musée d’Ethnologie [the collections of which were transferred to musée de l’Homme and then to musée du quai Branly ] […] in Paris, and 1992, when I inspected the original in Vienna, great damage had occurred. The sequence [of two glyphs] is now missing from the middle top line of the tablet ([…] [M]a9 […]).What is worse, however: someone has also apparently intentionally removed a piece from the tablet that contained parts of two lines of glyphs. Some 13 elements of […] [M]a1 and three of […] [M]a2 – a fragment c. 7 × 2 cm in size – are now missing. […] Such vandalism has never happened before in the long history of rongorongo conservation, and it is to be sorely regretted. »3 46 It is indeed sad when a portion of rongorongo artefact crumbles away, especially in the case of such a small corpus of surviving inscriptions. However, we think that damage of the Large Vienna tablet might be unintentional. Some artefacts are much fragile, and even a minor physical effort (including accidental adhesion of plaster during the casting process) may be sufficient to dislodge a semi-decayed piece of wood.

47 This process can be illustrated with Small Washington tablet, which underwent a similar damage in a smaller extent. Both tablets collected by the USS Mohican expedition to Easter Island in 1886 are illustrated in the Expedition Reports as plaster casts with inked glyph contours (Thomson, 1891: pls. 38-41). Such an approach definitely helped to achieve a high-contrast image that had more chances for better

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reproduction with the late XIXth century typographic techniques. Luckily, the Small Washington tablet was documented in detail before casting process; the resulting photograph with a tablet held on top of a coiled rope was first published by Routledge (1921: 646). We are glad to report that with exceptional collaboration of the National Anthropological Archives it was possible to locate the original photograph (fig. 3a). As one can see from the image, the bottom right part of the tablet is considerably eroded, featuring several wormholes and cracks. The wood in this area is lighter, and the glyphs contours are much smoothed through the decay of the thin surface layer that carries the inscription. The cast of the tablet illustrated by Thomson (1891: pl. 39) features the corresponding part of the tablet intact. It is likely that during this very first casting the most eroded pieces of wood got stuck to the mould. We don’t have any photographic documentation of the tablet from the beginning of XXth century, yet the cast 71.1933.79.3 of musée du quai Branly clearly illustrates an open cavity in the eroded part of the tablet (fig. 3b). Such a pronounced loss of wood suggests that instead of using the original plaster mould from XIXth century (which might be already damaged/lost by 1930es), the tablet was casted again. It is difficult to say if this second casting inflicted additional damage, but the present outlines of the cavity in Small Washington tablet (fig. 3c) are definitely larger than those documented in quai Branly cast.

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Figure 3. – Small Washington tablet:

Note that repetitive casting removed a large piece of wood from the eroded area located to the bottom right from tablet’s centre (marked with an arrow on quai Branly cast) a) picture taken before casting (image NAA 2555700 courtesy of the National Anthropological Archives, Washington D.C.); b) plaster cast 71.1933.79.3 (image courtesy of musée du quai Branly, Paris); c) 2012 picture of the Small Washington tablet A129773 (photograph by Donald Hurlbert, image courtesy of Smithsonian Institution, Washington D.C.).

48 Therefore, to our opinion, the damage of the tablets was not deliberate but rather accidental and connected to the considerable surface erosion. The artefacts in better preservation state – such as Aruku Kurenga and Mamari – successfully survived numerous castings. We found more supporting evidence for this hypothesis in the Archives of Kenneth P. Emory held at the Bernice P. Bishop Museum at Honolulu (fig. 4). The photographs date to late 1930es – early 1940es, that is, after the production of the casts by the initiative of Paul Rivet. The images, alas, are of poor sharpness so that no sign details can be discerned. However, one can clearly see that a piece from top edge of the tablet is already missing (fig 4a), while the large segment at the bottom right (the loss of which was reported by Fischer) is still in place (fig. 4b). One can assume that this segment fallen away in 1940es, possibly due to further casting – however, we were unable to locate any such “intermediate” cast. Be as it may, the cast of Large Vienna tablet deposited to the American Museum of Natural History in 1949 by Robert von Heine-Geldern already shows the tablet in its present state. Thus, it is a very good luck that the cast surviving in the musée du quai Branly (compared with Haberlandt’s 1886 illustration) still preserves the original appearance of the Large Vienna tablet with all glyphs visible at the moment when it arrived to the Museum für Volkerkunde.

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Figure 4. – Photographs of Large Vienna tablet (inscribed front side and much eroded back side) from the archives of Kenneth P. Emory, presumably collected in late 1930es or early 1940es.

The arrows mark the places: a) where the edge fragment was previously located and b) still undamaged part of lines Ma1 and Ma2 (images are courtesy of the Bernice P. Bishop Museum)

Figure 5. – The inscription of Large Vienna tablet traced after modern photographs and images of the plaster cast from musée du quai Branly

49 Analysing in all material on Large Vienna tablet available to the authors, including Haberlandt’s drawing, the cast from the musée du quai Branly and modern digital images of the tablet kindly provided by Museum für Volkerkunde, it became possible to produce a new tracing of its inscription (fig. 5). To avoid discussion about the division of the ligatures into individual signs, we were counting glyphic groups composed by joined signs, reaching the total count of 153. For comparison, the corresponding count for Barthel’s tracing of the tablet reveals some 57 glyphic groups, while Fischer’s tracings documents about 105 glyphic groups.

50 The most important observations, to our opinion, are the following. On the cast from musée du quai Branly one can see that the tablet once featured the remnants of ten

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lines and not nine as it was postulated by Barthel and Fischer. If one follows more detailed Fischer’s documentation with the photographs of the artefact with a pencil in hand, it becomes clear that line 8 occupies too much space and in reality should be split in two lines. In this way, the sequence of signs documented by Fischer for line 9 resulted to be upside-down, starting with inverted sign 99. The proper account for line height suggests that the last fragment should belong to line 10, showing the sign 99 the proper side up. It should be noted that this 10th line, following the edge of the artefact, once had its beginning in bottom left corner of the tablet, so that it may had been the first line of the inscription. In the present state of the artefact, with very little parallel passages shared with other tablets, there is insufficient data to establish the proper reading order of the lines. Therefore, to avoid confusion, we are inclined to keep the line order proposed by Barthel.

51 Another important observation concerns the second part of the line Ma2, which contains the mini-text starting with a stable glyphic sequence 4-522-700.600-59f. It is attested on several artefacts (Barthel, 1958: 157), in particular, in lines Bv12, Ev6, Gr2, Hv12, Kr3, Ma2, and Ra5. It also might possibly occurred in line Nb3, the first non- damaged glyphs of which can be considered as the continuation of the same sequence seen in the aforementioned parallel passages. In the tracings of Barthel and Fischer, the version from Large Vienna tablet included the sign 99 (with two protruding ears) in place of 522 (featuring a characteristic proboscis), offering a serious grounds to say that signs 99 and 522 may be closely related and even represent allographs of each other. However, the high-resolution digital photographs reveal that the sign occurring on Large Vienna tablet is also 522, with its proboscis turned to the left, unifying the writing of the glyphic sequence 4-522-700.600-59f on all tablets where it occurs.

52 The line Ma6 is also worth mention. The cast from the collections of musée du quai Branly contains fragments of three signs in the beginning of this line, which are absent in the present-day tablet. The eroded wooden surface housing the end of the line Ma6 still preserves the faint traces of the glyphs, which can be discerned with more ease on computer screen after proper contrast adjustments. We did our best to enhance the contrast of fig. 1 to make the majority of these signs at least slightly visible. As one can see from fig. 5, the remaining traces of line Ma6 feature unusual structure with glyphic group 84(=56).74.711 delimiting the sets of duplicating glyphs. Not every sign of this sequence survived, but its rigid structure suggests the following reconstruction: 84.74.711-700-700-84.74.711-63-63-84.74.711-7-7-84.74.711-460-460-84.74.711-1-1-84.74.711- …

53 alternatively, by substituting delimiter with letter x and repetitive glyphs with letters A-E, one obtains a structure-revealing encoding of the same string: x-AA-x-BB-x-CC-x- DD-x-EE-x-… The duplicated signs 700, 63, 7, 460(=660?) and 1 are attested in the surviving rongorongo corpus, yet the occurrence of 5 signs in duplications inside the single structured sequence is an outstanding feature that calls for further detailed investigation. For example, it is worth to notice that the glyph 711 (fish hanging on a string), which features here in the delimiter group, is also present in the delimiter group inside the famous calendar of the Mamari tablet (Guy, 1990).

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The cast of Small Santiago tablet

54 It is important to discuss in detail the reproduction of Small Santiago tablet in the musée du quai Branly, because this object has little to do with the original artefact and therefore may create considerable confusion. The point is that it does not represent a true cast, but rather an artistic reproduction of the tablet. To illustrate this, we present in fig. 6 the photograph of a true cast of Small Santiago tablet from the collections of Museo Antropológico Padre Sebastian Englert (MAPSE) side-by-side with the cast 71.1933.79.5 from musée du quai Branly and the illustration from Philippi’s 1875 paper. The size and general shape of the quai Branly cast is much similar to that of the original tablet. However, the cast does not show the pronounced fluting characteristic to Small Santiago tablet. Also, on the recto side of the original artefact there is a crack starting from the concave side, in fig. 6 corresponding to the left bottom side of the artefacts. This detail is clearly seen in the MAPSE cast but is completely absent from the cast from musée du quai Branly. We provide a close-up image of this crack in fig. 6d-e (please take into account that the tablet was turned 180 degrees in fig. 6d-f; the need for this will be mentioned later).

Figure 6. – Small Santiago tablet:

a) cast of the original tablet (image courtesy of Museo Antropológico Padre Sebastian Englert, Hanga Roa); b) “artistic” cast 71.1933.79.5 (image courtesy of musée du quai Branly, Paris); c) drawing of Small Santiago tablet (Phillipi, 1875: plate B2); d-f) comparison of “palm-tree” glyph from the same (sources: d image courtesy of MAPSE); e) image courtesy of musée du quai Branly and f) close-up to Philippi’s 1875 drawing

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55 The other important detail is the hanging holes; there are three of these on Small Santiago tablet, all presently filled in with small wooden plugs. These are marked with arrows on MAPSE cast (fig. 6a). The quai Branly cast does not show any of these holes, featuring instead smooth unperturbed surface. What is more, the holes drilled by the longer edge of the artefact perforate through the signs, yet quai Branly cast shows full “restored” versions of these signs.

56 It is possible to show that the cast 71.1933.79.5 from musée du quai Branly is actually based on Philippi’s drawing of Small Santiago tablet published in 1875 (fig. 6c). As one can see from the figure, Philippi documented only one hole at the longer side of the artefact and omitted other two; he marked the characteristic crack with a thin line that was not properly interpreted by the person who was preparing the quai Branly cast. Comparing the shape of the individual signs with the original tablet and Philippi’s rendition thereof, it becomes clear that the glyphs of the cast from the musée du quai Branly gravitate towards the latter, inheriting Philippi’s errors in transcription of the tablet. Here we would like to illustrate one of such errors proving Phillipi’s drawing to be the base document on which quai Branly cast was created. In the very end of line Gr2 there is glyphic combination 67.10f-67 including two “palm-tree” glyphs 67. One can clearly see this on MAPSE cast (fig. 6d), and the analysis of parallel passages appearing in lines Ab4, Ca2, Cb2, Ev3 and Ra6 confirms the presence of two palm signs in this sequence. Yet, Philippi overlooked the details of the first sign and rendered it as a fish glyph looking downwards (fig. 6f); the very same error is seen in quai Branly cast (fig. 6e). Remarkably, the tracings of the tablet published by Barthel corrects this mistake but his transliterations keep it, describing the closing part of the line Gr2 as 700x.10f-67 (Barthel, 1958: 57), where 700x is the code corresponding to down-facing fish glyph. Fischer’s tracing render the first glyph like a hybrid of a palm and down-facing fish, suggesting that Philippi’s drawing or the cast were possibly consulted during his studies of the Small Santiago tablet.

57 As mentioned before, the cast of Small Santiago tablet was sent to musée du quai Branly from Smithsonian Institution, where still exists the original cast with a catalogue number E151490, supposedly made after the original provided by Parke, Davis & Co. It is unclear if the original object was a wooden tablet or another cast. It is true that considerably accurate reproductions of rongorongo artefacts were produced in the late XIXth century – for example, the copy of the tablet Mamari preserved in musée de Tahiti et des îles (Van Hoorebeeck, 1979: pl. 21). Yet, the uniformity of glyph outlines seen in the cast of Small Santiago tablet in musée du quai Branly / Smithsonian Institution may even suggest that the original “artefact” was not made of wood but perhaps of softer substance (clay or plaster), which was shaped as the Small Santiago tablet and inscribed with a pointed stylus, taking Philippi’s drawing of Small Santiago tablet as the reference. The resulting object was then cast in plaster and presented as a cast of rongorongo tablet. To our opinion, there is no sufficient evidence to call this “cast” a fraud; most possibly, in the times when documentation of rongorongo was considerably scarce, somebody tried to remedy a situation by producing a palpable model of the tablet using (then) recently published Philippi’s drawings. The resulting artefact might have changed several hands before it reached Smithsonian, so that the person who was depositing it to the museum was not necessarily aware that the artefact was not authentic. Be as it may, this model of Small Santiago tablet reached Paris and also Honolulu, where the very same cast with the catalogue number B6222 can be found in

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the Bernice P. Bishop Museum. The notorious presence in three leading museums resulted in pronounced visibility of this cast – it appeared in Chauvet’s publication (1935: figs. 160 and 161), on the dust jacket of English edition of Barthel’s 1978 book and even appeared in Fischer’s monumental book on rongorongo (Fischer, 1997: figs. 48 and 49).

The cast of Lateran tablet

58 Lateran tablet is one of the “lost artefacts” in the history of Easter Island script: « No illustration of this piece appears to exist. Indeed, the existence of the artefact itself is now in question […] Barthel (1959: 161) alleged that the musée de l’Homme possessed a cast of this artefact (doubtless ordered by Rivet in 1933); but no photographs of this cast appear to exist either […] Inspecting this cast in late 1950s, Barthel (ibid.) claimed the incised signs correspond to a geometric inventory of forms […] Side a held four lines with glyphs similar to the ta’u script; side b displayed four incipient lines. A few of the glyphs were theromorphic, others were geometric glyphs. If this is true, then there can be no doubt that the “Lateran Tablet”, too, comprised a mama artefact [with the inscription of Concepción ika] and was probably carved in the 1920s, like the “Concepción ika” above. » (Fischer, 1997: 541)

59 The scholars who mentioned Lateran tablet in their publications coincided in opinion that it was not an authentic rongorongo but later imitation of the script. The tablet seemingly belonged to the collections of Congregations of the Sacred Hearts of Jesus and Mary, from which it was transferred to the Lateran Museum: « […] some other objects [of the Congregation], notably two reimiro, two or three moai [miro], a small fragment of a tablet are nowadays in Pontifical Ethnographic Museum of Lateran in Rome; and other fragment of a tablet is separately preserved in the Collection of Dr. Stephen Chauvet. » (Ropiteau, 1936: 2, translated from French4 by the authors)

60 It is clear that Ropiteau did not saw the tablet himself, as he mentions it in lines with Chauvet fragment, which is indeed a tiny piece of wood. Lavachery briefly mentioned the Lateran tablet when discussing wood types used in Rapanui carvings (1934: 71): « Pyrus malus [wood was used] for the Lateran tablet – it will be the object of a detailed study – the characters it bears are degenerate. At first glance, this tablet seems an imitation of ancient tablets made by an ignorant. It should be noted that Pyrus malus [apple tree] can be found in the flora of . »(translated from French5 by the authors)

61 Métraux (1938: 1; 1940: 392) expressed the opinion that the tablet was a fake, providing its catalogue number as 6442; Lanyon-Orgill (1953: 11) and Barthel (1958: 34) confirmed the same. Later, Barthel had an access to the cast of the tablet in Paris, producing the following description: « The “Lateran Tablet” in Rome. This object is well known as forgery. However it is of interest that the incised characters are not of classical Rongorogo type, but rather form sparse geometric shapes, as it can be learned from a cast in the musée de l’Homme in Paris. » (Barthel, 1959:161, translated from German6 by the authors)

62 Van Hoorebeeck tried to localize the original Lateran Tablet in 1977, obtaining the answer from the Monumenti Musei e Gallerie Pontificie of Vatican Museums that the tablet cannot be found at the moment as the large part of the collection is packed. Surprisingly, the catalogue number 6442 provided by Métraux at the time of Van

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Hoorebeek’s inquiry corresponded to an unrelated item from Solomon Islands (Van Hoorebeeck, 1979:259). Fischer’s search for the tablet some 20 years later revealed the following: « The piece was Inv. No. 3449 (not 6442), measuring 64 x 7.5 cm. It had been sent to the Vatican in 1927 by Rev. Ambrogio Scholz, military chaplain in Santiago. » (Fischer, 1997: 542)

63 However, the original artefact was probably discarded from the museum basing on the established conclusion that it represented a late forgery and not the authentic rongorongo inscription. In his 160th message published at berphi.sckyrock.com, Dederen provides an interesting update about the tablet: « In 1982, we have been led to do research in the archives of musée de l’Homme and there, also, we found a cast of a completely unknown tablet, broken at one extremity. We noted the dimensions and a part of [its] decadent characters. Through perseverance and several years after, we learned that it was the tablet of Lateran No. 3449, 64 cm long and 7.5 cm wide. » (Dederen, 2012, translated from French7 by the authors)

64 In the same year 2012, one of the authors (RW) had the opportunity to study and document all the casts of rongorongo artefacts in collections of musée du quai Branly. Among the casts of the known classical tablets there indeed was a plaster cast 71.1934.45.1 of an unusual tablet bearing decadent signs. Its registration slip provided the following information: « Plaster engraved with geometric glyphs characteristic of Easter Island. Copy of the tablet called “Kohau Rongorongo” (staff of chanting). This type of tablet served possibly as mnemonic support for recitation of the myths. Previous collection: musée de l’Homme (Oceania). Donor: Museo Missionario Etnologico. » (translated from French8 by the authors)

65 The Missionary Ethnological Museum was located in Lateran palace from 1927 to 1963 and then relocated to Vatican (Vatican Museums, n.d.) In complete accordance with Fischer (1997: 541), the year when the tablet entered the museum – 1934 – strongly suggests that the cast was probably ordered by Paul Rivet. We are glad to present here the photographic documentation of the cast 71.1934.15.1 for the first time (fig. 7). The tracing of the inscription is given by each side to facilitate further studies of the artefact. The cast is indeed broken at one extremity, exposing a metallic rod put inside the plaster to improve structural integrity of the cast.

66 The artefact is rectangular in shape, but its profile view is quite unusual – the bulging central part tapers towards both extremities, reducing artefact thickness well below 1cm (fig. 7c). Such shaping of a wooden tablet is different from that of classical rongorongo artefacts that usually feature a uniform thickness. The tablet was not fluted for writing; however, there are pronounced traces of planing clearly seen in slanted light (7b). The surface of the tablet is uneven, so that a considerable effort is required to set-up a proper lighting to achieve the best photographic results.

67 Each side of the tablet bears four lines. The glyphs cover one side of the tablet completely (fig. 7a), but only about one fourth of the other side is inscribed (fig. 7b). The carving is awkward, most possibly made with a metal tool producing deep v-shaped glyph contours. The fish and bird figures recognisable in the inscription (fig. 7a, left side) suggest that no inverse boustrophedon line order was obeyed. The writing direction of the tablet is highly unusual. The unfinished side features all four lines starting at the right side. At the first glance one even may think that the inscription

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started at upper right corner and proceeded from top to bottom. However, the occurrence of several bird signs in the upper row, as well as a line almost completely full with crescents (fig. 7a) strongly suggests that the writing was performed in lines and not columns. Judging from neat alignment at the right side and two longer bottom lines on unfinished side, one becomes inclined to conclude that the lines most possibly were written right to left – that is, in opposite direction to that of classical rongorongo. The left extremity of complete side feature a fish glyph spanning three lines, superimposed with an indefinite shape, perhaps a fruit. Surprisingly, the several of centimetres of space at the right extremity are devoid of glyphs. Despite the right extremity of the cast being damaged, it is clearly seen that no glyphs were affected by broken-off pieces of plaster (fig. 7a). 68 We are glad to provide additional confirmation for proper identification of the cast of Lateran tablet basing on previously unpublished material from Emory archives preserved at the Bernice P. Bishop Museum at Honolulu. The documentation consists of a rubbing and two descriptive cards with partial tracings of the inscriptions (fig. 8), signed by Margaret Titcomb of Bernice P. Bishop Museum, 1937. The partial rubbing of the tablet is accompanied with the text “an attempt [of rubbing] at the right (crossed out “left”) end – wood uneven – see also drawing”. The two descriptive cards feature fragments of four lines drawn from the both sides of the artefact, that perfectly check with our tracings (fig. 7). The tablet is identified as the artefact from “Easter Is[land], [catalogue number] 6442, Lateran Mus[eum]”. It is worth emphasizing that the number 6442 was supplied by Métraux, further corrected by Fischer and Dederen to 3449. However, explicit use of the number 6442 on the both descriptive cards produced by Titcomb provides strong evidence that at least at the time of documentation Lateran tablet had namely this number. To reconcile two numbers for the same artefact, it seems feasible to suggest two possible solutions: i) the number on the artefact was possibly awkwardly written so that the true number 3449 looked as 6442 or ii) the collection might underwent re-cataloguing after Titcomb’s access to the tablet. 69 Titcomb provides the dimensions of the object as “tablet is 25¼ [inches] long [64.14 cm] 3 × 2 /8 [inches, 6.03 cm]; greatest thickness about 1 inch [2.54cm]” (fig. 8). The difference in the width with quai Branly measurements – 6.03 versus 7.5 cm – can be understood from fig. 7, which clearly shows that the tablet was narrower at its middle and wider at its extremities. As Titcomb reported the greatest thickness of the tablet, she might have measured the width at the same point. The other additional comments are: “right end, wood is too uneven to make good tracing. Connect this up with tracings [rubbings]. See next page also”; “this is the faint end [i.e. with the symbols barely seen] (rt) of the side without much on it. A guess might be that it is unfinished”.

70 We found another cast of Lateran tablet in the Royal Museum of Art and History in Brussels, catalogue number ET.2009.54. The ascension year 2009 making part of the catalogue number suggests that the cast was recently rediscovered in museum collections. We don’t have information as to whether the cast ET.2009.54 was manufactured at the same time as the cast 71.1934.15.1. It should be said that the Brussels cast of Lateran tablet is not broken, providing clearer picture of the general geometry of the tablet. At the same time, the casting quality of the Brussels cast is inferior to that of Paris cast, with several seems formed due to uneven flowing of plaster smudging and erasing a number of glyphs. Due to these problems, we decided to

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illustrate Lateran tablet using the cast from the musée du quai Branly, which allows clearer view of its entire inscription. 71 A detailed look on the inscription of the Lateran tablet (fig. 7) clearly shows that it is not a genuine inscription but a later imitation, in complete accordance with opinions of Lavachery, Métraux and Barthel. Among the shapes carved on the tablet one can easily recognize a series of crescents. As rongorongo inscriptions and Rapanui manuscripts feature structured sequences involving 30 crescents or the names of 30 lunar nights corresponding lunation (Wieczorek, 2011; Horley, 2011), it is imperative to verify whether tally-like group of crescents appearing in the upper line on complete side (fig. 7a) is possibly related to the lunar month. The counting of crescents provides a discouraging result of 45, that has no direct relation with the astronomical cycles of Selene. At the left side of the very same line, there are two schematic depictions of birds, with their feet and toes marked. This detail never occurs in rongorongo, where all bird signs feature tails but not legs9.

72 The second and the third line of the complete side of Lateran tablet is especially interesting by featuring the multiplets of the same signs; in many cases these are triads, but four-time repetitions in a row can be also attested. This repetitive structure poses a serious doubts whether the inscription of Lateran tablet contains any meaning; at the best of the cases, it represents a kind of “calligraphy drill” where the carver was exercising in glyph carving. Surprisingly, at a single instance one can find the ABAB structure oval-fish-oval-fish at about one third of the fourth line (fig. 7a). However, the overall repetitiveness of the inscription of Lateran tablet, to our opinion, suggests that the observed ABAB structure is a mere coincidence.

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Figure 7. – The cast of Lateran tablet 71.1934.45.1

The dimensions of the cast are 63 × 7.5 × 2 cm; its weight is 962 g (online collection database of the musée du quai Branly) The panels show: a) completely inscribed side a, with tracing thereof; b) partially inscribed side b, with tracings thereof and c) profile view of the cast (image courtesy of the musée du quai Branly)

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Figure 8. – Records of Lateran tablet produced by Margaret Titcomb in 1937, preserved in the archives of Kenneth P. Emory

(images courtesy of the Bernice P. Bishop Museum, Honolulu)

Figure 9. Concepción ika tablet, bearing purported mama inscription

(image courtesy of Museo Antropológico Padre Sebastian Englert, Hanga Roa)

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73 Returning to Fischer’s (1997: 541) comment that the Lateran tablet (fig. 7) together with Concepción ika (fig. 9) are examples of the mama script that purportedly existed on Easter Island, it becomes clear that both inscriptions are radically different. The glyphs of the Lateran tablet, despite their decadent style and clumsy carving, represent contour outlines. They are far from artistic quality of authentic rongorongo tablets but approach the simplified glyphs seen in ta’u inscription (Routledge, 1919: fig. 99). The signs of Concepción ika in the majority of the cases are composed by a set of curves that do not outline the contour of the sign, preferring much simplified strokes shaped as vertical lines, U-shapes, parenthesis, with the most complicated sign looking as a stylized tree or branch. We also studied a photograph and a cast of Physeter bone, which supposedly bears “several mama geometric fillers, which helps to date the mama ‘script’ of Easter Island to 1920s or 1930s” Fischer (1997: 513). The purported “mama signs” appearing on this late artefact are a set of simple incisions that bear little resemblance with the signs seen on Concepción ika, so that we become more inclined to agree with the earlier publication by Fischer (1993: 180) where more careful wording is used: « [the inscription of Physeter bone] terminates in a series of mama glyphs (or ornamental). » (Emphasis by the authors) 74 As neither Lateran tablet nor the Physeter bone display the signs similar to those appearing on Concepción ika, one essentially is forced to accept that Concepción ika becomes one-of-a-kind inscribed artefact that bears the signs that never appeared in any other Rapanui document or tablet.

Conclusions

75 The study of the plaster casts of inscribed artefacts from Easter Island in musée du quai Branly revealed several interesting details. The recent re-cataloguing of museum collections brought to light more casts – in total 29, surpassing the number of known rongorongo casts in any other museum in the world. Not each cast is of the best quality, for which we consider it important to provide a brief description of every cast identified with its collection number, so that the researchers will be able to focus their studies on the replicas that document the artefacts in the best way. Several casts in collections of musée du quai Branly are unique: the cast of Large Vienna tablet allowed improved tracing of the tablet showing more glyphs that any tracing published to the date; the cast of Lateran tablet provided crucial insights to the problem of multiple scripts suggested to be developed at Easter Island. Finally, we show that the cast of Small Santiago tablet in reality do not document the original tablet, rather representing an artistic rendition thereof. The copies of the very same artistic rendition can be found also in Smithsonian Institution and Bernice P. Bishop Museum, which should be accounted for by the scholars aiming to study calligraphy of rongorongo.

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NOTES

1. « Heureusement, on avait conservé à Braine-le-Comte une photo et un calque des deux faces écrites, et le Bulletin des Américanistes de Belgique les a très bien reproduits dans son numéro d’août 1933. » 2. The value of glyph contour depth was measured from the cast of the tablet Échancrée, kindly provided for study to one of the authors (PH) by K. Pozdniakov. The measurements were performed for the glyphs covering the side a of the tablet, which were engraved by a very skilled scribe. 3. Square brackets from the authors. 4. « Quelques autres objets, notamment deux rei-miro, deux ou trois moai, un petit fragment de tablette, sont actuellement au musée Ethnographique Pontifical du Latran à Rome; et un autre fragment de tablette appartient maintenant à la collection du Dr Stephen Chauvet. » 5. « Pyrus malus pour la tablette de Latran – celle-ci fera l’object d’une étude approfondie – les caractères qu’elle porte sont dégénérés. À première vue, cette tablette semble une imitation des tablettes anciennes faite par un ignorant. Il est à noter que Pyrus malus se trouve dans la flore du Chili. » 6. « Die “Laterantafel” in Rom. Dieses Objekt gilt bekanntlich als Falsifikat. Immerhin ist von Interesse, daß die eingeritzten Zeichen nicht den klassischen Rongorogotypen, sondern einem spärlichen geometrischen Formen schatz entsprechen, wie einem Abguß im musée de l’Homme zu Paris entnommen werden kann. » 7. « En 1982, nous avons été amené à faire des recherches dans les archives du musée de l’Homme et là, également, nous avons trouvé le moulage cassé à un

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extrémité d’une tablette complètement inconnue. Nous en avons relevé les dimensions et une partie des caractères decadents. À force de persévérance et bien des années après, nous avons pu apprendre qu’il s’agissait de la tablette du Latran no 3449, faisant 64 cm de long sur 7,5 cm de large. » 8. « Plâtre gravé à droite de glyphes géométriques caractéristiques de l’île de Pâques. Copie de tablette dite “Kohau Rongorongo” (canne de chantre). Ce type de tablette servait probablement de support mnémotechnique dans la récitation des mythes. Précédente collection : musée de l’Homme (Océanie) ; donateur : Museo Missionario Etnologico. » 9. The rooster glyphs in rongorongo display a stylized hand at their base, but, analyzing the similar designs in rock art (Lee, 1992: 99, fig. 4.92) and in woodcarving (Esen-Baur and Forment, 1990: 203) it is easy to show that the hand-like part at the bottom of the glyph developed from a schematic depiction of rooster’s tail.

ABSTRACTS

This paper presents a detailed analysis of 29 casts of inscribed tablets from Easter Island in the collections of musée du quai Branly. The major number of the casts covers the tablets from the Congregations of the Sacred Hearts of Jesus and Mary (Rome). Two sets of casts document Saint Petersburg tablets. The remaining casts represent two Washington tablets, two Vienna tablets, two Santiago tablets as well as two artefacts from the British Museum (London tablet and Small London reimiro), and a cast of now-lost Lateran tablet. We discuss in detail the casts that are unique for the collection – the replica of Large Vienna tablet that displays more glyphs than the present-day artefact, and the cast of Lateran tablet. It was also shown that the cast of Small Santiago tablet is not faithful to the original but rather made after artistic reproduction of the tablet based on the tracings published in 1875 by Philippi.

Cet article présente une analyse détaillée de 29 moulages en plâtre des tablettes de l’île de Pâques provenant des collections du musée du quai Branly. La grande majorité des moulages couvrent les tablettes des pères et religieuses des Sacrés-Cœurs (Rome). Deux ensembles documentent les tablettes de St-Pétersbourg. Les autres moulages représentent deux tablettes de Washington, deux de Vienne, deux de Santiago, deux pièces du British Museum (tablette de Londres et petit reimiro de Londres) et la tablette (maintenant perdue) de Latran. Nous discutons en détail les moulages qui sont uniques à la collection : la réplique de la grande tablette de Vienne, qui contient plus de glyphes que la pièce actuelle, et le moulage de la tablette de Latran. Nous démontrons aussi que le moulage de la petite tablette de Santiago n’est pas fidèle à l’original, mais suit plutôt une reproduction artistique de la tablette basée sur les esquisses de Philippi de 1875.

INDEX

Keywords: Easter Island, rongorongo script, plaster cast Mots-clés: île de Pâques, écriture rongo-rongo, moule en plâtre

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AUTHORS

RAFAL M. WIECZOREK Harvard University USA [email protected]

PAUL HORLEY

CIMAV Campus Monterrey, Mé[email protected]

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Miscellanées

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Les « pagaies cérémonielles » des îles Australes, les recherches de Rhys Richards et la piste espagnole « Ceremonial paddles » from the Austral Islands, Rhys Richards’ researches and the Spanish track

Gilles Bounoure

1 Ancien diplomate, connu des lecteurs du JSO pour d’utiles articles consacrés aux premières décennies de la présence occidentale dans les archipels appartenant aujourd’hui à la Polynésie française, R. Richards se définit comme spécialiste de l’histoire maritime du Pacifique, et son dernier ouvrage, The Austral Islands. History, Art and Art History (2013), ne déroge pas à sa méthode, qui repose avant tout sur la récolte et l’analyse de documents publiés ou inédits, livres de bord des navires marchands ou baleiniers par exemple. S’il lui est arrivé de s’occuper d’objets d’art du Pacifique – on lui doit ainsi un livre et une dizaine d’articles notables sur les créations traditionnelles des îles Salomon, où il fut Haut Commissaire pour la Nouvelle-Zélande de 1996 à 1999 –, il admet en ouverture de ce livre (p. 7) n’avoir reçu aucune formation particulière en histoire des arts, bien que tel soit le domaine de recherche principal de son ouvrage. Sa parution a trouvé un écho rapide dans les catalogues des grandes maisons de vente publique, pour la réhabilitation indirecte qu’il propose d’un type d’objet océanien longtemps considéré comme de piètre valeur par les spécialistes de musées et les acteurs du marché de l’art, quoiqu’ils n’aient jamais cessé de le désigner sous l’appellation plus flatteuse de « pagaie cérémonielle des îles Australes ».

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2 La « doxa » dépréciative s’est imposée à partir des années 1960. Gilbert Archey (1965 : 22) estimait que : « The great number of these decorative pieces in museums and in curio shops stems apparentely from an active ‘tourist’ trade fostered in Rarotonga in the 1840’s. »

3 Dans le catalogue d’une grande exposition de sculpture polynésienne présentée à Chicago puis à New York, Allan Wardwell (1967 : 36) s’expliquait en ces termes de n’avoir retenu que deux de ces « pagaies » dans sa sélection : « There seems to have been an active carving school that flourished during the mid-19th century and created such objects specifically for trade with visiting sailors. One branch of the school was even located on Rarotonga of the Cook Islands. Unfortunately, few of these ceremonial carvings can be considered to represent traditional art forms of the pre-contact period. »

4 Après que Terence Barrow (1979 : 92) eut parlé de « pagaies de Raivavae faites pour le commerce », Charles Mack (1982 : 220, cité partiellement par R. Richards p. 62) affirmait à l’usage de ses lecteurs marchands d’art : « It is known that these objects were popular mid to late 19th century tourist souvenirs. In the absence of evidence of contrary, it is far more logical to suppose that these paddles are strictly speaking tourist art, only loosely based on tribal art tenets. »

5 Et A. Wardwell répétait environ une décennie plus tard à destination d’un public plus large : « There are no early account of any ceremonies connected with their use. Quite a number exist today, and all of them were cut with metal tools. They are also known to have been much sought after by Western visitors to the Pacific during the nineteenth century, and it is generally assumed that they were made only for commercial purposes. » (1994 : 200)

6 « Herstellung für die Fremden », jugeait à son tour Gerd Koch (2004 : 10) citant T. Barrow, suivi de peu par Steven Hooper (2006 : 216), estimant que ces pagaies :

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« were made during a dynamic period of activity by Ra’ivavae carvers around 1820-40. None can be reliably dated to earlier than this period. »

7 Adrienne L. Kaeppler, après avoir évité de reproduire ou de mentionner ces pagaies dans sa somme de 1993, en écrivait en 2010 : « Characteristic artifacts from the Austral Islands are paddles and laddles entirely covered with intricate incising and having human-figured handles. Although some of the early examples may have had an indigenous function, many appear to be a mid-nineteenth- century response to visitors, who wanted well-carved souvenirs to take back home. » (2010 : 133)

8 Dans l’intervalle, informé des recherches alors inédites de R. Richards, Eric Kjellgren avait pu formuler cette position plus nuancée : « The paddles’form and original function, whatever it may have been, are likely of precontact origin. » (2007 : 303-304)

9 Comme le relate R. Richards (p. 59), son enquête a débuté en 2000 autour de trois de ces « pagaies » collectées par l’USS Dolphin, qui relâcha à Tubuai en juin 1826. Encouragé d’abord par Roger Neich à s’intéresser aux spécimens de la collection Oldman, puis par St. Hooper à venir approfondir ses investigations durant quelques mois à Norwich, il fut bientôt en mesure de livrer un exposé devant les membres de la Pacific Arts Association, mais tout en ayant été acceptée pour publication, sa communication de 2003 resta inédite, comme l’ensemble des Actes du colloque de Christchurch. Ses recherches, qu’il n’interrompit pas pour autant, lui permirent de constituer un corpus de près d’un millier de ces « pagaies », dont il put examiner directement une bonne moitié, et nombre d’autres sur photographie. Il lui avait fallu au passage recenser toutes les données disponibles sur les visites des Occidentaux dans ce groupe d’îles, et les lecteurs du JSO bénéficièrent en 2004 de ses observations sur la dépopulation massive de Rapa consécutive aux passages des navires européens ou américains (n° 118 : 3-10). Repris dans le présent volume, cet article forme l’une des dernières sections de la partie de l’ouvrage consacrée à l’histoire maritime des Australes (« History », pp. 9-116).

10 Intitulée « Art and Artifacts » (pp. 117-138), la deuxième partie réunit, sans autre commentaire que leurs légendes, une série de bonnes photographies en couleurs illustrant les principaux types d’objets aujourd’hui attribués à ces îles. La troisième partie, « Art History » (pp. 139-223), s’intéresse successivement aux « pagaies », aux tapa, aux tambours ornés, à la statue d’A’a, à cet objet « atypique » qu’est « l’oiseau de Stutchbury » du musée de Bristol, aux relations culturelles et artistiques entre les îles Cook et les Australes, aux rapports entre une poupe figurative des îles Australes et un linteau maori archaïque, puis à la circulation des lames d’herminette en pierre dans l’ensemble de la Polynésie centrale et orientale. Bibliographie et index complètent utilement cet intéressant ouvrage, dont une traduction en français s’imposerait pourvu que le public, les éditeurs et les chercheurs de ce pays-ci se préoccupent de ses anciennes colonies des antipodes, où l’anglais n’est encore ni la langue officielle ni la plus répandue. Tubuai, Rurutu, Raivavae, etc., sont toujours des « communes françaises », faut-il rappeler dans ces colonnes.

11 Les arts des îles Australes, réduits aux vestiges qu’en ont laissés les déprédations missionnaires, ont donné lieu à très peu d’études spécifiques. Après celle de Stolpe (traductions américaine et allemande en 1892 du texte paru en suédois deux ans plus tôt), principalement consacrée, en dépit de son titre général, aux interactions iconographiques entre îles Cook et Australes, et celle de Hall (1921) s’attachant surtout

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à décrire les objets du musée de Philadelphie, tout comme le très bref catalogue de Brunor (1969) le fait des collections du Peabody Museum de Salem, il n’y eut que le livre précité de Barrow pour donner un aperçu général de ces arts (1979 : 50-69), en complément des développements qu’il consacrait à ceux des îles de la Société et des îles Cook, et comme on l’a vu, ce travail non remplacé sert toujours de référence. S’il mentionne (p. 53, d’après Brunor) l’importance qu’y avait le tapa, « le dernier art qui survécut », c’est sans s’y attarder ni en montrer de reproduction. En comparaison, les enquêtes que consacre R. Richards aux tapa confectionnés « avant 1850 » (pp. 167-179), aux colliers à pendeloques figuratives en dents de cétacé (pp. 205-209), au tambours ornés, etc., présentent soit des avancées importantes, soit de nouveaux éléments de discussion qu’on ne saurait désormais ignorer.

12 Pour s’en tenir ici au sujet initial de ce livre, les « pagaies » gravées dont la plupart des commentateurs ont souligné le caractère « non fonctionnel » (en particulier quand leur pale est munie de deux ou trois manches), et les deux hypothèses principales émises à leur propos, productions commerciales destinées aux Occidentaux ou objets traditionnels comparables aux bâtons généalogiques des îles Cook, qui auraient d’abord servi à rendre hommage aux chefs-dieux (Hall, 1921 :197, reprenant l’interprétation de Stolpe, 1892 : 106-108 pour les « herminettes cérémonielles » de Mangaia), R. Richards n’avait d’autre choix que des démonstrations indirectes, puisqu’on ne sait rien de la destination primitive de ces objets. Signalant (pp. 100-103) « the missing social context » résultant du « silence assourdissant » des témoignages occidentaux sur les mœurs politiques, sociales et religieuses propres à chacune de ces îles avant le « contact », il résume les observations de Don Marshall (1961 : 270-279) recevant, dans les derniers jours de son séjour de 1957 à Raivavae, les confidences d’une vieille insulaire sur les dimensions éminemment sexuelles des rites anciens, les premiers à avoir été réprimés par les missionnaires, indice et peut-être source principale d’une censure générale.

13 Peut-être aurait-il pu rapporter cette autre remarque de Marshall (1961 : 160-161) relative aux « pagaies », peu compatible avec l’hypothèse d’une production tardive, née des échanges avec les visiteurs occidentaux : « But of the high craftmanship which produced the superbly carved ‘ceremonial paddles’ which can be seen in the ethnographic and art museums of the world, there is no trace. These beautiful objects, covered in the most incredible detail with stylised pictures of dancing figures and versions of a sun motif were brought in great quantities by New England and European whalers during the first part of the nineteenth century. Now the only paddles I saw on Ra’ivavae were crude affairs, whittled out of local soft woods with sharpened table knives. This is understandable, for skills die easily. But I was moved to discover that the natives of Ra’ivavae could not even recognize these classic paddles as products of their own Island when I showed them photographs of notable specimens, much less describe their ancient functions. Piahuru remembered only that it was said of the ancient paddles that they made a pleasing sound as they rippled through the water. »

14 R. Richards s’appuie sur d’autres arguments, ceux de la démographie et de la muséographie. La dépopulation massive des trois premières décennies du XIXe siècle, montre-t-il (p. 85 et suivantes), n’a pas seulement touché Rapa, les missionnaires témoignant partout d’une succession « of fatal diseases that shattered the local societies and reduced the populations by about 90%, to number only 10% of their former size. By 1828 there was no-one on Rurutu with relevant carving experience. By 1835 the survivors on Ra’ivavae and Tubuai had fallen

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sharply to 775 and 182 respectively. With about 40% children, and 30% women, this probably left a male pool of potential carvers of only 230 on Ra’ivavae and 50 on Tubuai. »

15 Dans ce nombre, combien subsistait-il de spécialistes en possession des vieux savoir- faire et de la science des motifs ? Aucune des confessions venues convertir les insulaires, remarque encore l’auteur, n’encourageait au respect des arts anciens. Par ailleurs, la majorité de ces missionnaires n’ayant pas dédaigné de se mêler de commerce ou de tirer parti du travail de leurs ouailles au profit de leurs Églises respectives, on peut s’étonner qu’ils n’aient rien dit ou rien fait à l’égard d’« écoles » ou d’ateliers de confection d’articles « pour touristes » travaillant sous leurs yeux.

16 R. Richards a également parcouru les musées à la recherche des « pagaies » les plus anciennement inscrites à leurs inventaires, et selon le dernier état de ses recherches, la première d’entre elles aurait été offerte par le capitaine Richardson au Peabody Museum de Salem – non en 1810, comme l’indique toujours la base de données de cette institution consultée à l’occasion du présent développement, mais en 1812, selon la presse de l’époque annonçant le retour de ce santalier (p. 31). Elle figure en tête de l’inventaire des « ‘pagaies’ datées entre 1812 et 1842 » (pp. 169-173) dressé par le chercheur, qui estime qu’après cette période les circonstances de collecte des objets sont impossibles à retracer (p. 174). Juste après ce spécimen de Salem et un autre donné au même musée en 1821, viennent cinq objets collectés lors de la circumnavigation de la corvette La Coquille, dont deux sont conservés au château-musée de Boulogne-sur- Mer, les trois autres, connus par une gravure de Tardieu, restant à localiser. Ces « pagaies » furent sans doute acquises au cours de l’escale à Tahiti de mai 1823, Duperrey n’ayant pas visité les îles Australes. Maintiendrait-on – non sans abuser de l’argument a silentio – qu’elles furent conçues et fabriquées à l’usage exclusif des étrangers, il conviendrait de situer l’invention et la mise en production de ces curios dans les premières années du XIXe siècle et non en son milieu comme il a été écrit si souvent.

17 Les témoignages antérieurs sont peut-être à reconsidérer à partir des apports de R. Richards. De l’examen des divers récits des escales de Cook en vue de Rurutu (août 1769) et de Tubuai (août 1777) sans mettre pied à terre, rien ne se dégage de concluant et R. Richards a certainement raison de s’en remettre au jugement d’A. L. Kaeppler (1978 : 159), à propos de la petite collection des îles Australes rapportée de ces voyages, estimant que ces objets ont pu être acquis tout aussi bien à Tahiti. On n’y compte du reste aucune pièce s’apparentant de près ou de loin à une « pagaie cérémonielle ». Il en va différemment du passage le 5 février 1775 de la frégate espagnole El Águila, alias Santa María Magdalena, et du convoyeur privé Jupiter, alias San Miguel, à Raivavae que ses « découvreurs » du jour baptisèrent Santa Rosa. R. Richards ne consacre (p. 11) qu’un paragraphe à cet épisode sans doute à examiner de plus près qu’il ne fait. Il écrit que l’accueil du demi-millier d’insulaires rassemblés sur le rivage sembla trop exubérant « for the visitors to risk going on shore » conformément au résumé qu’ont livré Tomás de Gayangos (commandant de l’Águila) et José de Andía y Varela (commandant du Jupiter) du rapport de Raimondo Bonacorsi, lieutenant du premier envoyé reconnaître les abords de l’île et approcher les insulaires à l’intérieur du lagon. Il n’a cependant pas relevé que tous ceux d’entre eux qui s’invitèrent à bord de la chaloupe de Bonacorsi y arrivèrent à la nage (Corney, 1915 : 176, 311-312). Or, poursuit Gayangos (ibid. : 177 ; Richards, 2013 : 11) :

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« Our people got a string of mother-of-pearl shells from them, such as they are accustomed to wear round the neck, a paddle, and a spear made of very good wood which looks as if turned in a lathe. »

18 Même si elle est sans parallèle dans les passages correspondants des journaux d’Andía y Varela et du « piloto español de la Real Armada, Juan Pantoja y Arriaga » (Mellén Blanco 1992 : 173-176), cette phrase pourrait livrer un indice déterminant, son contexte une fois pris en compte. Bonacorsi, aidé des deux interprètes que Gayangos avait embarqués à Tahiti, Puhoro et Mabarua, issu quant à lui d’une lignée princière de Raiatea, dialogua avec un insulaire « plus posé que les autres », le premier qui ait nagé jusqu’à la chaloupe, donnant ensuite le signal pour qu’on l’imite. C’est certainement sur les indications de cet arii que les Espagnols apprirent le nom du prince alors au pouvoir, « Teraberobari » ou « Jarabaroai », ainsi que certains détails de la flore locale, et qu’ils purent lever une carte assez précise de l’île, qui n’aurait pu être dressée sans les précisions orales de cet aristocrate, aucun des navires ou de leurs annexes n’ayant pu reconnaître l’ensemble du lagon. Le Museo Naval de Madrid en conserve au moins deux états, dont une « Descrípsíon de la Isla Sta Rosa », document de la main de « Don Juan de Hervé, enseigne de frégate et premier pilote de l’armada royale », première carte connue de Raivavae avec une vue générale en élévation (inv. 54 B 16, document distinct de 54 B 13, où cette carte à l’orientation inversée et au dessin simplifié est accompagnée de celles de quatre autres îles reconnues lors du même voyage).

19 À s’en tenir aux détails du rapport de Bonacorsi reproduits par Gayangos, qu’un des insulaires monté à bord de la chaloupe se soit défait du collier de nacre qu’il portait en échange d’un couteau dont il paraissait ignorer l’usage, voilà qui semble relever du geste spontané. Mais que d’autres, venus par le même moyen que lui, se soient présentés qui avec une lance qui avec une « pagaie », toutes deux inutiles quand on nage dans le lagon, voilà qui ne pourrait guère s’expliquer autrement qu’en admettant que ces objets avaient été investis, dès le premier « contact » et bien sûr auparavant, d’un caractère « cérémoniel » les ayant éloignés de leur destination « utilitaire ». Les parallèles sont nombreux, tant en Océanie qu’en Occident, où nul ne songerait à se battre en duel avec une épée d’académicien ni à s’éventer en chassant les mouches avec les « palmes » décernées aux « officiers de l’instruction publique ». Bien qu’aucun témoignage n’en subsiste, il n’est pas exclu que ces pièces, que le savoir et le temps dépensés à leur réalisation minutieuse désignaient d’avance à un usage de « présents protocolaires », aient pu servir antérieurement ou concomitamment d’accessoires de parade ou de danse, ainsi qu’il est admis d’autres « pagaies cérémonielles » ou d’apparat en Mélanésie – depuis Santa Cruz jusqu’à Buka, pour les seules îles Salomon – comme en Micronésie et en Polynésie, où tout le monde convient que la création des rapa et des ‘ao pascuans ne doit rien au tourisme, même si l’on ne dispose que de conjectures quant à leur utilisation traditionnelle.

20 Tel était déjà le sentiment de Stolpe (1892, pp. 89, 108, 114), de Hall, de Marcelle Urbain (1947 : 118, référence omise par R. Richards) ou encore de Pierre Vérin (1969 : 209) balançant ainsi son jugement : « Le fait que certaines pagaies décorées des Australes aient été conçues pour l’usage n’interdit pas qu’elles aient été aussi prisées comme bien de prestige par les habitants eux- mêmes, ou encore à ce titre, certaines ont pu être associées aux sépultures comme aux Marquises, si l’on a voulu adjoindre au défunt ses objets préférés. L’idée que le prestige conféré par le caractère hautement décoratif des pagaies ait existé parmi les habitants a contribué à transformer ces pièces en bien d’échange de valeur. »

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21 À suivre les arguments développés par R. Richards, la période de production de tels « biens d’échange » fut forcément assez brève, entre l’essor de la pêche baleinière suivi de celui de la quête du santal au début des années 1800 et l’arrivée des missionnaires et les premières vagues d’épidémies au tournant des années 1810-1820. Dans cette perspective, il faudrait cesser de chercher des critères de datation ou d’origine décisifs dans les écarts de qualité observés entre les « pagaies » finement sculptées et polies à l’aide d’instruments traditionnels, dents de requin ou de rat, galuchat…, et les autres, aux gravures plus sommaires réalisées avec des outils de métal, une même île ayant sans doute vu cohabiter, en l’espace de moins d’une génération (ou d’un quart de siècle), tenants des méthodes anciennes et adeptes du nouvel outillage procuré par les Blancs. S’avérant plus attentif aux détails de facture qu’à une doxa fondée sur des chronologies arbitraires, le marché international des « arts premiers » s’est repris à spéculer à la hausse sur les exemplaires les plus spectaculaires de ces « pagaies », avec des cotes décuplées au cours des quinze dernières années.

22 Quant à la « piste espagnole » déjà explorée, elle pourrait être prolongée, positivement ou négativement, du côté du Museo Naval de Madrid qui ne conserve pas seulement divers documents concernant « les Espagnols à Tahiti » à l’instar des cartes de Juan Antonio de Hervé précitées, mais aussi deux « pagaies cérémonielles » qu’a révélées le catalogue établi par Francisco Mellén Blanco et Carmen Zamarron (1993 : 50-51, 88-89), l’une à pommeau tronconique (n° 60 inv. 1709) paraissant d’un type plus « ancien » que l’autre à pommeau trapézoïdal (n° 61, inv. 1966). Au premier de ces auteurs, éminent océaniste, on doit, y compris en français, diverses études éclairant les expéditions envoyées par le vice-roi du Pérou et du Chili, Manuel de Amat, pour coloniser la Polynésie centrale (1992, 1995, 2009), et peut-être manquait-il d’éléments pour mettre en rapport l’un ou l’autre de ces objets avec la relation laissée par Gayangos du voyage entre l’archipel d’« Amat », c’est-à-dire Tahiti, et Callao qui lui permit de « découvrir » Raivavae. Selon les descriptions qui en sont données, malheureusement sans reproduction, une « lanza » ou une autre figurant dans les objets « sin clasificar » du Museo Naval (1993 : 73-74, n° 111 et 113) pourrait également correspondre à celle que recueillit Bonacorsi.

23 Ces rapprochements paraîtront sans doute moins arbitraires si l’on prend en compte certains indices indirects, bien vérifiés quant à eux. Les journaux de voyage qui se rédigeaient officieusement dans les états-majors des navires, distincts des livres de bord que les commandants avaient (et ont encore) obligation de tenir, étaient souvent destinés à de puissants personnages dont on espérait protection et récompenses, et telle est en somme l’histoire du Journal de Maximo Rodriguez et de ses diverses copies, qu’accompagnaient des objets collectés à Tahiti : seul en subsiste, trop lourd pour avoir intéressé les chapardeurs, un spectaculaire umete en pierre noire (dolérite) qui mit treize ans à venir de Callao à Madrid, et qu’on peut voir aujourd’hui au Museo nacional de Antropología de Madrid (Inv. CE1260, voir Mellén Blanco, 1995 : 33-35, 23-30 ; Mellén Blanco, 2009 : 745 et Martínez Abellán, 1996 : 68 sq.). Il n’est pas exclu que l’une des « pagaies » du Museo Naval, institution fondée en 1843, y soit entrée dans des circonstances analogues, rejoignant les documents officiels et officieux de l’Águila conservés dans sa bibliothèque. On sait du reste qu’après le remplacement en 1776 du vice-roi Amat par Manuel de Guirior, plus aucune expédition ne fut lancée dans le Pacifique Sud, les soulèvements dans les colonies puis les guerres européennes

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mobilisant l’essentiel des forces navales espagnoles jusqu’en 1805. Ensuite, comme l’ont montré Luis Eugenio Togores Sánchez et Belén Pozuelo Mascaraque : « desde la derrota de Trafalgar, España había perdido toda importancia como potencia marítima » (1992 : 188 sq.)

24 tout spécialement dans le Pacifique, où même la route du « galion de Manille » pourtant bien armé dut être modifiée pour fuir les corsaires, donnant l’occasion à Monteverde, en février 1806, de reconnaître Nukuoro, ultime « découverte » espagnole dans les mers du Sud (voir Landín Carasco, 1992 : 79 et le JSO 138). Malheureusement, comme l’ont observé les auteurs du catalogue précité (1993 : 18-19), les fiches et catalogues du Museo Naval ne livrent aucun élément sur les circonstances de collecte des pièces conservées, et l’on en restera réduit aux conjectures et aux présomptions, pour ces deux « pagaies cérémonielles » comme pour l’immense majorité des autres, tant que ce type d’objet n’aura pas été soumis aux examens de laboratoire désormais couramment pratiqués sur les sculptures attribuées à l’île de Pâques, « pagaies cérémonielles » comprises.

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AUTEUR

GILLES BOUNOURE [email protected]

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POSITION DE THÈSE. Autodétermination et autochtonie en Nouvelle-Calédonie. L’effacement progressif de la question coloniale

Denis Monnerie

1 Le 25 septembre 2014, Stéphanie Graff a soutenu sa thèse de doctorat intitulée « Autodétermination et autochtonie en Nouvelle-Calédonie. L’effacement progressif de la question coloniale », à l’Institut des Hautes études internationales et du développement de Genève,dans la spécialisation disciplinaire « Anthropologie et sociologie du développement ». Codirigée par Isabelle Schulte-Tenckhoff (IHEID) et Denis Monnerie (Université de Strasbourg), ellea été discutée devant un juryprésidé par M. Bruno Arcidiacono (IHEID) et comportant Mme Geneviève Koubli (Université de Paris 8 Vincennes-Saint-Denis). Conformément aux pratiques de l’IHEID, cette thèse a été publiée en date de 2015.

2 Cette thèse est centrée sur la Nouvelle-Calédonie qui, avec la Polynésie française, Wallis-et-Futuna (etc.) est une des colonies du Pacifique vouées à participer à la projection de la France aux antipodes de la planète. Ces pays sont au cœur de son importance effective au plan mondial (par leurs zones maritimes par exemple) comme des prétentions de la France à occuper une place politique internationale de premier plan.

3 Inscrite sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU, communément appelée « liste des pays à décoloniser », la Nouvelle-Calédonie est le théâtre depuis les années 1970 de revendications à l’indépendance de la part de son peuple autochtone qui, dans une visée nationaliste, se définit lui-même comme « peuple kanak ». La thèse de Stéphanie Graff articule avec finesse et de façon convaincante trois échelles principales : (i) ces revendications du peuple kanak, (ii) les possibilités de décolonisation ouvertes par l’ONU,

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(iii) les stratégies de la colonisation française, puis de sa modernisation.

4 D’emblée, l’échelle internationale prend, dès le lendemain de la deuxième guerre mondiale un rôle clé dans le devenir de la Nouvelle-Calédonie. Car, à partir de cette époque cruciale des relations internationales, outre l’ONU qui légitime de façon centrale la revendication kanak avec ses résolutions et comités de décolonisation, plusieurs institutions internationales impliquant des pays du Pacifique sont, ou ont été parties prenantes de cette revendication et ont joué un rôle important dans les interactions entre les diverses échelles analysées dans la thèse de Stéphanie Graff. Celle-ci montre les stratégies de la France au sein de la région de l’ouest du Pacifique (Mélanésie), ainsi que celles des représentants du peuple kanak qui tissent des liens à l’international pour atteindre leurs objectifs d’autodétermination et d’indépendance. Des aspects de la diplomatie de la France et le lobbying international kanak sont ainsi abordés sur le long terme.

5 Les questions générales d’autodétermination et d’indépendance sont au cœur de la thèse de Stéphanie Graff qui montre que la situation locale de la Nouvelle-Calédonie participe en fait d’une situation internationale et qu’elle est une expression d’une tendance actuelle à la réduction des possibilités d’autodétermination des peuples qualifiés d’autochtones. Ainsi, avec tout le recul et la subtilité attendus d’une thèse d’anthropologie sociale, culturelle, politique et juridique, elle traite d’un sujet brûlant d’actualité qui intéresse bien entendu la Kanaky Nouvelle-Calédonie, la France comme puissance coloniale mais aussi commedémocratie,la scène internationale onusienne et d’autres pays du Pacifique et du monde : Polynésie française, peuples autochtones des Amériques, etc. Car la population de Nouvelle-Calédonie doit être appelée à s’exprimer sur l’avenir de ses liens avec la France lors d’une consultation sur l’accession du pays à la pleine souveraineté prévue au plus tard en 2018. Ce processus est suivi de près par le Comité de décolonisation des Nations Unies puisque la Nouvelle-Calédonie est toujours inscrite sur la liste des pays à décoloniser. Une mission du Comité de décolonisation s’est d’ailleurs rendue en Nouvelle-Calédonie en mars 2014. Dans ce contexte, cette thèse traite de l’universalité des questions d’autodétermination, de décolonisation et d’autochtonie, car de nombreuses situations actuelles recouvrent des problématiques proches ou identiques à celles que Stéphanie Graff met en lumière dans sa thèse.

6 Pour ce sujet à la fois international et local, Stéphanie Graff a une longue expérience de terrain et de recherches ethnographiques multisituées, entre des villages kanak, Nouméa la capitale coloniale, la France, le Comité de décolonisation des Nations Unies à New York, le Bureau du Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones aux Nations Unies à Genève, au sein desquels elle a fait des stages pour ses recherches.

7 Cette thèse originale est structurée de la manière suivante. Un premier chapitre général est consacré au peuple kanak et à la Nouvelle-Calédonie, peuple et terre d’Océanie. Il jette les bases de la situation géographique du pays, de l’archéologie et de l’histoire de son peuplement, et de l’organisation sociale kanak. L’histoire de la colonisation est abordée à travers la prise de possession de 1853. Les conditions de perte de souveraineté du peuple kanak, ses expressions de refus de la colonisation et son incorporation à marche forcée en position subalterne par l’Etat français – pour favoriser l’accaparement de ses terres et ressources minières – y sont de même, développés. Un deuxième chapitre est consacré à la nature des revendications du peuple kanak au fil de l’histoire. Ainsi l’histoire de l’émergence des revendications du peuple kanak et leur évolution sont traitées avec leurs contenus. Celles-ci sont

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analysées avec les stratégies mises en place pour atteindre les objectifs souhaités. L’expression spécifiquement kanak de l’autochtonie, en actes et en paroles, est analysée avec la cérémonie de réception du Président Sarkozy au Sénat coutumier kanak le 24 août 2011.

8 Dans le chapitre trois, au travers notamment des accords politiques et historiques comme l’importante déclaration de la table ronde de Nainville-les-Roches, les accords de Matignon et l’accord de Nouméa, est analysée l’hypothèse d’un basculement entre la libre disposition du peuple autochtone et l’autodétermination des citoyens de Nouvelle-Calédonie. Stéphanie Graff y montrecomment ce basculement a pu se produire et ce qu’il donne à comprendre sur les limites de l’autodétermination en Nouvelle-Calédonie. Ce basculement est crucial mais peu décrit ou analysé car il est largement enfoui sous le vocabulaire de la très habile communication et obfuscation des autorités françaises dont le préambule de l’accord de Nouméa est le chef d’œuvre. Ceci permet de s’interroger dans le chapitre quatre sur le fait de savoir si le statut actuel du peuple autochtone kanak en Nouvelle-Calédonie relève de celui de peuple colonisé ou de celui de « minorité nationale ». Dans ce chapitre Stéphanie Graff questionne la nature de la place prévue pour le peuple kanak dans les accords politiques qui déterminent la situation actuelle de la Nouvelle-Calédonie. Elle traite ensuite dans ce chapitre de l’émergence à partir du début des années 1990de mouvements « autochtonistes » kanak et émet l’hypothèse, au travers de l’exemple des missions des Nations Unies en Nouvelle-Calédonie, que cette émergence est liée à la dichotomie et la catégorisation que l’on trouve à l’international entre peuple autochtone et peuple colonisé. Enfin, avant la conclusion de la thèse, Stéphanie Graff interroge dans le chapitre cinq la question de la réécriture de l’histoire dans le contexte actuel de la Nouvelle-Calédonie, à partir notamment d’un certain nombre d’affirmations du milieu politique, notamment autour de la notion devenue cruciale de « destin commun » et de la supposée position d’arbitre de la France alors même qu’elle reste une puissance coloniale contrôlant l’intégralité des pouvoirs régaliens en Nouvelle-Calédonie. De la même manière elle questionne le sens donné au fil de l’histoire et jusqu’à aujourd’hui à certains symboles historiques comme le 24 septembre , le drapeau FLNKS et le Mwâ Kââ de Nouméa. Dans sa conclusion intitulée « réinventer la décolonisation : la décolonisation contemporaine est-elle une décolonisation sans indépendance ? », Stéphanie Graff développe, d’une part, ce que ses analysespermettent d’élaborer comme hypothèses pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie et, d’autre part, sur ce que l’exemple de la Nouvelle-Calédonie donne à comprendre sur l’ensemble de la question de la décolonisation et de l’autochtonie. Elle est comme la goutte d’eau au travers de laquelle on perçoit l’océan de cette« théorie de l’eau salée » qui est un principe juridique international important dans la configuration actuelle des droits des peuples autochtones et dont relève le peuple kanak.

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AUTEUR

DENIS MONNERIE Professeur Codirecteur et membre du jury [email protected]

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Comptes rendus d'ouvrages

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Compte rendu de L’odyssée pascuane. Mission Métraux-Lavachery, île de Pâques (1934 -1935), de Christine LAURIÈRE

Gilles Bounoure

RÉFÉRENCE

LAURIÈRE Christine, 2014. L’odyssée pascuane. Mission Métraux-Lavachery, île de Pâques (1934 -1935), Les carnets de Bérose 3, Lahic / ministère de la Culture et de la Communication - Direction générale des patrimoines, 198 p., bibliogr., 35 ill., 23 documents reproduits.

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1 La lecture de cet ouvrage publié uniquement sous forme numérique de PDF indexable est à conseiller vivement, parce qu’il peut être téléchargé gratuitement – innovation récente en France, et plus que bienvenue dans un secteur de la production éditoriale par ailleurs « sinistré » – et que sa maquette de format carré, à grandes marges autour d’un texte généreusement interligné, se prête particulièrement bien à des consultations à l’écran, mais surtout du fait de la qualité de son contenu et du large intérêt qu’il ne manquera pas de susciter, sans parler de divers sentiments, amusement, surprise, indignation, auxquels l’auteure fait appel concurremment ou successivement. Se souvient-on aujourd’hui que c’est à des Américanistes, français pour le premier, suisse pour le deuxième, belge pour le troisième, Rivet, Métraux et à un moindre titre Lavachery (qui publia néanmoins seize publications « américanistes » entre 1929 et 1934), que l’ethnologie française fut redevable de sa première mission scientifique en Océanie, entre la fin juillet 1934 et les premiers jours de l’année suivante, avec le concours des marines de guerre de France et de Belgique ? Cette aventure improbable méritait d’être explorée et racontée et C. Laurière le fait avec un rare brio, analysant au passage un moment de l’anthropologie française dont le caractère décisif n’avait peut- être jamais été aussi bien dégagé.

2 Ses recherches sur le sujet remontent à plus de vingt ans, accompagnées de nombreuses publications dont une monographie venant illustrer l’un de ses thèmes privilégiés de travail et d’enseignement, les « relations de l’anthropologie au politique » : son volume consacré à Paul Rivet, « fondateur du musée de l’Homme » ainsi qu’il se définissait après 1937, mais aussi antifasciste de premier plan, comportait déjà un chapitre sur « la mission de l’île de Pâques » (2008 : 427-480), mais cette nouvelle publication fait plus qu’en présenter une « version entièrement revue et enrichie », comme écrit modestement l’auteure. Initiateur de cette mission en tant que directeur du musée d’ethnographie du Trocadéro, Rivet cesse d’être au centre du récit dès qu’Alfred Métraux (à qui C. Laurière a consacré plusieurs articles) manifeste son indépendance de jugement et d’action, ralliant à ses vues Henri Lavachery, alors conservateur adjoint des Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Belgique, au départ

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intellectuellement et politiquement plus proche du premier. Ainsi s’explique qu’après les expositions organisées en 1935 à Paris et à Bruxelles au retour de la mission, ce soit à Honolulu que Métraux ait mis au net son Ethnology of Easter Island, sortie des presses du Bishop Museum en 1940.

3 L’enquête de C. Laurière s’ordonne en six chapitres, « Le chant du cygne du Trocadéro », « Sur les pas des diffusionnistes à la recherche d’une écriture néolithique », « Un ethnographe puritain : Alfred Métraux », « L’île de Pâques est un vieil os rongé » (formule de Métraux dans l’une de ses lettres), « L’Odyssée pascuane » et enfin « Un Suisse sans imagination au travail » (selon une autre formule de Métraux), des « documents » complétant l’ensemble. Le premier titre évoque ce qui advint à l’exposition parisienne de 1935, sans doute la plus spectaculaire jamais présentée par ce musée d’ethnographie, mais qu’il fallut écourter pour faire place au chantier du futur musée de l’Homme. C. Laurière résume au passage l’ambiance intellectuelle et artistique du temps, quelquefois d’après des sources mal vérifiées ou de deuxième main, c’est l’un des très rares points faibles de son travail. Par exemple, il ne faut avoir aucune notion des conditions d’existence de Max Ernst entre 1920 et 1940, la plupart du temps « travailleur occasionnel », avec « beaucoup de pierres, peu de pain » (Spies, 2007 : 100 et 117), pour affirmer (p. 19) que « tout comme André Breton, il collectionnait des sculptures du célèbre homme-oiseau » durant ces années-là. Aucune des sources citées à l’appui (note 35 p. 23) ne le laisse entendre, seul son mariage avec Peggy Guggenheim lui permettra d’acquérir des objets, amérindiens en grande majorité, et sa collection achetée en 1985 par la National Gallery of Australia ne compte aucune pièce de l’île de Pâques (Dixon 2007 et base de données de la NGA). Sans doute aurait-il été utile de vérifier aussi que Breton ait jamais possédé un ou plusieurs moai tangata manu avant d’assurer qu’il les « collectionnait », ce type d’objet n’ayant jamais été photographié ou décrit dans son atelier.

4 De haute venue et de premier intérêt, le chapitre consacré au diffusionnisme à la française mérite à lui seul la lecture. Il n’explique pas seulement pourquoi l’américaniste Rivet, secondé par Georges-Henri Rivière (voir aussi Laurière, 2003) en est venu à imaginer et organiser une mission à l’île de Pâques et ce qui conduisit rapidement Métraux à prendre ses distances avec les objectifs initialement fixés, il retrace presque cinématographiquement les discussions qui animaient, au sens propre, l’ethnologie française de l’époque et relançaient inconsciemment l’étude des sociétés dites « primitives », jusqu’alors réputées « froides » ou « sans histoire ». Dans le cas de Rivet et de bien d’autres (dont Mauss), il s’agissait moins du « diffusionnisme international » ainsi qu’on peut qualifier les travaux de Gräbner, de W. H. R. Rivers et du « Pater » Schmidt de la revue Anthropos, voire ceux du Felix Speiser de l’époque, que d’une attraction parisienne, le linguiste amateur Guillaume de Hevesy, ainsi qu’il signait en France et en Belgique, alias F. A. Uxbond (qu’on lirait volontiers « faux bond »), pseudonyme adopté pour éditer à Londres un ouvrage retentissant (1928) que C. Laurière ne signale pas, mais qui en dit assez long sur les préoccupations de cet aristocrate hongrois expatrié, comparable en son domaine à un Festetics de Tolna, et peut-être à étudier de même, l’aspect humoreux en plus.

5 Les origines mystérieuses de la langue magyare lui commandant de s’intéresser à d’autres langues aux origines aussi obscures, Hevesy avait entrepris de la rapprocher des écritures (indéchiffrées à ce jour) des cités antiques découvertes depuis peu dans la vallée de l’Indus (dont Mohenjo-Daro, fouillée à partir de 1922) puis d’autres langues

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connues ou non, mais de préférence très éloignées géographiquement. Le magyar, le munda des bords de l’Indus, le maori de Nouvelle-Zélande (non les autres langues polynésiennes apparentées !) n’avaient-ils pas des « racines » communes, remontant au « néolithique » ? Vinrent ensuite des tables de comparaison entre glyphes de l’Indus et signes des rongorongo pascuans1, diffusées en Belgique puis en France à partir de 1932 à la faveur de conférences (notamment au musée Guimet) et de « communications savantes » (devant l’académie des Inscriptions et Belles Lettres) qui déclenchèrent un large enthousiasme, particulièrement chez Rivet, ainsi que C. Laurière le décrit brillamment.

6 Pour ajouter au remarquable tableau qu’elle dresse de cet engouement, on peut citer cette communication contemporaine du Dr Stephen Chauvet, collectionneur affûté ayant déjà récupéré une partie des objets collectés par Festetics de Tolna, et auteur habile à accompagner l’actualité, mettant sous presse dès janvier 1935 (selon l’achevé d’imprimer non paginé2) son fameux volume sur l’île de Pâques, quelques mois avant l’exposition du Trocadéro. Il n’hésitait pas à déclarer devant la Société préhistorique de France, à propos d’un objet pascuan de sa collection qu’il estimait particulièrement réussi (probablement une réplique moderne comme Métraux s’en fit vendre aussi, selon l’exposé de C. Laurière p. 90) : « Pour qu’une technique puisse parvenir ainsi au plus haut degré de perfection, il faut qu’elle puisse évoluer dans un pays propice, situé à un “croisement des routes de caravanes”, où les peuples faisaient des échanges entre eux, pendant de longues années, avant de se combattre pour prendre la bonne place et de se succéder ; bref dans un pays jouant le rôle de “creuset de civilisation”. Or, ces pays là n’ont pas été si nombreux : et le territoire occupé par le Haut-Indus, la Perse et la Mésopotamie, a été l’un de ces carrefours, l’un de ces creusets ! Et puisque les futurs Pascuans provenaient d’un pays qui connaissait le summum de la technique de la pierre polie, et la civilisation, très évoluée, que cette connaissance impliquait, on comprend mieux qu’ils aient pu emporter, également, le langage écrit des fameuses tablettes. Telles sont les considérations générales qui me paraissent pouvoir être déduites d’un petit hameçon, en pierre polie, de l’île de Pâques. » (1935b : 207)

7 Voilà pourquoi Rivet avait retenu pour diriger la partie française de la mission Louis- Charles Watelin, un archéologue qui s’était certes imposé dans l’équipe en subventionnant largement l’expédition, mais qui était aussi spécialiste de la Mésopotamie et partisan des théories d’Hevesy. Tel n’était pas le cas de Métraux qui lui avait été adjoint apparemment moins pour ses qualités d’ethnographe que pour sa connaissance de l’Amérique latine, susceptible de faciliter les relations avec les autorités chiliennes, administratrices officielles d’une île de Pâques alors aux mains d’une compagnie lainière. Survenu avant l’arrivée au Chili, le décès de Watelin permit à Métraux, qui se définissait, « du côté scientifique, [comme] extrêmement puritain et rigoriste » (n. 1 p. 60) de se dégager des ornières de l’archéologie et de la linguistique « néolithiques » où l’avait lancé Rivet, de redéfinir son travail selon ses propres vues et de s’employer à recueillir avec opiniâtreté les matériaux de son Ethnology à venir.

8 Comment Lavachery et lui parvinrent à s’entendre (ce qui n’allait pas de soi) et à travailler en relative harmonie, comment Métraux sut tirer parti de ses deux informateurs principaux, Juan Tepano et Victoria Rapahongo, quelles furent ensuite les relations de Rivet et de Métraux, comment ce dernier trouva auprès des « specialists » du Bishop Museum, Peter H. Buck en tête, un accueil inespéré, C. Laurière le relate et l’analyse avec un allant et des précisions défiant tout résumé. De l’ethnographe au travail, elle dresse un portrait nuancé et sensible, dont on retrouve les contrastes dans

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cette observation de Métraux (1937 : 658-659) qu’elle ne cite pas, associant pudiquement la confidence au souvenir. Parlant de Mangareva, il évoquait alors : « la soif de sensation et de nouveauté dont sont tourmentés les gens des îles les plus solitaires du monde. Je me souviens, à l’île de Pâques, de l’amusement que me procuraient mes amis indigènes par leur goût violent des “nouvelles”. Pour me donner la primeur d’un fait souvent insignifiant, ils traversaient les champs de lave dans une course éperdue et s’effondraient devant moi, harassés de fatigue, mais le visage illuminé par l’orgueil d’apporter la révélation de quelque événement inédit. »

9 De son indignation devant « la tragique histoire de l’île de Pâques », qui transparaît encore dans le texte considérablement remanié de la réédition de son volume paru dans la collection « L’espèce humaine » (1951 : 29-47, chap. III), C. Laurière énumère et détaille tous les motifs de grief ou de scandale et les complète parfois de détails inconnus de Métraux. Elle mentionne à diverses reprises (pp. 67sq.) l’influence prise « dans les années 1880 » par des « catéchumènes mangaréviens » qui contribuèrent à doter les Pascuans d’une identité « polynésienne », mais sans expliquer l’intérêt pris par ces Mangaréviens à imposer une telle « acculturation radicale, religieuse et économique ». Ainsi qu’elle explique p. 66 : « le 6 juin 1871, la mort dans l’âme, les missionnaires évacuèrent l’île avec 275 insulaires, en majorité des femmes et des enfants, pour travailler sur les propriétés foncières de la mission, à Tahiti. »

10 Pour être plus précis (McCall, 1981 : 60-61), ils furent 277 à partir au début d’avril, payant aux picpuciens leur passage par des droits sur leurs terres (!). Seulement 109 d’entre eux parvinrent avec le père Théodule Escolan à Tahiti, les 168 autres avec le père Hippolyte Roussel se dirigèrent (non sans pertes) vers Mangareva, où Miklouho- Maclay, débarqué le 8 juin, put en interroger quelques-uns, tandis que Lafontaine (2006 : 227 et 240), visitant six ans plus tard les îles Gambier en tant qu’officier de la « Royale » fermement attaché pour sa part à la République, concluait que les missionnaires ne les avaient recueillis que pour leur « faire pêcher des perles ». Certains furent ensuite « rapatriés », comme une partie de leurs parents retenus à Tahiti. Ce ne sont assurément là que des « détails », mais suffisamment caractéristiques pour être joints au bon tableau que C. Laurière fait du « vieil os rongé » de l’île de Pâques, après Métraux.

11 Qu’apporte cette publication, au-delà de la moisson déjà très estimable de faits qu’elle révèle ou qu’elle rappelle ? De riches leçons, valables pour le présent comme pour le passé. L’auteure n’y insiste pas, se conformant probablement là au « puritanisme » de son personnage principal, mais son travail aura surtout contribué à éclairer un moment décisif de l’histoire de l’ethnologie francophone, engagée dans des erreurs s’avérant vite fécondes par les réactions qu’elles ne manquèrent pas de susciter chez les esprits les plus soucieux de rigueur et de renouvellement, à l’instar d’un Alfred Métraux, qui s’ouvrit les meilleures voies heuristiques en allant « contre la méthode » (Feyerabend, 1975) et les modes intellectuelles de son temps.

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BIBLIOGRAPHIE

CHAUVET Stephen, 1935a [1936]. L’île de Pâques et ses mystères, Paris, éditions « Tel ».

—, 1935b. Présentation d’un hameçon de l’île de Pâques. Considérations, Bulletin de la Société préhistorique de France, tome 32-3, pp. 204-208.

DIXON Christine, 2007. Max Ernst, artist and collector, in Susan Cochrane and Max Quanchi (eds), Hunting the Collectors, Pacific Collections in Australian Museums, Art Galleries and Archives, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars Publishing, pp. 276-288.

FEYERABEND Paul, 1975. Against Method. Outline of an Anarchist Theory of Knowledge, London-New York, New Left Books.

LAFONTAINE Paul-Émile, 2006. Campagne des mers du Sud faite par le Seignelay de 1875 à 1879, édition établie, préfacée et annotée par Dominique Delord. Paris, Mercure de France.

LAURIÈRE Christine, 2003. Georges Henri Rivière au Trocadéro. Du magasin de -à-brac à la sécheresse de l’étiquette, Gradhiva, 33, pp. 57-66.

—, 2008. Paul Rivet, le savant et le politique, Paris, Publications scientifiques du Muséum national d’histoire naturelle.

LAVACHERY Henri, 1935. Île de Pâques, Paris, Éditions Bernard Grasset.

MCCALL Grant, 1981. Rapanui. Tradition and survival on Easter Island, Sydney, Allen and Unwin.

MÉTRAUX Alfred, 1937. Une féodalité cannibale en Polynésie française (les îles Gambier [Mangareva] et l’œuvre du père Laval, Revue de Paris, pp. 637-661.

—, Mysteries of Easter Island, PTO (People, Topics, Opinions), October 1939, pp. 33-47 (republié dans la Yale Review, 1939, 28, pp. 758-779).

—, 1940. Ethnology of Easter Island, Honolulu, Bishop Museum Press.

—, 1951. L’île de Pâques, Paris, Gallimard, « L’Espèce humaine », édition revue et augmentée.

SPIES Werner (éd.), 2007. Max Ernst. Vie et œuvre, Paris, Centre Pompidou.

UXBOND F. A. [Wilhelm von HEVESY], 1928. Munda-Magyar-Maori. An Indian link between the antipodes. New Tracks of Hungarian Origins, London, Luzac.

NOTES

1. Le Journal de la Société des Océanistes est la seule revue scientifique de langue française à relayer régulièrement les débats sur le déchiffrement des rongorongo (NDLR). 2. En réalité, le volume n’a été terminé et mis en vente qu’en 1936, comme l’expliquent l’addendum p. 83 et le supplément bibliographique p. 86 où l’auteur cite son propre ouvrage (!), le datant de cette même année. Chauvet y a intégré sa communication citée ici, en la modifiant, et divers détails du récit de la mission publié par Lavachery chez Grasset (achevé d’imprimer daté du 18 octobre 1935). Les éléments réunis par C. Laurière permettraient de reconstituer aisément les étapes de fabrication de ce livre délirant qui a encore des admirateurs.

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Compte rendu de Les îles d’Anir. Esprits, masques et spectacles dans le sud de la Nouvelle-Irlande, de Antje S. DENNER

Gilles Bounoure

RÉFÉRENCE

DENNER Antje S., 2012. Les îles d’Anir. Esprits, masques et spectacles dans le sud de la Nouvelle- Irlande, Paris-Genève, Hazan-Fondation culturelle Musée Barbier-Mueller, 176 p., avant- propos de Steven Hooper, préface de Michael Gunn, traduction de Jean-François Allain, glossaire, annexes, index, bibliogr., environ 160 ill. noir et blanc et couleur.

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1 Cet ouvrage aura été le premier, pour l’Océanie, d’une nouvelle collection de livres abondamment illustrés, offrant des textes de lecture aisée et n’excédant pas deux cents pages, à un prix et sous une présentation susceptibles d’intéresser un large public, tout en traitant avec rigueur de « terrains » ethnologiques encore trop peu étudiés en Occident (voir dans ce même JSO la recension du livre de G. Camus). On ne peut que souhaiter longue vie et franc succès à cette belle série, en espérant que d’autres éditeurs s’en inspirent. Mais tel n’est évidemment pas l’intérêt principal du livre d’A. Denner, qui fait plus que résumer sa thèse de 2010 (396 p., 183 ill.) dont tous les connaisseurs de la Nouvelle-Irlande et de ses arts ont pu apprécier la richesse à travers l’édition électronique gracieusement diffusée par la Sainsbury Research Unit de l’université de Norwich.

2 Les premières investigations de l’auteure à Anir – couple d’îles distantes d’une soixantaine de kilomètres de la côte sud-est de la Nouvelle-Irlande – remontent à 2000, elle en a tiré des communications vite remarquées (par exemple 2003), et son expertise a été rapidement reconnue et sollicitée (pas moins de huit contributions au catalogue édité par P. Peltier et M. Gunn, 2007, à l’occasion de l’exposition d’arts de la Nouvelle- Irlande au musée du quai Branly). Elle est retournée à Anir en 2011, recueillant de nouveaux matériaux (photos, traditions orales, voir par exemple pp. 27-28, 40-42, etc.) en vue de compléter ce livre, dont l’annonce de la publication (en langue anglaise, d’abord) a largement séduit les insulaires. Ce volume doit ainsi être envisagé à la fois comme un travail neuf et comme une entreprise de restitution particulièrement généreuse, ici proposée aux lecteurs francophones dans une excellente traduction.

3 Ces îles, longtemps difficiles d’accès pour les Occidentaux (moins pour les maîtres navigateurs mélanésiens de jadis, comme on verra plus loin), ont été peu visitées et leurs traditions rarement étudiées. Situées sur l’arc volcanique de Mélanésie occidentale, selon les termes des géologues, elles ont fait l’objet des mêmes prospections minières que Mussau, Simberi (Tabar), Lihir et Tanga, et l’un des trente

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sites testés a été estimé, en 2002, receler 4 millions de tonnes de minerai aurifère à la concentration d’1,4 gramme par tonne. Un premier permis d’exploration (EL 1021), accordé en 1992, puis un deuxième en 2003 (EL 1331), concernant une surface quatre fois supérieure, ont été ensuite annulés ou suspendus, les insulaires ayant fait constater les atteintes à l’environnement dues aux forages.

4 Comme l’indique A. Denner dans sa thèse (2010 : 20-21, « the postcolonial period and mining operations ») avec quelque scepticisme sur une telle « solution », l’Anir Resources Owners Association (AROA) a proposé un mode d’exploitation local et à petite échelle, respectueux de l’environnement, permettant à ces deux îles et à leurs 2 000 habitants d’échapper aux ravages miniers observés en d’autres points de cet arc volcanique et aurifère, Lihir en tout premier lieu (voir Bainton, 2010 : passim, et Hemer, 2013 : 218 sq.). Si son livre ne dit mot de ces événements récents, c’est, peut-on penser, par égard pour des insulaires un peu divisés à ce sujet. Du reste, plus récemment, l’AROA a été mise en demeure par James Byron Chan, « Minister of Mining » de Papouasie Nouvelle-Guinée, de s’entendre avec un « nouvel » opérateur australien, Mayur, auquel il a accordé en août 2014 un permis (ELA 2096) de superficie encore plus vaste que les précédents, et dont cette compagnie attend déjà selon ses propres pronostics un demi-million d’onces d’or, avant d’autres campagnes de prospection.

5 S. Hooper et M. Gunn y insistent en tête de ce livre, l’auteure, formée au Museum der Kulturen de Bâle, est avant tout une spécialiste des arts océaniens dans leur ensemble et leur diversité – et même de la peinture aborigène contemporaine à laquelle elle a consacré un petit catalogue (2011). Et c’est ce qui l’a amenée à enquêter sur les arts d’Anir (également dénommé Aneri, Jannir, ou encore Feni, terme préféré par les compagnies minières), malgré cette indication décourageante de Parkinson (1907 : 654) : « Auf Aneri hat man keine eigentlichen Masken. Man macht jedoch dort eine Art von Brille aus Kokoschalen und befestigt an derselben einen herabwallenden Bart aus Pflanzenfasern. Die Verwendung ist dieselbe wie auf Tanga. »

6 En 1908, Schlaginhaufen, membre de la Deutsche Marine Expedition, pourrait avoir collecté des masques à Anir (voir la liste établie par A. Denner 2010 : 364-365), mais le récit qu’il a laissé de sa visite (1959 : 103-113) n’en dit mot, se concentrant sur les traditions locales de tatouage et sur ce qui constitua la « pièce de résistance » (en français dans le texte) de ses collectes, une abondante collection de « menschlichen Schädeln » achetés au prix d’un mark l’unité (environ deux euros au cours actuel de l’argent, mais prix de la capitation exigée annuellement dans le Neumecklenburg de l’époque, indications données ici pour ce qu’elles ont d’incommensurable), qu’il étudiera des dizaines d’années plus tard dans une publication à prétention scientifique censée intéresser la « Rassenhygiene », terme ayant encore cours officiel en 1965.

7 Parkinson (1907 : 302sq.) et d’autres auteurs contemporains de la colonisation allemande l’ont souligné, les îles d’Anir restaient alors inscrites dans un large réseau d’échanges reliant la Nouvelle-Irlande elle-même et les îles de l’« arc volcanique » précité, communications s’étendant même jusqu’à Nissan et Buka (bonne carte, in Denner, 2010 : 26). Pourquoi les gens d’Anir achetaient-ils des porcs à ceux de Nissan, pourquoi en vendaient-ils à leur tour à ceux de Tanga, bravant ces « risques de mer » craints par les Occidentaux ? Le profit attendu était sans doute tout aussi peu « marchand » que ce qui incitait les habitants du sud de la Nouvelle-Irlande à venir se faire tatouer à Anir, ou plus anciennement les Aniriens des périodes lapita à

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s’approvisionner en obsidienne aussi bien dans l’archipel de l’Amirauté qu’en Nouvelle- Bretagne, indépendamment des distances (Summerhayes 2004 : 152sq.).

8 L’intensité de ces échanges pourrait expliquer l’absence de style propre (eigentlich) aux arts plastiques aniriens, l’existence ancienne de bâtiments à toit semi-circulaire semblable à ceux que l’équipage de Duperrey avait observés en 1823 dans le sud de la Nouvelle-Irlande (voir pp. 116-119, Tischner, 1965 : 435-436, non cité par A. Denner, estimant au contraire cette forme empruntée à Tanga), ou encore celle d’un fonds commun de traditions venues s’ancrer dans des paysages très éloignés les uns des autres. Cela a légitimement conduit A. Denner à s’appuyer sur des études portant sur les archipels des alentours, Tanga en premier lieu, ou sur le sud méconnu de la Nouvelle-Irlande. Mais ce ne sont que des à-côtés de son enquête, remarquablement fine et précise pour ce qui est d’Anir.

9 Son ouvrage comporte six chapitres, cernant progressivement le détail et les enjeux des expressions artistiques contemporaines qu’elle s’était donné comme objectif d’étudier sur place. Le premier, « Origines et fondations » (pp. 22-43), décrit à la fois le milieu et le kastam qui continue d’y régir la vie humaine, très liée à la terre et à ce qu’en ont fait les ancêtres. Le deuxième, « Le monde des esprits et des ancêtres » (pp. 44-61), montre la persistance de croyances et de traditions ayant survécu à la christianisation, les catholiques, majoritaires, étant moins hostiles au kastam que les pentecôtistes ou les adventistes. Avec « les sociétés secrètes et le tombuan » (pp. 62-75), apparaissent les masques, leurs noms, leur usage lors de rituels masculins désormais moins secrets qu’autrefois, et même leur « généalogie qui fait autorité », pour avoir fait l’objet d’un dépôt officiel à Rabaul.

10 « Une multitude de formes » (pp. 76-97), le quatrième chapitre, s’attache à décrire masques, coiffures, costumes et autres objets mis en œuvre dans les danses cérémonielles ou les spectacles de divertissement en tenant compte de la généalogie précitée, qui montre ce que les premières doivent à d’autres sociétés secrètes restées mal connues, comme l’Iniet (singiat à Anir). Ces pages permettraient certainement de dresser une typologie plus sûre des objets cérémoniels du nord de la Nouvelle-Bretagne et du sud de la Nouvelle-Irlande, qui partagent les mêmes traditions. Le chapitre suivant, « Le cycle des rituels mortuaires » (pp. 98-119), décrit les trois phases de ce cycle, avec levée progressive des tabous et érection terminale d’une nouvelle maison des hommes, accompagnée de danses et d’autres réjouissances, moyen aussi pour les organisateurs ou donateurs de « légitimer et soutenir » certains de leurs droits (p. 117).

11 Le dernier chapitre, « Les spectacles de l’am furis » (pp. 120-141), s’attache à une cérémonie de ces mêmes rituels ayant pour théâtre la maison des hommes. Un ou deux d’entre eux, juchés sur la panne faîtière, répondent au nom du défunt ou de la défunte à ceux qui sont restés en bas, alternant chants et questions, et ces échanges, souvent allusifs ou ambigus, peuvent prendre un tour oraculaire, rappelant l’importance symbolique des plateformes en Mélanésie, sinon même le « Totenkult » du « Wurzeltisch » (souche d’arbre renversée servant de tribune) observé par les époux Krämer en Nouvelle-Irlande (1916 : 279). D’utiles annexes, telle la nomenclature des « masques tadak » des pp. 162-163, complètent ce volume qui ne se contente pas de réparer l’oubli, voire le dédain (p. 17-20) jusqu’à présent réservés aux insulaires d’Anir et à leurs expressions artistiques. Grâce au regard informé et affûté de son auteure, sensible tout au long de ses observations et de ses commentaires, il ouvre de nombreuses pistes à

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l’anthropologie et à l’histoire des arts d’une bonne partie de l’archipel Bismarck, et ne manquera pas d’être cité à ce titre aussi.

BIBLIOGRAPHIE

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DENNER Antje S., 2003. Die Magie der Tänze. Anir, Neuirland, Papua Neuguinea, in Dorothea Deters (Hg.), Auf Sprurensuche. Forschungsberichte aus und um Ozeanien zum 65. Geburtstag von Dieter Heintze, Bremen, Jahrbuch des Übersee-Museums, pp. 121-130.

—, 2010. Under the Shade Tree. Mortuary Rituals and Aesthetic Expression on the Anir Islands, New Ireland, Papua New Guinea, Norwich, University of East Anglia, Sainsbury Research Unit for the Arts of Africa, Oceania & the Americas [en ligne].

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TISCHNER Herbert, 1965. Bemerkungen zur Konstruktion und Terminologie der Hausformen auf Neu-Irland und Nebeninseln, in C. A. Schmitz et R. Wildhaber (Hg), Festschrift Alfred Bühler, Basel, Basler Beiträge zur Geographie und Ethnologie, pp. 401-436.

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Compte rendu de Tabiteuea Kiribati, de Guigone CAMUS

Gilles Bounoure

RÉFÉRENCE

CAMUS Guigone, 2014. Tabiteuea Kiribati, Paris-Genève, Hazan-Fondation culturelle Musée Barbier-Mueller, 184 p., préface de Jean-Paul Latouche, postface de Monique Jeudy-Ballini, bibliogr., glossaire « aide-mémoire », environ 150 ill. noir et blanc et couleur.

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1 Les lecteurs qui entament les livres par la fin – comme il arrive souvent pour les publications à caractère scientifique, par « réflexe induit » ainsi que disent les spécialistes de physiologie animale – s’étonneront, dans les notes et la bibliographie de ce volume, de l’omission de toute référence à Gerd Koch, qui avec son épouse Sigrid rapporta de son séjour dans l’archipel gilbertin, entre août 1964 et mars 1965, plusieurs centaines d’objets pour le musée de Berlin, un ouvrage vite devenu classique (Koch 1965), divers articles importants, plus de mille sept cents photos et soixante-dix films ethnographiques sélectionnés aussitôt par l’Encyclopaedia Cinematographica, dont quatorze tournés à Tabiteuea même, avec pour chacun d’eux l’édition d’un fascicule enrichissant les données du livre précité (Melk-Koch, 2014 : 62). Il est à craindre que l’explication ne réside une fois de plus dans le « germanicum est, non legitur », posture par laquelle beaucoup de spécialistes actuels se privent délibérément des apports de la science en langue allemande, à la façon des clercs de l’Occident médiéval se flattant d’ignorer le grec. L’ouvrage de G. Camus mentionne certes deux sources en allemand (n’offrant que quelques phrases d’intérêt anecdotique pour le sujet envisagé, par exemple p. 93) mais laisse de côté nombre de publications importantes signalées et exploitées par G. Koch, dont le travail, à cet égard comme à d’autres plus décisifs encore, reste non remplacé.

2 Mais il faut souligner a contrario que ce volume, dénué d’ambition encyclopédique, offre à un prix particulièrement abordable pour le « grand public » un texte rédigé en français, très généreusement illustré de photos, quelquefois en double page, issu des travaux récents d’une ethnologue en cours de doctorat, sur une île et un archipel de Micronésie n’ayant donné lieu jusqu’à présent qu’à un nombre infime de publications francophones. On le présenterait volontiers comme une utile introduction à l’étude des subtilités d’une société traditionnelle encore méconnue, même de beaucoup de spécialistes de l’Océanie. Comme y insistent justement J.-P. Latouche et M. Jeudy-Ballini en tête et en fin de volume, cette publication, avec son « heureuse manière de légitimer et conserver intact le souci de connaître », constitue aussi un encouragement notable aux recherches de l’auteure et aux jeunes ethnologues présents ou à venir, ainsi qu’à celles et à ceux qui les accueillent et les informent. Il est heureux qu’ait été éditée simultanément une version anglaise (disponible auprès de la fondation Barbier-Mueller et de l’éditeur), plus aisément accessible aux insulaires du Pacifique.

3 L’ouvrage est ordonné en quatre chapitres, « Tabiteuea : une île, une histoire » (pp. 18-75), « Tabiteuea, un foyer mythologique génésiaque » (pp. 76-89), « la maneaba, une architecture du social » (pp. 90-123), et « The News from Tanaeang by Ntongantonga (1948), une épopée de la fondation de Tanaeang » (pp. 124-159). Le deuxième et le quatrième intéressent ce que J.-P. Latouche (1984) a intitulé « la mythistoire Tungaru » et s’appuient sur des documents restés inédits, retrouvés par G. Camus dans divers fonds d’archives, notamment les papiers que conserve le Bishop Museum de l’ethnologue et ethnobotaniste Katharine Luomala, présente à Tabiteuea durant une moitié de l’année 1948 (l’auteure lui rend hommage pp. 24-25). Si leur lecture présente un grand intérêt, on sait que l’étude de tels récits, dont la publication s’est accélérée ces dernières décennies, tend à devenir de plus en plus délicate ou épineuse, du fait des divergences qu’ils offrent d’un atoll à l’autre, voire entre îlots ou clans voisins, non sans enjeux politiques et fonciers dans ces derniers cas. Dans son analyse du texte de Ntongantonga dont elle reproduit aussi le texte gilbertais, G. Camus suggère à plusieurs reprises ces

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difficultés, mais se concentre avec raison sur la « critique interne » de cette épopée en réduction.

4 Le troisième chapitre consacré aux halles de réunion (maneaba) propres aux i-Kiribati (avec beaucoup de parallèles en Océanie) synthétise les observations de l’auteure et de divers chercheurs l’ayant précédée, spécialement celles de J.-P. Latouche (1984, 1994) et de Petra Autio (2010, excellente thèse disponible sur internet). Les deux chapitres précités en montrent l’importance historique, celui-ci en étudie l’architecture et le fonctionnement protocolaires, et ce qu’ils impliquent de prérogatives politiques et sociales, formant encore l’objet de « débats virulents » où s’exprime à l’occasion tel ou tel « ressentiment » tiré de l’histoire récente ou ancienne (pp. 117-118). Par respect pour ses informateurs, l’ethnologue s’est gardée de relater le détail de ces différends, se concentrant sur les « droits et obligations » attachés à la construction et à l’occupation des maneaba qu’elle a pu étudier et s’en tenant à leurs aspects « sociaux », sans référence aux règles de tenure des terres actuellement en vigueur à Kiribati (voir par exemple Atanraoi 1995). Si les piliers de corail supportant les vastes charpentes des maneaba reposent souvent sur des dépôts de fondation, avec « autrefois, crânes d’ancêtres » (p. 101), c’est probablement, ajoutera-t-on ici, que cette architecture prolonge celle de « maisons des esprits » (bata n anti) emportées par la colonisation et la christianisation (Koch, 1965 : 149).

5 Le premier chapitre offre de nombreux apports sur l’histoire des « contacts » des Occidentaux avec les insulaires de Tabiteuea, traitant spécialement du « passage de l’ U.S. Exploring Expedition » conduite par Wilkes en 1841 (pp. 53-62), avec d’intéressants documents illustrés retrouvés par l’auteure dans les archives navales de Washington et d’autres collections, puis des périodes « 1868-1880, des religions en lutte » et « 1892, la colonisation britannique » (pp. 62-69), expliquant avec clarté comment les missionnaires protestants durent céder la place à leurs rivaux catholiques, non sans affrontements sévères entre les insulaires. Les premières pages de cette section sont sans doute les moins réussies de l’ouvrage, en tout cas les moins adaptées à son ambition de faire découvrir la vie des habitants actuels de Tabiteuea, justifiant les très nombreuses et belles photos dont l’auteure illustre son propos, au risque d’enjoliver la réalité.

6 Dans son « esquisse de l’environnement terrestre » (pp. 33-35) G. Camus décrit les « contraintes » imposées aux insulaires par la pauvreté, l’aridité et la salinité des sols, pour souligner « leur habileté à en tirer parti » grâce à des cultures comme celle du cocotier, « principale plante nourricière […], supportant les sols salins », comme s’il ne lui arrivait pas de succomber aux effets conjugués de la sécheresse, des tempêtes et de la hausse du niveau des océans. G. Koch (2003 : 36-37) a rapporté sa première visite à Aiwa, au centre de Tabiteuea, en 1964, « die grausamste Eiland das ich je gesehen habe. Das Land ist verbrannt von der Sonne, von vielen Kokospalsmen stehen nur noch die nackten absgestorben Stämme, die Pflanzungsgruben sind im salzigen Wasser ertrunken und unfruchtbar geworden. Stürmisches Meer hat Teile der Insel abgespült und die Gräber aufgewühlt, so dass bleichende Menschenknochen über das Land verstreut sind. Niemand kümmert sich darum… »

7 C’était il y a un demi-siècle, avant les premiers effets notables de changement climatique, et les photos prises alors par Koch permettent aux spécialistes actuels d’étudier l’évolution des traits de côte durant ce laps de temps. L’exposé de G. Camus sur les ressources végétales (pp. 33-40) est évidemment à compléter des données

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publiées par Koch d’après ses collectes effectuées pour l’herbier du Musée botanique de Berlin (2002 : 62-94), sa présentation des insulaires, toute d’empathie, reste imprécise – on ignore par exemple si Tabiteuea connaît la même « explosion démographique » naguère relevée par Anne Di Piazza (2001 : 46) à , la même « émigration sans précédent », etc. Surtout, si l’on excepte une formule allusive de J.-P. Latouche sur « l’Océan, dont [Kiribati] tire une bonne partie de ses rares ressources, [devenu] une menace, en raison de notre folie » (p. 9), rien ne signale aux lecteurs de l’ouvrage la préoccupation majeure des habitants actuels de Tabiteuea, que les derniers rapports gouvernementaux disponibles (2012 a et b : 6, voir aussi Klepp, 2013) expriment dans les mêmes termes pour le nord et le sud de l’atoll : « Coastal erosion is fast becoming the major environmental issue for the islands of Kiribati including Tabiteuea […]. Many locations on Tabiteuea […] have been seriously eroded, resulting in the relocation of infrastructure (road, buildings, etc.) or the recurrent high expenditure of maintaining seawalls for protection, » avec ces détails pour la partie sud : « Flooding during high tides has been experienced in the village of Tewai, at Buatua and at Taungaeaka. These floods result in saltwater pollution of the freshwater lens which in turn leads to dying fruit trees and bwabwai and brackish well water. Taungaeaka also suffers from erosion starting from where the causeway ends at the village area to nearly halfway through the village. Takuu at the southern end of the island suffers from extreme erosion where rows of trees have fallen with a few left standing on the beach. »

8 Il n’aurait pas été déplacé, dans un ouvrage principalement destiné au public occidental, de l’informer même brièvement de l’omniprésence et de l’aggravation de cette « menace », due à « notre folie », précisément.

BIBLIOGRAPHIE

ATANRAOI Pole, 1995. Customary Land and Development in an Atoll Nation : the case of Kiribati, in Ron Crocombe (ed.), Customary Land Tenure and Sustainable Development. Complementarity or Conflict?, Nouméa-Suva, South Pacific Commission-USP, pp. 55-73.

AUTIO Petra M., 2010. Hard custom, hard dance. (Un)Differentiation and notions of power in a Tabiteuean community, Southern Kiribati, Helsinki, University of Helsinki Press (en ligne).

DI PIAZZA Anne, 2001. Terre d’abondance ou terre de misère. Représentation de la sécheresse à Nikunau (République de Kiribati, Pacifique central), L’Homme 157, pp. 35-58.

KLEPP Silja, 2013. Kleine Inselstaaten und die Klimabewegung : der Fall Kiribati, in Matthias Dietz et Heiko Garrelts (Hg.), Die Klimabewegungen. Ein Handbuch, Wiesbaden, Springer, pp. 413-428.

KOCH Gerd, 1965. Materielle Kultur der Gilbert-Inseln, , Tabiteuea, , Berlin, Museum für Völkerkunde.

—, 2003. Pflanzen für Menschen auf Riffinseln im Pazifik : Niutao + Nonouti, Dresden, Failima.

—, 2003. Man wusste nicht viel voneinander. Ein Ethnologe unterwegs im Pazifik, Dresden, Failima.

LATOUCHE Jean-Paul, 1984. Mythistoire Tungaru. Cosmologies et généalogies aux îles Gilbert, Paris, SELAF.

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—, 1994. Conflits et représentation mythique de l'espace, Journal de la Société des Océanistes 98, pp. 43-54.

MELK-KOCH Marion, 2014. Where is the culture?, in Mark Amery et al., Tungaru. The Kiribati project, Auckland, Aukland War Memorial Museum, pp. 59-62.

REPUBLIC OF KIRIBATI ISLAND REPORTS SERIES, 2012. a) 12. Tabiteuea North, b) 13. Tabiteuea South, Bairiki, Office of Te Beretitenti.

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Compte rendu de Living with Indonesian Art. The Frits Liefkes Collection, de Francine BRINGREVE and David J. STUART-FOX (eds)

Gilles Bounoure

RÉFÉRENCE

BRINGREVE Francine and David J. Stuart-Fox (eds), 2013. Living with Indonesian Art. The Frits Liefkes Collection, Rijksmuseum Volkenkunde « Collection Series », Amsterdam, KIT Publishers, 336 pages, bibliographie, carte, 337 ill. noir et blanc et couleur.

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1 Par testament, Frits Liefkes (1930-2010) a légué au musée national d’ethnologie de Leyde une partie de sa maison et la collection d’art indonésien qu’il y avait rassemblée, environ mille objets, avec une clause aussi libérale que rare autorisant la cession des pièces les moins intéressantes ou formant doublon pour en acquérir d’autres plus désirables, donation qui a contribué à la survie de ce musée, fortement menacée en 2011 (F. Brinkgreve, p. 26). La gratitude des responsables de cette institution a pris la forme d’une exposition présentée du 7 mai au 21 juillet 2013, accompagnée de ce catalogue, premier d’une série destinée à mieux faire connaître les trésors qu’elle conserve, un deuxième volume paru en 2014 étant ainsi consacré aux arts coréens. Le donateur avait été conservateur du mobilier au Rijksmuseum d’Amsterdam de 1965 à 1987 et il avait tissé des liens étroits avec le musée de Leyde, collaborant à des expositions, communiquant son expertise, discutant de possibles acquisitions, ce qui explique les dispositions particulièrement généreuses de son legs.

2 Ce volume réunit, à côté de celles des éditeurs, des contributions dues à Matthew Isaac Cohen, Wahyu Ernawati, Rapti Golder-Miedema, Linda Hanssen, Rens Heringa, Hedi Hinzler, Nico de Jonge, Pieter ter Keurs, Wouter Kloek, Sirtjo Koolhof, Sri Kuhnt- Saptodewo, Johanna Leijfeldt, Pauline Lunsingh Scheurleer, Constance de Monbrison, Maggie de Moor, Reinhold Mittersakschmöller, Jan Veenendaal, Fanny Wonu Veys, Rita Wassing-Visser, Arnold Wentholt, Robert Wessing et Albert van Zonneveld. Il constitue largement plus qu’un hommage à un « ami du musée » de Leyde, comme le font déjà deviner le nombre et la qualité des signataires dont beaucoup sont engagés de longue date dans l’étude des arts indonésiens. Les maîtres d’œuvre de cette publication ont souhaité en faire un ouvrage de référence et tel est bien le résultat atteint, même si les limites de cette rubrique ne permettent que de le suggérer.

3 La richesse des collections indonésiennes du musée de Leyde est bien connue, surtout depuis la mise en ligne de sa précieuse base de données, et c’est à cerner les apports originaux du legs de F. Liefkes que sont dévolues les contributions ouvrant le volume,

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esquissant au passage un portrait du donateur. Il était né de père allemand, ce qui lui valut une enfance difficile dans son pays occupé par les nazis, son adolescence l’isola encore davantage avec la découverte de son homosexualité, et ses études d’histoire de l’art ne lui permirent d’abord que de travailler pour un antiquaire, accumulant les connaissances qu’il mettrait plus tard au service du Rijksmuseum d’Amsterdam. Il établit des relations avec des coloniaux revenus des Indes orientales néerlandaises (devenues République des États-Unis d’Indonésie en 1949) et commença à collectionner des batiks (son legs en fait entrer plus de quatre cents au musée, son fonds le plus ample pour ce type d’objet), puis les bijoux « ethniques » en « or bas titre », alors peu prisés en dépit de leur prodigieuse facture, et enfin du mobilier colonial et toutes sortes d’objets indonésiens, choisis seulement pour leur beauté et le plaisir à en attendre.

4 P. ter Keuers livre à ce propos (« The attraction of collecting : F. Leifkes as collector », pp. 16-21) une intéressante analyse du collectionnisme du donateur et de ses ressorts, comparés à ceux des musées coloniaux et à leur ambition d’accumuler objets et connaissances en vue de « contrôler le monde », sensible dans leurs principes d’acquisition et de classement des spécimens ethnographiques, toujours en usage dans la plupart des institutions muséales qui se veulent « post-coloniales », à l’instar du musée du quai Branly. Chez F. Leifkes, il s’agissait selon lui d’un mouvement inverse, infiniment plus sympathique, exempt de la moindre « volonté de puissance » : « He was someone who wanted to create his own ideal environment as opposed to a hostile outside world. He created his own world of beauty as opposed to, and a protection against, the ugliness of the world around him. »

5 Sauf à y employer toutes les pages de cette rubrique, on ne saurait ici commenter, ni même énumérer les soixante-quinze contributions réunies, présentant et analysant 185 objets de cette collection et intéressant à peu près toutes les aires de style de l’ancienne colonie hollandaise, Sumatra (19 contributions, dont 2 sur Nias, 5 sur l’art batak, etc.), Java (14), Bali (12), Kalimantan (9), Célèbes (11), Nusa Tenggara (6), les Moluques (2) et la partie aujourd’hui indonésienne de la Nouvelle-Guinée (2). Qu’apporteront-elles à celles et ceux qui les liront, professionnels ou non ? La plupart du temps, à côté de connaissances solides et récentes, la découverte d’un type d’objet inédit, même pour les connaisseurs, tel ce couvre-chef en or (p. 42) contemporain de la belle couronne féminine rai rai wöli wöli de Nias choisie pour illustrer la couverture, et qui atteste des influences malaises, sinon musulmanes, se déployant dans cette île au début du xxe siècle. Les contributions (une vingtaine) concernant les étoffes et les perlages intéresseront bien au-delà des spécialistes des textiles, l’importance symbolique de leurs motifs étant désormais reconnue, etc. Sans doute ne parviendra-t-on jamais à constituer une encyclopédie complète des arts indonésiens traditionnels, mais cet ouvrage pourrait en constituer le premier volume.

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Compte rendu de Kastom. Art of Vanuatu, de Kirk HUFFMAN et Lisa MCDONALD

Gilles Bounoure

RÉFÉRENCE

HOWARTH Crispin, 2013. Kastom. Art of Vanuatu, contributions de Kirk Huffman et Lisa McDonald, Canberra, National Gallery of Australia, 120 p., carte, bibliogr., très nombreuses ill. en couleur.

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1 Ouverte du 8 février au 16 juin 2013, l’exposition dont ce volume constitue le catalogue aura été la deuxième organisée par C. Howarth (après Varilaku, Pacific Arts from the Solomon Islands, voir par ailleurs dans ce JSO) à partir des collections nationales australiennes d’art océanien que dirige Michael Gunn, une troisième dévolue aux arts du Sepik étant programmée pour 2015. Comme me l’a précisé son commissaire, sa préparation a connu le même rythme trépidant que la première, toutes deux conclues en un peu moins de deux ans, avec un catalogue conçu pour faire pièce au précédent, abondamment illustré et s’adressant à tous les publics. Célébrant « the first major survey of the art of traditional Vanuatu » jamais présentée en Australie, la presse locale en a souligné les mérites, parfois à l’aide de photos spectaculaires montrant les objets les plus précieux ou la scénographie de cette manifestation (voir par exemple The Canberra Times, 7 février 2013, The Australian, 18 mai 2013).

2 L’ouvrage qui en subsiste a plus qu’un intérêt commémoratif. S’ouvrant sur un message d’accueil de Marcelin Abong, directeur du centre culturel du Vanuatu qui a contribué aux préparatifs de l’exposition, et un avant-propos du directeur de la National Gallery of Australia (NGA) Ron Radford (qui avance p. 11 une traduction qu’on dirait animiste de la dénomination donnée au Vanuatu par Quirós, « “Terra Australis del Espiritu Santo”, literaly meaning “the land of holy ghosts” »), il fait précéder la description des œuvres exposées de quatre courts textes éclairant leur contexte symbolique, historique et social. C. Howarth consacre le premier aux « Grade systems and kastom » et le deuxième à la constitution du fonds exposé (« The Vanuatu collection of the National Gallery of Australia. Field collecting from the artist to the storeroom »), tandis que le troisième, dû à K. Huffman, s’attache à plusieurs dimensions indissociables des arts du Vanuatu (« Rituals, respect, ancestors, spirits, “art” and kastom in Vanuatu »), C. Howarth insistant en conclusion sur la fragilité et le caractère périssable des œuvres issues de cet « Art from the environment », aspects encore plus manifestes avec les dessins sur sable décrits plus loin dans le catalogue (pp. 50-51) par L. McDonald.

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3 Comme l’expose C. Howarth dans le deuxième de ces textes, environ la moitié des pièces figurant dans cette exposition furent collectées sur place en 1972-1973 par Jean- Michel Charpentier, commissionné par les autorités culturelles australiennes alors qu’il menait ses enquêtes linguistiques à Malakula (Charpentier, 1983-1984). Le Commonwealth Arts Advisory Board (CAAB) agissait alors comme une sorte de « mission de préfiguration » de la National Gallery of Australia, ouverte en 1982, sur un projet lancé en 1968 par le gouvernement australien, et ses recommandations insistaient sur la « qualité muséale » des objets à acquérir, mais aussi sur les règles éthiques à respecter lors de leur collecte, en un temps où la lutte contre l’exportation illégale d’œuvres d’art commençait à s’organiser en Mélanésie. Victime d’une succession de circonstances malheureuses, changement de direction au CAAB, caisses maltraitées durant le transport, photos et notes de terrain égarées ou détruites, la collection réunie par J.-M. Charpentier fut longtemps un sujet d’embarras pour les responsables de la NGA, qui envisagèrent parfois de la démembrer pour acquérir d’autres objets océaniens.

4 Son sauvetage (sans précisions de C. Howarth sur son ampleur, peut-être parce qu’il se prolonge) est venu de son inclusion dans cette exposition, exigeant à son tour une longue campagne de restauration des objets et de recherche de documents les concernant, notamment les photos de terrain de J.-M. Charpentier aujourd’hui conservées par le South Australian Museum, et qui illustrent remarquablement ce catalogue, avec quelques autres dues à K. Huffman. Le résultat est de premier intérêt et fait espérer que tout ce qui subsiste de cette collecte, sur cette lancée, se trouve prochainement étudié et publié, pour ce qu’elle éclaire d’histoire ancienne ou récente. On voit par exemple J.-M. Charpentier (note 69 p. 111) en peine de se procurer des mannequins funéraires de défunts de grade élevé, conventionnellement dénommés ramparamp, sauf à fournir aux artistes des crânes venus d’ailleurs, pour ne pas renier le kastom en cédant un ramparamp familier à un étranger, et de tels principes encore en vigueur en 1973 réveillent diverses interrogations anciennes sur « l’authenticité » ou les conditions de collecte de nombre d’autres mannequins partis de Malakula dans les décennies précédentes à destination de collectionneurs et de musées occidentaux, français en particulier.

5 En même temps, tout ce que ce catalogue publie de détails sur cette collecte fait percevoir ce qui subsistait alors d’attachement à de multiples traditions ultérieurement incluses dans le kastom, et conduit à réévaluer l’« authenticité » si souvent refusée, dans l’intervalle, à de tels objets « tardifs ». Dans un ultime commentaire (« A note regarding names, words and information », pp. 112-113), C. Howarth souligne judicieusement la distance séparant les anciennes conceptions mélanésiennes en matière de propriété artistique de celles que les Occidentaux ont fini par développer autour de la protection du « droit d’auteur », presque indépendamment des conditions de création des œuvres. Pour celles qui furent créées à l’initiative du collecteur, conclut-il : « there is a mix of both the Western form of artist recognition (the creator of the work), and the indigenous form of recognition (the individual who commissioned the work). »

6 J.-M. Charpentier parvint également à acquérir des objets plus anciens, notamment des sculptures de grade, en pierre ou en fougère arborescente, recueillant parfois des éléments sur leur histoire. De leur côté, le CAAB puis la NGA mirent aussi à profit ces dernières décennies pour enrichir leur collection néo-hébridaise par des achats de pièces circulant sur le marché de l’art, particulièrement en Europe, tel un beau plat à

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nalot de Santo (p. 96) ayant appartenu au baron Freddy Rolin, un masque d’Atchin ou de Vao (p. 81-82) jadis en possession de Robert Duperrier, ou un très spectaculaire masque dit « Chubwan » de Pentecôte (p. 76), longtemps proposé sur le marché parisien. La presse australienne y a légitimement vu le fleuron de l’exposition, du fait de sa facture et de sa probable grande ancienneté : « A radiocarbon test indicates a substantial age of between some 400 and 550 years old. Such a date means the mask is perhaps the oldest wooden artwork from Vanuatu. »

7 Le peu qu’on sait sur ces masques et leur usage n’y contredit pas. Selon ce qu’écrivait Tattevin de la « fête des masques » au sud de Pentecôte (1927 : 415sq.), « chaque tribu particulière a la sienne », uniformément : « désignée sous le nom de “tjupan”. Le “tjupan” n’est autre qu’un grossier masque de bois de couleur noire. Ces masques sont habituellement tenus très soigneusement cachés. […] Les masques s’amusent à poursuivre les enfants et les femmes, à frapper les toitures des cases, puis retournent chez eux. Cette réjouissance canaque dure jusqu’au jour où un membre du clan de l’igname y met fin, en replaçant dans la maison commune les dits masques, dont il ne sera plus permis de se servir jusqu’à la prochaine saison. Cette opération se dit : déposer l’igname (elngi butudam). »

8 Comme s’en justifie C. Howarth (p. 113), cette exposition et son catalogue ne pouvaient mieux proposer qu’une petite sélection des arts du Vanuatu, laissant de côté les éléments de parure, maints autres types de masques, les armes traditionnelles, etc. Mais par son choix mêlant objets très récents et très anciens, cette manifestation aura certainement fait percevoir au public cet alliage de profondeur historique et de fraîcheur contemporaine dans lequel réside le kastom, ici très judicieusement illustré.

BIBLIOGRAPHIE

CHARPENTIER Jean-Michel, 1983-1984. Atlas linguistique du Sud-Malakula, volume 1 (texte), volume 2 (cartes), Paris, SELAF.

TATTEVIN Élie s.m., 1927. Sur les bords de la mer sauvage. Notes ethnologiques sur la tribu des Ponorwol (île Pentecôte, Nouvelles-Hébrides), Revue d’histoire des Missions III-3, pp. 405-429.

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Compte rendu de A History of Tonga as recorded by Rev. John Thomas…, de Nigel STATHAM

Gilles Bounoure

RÉFÉRENCE

STATHAM Nigel (ed.), 2013. A History of Tonga as recorded by Rev. John Thomas, published by permission of the family of John Thomas and the Methodist Church in Britain, Seoul, The Bible Society in Korea [Gwynneville, New South Wales, Nigel Statham], 442 p., appendices, bibliogr., index des noms propres, CD reproduisant « The Unadjusted Text of A History of Tonga ».

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1 Ministre méthodiste ordonné pour rejoindre les missions de l’Église wesleyenne, le révérend Thomas (1797-1881) a participé à la christianisation de Tonga dès 1826, y résidant jusqu’en 1850, puis à nouveau entre 1856 et 1859, et il a laissé une masse considérable de documents auxquels peu de chercheurs ont eu recours jusqu’à présent, à la fois du fait de leur abondance et de leur difficulté d’accès. Ce ne sont pas moins de 25 volumes d’archives (essentiellement des écrits de sa main) qui rejoignirent après sa mort la bibliothèque londonienne de la Methodist Missionary Society, puis celle de la School of Oriental and African Studies. Seule la Mitchell Library de Sydney paraît avoir réalisé des microfilms d’une partie d’entre eux, reproduisant non les textes manuscrits, mais des transcriptions dactylographiées réalisées entre les années 1960 et les années 1980, avant que ne se répande l’usage de l’ordinateur. Le fort volume que livre aujourd’hui N. Statham correspond au seizième volume, rassemblant seize cahiers d’écolier comptant au total 1 318 pages, dont le foliotage originel est rappelé dans les marges de l’ouvrage.

2 N. Statham n’est pas le premier à s’être soucié d’éditer ce texte fleuve, mais il a le mérite d’avoir mené à bonne fin ce long travail, et son parcours peu ordinaire mérite aussi d’être évoqué. D’abord spécialiste de grec, d’araméen, d’hébreu pour l’analyse des textes néotestamentaires, marié à une Tongienne, il s’est employé depuis plusieurs décennies à traduire en tongien de multiples ouvrages, dont une version du Nouveau Testament actuellement en usage dans la plupart des Églises locales, et il a été associé à de très nombreuses entreprises initiées soit par les gouvernements fidjien et tongien (tel le Tongan Monolingual Dictionary), soit par des instances religieuses comme la Bible Society of the South Pacific. Du fait de sa grande connaissance de l’histoire tongienne et de sa proximité avec la Free Wesleyan Church of Tonga, Niel Gunson, spécialiste australien de la christianisation du Pacifique et animateur le plus récent du « projet John Thomas », l’a chargé en 2008 de numériser la partie la plus intéressante et développée des écrits de Thomas en vue de publier la présente édition, tâche de

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philologue (ou de paléographe) à laquelle N. Statham était également préparé par sa spécialisation initiale.

3 Cette « histoire de Tonga » (« Tongatapu or the Friendly Islands », avait d’abord titré Thomas) réunit ce que le missionnaire a pu recueillir de traditions orales ou écrites sur le passé de l’archipel (chap. 1 à 7, environ les 350 premiers folios) et ce qu’il a pu observer directement entre son arrivée et les premiers jours de 1842 (chap. 8 à 22, soit le petit millier de folios qui suit). N. Statham, expliquant le travail de mise au point qu’a exigé cette édition, parle modestement de « texte chaotique » (p. 3), tant il compte d’incohérences et de graphies approximatives. Comme la plupart des missionnaires wesleyens, Thomas était d’extraction modeste, fils de forgeron destiné à le devenir lui aussi, et tout en n’ayant cessé de s’instruire au cours de son ministère, il paraît avoir gardé de sa première éducation un défaut d’assurance non seulement dans ses rédactions mais dans son attitude à l’égard de ses « ouailles », pouvant aller jusqu’à l’arrogance. Rien ne le mit plus en colère que cette demande émanant d’Ata, le chef tongien de l’ouest de Tongatapu où se trouvait établie sa mission, de bien vouloir lui affûter sa hache : était-il venu aux Tonga pour affûter des haches ? (Sione Latukefu, 1969 : 108, qui cite d’autres éclats du missionnaire.)

4 Ce manque d’assurance est probablement l’une des raisons qui lui firent reprendre périodiquement ses écrits, les amplifier ou même envisager de les détruire (comme il en eut l’idée en 1866, voir p. 1). La confusion de la rédaction a contraint N. Statham à éditer ce texte sous deux états et sur deux « supports » distincts, « the unadjusted transcription » sous forme de CD-Rom, et la transcription imprimée, version révisée pour l’emploi des temps, l’orthographe, la ponctuation, la syntaxe et même l’usage de la première personne du singulier que Thomas s’interdisait au profit de « grotesques » tournures passives (sans complément d’agent) et que N. Statham s’est cru autorisé à rétablir quand l’évidence l’imposait. Repentirs et compléments du missionnaire sont indiqués dans des notes regroupées en fin de chapitre, avec quelques précisions tirées des journaux que tenait Thomas et dont les pages couvrant la période 1826-1842 reprennent de larges extraits, en les résumant ou en les augmentant.

5 Dans l’un de ses derniers et très remarquables articles où il enquêtait sur les six sculptures anthropomorphes (ou « déesses ») tongiennes subsistant aujourd’hui dans les collections publiques de tous les continents, Roger Neich (2007, ici pp. 232-234) a eu l’occasion de mettre en évidence la manière très particulière du missionnaire de remodeler ses textes, entre son journal et ses autres écrits. Thomas, peut-être plus activement encore que ses confrères, s’appliqua à faire disparaître de Tonga « les idoles païennes » dont il soupçonnait néanmoins l’intérêt, à titre soit de « trophées missionnaires », soit de vestiges artistiques de l’ancienne civilisation, et il apparaît d’après ses écrits qu’il en reçut quatre le 12 février 1830, et probablement une autre le 11 juin suivant, toutes pièces dont le sort ultérieur reste malaisé à reconstituer. Thomas a également collecté d’autres objets, dont un petit lot resté dans sa famille (un appuie- nuque, un « bâton de prêtre » et cinq massues), annoncé d’abord comme proposé aux enchères à Londres en août 2013 (The Fiji Times et Radio New Zealand International des 16 et 18 août 2013), a été finalement dispersé par Christie’s le 10 décembre 2013 à Paris. Du même événement (par exemple la visite que lui fit le 12 février 1830 Täufa‘ähau pour lui remettre quatre statuettes), Thomas a pu livrer jusqu’à quatre versions légèrement différentes, imposant à l’historien « a critical reading of all these accounts, arranged chronologically », comme l’indiquait excellemment R. Neich.

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6 La lecture de cet ensemble touffu exige quelque patience, même dans la version révisée de N. Statham, mais elle est grandement facilitée par l’adjonction du CD-Rom avec toutes les fonctionnalités de recherche qu’offre le format PDF. L’épais volume in-quarto reproduisant le texte imprimé en petit corps comporte néanmoins un index des noms qui ne fait pas double emploi avec le texte électronique, puisque l’éditeur a dû rétablir la graphie de certains d’entre eux, même s’il a parfois laissé passer des lapsus du missionnaire (par exemple, p. 47, fol. 130, il faut lire 1799 et non 1779, erreur du manuscrit non corrigée). S’il ne comporte pas d’observations ethnographiques détaillées – le missionnaire n’ayant que dédain pour les banalités de la vie quotidienne et n’ayant en vue qu’une certaine gloire politico-religieuse, on a vu pourquoi – ce volume vérifie son titre en offrant une matière événementielle considérable aussi bien sur les premières décennies de l’évangélisation, avec des conséquences toujours sensibles aujourd’hui, que sur les décennies précédant l’arrivée des missionnaires, à propos desquelles Thomas est effectivement passé du rôle de mémorialiste à celui d’historien.

7 Dans le premier rôle, Thomas relate, de son propre point de vue masqué par les tournures impersonnelles, les hauts et les bas d’une entreprise missionnaire menée selon des conceptions « vétéro-testamentaires » (Koch 1955 : 248). Pour S. Latukefu, Thomas fut sur le point de renoncer en 1827 en constatant l’échec de la mission, avant que n’arrive le providentiel Nathaniel Turner, tandis que pour le mémorialiste (p. 116 de Thomas), l’idée de quitter Tonga serait venue de son collègue Hutchinson, et non de lui. Il est dommage qu’il ne décrive pas précisément les séances de prière collective qui permirent au « revivaliste » Peter Turner de gagner le menu peuple malgré l’opposition des chefs tongiens (S. Latukefu, ibid.) mais on devine entre les lignes les divergences entre missionnaires qui aboutiront à la création de trois Églises wesleyennes concurrentes (Koch : 252). Quoique s’arrêtant en 1842, le récit permet aussi d’entrevoir le rôle des révérends dans l’affermissement de la monarchie tongienne et l’établissement d’une constitution peu démocratique, source de difficultés qui durent encore. Thomas s’en estimait le principal artisan, rapporte S. Latukefu (p. 109) : « Thomas seems to have outstayed his usefulness. He returned to England for the first time in about 25 years in 1850. They found him a misfit in the Church back home and, perhaps believing that he would be more useful back in the mission field, they returned him to Tonga after five years absence. This was a blunder. His return to Tonga strengthened the conservative and patronizing elements in the Mission bitterly resented by the chiefs, and which had already created a rift between the missionaries and the chiefs. When he finally left Tonga for good in 1859, Thomas complained that King George would not come to see him off. »

8 Quant à l’histoire et à l’état de l’archipel avant l’arrivée de la mission, Thomas s’en était déjà préoccupé avant même de débarquer, pendant le long voyage qui le mena de Londres à Tonga (27 avril 1825-27 juin 1826, avec une longue escale en Australie). Charles Urbanowicz (1976) a montré, d’après le journal du missionnaire (microfilm de sa transcription à la Mitchell Library), quelle aide il avait reçue d’un jeune Tongien, durant ces mois de navigation comme lors du débarquement : « When the Reverend Lawry left Tongatapu in 1823 he took two others Tongans away with him: one stayed in Sydney and one, Watson Nau, went on with him to England. Watson Nau, or Tammy Now, as John Thomas wrote of him, was of tremendous importance to the missionaries--on the lengthy voyage from England to Tongatapu, Tammy Now helped John Thomas to learn the Tongan language.

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When they arrived at Tongatapu, Tammy Now helped the missionaries get established. »

9 Ni dans sa transcription imprimée (pp. 103 sq.), ni dans son texte électronique (fol. 327 sq.), l’History of Tonga ne le désigne autrement que sous le nom de « Tongan youth », minimisant son importance et signalant son peu d’empressement à assister aux offices. Ce même voyage permit également à Thomas de lire de près les observations de Mariner compilées par Martin (1817, 1ère édition, et 1818) et l’un des intérêts de son History réside dans les critiques qu’il lui adresse pour ses exagérations, ses ignorances, son comportement (pp. 64-65, p. 74, etc.).

10 Ainsi, écrit Thomas (p. 81) à propos des suites immédiates de la mort de Finau : « Mr. Mariner, who infortunately fell into the hands of this rebel party and, it is feared, sadly aided them too much in their murders and great wickedness, obtained much of his information on the past events in Tongatapu, such as the assassination of the king and the war that followed, from this rebel party. Although a few things are correct, very much that Mr. Mariner has written both about Finau and the chiefs of Tongatapu are very incorrect. For many things there is no foundation whatever. Tupouto’a had nothing to fear from the son of Finau the insurgent and rebel […]. »

11 S’il y a de nombreux épisodes où les relations de Mariner et de Thomas peuvent être mises en regard, leur comparaison révèle aussi maintes occasions où leurs récits s’éclairent mutuellement, serait-ce par ce qu’ils omettent ou dissimulent. Mariner décrit ainsi les funérailles de la fille de Finau, en 1810, au cours desquelles, sur l’ordre de ce dernier, cinq cents femmes du nord du mooa (ou ville principale) durent se battre contre un nombre équivalent de femmes du sud (t. I, p. 364), tandis que Thomas, sans contester directement le fait, ne parle que d’affrontements masculins (p. 79). Dans d’autres passages, le missionnaire-historien livre des détails introuvables chez Mariner, ou marque pour les personnages qu’il met en scène une empathie contrebalançant heureusement les aspects négatifs de sa personnalité. Les spécialistes seront heureux de disposer d’un texte qui renouvelle sensiblement l’histoire de Tonga au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, grâce à N. Statham et à celles et ceux qui l’ont précédé ou soutenu pour ce valeureux travail.

BIBLIOGRAPHIE

KOCH Gerd, 1955. Südsee – gestern und heute. Der Kulturwandel bei den Tonganer und der Versuch einer Deutung dieser Entwicklung, Braunschweig, Albert Limbach.

LATUKEFU Sione, 1969. The case of the Wesleyan Mission in Tonga, Journal de la Société des Océanistes 25, pp. 95-112.

MARTIN John (éd.), 1818. An Account of the Natives of the Tonga Islands… compiled and arranged from the extensive communications of Mr William Mariner…, Second ed., London, John Murray.

NEICH Roger, 2007. Tongan Figures: From Goddesses to Missionary Trophies to Masterpieces, Journal of the Polynesian Society 116, pp. 213-278.

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URBANOWICZ Charles F., 1976 (July 15). John Thomas, Tongans and Tonga!, Tonga Chronicle, p. 7.

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Compte rendu de Au-delà d’un naufrage. Les survivants de l’expédition Lapérouse, de Jean-Christophe GALIPAUD et Valérie JAUNEAU

Christian Coiffier

RÉFÉRENCE

GALIPAUD Jean-Christophe et Valérie JAUNEAU, 2012. Au-delà d’un naufrage. Les survivants de l’expédition Lapérouse, Paris/Bondy, Actes-Sud Errance/IRD, 287 p., nombreuses photographies en noir et en couleurs.

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1 Depuis plus de deux siècles, de nombreux ouvrages ont été écrits pour relater la disparition à Vanikoro (dans les îles Salomon) des deux navires La Boussole et L’Astrolabe de l’expédition Lapérouse qui quitta Brest en 1785. Les navigateurs ne donnèrent plus de leurs nouvelles à partir de leur départ de Botany Bay en Australie, le 10 mars 1788 et la petite histoire rapporte que le roi Louis XVI aurait, peu de temps avant de monter à l’échafaud, posé la question à l’un de ses proches: « A-t-on des nouvelles de Monsieur de Lapérouse ? »

2 De nombreuses hypothèses ont été échafaudées au sujet du sort des rescapés de ces naufrages et l’ouvrage de Galipaud et Jauneau en dresse le bilan.

3 Au mois de mai 1793, les deux navires, La Recherche et L’Espérance, sous le commandement d’Antoine Bruni d’Entrecasteaux, envoyés sur les traces des disparus passent au large de l’île de Vanikoro sans s’y arrêter. Ce n’est qu’en 1826 que le capitaine irlandais Peter Dillon découvre dans l’île de Tikopia plusieurs objets identifiés comme provenant des naufragés. Jules Sébastien Dumont d’Urville, informé de cette découverte alors qu’il se trouve en Tasmanie, dirige alors son navire vers Vanikoro où y débarque au mois de février 1828 la laborieuse enquête qu’il mène auprès des villageois s’avère peu productive. Après avoir fait construire un monument à la mémoire des disparus, il quitte l’île en emportant quelques objets provenant des bateaux naufragés. Au fil des années, une mythologie conséquente se constitue au sujet d’éventuels survivants et de leur destinée. Il faudra attendre 1964 pour que l’épave de La Boussole soit retrouvée non loin de celle de L’Astrolabe. Ce n’est pas moins de huit expéditions, depuis 1981, qui ont été menées par l’Association Salomon, créée à Nouméa par Alain Conan, pour essayer de percer les mystères entourant ces disparitions. Les nombreux ouvrages illustrés publiés ces dernières années (Association Salomon, 1999 ; Ferloni, 2005 ; Bellec, 2006 ; Ferloni, 2008ab) ce sont focalisées sur les fouilles sous-marines effectuées dans les deux épaves par les plongeurs de l’Association Salomon, plutôt que sur les traces concrètes de campements établis sur l’île par les naufragés. C’est donc

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tout l’intérêt du livre de Galipaud et Jauneau de présenter de façon claire l’histoire de la découverte majeure, effectuée en 1999, de restes d’un camp retranché construit par les rescapés. Plusieurs campagnes de fouilles (2000, 2003 et 2005) effectuées sous la direction de Jean-Christophe Galipaud, archéologue à l’IRD, dans le cadre des expéditions de l’Association Salomon, ont permis d’extraire du terrain proche de l’estuaire de la rivière Lawrence divers objets qui ont pu apporter des informations significatives sur la vie quotidienne des survivants. Cette découverte est venue confirmer scientifiquement certaines informations obtenues au début du XIXe siècle par Peter Dillon alors que les récits de différents marins européens ayant séjournés sur l’île de Vanikoro avaient semer le doute sur les circonstances de la survie de rescapés des naufrages de La Boussole et de L’Astrolabe. La dernière campagne de 2008 se révéla décevante, puisque aucun nouvel objet majeur ne fut trouvé dans ce qu’il est convenu d’appeler le « camp des Français ».

4 Valérie Jauneau, rédactrice en chef adjointe à France Télévision, auteur de nombreux reportages dans le Pacifique Sud a apporté sa contribution pour la réalisation de cet ouvrage, richement illustré avec des documents inédits. Dans la première partie, les auteurs récapitulent les nombreux indices qui justifièrent d’entreprendre des fouilles aux abords du village de Païou situé près du delta de la rivière Lawrence face aux récifs corallien où s’échoua La Boussole. Ils nous montrent comment depuis un siècle les enjeux économiques et la compétition entre colons britanniques et français pour l’exploitation du bois de kaori (Agathis sp.) sont venus compliquer la tâche des enquêteurs. Les auteurs nous expliquent alors comment les recherches faites à Vanikoro en 1912 par le gouverneur britannique des Salomon, Charles Woodford et, dans la décennie qui suivit, par le colon néo-calédonien John Nicolas Hagen, le géomètre Stanley Knibbs et le sous-préfet Heffernan ont permis de préciser l’emplacement du site où les survivants des deux navires naufragés s’étaient installés. Galipaud et Jauneau font apparaître également comment l’implantation de la Kaori Timber Company (KTC) sur le site de Païou a détruit en grande partie ce qui subsistaient encore du « camp des Français » au début du XXe siècle. La seconde partie relate l’histoire plus connue de la découverte, au XIXe siècle, d’objet ayant appartenus aux naufragés par le navigateur irlandais Peter Dillon, puis par Dumont D’Urville. Si les deux hommes ont pu collecter, une quarantaine d’années après le drame et quelques éléments de la tradition orale relative au naufrage de L’Astrolabe et de La Boussole, les auteurs font remarquer (p. 153) que : « cette mémoire orale transmise à Vanikoro donne lieu à des interprétations dans les écrits ultérieurs des explorateurs. Ils gomment et arrangent des ambiguïtés de lieu ou de temps pour que l’histoire gagne en cohérence, au détriment peut-être de la réalité historique. »

5 La troisième partie de l’ouvrage vient compléter, diverses informations publiées dans un petit fascicule intitulé, Naufragés à Vanikoro. Les rescapés de l’expédition Lapérouse à Païou (Galipaud et Biran, 2006). Les différents objets (fragments de porcelaine de Macao, morceaux de bronze, ébauche de pipe, couteau, restes de poteaux, boutons d’uniforme, pierres à fusil, bougeoir, petit canon de méridienne, compas de proportion « pied de Roy »…) retrouvés au cours des fouilles ont permis de mieux cerner l’organisation du camp et d’imaginer combien d’hommes avaient pu y survivre. La découverte de vestiges de la KTC profondément enfouis et mélangés à des objets du XVIIIe siècle prouve que des fouilles systématiques avaient déjà été effectuées au cours du XXe siècle. Mais le travail de Jean-Christophe Galipaud montre également que les éléments

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naturels comme crue de la rivière, tsunami, tremblement de terre, cyclone, érosion littorale et affaissement de la côte ont profondément modifié le terrain d’origine depuis plus de deux siècles. La quatrième partie présente les diverses rumeurs qui se sont répandues au début du XIXe siècle au sujet de la fin du séjour des naufragés dans l’île de Vanikoro et dans d’autres îles où certains d’entre eux auraient réussi à aborder selon certaines informations pas toujours très fiables. L’ouvrage de Galipaud et Jauneau montre que de nombreux facteurs ont empêché la tenue d’une enquête scientifique sérieuse à l’époque de la disparition des survivants de ces naufrages. En effet la situation politique en France avec la période révolutionnaire, les relations entre les grandes puissances ayant des intérêts dans cette région de l’océan Pacifique, la concurrence entre les habitants Mélanésiens et Polynésiens, et surtout les mauvaises relations entre Mélanésiens et les marins occidentaux sont venues contrecarrer toutes recherches d’envergure.

6 Les huit expéditions organisées par l’Association Salomon se sont focalisées principalement sur les deux épaves en diverses campagnes de plongées au cours desquelles de nombreux objets furent extraits et dont un certain nombre se trouvent maintenant exposés dans des salles du musée maritime de Nouvelle-Calédonie à Nouméa. On peut regretter que les recherches récentes sur le terrain, c'est-à-dire à l’intérieur de l’île de Vanikoro, n’aient que rarement été menées de façon systématique et scientifique. Outre deux brèves missions menées en 1986 et 1990 par John Keopo et Anne Di Piazza aucune fouille archéologique d’envergure n’a été menée avant celle de Jean-Christophe Galipaud. Il est vrai que l’isolement, les conditions climatiques et les difficultés d’accès à cette île entourée de récits frangeants dangereux n’ont pas favorisé l’établissement de missions de recherche de longues durées. La multiplication d’expéditions trop brèves dans le temps semblent avoir souvent brouillé les pistes par la profusion d’informations contradictoires recueillie auprès d’informateurs locaux habitués depuis près de deux siècles à recevoir une rémunération pour leurs révélations et leurs trouvailles. Dès 1828, Dumont d’Urville reprochait déjà à Peter Dillon la libéralité avec laquelle il distribuait des cadeaux pour obtenir des informations (Galipaud et Biran, 2006 : 19). Il est dommage que les auteurs n’aient pas jugé opportun de réaliser une bibliographie de références des nombreux ouvrages qu’ils ont consultés, comme celle qui se trouve dans le petit fascicule de Galipaud et Biran (2006). De même un index aurait été bien utile pour que cet ouvrage, qui récapitule l’ensemble des données les plus récentes et les plus sérieuses sur les mystères entourant la disparition des survivants de l’expédition Lapérouse, devienne un outil scientifique indispensable pour tous ceux, historiens, navigateurs ou archéologues, qui s’intéressent au sort des rescapés des naufrages de La Boussole et de L’Astrolabe.

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BIBLIOGRAPHIE

ASSOCIATION SALOMON, 1997. …A-t-on des nouvelles de Monsieur de Lapérouse ? Récit d’une expédition, Nouméa, Association Salomon.

BELLEC François, 2006. Les esprits de Vanikoro. Le mystère Lapérouse, Paris, Gallimard.

FERLONI Julia, 2005. Lapérouse. Voyage autour du monde, Paris, Édition de Conti.

FERLONI Mikaël, 2008a. Opération Lapérouse. Journal de bord à Vanikoro, Paris, Édition de Conti.

FERLONI Mikaël (éd.), 2008b. Le mystère Lapérouse ou le rêve inachevé d’un roi, Paris, Édition de Conti.

GALIPAUD Jean-Christophe et Antoine DE BIRAN, 2006. Naufragés à Vanikoro. Les rescapés de l’expédition Lapérouse à Païou, Paris, IRD.

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Compte rendu de Océania. Légendes et récits polynésiens publiés par La Société d’études océaniennes, de Léonce JORE ( éd.)

Gilles Bounoure

RÉFÉRENCE

JORE Léonce (éd.), 2012 (éd. or., 1917 et 1930). Océania. Légendes et récits polynésiens publiés par La Société d’études océaniennes, Paris, Commissariat des Établissements français de l’Océanie à l’Exposition coloniale internationale, postface 2012 de Robert Koenig, 282 p.

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1 Cet ouvrage est un reprint d’un volume regroupant divers textes publiés entre 1917 et 1930 par la Société d’études océaniennes, société savante créée à Papeete le 1er janvier 1917 sur le modèle de l’Académie malgache (Koenig, 2012 : 80). L’arrêté de sa création se trouve reproduit pages 6 et 7. L’objectif de cette publication était de profiter de la tribune offerte par l’Exposition coloniale à Paris pour contribuer, comme l’écrit le gouverneur Léonce Jore dans son avant-propos : « à mieux faire connaître sous leurs différents aspects un des plus beaux fleurons de notre Empire Colonial [et inciter les] […] amateurs de grands voyages à s’embarquer à destination d’une Colonie où l’on regrette de rencontrer si peu de touristes français. »

2 Pour le président de la Société des études océaniennes, Édouard Ahnne, qui fut à l’initiative de cette publication, c’était une occasion rêvée pour diffuser cet ouvrage lors de cette exposition qui attira plus de neuf millions de visiteurs du 6 mai au 15 novembre 1931. À cette époque, très peu de résidents français vivaient à Tahiti et cette île ne représentait pour la majorité des Métropolitains qu’un pays idéalisé par les œuvres du peintre Paul Gauguin et des romans comme Les Immémoriaux de Victor Segalen ou Rarahu, idylle polynésienne de Pierre Loti. La Polynésie française, appelée à l'époque Établissements français d'Océanie, était bien différente de ce qu'elle est devenue aujourd’hui et sa capitale, Papeete, n'était encore qu'un petit port perdu dans la torpeur tropicale. Cette colonie, dont certaines îles comme Rurutu ne furent annexées qu’en 1900, était alors dirigée par un gouverneur issus de l’école coloniale assisté par un conseil d’administration constitué de huit fonctionnaires et de trois notables qui assuraient un rôle consultatif en matière économique et financière. L’économie locale était basée alors sur la production et l’exportation du coprah, l’exploitation du phosphate de Makatea et la perliculture. Le gouvernement français souhaitait transformer ces îles en une colonie de peuplement L'industrie touristique commençait à se développer avec la compagnie australienne Burns Philps de Sydney

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qui proposait depuis 1884 des croisières à bord de bateaux à vapeur, ce qui incita quelques années plus tard la Compagnie française des Messageries maritimes à créer des lignes desservant les territoires coloniaux français du Pacifique. Dans la période de l’entre-deux guerres, le développement du yachting encouragea des Américains disposant de temps et de moyens financiers conséquents à accomplir des voyages à travers les archipels de la Société. Cet exemple sera suivi en 1934 par l’expédition française de La Korrigane qui fit une escale de deux mois à Papeete.

3 Dans la postface (pp. 280-282), Robert Koenig cite la décision n°418, publiée au Journal Officiel des Établissements français d’Océanie du 1er août 1930, stipulant qu’Edouard Ahnne avait été nommé le 12 juillet 1930 membre d’une Commission chargée de: « préparer et de réunir matériellement la documentation et les collections demandées pour la participation de la Colonie à l’Exposition de 1931. »

4 Les articles publiés devaient initialement être répartis dans trois brochures imprimées aux frais de l’administration locale pour être vendues à Papeete et à Paris. Finalement les textes seront regroupés en un seul volume de 250 pages divisé en trois parties – Littérature, Légendes, Tourisme –, afin d’être vendu moitié au profit de l’administration et moitié au profit de la Société des études océaniennes.

5 Édouard Ahnne réunit des écrits de diverses personnalités locales ainsi que des membres du bureau de la société des études océaniennes comme Yves Malardé et Mme Augé-Daullé. La première partie de l’ouvrage se présente comme un recueil de onze légendes recueillies et proposées par sept personnes. Les descendants de Miss Teuira Henry donnèrent les légendes du Grand lézard de Fautaua et de La mystérieuse aventure d’Ariipaea Vahine, reine de Huahine que la petite fille du Pasteur Orsmond avait recueillies de la bouche d’Ariitaimai Salmon et de sa sœur Ninito Sumner. Miss Teuira Henry était décédée en 1915 sans avoir eut la joie de voir publiée son œuvre Tahiti aux temps anciens que ses héritiers se chargeront de faire éditer en anglais par le Bernice P. Bishop Museum d’Honolulu en 1928, livre qui sera traduit de l’anglais en français par Bertrand Jaunez en 1952 et publié par notre Société (1968). André Ropiteau, arrivé à Tahiti deux années avant la publication d’Océania se chargea de transcrire d’après Teraitua deux légendes dont celle de la naissance et la jeunesse d’Hiro. Les autres légendes furent recueillies auprès d’informateurs locaux originaires des îles de la Société, de Mangareva et des Tuamotu, par Orsmond Walker, les capitaines Brisson et Lavaud, le révérend-père Hervé Audran et Yves Malardé. La seconde partie de l’ouvrage, se présente comme une compilation d’une douzaine de textes assez hétéroclites concernant les mœurs, l’ethnologie, la littérature et la poésie. On y trouve ainsi l’histoire du guérisseur Tiurai, des articles sur le lyrisme des Tahitiens et sur la mentalité féminine locale, la plongée à Hikueru pour la pêche aux huitres perlières, l’utilisation de l’arc chez les Polynésiens et les croyances relatives aux âmes. Cinq petits textes poétiques ont été traduits de la langue tahitienne par la princesse Eckau Pomare et Marc Chadourne. Ils sont suivis par les poèmes de François Hervé, Ernest Salmon et de deux sonnets de Frédéric Vernier. Le fameux poème Ia orana, Tahiti (Salut Tahiti) composé en 1880 par Eugène de Fauque de Jonquières vient clore ce chapitre. La troisième partie, est une suite de textes concernant les prémices d’une activité touristique aux îles de la Société et aux îles Marquises. Le texte de Guillaume Le Bronnec Promenades aux îles Marquises donne un aperçu très attrayant des sites à visiter dans chacune des îles de cet archipel à une époque où elles n’étaient encore desservies que par une goélette neuf fois l’an. L’article du photographe Gauthier donne

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des précisions pour effectuer l’ascension du mont Aorai, alors que ceux d’Yves Malardé et de Mme Augé-Daullé proposent une promenade idyllique en pirogue à Tautira et une excursion au lac Vaihiria. Les trois derniers textes de Léon Sasportas, Louis-Joseph Bouge et Emmanuel Rougier présentent la beauté et les richesses des paysages des îles de Moorea, Bora-Bora et Huahine. Tous ces écrits évoquent un âge d’or durant lequel les relations entre les « Indigènes » et les Étrangers étaient fort différentes de ce qu’elles devinrent après la Guerre du Pacifique avec le développement de l’aviation civile qui engendra un tourisme de masse.

6 Édouard Ahnne avait demandé au peintre Octave Morillot de réaliser la couverture de l’ouvrage, mais celui-ci déclina cette proposition et c’est finalement Elizabeth Massainoff qui s’en chargea (Koenig, 2012 : 82). Les textes rassemblés dans cet ouvrage sont révélateurs de l’époque coloniale du début du XXe siècle et de l’image que les notables locaux souhaitaient donner de leur île aux visiteurs de l’Exposition coloniale de Paris. Ils préfigurent ce que deviendra la Polynésie française après les grands changements sociaux-économiques de l’après-guerre. L’intérêt de cette re-publication réside dans le fait que les textes qui la composent sont révélateurs d’une politique économique basée sur le tourisme, car l’objectif insidieux de la République consistait à attirer le plus possible de Français métropolitains pour peupler cette colonie lointaine et concurrencer ainsi l’émigration asiatique en constante évolution en ce début de siècle. Robert Koenig pose ainsi aux lecteurs une question essentielle : « Oceania, est-ce le livre mythique et presque idéal, idéalisé des grandes familles de Tahiti, ou l’un des derniers soubresauts de l’Exposition coloniale internationale de 1931 ? » (p. 282)

BIBLIOGRAPHIE

HENRY Teuira, 1968. Tahiti aux temps anciens, traduit de l’anglais par Bertrand Jaunez, Paris, Société des Océanistes, Publications de la SdO 1.

KOENIG Robert, 2012. En marge d’Océania, Papeete, Bulletin de la Société des Etudes Océaniennes, pp. 78-85.

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Compte rendu de Casse-tête et massues kanak, de Roger BOULAY

Isabelle Leblic

RÉFÉRENCE

BOULAY Roger, 2015. Casse-tête et massues kanak, Igé, Éditions de L'Étrave, 63 p., bibliogr., très nombreuses aquarelles de l’auteur, photographies de Antoine Violleau et reproduction de planches et photographies anciennes.

1 Ce petit ouvrage de Roger Boulay sur les casse-tête et massues kanak, joliment illustré et mis en page, présente la grande richesse des collections publiques et privées en la

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matière. Outre la reproduction d’anciennes planches photographiques ou de dessins, les pages reproduisent de nombreux extraits des carnets de dessins et aquarelles de l’auteur, donnant à ce livre un cachet tout particulier. Roger Boulay, qui a réalisé l’inventaire du patrimoine kanak dispersé durant de plusieurs années (IPKD 2011-2014), a parcouru 54 musées de France et d’Europe pour répertorier 12 000 objets kanak qui y sont présents et réalisé 3 700 fiches détaillées à destination des chercheurs et du public intéressé. Il nous présente ici un volet de cet inventaire augmenté d’autres collections publiques (une centaine de musée) ou privées, à partir de ces carnets de croquis aquarellés, de photographies d’objets provenant de deux collections individuelles (Nantes et Nice, sans doute de Jean-Yves Coué et Thierry Mackie remerciés en fin d’ouvrage) et de recherches bibliographiques. Cela nous permet de nous rendre compte de la grande richesse de ce monde des casse-tête et massues, de ces armes kanak, dont les premières collectes furent réalisées par James Cook en 1774.

2 Ainsi, le premier chapitre (pp. 2-9) nous plonge dans le monde des voyageurs et des collectionneurs. Il nous présente rapidement la collecte de la période coloniale, les trafiquants. Roger Boulay revient sur le fait que si les massues sont les plus présentes dans les collections, elles sont aussi les moins documentées, « orphelines de leur histoire » (p. 6). Le deuxième chapitre traite des « Techniques et matériaux » (pp. 11-13), en reprenant les éléments que l’on trouve dans des écrits plus anciens qui sont croisés avec les données recueillies lors de l’IPKD. Puis viennent les « Types de massues et casse-tête » (pp. 14-50) qui constituent le cœur de l’ouvrage avec près de 40 pages richement illustrées. On peut noter « trois formes rares et anciennes », peu courantes, que sont le casse-tête pioche, la massue bi-pointe et massue à palette qui viennent compléter les célèbres massues phallomorphes et longiformes et casse-tête dits « bec d’oiseau » (p. 15).

3 Enfin, le dernier chapitre présente les « Éléments associés : pouvoir et prestance » (pp. 50-62) : « On peut affirmer que toutes les massues qui auraient été collectées directement des mains de leurs possesseurs devaient porter des bouquets de végétaux, liés au manche par des cordonnets de poils de roussettes, des bandes de tapa ou des fragments de nattes en pandanus et des étoffes d’origine européenne. » (p. 51)

4 Tous ces éléments, restés longtemps inaperçus, sont porteurs de magies, de pouvoir et donnent en grande partie l’efficacité à l’arme et au bras qui la tient. Comme tout domaine technique kanak, l’introduction d’éléments allogènes ont été très rapidement intégrés à la confection des objets, ici des cotonnades et des andrinoples (d'étoffes de coton teinte en rouge). Pour conclure, Roger Boulay revient sur le fait que beaucoup reste à faire pour tout connaître tant des bois utilisés que des maniements, « des entrainements, coups et bottes secrètes des guerriers kanak » (p. 62).

5 Ouvrage à recommander pour toute personne s'intéressant aux arts kanak.

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Compte rendu de Polynesian Outliers: The State of the Art, de Richard FEINBERG and Richard SCAGLION

Pierre Maranda

RÉFÉRENCE

FEINBERG Richard et Richard SCAGLION (éds), 2012. Polynesian Outliers:The State of the Art, Pittsburg (Pensylvania), University of Pittsburg, Department of Anthropology, Anthropology Monographs 21.

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1 Voici une contribution fort utile et intéressante à la connaissance des Polynesian Outliers, une synthèse qui comble un vide. Quatorze collègues, spécialistes de ces îles, en ont écrit les douze chapitres structurés selon diverses approches thématiques : archéologie, linguistique, modes de navigation, économie, cultivars, parenté, socio- politique, arts et religion. Le tableau 1 (p. 4) donne la liste des îles formant le corpus : deux pour la Micronésie, trois pour la Papouasie Nouvelle-Guinée, huit pour les Salomon, cinq pour le Vanuatu et une pour la Nouvelle-Calédonie. On les situe en outre sur une carte (p. 5 – v. aussi celle p. 18).

2 Scaglion et Feinberg fournissent une excellente introduction au collectif qu’ils ont dirigé, passant en revue la dynamique des regroupements et relations entre ces îles, un bref historique de leurs contacts et un sommaire des recherches ethnographiques à leur sujet. Ils passent ensuite en revue les onze chapitres qui complètent l’ouvrage. Leur conclusion offre une excellente réflexion sur le state of the art. Cette judicieuse synthèse des connaissances sur une « catégorie résiduelle » (p. 12) les mène à écrire que les différences qu’on y observe : « may demonstrate a heretofore underappreciated degree of variation among Polynesian cultures and societies – variation that may have existed even prior to the era of colonialism. Perhaps, the lesson is that Polynesia as a whole is no more homogeneous than are the western outliers. » (p. 13)

3 Les chapitres 2 et 3, écrits respectivement par Patrick Kirch et Mike Carson, reposent sur des données archéologiques pour documenter l’histoire diversifiée du peuplement des outliers depuis le triangle polynésien. Robert Early (ch. 4), quant à lui, utilise la langue comme vecteur transversal de la congruence des populations en cause. Quant à Richard Feinberg et Marianne George (ch. 5), ils passent en revue les différents types d’embarcations et modes de navigation de ces populations et ils notent d’importants changements culturels en rapport avec la modernisation.

4 Paul Roscoe (ch. 6) prend une approche économique basée sur un dépouillement de sources en allemand – une contribution fort utile – aussi bien qu’en anglais. Il en tire la conclusion que la transversalité intersecte également les marginaux et les habitants des petites îles océaniennes en général. Tim Bayliss-Smith (ch. 7) focalise sur les modes de production et les usages de cultivars dans six îles et sur leurs valences symboliques et rituelles en rapport avec la dichotomie des genres. Il y révèle des aspects spécifiques partagés non pas tant en ce que cultivent les outliers – qu’on observe un peu partout en Océanie – mais plutôt en ce qui a trait à la signifiance qu’ils lui accordent.

5 Richard Feinberg et William Donner (ch. 8) passent en revue l’historique des études de parenté surtout à Nukuoro, Kapingamarangi et Anuta. Ils y reconnaissent le système polynésien mais avec des variations significatives, notamment des simplifications, divergences qu’ils attribuent à la pression de ressources limitées, de désastres naturels périodiques et de défis à relever à cause de contacts exogènes. Richard Scaglion (ch. 9) vise l’organisation sociopolitique et notamment le rôle des chefs. En cela les outliers s’avèrent typiquement polynésiens mais avec certaines divergences, fonction du leadership religieux et séculier, qui a varié selon des conjonctures passées et contemporaines.

6 Le chapitre 10, par Richard Moyle, porte sur les arts, surtout les chants et les danses exécutés lors de grandes célébrations devant des sculptures rituelles. Il y repère des composantes transversales, traditionnelles ou marquées par l’impact du christianisme. Mais, de fait, les sanctions qu’il évoque – celles des esprits ou des missionnaires – se

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retrouvent tout aussi bien ailleurs en Océanie. On demeure dans le champ sémantique du religieux au chapitre 11 par Richard Feinberg, Judith Macdonald et Roger Ivar Lohmann. Ces trois co-auteurs firent circuler une version préliminaire de leur texte à certains de leurs collaborateurs pour faire de ce chapitre le « most thoroughy collaborative » (p. 11). On soutient que, sauf à Tikopia, Anuta, Kapingamarangi, Rennell et Bellona, les grands dieux du triangle polynésien perdent beaucoup d’importance chez les outliers qui n’ont conservé que certains aspects de la « little tradition » (p. 11). Par ailleurs on y accorde généralement peu d’attention à la magie et à la sorcellerie sauf dans le cas des îles en contact étroit avec la Mélanésie qui s’en préoccupent considérablement (par exemple, Nukumanu et Vaekau-Taumako). Par ailleurs on retrouve chez les outliers de nombreuses dynamiques telles l’association de certains lieux à des esprits puissants, la dépendance aux esprits domestiques et le rôle médiateur de tels esprits (comme d’ailleurs à Malaita : voir mon commentaire en fin de compte rendu). Et il en va de même en ce qui a trait au christianisme : bien que très dévots, les marginaux conservent certaines composantes de leurs coutumes et pratiques traditionnelles.

7 Le dernier chapitre (12), Final Thoughts, par Anne et Keith Chambers consiste en une réflexion sur l’ouvrage dans son ensemble, basée sur leur considérable expérience de terrain à Nanumea in Tuvalu, un atoll sur la frange du triangle polynésien. Ils explorent plusieurs pistes, tout aussi intrigantes les unes que les autres. Par exemple et entre autres questions, quelles raisons ont bien pu pousser les Polynésiens à essaimer en différentes directions pour s’établir dans le voisinage d’îles plus importantes et de cultures différentes de la leur tout en conservant leur singularité ? Et pourquoi, à Ontong Java, cet acharnement à cultiver le taro ? Mais ne faut-il pas dire que si, depuis les années 1980, ces insulaires avaient d’autres ressources alimentaires comme le riz et la farine qu’ils pouvaient acquérir grâce aux ressources que leur procurait l’exportation des bêches de mer, l’interdiction de cette dernière en 2005 les contraignit à reprendre leurs jardins abandonnés jusque-là ? Et, épistémologiquement, les différences entre les outliers dépendent-elles des orientations théoriques des ethnographes qui y ont travaillé ou de disparités réelles ?

8 Je partage entièrement la fin de la conclusion de ce dernier chapitre : « This comprehensive review of the Polynesian outliers makes it possible at last to see clearly what is known and what is not. We have been given a solid vantage point for moving ahead and pointers to a host of tantalizing issues that await future explorations. » (p. 225)

9 J’ajoute, à partir de mes données de terrain à Malaita, une note personnelle (Maranda et Köngäs Maranda, 1970 ; Maranda, 2013 : 40ss.). Il s’agit d’un important impact de Ontong Java sur Malaita. Il y a quelque huit générations, deux grandes barques quittèrent cet atoll pour gagner Malaita. À cet égard il faudrait faire des recherches archéologiques à Asiningwane Point (village côtier sur la Lagune lau) pour préciser la date d’arrivée de ceux que les Malaitais contemporains appellent des « nomades ». Leurs équipages apportèrent la technique et les rituels de pêche aux dauphins et, fait majeur, celle de l’introduction des dents de dauphins comme monnaie s’ajoutant aux monnaies de coquillage que connaissaient les Malaitais. J’ai recueilli de nombreux récits de cette migration de Suu-i-robo (‘baie des grosses dents de dauphin’), nom que les Malaitais septentrionaux donnent à Ontong Java. Et des savants lau pouvaient décrire l’atoll en détail, en tous points conformément à la carte géographique que j’obtins alors du Solomon Islands Marine Department Surveys.

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10 Suite à cette innovation, les Malaitais septentrionaux définirent une équivalence entre monnaies de coquillages et dents de dauphins. Cinquante grosses dents (robo) ou deux cents dents de taille moyenne (lifo ii’a/una bulu) valent un écheveau de dix cordelettes de coquillage (tafuli’ae). En outre, l’organisation sociale malaitaise comprend une classe d’aristocrates (ngwane initoo) distincte de celles des gens du peuple (ngwane ni tooa) et des ‘serviteurs’ (hangonia). L’oligarchie – chefs, grand-prêtres, chefs de guerre et chefs- prêtres de lignées – se perpétue de père en fils depuis des générations, « à la polynésienne ». D’ailleurs, le clan dont les ancêtres provenaient d’Ontong Java existe toujours, d’abord basé à Asiningwane Point et ensuite à Funafou dans la Lagune Lau. Par là, on voit que la dynamique du contact porte sur une grande île depuis un outlier voisin. Ce dernier aurait pour ainsi dire « polynésié » la première.

11 Je termine ce compte rendu en regrettant, sans doute comme plusieurs autres lecteurs de cet excellent ouvrage, l’absence d’index qui donnerait un accès transversal à chacun des outliers.

BIBLIOGRAPHIE

MARANDA Pierre (avec Elli Köngäs Maranda), 1970. Le Crâne et l'utérus: Deux Théorèmes nord- malaïtains, in J. Pouillon and Pierre Maranda (éds), Échanges et communications, Mélanges offerts à C. Lévi-Strauss à l'occasion de son 60e anniversaire, 2 vols., Paris -The Hague, Mouton, vol. 2, pp. 829-861.

—, 2013. Voyage au Pays des Lau (îles Salomon, début du XXIe siècle). Le Déclin d’une gynécocratie, 2e édition revue et augmentée d’un chapitre, Paris, Éditions Cartouche, 207 p.

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Compte rendu de The Ancient Hawaiian State. Origins of a Political Society, de Robert J. HOMMON

Gilles Bounoure

RÉFÉRENCE

HOMMON Robert J., 2013. The Ancient Hawaiian State. Origins of a Political Society, Oxford- New York, Oxford University Press, XII-322 pp., bibliogr., index, tableaux, cartes, illustrations noir et blanc dans le texte.

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1 Cet ouvrage, qui résulte de quarante ans de recherches et de réflexions sur un thème présenté dès 1973 devant l’assemblée annuelle de la Society for American Archaeology (« Archaeology and the Primitive State : The Hawaiian example ») avant d’être développé trois ans plus tard dans une dissertation doctorale, semble appelé à quelque retentissement du fait de son sujet et de son titre mêmes, au-delà de l’autorité considérable de R. Hommon en matière d’archéologie hawaiienne. La thèse qu’il soutient, la constitution d’« États primaires » dans l’archipel hawaiien dès avant la visite des premiers Européens, avait déjà fait l’objet d’un livre de son collègue et ami Patrick V. Kirch, qui la formulait en ces termes (2010 : 2) : « While Hawai’i has contributed its share to anthropological theory, its indigenous society has most often been classified as a chiefdom […] but not as a state. […] The thesis I advance here is that at the time of its fateful encounter with the West, late in the eighteenth century, Hawai’i consisted of three to four competing archaic states, each leaded by a divine king. These unique economic, social and political structures emerged out of an earlier, more typical Polynesian chiefdom society within the previous two to three centuries. »

2 Mettre en regard ces deux ouvrages et leur argumentation respective déborderait du cadre de cette rubrique et l’on s’en tiendra ici au plus récent de ces volumes, qui prend d’ailleurs en compte divers apports de son prédécesseur.

3 À la différence de P. V. Kirch, R. Hommon ne discute pas la notion de chefferie (ou chiefdom, absente de son index) qui permettait notamment à Lévi-Strauss de distinguer les « sociétés à chefferies sans État (Polynésie) » des « sociétés à État dotées de “rois” (Afrique, Madagascar) » (voir en dernier lieu M. Godelier, 2013 : passim). Et bien qu’il cite ponctuellement Machiavel et Max Weber, il n’entre pas davantage dans les spéculations de philosophie politique ayant opposé si longtemps idéalistes (Hegel, Fichte, etc.) et matérialistes (à la suite d’Engels mais aussi d’Oppenheimer) sur les origines de l’État ou des États. Il est significatif de ses choix de méthode qu’il passe sous silence l’ouvrage classique de Wittfogel sur le despotisme oriental, dûment résumé

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dans une autre publication de P. V. Kirch (2012 : 153 sqq.), et dont il faudra reparler comme lui à propos d’agriculture irriguée ou entre constructions empierrées. Archéologue avant tout, il a entendu rassembler les preuves lui permettant d’affirmer d’emblée que : « in some respects, from an organizational standpoint, these Hawaiian primary states appear more similar to modern nation-states than to the Polynesian societies to which they were bound by history and culture. » (IX)

4 Dans l’un de ses travaux fondateurs, l’éminent spécialiste de la société hawaiienne Valerio Valeri estimait que c’était avec Kamehameha que « le processus d’étatisation [avait été] mené à bien », soit à partir de 1792, treize ans après la mort de Cook (1972 : 36). Aussi la prudence ou la doxa (« received anthropological wisdom », écrit P. V. Kirch) ont-elles longtemps recommandé de n’appliquer aux sociétés polynésiennes précoloniales que les termes de chefferie ou de royaume (parfois d’empire) pour n’envisager d’États (plus ou moins fantoches) qu’à partir du contact avec les Occidentaux, en considérant, selon le précautionneux résumé de Claire Laux, que : « l’unité de nombreux archipels (Tahiti, Hawaii, Tonga) s’est faite grâce aux Européens, mais sous la houlette de chefs locaux et avant la colonisation. » (2011 : 206)

5 Toutefois, les précédents travaux de R. Hommon et de P. V. Kirch, parmi d’autres, avaient déjà conduit des autorités comme Matthew Spriggs et Maurice Godelier à admettre successivement que : « whether Hawaii at contact consisted of a series of highly stratified chiefdoms, or small ‘Asiatic’ or even ‘feudal’ states, it has often had a role in discussions of the development of complex societies and cultural evolution in general. Does it really have a place as exemplar in such general schemes? Only if one major fact remembered: the Hawaiian archipelago is the most isolated set of inhabited islands in the world. […] In its isolation Hawaii perhaps represents a unique ideal type, a real ‘isolierte Staat’. » (1988 : 69, non cité par R. Hommon) et que : « à Hawaii, au XVIIIe siècle de notre ère, s’était même formé une sorte d’État qui avait succédé aux chefferies traditionnelles rivalisant entre elles pour le contrôle de ces dizaines d’îles. » (2007 : 212, voir aussi 216 note 1)

6 Pour R. Hommon (251 et passim) comme pour P. V. Kirch (2010 : 219), il faudrait remonter au tout début du XVIIe siècle, « vers 1600 » pour observer le début des « processus d’étatisation » à partir de « royautés consolidées » au cours du siècle précédent.

7 L’archéologie livrant peu de traces directes de ces processus, R. Hommon déduit cette datation, et la périodisation qui l’accompagne, des indices livrés par la tradition orale et les diverses pratiques agricoles révélées par ses fouilles et celles de ses collègues. À la phase d’occupation primitive, à partir de 860 de notre ère, auraient succédé une période d’expansion commençant entre la fin du XIIIe siècle et le début du XVe selon les lieux, puis une dernière phase d’intensification constatable à partir du début, du milieu ou de la fin du XVII e siècle, et s’achevant avec l’installation des Européens. Cette périodisation n’est exposée que dans l’avant-dernier chapitre (15, « The Hawaiian State Emergence Model », fondé sur les considérations de méthode du chapitre précédent) suivi par la conclusion (16) et un appendice (« Summary of Ancient Hawaii Political History »), et il est utile de reprendre l’ensemble du sommaire pour observer le cheminement de l’auteur dans l’élaboration de son « modèle ».

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8 Une première partie décrit en six chapitres « Hawa’i in the Early Contact Era » (« The People; Government, War and Refuge; Home and Crafts; Farming and Fishing; Gods and Temples; Makahiki, Trails and Echange »). Intitulée « State Societies and the Ancient Hawaiian Example », la deuxième partie développe la thèse de R. Hommon en deux chapitres aux titres similaires. Formant la troisième partie, « Polynesian Societies » livre dans une perspective comparatiste des aperçus socio-historiques sur Tikopia, Nuku Hiva et ‘Ua Pou, les îles de la Société et « The Ancient Tongan State ». La quatrième partie, « The Model of Hawaiian State Emergence », livre les conclusions et la chronologie déjà évoquée.

9 Au terme de ce parcours, R. Hommon estime qu’au moment de l’arrivée des premiers Européens : « each Hawaiian state was a large, populous autonomous polity with a ruler (al’i nui) or corulers directing a centralized government that employed legitimate authority, backed by force, to exercise sovereingty. The ruler or coruler routinely delegated political power to a multitiered bureaucracy that implemented society-wide tasks, including tax collecting, public works projects, and military command. » (257)

10 L’apparition de ces États rivaux résulterait pour bonne part d’une situation de disette de plus en plus sensible, déterminant tensions ou troubles justifiant eux-mêmes le recours à la force et aux guerres de conquête : « A broad array of evidence indicate that the development and use of the LKFS [Leeward Kohala Field System, aménagements de cultures séparées et protégées par des murets] and similar systems resulted in hard times comprised of increased workloads for men and women, rapid population growth, and diminished productivity due to a loss of soil fertility, and that by the late eighteenth century the limits of high-potential land had been reached or exceeeded, all of which led to hard times in the lives of the farming families in rain-fed systems. » (259)

11 La crise survenue en 1952 à Tikopia, après les ravages d’un cyclone réduisant à la famine une population déjà trop nombreuse pour les ressources habituellement disponibles, pourrait expliquer le passage des sociétés hawaiiennes à une organisation de type « étatique » dès le milieu du XVIIIe siècle : « such hard times in a Polynesian society could result in widespread theft and other signs of social unrest, which in turn could trigger unprecedented application of coercive action by normally passive symbolic leaders and their subordinates. […] The hard times hypothesis proposes that a leader of an autonomous group tends to respond to a perceived extraordinary threat to the group with extraordinary action that can transgress sociopolitical norms. » (ibid.)

12 Parmi les autres sociétés polynésiennes qu’il a étudiées, R. Hommon n’a trouvé que cet exemple – d’ailleurs tardif – pour appuyer son hypothèse, ce qui paraît confirmer une fois de plus l’absence d’effet mécanique des crises de subsistance sur l’histoire politique des sociétés telle qu’elle a été généralement observée en Océanie et ailleurs, spécialement pour expliquer l’apparition d’un : « État au sens sociologique, […] organisation dont l’unique but est de réglementer la domination, [c’est-à-dire] l’exploitation économique du vaincu par le vainqueur. » (Oppenheimer, 1913 : 6)

13 C’est surtout par boutade, remémoration de son enfance misérable et prolongement de « l’esprit revanchard » que Pierre Mac Orlan a pu dire lapidairement de l’échec de la révolution spartakiste : « Il faut avoir faim pour éprouver le besoin de transformer le monde. L’Allemagne n’eut pas assez faim. » (1966 [1927] : 206)

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14 Pourtant, parce que la nature des vestiges subsistants les réduit souvent à l’étude des pratiques agricoles successives et aux calculs de rendement qu’ils croient pouvoir en induire, beaucoup d’archéologues travaillant à l’élucidation des modes de vie des sociétés anciennes du Pacifique tendent à développer le même type de raisonnement « alimentaire » pour expliquer des bouleversements sociopolitiques connus par d’autres sources. Surpopulation, épuisement des sols, disettes et guerres subséquentes restent aujourd’hui des phénomènes non moins constatables et déplorables que par le passé, mais leur invocation incessante à propos de l’histoire de l’île de Pâques, de Mangareva, de Rapa et de maintes autres cultures polynésiennes en a fait d’autres articles de la « received anthropological wisdom », appelant eux aussi un examen critique. Pour s’être penchés à leur tour sur le dossier de l’Urstaat despotique, Deleuze et Guattari (1980 : 478 et passim) avaient quelque motif à parler d’« aporie de l’origine de l’État » reposant toujours sur des explications purement « tautologiques ».

15 À côté des circonstances et des causes générales ou locales qui auraient conduit la moitié de l’archipel hawaiien à adopter des fonctionnements « étatiques », R. Hommon expose (p. 127 et suivantes) ce qui les caractérise comme tels à ses yeux : la perception de « taxes » et non plus de tributs à redistribuer, un code de lois déjà en germe dans les kapu immémoriaux (qui ne sera cependant formalisé qu’avec la présence européenne), l’unification des communautés antérieurement autonomes, la présence agissante d’une « bureaucratie » et la menée de guerres de conquête visant à l’expansion territoriale, critères autrefois discutés par Michel Panoff (1982 : 341-342) en des termes qui n’ont guère vieilli, mais dont la place manque pour citer plus que cet extrait : « Certes, le grand chef hawaiien avait une compétence territoriale plus grande que ses homologues tahitiens ou marquisiens puisqu’elle pouvait couvrir une île entière, tout en étant moindre que celle du dirigeant de Tonga. Certes, il avait à son service des inspecteurs ou intendants qui faisaient exécuter les corvées et livrer le tribut, mais ces hommes (konohiki) ne formaient pas une classe autonome de fonctionnaires professionnels puisqu’ils se recrutaient parmi les collatéraux du grand chef ou dans les lignées collatérales de celle qui détenait l’office suprême. Certes, la terre à l’intérieur de la région soumise à l’autorité du grand chef était censée avoir été concédée par ce dernier, mais elle n’était presque jamais reprise ni redistribuée par lui. Chaque maisonnée cultivait d’ailleurs deux parcelles, l’une pour sa propre subsistance et l’autre au profit du petit chef local, si bien que le système évoque plutôt le principe féodal de “domaine éminent” que celui de propriété gouvernementale. »

16 Quant à « l’unification » de ces sociétés insulaires, P. V. Kirch et R. Hommon divergent notablement. Le premier, dans un ouvrage trop récent pour être pris en compte par le second, désigne en Ma’ilikuhahi d’Oahu celui qui, plus de deux siècles après les premiers travaux d’irrigation enregistrés par l’archéologie, « organizing his people into a hierarchy of land units, the new ahupua’a system […] laid the foundation for the later Hawaiian political state. » (2012 : 153) R. Hommon ne lui attribue pas cette invention, et estime par ailleurs que durant toute la période considérée, « the typical ahupua’a tended to be economically self sufficient, [and] tended to be socially self-sufficient as well. » (pp. 242-243, 259 et 14)

17 On pourrait en dire autant des rôles distincts qu’attribue chacun d’eux à la réalisation et à l’entretien des tarodières irriguées et des cultures entre murets, « grands travaux » attestés dans maintes autres civilisations anciennes du Pacifique, depuis les Philippines jusqu’aux Marquises ou à la Nouvelle-Calédonie, sans qu’il y ait lieu d’y chercher cet

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« État hydraulique » dont se moquait déjà M. Panoff , par allusion aux pages de Wittfogel (1957 : 241-250) consacrées à Hawaii, peut-être l’un des premiers auteurs à parler du « State of Ancient Hawaii » (239).

18 S’il s’agissait de démontrer que les anciens habitants du Pacifique ont pu créer des « États » avant que les Européens ne le leur suggèrent, la Micronésie offrirait quelques exemples antérieurs à ceux d’Hawaii, à l’instar de ce « Saudeleur state » qui a laissé à Pohnpei des vestiges grandioses avant de céder la place à un autre « state », réputé moins oppressif, entre le XIIIe et le XVIe siècle (Hanlon, 1988 : 9, 21, etc.). Mais ce débat de lexicologie politique pourrait aussi ne reposer que sur un vaste quiproquo, la définition de l’État telle que l’a formulée M. Weber sur le tard de sa vie et sur laquelle s’appuie R. Hommon (118, 124) ne valant, a spécifié Weber, que pour l’État « moderne » entièrement développé et ne pouvant aucunement s’appliquer à ses formes pré- modernes (1976 : « Abschnitt Feudalismus Ständestaat und Patrimonialismus », 625 sq. et surtout 636). Que les lecteurs trouvent la démonstration de R. Hammon convaincante ou non, son ouvrage livre une manne d’informations solides et de synthèses utiles sur l’ancienne société hawaiienne, et c’est à ce titre déjà qu’ils pourront le lire ou le consulter avec profit.

BIBLIOGRAPHIE

DELEUZE Gilles et Félix GUATTARI, 1980. Mille plateaux, Paris, Éditions de Minuit.

ENGELS Friedrich, 1975 (1891, 4e éd.). L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, traduction Jeanne Stern, Paris, Éditions sociales.

GODELIER Maurice, 2007. Au fondement des sociétés humaines. Ce que nous apprend l’anthropologie, Paris, Albin Michel.

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HANLON David, 1988. Upon a Stone Altar. A History of the Island of Pohnpei to 1890, Honolulu, University of Hawaii Press, Pacific Islands Monograph Series.

KIRCH Patrick Vinton, 2010. How Chiefs Became Kings: Divine Kingship and the Rise of Archaic States in Ancient Hawaii, Berkeley, University of California Press.

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LAUX Claire, 2011. Le Pacifique aux XVIIIe et XIXe siècles, une confrontation franco-britannique. Enjeu colonial et rivalité géopolitique (1763-1914), Paris, Karthala.

MAC ORLAN Pierre, 1966. Villes. Mémoires, édition définitive, Paris, Gallimard.

OPPENHEIMER Franz, 1913. L’État, ses origines, son évolution et son avenir, traduit de l’allemand par M. W. Horn, Paris, Giard et Brière, Bibliothèque internationale de droit public.

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PANOFF Michel, 1982. Corrélations et contre-exemples à travers le Pacifique, Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée 3-4, pp. 331-347.

SPRIGGS Matthew, 1988. The Hawaiian Transformation of Ancestral Polynesian Society: conceptualizing chiefly states, in John Gledhill, Barbara Bender, Mogens Trolle Larsen (eds), State and Society: The Emergence and Development of Social Hierarchy and Political Centralization, London, Unwin Hyman, pp. 55-71.

VALERI Valerio, 1972. Le Système des rangs à Hawaii, L’Homme 12-1, pp. 29-66.

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WEBER Max, 1976. Wirtschaft und Gesellschaft. Grundriss der verstehenden Soziologie, fünfte, revidierte Auflage, besorgt von Johannes Winckelmann, Tübingen, Mohr.

WITTFOGEL Karl A., 1957. Oriental Despotism: A Comparative Study of Total Power, New Haven and London, Yale University Press.

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Actes de la Société et Actualités

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Assemblée générale 2015 : bilan exercice 2014

L’assemblée générale faisant le bilan de l’exercice 2014 s’est tenue le jeudi 16 avril 2015 de 15h30 à 16h45 dans la salle de cours 3 du musée du quai Branly. Cinq adhérents étaient présents. Philippe Peltier, secrétaire général, après avoir remercié les présents, annonce qu’en l’absence de plusieurs membres du bureau, il présentera rapidement les rapports sur l’état financier, sur les publications et sur le site internet. Il commence par le rapport moral. Il souligne que, depuis son origine, la Société des Océanistes se distingue par ses publications. Petit à petit, grâce à l’énergie et l’investissement considérable de son éditrice, Isabelle Leblic, la SdO s’est engagée dans la mise en ligne de ses ouvrages sur openédition pour les livres ou revues.org pour le Journal. Cette révolution a été discrète mais rapide. Mais que ceux qui aiment le papier, son odeur, ceux qui sont attachés à la touche de couleur que les numéros du Journal apportaient à leur bibliothèque, se rassurent, la SdO garde des tirages papier pour toutes les publications. Il rappelle que désormais, chacun peut payer, sur le site internet de la Société des Océanistes (http://www.oceanistes.org/oceanie/), grâce à l’action de Pascale Bonnemère, sa cotisation annuelle à la société ou son abonnement à la revue, tout comme l’achat des publications ou DVD, via paypal qui est un moyen de paiement simple, facile d’utilisation et sécurisé. Ceux qui préfèrent les formats dématérialisés (EPUB, PDF) peuvent le faire sur l’espace de la SdO sur openédition (http:// books.openedition.org/sdo/). Toutes ses actions participent à l’équilibre financier comme le montre le rapport de Sarah Moahamed-Gaillard. Quant aux séances de cinéma et aux conférences, sous la houlette efficace de Magali Mélandri, elles continuent à attirer un public fidèle et parfois nombreux. Que tous ceux qui participent activement à la vie de la Société des Océanistes, que ce soient les membres du bureau, du conseil d’administration, des comités scientifique ou de lecture du JSO, ou ceux qui acceptent de venir nous parler de sujets aussi passionnants que divers ou de montrer des films, reçoivent tous nos plus vifs remerciements.

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Nous espérons comme chaque année compter de nouveaux membres et nous leur souhaitons la bienvenue. Nous avons aussi la tristesse de voir disparaître d’anciens membres. Qu’ils nous soient permis ici de rappeler la mémoire de Maurice Picon, savant enthousiaste et reconnu dans son domaine, fondateur de l’archéométrie française. Il fut un discret compagnon de route depuis de nombreuses années. Le rapport moral est adopté à l’unanimité des présents. Puis il présente ensuite le rapport financier (comptes de l’exercice passé et budget prévisionnel) établi par Sarah Mohamed-Gaillard, trésorière.

Bilan comptable de l’exercice 2014

Tableau 1. – Bilan de l’exercice 2014

Recettes Dépenses

Cotisations membres 5 365,00 JSO 138-139 7 537,32

Abonnements JSO 8 028,00 Publications (Juillerat + dossier Tatouage) 3 320,71

Ventes JSO au n° 1 044,33 Frais d’expéd JSO 138-139 1 023,01

Droits de copie 1 030,96 Frais d'expédition hors JSO 1 137,62

Bouquet revues.org/Cairn* 3 483,32 Frais financiers 157,67

Ventes publications 5 019,73 Salaire secrétaire 9 985,29

Ventes Openbook** 2 690,44 Charges sociales 5 730,78

Ventes DVD Kanak 2 588,05 Frais de bureau, Papeterie, etc. 326,21

Remb. Frais d’expéd. 560,56 Droits d’auteurs DVD 743,00

Subventions CNL JSO 2 800,00 DVD Kanak + Tapa 4 756,55

Subventions CNRS JSO 1 800,00 Divers 596,36

Subvention DVD Kanak MNC 2 000,00 Trajet SLOR 224,82

Subvention DVD Tapa MNC 1 000,00

Dons 57,15

Totaux 37 467,54 Totaux 35 314,52

* Somme provisoire car nous n’avons pas encore le décompte final de Cairn pour 2014. Il sera vraisemblablement proche de 4 000 €. ** En HT : 60 livres vendus aux libraires pour 385,31 € HT et 97 livres vendus aux bibliothèques pour 305,13 € HT.

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Quelques commentaires sur nos recettes

Le bilan est très satisfaisant. Grâce aux efforts continus du bureau pour promouvoir les activités de la SdO, nous obtenons encore un très bon résultat cette année, même s’il est moindre que celui auquel nous étions parvenus en 2013, avec un solde positif de plus de 4 000 €, contre 2 153,02 € en 2014. Cela correspond à l’augmentation de nos dépenses pour cette année, dues à la publication de deux ouvrages et à la poursuite de l’activité DVD. La diversification de nos activités vers la production de DVD semble donc une bonne chose : elle permet d’équilibrer la baisse de la vente des publications. Enfin, le bilan de la première année de notre espace Openbook nous apporte un bon revenu (noté ici en HT ; bilan reçu mais somme non encore versée).

Nous comptons donc en 2013 128 membres (contre 120 en 2012) ainsi répartis : - 96 à 50 € (103 en 2013, 98 en 2012) - 10 à 30 € (19 en 2013, 17 en 2012) - 5 à 15 € (sans journal) (6 en 2013, 5 en 2012) Après une augmentation du nombre de membres enregistrés l’année dernière, nous constatons un nouveau fléchissement en 2014 avec

111 cotisations au total, pour un montant de 5 175 € (contre 128 en 2013, 120 en 2012). Entre 2013 et 2014, la baisse concerne surtout les cotisations au tarif étudiant : 17 en 2013 contre 10 en 2014. Ce qui ne se reflète pas dans le montant enregistré pour 2014 car nous avons toujours un décalage (des cotisations de l’année précédente et d’autres pour l’année à venir).

Le nombre d’abonnements se maintient globalement en dépit d’un léger fléchissement : 110 en 2014 contre 114 en 2013 et 113 en 2012.

Les revenus via CAIRN sont en constante augmentation (avec un plus grand nombre de ventes à l’article - 56 pour plus de 90 € HT). Les droits de copie sont également importants et viennent compenser certaines autres baisses.

Depuis le début de l’expérience PAYPAL fin 2013 qui permet l’achat des publications de la SdO en ligne, la SdO a effectué 29 ventes, dont

20 concernent des publications, 3 des numéros du JSO, 3 DVD Kanak et 4 cotisations dont 3 pour 2015 (mise en place de cette possibilité en fin d’année 2014). Du côté des publications, la parution du dossier Tatouages a suscité 6 achats, les autres concernant des publications plus anciennes qui gagnent ainsi en visibilité.

Le bilan est satisfaisant comme l’an passé et notre solde positif fait que cette année encore, nous n’avons pas eu besoin de puiser dans nos réserves et que nous avons pu épargner quelque peu environ 4 000 €) :

• Compte courant au 12/01/15 = 3 815,72 € • Livret A au 31/12/14 = 16 751,00 € • Portefeuille au 31/12/14= 41 672,91 €

Budget prévisionnel 2015

Ce budget a été établi d’après le résultat de l’exercice 2014. Quelques remarques sur ce budget provisionnel. Les revenus de cairn sont provisionnés à l’identique. La provision pour les publications d’ouvrages est estimée par rapport aux coûts des précédentes publications équivalentes. Le rapport financier et le budget prévisionnel sont tous deux approuvés à l’unanimité des présents. Puis Philippe Peltier présente ensuite le rapport sur les publications établi par Isabelle Leblic, secrétaire générale adjointe chargée des Publications, des DVD et du JSO.

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Tableau 2. – Budget prévisionnel pour l’exercice 2015

Recettes Dépenses

Cotisations membres 5 600 JSO 140 + JSO 141 10 000

Abonnements JSO 8 000 Dossier Tiki + Petites histoires** 4 300

Subventions CNL JSO 2 500 Salaire secrétaire 10 000

Subventions CNRS JSO 1 800 Charges 6 000

Ventes JSO au n° + droits de copie 1 600 Frais d’expéd JSO 1 200

Bouquet Cairn 3 500 Frais d'expédition autres 800

Ventes publications 4 500 Frais financiers 200

Ventes publi Openbook 3 000 DVD Atai 500

Subvention DVD Tapa* 16 000 DVD Tapa 11 500

Ventes DVD (n°1, 2, 3) 3v000 Frais de bureau 200

Remb. Frais d’expéd. 500 Droits d’auteurs 1 800

Dons 50 Divers 400

TOTAL 47 050 TOTAL 47 100

* En attente du versement de 500 € de l’Association Femmes au-delà des Mers et de la subvention de 10 000 € obtenue au ministère de la Culture ; une demande de 6 000 € est en cours d’examen auprès du ministère de l’Outre-Mer. ** Estimations faites à partir des sommes payées pour la publication du 1er volume des Petites histoires (2 973 € payés en 2011), du dossier Tatouages (2 322 € payés en 2014).

Rapport sur le JSO

Nous avons conservé cette année nos subventions CNRS et CNL pour un montant de 4 600 €, soit environ 600 € de moins que l’an passé en raison de la diminution de la subvention accordée par le CNRS : 1 800 € en 2014 contre 2 392 € en 2013. Cela est dû, d’une part, à l’augmentation de nos revenus par cairn et revues.org et, d’autre part, par la baisse de nos frais (économies sur la mise en page, réalisée directement par I. Leblic). Si ces subventions nous sont indispensables pour fonctionner, elles ne nous permettent pas l’embauche d’un(e) secrétaire de rédaction qui nous fait tant défaut : la charge de travail s’avère lourde pour la rédactrice en chef. cairn rapportera cette année près de 3 000 €, ce qui vient largement contre-balancer les baisses d’abonnement des années passées. La SdO a reçu 2 088 € de la part de cairn au titre du 1er versement de l’année 2014. Nous aurons sans doute quasiment autant pour le second versement. cairn paye

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de plus en plus tard : près de 8 mois de retard pour le premier versement semestriel et 4 mois pour le second. Le 15 décembre 2014, le volume double 2014 (284 pages) a été publié, coordonné par Eddy Banaré et Pierre-Yves Le Meur pour le dossier principal (La mise en récit des mines dans le Pacifique). Il contient douze articles dans le dossier, quatre hors dossier, deux miscellanées, quinze comptes rendus d’ouvrage, un In memoriam et les actes habituels de la société. Ce JSO 138-139 est, comme le précédent, intégralement en couleur avec une illustration sur la couverture. Suite à un problème de communication avec l’imprimeur, nous regrettons que le sommaire (4e de couverture) ne corresponde pas au contenu du jso. Plusieurs dossiers sont en cours ou prévus pour les années à venir : - L’intégration régionale dans le Pacifique Sud (JSO 140, 2015-1); - Nouveaux regards sur la chefferie fidjienne (JSO 141, 2015-2) ; - Mise en scène de la culture (JSO 142, 2016-1) ; - Genre, personne et parenté … En 2014, nous avons aussi obtenu une subvention de la MAP (1 900 € HT) pour le prochain dossier sur Fidji, afin de traduire l’introduction en anglais, et effectuer les relectures et corrections nécessaires des articles et résumés en anglais. Pour le volume qui vient de paraître et qui comprend huit articles sur onze en anglais, Pierre-Yves Le Meur a obtenu un financement pour réaliser la traduction en anglais de l’introduction de son dossier. Elle sera donc mise en ligne également en anglais. D’autant plus que depuis cette année, nous avons été sélectionnés par CAIRN pour être sur la version anglaise de leur site, avec une révision des abstracts et la traduction des titres en anglais pour les articles en français. Nous participons pour moitié au coût de cette révision (environ 700 €), l’autre moitié étant pris en charge par le CNL.

Rapport sur les publications

Le manuscrit inédit, publié à titre posthume, de Bernard Juillerat, Le travail du mythe, la construction du héros en Mélanésie (Publications de la Sdo 51) a été imprimé à 100 exemplaires (couverture, mise en page, réalisation des index fait par I. Leblic) et mis en ligne sur OpenEdition en juillet. Il est en vente en version papier (http:// www.oceanistes.org/oceanie/spip.php?article3891) et en version électronique (http:// books.openedition.org/sdo/1213). En mai dernier est paru le deuxième volume de la collection « Petit dossier » nouvelle formule : Tatouages d’Océanie. Rites, techniques et images de Sébastien Galliot (qui devait être tiré à 1 000 exemplaires, mais en fait imprimé par Paillart à 500 exemplaires), également mis en ligne sur Openédition. Il est en vente en version papier (http://www.oceanistes.org/oceanie/spip.php?article3891) et en version électronique (http://books.openedition.org/sdo/1185?lang=fr). Ces volumes sont donc nos deux premières publications numériques et papier en même temps. Notre espace éditeur Société des océanistes sur Openédition (http:// books.openedition.org/sdo/), ouvert en décembre 2012, avec la mise en ligne de 19 publications, compte aujourd’hui 31 volumes dans la collections Publications (sur 51 existants au total), les 2 volumes de la collections ‘Travaux et documents océanistes’, 1 dossier nouvelle formule sur les 2 existants, 3 publications ‘Hors série’, soit au total 37

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volumes accessibles sous différents formats (PDF, EPUB, etc.) gratuitement ou à l’achat (d’autres sont à venir). Nous vous encourageons à découvrir et à faire connaître ce nouvel espace éditeur sur lequel nous mettrons en ligne 2 nouvelles publications par an, contrat respecté pour 2014. Le premier état annuel de cet espace éditeur sur openbook (nombre de consultations, ventes) ne nous est pas encore parvenu mais dès réception des éléments, nous établirons un premier bilan. L’ouvrage proposé par Jean-Louis Rallu, Gooday Master Dellegration Condominium N-H, Raghragh Charley, a été mis en lecture, les rapports positifs avec demandes de corrections ont été transmis à l’auteur qui a fait les corrections demandées. Ce sera sans doute le troisième volume de nos collections en ligne (vol. 3 de la collection Travaux et documents océanistes). Nous avons reçu une proposition de publication qui est en cours d’examen : un ouvrage collectif coordonné par Émilie Nollet et Peter Lindenmann. Nous avons aussi en cours de finition le volume 2 de la collection ‘Petites histoires d’Océanie’ par Hélène Guiot et Catherine Bayle qui sera mis sous presse en juin 2015. Et, suivant la décision prise de préparer des publications en lien avec les expositions à venir du musée du quai Branly, nous attendons un Dossier sur les tiki, préparé par Hélène Guiot et Marie-Noëlle Ottino-Garanger. En 2015, nous n’aurons donc aucun mal à mettre en ligne deux nouvelles publications.

Ventes publications

Nous avons commercialisé 310 ouvrages (contre 452 en 2013), notamment en liaison avec le premier salon du livre océanien de Rochefort-slor 2014 (446,20 € dont 100 € de cotisation, desquels il faut déduire 224 € de frais pour le transport). Toutes publications confondues, le montant total de vente s’élève à 5 019 € (contre 6 577 € en 2013), soit une légère baisse largement compensée par les 2 588 € de la vente du DVD n° 1, soit près d’un quart de nos recettes annuelles. À ces 310 ventes papier, il faudra ajouter les revenus d’Openédition, pour un montant total de 2 690,44 € HT. Suivant la décision prise de préparer des publications en lien avec les expositions à venir, nous attendons prochainement un Dossier sur les tiki préparé par Hélène Guiot et Marie-Noëlle Ottino-Garanger.

Ventes DVD

Fin 2013 une nouvelle collection a été inaugurée : les DVD Cinéma des Océanistes. Le premier, Ancêtres kanak à Paris, de Mehdi Lallaoui avec Isabelle Leblic, a été tiré à 300 exemplaires, quasiment tous vendus pendant l’exposition qu’il commentait. Retiré en avril 2014, à 300 exemplaires grâce à l’octroi d’une subvention de la Maison de Nouvelle-Calédonie à Paris, il a suscité l’intérêt. Un n° 2 est en cours de parution, La tête d’Ataï, de Mehdi Lallaoui, déjà projeté dans le cadre de nos séances de cinéma. De plus, nous sommes engagés, en cette fin 2014, dans la production d’un documentaire, Paroles de tapa, d’Hélène Guiot, qui sera le n° 3 de la collection. Cette fois-ci, nous sommes « maître-d’œuvre », et I. Leblic a aidé H. Guiot pour la constitution des dossiers de recherche de subventions. En novembre 2014, la MNC a versé 1 000 € et nous avons fait sur notre comptabilité propre plusieurs avances

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de frais pour l’équipe de tournage en novembre dernier. Voir les subventions en cours dans le chapitre « Budget prévisionnel » ci-après. Les rapports sur les Publications, les DVD et le JSO sont validés à l’unanimité des présents. Magali Mélandri, responsable du cinéma et des conférences, présente ensuite son rapport.

Rapport sur le cinéma et les conférences

En 2014, sept films et trois conférences ont été programmés, la présence de membres de la SdO à la présentation du programme FIFO 2014 ayant permis de récolter plusieurs candidatures pour le cinéma. Si, comme les années précédentes, on constate une fréquentation toujours plus élevée pour le cinéma (30-40 personnes en moyenne) que pour les conférences, on notera le grand succès de la conférence de Teiki Huukena sur le tatouage marquisien, déplacée en salle de cinéma pour accueillir les nombreux auditeurs. De manière générale, très peu de membres de la SdO participent à cette programmation et la fréquentation haute est davantage liée aux réseaux de diffusion de l’intervenant lui-même. La fin d’année a été marquée par la présentation du second DVD produit par la SdO, La tête d’Ataï, de Mehdi Lallaoui. Suite à l’appel à communication clôturé, à l’automne 2014, la programmation des conférences 2015 est achevée.

Programmation 2014

09 janvier 2014 : cinéma – Olivier Rousset : Le Temps Kanak, en présence du réalisateur, débat avec Isabelle Leblic 06 févier 2014 : cinéma – Éric Vandendriessche : Kaninikula, mathématiques aux îles Trobriand, en présence du réalisateur. 13 mars 2014 : conférence – Teiki Huukena. Te Patutiki, le tatouage aux îles Marquises. 03 avril 2014 : cinéma – Éric Beauducel : Une justice entre deux mondes, en présence du réalisateur, débat avec Isabelle Leblic. 15 mai 2014 : conférence – Christine Pauleau : La langue française parlée en Océanie. 12 juin 2014 : cinéma – Thierry Marchado, Julien Clément : Rugby Fa’a Samoa, en présence de l’auteur du documentaire. 18 septembre 2014 : conférence – Marie Durand : Du Nakamal à la maison-cuisine 16 octobre 2014 : cinéma – Olivier Pollet : Canning Paradise, en présence du réalisateur. 14 novembre 2014 : conférence - Marie-Durand : Du nakamal à la maison-cuisine : chronique socio-architecturale de Mere Lava, Vanuatu. 18 décembre 2014 : cinéma - Mehdi Lallaoui : La tête d’Ataï, en présence d’Isabelle Leblic. Magali Mélandri insiste sur la difficulté de plus en plus grande à trouver des films libres de droits. À l’avenir, ceci pose évidemment de nombreux problèmes dont celui de verser dans une exploitation commerciale en contradiction avec nos statuts. Le rapport

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est validé à l’unanimité des présents. Enfin Philippe Peltier présente le rapport de Pascale Bonnemère sur le site internet.

Rapport sur le site internet

Refonte du site

Rien n’a été fait cette année en matière de refonte du site.

Actualisation, annonces d’événements

L’actualisation se fait facilement grâce aux informations reçues par Hélène Guiot, Magali Mélandri et Isabelle Leblic pour la publication des jso et des ouvrages. Il n’y a pas eu de problèmes particuliers cette année.

Vente en ligne des ouvrages et du JSO

Le compte paypal, pour permettre la vente en ligne des ouvrages et numéros du Journal de la Société, est opérationnel et de plus en plus de monde semble y avoir recours. À la fin de l’année 2014, la possibilité de payer la cotisation annuelle de cette façon a été ouverte ainsi que la possibilité pour les institutions de payer leur abonnement au journal directement. Le rapport est validé à l’unanimité des présents. Suivent quelques question et informations générales.

Échange entre les membres présents

Un des présents soulève la question de l’établissement d’un cahier des charges avant de se lancer dans la refonte de ce site. Il suggère que le sujet soit évoqué lors de la prochaine réunion de bureau pour que soit aussi abordé les liaisons avec les réseaux sociaux. Avant de clore la réunion, les questions diverses sont soulevées. Magali Mélandri informe l’assistance de la modification du site internet du musée du quai Branly, site internet dans lequel les sociétés savantes hébergées apparaissaient jusqu’alors. Il faudra veiller à ce que ce soit toujours le cas dans le nouveau site. Dans le cadre du COP 21 (conférence sur le changement climatique, Paris, 30 novembre-11décembre 2015), la Société des Océanistes pourrait programmer une conférence ou une projection en lien avec ce thème crucial dans le Pacifique. Enfin, le secrétaire général informe l’assemblée que le musée projette de réorganiser l’espace dans lequel les sociétés savantes sont installées. Pour l’instant, nous n’avons pas beaucoup de renseignements, mais nous avons demandé qu’une réunion d’information ait lieu entre les représentants des sociétés et le département de la recherche. Ce réaménagement aura peut-être une répercussion sur les unités de rangements. Afin de ne pas nous laisser surprendre, il faut relancer le chantier de classement des archives dans les mois qui viennent. Ce classement est indispensable avant leur dépôt

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au service des archives du musée, étant bien entendu que le statut de nos archives resterait celui d’archives privées. L’ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 16h45.

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Cinéma des Océanistes et Conférences de la SdO

18 juin 2015 : cinéma*

Damien Faure : West Papua (2002, 52 mn, Kimsa Films), en présence du réalisateur et de Philippe Pataud-Célérier, auteur, journaliste En Papouasie Occidentale sévit depuis quarante ans une guerre oubliée des médias. Le peuple papou lutte pour sa survie face aux militaires indonésiens.

17 septembre 2015 : conférence*

Aurélie Condevaux (EIREST, université François Rabelais, Tours) : La démocratie tongienne au prisme du « patrimoine » En 2008, le royaume tongien fut porté sur le devant de la scène internationale par l'inscription du lakalaka – forme de poésie chantée et dansée étroitement liée à la structure sociale hiérarchique tongienne– sur la liste du Patrimoine Culturel Immatériel de l'humanité de l'UNESCO. Tonga devint ainsi l'une des rares nations du Pacifique (avec le Japon et les Philippines) à être représentée sur cette liste. Cette communication propose d'examiner comment l'approche anthropologique du processus de « mise en patrimoine » du lakalaka peut nous renseigner sur les dynamiques ayant trait à la structure hiérarchique tongienne et au processus de démocratisation.

15 octobre 2015 : cinéma*

Hélène Guiot : Paroles de tapa (2015, 52 mn, Société des Océanistes), en présence de la réalisatrice et d'Isabelle Leblic Au rythme des battoirs, les tapa d’Océanie prennent vie. Paroles, regards, gestes… participent de cette création, nourrissent l'immatérialité et donnent sens à ces étoffes.

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Tourné à l’occasion du premier festival des tapa d’Océanie, le documentaire Paroles de tapa se fait l’écho des savoir-faire et de la vitalité de ce patrimoine ancestral.

19 novembre 2015 : conférence*

Sandhya Patel (Université Blaise Pascal, Clermont Ferrand) : Le voyage d'Étienne Marchand (1790-1792). Archéologie du récit de voyage et la construction des Autres océaniens Étienne Marchand, capitaine du Solide, a fait le tour du monde entre 1790-1792. Son voyage était dédié au négoce de peaux, financé par la Maison de Baux de Marseille. Le récit de ce voyage est resté inédit jusqu’en 2005, quand Odile Gannier publie Le voyage du Solide autour du Monde (éditions CTHS). Sa relation de voyage peut en partie être lue comme un palimpseste. La juxtaposition et l’appropriation de textes antérieurs pour créer un nouvel état de la question sont telles que, suite à l’identification de ses sources, l’auteur semble s’effacer. En mettant à jour ces niveaux d’emprunts, et en partant à la recherche du motif textuel d’origine, la complexité de la représentation, stratifiée donc, de l’Autre océanien, se vérifie.

17 décembre 2015 : cinéma*

Programmation en cours

Appel pour les Conférences et le Cinéma de la SdO (année 2016)

La Société des Océanistes au musée du quai Branly poursuit en 2015 le cycle de conférences et de projections de film consacrées au monde océanien. Dédiées à la diffusion des connaissances sur le Pacifique, ces conférences et séances de cinéma abordent les thèmes les plus divers (littérature, anthropologie, sciences du vivant, arts…). Chaque conférence et séance de cinéma, d’une durée d’une heure, est suivie d’échanges et de discussions pour une seconde heure. Ce programme se déroule le jeudi, une fois par mois, dans la salle de cinéma du musée du quai Branly, de 18h à 20h. Si vous souhaitez présenter une communication ou un film, merci de nous envoyer une proposition comprenant vos noms et adresse email, le titre et le résumé de votre papier (500 mots maximum) ou le film à l’adresse suivante : [email protected] et/ou [email protected].

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NOTES

*. Les séances de cinéma ont lieu dans la salle de cinéma et les conférences dans l'atelier 1, au musée du quai Branly de 18 h à 20 h (entrée libre dans la mesure des places disponibles).

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liste des ouvrages reçus [La liste précédente est incluse dans le numéro 138-139]

2015

BOULAY Roger. Casse-tête et massues kanak, Igé, Éditions de L'Étrave, 63 p., bibliogr., très nombreuses ill. couleur et noir et blanc (CR dans ce numéro).

2014

CAMUS Guigone. Tabiteuea, Kiribati, Paris, Fondation culturelle Barbier-Mueller, Hazan, 184 p., bibliogr., aide-mémoire, 152 ill. couleur, 7 cartes (CR dans ce numéro). Flubacher Christophe (éd.), 2014. Surréalisme et arts primitifs. Un air de famille, Lens Crans-Montana et Ostfildern, Fondation Pierre Arnaud et Hatje Cantz Verlag. 334 p., bibliogr., 200 repro. en pleine page et nombr. ill. dans le texte (CR dans le numéro 138-139). GROS DE BELER Aude (éd.). Tatoueurs, tatoués, catalogue de l'exposition du MQB, Paris - Arles, musée du quai Branly - actes Sud, 304 p., bibliogr., liste des œuvres exposées, nombreuses ill. couleur. Laurière Christine. L’odyssée pascuane. Mission Métraux-Lavachery, île de Pâques (1934 -1935), Les carnets de Bérose 3, Lahic / ministère de la Culture et de la Communication - Direction générale des patrimoines, 198 p., bibliogr., 35 ill., 23 documents reproduits (CR dans ce numéro). LINDERMANN Peter. L'État au pays des merveilles, Bern, Peter Lang, 642 p., bibliogr.

NOLET Émilie. Le cadet à la peau rouge. Pouvoir et parenté dans l'archipel des Tuamotu, Paris, CTHS, Le regard de l'ethnologue 29, 256 p., bibliogr., glossaire, ill.

RAGACHE Gilles. L'Outre Mer français pendant la guerre (1939-1945), Paris, Economica, coll. Campagnes et stratégies, 226 p., bibliogr., carte, ill. SIMÉONI Patricia et Vincent LEBOT. Buveurs de kava, Port Vila, éditions Géoconsulte, 361 p., bibliogr., 77 cartes et figures, 415 photos couleur (CR dans le numéro 138-139).

Journal de la Société des Océanistes, 140 | janvier-juin 2015 313

SORIANO Éric. La fin des Indigènes en Nouvelle-Calédonie. Le colonial à l'épreuve du politique. 1946-1976, Paris, Karthala - MSH, Karapaa Mémoire et actualité du Pacifique 4, 302 p., bibliogr., sources, 1 carte.

2013

Barbe Dominique, Michel Pérez et René Zimmer (éds). Objets d’art et art de l’objet en Océanie, actes du xxie colloque Corail, Paris, L’Harmattan, 246 p., une vingtaine d’illustrations noir et blanc (CR dans le numéro 138-139). Bringreve Francine and David J. Stuart-Fox (eds). Living with Indonesian Art. The Frits Liefkes Collection, Rijksmuseum Volkenkunde « Collection Series », Amsterdam, kit Publishers, 336 pages, bibliographie, carte, 337 ill. noir et blanc et couleu (CR dans ce numéro). Bolton Lissant, Nicholas Thomas, Elizabeth Bonshek, Julie Adams and Ben Burt (eds). Melanesia. Art and Encounter, The British Museum Press, 384 p., bibliogr., index, appendice, 306 ill. en couleur, cartes (CR dans le numéro 138-139). Boulay Roger et Emmanuel Kasarhérou (éds), 2013. Kanak. L’art est une parole, Paris- Arles, musée du quai Branly-Actes Sud, 340 p., carte, bibliogr., index, très nombreuses illustrations noir et blanc et couleur (CR dans le numéro 138-139). COMITÉ FRANÇAIS DE L'UICN [coord. O. GARGOMINY et A BOCQUET]. Biodiversité d’Outre-mer, Paris, UICN-France / Beaumont-de-Lomagne, Éditions Roger Le Guen - PANACOCO, 360 p., index des noms scientifiques, nombreuses ill. couleur. Conru Kevin (éd.). Art de l’archipel Bismarck, textes de Klaus-Jochen Krüger, Bart Van Bussel, K. Conru, Ingrid Heermann, photographies d’Hughes Dubois, Milan, éditions 5 Continents, 328 p., bibliogr., carte, très nombreuses illustrations noir et blanc et couleur (CR dans le numéro 138-139). Dagen Philippe et Maureen Murphy (éds). Charles Ratton. L’invention des arts « primitifs », Paris, Skira-Flammarion-Musée du quai Branly, 184 p., bibliogr., nombr. ill. couleur (CR dans le numéro 138-139). DE MONBRISON Constance et Corazon S. Alvina (éds). Philippines, archipel des échanges, Paris, Musée du quai Branly-Actes Sud, 370 p., bibliogr., cartes, 242 ill. en couleur (CR dans le numéro 136-137). DUSSY Dorothée et Éric WITTERSHEIM (éds). Villes invisibles , Anthropologie urbaine du Pacifique, Paris, L'Harmattan, Cahiers du Pacifique sud contemporain 7, 288 p. bibliogr. après chaque chap. GIBSON Lorraine. We Don’t Do Dots. Aboriginal Art and Culture in Wilcannia, New South Wales, Canon Pyon, Sean Kingston Publishing, 294 p., bibliogr., index, 51 ill. couleur dans le texte (CR dans le numéro 136-137). Herle Anita and Lucie Carreau (eds). Chiefs and Governors. Art and Power in Fiji, Cambridge, Museum of Archaeology and Anthropology, v-131 p., bibliogr., cartes, très nombreuses ill. noir et blanc et couleur (CR dans le numéro 138-139). Howarth Crispin. Kastom. Art of Vanuatu, contributions de Kirk Huffman et Lisa McDonald, Canberra, National Gallery of Australia, 120 p., carte, bibliogr., très nombreuses ill. en couleu (CR dans ce numéro).

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Kaufmann Christian and Oliver Wick (eds). Nukuoro. Sculptures from Micronesia, Riehen- Munich, Fondation Beyeler-Hirmer Verlag. 280 p., cartes, index, bibliogr., très nombreuses illustrations en couleur (CR dans le numéro 138-139). MONTET Christian et Florent VENAYRE. La concurrence à Tahiti. Une utopie ?, Pirae, Au vent des îles, 310 p., bibliogr., graph. et tab. SAURA Bruno. Mythes et usages des mythes, Autochtonie et ideologie de la terre Mère en Polynésie, Louvain, Peeters, 293 p., cartes. Statham Nigel (ed.). A History of Tonga as recorded by Rev. John Thomas, published by permission of the family of John Thomas and the Methodist Church in Britain, Seoul, The Bible Society in Korea [Gwynneville, New South Wales, Nigel Statham], 442 p., appendices, bibliogr., index des noms propres, CD reproduisant « The Unadjusted Text of A History of Tonga (CR dans ce numéro). 2012 ANDERSON Atholl and Douglas J. KENNETT (eds). Taking the High Ground. The Archaeology of Rapa, a Fortified Island in Remote East Polynesia, Canberra, anu E Press, Terra Australis 37, 288 p., bibliogr., annexes, cartes, schémas, nombreuses ill. noir et blanc et couleur dans le texte (CR dans le numéro 136-137).

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SAURA Bruno, Des Tahitiens, des Français. Leurs représentations réciproques aujourd’hui, Papeete, Au vent des îles, rééd. augmentée de celle de 1998, 145 p., bibliogr. (CR dans le numéro 136-137). WEBB Virginia-Lee (ed.). Ancestors of the Lake. Art of Lake Sentani and Humboldt Bay, New Guinea, Houston, Menil Foundation. 136 pages, bibliogr., carte, index, 48 planches, 41 figures dans le texte (CR dans le numéro 133).

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